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ANALYSES ET DEBATS

1. La problématique actuelle de la production

L’environnement des deux dernières décennies du XXème siècle est caractérisé par des renversements majeurs
de tendance :

- L’offre est devenue mondiale, dispersée sur l’ensemble de la planète avec un fort degré de concurrence
et des avantages concurrentiels diversifiés ;
- La demande est devenue hétérogène, instable, exigeante dans la diversité, la qualité des produits ;
- Les technologies électroniques apportent des potentialités techniques, de la flexibilité et de la
polyvalence mais avec des contraintes de coûts et de compétences fortes.

Ainsi le système d’objectifs à atteindre se complexifie : dans ses choix stratégiques comme dans ses choix
productifs, l’entreprise doit rechercher en permanence un arbitrage entre des objectifs parfois antagonistes :

Productivité – quantité

Prix – coût qualité – service - délai

Flexibilité – diversité

La gestion de la production qui en découle s’oriente aujourd’hui vers une gestion des flux et non des stocks, avec
une logistique essentielle, une gestion de la flexibilité, une gestion de la qualité avec des systèmes d’information
et de communication qui sont les pivots de l’organisation.

La flexibilité de la production s’obtient aujourd’hui autant par les technologies que par des améliorations dans
l’organisation ; les gains de productivité, de qualité sont recherchés par des modifications de structure, de
procédures de travail, d’organisation du travail, de processus.

2. Peut-on gérer les stocks

La problématique actuelle de la production introduit de nouveaux arbitrages dans les choix d’approvisionnement
et de stockage : le pilotage par l’aval et la réduction des stocks, une orientation vers une gestion des flux à la place
d’une gestion des stocks.

Cela entraîne un nouveau partenariat avec les fournisseurs et une logistique qui prend une place stratégique,
pivot de tout le pilotage des flux internes et externes.

Mais cela détruit-il toute nécessité de stockage ? Il apparaît que les aléas de toute sorte (panne, qualité, grève,
absence, retard…) ne peuvent être complètement éliminés et donc la gestion des flux permet de réduire les
stocks mais pas de les retirer.

La flexibilité ne peut provenir exclusivement des technologies et des procédures. En fait, les stocks, à toutes les
étapes du processus de transformation apportent une souplesse en faisant le « tampon » entre des cadences et
des goulets d’étranglement ; aujourd’hui sur les chaînes en juste-à-temps de Renault et de Peugeot il y a deux
heures de stocks à chaque poste de travail (alors qu’il y avait huit jours avec l’organisation taylorienne).

Il ne faut pas opposer catégoriquement flux et stock, taylorisme et toyotisme, rigidité et flexibilité  : les
organisations productives combinent en fonction de leur besoin les deux systèmes de pilotage.
3. TIC et logistique

La logistique, élément incontournable dans une gestion en juste-à-temps, consiste en une maîtrise des flux qui
permet une maîtrise des coûts.

La logistique et fortement bouleversée par l’introduction des technologies de l’information et de la


communication ; elle s’est d’ailleurs développée rapidement comme mode de pilotage dans de nombreux
secteurs grâce à ces potentialités technologiques.

Ainsi les échanges de données informatisées, les réseaux de toute sorte modifient la gestion du temps et de
l’espace des processus décisionnels. Tous les partenaires de l’entreprise sont facilement et en permanence en
relation avec les décideurs et les acteurs pour agir et réagir ensemble.

Une immense toile d’araignée de communication lie les entreprises les rendant plus proches mais aussi plus
dépendantes les unes des autres.

Mais est-il plus facile de gérer en temps réel, dans l’urgence des flux que de planifier à l’avance des stocks qui
joueront les tampons en cas de problème ?

De nombreux gestionnaires soulignent l’importance des erreurs liées à la codification des données, la réduction
des délais de réaction, la difficulté de maîtriser des flux trop nombreux.

4. Production et durée de vie

La qualité des produits industriels n’a donc jamais été aussi élevée qu’aujourd’hui. Parce que les performances
des matériaux ses sont améliorées – l’acier ou les plastiques d’aujourd’hui n’ayant plus guère de rapports avec
ceux d’hier - ; parce que les progrès dans la conception des produits et dans leurs procédés de fabrication,
notamment grâce à l’automatisation industrielle, ont permis de satisfaire des exigences plus sévères tout en
éliminant les aléas ; parce que les outils de contrôle et de test permettent bien mieux qu’hier de s’assurer que les
produits respectent leur cahier des charges.

Le processus de normalisation ne concerne d’ailleurs plus seulement les produits, mais aussi les procédés de
fabrication. Hier encore, les acheteurs de composants électroniques devaient tester ceux-ci un par un avant de les
assembler sur les cartes électroniques de leurs systèmes. Ce sont désormais les fabricants qui garantissent à leurs
clients la fiabilité totale attendue. De quoi atteindre les objectifs de sûreté requis par certains équipements
critiques, mais aussi permettre aux entreprises et aux distributeurs de produiys grand public de réduire les coûts
des services après-vente, tout en gagnant de l’argent en garantissant des produits – comme a su le faire Darty
avec son « contrat de confiance » - qui tombent rarement en panne durant les premières années d’utilisation.

Ce souci de fiabilité s’accompagne cependant d’importants efforts pour optimiser la production industrielle, qui
prennent effectivement la forme d’une sorte d’obsolescence programmée. Tout est fait pour éliminer tout
surdimensionnement des pièces lors de la conception des produits, pour supprimer tout ce qui n’est pas
absolument nécessaire.

LE CARTEL DE PHOEBUS

L’histoire se passe en 1924. Confrontés à la chute de leurs ventes, les principaux fabricants mondiaux de lampes
électriques se mirent alors d’accord pour limiter la durée de vie de leurs ampoules. Un accord est resté dans
l’histoire industrielle sous le nom de cartel de Phoebus et qui demeure l’exemple le plus significatif
d’obsolescence programmée.
Est-il représentatif de l’histoire industrielle réelle ? Non, car pour qu’un tel cartel voie le jour, il faut que le
nombre d’acteurs soit limité sur le marché, qu’aucun d’entre eux ne trouvent intérêt à rompre l’accord, que le
secret soit respecté par tous les acteurs impliqués à tous les niveaux hiérarchiques, que les clients soient peu
organisés et que les autorités de concurrence ferment les yeux. Enfin, il faut parvenir à limiter la durée de vie du
produit sans le rendre dangereux et sans que la fragilité volontairement introduite entraîne un vieillissement trop
prématuré. Un ensemble de conditions rarement réunies.

Toutes les entreprises cherchent à échapper à la concurrence. C’est la clé de la rentabilité. Deux possibilités leur
sont offertes : soi se différencier, soit s’entendre. La première solution demeure la plus fréquemment recherchée.
Elle peut être atteinte en jouant sur l’innovation, la productivité ou le marketing. La seconde solution est
cependant bien tentante quand on fabrique des biens peu différenciés via des procédés relativement stables
(acier, ciment …). Mais l’objectif de ces cartels est alors rarement de limiter la durée de vie des produits – les
ponts n’ont pas vocation à s’effondrer au bout de dix ans ! -, mais … d’augmenter le prix de vente. Tout
simplement.

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