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À quoi sert
la Banque
centrale
européenne ?
2e édition
Edwin LE HÉRON
Maître de conférences à l’IEP de Bordeaux
La documentation Française
réflexeeur✪pe
COLLECTION DIRIGÉE PAR
Édith LHOMEL
CONCEPTION GRAPHIQUE
Nicolas BESSEMOULIN
MISE EN PAGE
Dominique SAUVAGE
Du même auteur
Edwin Le Héron et Philippe Moutot, Les banques centrales doivent-elles
être indépendantes ?, Éditions Prométhée, coll. « Pour ou contre ? », 2008.
Philip Arestis, Eckard Hein et Edwin Le Héron (éd.), Aspects of Modern
Monetary and Macroeconomic Policies, Palgrave-Macmillan, 2007.
SOMMAIRE
07 INTRODUCTION
14 PARTIE 1
La genèse de la Banque centrale européenne
15 CHAPITRE 1
Un aboutissement de la construction monétaire
européenne
56 CHAPITRE 2
Le produit d’un contexte idéologique particulier
86 PARTIE 2
Le fonctionnement de la Banque centrale
européenne
87 CHAPITRE 1
La place de la BCE dans l’organisation monétaire
européenne
127 CHAPITRE 2
Le régime de politique monétaire de la BCE
147 CHAPITRE 3
Objectifs, voies et moyens de la politique monétaire
de la zone euro
164 CHAPITRE 4
Un bilan globalement mitigé
172 PARTIE 3
La BCE et la zone euro à l’épreuve de la crise
173 CHAPITRE 1
Les politiques « non conventionnelles » menées
depuis 2008
195 CHAPITRE 2
Les décisions prises depuis la crise pour renforcer
l’UEM
210 CHAPITRE 3
Quel avenir pour la BCE et l’UEM ?
04
223 CONCLUSION
227 SIGLES ET ACRONYMES
229 RAPPEL DES RÉFÉRENCES
233 POUR ALLER PLUS LOIN
235 LISTE DES ENCADRÉS
237 LISTE DES TABLEAUX, GRAPHIQUES ET CARTES
239 TABLE DES MATIÈRES
05
5
Remerciements
INTRODUCTION
La Banque centrale européenne (BCE) est une institution
européenne mal aimée, particulièrement en France. Elle
fait l’objet de phantasmes et de désirs contradictoires.
On lui reproche un peu tout à la fois : de trop se focaliser
sur l’inflation, mais d’avoir permis une hausse des prix à
la suite de l’adoption de l’euro ; de ne pas aider les États
en difficulté, mais de trop intervenir dans les décisions
nationales ; d’être une institution économique néolibérale
ou d’être une institution politique de régulation ; d’être la
source de toutes les difficultés européennes, alors qu’elle
est le fruit d’une volonté de coopération économique et
monétaire face aux faiblesses des anciens systèmes moné-
taires européens.
Pourtant, la BCE constitue l’une des plus grandes aven-
tures et innovations institutionnelles du siècle dernier.
Pour la première fois dans l’histoire, des États acceptaient
d’abandonner leur monnaie nationale, symbole de leur sou-
veraineté, pour créer à l’échelon de l’Europe une institution
capable de gérer une nouvelle monnaie unique : l’euro.
Son rôle reste mal compris des populations, qui nour-
rissent à son égard des attentes très diverses. Les enjeux
de cette innovation institutionnelle sont de fait nombreux
et complexes. On peut en distinguer au moins quatre dans
cette introduction, sur lesquels nous reviendrons au fil
de l’ouvrage.
LA GENÈSE DE LA
BANQUE CENTRALE
EUROPÉENNE
D’une certaine manière, la Banque centrale
européenne (BCE) a dû faire la synthèse des
histoires monétaires nationales en Europe, jusque-là
bien différentes ; elle constitue par conséquent
un aboutissement du processus de construction
monétaire européenne, engagé depuis la naissance
des Communautés en 1957, et un compromis
historique entre des visions politiques très
différentes du projet européen, scellé solennellement
dans le traité de Maastricht de 1992.
Son originalité se comprend mieux quand on
la compare aux banques centrales d’avant les
années 1990 : alors que celles-ci sont nées avec
l’émergence des États nations et étaient fortement
dépendantes du pouvoir politique, la BCE est une
institution supranationale totalement indépendante
créée par des pays souverains pour réguler une
monnaie unique sur un espace non souverain.
Pour comprendre le statut d’indépendance et
l’objectif anti-inflationniste de la BCE, il convient
de revenir sur le contexte idéologique particulier de
sa gestation, marqué par le renouveau des thèses
libérales.
CHAPITRE 1
UN ABOUTISSEMENT DE
LA CONSTRUCTION MONÉTAIRE
EUROPÉENNE
La création de la BCE marque, sans conteste, un aboutissement de la
construction monétaire européenne. À l’origine de la Communauté écono-
mique européenne (CEE) en 1957, la question de la monnaie est secondaire.
Mais la crise du dollar à la fin des années 1960 pousse la CEE à s’émanciper
progressivement de cette monnaie internationale devenue trop volatile, et
à créer ses propres institutions monétaires, à travers le « Serpent » puis
le Système monétaire européen (SME). Le succès relatif de ce dernier est
cependant entaché par l’émergence progressive en son sein d’une monnaie
pivot, le deutsche mark. Pour remédier à cette situation, la solution d’une
monnaie unique, qui avait déjà été mise en avant dans les années 1970,
finit par s’imposer.
Au total, la construction monétaire européenne aura connu trois phases :
une phase d’intégration économique sans monnaie de 1957 à 1972,
une phase d’intégration économique avec une coopération monétaire
de 1972 à 1998, puis une phase d’Union économique et monétaire (UEM)
à partir de 1999 sur la base d’un compromis historique entre des visions
politiques distinctes du projet européen. De proche en proche, la construction
européenne aura fait d’une question secondaire, la monnaie, l’outil le plus
avancé de son intégration.
↙RETOUR
↙ EN ARRIÈRE
le choix controversé du dollar
comme pivot du SMI
Lors de la conférence de Bretton Woods, qui se déroula du 1er au
22 juillet 1944 et réunit 730 délégués des 44 nations alliées pour
définir un nouveau système monétaire international (SMI), John
Maynard Keynes prôna sans succès une monnaie mondiale. Il
critiqua notamment le choix du dollar, une monnaie nationale,
comme pivot du SMI, considérant que cela donnerait aux seuls
États-Unis un droit de seigneuriage (droit de battre monnaie)
exorbitant, puisque ces derniers pourraient payer leurs impor-
tations en créant de la monnaie.
