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Dans le cadre de cette contribution musicologique, nous nous pencherons sur les
instruments à clavier produits par un atelier en particulier, celui des frères Hellen à
Berne dans la seconde moitié du 18ème siècle. Particulièrement inventifs, les facteurs
bernois ont joué un rôle précurseur dans l’évolution et la diffusion du pianoforte
[Pianoforte]. Véritable modèle de diversité organologique, leur production, qui
s’échelonne sur une période somme toute relativement courte, de 1759 à 1780,
illustre bien les différentes étapes du processus de substitution du clavecin par le
pianoforte [Pianoforte], à une époque où les changements de goût musical poussent
les facteurs et les musiciens à se tourner vers de nouveaux horizons sonores et à
imaginer des instruments aptes à les produire.
Les instruments Hellen n’étant cependant pas tous signés ni datés, leur chronologie
reste à établir, de même que leur nomenclature, notamment celle des différents
types d’instruments à clavier munis d’une mécanique de pianoforte. Le terme
pianoforte [Pianoforte] désigne en effet un peu indifféremment aujourd’hui tous les
instruments à clavier, dont les cordes sont frappées par des marteaux, au mépris de
leur véritable désignation dans les sources et, en fin de compte, de leur diversité.
Dans cet article, nous nous concentrerons sur les instruments Hellen en forme de
clavecin [in Form eines Cembalos], car c’est dans ces derniers que semblent s’être
cristallisées les recherches sonores des facteurs bernois. De fait, c’est la disposition
[Disposition] sonore de ces instruments, du moins dans leur état d’origine, qui
retiendra ici toute notre attention.
En 19721, seuls deux instruments de l’atelier des frères Hellen à Berne étaient
recensés. Il s’agissait d’une part d’un pianoforte2 carré [Tafelklavier] signé « par
Hellen à Berne 1780 », conservé au Musée d’Art et d’Histoire de Neuchâtel, et
d’autre part d’un pianoforte carré non signé et non daté, conservé dans une
collection privée et très semblable au premier. L’existence d’autres instruments à
clavier issus de l’atelier bernois, en particulier des clavecins et même un clavecin
organisé [organisiertes Cembalo] (intégrant un ou plusieurs registres d’orgue), était
attestée par des annonces publiées principalement à Berne et à Fribourg dans les
journaux de l’époque3, bien qu’aucun exemplaire de ce genre n’aient alors été
répertorié.
Depuis une quinzaine d’années à peine, les instruments à clavier signés ou attribués
à l’atelier des Hellen à Berne font l’objet d’un processus de réhabilitation auprès des
musicologues spécialisés en organologie des instruments à clavier au 18ème siècle,
réhabilitation liée au rôle clé joué par l’atelier bernois dans l’évolution du pianoforte
[Pianoforte] dans les pays germaniques et au-delà. Parallèlement, certains musées
ont fait l’acquisition d’instruments Hellen, qui se sont avérés de première importance.
On pense notamment au pianoforte en forme de clavecin [Pianoforte in Form eines
Cembalos auch Hammerflügel genannt], signé « par Hellen à Berne 1763 » et acquis
par le Musée de la musique à Paris en 2000 (cf. fig. 1), ainsi qu’au clavecin portant
sur la barre d’adresse [Vorsatzbrett] l’inscription aujourd’hui à peine lisible « P Hellen
à Berne 1759 »4, acquis par le Württembergisches Landesmuseum de Stuttgart la
1
Cf. RINDLISBACHER, Das Klavier in der Schweiz, pp. 110-114.
2
Le pianoforte [Pianoforte] est un instrument à clavier, dont les cordes sont frappées par des
marteaux. Le clavecin, en revanche, est un instrument à clavier et à cordes pincées par des plumes.
3
Cf. notamment la Hoch-Oberkeitlich Privilegiertes Avis-Blättlein de Berne et la Feuille hebdomadaire
des Avis de la Ville et Canton de Fribourg.
4
En raison de cette inscription, le clavecin a été attribué à Peter Hellen (1723-1779). Nous pensons
plutôt que cette inscription signifie « P[ar] Hellen à Berne 1759 », manière usuelle dont les instruments
issus de cet atelier étaient signés. Il serait même plus probablement l’œuvre de Johann Ludwig Hellen
même année. L’instrument de Paris est aujourd’hui le plus ancien pianoforte en
forme de clavecin [Pianoforte in Form eines Cembalos] des collections nationales de
France. Quant à l’instrument de Stuttgart, c’est l’un des très rares clavecins
[Kielflügel auch Cembalo genannt] suisses parvenus jusqu’à nous.
