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Approche comparative du champ lexical des métaphores

psychosomatiques coréennes et françaises relatives au


concept de seulpeum/ de la souffrance psychologique*

Séverine Stoecklé
(Université Hankuk des Études Étrangères)

Table  des  matières 


I- Introduction
II- Synthèse définitionnelle du concept de seulpeum
III- Présentation des deux corpus : coréen (CC) et français (CF)
1. Remarques méthodologiques générales relatives à l'établissement du corpus (CC)
et à sa traduction en français
2. Présentation du corpus français (CF)
IV- Approche anthropolinguistique comparative sur la base des schémas de synthèse du
double corpus
1. Schémas de synthèse A-B-C
2. Analyse contrastive synthétique
V- Conclusion

I. Introduction
1)

Comme l'a montré É. Benvéniste, les catégories de pensée sont tributaires des
catégories de la langue, c'est-à-dire de l'organisation des signes et des symboles
qui la fondent. Si l'homme pense par l'intermédiaire de la langue, il n'en est pas
moins pensé par elle. La question est soulevée avec acuité dans le domaine de
l'anthropologie du corps, et encore plus sans doute dans la province qui concerne
les émotions humaines.1)

* This work was supported by Hankuk University of Foreign Studies Research Fund
of 2014.
1) D. Le Breton (2004) pp. 10-11.
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Ainsi si nous sentons par l'intermédiaire de notre corps, nos émotions n'en
sont-elles pas moins ressenties, cristallisées d'une manière particulìère par
la langue de la communauté à laquelle nous appartenons et donc modelées
par elle. Cette réflexion résonne avec d'autant plus d'acuité qu'il ne se passe
pas un jour sans que je ne fasse, dans mon expérience de lectrice francophone
passionnée de la langue et de la littérature coréennes, la rencontre de quelque
verbe, expression, tournure de la langue affective qui ne me surprenne,
m'intrigue, me déroute parfois tant il est malaisé de pouvoir justement les
vivre comme les natifs et a fortiori de les faire revivre en français quand
il s'agit de vouloir les faire goûter à des francophones par l'intermédiaire
de la traduction.
De cette expérience et de cette curiosité grandissante pour la province des
émotions coréennes, est né le projet d'investir la problématique de l'anthropologie
des émotions en commençant par le champ conceptuel de seulpeum, champ
de prédilection, s'il en est, de la littérature coréenne et surtout de la littérature
populaire qui semble vouer au tragique un culte tout particulier.
Cette étude se veut donc une recherche propédeutique à des fins
traductologiques ultérieures -et est en cela généraliste- visant à dégager la
trame de ce champ pour en avoir une vision panoramique, en en faisant apparaître
les caractéristiques saillantes, notamment les principaux processus de
métaphorisation à l'oeuvre dans les idiotismes, les concepts ethniques éventuels
et leurs fondements philosophiques et ce, sur la base de l'analyse d'un corpus
de métaphores figées représentatif de ce champ conceptuel à partir de leur
sens lexicographique et de leurs équivalences françaises fonctionnelles pour
tenter, par effet de contraste, de mieux faire apparaître ces caractéristiques.

II. Synthèse définitionnelle du concept de seulpeum

[Toute] analyse qui part[irait] sans crier gare d'un vocabulaire français ou anglo-saxon
tombe[rait] dans le piège enfantin du nominalisme en universalisant d'emblée les
émotions, en les considérant comme des états dont il suffirait de voir anecdotiquement
quelques petites variations culturelles. [...] [Elles] seraient ainsi perçues comme des
objets, mentaux sans doute, mais repérables comme on chercherait les mille façons
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de nommer le chêne ou le chien. [Cette] manière de naturaliser les émotions [serait]


occulter d'emblée la question de la mosaïque affective qui anime la myriade des
sociétés humaines [...] sous le prisme d'un vocabulaire dissolvant toute différence
[et donnant ainsi l'illusion de l'existence d'universaux émotionnels absolus].2)

Il convient donc comme nous met si bien en garde Le Breton de se prévenir


de cet écueil et de saisir le concept de seulpeum dans son essence autochtone
même à travers une synthèse3) lexicographique de sa constellation sémantique.
Seulpeum se trouve ainsi articulé selon les quatre axes sémantiques suivants:
l/ la tristesse et la mélancolie (en tant que sentiment diffus de malaise
psychologique sans cause évidente); 2/ la déception, l'auto-dénigrement,
l'impuissance et le découragement (en tant que sentiment d'insatisfaction lié
à une non-réalisation, un échec, un manque, imputable à soi-même) ainsi
que la frustration et le ressentiment (quand ce même sentiment d'insatisfaction
est imputable aux circonstances extérieures : autrui/la situation); 3/ la peine
et le chagrin (en tant que souffrance psychologique liée à des événements
malheureux) et enfin 4/ le désespoir, le tourment et la détresse (en tant que
douleur psychologique extrême liée à des événements tragiques). Or à en
juger par cette déclinaison sémantique, la mise en garde de Le Breton est
on ne peut plus pertinente ; en effet, il apparaît déjà qu'aucune configuration
sémantique syncrétique française ne corresponde à cette cristallisation coréenne,
ceci ne pouvant plaider, en soi, que pour l'existence d'une géographie affective
coréenne différentielle de la langue-culture B4).

2) D. Le Breton (2004) p. 11.


3) Nous reprenons pour ce faire, en substance, la synthèse qu'en a faite Kim Hyang-suk
dans sa thèse de doctorat 김향숙 (Kim Hyang-suk, 2003)
4) Assez ironiquement d'ailleurs, il semblerait, au contraire, que le concept (lexicographique
du moins) de han donné pourtant comme un realis (abstrait) ethnique s'il en est, soit
quasi superposable à- et donc quasi traduisible par- un concept équivalent français,
celui de tristesse, puisqu'il cristallise précisément les composantes sémantiques
infra-conceptuelles (le chagrin, la désolation, le ressentiment diffus et inscrits dans
le temps) que l'on retrouve en totalité dans le concept français (état affectif pénible,
calme et durable ; envahissement de la conscience par une douleur, une insatisfaction
ou par un malaise dont on ne démêle pas toujours la cause, et qui empêche de se
réjouir du reste ; syn : ennui, mélancolie, abattement, affliction, amertume, cafard,
peine ; Le Petit Robert 1, Dictionnaires Le Robert, 1984). Mais cela mériterait sans
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III. Présentation des deux corpus :


coréen (bilingue) CC et français CF

1. Remarques méthodologiques générales relatives à


l'établissement du corpus (CC) et à sa traduction en
français
Établir un corpus d'idiotismes représentatif de l'ethos émotionnel
communautaire5), soit contemporain, consensuel -si tant est que le consensus
soit possible, la métaphorisation des idiotismes émotionnels étant, par essence,
symptomatique et prêtant donc à plusieurs interprétations6)- n'est pas chose
aisée. C'est que s'il existe, en la matière, pléthore d'ouvrages lexicographiques
(alphabétiques et thématiques) en B7), ce n'est pas le cas en A8) où l'idiotismologie
reste desservie par la lexicographie au contraire de la parémiologie qui bénéficie
d'une riche nomenclature : le chercheur n'a ainsi à sa disposition qu'un seul
dictionnaire9) spécialisé et encore non thématique pour la langue courante10)

