Jeudi 26 février 2015 ­ 71e année ­ No 21807 ­ 2,20 € ­ France métropolitaine ­ www.lemonde.

fr ― Fondateur : Hubert Beuve­Méry

MÉDECINE
Islam : Cazeneuve demande SUCCÈS D’UN
TRAITEMENT

aux musulmans de s’organiser PRÉVENTIF

CONTRE LE SIDA
→ LIR E PAGE 7
▶ Le ministre de l’intérieur ▶ La formation des imams ▶ La démarche conduit ▶ « La laïcité n’est pas une
souhaite créer une ins­ et des aumôniers à l’uni­ à une dilution du rôle du arme contre les musul­ OLÉODUC
tance de dialogue avec versité sera développée. Conseil français du culte mans », assure le ministre,
toutes les composantes Des financements seront musulman. Créé par qui dénonce une instru­ BARACK OBAMA
de l’islam, qui se réunirait débloqués pour assurer Nicolas Sarkozy en 2003, mentalisation par le FN MET SON VETO
deux fois pas an la sécurité des mosquées il n’a jamais convaincu FRANCE → LIR E PAGE S 8 - 9
AU PROJET
KEYSTONE
→ LIR E PAGE 7

En Grèce, Tsipras suscite l’espoir des migrants

ISLAM DE
FRANCE : UNE
REFONDATION
SALUTAIRE
→ LI R E P A G E 22

ÉDITION
UMBERTO ECO
CONTRE L’APPÉTIT
DE BERLUSCONI
→ DÉ B ATS PAGE 1 4

▶ Porte d’entrée des clandestins

en Europe, la Grèce veut CENTRE POMPIDOU
assouplir sa politique migratoire RÉTROSPECTIVE
▶ Une libéralisation qui alarme Le 21 février, dans le centre
de rétention d’Amygdaleza,
DU PEINTRE
les pays du nord de l’Europe au nord d’Athènes. D’ORIGINE HAÏTIENNE
HERVÉ TÉLÉMAQUE
MAX GYSELINCK POUR « LE MONDE »
INTERNATIONAL → LIR E PAGE 2

→ LIR E PAGE 1 7

SYRIE beyrouth- correspondant « On a vu Bachar Al-Assad ce matin. Plus d’une heure.

C’était très direct. Je vais faire passer les messages là où PARIS 15ee
PARIS
DES ÉLUS FRANÇAIS
ONT RENCONTRÉ C’ est une brèche dans la muraille dressée par
les autorités françaises entre elles et Damas.
il faut, comme il le faut », affirme le député (UMP, Yve­
lines) Jacques Myard, membre de la délégation, joint
F
TÉ RA
OFFRE
QUALI

NÇ

Mardi 24 février, pour la première fois de­ par Le Monde. Selon les informations du Monde, les
AISE

ASSAD À DAMAS puis que le régime Assad a été décrété infréquentable

en 2012, une délégation parlementaire française s’est
rendue en catimini dans la capitale syrienne. Elle y a
par benjamin barthe, rencontré le président Bachar Al­Assad, grand ordon­
avec hélène bekmezian nateur de la répression qui a fait des dizaines de mil­
et yves-michel riols liers de morts depuis 2011, au grand dam du Quai d’Or­
élus français, au nombre de quatre, emmenés par Gé­
rard Bapt, député PS de Haute­Garonne et président EXCEPTIONNELLE
du groupe d’amitié France­Syrie à l’Assemblée natio­ La signature d’un Du 15/02 au 15/03
nale, se sont aussi entretenus avec le président de l’As­ grand fabricant français
semblée du peuple, Mohamed Jiham Laham, et avec le JEAN ROCHE
mufti de la République, Ahmed Badreddin Hassoun. RIO CUIR 3 PLACES
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say, qui s’est nettement dissocié de cette initiative. → LIR E L A S U IT E PAGE 5

au lieu de 2900€
LE REGARD DE PLANTU Quel délai
accorder à Paris
pour assainir
son budget ?
UNION EUROPÉENNE

Avant ou après la présidentielle

de 2017 ? La Commission de
Bruxelles débat de l’ampleur du
délai à accorder à la France pour Fabrication française de qualité, ligne épurée, assise
que ses déficits repassent sous la généreuse, faible profondeur, matériaux traditionnels,
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Algérie 180 DA, Allemagne 2,50 €, Andorre 2,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 2,20 €, Cameroun 1 900 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d'Ivoire 1 900 F CFA, Danemark 30 KRD, Espagne 2,50 €, Finlande 4 €, Gabon 1 900 F CFA, Grande-Bretagne 1,90 £, Grèce 2,50 €, Guadeloupe-Martinique 2,40 €, Guyane 2,80 €, Hongrie 950 HUF,
Irlande 2,50 €, Italie 2,50 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,20 €, Malte 2,50 €, Maroc 13 DH, Pays-Bas 2,50 €, Portugal cont. 2,50 €, La Réunion 2,40 €, Sénégal 1 900 F CFA, Slovénie 2,50 €, Saint-Martin 2,80 €, Suisse 3,50 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,50 DT, Turquie 9 TL, Afrique CFA autres 1 900 F CFA
2 | international
Le 21 février,
dans le centre
de rétention
d’Amygdaleza,
au nord
d’Athènes.
MAX GYSELINCK
POUR « LE MONDE »
En Grèce, Tsipras fait rêver les migrants
adéa guillot
athènes - correspondance
A
mygdaleza. Un nom connu
de tous les migrants en
Grèce. Celui d’un camp de ré-
tention situé à 25 kilomètres
au nord d’Athènes où s’entas-
sent, dans des dizaines de
conteneurs sommaires, 1 080 Syriens,
Afghans et Africains dans des conditions sa-
nitaires déplorables, dénoncées depuis des
années par les associations humanitaires. En
Grèce, depuis 2012, la rétention peut durer
jusqu’à dix-huit mois.
Samedi 21 février, quelques centaines de
militants antiracistes ont forcé l’entrée de
cette enceinte policière. Une première. Après
avoir dépassé au pas de charge les bâtiments
étrangement désertés de l’école de police at-
tenante au camp, un immense cri de joie les a
accueillis lorsqu’ils ont atteint les grilles bar-
belées entourant les conteneurs.
L’instant n’a duré que quelques minutes.
Au rythme des slogans, « solidarité avec les
migrants », « liberté pour tous maintenant »,
un moment d’humanité, mélange de bras
tendus, de larges sourires et d’éclats de rire,
relie manifestants et « prisonniers ». Diffi-
cile de les désigner autrement au vu de l’im-
portant dispositif de sécurité – fils barbelés,
chiens de garde, policiers en grand appareil –
qui les maintient à distance.
4 500 MIGRANTS DANS LES CAMPS
L’état de grâce prend fin brutalement lors-
qu’un bataillon de forces antiémeutes re-
foule les manifestants. « Une grosse décep-
tion alors que nous étions entrés si facilement,
se désole Louisa, une jeune étudiante, les
yeux encore rougis de gaz lacrymogène.
J’imagine que la nouvelle ministre de l’immi-
gration [Tassia Christodoulopoulou] avait
donné l’ordre de nous laisser passer, mais que
les policiers ont ensuite eu envie de montrer
qui étaient encore les boss ici malgré le chan-
gement de gouvernement. »
L’arrivée du parti de la gauche radicale Sy-
riza au pouvoir suscite beaucoup d’espoir
dans le petit monde des associations de sou-
tien aux migrants. « C’est la première fois que
nous avons un gouvernement de gauche et
nous attendons de Syriza qu’il s’engage sur
cette question et améliore la vie des migrants
L’ I M M I G R AT I O N E N E U R O P E
Porte d’entrée des clandestins en Europe, la Grèce,
avec l’arrivée au pouvoir du parti de la gauche
radicale Syriza, veut assouplir sa politique migratoire.
De quoi alarmer les pays du nord de l’Europe
sur notre sol », explique Nikos Vouchiounis,
militant antiraciste.
Les vice-ministres Yannis Panoussis et Tas-
sia Christodoulopoulou, chargés respective-
ment de l’intérieur et de la politique migra-
toire, ont annoncé, le 17 février, la fermeture
symbolique du camp d’Amygdaleza à très
court terme. Mais aussi la clôture ou la trans-
formation en centre ouvert des trois autres
lieux de rétention du pays situés à Corinthe,
Xanthi et Drama. Il n’existe pas de chiffres of-
ficiels, mais Syriza estime à 4 500 le nombre
de personnes, hommes, femmes et enfants,
qui y sont détenus.
Dans les bureaux un peu décatis du minis-
tère de l’intérieur, Tassia Christodoulopou-
lou rencontrait la semaine dernière une cin- « JE VEUX
quantaine de représentants des communau-
tés – albanaise, afghane, syrienne, nigé-
SUBSTITUER
rienne, palestinienne – de migrants en À LA RÉTENTION
Grèce. « C’est la première fois qu’un ministre
nous reçoit », raconte Reza Golami, de D’AUTRES FORMES
l’Union des Afghans de Grèce. « Je vais lui de-
mander de s’engager fermement sur la ferme-
DE CONTRÔLE
ture des camps, mais aussi d’améliorer la si- PRÉVUES PAR LA LOI.
tuation des demandeurs d’asile et de loger
toutes les familles qui dorment encore dans la MA PHILOSOPHIE
rue en plein hiver faute de structures d’accueil
adéquates », ajoute avec détermination le DE L’ACCUEIL, C’EST
jeune homme. LE CENTRE OUVERT »
En fait, ce sera un interminable et très pré-
cis cahier de doléances que recevra TASSIA
Mme Christodoulopoulou. Difficultés d’ac- CHRISTODOULOPOULOU
cueil, incohérences administratives, natu- ministre de l’immigration
ralisation, harcèlement policier… En trois
longues heures de réunion se dessine en
creux le portrait d’une Grèce dépassée par
le fait migratoire, parfois violente, souvent
raciste.
La Grèce est devenue l’une des principales
portes d’entrée de clandestins en Europe.
Bien souvent, des candidats au statut de ré-
fugiés politiques, en provenance de zones de
guerre. Selon les chiffres de la police natio-
nale grecque, 77 163 migrants ont été arrêtés
aux frontières en 2014. Un chiffre important
mais en baisse depuis 2010, où 132 524 clan-
destins avaient alors été appréhendés par la
police.
« Ma responsabilité est très lourde face à
tant d’espoirs », confie la ministre à l’issue du
rassemblement. « Les centres existants sont
une honte pour la civilisation européenne,
s’indigne cette militante historique des
droits de l’homme en Grèce. Mon idée est de
libérer au fur et à mesure les migrants une fois
leur identité relevée. »
Selon des sources policières, 20 migrants
auraient ainsi été relâchés vendredi 19 fé-
vrier, et 30 mardi 24 février. « Je veux substi-
tuer à la rétention d’autres formes de contrôle
prévues par la loi comme un pointage régulier
au commissariat ou la déclaration d’une
adresse permanente. Ma philosophie de l’ac-
cueil, c’est le centre ouvert. »
De quoi alarmer les pays du nord de l’Eu-
rope qui ont complaisamment fermé les
yeux sur les manquements aux droits de
l’homme de la Grèce – condamnée à plu-
sieurs reprises ces dernières années par la
Cour européenne des droits de l’homme
pour « traitement inhumain et dégradant »
de migrants – tant qu’elle remplissait son rôle
de gardienne aux frontières.
« Une amélioration des conditions d’accueil
en Grèce pourrait créer un appel d’air et aug-
menter les arrivées, redoute sans complexes,
mais sous couvert d’anonymat, un haut res-
ponsable de Frontex, l’agence européenne de
surveillance aux frontières extérieures. Sur-
tout si le nouveau gouvernement ne répare
pas le mur le long de l’Evros, endommagé ré-
cemment par des inondations. »
En décembre 2012, le gouvernement con-
servateur d’Antonis Samaras a en effet inau-
guré en grande pompe une clôture de béton
armé et de fil barbelé, d’une dizaine de kilo-
mètres, située au niveau de la frontière
gréco-turque, séparée naturellement par le
grand fleuve Evros. Les fortes pluies de ces
0123
JEUDI 26 FÉVRIER 2015
derniers mois ont grossi le fleuve et endom-
magé la barrière. « Réparer ce mur n’est pas
une priorité pour nous », répond Tassia Chris-
todoulopoulou.
L’autre grand engagement de la ministre
est l’octroi de la naturalisation aux enfants de
deuxième génération. « Un véritable fait de
société en Grèce, qui concerne 150 000 enfants
et notamment de nombreuses familles alba-
naises arrivées en Grèce dans les années
1990 », explique Eda Gemi, coordinatrice de
l’unité sur les migrations au sein de l’institut
de recherche Eliamep.
« ÉTRANGÈRE PARTOUT »
En 2012, le Conseil d’Etat a jugé anticonstitu-
tionnelle la loi Ragoussis de 2010 – du nom
du ministre qui l’avait fait adopter – qui per-
mettait aux personnes nées en Grèce et fré-
quentant une école grecque depuis au moins
six ans de demander la citoyenneté grecque.
L’unique tentative à ce jour de régularisation
des enfants nés sur le sol grec de parents
étrangers. « Nous allons prendre le temps de
rédiger un projet de loi incontestable car je
veux régler cette situation une fois pour tou-
tes et qu’aucun prochain gouvernement ne
puisse revenir dessus », insiste Mme Christo-
doulopoulou.
Eddie Dourmissi, 45 ans, est arrivé d’Albanie
il y a vingt-trois ans. Il possède un titre de sé-
jour illimité et sa femme un titre pour dix
ans. Mais leur fille de 10 ans, née en Grèce, ne
possède, elle, aucun papier. « Si ma fille obte-
nait la naturalisation, les tracas administra-
tifs disparaîtraient enfin. On exige des papiers
albanais pour prouver qu’elle est albanaise,
mais comme elle n’est pas née en Albanie, elle
n’a pas de certificat de naissance là-bas et elle
ne possède pas de papiers ici non plus. Elle est
étrangère partout », explique M. Dourmissi.
Le gouvernement Syriza espère bien impri-
mer sa vision de gauche sur la politique mi-
gratoire du pays. Mais encore faudra-t-il com-
poser avec son partenaire de coalition – le
parti de droite nationaliste des Grecs indé-
pendants –, très chatouilleux sur la notion
d’identité grecque et réfractaire à tout assou-
plissement sur les questions d’immigration.
Samedi 21 février, dans le camp d’Amygda-
leza, c’est en tout cas d’une seule voix que
des centaines d’hommes scandaient, pleins
d’espoir derrière leurs barbelés : « Tsipras !
Tsipras ! ». p
0123
JEUDI 26 FÉVRIER 2015 international | 3

Samedi 21 février, des militants ont forcé l’entrée

du camp pour demander la fermeture des centres de
rétention, conformément aux promesses du nouveau
gouvernement grec. MAX GYSELINCK POUR « LE MONDE »

Amnesty déplore le sort

des réfugiés syriens
L’ONG regrette le peu d’efforts engagés par
l’Union européenne, en particulier la France

