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Sous la direction de Katia BUFFETRILLE, Jean-Luc LAMBERT, Nathalie LUCA et Anne de SALES
Introduction ........................................................................................................ 13
Bibliographie de Roberte Hamayon . ..................................................... 23
Première Partie
m i c ha e l o p p i t z
Naissance rituelle d’un chamane magar (Népal)...................................................... 45
andr É m ar y
Chamanisme africain et Bwiti New Age................................................................... 47
j e an - l u c la m b e r t
Sans tambour ni costume. Du chamanisme ob-ougrien au chamane......................... 65
g r É g o r y d e la p la c e e t c ar o l i n e h u m p hr e y
Qu’y a-t-il de nouveau dans le « néo-chamanisme » ? Assemblages et identités flottantes à
Ulaanbaatar............................................................................................................ 87
j e an - p i e rr e c ha u m e i l
Une façon d’agir dans le monde. Le chamanisme amazonien.................................. 109
ann e - v i c t o i r e c harr i n
Chamanisme et écrivains de Sibérie, un imaginaire réel......................................... 135
t h i e rr y z ar c o n e
Le chamanisme islamisé au Xinjiang. État de la recherche, témoignages écrits
et visuels.................................................................................................................147
b e rnard salad i n d ’ an g l u r e
À l’ombre de Marcel Mauss, le chamanisme malgré nous........................................ 165
c harl e s s t é p an o f f
Chanceux et héritiers. Deux compréhensions de la compétence en Sibérie...............181
Deuxième Partie
j e an - p i e rr e d i g ard
Les animaux peuvent-ils nous apprendre quelque chose des sociétés orientales ?
Contribution à une critique de l’orientalisme......................................................... 199
dan i È l e d e h o u v e
Cerf, maïs et maguey au Mexique......................................................................... 215
f rédér i c la u g rand e t jar i c h o o s t e n
La préfiguration, une clé pour comprendre le rôle du chamanisme dans la chasse à la
baleine (Arctique de l’Est canadien)........................................................................ 235
al e x andra la v r i ll i e r
Du goût du gibier aux jeux des esprits. Ou comment s’articulent les notions de jeux,
d’action rituelle et d’individu................................................................................. 261
sandr i n e r u hl m ann
Quand les âmes errantes des morts se déplacent accrochées aux poils et aux plumes des
animaux sauvages. La vie post mortem des âmes en Mongolie contemporaine...... 283
i sa b e ll e b i an q u i s , f ran ç o i s e a u b i n , s e d e nja v d u la m
Le chien et la bru, deux êtres liminaires en Mongolie............................................. 303
é m i l i e m aj
Le cheval dans les épopées à héroïnes. La plus belle conquête de la femme
iakoute................................................................................................................. 323
ping-tsung li
Le concept d’« âme externe » chez les peuples de l’Asie du Nord............................. 339
Pi-chen liu
Chasse aux têtes, chasse aux cerfs. Échange de vie et fertilité de l’homme chez les
Kavalan de Taiwan............................................................................................... 359
g u i lh e m o l i v i e r
Pratiques divinatoires, rêves et talismans de chasse en Mésoamérique.................. 379
4
Troisième partie
maurice godelier
L’Impossible est possible. Réflexions sur les racines et les formes du croire et des
croyances.............................................................................................................. 411
m ar i a p i a d i b e lla
La chance, entre vertu et destin.............................................................................437
b É n É d i c t e b ra c d e la p e rr i È r e
La nuit de l’énergie birmane. Ou la transmutation des simples en remèdes
souverains............................................................................................................. 451
ann e d e sal e s
Les Maoïstes et les chamanes : balles de fusil, grêle et préjugés.............................. 465
p a t r i c k p la t t e t , v i r g i n i e v a t É , t h i e rr y w e ndl i n g
La prise du don. Jeux rituels et prix dans le Nord-Est sibérien........................... 483
ks e n i a p i m e n o v a