doute d'être confirmé ou infirmé par une investigation pointue qui prendrait en compte
l'analyse respective de ces unités infra-conceptuelles ainsi que les implicites culturels
(et notamment le ressenti émotionnel des natifs) satellitaires au concept lexicographique.
Quant à la traduction en français de seulpeum, nous ne voyons guère d'autre équivalence
possible que celle de souffrances psychologiques?
5) que l'on pourrait définir comme l'ensemble des modes de perception propres à une
communauté donnée
6) les symptômes renvoyant à un éventail d'émotions, de pathologies plurielles (étant
considérées comme telles dans la philosophie classique tant occidentale qu'asiatique
et encore aujourd'hui en partie dans la pensée scientifique) ; ex: 간장이 녹다 : TL
+ (sens) : avoir le foie et les intestins qui fondent → 1/ se sentir nerveux et inquiet
2/ éprouver une douce satisfaction devant qc ; 박영준 (Bak Yeongjun 1995). Nous
n'avons donc retenu dans notre corpus que les acceptions relatives au concept traité.
7) langue française/énoncé(s) de cette langue/langue d'arrivée en traduction
8) langue coréenne/énoncé(s) de cette langue/langue de départ en traduction
9) Dictionnaire des idiotismes syntagmatiques, Bak Yeongjun, Choi Kyeongbong, Taehaksa,
(1995) qui, comme son titre l'indique, n'inclut pas les idiotismes phrastiques. Quant
aux ressources lexicales en ligne, outre qu'elles ne soient pas plus thématiques, elles
manquent de fiabilité en ce qu'elles ne se résument qu'à une compilation de quelques
énoncés discursifs n'ayant pas fait l'objet de définitions systématiques/explicites.
10) le cadre restreint de cette étude ne pouvant nous permettre d'y inclure le registre familier
et vulgaire
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ainsi que quelques thèses de doctorat dont celle de Kang Hyang-suk pour
la problématique qui nous intéresse dans laquelle nous avons donc abondamment
puisé pour élaborer ce corpus, non sans élaguer quelque peu la nomenclature11)
proposée par cette dernière et ce, pour donner une base la plus scientifique
possible à cette étude en l'inscrivant dans l'ethos communautaire et dans le
cadre de la psychologie culturelle.
À cette première difficulté est venue s'ajouter, en raison de l'amplitude
polysémique de bon nombres d'idiotismes psychosomatiques, celle de la
définition précise même de ces items en français, non seulement parce que
la métaphore originelle peut présenter des incohérences internes12) (sans compter
que le lexique descriptif courant relatif aux émotions est déjà en lui-même
métaphorique ce qui peut conduire à une double perversion de cette dernière)
mais aussi en raison du caractère souvent réducteur (supra-conceptuelle) de
la définition lexicographique en langue A, ceci ne permettant pas une saisie
cognitive fine et nuancée du sens alors que cette saisie est pourtant fondamentale
en amont, comme chacun sait, à l'opération de traduction et au degré de
fidélité tant sémantico-culturelle qu'esthétique de son produit. Afin de remédier
autant que possible à cette lacune et tâcher d'optimiser cette opération, nous
avons donc procédé à un sondage préalable de l'intuition linguistique que
les natifs peuvent avoir de ces items (en dépit de certaines limites que cette
approche peut présenter)13) avant de procéder à leur traduction, littérale,

11) n'étant pas exempte d'idiolectes, d'archaïsmes et autres nord-coréanismes, l'ayant établie
(précisément pour les raisons précédentes évoquées dans la note 9) à partir de corpus
littéraires et journalistisques susceptibles de contenir des créations personnelles propres
à la sensibilité de leurs auteurs (ne relevant donc en cela pas de l'ethos impersonnel)
sans compter que les définitions sémantiques proposées ne convergaient pas forcément
avec celle du dictionnaire des idiotismes précité. Un exemple parmi d'autres pour étayer
ce propos : on peut trouver dans sa nomenclature 창자를 적시다 : TL + (sens) : (avoir)
le foie et les intestins (qui) se trouvent mouillés (par qc) → être triste aux larmes
; alors qu'en ligne cet idiotisme est donné comme un nord-coréanisme signifiant ne
pas manger à sa faim
12) À titre d'exemple prenons l'idiotisme suivant : 기가 꺾이다 ; la combinaison des deux
éléments en associant l'énergie vitale au verbe casser/se replier n'est pas cohérente,
créant une métaphore dans la métaphore. La définition en B se devant congruente
efface de facto la métaphore : avoir son gui/énergie vitale qui diminue
13) la perception des natifs pouvant être polysémique ou non-consensuelle
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fonctionnelle et sourcio-cibliste14) dans la mesure du possible, pour non


seulement faire apparaître toutes les cristallisations contrastives existantes
éventuelles mais également tâcher d'atteindre un degré de fidélité maximale
dans les deux langues. Enfin, cette étude s'inscrivant dans une démarche
comparative, avons-nous proposé une typologie des procédés de métaphorisation
à l'oeuvre dans les idiotismes concernés en indiquant le degré d'intensité relatif
des émotions qu'elles véhiculent de manière à tenter de mesurer les variables
sémantico-culturelles tant quantitatives que qualitatives pouvant exister entre
A et B, variables qui formeront le support de l'analyse.

Corpus CC15) des métaphores coréennes psychosomatiques relatives


au concept de seulpeum/souffrances psychologiques (et propositions
de traduction16))

Idiotismes17) psychosomatiques relatifs au concept de seulpeum : niveaux de

14) sourcier: approche de la traduction mettant la primauté sur la fidélité à l'énoncé de


départ ; cibliste : approche inverse orientée sur le destinataire et privilégiant la fidélité
(notamment stylistique et esthétique) à la langue d'arrivée ; sourcio-cibliste : approche
visant à combiner, harmoniser ces deux exigences. Nous ne traiterons cependant pas
de la problématique de la traduction de ces unités dans ce présent article.
15) Légende:
TL +(sens): traduction littérale + définition sémantique
EI: équivalence idiomatique française
EIP: équivalence idiomatique française proche/voisine
FA: faux ami (métaphore coréenne proche d'une métaphore française de sens différent)
NT: néologisme traductionnel (création); NT(?): néologisme traductionnel d'acceptabilité
limite
16) Ces équivalences traductionnelles, établies sur la base du sens lexicographique de ces
unités, ne représentent qu'un éventail de possibilités sur lesquels n'est porté aucun
pré-jugement d'acceptabilité qualitative, du fait même du caractère non parfaitement
consensuel de leur définition sémantique, quelle soit lexicographique et intuitive (comme
on vient de le souligner), sans compter que les critères de cette acceptabilité sont
variables suivant les diverses approches de la traduction. Quant aux équivalences
françaises, nous n'avons retenu que celles qui étaient homologuées dans les ouvrages
de référence lexicologiques cités dans la bibliographie.
17) Ce terme au sens de toute tournure ou expression figée propre à une langue est repris
à Pierre Guiraud, référence incontournable en matière de sociolexicologie française
dans son ouvrage sur les locutions françaises (Guiraud, 1973).
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métaphorisation conceptuelle

Désagrégation, atteinte corporelle, organique ou systémique

a/ douleur d'intensité18) moyenne

1) 가슴19)에 (피)멍이 들다/가슴에 멍이 지다


TL+(sens): avoir une meurtrissure/ecchymose dans la poitrine/le coeur → (se sentir
durablement blessé)
EI: avoir le coeur meurtri; NT: avoir un/des bleu(s) au coeur

2) 가슴에 못을 치다
TL+(sens): enfoncer un clou dans la poitrine/le coeur → (faire de la peine)
EI: 0; → TL

3) 가슴에 못질하다
TL+(sens): ficher des clous dans la poitrine/le coeur → (faire de la peine)
EI: 0; → TL

b/ douleur de forte intensité/ à peine supportable

4) 가슴을 허비다/후비다
TL+(sens): gratter le coeur avec les ongles, racler le coeur → (accentuer le chagrin)