L’atelier Hellen est également connu pour ses instruments combinant une mécanique
de pianoforte et de clavecin. On appelle aujourd’hui ces instruments des pianoforte-
clavecins combinés [Kielhammerflügel, d. h. kombinierte Pianoforte-Cembali]. Ce
sont plus proprement des pianoforte avec registre de clavecin [Pianoforte mit
Cembalozug], comme nous le verrons plus loin. Plusieurs instruments de ce genre
nous sont parvenus, en dépit des modifications subies dans certains cas. Le premier,
un pianoforte [Hammerflügel] signé « par Hellen à Berne 1763 » et conservé à la
Villa Medici Giulini à Briosco5 (cf. fig. 2), disposait à l’origine d’un registre de clavecin
[Cembalozug]. Tel était également le pianoforte [Hammerflügel] attribué à Hellen et
non daté, qui se trouve au Germanisches Nationalmuseum de Nuremberg6. Enfin, un
troisième et un quatrième pianoforte avec registre de clavecin [Hammerflügel mit
Cembalozug], attribués à Hellen et non datés, nous sont parvenus. Ils se trouvent
dans la collection de l’Association Ad Libitum à Etobon, en France, et au
Musikinstrumenten-Museum de Berlin7. En raison de leur précocité, ces instruments,
de même que le pianoforte [Hammerflügel] de Paris, placent l’atelier Hellen au
premier plan dans l’histoire du pianoforte [Pianoforte] au 18ème siècle, au même titre
que ceux de facteurs tels que Franz Jacob Spath (1714-1786), Johann Andreas
Stein (1728-1792) ou Joseph Merlin (1735-1803), respectivement à Ratisbonne,
Augsbourg et Londres8.
(1716-1781) seul, dont la présence est attestée à Berne depuis 1754. Son frère cadet, Peter Hellen,
n’apparaît en effet pas dans les archives bernoises avant 1763. Par précaution, nous préférons donc
ne pas attribuer ce clavecin explicitement à Peter Hellen et nous le mentionnerons comme le clavecin
Hellen de 1759 à Stuttgart, sans autre précision.
5
Cf. GIULINI, Villa Medici Giulini. Un invito all’arte e alla musica, p. 6 (n° cat. 9).
N° inv. MINe 105.
6
7
Cf. DROYSEN-REBER et RASE, « Historische Kielklaviere bis 1800 », pp. 233-238.
8
Cf. LATCHAM, « The musical instruments en forme de clavecin by, and attributed to, the workshop of
ème
Johann Ludwig Hellen », pp. 68-94. Pour une étude approfondie de l’histoire du pianoforte au 18
siècle, cf. également Michael LATCHAM, « Johann Andreas Stein and the search for the expressive
Clavier », pp. 133-215.
Fig. 2 Pianoforte de 1763, collection particulière, Briosco
Actuellement, dix-sept instruments à clavier ont été recensés, qui sont issus de
l’atelier des frères Hellen ou qui leur sont attribués9. Pour notre part, nous avons
récemment découvert un clavecin à deux claviers attribuable à Hellen (cf. fig. 3),
ainsi que deux pianoforte carrés [Tafelklavier], dont l’un d’eux est signé « Par Hellen
à Berne 1773 ». Cet instrument, de même que le clavecin se trouvent dans des
collections particulières. Quant au troisième, il a été mis en vente aux enchères à
Vichy en mai 2014. Au total, ce sont donc désormais vingt instruments Hellen
existants10.
9
Cf. BATTAULT et GOY, « Les petits pianoforte de Hellen », pp. 48-67.
10 ème
Cf. MONTAN-MISSIRLIAN, « La découverte d’un clavecin suisse du 18 siècle, attribuable aux frères
Hellen (Berne, c. 1763) », pp. 201-226.
Fig. 3 Clavecin attribuable aux frères Hellen, Berne, c. 1763, collection particulière,
Suisse
D’une manière générale, les instruments Hellen reflètent bien les préoccupations
musicales de leur époque, dont le mot d’ordre est assurément la possibilité de varier
le son le plus possible. Les frères Hellen ont mis au point des instruments à clavier
[besaitete Tasteninstrumente] qui permettaient des modifications [Veränderungen] du
son, dans certains cas même pendant le jeu. Ils dotaient notamment leurs pianoforte
[Pianoforte] de registres [Register] actionnés par des leviers de registration
[Registerhebel] ou des genouillères [Kniehebel], permettant ainsi de modifier le son
plus ou moins rapidement, au bénéfice d’une nouvelle forme d’expressivité musicale.
11
Cf. MAFFEI, Nuova invenzione d’un gravicembalo col piano e forte, pp. 144-159.