Attirer les faveurs, apaiser la colère. Les deux visages de l’esprit-maître du lieu dans la
tradition orale et la pratique rituelle touva............................................................515
g a ë ll e la c a z e
La fabrique du corps, cuire la chair et souder les os............................................... 539
ann e m ar i e l o s o n c z y e t s i l v i a m e s t u r i n i c a p p o
Incertitudes et malentendu dans la construction de l’interaction rituelle. Réinventions
chamaniques entre Amazonie et Europe................................................................ 559
c hr i s t i an c u las
Éléments d’épistémologie de l’étude de la croyance : dire c’est faire,
faire c’est croire ?................................................................................................. 575
g r É g o i r e s c hl e m m e r
Les « guérisseurs » guérissent-ils ou : pourquoi diviniser ?...................................... 591
na t hal i e l u c a
L’effort d’y croire.................................................................................................. 603
5
Quatrième partie
dan y sa v e ll y
Sous les yeux d’Occident. L’expédition Roerich (1925-1928) vue par les autorités
britanniques......................................................................................................... 623
ann e d u c l o u x
Quand le corps des femmes exprime la douleur du corps social à Samarcande. Pour une
anthropologie des émotions dans une cité d’Asie centrale....................................... 651
f rédér i c lé o t ar e t s e y d i n ä m i rlan
Les conceptions syncrétiques de l’au-delà chez les Karakalpaks de Boukhara. Du
nourrisson-Aquday à l’enfant-bala....................................................................... 673
i sa b e ll e c harl e u x
Le Bouddha qui levait les yeux au ciel. Note d’iconographie bouddhique............... 693
kla u s sa g as t e r
A fortune-teller in Baltistan (Western Tibet)......................................................... 713
S a m t e n G . kar m a y
Le dieu bourdon qui dompte le Petit sri.................................................................. 721
ka t i a b u f f e t r i ll e
Un mariage tibétain en images.............................................................................. 733
6
Guilhem Olivier
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pratiques divinatoires, rêves, talismans de chasse
Le dieu maya Y, appelé Ah Uuc Yol Zip, était l’un des maîtres des cerfs ;
il apparaît ici face à une biche qui représente sa compagne animale
(Codex de Dresde 1983, p. 13)
2 J’utilise par commodité le terme « cerf ». En fait, les cervidés présents sur les territoires
mexicain et centraméricain ont été classés par les spécialistes en cinq espèces : le cerf rouge
ou wapiti (Cervus elaphus), une sorte d’élan, et le cerf mule ou à queue noire (Odocoileus
hemionus), habitants des zones septentrionales arides du Mexique ; le cerf à queue blanche
(Odocoileus virginianus), présent sur tout le territoire mésoaméricain (en fait, la plupart de
nos données le concerne) ; le temazate rouge ou chevreuil (Mazama americana) qui habite
les forêts tropicales de la côte du Golfe, du Yucatan et en général le sud-est et une partie du
sud-ouest du Mexique ; enfin, le temazate gris (Mazama pandora) que l’on rencontre dans les
forêts des États du Chiapas, Campeche et Quintana Roo (Leopold 1959, pp. 501-523).
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guilhem olivier
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pratiques divinatoires, rêves, talismans de chasse
dirent à Diego Bazquez qui est le chef [du village] qu’ils iraient chasser
ou non et qu’il s’agissait d’un bon jour pour chasser ou non » (Hispanic
Society, Manuscript HC : 417114)3. Des coutumes semblables ont été
notées par des curés soupçonneux comme Gonzalo de Balsalobre (1987,
pp. 237-238) qui, aux environs de 1650, essayait d’évangéliser les
Indiens Zapotèques de la région de San Miguel Sola (Oaxaca). En effet,
ces Indiens conservaient des « livres et cahiers écrits à la main » où
étaient inscrits les 13 dieux qui régissaient le calendrier divinatoire de
260 jours, lequel était divisé en « quatre temps, chacun de 65 jours, et
les quatre temps forment l’année ; à partir de ce calendrier, ils utilisent
des sortilèges pour obtenir des réponses magiques et des augures ; ainsi
pour différents types de chasse et de pêche ». Balsalobre nous offre peu
après quelques précisions :
Le témoin a déclaré qu’il avait fait une consultation auprès de Diego Luis au
sujet du jour adéquat pour chasser le cerf, car c’est là l’office de Diego Luis.