L’ année 2014 a été « terri-

ble ». C’est en ces termes
que Salil Shetty, le secré-
taire général d’Amnesty Interna-
tional, ouvre le rapport 2014 que
l’ONG a rendu public mercredi
25 février. Pour la première fois
depuis la seconde guerre mon-
diale, le monde compte plus de
50 millions de personnes dépla-
cées. Or, quel que soit le continent
ou le pays, « les dirigeants politi-
ques se sont montrés incapables de
protéger les personnes qui en ont le
plus besoin », épingle le rapport.
Parmi ces réfugiés, quelque
4 millions de Syriens ont été chas-
sés de leur pays par une guerre qui
a fait plus de 200 000 morts.
Seuls 150 000 d’entre eux ont pu
s’installer dans l’Union euro-
péenne (UE). « Soit approximati-
vement le nombre de personnes
arrivées en Turquie en une se-
maine lorsque l’Etat islamique (EI)
a assiégé Kobané », précise le rap-
port. Aujourd’hui, les pays voisins
ont accueilli 95 % des exilés. Par-
fois dans une précarité extrême.
« Situation paradoxale »
Alors que le Haut-Commissariat
des Nations unies pour les réfu-
giés (HCR) avait établi une liste de
380 000 personnes fragiles, qu’il
était urgent d’accueillir, l’UE ne
s’est engagée que pour 36 300.
« Sur deux ans, l’Allemagne a ac-
cepté d’en recevoir 20 000. Nous en
avons pris 500 en 2014 et autant
en 2015 », déplore Jean-François
Dubost, responsable du pro-
gramme « Personnes déracinées »
à Amnesty International France.
En paroles, la France est un pays
ouvert aux réfugiés. Dans les actes,
l’accueil s’y fait pourtant au comp-
te-gouttes, selon le rapport. « La si-
tuation est paradoxale. D’un côté,
les responsables politiques tiennent
des discours d’accueil ; de l’autre,
rien n’est facilité », souligne M. Du-
bost. « La politique restrictive des
visas limite le nombre de Syriens
qui peuvent déposer une demande
d’asile, puisqu’il faut être en France
pour le faire. Notre rapport relève
aussi que le 27 mars 2014, cinq d’en-
tre eux ont été interpellés par la po-
lice à leur arrivée gare de Lyon et
priés de quitter le territoire, alors
qu’ils voulaient déposer une de-
mande d’asile », regrette-t-il. Ce qui
explique que seuls 2 071 Syriens
aient obtenu le statut de réfugié en
France en 2014 – parallèlement
aux 500 sélectionnés par le HCR.
Impartialité et exhaustivité
En France, les étrangers et les
Roms sont les premières victimes
des manquements aux droits de
l’homme que relève Amnesty In-
ternational. Le rapport s’inquiète
notamment des violences poli-
cières, et plus encore de la suite
qui leur sont données. « L’impar-
tialité et l’exhaustivité des enquê-
tes menées par les autorités judi-
ciaires sur ces allégations restent
source de préoccupation », estime
l’organisation.
L’ONG se pose des questions sur
plusieurs cas précis et notam-
ment celui d’Ali Ziri, un Algérien
mort en garde à vue en 2009. Une
ordonnance de non-lieu a été ren-
due dans l’enquête sur son décès.
L’ONG s’interroge aussi « sur l’im-
partialité et l’exhaustivité de l’en-
quête » menée après la mort de
Rémi Fraisse dans la nuit du 25 au
26 octobre 2014, lors d’une mani-
festation contre le barrage de Si-
vens (Tarn).
A propos de la liberté d’expres-
sion, l’organisation s’interroge
sur l’opportunité d’avoir interdit
les manifestations de soutien aux
Palestiniens des 19 et
26 juillet 2014. Elle rappelle aussi,
tout en notant l’avancée du ma-
riage pour tous, que des discrimi-
nations sont toujours subies par
les transgenres. p
maryline baumard

LES CHIFFRES L’HISTOIRE DU JOUR

77 163
Migrants
arrêtés par la police
aux frontières grecques
en 2014. Un chiffre en
baisse depuis 2010, où
132 524 clandestins
avaient alors été appré-
hendés par la police.
9 432
Demandes d’asile
déposées en 2014
en Grèce.
37 482
Dossiers
de demandes d’asile
en attente en Grèce.
4 500
Migrants détenus
Syriza estime à 4 500
le nombre de personnes
(hommes, femmes et en-
fants) détenues dans les
camps de rétention dans
le pays.
(Sources : Agence des Na-
tions unies pour les réfu-
giés et la police nationale
grecque)
Un opéra de Mozart accueille
des exilés syriens à Berlin
I l y a quatre ans, ils étaient chez eux, en Sy­
rie. Il y a un an, ils étaient réfugiés dans un
camp au Liban. Entre­temps, nombre
d’entre eux avaient été emprisonnés. Depuis
neuf mois, ils sont en Allemagne. Et, samedi
début de l’opéra, imitant la vie dans un camp
de réfugiés. Le moment le plus poignant est
sans conteste l’apparition du chœur lorsque
Guglielmo (Florian Götz) et Ferrando (Yong-
keun Kim) quittent leurs fiancées, Fiordiligi
MATELAS - SOMMIERS
21 février, ils ont reçu une standing ovation (Anne Wieben) et Dorabella (Cornelia Lanz)
ixes ou relevables - toutes dimensions
TRECA - TEMPUR - DUNLOPILLO - EPEDA - SIMMONS - STEINER - BULTEX...
sur la scène du Radialsystem, l’un des lieux
culturels les plus branchés de Berlin, pour leur
sous les yeux de l’intrigant Don Alfonso
(Franz Xaver Schlecht).
participation à un Cosi fan tutte hors norme. Une quarantaine de réfugiés entrent alors
L’histoire commence au printemps 2014. sur scène et entonnent Janna (Paradis), un
Cornelia Lanz, une jeune mezzo-soprano de chant composé par Ibrahim
Stuttgart, rêve de monter Cosi fan tutte, cet Khashush, assassiné
PARMI LES 73 RÉ-
opéra de Mozart dans lequel deux jeunes sol-
dats testent la fidélité de leurs fiancées. Un
en 2011, et qui est devenu un
véritable hymne à la liberté FUGIÉS SYRIENS,
ami, le metteur en scène Bernd Schmitt, est et à la paix. A la fin de la re-
partant, mais quelle jeune fille occidentale présentation, les réfugiés CERTAINS
aujourd’hui se mettrait en colère parce qu’un apparaissent à nouveau, vê-
étranger lui réclame un baiser ? Naît alors tus d’un tee-shirt blanc sur
CHANTENT, CANAPES - SALONS - RELAX
l’idée de transposer l’œuvre de Mozart dans lequel figure le nom de leur D’AUTRES FONT CONVERTIBLES - CLIC-CLAC
un camp de réfugiés. Une idée qui ne pouvait ville : Damas, Alep, Daraa,
que plaire à Alfred Tönnis, le prêtre qui gère le Homs, Lattaquié… LES DÉCORS ouverture manuelle ou électrique pour couchage quotidien
centre de réfugiés d’Oggelsbeuren, connu Financé par des dons et DIVA - STYLE HOUSE - NICOLETTI - BUROV - HOME SPIRIT - SITBEST...
dans toute l’Allemagne pour ses initiatives en par des fondations politiques allemandes, ce
faveur de l’intégration. spectacle qui commence à tourner en Allema-
A partir du 1er août 2014, l’équipe s’installe à gne permet aussi aux réfugiés de découvrir ce
demeure dans le centre et vit avec les 73 réfu- pays, qui devient peu à peu le leur. Au-delà de
giés syriens, hommes, femmes, enfants, dé- son intérêt propre, il est révélateur de multi-
barqués deux mois et demi plus tôt. Certains ples initiatives locales prises ces derniers
chantent, d’autres font les décors, les femmes temps en Allemagne pour favoriser l’intégra- 50 av. d’Italie 247 rue de Belleville 148 av. Malakof 262 bd du Havre
cuisinent et cousent. tion des réfugiés. Un courant paradoxalement 75013 PARIS 75019 PARIS 75016 PARIS 95 PIERRELAYE
Les six personnages de Cosi fan tutte sont in- relancé en réaction à la montée de Pegida, ce
terprétés par des professionnels et l’orchestre
est dirigé par Garrett Keast. Samedi, un jeune
réfugié a lu l’un de ses textes en introduction
mouvement anti-islam des Patriotes euro-
péens contre l’islamisation de l’Occident. p
frédéric lemaître
01 42 08 71 00 7j/7
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et des femmes et des enfants sont apparus au (berlin, correspondant)
4 | international
Un nouveau scandale entache les élus britanniques
A trois mois des législatives, la réputation des députés est au plus bas après la révélation d’activités de lobbyisme
londres - correspondance
M
alcolm Rifkind sera
finalement tombé
dans l’un des pièges
le plus souvent ten-
dus par les journalistes britanni-
ques. Le député conservateur, an-
cien ministre des affaires étrangè-
res sous John Major, s’est fait sur-
prendre par une équipe de
reporters se faisant passer pour les
représentants d’une entreprise
chinoise fictive. Ceux-ci, tra-
vaillant pour Channel 4 et le Daily
Telegraph, lui proposaient de join-
dre leur conseil d’administration
et de faire du lobbying auprès des
autorités britanniques.
Filmé à son insu, M. Rifkind se
montrait très intéressé, promet-
tait d’apporter un « accès utile » à
tous les ambassadeurs. Il laissait
entendre qu’il était aussi prêt à
écrire à des ministres pour pous-
ser les intérêts de l’entreprise, mais
sans la nommer. A titre indicatif, il
annonce son prix : « 5 000 à 8 000
livres » (6 800 à 11 000 euros) pour
une demi-journée de travail.
Si le député n’a enfreint aucune
loi ni aucune règle parlementaire,
la tempête politique qui s’est en-
suivie l’a conduit à jeter l’éponge,
mardi 24 février. A trois mois des
élections législatives, il renonce à
se représenter à la Chambre des
communes. Il a aussi démissionné
LE CHIFFRE
10 MILLIONS D’EUROS
C’est la somme que les
députés britanniques ont
gagnée en 2014 en plus
de leur salaire de base
Au total, 251 sur 650 ont déclaré
dans le registre des intérêts finan-
ciers des revenus complémentai-
res. Parmi eux, une trentaine
double son salaire, voire plus.
L’ex-premier ministre Gordon
Brown est celui qui a gagné le
plus (1,3 million d’euros), suivi de
Geoffrey Cox (1,1 million d’euros),
un député conservateur peu
connu, qui continue son travail
d’avocat, effectuant 1 130 heures
de services légaux en 2014.
Une Française enlevée au Yémen
La piste d’Al-Qaida n’est pas écartée, alors que le pays s’enfonce dans une crise politique majeure
E lle circulait à bord d’un taxi
dans la capitale d’un Yé-
men en plein chaos : Isa-
belle Prime, une ressortissante
française, a été enlevée, mardi
24 février, dans le centre de Sanaa.
Cette experte des questions de
développement travaillait
comme consultante pour Ayala
Consulting Corporation, la bran-
che américaine d’un groupe spé-
cialisé dans la protection sociale,
dont le siège se situe en Equateur.
Au Yémen depuis mars 2013, elle y
était la responsable d’un projet
pour le Fonds social yéménite,
une institution gouvernemen-
tale. « Nous demandons que sa li-
bération intervienne dans les
meilleurs délais, nous cherchons à
la localiser », a affirmé mardi
François Hollande.
Dans l’attente d’une revendica-
tion de l’enlèvement de la ressor-
tissante française et de son inter-
prète yéménite, la piste d’AQPA ne
peut être écartée. Après avoir re-
vendiqué l’attentat contre Charlie
Hebdo, en janvier, la franchise yé-
ménite du groupe terroriste a réi-
téré ses menaces contre la France.
La jeune femme de 30 ans a été
enlevée alors qu’elle se rendait à
son travail avec son interprète yé-
Le député britannique Malcolm Rifkind, à la sortie de Westminster, le 24 février. KIRSTY WIGGLESWORTH/AP
de la présidence du comité parle-
mentaire sur la sécurité et le con-
tre-espionnage, dont il reste ce-
pendant membre. Un organe in-
fluent qui donne accès à des docu-
ments confidentiels des services
de sécurité.
Image catastrophique
Le dernier scandale, surnommé
« cash for access » par les médias
britanniques, a également écla-
boussé Jack Straw, un autre an-
cien ministre des affaires étrangè-
res des années Blair. Lui aussi est
filmé offrant ses services pour
5 000 livres (6 800 euros) par
jour. M. Straw avait déjà annoncé
qu’il ne se représenterait pas à la
députation, et il a précisé aux
faux entrepreneurs chinois qu’il
ne commencerait son travail
pour eux qu’après avoir quitté la
Chambre des communes. Il envi-
sageait cependant d’être nommé
à la Chambre des lords, et de tra-
vailler pour eux à ce moment-là.
Cette nouvelle affaire est venue
renforcer la catastrophique image
des parlementaires au Royaume-
Uni. « S’il est une chose que les Bri-
ménite. Il était 8 h30 heure locale
(6 h 30 heure de Paris) lorsque le
taxi dans lequel circulait la Fran-
çaise aurait été intercepté par des
assaillants alors qu’il s’engageait
sur la route 45, une voie très fré-
quentée de la capitale. D’abord
otage des ravisseurs, le chauffeur
de taxi, dont les yeux avaient été
bandés, sera plus tard libéré en
périphérie de la ville.
Sans président ni Parlement
Cet enlèvement illustre la très
forte détérioration de la situation
sécuritaire depuis plusieurs se-
maines. Le coup d’Etat fomenté
par les miliciens houthistes,
d’obédience zaydite, une branche
du chiisme, a déjà forcé le prési-
dent de la République à fuir la ca-
pitale pour trouver refuge à
Aden, dans le sud. Désormais,
alors que des discussions entre
partis politiques et miliciens
pour une sortie de crise se pour-
suivent tant bien que mal, le pays
est livré à l’arbitraire des clans et
des groupes armés.
C’est dans ce contexte que les
Etats-Unis et les pays européens
ont décidé de fermer leurs am-
bassades, d’évacuer leur person-
nel et de mettre en garde leurs
tanniques n’aiment pas, en plus du
manque de soleil, ce sont les politi-
ciens qui apparaissent avides d’ar-
gent et rejettent toute erreur. Ça
leur reste en travers de la gorge »,
note Ben Lazarus, chroniqueur
politique au Daily Telegraph.
Politiquement, ces révélations
nourrissent la méfiance envers les
grands partis établis. Aujourd’hui,
seuls 10 % des Britanniques pen-
sent que les députés travaillent
pour l’intérêt supérieur du pays,
contre 36 % qui avaient cette opi-
nion en 1944. Cela se traduit par
une hausse constante de l’absten-
tion : la participation aux élec-
tions européennes de 2014 ne
s’élevait qu’à 34 %.
Par ailleurs, les petits partis pro-
testataires progressent. En 1955,
96 % des Britanniques votaient
soit pour le Labour, soit pour les
tories. Aujourd’hui, ces deux for-
mations politiques n’attirent pas
plus de 65 % des voix. Le reste se
divise entre les anti-européens
du UKIP à droite, le parti Vert à
gauche, les libéraux-démocrates
au centre et les nationalistes
écossais.
ressortissants. « Compte tenu de
la dégradation des conditions sé-
curitaires, nous renouvelons avec
insistance la recommandation
faite il y a déjà deux semaines à
tous nos compatriotes de quitter
au plus vite le pays », a répété
mardi le Quai d’Orsay.
Mais, alors que le Yémen est
déjà englué dans une crise politi-
que et institutionnelle majeure,
ce sont maintenant les rivalités
confessionnelles qui menacent.
Partisans d’Al-Qaida contre mili-
ciens zaydites, sunnites contre
chiites. Sans président, premier
ministre ni Parlement, le Yémen
navigue désormais à vue. Le pays
a basculé dans le chaos en début
d’année et se trouve « au bord du
précipice », selon les termes du
secrétaire général des Nations
unies, Ban Ki-moon.
Le 6 décembre 2014, deux otages
occidentaux, un Américain et un
Sud-Africain, avaient été exécutés
par Al-Qaida dans la péninsule
Arabique (AQPA) alors que les for-
ces spéciales américaines et yé-
ménites tentaient une opération
de sauvetage dans la province
orientale de Shabwa. C’était la pre-
mière fois depuis 1998 que des
otages étrangers perdaient la vie.
« Affirmer que
ces abus étaient
autorisés prouve
à quel point
Westminster
est (…) coupé
des réalités »
TAMASIN CAVE
de l’association SpinWatch
Le problème des députés, qui
n’étaient déjà guère populaires, re-
monte à 2009. Le Daily Telegraph,
déjà, avait sorti un scoop retentis-
sant, en dévoilant les notes de
frais de tous les députés. L’impres-
sion qui s’en dégageait était un
abus général, le système de rem-
boursement de frais étant dévoyé
pour compléter leur salaire. Le
quotidien avait révélé que des élus
s’étaient fait rembourser le net-
toyage de douves dans leur rési-
dence, l’installation de décora-
tions sur un étang privé ou la répa-
ration d’un héliport. Si une poi-
Car les enlèvements, très fré-
quents et qui touchent en priorité
des Yéménites, ont le plus souvent
un motif crapuleux. Les geôliers
essaient ainsi de faire pression sur
les autorités pour régler un litige
ou obtenir une compensation fi-
nancière. Mais, ces dernières an-
nées, certains membres de tribus
n’ont pas hésité à monnayer leurs
otages auprès d’AQPA, nourrissant
la polémique sur le versement de
rançons par des Etats tiers.
Morcellement
Alors que les autorités yéménites,
en pareille situation, font souvent
appel à des négociateurs tribaux,
familiers du terrain et des clans, el-
les redoutent surtout que les ravis-
seurs ne déplacent leurs otages
dans des zones reculées difficiles
d’accès. Ce scénario est d’autant
plus craint aujourd’hui que l’effon-
drement de l’Etat yéménite a pro-
voqué le morcellement du pays. Si
le pouvoir des miliciens houthis-
tes s’exerce sur la capitale et plu-
sieurs provinces septentrionales,
les autres régions ont ouverte-
ment dénoncé leur coup d’Etat et
récusent leur autorité. p
françois-xavier trégan
gnée d’entre eux a fini en prison,
l’immense majorité n’avait pas
enfreint les règles. « Mais affirmer
que ces abus étaient autorisés
prouve à quel point Westminster
est dans une bulle coupée des réali-
tés, accuse Tamasin Cave, de l’as-
sociation SpinWatch, qui milite
pour plus de transparence dans la
vie politique. C’est pareil avec Mal-
colm Rifkind et Jack Straw : les en-
tendre dire qu’ils ont respecté les rè-
gles fait enrager le grand public. »
Depuis 2009, le remboursement
des frais des députés est pourtant
beaucoup plus étroitement enca-
dré. Mais le débat s’est désormais
reporté sur leurs activités rému-
nérées en plus de leur salaire de
parlementaire – déjà de l’ordre de
67 000 livres annuels par élu.
« Définition pas claire »
En 2010, un documentaire de
Channel 4 avait déjà filmé plu-
sieurs députés et lords prêts à of-
frir leurs services.
Officiellement, ceux-ci ont
l’autorisation de travailler hors
de leur mandat. En revanche, ils
n’ont pas le droit de faire du lob-
U K RAI N E
La question de nouvelles
sanctions contre Moscou
reposée en cas d’offensive
contre Marioupol
La question de nouvelles sanc-
tions contre la Russie « serait
reposée au niveau européen »
en cas d’attaque des séparatis-
tes prorusses contre le port
ukrainien de Marioupol,
a averti, mercredi 25 février,
le chef de la diplomatie fran-
çaise, Laurent Fabius, au micro
de France Info au lendemain
d’une réunion à Paris des mi-
nistres des affaires étrangères
russe, ukrainien, allemand
et français. Ils ont appelé
à l’application des accords de
Minsk du 12 février, prévoyant
notamment un cessez-le-feu
et un retrait des armes lour-
des dans l’est de l’Ukraine. « Le
point positif de cette réunion,
c’est qu’on a décidé d’augmen-
ter les moyens de l’OSCE
[qui mène une mission de
surveillance sur le terrain] »,
a estimé M. Fabius. – (AFP.)
Sur Lemonde. fr, lire le compte
rendu de la réunion de Paris
sur l’Ukraine.
S OMALI E
Première nomination
d’un ambassadeur des
Etats-Unis depuis 1991
Le président Barack Obama a
désigné Katherine S. Dhanani
ambassadrice des Etats-Unis
en Somalie, une première de-
0123
JEUDI 26 FÉVRIER 2015
bying : le code de conduite parle-
mentaire leur interdit d’être des
« avocats payés » par des entre-
prises ou toute autre organisa-
tion. « Le problème est que la défi-
nition de lobbying n’est pas claire.
Ce que Malcolm Rifkind se propo-
sait de faire pour l’entreprise chi-
noise y ressemble grandement »,
s’agace Mme Cave.
Pour garantir une certaine trans-
parence, les parlementaires doi-
vent déclarer l’ensemble de leurs
revenus et en détailler la prove-
nance. M. Rifkind, qui a gagné
94 000 euros en 2014 en plus de
son salaire, a notamment travaillé
pour Unilever. M. Straw, dont les
bonus ont atteint 150 000 euros
en 2014, collabore de son côté avec
ED & F Man, un courtier en matiè-
res premières agricoles, et multi-
plie les discours, pour un prix pou-
vant atteindre 13 000 euros.
Quant à l’ancien premier minis-
tre travailliste Gordon Brown, qui
est toujours député, il a gagné
1,3 million d’euros en 2014 hors de
la Chambre des communes, où il
ne met quasiment plus les pieds. p
éric albert
puis 1991, a annoncé, mardi
24 février, le département
d’Etat. Toutefois, Mme Dha-
nani pilotera la représenta-
tion des Etats-Unis en Soma-
lie depuis l’ambassade
américaine de Nairobi au Ke-
nya. Le département d’Etat a
précisé qu’une ambassade se-
rait ouverte à Mogadiscio dès
que « les conditions de sécu-
rité le permettront ». Cette no-
mination doit maintenant
être confirmée par le Sénat
américain. – (AFP.)
VEN EZU EL A
Un manifestant tué
par un policier
Un lycéen de 14 ans a été tué
par un policier d’une balle
dans la tête, mardi 24 février,
à San Cristobal, chef-lieu de
l’Etat de Tachira. Kluivert Roa
est mort pendant une mani-
festation d’étudiants et d’op-
posants contre le gouverne-
ment du président Nicolas
Maduro. Le chef de l’Etat a
qualifié la mort de l’adoles-
cent d’« assassinat », tout en
évoquant l’influence de l’ex-
trême droite sur la jeunesse.
Le policier incriminé a été ar-
rêté. Les images de la victime
gisant dans une mare de sang
ont fait le tour des réseaux so-
ciaux et provoqué une recru-
descence des protestations à
San Cristobal, qui avait été
l’épicentre de la contestation
en 2014. – (EFE, AP.)
0123
JEUDI 26 FÉVRIER 2015 international | 5

