L’événement L’événement

V
ingt-deux ans après sa création à Cestas dans la banlieue de Bordeaux,
Cdiscount pense avoir enfin trouvé le chemin d’une croissance soutenue
et de la... rentabilité. C’est du moins ce qu’affirme Emmanuel Grenier,
le PDG du numéro deux du e-commerce en France dans l’interview de
fond qu’il a accordé à LSA juste après la publication de résultats 2020

4,1 Mrds € qu’il juge « très bons ». Le volume d’affaires est en hausse de 8,2% à
plus de 4,1 milliards d’euros. Les ventes de sa marketplace progressent
Le volume d’affaires de 22%, à 1,5 milliard, et la rentabilité opérationnelle bondit de 63%, à 133 millions
en 2020, + 8,2% d’euros. Le tout avec un modèle économique complétement repensé qui devrait lui
permettre de doubler de taille d’ici 4 à 5 ans. Il s’agit de faire du pure player qu’il était
1,5 Mrd € encore il y’a une dizaine d’année un réseau ouvert où 70% des ventes et l’essentiel
Les ventes de la des revenus viendront des vendeurs tiers de sa marketplace et des nouveaux partenaires
marketplace en 2020, distributeurs qui lui confieront des marketplaces dédiées qu’il commence à développer
+22% pour eux. Les ventes en propre étant réservée à une trentaine de grandes marques
triées sur le volet, comme Apple ou Dyson.
133 M€ Avec ce nouveau service prometteur et « unique au Monde », Cdiscount offre non seu-
L’Ebitda 2020, +62,5% lement l’infrastructure technologique pour construire des marketplaces mais aussi, si
besoin, l’accompagnement logistique et l’accès aux centaines de millions de produits
10,3 M de sa base. « Nous proposons la bibliothèque, les livres pour la remplir et la logistique
Le nombre de clients pour les acheminer », résume Emmanuel Grenier. Surtout, cet écosystème, qui s’appuie
en 2020, +12% sur un mix de produits savamment étudié et les performances croissantes du marketing
Emmanuel 1,2 Mrd
digital, promet d’être aussi beaucoup plus rentable assure-t-il. De quoi s’opposer, au
moins en Europe, aux appétits hégémoniques du géant américain Amazon auquel le
Grenier Le nombre de visites petit e-commerçant bordelais des origines continue de résister, faisant même entendre
sur le site en 2020 dans ses dernières publicités une musique franco-française à laquelle les consomma-
PDG de Cdiscount
teurs ne seraient pas insensibles. ❘❙❚ J. P.

LSA - Vos ventes en e-commerce en 2020 place de marché progressent de + 22%. Or

ne progressent que de + 1,4%, ça paraît c’est notre axe stratégique prioritaire aujourd’hui.

« Nous voulons faible comparée à la croissance globale

du secteur (+ 8,5%) ou à celle des
produits (+32% selon la Fevad).
Cela génère de la rentabilité. C’est le premier
pilier d’amélioration de l’EBITDA.

doubler de taille
Emmanuel Grenier- 2020 est au contraire une
année que je qualifierai d’excellente pour
Cdiscount. C’est une année qui marque aussi
un changement profond de notre modèle.
Quels sont les bons indicateurs pour
mesurer la performance d’un
e-commerçant aujourd’hui ?
