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Cette édition en un seul volume du traité du Monde incluant L’Homme est

conforme au projet de Descartes, puisque L’Homme est le chapitre XVIII du


Monde. Son objet est de donner à lire Le Monde et L’Homme dans une
orthographe et une ponctuation modernisées, et de rendre plus accessible le texte
de Descartes, en l’accompagnant d'une annotation qui replace cet écrit dans le
contexte de l’essor des sciences astronomique et médicale du premier tiers du
dix-septième siècle.

L’introduction précise notamment le contexte des ambitieuses recherches


menées par Descartes pour rédiger Le Monde et L’Homme, avant qu’il
n’apprenne la condamnation de Galilée. Cette condamnation motive la décision
cartésienne d’ajourner la publication du Monde où Descartes s’était rallié aux
découvertes des « nouveaux astronomes » : Copernic et Galilée. Mais Descartes
décide ensuite de redistribuer les thèmes de L’Homme dans la Dioptrique qu’il
remanie pour publication et dans la cinquième partie du Discours de la méthode,
introduction aux Essais en français.

Le texte de L’Homme est précédé de planches anatomiques extraites du


Theatrum anatomicum de Caspar Bauhin (Gaspard Bauhin) (édition de 1621,
conservée à la réserve de la Bibliothèque Interuniversitaire de Médecine de
Paris), avec traduction et commentaire des légendes. En effet, dans L’Homme,
Descartes conseille à ses lecteurs de se référer à « quelque savant anatomiste »,
et renvoie, à plusieurs reprises, aux « anatomistes ». Les tables anatomiques que
j’ai choisies viennent donc éclairer le texte de Descartes. Bauhin, que Descartes
a lu, présente dans son Théâtre anatomique rédigé en latin des planches d'une
grande qualité. Elles sont inspirées des tables anatomiques illustrant le De
humani corporis fabrica de Vésale, ouvrage qui a marqué le renouveau
exemplaire de l’anatomie à la Renaissance. Mais Bauhin actualise aussi les
illustrations de Vésale, en s’appuyant sur ses propres découvertes en anatomie,
et en intégrant les innovations d’autres grands anatomistes, notamment ceux qui
sont issus de la fameuse école de Padoue, où il a lui-même étudié. Les planches
présentées ont pour but de rendre plus compréhensibles des paragraphes du texte
de Descartes dont le sens est de nos jours moins clair, en raison de
l’extraordinaire essor qu’a connu la science anatomique après l’invention du
microscope. Car Descartes écrit avant cette invention, qu’il appelle de ses
voeux. Ces planches montrent ainsi la structure du coeur, ses valvules, son
« petit nerf », et les anastomoses des vaisseaux dans le foetus, thèmes sur
lesquels Descartes insiste. Elles montrent également les réseaux des artères et
des veines, tels qu’ils étaient figurés juste avant que la démonstration, par
Harvey, du mouvement du coeur et de la circulation du sang, ne vienne
bousculer ces schémas. Or le traité de L'Homme est écrit à ce moment où la
médecine (pour ne pas utiliser le terme anachronique de biologie) connaît
d’immenses bouleversements. Et Descartes y participe, en admettant, très
rapidement après la publication de la démonstration de Harvey (l’Exercitatio
anatomica de motu cordis et sanguinis in animalibus date de 1628), la
circulation du sang. Parmi les éléments qui ont permis la démonstration de
l’authentique découverte de Harvey, figure la réflexion qu’il a menée sur la
découverte des valves des veines par Fabrice d'Acquapendente, son maître
padouan. Dans le traité de L’Homme, Descartes ne commente pas, comme il le
fera dans le Discours de la méthode, puis dans la Description du corps humain,
l’argument de Harvey, tiré de l’existence des valves veineuses pour sa
démonstration de la circulation. Dans L’Homme, Descartes fait toutefois allusion
à cette découverte des valves veineuses. C’est pourquoi deux planches du
Theatrum anatomicum, directement inspirées du traité de Fabricius
d'Acquapendente (le De venarum ostiolis, publié à Padoue en 1603), illustrent
cette découverte, sur laquelle Descartes, après Harvey, a médité. Les autres
tables anatomiques sélectionnées sont consacrées à deux domaines privilégiés
des recherches médicales de Descartes : d’une part la structure de l’oeil, d’autre
part la structure intra-cérébrale, avec la représentation de la fameuse « glande
H » (la glande pinéale ou épiphyse), dont Descartes fera ensuite le siège de
l’âme. Deux sortes de notes ont été rédigées pour cette édition : notes de
vocabulaire, (avec des appels de lettres), en marge du texte du Monde et de
L’Homme, et notes en fin de texte (appels avec des chiffres), pour celles qui
éclairent le contexte historique.

Plan de l’introduction par Annie Bitbol-Hespériès :

I) Genèse du projet du Monde et de L’Homme


II) Physique et métaphysique dans Le Monde de Descartes : les
sciences et leur fondement
III) La métaphysique de 1630 et le « connais-toi toi-même » : la
rupture introduite dans la tradition médicale par L’Homme de
Descartes
IV) Le Monde et L’Homme : l’homme face au monde et aux nouvelles
découvertes scientifiques, et la mise en place, par Descartes, d’une
nouvelle théorie de la connaissance
V) La condamnation de Galilée et l’ajournement de la publication,
puis la redistribution des thèmes dans la Dioptrique et le Discours
de la méthode
VI) La publication posthume de L’Homme et du Monde : les éditions et
la question des figures. Les principes de la présente édition, avec
la présentation des planches tirées du Theatrum anatomicum de
Caspar Bauhin.

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