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MASTER 1, Carrières judiciaires. Droits de l’Homme.

1 PETIT Elodie 2010/2011


M1 Droit privé, Carrières judiciaires.
Semestre 2
Cours de M. Georgopoulos.

DROITS
DE L’HOMME
Droits de l’Homme. 2
MASTER 1, Carrières judiciaires.
INTRODUCTION
La protection assurée par la CEDH est étroitement liée au contrôle et à la protection assurée par les
juridictions nationales. C’est une protection subsidiaire dans la mesure où il appartient au juge
national, au juge des Etats membres signataires de la CEDH d’assurer la protection effective de droits
garantis par cette convention.

- Comment et dans quelles conditions les règles de la convention sont protégées par la voie
juridictionnelle au niveau européen et national ?

- Quelles sont ces libertés et droits garantis par la CEDH de 1950 ?

C’est à Strasbourg que siège la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui ne doit pas être
confondue avec la CJUE (depuis le 1er décembre 2009, Traité Lisbonne) dont le siège est à
Luxembourg.
Elle a été créée par la « Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés
Fondamentales », signée à Rome le 4 novembre 1950. Cette Convention a été négociée et signée au
sein du Conseil de l’Europe.
Le Conseil de l’Europe est une organisation internationale à caractère régional qui a pour vocation
l’unification politique du continent européen.
Ces objectifs sont le renforcement des droits de l’homme, de la démocratie, du dialogue politique
entre Etats européens et des actions en matière d’éducation, de recherche…
Il a été créé en 1949. C’était un plan d’unification du continent européen à peine sortie de
l’expérience néfaste de la 2GM. C’était une recette bien différente de celle proposée par Robert
Schuman à savoir l’Europe communautaire.
Il y avait deux projets d’unification de l’Europe :
Celui des Communautés européennes consistant à rapprocher les peuples par la mise en place
d’intérêts communs surtout dans le domaine économique pour accéder progressivement à une
unification politique.
Celui du Conseil de l’Europe qui avait une vision plus classique consistant en la mise en place de
certaines institutions européennes afin de promouvoir des objectifs politiques. Les ambitions du
Conseil de l’Europe étaient plus grandes mais contrairement aux CE, il ne disposait pas de moyens à
la hauteur de ces objectifs. C’est pour ces raisons que de manière globale que le bilan du Conseil de
l’Europe reste relativement modeste en comparaison avec le bilan des CE aujourd’hui UE. Il n’a pas
révolutionné le continent européen mais ce n’est pas un échec. MASTER 1, Carrières judiciaires. Droits de
l’Homme. 3
A ce bilan, il y a une exception emblématique : la contribution du Conseil de l’Europe en matière
de droits de l’homme.
La CEDH n’est pas le seul pilier en matière de protection de droits de l’homme.
D’autres textes et d’autres conventions ont été élaborés avec le soin du Conseil de l’Europe allant
dans le sens de protection de droits fondamentaux au niveau internationale : La convention cadre
relative à la protection des minorités internationales de 1995 ; le texte conventionnel relatif à la
protection des droits de l’enfant ou en matière d’éducation.
Aucun autre texte ni au niveau du Conseil de l’Europe ni au niveau international n’a offert un
système aussi aboutit de protection des libertés et des droits fondamentaux par un juge international.
Au niveau des droits et libertés garantis, la CEDH a été enrichie par des protocoles additionnels
ultérieurs couvrent quasiment l’ensemble des droits et libertés fondamentaux garantis au niveau
national ou international.
De surcroit, le texte de la convention a été interprété au fur et à mesure de manière large voir
audacieuse par la Cour dans un souci d’effectivité et d’efficacité.
Par ailleurs, il faut ajouter comme élément de succès de ce mécanisme de protection le grand nombre
d’Etats signataires de cette convention. Ils sont 47 Etats membres.
Certains Etats comme l’Arménie, la Russie, la Turquie qui ne sont pas membres de l’UE ont été
condamnés par la Cour. C’est en tant que membre de la convention que ces Etats font l’objet d’un
contrôle de la part de la Cour sur la base de la Convention de 1950. La Suisse en fait également
partie. Les 27 Etats membres de l’UE sont tous membres de la CEDH.
Ce qui rend le mécanisme de la CEDH vraiment original et qui est à la fois la preuve et la garantie de
son succès est sa procédure, le recours au mécanisme individuel. C’est la possibilité pour un
individu d’accéder directement au juge international pour faire valoir ses droits tels que garantis par
la CEDH.
Ce n’est pas une banalité au niveau international car l’accès à la justice est réservé aux Etats et
organisations internationales. Il est rare que les personnes physiques ou morales brisent cet écran pour
accéder directement au prétoire du juge international. Il s’agit d’une possibilité très réglementée
parfois rendue pratiquement impossible.
Au niveau européen, sous conditions strictes il est possible juridiquement de demander au juge
international une protection juridictionnelle en cas de violation des règles de la CEDH, si le juge
national n’a pas pu assurer au préalable cette protection.
C’est une procédure praticable car le nombre de recours individuels reçus par la CEDH dépassent le
chiffre de 40 000 par an.
Ce nombre n’est pas uniquement fait du succès de la CEDH, c’est aussi sa menace la plus importante
de son efficacité. La CEDH est victime de son succès. Face à cette pression le système des
protections garantis par la Cour est obligé de se réadapter régulièrement.
Le Président de la CEDH est Jean Paul Costa, conseiller d’Etat depuis 2006. MASTER 1, Carrières
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LA PROCEDURE
A) L’organisation de la Cour.