E. G.- C’est une très bonne question que beau-

dans les 4 à 5 ans »

Nous avons amélioré notre rentabilité avec un
EBITDA qui passe à 133 millions d’euros et
progresse de 60%. Quant à la croissance, les
anglo-saxons notamment ne considèrent plus
le chiffre d’affaires comme le bon indicateur
pour le e-commerce. Ils se réfèrent au volume
d’affaires ou GMV (gross merchandise volume)
qui, dans notre cas, progresse de 8,6%. C’est
cet indicateur de référence pour notre secteur
coup se posent. Mon combat est d’expliquer
que les plateformes se jaugent sur des KPI (Key
Performance Indicator) différents des distribu-
teurs traditionnels. Pour moi, il y a 4 indicateurs
clés à prendre en compte dans l’e-commerce :
le volume d’affaires, la marge brute puisqu’elle
résulte de la marge de vos produits vendus en
propre, de vos commissions, du marketing digi-
tal et de vos services. Troisième critère : l’EBID-

N° 0000 | 00 Mois 2000

N° 0000 | 00 Mois 2000

que l’on regarde en premier. Le chiffre d’affaires
comprend les ventes en propre et les commis-
sions alors que le volume d’affaires couvre lui
la totalité des produits proposés par le site. Si
© Sebastien ORTOLA/REA
vos clients achètent vos produits en propre ou
ceux de vos vendeurs, c’est la même chose pour
eux. C’est cette vision client qui compte. Et au
sein de ce volume d’affaires, les ventes de notre
8 9
TA qui reflète la rentabilité et enfin la génération
de cash..
Quels sont les secteurs qui ont porté votre
croissance durant cette année si
particulière ?
E. G.- La priorité de 2020 a été de proposer plus
de produits dans des catégories comme
 L’événement
l’aménagement et la décoration, le bri-
colage et le jardin, le sport ou les loisirs. Des
activités auxquelles se sont adonnés les Français
et les Européens en 2020 et qui vont perdurer.
Nous proposons d’ailleurs désormais la livrai-
son gratuite à domicile. Ces produits générateur
de plus de récurrence d’achat et de marge, , .
ont cru de 18% que ce soit sur les ventes en
propre ou en marketplace. Elles sont plus dyna-
miques que le reste de l’activité.
Vous avez aussi réduit vos pertes. Cela
signifie-t-il que Cdiscount s’achemine vers
la rentabilité ?
E. G.- Oui !. Pour aller plus loin dans l’explica-
tion qui me permet d’être aussi affirmatif :
L’EBIDTA s’améliore et illustre la performance
opérationnelle. Son amélioration permet de
générer du cash. Cela est dû à la croissance de
la marketplace, à l’évolution du mix produits
et à l’essor du marketing digital. Le marketing
digital c’est une activité qui permet aux four-
nisseurs et aux vendeurs d’investir sur la pla-
teforme pour mettre en avant leurs produits et
leurs marques. Nous avons atteint 25 millions
de visiteurs uniques en fin d’année C’est ce
trafic que nous monétisons et là se situe le plus
fort potentiel de croissance de notre rentabilité.
Que ce soit pour le marketing digital, ou le
fulfillment - les prestations logistiques que nous
opérons pour nos vendeurs - cela nécessite une
expertise technologique et logistique et nous
ne sommes que deux acteurs à le faire à cette
échelle en Europe. Cdiscount c’est 850 déve-
loppeurs et plus de 50 data analystes.
Comment évoluent vos parts de marché ?
E. G.- Les derniers chiffres en ma possession
datent de 2019, avec le baromètre e-Kommerce
de Kantar. Nous étions alors en deuxième posi-
tion à 8% de part de marché et notre principal
concurrent à 21%. La France fait partie des trois
seuls pays au monde, avec le Japon et l’Inde,
où un acteur national a un tel poids. J’ai ob-
servé deux tendances fortes durant cette année.
La première est la digitalisation des comporte-
ments d’achats qui va se prolonger sur le long
N° 0000 | 00 Mois 2000
terme. La seconde est la sensibilité accrue des
consommateurs à la dimension française des
enseignes et des sites chez qui ils vont faire
leurs courses en cette période difficile. Nous
voulons mettre l’accent sur ce point c’est d’ail-
leurs l’histoire que nous avons choisie de racon-
ter dans notre dernière campagne de publicité
Nous sommes français aussi bien au niveau de
10
l’actionnariat, que du siège social, des infras-
tructures, des compétences et dans l’ensemble
de nos dimensions.
