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UNIVERSITE SAAD DAHLAB – BLIDA -1-

FACULTE DE MEDECINE
Département de Médecine

LES MELANOMES CUTANES

Cours pour étudiants du module de Dermatologie


6ème année Médecine

Pr Wahiba OUAHIOUNE

Service d’Anatomie Pathologique


CHU Blida

Année universitaire 2017-2018

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PLAN DU COURS

I. DEFINITION

II. EPIDEMIOLOGIE

III. FORMES ANATOMOCLINIQUES


 
IV. DIAGNOSTIC POSITIF DU MELANOME 
A -Diagnostic clinique 
B -Diagnostic histologique

V. LES FACTEURS HISTOPRONOSTIQUES

VI. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL

VII. TRAITEMENT

VIII. CLASSIFICATIONS : pTNM du mélanome 2009

IX. CONCLUSION
 

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LES MELANOMES CUTANES

I- DEFINITION : Les mélanomes cutanés sont des tumeurs malignes du système


mélanocytaire. Ils se développent à partir des mélanocytes accumulés à la jonction dermo-
épidermique et dans le derme. Ces tumeurs hautement malignes secrètent le pigment
mélanique.
Il est actuellement admis que la plus part des mélanomes naissent « de novo ». Le soleil est
le principal facteur d’environnement impliqué dans l’épidémiologie du mélanome

II- EPIDEMIOLOGIE
1- Incidence 
L’incidence mondiale du mélanome a augmenté de façon dramatique ces six dernières
décennies. Elle est de 50 pour 100 000 habitants en Australie contre 0,2 pour 100 000 en
Asie.
L’incidence du mélanome est en augmentation chez les sujets d’âge moyen. Ce cancer est
exceptionnel chez l’enfant.
La répartition en fonction du sexe montre qu’il n’existe plus de prédominance féminine, le
sex-ratio est égal à un.

2- Mortalité
Dans le monde, la mortalité due au mélanome a augmenté de façon significative chez les
sujets de plus de 60 ans.

3-Facteurs de risque :
Le nombre de facteurs de risque du mélanome a été clairement identifié.

a- Phototype : les individus à peau claire (phototype I et II de la classification Fitzpatrick)


sont plus exposés au risque du mélanome que les individus bruns (phototype III et IV).
b- Naevus : les naevus sont des précurseurs potentiels du mélanome. Ils sont considérés
comme facteurs de risque du mélanome que s’ils sont nombreux et que leur taille est
supérieure à 6 mm.

Le risque de dégénérescence maligne d’un naevus banal reste faible, il serait de 1 pour 7000.
Ce risque est revu à la hausse devant un naevus congénital surtout géant (taille supérieure à
20 cm) ; dans ce cas, la transformation maligne se voit chez l’enfant de moins de 5 ans.

Quand aux naevus dysplasiques plus connus actuellement sous le terme de naevus atypiques
ou naevus de Clark, le risque de leur transformation maligne se situerait entre 2 et 17%.
Ce risque est majoré chez les sujets aux antécédents familiaux de mélanome.
Les patients atteints de xeroderma pigmentosum (XP) ont un risque accru de mélanome. Ce
risque est 1000 fois plus grand que dans la population normale.

c- Biologie moléculaire et génétique des mélanomes :

Mutation de BRAF et NRAS : 66% des mélanomes présentent une mutation de BRAF. Cette
mutation est associée à des lésions minces type SSM pigmentés et soumis à une exposition
solaire.

Environ 10% des mélanomes surviennent dans un contexte familial. Celui-ci est défini par le
développement d’au moins deux mélanomes sur trois générations.

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d- Soleil :
Le soleil (UV A++) est considéré comme le facteur de risque exogène majeur du mélanome,
ce qui explique la forte incidence de ce cancer chez les blancs d’Australie. De nombreuses
études ont démontré la relation entre l’exposition intense et intermittente (coups de soleil à
l’enfance) avec la survenue du mélanome. En effet, l’exposition intermittente à de fortes
doses de rayons ultraviolets (coups de soleil à l’enfance, UV artificiels), conférerait un risque
accru de mélanome.
Il est donc impératif de réduire l’exposition solaire ou artificielle chez l’adulte et surtout
l’enfant.

e- Etat immunitaire : les déficits immunitaires favorisent la survenue du mélanome ; il a


été constaté un taux élevé de mélanomes chez les patients greffés, sous immunosuppresseurs,
ou atteints de maladie de Hodgkin.