1) Les membres et les services de la Cour.

La Cour est en place depuis 1959 après que huit Etats aient accepté sa juridiction.
La Cour est composée de nombre égal de juge à celui des Etats parties à la Convention. Ainsi elle
comporte 47 juges.
La règle n’est pas nécessairement un juge par nationalité. Il se peut qu’un Etat propose qu’on juge
quelqu’un qui n’a pas la nationalité de cet Etat.
Exemple :
En ce qui concerne le juge du mini Etat de Saint Marin, c’est un Italien qui siège en tant que juge de
cet Etat. Ainsi deux Italiens siègent au sein de la juridiction européenne.
Selon l’article 21 § 2 CEDH, les juges même s’ils sont proposés par les Etats siègent à titre
individuel. Afin d’exercer les fonctions de contrôle et de jugement des Etats par rapport aux
exigences de la CEDH, les juges ne doivent pas contrôler ou siéger au nom d’un Etat quelconque.
La CEDH fixe un statut spécifique pour les membres de la juridiction :

- Article 21 § 1 CEDH précise quelles sont les conditions d’exercice de juge. Il est précisé que « les
juges doivent jouir de la plus haute considération morale et réunir les conditions requises pour
l’exercice de hautes fonctions judiciaires ou être des jurisconsultes procédant une compétence notoire
». Cette disposition reste symbolique.

- Article 21 § 3 CEDH dispose que « pendant la durée de leur mandat, les juges ne peuvent exercer
aucune activité incompatible avec les exigences d’impartialité ou de disponibilité requises par une
activité exercée à plein temps ».

- Article 51 CEDH accorde des immunités très étendues aux membres de la juridiction.
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 Concernant la nomination des juges :

Les juges sont tenus pour six ans avec un renouvellement partiel tous les trois ans mais avec une
possibilité de réélection. En fait, cela est considéré comme un coup franc à l’indépendance des juges,
car la possibilité de réélection est potentiellement un élément susceptible de rendre les membres de la
juridiction un peu plus clément car ils y verront là leur réélection. C’est un problème récurrent dans
les juridictions internationales telles que la CJUE, la Cour internationale de justice.
Les juges sont élus par l’assemblée des Etats signataires du Conseil de l’Europe à la majorité des
voies exprimées. Plus précisément, chaque Etat membre présente une liste de trois candidats. Ils
s’expriment librement à partir de cette liste.
Concernant la limite d’âge, il y a une règle stricte. Conformément à l’article 23 § 6 CEDH, le
mandat des juges s’achèvent dès qu’ils atteignent l’âge de 70 ans.
La Cour est permanente. Il n’y a aucune possibilité de demander le changement du juge ou d’être
suspendu pour une période limitée ou pour le jugement d’une affaire.