12
Dès son arrivée au Portugal en 1719, Domenico Scarlatti avait la charge de maître de musique de
la cour et enseignait à l’infante Maria Barbara de Bragance (1711-1758), future reine d’Espagne, ainsi
qu’à son oncle, l’infant Dom Antonio, dédicataire de la toute première publication de l’histoire pour le
pianoforte [Pianoforte], les douze Sonate da Cimbalo di piano e forte, detto volgarmente di marteletti
de Lodovico Giustini (Florence, 1732).
13
Cf. RESTLE, « Gottfried Silbermann und die Hammerflügel für den Preußischen Hof in Potsdam »,
pp. 189-203. Il n’est toutefois pas le seul à s’être intéressé très tôt au pianoforte. Christian Ernst
Friederici (1709-1780) a développé de son côté de nouveaux instruments avec une mécanique de
marteaux. Il a notamment inventé le pianoforte vertical [Pyramidenflügel], dont trois exemplaires nous
sont parvenus, deux de 1745 et un de 1750.
[Instrumentenmacher] et théoricien Jacob Adlung (1699-1762), visite à l’origine de
l’Offrande musicale BWV 107914.
Formé en partie à l’atelier de son oncle entre 1742 et 1743, Johann Heinrich
Silbermann (1727-1799) a construit dans l’atelier familial de Strasbourg des
clavecins, des épinettes en aile d’oiseau [Querspinette], des clavicordes
[Clavichorde], des pianoforte en forme de clavecin [Hammerflügel] ainsi que des
pianoforte carrés [Tafelklaviere], dont plusieurs sont conservés. Deux pianoforte en
forme de clavecin [Tafelklaviere] sont conservés de ce facteur, l’un de c. 1776 dans
une collection particulière en France et l’autre de 1776 au Germanisches
Nationalmuseum de Nuremberg. Ils sont construits sur le modèle des pianoforte
[Hammerflügel] de Gottfried Silbermann et leurs registres ne peuvent être actionnés
que manuellement par des leviers de registration. L’influence de Johann Heinrich
Silbermann a été déterminante pour la facture instrumentale en Suisse dans la
deuxième moitié du 18ème siècle, comme en témoignent les instruments de facteurs
tels que Peter Friedrich Brosi (1700-1764) et Joseph Anton Moser (1731-1792), tous
deux formés dans l’atelier des Silbermann à Strasbourg15. On peut se demander si
les Hellen n’ont pas été également en lien avec cet atelier.
Le premier instrument Hellen parvenu jusqu’à nous est le clavecin de 1759 conservé
à Stuttgart. Cet instrument a trois rangs de cordes [drei Saitenchöre], le grand jeu
[der vordere 8’, eigentlich das Grundregister] et l’octave [der 4’, eine Oktave höher
klingend] au grand clavier [auf dem Untermanual] et le petit jeu [der hintere 8’] au
petit clavier [auf dem Obermanual], ou pour reprendre la terminologie actuelle, un 8’
et un 4’ au clavier inférieur et un autre 8’ au clavier supérieur. Sur le sommier
[Stimmstock] ils partagent un sillet [Stimmstocksteg] commun et sur la table
d’harmonie [Resonanzboden] un chevalet [Resonanzbodensteg] commun, les cordes
du petit jeu [des hinteren 8’] sont cependant pincées plus près du sillet
[Stimmstocksteg] que celles du grand jeu [des vorderen 8’]. Le son du petit jeu est
donc plus riche en harmoniques supérieures [obertonreicher] que celui du grand jeu.
Inversement, le son du grand jeu est plus riche en fondamentales que celui du petit
jeu. Les deux jeux sonnent à l’unisson, mais avec un timbre différent. Le petit jeu est
plus nasal [nasal] que le grand jeu. On les dit de contraste. Les registres du grand
clavier [Untermanual] sont mobiles, c’est-à-dire que l’on peut les actionner par des
leviers de registration [Registerhebel] situés de part et d’autre de la gorge
[Vorsatzbrett] juste au-dessus du petit clavier [Obermanual]. Le registre [Register] du
petit clavier [Obermanual] quant à lui est fixe. Il n’a donc pas de levier de registration
[Registerhebel].