Quelque temps plus tard, dans L’Or et la crise du dollar (1962),
Robert Triffin critiqua également les accords de Bretton Woods
signés le 22 juillet 1944 au motif qu’ils induisaient pour les États-
Unis d’avoir une balance des paiements déficitaire afin d’alimenter
le monde en moyens de paiements internationaux. D’après lui,
cette contrainte était de nature à affaiblir progressivement la
confiance des étrangers dans le dollar américain ; les besoins
importants de l’économie mondiale en une devise fiable, le dollar,
contribueraient ainsi paradoxalement à la perte de confiance en
la fiabilité de cette monnaie. Robert Triffin considérait que ce
dilemme, appelé depuis « paradoxe de Triffin », était insurmontable
et allait mener à l’effondrement du système, d’où son appel, lancé
dès 1960, à réformer le SMI.
Entre 1971 et 2012, l’once d’or est passée d’une cotation de
35 dollars à plus de 1 550 dollars en 2012. Le dollar a donc perdu
97,8 % de sa valeur en or en une quarantaine d’années.
La vision européiste
L’« européisme », pour reprendre l’expression employée par
le poète et écrivain français Jules Romains en 1915, est une
conception très ancienne, dont on retrouve les racines dès
le Moyen Âge. Imprégnant une grande partie des fondateurs
du projet européen, notamment certains membres de l’élite
française comme Maurice Schumann, Jean Monnet, Robert
Marjolin et dans une certaine mesure Raymond Barre, cette
approche vise à mettre en place les États-Unis d’Europe,
calqués sur le modèle fédéral américain. Particulièrement
prégnante dans l’Après-Guerre, elle attache également de
l’importance à l’État providence et à un certain interven-
tionnisme d’inspiration keynésienne ou colbertiste. Elle
repose sur une grande confiance envers les experts et les
intellectuels et, pour faire avancer la construction euro-
péenne, elle préfère s’appuyer sur ces derniers et leurs
relais dans l’administration communautaire plutôt que
sur les peuples et les hommes politiques nationaux.
En raison des réticences des nations européennes, cet
objectif fédéral n’est pas toujours affiché : les peuples
d’Europe sont en effet jugés incapables de comprendre le
bien-fondé du projet européiste ; en France, par exemple, les
partis d’inspiration gaulliste et communiste s’y opposent
fortement. Pour contourner ces réticences sociales et poli-
tiques, et faire progresser petit à petit la logique fédéraliste,
on recourt à l’outil économique. Loin de constituer des
obstacles, les échecs économiques sont ainsi utilisés pour
aller plus loin et exiger « plus d’Europe ». Cette démarche,
communément désignée par le terme « fonctionnalisme »,
tranche avec le fédéralisme défendu par les constitutionna-
listes, qui veulent fonder une Europe fédérale par le biais
d’un processus démocratique et l’adoption populaire d’une
constitution. L’idée sous-jacente au fonctionnalisme est de
permettre aux institutions communautaires d’investir de
proche en proche de nouveaux domaines de compétence ;
lorsqu’un niveau de compétence est atteint et montre ses
limites, on passe à un niveau supérieur d’intégration. Dans
cette optique, l’adoption d’une monnaie unique comme
solution à la domination du deutsche mark doit logiquement
Un aboutissement de la construction monétaire européenne | 43
CHAPITRE 2
LE PRODUIT D’UN CONTEXTE
IDÉOLOGIQUE PARTICULIER
Aujourd’hui, le fait que la monnaie soit gérée par une banque centrale
indépendante est largement accepté. Pourtant, il n’en a pas toujours été
ainsi. D’une part, le statut et les fonctions attribués à l’institution moné-
taire ont évolué au gré des théories économiques. D’autre part, le pouvoir
politique a longtemps considéré que la monnaie était de son seul ressort.
Les traits distinctifs et originaux de la BCE, en tant qu’institution de régulation
de la monnaie, s’expliquent en grande partie par le contexte de sa gestation,
qui a coïncidé avec la remise en cause de la conception keynésienne d’une
monnaie active dans la détermination de la production (justifiant une forte
coordination entre politiques monétaire et budgétaire pour atteindre des
objectifs macroéconomiques plus larges que la seule lutte contre l’inflation),
et avec la fin de la souveraineté monétaire des États nations.
La souveraineté monétaire a connu un début de remise en cause avec
la vague de réformes statutaires des banques centrales au cours des
années 1990, destinées à renforcer leur indépendance à l’égard du pouvoir
politique – comme le prônaient certaines théories libérales sur la base
d’hypothèses pourtant discutables. Puis l’indépendance des banques
centrales s’est progressivement imposée sous des formes différentes ; on
peut considérer, à cet égard, que la remise en question la plus radicale de
la souveraineté monétaire a vu le jour en Europe avec l’Union économique
et monétaire (UEM).
↙RETOUR
↙ EN ARRIÈRE
la Banque de France
La Banque de France est un bon exemple de l’évolution des
banques centrales. Créée en 1800 comme banque privée, mais sous
l’impulsion de Napoléon, elle n’obtient le monopole de l’émission
des billets de banque qu’en 1803 pour Paris et qu’en 1848 pour le
reste de la France. Et en ce qui concerne la gestion des réserves
de change, il lui faut attendre la Première Guerre mondiale.
Entre les deux guerres, la Banque de France développe encore
des succursales partout en France pour développer et financer
sa clientèle privée comme n’importe quelle autre banque, alors
même qu’elle est déjà la banque qui refinance les autres banques.
Ce n’est qu’en 1945, qu’elle cesse d’être « une banque parmi les
banques » pour devenir « la banque des banques », c’est-à-dire
une vraie banque centrale, en charge notamment de la mise en
œuvre de la politique monétaire. Elle est alors nationalisée et
mise au service du gouvernement pour la politique de recons-
truction. Elle ne deviendra indépendante qu’en décembre 1993,
conformément à la condition imposée par le traité de Maastricht
pour le passage à l’UEM (voir p. 51).