III- FORMES ANATOMOCLINIQUES 

En fonction de l’aspect clinique, histologique, épidémiologique et évolutif, on individualise


quatre types anatomocliniques de mélanome :

1-Le mélanome à extension superficielle (SSM : superficial spreading melanoma) est la


variété la plus fréquente de mélanome. Il se caractérise par une phase de croissance radiale
assez longue avant l’apparition de nodules tumoraux dermiques. Le SSM est l’apanage de
l’adulte d’âge moyen. Il peut survenir sur un naevus préexistant. Son siège de prédilection est
le membre inférieur chez la femme, le dos chez l’homme.

Cliniquement, le SSM se présente initialement comme une macule pigmentée à surface lisse
ou légèrement squameuse, ou comme une plage plus foncée, qui apparaît sur un naevus
préexistant. A mesure qu’elle s’accroît, la lésion devient polychrome, variant du noir au
chamois, avec des nuances de bleu foncé, gris pale, rose, violacé, et souvent des zones de
régression achromiques. Son diamètre moyen est de 2,5cm.
Sur le plan histologique, ce type de mélanome se caractérise par une prolifération
asymétrique au niveau de l’épiderme faite de mélanocytes atypiques isolés ou groupés en
thèques, envahissant l’épiderme jusqu’à la couche cornée. Cet envahissement épidermique est
appelé ascension pagétoïde. L’extension horizontale de la tumeur atteint également
l’épithélium annexiel. Le derme superficiel est le siège d’un infiltrat lymphocytaire en bande
sous- lésionnelle ou en foyers.
Au cours de son évolution les cellules du SSM peuvent envahir le derme et réaliser ainsi de
vrais nodules.

2-Le mélanome nodulaire (MN) s’observe à tout âge avec une prédilection pour l’adulte
d’âge mûr de sexe masculin. Son siège reste ubiquitaire avec une prédilection pour le tronc, la
tête et le cou. Il se développe souvent de novo.

Cliniquement, le mélanome nodulaire se présente sous la forme d’un nodule ou d’une plaque
de 1 à 2cm de diamètre de couleur bleue ou noire avec parfois des nuances de gris ou de
pourpre. Les bords de la tumeur restent réguliers, et sont parfois entourés d’un halo clair. Ce
mélanome croit rapidement, peut donner un aspect polypoide et s’ulcérer spontanément.

Sur le plan histologique, le MN se développe à partir de la jonction dermo-épidermique et


envahit massivement et rapidement le derme pour former un nodule. L’épiderme sus jacent

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est le siège d’une ascension pagétoïde qui ne s’étend pas latéralement. Par définition, la
composante latérale ne doit pas occuper plus de trois crêtes épidermiques. Les cellules
sont de type fusiforme ou épithélioïde. Les mitoses sont atypiques.

3-Le mélanome acrolentigineux (MAL) reste une variété rare et s’observe plus chez la
femme d’âge mûr. Il siège au niveau de la région plantaire et palmaire.

Cliniquement, il débute par une macule brun-noir de 2 à 3cm, aux bords déchiquetés avec
des plages achromiques, et une surface lisse parfois hyperkératosique. Des nodules peuvent
apparaître et former une tumeur exophytique, ulcérée parfois achromique.

Sur le plan histologique, il s’agit d’une tumeur tapissée par un épiderme hyperplasique qui est
le siège d’une prolifération mélanocytaire lentigineuse atypique, associée parfois à une
composante dermique invasive. Il est fréquent de retrouver au niveau du derme un infiltrat
inflammatoire lymphocytaire lichénoïde ou péri vasculaire.

4-Le mélanome de Dubreuilh ou lentigo malin se présente sous forme de macules brunâtres
sur les zones photoexposées des sujets âgés et survient sur une peau actinique. Il touche plus
souvent la femme. Ce mélanome évolue très longtemps au stade in situ avant de devenir
invasif et apparaître sous forme d’un nodule.

Sur le plan histologique, le mélanome de Dubreuilh se caractérise par un épiderme atrophique


siège d’une prolifération mélanocytaire lentigineuse atypique qui s’étend aux annexes. Le
derme est le siège d’une élastose solaire et d’un infiltrat inflammatoire riche en
mélanophages. A un stade avancé, une composante dermique est observée.