Il réalisa des opérations avec les doigts puis lui signala le bon jour et lui dit
que le dieu de l’enfer gouvernait ce jour […] et que ce jour-là, le matin, il
devait aller à l’église et présenter un cierge devant l’autel du Christ pour le
dieu de l’enfer en ayant préalablement fait pénitence pendant trois jours.
Après avoir fait tout cela, il chassa un cerf avec une arquebuse… (Balsalobre
(1987, p. 250)
3 Je remercie Michel Oudijk qui m’a permis de consulter et de citer la paléographie de cet
important document encore inédit.
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guilhem olivier
… quand ils veulent aller chasser, Francisco Diagueche qui est originaire de
San Pablo tire au sort avec de petits bâtons fendus au milieu et, s’ils tombent
d’une certaine façon, ils disent que c’est un bon jour pour chasser ou bien que
4 Rappelons qu’en Occident, il était interdit de chasser durant les fêtes chrétiennes. Ainsi,
en 789, l’empereur Charlemagne interdit la chasse le dimanche (Verdon 1978, p. 822).
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pratiques divinatoires, rêves, talismans de chasse
c’est un mauvais jour. Et voilà la façon dont ils placent sur le sol sept petits
bâtons : si cinq d’entre eux tombent vers le haut, ils disent que c’est un bon
signe, de même s’ils sont trois à tomber et sinon ce n’est pas un bon signe et
ils ne tueront pas beaucoup de gibier. Ce témoin affirme qu’il a vu plusieurs
fois [ce rituel] quand il était dans ce village… (Hispanic Society, Manuscript
HC : 417114).
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guilhem olivier
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pratiques divinatoires, rêves, talismans de chasse
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guilhem olivier
ainsi que le licencié Diego García de Palacio (1983, p. 76), auteur d’une
passionnante description de la province d’Izalco, réalisa des expériences
pour vérifier leurs propriétés curatives : « J’ai su qu’il existait des cerfs,
de la même façon que ceux de l’Inde du Portugal, qui développent la
pierre bézoard et j’en ai fait tuer quelques-uns dans lesquels on trouva
quelques-unes de ces pierres, que nous avons essayé contre des maladies
pestilentielles et qui ont le même effet que les bézoards qu’ils rapportent
de l’Inde ».
Fascinés par les propriétés médicinales des bézoards, les Espagnols
ont généralement négligé leur rôle de talisman et leur fonction divina-
toire. Une exception apparaît dans le dictionnaire maya cakchiquel de
Thomás de Coto élaboré au XVIIe siècle, où il est question de l’intérêt
suscité par ces « pierres » (qual ou quval) trouvées dans les entrailles des
animaux, « en effet, ils croient que celui qui la possède chassera beaucoup
de ces animaux » (Ruz 1996, p. 109).
Les données ethnographiques relatives aux bézoards en Mésoamérique
sont abondantes7. De nombreux peuples indigènes considèrent que
ces pierres assurent le succès cynégétique à leur possesseur à qui, de
surcroît, elles indiquent le nombre de proies autorisées, ce qui constitue
l’aspect proprement divinatoire des bézoards8.
Les Chinantèques d’Oaxaca et les Nahuas de San Miguel Acuexcomac
(Puebla) recherchent la « pierre de la fortune » ou bien « un silex, une
pierre blanche et brillante » dans la tête des cerfs tués, éléments
pierreux qui facilitent l’obtention de futures proies (Weitlaner 1981,
p. 111, Fagetti 1998, p. 197).
