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LE MODELE LUDIQUE
Le jeu, l'enfant ayant une déficience physique
et l'ergothérapie
TROISIÈME ÉDITION
Ferland, Francine
Le modèle ludique : le jeu, l'enfant ayant une déficience physique et l'ergothérapie
3e édition
(Paramètres)
ISBN 2-7606-1869-2
1. Ludothérapie.
2. Ergothérapie pour enfants.
3. Enfants handicapés — Réadaptation.
4. Jeu chez l'enfant.
I. Titre.
II. Collection.
Les Presses de l'Université de Montréal remercient également le Conseil des Arts du Canada et la
Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).
Imprimé au Canada
A tous les enfants différents des autres qui ont du mal
à trouver leur place dans la vie
Le modèle ludique, qui a paru pour la première fois en 1994, en est aujour-
d'hui à sa troisième édition. Merci aux ergothérapeutes, aux professeurs et
aux étudiants en ergothérapie de l'avoir aussi bien accueilli !
La décision de procéder à une révision du modèle plutôt qu'à une simple
réimpression de l'ouvrage s'est imposée pour différentes raisons, entre autres
le dynamisme des recherches dont il a fait l'objet et le foisonnement de nou-
veaux écrits consacrés au rôle du jeu en ergothérapie.
En effet, depuis l'édition de 1998, plusieurs études ont porté tant sur les
instruments d'évaluation, sur la validation du cadre conceptuel que sur l'effi-
cacité du modèle ludique. Par ailleurs, deux nouveaux ouvrages s'inspirant de
cette philosophie ont été publiés. Le premier1 s'adresse aux parents d'enfants
qui présentent une déficience physique ou intellectuelle ; il a pour objet de les
aider à découvrir leur enfant au-delà de ses limitations et à expérimenter du
plaisir au quotidien avec lui. Le deuxième2 est destiné à tous les parents
d'enfants d'âge préscolaire et il vise à leur faire voir la richesse extraordinaire
du jeu dans la vie de leur enfant. Ces deux ouvrages viendront enrichir, d'une
part, le chapitre concernant le travail avec les parents (chapitre 6) et, d'autre
part, celui qui porte sur le jeu de l'enfant (chapitre 1).
Remerciements
Au cours des neuf dernières années, nombreuses furent les personnes qui
stimulèrent ma réflexion et qui permirent au modèle ludique de conserver
son dynamisme des premières heures.
J'offre donc mes remerciements les plus chaleureux :
• aux ergothérapeutes qui ont témoigné suffisamment d'intérêt pour le
modèle ludique pour entreprendre des études supérieures sous ma direc-
tion : Linda Simard, Mylène Dufour, Véronique Masse, Julie Messier,
Paillette Guitard et Marie-Noëlle Simard ;
• aux ergothérapeutes qui ont suivi des sessions de formation consacrées
au modèle ludique — que ce soit au Québec, en France, en Suisse, en
Belgique ou en Argentine — et dont les questions et commentaires ont
enrichi la présente édition;
• aux ergothérapeutes qui, dès le début, m'ont témoigné leur confiance et
m'ont accordé leur appui et encouragement : Johanne Delisle, Adèle
Morazain-Ledoux, Nathalie Valois, Micheline Saint-Jean.
Enfin, la présente édition n'aurait pas vu le jour sans la patience et le
soutien inconditionnel de mon époux.
INTRODUCTION
RÉFÉRENCES
i. Pour des informations plus complètes sur le jeu chez l'enfant normal, le lecteur est
invité à lire Ferland, F. (2002). Et si on jouait? Le jeu de la naissance à six ans.
Montréal : Éditions de l'Hôpital Sainte-Justine.
LE JEU ET L ENFANT * 17
Jeu et plaisir
Jeu et découverte
Jouer, c'est aussi maîtriser la réalité. En effet, dans son jeu l'enfant jette un
pont entre le familier et l'inconnu : il apprivoise graduellement la réalité.
Erikson écrit : « Le jeu de l'enfant est la forme infantile de la capacité
humaine d'expérimenter en créant des situations-modèles et de maîtriser
la réalité en expérimentant et en prévoyant» (1982, p. 149).
En jouant, l'enfant comprend qu'il peut influer sur son environnement
(Missuana et Pollock, 1991). Seul maître à bord, il a le pouvoir de décider : il
est autosuffisant. L'enfant expérimente alors un sentiment de maîtrise
(Bundy, 1993 î Lewis, 1993).
N'ayant pas de procédure propre ni de règles rigides à suivre, chacune
de ses tentatives de jeu est valable. L'enfant peut décider de faire tomber la
tour de cubes, de faire dormir la poupée, de recommencer sans fin le même
casse-tête : il choisit lui-même le thème de sa conduite ludique et oriente le
déroulement de son jeu. Il décide également du début et de la fin. Il est le
maître d'œuvre de son jeu, dont il n'attend aucun résultat précis ; à vrai dire,
ce qui fait le jeu, c'est le processus, non le résultat (Bundy, 1997; Wood, 1997).
L'enfant peut prendre des initiatives hasardeuses, prendre même le risque
d'échouer puisque ce n'est qu'un jeu. En jouant, l'enfant apprend également
à solutionner les problèmes au fur et à mesure qu'ils surgissent.
L'initiative de l'action étant laissée tout entière à l'enfant, le jeu influe sur
son estime de soi (Lewis, 1993).
LE JEU ET L ENFANT * ig
Jeu et créativité
Jeu et expression
Même sans utiliser les mots, l'enfant peut communiquer ses sentiments,
tant positifs que négatifs. Jeter un objet par terre, sourire à un personnage,
déchirer un dessin, présenter un objet à un partenaire, provoquer un acci-
dent, voilà autant de gestes que l'enfant peut utiliser pour communiquer ce
qu'il ressent. Le jeu est en quelque sorte le langage primaire de l'enfant ou,
comme le fait remarquer Herzog (1990), le langage de l'action. Si l'enfant, par
son jeu, parle à l'autre et lui parle de lui (Soulayrol et Catheline-Antipoff,
1984), il nous parle aussi de l'autre.
On a vu quelles sont les grandes fonctions du jeu. Mais que stimule et solli-
cite le jeu chez l'enfant? Pour répondre à cette question, nous utiliserons un
outil de travail fondamental en ergothérapie, soit l'analyse d'activité.
Imaginons deux enfants qui jouent avec une étable, des animaux, des
personnages et un tracteur. Voyons ce qui se passe lorsque les enfants mani-
pulent ces objets et leur donnent vie2.
FIGURE 1
Maîtrise Initiative
Estime de soi
Expression Communication
des sentiments
de l'autre, d'attendre leur tour pour manipuler l'unique tracteur. Ils devront
donc développer leurs habiletés de relation à l'autre pour que le jeu soit
agréable. Ensemble, ils pourront aussi collaborer à l'élaboration d'une his-
toire ou d'un scénario de jeu où chacun tiendra un rôle précis.
Cette activité de jeu permet donc aussi à l'enfant d'entrer en rapport avec
les autres.
Cette analyse démontre clairement qu'observer un enfant au jeu permet
de savoir quelles sont ses habiletés dans les différentes sphères de son déve-
loppement. De fait, le jeu témoigne de ce qu'est l'enfant. L'enfant qui joue a
recours à ses habiletés et attributs propres, qui influent sur sa façon de jouer
et qui sont, à leur tour, stimulés et modifiés par l'expérience de jeu. Voilà
pourquoi plus l'enfant joue, plus il devient habile.
Voyons maintenant comment se développe le jeu chez l'enfant. Quelles
sont les conditions préalables à l'apparition du jeu, les grandes étapes et
caractéristiques du comportement ludique en cours de développement?
Pour que l'enfant puisse jouer, certaines conditions doivent être remplies ;
entre autres, il faut que ses besoins fondamentaux soient satisfaits. En effet,
il est peu probable qu'un enfant soit disposé à jouer s'il n'a pas mangé ou
dormi, ou encore s'il se sent anxieux ou craintif. Si l'on se réfère à la hiérar-
chie des besoins de Maslow (1979), les besoins physiologiques, de sécurité et
d'amour doivent d'abord être satisfaits pour que l'enfant ait envie de décou-
vrir et d'explorer et qu'il soit en mesure de satisfaire ses besoins d'estime et
ses besoins cognitifs.
Par ailleurs, il convient de distinguer l'activité exploratoire du compor-
tement ludique, tel que l'illustre le tableau i.
TABLEAU 1
Préalables au comportement ludique
Créativité
vir de ces connaissances pour développer un répertoire de jeu qui lui soit
propre. L'attention sélective, le contact et la manipulation représentent donc
des étapes préalables au développement d'un comportement ludique.
Pour d'autres auteurs, c'est la curiosité qui pousse l'enfant à explorer les
objets et l'environnement (Cecil, Gray, Thornburg et Ipsa, 1985). La curio-
sité, c'est-à-dire l'état d'éveil, l'intérêt initial, incite l'enfant à scruter active-
ment les objets et à en découvrir les possibilités. Par la suite, fort de ces
connaissances, il peut mettre en place son jeu et créer divers scénarios.
Ellis (1973), quant à lui, a présenté le jeu comme une réponse de l'orga-
nisme à son besoin de maintenir cet éveil et cet intérêt, et de les porter à un
niveau optimal. Cependant, ainsi que nous l'avons indiqué plus haut, la
nouveauté, l'incertitude et le défi que représente une situation ou un objet
doivent être présents pour véritablement stimuler cet état d'éveil. Sans ces
éléments, l'intérêt ne saurait être suscité et encore moins maintenu.
Il semble donc que l'attention, la curiosité, l'exploration sont des condi-
tions essentielles à l'apparition de comportements de jeu et que des élé-
ments tels que nouveauté, incertitude et défi sont indispensables au maintien
de ces comportements.
TABLEAU 2
Développement séquentiel du jeu
naissance
Jeu autocosmique
1an
Jeu symbolique
2 ans Jeu parallèle
Sans
7 ans Accomplissement
1. Piaget, 1976; 2. Erikson, 1982; 3. Reilly, 1974; 4. Cesell, dans Knobloch et Pasamanick, 1974.
TABLEAU 3
Comportements de jeu observables chez l'enfant d'âge préscolaire
INTÉRÊT
ÂGE ET COMPORTEMENTS DE JEU TYPES DE JEU/JOUETS
1 8 mois - 3 ans Répéter, explorer+*, imiter* , Jeu de cubes, ballon, tricycle, jeu
le grand acquérir le sens de la d'encastrement, instrument de musi-
explorateur propriété, faire semblant, que, papier et crayons de cire, pâte à
être avec d'autres enfants, modeler, casse-tête, tableau noir,
commencer à partager, à jouets à chevaucher, jeux extérieurs
s'affirmer (balançoire, glissoire), matériel servant
à imiter et à faire semblant (téléphone,
poupée, camion, établi de menuisier)
p. 149), qui jettera les bases de la première orientation du moi dans le monde.
Il est également fasciné par les représentations graphiques d'un visage.
Diverses stimulations, apportées tant par les objets que par les personnes,
suscitent son intérêt : stimulations auditives (jouets musicaux, conversa-
tions, musique, chansons), visuelles (mobiles, mouvements des personnes
autour de lui), tactiles (eau, jouets en bois, en matière plastique, en peluche),
vestibulaires (bercement, déplacement dans les bras de l'adulte).
Son premier contact avec les objets est d'abord visuel : il les regarde. Puis
l'enfant développe suffisamment de coordination œil-main pour pouvoir,
28 » LE MODÈLE LUDIQUE
vers quatre mois, se saisir volontairement des objets. Au cours des mois sub-
séquents, le raffinement de sa préhension lui permet de saisir des objets de
différentes formes : carrée, ronde, cylindrique. En plus de la vue et des mains,
l'enfant utilise également la bouche pour découvrir les propriétés des objets;
en effet, vers six mois, l'enfant porte fréquemment les objets à sa bouche. À
travers ses tentatives pour mordre les objets, il découvre s'ils sont résistants
ou non, doux ou rugueux. Cette exploration active des objets lui apprend
quelles en sont les propriétés.
Tout au long de sa première année, ses habiletés de motricité fine se raf-
finent pour l'amener, vers l'âge d'un an, à pouvoir saisir de tout petits objets
entre le pouce et l'index, une bille par exemple. Il pourra également tourner
les pages d'un livre cartonné.
Pendant ses dix-huit premiers mois, on verra l'enfant répéter souvent les
mêmes activités ; chaque répétition lui permet de découvrir de nouvelles
caractéristiques aux objets et de nouvelles possibilités d'action. C'est le jeu
d'exercice par lequel il apprend comment fonctionnent les objets. Cet
apprentissage se fait par essais et erreurs et il faut compter avec des initiatives
moins heureuses à l'occasion.
Son exploration progressive de l'espace au cours de la première année est
également notable ; après avoir fait l'extraordinaire découverte de son corps
pendant les premiers mois et compte tenu de la maturation progressive de
son organisme, l'enfant s'intéresse de plus en plus aux changements de posi-
tion (il passe du ventre au dos et vice versa, il se couche puis il s'assoit) ;
enfin, il se déplace (en rampant, à quatre pattes, debout). Ses activités de
motricité globale l'amènent à découvrir tant son environnement sous dif-
férents angles (sur le dos, sur le ventre, en position assise, debout) que le
plaisir procuré par son corps en action. Cette expérience de l'espace, et sur-
tout de son corps en mouvement, lui permet de découvrir des possibilités
jusque-là insoupçonnées. Dorénavant, il ne dépend plus exclusivement de
son entourage pour satisfaire sa curiosité ou ses désirs ; il a des capacités
motrices qui, ajoutées à sa nouvelle connaissance du monde, lui permettent
de se déplacer et de se mouvoir dans son environnement. Ces nouvelles
habiletés exigent une surveillance étroite du «terrain de jeu» de l'enfant.
Parmi ses importantes découvertes se retrouve celle de pouvoir agir sur
son environnement, d'influer sur son environnement : au cours de sa première
LE JEU ET L ENFANT * 2g
De dix-huit mois à trois ans : le grand explorateur. L'enfant de cet âge est
curieux d'aller à la découverte de son environnement et d'y tenter des expé-
riences. Il manifeste un désir d'indépendance dont témoigne l'utilisation
fréquente du « non » et du «je suis capable ». Cette période, celle de ses deux
ans, est d'ailleurs comparée par Dodson (1972) à une première adolescence.
Sa connaissance du monde s'élargit et il s'intéresse à son environnement
immédiat (parents, fratrie). Conscient de la présence d'un autre enfant, il
l'observe, mais au début de cette période il n'est pas prêt à véritablement
partager une activité de jeu avec lui ni à collaborer à un projet commun ;
c'est l'époque du jeu parallèle. Ce jeu mené à côté de l'autre lui permet
d'observer ce que font les autres enfants, comment ils jouent, comment les
3O * LE MODÈLE LUDIQUE
De trois à six ans : l'âge du jeu par excellence. Les habiletés motrices de
l'enfant s'améliorent; son geste devient plus sûr et plus précis, et son corps,
mieux maîtrisé. C'est alors qu'il apprend à se servir d'un tricycle, puis d'une
LE JEU ET L ENFANT * 3!
service de vaisselle, de petites autos... De même, il sera attiré par les héros et
les personnes portant un uniforme : infirmière, pompier, soldat, hôtesse de
l'air.
Vers la fin de cette période, il prend plaisir à reproduire dans ses jeux des
règles semblables à celles qui régissent le monde adulte : jeux de société, jeu
de cachette avec règles précises. L'intérêt pour l'action en soi diminue alors;
il s'intéresse de plus en plus au résultat de son activité et la réussite lui
apporte de la satisfaction. Il peut dorénavant mettre ses compétences à
contribution pour accomplir des tâches avec succès.
Comme le jeu occupe une si grande place dans la vie de l'enfant et qu'il influe
à ce point sur son développement, il n'est pas étonnant que le ministère de la
Famille et de l'Enfance du Québec ait retenu pour les centres de la petite
enfance un programme éducatif favorisant le développement global des
enfants, programme appelé « Jouer, c'est magique ». On y considère que le jeu
« constitue un moyen privilégié d'interaction et d'évolution pour l'enfant. Il
est un puissant levier d'apprentissage avec lequel l'enfant acquiert des connais-
sances tout en développant ses capacités à raisonner, créer et résoudre les pro-
blèmes. [... ] Jouer, c'est une expérience essentiellement agréable à travers
laquelle l'enfant se développe globalement» (Gariépy, 1998, p. 6).
« Jouer, c'est magique » s'inspire d'un programme américain qui a fait
l'objet d'une étude longitudinale rigoureuse. Cette étude a démontré que
les enfants qui avaient participé à ce projet ont obtenu par la suite de
meilleurs résultats scolaires durant les premières années du primaire et qu'ils
ont bénéficié d'un développement plus positif de l'estime de soi. L'évaluation
en sol québécois est actuellement en cours et les données préliminaires lais-
sent présager des résultats tout aussi prometteurs.
II peut paraître étonnant qu'en dépit des nombreuses recherches sur le jeu
la définition même de ce phénomène n'ait pas encore fait l'unanimité chez
les chercheurs. Conceptualiser le jeu à travers une définition qui le délimite
et le concrétise s'avère périlleux. Universel, ce phénomène est connu de tous,
LE JEU ET L ENFANT * 33
mais dès qu'on tente de le cerner avec des mots ou d'en donner une expli-
cation théorique, on le dénature : ce qu'on arrive à expliquer n'est déjà plus
le jeu. Chance écrit : « Le jeu, c'est comme l'amour ; tout le monde sait ce que
c'est, mais personne ne peut le définir» (1979, p. i).
Prenons le cas de deux enfants engagés dans une même activité de jeu,
par exemple dans un carré de sable. Ils posent tous deux les mêmes gestes,
remplissant de sable un seau, traçant des chemins avec une petite auto, faisant
disparaître leurs mains dans le sable pour les faire réapparaître. À l'observa-
tion, on pourrait conclure que ces deux enfants jouent puisqu'ils s'adonnent
librement à une activité, sans but imposé, utilisant du matériel de jeu.