… À LA PRÉCONISATION DE L’INDÉPENDANCE
DES BANQUES CENTRALES
La critique des nouveaux classiques : l’impératif de crédibilité
Au début des années 1980, la Nouvelle école classique (NEC)
va prolonger et déplacer ce débat, avec l’objectif affiché de
discréditer définitivement les pratiques discrétionnaires
keynésiennes, y compris à court terme. Se posant comme
une alternative au monétarisme, dont la mise en œuvre
s’avérait impossible après 1982 en raison, notamment, de
l’instabilité de la mesure de la masse monétaire et de la
demande de monnaie, la NEC continue de se situer dans le
cadre d’une économie où le marché parvient de lui-même
à l’équilibre et où l’inflation de long terme reste de nature
monétaire, mais elle introduit un nouveau paramètre :
l’inflation non anticipée de court terme, issue des erreurs
d’anticipation, qu’elle présente comme la conséquence de
l’action du pouvoir politique.
Comme chez les monétaristes, une croissance monétaire
compatible à long terme avec la croissance potentielle est
suffisante pour lutter contre l’inflation structurelle. En
revanche, pour l’inflation non anticipée de court terme
(inflation conjoncturelle), la lutte contre l’inflation doit être
crédible si l’on veut éliminer les erreurs d’anticipation.
Pour obtenir cette crédibilité, il faut retirer la politique
monétaire des mains du pouvoir politique et la confier à
une banque centrale indépendante qui seule peut pour-
suivre des objectifs de long terme.
Les nouveaux classiques raisonnent dans le cadre d’un
modèle naturel de l’économie où un équilibre unique de long
terme est supposé exister. Si elle s’inscrit dans ce cadre de
pensée, la banque centrale doit annoncer clairement une
règle de politique monétaire et s’engager à la respecter
coûte que coûte. Afin de crédibiliser son engagement de
long terme en faveur de la stabilité des prix, elle doit éga-
lement bénéficier d’une forte indépendance institutionnelle
74 | La genèse de la Banque centrale européenne
LE FONCTIONNEMENT
DE LA BANQUE
CENTRALE
EUROPÉENNE
La Banque centrale européenne (BCE) est une
institution supranationale de l’Union chargée de
déterminer et de conduire la politique monétaire des
États ayant rejoint l’Union économique et monétaire
(UEM). Son organisation est régie par les traités
européens, qui ont cherché à lui garantir une totale
indépendance par rapport aux autres autorités
communautaires ou nationales, tout en ménageant
une coopération et une coordination minimales avec
ces dernières.
Contrairement au statut et aux principes rigides
régissant la BCE, qui respectent une organisation
ordolibérale et une approche économique très
orthodoxe tournée vers le seul contrôle de l’inflation,
la politique monétaire de la BCE a démontré une
réelle capacité d’innovation et un fort pragmatisme.
87
CHAPITRE 1
LA PLACE DE LA BCE
DANS L’ORGANISATION MONÉTAIRE
EUROPÉENNE
En adoptant l’euro, les États membres de l’UEM ont renoncé à leur sou-
veraineté monétaire au profit d’une institution fédérale spécialisée et
indépendante, investie d’une mission de service public et chargée de
conduire leur politique monétaire : la BCE.
Mais cette institution prend place au sein d’une organisation monétaire
dont l’originalité tient au degré d’intégration différenciée qui prévaut dans
l’Union européenne.
COMPOSITION
Le Système européen des banques centrales
Le Système européen de banques centrales (SEBC) est
constitué de la BCE et des vingt-huit banques centrales
88 | Le fonctionnement de la Banque centrale européenne
CONTRIBUTIONS DES BCN DE LA ZONE EURO AU CAPITAL DE LA BCE (au 1er janvier 2015)
Clé de répartition Capital libéré
BCN du capital (en %) (en euros)
Organes dirigeants
EUROSYSTÈME
DIRECTOIRE
6 membres, dont :
DIRECTOIRE CONSEIL
(6) GÉNÉRAL
Gouverneurs Gouverneurs
des BCN des pays des BCN des pays
Président
membres non membres
de la zone euro Vice-président de la zone euro
(19) (9)
Autres
membres
Source : d’après Banque de France, « La Banque centrale européenne, l’Eurosystème et le Système européen de banques centrales »,
Note d’information, juin 2009, no 139, p. 3.
Le Directoire
Le Directoire est l’organe exécutif de la BCE qui prend
toutes les décisions au quotidien et peut également traiter
des questions urgentes. Il est composé de six membres,
dont un président et un vice-président. Ils sont nommés par
le Conseil européen (c’est-à-dire l’institution regroupant
96 | Le fonctionnement de la Banque centrale européenne
Nb de droits
de vote/Nb de 4/5 4/5 4/5 4/5 4/5 4/5 4/5 4/5 4/5
Premier gouverneurs
groupe
Fréquence 80 % 80 % 80 % 80 % 80 % 80 % 80 % 80 % 80 %
des votes
Nb de droits
de vote/Nb de 11/14 11/15 11/16 8/11 8/12 8/12 8/13 8/13 8/14
Deuxième gouverneurs
groupe
Fréquence 79 % 73 % 69 % 73 % 67 % 67 % 62 % 62 % 57 %
des votes
Nb de droits
de vote/Nb de 3/6 3/6 3/7 3/7 3/8 3/8
Troisième gouverneurs
groupe
Fréquence 50 % 50 % 43 % 43 % 38 % 38 %
des votes
Total des droits de vote 15 15 15 15 15 15 15 15 15
La place de la BCE dans l’organisation monétaire européenne | 101
CHAPITRE 2
LE RÉGIME DE POLITIQUE
MONÉTAIRE DE LA BCE
Si les statuts et les principes de la BCE sont d’une grande rigidité, il n’en
va pas de même de sa politique monétaire, qui sait faire preuve – quand
les circonstances l’exigent – d’une relative flexibilité et d’une bonne
capacité d’innovation.
À rebours de son dogme monétariste affiché, la BCE s’inspire d’un régime
de politique monétaire plus pragmatique, qui reprend et adapte de façon
originale le cadre théorique de la Nouvelle école keynésienne (NEK).