L’étrange voyage
de quatre élus
français chez
Bachar Al-Assad
Les parlementaires, arrivés mardi
à Damas en toute discrétion, y ont
rencontré le président syrien

suite de la première page ses, le président Assad a partielle-

Très peu d’informations supplé-
mentaires ont filtré sur leur vi-
site, organisée dans la plus grande
discrétion et qui doit s’achever
mercredi 25 janvier, en fin de jour-
née. M. Bapt n’a pas donné suite
aux appels répétés du Monde.
La démarche des quatre élus
s’est attirée la réprobation immé-
diate du ministère des affaires
étrangères, qui a rappelé la ligne
diplomatique française, prohi-
bant tout contact avec le pouvoir
syrien. « Cela n’engage en rien la
politique extérieure de la France,
insiste avec agacement un diplo-
mate. Ils ne nous ont pas demandé
notre avis et ne vont pas à Damas
à notre demande. Notre ligne est
inchangée : on ne parle pas à Ba-
char. » Une politique instaurée en
mars 2012, alors que le régime
était aux abois, et qui s’est concré-
tisée par deux mesures coupe-
rets : la fermeture de l’ambassade
française à Damas et le renvoi,
deux mois plus tard, de la repré-
sentante de Syrie à Paris.
Mais depuis cette date, avec
l’aide de ses alliés iraniens et rus-
ment retourné la situation en sa
faveur. L’enlisement de l’insurrec-
tion, sa contamination par des
groupes radicaux et la montée en
puissance du groupe Etat islami-
que (EI) mettent à rude épreuve la
détermination française. Les at-
tentats du mois de janvier à Paris,
ont encore accru la pression sur le
Quai d’Orsay et l’Elysée.
Dans le corps diplomatique
comme au sein de la commu-
nauté du renseignement, de plus
en plus de voix appellent à une ré-
vision de la politique syrienne de
la France, en faisant valoir que le
régime Assad pourrait aider à la
traque des djihadistes français in-
corporés dans l’EI. Au sein de
l’Union européenne, qui a imposé
de nombreuses sanctions sur Da-
mas, plusieurs pays comme l’Es-
pagne, l’Autriche et la République
Tchèque plaident également pour
la réouverture d’un canal de com-
munication avec le pouvoir sy-
rien. Outre Gérard Bapt, habitué
des voyages à Damas, la déléga-
tion comprend Jacques Myard,
député UMP (Yvelines), membre
de la commission des affaires
le quartier de Jobar, dans l’est de Damas, le 16 février, après un bombardement par les forces du régime Assad. MOHAMMED EYAD/AFP
étrangères de l’Assemblée natio-
nale, Jean-Pierre Vial, sénateur
UMP (Haute-Savoie) et président
du groupe d’amitié France-Syrie
de la chambre haute, ainsi que
François Zocchetto, sénateur UDI
(Mayenne), lui aussi membre de
ce groupe.
« Mission personnelle »
« C’est une mission personnelle
pour voir ce qui se passe, entendre,
écouter, a déclaré M. Myard à l’AFP,
qui assure que le voyage a été fi-
nancé sur les deniers personnels
de ses participants. J’ai payé mon
ticket, j’ai payé mon hôtel la nuit
dernière à Beyrouth. » Et le député
d’ajouter, au Monde : « Il paraît
qu’on est voué aux gémonies.
J’adore cela. »
Mohamed Jiham Laham, prési-
dent de l’Assemblée du peuple,
« Ils ne nous ont
pas demandé
notre avis.
Notre ligne
est inchangée :
on ne parle pas
à Bachar »
UN DIPLOMATE FRANÇAIS
ment des décisions du président,
qui y est toujours accueilli par
des salves d’applaudissements
révérencieux.
Le mufti Hassoun pour sa part,
en poste depuis 2005, est un parti-
san fidèle de M. Assad. Il a tou-
jours relayé les thèses conspira-
tionnistes du régime, faisant de la
parti d’opposition, le pouvoir fait
rencontrer à ses hôtes des respon-
sables religieux, qui racontent évi-
demment comment le régime res-
pecte les minorités et assure l’har-
monie entre les communautés.
C’est un peu comme si un député
américain en visite en France ren-
contrait l’archevêque de Paris pour
se faire une idée de la situation po-
litique. C’est risible. »
D’après M. Myard, les quatre
élus ont également visité un hôpi-
tal, « où nous avons vu des choses
atroces, des gamines blessées par
des terroristes ». Questionné sur
le risque d’absoudre un régime
mis au ban de la communauté in-
ternationale pour ses crimes de
masse, établis par d’innombra-
bles rapports de l’ONU et d’organi-
sations de défense des droits de
l’homme, l’élu des Yvelines, une
à l’Assemblée nationale, plus d’un
député veut voir dans ce voyage
un « ballon d’essai », destiné à
tester le terrain à Damas, dans la
perspective d’une progressive re-
prise des relations diplomati-
ques. Une thèse démentie par Eli-
sabeth Guigou, la présidente de la
commission des affaires étrangè-
res, qui affirme n’avoir pas été
consultée.
Même son de cloche à l’Elysée.
« Si l’on avait des messages à faire
passer à Damas, ce n’est pas sur
Bapt que l’on compterait », confie
un conseiller de François Hol-
lande. Le 15 février, lors du Grand
Rendez-Vous Europe 1, avec Le
Monde et i-Télé, le ministre des af-
faires étrangères, Laurent Fabius,
avait rappelé la ligne défendue
par la France en Syrie. « Bachar Al-
Assad n’a rien à envier à Daech

47 %
rencontré par les quatre fron-
deurs, est un membre du parti
baas au pouvoir. Même si la nou-
velle constitution syrienne,
d’Américains sont favorables à l’envoi de soldats pour des adoptée en 2012, a cassé son mo-
combats au sol contre les djihadistes en Irak ou en Syrie, nopole sur la vie politique et que
selon un sondage de l’institut Pew, publié mardi 24 février. Ils des membres d’autres partis, à
n’étaient que 39 % en octobre 2014, précise l’étude d’opinions du Pew l’audience confidentielle, siègent
Research Center. Les Américains sont encore 49 % à s’opposer à l’en- désormais à l’Assemblée, celle-ci
voi de telles troupes au sol, mais moins qu’il y a quatre mois (55 %). reste une caisse d’enregistre-
révolution une pure et simple
opération de déstabilisation, me-
née par des islamistes aux ordres
des monarchies du Golfe. « De ce
que l’on en connaît, c’est un pro-
gramme classique, analyse un ex-
diplomate français à Damas, qui a
vu défiler dans les années 2000
de nombreuses délégations parle-
mentaires. Comme il n’y a pas de
forte tête de l’Assemblée, égale-
ment connu pour ses positions
pro-Kremlin dans la crise ukrai-
nienne, botte en touche.
« Je ne donne l’absolution à per-
sonne mais je pense que ce n’est
pas aussi blanc et noir qu’on veut
nous le faire croire. Et je pense que
notre visite va faire bouger les li-
gnes ». Dans les rangs de la droite,
[acronyme arabe de l’EI] et réci-
proquement en matière de barba-
rie. […] L’idée qu’on pourrait trou-
ver la paix en Syrie en faisant con-
fiance à Bachar Al-Assad et en pen-
sant qu’il est l’avenir de son pays
est une idée que je crois fausse. » p
benjamin barthe,
avec hélène bekmezian
et yves-michel riols

Dans le nord de l’Irak, les chrétiens prennent les armes

La minorité chrétienne est divisée sur la réponse à apporter à l’Etat islamique et sur les alliances avec les Kurdes

REPORTAGE TURQUIE communautés du pays ont été em- avons besoin d’occuper le terrain Keko, ancien député chrétien du n’ont d’autre choix que celui de
alqosh (irak) - envoyé spécial Alqosh portées depuis le printemps 2014. pour préparer l’avenir des plaines parlement kurde d’Erbil, « tous les s’assimiler à un groupe plus im-
Pourtant, loin d’être unis par le de Ninive et il est impossible de le repères de la communauté sont portant ou de disparaître.