Pourtant, il est possible que l'un de ces enfants n'ait pas du tout l'impression
de jouer, qu'il n'éprouve aucun plaisir. L'action seule ne saurait par consé-
quent définir le jeu, pas plus d'ailleurs que la seule présence de matériel de jeu.
« II n'y a pas de matériel qui soit en lui-même et par lui-même ludique...
ce qui fait le "jouet", c'est le jeu du joueur» (Henriot, 1989, p. 100). louer
implique, au-delà des gestes et du matériel, un état d'esprit particulier, une
prédisposition interne. On se rapproche alors de l'essence du jeu qui procède,
selon Chandler (1997), du cœur, du corps et de l'esprit du joueur. Le jeu ne
se ramène donc pas à un comportement, mais bien davantage à une atti-
tude subjective (Henriot, 1976). Cette conception est d'ailleurs celle de
Parham et Fazio, qui définissent le jeu comme « une attitude ou un mode
d'expérience qui implique une motivation intrinsèque » (Parham et Fazio,
1997» P- 251). Pour Bundy (1993), sans attitude ludique (playfulness), toute
activité, même de jeu, devient travail.
Ainsi, l'observateur, n'étant témoin que de ce que fait l'enfant et de la
présence du matériel de jeu, ne peut que présumer qu'il joue puisque le seul
à le savoir, c'est l'enfant lui-même.
On peut alors imaginer, à l'inverse de l'exemple précédent, un enfant qui
s'adonne à une activité paraissant à un observateur répétitive et ennuyeuse;
l'expression faciale de l'enfant peut témoigner davantage d'un effort déployé
que d'un plaisir ressenti. On en conclurait que ce n'est pas du jeu, alors que
l'enfant, lui, pourrait parler de cette activité comme d'un jeu.
Jouer ne saurait donc être défini exclusivement par le faire, mais doit aussi
englober Y être, soit l'attitude qui sous-tend l'action. Mais qu'est-ce qu'une
attitude ludique ? Différents éléments la caractérisent. Selon Lieberman
34 * LE MODÈLE LUDIQUE
Le jeu est une attitude subjective où plaisir, curiosité, sens de l'humour et spon-
tanéité se côtoient; cette attitude se traduit par une conduite choisie librement
et dont on n'attend aucun rendement spécifique.
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LE JEU ET L ENFANT * JJ
Alors qu'il est difficile de parcourir l'ensemble des recherches menées sur le
jeu de l'enfant normal, en raison de la multitude et de la variété de ces études,
celles qui concernent l'enfant ayant une déficience physique sont, à l'inverse,
peu nombreuses. Notre connaissance en est donc lacunaire. Pourquoi la
communauté scientifique manifeste-t-elle si peu d'intérêt pour ce sujet?
Est-ce parce que le jeu est peu valorisé, que chez ces enfants les besoins par-
ticuliers l'emportent sur les autres? C'est bien possible.
Lorsque Le modèle ludique parut pour la première fois, en 1994, très peu
de recherches en ergothérapie avaient tenté de cerner la dynamique et les carac-
téristiques particulières du jeu chez l'enfant ayant une déficience physique.
Les écrits portant sur le jeu y étaient (et sont toujours) fort nombreux, mais ils
étaient davantage axés sur son utilisation clinique ou sur la philosophie à
LE JEU ET L'ENFANT AYANT UNE DÉFICIENCE PHYSIQUE * 41
laquelle elle renvoie, comme nous le verrons au chapitre suivant. Depuis 1994,
toutefois, quelques chercheurs en ergothérapie ont tenté de mieux comprendre
ce phénomène et c'est heureux car, si l'on veut intervenir grâce au jeu auprès
de l'enfant aux prises avec des incapacités physiques, il apparaît essentiel de
savoir au départ ce qui le caractérise.
Les premières études consacrées à ce sujet ont cerné des lacunes dans le
jeu de cet enfant. Ainsi, en 1973, Gralewicz précisait que, durant la période
préscolaire, l'enfant ayant une déficience physique joue moins que l'enfant
normal parce que son temps est monopolisé par les thérapies et qu'il a moins
de partenaires de jeu. Également, il est plus dépendant des partenaires adultes
pour commencer à jouer, et ce pendant plus longtemps (Newson et Hipgrave,
1982; Rubin, Fein et Vandenberg, 1983).
Par ailleurs, diverses entraves au jeu libre de cet enfant ont été repérées :
entraves physiques, parentales, environnementales et sociales (Missuana et
Pollock, 1991). Outre les difficultés physiques de l'enfant, qui restreignent
ses expériences concrètes d'exploration et de manipulation, l'inquiétude des
parents à propos des accidents ou de la fatigue risque également de limiter
les occasions de jouer. De plus, les obstacles architecturaux, que ce soit dans
les parcs ou autres lieux publics, limitent également les possibilités de jeu
dans ces endroits fréquentés par les autres enfants. On peut craindre, comme
les auteurs qui ont fait l'inventaire de ces entraves (Missuana et Pollock,
1991), que celles-ci provoquent l'émergence d'un handicap secondaire s'ajou-
tant à la limitation initiale.
Selon Vedeler (1986), la séquence du jeu chez ces enfants serait la même
que celle qu'on trouve chez les autres enfants. Les résultats de Gowen et de
ses collaborateurs (1992) abondent dans ce sens : deux groupes d'enfants,
âgés de 6 à 27 mois, les uns normaux et les autres ayant une déficience (syn-
drome de Down, paralysie cérébrale, spina bifida, retard de développement),
ont présenté la même séquence de développement dans les comportements
de jeu avec les objets.
Vedeler considère toutefois que la façon de jouer et le type de jeu de ces
enfants pourraient être fort différents de ceux des enfants normaux. Quoique
la recherche actuelle ne permette pas de connaître avec certitude l'ensemble de
ces différences, certains éléments ont été précisés. Ainsi, dans une étude explo-
ratoire menée auprès d'enfants ayant une déficience physique et âgés de trois
42 * LE MODÈLE LUDIQUE
à cinq ans, Simard, Ferland et O'Neill Gilbert (1994) retrouvent bel et bien
dans leur jeu un développement séquentiel comparable à celui de l'enfant nor-
mal, mais présentant les caractéristiques particulières suivantes : l'apparition
tardive de l'imitation et un intérêt plus marqué pour les histoires.
Par ailleurs, on constate que les intérêts de cet enfant en matière de jeu
dépendent davantage de sa personnalité que de la gravité de sa déficience, tout
comme certains traits de son attitude ludique d'ailleurs : sens de l'humour,
spontanéité, expression du plaisir (Dufour, Ferland et Gosselin, 1998).
Une autre étude (Rome-Flanders et Ferland, 1997; Ferland, 1997) arrive à
des résultats similaires. En comparant les intérêts de jeu chez 30 enfants ayant
une déficience physique (principalement une infirmité motrice d'origine
cérébrale, ou IMOC) et chez 20 enfants normaux, de nombreuses similarités
entre ces deux groupes d'enfants ont été observées : selon les mères, tous ces
enfants avaient un intérêt marqué pour les contacts physiques, les situations
amusantes, les histoires, les livres d'images, les animaux. Par contre, compa-
rativement aux enfants normaux, ceux présentant une IMOC s'intéressaient
plus aux activités sensorielles et aux enfants de leur âge, ceux-ci étant leurs
partenaires de jeu préférés, bien que leur partenaire habituel soit plutôt leur
mère. Quant à l'attitude de jeu, encore là ils avaient plusieurs traits en com-
mun avec leurs pairs normaux : curiosité, sens de l'humour, goût du plaisir
et spontanéité. Par contre, ils manifestaient moins d'initiative et d'intérêt à
relever des défis. Ainsi, en ce qui a trait aux intérêts et à l'attitude ludiques, les
ressemblances entre ces deux groupes d'enfants étaient plus nombreuses que
les différences. Ces résultats montrent que la présence d'une incapacité
motrice, bien qu'ayant un effet certain sur les capacités physiques de l'enfant,
n'affecte pas de façon importante les intérêts et l'attitude de jeu de l'enfant,
tels qu'ils sont perçus par la mère.
Curry et Exner (1988), pour leur part, ont démontré que des enfants ayant
la paralysie cérébrale préfèrent toucher des objets rugueux et résistants plu-
tôt que des objets doux et malléables. Sentant mieux la matière lorsqu'elle
résiste sous leurs doigts, ils choisissent plus volontiers du matériel de jeu en
plastique qu'en caoutchouc mousse.
Par ailleurs, dans une étude exploratoire menée de façon rétrospective
auprès d'adolescents présentant une déficience physique, nous avons observé
chez cette clientèle un intérêt constant pour la télévision tout au long du
LE JEU ET L'ENFANT AYANT UNE DÉFICIENCE PHYSIQUE * 43
sur le plan cognitif et de plus longue durée que celles de leurs pairs handi-
capés. Un élément est toutefois commun aux deux groupes, soit la curiosité.
Ces diverses études précisent plusieurs caractéristiques du comportement
ludique de l'enfant ayant une déficience physique ; on peut en conclure que
l'expérience de la découverte, de la maîtrise, de la créativité et de l'expression
de soi fournie par le jeu risque d'être sérieusement compromise chez les
enfants ayant une déficience physique. En effet, ces enfants découvriront
tardivement le monde qui les entoure, compte tenu des entraves posées par
leurs limitations physiques. Le jeu, si l'on ne retient que le geste du jeu, est
susceptible de susciter principalement une expérience de frustration chez
ces enfants. Le bagage expérientiel qu'ils pourraient retirer de leur activité
ludique risque d'en être fortement réduit. Par conséquent, le sentiment de
maîtrise et de contrôle que le jeu procure à l'enfant normal sera peu expé-
rimenté, tout comme le plaisir de mettre en œuvre son imagination. Les
limitations physiques peuvent également entraver tant le processus de socia-
lisation et le développement cognitif de l'enfant que son expression dans le
jeu. Pourtant, cet enfant, en plus d'éprouver des sentiments similaires à ceux
des autres enfants, doit s'adapter, sur le plan émotif, à ses limitations et aux
répercussions qu'elles ont sur sa vie. Non seulement a-t-il besoin d'expri-
mer ses émotions autant que tout enfant, mais on peut penser que ce besoin
est encore plus grand, à cause de sa situation et de son vécu.
Toutefois, ces enfants partagent plusieurs éléments de l'attitude ludique
avec les enfants normaux (curiosité, sens de l'humour, goût du plaisir, ini-
tiative) et peuvent s'intéresser à toutes sortes de jeux. Certains intérêts par-
ticuliers semblent caractériser ces enfants : les activités sensorielles, les autres
enfants, les histoires.
Ces constatations nous invitent à pousser plus loin notre réflexion sur le
jeu, mais laissent déjà entrevoir qu'il pourrait être indiqué de considérer
l'enfant ayant une déficience physique de façon plus globale, débordant la
seule sphère physique pour s'intéresser aux différentes facettes de son déve-
loppement. Le jeu peut s'avérer une voie privilégiée pour y parvenir.
Quelle est la place du jeu dans le quotidien de l'enfant qui présente une
incapacité motrice ? Y est-il présent et valorisé ?
LE JEU ET L'ENFANT AYANT UNE DÉFICIENCE PHYSIQUE * 45
Leur définition du jeu. Chez les mères interviewées, le jeu n'a pas une défini-
tion unique, mais bien deux définitions très différentes, selon qu'elles l'abor-
dent en général ou en regard de leur enfant. De façon générale, ces mères
disent que jouer, c'est « avoir du plaisir » : « II n'y a plus de routine, disent-elles,
plus de travail. » Elles ajoutent : « Quand on joue, on se laisse aller. » Elles
pensent que pour leur enfant, par contre, le jeu devient un travail, ce qui est
inconscient pour l'enfant, mais pas pour elles : « Quand il joue, il travaille,
mais il ne s'en aperçoit pas » ; « Pour lui, le jeu, disent-elles encore, c'est un tra-
vail agréable » ; « Quand on joue avec lui, on a un but, mais il a quand même
du plaisir. » Ainsi, en ce qui concerne leur enfant, le jeu s'inscrit dans le cadre
de la rééducation.
Ces affirmations donnent à penser que les activités ludiques de l'enfant,
quoique associées au plaisir, visent toujours des objectifs spécifiques, édu-
catifs ou thérapeutiques. Il ne semble pas que le jeu présente dans la vie de
l'enfant un intérêt en soi. Comment ces mères en sont-elles venues à définir
46 * LE MODÈLE LUDIQUE
ainsi le jeu pour leur enfant ? Il est possible qu'à cette question théorique
ces mères aient répondu ce qu'elles entendent régulièrement chez les pro-
fessionnels de la réadaptation, et plus particulièrement chez les ergothéra-
peutes : le jeu est une façon intéressante de contrer les limitations de l'enfant
et d'améliorer ses habiletés. Il est possible également que ces mères, comme
d'autres mères et peut-être plus que d'autres mères, soient influencées par le
courant social préconisant la mise en œuvre d'activités éducatives précoces
pour favoriser l'émergence d'une performance maximale chez l'enfant
(Saucier, 1983) ; par conséquent, leur rôle parental peut leur apparaître,
comme à beaucoup d'autres parents, comme étant principalement celui de
pourvoyeur d'activités éducatives. Il est également possible que ces mères
n'aient pas reçu l'aide requise pour apprendre à réinvestir, grâce au plaisir du
jeu, cet enfant perturbé dans son corps.
Le fait que le jeu auquel on s'adonne simplement pour le plaisir ne soit
pas présent dans le quotidien de l'enfant doit être considéré comme inquié-
tant. Par contre, le plaisir, lui, occupe une place importante dans les préoc-
cupations de ces mères, et ce même en dehors des activités ludiques. C'est un
thème fort valorisé par toutes les mères interviewées : « Quoi qu'on fasse
avec l'enfant, l'important, c'est qu'il aime ça. » II est heureux que cette notion
de plaisir soit perçue comme importante puisque qu'elle est susceptible de
contribuer à l'établissement d'une interaction positive entre la mère et l'en-
fant, comme nous le montrerons plus loin.
Les activités perçues comme étant agréables à leur enfant Parmi les diverses
activités perçues par les mères comme étant agréables à leur enfant, notons
deux éléments communs aux sept enfants :
deux enfants sont celles qui semblent avoir le moins de plaisir avec leur
enfant, bien qu'elles leur aient consacré beaucoup de temps; d'ailleurs, selon
elles, leur enfant n'éprouve du plaisir qu'occasionnellement. Par contre, deux
autres enfants sont capables de communiquer des sentiments positifs variés,
tels que la joie, la fierté, l'amour, aussi clairement que des sentiments néga-
tifs, tristesse, crainte, colère. Leurs mères valorisent cette capacité d'expres-
sion de leur enfant : « Je sais toujours exactement ce que mon enfant pense
ou ressent. » Ou encore : « II est facile à comprendre. » Le plaisir est évident
tant chez ces enfants que chez leur mère et il est facilement observable même
par ceux qui n'appartiennent pas à la famille.
Comment rendre compte de ces deux situations extrêmes? La gravité du
handicap ne peut être retenue comme explication puisque ces deux enfants
ont une déficience physique tout aussi importante que les deux premiers. La
capacité d'exprimer ses sentiments saurait-elle à elle seule injecter du plaisir
dans l'interaction mère-enfant? À partir de l'analyse de contenu, il a été pos-
sible d'obtenir un portrait individualisé de chaque participant (voir l'analyse
des données, à l'annexe i). L'analyse comparative de ces données individuelles
a permis de dégager des éléments relatifs à l'interaction mère-enfant et de
comprendre comment pouvait se mettre en place un cycle d'influence
mutuelle entre la mère et l'enfant, en regard du plaisir.
Ce cycle doit être compris comme une hypothèse devant être testée ulté-
rieurement, mais on peut dès maintenant repérer des pistes susceptibles de
mener au plaisir partagé par la mère et son enfant.
FIGURE 2
Que savons-nous des caractéristiques du jeu chez les autres clientèles infantiles?
Arrêtons-nous en premier lieu à l'enfant ayant une déficience intellectuelle.
Dans son étude menée auprès de 27 enfants âgés de cinq à sept ans et ayant un
quotient intellectuel de moins de 70, Messier (2000) a décelé les caractéris-
tiques suivantes : ces enfants étaient habiles dans les activités impliquant
l'exploration de l'espace et la motricité globale. Quant aux habiletés de mani-
pulation, d'imitation et de socialisation, elles étaient liées à la gravité de
l'atteinte intellectuelle. De fait, les habiletés de jeu étaient en rapport avec l'âge
mental des enfants, ce qui ressort de plusieurs autres études (Hellendoorn et
Hoekman, 1992; Gowen, Johnson-Martin, Davis-Goldman et Hussey, 1992).
Toutefois, l'étude de Messier (2000) a permis de voir que la plupart de ces
enfants exprimaient dans le jeu de la curiosité, de la spontanéité, certaines
initiatives et du plaisir. Par contre, le sens de l'humour et le goût de relever des
défis étaient beaucoup moins présents. Considérant le sens de l'humour peu
développé chez ces enfants, Denoncourt et Carpintero (1998) ont obtenu des
résultats similaires dans leur étude auprès d'enfants d'âge préscolaire ayant
une déficience intellectuelle.
Selon Ichinose et Clark (1990), ces enfants semblent préférer s'amuser
avec du matériel structuré, tel des casse-tête ou des jeux à chevilles, ou encore
avec des jouets réagissant à leur action, produisant un son, une lumière ou
une vibration. Toutefois, ces préférences sont davantage observées chez les
enfants qui jouent de façon répétitive et stéréotypée.
enfant. Est-il possible que, préoccupés par les besoins spéciaux de notre clien-
tèle, nous oubliions des concepts de base tels que l'importance de l'interaction
mère-enfant et la présence de différences individuelles chez chacun de nos
clients? Il est heureux que, spontanément, les mères interviewées considèrent
le plaisir comme l'élément essentiel des rapports qu'elles entretiennent avec
leur enfant. Cela peut être vu comme une première justification pour retenir
le jeu comme modalité thérapeutique, puisque le jeu est source de plaisir pour
l'enfant.