Problématique
Social-démocratie Libéralisme naturaliste Libéralisme financiarisé Libéralisme
Paradigmes Action discrétionnaire de l’État Équilibre général et spontané Super-rationalité des agents Asymétrie de pouvoir des agents
des marchés
Macroéconomique Microéconomique Microéconomique Microéconomique
Approche Macroéconomique pour la Macroéconomique pour la
politique monétaire politique monétaire
Neutralité Non Non, à court terme Oui Non, à court terme
de la monnaie Oui, à long terme Oui, à long terme
National Déréglementation Globalisation Globalisation,
Environnement Économie d’endettement Désintermédiation Importance des marchés Importance des flux et des
monétaire et financier Spécialisation bancaire Dérégulation financiers marchés financiers
de la période Taux de change fixes Taux de change flottants Fortes innovations financières Crises financières
Analyse
Modèle keynésien de la Équation quantitative Efficience des marchés Modèle IS-RT-NKPC, rigidité des
synthèse : IS-LM-PC Taux de chômage naturel financiers prix, asymétrie d’information
Théories de référence (NAIRU) Anticipations rationnelles Règle de Taylor
Théorie de la crédibilité Théorie des jeux
Demande de monnaie endogène Offre et demande de monnaie Pas de monnaie dans le modèle Offre et demande de monnaie
Monnaie Offre de monnaie exogène exogènes de référence endogènes. Le marché de la
monnaie peut être éliminé
Régime des Extrapolatives Adaptatives Rationnelles Rationnelles et
anticipations auto-réalisatrices
Oui Oui, à court terme Non Oui, à court et moyen termes
136 | Le fonctionnement de la Banque centrale européenne
Arbitrage inflation/ Courbe de Phillips, 1958 Non, à long terme Courbe de Lucas verticale sur le Courbe Phillips nouvelle
chômage Courbe Phelps-Friedman, 1968 NAIRU, 1976 keynésienne avec arbitrage en
variance (NKPC)
Marchés financiers Peu importants Neutres Importants Importants
Politique budgétaire Efficace et discrétionnaire À neutraliser car inefficace et Neutre Possible
Financement Financement monétaire inflationniste à long terme Équilibre budgétaire Financement par le marché
Origine Coûts et revenus, courbe de Excès de monnaie Anticipations à court terme Anticipations à court terme
de l’inflation Phillips Monétaire à long terme Monétaire à long terme
Régime de change Fixe Flottement pur Flottement pur Flexible
Statut de la Banque Lien de dépendance vis-à-vis du Lien de dépendance vis-à-vis du Indépendance Indépendance, mais
centrale gouvernement gouvernement responsabilisation
Politique monétaire
Acteur en charge de la Gouvernement Gouvernement Banque centrale, en toute Banque centrale, avec une
définition de la politique indépendance procédure de responsabilisation
monétaire mêlant le gouvernement
Efficacité de la politique Oui, discrétionnaire mais Oui, efficace contre l’inflation Oui, efficace contre l’inflation Oui, discrétion contrainte
monétaire moyennement efficace Recherche de crédibilité Recherche de confiance
Carré magique (inflation, Stabilité des prix Stabilité des prix Cible d’inflation
Objectif final de la chômage, croissance, équilibre Croissance potentielle
politique monétaire extérieur)
Taux d’intérêt Masse monétaire Inflation anticipée Inflation anticipée
Objectif intermédiaire Taux de change Écart de production
Adaptation de l’offre de monnaie Taux d’intérêt à court terme Crédibilité (transparence forte, Confiance (communication,
à la demande ancrage des anticipations) règle de Taylor, ancrage des
Instrument Changement de taux d’intérêt 8 anticipations)
ou 12 fois par an Changement de taux d’intérêt 8
ou 12 fois par an
Horizon de la politique Court terme Long terme Long terme Moyen et long termes
monétaire
Canal de transmission Taux d’intérêt Théorie quantitative Anticipations rationnelles Multiple et complexe
de la politique Financement de l’économie Effet de richesse Ancrage des anticipations sur Anticipations
monétaire Taux de change la cible Prix des actifs, bilan bancaire
Discrétion Règle, discipline monétaire Crédibilité par le respect strict Confiance, réduction de
Stratégie Contra-cyclique à court terme stricte de long terme et effet de de la règle sur le long terme l’incertitude et ancrage des
surprise à court terme anticipations à moyen terme
Le régime de politique monétaire de la BCE | 137
138 | Le fonctionnement de la Banque centrale européenne
↙RETOUR
↙ EN ARRIÈRE
le Fedspeak à l’heure
du monétarisme
En 1987, peu après son arrivée à la tête de la Réserve fédérale
américaine, Alan Greenspan affirma devant les membres du
Congrès : « Depuis que je suis devenu banquier central, j’ai appris
à marmonner avec une grande incohérence. Si je vous parais tout de
même clair, c’est que vous devez avoir mal compris ce que j’ai dit. »
À l’époque, le jargon de la Fed (le Fedspeak) était célèbre pour être
incompréhensible. Conformément aux préceptes monétaristes et
au principe de « l’ambiguïté constructive » (Alex Cukierman et Allan
H. Meltzer, 1986 ; Corrigan, 1990), on considérait que le secret
et la surprise étaient utiles : en maintenant l’incertitude sur sa
politique et sur le moment exact de son intervention, une banque
centrale pouvait augmenter son influence sur les agents écono-
miques et les marchés qui, craignant son intervention inopinée,
étaient censés réduire leur prise de risque.
Sous l’impulsion des nouveaux classiques et des nouveaux key-
nésiens, l’incertitude est progressivement devenue l’ennemi à
combattre en politique économique. Les banquiers centraux ont
compris que la clarté renforçait au contraire leur politique et que
la transparence était préférable à « l’ambiguïté constructive ». Ainsi,
en 1994, Alan Greenspan changea sa stratégie de communication
et sa stratégie de politique monétaire.
CHAPITRE 3
OBJECTIFS, VOIES ET MOYENS
DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE
DE LA ZONE EURO
Pour bien comprendre la politique monétaire de la zone euro, il faut étudier
le mandat de la BCE qui détermine son objectif final. Mais il faut également
tenir compte des éventuels objectifs intermédiaires ou secondaires, ainsi
que des instruments disponibles et de leurs canaux de transmission.
↙RETOUR
↙ EN ARRIÈRE
un cas d’intervention de la BCE
sur le marché des changes
En septembre 2000, face à la chute importante de l’euro contre
le dollar, dont le cours en dollar est passé de 1,17 en 1999 à 0,82
en 2000, la BCE demanda une intervention coordonnée des grandes
banques centrales (États-Unis, Royaume-Uni, Japon, Canada).