 Quant à l’indépendance collégiale de la Cour :

Il y a des garanties permettant de protéger, d’assurer l’indépendance non pas des membres de la
juridiction mais de la juridiction en tant qu’institution, que fonction.
En effet, la Cour établit elle-même son règlement intérieur et fixe sa procédure conformément à
l’article 26 CEDH.
Elle décide aussi librement de l’élection de son Président et de son vice président.
La juridiction délibère de manière secrète et la Cour statue à la majorité. Le juge peut empêcher les
opinions dissidentes ou individuelles au Cour de l’arrêt rendu par la juridiction.
Chaque juge peut soit joindre à l’arrêt son opinion dissidente où il explique son désaccord avec la
majorité ou son opinion individuelle concordante où il argumente dans le sens du dispositif retenu par
la majorité mais les motifs sont sensiblement différents. En l’espèce, il y a une certaine indépendance,
une certaine démocratisation de la fonction juridictionnelle car chaque juge peut s’exprimer
librement, être entendu sans être dissimulé derrière la position de la majorité. Cela permet d’enrichir
la doctrine et d’avoir une vision plus large des différentes questions qui se posent et renforce le
dialogue scientifique, juridique et politique. Cette pratique risque de déstabiliser l’autorité de la
juridiction. La voie de la contestation est ouverte.

 Concernant les services de la juridiction européenne :

La Cour dispose d’un service de greffe qui jouit d’une grande autonomie par rapport aux autres
institutions du Conseil de l’Europe. Les greffiers adjoints sont élus pour 5 ans. D’autres services
n’ont pas une importance directe. MASTER 1, Carrières judiciaires. Droits de l’Homme. 6
Ce qui est important est la présence de référendaires qui sont des assistants qui aident les juges dans
leurs fonctions, les aident à préparer, instruire les affaires. Ils ne sont pas affectés à un juge déterminé
mais font partie du greffe et jouissent de certaines immunités. Le référendaire au sein de la CEDH
bénéficie d’une stabilité plus importante que leurs collègues au sein de la CJUE. Ils sont des agents,
des fonctionnaires du Conseil de l’Europe. Ils ne peuvent pas être renvoyés sauf en cas de faute
professionnelle.

2) Les différentes formations de la Cour.

Il y a une formation non contentieuse ou administrative et 4 formations contentieuses.


La formation administrative est appelée la Cour unique. C’est l’assemblée plénière de la Cour.
Elle n’exerce que les tâches administratives : élections du président de la Cour, président de la
chambre, greffier ; constitution des chambres ou adoption du règlement intérieur… Elle ne pourrait
exercer une fonction contentieuse car il n’est pas possible de juger une affaire par 47 juges.
La première formation contentieuse est celle du juge unique. L’apparition du juge unique dans la
juridiction européenne a été imposée afin de mieux gérer le nombre croissant des requêtes
individuelles présentées à la Cour.
Il a pour fonction de rejeter une requête individuelle manifestement irrecevable.
S’il considère que la requête individuelle n’est pas manifestement irrecevable, elle est transmise à un
comité ou à une chambre pour examen complémentaire. Il s’agit d’un filtre permettant de rejeter un
très grand nombre de requêtes individuelles qui n’arrivent pas à passer ce premier contrôle de
recevabilité. Selon les années, 40 à 60 % des requêtes individuelles sont rejetées au niveau du juge
unique.
Dans un souci d’impartialité de la juridiction le juge unique ne peut statuer sur les requêtes introduites
contre l’Etat au titre duquel il a été élu.
Si la requête passe cette première étape :
La deuxième formation contentieuse est le comité des trois juges. Il a une double compétence :

- Il peut à l’unanimité rejeter une requête individuelle manifestement irrecevable.