V
êtus d’uniformes neufs
frappés du drapeau assy-
rien et armés d’antiques
kalachnikovs, une dizaine de mi-
liciens longent une rue périphéri-
que d’Alqosh, seule localité chré-
tienne à avoir échappé à l’avan-
cée du groupe Etat islamique (EI)
au nord de Mossoul en août 2013.
Ils constituent le premier déta-
chement des Unités de protection
des plaines de Ninive (UPN), l’un
des groupes armés chrétiens qui a
fait apparition en Irak dans les
mois qui ont suivi l’offensive dji-
hadiste sur la ville de Karakoch,
en août 2014, et l’exode de dizai-
nes de milliers de chrétiens vers le
Kurdistan qu’elle a provoqué.
Adossée aux collines dont les
sommets enneigés marquent les
premiers reliefs du pays kurde, Al-
qosh surplombe les plaines de Ni-
nive qui s’étendent en contrebas
vers le sud et la ligne de front où les
peshmergas kurdes font face aux
positions de l’EI. Des représen-
tants politiques chrétiens irakiens
aspirent à faire de cette région, où
les musulmans étaient autrefois
minoritaires et que les autorités
du Kurdistan irakien et l’Etat cen-
SYRIE
Mossoul Erbil IRAN
Karakoch
Kirkouk
IRAK
100 km
Bagdad
Kurdistan autonome
irakien
tral se disputent depuis 2003, une
entité autonome protégée par une
force militaire qui lui serait propre.
« Nous n’avons pas d’autre choix.
C’est uniquement en prenant les ar-
mes, en constituant nos propres
unités militaires, que nous pour-
rons enfin être respectés en tant que
communauté », explique Benham
Atalar, ancien brigadier général de
l’armée irakienne du temps de
Saddam Hussein et aujourd’hui à
la tête des UPN. Réduits à une pré-
sence résiduelle par la guerre civile
des années 2006-2007 et plus en-
core par la montée en puissance de
l’EI, les chrétiens d’Irak sont entrés
à leur tour dans la logique mili-
cienne dans laquelle toutes les
danger existentiel que court leur
communauté, les responsables
chrétiens continuent à se disputer
sur la stratégie à adopter.
Manœuvres politiques
Si les UPN tentent sans succès
d’attirer l’attention de Bagdad
pour obtenir un statut officiel
ainsi que les fonds et les armes
qui manquent à leurs 400 hom-
mes formés à titre privé par d’an-
ciens parachutistes américains,
d’autres groupes plus réduits en-
core, comme les Forces des plai-
nes de Ninive (FPN) ou Dwekh
Nawsha, qui compte dans ses
rangs une poignée de volontaires
anglo-saxons désorientés, reçoi-
vent le soutien des peshmergas
kurdes qui les entraînent, les
équipent et leur permettent de
maintenir une présence symboli-
que sur le front.
« Les Kurdes se sont retirés de
Karakoch qu’ils avaient pourtant
pris la responsabilité de protéger.
Ils ont maintenant besoin de
montrer au monde qu’ils intè-
grent les chrétiens dans leurs
rangs, explique Romeo Hakari, le
chef des FPN. De notre côté, nous
faire sans eux. » Divisés, tributai- brisés. Les chrétiens d’Irak ne font La ville anciennement chré-
res de clivages qui opposent de plus confiance aux Eglises ni aux tienne de Telskuf, à une quinzaine
plus puissants qu’eux, les grou- partis politiques dont les groupes de kilomètres au sud d’Alqosh, of-
pes armés chrétiens irakiens ont armés sont issus, ils veulent tout fre une image aussi réaliste que
peu de chances de s’imposer simplement partir. Les aventures sombre de l’avenir de la commu-
dans les plaines de Ninive si elles militaires des uns et des autres ne nauté. Brièvement occupée par
devaient un jour être libérées de changeront rien à cela ». l’EI avant d’être reprise à la mi-
l’emprise djihadistes. La guerre qui se déroule août, il s’agit d’une zone militaire
Les manœuvres politiques de aujourd’hui en Irak est d’abord désertée ou seuls les peshmergas
leurs chefs tout comme l’idéa- une formidable machine à morce- et les groupes chrétiens qui leur
lisme de certains de leurs jeunes ler le territoire et à homogénéiser ont fait allégeance sont admis à
partisans sont déconnectés des ses composantes ethnique et reli- rester, contrairement aux UPN
préoccupations d’une population gieuse. Bien qu’ils prennent les ar- qui se refusent encore à hisser le
réfugiée, dont l’immense majo- mes à leur tour, les minoritaires, drapeau kurde sur leurs locaux.
rité cherche en priorité à quitter chrétiens, Yézidis, Kakaïs et Cha- Si certains habitants sont ponc-
définitivement l’Irak. Pour Salem baks, ces « gens de l’entre-deux » tuellement autorisés par les servi-
ces de sécurité kurdes à s’y rendre
pour inspecter leurs propriétés,
Des chrétiens assyriens enlevés en Syrie de nombreuses maisons ont été
ouvertes et pillées bien après l’ar-
Des djihadistes du groupe Etat islamique (EI) ont enlevé au rivée des peshmergas. Errant
moins 150 chrétiens assyriens, notamment des femmes et des dans les pièces saccagées de son
vieillards, dans des villages du nord-est de la Syrie, a affirmé, ancien foyer à la recherche de
mardi 24 février, le Conseil national des syriaques en Syrie. L’Ob- quelques souvenirs, un habitant,
servatoire syrien des droits de l’homme a fait état d’au moins qui a pris les armes, regrette dans
90 personnes enlevées. Ces enlèvements se sont produits dans un sanglot réprimé : « Dans cette
des villages proches de Tel Tamr, à l’ouest de la ville de Hassaka, guerre, les Arabes veulent chasser
dans une région du nord-est de la Syrie où s’affrontent djihadis- les Kurdes, les Kurdes veulent re-
tes et combattants kurdes des Unités de protection du peuple. prendre du terrain aux Arabes.
Les miliciens kurdes ont lancé une double offensive contre l’EI di- Nous, les chrétiens, nous avons
manche, avec le soutien de peshmergas irakiens et l’appui aérien tout à perdre. » p
de la coalition formée par les Etats-Unis. allan kaval
6 | planète
Hollande en mission climat aux Philippines
Le chef de l’Etat devrait lancer un appel de Manille pour mobiliser la communauté internationale
manille - envoyé spécial
P
our François Hollande, le
long chemin qui doit me-
ner à un accord universel
sur le climat en décem-
bre 2015 à Paris passe d’abord par
les Philippines. Il entame, jeudi
26 février, une visite d’Etat de qua-
rante-huit heures à Manille – la
première d’un chef d’Etat fran-
çais –, centrée sur la question du
changement climatique.
A l’Elysée, on insiste sur le carac-
tère « particulier » de ce voyage,
co-organisé avec les équipes de
Nicolas Hulot (envoyé spécial du
président pour la protection de la
planète), dans le cadre de la prépa-
ration de la conférence climat
(COP21). François Hollande a
ainsi, aux côtés de son homolo-
gue philippin, Benigno Aquino,
préparé un « appel de Manille » –
lu par l’actrice française Marion
Cotillard, qui est du voyage avec
Mélanie Laurent – pour la mobili-
sation de la communauté inter-
nationale autour de ce rendez-
vous crucial. Outre les ministres
Laurent Fabius (affaires étrangè-
res), Ségolène Royal (environne-
ment) et Annick Girardin (déve-
loppement), plusieurs personna-
lités de l’ONU et la directrice du
Fonds vert pour le climat, Héla
Cheikhrouhou, sont présents.
« Voix progressiste »
Le choix des Philippines ne doit
rien au hasard. Cet Etat d’Asie du
Sud-Est présente la double caracté-
ristique d’être un pays émergent à
fort potentiel de développement,
mais le deuxième plus vulnérable
au réchauffement climatique, der-
rière l’archipel du Vanuatu, selon
le World Risk Index 2014. En no-
vembre 2013, le super-typhon
Haiyan avait fait 7 350 morts et
rasé une partie du territoire phi-
lippin. Depuis les années 1980, cet
archipel de 7 000 îles a dû faire
face à plus de 360 catastrophes na-
turelles (typhons, tremblements
de terre, inondations…). Le coût
global de Haiyan a été évalué par
l’ONU à 5 % du PIB du pays. Malgré
cela, les Philippines maintiennent
une croissance de l’ordre de 6,5 %
en 2014, parmi les plus performan-
tes de l’Association des nations de
l’Asie du Sud-Est (Asean), même si
T RAN SPORTS
Le TGV Lyon-Turin
sur les rails
François Hollande et Matteo
Renzi, président du Conseil
italien, ont annoncé officielle-
ment, mardi 24 février, le lan-
cement en 2016 des travaux
de la ligne à grande vitesse
LA R É DA C
RC VOINCHET ET H30-9H
MA D R ED I / 6
AU VEN
DU LUNDI nique de Jean Birnba
um
la chro
Retrouvez i à 8h55
d
chaque jeu
Cet Etat, dont
l’influence
grandit dans
la région,
pourrait jouer un
rôle pivot dans
les négociations
climatiques
le pays affiche un taux de pauvreté
élevé avec près de 40 % de la popu-
lation qui vit avec moins de 2 dol-
lars (1,75 euro) par jour.
Pour la diplomatie française, cet
Etat de près de 100 millions d’ha-
bitants, dont l’influence grandit
dans la région, pourrait jouer un
rôle pivot dans les négociations
climatiques. Le discours pro-
entre Lyon et Turin. Côté fran-
çais, le chantier devrait com-
mencer par le creusement
d’une galerie de reconnais-
sance de 9 km. L’Union euro-
péenne pourrait financer
40 % du futur tunnel de 57
km, dont le coût est estimé à
8,5 milliards d’euros. – (AFP.)
TION
riat avec
en partena
écoute et
écoute, ré e c u lt ure.fr
sur franc
noncé par le président Benigno
Aquino à Paris en septembre 2014
a été très apprécié. « Il porte une
voix progressiste parmi les pays
émergents, estime-t-on à l’Elysée.
Il a appelé à un changement d’état
d’esprit, à dépasser les clivages
idéologiques, à sortir de la tradi-
tionnelle opposition Nord-Sud. »
Le chef de l’Etat sait que dans ce
changement de paradigme réside
la clé des négociations. Les pays
développés parlent de lutte con-
tre le réchauffement climatique
quand les émergents demandent
où sont les financements, esti-
mant ne pas avoir la même res-
ponsabilité dans le réchauffe-
ment de la planète.
« Le président Aquino a tenu des
propos marquants à Paris, c’était
le discours d’un pays vulnérable »,
souligne-t-on à l’Elysée, où l’on
veut croire dans la capacité des
Le président du GIEC contraint à la démission
Accusé de harcèlement sexuel en Inde, Rajendra Pachauri est remplacé par un intérim
new delhi - correspondance,
S
Groupe
a position était intenable :
mardi 24 février, Rajendra
Kumar Pachauri a démis-
sionné de la présidence du
intergouvernemental
d’experts sur l’évolution du cli-
mat (GIEC). Poursuivi pour harcè-
lement sexuel dans son pays,
l’Inde, il avait déjà dû renoncer à
se rendre ce jour-là au Kenya où
s’ouvrait une session de travail du
GIEC qui doit durer jusqu’au 27 fé-
vrier. Le bureau de l’organisation
a réagi rapidement, désignant
l’un des vice-présidents de l’orga-
nisation, Ismail El-Gizouli, pour
succéder à Rajendra Pachauri. Ce
dernier arrivait de toute façon au
bout de son deuxième et dernier
mandat.
Experts et représentants d’Etat
africains présents à Nairobi ont
donc appris en direct le nom du
président par intérim lors d’une
réunion plénière. Spécialiste
d’énergie d’origine soudanaise, Is-
mail El-Gizouli est membre du bu-
reau du GIEC depuis 2002. Il en est
le seul des trois vice-présidents ac-
podcast
tuels qui ne souhaitait pas se pré-
senter à l’élection du prochain pré-
sident qui doit avoir lieu en octo-
bre à Dubrovnik, en Croatie.
Philippines à entraîner d’autres
pays vers un accord à Paris. Ma-
nille a d’ailleurs promis d’annon-
cer en juin sa contribution à la ré-
duction des émissions de gaz à ef-
fet de serre. Pour insister sur les
risques climatiques, François Hol-
lande fera un crochet à Guiuan,
port de 47 000 habitants dans la
partie centrale ravagée par le ty-
phon en 2013. La France apportera
une aide de 1,5 million d’euros à la
315 KM/H
La vitesse du vent lors du passage de Haiyan
Le 8 novembre 2013, le typhon Haiyan, le 35e cyclone tropical
de la saison, s’abattait sur l’île de Guiuan aux Philippines,
avec des vents excédant les 315 km/h . C’est l’un des cyclones
tropicaux les plus violents de l’histoire.
Achim Steiner, directeur exécu-
tif du Programme des Nations
unies pour l’environnement
– l’un des deux organismes de tu-
telle du groupe d’experts –, a aus-
sitôt estimé que cette nomination
permettrait « à la mission d’éva-
luation du changement climati-
que du GIEC de se poursuivre sans
interruption », tout en indiquant
qu’il s’attendait à une session de
travail « productive » cette se-
maine.
Négociations tendues
Cet épisode intervient au plus
mauvais moment, alors que les
négociations climatiques restent
extrêmement tendues. La tenta-
tion sera grande pour ceux qui re-
fusent de relier les changements
climatiques à l’activité humaine
de se saisir de cette affaire stricte-
ment personnelle pour discrédi-
ter le GIEC.
Laurence Tubiana, qui est char-
gée de préparer la conférence de
Paris en décembre où la France
ambitionne de parvenir à un ac-
cord international historique sur
le climat, ne veut pas le croire. A
Nairobi, elle a relativisé l’impor-
tance de cette affaire. « Je suis sûre
que les climatosceptiques peuvent
toujours trouver des arguments
reconstruction de la ville par le
biais d’un programme de l’ONG
Acted.
Mais si l’agenda est essentielle-
ment consacré à l’environne-
ment, le chef de l’Etat a bien prévu
d’évoquer avec son homologue la
question des relations économi-
ques bilatérales. Il a ainsi em-
mené dans ses bagages des repré-
sentants des secteurs des infras-
tructures de transport (Alstom,
n’importe où, mais là vraiment, ça
n’a rien à voir avec le climat », a ré-
pondu Mme Tubiana à l’AFP.
« L’image de l’institution peut
être touchée, mais cela ne met pas
du tout en cause la qualité de ses
travaux, insiste pour sa part le cli-
matologue Jean Jouzel, lui-même
membre du bureau du GIEC. Le
groupement est une machine très
bien organisée, sûre de ses procé-
dures. J’en profite pour souligner
de nouveau la force de notre exper-
tise collective. Dans mon groupe,
nous sommes trente chargés de sé-
lectionner les scientifiques qui
vont participer au prochain rap-
port. Sur un chapitre particulier,
nous devions retenir cinquante
auteurs, nous avons reçu mille
candidatures de scientifiques re-
connus car c’est valorisant de par-
ticiper aux travaux du GIEC. »
La nouvelle de la démission de
Rajendra Pachauri a été plutôt
peu commentée dans les quoti-
diens indiens. Dans cette affaire,
c’est surtout la question du harcè-
lement sexuel au travail qui a re-
tenu l’attention. La jeune femme
de 29 ans, qui accuse M. Pachauri,
travaillait avec lui dans le centre
d’études sur les ressources et
l’énergie (TERI) que celui-ci diri-
geait. Elle aurait déposé une
0123
JEUDI 26 FÉVRIER 2015
Sur une
plage
de Tacloban
détruite par
le typhon
Haiyan,
en 2013. DAMIR
SAGOLJ/REUTERS
RATP), de la santé (Sanofi) et des
énergies (Suez Environnement et
plusieurs PME spécialisées dans
le solaire). Selon l’Elysée, des ac-
cords devraient être signés sur
place, « dans des domaines com-
patibles avec l’environnement »,
pour ne pas écorner la symboli-
que du déplacement.
Les Philippines représentent
aujourd’hui le dixième excédent
commercial de la France dans le
monde et le deuxième en Asie du
Sud-Est. Pour Arlette Grosskost, la
députée UMP du Bas-Rhin qui
préside le groupe d’amitié France-
Philippines à l’Assemblée natio-
nale et fait partie du voyage, la re-
lation entre les deux pays n’en est
qu’à ses débuts. « C’est un pays
qu’il faut regarder de près et nous
ne sommes pas les seuls à nous y
intéresser. » p
nicolas chapuis
plainte auprès du comité interne
mis en place par cet institut, sans
recevoir de réponse, quelques
jours avant de se rendre au com-
missariat.
Un an de prison
Le quotidien Business Standard
met en lumière le dysfonctionne-
ment de ce comité, devenu obliga-
toire dans chaque organisation
pour lutter contre les problèmes
de harcèlement au travail.
M. Pachauri risque au mini-
mum un an de prison si les con-
tacts physiques avec la victime
sont avérés. Or, c’est ce que suggè-
rent les SMS échangés entre l’an-
cien patron de GIEC et son em-
ployée publiés par le quotidien
Mail Today, le week-end dernier.
Tous les regards sont désormais
tournés vers le ministère indien
de l’environnement qui doit ren-
dre ses contributions à la lutte
contre le changement en vue de la
conférence de Paris. M. Pachauri,
qui a été nommé membre du
Conseil sur le changement clima-
tique auprès du premier ministre
indien, à l’automne, n’a toujours
pas annoncé sa démission de cet
organe consultatif. p
julien bouissou
et martine valo
0123
JEUDI 26 FÉVRIER 2015
Barack Obama met son veto au projet Keystone XL
Le président américain devra encore se prononcer sur le fond de ce dossier politiquement brûlant
washington - correspondant
K
eystone XL attendra en­
core. Comme il l’avait
annoncé, le président
des Etats­Unis, Barack
Obama, a mis mardi 24 février son
veto à un texte voté par le Congrès
républicain autorisant la cons­
truction de cet oléoduc, un projet
de 8 milliards de dollars (7 mil­
liards d’euros) vieux de 6 ans et
porté par la société TransCanada.
Il doit permettre l’acheminement
du pétrole canadien tiré des sables
bitumineux de l’Alberta vers le
cœur de l’industrie pétrolière
américaine, dans le golfe du Mexi­
que. Le « speaker » républicain de
la Chambre des représentants,
John Boehner (Ohio), a mis la déci­
sion du président sur le compte
d’une proximité jugée trop
grande avec les « extrémistes de
l’environnement », aux dépens
des « travailleurs américains ».
En bloquant l’initiative des élus,
M. Obama a cependant tranché
sur la forme et non sur le fond.
Parce que le projet concerne deux
Etats, le Canada et les Etats­Unis, il
estime que le Congrès outrepasse
ses fonctions en tentant de lui for­
cer la main et surtout M. Obama