Cette action coordonnée permit une inversion de la tendance,
l’euro connaissant alors une hausse quasi ininterrompue jusqu’en
juillet 2008 avec un maximum de 1,60 dollar pour 1 euro. Depuis
lors, le taux de change de l’euro contre du dollar a baissé pour
se situer autour de 1,1 au début de 2016.
La baisse de la valeur de l’euro par rapport à celle du dollar en 1999
était largement injustifiée ; elle prouve d’ailleurs l’incapacité des
marchés des changes à trouver la valeur fondamentale d’une
devise (voir Points de vue, pp. 20-21). Persuadés que les États-
Unis avaient découvert avec la révolution internet une « nouvelle
économie » de forte croissance sans inflation, les intervenants
sur le marché des changes spéculaient contre la zone euro qui
n’avait pas d’aussi bons résultats économiques. En fait, une bulle
spéculative se développait outre-Atlantique. La BCE crut bien
faire en montant ses taux d’intérêt afin de rendre plus attractif
l’euro et faire remonter sa valeur. Mais les spéculateurs inter-
prétèrent cette hausse des taux comme un frein à la croissance,
le problème selon eux de la zone euro, et ils attaquèrent un peu
plus la nouvelle devise. Seule l’action concertée des banques
centrales stoppa ce processus.
LE CANAL DU CRÉDIT
Le canal du crédit vise à influencer le comportement des
banques. En décidant de baisser son taux d’intérêt, la BCE
peut stimuler l’offre de crédit des banques selon deux
mécanismes :
– la banque centrale envoie ainsi un signal positif qui
indique qu’elle anticipe une inflation future basse, ce qui
améliore le rendement des crédits des banques ;
– la banque centrale escompte un effet de « collatéral » ;
en baissant son taux d’intérêt, elle va provoquer méca-
niquement une hausse du prix des actifs détenus par les
emprunteurs qui servent de garantie ou de « collatéral »
(actions, immobilier) aux banques pour l’attribution d’un
crédit.
LE CANAL DU BILAN
Enfin, la BCE tente aujourd’hui d’intégrer le développement
des marchés financiers en jouant sur la structure du bilan
des agents économiques par une variation du taux d’intérêt
(effets sur la richesse nette, sur la valeur des collatéraux, sur
les charges financières, sur les risques de crises de liquidité
et de solvabilité des banques notamment). Globalement,
une baisse du taux d’intérêt améliore la structure du bilan
des banques et favorise ainsi le financement de l’économie
et donc la croissance. Pour les banques centrales, qui sont
responsables de la stabilité financière (condition nécessaire
à la croissance), il s’agit d’éviter toute crise systémique
ou toute course panique vers les guichets des banques.
Objectifs, voies et moyens de la politique monétaire de la zone euro | 155
LA COMMUNICATION ET LA TRANSPARENCE
La politique de transparence de la BCE peut être définie
comme suit : « Je dis ce que je fais, je fais ce que je dis. »
Une banque centrale doit communiquer au grand public et
aux marchés, ouvertement, clairement et en temps voulu,
toutes les informations utiles concernant sa stratégie,
son modèle de l’économie, ses analyses, ses décisions de
politique monétaire ainsi que ses procédures. Aujourd’hui,
la plupart des banques centrales, dont la BCE, considèrent
que la transparence et la communication efficace sont des
composantes essentielles de la politique monétaire, et
insistent sur l’importance de bien interagir avec le public.
162 | Le fonctionnement de la Banque centrale européenne
CHAPITRE 4
UN BILAN GLOBALEMENT MITIGÉ
Un bilan de la politique monétaire menée au sein de la zone euro peut
être tiré, d’une part, en considérant le degré de réalisation de l’objectif
prioritaire assigné à la BCE par les traités (à savoir la stabilité des prix)
et, d’autre part, en évaluant l’impact de ce dernier sur l’ensemble des
autres variables économiques de l’Union économique et monétaire (UEM).
Cet exercice s’avère cependant délicat car si la politique monétaire de la
BCE est largement autonome, la situation économique est pour sa part
influencée par de multiples variables (situations budgétaires nationales,
hétérogénéité de la zone euro, effets des autres politiques économiques
européennes, contexte international).
De façon très pragmatique, la BCE ne s’est pas focalisée uniquement sur
son objectif de stabilité des prix : elle a parfois dû s’occuper du taux de
change de l’euro, de la production ou de la stabilité du système bancaire.
Loin de respecter une simple règle, comme l’exige la doctrine monétariste à
laquelle on l’associe souvent à tort, la BCE a su faire preuve de flexibilité, en
particulier lors de la crise de 2008. Toutefois, les faiblesses de l’organisation
de l’Union européenne, notamment l’absence de coordination des différentes
politiques économiques au sein de la zone euro, ont constitué un très lourd
handicap, qui explique largement le bilan économique mitigé de la zone
euro depuis sa naissance en 1999. L’euro reste une monnaie incomplète.
-2 France
Japon
États-Unis
-4 Zone euro (15 pays)
-6
99
00
01
02
03
04
05
06
07
08
09
10
11
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Source : auteur, d’après les données de l’OCDE.
ÉVOLUTION COMPARÉE DES TAUX D’INTÉRÊT SUR LES DETTES PUBLIQUES À 10 ANS
DE L’ALLEMAGNE, DE L’ESPAGNE, DE LA FRANCE ET DE L’ITALIE ENTRE 2008 ET 2016
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Source : auteur, d’après les données de Bloomberg.
LA BCE ET LA ZONE
EURO À L’ÉPREUVE
DE LA CRISE
Depuis 2008, la BCE a été confrontée à de multiples
crises : une crise d’abord financière, puis économique et
bancaire, à laquelle se sont ajoutées en 2010 une crise des
dettes souveraines de la zone euro et même une crise de
la gouvernance européenne. Dans ce contexte de fortes
turbulences, elle a été contrainte de réagir et de mettre en
œuvre des politiques qualifiées de « non conventionnelles »,
car celles-ci s’éloignent du cadre habituel des politiques
monétaires de lutte contre l’inflation et sortent – pour
certaines d’entre elles – du mandat de la BCE stricto sensu.