- Il peut à l’unanimité déclarer la requête recevable et statuer au fond. Mais pour ce faire, il faut que
l’affaire fasse l’objet d’une jurisprudence bien établie de la Cour. Si ces deux conditions sont
réunies, le comité des trois juges déclarent la recevabilité de la requête et jugent sur le fond. A défaut
d’unanimité, l’affaire est renvoyée en chambre. Le juge élu au titre de l’Etat partie au litige n’est pas
membre de droit du comité des trois juges à moins que l’Etat concerné ne conteste l’emploi de cette
procédure simplifiée.

Les décisions sur la recevabilité et les arrêts du comité sont définitifs et ne peuvent pas faire l’objet
d’une procédure de réexamen par la grande chambre. MASTER 1, Carrières judiciaires. Droits de l’Homme.
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Au défaut d’unanimité, l’affaire est renvoyée la chambre :
Il existe des chambres de sept juges qui sont les formations ordinaires de jugement, compétentes
pour statuer sur la recevabilité et sur le fond des requêtes individuelles si ces dernières n’ont pas
été tranchées par le juge unique ou par le comité des trois juges.
De même, les chambres de sept juges sont compétentes pour trancher des requêtes étatiques. Pour
chaque affaire, la chambre des sept juges comprend un Président et si le juge élu au titre de l’Etat
partie au litige, peut être nommé un juge ad hoc, à savoir quelqu’un qui n’est pas membre de la
juridiction lorsque les spécificités de l’affaire l’exigent. L’institution du juge ad hoc et l’indépendance
des juges sont difficiles à concilier car le juge ad hoc est proposé par l’Etat concerné. Mais à plusieurs
reprises le juge ad hoc a conclu avec la majorité de la chambre à une violation de la convention à
l’Etat qui l’avait proposé comme juge ad hoc.
La Grande chambre est composée de 17 juges, elle est constituée pour 3 ans.
Sa composition doit assurer un équilibre à la fois géographique et entre les différents systèmes
juridiques contractants. Souvent la composition varie d’une affaire à l’autre. Nécessairement siège en
son sein le président de la Cour, les deux vices présidents et le juge élu au titre l’Etat partie au litige.

- Sa fonction principale est de veiller à la cohérence et à la continuité de la jurisprudence de la


Cour.

- Sa compétence la plus importante est de se prononcer sur des demandes de réexamen d’un arrêt
rendu par une chambre conformément à l’article 43 CEDH. Le réexamen ressemble plutôt à
l’appel d’une loi nationale. De nouveau la pertinence des moyens de droit ou de fait ayant déjà fait
l’objet d’un examen, peut être réexaminé.

B) Les compétences.
Il existe deux types de compétences.

1) La compétence consultative.

Elle est attribuée à la Grande Chambre conformément à l’article 31 CEDH.