Si nous voulons offrir de meilleurs services thérapeutiques à notre clien-
tèle infantile, le jeu et son indissociable partenaire, le plaisir, peuvent être la
voie privilégiée pour y parvenir. Il nous faut cependant réévaluer la place
qu'il occupe en ergothérapie et l'utilisation qu'on en fait.
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3
LE JEU ET L'ERGOTHÉRAPIE
Après avoir survolé le jeu dans la vie de l'enfant normal et dans le quotidien
de l'enfant qui présente des limitations, nous allons tenter, dans le présent
chapitre, de le cerner en regard de l'ergothérapie. Nous rappellerons d'abord
en quoi consistent les bases philosophiques de la profession, puis nous retra-
cerons l'historique du jeu en ergothérapie, ce qui nous permettra, entre
autres, d'évaluer s'il y a eu au fil des ans glissement quant à la conception du
jeu et ce qui nous amènera à présenter la philosophie actuelle du jeu en ergo-
thérapie. Les ergothérapeutes ayant participé à la recherche présentée à
l'annexe i donneront par la suite des précisions sur l'utilisation du jeu dans
la pratique de l'ergothérapie. Enfin, nous ferons état des commentaires et
recommandations formulés par les adultes présentant une déficience phy-
sique qui ont eux aussi participé à la recherche : le point de vue de nos
« anciens clients » sur notre pratique peut nous aider à déterminer si notre
façon d'utiliser le jeu en ergothérapie répond vraiment aux besoins de notre
clientèle; autrement dit, leurs recommandations pourront nous aider à recen-
trer notre pratique sur les besoins de ces enfants.
56 * LE MODÈLE LUDIQUE
L'idée selon laquelle l'être humain s'accomplit dans ce qu'il fait est au cœur
même de l'ergothérapie (Association canadienne des ergothérapeutes, 1997).
En effet, on décèle chez l'homme un besoin fondamental d'explorer, d'agir
sur son environnement, de démontrer sa compétence, donc un besoin fon-
damental de se réaliser dans l'action (Wilcok, 1993). En s'engageant dans
des activités1, l'homme découvre ce qui l'entoure et se découvre lui-même ;
il apprend à interagir avec son environnement, à développer ses habiletés, à
exprimer ses émotions. Les activités constituent en quelque sorte un fac-
teur de santé (ACE, 1997; Royeen, 1997; Wilcock, 1998); elles influent tant
sur la santé physique que sur la santé psychique (AOTA, 1999). Pour Wilcock
(1998), l'ergothérapie représente une manière originale de comprendre les
activités des êtres humains, les rapports entre ce qu'ils font et ce qu'ils sont;
elle repose sur l'idée que, grâce à ses activités, l'être humain se remodèle
constamment. C'est donc en tentant d'atteindre un équilibre dynamique
entre l'«agir» (doing), l'«être» (being) et le «devenir» (becoming) que
l'ergothérapie favorise la santé et le bien-être de l'individu.
Pour que les activités aient un tel effet sur la vie de quelqu'un, encore
faut-il qu'elles aient un sens pour lui (ACE, 1997), qu'elles répondent tant à
ses intérêts, à ses désirs qu'à ses objectifs personnels.
Récemment, un modèle proposant une nouvelle conception des activités
a été présenté : le modèle personne-environnement-activités (Person-
environment-occupation modèle Law et al, 1996 ; Law et al, 2001). Ce modèle
conçoit les activités d'une personne comme étant le résultat de son interaction
avec son environnement, tant culturel, socio-économique, institutionnel et
physique que social.
Considérant ces bases philosophiques, il n'est pas étonnant que l'activité,
et plus précisément l'activité significative pour le client, soit retenue en ergo-
i. Dans cet ouvrage, l'ensemble des activités auxquelles s'adonne quelqu'un seront
désignées par le terme «les activités», et non par celui d' «occupation» utilisé en
ergothérapie dans les textes de langue anglaise tout autant que dans les traductions
en français. De la même manière, nous parlerons de « rendement dans les activités »,
et non de « rendement occupationnel». Quand il sera question de l'activité utilisée
à des fins thérapeutiques, nous utiliserons ce terme au singulier.
LE JEU ET L'ERGOTHÉRAPIE * 57
Durant les années 1980, des évaluations du jeu de l'enfant conçues durant
la décennie précédente font l'objet d'études de validité et de fidélité (Behnke
et Fetkovich, 1984; Bledsoe et Sheperd, 1982; Harrisson et Kielhofher, 1986).
Également, plusieurs recherches consacrées au comportement dans les acti-
vités et à la pratique de l'ergothérapie en pédiatrie débouchent sur une plus
grande précision tant des concepts que de l'application clinique de la théo-
rie de 1:'occupational behavior de Reilly (DeRenne-Stephan, 1980; Florey, 1981;
Hurff, 1980 ; Takata, 1980). Le premier ouvrage présentant le jeu comme une
habileté de base dans la vie de l'enfant voit le jour (AOTA, 1986).
Ainsi, des origines jusqu'à la fin des années 1980, on passe d'une concep-
tion très large du jeu permettant d'assurer le mieux-être psychologique de
l'enfant à une utilisation systématique de l'activité de jeu. L'analyse du jeu
par l'intermédiaire de ses composantes instrumentales a pu ainsi se dévelop-
per. Cependant, sauf exception (AOTA, 1986), cette évolution n'a pas retenu
l'essence du jeu, soit le processus impliqué.
À partir des années 1990, de nombreuses réflexions portant sur le jeu dans
la profession font l'objet de publications (Bracegirdle, 19923, i992b, 19920;
Bundy, 1993 ; Clancy et Clark, 1990 ; Couch, Deitz et Kanny, 1998 ; Ferland,
19923, i992b ; Occupational Therapy Play Research Group, 1993 ; Stewart et al,
1991 ; Stewart et al, 1996). Des livres entiers traitent de l'utilisation du jeu en
ergothérapie (Chandler, 1997; Ferland, 1994; 1998; Parham et Fazio, 1997).
Le jeu est identifié comme un cadre de référence de l'ergothérapie pédia-
trique (Oison, 1993). Également, Bundy (1997) met au point une évaluation
de l'attitude de jeu, le test ofplayfulness, qui est couramment utilisé depuis,
dans les recherches. Par ailleurs, dans la perspective de la « science de l'occu-
pation », quelques chercheurs tentent d'expliquer le développement de
l'enfant par l'analyse de ses activités (Humphry, 2002). Certains ergothéra-
peutes recourent également à leurs connaissances du jeu pour faire la pro-
motion de la santé, entre autres par le biais des nouvelles technologies telles
Internet (Ferland, 2000 ; Gauvin et Lefebvre, 2001 ; Labovitz, McCreedy et
Chesin, 2000).
Les travaux publiés au cours des dernières années ont permis d'appro-
fondir notre réflexion professionnelle sur le jeu, d'en dégager l'essence et de
s'interroger sur son utilisation. Nous donnerons des précisions, dans la sec-
tion suivante, sur la philosophie actuelle du jeu.
LE JEU ET L'ERGOTHÉRAPIE * 6l
leur objectif à long terme pour les enfants avec lesquels ils travaillent ?
Utilisent-ils le jeu de façon privilégiée pour y parvenir ? Ont-ils une approche
centrée uniquement sur les limitations physiques de l'enfant? La méthodologie
utilisée pour recueillir ces données est présentée à l'annexe i.
2. Toutes les ergothérapeutes interviewées étant de sexe féminin, ce genre sera utilisé
pour les désigner.
64 * LE MODÈLE LUDIQUE
Dans le même sens, bien que toutes reconnaissent qu'il y a une grande
passivité et une grande dépendance chez cette clientèle et bien que toutes
visent l'autonomie des enfants, tel que mentionné précédemment, elles sont
66 * LE MODÈLE LUDIQUE
En conclusion, il semble que le jeu soit très utilisé dans la pratique quo-
tidienne de l'ergothérapie, mais qu'il s'agisse surtout du jeu pris dans son
sens restrictif d'« activité» et qu'il vise presque exclusivement le développe-
ment des habiletés physiques. À long terme, on tient pourtant à assurer à
ces enfants une certaine autonomie fonctionnelle et une certaine qualité de
vie. Par ailleurs, l'expression des sentiments de l'enfant reçoit un accueil
tiède. Au fil des ans cependant, les ergothérapeutes sont davantage disposées
à aborder l'enfant de façon plus globale et de lui accorder plus de place dans
la thérapie. Le jeu n'est cependant utilisé que dans sa composante instru-
mentale et ne représente qu'un moyen parmi d'autres.
«Très tôt, j'ai appris à ne pas dire ce que je ressentais»; «J'ai compris très
jeune que je devais toujours sourire » ; « Pour devenir fonctionnel j'ai dû
passer à travers deux dépressions !» ; « Personne ne m'a jamais demandé
comment je me sentais ».
Un autre participant mentionne le fait suivant : si l'enfant ne semble pas
vouloir collaborer à la thérapie pendant quelques jours, ce comportement
sera perçu par le thérapeute non comme l'expression d'une tristesse ou d'une
frustration possible, mais bien comme l'indication que l'enfant a atteint son
maximum. Alors, le thérapeute pourra décider de cesser le traitement pendant
un certain temps, au lieu d'essayer de comprendre réellement ce qui se passe.
Ces propos confirment le malaise des thérapeutes face à l'expression des
sentiments négatifs ; ils s'attendent à ce que l'enfant soit toujours coopéra-
tif et de bonne humeur. L'enfant se rend très vite compte de cela et joue le
jeu de «l'enfant au large sourire». Cependant, comme le précise spontané-
ment cette ergothérapeute, « le syndrome de ces enfants au large sourire est
aussi triste que celui des enfants qui ne veulent toucher à rien ». Pour les
participants adultes, exprimer ce qu'on ressent fait non seulement partie de
la vie quotidienne de tout un chacun, mais peut apporter un sentiment de
mieux-être psychologique.
Par ailleurs, une participante ajoute que, durant l'adolescence, des com-
portements qui suscitent l'inquiétude chez tous les parents et chez tous les
éducateurs, tels que la consommation de drogue ou d'alcool, peuvent être
complètement absents des préoccupations concernant un adolescent ayant
une déficience physique ; comme si le handicap « protégeait » l'enfant de ces
problèmes ! Cette participante avait d'ailleurs elle-même consommé des
drogues pendant plusieurs mois sans que personne autour d'elle s'en aper-
çoive ; tous estimaient que ses difficultés croissantes de coordination et
d'équilibre, dues à la consommation de drogues, étaient attribuables à la
dégradation de sa condition physique.
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4
LE MODELE LUDIQUE
CADRE CONCEPTUEL
Dans les travaux d'ergothérapie, on clame haut et fort que l'on aborde les
clients de façon holistique et qu'on utilise une approche biopsychosociale.
Sur le plan théorique, tous conviennent dans la profession que l'être humain
est davantage que des bras qui doivent s'activer ou des jambes qui doivent
marcher, qu'il est davantage que la somme de ses parties. L'être humain est
considéré comme un être complexe dont les différentes dimensions s'in-
fluencent mutuellement. Toutefois, cette manière de voir ne semble pas se
refléter dans la pratique. Selon les ergothérapeutes dont les propos ont été
rapportés au chapitre précédent, si l'on travaille avec des enfants présentant
une déficience physique, on concentrera presque exclusivement ses efforts
sur cette dernière dimension. Que devient alors la dimension psychosociale?
Les commentaires des ergothérapeutes, confirmés par les adultes qui ont
été interviewés, corroborent l'opinion de Florey (1989), partagée par l'auteure
(Ferland, 1991) : dans la pratique ergothérapique, on tolère mal que l'enfant
ayant une déficience physique exprime ses sentiments. Cette façon de faire
qui exclut la dimension affective de l'enfant est loin de l'approche holistique
qui caractérisait la pensée des fondateurs de notre discipline. Pourquoi les
LE MODÈLE LUDIQUE : CADRE CONCEPTUEL * 79
Est-il possible d'établir une approche dans laquelle l'enfant serait le maître
d'œuvre et qui lui ferait jouer un rôle actif dans la thérapie, un rôle de
premier plan?
8O » LE MODÈLE LUDIQUE
Dans notre travail clinique, nous proposons souvent aux parents d'entre-
prendre des activités à domicile pour maximiser l'évolution de l'enfant.
Même si les activités suggérées s'insèrent dans le quotidien familial, plu-
sieurs messages sont ainsi transmis aux parents : d'abord, la thérapie revêt
une importance telle qu'elle doit être présente aussi à la maison, ce qui peut
LE MODÈLE LUDIQUE : CADRE CONCEPTUEL * 8l
laisser croire que s'ils s'engagent dans ce sens, leur enfant évoluera davantage.
Pourtant, les recherches concernant l'efficacité des programmes à domicile
sont loin d'être concluantes. Également, cette façon de faire leur indique
qu'on considère qu'assumer leur rôle parental ne suffit pas ; ils doivent éga-
lement se transformer en aides-thérapeutes.
On se retrouve alors devant des parents qui, très souvent, trouvent diffi-
cile d'assumer le quotidien avec leur enfant et à qui on demande d'ajouter
du travail à leur routine. N'est-ce pas une façon de dévaloriser, du moins
partiellement, leur rôle parental?
chose sur ce qui se passe? [...] Ce serait une situation où l'enfant, tout entier
livré à l'action que l'adulte a sur lui, serait incapable de développer sa propre
relation à la situation, à l'objet qu'il manipule, à l'action qu'il fait, à ce qui se
passe (1992, p. 273).
Aller au-delà de l'activité de jeu et chercher vraiment à atteindre l'essence
du jeu en thérapie n'est cependant pas une mince tâche. Comme le fait remar-
quer Rast : «In thé therapeutic setting, play often becomes a tool used to work
towards a goal despite thefact that thé goal-oriented, externally controlled
aspects ofthe therapy situation conflictwith thé essence ofplay» (1986, p. 30).
Ce qui amène Blanche (1997) à considérer que pour les enfants atteints de
paralysie cérébrale le jeu et la thérapie sont parfois des activités mutuelle-
ment exclusives.
Dans notre intervention, il nous faut redécouvrir le sens du jeu et favo-
riser chez l'enfant le développement d'une attitude ludique qui viendra sous-
tendre son action. De plus, cette redécouverte du sens du jeu nous permettra
de comprendre que celui-ci est une modalité thérapeutique complète en soi
et d'une rare richesse.
Dans le modèle ludique, on considère le jeu comme un domaine d'acti-
vités propre à l'enfant et comme celui qui a le plus de signification pour lui;
grâce à ce processus naturel, il développe tant ses capacités d'adaptation et
d'interaction avec les autres que son autonomie. Le jeu constitue donc une
avenue de choix pour aborder l'enfant de façon holistique.
à une activité régie par des normes extérieures, ce n'est pas échanger le fruit
de ses efforts contre des avantages, pécuniaires ou autres; ces éléments carac-
térisent cependant des aspects importants du travail (MSBS et ACE, 1987).
Au contraire, jouer, c'est décider, c'est prendre des risques, c'est avoir du
plaisir, c'est même avoir la possibilité d'échouer, puisque ce n'est qu'un jeu.
Comme l'écrit Château (2002, p. 5), «le jeu, c'est l'acte de l'enfant; ce n'est
point le délassement d'un travail qu'il ignore encore, ni la distraction du
vide désagréable de l'ennui, mais une conquête de soi perpétuellement
renouvelée».
Le jeu ne peut pas non plus soutenir la comparaison avec les loisirs de
l'adulte, définis comme « les moments dont on peut librement disposer en
dehors du travail et des activités de soins personnels» (MSBS et ACE, 1987,
p.i8). Le temps consacré par l'enfant au jeu ne saurait être assimilé à ses
« moments libres » : son horaire quotidien ne comporte pas de travail et très
peu de soins personnels durant la période préscolaire. Cependant, le libre
choix présent dans la définition des loisirs caractérise également le jeu.
Par ailleurs, l'idée que le jeu prépare l'enfant à son futur rôle de travailleur
ne semble pas très présente dans la pratique de l'ergothérapie ni valorisée par
nos anciens clients. Aucune ergothérapeute n'a mentionné, comme objectif
à long terme de son intervention, la productivité ou la compétence de cet
enfant, à titre de futur travailleur. Dans la pratique clinique, on ne retrouve
donc pas cette préoccupation de performance sociale comprise dans le
modèle de Reilly (1974). Cette façon de voir ne semble ni réaliste ni perti-
nente pour des enfants multihandicapés. Les adultes interviewés nous met-
tent d'ailleurs en garde contre la tendance à considérer cet enfant autrement
que comme un enfant et suggèrent fortement de l'aborder comme un être à
part entière, et non comme un être en devenir. Le jeu permet d'éviter cet
écueil, soit celui d'établir les objectifs en regard de l'avenir, négligeant la
qualité du quotidien actuel de l'enfant et de celui de sa famille.
Quand il s'agit d'autres clientèles, l'intervention de l'ergothérapeute vise
à améliorer le rendement du client dans ses activités de tous les jours.
Pourquoi ne pourrait-il en être de même pour l'enfant? Si, par notre utili-
sation du jeu, nous faisons découvrir à l'enfant le plaisir de l'action, si nous
l'amenons à développer une attitude ludique, à utiliser ses forces pour com-
penser ses faiblesses, nous contribuerons à lui assurer un quotidien plus
84 * LE MODÈLE LUDIQUE
satisfaisant. De plus, nous mettons alors tout en place pour que cet enfant ait
la chance de devenir un adolescent, puis un adulte, autonome et bien dans
sa peau. Améliorer le présent de l'enfant, et non penser uniquement à son
avenir, semble une optique plus respectueuse de l'enfant et plus réaliste.
L'enfant qui joue prend contact avec son environnement, met en branle ses
mécanismes cognitifs, utilise ses muscles, ressent des émotions et interagit
avec les autres. C'est donc une activité qui sollicite l'enfant dans sa globalité.
L'analyse d'activité présentée au chapitre i en témoigne.