18) Même si le degré d'intensité donné ici n'a qu'une valeur indicative (étant difficile à
évaluer dans un certain nombre d'unités car variable suivant le vécu et le ressenti
émotionnel des natifs), il permet de dégager quelques constantes non dénuées d'intérêt
pour l'analyse.
19) 가슴: poitrine en ce qu'elle renferme le coeur et les poumons, organes très liés (dans
la médecine chinoise/coréenne traditionnelle) à la régulation des émotions et notamment
de seulpeum ; un excès de cette dernière conduisant à la détérioration plus ou moins
forte de leur fonction. Elle correspond donc également en coréen par métaphorisation
à 마음/maeum (organe métaphysico-symbolique, régulateur de l'affect, de la conscience
et de la pensée non-rationnelle), concept correspondant ici à l'acception symbolique
du français coeur considéré lui-aussi dans la médecine occidentale classique
(aristotélicienne) comme le siège des passions et des émotions. Notons donc que les
deux traditions médicales se rejoignent à la différence près que le coréen dispose de
deux lexies distinctes, l'une pour signifier l'organe physiologique 심장/shimjang et l'autre
pour signifier l'organe psycho-métaphysique 마음/maeum alors que le français ne dispose
que de la lexie coeur pour signifier les deux (nous aurons l'occasion de revenir sur
ce point dans l'analyse).
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EI: 0; → NT: griffer le coeur (par ciblisme car plus esthétique que la TL)

5) 가슴에 대못을 박다20)


TL+(sens): ficher un gros clou dans la poitrine/le coeur → (faire de la peine et susciter
de la rancune)
EI: 0; → TL ou EIP: crever le coeur de qn

6) 가슴을/창자를/뼈를 도려내다
TL+(sens): exciser, extirper la poitrine(le coeur)/les entrailles/ les os → (infliger une
vive peine)
EI: 0; → EIP: briser le coeur de qn; fendre le coeur ou TL (sémantiquement transparente
et esthétiquement acceptable en B)

7) 가슴을/살을 에다
TL+(sens): arracher, découper le coeur/la chair → (infliger une peine profonde)
EI: 0; →TL; EIP: déchirer le coeur

8) 가슴을/애21)간장을 저미다 (moins courant)


TL+(sens): découper le coeur/les entrailles (viscères, intestins et foie) en tranches →
(infliger une peine profonde)
EI: 0; → TL; EIP: fendre le coeur, déchirer le coeur; mettre le coeur en charpie

9) 가슴이/창자가 미어지다
TL+(sens): avoir la poitrine (le coeur)/les viscères qui se déchire(nt) = avoir une déchirure
à la poitrine (au coeur), aux tripes → (éprouver un vif chagrin)
EI: 0; → EIP: avoir le coeur déchiré/ se sentir remué jusqu'aux entrailles (plus éloigné)

10) 가슴에/마음에 구멍이 뚫리다


TL+(sens): avoir un trou dans la poitrine/dans le coeur → (ressentir une vive peine)
EI: 0; → TL (sémantiquement transparente et esthétiquement acceptable en B); NT(?):
avoir le coeur troué de douleur

11) 뼈를 깎다
TL +(sens): douleur qui entaille les os → (ressentir une douleur psychologique à

20) cet idiotisme est donné comme intimement lié à la genèse du sentiment (psychoculturel?)
dit du han, sorte de rancoeur profonde, sourde et diffuse.
21) mot ancien synonyme de 창자 (viscères/boyaux) que l'on pourrait traduire par entrailles,
cette lexie appartenant essentiellement au registre littéraire (domaines psychologique
et religieux)
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peine supportable)
EI: 0; → TL ou EIP: avoir le coeur déchiré/ brisé/en charpie; avoir le coeur qui
saigne (éloigné); NT(?): (en) avoir mal jusque dans la moelle de ses os

12) 뼈를 긁어내다
TL+(sens): douleur qui racle, rabote les os → (ressentir une douleur psychologique
vive)
EI: 0; → EIP: avoir le coeur brisé/en charpie; fendre le coeur; avoir le coeur qui
saigne; NT: (en) avoir mal jusque dans la moelle de ses os

13) 가슴/간장/애간장이 찢어지다


TL+(sens): avoir la poitrine/le foie/les entrailles qui se déchire(nt) = sentir son coeur/ses
entrailles se déchirer → (ressentir une douleur psychologique vive et à peine supportable)
EI: 0; → TL; EIP: avoir le coeur brisé/ déchiré/ en charpie; avoir le coeur qui saigne;
NT: avoir le coeur/les tripes en lambeaux, en miettes

14) (애)간장이/창자가 끊어지다


TL+(sens): avoir les entrailles/les boyaux/les viscères qui se désagrègent pièce par
pièce/tombent en morceaux → (ressentir une douleur psychologique vive et à peine
supportable)
EI: 0; → EIP: avoir le coeur brisé/déchiré/en charpie; avoir le coeur qui saigne; TL
supplémentée: (~ de chagrin); NT(?): avoir les entrailles qui tombent en pièces

Pression/oppression organique

a/ douleur d'intensité moyenne

15) 목이 막히다/메다
TL+(sens): avoir la gorge obstruée, encombrée → (ressentir la tristesse nous envahir)
EI: avoir la gorge serrée; EIP: avoir le coeur serré

16) 가슴이 무겁다


TL+(sens): avoir le coeur lourd → ( se sentir comme anéanti par la peine/l'inquiétude)
EI: avoir le coeur lourd

17) 가슴을 짓누르다


TL+(sens): oppresser la poitrine/le coeur → (ressentir une douleur oppressante)
EI: avoir qc sur le coeur/en avoir gros sur le coeur/ avoir le coeur gros/ en avoir
gros sur la patate;
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NT: avoir le coeur laminé

18) 가슴이 답답하다/막히다


TL+(sens) avoir la poitrine/le coeur chargé/bouché/oppressé(e)/se sentir un poids sur
la poitrine/le coeur → (ressentir une douleur oppressante)
EI: avoir qc sur le coeur/en avoir gros sur le coeur/ avoir le coeur gros/ en avoir
gros sur la patate; avoir le coeur lourd

b/ douleur de forte intensité/ à peine supportable

19) 가슴이 터지다/애가 터지다


TL+(sens) avoir la poitrine (le coeur)/les entrailles qui explose(nt) → (se sentir envahi
et oppressé par le chagrin ou les remords, se sentir désepéré)
EI: avoir le coeur qui vous en crève; avoir qc qui reste sur l'estomac/à travers la gorge

20) 가슴이/억장이22)/애간장이 무너지다 → (se sentir envahi et oppressé par le chagrin


ou les remords)
TL+(sens): avoir la poitrine (le coeur)/les entrailles qui s'effondre(nt)
EI: 0; → NT: avoir le coeur/les tripes à terre/laminé(es)

21) 가슴이 내려앉다


TL+(sens): avoir la poitrine /le coeur qui s'effondre → (être choqué et peiné)
EI: 0; → NT: avoir le coeur à terre/laminé

Piqûre aiguë
(douleur de forte intensité)

22) 가슴을 찌르다


TL+(sens) : transpercer la poitrine/le coeur → (faire de la peine, blesser, vexer)
EI: 0; → TL

23) 가슴이 아리다/쓰리다


TL+(sens): avoir à la poitrine/au coeur une sensation de piqûre, de brûlure → ressentir
une peine intense)
EI: 0; d'où: NT : avoir le coeur piqué à vif

Excrétion externe, lacrymale/ vocalisation des larmes

22) 억장 = 가슴 : la poitrine/ le coeur dans le registre familier


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a/ douleur d'intensité moyenne