La compétence consultative de la Cour reste inchangée depuis sa création en 1950. Plusieurs
propositions ont été faites afin de permettre aux juridictions nationales (notamment celles
constitutionnelles) de poser une question à la Cour sur des questions d’interprétation des dispositions
de la CEDH. En dépit des différentes révisions de la CEDH ces propositions n’ont pas été retenues.
La seule compétence consultative de la CEDH est basée sur les articles 47 à 49 qui consistent à
rendre des avis consultatifs mais il s’agit d’une compétence très réduite. En effet, la demande
d’avis consultatif ne peut émaner que du comité des ministres. C’est l’organe politique du Conseil
de l’Europe où siègent les ministres de tous les Etats MASTER 1, Carrières judiciaires. Droits de l’Homme.
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membres du Conseil (47). Cette demande d’avis doit porter sur une question juridique concernant
l’interprétation de la Convention et des 7 protocoles. Cela parait assez large, cependant l’article 41
§ 2 CEDH réduit de manière drastique la compétence consultative. Selon cette disposition l’avis
consultatif ne peut porter sur le contenu ou l’étendue de droits garantis ni sur les questions dont la
Cour pourrait avoir à connaitre par suite de l’introduction d’un recours.
Tout ce qui peut faire l’objet d’un contrôle, d’une interprétation par la voie contentieuse ne
peut faire l’objet de l’avis consultatif. La seule hypothèse qui a permis l’application de cet article
47 CEDH était un avis consultatif rendu le 2 juin 2004. Après plus de 50 ans de fonctionnement de
la Cour, un seul cas de véritable avis consultatif est recensé. Le comité des ministres avaient demandé
un avis consultatif à la Cour qui s’est déclarée incompétente. La demande avait pour objet de savoir si
la commission instituée par la CEDH de la Communauté d’Etats indépendants (CEI) ratifiée
notamment par la Russie pouvait avoir un rôle complémentaire à jouer dans la protection des droits de
l’homme par rapport à la CEDH. La Cour en s’appuyant sur l’article 47 § 2 a refusé de répondre à la
question.
En comparaison avec la Cour américaine des droits de l’homme, la compétence consultative exercée
par cette Cour réunissant plusieurs Etats du continent américain, a permis d’avoir des réponses
essentielles sur des questions telles que la peine capitale, la protection du foetus.

2) La compétence contentieuse.

L’adhésion à la CEDH emporte par elle-même reconnaissance de la compétence obligatoire de


la Cour.
Cette affirmation qui semble être une évidence met fin à une situation embarrassante car dès
l’apparition de la Cour jusqu’en 1998, la compétence de la Cour n’était que facultative. Un Etat
pouvait adhérer à la CEDH, reconnaitre ses droits matériels mais pour pouvoir être jugé par la Cour,
partie à un litige devant elle, il aurait fallu au préalable accepter par le biais d’une déclaration
unilatérale la compétence contentieuse de la Cour. Plusieurs Etats tout en étant membre ne
reconnaissaient pas sa compétence. Désormais, sa compétence est pleinement obligatoire pour tous
les membres de la CEDH.
De surcroit, la compétence contentieuse de la Cour s’exerce dans sa plénitude. Selon l’article 32
CEDH, la compétence de la Cour s’étend à toutes les affaires concernant l’interprétation et
l’application de la Convention et de ses protocoles additionnels. Cela signifie que toute question
liée même de manière indirecte à l’application de dispositions de la convention peut faire l’objet d’un
contrôle de la part de la Cour. La Cour se réserve par ailleurs le droit de reformuler les questions,
les griefs présentés par le requérant et même le droit d’examiner d’office si besoin des questions
liées à l’ensemble de la CEDH. MASTER 1, Carrières judiciaires. Droits de l’Homme. 9
Arrêt Handyside c/ RU 7 décembre 1976 : la CEDH a clairement établi et affirmé sa compétence
d’examiner d’office des questions non soulevées et liées à l’interprétation et l’application de la
CEDH.
Par ailleurs, la juridiction a la compétence, le pouvoir de décider sur le point de savoir si elle est
compétente. Il appartient à la Cour de répondre à toute question concernant sa propre compétence
ce qui lui donne un pouvoir non négligeable lorsqu’elle accepte ou refuse de trancher une question.

C) La saisine.
Il y a deux types de recours devant la CEDH en fonction des requérants.

1) Le recours interétatique.