Mais c’est plus généralement l’ensemble de la construction
européenne qui s’est vu remis en cause. Dans l’urgence,
les chefs d’État et de gouvernement de l’Union ont pris
des décisions destinées à améliorer la coordination des
politiques économiques au sein de la zone euro et à
jeter les bases d’un véritable gouvernement économique
européen. Puis ils ont confié à la BCE un mandat de
stabilisation bancaire et financière, mettant fin à la
traditionnelle séparation entre politique monétaire et
politique financière. Face à tant d’incertitudes, à la fois
économiques et politiques, l’avenir de cette institution clé
de l’Union économique et monétaire (UEM), voire de la zone
euro elle-même semble extrêmement sombre. L’insuffisante
légitimité démocratique de la BCE s’est notamment
révélée lors de la crise grecque en 2015. À cet égard, divers
scénarios peuvent être esquissés.
173
CHAPITRE 1
LES POLITIQUES
« NON CONVENTIONNELLES »
MENÉES DEPUIS 2008
La crise a ouvert une troisième phase dans l’histoire de la politique moné-
taire de la BCE : après une première période, amorcée en juin 1998,
correspondant à la mise en œuvre d’une stratégie fondée sur deux piliers,
économique et monétaire, et une deuxième période, à partir de mai 2003,
correspondant à l’application d’une politique de cross-checking dans un
cadre légèrement amendé, on assiste depuis 2008 au déploiement de
politiques dites « non conventionnelles » marquant une forte rupture avec
les deux périodes précédentes.
Face à une crise financière de l’ampleur de celle de 2008, le cadre théorique
de la politique de cross-checking est en effet devenu inopérant ; quant à la
théorie dite de la séparation entre la politique monétaire (stabilité des prix)
et la politique financière (stabilité du système bancaire et financier), énoncée
par le journaliste britannique Walter Bagehot en 1873, qui structurait la
stratégie des banques centrales en cas de crise financière, elle a volé en
éclats. Non seulement le risque important de déflation (baisse conjuguée
des prix et de la production) a obligé la BCE à s’intéresser fortement à la
production, mais l’instabilité financière et le spectre d’une grave crise du
système bancaire et des dettes souveraines l’ont également poussée à
stabiliser le prix des actifs financiers.
Ces politiques innovantes, élaborées dans l’urgence au fur et à mesure
des développements de la crise, constituent un tournant radical : censées
être de courte durée, elles restent plus que jamais à l’ordre du jour avec
la persistance de la crise. Toutefois, il est important de noter que la BCE
n’est pas la seule à avoir amorcé ce virage. Toutes les grandes banques
centrales (Fed, Banque d’Angleterre, en particulier) ont dû mettre en œuvre
simultanément ce type de politiques.
174 | La BCE et la zone euro à l’épreuve de la crise
LA STABILISATION FINANCIÈRE :
UN NOUVEL OBJECTIF POUR LA BCE
LES BANQUES CENTRALES FACE AUX CRISES
FINANCIÈRES : UN RÔLE NORMALEMENT LIMITÉ
L’analyse économique a longtemps établi une stricte sépa-
ration entre la politique monétaire et la politique financière.
Ainsi, dans le cadre théorique défini depuis Henry Thornton
(1802), Walther Bagehot (1873) et Ralph G. Hawtrey (1932),
le rôle d’une banque centrale en cas de crise financière est
très limité. Il repose sur trois piliers :
– la banque centrale doit assurer pleinement son statut de
prêteur en dernier ressort et donc créer toute la quantité
de monnaie « banque centrale » demandée par les banques
commerciales ;
– elle doit en contrepartie exiger des titres en garantie
(des « collatéraux ») de qualité ;
– ce refinancement illimité ne doit pas cependant avoir
d’influence sur la politique monétaire, c’est-à-dire sur la
politique des taux d’intérêt.
Les objectifs et les instruments traditionnels de la poli-
tique monétaire (inflation et croissance, par le biais du
taux d’intérêt) sont clairement distingués de ceux de la
politique de stabilité financière (objectif non permanent
de stabilité financière, grâce à la quantité de liquidité
bancaire). Le principe de séparation est une application
stricte de la règle d’or de Tinbergen (1952) et de l’effica-
cité maximale de l’instrument de Mundell (1961), selon
lesquelles il faut un instrument par objectif, soit le taux
d’intérêt à la stabilité des prix, et la quantité de monnaie
banque centrale à la stabilité financière.
En outre, on différencie crise de solvabilité (cas de fail-
lite de facto d’une banque commerciale qui n’a plus les
contreparties à son actif pour gager la monnaie gérée à
son passif) et crise de liquidité (banque dont l’actif à long
terme couvre son passif à court terme, mais qui ne peut
tirer rapidement de son actif la liquidité bancaire néces-
saire pour faire face à ses engagements envers les autres
banques). Pour les partisans de la séparation entre politique
Les politiques « non conventionnelles » menées depuis 2008 | 175
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CHAPITRE 2
LES DÉCISIONS PRISES DEPUIS
LA CRISE POUR RENFORCER L’UEM
Les politiques non conventionnelles mises en œuvre par la BCE à partir
de 2008, parfois en contradiction avec ses statuts et les traités européens,
ont certes permis d’atténuer les tensions liées à la crise de liquidité des
banques et à celle des dettes souveraines de la zone euro. Toutefois, elles
n’ont pas mis fin à la crise qui sévit toujours au sein de l’Union économique
et monétaire (UEM) et qui a des causes structurelles. Bien qu’elles aient
entraîné une forte baisse des taux d’intérêt de nature à faciliter la reprise
économique, ces politiques n’ont pas non plus favorisé une confiance
durable des agents économiques.
En réalité, la réponse à cette crise ne peut relever uniquement de la poli-
tique monétaire à qui nous demandons trop. Certaines décisions prises
par l’Union européenne (UE) à la suite de la crise financière de 2008 sont
importantes à cet égard, car elles vont dans le sens d’une amélioration
de la coordination des politiques économiques au sein de la zone euro
et jettent les bases d’un véritable gouvernement économique européen.
Nous étudierons ici leur impact sur la BCE.
