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Gaïa
James
Lovelock
Ch.
5
-‐
Atmosphère
contemporaine
p.140
-‐
Méthane
Hutchinson
fut
le
premier
à
démontrer,
il
y
a
une
trentaine
d’année,
que
le
méthane
[CH4],
ou
gaz
des
marais,
était
un
produit
biologique.
Il
s’imaginait
qu’il
provenait
en
majeure
partie
des
pets
d’animaux.
La
contribution
des
ces
derniers
n’est
pas
négligeable
mais
nous
savons
maintenant
que
la
plus
grande
partie
des
ces
gaz
est
produite
par
fermentation
bactérienne
dans
les
boues
et
sédiments
anaérobies
[sans
oxygène]
des
lits
marins,
des
marais,
des
terres
détrempées,
et
des
estuaires
des
fleurs
où
se
produit
l’enfouissement
du
carbone.
La
quantité
de
méthane
produite
de
cette
manière
par
les
micro-‐organismes
est
étonnamment
importante
:
au
moins
1
milliard
de
tonnes
par
an.
(Le
gaz
«
naturel
»
utilisé
pour
les
besoins
domestiques
provient
d’ailleurs
;
c’est
un
gaz
fossile
–
l’équivalent
gazeux
du
charbon
ou
du
pétrole,
et
la
fourniture
est
minime
à
l’échelle
planétaire.
Dans
une
décennie
environ,
les
petits
réservoirs
de
gaz
«
naturel
»
seront
épuisés.)
Dans
le
cadre
d’une
biosphère
autorégulatrice
maintenant
activement
son
environnement
gazeux
à
un
équilibre
optimal
pour
la
vie,
il
apparaît
logique
de
se
demander
quelle
est
la
fonction
d’un
gaz
tel
que
le
méthane.
Cette
question
n’est
pas
plus
absurde
que
le
fait
de
s’interroger
sur
le
rôle
du
glucose
ou
de
l’insuline
dans
le
sang.
Dans
un
cadre
non
gaïen,
la
question
serait
condamnée
car
circulaire
et
dépourvue
de
sens,
et
sans
doute
est-‐ce
la
raison
pour
laquelle
nous
ne
nous
la
sommes
pas
posée
plus
tôt.
Quelle
est
donc
la
raison
d’être
du
méthane
et
quelle
relation
entretient-‐il
avec
l’oxygène
?
Une
fonction
évidente
est
le
maintien
de
l’intégrité
des
zones
anaérobiques
de
son
origine.
Le
méthane
bouillant
sans
cesse
ses
boues
fétides,
il
les
libère
de
substances
volatiles
nocives
telles
que
les
dérivés
méthyliques
de
l’arsenic
et
du
plomb,
ainsi
bien
entendu,
que
les
éléments
toxiques
du
point
de
vue
des
anaérobies
qu’est
l’oxygène
lui-‐même.
Lorsque
le
méthane
atteint
l’atmosphère,
il
semble
agir
comme
un
régulateur
à
deux
voies
de
l’oxygène,
capable
de
prélever
à
un
niveau
et
de
restituer
à
un
autre.
Une
partie
s’élève
jusqu’à
la
stratosphère
avant
de
s’oxyder
en
dioxyde
de
carbone
et
en
vapeur
d’eau
[CH4
+
2O2
à
CO2
+
2H2O]
demeurant
ainsi
la
source
principale
de
vapeur
d’eau
dans
l’air
supérieur.
L’eau
se
dissocie
en
définitive
en
oxygène
et
hydrogène
[2H2O
à
2H2
+
O2].
Le
premier
descend
et
le
second
s’échappe
dans
l’espace.
De
cette
manière
une
addition
faible
mais
peut-‐être
signifiante
d’oxygène
à
l’air
se
trouve
ainsi
assurée
à
long
terme.
Lorsque
les
plateaux
sont
équilibrés,
une
fuite
d’hydrogène
signifie
toujours
un
gain
net
d’oxygène.
En
revanche,
l’oxydation
du
méthane
dans
les
couches
inférieures
de
l’atmosphère
consume
des
quantités
substantielles
d’oxygène,
de
l’ordre
de
2000
mégatonnes
par
an.
Ce
processus
se
poursuit
de
manière
lente
et
continue
dans
l’air
que
nous
respirons
et
dans
lequel
nous
évoluons,
par
une
série
de
réaction
complexe
et
subtile
dévoilées
en
majeure
partie
par
le
travail
de
Michael
McElroy
et
de
ses
collègues.