24) 눈물이 핑 돌다
TL+(sens): voir des larmes perler subitement → (être triste)
EI: avoir des larmes aux yeux; TL (sémantiquement transparente et esthétiquement
acceptable en B)

25) 눈물나다
TL+(sens): voir des larmes se former/apparaître → (être triste)
EI: 0; → EIP: avoir les larmes aux yeux;

26) 눈시울을 적시다


TL+(sens): avoir le bord des paupières mouillé de larmes (par qc) → (être triste)
EI: avoir les larmes aux yeux; → EIP: se sentir au bord des larmes

27) 눈물이 앞을 가리다


TL+(sens): avoir des larmes qui voilent la vue → ( être triste/ ne pas s'arrêter de
pleurer)
EI: 0; → EIP: avoir les yeux voilés de larmes; NT: pleurer comme une fontaine

28) 눈시울이 뜨거워지다


TL+(sens): avoir le bord des paupières qui devient brûlant → (être triste)
EI: être ému aux larmes

b/ douleur de forte intensité

29) 어깨를 들썩거리며 흐느끼다


TL+(sens): avoir de petites secousses dans les épaules → (pleurer en sanglotant/ être
très triste)
EI: être secoué de sanglots

30) 목이 잠기다
TL+(sens): avoir la gorge inondée, envahie (de larmes), bloquée → (être envahi d'un
sentiment de tristesse bloquant l'émission de la voix/être très triste)
EI: 0; → EIP: avoir la gorge nouée

31) 눈물을 삼키다


TL+(sens): ravaler ses larmes → (se contenir, s'empêcher de pleurer/être très triste)
EI: retenir ses larmes
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32) 눈에 피 눈물 나다
TL+(sens): avoir des larmes de sang dans les yeux → (connaître des tourments/ se
sentir très oppressé)
EI: 0; → EIP: pleurer sang et larmes; verser des larmes de sang mêlées; pleurer
toutes les larmes de son corps (légèrement décalé)

33) 목을 놓다/ 목놓아 울다


TL+(sens): relâcher sa gorge/ laisser libre cours à ses sanglots → (sangloter
bruyamment/être très triste)
EI: 0; → EIP: pleurer à chaudes larmes; pleurer toutes les larmes de son corps; NT:
(par mimétisme de l'idiotisme: rire à gorge déployée): pleurer à gorge déployée

34) 땅을 치다
TL+(sens): frapper le sol → (se lamenter/ se sentir victime d'une injustice/être très
triste, frustré, aigri)
EI: 0; → EIP: le coeur me crève (légèrement décalé)

Combustion
(douleur de forte intensité)

35) 가슴이/애간장이/속이/애가 타다
TL+(sens): avoir la poitrine(le coeur)/ les viscères /l'intérieur(le ventre)/ les entrailles
qui se consum(ent) → (être tourmenté, triste/ inquiet)
EI: 0; → EIP: être sur le gril, être sur le qui-vive; se faire de la bile, se faire des
cheveux; se faire du mauvais sang ( ces idiotismes étant décalés en ce qu'ils impliquent
et une certaine volition du sujet pour les trois derniers et des métaphores différentielles)

36) 뼈가 새까맣게 타다
TL+(sens): avoir les os qui se carbonisent → (être tourmenté/très triste/inquiet)
EI: 0; → EIP: être sur le gril; sentir son sang se glacer dans les veines; se faire un
sang d'encre; se manger/ronger les sangs (même remarque que précédemment); TL
supplémentée: (~ de tourment/d'angoisse)

37) 가슴이 숯덩이/숯등걸이 되다


TL+(sens): avoir la poitrine (le coeur) qui se carbonise → (être tourmenté/ très triste/inquiet)
EI: 0; → EIP: être sur le gril; sentir son sang se glacer dans les veines; se faire un
sang d'encre; se manger/ronger les sangs (même remarque que précédemment); TL
supplémentée: (~ de tourment/d'angoisse)
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38) 애간장이 녹다
TL+(sens): avoir les entrailles/les os qui fondent/se liquéfient → (être en proie à une
vive angoisse)
EI: 0; → EIP: sentir son sang se glacer dans les veines; se faire un sang d'encre;
se manger/se ronger les sangs (même remarque que précédemment); TL supplémentée:
(~ d'angoisse, de tourment); NT: avoir les tripes qui tournent en bouillie

Affaiblissement physiologique

39) 가슴이/뼈가 저리다


TL+(sens): avoir la poitrine/le coeur engourdi(e)/les os endoloris → (être triste/peiné/avoir
de la peine)
EI: 0; EIP: 0; → TL supplémentée: se sentir le coeur/les os engourdis par la peine

40) 고개를 떨구다/숙이다


TL+(sens): baisser, courber la nuque/la tête → (se décourager)
EI: 0; → EIP: être au plus bas; en perdre le boire et le manger (décalés); TL =
FA (du fait des paro-idiotismes: courber la tête, l'échine (se soumettre) d'où TL
supplémentée: (~ de découragement)

41) 어깨가 처지다/늘어지다


TL+(sens): avoir les épaules qui tombent → (être découragé)
EI: 0; → EIP: être au plus bas; en perdre le boire et le manger; TL = FA (du fait
du paro-idiotisme: en avoir les bras qui m'en tombent (être stupéfait/abasourdi) d'où
TL supplémentée: avoir les épaules qui en tombent de découragement

42) 어깨가 움츠러들다


TL+(sens): avoir les épaules qui rentrent/qui se ramassent sur elles-mêmes → (être
découragé)
EI: 0; → EIP: être au plus bas; en perdre le boire et le manger; NT: se recroqueviller/se
tasser sur soi-même de découragement

Affaiblissement psychosomatique

43) 기가 죽다
TL+(sens): gui (souffle/énergie vitale psychosomatique) qui meurt → (être découragé
déprimé, abattu)
EI: 0; → EIP: avoir le moral atteint/bas; avoir le moral à zéro, avoir le moral dans
les chaussettes; avoir la mort dans l'âme; avoir le vague à l'âme; n'avoir plus de jus
848 ■ 불어불문학연구 100집 2014년 겨울호

44) 풀이 죽다
TL+(sens): pul (substance adhésive -souvent de l'amidon- et au sens métaphorique, facteur
de cohésion d'une entité physique ou psychologique, d'où ici: l'entrain) qui meurt →
(être déprimé, découragé, abattu)
EI: 0; → EIP: avoir le moral atteint/bas; avoir le moral à zéro, avoir le moral dans
les chaussettes avoir la mort dans l'âme; avoir le vague à l'âme; n'avoir plus de jus

45) 기가/풀이 꺾이다


TL: gui/pul qui se plie, se casse (problème du manque de cohérence interne de la métaphore)
d'où : gui qui diminue/pul qui se désagrège → (être déprimé, découragé, abattu)
EI: 0; → EIP: avoir le moral atteint/bas; avoir le moral à zéro, avoir le moral dans
les chaussettes; avoir la mort dans l'âme; avoir le vague à l'âme; n'avoir plus de jus

46) 맥이 빠지다/떨어지다
TL+(sens): maek (pouls, pulsations) qui redescend (problème du manque de cohérence
interne de la métaphore) d'où : maek qui diminue/qui ralentit → (être déprimé, découragé,
abattu)
EI: 0; → EIP: avoir le moral atteint/bas; avoir le moral à zéro, avoir le moral dans
les chaussettes; avoir la mort dans l'âme; avoir le vague à l'âme; n'avoir plus de jus

47) 한숨을 짓다/쉬다


TL+(sens): faire, souffler (=pousser) un soupir, → (être déprimé, découragé, abattu)
EI: 0; → EIP: avoir le moral atteint/bas; avoir le moral à zéro, avoir le moral dans
les chaussettes avoir la mort dans l'âme; avoir le vague à l'âme; n'avoir plus de jus;