attend officiellement les conclu­
VIH : succès d’un traitement préventif pris « à la demande »
L’essai Ipergay démontre l’efficacité de la prise du Truvada chez des hommes avant et après un rapport sexuel à risque
I ls étaient très attendus. Les ré-
sultats de l’essai clinique Iper-
gay ont été présentés, mardi
24 février, lors de la 22e conférence
sur les rétrovirus et les infections
opportunistes (CROI), à Seattle. Ils
démontrent une très haute effica-
cité (86 %) d’une « prophylaxie
pré-exposition » (PrEp) prise à la
demande dans une population à
risque élevé de contamination
par le virus de l’immunodéfi-
cience humaine (VIH).
« Il est important de ne pas relâ-
cher les politiques de prévention
qui ont fait leurs preuves : utilisa-
tion systématique du préservatif,
dépistages réguliers du VIH et des
autres infections sexuellement
transmissibles, et leur traitement »,
met en garde Jean-Michel Molina
(université Paris-VII, hôpital Saint-
Louis, AP-HP), coordinateur de
l’étude. Ces conclusions chez des
hommes ayant des rapports ho-
mosexuels ne peuvent être extra-
polées à d’autres populations.
Le projet
concernant deux
pays, Obama
estime que
le Congrès sort
de ses fonctions
sions du département d’Etat sur
les conséquences pour les Etats­
Unis de cette construction, pour
l’économie comme pour l’envi­
ronnement, avant de trancher.
La production de pétrole tiré des
sables bitumineux est controver­
sée car elle est bien plus polluante
que celle de pétrole convention­
nelle. Le tracé prévu doit doubler
une conduite existante en traver­
sant, côté américain, le Montana,
le Dakota du Sud et le Nebraska, où
il doit se connecter sur un réseau
déjà opérationnel. L’oléoduc per-
mettrait d’ajouter 830 000 barils
par jour à une capacité existante
de près de 600 000 selon TransCa-
nada. En janvier, la Cour suprême
du Nebraska a levé un obstacle ju-
ridique de taille en validant le tracé
choisi par le gouverneur de l’Etat à
l’intérieur de ses frontières et que
contestaient des agriculteurs et
Dûment informés sur les ris-
ques de contamination, recevant
des préservatifs et du gel, les
400 hommes ayant des relations
homosexuelles enrôlés à partir de
2012 dans l’essai Ipergay utili-
saient de leur propre initiative un
traitement préventif. Il pouvait
s’agir de l’association d’antirétro-
viraux ténofovir et d’emtricita-
bine en un seul comprimé (com-
mercialisée sous le nom Truvada
par le laboratoire américain Gi-
lead) ou bien d’un placebo, sans
activité pharmacologique.
Le schéma consistait à prendre
deux comprimés entre vingt-qua-
tre et deux heures avant des rap-
ports, puis un comprimé immé-
diatement après le dernier rap-
port et un quatrième comprimé
quarante-huit heures plus tard.
Les participants – âge moyen,
35 ans – avaient en moyenne dix
rapports homosexuels par mois,
dans 70 % des cas sans préservatif,
et huit partenaires différents en
Hardisty SASKATCHEWAN
ALBERTA
1 900 km DAKOTA
MONTANA
DU NORD
DAKOTA
DU SUD
ÉTATS-UNIS NEBRASKA
Steele City
KANSAS
OKLAHOMA
TEXAS
Houston
OCÉAN
PACIFIQUE
Projet Keystone XL Oléoduc Keystone existant
des organisations de défense de
l’environnement. Il avait manqué
une voix pour que cette décision
soit jugée inconstitutionnelle.
Le veto de M. Obama, le troi-
sième depuis son arrivée à la Mai-
son Blanche, en 2008, ne présume
cependant pas de la suite des évé-
nements si on en juge les déclara-
tions du porte-parole de la Maison
Blanche, Josh Earnest. Ce dernier a
en effet pris soin d’indiquer mardi,
au cours de son briefing quoti-
dien, que le président n’excluait
deux mois. A l’issue d’un suivi
moyen de treize mois, seize cas
d’infection par le VIH ont été dé-
tectés : quatorze chez les partici-
pants sous placebo (soit une inci-
dence de près de 7 %) et deux chez
des hommes du groupe Truvada,
mais ayant cessé d’en prendre de-
puis plusieurs semaines. Le traite-
ment par Truvada a été « globale-
ment bien toléré ». Au vu des résul-
tats probants, depuis octobre 2014,
le suivi se poursuit dans une se-
conde phase. Cette fois tous les
participants reçoivent le Truvada.
Réduction des risques
Les antirétroviraux comme
moyen de prévention de la trans-
mission du VIH (et non pour trai-
ter cette infection) ont d’abord été
utilisés avec succès chez la femme
séropositive afin d’éviter la conta-
mination de l’enfant. Publiés
en 2013, les résultats de l’étude
Iprex, avec prise de Truvada en
continu ou d’un placebo chez des
18H30 - 20H
#E1SOIR
CANADA
Ottawa
Washington DC
ILLINOIS
Patoka
MISSOURI
Cushing
OCÉAN
ATLANTIQUE
LOUISIANE
Port Arthur
Golfe du Mexique 500 km
Autres projets
pas de valider le projet en cas
d’avis favorable du département
d’Etat. Début février, un rapport
négatif rendu par l’Environmental
Protection Agency insistant sur les
conséquences du projet avait déjà
suscité la colère de l’ambassadeur
du Canada à Washington, Gary
Doer, et de la société TransCanada.
La précaution oratoire de la Mai-
son Blanche s’explique sans
doute par le fait qu’elle se retrouve
en délicate posture sur ce projet.
Elle est coincée entre le volonta-
hommes ayant des rapports ho-
mosexuels non protégés, fai-
saient état d’une réduction de
44 % du risque d’infection. Un
autre essai de PrEp, intitulé Voice,
chez 5 000 femmes en Afrique
australe, dont certaines prenaient
en continu du Truvada, n’a pas
montré d’effet protecteur. La prin-
cipale cause avancée est le mau-
vais respect du traitement.
L’approche d’un traitement pro-
phylactique en continu avec Tru-
vada dans la vie réelle et non plus
Les antirétroviraux
en prévention ont
d’abord été utilisés
chez la femme
afin d’éviter
la contamination
de l’enfant
risme du premier ministre cana-
dien, Stephen Harper, qui a fait de
l’oléoduc un point central de la re-
lation bilatérale, celui des républi-
cains également favorables au
projet, épaulés par certains élus
démocrates, et la détermination
d’organisations non gouverne-
mentales et de figures américai-
nes telles que le philanthrope
Tom Steyer. Ces dernières ont
érigé Keystone au rang de sym-
bole de la lutte contre le réchauf-
fement climatique compte tenu
des volumes de gaz à effet de serre
dégagés lors de l’extraction du pé-
trole des sables bitumineux.
Alternatives
Lors de ses dernières interven-
tions publiques sur le sujet,
M. Obama s’est évertué à revoir à
la baisse les effets présentés
comme bénéfiques pour l’emploi
et pour le prix des hydrocarbures
aux Etats-Unis de Keystone XL,
que les républicains ne cessent de
mettre en avant. Le président amé-
ricain est aidé dans sa démarche
par les prix déjà particulièrement
bas de l’essence compte tenu de
l’abondance de l’offre mondiale.
Les Etats-Unis sont déjà le prin-
cipal importateur des hydrocar-
bures produits au Canada qui re-
dans les conditions « idéales »
d’un essai clinique a montré ses li-
mites. Aux Etats-Unis, où elle est
autorisée depuis 2012, cette mé-
thode a été peu adoptée : un pour
mille des 3,3 millions d’ordon-
nances prescrivant le Truvada
était à visée préventive, selon
Bloomberg Business.
Promu et principalement fi-
nancé par l’Agence nationale de
recherche sur le sida et les hépati-
tes virales (ANRS), l’essai Ipergay
testait une approche différente,
celle d’une « offre de santé
sexuelle globale incluant la PrEp »,
comme la résume Bruno Spire,
président de Aides – association
impliquée tout au long de l’essai –
et co-investigateur d’Ipergay.
« La PrEp marche bien si elle est
régulièrement observée. Le traite-
ment à la demande change beau-
coup de choses pour les personnes
concernées. Au cours de l’essai Iper-
gay, les participants choisissaient
eux-mêmes d’utiliser ou non le Tru-
UN TEMPS D’AVANCE
planète | 7
présentent 28 % des importations
américaines en la matière selon
l’Agence internationale de l’éner-
gie. Le blocage du projet a conduit
les compagnies pétrolières cana-
diennes à envisager des alternati-
ves à Keystone XL, vers la côte
ouest, face aux clients asiatiques,
comme vers la côte est, en direc-
tion de l’Europe. Mais elles se
heurtent également à des obsta-
cles liés à l’environnement.
Faute d’oléoduc capable d’absor-
ber une production pétrolière
(conventionnelle et non conven-
tionnelle) qui a doublé en un peu
plus de vingt ans, le recours au
transport ferroviaire est pour l’ins-
tant privilégié au Canada comme
aux Etats-Unis avec le pétrole de
schiste produit dans le nord du
pays. Il n’est cependant pas sans
risque. La catastrophe de Lac-Mé-
gantic, au Québec, en a apporté la
preuve à la suite du déraillement
d’un train transportant du pétrole
de schiste provenant du Dakota du
Nord. L’accident impliquant un
brut dont la volatilité est jugée
plus élevée que la moyenne selon
les autorités fédérales américai-
nes, avait causé la mort de 47 per-
sonnes et la destruction d’une par-
tie du centre de cette localité. p
gilles paris
vada en fonction du risque qu’ils es-
timaient prendre. Cela rend les gens
plus responsables. Mais cela était
combiné à des tests de dépistages
réguliers. C’est ce qui a permis d’at-
teindre un niveau de protection que
nous n’aurons peut-être jamais
avec un vaccin anti-VIH », estime le
Pr Molina.
« Il faut distinguer les résultats de
la recherche et ce qui sera mis en
place en France et qui relève d’une
décision politique, commente le
Jean-François Delfraissy, directeur
de l’ANRS. Des discussions sont en
cours au niveau des autorités et de-
vraient avancer très vite, probable-
ment à l’été ou à la rentrée 2015. »
Reste que l’essai a mis en évi-
dence la fréquence des autres in-
fections sexuellement transmis-
sibles, comme la gonorrhée, la sy-
philis, l’hépatite C ou l’infection
par les chlamydiae : un tiers des
participants en ont contracté une
au cours de l’essai. p
paul benkimoun
8 | france
M. Cazeneuve :
« Consolider
un islam fidèle
aux valeurs de
la République »
Formation des imams, sécurité, lieux
de prière : le ministre de l’intérieur a lancé
mercredi une réforme du culte musulman
ENTRETIEN
L
es attentats de janvier à
Paris ont achevé de lui
donner un caractère d’ur-
gence : Bernard Caze-
neuve a lancé, mercredi 25 février,
en conseil des ministres, la ré-
forme du culte musulman. Le hia-
tus évident entre sa représenta-
tion institutionnelle actuelle et
une grande partie des cadres –
sans parler des fidèles –, les appels
à un débat au sein de l’islam en
réaction aux phénomènes de radi-
calisation, la poussée des actes is-
lamophobes, tout poussait à agir
vite. Le ministre de l’intérieur ex-
plique pourquoi la laïcité non seu-
lement n’est pas hostile à l’islam,
mais peut permettre aux musul-
mans de trouver toute leur place
dans la République.
La consultation que vous allez
lancer vise-t-elle à réformer
l’organisation institutionnelle
du culte musulman ?
Il y a aujourd’hui une institution
nationale, le Conseil français du
culte musulman (CFCM), et les
conseils régionaux, les CRCM. No-
tre volonté, c’est qu’autour du
CFCM, des réseaux des CRCM,
d’imams de terrain, d’intellectuels,
d’universitaires, nous puissions
mettre en place une instance de
dialogue. A l’instar de ce qui existe
pour les catholiques, cette ins-
tance se réunira deux fois par an,
autour du premier ministre, pour
discuter de questions très concrè-
tes qui sont autant de sujets de pré-
occupation pour les Français mu-
sulmans. Cette instance doit per-
mettre de dialoguer avec tous ceux
qui peuvent jouer un rôle pour
consolider l’expression en France
d’un islam fidèle aux valeurs de la
République. Un islam qui, face au
dévoiement de la religion musul-
mane par un tout petit nombre
www.monde-diplomatique.fr
CONTRE L’AUSTÉRITÉ À PERPÉTUITÉ
Soutenir la Grèce
Par Serge Halimi
Chaque mois, avec Le Monde diplomatique,
on s’arrête, on réf léchit.
Chez votre marchand de journaux, 28
d’individus, porte un message de
paix, de tolérance, de respect.
Cette formation serait donc
plus large qu’une instance
cultuelle ?
Il s’agit de bâtir l’instance la plus
représentative possible. Mais il ne
s’agit pas de la construire sans ou
contre le CFCM. Elle doit permettre
au CFCM de se nourrir de ces ap-
ports pour, comme il y aspire, se
refonder, se projeter dans l’avenir
et élargir le champ de ses compé-
tences. Nous voulons une démar-
che inclusive, une dynamique par-
tagée.
En ouvrant la porte
à de nouveaux acteurs ?
Elle doit permettre l’expression
des Français musulmans qui sont
attachés à la religion comme ils le
sont à la République et au vivre-
ensemble. Certains sont impli-
qués dans le CFCM, d’autres non,
tout en étant désireux de partici-
per à l’expression d’un islam de to-
lérance en France. Le CFCM de-
meure la pierre angulaire de cette
instance. Il ne pourra que profiter
de la dynamique ainsi créée. Il faut
permettre à toutes ces composan-
tes d’un islam de tolérance et de
paix de s’exprimer autour d’un or-
dre du jour et de régler des problè-
mes concrets : la formation des
imams, la place des écoles confes-
sionnelles, l’abattage rituel, les fê-
« La laïcité,
ce n’est pas une
arme contre
les musulmans,
ni un principe
d’hostilité
à la religion ! »
MARS 2015
pages, 5,40 €
Bernard Cazeneuve
dans son bureau de la
place Beauvau, mardi
24 février. JULIEN DANIEL /
MYOP POUR « LE MONDE »
tes religieuses. Aujourd’hui, ces
questions ne sont traitées nulle
part. Cette initiative s’inscrit dans
le respect scrupuleux du principe
de laïcité, c’est-à-dire la reconnais-
sance de la possibilité de croire ou
de ne pas croire et, dès lors qu’on
croit, de pouvoir choisir sa religion
par l’exercice du libre-arbitre et de
la libre-conscience, ce qui suppose
que toutes les religions s’exercent
dans le respect rigoureux des va-
leurs de la République.
Tous les courants de l’islam,
salafistes compris, ont-ils voca-
tion à participer à ce processus ?
Si nous voulons réussir cette
opération, il ne faut pas poser le
problème comme cela.
Il va pourtant se poser comme
cela à un moment donné…
Non, pas si nous le posons bien.
Nous voulons le dialogue le plus
large possible dans le respect des
valeurs de la République. C’est à
chacun des Français musulmans
de se positionner. Tous ceux qui se
mobiliseront seront les bienvenus
dans ce mouvement de rénova-
tion, de modernisation et de con-
corde. La République a vocation à
prendre dans ses bras tous ses en-
fants, dès lors qu’ils respectent les
valeurs de la République. Le res-
pect se construit. Il n’est en aucun
cas négociable.
Jusqu’où va le rôle de l’Etat dans
cette entreprise ?
L’Etat n’a pas vocation à organi-
ser le culte musulman ! Il doit fixer
des objectifs et des principes. Les
objectifs, c’est dialoguer, avoir des
imams et des aumôniers formés,
notamment aux principes de la
République, d’où notre volonté de
développer les diplômes universi-
taires de formation civique et ci-
vile. Nous voulons porter leur
nombre de six à une douzaine.
Nous voyons avec intérêt les repré-
sentants du culte musulman avoir
le souci de l’excellence de la forma-
tion des imams, au moment où
l’on constate à quel point l’igno-
rance est la porte vers l’obscuran-
tisme et vers la barbarie. Nous
avons besoin de cette exigence
0123
JEUDI 26 FÉVRIER 2015
d’excellence. Nous avons besoin tionale, et ceux qui instrumentali-
d’imams qui maîtrisent notre lan-
« On ne sent la laïcité pour exclure et discri-
gue et les principes de la Républi- répond pas miner. Je pense à l’extrême droite
que. Nous devons faire de l’obten- et parfois à la droite extrême, qui
tion de ces diplômes la condition
au dévoiement voudraient faire dire aux lois le
de recrutement des aumôniers de l’islam par contraire de l’ambition qu’elles
dans les prisons, les hôpitaux et les portent. On ne répond pas au dé-
armées. Autre objectif : créer une
une minorité voiement de l’islam par une mino-
fondation qui permette d’avoir de barbares par rité de barbares par le dévoiement
une meilleure connaissance des des principes de la République.
œuvres de l’islam, en se plaçant à la
le dévoiement de
frontière du cultuel et du culturel. la République » A gauche aussi on trouve une
conception plus raide de la
Manuel Valls a souhaité la fin laïcité…
des financements de mosquées chent à attiser les conflits, appro- Les laïcards ? Je suis issu de cela.
par des Etats étrangers. Que fondir les antagonismes, susciter Mais, je le redis, la laïcité n’est en
prévoyez-vous à ce sujet ? des peurs. Il n’existe qu’une com- rien une déclaration de guerre
Sur l’ensemble des finance- munauté, c’est la communauté na- aux religions.
ments destinés aux mosquées, on tionale. Je parle d’ailleurs des Fran-
estime que 10 % environ provien- çais musulmans, et non des mu- Faut-il rendre fériées les
draient de l’étranger, même si la sulmans de France. Les responsa- principales fêtes musulmanes
traçabilité de ces fonds est difficile. bles publiques ont le devoir de s’en et juives ?
Les collectivités locales, par les tenir au contenu de la loi et des C’est un sujet délicat. Il y a
prêts bonifiés, le financement des principes républicains, sans jamais d’autres manières de respecter
activités culturelles et les baux chercher à dévoyer ni les principes chaque religion que de rendre les
emphytéotiques, sont aujourd’hui ni la loi. La loi n’interdit pas aux jours fériés. Il faut chercher des so-
outillées pour permettre la créa- musulmanes de porter le voile lutions pragmatiques, qui rassem-
tion de lieux de culte. Ces trois le- dans la rue, ni sur les plages. Cer- blent. Les instances de dialogue