Il est prévu par l’article 33 CEDH que « tout Etat contractant est autorisé à saisir la Cour pour tout
manquement à la CEDH commis par un autre Etat partie ».
Il faut que l’Etat requérant et la partie défenderesse doivent être signataires de la CEDH.
Concernant l’intérêt à agir :
Pour introduire un recours recevable en tant qu’Etat, il n’est pas nécessaire de prouver une
violation de droits ou des intérêts propres à cet Etat requérant. Il s’agit d’une sorte d’action
publique. L’Etat qui saisit la Cour, la soumet d’une question qui est censée toucher à l’ordre public
européen. Souvent, l’Etat décide de saisir la CEDH afin de protéger ses propres nationaux victimes
ou prétendus victimes d’une violation de leurs droits garantis par la CEDH.
De manière générale, le nombre de requêtes interétatiques est très limité. Il y a eu à peine 13 requêtes
depuis la création de la CEDH. Pour ce qui concerne ces requêtes, les affaires sont plutôt 7 ou 8
requêtes tournées contre un Etat avec le même objectif.
Exemples :
La requête de l’Autriche contre Italie en 1960 concernant les problèmes de minorité entre ces deux
Etats.
La requête de la Grèce contre les pays scandinaves, Pays Bas et Turquie pour dénoncer les régimes
militaires au pouvoir en 1982.
La requête de l’Irlande contre le RU en 1971 concernant le problème de l’Irlande du Nord.
La requête de Chypre contre la Turquie concernant l’intervention militaire dans la partie nord de l’île.
Il ne s’agit pas de véritables problèmes de droits de l’homme mais plutôt des problèmes politiques.
Dans ce cas de figure, il s’agit plutôt de mécanismes de résolution de différends relevant du droit
international. MASTER 1, Carrières judiciaires. Droits de l’Homme. 10
Par ailleurs, seulement dans deux hypothèses, la CEDH est allée jusqu’au bout ce qui montre le
caractère marginal du recours interétatique : Arrêts 18 janvier 1978, Irlande c/ RU et 10 mai 2001,
Chypre c/Turquie.
Rien n’empêche les Etats d’exercer les recours interétatiques conformément aux objectifs de la
CEDH pour dénoncer sa violation par d’autres Etats. Mais les Etats craignent l’effet boomerang. S’ils
commencent à dénoncer les autres Etats, l’Etat défendeur trouvera à son tour des motifs pour
dénoncer le requérant. Ils préfèrent donc délaisser les intéressés, les victimes d’une violation plutôt
que de saisir la Cour.

2) Le recours individuel.

Il signifie qu’une personne physique ou morale se tourne contre un Etat membre de la CEDH et
uniquement membre de la CEDH avec une allégation d’une ou plusieurs dispositions de la
Convention.
C’est l’article 34 CEDH qui reconnait le droit à la saisine individuelle. Sur 40 000 requêtes par an,
environ 97 % sont irrecevables.

a) Les titulaires de droit de recours individuel.

L’article 34 CEDH dispose que « le droit de recours individuel est reconnu à toute personne
physique, tout organisme non gouvernemental et tout groupe de particulier, qui se prétend victime
d’une violation de la CEDH ».

Quelles sont les personnes physiques ou morales pouvant exercer les droits du recours
individuel ?

 « Toute personne physique » :