Quels sont vos perspectives pour 2021
et 2022 ?
E. G.- Lors de nos résultats annuels, j’ai indiqué
que nous allions poursuivre notre croissance
et améliorer le résultat avec des caps stratégiques
forts : la marketplace, l’évolution du mix pro-
duit, le marketing digital et un quatrième accé-
lérateur que nous lançons cette année, notre
solution de marketplace BtoB.
Votre valorisation est-elle à la hauteur
de ce potentiel ?
E. G.- A l’heure où nous parlons Cdiscount est
valorisé environ 2,8 milliards d’euros. L’entre-
prise est bien positionnée stratégiquement dans
un marché qui est en croissance. C’est pourquoi
notre valorisation a fortement augmenté ces six
derniers mois.
Quelles sont vos ambitions avec
votre filiale de marketplace BtoB lancée
officiellement le 1Er avril ?
E. G.- C’est un projet qui a été bâti il y a un peu
plus d’un an. Le principe est de commercialiser
auprès des distributeurs physiques et des e-
commerçants européens, une solution de mar-
ketplace qui leur permette d’accélérer sur le
e-commerce. La beauté du sujet réside dans le
fait qu’on ne propose pas que de la technologie.
Elle ne représente qu’un tiers de la proposition.
Nous fournissons aussi les produits et la logis-
tique. C’est une solution de marketplace clé en
main unique au monde. Nous proposons la
bibliothèque, les livres pour la remplir et la
logistique pour les acheminer.
Vous ne construisez pas votre propre
concurrent ?
E. G.- Notre priorité de développement est d’abord
centrée sur l’Europe. nous avons déjà des mil-
lions de clients actifs en France mais il reste
une part importante de clients à séduire. Dans
un monde qui est totalement ouvert, je consi-
dère qu’il faut aller chercher des clients partout
où ils sont. Et dès que nous pouvons vendre
plus de produits, cela augmente à la fois notre
puissance commerciale, le potentiel de vente
pour nos fournisseurs et nos vendeurs et donc
notre rentabilité.
Comment vous rémunérez-vous ?
© cdiscount
Legende_texte xxxxxxxx
xxxxxxxxx xxxxxxx xxxxx
« Aujourd’hui, notre logistique traite plus de
xxxxxxxx xxxx xxxxxxxxx références venant de nos vendeurs qu’en propre.
xxx
Même en volume la répartition est presque égale. »
E. G.- Nous prélevons une marge de passage sur
ces produits, différente de la commission de la
marketplace. Le modèle est le suivant : le ven-
deur ne paye rien, nous proposons un module
tech, un module produit et un module logistique.
Par exemple, si le site partenaire ne dispose pas
de technologie, on facture les frais de «Set Up»
en prenant un petit pourcentage sur l’activité.
C’est vertueux. Vous construisez un second
niveau de marketplace délégué…
E. G.- Exactement c’est un réseau. Si on prend
un peu de hauteur et que vous observez les
grands modèles économiques mondiaux. Les
modèles asiatiques sont ultra-centraux, avec
un point qui expédie dans le monde entier. Les
Américains proposent des modèles qui reposent
sur plusieurs points locaux qui expédient dans
leurs géographies. Notre proposition est nou-
velle, c’est un modèle consistant à créer des
partenaires marketplaces qui assureront eux-
mêmes le contact avec les clients. C’est l’équi-
valent de la logique d’affiliation que l’on retrouve
dans le domaine de la distribution physique. Il
s’agit de s’appuyer sur un modèle partenarial
totalement ouvert.
L’événement
Vous avez déjà démarré l’activité ?
E. G.- Oui nous avons déjà 200 clients environ,
de toute taille, dont CDON le deuxième site
d’e-commerce en Scandinavie à qui nous four-
nissons les produits. Nous travaillons aussi avec
Real en Allemagne par exemple. Pour nos ven-
deurs, il y a deux intérêts. Premièrement, ils
ont accès à une centaine de sites en un clic. Ils
n’ont rien d’autre à faire que de valider les pays
et les sites choisis sur une page dédiée. Pour
eux, c’est fondamental. Un vendeur n’est pas
en capacité de gérer une centaine de sites, ce
n’est pas possible. Ne serait-ce qu’en raison de
l’administratif. Nous les déchargeons de toutes
ces contraintes.