D’une manière générale, les cordes sont pincées plus près des sillets
[Stimmstockstege] dans le clavecin de c. 1763 que dans celui de 1759, et ce pour les
trois registres. Mais la différence entre le rapport en pourcent du grand jeu [des
vorderen 8’] et celui du petit jeu [des hinteren 8’] est presque la même dans le
clavecin de c. 1763 que dans celui de 1759, respectivement 5,6 (21,5%-15,9%) et
5,8 (23,0%-17,2%). Par conséquent, outre un diapason plus grave, on peut
également supposer que le clavecin de c. 1763 a un grand jeu et un petit jeu plus
riches en harmoniques supérieures [obertonreicher] que celui de 1759. Mais l’effet
de contraste entre les deux claviers était sans doute le même dans chacun des deux
clavecins. Inversement, le grand jeu et le petit jeu du clavecin de 1759, dont le
diapason est plus aigu que celui de c. 1763, sont probablement plus riches en
fondamentales [grundtonreicher] que les mêmes registres de ce dernier.
Mais ce que la comparaison des deux clavecins révèle avant tout, c’est un tournant
décisif dans l’esthétique sonore, déterminé par le nouvel instrument, attesté dès
1763 au moins, soit peu après le clavecin de 1759 et sans doute peu avant celui de
c. 1763 également. Comme nous le verrons à propos des pianoforte avec registre de
clavecin [Hammerflügel mit Cembalozug], les Hellen ont joué un rôle décisif en ce qui
concerne la question des mesures des longueurs de cordes [Mensur] appropriées
pour le pianoforte [Pianoforte] et pour le clavecin [Cembalozug].
16
Cf. DROYSEN-REBER et RASE, « Historische Kielklaviere bis 1800 », pp. 105-109.
(transmissions de rappel, ressorts et autres) subsistent, qui laissent supposer que ce
pianoforte [Hammerflügel] disposait de registres permettant de modifier [verändern]
le son, notamment un jeu de harpe [Harfenzug], actionné manuellement par un levier
de registration [Registerhebel] ainsi qu’un modérateur [Moderator], actionné par une
genouillère [Kniehebel].
Ce qui est sûr en revanche, c’est qu’il n’était pas muni d’étouffoirs [keine Dämpfer].
La résonance des cordes non étouffées évoque l’influence du grand tympanon
[Hackbrett] inventé par le musicien et compositeur allemand Pantaleon Hebenstreit
(1667-1750). Il se servait de maillets [Hämmerchen] tenus en mains pour en jouer.
Cet instrument, présenté vers 1705 dans toutes les cours d’Europe, est réputé avoir
inspiré la facture des pianoforte [Pianoforte], en particulier en Allemagne. En
témoigne le dispositif permettant de lever les étouffoirs d’un coup
[Dämpfungsaufhebung], pour laisser résonner librement les cordes, comme on l’a vu
dans les pianoforte des Silbermann [die Silbermannschen Hammerflügel]. Dans les
sources, ce registre portait précisément le nom de pantal(e)on [Pantal(e)on],
orthographié de différentes manières, parfois aussi tympanon [Tympanon]. Un article
du 23 octobre 173117 publié dans les Leipziger Post-Zeitungen nous informe que le
facteur Wahl Friedrich Fickert, près de Leipzig, est l’auteur d’un Cymbal-Clavir qui
revendique explicitement la filiation avec l’instrument inventé par Pantaleon
Hebenstreit :
Cet instrument, que l’on peut se procurer à bon prix, a les propriétés du fameux
Clavier [Clavier] inventé par le très fameux Pantaléon.
Dieses Instrument, welches um einen civilen Preiss zu haben, hat die Eigenschafft
des von dem hochberühmten Pandalon erfundenen Cymbals.
Les petits pianoforte en forme de harpe couchée [Die Tafelkaviere in Form einer
liegenden Harfe] du facteur d’Ulm Johann Matthäus Schmahl (1734-1793), étaient
également munis de registres et n’avaient pas d’étouffoirs18.
17
Cf. LATCHAM, « Johann Andreas Stein and the search for the expressive Clavier », p. 160.
18
La collection de M. Michael Günther (château de Homburg) compte un grand nombre d’instruments
ème
à clavier [besaitete Tasteninstrumente] du 18 siècle, dont plusieurs exemplaires de petits pianoforte
en forme de harpe couchée [Tafelklaviere in Form einer liegenden Harfe].
19
Cf. ADLUNG, Anleitung zur musikalischen Gelahrtheit, pp. 690-691.
20
Le terme « Veränderung » désigne moins le nombre de registres que le nombre de combinaisons
de registres possibles, permettant de faire varier le son.
reichlich beschenkte. Unter solchen Verändeungen waren forte, piano, pianissimo,
ein Echo, Harfe, Laute, Pandaleon und ordentliche Flaute traver befindlich.
Un tinpanon de feu M. Hellen, de la plus grande et belle espèce, avec son piètement.
Ein von Hrn. Hehlen sel. Verfertigtes Timpanum von der grössten und schönsten Art,
in einem dazu gemachten Tisch22.
