Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
contre l’épidémie?
Pour ralentir la course du virus, il faut réduire les occasions de contaminations, donc nos contacts
sociaux.
Par Pauline Fréour
Publié le 27/10/2020 à 19:18,
Mis à jour le 28/10/2020 à 11:22
Le personnel médical de l’unité d’infectiologie de l’hôpital de Gonesse, en banlieue parisienne, se prépare dans un couloir avant d’aller
visiter un patient victime du Covid-19. CHRISTOPHE ARCHAMBAULT/AFP
COMPRAR
L’épidémie de Covid-19 enregistre une telle accélération en France qu’il ne semble même plus
possible d’attendre de connaître l’impact du couvre-feu imposé à 54 départements pour réfléchir à
un nouvel arsenal de mesures. «Nous sommes nous-mêmes surpris par la brutalité de ce qui est
en train de se passer depuis dix jours», a admis lundi le président du conseil scientifique, Jean-
François Delfraissy. Mais si le mot «reconfinement» n’est plus tabou dans la bouche d’Emmanuel
Macron, l’espoir est encore d’éviter que celui-ci soit aussi large et pénalisant qu’au printemps
dernier. Pour cela, différents leviers de réduction de la vie sociale existent, qui ne sont rien d’autre
que des composantes du confinement que l’on a connu, et sur l’efficacité desquels les
connaissances ont progressé grâce à la recherche scientifique et aux retours d’expérience.
Adresse e-mail
S'INSCRIRE
C’est l’un des points de débat les plus sensibles. Faut-il fermer les établissements scolaires, et si
oui, de quel niveau? «La fermeture des lycées et universités peut être un important levier d’action
contre l’épidémie», estime Mircea Sofonea, épidémiologiste à l’Université de Montpellier, qui
rappelle qu’«un lycéen a le même impact épidémiologique qu’un adulte». Déjà, depuis le 6
octobre, les universités françaises ne peuvent plus dépasser 50% de la capacité d’accueil de leurs
locaux. Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale à l’Université de Genève, plaide
pour la fermeture physique totale des établissements d’enseignement supérieur et secondaire,
pendant «environ deux semaines, afin de casser la courbe de progression du virus sans causer
de décrochages scolaires irréparables».
La question des jeunes enfants est davantage débattue. «On ne connaît pas bien leur rôle dans la
chaîne de transmission du virus», rappelle l’épidémiologiste. On sait en revanche qu’ils présentent
peu de symptômes lorsqu’ils sont contaminés. Associé au handicap que représente leur garde
pour les parents en activité, ce dernier argument a jusqu’à présent plaidé en faveur d’une
ouverture des écoles primaires. Antoine Flahault estime néanmoins souhaitable que les élèves
portent le masque dès 6 ans, et que la ventilation dans les écoles et les crèches soit améliorée.
● Renforcer le télétravail
Depuis le 14 octobre, la pratique est fortement encouragée, à raison de 2 ou 3 jours par semaine,
dans les territoires en état d’urgence sanitaire avec couvre-feu. Le président de la République
avait alors reconnu que télétravailler n’est pas toujours évident selon le contexte familial, et qu’on
peut éprouver le «besoin d’échanger avec (ses) collègues». Mardi, toutefois, la ministre du
Travail, Élisabeth Borne, a estimé sur Franceinfo que la situation sanitaire actuelle impose d’aller
«à fond» sur le télétravail lorsque le poste occupé le permet. «Travailler à distance est une très
bonne façon de réduire le nombre de contacts dans l’entreprise mais aussi dans les transports en
commun», rappelle Antoine Flahault. Le Pr Delfraissy a par ailleurs appelé à la plus grande
prudence dans les restaurants d’entreprise.
Les clusters recensés dans le milieu professionnel, privé comme public, s’élevaient à 916 sur 4
365 au 15 octobre, soit davantage que dans les établissements scolaires, selon Santé publique
France.
Dans les 54 départements placés sous couvre-feu, les établissements recevant du public en plein
air comme les stades peuvent encore recevoir jusqu’à 1000 personnes. Il n’est plus possible en
revanche d’utiliser de salles de réception pour organiser une fête, et les réunions de plus de 6
personnes dans l’espace public sont interdites sur tout le territoire. Une étude récente publiée
dans le Lancet Infectious Diseases par des chercheurs de l’Université d’Édimbourg estimait que
l’interdiction des événements publics était la mesure la plus efficace, devant la fermeture des
écoles, le télétravail, et les restrictions aux déplacements dans le pays, pour faire baisser
l’indicateur R, reflet de la vitesse de propagation de l’épidémie. Selon leurs calculs basés sur 131
pays, en un mois l’interdiction des événements publics avait abaissé la valeur de R de 34%. Les
auteurs de l’étude précisent toutefois que l’efficacité de la mesure pourrait tenir à ce qu’elle fut
souvent la première mise en place. «Toutes les autres viennent ensuite s’additionner, parfois
plusieurs à la fois, ce qui rend plus complexe l’analyse de leur impact respectif», explique au
Figaro le Pr Harish Nair.
Les experts le martèlent d’ailleurs pour toutes les mesures : elles ne visent qu’à une chose,
réduire nos contacts contaminants. Il est possible d’y arriver de deux façons : en rendant nos
interactions moins risquées grâce aux gestes barrières, déjà largement adoptés, ou en
rétrécissant notre «bulle sociale», ce à quoi visent toutes les mesures de confinement. «Avec un
R à 1,37 et non à 3 comme en mars, nous ne sommes pas si loin de pouvoir contrôler l’épidémie,
estime Mircea Sofonea. Beaucoup de réflexes ont déjà été adoptés, mais il faudrait moduler le
message selon les âges, car les efforts attendus ne sont pas les mêmes pour les jeunes ou pour
les plus de 65 ans. Il nous reste enfin à faire un effort dans la sphère privée, jusqu’à ce que les
beaux jours reviennent.»