viers permettent aussi aux élus tains instrumentalisent le concept que je souhaite développer sont
d’avoir des discussions « qualita- de laïcité et le dévoient pour en précisément destinées à trouver
tives » avec les représentants des faire un concept pernicieux d’ex- des compromis intelligents. Il faut
cultes pour avoir des bâtiments clusion, une arme de discrimina- arrêter, dans ce pays, de faire de
qui s’intègrent dans le tissu ur- tion envers les musulmans. Aucun chaque sujet une occasion d’hysté-
bain. Il faut faire en sorte que cette républicain ne peut accepter cette rie collective, de division. On ne
discussion puisse se développer. forme de dévoiement qui a un ob- peut pas ignorer le besoin de spiri-
jectif : créer des divisions, répandre tualité, la présence du fait reli-
Comment interprétez-vous les la haine. gieux dans la société. La laïcité, jus-
crispations autour de la visibi- La laïcité, ce n’est pas une arme tement, le permet. Cela implique
lité de l’islam et la tentation contre les musulmans ni un prin- une parole publique millimétrée,
d’utiliser le concept de laïcité cipe d’hostilité à la religion ! C’est précise, apaisante. Chaque mot
pour rejeter le religieux ? un principe d’inclusion. Il y a employé par un responsable pu-
Il y a une exploitation malsaine aujourd’hui un grand clivage entre blic doit être un mot qui rassem-
des actes terroristes par des forma- les républicains laïques, qui croient ble, qui apaise.
tions et des responsables qui cher- en l’unité de la communauté na-
Vous n’utiliseriez donc pas
le mot « islamo-fasciste » ?
Boubakeur et Cukierman réconciliés Le premier ministre, en utilisant
cette expression, a voulu dire que
Au sortir d’une entrevue avec François Hollande à l’Elysée, mardi le dévoiement de l’islam dans
24 février dans l’après-midi, le président du Conseil représentatif l’ignorance par une poignée de
des institutions juives de France (CRIF), Roger Cukierman, et le pré- barbares n’est pas l’islam de
sident du Conseil français du culte musulman (CFCM), Dalil Bouba- France. Et que ce dévoiement ne
keur, ont affiché leur réconciliation. « Nous avons le même combat peut conduire qu’à la violence et à
à mener contre le racisme et l’antisémitisme », a lancé M. Cukier- la haine partour. C’est ce que pen-
man. Lundi, M. Boubakeur avait boycotté le dîner du CRIF après sent la quasi-totalité des musul-
les propos de M. Cukierman, qui avait déclaré que « toutes les vio- mans, désireux de pratiquer leur
lences » étaient commises par « des jeunes musulmans ». De son religion dans le respect des lois et
côté, M. Boubakeur a indiqué qu’il avait fait part au chef de l’Etat du vivre-ensemble. p
et à Roger Cukierman de « la peine des musulmans de France, qui propos recueillis par
avaient souffert d’un certain nombre de mots dans le passé ». cécile chambraud
0123
JEUDI 26 FÉVRIER 2015
Une large « instance
de dialogue » entre l’Etat
et l’islam de France
D ouze ans après la créa-
tion du Conseil français
du culte musulman
(CFCM), en 2003, le gouverne-
ment pousse l’islam de France à
se réorganiser. Dans une commu-
nication en conseil des ministres,
mercredi 25 février, Bernard Caze-
neuve, le ministre de l’intérieur,
a présenté un éventail de mesures
destinées tout à la fois à engager
ce processus et à montrer aux
musulmans que l’Etat ne les laisse
pas seuls face à l’augmentation
des actes anti-musulmans et au
climat de défiance nourri par les
attentats djihadistes.
La principale mesure consiste à
créer une « instance de dialo-
gue » entre le gouvernement et
les représentants du culte musul-
man, sur le modèle de celle qui
réunit deux fois par an, depuis
2002, Matignon et l’Eglise catho-
lique. Une première réunion sera
organisée d’ici l’été. L’ambition
de Bernard Cazeneuve est d’atti-
rer dans cette instance toutes les
composantes de l’islam. Autant
dire qu’elle devra rassembler bien
au-delà du CFCM.
Pour élargir sa « surface de con-
tact » avec l’islam, l’Etat organi-
sera dans les mois qui viennent
une « large consultation des ac-
teurs de l’islam de France », qu’ils
soient directement liés au culte,
comme les imams ou les mem-
bres des associations de gestion
des mosquées, ou, plus large-
ment, avec les fédérations, des in-
tellectuels, des universitaires…
Mercredi, après le conseil des
ministres, Bernard Cazeneuve
devait inaugurer ce cycle de mo-
bilisation par un déplacement à
Bordeaux, où il devait rencontrer
les acteurs de l’islam girondin, au
premier rang desquels l’imam et
théologien Tareq Oubrou, en-
gagé dans un travail d’acclimata-
tion de l’islam à une société sécu-
larisée. Les préfets seront appelés
à jouer un rôle de mise en contact
des acteurs et de détection des
sujets à traiter. Car cette instance
aura pour mission de répondre
aux questions concrètes, et pour
l’instant non traitées, qui se po-
sent aux fidèles.
Diplôme obligatoire
La première est la formation des
imams. Aujourd’hui, au-delà de
leur formation théologique, ac-
quise pour la plupart dans leur
pays d’origine, très peu ont bénéfi-
cié en France d’une formation uni-
versitaire leur permettant de maî-
triser l’environnement juridique
et civique. Jusqu’à présent, seuls
six diplômes universitaires adap-
tés à leurs profils existent. Ils de-
vraient être portés à une douzaine
d’ici la fin de l’année. Un tel di-
plôme devrait être à l’avenir obli-
gatoire pour devenir aumônier,
notamment dans les prisons.
Les questions de l’abattage ri-
tuel, de l’enseignement confes-
sionnel, de la gestion des lieux de
culte, des fêtes religieuses seront
aussi au programme. Le ministre
de l’intérieur prévoit aussi de sti-
muler la recherche en islamologie
par des programmes d’études.
Troisième volet : la sécurité des
lieux de culte, victimes de plu-
sieurs actes de vandalisme en ce
début d’année. De nouveaux
moyens devraient être débloqués
pour financer des équipements
de sécurité, comme la vidéo-
surveillance. D’une manière gé-
nérale, la répression des actes
anti-musulmans sera une des
priorités de la politique pénale. p
cécile chambraud
David Vallat, ex-djihadiste, raconte
« l’engrenage » de la radicalisation
Condamné à dix ans de prison en 1997, il témoigne pour la première fois
lyon – correspondant
M
ohamed Merah,
Saïd et Chérif
Kouachi, Amedy
Coulibaly : ces pro-
fils de jeunes terroristes l’ont ren-
voyé à son propre passé. Les at-
tentats de Paris et Montrouge, les
7, 8 et 9 janvier, l’ont poussé à s’ex-
primer ouvertement, pour la pre-
mière fois. « Je dois parler, je suis
devenu un républicain acharné » :
David Vallat, 43 ans, est décidé à
décrire les rouages de l’islamisme
radical. Il les a bien connus pour
avoir participé au réseau dit de
Chasse-sur-Rhône, près de Lyon,
en lien avec les attentats san-
glants de 1995. En 1997, le tribunal
correctionnel de Paris l’a con-
damné à dix ans d’emprisonne-
ment, pour association de malfai-
teurs en relation avec une entre-
prise terroriste.
La mécanique de l’embrigade-
ment, David Vallat l’a vue à
l’œuvre, lorsque passaient sous le
manteau les premières cassettes
VHS décrivant le monde en mode
binaire. Les films de propagande
désignaient d’innocentes victi-
mes d’un côté, et de l’autre, des
ennemis à abattre pour remédier
à cette grande injustice. A son
époque, l’influence venait du
Groupe islamique armé (GIA),
cherchant à exporter la guerre ci-
vile algérienne en terres euro-
péennes, notamment française. Il
a croisé Boualem Bensaïd, Ali
Touchent, puis Khaled Kelkal, les
principaux protagonistes de la
campagne d’attentats de 1995,
liée au GIA.
Neuf mois en Afghanistan
« Le principe est exactement le
même aujourd’hui dans les vidéos
de Daech : on désigne progressive-
ment aux jeunes une cible, on les
encourage à passer à l’action pour
lutter contre des images insuppor-
tables. Les techniques vidéo ont
évolué, le fond est le même », es-
time David Vallat. Avec une diffé-
rence : « Aujourd’hui avec Inter-
net, un individu peut se radicaliser
dans sa chambre, à l’abri de tout
regard, le danger est bien supé-
rieur. » A son époque, le message
passait dans des mosquées radi-
Dans un foyer de travailleurs de Lyon, la fermeture
douloureuse d’une salle de prière musulmane
Les résidents musulmans sont devenus minoritaires, mais le lieu sert de mosquée de quartier
lyon – correspondant
I ls veulent nous mettre dans
une cage », se désole Ali
Chemcham, les larmes aux
yeux, au pied d’une grande tour
jaune aux fenêtres alvéolaires, en
plein cœur du quartier de Ger-
land, dans le 7e arrondissement
de Lyon. Ce lundi 23 février, le chi-
bani à barbe et djellaba grises est
persuadé que le déménagement
programmé d’une salle de prière,
au rez-de-jardin du foyer social
Adoma, cache une sourde entre-
prise d’élimination des lieux de
culte musulmans. M. Chemcham
menace d’occuper les lieux. Il
parle de « la France qui trahit ceux
qui l’ont construite ». Il brandit
« la colère d’Allah » – sans mesu-
rer la portée de ces propos, dans
un pays meurtri par les attentats
islamistes de janvier.
Avec ses 15 m2 , la nouvelle salle
de prière est quatre fois plus pe-
tite que l’ancienne, aménagée au
fil du temps. « Nous n’étions plus
calisées ou des « appartements
conspiratifs », selon la terminolo-
gie judiciaire alors en vigueur au
pôle antiterroriste. Le temps du
réseau de Chasse-sur-Rhône,
structuré, collectif, financé de-
puis Londres et animé par un
émir venu d’Algérie, cède la place
aux trajectoires fragmentées, dis-
séminées.
Une étape reste commune à ces
générations de jeunes radicaux :
le passage par des zones
de guerre. David Vallat a fré-
quenté neuf mois le camp d’en-
trainement de Kalden, en Afgha-
nistan, carrefour des filières isla-
mistes des années 1990 à 2001.
« Une fois qu’on a mis le pied là-
bas, on est dans l’engrenage, on
s’auto-radicalise, on monte d’un
cran chaque jour », témoigne Da-
vid Vallat, pour qui l’apprentis-
sage de la religion dans ce camp
restait secondaire par rapport à
celui des armes : « Curieusement,
en Afghanistan, je n’ai eu droit
qu’à deux ou trois conférences
d’endoctrinement. Le reste du
temps, c’était le maniement des ar-
mes, surtout russes. » Selon lui, le
déracinement individuel conju-
gué à l’effet de groupe produit
une dynamique irrémédiable :
« Il est très difficile de revenir en ar-
rière, on n’en sort pas comme ça. »
Dans leurs parcours aspirés par
des grandes cassures historiques,
qu’elles soient l’Algérie de 1995,
l’Irak ou la Syrie d’aujourd’hui, les
islamistes en version française
trouvent leurs premières motiva-
tions dans des failles personnel-
les. « On voit des faiblesses dans
les parcours des uns et des autres,
ce n’est pas un hasard, l’endoctri-
nement profite de ça », estime Val-
lat. Lui s’était converti à l’islam à
l’âge de 19 ans, une initiative rare
à l’époque. Une quête un peu in-
distincte d’autorité autant que
« On en arrive
à vouloir donner
un sens à sa mort
plutôt qu’à
sa vie »
DAVID VALLAT
dans les normes, ce changement
est tout simplement indispensa-
ble », plaide Matthieu Mouzet, di-
recteur régional d’Adoma (ex-So-
nacotra), invoquant une campa-
gne nationale de rénovation des
400 foyers gérés par le bailleur
social, dont 37 dans la seule ag-
glomération lyonnaise.
Ce conflit réveille une mémoire
de l’immigration encore à vif. Il il-
lustre surtout le malaise crois-
sant qui entoure le culte musul-
man, pratiqué dans des condi-
tions souvent précaires.
150 fidèles
M. Chemcham, ancien ouvrier de
l’industrie, est arrivé en 1975 dans
ce foyer, alors tout juste édifié par
la Sonacotra (Société nationale de
construction de logements pour
les travailleurs). Un sigle qui évo-
que les vagues d’immigration in-
vitées à reconstruire le pays. A
l’époque, les Sénégalais étaient
majoritaires dans cette tour de
290 logements. Un certain mon-
d’aventure, pour tromper l’ennui
d’une jeunesse sans relief à Ville-
fontaine, dans le nord de l’Isère.
Avec une mère seule au foyer et un
père absent, Vallat a voulu mar-
quer sa propre trajectoire par l’em-
prunt d’une religion extérieure.
Dans son environnement, un
grand-père communiste lui ren-
voyait un imaginaire de lutte poli-
tique, « sans exclure la violence du
champ d’action », analyse a poste-
riori David Vallat. Regard fiévreux,
il utilise des tournures sophisti-
quées qui font penser à la rhétori-
que des années 1970 et 1980, du
temps d’Action directe.
« En prison, j’étais une vedette »
En ce qui le concerne, la défense
du prolétariat s’est plutôt expri-
mée dans le soutien aux musul-
mans opprimés, en particulier
dans les Balkans. D’où un premier
voyage en Bosnie avec un petit
groupe d’amis aux origines ma-
ghrébines. Refoulés à la frontière
Croate, ils ont failli mourir plu-
sieurs fois sans tirer le moindre
coup de feu. Le jeune converti a eu
peur de « finir anonyme, le corps
pourrissant dans un fossé ».
De ces scènes initiatiques a
émergé une idée plus grandiose :
« Mourir en martyr. » Vallat a vécu
ce basculement. « On en arrive à
vouloir donner un sens à sa mort
plutôt qu’à sa vie, un sens spectacu-
laire », analyse-t-il. Passer d’une
supposée lutte contre l’injustice à
la mise en scène de sa propre fin,
sans retour possible. Les cavales
meurtrières des Merah, Kouachi
ou Coulibaly disent-elles autre
chose que ce tunnel mortifère ?
David Vallat envisage d’écrire un
livre, qu’il pourrait titrer Terreur
de jeunesse. Il voudrait expliquer
comment sortir d’un tel engre-
nage. Pas simple. « Les jeunes gé-
nérations sombrent très vite dans
une violence autiste, il faut les
écouter et trouver des mots pour les
toucher vraiment, il faut pouvoir
contrer chaque argument sur leur
terrain », estime-t-il.
Pour lui, le salut est venu de pri-
son. Cinquante-deux mois de dé-
tention, trente et une cellules et
trois prisons différentes (la Santé,
Nanterre, Villepinte). Il a pu mesu-
rer la place à part des islamistes et
sieur Diallo a d’ailleurs long-
temps fait office d’imam. La salle
de prière a changé plusieurs fois
d’étage, passant de chambre en
couloir. L’islam s’est installé dis-
crètement dans cet environne-
ment, sans créer d’émoi. A la
mort de M. Diallo, Ali Chemcham
a repris la responsabilité du lieu
et fait office d’imam. Selon lui,
plus de 150 fidèles se retrouvaient
chaque vendredi dans la salle
couverte de tapis.
Mais les temps ont bien changé.
La sociologie des résidents n’a
plus rien à voir avec les popula-
tions africaines des années 1970.
Chômeurs et travailleurs précai-
res composent l’essentiel des
nouveaux locataires de nombre
de ces foyers, dont la population
reflète désormais plus la crise
économique que l’immigration
des « trente glorieuses ». La moi-
tié des résidents change chaque
année. M. Chemcham lui-même
s’est établi ailleurs dans le quar-
tier, avec sa famille de six enfants.
france | 9
LE CONTEXTE
LE RÉSEAU DE
CHASSE-SUR-RHÔNE
Le réseau djihadiste dit de
Chasse-sur-Rhône a été accusé
d’avoir apporté un soutien logis-
tique aux auteurs des attentats
islamistes de 1995 en France.
Entre juillet et octobre 1995, huit
attentats à la bombe, attribués
au Groupe islamique armé (GIA)
algérien, ont tué 8 personnes et
fait près de 200 blessés.
41 membres de ce groupe,
parmi lesquels David Vallat,
ont été jugés à Paris en 1997
pour avoir livré des faux papiers,
acheté et transporté des armes,
facilité l’envoi de militants
en Afghanistan ou en Bosnie
pour qu’ils y reçoivent une
formation militaire et diffusé
la propagande du GIA.
des terroristes dans le monde car-
céral. « C’est le tapis rouge : les
autres détenus se disent que les ter-
roristes sont des gars complète-
ments frappés, capables de tout »,
dit David Vallat, qui se souvient :
« J’étais une vedette, les détenus
nous voyaient comme ceux qui s’at-
taquent au système, des Robin des
bois. Avec ça, les islamistes ont un
boulevard en prison. » L’ancien dé-
tenu a été frappé par une scène, le
premier jour de son incarcération :
« Tout le monde savait les raisons de
mon mandat de dépôt. Quand j’ai
mis la tête à la fenêtre de ma cellule,
j’ai vu entre les barreaux un groupe
qui a crié : “Allahou Akbar !” »
En prison, il a beaucoup lu, étu-
dié, suivi des cours d’histoire de la
faculté de Bordeaux. En sortant,
marqué par son passé judiciaire, il
a abandonné les études pour sui-
vre une formation de serrurier. Re-
venu dans la région lyonnaise, il
est cadre dans une entreprise. « Je
me suis désintoxiqué tout seul », dit
le quadragénaire. David Vallat suit
sa foi musulmane tout en se disant
« laïcard » et affirme, citations en
arabe à l’appui, que le Coran n’a ja-
mais prôné la violence. p
richard schittly
Les pratiquants musulmans ne
seraient plus qu’une vingtaine
parmi les résidents. Les autres fi-
dèles viennent de l’extérieur
pour faire la prière dans cette
salle d’un autre âge qui fait office
de mosquée du quartier, faute
d’autre lieu disponible dans cet
arrondissement populaire d’en-
viron 75 000 habitants. Un projet
de mosquée peine à sortir des
cartons.
Signe de l’extrême sensibilité
du sujet, Laïd Abdelkader Ben-
didi, président du conseil régio-
nal du culte musulman de Rhô-
ne-Alpes, est venu en personne
calmer les esprits. Il promet le
maintien d’un lieu de culte dé-
cent, « dans un compromis rai-
sonnable ». « La fin de la salle de
prière, ce n’est pas la fin de votre
foi », est aussi venue dire Zorah
Aït-Maten, première adjointe
(PS) au maire, chargée du loge-
ment, dont l’oncle a vécu dans ce
foyer. p
r. sy
10 | france 0123
JEUDI 26 FÉVRIER 2015