Retenir une telle approche globale plutôt qu'une autre ciblée sur une fonc-
tion précise a trouvé des appuis dans des publications récentes qui démon-
trent que la cognition, la motricité, les systèmes sensoriels et les émotions de
l'enfant se développent et fonctionnent non pas séparément, mais bien simul-
tanément (Diamond, 2000; Magnuson, 2000). Pour ces raisons, Humphry
(2002) tout comme Bober et ses collaborateurs (2001) questionnent la perti-
nence de viser le développement optimal de l'enfant en passant par ses com-
posantes sous-jacentes, telles la motricité fine. Dans leur étude sur la
persévérance dans le jeu fonctionnel et sur l'intérêt qu'il y a pour l'enfant à
s'alimenter seul, ces chercheurs considèrent que cette conception linéaire de
l'intervention ne saurait amener l'enfant qui présente des retards dans ses
activités quotidiennes à véritablement progresser. S'appuyant sur leurs résul-
tats, ils proposent de faire en sorte que ces activités présentent plus de sens et
plus d'intérêt pour l'enfant afin que la persévérance et l'apprentissage s'amé-
liorent. Le jeu n'est-il pas le moyen privilégié d'y parvenir?
Les résultats obtenus par Sparling et ses collaborateurs (1984) vont dans
le même sens ; les enfants atteints de paralysie cérébrale qui ont participé à
des séances de groupe utilisant des activités créatrices et des jeux drama-
tiques ont connu des améliorations dans six sphères de développement :
motricité globale et fine, langage, cognition, activités de la vie quotidienne
et développement socio-émotif. Puisque les acquis s'étendent aux autres
sphères de la vie de l'enfant, ces auteurs concluent que si la thérapie pouvait
reposer sur un cadre de jeu approprié, l'enfant comme ses parents pour-
raient en bénéficier.
Ces deux études confirment l'importance d'une approche globale de
l'enfant et la pertinence du jeu pour ce faire.
Chaque activité comporte des règles, une procédure qui lui est propre, des
étapes, des outils. La plupart du temps, les activités effectuées respectent la
façon de faire habituelle. Quand on cuisine, par exemple, on se tient habi-
tuellement debout près d'un comptoir et on se sert de divers ustensiles ; le jeu
de cartes, quant à lui, requiert généralement la position assise, l'utilisation
des deux mains et la capacité de suivre les règles du jeu. Mais si on ne peut
suivre la façon de faire habituelle, cela revient-il à dire qu'on ne peut effectuer
l'activité?
Les deux autres volets interviennent précisément quand la personne ne
peut effectuer l'activité comme il se doit ; ils renvoient donc à la capacité
d'adaptation de la personne.
Dans la vie de tous les jours, l'important étant de pouvoir réaliser l'activité
souhaitée ou demandée, la procédure peut être revue pour en permettre
l'exécution. Si nous éprouvons des difficultés à nous adapter à l'activité, nous
pouvons adapter l'activité à nos possibilités. L'activité peut être effectuée
autrement, en utilisant des outils particuliers, des positions inhabituelles ou
88 » LE MODÈLE LUDIQUE
rien d'autre. Ici, on lui apprend, d'une part, que l'échec advient à tous les
humains et, d'autre part, qu'il est possible de compter sur les autres pour nous
aider. On lui offre alors un apprentissage qui l'aidera à résoudre les nombreux
problèmes qui ne manqueront pas de surgir dans son quotidien. Par ailleurs,
lui permettre de traverser ces diverses étapes représente une façon concrète de
respecter cet enfant, de lui accorder une place prépondérante dans la thérapie;
il est possible qu'il trouve lui-même un «truc» auquel on n'avait pas pensé.
C'est une façon d'amener l'enfant à participer à la thérapie en utilisant ses
ressources personnelles. Devant l'impossibilité d'effectuer l'activité (en tota-
lité ou en partie), l'enfant peut aussi décider d'en changer. Décider de deman-
der de l'aide ou de changer d'activité représentent tous deux des gestes
autonomes puisqu'ils relèvent du choix de l'enfant lui-même.
Ce troisième volet de la capacité d'agir, peu valorisé en ergothérapie,
touche les dimensions affective et sociale de l'enfant; on est ici confronté à
l'échec, à la frustration, à la colère, au besoin d'être aidé et à celui de faire
confiance. Apprendre à exprimer ces sentiments et à réagir à l'échec consti-
tue un apprentissage fort précieux pour l'enfant aux prises avec une incapa-
cité motrice. Ne pas vouloir le reconnaître, c'est délaisser le concept
d'autonomie pour retenir celui d'indépendance. Cette capacité d'agir devient
donc, dans son troisième volet, la capacité de réagir quand l'activité est
impossible à réaliser.
La capacité d'agir ne concerne pas que les actions de l'enfant sur les objets,
mais aussi ses interactions avec son entourage. Entretenir des rapports avec
les autres, savoir agir avec les autres, savoir réagir aux autres, cela aussi fait
partie de la capacité d'agir. Ainsi, l'enfant doit apprendre à entrer en contact
avec l'autre, à adapter son attitude aux partenaires en présence et à réagir à
une situation où l'activité en groupe lui devient impossible.
La capacité d'agir ainsi conçue permet de développer chez l'enfant la
capacité d'adaptation à diverses situations et l'aide à mieux composer avec
la réalité quotidienne. Par ailleurs, si l'on parvient à faire expérimenter à
l'enfant le plaisir qu'offre le jeu en dépit de ses difficultés, ce plaisir com-
biné à une capacité d'agir croissante l'amèneront à développer son autono-
mie et à éprouver un sentiment de bien-être. Ce faisant, il accroît sa qualité
de vie. Comme le dit Royeen (1997), le plaisir ressenti dans nos activités peut
grandement contribuer à nous assurer une meilleure qualité de vie et, bien
LE MODÈLE LUDIQUE : CADRE CONCEPTUEL * gi
Le jeu est une activité propre à l'enfant ; il peut être perçu comme le
domaine d'activités susceptible d'avoir le plus de signification pour lui.
En jouant, l'enfant expérimente des sentiments de plaisir et de maîtrise;
il découvre le monde qui l'entoure ; il crée et s'exprime.
Le jeu n'implique aucune attente de rendement, ne vise aucune performance.
Dans le jeu, les différentes dimensions de l'enfant (physique, cognitive,
affective et sociale) sont stimulées.
Le bagage expérientiel accumulé dans le jeu a des répercussions impor-
tantes sur l'adaptation de l'enfant.
Le développement du jeu se fait de façon séquentielle.
Bien qu'il soit universel, le jeu n'en demeure pas moins un phénomène
subjectif.
Jouer, c'est agir en gardant, comme toile de fond, une attitude ludique.
L'attitude ludique incite la personne à prendre des initiatives, à imaginer
des solutions originales, à décider de son action en toute liberté, à créer
des situations fantaisistes.
Apprendre à aborder la vie par le plaisir, voilà une fonction non négli-
geable du jeu chez l'enfant.
Si on fait naître l'intérêt, les acquis suivront ; si on maintient l'intérêt, les
acquis se maintiendront.
L'attitude ludique peut s'étendre à diverses situations quotidiennes.
92 * LE MODÈLE LUDIQUE
Ces jalons étant posés, définissons les concepts clés qui s'en dégagent :
Jeu : Attitude subjective où plaisir, intérêt et spontanéité se côtoient; cette
attitude se traduit par une conduite choisie librement et pour laquelle aucun
rendement spécifique n'est attendu. Cette conduite se manifeste dans un
environnement donné, comprenant tant des objets que des partenaires.
Attitude ludique : Attitude caractérisée par le plaisir, la curiosité, le sens de
l'humour et la spontanéité, le goût de prendre des initiatives et de relever des
défis.
Action du jeu : Composantes instrumentales (sensorielles, motrices, per-
ceptives, cognitives) rendant possible l'activité de jeu.
Intérêt pour le jeu : Attirance envers le jeu. L'intérêt pour le jeu est nécessaire
pour faire naître le désir d'agir et maintenir le plaisir d'agir.
Plaisir de l'action : Sensation agréable naissant de l'intérêt pour telle ou telle
activité, s'expérimentant dans l'action, entre autres dans le jeu, et suscep-
tible de favoriser la répétition et la généralisation de l'action. Ce plaisir
concerne tant les rapports avec les objets que les rapports avec les autres.
Capacité d'agir : Capacité d'effectuer l'activité de la façon habituelle, d'adap-
ter l'activité à ses possibilités et de réagir devant l'impossibilité d'accomplir
l'activité. Ce concept concerne tant les rapports avec les objets que les rap-
ports avec les autres.
Autonomie : Être autonome signifie autogérer sa vie, déterminer librement
les règles de son action. L'autonomie s'oppose à l'hétéronomie caractérisant
l'individu qui puise hors de sa volonté le principe de son action (Le Petit
Robert, 1996).
Bien-être : Sensation agréable procurée par la satisfaction des besoins phy-
siques et l'absence de tensions psychologiques (Le Petit Robert, 1996).
Ces différents concepts clés ont été intégrés dans un cadre conceptuel.
Le jeu est ici défini par l'attitude qui le sous-tend, par les diverses com-
posantes instrumentales menant à l'action et par l'intérêt que manifeste
LE MODÈLE LUDIQUE : CADRE CONCEPTUEL * 95
l'enfant. Ces trois éléments que sont l'attitude, l'action et l'intérêt définissent
donc le jeu; par ailleurs, le jeu résulte aussi de l'interaction de ces éléments.
Ainsi conçu, le jeu peut favoriser l'émergence du plaisir de l'action et le déve-
loppement de la capacité d'agir de l'enfant, le menant à l'autonomie et à un
sentiment de bien-être. Ce sentiment de bien-être, on veut l'obtenir pour
l'enfant mais aussi pour sa famille, comme nous le verrons au chapitre 6.
En retenant l'attitude tout autant que l'action pour viser la capacité d'agir
menant à un sentiment de bien-être, on rejoint la position de Wilcock (1998).
En effet, ici aussi, on considère que Vagir ne suffit pas, mais qu'il faut consi-
dérer l'être pour aider cet enfant à devenir une personne plus autonome et
plus à l'aise dans sa peau. En considérant tant les habiletés de l'enfant dans les
différentes sphères de son développement que son attitude face à l'agir, on
recherche non seulement l'action du geste mais aussi l'action de l'esprit : on
tente de réaliser le potentiel de l'enfant grâce à son attitude ludique. On se
préoccupe de ses capacités, actuelles et potentielles, ainsi que de ses lacunes.
Enfin, l'intérêt que manifeste l'enfant accompagne toute la démarche. Cet
intérêt est plus qu'un simple élément déclencheur dont on se servirait pour
inciter l'enfant à participer à la thérapie, il est un élément essentiel au dérou-
lement de la thérapie pour que le plaisir de l'action émerge et se maintienne.
FIGURE 3
Bref, le modèle ludique se veut une voie privilégiée pour faire découvrir
à l'enfant, malgré ses limitations, le plaisir d'agir, le plaisir de vivre, et donc
le plaisir d'être.
TABLEAU 4
Parallèle entre l'ergothérapie et le modèle ludique
Besoin de l'être humain d'agir sur Objet du modèle : découverte par l'enfant
l'environnement et d'interagir avec du plaisir de l'action et développement de
l'environnement sa capacité à agir dans son environnement.
diverses situations. Par ailleurs, il s'inscrit dans une pratique centrée sur
l'enfant, tant par les assises de son élaboration (recommandations d'anciens
clients, perspectives des parents) que dans son application, que nous ver-
rons plus en détail au chapitre 5. Enfin, le modèle ludique propose une
approche positive de l'enfant, considérant à la fois ses habiletés et ses diffi-
cultés ; ses forces sont d'ailleurs sollicitées pour surmonter ses difficultés et
pour développer son autonomie dans sa vie quotidienne. La question du
travail avec les parents reste en suspens pour l'instant ; elle sera étudiée au
chapitre 6.
Ce cadre conceptuel, qui aborde l'enfant dans sa globalité plutôt que par
des fonctions spécifiques, va dans le même sens que Sparling et ses collabo-
rateurs (1984) qui préconisaient l'adoption d'un cadre de jeu pour sous-
tendre la pratique de l'ergothérapie auprès des enfants atteints de paralysie
cérébrale. Il rejoint également les positions de chercheurs mentionnés pré-
cédemment (Diamond, 2000 ; Magnuson, 2000 ; Humphry, 2002; Bober et
collaborateurs, 2001), qui, pour une plus grande efficacité, proposent d'abor-
der l'enfant par des activités significatives pour lui.
Les enfants ayant une déficience physique. Dans le cadre conceptuel du modèle
ludique, le jeu se définit par trois éléments : attitude, action et intérêt. Ces
trois éléments sont-ils réellement distincts? Par ailleurs, ce modèle repose sur
l'hypothèse que, si l'enfant développe son comportement de jeu, il dévelop-
pera aussi sa capacité à agir. Quel est le rapport entre le comportement
ludique, c'est-à-dire l'attitude, l'action et l'intérêt, et la capacité fonctionnelle
de l'enfant dans la vie quotidienne?
Une première recherche, menée auprès de 30 enfants âgés de deux ans à
cinq ans et 11 mois, présentant une infirmité motrice d'origine cérébrale de
gravité variable, a tenté de répondre à ces deux questions (Dufour, Ferland
et Gosselin, 1998). Il s'agissait de déterminer quels sont, d'une part, les rap-
ports entre les trois dimensions du comportement ludique et, d'autre part,
les relations entre le comportement ludique et les capacités de ces enfants,
98 * LE MODÈLE LUDIQUE
dans les secteurs de la mobilité, des soins personnels et du jeu. Les instru-
ments retenus ont été : l'Évaluation du comportement ludique (ÉCL), qui
sera présentée au chapitre 5, et le Pédiatrie Evaluation ofDisability Inventory
(Haleyetfl/., 1992).
L'analyse des rapports entre les dimensions du comportement ludique
évaluées au moyen de PÉCL a permis de constater, en premier lieu, que toutes
les capacités de jeu étaient liées entre elles. Elles étaient également corrélées
avec la gravité de l'atteinte et l'autonomie dans les déplacements : de fait,
moins l'atteinte était grave et plus la capacité de l'enfant à se déplacer était
développée, plus il se montrait capable de jouer. Par contre, l'intérêt ludique
et l'attitude ludique n'étaient b'ées ni à ces variables ni entre elles. Ainsi, il
semble que l'enfant, même gravement atteint et limité dans ses déplacements,
puisse présenter une attitude et des intérêts ludiques semblables à ceux des
autres enfants. Par ailleurs, ces résultats établissent le caractère distinctif des
trois dimensions du jeu retenues dans le présent modèle, apportant ainsi
une première validation à notre définition du jeu. Ainsi, on peut considérer
que cette conception du jeu permet vraiment de rejoindre l'enfant dans sa
globalité non seulement parce qu'elle s'intéresse aux habiletés de l'enfant
dans les différentes sphères de son développement, mais aussi parce qu'elle
prend en considération son attitude et son intérêt pour le jeu.
Dans le deuxième volet de cette étude, il a été établi que les capacités de
jeu sont reliées de façon significative aux capacités fonctionnelles de l'enfant.
De plus, toutes deux sont également liées à la gravité de la déficience. Plus
l'enfant est gravement atteint, plus ses capacités fonctionnelles et ses capa-
cités de jeu sont réduites. Par contre, ni l'attitude de jeu ni l'intérêt pour le
jeu ne sont en corrélation avec les capacités fonctionnelles de l'enfant. Ainsi,
on peut concevoir que si l'on favorise le développement des habiletés de jeu
de l'enfant, on influe aussi sur sa capacité fonctionnelle puisque ces deux
éléments sont liés entre eux. Par ailleurs, l'attitude de jeu et l'intérêt pour le
jeu, étant indépendants de la gravité de l'atteinte, semblent renvoyer à des
caractéristiques personnelles de l'enfant non touchées par la déficience. Ces
éléments peuvent alors s'avérer particulièrement importants à considérer si
on veut favoriser chez l'enfant la capacité non seulement de réaliser des acti-
vités, mais aussi de prendre des décisions et d'effectuer des choix, de décou-
vrir le plaisir d'agir également. Il faut préciser que le concept de capacité
LE MODÈLE LUDIQUE : CADRE CONCEPTUEL * 99
leur âge que les enfants normaux; ils prenaient moins d'initiatives et avaient
moins envie de relever des défis : ces différences étaient significatives sur le
plan statistique (Ferland, 1997; Rome-Flanders et Ferland, 1997).
En ce qui concerne la communauté haïtienne (Masse, 1997 ; Masse,
Ferland et Rome-Flanders, 1996), les enfants ont été répartis en trois
groupes : sept enfants normaux, neuf enfants ayant une IMOC et sept enfants
présentant un autre diagnostic. Les réponses des mères ont permis de déce-
ler diverses caractéristiques communes aux enfants ayant ou non une IMOC :
diversité du matériel de jeu disponible, intérêt marqué pour les contacts
physiques, pour les autres enfants, pour les adultes connus, pour l'eau et le
plaisir dans les activités. Par contre, les enfants ayant une IMOC présentaient
des différences statistiquement significatives avec les enfants normaux; ils
s'intéressaient moins aux histoires, aux situations comiques, ils étaient moins
disposés à relever les défis et à inventer de nouveaux jeux. Comme ces résul-
tats s'écartent de ceux obtenus chez les enfants de souche québécoise ayant
une IMOC (intérêt pour les histoires, les situations amusantes ; voir Ferland,
1997 ; Rome-Flanders et Ferland, 1997), on pourrait croire qu'il s'agit de dif-
férences culturelles. Cependant, comme l'enfant haïtien normal manifeste
aussi ces intérêts, la culture ne peut expliquer les différences observées.
Comme l'auteure principale de cette étude (Masse, 1997), on peut se deman-
der si la présence d'une déficience physique n'influencerait pas le compor-
tement de la mère à l'égard de son enfant, considérerant certaines activités
comme moins pertinentes pour lui. Ces différences relatives aux intérêts
seraient alors davantage en rapport avec la perception culturelle de la défi-
cience physique qu'avec celle de la perception du jeu.