En revanche, les Mayas du Quintana Roo trouvent la tunich-ceh
(« pierre-cerf ») dans l’estomac des cervidés, ce qui confère au chasseur
7 Ils sont utilisés également en Amérique du Sud, par exemple chez les Achuars d’Équateur
(Descola 1986, pp. 323-324). Cela étant, ces bézoards appelés namur (« testicules ») ont des
propriétés singulières, inconnues à ma connaissance en Mésoamérique : ceux qui apparaissent
à l’intérieur des poissons sont efficaces pour attirer et chasser les animaux de la forêt tandis
que ceux qui sont découverts dans des mammifères ou des oiseaux sont utiles pour la pêche.
Un cas semblable a été signalé chez les Navajos qui utilisent des bézoards issus de cervidés
afin de préserver et de multiplier leurs troupeaux de moutons (Hill 1938, p. 145).
8 D’après les Indiens Huaves de Oaxaca, on peut trouver des pierres semblables à l’intérieur
de la tête des iguanes, pierres utilisées pour capturer ces animaux (Ramírez Castañeda 1987,
p. 183). Dans la région de Papantla (Veracruz), on prétend que les coyotes ont des « perles
cristallines » dans le cerveau et que la personne qui possède une de ces perles obtient de ce
fait protection et sagesse (Herbolaria y etnozoología en Papantla 1988, p. 94).
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pratiques divinatoires, rêves, talismans de chasse
la qualité de bon tireur (Villa Rojas 1987, p. 295)9. Cette pierre qui
favorise les chasseurs zapotèques ne se trouve que dans l’estomac du
« cerf endiablé », lequel ne peut être tué que par une balle sur laquelle on
a inscrit préalablement une croix (Parsons 1936, pp. 476-477). De même,
les Nahuas du Guerrero trouvent cette pierre dans l’estomac des cervidés
et lui attribuent non seulement la « chance » à la chasse, mais aussi la
protection vis-à-vis des frayeurs que l’on peut souffrir dans les champs
(Hémond 1996, p. 276). Les chasseurs nahuas de Pajapan recherchent
dans les intestins ou le cœur des cerfs « la pierre de la chance » qui est
semblable à un bouton de nacre et de la taille d’un noyau de mangue.
En outre, des petits cerfs sont peints d’un côté de la pierre (García de
León 1969, p. 308). De même, les Mayas du Yucatan affirment que sur le
bézoard découvert parmi les excréments du cerf apparaît « l’image d’un
petit cerf » (Burns 1995, p. 126). Les Lencas du Honduras décrivent ce
talisman de chasse comme un petit cristal qui sort de la bave du cerf au
moment de sa mort10. Heureusement, ce dernier témoignage précise la
fonction de ces représentations de cervidés sur les bézoards : « Quand la
figure sur la pierre est couchée, le chasseur ne part pas à la chasse, mais
quand l’image est debout le chasseur peut chasser et il tue toujours un
cerf » (Chapman 1985, p. 147). Les Pames de l’État de San Luis Potosí
considèrent que si une pierre sort du museau d’un cerf, cela représente
un signe positif pour le chasseur, car cette pierre « possède une vertu ».
Cela étant, ce talisman procède uniquement du « Grand Cerf » — le
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guilhem olivier
Maître des cerfs — que l’on ne peut tuer « … mais que l’on peut faire
tomber et quand il est sur le sol, le chasseur doit ôter sa chemise et alors
une pierre tombe de son museau… » (Chemin Bässler 1984, p. 197)11.
Protection, dextérité dans le maniement des armes, habileté à trouver
du gibier, les bézoards offrent tous ces bénéfices à leurs détenteurs, mais
aussi présentent, comme dans un miroir, des images de leurs futures
proies et des indications sur l’opportunité ou non d’aller chasser.
Un autre type de talisman de chasse consiste en un morceau de
chair — comme une galette de maïs — situé dans le cœur d’un petit cerf
appelé temachito, considéré comme très courageux par les Nahuas du
Guerrero. Avant d’aller à la chasse, le chasseur doit déposer une goutte
d’eau sur le morceau de viande conservé dans un bocal, sur lequel on
peut voir le chasseur et son chien. Ce talisman est considéré comme
particulièrement efficace (Hémond 1996, pp. 276-277). Les chasseurs
mayas du Yucatan ont décrit « un virtud » similaire à Helios Figuerola12.