Face à ses frondeurs, le PS se presse de ne rien faire

Le bureau national du parti a rejeté les demandes de sanctions contre les élus en désaccord avec la loi Macron

I
l faut que tout change pour
que rien ne change », écrivait
« On n’est pas
Giuseppe Di Lampedusa. Au dans une école ni
PS, on préfère en réalité que
rien ne change pour que… rien ne
dans une caserne.
change. Mardi 24 février, lors de On ne dirige pas
son bureau national, le Parti socia-
liste a, en effet, décidé de ne rien
un pays à coups
décider à l’encontre des frondeurs. de menton »
Aucune sanction infligée à ces dé-
EMMANUEL MAUREL
putés socialistes qui ont menacé il
député européen
y a une semaine de voter contre la
loi Macron, obligeant le gouverne-
ment à recourir au 49-3 pour faire
adopter son texte. rassemblement », a souri le pre-
La montagne de débats internes mier secrétaire à l’issue de la réu-
au PS depuis sept jours, qui devait nion, plutôt fier de son nouveau
aboutir à des sanctions pour les coup. Et qu’importe que ce che-
uns ou carrément pour d’autres à min s’apparente à une impasse
interdire statutairement aux par- pour le premier ministre, Manuel
lementaires socialistes de s’oppo- Valls, qui avait qualifié les fron-
ser à un texte gouvernemental, a deurs d’« irresponsables » et
donc accouché d’une nouvelle d’« immatures » la semaine der-
souris bureaucratique et haute- nière.
ment politique de la part du pre-
mier secrétaire, Jean-Christophe Liberté d’expression
Cambadélis. Contre ceux-là et leur opposition à
Certes, la « résolution » de la di- la loi Macron, le texte de deux pa-
rection du parti, adoptée à une ges rédigé par M. Cambadélis ex-
large majorité mardi soir, appelle plique que « la souplesse indivi-
les socialistes à « se ressaisir », esti- duelle de l’abstention au Parlement
mant que « le manque de respect, est devenue une faiblesse collective
de fraternité ou tout simplement de en se transformant pour une mino-
camaraderie a atteint un niveau in- rité en volonté de faire tomber le
tolérable ». Mais M. Cambadélis, gouvernement à travers un texte
qui avait promis de « mettre les qui vise à combattre des inégalités
points sur les i » à l’occasion du bu- et soutenir l’activité ». On a connu
reau national, s’est surtout livré à des recadrages plus brutaux… Jean-Christophe Cambadélis, mardi 24 février, au siège du Parti socialiste rue de Solférino. JOËL SAGET/AFP
un numéro d’équilibriste dont il a A l’inverse, contre le gouverne-
le secret, entre l’exécutif et les non- ment, le premier secrétaire du PS qu’« il peut et doit l’être en seconde quiété pour les idées qu’il défend », solfériniens : à l’avenir, ce sera le Valls d’être responsable de la si-
alignés socialistes, à quelques regrette de manière plus directe lecture ». Quant aux partisans de et renvoyant au groupe à l’Assem- bureau national qui « donnera ses tuation actuelle en se comportant
mois du congrès du parti. que le « mémorandum » du parti « sanctions » contre leurs camara- blée et à son collègue Bruno Le consignes sur les textes [devant être comme « un maître d’école » avec
Pas question pour lui de tenter sur la-dite loi, qui avait été pré- des opposants, le patron de Solfé- Roux, le soin de « définir les impli- examinés au Parlement] après la majorité socialiste. « On n’est
toute initiative qui pourrait com- senté fin 2014 avant l’examen par- rino répond par la liberté d’expres- cations qui le concernent ». audition du gouvernement ». pas dans une école ni dans une ca-
promettre son maintien à Poitiers lementaire du texte, « n’a pas été sion socialiste, assurant que « per- Seule nouveauté finalement pro- « C’est de la foutaise, encore fau- serne, on ne dirige pas un pays à
en juin. « J’ai privilégié le chemin du étudié comme il aurait dû » et sonne en son sein ne peut être in- duite par les trois heures de débats drait-il que le bureau national pèse coups de menton, ni un parti à
réellement quelque chose et ne soit coups de martinet », tacle M. Mau-
pas uniquement une petite inter- rel, rappelant que par le passé, le
Guerre des deux roses en Ile-de-France syndicale de courants socialistes »,
torpille déjà un membre de la di-
premier ministre s’était plusieurs
fois démarqué du PS « en multi-
rection. pliant les provocations sans jamais
manuel valls lui a donné son feu vert. tés socialistes », observe Emeric Bréhier, dé- de force qu’ils jugeaient indispensable pour être sanctionné. Il faudrait peut-
Lundi 23 février, Jean-Paul Huchon, candi- puté (PS) de Seine-et-Marne et signataire. Ce mettre un terme à « la petite musique mé- « Mise en scène » être qu’il s’en souvienne et ne pas
dat à un quatrième mandat à la tête de l’Ile- proche de Pierre Moscovici récuse « la lec- diatique autour de Marie-Pierre ». Outre Il semblait de toute façon difficile avoir une mémoire de poisson
de-France, a déclenché les hostilités pour ture » qui réduirait la lettre à une offensive Anne Hidalgo, la maire de Paris, Jean-Marie que ce bureau national aboutisse rouge, ce serait gonflé de sa part ».
dissuader Marie-Pierre de la Gontrie, nu- vallsiste. Le Guen, ministre des relations avec le Parle- à une réelle décision. « Tout ça Jean-Christophe Cambadélis
méro deux de son exécutif, de vouloir por- Pourtant, le premier secrétaire du PS, Jean- ment, a pris position en faveur de Mme de la comme souvent, c’est d’abord de la veut croire que ces comporte-
ter, à sa place, les couleurs du PS aux régio- Christophe Cambadélis, est intervenu pour Gontrie, élue du 13e arrondissement de la ca- mise en scène », confie l’élu franci- ments sont « derrière eux », et que
nales de décembre 2015. Une lettre, précé- différer l’offensive de M. Huchon, qu’il juge pitale comme lui. En réaction à l’appel des lien Jérôme Guedj. M. Cambadélis, « la page est tournée ». Il sera facile
dée d’une tribune publiée lundi dans Libé- inopportune en pleine campagne départe- élus en faveur de M. Huchon, Mme de la Gon- qui doit veiller sur les deux rives de le vérifier dans les prochains
ration, a été adressée mardi à tous les mentale. Le président de l’Assemblée natio- trie se borne à « regretter qu’on ne respecte du fleuve socialiste, n’avait guère mois lors de l’examen d’autres tex-
responsables socialistes d’Ile-de-France, si- nale, Claude Bartolone, est du même avis. pas tous le calendrier politique qui prévoyait d’autre choix que d’appliquer la tes de lois sensibles, à commencer
gnée par 80 élus PS. Ils demandent que Les élus PS de son département, la Seine- qu’on attende la fin des départementales méthode douce contre les « fron- par celui sur le dialogue social qui
M. Huchon « s’engage à nouveau » pour un Saint-Denis, ont refusé de signer l’appel. « Je pour lancer la bataille interne ». deurs » qui n’ont même pas pu en devait être présenté mercredi
mandat à la tête de la région. ne comprends pas la stratégie de Jean-Paul, Pour l’emporter en cas de primaire, la nu- réalité exprimer leur opposition 25 février. En cas de nouveaux
Carlos Da Silva, député vallsiste de l’Es- qui consiste à vouloir entrer en campagne méro 2 de la région compte notamment sur contre la loi Macron, pour cause manquements, le PS pourra tou-
sonne, est l’un des principaux orchestra- avant les départementales, affirme Bruno Le le soutien de la fédération PS de Paris, qui de 49-3. jours invoquer l’article 1.2.2 de ses
teurs de cet appel. Future tête de liste aux ré- Roux, député de Seine-Saint-Denis. Le pa- détient 30 % des quelque 10 000 cartes de « Comment parler de sanctions statuts qui concerne la « loyauté
gionales dans son département, M. Da Silva tron du groupe PS à l’Assemblée assure tou- militant d’Ile-de France, et sur celui des mili- alors qu’il n’y a même pas eu de au parti ». Mais « la direction du
assure n’avoir qu’un objectif : « Combattre tefois qu’il sera « aux côtés de Huchon » le tants du Val-de-Marne, dont le patron, Luc vote à l’Assemblée ? », estime Parti socialiste n’a jamais eu re-
Valérie Pécresse, la candidate UMP, et lutter moment venu. Carvounas, vallsiste, laisse dire qu’il la sou- l’eurodéputé Emmanuel Maurel. cours à cet article », précise la réso-
contre l’extrême droite.» L' appel « est un en- Malgré ces critiques, les soutiens de tient. p Le responsable de l’aile gauche du lution adoptée mardi… p
jeu francilien et rassemble toutes les sensibili- M. Huchon assument une démonstration béatrice jérôme PS accuse au contraire Manuel bastien bonnefous