Par ailleurs, il ressort des propos des mères haïtiennes interviewées qu'à
l'exception du plaisir, peu d'éléments de l'attitude ludique sont présents de
façon marquée chez leur enfant, qu'il ait ou non une déficience physique, ou
sont encouragés dans leur famille. Ces éléments d'attitude peuvent être assi-
milés à des différences culturelles puisqu'ils se distinguent de ceux obtenus
dans l'échantillon des enfants de souche québécoise.
En ce qui regarde la communauté arabe, l'étude a été menée en collabo-
ration avec Rome-Flanders et a touché six mères d'enfants normaux et 15
mères d'enfants présentant une déficience physique. Compte tenu de la
petite taille de l'échantillon d'enfants normaux, il ne peut y avoir de com-
1O2 * LE MODÈLE LUDIQUE
l'initiative chez leur enfant si ces comportements ne sont pas valorisés dans
leur culture.
La recherche menée sur le cadre théorique du modèle ludique depuis la
première parution de cet ouvrage est très dynamique et on verra au cha-
pitre suivant qu'une thérapie basée sur le modèle ludique l'est tout autant.
RÉFÉRENCES
ROYEEN, C.B. (1997). Play as occupation and as an indicator of health. Dans B.E.
Chandler (dir.) : The Essence ofPlay — A Child's Occupation (p. 1-14). Bethesda :
American Occupational Therapy Association.
SAUNDERS, L, SAYER, M. et GOODALE, A. (1999). The relationship between playfiilness
and coping in preschool children : a pilot study. American Journal of Occupational
Therapy, 53,221-226.
SPARLING, J.W., WALKER, D.R et SINGDAHLESEN, J. (1984). Play techniques with neu-
rologically impaired preschoolers. American Journal of Occupational Therapy, 38,
603-611.
WILCOK, A. (1998). Reflections on doing, being and becoming. Revue canadienne d'ergo-
thérapie, 65,248-256.
This page intentionally left blank
5
LE MODELE LUDIQUE :
MODÈLE DE PRATIQUE
L'ÉVALUATION DE L'ENFANT
Dans le modèle ludique, on veut savoir ce que l'enfant aime faire, ce qu'il
peut faire, comment il effectue les activités, comment il y réagit, quelles sont
ses difficultés particulières. Pour y parvenir, recueillir des données qualita-
tives sur ce domaine d'activités s'avère précieux, l'intérêt premier n'étant
pas de mesurer le retard, mais bien de connaître les caractéristiques per-
sonnelles de cet enfant. Par ailleurs, des données quantitatives sur son niveau
de jeu peuvent être utiles si l'on souhaite situer l'enfant par rapport à ses
pairs et quantifier ses acquis.
Dans ce modèle, les parents sont perçus comme des alliés pouvant nous
aider à mieux comprendre leur enfant, ce qui nous permettra de personna-
liser la thérapie et donc de la rapprocher de la réalité quotidienne de cet
enfant. Ainsi, en plus de l'évaluation de l'enfant, une rencontre avec les
parents est suggérée pour mieux connaître certaines caractéristiques propres
à l'enfant de même que son comportement ludique à la maison.
Les instruments
L'entrevue initiale avec les parents (EIP) sur le comportement ludique de leur
enfant. Comme ce sont les parents qui connaissent le mieux l'enfant, ils
sont dans ce modèle des partenaires précieux lors de l'évaluation de l'en-
fant. Savoir ce qui attire l'enfant, ce qui le fait réagir tant positivement que
négativement, connaître ses réactions à certains stimuli, sa façon de com-
muniquer ses besoins et émotions et l'avis des parents concernant certains
aspects de son attitude ludique, tout cela représente des informations fort
précieuses pour véritablement personnaliser la thérapie de l'enfant, et par
conséquent, en maximiser les effets. L'Entrevue initiale avec les parent (EIP),
présentée à l'annexe 3, a été mise au point à cette fin. Pour les parents, cette
entrevue leur permet de saisir qu'ils ont une contribution unique à appor-
ter et d'entrevoir, dès le début, quelle sera l'orientation de notre intervention.
112 * LE MODÈLE LUDIQUE
parent fait en sorte que, peu importe qui évalue, les résultats seront quasi les
mêmes.
Ici encore, il sera nécessaire d'effectuer d'autres études pour compléter
l'analyse des qualités métrologiques de cet instrument.
L'échelle de jeu pour les enfants d'âge préscolaire (Knox, 1974 ; 1997). L'Échelle
de jeu pour les enfants d'âge préscolaire, mise au point par Knox (1974),
révisée par Bledsoe et Sheperd en 1982 et par Knox en 1997, est un instrument
qu'il peut être intéressant d'utiliser lors de l'évaluation de l'enfant. Elle per-
met de déterminer l'âge ludique global de l'enfant et son niveau de jeu selon
quatre dimensions : l'utilisation de l'espace et du matériel, l'imitation et la
participation sociale de l'enfant. Cet instrument s'est avéré précis et fiable
chez une population d'enfants présentant diverses déficiences (Bledsoe et
Sheperd, 1982; Harrisson et Kielhofher, 1986; Knox, 1997).
LA PLANIFICATION DE L'INTERVENTION
TABLEAU S
Évolution du comportement ludique : attitude et action
Attitude ludique
CARACTÉRISTIQUES
COMPOSANTES AFFECTIVES
TABLEAU 5 (suite)
Évolution du comportement ludique : attitude et action
Action ludique
COMPOSANTES SENSORIELLES
• regarde
• touche
• sent
• écoute
• porte à sa bouche
• bouge
COMPOSANTES MOTRICES
• transporte
• change de position
• se déplace
COMPOSANTES COCNITIVES
COMPOSANTES SOCIALES
Le cas de Simon
TABLEAU 6
Résultats de l'évaluation de Simon
AttitudelïitM^uë
CARACTÉRISTIQUES
Action WlfBé
COMPOSANTES SENSORIELLES
• regarde
• touche +
• sent
• écoute
• porte à sa bouche
• bouge
1l8 * LE MODÈLE LUDIQUE
TABLEAU 6 (suite)
Résultats de l'évaluation de Simon
COMPOSANTES SOCIALES
Légende
Gras : présent
Italique : en développement
Caractères maigres : absent
+ : intérêt marqué
LE MODÈLE LUDIQUE : MODÈLE DE PRATIQUE * 119
L'enfant est le maître d'oeuvre de sa thérapie. Comme dans le jeu, l'enfant est
ici un participant à part entière qui prend des décisions, recherche des solu-
tions, dirige et s'exprime. La thérapie est donc véritablement centrée sur
l'enfant. Ainsi, à son entrée dans la salle de thérapie, l'enfant est invité à
décider lui-même de ce qu'il fera; cette décision peut être communiquée à
l'ergothérapeute par un simple regard, un geste de la main ou verbalement.
On laisse à l'enfant le temps d'exprimer son désir. Ces enfants ont rarement
l'occasion d'effectuer de véritables choix; parfois, on leur demande de choi-
sir entre deux jeux, mais s'ils prennent trop de temps, le plus souvent le thé-
rapeute choisira à sa place. L'enfant a besoin de temps pour comprendre,
d'une part, que l'on veut qu'il trouve lui-même l'activité qui l'intéresse et,
d'autre part, que notre but est d'explorer avec lui le matériel choisi et de
l'utiliser pour en tirer du plaisir. Pendant cet intervalle, l'enfant pourra être
invité à explorer l'environnement : rappelons que l'exploration est une étape
préalable au comportement de jeu.
LE MODÈLE LUDIQUE : MODÈLE DE PRATIQUE * 121
l'enfant, l'analyse d'activité sera son outil de travail le plus utile. Au cours de
sa formation, l'ergothérapeute a appris à déceler, grâce à une analyse rigou-
reuse, le potentiel thérapeutique d'une activité. En général, l'analyse d'acti-
vité est utilisée par l'ergothérapeute pour l'aider à choisir, avant même de
voir l'enfant, le matériel de jeu le plus susceptible de correspondre aux objec-
tifs visés. Ici, cette habileté est sollicitée tout au long de la séance. En analy-
sant la situation de jeu mise en place par l'enfant, l'ergothérapeute cerne les
objectifs thérapeutiques qu'il lui sera possible de poursuivre. Son habileté à
analyser rapidement la situation lui permet une réflexion dans l'action. Nous
proposerons ci-dessous des exemples concrets.
L'INTERVENTION
Le rôle de l'ergothérapeute
sif, à l'enfant qui s'engage à un point tel qu'il ne joue plus, que son excitation
excessive étouffe le jeu. Le type d'enfants auxquels on s'intéresse ici est davan-
tage susceptible de se retrouver au tout début de ce continuum.
Comme nous l'avons mentionné plus haut, l'enfant ayant une déficience
physique est peu souvent invité à participer à sa thérapie ; il faut donc lui
laisser le temps de comprendre que, dans cette approche, c'est précisément
ce que l'on attend de lui. Ce temps nécessaire à l'enfant pour choisir ce qui
l'intéresse pourra être avantageusement utilisé pour lui faire découvrir l'envi-
ronnement thérapeutique et, de ce fait, stimuler sa curiosité, son intérêt
pour les objets et pour les personnes qui l'entourent.
Par ailleurs, pour jouer il faut se sentir en confiance, en sécurité ( Winnicott,
1975) î il est donc nécessaire d'établir une relation de confiance avec l'enfant
pour que le vrai jeu s'installe. Le fait que le thérapeute participe au jeu peut
sécuriser l'enfant anxieux.
Il peut arriver que l'enfant opte pour une activité trop facile pour que le
plaisir de l'action se maintienne. Cela peut arriver fréquemment dans le cas
d'un enfant à qui on demande constamment de fournir un effort maximal
en lui disant : « C'est bien, mais je suis sûre que tu peux faire mieux» ; «Allez,
encore un petit effort, tu es capable ! ». Dans ce contexte-ci, si l'on parvient
à lui faire comprendre que l'on n'attend aucune performance précise de sa
part, mais qu'on espère plutôt qu'il découvrira le plaisir d'agir sur les objets,
il changera rapidement d'activité. Se rappelant que la nouveauté, l'incerti-
tude et le défi surmontable sont des conditions nécessaires pour susciter et
maintenir l'intérêt de l'enfant (Ellis, 1972), un commentaire du genre : «Tu
es bon, à ce jeu ! C'est tellement facile pour toi que ça doit être ennuyant... »
pourra l'inciter à rendre son jeu plus complexe ou à en choisir un autre. Le
thérapeute peut d'ailleurs faire des suggestions dans ce sens. Par exemple, si
l'enfant refait inlassablement le même casse-tête qu'il réussit facilement, le
thérapeute peut lui dire : «As-tu déjà essayé de le faire les pièces retournées
face contre la table? » ou « Serais-tu capable de retrouver les pièces cachées
dans le sable? ». De fait, sans intervenir dans le choix de l'enfant quant au
matériel de jeu ou à l'activité ludique, le thérapeute peut enrichir la situation
de jeu pour la faire évoluer.
Par ailleurs, l'activité retenue peut être trop difficile pour l'enfant : ce sera
alors l'occasion de solliciter son imagination, son humour, son initiative, sa
124 * LE MODÈLE LUDIQUE
capacité à résoudre des problèmes pour tenter d'adapter l'activité à ses pos-
sibilités, deuxième volet de la capacité d'agir. Cette démarche d'adaptation
doit être proposée comme un jeu à l'enfant et le thérapeute accompagnera
l'enfant dans sa recherche de solutions. De la sorte, l'échec, la frustration et les
difficultés ne sont pas évacués de la thérapie, pas plus que les situations impré-
vues. Face à ces difficultés, personne n'attend du thérapeute ou de l'enfant
une solution miracle ; en combinant leurs efforts, ils recherchent tous deux des
solutions permettant à l'enfant de poursuivre son action. Dans ce contexte,
une aide technique (p. ex. : ciseaux montés sur une base de bois, permettant
de découper d'une main) peut se retrouver parmi les solutions possibles. Il ne
faut pas craindre qu'une aide technique proposée pour suppléer temporai-
rement à une fonction lacunaire en empêche le développement. L'enfant sera
trop heureux de pouvoir effectuer l'activité comme les autres enfants dès que
ses habiletés auront évolué suffisamment et il délaissera volontiers les aides
qu'on lui aura fourmes. Toutefois, l'assister de la sorte quand il en a besoin
contribue à entretenir son plaisir et son désir d'agir.
Il peut arriver qu'aucune solution efficace ne soit trouvée ni par l'enfant ni
par le thérapeute. Rien de dramatique à cela puisque, comme ce n'est qu'un
jeu, on peut même se permettre d'échouer. Alors, l'enfant comprend que
l'échec est normal, tout autant pour lui que pour le thérapeute. Ce dernier
peut utiliser la technique du reflet en mettant des mots sur les sentiments
qu'il perçoit chez l'enfant (colère, frustration, déception). L'ergothérapeute
doit donc être attentif à ce que vit l'enfant, faire preuve de sensibilité et le sou-
tenir dans ses tentatives. Son attitude sera sécurisante, souple et dynamique.
Les limitations inhérentes à la déficience entraînent une réduction des
capacités de bouger, de manipuler les objets et d'explorer. Pour faciliter
l'action de l'enfant, il nous appartient de mettre à son service à la fois notre
imagination et les moyens dont nous disposons. Adopter une meilleure posi-
tion représente l'un de ces moyens ; ainsi, un enfant aura plus de facilité à
jouer en étant allongé sur le côté, alors qu'un autre sera plus à l'aise en étant
assis sur un matelas au sol. De la même manière, un enfant très spastique
pourra bénéficier de techniques de facilitation; ces techniques seront appli-
quées subtilement ou encore de façon ludique. Par exemple, si la spasticité
empêche l'enfant de saisir des objets, on pourra prétendre recourir à la magie
pour réveiller ce bras qui refuse de faire son travail et appliquer des techniques
LE MODÈLE LUDIQUE : MODÈLE DE PRATIQUE * 125
Le matériel de jeu qui peut être utilisé dans cette approche est très varié ;
jouets de toutes sortes, jeux éducatifs, sable, papier et crayons, trampoline,
bac à eau, maison de poupée, peinture, terre glaise, etc.
L'équipement de l'environnement physique peut aussi devenir source
d'activité ludique : évier, téléphone, ascenseur, espace extérieur...
Les expériences ludiques vécues en thérapie peuvent comporter du maté-
riel de jeu, mais elles peuvent aussi consister en des mises en situation ou en
des activités ne requérant aucun matériel. À titre d'exemples, signalons
quelques possibilités :
• jeux de simulation :
- faire semblant d'aller à l'épicerie, d'être en voyage, de demander un ren-
seignement, d'être un pompier, de faire la cuisine ;
126 * LE MODÈLE LUDIQUE
- simuler l'action suggérée par des images (souffler une bougie, manger
des raisins, sentir une fleur) ;
• mises en situation réelle : aller dehors, explorer l'établissement, emballer
un cadeau, appeler maman au téléphone, confectionner un gâteau, déco-
rer la salle pour une fête ;
• jouer avec des mots, des idées, des concepts :
- associer des mots en chaîne suivant des règles précises, par exemple en
commençant par telle syllabe, par les objets ayant quatre pattes, par des
objets ronds que l'on peut voir dans la salle ;
- repérer la personne qui parle le plus dans la salle, celle qui est la plus
grande, la plus petite.
Ce type de jeux stimule le sens de l'observation chez l'enfant. On peut
aussi jouer aux incongruités conceptuelles : imaginer que les animaux échan-
gent leurs cris (éléphant qui jappe, cheval qui miaule), que les objets chan-
gent de fonction (crayon pour téléphoner, brosse à dents pour balayer).
Réalisables avec des enfants âgés d'au moins trois ans, ces jeux favorisent le
développement de l'humour chez l'enfant (Krogh,i985) :
• jouer à s'exprimer de façon non verbale : mimer, par l'expression du
visage, la tristesse, la colère, la joie ;
• jouer en utilisant le corps :
- remuer une partie du corps ou battre des mains en suivant le rythme de
la musique;
- tandis qu'on écoute une histoire, toucher les parties du corps qui sont
nommées ou regarder dans la direction désignée ;
- se mouvoir dans divers éléments naturels ou artificiels (sable, eau, neige,
bac de balles de mousse) ;
- explorer différentes façons de remuer une partie du corps en variant le
rythme et le mouvement (lentement, rapidement, flexion, rotation) ;
• jouer dans sa tête :
- raconter des histoires dans lesquelles les indices visuels, auditifs, kines-
thésiques sont entremêlés et amènent l'enfant à véritablement vivre le
récit dans sa tête (Fazio, 1997) ;
LE MODÈLE LUDIQUE : MODÈLE DE PRATIQUE * 127
• expériences de physique :
- faire mousser du savon dans l'eau, faire fondre de la glace ou faire flot-
ter des objets sur l'eau.
Le matériel de jeu offert à l'enfant est fonction de son potentiel ludique
et de l'intérêt qu'il suscite chez lui, et non des limitations propres à l'enfant.
L'utilisation non conventionnelle du matériel est également stimulée puis-
qu'elle favorise l'expression de l'imagination et de la créativité.
En début de session, l'ergothérapeute peut énumérer le matériel de jeu
disponible et proposer aussi certaines des activités mentionnées plus haut,
élargissant ainsi les possibilités de jeu. Ainsi qu'il a été indiqué précédem-
ment, c'est toutefois l'enfant qui choisit ce qui l'attire.
Le jeu adapté est également une modalité appropriée qu'il convient de
retenir puisqu'il permet à plusieurs enfants gravement atteints d'éprouver
pour la première fois le sentiment de maîtriser leur environnement. Dans sa
plus simple expression, le jeu adapté ne requiert qu'un geste, presser ou relâ-
cher un interrupteur; l'enfant observe alors l'effet qu'il peut exercer sur son
environnement. Selon les capacités de l'enfant, le jeu adapté peut également
être utilisé pour reproduire des situations en miniature, à l'aide de person-
nages actionnés par un interrupteur, en s'inspirant d'événements apparte-
nant à la vie quotidienne de l'enfant.