Putréfaction

a/ douleur d'intensité moyenne

48) 마음이 상하다


TL+(sens): avoir le coeur qui s'abîme, qui pourrit → (être peiné, blessé)
EI: 0; → EIP: avoir le coeur blessé

b/ douleur de forte intensité

49) 간장이/속이 썩다
TL+(sens): avoir le foie et les intestins qui se putréfient → (être tourmenté, inquiet)
EI: 0; → EIP: en faire une maladie; en faire une jaunisse; NT(?): en avoir les tripes
Approche comparative du champ lexical des métaphores psychosomatique... ■ 849

ravagées (d'inquíétude, de tourment)

50) 속이/뼈가 새까맣게 썩다


TL+(sens): avoir le ventre/les os qui noircit/ssent en se décomposant → (éprouver une
vive peine)
EI: 0; → EIP: se sentir remué jusqu'aux entrailles; sentir son sang se glacer dans
les veines; le coeur m'en crève; en perdre le boire et le manger; NT(?): en avoir la
moelle toute gâtée de chagrin/de tourment

Déshydratation, assèchement
(douleur de forte intensité)

51) 애가/애간장이/피가 마르다


TL+(sens): avoir les entrailles/les viscères qui se déshydratent; avoir un dessèchement
du sang → ( éprouver une vive douleur/inquiétude/peine )
EI: 0; → EIP: se sentir remué jusqu'aux entrailles; sentir son sang se glacer dans
les veines; le coeur m'en crève; en perdre le boire et le manger

52) 애를/피를 말리다


TL+(sens): dessécher les entrailles, le sang → (éprouver une vive douleur/inquiétude/peine)
EI: 0; → EIP: se sentir remué jusqu'aux entrailles; sentir son sang se glacer dans
les veines; le coeur m'en crève; en perdre le boire et le manger; orientés sur l'inquiétude:
se faire un sang d'encre, se ronger les sangs

Obscurisation de la perception

a/ douleur d'intensité moyenne

53) 눈앞이 아득하다


TL+(sens): avoir une perspective immédiate brumeuse, trouble, indistincte → (être inquiet
devant un avenir incertain)
EI: 0; → EIP: 0; NT(?): voir l'avenir dans la brume

b/ douleur de forte intensité

54) 눈앞이 (a) 깜깜해지다/ (b) 캄캄해지다 (opposition phonologique consonnes aspirées/
fortisées)
TL +(sens): voir sa proche perspective s'assombrir fortement/très fortement → ( être
déprimé et très pessimiste pour l'avenir)
850 ■ 불어불문학연구 100집 2014년 겨울호

EI: (a) voir la vie en noir/ (b) se faire un sang d'encre (pour l'avenir); broyer du noir
(→ lexicalisation de l'opposition phonologique consonnes aspirées/fortisées)

2. Présentation du corpus français (CF)


Afin de pouvoir nous livrer à une comparaison des plus pertinentes possibles
avons-nous tâché d'établir ce corpus à partir d'une recherche systématique
de toutes les expressions métaphoriques correspondantes aux quatre axes du
concept de seulpeum existantes dans les ouvrages lexicographiques dont nous
avons pu disposer ; expressions que nous avons ensuite classées, de même
que pour le corpus CC, suivant les procédés de métaphorisation apparus.

Corpus CF23) des métaphores françaises psychosomatiques relatives


au concept de la souffrance psychologique (équivalent à seulpeum)

Idiotismes psychosomatiques de la tristesse : niveaux de métaphorisation


conceptuelle

Désagrégation, atteinte organique ou systémique passive


(tristesse de forte intensité)

1) avoir le coeur24) meurtri/ brisé/déchiré


2) avoir le coeur en charpie
3) avoir le coeur qui saigne
4) sentir son sang se glacer dans ses veines
5) se sentir remué jusqu'aux entrailles
6) n'avoir plus de jus (non homologué lexicographiquement bien que d'usage courant)
7) être au plus bas/ en perdre le boire et la manger

23) Ce corpus a été constitué sur la base de toutes les sources lexicales référencées dans
la bibliographie.
24) Dans la médecine classique aristotélicienne et aujourd'hui encore dans la symbolique
générale, le coeur est l'organe régulateur des émotions. En outre, il a aussi désigné
la poitrine à partir du XIIe siècle mais aussi l'estomac à partir du XIIIe siècle ; ce
mot ayant pour étymon le latin cor qui signifiait au sens propre le coeur et l'estomac.
Approche comparative du champ lexical des métaphores psychosomatique... ■ 851

8) mourir à petit feu

Atteinte organique ou systémique active


(tristesse de forte intensité)

a/ sur autrui :
9) meurtrir/briser/déchirer le coeur de
10) fendre le coeur à qn

b/ sur soi : (comportementalité symbolique auto-mortifiante)

11) en faire une maladie


12) en faire une jaunisse (= ictère dû à une pathologie hépatique ou pancréatique)
13) s'arracher les cheveux
14) se faire de la bile
15) se faire un sang d'encre
16) se ronger les sangs

Pression/oppression/obstruction organique

a/ tristesse d'intensité moyenne

17) avoir le coeur/la gorge serrée


18) avoir qc sur le coeur
19) avoir le coeur lourd
20) rester sur l'estomac

b/ douleur de forte intensité

21) en avoir gros sur le coeur/avoir le coeur gros


22) en avoir gros sur la patate25)
23) avoir le coeur qui vous en crève
24) en avoir gros sur l'estomac
25) rester en travers de la gorge
26) avoir un noeud à l'estomac
27) crever le coeur de qn

25) patate ici synonyme de coeur dans le registre familier


852 ■ 불어불문학연구 100집 2014년 겨울호

Excrétion externe, lacrymale, vocalisation de la tristesse

a/ tristesse d'intensité moyenne

28) se sentir au bord des larmes


29) être ému aux larmes
30) avoir les larmes aux yeux
31) avoir les yeux voilés de larmes
32) être en larmes
33) retenir ses larmes/ravaler ses larmes
34) avoir des trémolos dans la voix

b/ tristesse de forte intensité

35) pleurer à chaudes larmes


36) avoir les yeux inondés de larmes
37) pleurer toutes les larmes de son corps
38) pleurer sang et larmes
39) se rouler (par terre) de chagrin

Sécrétion interne
(tristesse de forte intensité)

40) être d'une humeur noire26)


41) avoir le spleen27)
42) broyer28) du noir

Combustion

26) selon la médecine classique, appelée également bile noire dont l'excès était inducteur
de la tristesse (nous y reviendrons)
27) anglicisme, rate au sens propre, d'où humeur noire et donc mélancolie au sens médical
classique du terme et figuré/symbolique aujourd'hui
28) d'après la médecine classique qui considérait que la fonction des membranes de l'estomac
était de broyer les aliments pour en assurer la digestion ; et par analogie symbolique
que le cerveau broyait les idées/objets d'intellection qui lui parvenaient
Approche comparative du champ lexical des métaphores psychosomatique... ■ 853

(douleur de forte intensité)

43) être consumé par la mélancolie29)


44) être sur le gril

Affaiblissement psychologique

a/ tristesse d'intensité moyenne

45) avoir le bourdon/le cafard/le blues

b/ tristesse de forte intensité

46) voir la vie en noir


47) avoir le moral à zéro
48) avoir le moral dans les chaussettes
49) avoir du vague30) à l'âme
50) avoir la mort dans l'âme
51) faire une tête d'enterrement/d'enterré