Le second avantage c’est qu’en cumulant les
volumes d’affaires de nos partenaires nous
augmentons le nombre de vendeurs et la largeur
de notre offre.
Quelle est votre plus-value par rapport
aux spécialistes des marketplace comme
Mirakl ?
E. G.- Notre solution est complète : La techno-
logique, les produits et la logistique. Nous ap-
portons une des bases de produits les plus
qualifiés au monde, 13 000 vendeurs et 100
millions de produits. Non seulement nous avons
des processus qualité extrêmement serrés, sur
la contrefaçon ou la qualité de la livraison, mais
en plus, nous savons ce qui se vend. Ce qui est
l’apanage de peu d’acteurs sur le marché. Nous
savons répondre à une question simple : com-
ment fait-on pour trier 100 millions de produits
? Pour cela que nous avons créé le Qualiscore,
un algorithme développé par nos data scientists
qui classe les produits en cinq catégories en
fonction des avis, descriptifs, des photos, des
prix et des ventes. Nous sommes les seuls à le
faire en Europe.
Le deuxième atout concerne la logistique, et ce
dont tout le monde a besoin c’est-à-dire fulfill-
ment. Ce service permet de diviser les délais
de livraison par deux par rapport à de la livrai-
son directe depuis un vendeur. Selon moi, il
n’y aura pas de marketplace solide, sans Ful-
N° 0000 | 00 Mois 2000
fillment. Ce n’est plus optionnel, mais obliga-
toire.
Quel est le potentiel de ce marché ?
E. G.- Il est estimé à 600 milliards d’euros. 100
milliards pour la France et 600 milliards pour
la région EMEA (Europe, Moyen Orient, Afrique).
Mon objectif est que cette nouvelle acti-
11
 L’événement
vité devienne aussi importante que celle
de Cdiscount aujourd’hui d’ici 4 à 5 ans, soit
4,5 milliards de volume d’affaires et qu’elle
devienne notre troisième pilier de rentabilité,
derrière la marketplace et le marketing digital.
En somme, doubler de taille et devenir un acteur
leader qui sera complètement transformé par
rapport à son modèle d’origine. C’est une conti-
nuité stratégique depuis 10 ans. Nous sommes
l’un des groupes européens ayant le plus inves-
ti dans la marketplace.
Vous voulez construire un AWS, comme
Amazon qui y puise une grande partie
de sa rentabilité ?
E. G.- Nous nous sommes positionnés sur une
offre très différente en termes de modèle et de
proposition de valeur. Mais oui, on sommes
une plateforme.
© cdiscount
Que devient votre offre en propre…
va-t-elle disparaitre ?
E. G.- Non. Nous n’avons absolument pas voca-
tion à n’être qu’une marketplace. Notre objec-
tif est que la marketplace représente 50% à
60% de notre activité. Nous avons donc fait le
choix de sceller des partenariats très puissants
avec de très grandes marques.
Qu’est-ce que vous apportez à un Apple qui
a un parc de magasins performant et dont
les ventes en ligne sont excellentes ?
E. G.- 25 millions de visiteurs uniques et 10
millions de clients !. Ensuite, nous proposons
le paiement en quatre fois qui peut s’avérer très
intéressant pour un produit Apple qui peut
parfois représenter une somme très importante.
Où en est l’International Marketplace
Network, votre réseau de marketplaces
européennes lancée avec real.de en
Allemagne, ePrice en Italie et eMag en
Roumanie?