Un
simple
calcul
arithmétique
révèle
qu’en
l’absence
de
production
de
méthane,
la
concentration
d’oxygène
s’élèverait
de
près
de
1
%
tous
les
douze
mille
ans
:
une
modification
des
plus
dangereuse
et
beaucoup
trop
rapide
à
l’échelle
du
temps
géologique.
La
théorie
de
Rubey
de
l’équilibre
d’oxygène,
telle
qu’élaborée
par
Holland
et
Brœcker
et
d’autres
scientifiques
éminents,
propose
que
l’abondance
de
l’oxygène
est
conservé
constante
par
un
équilibre
entre
un
gain
net
lorsque
le
carbone
est
enfoui
[donc
sous
forme
réduite
car
sans
oxygène]
et
une
perte
nette
due
à
une
réoxydation
[modification
chimique
liée
à
la
présence
d’oxygène]
de
matière
réduite
expulsée
de
sous
l’écorce
terrestre.
La
biosphère
est
cependant
un
moteur
trop
puissant
pour
tourner
uniquement
avec
ce
que
les
ingénieurs
nomment
un
système
de
contrôle
passif,
comme
si
dans
une
centrale
électrique
la
pression
du
générateur
était
déterminée
par
un
équilibre
entre
la
quantité
de
combustible
brûlé
et
la
quantité
de
vapeur
nécessaire
pour
faire
tourner
les
turbines.
Les
dimanches
de
canicules,
lorsque
la
quantité
de
courant
est
faible,
la
pression
s’élèverait
jusqu’à
ce
que
le
générateur
menace
d’exploser,
tandis
qu’aux
périodes
de
pointe,
la
pression
chuterait
et
la
demande
ne
pourrait
être
satisfaite.
C’est
la
raison
pour
laquelle
les
ingénieurs
recourent
à
des
systèmes
de
contrôle
actifs.
Ainsi
que
je
l’ai
expliqué
au
chapitre
4,
ceux-‐ci
possèdent
un
élément
sensoriel
tel
qu’une
jauge
de
pression
ou
un
thermomètre
qui
détecte
tout
écart
par
rapport
aux
nécessités
optimales
et
utilise
une
faible
quantité
de
la
fourniture
en
courant
du
système
pour
altérer
le
rythme
auquel
le
combustible
est
brûlé.
La
constance
de
la
concentration
d’oxygène
suggère
la
présence
d’un
système
de
contrôle
actif,
douté
sans
doute
d’un
moyen
de
percevoir
et
de
signaler
tout
écart
par
rapport
à
la
concentration
optimal
d’oxygène
dans
l’air
;
celui-‐ci
est
peut-‐être
lié
aux
processus
de
production
de
méthane
et
d’enfouissement
du
carbone.
Lorsque
la
matière
carbonée
a
atteint
les
zones
anaérobies
profondes,
elle
est
destinée
soit
à
produire
du
méthane
soit
à
être
enfouie.
À
l’heure
actuelle
on
utilise
près
de
vingt
fois
autant
de
carbone
pour
produire
mille
mégatonnes
de
méthane
par
an
qu’il
n’en
est
enfoui
sur
le
même
laps
de
temps.
En
conséquence,
tout
mécanisme
susceptible
de
modifier
cette
proportion
assurera
une
régulation
efficace
de
l’oxygène.
Il
se
peut
qu’un
signal
quelconque
concernant
la
production
de
méthane
soit
amplifié
lors
d’un
excès
d’oxygène
dans
l’air,
et
que
les
états
stables
pourraient
alors
être
promptement
restaurés
par
le
jaillissement
de
ce
gaz
régulateur
dans
l’atmosphère.
L’énergie
apparemment
gaspillée
au
cours
de
l’oxydation
du
méthane
apparaît
désormais
comme
la
condition
de
puissance
inévitable
d’un
régulateur
constant
actif,
à
cours
terme.
Il
est
fascinant
de
songer
que
sans
l’assistance
de
cette
microflore
anaérobie
vivant
dans
les
boues
pestilentielles
des
fonds
marins,
des
lacs
et
des
étangs,
il
serait
impossible
d’écrire
et
de
lire
un
livre.
Privée
du
méthane
qu’elle
produit,
la
concentration
d’oxygène
s’élèverait
inexorablement
jusqu’à
un
niveau
où
tout
incendie
serait
un
holocauste
et
où
toute
vie
terrestre,
hormis
celle
de
la
micro-‐flore
des
lieux
humides,
serait
impossible.