DEVOLUTION DE LA THERAPIE
Trois etapes
voir ce qui se cache sur la tablette du haut, comment arriver à saisir le jouet
qui se trouve tout au fond, comment transporter une boîte remplie de petits
jouets mais trop lourde pour l'enfant? Voilà autant de questions auxquelles
l'enfant aura envie de répondre en recourant à ses ressources personnelles.
La deuxième étape s'étend sur plusieurs mois et l'enfant est susceptible d'y
revenir chaque fois qu'il sera confronté à du nouveau matériel. C'est l'étape
des découvertes, de la manipulation, de la répétition et de l'exploration.
Revenons à Simon (tableau 6) pour qui nous avons déjà établi des objectifs
thérapeutiques. Globalement, on voit que Simon en est à la deuxième étape.
En travaillant avec lui, il nous faudra l'amener à explorer attentivement les
objets et l'espace, à découvrir ce qu'il peut faire avec les objets, à décider lui-
même de ce qu'il fera. Supposons qu'à la première séance il choisisse un
camion. A-t-on besoin d'autre matériel de jeu pour jouer avec le camion?
Qu'en pense Simon ? Nous installerons-nous sur le matelas, dans le sable, à la
table? C'est Simon qui prend la décision. Comment transporter le camion
jusque-là? Une fois installés dans l'aire de jeu choisie par Simon, on peut se
demander si le camion a un moteur, s'il fait du bruit. Oui? Non? Les por-
tières s'ouvrent-elles? Il semble que oui. Simon peut-il y parvenir? Non? Peut-
il trouver un truc? Avec un bâton? Essayons. Peut-on placer des passagers à
132 * LE MODÈLE LUDIQUE
Comment peut-on suivre l'évolution des acquis dans ce modèle? Une rééva-
luation de l'enfant permet de voir combien de capacités originairement
LE MODÈLE LUDIQUE : MODÈLE DE PRATIQUE * 133
Si les conditions s'y prêtent, une rencontre avec les parents permet à l'ergo-
thérapeute d'expliquer tant les résultats de l'évaluation, les objectifs qui sont
visés par la thérapie que la philosophie de l'approche. Ces explications peu-
vent aussi leur être données lors d'une rencontre d'équipe à laquelle ils ont été
invités. Alors les parents entendent parler de leur enfant non seulement du
point de vue de ses difficultés, mais aussi de ses ressources et des intérêts qui
lui sont propres. Pour clarifier les objectifs de la thérapie, il faut préciser pour-
quoi on utilise le jeu; par le jeu, on tente de développer chez l'enfant le plai-
sir de l'action, de nourrir son intérêt et de l'encourager à poursuivre ses
efforts, de l'aborder de façon globale, utilisant tant ses ressources que ses inté-
rêts particuliers pour surmonter ses limitations, de développer non seule-
ment ses habiletés, mais aussi une attitude qui l'amènera à considérer les
difficultés comme des défis à relever et de développer son autonomie. Par
ailleurs, partant des intérêts mêmes de l'enfant, l'intervention est personna-
lisée et le touche davantage. Alors, les parents comprendront que notre
démarche est rigoureuse et les moyens employés, bien choisis et intéressants
pour l'enfant.
En général, les parents réagissent très favorablement à ces explications. Les
réticences exprimées au départ par certains sont souvent liées à la crainte
que l'enfant ne « travaille » pas suffisamment en thérapie si on utilise le jeu.
Il est aisé de leur montrer que le jeu, ce n'est pas une solution de facilité :
l'analyse d'une activité de jeu leur permettra de se rendre compte de ce
qu'elle exige de l'enfant et ce qu'elle sollicite chez lui.
LE
134 * MODÈLE LUDIQUE
Dans certains milieux, cette approche peut susciter parfois chez les collègues
de travail des commentaires tels que : « Cela n'est pas très difficile d'être ergo-
thérapeute, vous ne faites que jouer avec l'enfant ! » Évitons de réagir à ces
commentaires comme si notre compétence professionnelle était mise en cause.
Évitons aussi de nous laisser enfermer dans le paradoxe évoqué par Bundy
(1993), à savoir qu'en ergothérapie on croit fondamentalement aux vertus du
jeu, mais qu'on le met fréquemment en veilleuse de crainte de ne pas être pris
au sérieux. En effet, le jeu peut passer pour une méthode bien trop simple !
Pourquoi le jeu?
L'important, c'est de savoir pourquoi et dans quel but nous faisons jouer
(Etienne, 1982) et de prendre le temps de l'expliquer à l'équipe de soins. Les
éclaircissements fournis aux parents lors d'une rencontre d'équipe pourront
bénéficier aussi aux autres professionnels. Il est toutefois souhaitable de leur
offrir des explications supplémentaires, lors d'une discussion d'équipe par
exemple. Il s'agit d'exposer la philosophie qui sous-tend cette manière de
faire : l'importance de recourir à des activités significatives pour motiver
l'enfant, la volonté des ergothérapeutes d'adopter une approche centrée sur
l'enfant et la justification d'une telle approche, l'objectif du plaisir d'agir et du
développement de la capacité d'agir, en dépit des limitations. On peut éga-
lement préciser que cette approche s'appuie sur des données probantes (evi-
dence-based practicë) : elle repose sur des assises théoriques rigoureuses
(recension bibliographique, recherche qualitative) et les recherches de vali-
dation du modèle menées jusqu'à ce jour confirment sa valeur.
dans ses ressources et intérêts afin de l'amener à être actif dans son quotidien
et à en retirer du plaisir et de la satisfaction, voilà la contribution originale et
unique de l'ergothérapeute au travail de l'équipe multidisciplinaire. Voilà
pourquoi on aborde l'enfant dans sa globalité et pourquoi on mise sur son
plaisir dans la thérapie. Ainsi conçu, le rôle de l'ergothérapeute se distingue
nettement de celui du physiothérapeute ou du psychologue. De plus, il cor-
respond tout à fait à la philosophie de base de la profession.
L'application du modèle ludique a été étudiée dans ce chapitre en fonc-
tion des enfants ayant une déficience physique grave et permanente. Il va
de soi que cette application variera d'un enfant à l'autre puisque chacun
présente des besoins, intérêts, capacités et attitudes qui lui sont propres. Par
ailleurs, le thérapeute lui-même peut avoir sa façon personnelle d'appliquer
ce modèle. De la sorte, une thérapie s'appuyant sur le modèle ludique est
toujours très dynamique et tourne le dos à la routine.
Si on désire utiliser le modèle ludique auprès d'une autre clientèle que celle
pour laquelle il a été conçu, soit les enfants d'âge préscolaire ayant une défi-
cience physique grave, la façon de l'appliquer devra être revue afin de
s'assurer qu'il a toutes les chances de répondre aux besoins de ces enfants. Il
faut alors bien saisir la dynamique de l'enfant pour en arriver à une adap-
tation adéquate du modèle. Quels sont les autres enfants qui pourraient
bénéficier de ce modèle ? On peut penser que, pour tous les enfants qui ont
besoin de surmonter leur passivité et leur dépendance, de développer le goût
de relever des défis et de découvrir le plaisir d'agir, le modèle ludique peut
s'avérer un choix heureux.
La question soulevée par cette étude était la suivante : une intervention axée
directement sur le soutien des comportements ludiques entraînera-t-elle une
amélioration plus importante de ceux-ci qu'une approche conventionnelle et
produira-t-elle des effets sur les capacités fonctionnelles sous-jacentes, telles
que les capacités motrices et visuo-perceptives? Il ressort de l'ensemble des
analyses que lorsqu'une différence significative est observée entre les deux
approches, l'avantage se trouve toujours du côté de l'intervention ludique en
groupe. De fait, tant les habiletés visuo-perceptives que le comportement de jeu
se sont améliorés davantage (différences statistiquement significatives) avec
cette intervention qu'avec l'intervention conventionnelle. Quant aux habiletés
motrices, il ne ressort aucune différence entre les deux groupes. Ces résultats
prometteurs demandent à être investigués davantage dans une étude de plus
grande envergure, mais ils laissent entrevoir d'ores et déjà la pertinence du
modèle ludique pour les enfants ayant des retards de développement, parti-
culièrement en situation de groupe.
S'appuyant sur son étude menée auprès d'enfants ayant une déficience intel-
lectuelle, Messier (2000) considère que l'utilisation d'une évaluation de jeu
auprès de cette clientèle est innovatrice et appropriée. Les résultats obtenus
donnent également à penser que le cadre conceptuel du modèle ludique
convient à cette clientèle et ils amènent l'auteure à s'interroger sur la perti-
nence de l'approche la plus fréquemment utilisée auprès de ces enfants, soit
l'approche behaviorale; en effet, les résultats démontrent que les capacités
d'imitation de ces enfants (fortement sollicitées dans l'approche behaviorale)
sont limitées. Messier propose de miser plutôt sur la curiosité de ces enfants,
leur initiative, leur spontanéité et leur goût du plaisir, qui sont des caracté-
ristiques plus marquées chez eux, et il estime que cela favoriserait davantage
leur apprentissage. D'autres études devront être menées afin de confirmer
ou infirmer cette hypothèse.
Il est évident que l'application du modèle à cette clientèle devra être adap-
tée aux caractéristiques de ces enfants. Ainsi, peut-être faudra-t-il que l'ergo-
thérapeute se montre plus actif dans son intervention ; accorder trop de
latitude à ces enfants qui présentent souvent des comportements répétitifs et
LE MODÈLE LUDIQUE : MODÈLE DE PRATIQUE * 137
sans but pourrait avoir, contrairement à ce qui est le cas chez ceux qui ont
une déficience physique, peu d'effet positifs. Un accompagnement plus étroit
serait peut-être nécessaire.
Le modèle ludique peut-il être retenu pour travailler auprès des enfants qui
présentent des problèmes de santé mentale ? Un commentaire émanant
d'ergothérapeutes travaillant auprès de cette clientèle laisse croire que la phi-
losophie du modèle pourrait être utile.
Bien sûr, son application auprès de cette clientèle ne saurait être la même
qu'auprès des enfants ayant une déficience physique : il est nécessaire de
l'adapter à la dynamique des enfants ciblés, à leurs besoins particuliers.
Toutefois, considérant le commentaire précédent, on peut croire que la phi-
losophie du modèle ludique serait en accord avec la pratique profession-
nelle dans ce champ de pratique.
Par ailleurs, l'étude de Simard (en cours), en précisant les variables venant
de la mère et de l'enfant susceptibles de favoriser le plaisir dans l'interaction
mère-enfant, apportera des informations précieuses pour l'ergothérapeute
œuvrant en santé mentale. D'autres études seront aussi nécessaires pour
appuyer le recours au modèle ludique dans la pratique en santé mentale
infantile.
138 * LE MODÈLE LUDIQUE
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LE MODÈLE LUDIQUE : MODÈLE DE PRATIQUE » 139
Face aux parents, nous devons faire preuve d'une grande humilité pro-
fessionnelle. Oui, nous avons des connaissances, compétences et techniques
spécifiques pour travailler avec l'enfant, mais nous ne connaîtrons jamais
complètement ce que vivent les parents au quotidien. Demandons-nous
comment nous réagirions à leur place. Nous voyons cet enfant une heure à
la fois, cet enfant qui n'est pas le nôtre et qui ne fait pas naître chez nous
des sentiments intenses et contradictoires; les parents, eux, sans y être aucu-
nement préparés, prodiguent au quotidien des soins à cet enfant, et ce pen-
dant de longues années. Évitons de porter des jugements hâtifs sur la façon
de faire de certains parents ; essayons plutôt de comprendre leur situation et
de leur fournir des pistes susceptibles de les aider.
Par ailleurs, quand on vit avec un enfant qui présente une incapacité
motrice, et qui se trouve d'autre part entouré de professionnels de la réadap-
tation, le risque est grand que toute l'attention se concentre sur le handicap de
l'enfant. Ce risque semble réel si l'on considère que, dans la recherche menée
par Hinojosa (1990), il appert que les mères s'appuient beaucoup sur l'opinion
des professionnels de la réadaptation pour toute décision concernant l'enfant.
Selon Kazak (1987), cette insatisfaction des parents peut être ramenée au
fait que le professionnel concentre son intervention sur l'enfant et néglige les
besoins de la famille. Il apparaît opportun de reconsidérer notre travail
auprès des parents pour tenir compte du contexte familial et mettre en
œuvre une intervention qui soit centrée sur les besoins de la famille (Law,
1998). Le modèle ludique s'inscrit dans cette optique.
Avant de préciser comment intervenir dans le modèle ludique, considé-
rons d'abord les rôles des parents et des thérapeutes face à l'enfant.
FIGURE 4
Par ailleurs, comme cet enfant présente une condition physique particu-
lière, il a des besoins particuliers ; c'est là notre raison d'être. Il faut absolu-
ment éviter de « thérapeutiser » les parents, sinon le risque est grand que les
besoins fondamentaux de l'enfant soient négligés et que le surmenage des
parents compromette la qualité de vie de leur famille. Ainsi, parents et pro-
fessionnels ont des rôles distincts à assumer auprès de cet enfant, répon-
dant à des besoins différents.
Ces rôles sont également complémentaires. D'une part, les parents nous
sont d'une aide précieuse au moment de la prise de contact avec l'enfant pour
nous aider à mieux le connaître et à mieux personnaliser l'intervention; grâce
aux informations qu'ils nous fournissent, ils nous secondent dans notre rôle
de thérapeute. D'autre part, ces parents sont d'abord et avant tout des parents
et nous pouvons les aider à assumer leur rôle parental; nous verrons plus bas
comment mettre en œuvre cette approche centrée sur les besoins de la famille.
Dans le modèle ludique, parents et intervenants établissent donc une
relation semblable à un partenariat ; chacun des partenaires fournit son
apport propre, mais de qualité égale.
Voyons quels sont les objectifs du travail avec les parents dans le cadre du
modèle ludique.
FIGURE 5
Parmi les activités que vous devez faire avec votre enfant,
quelles sont celles qui sont difficiles ou désagréables
pour vous ou pour votre enfant?
Il y a de fortes chances que l'on retrouve ici les activités reliées aux soins à
donner à l'enfant : soins d'hygiène, d'alimentation, d'habillement. Faciliter les
soins quotidiens à donner à l'enfant, donc réduire la difficulté et le temps qu'ils
exigent, contribue à diminuer le surmenage qui touche les mères d'enfants
ayant une déficience physique (Cherry, 1989 ; Tétreault, 1993). Faciliter le tra-
vail de la mère dans l'ensemble de ses activités quotidiennes est aussi fort
148 * LE MODÈLE LUDIQUE
approprié. Mais notre contribution professionnelle doit aller plus loin encore
si on vise véritablement le mieux-être de l'enfant et de toute sa famille.
Parmi les activités que vous aimez faire avec votre enfant,
quelles sont celles auxquelles il réagit bien ?
Ces activités, appréciées tant du parent que de l'enfant, doivent être valori-
sées, reconnues comme importantes par les parents ; elles représentent des
moments privilégiés pour établir une interaction entre le parent et l'enfant.
Comme l'écrit Brazelton (1981), l'essence du «parentage» ne repose pas sur
ce que l'on fait avec l'enfant, mais plutôt sur l'échange, sur les rapports qui
se mettent en place entre le parent et l'enfant. Les intervenants doivent inci-
ter les parents à reconnaître l'importance de ces activités dans leur quotidien
et à les conserver précieusement.
Parmi les activités auxquelles vous voyez les autres enfants s'adonner,
quelles sont celles que vous souhaiteriez offrir à votre enfant?
En concentrant constamment nos énergies et celles des parents sur les dif-
ficultés de l'enfant, on amène les parents à ne retenir que les limitations de
l'enfant et à oublier qu'il est d'abord un enfant ; on restreint d'autant ses
expériences. En posant cette question, on ouvre la porte à l'initiative, aux
intérêts et à l'imagination des parents. On leur donne le droit de penser à leur
enfant tel qu'il est, c'est-à-dire comme à un enfant.
S'ils pensent à ce que font les autres enfants, les parents pourront avoir
quantité de réponses à cette question : explorer la chasse d'eau, découvrir la
magie du magnétophone, se livrer à des expériences de chimie avec les ingré-
dients de la cuisine, apprivoiser l'aspirateur, fouiller dans les armoires,
s'occuper d'un animal. Alors, il sera possible de leur faire comprendre l'impor-
tance de ces activités toutes simples qui sont pour leur enfant autant de fenêtres
sur le monde.
Pour certaines activités, une adaptation sera requise; l'ergothérapeute est le
professionnel qui peut le mieux aider le parent à adapter l'activité aux possi-
bilités de l'enfant. D'autres activités ne demandent que l'accord et le soutien du
thérapeute; en effet, les parents peuvent avoir peur de nuire aux thérapies. Si
l'enfant accompagne la famille en camping, est-ce contre-indiqué qu'il couche
LE MODÈLE LUDIQUE ET LES PARENTS * 149
par terre ou qu'il fasse un tour de chaloupe? Pour ce type d'activités, les parents
ont en quelque sorte besoin de l'autorisation du professionnel de la réadap-
tation. Nous l'avons dit, les parents se fient beaucoup à l'opinion de ces pro-
fessionnels qu'ils voient comme les experts pour tout ce qui concerne leur
enfant. À nous de recadrer les choses et de donner aux parents l'assurance
dont ils ont besoin pour offrir diverses expériences à leur enfant. L'important
demeure toujours que l'activité choisie plaise tant au parent qu'à l'enfant; c'est
en l'essayant que l'on connaîtra la réaction de l'enfant.
L'approche proposée vise donc à rendre au parent le plaisir d'interagir
avec son enfant en suscitant une variété d'expériences et elle lui permet de
découvrir chez son enfant d'autres facettes que celle du handicap. Il se rend
alors compte que, malgré les limitations physiques, son enfant peut devenir
curieux, exprimer de l'intérêt pour ce qui se passe autour de lui et avoir le
goût d'y réagir. Parents et enfants découvriront alors le plaisir de l'activité
partagée. Encore faut-il que le parent ait suffisamment d'assurance, de temps
et d'énergie pour le faire. Le rôle du thérapeute est d'encourager les parents
à interagir de la sorte avec leur enfant et de faciliter leur rôle de parents.