Mon très cher Père ! Je dois à présent me mettre immédiatement aux pianoforte de
Stein. Avant que je ne voie le travail de Stein, mes instruments préférés étaient ceux
de Spath ; mais maintenant ma préférence va à ceux de Stein ; car ils étouffent
encore mieux que ceux du facteur de Ratisbonne.
Mon trés cher Pére ! Nun muß ich gleich beÿ die steinischen Piano forte anfangen.
Ehe ich noch vom stein seiner arbeit etwas gesehen habe, waren mir die spättischen
Clavier die liebsten; Nun muß ich aber den steinischen den vorzug lassen; denn sie
dämpfen noch viell besser, als die Regensburger.
21
Deux pianoforte carrés sans étouffoirs [Tafelklaviere ohne Dämpfer] de la collection de M. Michael
Günther sont considérés comme des Pandaleon-Claviere [Pandaleon-Claviere] (n° inv. 15 et n° inv.
16). Ils sont attribués respectivement à Johann Heinrich Harrass ou Georg Nicolas Deckert
ème
(Grossbreitenbrach, Thuringe, milieu 18 siècle) et à Georg Ludwig Krämer (Bamberg, c. 1770).
22
Cf. Hoch-Oberkeitlich Privilegiertes Avis-Blättlein, 2. Heumonat, 1791.
23
L’ensemble de la correspondance de Mozart et des documents en lien avec sa famille, provenant
des fonds de la Mozart Stiftung Salzburg sont disponibles sous le lien suivant :
http://dme.mozarteum.at/DME/briefe/doclist.php. Les spättischen Clavier [sic] en question pourraient
aussi bien être des pianoforte à tangentes [Tangentenflügel]. Le pianoforte à tangentes a un son
proche du clavecin, mais est capable de gradations dynamiques, les cordes étant frappées au moyen
de tangentes, sortes de sautereaux non garnis de cuir. L’instrument est muni d’étouffoirs et dispose
d’un jeu de moderator, qui modifie le son vers un son de pianoforte. Cf. LATCHAM, « Franz Jacob
Spath and the Tangentenflügel : an eighteenth-century tradition », pp. 150-170.
dire s’il s’agit vraiment d’un pianoforte [Hammerflügel] dès l’origine. Ses registres
[Register] actuels ne sont peut-être pas non plus originaux. Il s’agit de deux
genouillères actionnant un registre soulevant tous les étouffoirs et un modérateur
(Moderator) [Moderator]. Le pianoforte en forme de clavecin [Hammerflügel] de 1763
à Paris serait donc le seul Pandaleon-Clavecin, autrement dit Timpanum [das einzige
erhaltene Pandaleon-Clavecin, auch Timpanon gennant], de l’atelier Hellen parvenu
jusqu’à nous.
Enfin, le jeu de harpe [Harfenzug], quant à lui, est toujours actionné manuellement
par un levier de registration [Registerhebel]. Il s’agit d’une bande de peau, qui entre
en contact avec les cordes près du sillet [Stimmstocksteg], suivant le même principe
que le jeu de luth [Lautenzug] dans les clavecins25. Si les pianoforte carrés
[Tafelklaviere] étaient dotés de quatre registres [Register] au maximum, actionnés
par des leviers de registration [Registerhebel] ou par des genouillères [Kniehebel],
les pianoforte en forme de clavecin [Hammerflügel] pouvaient en contenir un autre,
que les pianoforte carrés [Tafelklaver] ne pouvaient avoir, faisant toute la différence :
le registre de clavecin [Cembalozug].
Dans les pays germaniques, la combinaison d’un instrument à cordes frappées par
des marteaux et pincées par des sautereaux remonte à 1765 au moins et c’est le
facteur de Ratisbonne Franz Jacob Spath qui en serait le créateur. Un tel instrument
est décrit en effet dans une annonce des Leipziger Zeitungen du 10 septembre
176527 :
Le sieur Spath, lequel est bien connu pour ses clavecins, en raison de leur son
majestueux et de leur précision, est à présent en mesure d’offrir, pour le plus grand
bonheur des amateurs, le dit forte-piano en forme de clavecin avec un clavecin
monté en plumes, au moyen de deux claviers superposés, pour une plus agréable
variété de sons encore, le tout fort bien accommodé.
Gedachter Hr. Spath, welcher bekanntermassen seinen Clavecins, puncto des
silberhaften majestätischen Klanges und der Accuratesse, ohnstreitig sehr vieles
zum Voraus besitzet, hat noch zu grössrem Vergnügen gedachtes Forte-piano-
Clavecin mit dem bekielten Flügel vermittelst zweyer Manuallen zu vergnügter
Abwechslung in schönster Einrichtung verbunden.