Il s’agit d’une médaille de chair située dans le cœur des cerfs que l’on
conserve dans un bocal et que l’on doit alimenter avec du sang issu du
cœur même de l’animal13. Un autre talisman consiste en un ver qui sort
du nez du cerf et que l’on utilise et alimente de la même façon.
Apparaît à nouveau la fonction spéculaire de l’objet divinatoire dans
lequel, cette fois, l’image du chasseur lui-même est réfléchie. On songe
à l’usage divinatoire du miroir en obsidienne de Tezcatlipoca, maître du
destin des anciens Mexicains, mais aussi, sous son aspect de Tepeyollotl
— « Cœur de la Montagne » — à sa fonction de « Seigneur des animaux » à
qui les chasseurs devaient rendre un culte (Olivier 1997) (figure ci-contre).
Un autre élément important se dégage du dernier témoignage sur les
Mayas du Yucatan : la nécessité d’alimenter le talisman de chasse. De la
même façon, les bézoards nécessitent des soins particuliers, par exemple
leur offrir de la fumée de copal (une sorte d’encens), tous les vendredis
dans la région de Los Tuxtlas (Veracruz), les jeudis selon les Nahuas de
11 Pour des raisons semblables, les Chinantèques de Oaxaca « … considèrent que le cerf
est un animal tabou d’une certaine façon qu’il ne faut jamais tuer car il possède la “pierre de
la fortune” » (Weitlaner et Castro 1973, p. 51).
12 Témoignages de Mario Ts’ek Avila et de Paulino May Koko, originaires de Oxkutskab
(Yucatan) (juillet 2010). Je remercie sincèrement Helios Figuerola qui nous a autorisé à citer
ces témoignages.
13 Roberte Hamayon (1990, p. 377) signale brièvement l’existence chez les Toungouses
d’amulettes destinées à favoriser la chasse « … constituées par les organes sièges d’âmes des
animaux : cœur séché d’élan ou de renne, mufle, etc. ».
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Pajapan, ou bien durant sept jours chez les Nahuas et les Popolocas de
l’Isthme de Veracruz (Olavarrieta 1990, p. 121, García de León 1969, p. 308,
Münch 1983, p. 226). Au début du XXe siècle, l’anthropologue allemand
Theodor Preuss (1998, p. 250) recueillit chez les Huichols « une pierre de
calcédoine que je possède dans ma collection qui est la “Mère des cerfs”,
pierre à laquelle on fait des offrandes dans le but de chasser des cerfs ».
14 Information d’Antonio Ramírez Silva, qui nous a montré un bézoard, en précisant
toutefois qu’il ne fonctionnait plus, raison pour laquelle il pouvait le découvrir sans danger.
15 Les chasseurs mayas du Yucatan déclarèrent également à Helios Figuerola qu’il convenait
de maintenir secrète la possession d’un bézoard.
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pratiques divinatoires, rêves, talismans de chasse
18 Pour la Mésoamérique, cf. Neurath (2010) et Olivier (2008, 2011) ; pour la Sibérie,
cf. Hamayon (1990, pp. 413-414, 467-468) ; enfin, dans un bel ouvrage consacré à la chasse
en Grèce ancienne, Alain Schnapp (1997, p. 81) écrit : « La réversibilité de la proie et du
prédateur est l’un des moyens de l’accomplissement du destin tragique ».
19 Sur les raisons de l’absence de données sur les rêves dans l’œuvre de Sahagún, cf. Olivier
(2002, pp. 64-66).
20 De même, les chasseurs Yaguas du Pérou ne partent à la chasse que s’ils ont rêvé la veille
de façon propice (Chaumeil 2000, p. 228).
21 Giuliano Tescari (2001, p. 245) rapporte chez les Huichols que « la nuit autour du feu,
les chasseurs attendent les réponses que les Kakaûyári, les êtres divins, leur communiqueront
en rêve : ainsi, ils sauront dès ce moment qui aura la chance de chasser un cerf et quel jour
cela arrivera ».