L’UNION BANCAIRE
Les avantages attendus d’une telle union
L’instauration de l’Union bancaire présente de nombreux
avantages pour la zone euro :
– elle évite les collusions entre les banques, les régulateurs
nationaux et les États membres ;
– le transfert de la supervision bancaire au niveau de
la BCE permet au MES de recapitaliser directement les
banques sans passer par les États membres ;
– elle cherche à casser le cercle vicieux entre la perte de
confiance dans les finances publiques des États membres
et la perte de confiance dans les banques (affaiblissement
des banques possédant des titres de dette souveraine, à
la suite de la dégradation de ces titres par les agences de
notation, comme en Grèce ou en Italie ; affaiblissement des
États amenés à recapitaliser massivement leur secteur ban-
caire malade, comme en Irlande, en Espagne ou à Chypre) ;
– elle permet d’offrir aux ménages une garantie européenne
des dépôts afin de prévenir les paniques bancaires (bank
run) et d’instaurer un mécanisme de résolution des crises.
CHAPITRE 3
QUEL AVENIR POUR LA BCE
ET L’UEM ?
Si la BCE a plutôt bien joué son rôle entre 1999 et 2008, la crise venue des
États-Unis a déstabilisé l’UEM, dégradé la situation économique de ses États
membres et a clairement montré que l’euro était une monnaie incomplète.
Aujourd’hui, le processus d’intégration européenne se trouve une nouvelle
fois à la croisée des chemins. Soit l’Union puise dans cette crise la volonté
d’aller plus avant et d’innover pour remédier aux défauts congénitaux de
l’UEM, soit les tentations souverainistes pourraient mettre fin à cette expé-
rience monétaire unique. L’Europe communautaire aurait alors beaucoup
de mal à trouver un second souffle. S’il est acquis que les institutions
européennes, et tout particulièrement la BCE, doivent évoluer, on peut se
demander néanmoins dans quelle direction et à quelle fin ? En définitive,
c’est à nouveau la question de la finalité du projet européen qui est posée.
Alors qu’on s’interroge sur l’avenir de la zone euro, trois visions du projet
européen s’affrontent : déjà concurrentes lors de l’élaboration du traité
de Maastricht, les traditions souverainiste, européiste et ordolibérale
défendent chacune un scénario d’évolution différent. Les scénarios ordo-
libéral et souverainiste paraissent politiquement les plus probables, mais
ils sont économiquement les moins satisfaisants ; tandis que le scénario
d’une Europe véritablement fédérale serait sans doute d’une efficacité
économique supérieure, mais – dans les conditions présentes – il semble
politiquement utopique.
COMMENT ?
Dans le scénario d’une sortie de la zone euro, plusieurs
hypothèses sont envisageables.
216 | La BCE et la zone euro à l’épreuve de la crise
CONCLUSION
La création de la BCE en 1999 a sans conteste marqué
un aboutissement de la construction monétaire euro-
péenne, dont l’histoire avait été jusqu’alors traversée par
de nombreuses crises de change. Innovation institution-
nelle majeure, réussite technique indéniable et objet d’une
véritable reconnaissance internationale, sa doctrine et ses
instruments de politique monétaire s’avèrent malgré tout
insuffisants pour faire face aux fragilités structurelles de
l’UEM révélées par la crise.
L’utilité de la BCE
D’un point de vue économique, la BCE est avant tout au
service de l’euro ; plus exactement, elle définit et met en
œuvre la politique monétaire de la zone euro. À ce titre,
elle a plutôt bien rempli son office jusqu’à présent : elle a
éliminé la question du taux de change pour ses dix-neuf
États membres ; depuis sa création en 1999, elle a res-
pecté sa cible d’inflation de 2 % ; elle a maintenu des taux
d’intérêt relativement bas ; elle a assuré à l’euro un statut
international reconnu ; enfin, elle a permis aux systèmes
bancaires européens de survivre à la crise exceptionnelle
de 2008. De ce point de vue, son utilité ne peut pas être
remise en cause.
Mais la BCE n’est pas qu’une instance technique. Elle
participe d’un projet politique et aurait dû servir à insuf-
fler un nouvel élan à la construction européenne, soutenir
226 | CONCLUSION
SIGLES ET ACRONYMES
ABE Autorité bancaire européenne
AEAPP Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles
AEVM Autorité européenne des valeurs mobilières
BCE Banque centrale européenne
BCN Banque centrale nationale
BEI Banque européenne d’investissement
BRI Banque des règlements internationaux
CBCB Comité de Bâle sur le contrôle bancaire
CBPP Covered Bonds Purchase Programme
CEE Communauté économique européenne
CEMAC Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale
CERS Comité européen du risque systémique
CESB Comité européen des superviseurs bancaires
CPM Conseil de politique monétaire
DTS Droits de tirages spéciaux
ECU European currency unit (unité de compte européenne)