D’après Johann Adam Hiller, Johann Andreas Stein travaillait en 1769 depuis dix ans
dans le perfectionnement du pianoforte [Pianoforte], ce qui situerait le début de ses
recherches autour de 175930 :
28
Cf. HILLER, Anhang zu den wöchentlichen Nachrichten und Anmerkungen die Musik betreffend, 31
juillet 1769, p. 40.
29
Cf. LATCHAM, « The musical instruments en forme de clavecin by, and attributed to, the workshop of
Johann Ludwig Hellen », pp. 83-84.
30
Cf. HILLER Anhang zu den wöchentlichen Nachrichten und Anmerkungen die Musik betreffend, 24
juillet 1769, p. 32. Durant l’année 1759-1760, Johann Ludwig Hellen semble s’être absenté de Berne,
car il n’apparaît pas dans les comptes de la chambre des bourgeois pour le paiement de la taxe
annuelle, à laquelle il a été soumis pendant toute la durée de son activité de facteur
[Instrumentenbauer] à Berne, à titre de « manant » (Hintersass) [Hintersass], c’est-à-dire de non
bourgeois [Ausburger] (Cf. Burgerkammer Rechnungen Hintersässen, 1754-1781). Cette absence,
coïncidant avec le début des recherches de Stein, semble avoir également été déterminante pour
l’atelier bernois.
der Verbesserung der Mängel, die sich bey dem Pianoforte finden, seit zehn Jahren
gearbeitet, und ein Instrument zu Stande gebracht, das von Kennern sehr gelobt und
bewundert wird.
Un pianoforte de M. Hählen, ou d’un autre bon maître, pourvu que l’instrument soit
recommandable par sa bonté & sa perfection ; on le désiroit avec des variations,
avec ou sans harmonica, le plutôt le mieux.
Ein extragutes Pianoforte von Hrn. Hählen, oder sonst einem anderen guten Meister,
mit Variationen und mit oder ohne Hamonica, je ehender je lieber.
Dans les instruments Hellen, les genouillères [Kniehebel] font leur apparition dès
1773. Elles ne sont pas présentes sur les deux pianoforte carrés de 1769. On peut
donc supposer que l’instrument de Berlin a été construit après 1769, mais en tout
cas avant 1779, date à laquelle il a subi une réparation en Allemagne32. Enfin, le
registre en peau de buffle, doublé du mécanisme de genouillères pour les autres
registres des clavecins de Taskin, semble avoir contenté le public français en
matière de dynamique [Dynamik]. Dans l’instrument de Berlin attribué à Hellen et non
daté, il est particulièrement efficace pour les decrescendi. Dans la perspective
historique de l’évolution du pianoforte [Pianoforte], l’instrument commandé par la
famille Charrière de Sévery en 1775 et conservé à Berne, semble plus avancé,
puisqu’il n’a jamais été un pianoforte avec registre de clavecin, de type harmonica ou
autre [Hammerflügel mit Cembalozug, bzw. mit oder ohne Harmonika]. Le pianoforte
[Hammerflügel] de Berlin serait donc antérieur à 1775 :
En véritables précurseurs, les Hellen ont clairement dirigé leurs efforts dans le
domaine du pianoforte sans registre [Hammerflügel ohne Register], autrement dit le
Hammerflügel en devenir. Ils n’ont pas jugé utile de perfectionner leurs clavecins,
contrairement à certains facteurs anglais tels Joseph Merlin ou le Suisse d’origine
Burkat Shudi (1702-1773), qui ont équipé leurs clavecins de machine stop [machine
stop], Venetian swell [Venetian swell, eine Art Jalousieschweller] et autres dispositifs
destinés à rendre expressif l’instrument à cordes pincées34. Ils ne semblent pas non
plus s’être intéressés au pianoforte à tangentes (Tangentenflügel) [Tangentenflügel],
développé par Franz Jacob Spath.
33
La famille patricienne bernoise des Stettler est tout à fait exemplaire à cet égard. Cf. MONTAN-
ème
MISSIRLIAN, « La découverte d’un clavecin suisse du 18 siècle, attribuable aux frères Hellen (Berne,
c. 1763) », pp. 201-226.
34
Introduit dans certains clavecins anglais dès 1765, le dispositif dit de machine stop enclenchait un
mécanisme permettant de désengager un à un l’ensemble des registres du clavecin, en opérant pour
cela sur une pédale. Patenté en 1769 par Shudi sous l’appellation de Venetian swell, ce dispositif
permettait quant à lui des effets de crescendo et decrescendo en agissant également sur une pédale.