E. G.- Ce réseau européen des marketplaces
avance aussi. Même si le projet diffère, dans la
mesure où il s’agit d’un échange de vendeurs
entre les plateformes, dans les deux sens. C’est
N° 0000 | 00 Mois 2000
une initiative complémentaire qui génère aus-
si de l’activité. Nous travaillons déjà avec des
sites importants, mais il y a 900 000 sites en
Europe et seulement 2% d’entre eux ont des
marketplaces. C’est pour eux qu’on a créé des
plugins dans certains CMS (Shopify, Prestas-
hop...) qui permettent d’accéder directement à
notre marketplace et à nos produits. C’est la
12
« Exergue lié à la photo. Merci
Minime opinione enim sunt se sed ut ac Sed fortasse
herculeus indigens iudicet causae e iudicet indigens
indigens iudicet causae e iudicet
beauté de ce modèle : son industrialisation.
Votre filiale logistique C Chez Vous va
prochainement livrer les encombrants de
But ? L’alliance avec un potentiel
concurrent devient-il une tendance forte ?
E. G.- Avec la Marketplace, la logistique consti-
tue un de nos actifs stratégiques très solides.
D’autres sont en développement. Nous avons
créé des filiales sur les deux premiers actifs.
Ces filiales doivent servir d’autres acteurs. C
Chez Vous est devenu l’un des plus gros acteurs
français de la livraison de colis de plus de 30
kilos, avec plus de deux millions, et demi de
pièces par an. Mais surtout nous avons les
meilleures notes de toute l’industrie, avec des
NPS à +60. Cela parle à d’éventuels clients,
car nous fournissons un service de très haute
qualité et moins cher en raison des volumes
que nous réalisons.
Nourrissez-vous des ambitions dans l’e-
commerce alimentaire ? Notamment avec
votre rapprochement avec Pourdebon.com
en septembre dernier …
E. G.- Nous avons en effet des ambitions sur
Legende_texte
xxxxxxxx xxxxxxxxx
xxxxxxx xxxxx
xxxxxxxx xxxx
xxxxxxxxx xxx l’alimentaire. C’est un sujet qui reste complexe,
notamment sur la logistique qui est différente
de celle des produits techniques par exemple.
Aussi nous avons optés pour des partis pris très
forts. Le premier porte sur la beauté. C’est un
univers quasi infini de produits avec un ensemble
de catégories non traitées en magasin. La beau-
té masculine par exemple, moins exploitée que
la beauté féminine. La beauté ethnique qui n’est
quasiment pas traitée. Il y a toute une série de
segments où les clients ne peuvent trouver leurs
produits qu’en ligne. Nous n’avons pas vocation
à devenir un hypermarché. Les clients viennent
souvent chercher chez nous les produits qu’ils
ne trouvent pas en magasin.
Le second axe c’est le terroir et les produits
français. Le partenariat avec Pourdebon.com
lancé en juillet 2020 se passe très bien. Le troi-
sième c’est le développement de niches : le bio,
le hallal, les produits du monde…Nous allons
développer toutes ces catégories-là dont l’assor-
timent ne peut pas être aussi profond qu’en
000 M magasin.
Chiffres à venir
xxxxxxx Des synergies avec d’autres enseignes du
xxxxxxxxxxxx groupe Casino sont-elles possibles ? Quand
on voit que Monoprix travaille avec
000 M Amazon ou Ocado …
E. G.- Chaque directeur d’enseigne établit sa
Chiffres à venir
xxxxxxx stratégie en fonction de son marché et de son
xxxxxxxxxxxx activité. Oui, il y a des synergies qui ont du
sens, notamment dans les achats. Nous effec-
000 M
Chiffres à venir
tuons des achats en commun avec Casino, nous
installons aussi des points de retrait et des
xxxxxxx corners dans les hypermarchés Géants. La stra-
xxxxxxxxxxxx tégie de Monoprix avec Ocado est selon moi,
la meilleure qu’on puisse trouver sur le marché
s’agissant de la livraison alimentaire. Chez
Cdiscount nous avons une stratégie différente
et complémentaire : une vision de verticale
spécialisée où les clients se rendent parce qu’ils
ne trouvent pas les produits ailleurs.