La Convention ne pose aucune exigence de nationalité, ni de résidence, même pour les apatrides
(sans nationalité).
37 % des requêtes enregistrées contre le France dans les années 1980 et 1990 ont été déposées par des
étrangers.
L’état civil et la capacité de l’individu ne jouent aucun rôle.
Les personnes considérées comme incapables selon le droit interne tels que les mineurs, les aliénés
peuvent s’adresser à la Cour même sans être représenté par les tuteurs ou curateurs de manière
autonome. Il en va de même pour les détenus, quelque soit les motifs de la condamnation.
Exemple :
Dans l’affaire du 8 mars 1962, Koch c/ RFA, il s’agissait d’une criminelle nazie appelée la «
chienne de Buchenwald ». Elle peut avoir droit à un recours individuel devant la CEDH. MASTER 1,
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Même une personne qui selon le droit national n’a pas le droit de représenter une autre personne
peut toutefois dans certaines hypothèses peut agir au nom de cette dernière devant la CEDH.
Exemple :
Une mère d’un enfant a été privé de l’autorité parentale peut toutefois en sa qualité de mère
biologique saisir la Cour au nom de ses enfants afin de protéger leurs propres intérêts, ce qui est
impossible selon les règles de droit national.
L’Etat concerné sous la juridiction duquel le requérant se trouve n’a aucun pouvoir d’appréciation sur
le bien fondé de la requête. Il ne saurait entraver l’exercice efficace du droit au recours individuel.
La question a été posée par rapport à la situation des détenus. Dans un certain nombre d’Etats il y
avait des règles assez strictes en ce qui concerne le contrôle de la correspondance. D’après la
jurisprudence européenne dans l’affaire Campbell c/ RU, 25 mars 1992 a précisé qu’un contrôle
sur la correspondance entre le détenu et la CEDH ne peut être exercé. C’est une garantie
supplémentaire.
Toute pression exercée sur l’avocat, telle que la menace de poursuite pénale constitue une violation
de l’article 34 CEDH qui de cette manière devient lui-même un droit substantiel de la CEDH pour
toute personne physique, libre ou détenue et même ses proches, et son avocat contre toute menace ou
autres pressions susceptibles de restreindre l’exercice du recours individuel.
Le 5 mars 1996, un accord européen a été signé et accorde aux différentes personnes impliquées
dans une requête individuelle à savoir le requérant, son représentant, ses avocats, les témoins,
certaines immunités pour faciliter le droit à l’exercice individuel.
Exemples :
Une immunité de juridiction est accordée pour leur déclaration et leurs pièces ; le droit de
correspondre librement avec la CEDH…

 « Toute organisation non gouvernementale » :

Il ne faut pas appréhender ce terme au sens du droit international.


Il s’agit d’une expression qui doit être appréhendée à contrario, comme excluant toute organisation
gouvernementale. Plus précisément, toute personne morale qui ne relève pas de la puissance
étatique tombe sous le champ d’application de cette catégorie :

- Les personnes morales soit à but lucratif ou non telles que les sociétés commerciales, les syndicats,
les organisations religieuses, les partis politiques.

- Les associations à but social ou caritatif.

- Les villages de groupes minoritaires peuvent constituer une organisation non gouvernementale
pouvant accéder au recours individuel.
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Concernant les personnes morales de droit public, la jurisprudence de la CEDH adopte un critère
fonctionnel et non organique. Peu importe si la personne morale en question a été créée par acte de
droit public ou privé. Ce qui compte est l’exercice de prérogatives de puissance publique.
Exemples :
Affaire Saints Monastères c/ Grèce, 9 décembre 1994 : les personnes morales de droit public
créées par acte public est protégé par la loi publique car elles disposaient d’une autonomie complète
par rapport à l’appareil étatique, elles ne faisaient pas parties d’une ONG pouvaient saisir la CEDH.
A l’inverse, le caractère privé d’une personne morale ne signifie pas nécessairement que l’on soit
devant une ONG.
Dans l’affaire Radio France c/ France, 23 septembre 2003 : puisque radio France exerçait une
mission de SP, même s’il s’agissait d’une PM de droit privé n’était pas une ONG au sens de l’article
34. Ainsi elle ne pouvait pas exercer le droit à un recours individuel.
Dans le cadre du recours individuel exercé par les collectivités territoriales, la jurisprudence est
critiquée. Dans l’affaire Communes d’Autriche du 31 mai 1974, il est refusé de reconnaitre aux
collectivités territoriales la qualité d’ONG en les assimilant à l’appareil étatique. Cette approche vide
la décentralisation de tout contenu en les assimilant au pouvoir central.
Dans l’affaire Antilly c/ France du 23 novembre 1999, la CEDH a expliqué « qu’une collectivité
territoriale gère des biens et droits collectifs dans l’intérêt général de ses habitants ». Elle refuse aux
collectivités territoriales d’accéder au recours individuel.
CE, Département de l’Indre, 29 juillet 1994 : Il admet en revanche que les collectivités territoriales
peuvent se prévaloir devant la juridiction administrative française de droits garantis par la CEDH. Il
va plus loin que la Cour européenne en acceptant que sous conditions, les CT peuvent être titulaires
de droits garantis par la CEDH.