Tentons de définir les connaissances, compétences et techniques parti-
culières dont dispose l'ergothérapeute pour travailler dans ce sens avec les
parents.
Face aux difficultés que peuvent éprouver les mères dans leurs activités quoti-
diennes avec l'enfant, l'ergothérapeute peut leur offrir des moyens pour en
simplifier l'exécution : positionnement pour alimenter l'enfant, aides techni-
ques pour faciliter le bain ou l'habillement, techniques pour le transporter. Ces
mesures, qui simplifient les activités entreprises avec l'enfant, peuvent aussi
protéger la santé de la mère et particulièrement lui éviter des problèmes de dos.
L'ergothérapeute peut faire davantage. Selon l'étude de Larson (2000),
«orchestrer» les activités des mères d'enfants ayant une déficience contribue
2. Pour plus de détails sur ce thème, le lecteur est invité à lire : Ferland, F. (20010).
15O * LE MODÈLE LUDIQUE
Pour avoir plus de plaisir avec leur enfant, les parents bénéficieront de tout ce
qui les aidera à mieux le comprendre et à le connaître par-delà sa déficience.
Le fait de discuter avec eux des effets de la déficience sur le développement et
le comportement de l'enfant peut les rassurer quant à leurs compétences
parentales ; les réactions parfois négatives de leur enfant dans certaines situa-
tions seront mieux analysées et ne seront pas systématiquement interprétées
comme étant la preuve de leur incompétence à comprendre leur enfant.
Partager avec les parents notre connaissance du développement sensoriel des
enfants leur permettra de saisir l'importance d'activités quotidiennes toutes
simples qui incitent l'enfant à regarder, écouter, toucher, sentir et bouger, et
de reconnaître leurs effets sur le développement de l'enfant. Dans le même
sens, préciser aux parents la séquence de développement des diverses habile-
tés les aidera à suivre l'évolution de leur enfant et à avoir des attentes réa-
listes à son endroit. Ils comprendront mieux leur enfant. Enfin, les sensibiliser
au développement global de l'enfant, faisant ressortir son comportement
dans les autres sphères que celle liée à ses limitations, aidera les parents à
regarder leur enfant d'un autre œil et peut-être à découvrir chez lui des forces
insoupçonnées. L'ergothérapeute dispose pour cela d'un outil de travail fort
efficace : l'analyse d'activité. En faire la démonstration aux parents les amè-
nera à découvrir leur enfant dans sa globalité, à comprendre la complexité
152 * LE MODÈLE LUDIQUE
d'une activité de prime abord toute simple, à mieux apprécier les efforts de
l'enfant et à savoir reconnaître ses progrès.
Connaissant mieux leur enfant non seulement dans ses difficultés, mais
surtout dans ses potentialités, ils seront plus enclins à réaliser avec lui des
activités au quotidien et ils s'apercevront que celui-ci, à son tour, réagit à
leurs actions. S'ils sont invités à miser sur les forces de leur enfant, cette
interaction sera d'autant plus agréable pour les deux parties en cause.
L'attitude ludique peut aussi enrichir les rapports entre les parents et
l'enfant. Aborder les tâches quotidiennes avec humour, ajouter un brin de
folie dans la routine, tout cela peut changer la couleur de la journée et rendre
le contact avec l'enfant plus serein et plus agréable. Beaucoup de parents
d'enfants qui présentent des incapacités importantes soulignent que c'est leur
sens de l'humour qui les a le plus aidés à surmonter les difficultés (Ferland,
looia). L'humour bénéficie aussi à l'enfant qui a alors comme modèles des
personnes qui, malgré les difficultés, savent rire et s'amuser dans la vie. Aidons
les parents à développer ou à retrouver cette attitude-là.
On aide les parents à occuper leur véritable place auprès de leur enfant en
tant que parents et à découvrir le plaisir avec lui. Par ailleurs, un autre élé-
ment doit également être pris en considération par les thérapeutes qui offrent
leurs services à des enfants. Tout parent, y compris celui d'un enfant ayant
une déficience physique, a des besoins qui lui sont propres, en tant qu'être
humain, en tant qu'adulte, en tant que conjoint, besoins dont il doit s'occu-
per lui-même ; l'enfant ne peut combler tous ces besoins. Le parent doit s'oc-
cuper de lui en tant qu'individu, prendre sa place dans sa propre vie, s'aimer
suffisamment pour se faire plaisir. Il faut comprendre que cela permet non
seulement de répondre à ses besoins, mais peut aussi servir de soupape, per-
mettre en quelque sorte de recharger ses batteries.
Ce travail d'accompagnement du parent peut se faire lors de rencontres
individuelles ou de visites à domicile. Il est aussi possible de discuter certains
des thèmes précédemment mentionnés lors de rencontre, de groupes de
parents ; ces rencontres réunissant des personnes qui vivent des expériences
similaires sont susceptibles d'apporter un soutien précieux aux parents.
mais bien de les aider à découvrir eux aussi le plaisir d'interagir avec cette
sœur ou ce frère différent des autres.
Ces enfants ont besoin d'être rassurés quant à l'amour de leurs parents,
d'avoir un espace personnel qui leur permette d'être avant tout des enfants,
d'exprimer ces sentiments qui les étreignent, de comprendre l'état de leur
frère ou sœur. Ils ont aussi besoin de créer des liens fraternels avec cet enfant.
Pour ce faire, le jeu peut à nouveau être une activité de choix. Très souvent,
les frères et sœurs ont des rapports plus spontanés avec l'enfant ayant une
déficience que leurs parents. Si on les laisse jouer ensemble, ils lui parleront
comme à un autre enfant, lui expliqueront beaucoup de choses, le feront
rire et parfois ils se mettront en colère. Autrement dit, ils créeront de vrais
liens fraternels. C'est en se côtoyant que les frères et sœurs apprennent à
s'aimer mutuellement et qu'ils grandissent à travers cette expérience.
Pour l'enfant qui présente une déficience, les frères et sœurs peuvent
s'avérer des partenaires de jeu précieux pour accroître son bagage de connais-
sances et d'expériences. Le piège à éviter est de demander à la fratrie de sup-
pléer les parents.
Ainsi appliqué en collaboration avec les parents et la fratrie, le modèle
ludique tente de répondre aux besoins de la famille, au quotidien, et met à
contribution les compétences et connaissances de l'ergothérapeute puisées
tant dans son expérience auprès des enfants que dans sa formation de base.
Tout autant qu'avec l'enfant que l'on aborde d'abord et avant tout comme
un enfant, les parents sont reconnus d'abord et avant tout comme des
parents, ayant parfois besoin qu'on leur fournisse une aide supplémentaire
pour assumer leur rôle. De plus, on vise pour les parents le plaisir d'interagir
avec leur enfant. Miser sur le plaisir partagé entre le parent et l'enfant, c'est
miser sur une valeur sûre, c'est miser sur le mieux-être de toute la famille. De
la sorte, on contribue à rendre la vie de la famille semblable à celle des autres,
bien que l'un de ses membres soit différent des autres.
RÉFÉRENCES
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assistance : thé impact of a child's disability. American Journal of Occupational
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recherche», 158^2-921067-24-2, thèse de doctorat, École de Service social, Université
Laval.
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UNRUH, A. (1992). Siblings of children with spécial needs. Revue canadienne d'ergo-
thérapie, 59,151-158.
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CONCLUSION
Le présent ouvrage est le fruit d'une réflexion portant sur le jeu, sur l'enfant
ayant une déficience physique et sur l'ergothérapie, réflexion qui s'est éche-
lonnée sur plusieurs années. Le modèle ludique propose une approche globale
et positive de l'enfant en action. Il situe l'enfant au centre de l'intervention
ergothérapique, participant à part entière à la thérapie.
Le cadre conceptuel et le modèle de pratique qui sont proposés démon-
trent clairement que l'ergothérapie est à la fois un art et une science ; un art
puisque son application relève de l'habileté du thérapeute à mettre en appli-
cation des principes et des objectifs thérapeutiques précis dans un contexte
qui se veut par ailleurs ludique, et une science puisqu'elle repose sur une
démarche intellectuelle rigoureuse sous-tendant la démarche thérapeutique.
En ce sens, le modèle ludique s'inscrit dans la tendance actuelle de fonder la
pratique sur des données scientifiques (evidence-basedpractice).
Ce modèle n'est pas entièrement innovateur. Certains thérapeutes d'expé-
rience adoptent spontanément une attitude qui se rapproche de celle que
nous proposons. Toutefois, les fondements théoriques et philosophiques tout
autant que la systématisation de son application le sont. En offrant un cadre
de travail précis tant sur le plan théorique que clinique, il permet à l'ergothé-
rapeute, même débutant, d'aborder l'enfant de façon globale par le biais d'un
domaine d'activités propre à l'enfant et de pouvoir expliquer sa démarche.
158 * LE MODÈLE LUDIQUE
RÉFÉRENCES
APERÇU GÉNÉRAL
TABLEAU 7
Aperçu général de la recherche
QUESTIONS PARTICIPANTS
OBJET
MÉTHODOLOGIE
Participants
TABLEAU 8
PARTICIPANTS CARACTÉRISTIQUES
(âge) FAMILIALES CONDITION DE L'ENFANT
participants résidaient à Montréal et ont été interviewés soit sur leur lieu
de travail, soit à leur domicile.
Le tableau 10 présente les informations concernant les ergothérapeutes
interviewées.
ANNEXE 1 » 165
TABLEAU 9
TABLEAU 10
ANNÉES CLIENTÈLE
PARTICIPANTS D'EXPÉRIENCE (âge et type) LIEU D'EXERCICE
Cueillette de données
Les principales données ont été recueillies au cours d'entrevues menées dans
le milieu de vie naturel du participant : domicile ou lieu de travail. De plus,
la méthode de l'observation participante a été utilisée au centre de stimula-
tion précoce de l'Association de la paralysie cérébrale de Montréal et au ser-
vice d'ergothérapie du Centre Cardinal-Villeneuve, à Québec. Enfin, nous
avons tenu un journal de bord pendant toute la durée du projet.
Entrevues
TABLEAU 11
Collecte des données
JOURNALDEBORD
(impressions, reflexions personnelles. questions;
ANNEXE 1 * 167
TABLEAU 12
Entrevue avec les parents d'enfants ayant une déficience physique
Quelles sont les activités (de jeu ou autres) au cours desquelles votre enfant semble
éprouver le plus de plaisir?
(Au besoin : comment votre enfant réagit-il aux animaux, à l'eau, à la télévision, aux
autres enfants?)
COMMENTAIRES DES PARENTS QUANT À L'EXPRESSION DES ÉMOTIONS PAR LEUR ENFANT
Comment votre enfant exprime-t-il ses sentiments : plaisir, crainte, tristesse, désirs?
Qu'est-ce que le jeu pour vous? La même définition s'applique-t-elle à votre enfant?
COMMENTAIRES DES PARENTS QUANT AU PLAISIR DANS LEUR VIE AVEC L'ENFANT
Parmi les activités que vous effectuez avec votre enfant, laquelle vous plaît le plus?
Avez-vous la possibilité de vous réserver des moments pour vous-mêmes afin
d'accomplir des activités qui vous plaisent?
TABLEAU 13
Entrevue avec les adultes ayant une déficience physique
Selon votre expérience, qu'est-ce qui aide le plus la personne qui a une déficience
physique à bien fonctionnera l'âge adulte?
Qu'est-ce qui vous a le plus aidé à trouver votre place dans le monde adulte?
Qu'est-ce qui vous a le plus nui?
Selon votre expérience, sur quoi doit-on mettre davantage l'accent quand on veut
aider un enfant qui a une déficience physique (habiletés, attitudes, assistance
technique)?
TABLEAU 14
Utilisez-vous le jeu dans votre pratique quotidienne auprès d'enfants ayant une
déficience physique; si oui, pourquoi et comment?
Comment se situe le jeu par rapport aux autres techniques que vous utilisez avec
l'enfant?
DÉFINITION DU JEU
Dans votre travail avec l'enfant, quel est votre objectif à long terme?
Quelle est la place réservée aux parents dans le traitement prodigué à leur enfant?
Participent-ils à la thérapie? Si oui, comment?
Observation participante
Journal de bord
Nous avons tenu un journal de bord pendant toute la durée du projet pour
consigner les idées ou réflexions personnelles suscitées par le contact avec les
participants, également des observations, des hypothèses et des réactions
personnelles à des lectures sur le sujet. Tout en permettant de suivre la pro-
gression de la recherche, le journal de bord nous aidait aussi à structurer
notre analyse réflexive tout au long de la recherche. Ces notes ont été elles
aussi converties pour être analysées à l'aide de P« Ethnograph ».
Dans ce type de recherche, l'analyse des données n'est pas une phase en soi,
séparée de celle de la cueillette des données, mais elle s'effectue de façon
concomitante (Tesch, 1990).
Dès la première entrevue, les données brutes ont été transcrites et conver-
ties dans un micro-ordinateur pour être analysées à l'aide de P«Ethnograph».
Ce logiciel facilite l'aspect mécanique de l'analyse de contenu; il permet de
numéroter chaque ligne du fichier. À partir de la lecture et de la relecture de
la version numérique de la transcription, des segments du texte sont repérés
grâce à un ou à plusieurs mots servant de codes. Cette codification doit être
révisée et modifiée au besoin au fur et à mesure que l'analyse se raffine. Pour
chaque portion de l'étude (parents, adultes, ergothérapeutes), plus de trois
versions de codes ont été successivement mises en place. À titre d'exemple, à
la deuxième entrevue avec une mère, celle-ci a parlé du jeu accessible qui est
devenu un nouveau code, étant donné que celui-si était absent à la première
entrevue. Également, après avoir examiné et comparé les codes utilisés, cer-
tains d'entre eux ont été modifiés. Cette révision des codes à l'intérieur des
17O * LE MODÈLE LUDIQUE
TABLEAU 15
Analyse de contenu
(«Ethnograph»)
Categories emergentes
Themes
RÉRÉFRENCES
NOM DE L'ENFANT :
SEXE M F
DATE(S) DE L'ÉVALUATION
DATE DE NAISSANCE
ÂGE DE L'ENFANT
INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES
déficience visuelle :
déficience auditive :
difficulté de communication :
médication :
• autres :
NOM DE L'ERGOTHÉRAPEUTE :
174 * LE MODÈLE LUDIQUE
INTÉRÊT
(1-2) PRÉCISEZ
• Adulte
- action de l'adulte
- interaction verbale
de l'adulte
• Autres enfants
POUR L'ENVIRONNEMENT
SENSORIEL
• Éléments tactiles
(textures, chaleur)
• Éléments vestibulaires
(bercement, balancement)
• Éléments olfactifs
(odeurs, arômes)
ANNEXE 2 » 175
COMMENTAIRES
INTÉRÊT CAPACITÉ (façon de faire, main utilisée,
ACTION (0-2) (0-2) difficulté)
• mouvement : presser/relâcher
• saisir un objet
• tenir un objet
• frapper avec un objet
• relâcher un objet
• tenir un objet dans chaque
main
RELATIVEMENT À L'ESPACE
• changer de position
- de couché à assis et vice-versa
- de assis à debout et vice-versa
• maintenir la position assise
• se déplacer
• explorer visuellement un
nouvel endroit
UTILISATION DES OBJETS
• saisir - un verre
- un cube
- une bille
• visser/dévisser
• lancer/ attraper- un ballon
-une balle
176 » LE MODÈLE LUDIQUE
COMMENTAIRES
INTÉRÊT CAPACITÉ (façon de faire, main utilisée,
ACTIONS (0-2) (0-2) difficulté, etc.)
• empiler
• vider/emplir
• découvrir les propriétés
des objets
• découvrir le fonctionnement
des objets (relation cause/effet)
• associer les objets selon leurs
propriétés sensorielles
• combiner des objets pour jouer
• imiter des gestes simples
• utiliser les objets d'une
manière conventionnelle
• utiliser les objets d'une
manière non conventionnelle
• imaginer une situation de jeu
• trouver des solutions à
des difficultés imprévues
• exprimer des sentiments
dans le jeu
• interagir avec les autres
dans le jeu : vous-même ou
un autre enfant
• utiliser -un crayon
- des ciseaux
-une cuiller
UTILISATION DE L'ESPACE
• se déplacer en poussant
un jouet monté sur roues
• se déplacer en transportant
un objet
• explorer physiquement
un nouvel endroit
• ouvrir/ fermer une porte
• utiliser l'ascenseur
ANNEXE 2 * 177
ATTITUDE
CARACTÉRISTIQUES LUDIQUE (0-2) PRÉCISEZ
• curiosité
• initiative
• sens de l'humour
• plaisir
• goût du défi
• spontanéité
EXPRESSION
(1-4) PRÉCISEZ
BESOINS
• physiologiques
• d'attention
• de sécurité
SENTIMENTS
• plaisir
• déplaisir
• tristesse
• colère
• peur
178 * LE MODÈLE LUDIQUE
SYNTHÈSE
INTERETS LUDIQUES
CAPACITES LUDIQUES
DIFFICULTES LUDIQUES
INTÉRÊTS/CAPACITÉS?
INTÉRÊTS/DIFFICULTÉS?
ENVIRONNEMENT
HUMAIN
• adulte /•
• enfant /«
ENVIRONNEMENT
SENSORIEL /10
ACTION
• objets /2 /«
UTILISATION
EXPRESSION
• besoins /«
• sentiments /20
OBJECTIFS A ATTEINDRE
MÉTHODE
Cette évaluation se fait par l'observation du jeu libre de l'enfant ainsi que par
des mises en situation, si nécessaire. Les divers éléments recherchés, définis
plus loin, doivent être bien compris de l'évaluateur; celui-ci s'appuie sur
une observation poussée du comportement de l'enfant pour les évaluer.