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chasseurs Pames de l’État de San Luis Potosí, ils multiplient les offrandes
au « Grand Cerf » afin de susciter son apparition en rêve durant laquelle il
leur révèle le lieu où ils découvriront leurs futures proies (Chemin Bässler
1984, p. 96). De même, les Nahuas du nord de l’État d’Hidalgo visualisent
en rêve le lieu où ils doivent déposer des offrandes et où leurs proies
ne sauraient manquer de survenir par la suite (Montoya Briones 1968,
p. 22).
D’autres rêves prémonitoires dévoilent la dimension érotique de la
chasse, les proies étant considérées comme des femmes séduites (Olivier
2011). Ainsi, selon les Mixtèques d’Oaxaca, la femme rêvée représente
l’animal qui sera chassé le lendemain (Katz 1990, p. 256). De même,
la vision onirique d’une femme embrassée anticipe la capture d’un
cerf chez les Mixes d’Oaxaca (Lipp 1991, p. 45). Quant aux Lacandons
du Chiapas, ils interprètent le songe d’un baiser donné sur la bouche
d’une femme comme l’annonce d’un prochain banquet de gibier (Bruce
1979, pp. 234, 237). On pourrait aisément multiplier les exemples pour
d’autres régions du continent américain22. On songe également à la fille
de l’esprit de la forêt qui apparaît nue dans les rêves des chasseurs sibé-
riens, apparition qui constitue un gage de succès à la chasse (Hamayon
1990, pp. 378, 393, 516, 586-587)23.
En vue d’approfondir l’étude des rapports entre la divination et les
rêves, il nous semble important d’introduire l’analyse subtile que Robert
Brightman (1993, pp. 24, 98-102) a consacrée aux rêves des chasseurs
crees du Manitoba (Canada). En effet, ils considèrent que les rêves
n’annoncent ni ne déterminent les événements futurs. En fait, l’homme
agit durant ses rêves afin d’en orienter le cours et, de cette façon,
parvient à anticiper les événements de la vie réelle. C’est pourquoi les
22 En Amérique du Nord, les Navajos considèrent que rêver d’une femme à la maison ou
bien faire l’amour avec elle constitue un augure positif pour la chasse au cerf (Hill 1938,
pp. 109, 114). Les Achuars d’Équateur interprètent le rêve d’une femme dodue et nue qui
s’offre au chasseur comme un présage positif pour la chasse au pécari (Descola 1986, p. 325).
Un bel exemple vient des Crees du Canada, où un chasseur identifie un lynx femelle pris au
piège avec une ravissante créature dont il avait rêvée (Brightman 1993, p. 24).
23 Cependant, le chasseur ne saurait multiplier impunément les contacts oniriques avec
la fille de l’esprit de la forêt : « Le danger guette le chasseur, lui à qui rêver d’amour avec
une fille d’esprit de la forêt vaut, on l’a vu, un copieux butin lors de sa chasse du lendemain
— double bénéfice, qui a de quoi faire souhaiter la réitération du rêve. Il y a là danger : à terme,
une telle séduction signifie la mort du chasseur. C’est plus encore que par son apparition, nue,
dans les rêves du chasseur, par l’envoi de gibier à la rencontre de ses flèches qu’elle l’attire,
le séduit toujours davantage et finit par le retenir. Accaparant son âme, elle le rend fou, et le
fait mourir… » (Hamayon 1990, pp. 516-517).
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24 Ajoutons qu’il existe des êtres maléfiques capables de tromper les chasseurs durant leurs
rêves, ce qui peut se traduire par de graves maladies voire par la mort.
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Ils exécutent aussi ces danses qu’ils appellent mitotes quand ils partent à
la chasse ou à la guerre. Ils placent au milieu du cercle où ils dansent un
crâne de cerf avec ses bois et chantent sans cesse d’une voix triste et confuse.