Vous observez de près ce que font
les filiales du groupe ?
E. G.- Bien sûr, même si observer n‘est pas for-
cément le bon verbe car il induit un cloisonne-
ment et une absence de lien ! En réalité nous
communiquons beaucoup ensemble Que ça soit
avec Jean-Paul Mochet (Président de Monoprix,
Directeur général de Franprix) Tina Schuler
(Directrice générale de Casino Supermarchés,
Géant Casino et Casino Proximités) ou encore
Hervé Daudin (Directeur des activités marchan-
dises et Président d’Achats Marchandises Casi-
L’événement
no), les liens sont très réguliers et informels.
Par exemple, tous les trois, ils sont beaucoup
plus fort sur l’alimentaire que nous le sommes.
Nous leur demandons des conseils sur toute
une série de sujets et réciproquement
Les initiatives nouvelles fleurissent sur le
segment alimentaire. Picnic qui pourrait
arriver en France, Cajoo qui promet une
livraison en 15 minutes, Amazon qui se
recentre sur Monoprix... Quel est votre
regard sur l’accélération de ces
mouvements dans un marché jugé peu
rentable ?
E. G.- Depuis 15 ans, je pense que le marché de
l’alimentaire en ligne est avant tout un sujet
logistique. Celui qui maitrise ce sujet a gagné.
Il y a pour moi deux axes : soit vous ciblez des
produits hauts de gamme, à forte valeur, diffé-
rents, et vous pouvez livrer aux clients avec
une livraison gratuite ou peu chère. D’un autre
côté, si vous êtes dans une logique de courses
du quotidien, il faut une arme industrielle comme
celle proposée avec O’Logistique qui exploite
la technologie Ocado.
Allez-vous poursuivre l’ouverture de
concept comme la Nouvelle Cave ? Peut-
être sur d’autres catégories de produits ?
La Nouvelle Cave, c’est un test mené avec le
Groupe Casino. Notre spécialité n’est pas de
faire des magasins. Dans ce concept nous appor-
tons la dimension digitale et les produits, car
nous sommes leader sur le marché du vin en
ligne. L’exploitation du magasin revient au
Groupe Casino. Ils savent très bien le faire. C’est
un beau symbole de synergie. A ce stade, l’ex-
périence fonctionne bien et nous gagnons en
rentabilité.
Les entrepôts de e-commerce sont dans le
collimateur, du gouvernement, de
l’administration fiscale ou encore des
commerçants qui évoquent des distorsions
de concurrence. Comment jugez-vous ce
procès intenté au secteur ?
E. G.- Ce que je souhaite c’est que tout le monde
N° 0000 | 00 Mois 2000
soit mis sur un même pied d’égalité. Hormis
les entrepôts, il y a des sujets sur la taxation,
la gestion des données, le fait d’être en France
ou non, d’intégrer des vendeurs marketplaces
venant d’Europe ou en dehors… Il est important
que les acteurs locaux et ceux opérant en France
depuis l’extérieur de l’Europe soient soumis
aux mêmes règles. Je trouve à cet égard que le
13
 L’événement
travail réalisé par Thierry Breton avec le Digital
Market Act et le Digital Service Act est remar-
quable. C’est la garantie d’avoir un espace
solide et sain.
Par ailleurs, il faut arrêter d’opposer l’e-com-
merce au commerce physique: pour les différents
acteurs il n’y a plus de choix que d’aller vite et
fort vers l’e-commerce. Les clients changent,
chacun a développé son offre e-commerce, et
nous sommes prêts à les aider à le faire. Nous
avons mis le pied à l’étrier à plus de 3000 com-
merçants fermés lors du second confinement
en offrant des conditions d’accès gratuites à la
marketplace. 200 000 commerçants étaient
fermés, il fallait qu’ils puissent vendre en ligne,
c’était notre responsabilité de les aider. C’est
aussi pour cette raison que nous développons
notre nouvelle activité de marketplace. Au-
delà du pilier de croissance que cela représente
pour Cdiscount, je défends l’e-commerce euro-
péen. En tant que Français, je veux aussi faire
en sorte que les entreprises du pays se portent
bien. Je ne suis pas qu’un chef d’entreprise. Je
suis aussi citoyen. Si vous oubliez que le client
est aussi un citoyen, il finit aussi par partir.