Enfin, pour compléter la typologie des instruments Hellen, il faut encore mentionner
un dernier type d’instrument qui ne nous est connu que par une annonce parue dans
le Supplément aux Nouvelles de divers endroits (Gazette de Berne) du 25 avril 1778
(n°33), en l’occurrence un clavecin organisé [organisiertes Cembalo]35 :
On offre à vendre ici un grand Clavesin organisé & à grand ravalement, ouvrage
parfait et construit par le celebre Hellen, & consistant en un clavesin de double
clavier, trois registres, & le son imitant la harpe ; le couvercle avec une jolie peinture
& toute la garniture de laiton doré ; le pied dudit Clavesin contient deux & demi
registres de flute, on peut jouer le tout à part ou accompagné comme on le juge à
propos, ce qui fait une harmonie des plus agréables, le tout à un prix honnete.
Patrick Montan-Missirlian
Romainmôtier 2014
Sources :
Anonyme, Supplément aux Nouvelles de divers endroits (Gazette de Berne), 25 avril 1778
(n°33).
Jacob ADLUNG, Musica mechanica organoedi. Das ist : Gründlicher Unterricht von der
Struktur, Gebrauch und Erhaltung, etc. der Orgeln, Clavicymbel, Clavichordien und anderer
Instrumente, in so fern einem Organisten von solchen Sachen etwas zu wissen nöthig ist,
Berlin, 1768, pp. 116-117 (R, Cassel, Bärenreiter, 1931). Postface de Christhard
Mahrenholz.
Dom François BEDOS De CELLES, L’art du Facteur d’Orgues, Paris, 1766-1778 (R, Genève,
Slatkine, 2004). Préface de Jean Barraud.
Johann Adam HILLER, Anhang zu den wöchentlichen Nachrichten und Anmerkungen die
Musik betreffend, Leipzig, 24 juillet 1769.
Johann Adam HILLER, Anhang zu den wöchentlichen Nachrichten und Anmerkungen die
35
Un tel instrument est décrit et illustré dans L’art du Facteur d’Orgues de dom François Bedos de
Celles (pp. 641-643, planches CXXXIV-CXXXV). S’il est vrai que le pianoforte organisé également
décrit et illustré dans l’ouvrage du moine bénédictin et facteur d’orgues évoque de près les pianoforte
carrés Hellen, on ne peut en dire autant pour le clavecin organisé dans L’art du Facteur d’Orgues. Cf.
ème
MONTAN-MISSIRLIAN, « La découverte d’un clavecin suisse du 18 siècle, attribuable aux frères
Hellen (Berne, c. 1763) », pp. 201-226.
Musik betreffend, Leipzig, 31 juillet 1769.
Jean-Benjamin de LABORDE, Essai sur la musique ancienne et moderne, Paris, 1780 (R,
Minkoff, 1972).
Scipione MAFFEI, « Nuova invenzione d’un gravicembalo col piano e forte ; aggiunte alcune
considerazioni sopra gli strumenti musicali » in Giornale de’ letterati d’Italia, vol. V, Venise,
1711.
Giovenale SACCHI, Vita del cavaliere Don Carlo Broschi detto il Farinello, Venise, 1784;
Flavio Pagano éd., Naples, 1994.
Littérature critique :
Fernanda GIULINI, Villa Medici Giulini. Un invito all’arte e alla musica, Briosco, 2008.
Pierre GOY, « Un pianoforte de Johann Ludwig Hellen, Berne 1773 », in Bulletin annuel,
Société des Amis du Château de la Sarraz, 2003.
Michael LATCHAM, « Johann Andreas Stein and the search for the expressive Clavier » in
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Michael LATCHAM, « The musical instruments en forme de clavecin by, and attributed to, the
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Otto RINDLISBACHER, Das Klavier in der Schweiz. Klavichord, Spinett, Cembalo, Pianoforte.