 « Tout groupe de particuliers » :

Une association informelle, le plus souvent temporelle de deux ou plusieurs personnes qui partagent
des intérêts identiques et qui se prétendent victime de la violation de la CEDH à leur encontre.
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La notion de victime de violation.

Pour avoir la qualité de requérant, il faut être aussi victime d’une violation de la CEDH.
Il faut avoir un intérêt personnel à agir.
Ainsi, l’article 34 CEDH ne permet pas de saisir la Cour pour simplement demander de manière
abstraite ou générale si une disposition nationale est conforme ou non à la CEDH. Les droits du
requérant doivent être lésés de manière concrète par une décision ou une mesure interne.
La jurisprudence européenne a interprétée de manière large et autonome la question de l’intérêt à agir.
La Cour choisit et forge sa propre interprétation concernant certaines notions présentes dans la
convention. Elle ne renvoie pas aux considérations de droit interne. L’intérêt et la qualité pour agir ne
sont pas appréciés selon des considérations de droit national. La CEDH pose ses propres règles.
Dans un certain nombre d’Etats, pour avoir la qualité pour agir il faut que le comportement de
l’intéressé soit exemplaire. Si l’intéressé avait un comportement illégal, voir même de mauvaise foi, il
est probable qu’au niveau interne, sa qualité pour agir lui soit refusé. Ce n’est pas le cas a priori pour
saisir la CEDH qui fixe ses propres critères.
La notion de victime telle que mentionnée dans l’article 34 CEDH a été élargie d’une manière
double :

- Elle a été étendue au cas de victime potentielle ou éventuelle. La Cour accepte le recours de toute
personne susceptible le cas échéant de tomber sur l’application d’une loi prétendue incompatible avec
les dispositions de la convention. Il faut cependant que cette victime potentielle encourt un risque
réel de subir une violation d’un de ses droits.

Exemple :
Affaire Soering c/ RU du 3 juillet 1989 : M. Soering de nationalité allemande s’est rendu aux EU où
il est tombé amoureux d’une américaine et a tué ses beaux parents et a pris la fuite. Il arrive à quitter
le sol américain mais dès que son avion atterrit sur le sol britannique il est arrêté. Les autorités
américaines sont extradition vers les EU pour être jugé où il risque la peine capitale. Ses avocats
invoquent la violation des articles 2 (droit à la vie) et 3 (interdiction de traitements inhumains et
dégradants) CEDH. Subir le couloir de la mort constitue un traitement inhumain et même une sorte
de torture. Les juridictions britanniques l’ont débouté mais avant l’exécution de l’extradition, la
CEDH a été saisie. Elle a tenu compte du fait que les autorités diplomatiques américaines avaient
promis qu’en cas d’extradition, de condamnation que la peine capitale ne serait pas exécutée.
La CEDH a considéré qu’il n’y avait pas de certitude que cette promesse soit vraiment constatée, elle
dépend de l’Etat fédéré. Ainsi en dépit de ces assurances, s’il est extradé il y a un risque réel que soit
il sera exécuté, et sera condamné restant pendant des années dans l’incertitude de son exécution.
La violation de la CEDH est quasi certaine. Il y a une obligation des autorités britanniques de ne
pas extrader. MASTER 1, Carrières judiciaires. Droits de l’Homme. 14
- Elle a été étendue au cas de victime indirecte.

b) Les délais.

c) L’épuisement des voies de recours internes.

d) Requête non abusive et bien fondée.

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