Ils passent ainsi toute la nuit jusqu’à ce que le crâne saute, ce qui est dû
au démon qui les fatigue et provoque le mouvement diabolique du crâne.
Immédiatement, ils partent à la guerre ou à la chasse dans la direction du
crâne qui s’est déplacé, et comme le démon n’ignore pas où se trouvent les
ennemis ou le gibier, il les trompe avec cette astuce, car la plupart du temps
ils finissent par trouver ce qu’ils cherchent (Arlegui 1851, pp. 146-147).
Quand le brouillard est très épais et qu’il se met à pleuvoir, un Tepehuane peut
aller provoquer Cucuduri dans la forêt. Pour cela, il lance une flèche sur le sol
et le petit homme apparaît et accepte de parier un cerf en échange de la flèche.
Ils commencent à lutter et bien que Cucuduri soit très fort, son adversaire peut
le renverser et ensuite il trouve près de là un cerf qu’il peut tuer.
25 Cette association se retrouve lors de la capture d’un oiseau appelé quatezcatl (Porphyrula
martinica) qui portait, disait-on, un miroir sur la tête. Le chasseur pouvait y observer s’il
allait être fait prisonnier par des ennemis ou bien si lui-même allait capturer des ennemis
sur le champ de bataille (Sahagún 1950-1981, XI, pp. 32-33).
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26 Certains pawakan peuvent également transmettre des connaissances pour devenir
guérisseur, sorcier ou prophète.
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pratiques divinatoires, rêves, talismans de chasse
Cela étant, le tonalli était « réintroduit » chez les enfants par des
prêtres au cours d’un « baptême » dont la date pouvait être fixée de
façon à « soigner ou corriger » le tonalli de l’enfant (Sahagún 1950-
1981, IV, p. 30) (figure ci-dessus). Il était donc possible de manipuler les
connotations positives ou négatives assignées au tonalli et finalement de
modifier le destin assigné au nouveau-né par les dieux (Olivier 2012).
C’est dire la complexité des rapports entre les mortels et leurs créateurs
dans l’ancien Mexique, au-delà de l’opposition entre prédestination et
libre-arbitre, que nous révèlent leurs pratiques divinatoires. Si nous
hésitons à attribuer l’origine des prouesses des guerriers mexicas à leur
courage ou bien à la nature de leur tonalli, gageons qu’ils n’auraient
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guilhem olivier
27 Le contexte de ce passage du chapitre 31 (« Des cannibales ») mérite d’être cité : « C’est
la qualité d’un portefaix, non de la vertu, d’avoir les bras et les jambes plus roides ; c’est une
qualité morte et corporelle que la disposition ; c’est un coup de la fortune de faire broncher
nostre ennemy, et de luy esblouyr les yeux par la lumiere du Soleil ; c’est un tour d’art et de
science, et qui peut tomber en une personne lache et de neant, d’estre suffisant à l’escrime.
L’estimation et le pris d’un homme consiste au cœur et en la volonté ; c’est là où gist son
vray honneur ; la vaillance, c’est la fermeté, non pas des jambes et des bras, mais du courage
et de l’ame ; elle ne consiste pas en la valeur de nostre cheval, ny de nos armes, mais en
la nostre. Celuy qui tombe obstiné en son courage, si succiderit, de genu pugnat. Qui pour
quelque dangier de la mort voisine ne relasche aucun point de son asseurance ; qui regarde
encores, en rendant l’ame, son ennemy d’une veue ferme et desdaigneuse, il est battu, non
pas de nous, mais de la fortune; il est tué, non pas vaincu. Les plus vaillans sont par fois les
plus infortunez. »
400
pratiques divinatoires, rêves, talismans de chasse
Bibliographie
Beals, R. L. 1945 The Contemporary Culture of the Cáhita Indians (Washington,
Smithsonian Institution/Bureau of American Ethnology, Bulletin 142).
Berlin, H. 1957 Las antiguas creencias en San Miguel Sola, Oaxaca, México (Hambourg,
Hamburgischen Museums für Völkerkunde und Vorgeschichte).
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