29) selon la médecine classique, l'humeur noire dite encore bile noire dont l'excès était
inducteur de tristesse
30) la sémantique des idiotismes n'étant pas une science exacte, on ne saurait proposer
une interprétation absolue de cet idiotisme, celui-ci évoquant un transport indéfini et
désagréable. N'est-il pas pour le moins curieux, cependant de constater que ce vague
pourrait présenter une parenté (symbolique) avec le nerf cardio-pneumo-entérique du
même nom (nerf vague du latin veho, se transporter) chargé de convoyer au cerveau
des informations motrices, sensorielles, sensitives et surtout végétato-parasympathiques
surtout quand on sait que toute pathologie de ce nerf est susceptible d'induire, entre
autres symptômes, des bouffées d'anxiété? Se pourrait-il que là-aussi, comme dans
d'autres cas pas si rares, science et philosophie naturelle convergent?
854 ■ 불어불문학연구 100집 2014년 겨울호

IV. Approche analytique anthropolinguistique comparative sur


la base des schémas de synthèse du double corpus

Les perceptions sensorielles ou le ressenti et l'expression des émotions paraissent


l'émanation de l'intimité la plus secrète du sujet, mais ils n'en sont pas moins socialement
et culturellement modelés. [...] D'une société à une autre, les hommes ressentent
affectivement les événements de leur existence [à travers des représentations symboliques]
et des répertoires culturels différenciés qui se ressemblent parfois mais ne sont pas
identiques.31)

Ainsi les sentiments ou les émotions participent-ils d'un système de sens,


de connaissances, de substrats philosophiques et de valeurs propres à une
culture donnée et le fonds biologique se décline-t-il suivant des modes, des
schémas comportementaux (notamment kinésiques et linguistiques) qui forment
autant d'éthos culturels qu'il existe de communautés humaines en dépit de
similitudes plus ou moins proches entre les cultures. Le lexique des langues
est un véritable miroir de ces cristallisations normées et en cela conditionne
(du moins partiellement) les ethos personnels, l'identité de l'individu s'inscrivant
dans celle du corps social et s'exprimant nécessairement par la langue dont
elle intériorise les schémas de pensée et de ressenti émotionnel.
L'anthropolinguistique comparative pouvant ainsi offrir un outil d'analyse
appréciable de la nature différentielle de ces cristallisations, voyons à présent
les enseignements que l'on peut tirer de l'analyse contrastive de nos deux
corpus sur la base des trois schémas synthétiques suivants :

1- Schémas de synthèse A-B-C


A. Typologie des organes et des phénomènes impliqués dans la
métaphorisation des idiotismes coréens relevant du champ
conceptuel de seulpeum (54 it.)

31) D. Le Breton (2004) pp. 9-10.


Approche comparative du champ lexical des métaphores psychosomatique... ■ 855

organes psychosomatiques
(à connotation philosophique)
52% (39 it.)
gaseum* (22 it.) entités psycho-philosophiques
changja/entrailles (8 it.) (semi-abstraits)
aekanjang* (7 it.) 4% (3 it.)
maeum* (2 it.) gui*
pul*

organes/phénomènes physiologiques
42,6% (33 it.)
yeux (9 it.) ventre (1 it.)
os (7 it.) chair (1 it.)
gorge (3 it.) pouls (1 it.)
épaules (3 it.) respiration (1 it.)
sang (3 it.) nuque (1 it.)
kanjang* (3 it.)

B. Typologie des organes et des phénomènes physiologiques impliqués


dans la métaphorisation des idiotismes français correspondant au
champ conceptuel coréen de la tristesse (51 it.)

organes psychosomatiques entités psychophilosophiques


(à connotation philosophique) (abstraites)
35,3% (18 it.) 7,8% (4 it.)
coeur (12 it.)
rate: (humeur noire/bile/spleen/mélancolie âme (2 it.)
5 it.) moral (2 it.)
entrailles (1 it.)

organes/phénomènes physiologiques
49% (25 it.)
yeux (11 it.)
sang/jus/veine (5 it.)
estomac (3 it.)
gorge (2 it.)
jaunisse (1 it.)
être au plus bas (1 it.)
perte d'appétit (1 it.)
mort (1 it.)
856 ■ 불어불문학연구 100집 2014년 겨울호

C. Schéma 3 comparatif des organes communs dans la métaphorisation


des émotions relatives à seulpeum en A et B et de ceux respectivement
absents/semi-absents d'un corpus à l'autre pour cause d'ethnicité
relative

A(coréen) B(français)

concepts A absents en B concepts B absents en A


nuque âme
épaules moral
chair humeur noire (bile/spleen/mélancolie)
os estomac
pouls maladie
respiration mort

concepts A semi-absents en B
pour cause d'ethnicité relative organes communs en A et B
maeum* coeur (au sens aristotélicien du terme)
gaseum* entrailles
kanjang* yeux (larmes)
aekanjang* gorge
gui* sang
pul*

* Lexies ethniques ou semi-ethniques

gaseum : concept syncrétique semi-abstrait associant le coeur et les poumons (syn.


métaphorique possible de maeum)
aekanjang : concept syncrétique regroupant les entrailles, le foie et les intestins de
connotation symbolico-philosophique (syn. possible de maeum)
maeum : concept syncrétique représentant l'identité subjective du sujet et constituant
l'organe symbolique de l'affect et de la pensée émotionnelle (correspondant au coeur
et partiellement à l'esprit et à l'âme en français)
kanjang : concept syncrétique semi-abstrait regroupant le foie et les intestins
gi : concept central de la philosophie sino-coréenne et signifiant le souffle, l'énergie
vital(e) psychosomatique
pul : concept semi-abstrait (souvent de l'amidon) au sens métaphorique, facteur de
Approche comparative du champ lexical des métaphores psychosomatique... ■ 857

cohésion d'une entité physique ou psychologique

2. Éléments d'analyse contrastive synthétique


Force est de constater en premier lieu que le champ sémantique idiomatique
relatif à seulpeum occupe une place importante comparable dans les deux
langues-cultures : le nombre d'items est relativement élevé (54 en C/ 51 en
F) et la proportion d'idiotismes présentant des phénomènes psychosomatiques32)
de forte intensité l'est tout autant (31 en C/38 en F). Les deux idiotismiers
présentent en outre de nombreux procédés de métaphorisation communs :
de désagrégation et d'atteinte organique ou systémique, d'oppression/d'obstruction
organique, de combustion, d'affaiblissement général sans parler de l'excrétion
lacrymale (larmes) ou de sa vocalisation par les pleurs qui témoignent de
la fonction importante que jouent ces deux dernières manifestations dans
l'expression de la tristesse, notamment de la dimension cathartique qu'elles
ont toujours revêtu dans la plupart des grammaires culturelles33).
Ceci étant, et parallèlement à cela, on remarquera aisément que C présente
un certain nombre de procédés de métaphorisation, soit inexistants en F, et
de surcroît, particulièrement "extrêmes" : de piqûre aiguë (CC : 22-23), de
putréfaction (CC : 48 à 50), de déshydratation (CC : 51-52), d'obscurisation
de la perception (CC : 53-54) ; soit de nature sensiblement différente : le
syndrome d'affaiblissement que nous avons évoqué précédemment étant en
partie métaphorisé en C par des concepts d'ordre métaphysico-psychosomatique
semi-ethniques -et donc inconnus- en F. Il en résulte que le spectre de la
métaphorisation psychosomatique est plus large en C, soit que le ressenti
de ce type d'émotions est plus holistique, plus destructeur, et plus profond
aussi en raison, notamment, de la nature d'un certain nombre d'entités organiques