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GLOSSAR
Achtfuss oder 8’ : der 8’ ist die Angabe zur Normalstimmlage und kommt aus der Sprache der
Orgelbauer. Die offene Pfeife für das C der grossen Oktave ist acht Fuss (= ca. 240 cmm) lang
Auslösung : Auskopplung des Hammers von der Tastenbewegung kurz vor dem Anschlag
Cembalo : Kielklavier in Flügelform, dessen Saiten gezupft werden. Synonym für Kielflügel
Cembalozug : bei Kombinationsinstrumenten der Registerhebel für den Bezug der gezupften Saiten
Chor : Anzahl der Saiten pro Taste. Ein Cembalo mit der Besaitung 8’ 8’ 4’ ist ein dreichöriges
Instrument. Gilt auch für alle Saiten einer zusammengehenden Springerreihe. Synonym für Bezug
Dämpfer : bei der Fähnchendämpfung, ein oder zwei in den Springer oben eingeklemmte weiche Filz-
oder Lederstückchen, die beim Rückfall des Springers die Saitenschwingung dämpfen
Harfenzug : die mit Lederstreifen besetzte Leiste, welche die Saiten unmittelbar hinter dem
Stimmstocksteg abdämpft
Hinterer 8’ Register : der Bezug in 8’, der vom oberen Manual gespielt wird
Jalousieschweller : über dem Saitenbezug liegende Jalousie, deren Lamellen durch ein Pedal mehr
oder weniger aufgestellt werden können und damit eine dynamische Differenzierung ermöglichen.
Auch « Venetian swell » genannt.
Kiel : in die Zunge eingesetztes Plektrum aus Rabenfederkiel (oder heutzutage einem Ersatzmaterial
wie Delrin)
Klaviatur : die Gesamtheit der Tasten, fallweise in einem Manual oder zwei Manualen. Auch als
Synoym für Manual gebraucht
Kniehebel : unter dem Unterboden montierter Hebel, der mit den Knien bedient wird. Er dient der
Registerschaltung
Koppel : Einrichtung, die beim Spielen des Untermanuals das Mitgehen der Register des
Obermanuals ermöglicht. Es gibt die Manualkoppel, auch Schiebekoppel oder französische
Schiebekoppel genannt, und die Springerkoppel
Lautenzug : eine mit Filz – oder Lederstückchen besetzte Leiste, die die Saiten eines Registers
unmittelbar hinter dem Stimmstocksteg abdämpft
Machine stop : eine Pedal- oder Kniehebelschaltung, die mehrere Register gleichzeitig schaltet
Manualkoppel : Einrichtung, die beim Spielen des Untermanuals das Mitgehen der Register des
Obermanuals ermöglicht, wobei die Tasten des Obermanuals sich mitbwegen. Synonym für
Schiebekoppel
Moderator : zwischen Hämmer und Saiten die bewegliche Leiste, auf der ein dünner gezahnter
Seiden- oder Tuchstreifen aufgeleimt ist, um die Saiten abzudämpfen
Peau de buffle : um 1769 eingeführtes Register, bei dem die Plektren aus weichem Büffel-Leder
bestehen. Ausschliesslich französische Cembali haben ein solches Register
Plektrum : das zurechtgeschnittene Stück Federkiel, Leder oder (heutzutage) Kunststoff, das in der
Zunge des Springers steckt und die Saite anzupft
Prellmechanik : Oberbegriff für frühe Deutsche Mechanik bei Tafelklavieren und Hammerflügeln
Resonanzboden : die dünne schwingende Holzplatte, über der die Saiten verlaufen
Springer : das auf dem hinteren Ende des Tastenhebels stehende, durch den Rechen geführte
schmale Holzstäbchen, an dessen oberem Teil die Zunge mit dem Plektrum (Kiel) befestigt ist.
Synonym für Docke
Springerkoppel : Sonderform der Koppel, bei der getreppte Springer das Koppeln der Register
ermöglichen. Das Koppeln erfolgt hierbei durch Einschieben des Untermanuals unter die getreppten
Springer. Beim Spielen auf dem Untermanual gehen jedoch die Tasten des Obermanuals nicht mit.
Synonym für Sächsische Springerkoppel
Steg : Oberbegriff für Resonanzbodensteg und Stimmstocksteg. Eine Leiste, über die der Saitenbezug
gespannt ist und die die schwingende Saitenlänge begrenzt.
Stimmstock : das Holzbrett, in das die Wirbel eingeschlagen oder eingedreht sind
Stossmechanik : Oberbegriff für frühe Englische Mechanik bei Tafelaklavieren und Hammerflügeln
Tastenumfang : Angabe des tiefsten und höchsten Ton auf der Klaviatur, bezogen auf das 8’-Register
Tempanonzug : Vorrichtung, bei der alle Einzeltondämpfer aufgehebt werden, so dass die Saiten
nachklingen
Vierfuss oder 4’ : Saitenbezug, der eine Oktave höher klingt als der 8’
Vorderer 8’ Register : der Bezug in 8’, der vom unteren Manual gespielt wird
Vorsatzbrett : hinter der Klaviatur stehendes, die Vorderseite des Instruments nach oben
abschliessbares Brett
Wirbel : drehbarer Stift, um den die Saite gewickelt ist, so dass durch Drehen des Wirbels im
Stimmstock die Saite gestimmt wird