Eonia Euro OverNight Index Average
Euribor Euro Interbank Offered Rate
FECOM Fonds européen de coopération monétaire
Fed Federal reserve system of United States of America
FESF Fonds européen de stabilité financière
FMI Fonds monétaire international
FSOC Financial Stability Oversight Council
GOPE Grandes orientations des politiques économiques
IME Institut monétaire européen
IPCH Indice des prix à la consommation harmonisé
LTRO Long Term Refinancing Operation
MCE II Mécanisme de taux de change entre l’euro et les monnaies
nationales participantes
MES Mécanisme européen de stabilité
MESF Mécanisme européen de stabilisation financière
MRO Main Refinancing Operation
228
14 PARTIE 1
La genèse de la Banque centrale européenne
15 CHAPITRE 1
Un aboutissement de la construction monétaire européenne
15 1957-1978 : l’émancipation progressive vis‑à‑vis du dollar
16 Du traité de Rome au Plan Werner
18 L’échec du serpent monétaire européen face au désordre
de l’après-Bretton Woods
21 1979-1991 : l’émergence d’une zone mark
21 Les avancées permises par le système monétaire européen
22 FECOM, MCE et ECU : les trois piliers du SME
23 Une relative stabilité monétaire
24 Un système monétaire caractérisé par l’hégémonie
du deutsche mark
25 La maturation théorique du projet d’Union économique
et monétaire
26 Les conditions économiques à remplir pour la création
d’une zone monétaire optimale
29 Les gains attendus du passage à l’UEM
29 La réduction des coûts et de l’incertitude économique
30 Une meilleure intégration financière
31 Le financement « automatique » des déficits des balances
des paiements
33 La disparition des crises de change à l’intérieur de la zone euro
34 L’avènement de l’euro comme monnaie internationale
36 Des contraintes économiques nouvelles souvent occultées
36 La perte du taux de change comme amortisseur monétaire
37 La disparition d’un prêteur en dernier ressort
pour les États souverains
38 1992-1999 : le choix d’une transition rapide vers la monnaie
unique
39 Un compromis politique entre trois visions différentes
du projet européen
40 La vision libérale
42 La vision européiste
43 La vision ordolibérale
46 Le curieux compromis politique à l’origine de la BCE
240
86 PARTIE 2
Le fonctionnement de la Banque centrale européenne
87 CHAPITRE 1
La place de la BCE dans l’organisation monétaire européenne
87 L’organisation monétaire européenne
87 Composition
87 Le Système européen des banques centrales
88 L’Eurosystème
88 La Banque centrale européenne
93 Les banques centrales nationales
95 Les organes de décision
95 Le Directoire
98 Le Conseil des gouverneurs
99 Le Conseil général
101 Les missions du SEBC
104 La Banque centrale européenne, institution-pivot
de la politique monétaire de l’Union
104 Les fonctions d’une banque centrale moderne
104 Définir et mettre en œuvre la politique monétaire
de la zone euro
105 Gérer les réserves officielles et conduire les opérations
de change des pays de la zone euro
105 Être le prêteur en dernier ressort des banques de second rang
106 Émettre les billets de banque de la zone euro
109 Participer à la coopération européenne et internationale
110 Assurer une fonction d’information statistique et de recherche
111 Des pouvoirs importants de réglementation, de consultation
et de surveillance
111 Le pouvoir réglementaire de la BCE
111 Un rôle également consultatif
112 La surveillance du financement public par la BCE
115 Une institution totalement indépendante du pouvoir politique
115 Une indépendance fonctionnelle
116 Une indépendance institutionnelle
116 Une indépendance personnelle
117 Une indépendance financière
117 Le rôle central du Conseil des gouverneurs
117 L’intérêt des conseils de politique monétaire
119 Quid du CPM de la zone euro ?
242
172 PARTIE 3
La BCE et la zone euro à l’épreuve de la crise
173 CHAPITRE 1
Les politiques « non conventionnelles » menées
depuis 2008
174 La stabilisation financière : un nouvel objectif pour la BCE
174 Les banques centrales face aux crises financières : un rôle
normalement limité
177 le principe de séparation devenu inopérant avec la crise
de 2008
179 Les cinq politiques non conventionnelles de la BCE
180 La modification de la taille du bilan de la BCE
(quantitative easing)
182 La modification de la structure du bilan de la BCE
(qualitative easing)
183 La modification des procédures et des techniques
de refinancement de la BCE
183 L’allongement de la durée du refinancement
184 L’élargissement des contreparties admissibles
184 L’abaissement du taux des réserves obligatoires
184 La coopération internationale
185 Le rachat de dettes souveraines
187 Taux d’intérêt négatifs et Forward Guidance
189 Le risque persistant d’une crise bancaire systémique
190 Des écarts de taux entre les dettes souveraines de la zone euro
192 Quelle efficacité pour les politiques monétaires
non conventionnelles ?
244
195 CHAPITRE 2
Les décisions prises depuis la crise pour renforcer l’UEM
195 L’instauration d’organismes de supervision financière
196 Le Système européen de surveillance financière
197 Le Comité européen du risque systémique
200 La mise en place de dispositifs de gestion des crises
financières
200 Deux dispositifs transitoires : le FESF et le MESF
201 Un dispositif permanent : le MES
203 Vers un surcroît de fédéralisme ?
203 L’adoption du traité sur la stabilité, la coordination
et la gouvernance
205 L’Union bancaire
205 Les avantages attendus d’une telle union
205 Les avancées obtenues, malgré des obstacles persistants
210 CHAPITRE 3
Quel avenir pour la BCE et l’UEM ?
210 Scénario n° 1 : une Union ordolibérale à la recherche
d’un impossible équilibre
211 Appliquer aux politiques budgétaires les préceptes
de l’ordolibéralisme
212 Résoudre la crise des dettes souveraines par l’orthodoxie
budgétaire
213 Un ajustement structurel trop violent et difficile à faire
accepter socialement
214 Scénario n° 2 : la tentation du souverainisme monétaire
214 Sortir de la zone euro et revenir aux monnaies nationales
215 Comment ?
216 Une sortie très risquée et problématique
218 Scénario n° 3 : un fédéralisme économique et solidaire
218 Une union monétaire sans vision fédérale n’est pas viable
219 La nécessité d’un véritable budget européen et d’un pacte
social
223 CONCLUSION
227 SIGLES ET ACRONYMES
229 RAPPEL DES RÉFÉRENCES
233 POUR ALLER PLUS LOIN
235 LISTE DES ENCADRÉS
237 LISTE DES TABLEAUX, GRAPHIQUES ET CARTES
réflexeeur✪pe
DERNIERS PARUS
→→ dans la série « Documents de référence »
Les traités européens après le traité de Lisbonne. Textes comparés
François-Xavier Priollaud, David Siritzky, 4e éd., 2016
→→ dans la série « Débats »
L’Europe peut-elle faire face à la mondialisation ?
Sylvie Matelly, Bastien Nivet, 2015
Les Européens aiment-ils (toujours) l’Europe ?
Bruno Cautrès, 2014
Faut-il enterrer la défense européenne ?
Nicole Gnesotto, 2014
Le Royaume-Uni doit-il sortir de l’Union européenne ?
Pauline Schnapper, 2014
Que reste-t-il du couple franco-allemand ?
Cécile Calla, Claire Demesmay, 2013
→→ dans la série « Institutions & Politiques »
La fonction publique européenne en perspective
Jean-Luc Feugier et Marie-Hélène Pradines, 2015
Les institutions de l’Union européenne après la crise de l’euro
Yves Doutriaux, Christian Lequesne, 9e éd., 2013
La politique migratoire de l’Union européenne
Corinne Balleix, 2013
Les politiques de l’UE
Philippe Delivet, 2013
À PARAÎTRE PROCHAINEMENT
→→ dans la série « Débats »
Les négociations Union européenne-Turquie peuvent-elles aboutir ?
Nicolas Monceau
→→ dans la série « Institutions & Politiques »
La politique agricole commune (PAC)
Jacques Loyat, Yves Petit
Une aUtre façon de connaître l’actUalité
dU continent eUropéen
consultez p@ges europe, le nouvel espace entièrement dédié à
l’actualité du continent européen sur le site internet de la documentation
française.