32) la perception des émotions correspondant à une interprétation (subjectivo-culturelle)


de modifications physiologiques comme se sont ingéniés à le montrer Jérome Singer
et Stanley Schachter dans leur théorie bi-factorielle des émotions
33) dimension qu'est venue confirmer depuis la médecine contemporaine en mettant en
évidence l'existence de molécules naturelles antalgiques dans le liquide lacrymal telles
la leucine encéphalique ou de toxines induites par le stress. Il est à noter également
que les larmes peuvent présenter des valeurs psycho-culturelles différentielles suivant
les cultures et correspondre à plusieurs types d'émotions.
858 ■ 불어불문학연구 100집 2014년 겨울호

impliquées : la chair, les os de pair aux concepts semi-ethniques ci-dessus


mentionnés gaseum, kanjang, aekanjang, gi, pul. C'est qu'il apparaît que le
champ émotionnel qui nous occupe est traversé dans chaque langue par des
traditions théoriques différentielles comme on va le voir à présent.
Il est de fait qu'en dépit de certaines caractéristiques communes, ces deux
corpus reflètent des théories psychosomatiques émotionnelles relevant de
traditions médico-philosophiques différentes, respectivement sino-coréenne
(avec la théorie des cinq viscères et des sept passions/ojanggwa chiljeong)34)
en C, et gréco-arabo-latine en F (avec la théorie humorale)35). En effet, même
si le coeur36) revêt, dans les deux langues-cultures, une fonction centrale
tant psychosomatique que métaphysique dans la perception des émotions en
général, ce qui explique que sa présence soit bilatéralement récurrente dans
le champ sémantique de la tristesse comme on peut le voir sur le schéma
comparatif ci-dessus, la perception/la représentation cognitive des processus
phsyiologiques impliquées dans la genèse ou la manifestation de la tristesse
peut-elle varier sensiblement d'une culture à l'autre.
Dans ces deux théories, les émotions sont considérées, par essence, comme

34) non seulement elle est toujours en vigueur dans la médecine sino-coréenne contemporaine
mais elle fait actuellement l'objet d'une nouvelle série de recherches visant à fonder
une psychiatrie sino-coréenne à proprement parler.
35) initiée par Emphedocles (490-430 AC), elle fut ensuite approfondie par Aristote, Avicenne
et Galien et eut cours en Europe et dans le monde arabe jusqu'à la fin du 18ème
siècle. Concernant le panel émotionnel de cette théorie, il a davantage débouché sur
une caractérologie que sur une typologie psychosomatique des émotions en tant que
telles, au contraire de la tradition sino-coréenne.
36) Il renvoit en cela à deux, voire trois dénominations distinctes en coréen : shim(jang)
en tant qu'organe psychosomatique, maeum en tant qu'organe métaphysico-psychologique
et gaseum qui le contient en partie en tant qu'unité psychosomatique symbiotique
l'associant aux poumons dans la médecine sino-corénne (mais nous y reviendrons).
Considéré comme le duplicata humain du principe universel sin (esprit/énergie du ciel
et de la terre) dans la théorie coréenne des cinq viscères et des sept passions, il est,
en cela, le régisseur (kunjujigwan) de la volition et de toutes les émotions dont il
assure l'intercommunication. Or le parallélisme est frappant dans la théorie humorale
: donné comme le réceptacle de l'âme irrationnelle (par opposition à l'âme rationnelle
censée loger dans le cerveau) tout en exerçant parallèlement une fonction centrale
de distribution de l'énergie corporelle, le coeur y joue le même rôle, étant perçu comme
le régisseur de toutes nos sensations et perceptions.
Approche comparative du champ lexical des métaphores psychosomatique... ■ 859

des phénomènes hybrides psychosomatiques, soit exogènes en ce qu'elles sont


le produit de modifications physiologiques induites par des paramètres
situationnels externes, soit endogènes lorsqu'elles sont au contraire consécutives
à des modifications physiologiques préalables (d'où le fait qu'elles relèvent
souvent de la pathologie dès lors que ces changements sont importants et
qu'ils affectent ainsi l'équilibre corporel général). Si la richesse des typologies
émotionnelles varient suivant les diverses grammaires culturelles, la déclinaison
des émotions s'opère-t-elle toujours sur la base des émotions primaires, qui
s'élèvent au nombre de 7 pour la théorie sino-coréenne (C) et 4 pour la théorie
humorale (F), chacune d'elles étant censée affecter un organe déterminé en
particulier (en dehors de leurs répercussions sur d'autres organes du fait du
caractère symbiotico-holistique du système) comme le montrent les deux
tableaux37) suivants (de facto bi-directionnels) :

C F

hui (喜)/joie ↔ simjang (心)/coeur joie ↔ coeur (sang)


no (怒)/colère ↔ gan (肝)/foie colère ↔ foie (bile jaune)
kong (恐)/peur et kyeong (驚)/surprise ↔ sin (腎)/reins placidité ↔ cerveau (pituite)

sa (思)/pensée ↔ bi (脾)/rate tristesse ↔ rate** (bile noire)


u/anxiété (憂) et bi/tristesse (悲) ↔ pye/poumons (肺)*

* régisseur de l'énergie (notamment de sa descension) en symbiose avec le foie et


les intestins
** régisseur de la stabilité émotionnelle générale, rétenteur de l'atrabile, fluide inducteur
de la mélancolie en symbiose avec le foie (producteur du sang)

Comme on le voit donc ci-dessus, la tristesse est étroitement liée


respectivement aux poumons en C et à la rate en F. Dans la théorie sino-coréenne,
elle est comprise comme un phénomène de débordement des fonctions de
distribution des fluides des poumons, du foie et du coeur suite à une ascension

37) Nous ne présentons ici que la partie doctrinale relative à la seule problématique des
émotions et notamment de la tristesse qui nous occupe. On pourra se reporter aux
sources indiquées dans la bibliographie pour appréhender le système dans son intégralité.
860 ■ 불어불문학연구 100집 2014년 겨울호

excessive de l'énergie yang, ceci se traduisant par des symptômes tant


physiologiques que psychologiques : une congestion thoracique supérieure
(et sa cohorte de maux sous-jacents : oppression, chaleur thoracique, douleurs
lancinantes, spasmes musculaires, oedème) conduisant à un phénomène de
stase énergétique accompagné d'un syndrome d'asthénie psychologique général
; tandis que dans la théorie humorale elle correspond à un débordement des
fonctions de la rate et à un déversement de l'atrabile inductrice de la mélancolie
suite à une surproduction de ce fluide de pair à une altération du sang induite
par les perturbations hépatiques collatérales à ce débordement. Or notre double
corpus est un miroir relativement fidèle de ces conceptions : si les métaphores
du coeur et du sang y occupent une place conjointe importante, en revanche,
on observe que la métaphorisation de la tristesse s'opère souvent en C par
la plupart des troubles physiologiques (de la théorie sino-coréenne des émotions)
décrits ci dessus38) affectant les trois organes des poumons, du foie et des
intestins -soit indépendamment, soit en symbiose (par le biais des organes
syncrétiques semi-ethniques : gaseum/aekanjang, kanjang) soit encore
indirectement par la description des troubles du flux énergétique gi, régi
essentiellement, on l'a vu, par les poumons alors que ces types de métaphorisation
sont absents en F39), qui fait en revanche place belle à la théorie atrabilaire
dans plusieurs idiotismes (CF : 12-14-40-41-42-43).
Ainsi par exemple les procédés de métaphorisation de l'oppression en C
passent-ils essentiellement par gaseum (= coeur et les poumons) (CC :
16-17-18-19-20-21) de même que ceux de la combustion (auquel s'ajoutent
aekanjang et kanjang) (CC : 43-45-47) ; alors qu'en F ces mêmes
métaphorisations sont construites à partir des organes du coeur et de l'estomac40)
pour l'oppression, et indirectement, de la rate (mélancolie) pour la combustion.
Dernier trait de comparaison, relatif. celui-ci, à l'attitude du sujet par rapport