L'évaluateur tente de créer un véritable environnement ludique grâce à la
latitude laissée à l'enfant, à la variété du matériel offert et à sa propre attitude.
l8û * LE MOPÈLE LUDIQUE
INFORMATIONS GÉNÉRALES
Informations complémentaires
Tirées du dossier de l'enfant
Pour chaque information complémentaire, fournissez les précisions utiles (utili-
sation d'un appareil correcteur, type de déficience, de médicament)
Autres informations
Renseignements d'ordre médical ou autre : chirurgie récente ou à venir, origine eth-
nique (cette information pourrait nous aider à comprendre certaines particulari-
tés de l'enfant)
l82 * LE MODÈLE LUDIQUE
Intérêt
o : aucun intérêt
(l'enfant ne manifeste aucun intérêt; il peut être indifférent ou
même refuser l'activité)
i* : intérêt moyen
2* : intérêt marqué (l'enfant témoigne d'un intérêt manifeste)
n.o. : élément non observé
- Adulte
On observe les réactions de l'enfant face aux adultes présents : vous-même,
autres thérapeutes, préposés.
Ne pas oublier de se demander non seulement s'il manifeste de l'intérêt,
mais également si cet intérêt est marqué.
- Action de l'adulte
S'intéresse-t-il à ce que les adultes font près de lui : suit-il des yeux leurs
déplacements, leurs actions ?
- Autres enfants
Si cela est possible, on observe les réactions de l'enfant aux autres enfants
présents dans la salle d'attente ou en salle de thérapie.
II est en effet difficile de coter l'intérêt de l'enfant pour chacun de ces gestes;
on évalue l'intérêt qu'il manifeste en général envers les objets.
Cette section regroupe des gestes préalables à l'utilisation des objets.
• Mouvement de presser/relâcher
La manette d'un jouet, un interrupteur, etc.
• Saisir un objet
Prendre en main un objet.
• Tenir un objet
Pendant quelques secondes.
• Frapper avec un objet
Tenant un objet en main, frapper sur un tambour ou sur la table.
• Relâcher un objet
Peut-il relâcher volontairement un objet ou est-ce l'ouverture réflexe de la
main qui lui fait relâcher l'objet ?
• Tenir un objet dans chaque main
Pendant quelques secondes.
• Se déplacer
Dans le principal mode de déplacement qu'utilisé l'enfant (à quatre pattes,
en fauteuil roulant, en marchette), quel est son degré de capacité et son inté-
rêt pour les déplacements ?
• Saisir
• un verre
• un cube
• une bille
Avec ces divers objets, on évalue ici trois modes de préhension de base : la
préhension cylindrique, la prise pulpaire et la pince pouce-index.
• Visser/dévisser
Ouvrir/fermer un objet par un mouvement de visser/dévisser (barils gra-
dués, pot).
• Lancer/attraper
-un ballon
-une balle
On recherche ici l'habileté de base de lancer /attraper.
• Empiler
Mettre des objets les uns sur les autres (p. ex. : cubes, au moins 3). Comprend-
il le principe de l'empilement? C'est l'aspect cognitif plus que l'aspect moteur
qui est recherché.
188 * LE MODÈLE LUDIQUE
• Vider/emplir
Vider et emplir d'eau, de sable ou de petits objets un seau, un verre ou tout
autre contenant. Ne pas confondre vider et verser : verser est une activité
plus compliquée que vider. On veut savoir ici si l'enfant est intéressé et s'il
peut emplir un contenant et le vider.
• Chercher à découvrir les propriétés des objets (exploration active)
Découvrir les propriétés de résistance, de malléabilité de l'objet : toucher
ses différentes parties, chercher à l'explorer activement au delà de l'explo-
ration visuelle.
• Chercher à découvrir le fonctionnement des objets (relation cause/effet)
Chercher à comprendre le fonctionnement : si l'objet a des roues, tente-t-il
de le faire rouler ; s'il a des manettes, les actionne-t-il pour voir ce qui arri-
vera? Autrement dit, cherche-t-il la relation de cause à effet de son action?
• Associer les objets selon leurs caractéristiques sensorielles
(forme, couleur)
Associer des objets selon leur couleur, leur taille (billes, cubes, anneaux
gradués).
• Combiner des objets pour jouer
Utiliser divers objets dans un même jeu (p. ex. : personnages/camions, vête-
ment/poupée/peigne) .
• Imiter des gestes simples
Imiter soit des gestes que vous faites devant lui (imitation immédiate), soit
des gestes observés dans son quotidien (imitation différée), par exemple télé-
phoner, faire la cuisine, peigner la poupée.
• Utiliser les objets d'une manière conventionnelle
Utiliser les objets pour leur fonction première (p. ex. : mélanger avec une
cuiller, faire rouler une auto).
• Utiliser les objets d'une manière non conventionnelle
UTILISATION DE L'ESPACE
• Utiliser I'ascenseur
Appuyer sur le bouton d'appel, entrer dans I'ascenseur, presser le bouton
de 1'etage de"sir£ et sortir de I'ascenseur.
• Goutdudefi
En ge'ne'ral, 1'enfant a-t-il manifest^ un certain gout du risque, le gout de
tenter de nouvelles experiences et de relever des de"fis?
• Spontaneite
En ge'ne'ral, 1'enfant s'est-il montr£ spontane dans ses actions et reactions
ou, au contraire, plutdt reserve" ?
1: Expression du visage
L'enfant s'exprime seulement par son expression faciale: regards,
grimaces, sourire.
2: Geste
A 1'expression faciale, 1'enfant joint des gestes pour s'exprimer:
il repousse les objets, tend les bras vers Fadulte ou les objets,
pointe le doigt.
3 : Cris/sons
En plus de 1'expression du visage et des gestes, 1'enfant s'exprime
aussi par des sons, des cris, des pleurs, des rires.
4: Mots/phrases
L'enfant exprime ses sentiments et ses besoins par des mots,
des phrases.
n.o.: Aucune expression
Au cours de 1'evaluation, ce besoin ou ce sentiment n'a pu £tre
observ^ chez 1'enfant.
N.B.: Cette notation est cumulative; ainsi 1'enfant qui s'exprime par
des grimaces (expression du visage), des mouvements des bras (gestes)
et des cris (cris/sons) recevra la cote 3; 1'enfant qui a ces manifestations
ajoute 1'expression verbale re9oit la note 4, de m£me que celui qui ne
s'exprime que verbalement.
192 * LE MODÈLE LUDIQUE
BESOINS
• Physiologiques
Quand il a faim, soif, sommeil, envie d'uriner.
• D'attention
Quand il veut qu'on le regarde, qu'on s'occupe de lui.
• De sécurité
Quand il est craintif, anxieux.
SENTIMENTS
• Plaisir
Quand il a du plaisir, qu'il aime ce qu'il fait.
• Déplaisir
Quand il n'aime pas, n'apprécie pas.
• Tristesse
Quand il a du chagrin, qu'il s'ennuie.
• Colère
Quand il est irrité, fâché...
• Peur
Face à des bruits étranges, des personnes ou des situations inconnues.
SYNTHÈSE
NOTES
Le calcul des notes pour chaque dimension cernée donne une indication
rapide des résultats obtenus et permet de mesurer l'évolution de l'enfant
lors d'une nouvelle évaluation.
OBJECTIFS
La section suivante permet, à partir des résultats recueillis, d'établir les objec-
tifs généraux de la thérapie et de repérer les éléments sur lesquels il faudra
concentrer ses efforts en reprenant les différentes sections de l'évaluation.
L'ordre de ces paramètres difiere de celui de l'évaluation : nous partons ici des
éléments les plus pertinents chez l'enfant (besoins et sentiments exprimés,
attitude ludique et intérêts personnels) pour examiner par la suite de quelle
façon l'enfant réagit aux éléments extérieurs à lui-même (environnement,
objets et espace). À partir des objectifs généraux qu'il a établis, le thérapeute
pourra préciser sur quels objectifs spécifiques il veut travailler (voir, au cha-
pitre 5, comment on détermine les objectifs thérapeutiques).
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ANNEXE 3
L'entrevue initiale avec les parents (EIP) portant
sur le comportement ludique de leur enfant
Protocole d'évaluation et procédure d'administration
NOM DE L'ENFANT :
SEXE M Q F Q
ORIGINE ETHNIQUE :
DATE(S) DE L'ÉVALUATION
DATE DE NAISSANCE
ÂGE DE L'ENFANT
ÉVALUATEUR :
DURÉE DE L'ENTREVUE :
ig6 * LE MODÈLE LUDIQUE
Cochez PRÉCISEZ
ÉLÉMENTS VISUELS
• livres d'images
• couleurs vives
ÉLÉMENTS AUDITIFS
• histoires
• chansons
• musique
• timbre de voix
ÉLÉMENTS TACTILES
• contacts physiques
ÉLÉMENTS SOCIAUX
AUTRES
• personnages
• situations comiques
NOTE COMMENTAIRES
BESOINS
• physiologiques
• d'attention
• de sécurité
INTÉRÊTS
SENTIMENTS
• plaisir
• déplaisir
• tristesse
• colère
• peur
• expression du visage
• démonstrations, gestes
• mots
• explications verbales
NOTE COMMENTAIRES
LA NOURRITURE
• Manger
- salés
- sucrés
- en purée
- en morceaux
- froids
- chauds
LES TEXTURES
• Douces
• Rugueuses
• La neige
• Le sable
• L'eau
• L'herbe
LES ODEURS
ÊTRE TOUCHÉ
LES BRUITS
ANNEXE 3 * 199
4. MATÉRIEL DE JEU
PRÉCISEZ
VOTRE ENFANT JOUE-T-IL (la nature du matériel et s'il est utilisé
AVEC LE MATÉRIEL SUIVANT? NOTE à l'extérieur de la maison)
• de textures différentes
• l'incitant à écouter
• l'incitant à regarder
• l'incitant à imiter des
situations courantes
• l'incitante imaginer
• l'incitant à se déplacer
• l'incitant à interagir
avec les autres
Cochez ACTIVITÉS
PARTENAIRES HABITUELS
• Mère
• Père
• Frères/sœurs
• Autres
PARTENAIRES PRÉFÉRÉS
• Mère
• Père
• Frères/sœurs
• Autres
ANNEXE 3 * 2O1
8. ATTITUDE DE JEU
• Est curieux
• Prend des initiatives
• A le sens de l'humour
• A du plaisir
• A le goût du défi
• Est spontané
HORAIRE TYPE
LUNDI
MARDI
MERCREDI
JEUDI
VENDREDI
SAMEDI
PROCÉDURE D'ADMINISTRATION
Présentation de l'entrevue
INFORMATIONS GÉNÉRALES
• Frère/sœur
Combien de frères et sœurs l'enfant a-t-il et quel âge ont-ils ?
• Origine ethnique
De quel pays les parents sont-ils originaires ?
• Répondant
Si le répondant n'est ni le père ni la mère, précisez le lien de cette personne
avec l'enfant (grand-mère, gardienne)
• Durée de l'entrevue
La durée de l'entrevue peut varier selon l'âge et selon la condition physique
de l'enfant. En général, elle exige de 30 à 45 minutes.
2O4 * LE MODÈLE LUDIQUE
(Cochez tous les éléments qui suscitent un intérêt marqué chez l'enfant et
précisez-les.)
On lit la question en indiquant que l'on souhaite savoir ce qui intéresse
le plus l'enfant et en donnant quelques exemples figurant dans la liste. Puis,
on reprend chaque élément en cochant les éléments pertinents. Pour chacun
de ceux-ci, on tente d'apporter des précisions (p. ex. : type de livre, d'histoire,
chanson particulière ou personnage précis). Si le répondant retient tous les
premiers éléments, on précise à nouveau que l'on veut savoir ce qui inté-
resse l'enfant de façon particulière.
Considérant les deux derniers éléments de cette question, on recherche
d'abord toute activité ou geste que l'enfant répète à plaisir comme un jeu
(p. ex. : vider une armoire, ouvrir une porte). Puis, avec le dernier élément,
on tente de vérifier si l'enfant manifeste un intérêt particulier pour autre
chose : ce peut être, à titre d'exemple, une fascination pour la lumière, pour
le téléviseur ou l'ordinateur.
La cote o signifie que l'enfant n'a jamais exprimé ce sentiment, alors que
certaines occasions auraient été susceptibles de le susciter. Par ailleurs, la
cote « n.s.p. » n'est attribuée que dans le cas où le répondant a l'impression
que l'enfant a déjà exprimé le sentiment en question, mais ne saurait dire
comment.
En général, l'enfant exprime-t-il ses besoins et sentiments par l'expression
de son visage (yeux, sourire, grimaces), par des gestes (repousse les objets,
tend les bras, pointe le doigt), par des cris, des sons (pleure, rit) ou verbalement
ANNEXE 3 * 2O5
BESOINS
• Physiologiques
• D'attention
Quand il veut qu'on le regarde, qu'on s'occupe de lui.
• De sécurité
INTÉRÊTS
Comment fait-il savoir ce qui l'intéresse, ce qu'il aime, ce qu'il veut faire ?
SENTIMENTS
• Plaisir
• Déplaisir
Quand il n'aime pas quelque chose, qu'il n'apprécie pas une situation.
• Tristesse
• Colère
• Peur
Comment exprime-t-il sa peur, par exemple face à des bruits étranges, des
personnes ou des situations inconnues ?
2O6 * LE MODÈLE LUDIQUE
Intérêt
0 : aucun intérêt (l'enfant semble indifférent)
1 : intérêt moyen (l'enfant exprime un intérêt plus ou moins marque)
2 : intérêt marqué (l'enfant manifeste un intérêt évident et
soutenu)
n.a. : non applicable (si l'enfant n'a jamais expérimenté un des
éléments mentionnés)
On présente aux répondants un carton sur lequel sont inscrits les trois pre-
mières réponses. On utilisera la réponse «non applicable» seulement si le
répondant, après réflexion, constate que l'enfant n'a jamais eu l'occasion
d'expérimenter l'élément en question.
N.B. La différence entre la note i et 2 réside dans l'intensité de l'intérêt. En
général, quand un élément suscite un intérêt marqué chez l'enfant, le
répondant n'hésitera pas puisque cet élément constitue en quelque sorte
une caractéristique particulière de l'enfant.
Commentaires : on note toute précision apportée par les parents (p. ex. : tel
aliment précis, tel bruit particulier).
ANNEXE 3 * 2O7
LA NOURRITURE
- Manger
Est-il attiré par la nourriture ?
- salés
Croustilles, arachides, plats salés
- sucrés
Gâteau, miel, biscuit, chocolat
- en purée
Purée de pommes de terre, de légumes, compotes de fruits
- en morceaux
Morceaux de fruits, de légumes, de viande, de fromage
- froids
Crème glacée, yogourt glacé
- chauds
Soupes, boissons chaudes
LES TEXTURES
- Douces
Flanelle, laine douce, fourrure
- Rugueuses
Barbe, vêtement ou laine rugueuse
2O8 » LE MODÈLE LUDIQUE
• La neige
• Le sable
• L'eau
• L'herbe
Toucher et sentir l'herbe sous lui, se déplacer pieds nus dans l'herbe
LES ODEURS
ÊTRE TOUCHÉ/CARESSÉ
LES BRUITS
4. MATÉRIEL DE JEU
On veut savoir ici quel est le matériel de jeu connu de l'enfant et utilisé par
lui : indirectement, on apprend de quel matériel l'enfant dispose dans son
milieu de vie. On pose la question et on donne des exemples pour faciliter
la tâche des parents.
Pour chacun des éléments, on précisera ce qu'est le matériel et si ce maté-
riel n'est accessible qu'à l'extérieur de la maison (garderie, amis). Advenant
qu'un certain type de matériel ne soit pas à la disposition de l'enfant, on
notera alors «n.d.» (non disponible).
ANNEXE 3 * 2O9
• De textures différentes
• L'incitant à écouter
• L'incitant à regarder
Livre, téléviseur
• L'incitant à imaginer
• L'incitant à se déplacer
Tricycle, marchette
L'activité la plus appréciée de l'enfant peut être une activité de jeu ou tout
autre type d'activité. Ce peut être aussi une activité passive : regarder la télé-
vision, regarder sa mère vaquer à ses activités.
L'activité la moins aimée de l'enfant peut aussi être une activité de jeu ou tout
autre type d'activité. Ce pourrait être, par exemple, prendre son bain.
L'enfant préfère-t-il jouer couché sur le côté, à plat ventre, assis à la table, sur
les genoux de sa mère ? On note les deux positions préférées.
Pour cette question, on tentera de cerner les deux partenaires les plus souvent
présents pour chacune des deux catégories et de vérifier si une activité spé-
cifique est associée à ces partenaires (p. ex. : mère/histoire, père/balade en
auto, ami plus âgé/jeu au parc).
S'il joue avec d'autres enfants, sont-ils plus âgés ou plus jeunes que lui?
S'agit-il d'enfants qui ont aussi une déficience physique?
Si ses partenaires préférés sont d'autres enfants, s'agit-il d'enfants plus âgés ou
plus jeunes que lui? S'agit-il d'enfants qui ont aussi une déficience physique?
212 * LE MODÈLE LUDIQUE
8. ATTITUDE DE JEU
• Est curieux
• A le sens de l'humour
De façon générale, votre enfant saisit-il le côté drôle d'une situation, aime-
t-il rire, fait-il lui-même des blagues ?
• A du plaisir
• A le goût du défi
• Est spontané
HORAIRE TYPE
Avant-propos 7
Introduction 9
1 Le jeu et l'enfant is
Le développement de l'enfant à travers le jeu 16
Le développement du jeu chez l'enfant 24
« Jouer, c'est magique » 32
Vers une définition du jeu 32
3 Le jeu et l'ergothérapie 55
Les bases de l'ergothérapie 56
L'historique du jeu en ergothérapie 58
La philosophie du jeu en ergothérapie 61
La pratique clinique de l'ergothérapie et le jeu 62
4 Le modèle ludique : cadre conceptuel 77
Le questionnement professionnel à l'origine du modèle ludique 78
L'appréhension du jeu dans le modèle ludique 81
Un concept central du modèle ludique : la capacité d'agir 87
Les énoncés de départ du modèle ludique 91
Les définitions des concepts clés 94
Le cadre conceptuel du modèle ludique 94
Conclusion 157
ANNEXES
Quebec, Canada
2003