IV- DIAGNOSTIC POSITIF DU MELANOME 


A -Diagnostic clinique 
Reconnaître un mélanome à un stade précoce n’est pas facile, c’est pour cela que les auteurs
Américains ont établi l’ABCDaire du mélanome. C’est un outil précieux d’aide au diagnostic
de malignité d’une lésion naevique pigmentée. Il se base sur :
A= asymétrie : désigne une lésion dont les deux moitiés séparées par un axe fictif ne sont
pas superposables ;
B= irrégularité des bords : présence d’encoches ou de limites floues et imprécises ;
C= couleur inhomogène : présence de plusieurs couleurs au sein de la même lésion allant
du brun au rouge, au violet, au noir ou au blanc ;
D= diamètre supérieur à 6 mm : une lésion pigmentée dont le diamètre est supérieur à
6 mm est suspecte, mais il existe d’authentiques mélanomes dont le diamètre est inférieur
à cette limite ;
E= extension en surface ou évolution : c’est un critère dynamique de valeur primordiale.

B -Diagnostic histologique
C’est le seul examen qui permet d’affirmer la malignité d’une lésion pigmentée. Toute
demande d’examen anatomopathologique doit fournir les renseignements suivants : l’âge du
patient, le sexe, le siège de la lésion, l’aspect et les dimensions de la tumeur, son ancienneté et
ses modalités de progression.

1-Conditions techniques de l’examen : toute lésion pigmentée suspecte doit être excisée en
totalité et soumise à une étude histopathologique. Une biopsie ne sera réalisée que si la lésion

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est de grande taille, dans ce cas elle sera faite sur la partie de la tumeur la plus épaisse.
L’exérèse totale de la tumeur doit se faire dans les 15 jours qui suivent la biopsie.
Il est important de marquer les marges d’exérèse à l’encre de chine.

2-Critères microscopiques
a-Les critères architecturaux de malignité : le mélanome se développe à la jonction
dermoépidermique et, envahit l’épiderme sur toute son épaisseur sous forme de mélanocytes
atypiques isolés ou disposés en thèques.
- L’envahissement des couches supérieures de l’épiderme est un critère diagnostic primordial.
- L’extension horizontale des mélanocytes à l’épiderme adjacent à la tumeur.
- Les thèques tumorales sont irrégulières souvent volumineuses, confluentes, tendant à
envahir le derme papillaire.
- Les annexes sont parfois détruites.
- L’absence de maturation neuroïde des mélanocytes.
- La pigmentation mélanique est répartie de façon irrégulière sur toute l’épaisseur de la
tumeur et dans le cytoplasme des mélanocytes tumoraux, elle apparaît souvent fine et
poussiéreuse.
- La stroma-réaction lymphocytaire est dense, lichénoïde, dans le derme superficiel, mais sa
densité diminue à mesure que progresse l’invasion dermique en profondeur.
- La présence d’emboles lymphatiques et sanguines reste la preuve formelle de la malignité de
la tumeur.

b-Les critères cytologiques de malignité : ils sont moins importants.


Les critères de malignité sont la présence d’atypies nucléaires (gros noyaux irréguliers,
hyperchromatiques avec nucléoles proéminents souvent vacuolaires), de mitoses au sein des
cellules tumorales profondes, cependant, l’index mitotique est souvent faible dans le
mélanome.

V-LES FACTEURS HISTOPRONOSTIQUES : une fois le diagnostic de mélanome posé,


le pathologiste se doit de préciser dans son compte rendu les marqueurs histopronostiques qui
sont de première importance.

1- LES FACTEURS MAJEURS

a - L’épaisseur tumorale ou indice de Breslow, a été établi par Breslow et col en 1970.
C’est l’indicateur pronostic le plus important et le paramètre le plus reproductible et le plus
objectif. Les bornes en épaisseur les plus utilisées apparaissent être 1, 2 et 4mm.
Quatre intervalles sont définis et ont été inclus dans la classification TNM depuis 2001  et
maintenus dans la dernière classification de 2009: <1,0mm ; de 1,01 à 2,0mm ; de 2,01 à
4,0mm ; et > 4,0mm.
La mesure de l’épaisseur selon la méthode de Breslow consiste à mesurer sur une coupe
histologique standard grâce à l’oculaire micrométrique l’épaisseur maximale des
mélanomes invasifs.

b-L’ulcération : est actuellement considérée comme un facteur histopronostic majeur. Il a été


démontré qu’une ulcération de plus de 6mm de diamètre est associée à un risque élevé de
métastases ganglionnaires.

c- L’activité mitotique : Un mélanome avec un taux de mitoses > 1/mm2 a un risque


métastatique très élevé.