L’avance d’Amazon sur l’e-commerce en
France est-elle irrattrapable ?
E. G.- Nous sommes une exception mondiale et
les résultats sont là ! Nous ne faisons pas de la
résistance ou de la guérilla, nous sommes offen-
sifs. Il y a 10 ans nous avons été les premiers
à lancer les points retrait en magasins pour les
gros produits et cela a tout de suite été un gros
succès. De même, un peu plus tard, concernant
le paiement en quatre fois qui représente 40%
des ventes… C’est la même chose aujourd’hui
avec la commercialisation des marketplaces,
nous sommes seuls au monde sur le segment
car nous avons bâti l’actif. Notre position, excep-
tionnelle au regard du marché mondial, s’ex-
plique par le fait que nous prenons des risques
et parce qu’ il y a aussi énormément de com-
pétences dans l’entreprise, d’énergie et d’esprit
de combat.
N° 0000 | 00 Mois 2000
Que vous apporte votre politique d’open-
innovation ? Notamment au niveau des
incubateurs ...
E. G.- Cette politique fait grandir Cdiscount et
les start-ups avec nous. Au cours des trois der-
nières années nous avons présélectionné 700
start-ups en lien direct avec notre métier sur
un total de 2800 identifiées. Nous avons réa-
14
L’événement
lisé des PoC (NDLR preuve de concept) avec
190 d’entre elles. Quatre-vingts ont tourné ou
tournent actuellement en production chez nous.
Soit 70% d’industrialisation. Rien que dans la
logistique, nous en avons 15 qui sont opéra-
tionnelles, dont Exotec, et dans le marketing
également. Nous travaillons avec des start-up
ans dans à peu près tous les domaines. Sans
cette politique, nous n’en serions jamais là où
nous en sommes en matière de robotisation,
(par exemple avec le recours à des bras articu-
lés sur la préparation de commandes, ou dans
les systèmes de ciblage marketing). Notre réus-
site tient sans doute au fait que nous nous atta-
chons à travailler rapidement avec elles. Il faut
être en capacité de tester les choses dans un
délai de trois mois, et Cdiscount a cette agilité-
là.
Début février, le directeur de votre entrepôt
de Cestas a été mis en examen pour recel
de données. Cela a-t-il impacté vos ventes
ou vos relation fournisseurs ?
E. G.- Non, pas du tout. Pour trois raisons. La
première c’est qu’il n’y a pas eu d’intrusion
externe, il s’agit d’un acte de malveillance in-
terne émanant d’une personne qui avait les
accès et les droits pour accéder à ces données-
là. En second lieu, nous avons réagi très vite.
Dans un délai de deux heures, nous savions
qui c’était et on a pu enclencher les procédures
judiciaires. Enfin, les données concernées ne
comprenaient ni mot de passe ni de données
bancaires et à ce stade de l’enquête rien ne
permet de penser que ces données aient pu être
vendues. Nous avons pu agir très vite grâce à
un outil développé en interne par nos experts
en cybersécurité. De manière globale, nous
déjouons 100 000 attaques par jour car dès que
vous avez un serveur en ligne, il est attaqué.
Tout l’enjeu est d’avoir les outils pour se pro-
téger. Nous comptons d’ailleurs commercialiser
notre expertise dans ce domaine, via une autre
de nos filiales. ❘❙❚ Propos recueillis par Mickaël
Deneux et Jérôme Parigi
N° 0000 | 00 Mois 2000
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