38) on se référera notamment aux exemples (CC : 16-17-18-19-20-21) pour la métaphorisation


par des phénomènes d'oppression ; (CC : 35-37-38) pour les phénomènes de combustion
et (CC : 43-45-47) pour les troubles du flux énergétique (en rapport avec l'activité
pulmonaire)
39) même si le rôle (indirect) des poumons ne peut être totalement exclu dans la métaphorisation
de la tristesse en français (voir note 24)
40) l'estomac étant en outre intégré étymologiquement dans le concept de coeur comme
on l'a vu dans la note 24
Approche comparative du champ lexical des métaphores psychosomatique... ■ 861

à ses émotions : s'il apparaît, en C, régi par- et assujetti à- ses émotions


dans la mesure où ses organes parlent pour lui en se substituant au moi
(du fait même de la syntaxe des énoncés qui place systématiquement ces
derniers en position de sujet ou d'objet des énoncés), il n'en est pas de même
en F où l'égo étant le sujet de l'énoncé, il reste en mesure de pouvoir les
régenter (CF : 11 à 16) quand bien même il n'en est souvent que le siège.

V. Conclusion

Ainsi, quels enseignements et éléments de réflexion peut-on retirer de cette


approche propédeutique? Outre que cette étude a permis de souligner la richesse
et l'intensité des processus métaphoriques à l'oeuvre dans les locutions
idiomatiques du champ conceptuel de seulpeum/de la tristesse (par défaut)
dans les deux langues-cultures, elle aura également permis de révéler que
si ces dernières partagent de nombreux procédés de métaphorisation
physiologiques communs, elles ne vont pas sans présenter un certain nombre
de divergences sensibles : le moi est effacé en C (assujetti à sa vie émotionnelle?)
mais présent à ses émotions et potentiellement régisseur en F, le spectre
métaphorique est plus holistique en C et la nature des phénomènes
physiologiques plus dévastatrice, ceci conduisant à une profondeur et une
acuité plus grandes de la perception anthropolinguistique de l'expérience
émotionnelle en raison notamment des deux traditions philosophico-médicales
distinctes qui les sous-tendent : sino-coréenne, des cinq viscères et des sept
passions en C et gréco-latine, des humeurs en F. En effet, toutes deux reposent
sur des théories de la perception des émotions partiellement différentes
notamment en ce qui concerne la phénoménologie de la tristesse, celle-ci
étant liée, en C, au fonctionnalisme symbiotique pneumonal (en lien avec
des concepts semi-ethniques comme maeum, aekanjang, gi, pul) et en F, à
la théorie atrabilaire. Sur le plan de la traduction enfin, on se doute aisément
que de telles différences ne vont pas aller sans retentir sur cette opération,
surtout si l'on refuse de se contenter des seules équivalences fonctionnelles
(quand elles existent) et qu'on se place dans une perspective sourcio-cibliste
de double fidélité en A et en B sur les plans tant sémantique qu'esthétique
862 ■ 불어불문학연구 100집 2014년 겨울호

des trois niveaux respectivement du transfert du sens, de l'idiomaticité et des


processus métaphoriques de ces unités ; problématique qui pourrait faire l'objet
d'une étude ultérieure dans le prolongement de la suivante.
Approche comparative du champ lexical des métaphores psychosomatique... ■ 863

❚ Bibliographie ❚

고미숙 (Ko Mi-suk), 『동의보감, 몸과 우주 그리고 삶의 비전을 찾아서』, 그린비, 2011.


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dictionnaire en ligne du CNRTL : www.cnrtl.fr/lexicographie
864 ■ 불어불문학연구 100집 2014년 겨울호

국문요약

한국어와 프랑스어에 나타나는


슬픔 관련 신체은유 어휘장의 비교

세브린 스퇴클레

한국문화 특히 문학과 영화 분야에서는 슬픔의 언어적 표현 방식이 풍부하


고 반복되는 것을 볼 수 있다. 우리는 슬픔과 관련된 한국어의 관용적 은유들
을 프랑스어로 번역하는 데 있어 어려움이 따르는 경우를 종종 만난다. 특히
한국어 은유들이 프랑스어에 존재하지 않거나 프랑스어의 은유들과 다를 경
우, 즉 프랑스어에서 찾을 수 있는 기능적 등가가 불충분한 것으로 드러나거
나 아예 존재하지 않을 때 더욱 그렇다. 독자로서 또 번역자로서 그와 같은
경험들을 하면서 감정 영역에서의 비교 인류언어학적 연구의 필요성을 느끼
게 되었다.
본 연구에서 다음과 같이 공통점과 다른 점을 찾아낼 수 있었다.

첫째, 두 언어가 슬픔의 표현 방식에서 다음과 같은 공통점이 있다는 것을


볼 수 있었다.
1. 두 언어 모두 슬픔과 관련된 관용적 은유가 풍부하다는 것, 그리고 많은
수의 은유들이 강렬한 정신 및 신체적 현상들을 표현한다는 것.
2. 눈물의 카타르시스와 마찬가지로 감정의 주요 관리자이자 수취인인 심장
기관이 비교적 중요한 자리를 차지하고 있다는 것
3. 수많은 은유화 과정이 같다는 것. 즉 슬픔은 분열, 장기나 순환계의 손상,
억압, 연소 나 전반적인 쇠약 등으로 표현 된다 것.

둘째, 슬픔의 표현 방식에서 다음과 같은 다른 점을 보이기도 한다.


1. 자아는 프랑스어에서보다 한국어 표현에서 감정의 영향을 더 많이 받는
Approche comparative du champ lexical des métaphores psychosomatique... ■ 865

다는 것.
2. 은유의 적용범위가 프랑스어에서보다 한국어에서 더 광범위하고 더 극단
적이라는 것. 그것은 한국어가 프랑스어에 비해 극단적 은유화 방식(날카
로운 아픔, 부패, 탈수 현상 등)을 수용한다는 점에서 그렇다. 따라서 감정
경험의 인식이 인류언어학적 측면에서 판단할 때 프랑스어에 비해 한국어
에서 보다 전반적이고 보다 깊숙하고 더 파괴적이라고 할 수 있다.

위와 같은 현상의 근거는 두 언어가 각기 다른 의-철학적 전통과 특히, 부


분적으로 상이한 감정 인식 이론을 바탕으로 하고 있다는 사실에서 찾을 수
있겠다. 다시 말해 한국어에서 슬픔의 표현은 오장과 칠정이론에 기반을 두
고 프랑스어에서는 4 체액론에 근거한다는 것이다. 실상, 한국어에서 슬픔의
현상학은 마음, 애간장, 기, 맥 등과 같은 준-민족주의와 연관이 있는 폐의
기능주의와 관련이 있고 프랑스어에서의 슬픔의 현상학은 비장 (흑담즙)과
관련이 있다고 할 수 있다.

주제어 : 감정의 인류 언어학 (anthropolinguistique des émotions), 공동체의 감정의 에토스


(ethos émotionnel communautaire), 관용어법 (idiotisme), 관용적 은유 (métaphore
figée), 슬픔 개념 (concept de seulpeum), 한의학에서의 오장과 칠정 (théorie
sino-coréenne des cinq viscères et des sept passions) ; 그리스 라틴의 정신생물학
4 체액론 (théorie psychobiologique gréco-latine des 4 humeurs)

* 논문 투고일: 2014년 10월 15일 * 심사 완료일: 2014년 11월 15일 * 게재 확정일: 2014년 11월 16일

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