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d-Les niveaux d’invasion de Clark et Mihm
Niveau 1 : mélanome in situ, intraépidermique
Niveau 2 : invasion discontinue du derme papillaire. Les mélanocytes peuvent
accompagner les annexes dans leur trajet profond. Si la lésion est polypoide, il faut la
surclasser en niveau 3.
Niveau 3 : invasion de la totalité du derme papillaire jusqu’au plan des plexus veineux
sous- papillaires. Le derme réticulaire ne doit pas être infiltré.
Niveau 4 : infiltration du derme réticulaire.
Niveau 5 : extension à l’hypoderme.

e- La régression tumorale :
La régression tumorale se définit par la disparition spontanée totale ou focale, des
mélanocytes tumoraux dans le derme superficiel et/ou l’épiderme accompagnée de
modifications du derme. Elle se présente cliniquement par l’apparition d’un halo clair autour
d’une zone pigmentée.

VI- DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL : cliniquement certaines lésions peuvent simuler un


mélanome, il s’agit :
- Du naevus,
- Du botryomycome,
- Du carcinome basocellulaire pigmenté,
- De l’angiome,
- De la kératose séborrhéique,
- De l’histiocytofibrome.

VII-TRAITEMENT :

Au stade de tumeur primitive et /ou à extension locorégionale le traitement du mélanome peut


être radical. A ces stades, le traitement le plus efficace est la chirurgie.
Au stade de dissémination métastatique, il n’existe pas de traitement efficace et les différentes
thérapeutiques disponibles ne sont pas satisfaisantes.

Stade de tumeur primitive :


Chirurgie : la chirurgie est le traitement de choix du mélanome. Une exérèse certifiée
histologiquement complète, est carcinologiquement suffisante et efficace.

Stade de métastases locorégionales et à distance : actuellement, grâce aux progrès de


biologie moléculaire qui ont mis en évidence la présence de la mutation du BRAF, un
traitement anti – BRAF est disponible pour les formes métastasiantes et les résultats sont
encourageants.

VIII- CLASSIFICATIONS : pTNM du mélanome 2009

Epaisseur Ulcération
 
T1 < 1.0mm a : index mitotique < 1 / mm2 et sans ulcération
b : index mitotique > 1 /mm2 ou avec ulcération

T2 1.01-2.0mm a : sans ulcération


b : avec ulcération

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T3 2.01-4.0mm a : sans ulcération
b : avec ulcération

T4 > 4.0 mm a : sans ulcération


b : avec ulcération
 
Selon le statut ganglionnaire N
 
N1 1 ganglion a : micro métastase
b : macro métastase

N2 2ou 3 ganglions a : micro métastase


b : macro métastase
c : métastase en transit / satellite(s) sans ganglions

N3 > 4 ganglions ou agglomérat de N+ ou métastase en transit / satellite


avec ganglion envahi

Selon l’existence de métastases à distance


 
M Site LDH sériques
M 1a métastase(s) cutanée(s), ou sous cutanée Normales
ou ganglionnaire(s) à distance

M 1b métastase(s) pulmonaires Normales


M 1c autres sites viscéraux Normales
toute métastase à distance Elevées

IX- CONCLUSION : le diagnostic précoce du mélanome reste le meilleur moyen pour


améliorer le pronostic. Ce diagnostic au stade utile est rendu possible par la prévention qui
peut être :
1- Primaire : elle a pour objectif la diminution de l’incidence du mélanome, en réduisant
l’exposition solaire qui reste un facteur de risque majeur.
2- Secondaire : elle a pour but de diminuer la morbidité et la mortalité par un diagnostic
précoce.
- Il est donc recommandé d’exciser les naevus congénitaux.
- Pratiquer l’auto dépistage.
- Surveillance de sujets à risque par un examen des parents, des enfants et de la fratrie
de patients atteints de mélanome.
- Dans le cadre d’un mélanome familial, il est recommandé de faire un examen
systématique des membres de la famille.

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