Nicolas Sarkozy et « NKM » se mettent à table

En désaccord sur la stratégie face au FN, le président et la numéro deux de l’UMP ont tenté d’aplanir leurs divergences lors d’un déjeuner

L e rendez-vous n’a pas été

inscrit à l’agenda officiel de
Nicolas Sarkozy. Il revêt
pourtant une certaine impor-
tance dans la vie interne de l’UMP.
Mardi 24 février, le président du
parti a déjeuné avec la vice-prési-
dente du mouvement, Nathalie
Kosciusko-Morizet. L’occasion
d’aplanir les divergences qui se
sont exprimées entre eux ces der-
nières semaines.
« Ils avaient besoin de mettre plu-
sieurs sujets sur la table et d’avoir
une explication sérieuse les yeux
dans les yeux », indique un diri-
geant du parti. Entre l’ancien chef
de l’Etat et sa numéro deux, le su-
jet le plus épineux reste celui de la
stratégie électorale à adopter vis-à-
vis du Front national. Alors que le
premier s’est montré hésitant sur
la consigne de vote à donner aux
électeurs de son camp lors du se-
cond tour de la législative partielle
dans le Doubs, la seconde n’a pas
hésité à dire qu’elle voterait « à ti-
tre personnel » en faveur du Parti
socialiste pour empêcher une vic-
toire du parti d’extrême droite. En
soutenant cette position, « NKM »
a encore usé de sa liberté de parole
vis-à-vis du « chef », en se situant à
contre-courant de la ligne offi-
cielle du « ni-ni » qu’il avait édictée
en 2011.
Fin 2014, elle s’était déjà opposée
à ses propositions d’abroger la loi
sur le mariage homosexuel, d’ex-
ploiter les gaz de schiste ou de
faire évoluer le principe de pré-
caution. Si d’autres auraient pris
la porte pour moins que cela,
NKM, elle, a toujours bénéficié
d’un traitement de faveur de la
part de M. Sarkozy, qui lui voue
une vraie affection. « C’est une fille
intelligente, que j’aime bien », ré-
La vice-
présidente
constate avec
inquiétude que le
centre de gravité
du parti penche
vers une ligne
droitière
pète-t-il souvent. Mais à la suite de
la sortie de son ancienne porte-
parole sur le Doubs, le ton a
changé. Le président de l’UMP n’a
pas caché son agacement. « C’est
une tête de mule », a-t-il grogné en
privé, en lui reprochant d’avoir
joué « trop perso ». Des sarkozys-
tes ont même laissé courir le bruit
qu’elle pourrait être éjectée de la
direction lors de la refondation du
parti, prévue pour le mois de juin.
NKM, elle, goûte peu les ru-
meurs sur son éviction, car elle
planche justement sur la refonte
des statuts et sur la manière de ré-
nover l’appareil dans l’optique du
changement de parti. « Elle n’a pas
l’intention d’être une victime ex-
piatoire et veut être respectée dans
le rôle qui est le sien », affirme un
de ses soutiens. La vice-présidente
constate surtout avec inquiétude
que le centre de gravité du parti
penche vers une ligne droitière in-
carnée par le numéro 3 de l’UMP,
Laurent Wauquiez, son meilleur
ennemi en interne.
Sur la question du positionne-
ment à adopter face au FN, elle
n’en démord pas : même si le bu-
reau politique a opté pour le
« ni-ni » le 3 février, la députée de
l’Essonne ne se montre pas satis-
faite par ce choix stratégique.
« Le FN et le PS, ce n’est pas la
même chose », souligne-t-elle,
plaidant pour une consultation
des militants.
Affirmer ses convictions
Dans son esprit, l’UMP doit clari-
fier sa position vis-à-vis du parti
de Marine Le Pen pour ne plus se
diviser à l’avenir. « C’est une ques-
tion fondamentale », insiste-t-elle,
jugeant que sa formation ferait
mieux de « faire face » à l’extrême
droite en actant le front républi-
cain, « plutôt que lui tourner le
dos » en campant sur le « ni-ni ».
« Elle veut aller plus loin que le
“ni-ni”, car elle estime que, en ne
prenant pas clairement position,
l’UMP risque encore de se déchirer
sur la question du FN lors des élec-
tions départementales et régiona-
les », explique un de ses proches.
Affirmer ses convictions lui per-
met de cultiver sa singularité,
sans apparaître dépendante de
M. Sarkozy. NKM se dit « entière-
ment libre » et ne cache pas son
envie de se présenter à la primaire
à droite pour la présidentielle. Cet
objectif est d’ailleurs un autre
motif de tension avec le numéro
un de l’UMP. Récemment, elle lui
a reproché d’avoir validé avant
l’heure le seuil de parrainages – a
priori 25 parlementaires – pour
pouvoir se présenter à ce scrutin
interne. Craignant de ne pas at-
teindre ce seuil pour pouvoir con-
courir, elle exige qu’il soit abaissé.
Son entourage propose que la
jauge soit fixée à « une dizaine de
parlementaires, voire moins ». Ver-
dict fin mars, lorsque la commis-
sion chargée d’organiser la pri-
maire rendra ses conclusions p
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Chambre des Notaires de Paris

Acheter ou vendre un bien immobilier aux enchères avec les notaires

9e semaine nationale des ventes aux enchères notariales (30 mars au 3 avril 2015)
Les ventes aux enchères des notaires permettent de vendre ou d'acheter tous types de biens
immobiliers (bureaux, locaux d’activité, appartements, maisons, terrains à construire, proprié-
tés, immeubles entiers, parkings, caves…). Elles garantissent au vendeur et à l’acquéreur la rapi-
dité, la transparence, le prix du marché et la sécurité.
Du 30 mars au 3 avril prochain, les notaires organisent tous les jours à Paris (Place du Châte-
let) et dans plusieurs villes de France, la 9e Semaine Nationale des Ventes aux Enchères Nota-
riales. Le programme complet des séances de ventes à Paris (présentation des biens, montant
de la consignation, prix de mise en vente, visites virtuelles des biens, horaires des visites…)
est disponible en ligne à l’adresse : www.notaires.paris-idf.fr/encheres
La rapidité - 2 à 3 mois suffisent pour mener à bien une vente aux enchères. La vente est réalisée
le jour de l'adjudication sous réserve des conditions suspensives figurant au cahier des charges.
Le vendeur, en relation avec son notaire, organise la vente à la date qui lui convient. Il perçoit ensuite
son prix dans les 45 jours suivant la vente. L'acquéreur peut entrer en possession de son bien dès
le paiement du prix
La transparence - Publiques et accessibles à tous, précédées d'une large campagne de publicité,
ces ventes aux enchères sont reconnues comme la méthode de vente immobilière la plus transpa-
rente. Toute personne présente dans la salle d'adjudication a connaissance de l'offre précédente
puis de la dernière offre. L'adjudication est faite au dernier et meilleur enchérisseur.
Le prix du marché - Dans une vente aux enchères, le prix de vente est le résultat de la confronta-
tion des candidats acquéreurs présents lors de la vente. Le prix ainsi obtenu est donc le prix réel
du marché au jour de la vente.
La sécurité - Les ventes aux enchères notariales sont menées et contrôlées par les notaires. Préa-
lablement à la vente, le vendeur, conseillé par son notaire, fixe les conditions de sa vente dans le
cahier des charges. L'acquéreur est maître de la limite qu'il entend s'imposer et donc du prix qu'il
entend payer. Le vendeur peut fixer un prix de réserve en dessous duquel le
bien ne sera pas vendu.
Programmes détaillés des prochaines ventes aux enchères et renseigne-
ments sur la Semaine Nationale des Ventes aux Enchères Notariales du
30 mars au 3 avril 2015 sur le site www.notaires.paris-idf.fr/encheres et
www.immobilier.notaires.fr
Paris Notaires Infos : 01 44 82 24 44 www.notaires.paris-idf.fr
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12 | france
La e-cigarette,
échappatoire
limitée du
tabagisme
Même s’ils diminuent
leur consommation, 83 %
des vapoteurs continuent de fumer
E
n matière de tabagisme,
la France est toujours
l’un des mauvais élèves
en Europe. Avec 34 % de
fumeurs, elle est loin devant la
Grande-Bretagne qui n’en compte
que 20 %. Certes, le nombre de
personnes fumant tous les jours
recule (de 29,1 % en 2010 à 28,2 %
en 2014), mais certains chiffres
restent préoccupants. Exemple :
17,8 % des femmes fument tou-
jours au troisième trimestre de
leur grossesse et 37,8 % des
ouvriers chaque jour, (contre
18,9 % des cadres).
Tels sont quelques-uns des en-
seignements du baromêtre santé
2014 sur le tabac de l’Institut na-
tional de prévention et d’éduca-
tion pour la santé (Inpes), dévoi-
lés mardi 24 février, fruit d’une
enquête téléphonique menée du
11 décembre 2013 au 31 mai 2014
auprès d’un échantillon repré-
sentatif de plus de 15 000 per-
sonnes âgées de 15 à 75 ans.
« Nous devons faire en sorte que
la cigarette devienne un objet in-
habituel », a souligné mardi la
ministre de la santé Marisol Tou-
raine, « notre objectif est que les
enfants qui naissent aujourd’hui
soient la première génération de
non-fumeurs ». Le ministère sou-
haite par ailleurs diminuer le
nombre de fumeurs de 10 % d’ici
à 2019. Chaque année, le tabac
tue environ 73 000 personnes en
France.
Bonne nouvelle toutefois, 29 %
des fumeurs ont essayé d’arrêter
en 2014, plus qu’en 2010 (25 %). Et
plus de la moitié (54 %) des jeunes
fumeurs de 15 à 24 ans a tenté d’ar-
rêter en 2014, contre 41 % en 2010.
Retards dans le paiement des retraites :
Touraine nomme une mission en urgence
Les dossiers de 8 000 personnes sont encore en attente de traitement
C ela commence à chauffer
sévèrement pour la Caisse
nationale d’assurance-
vieillesse (CNAV). Alors que certai-
nes caisses régionales, appelées
« Carsat », affichent des retards de
paiement considérables depuis
plus d’un an, Marisol Touraine, la
ministre des affaires sociales, a an-
noncé mardi 24 février qu’elle al-
lait convoquer en urgence mer-
credi son directeur, Pierre Mayeur,
« afin qu’il mobilise toutes ses res-
sources pour résorber cette situa-
tion dans les plus brefs délais ».
La ministre va également con-
fier à l’Inspection générale des af-
faires sociales (IGAS) « une mis-
sion de contrôle urgente ». Ses
« premiers résultats » seront remis
« sous quinze jours », selon son
communiqué. Depuis plus d’un
an, la CNAV a le plus grand mal à
résorber son stock de dossiers en
retard, alors que certains jeunes
retraités doivent attendre plu-
sieurs mois avant de toucher leur
pension. « Cette situation, particu-
lièrement difficile pour les retraités
concernés, n’est pas acceptable »,
Plus de la moitié
des 15-24 ans
a essayé d’arrêter
la cigarette
en 2014, contre
41 % en 2010
L’enquête de l’Inpes accorde
cette année une place particulière
à la e-cigarette et à ses usages. On
s’en doutait, les chiffres confir-
ment l’engouement pour le vapo-
tage. Développée en Chine au mi-
lieu des années 2000, la e-ciga-
rettte est apparue en France au dé-
but des années 2010. 12 millions
de personnes l’ont essayée (25,7 %
des personnes interrogées)
en 2014, presque six fumeurs sur
dix (57,8 %), selon l’Inpes. Les plus
jeunes l’expérimentent davan-
tage (45 % des 15-24 ans). Et 6 % des
gens vapotent, soit 3 millions de
personnes, dont plus de la moitié
tous les jours ; 9 % l’utilisent de-
puis plus d’un an.
« Tout est bon pour arrêter »
Où vapote-t-on ? 84 % au domi-
cile, 77 % à l’extérieur, dont 36 %
au travail, 27 % dans les lieux de
convivialité (restaurants, bars,
boîtes de nuit).
Pour la grande majorité des va-
poteurs (82 %), elle peut aider à ar-
rêter de fumer, selon cette en-
quête même si ceux qui vapotent
depuis plus d’un mois tireraient
54 bouffées par jour. Sur l’ensem-
ble des vapoteurs, 15 % ont arrêté
le tabac, au moins temporaire-
ment, soit 0,9 % de l’ensemble des
dénonce la ministre. Les deux
principales caisses touchées par
ces retards sont celles du Nord-Pi-
cardie et de Languedoc-Rous-
sillon. Les dossiers de près de
8 000 personnes seraient actuel-
lement en attente de traitement.
« Intolérable »
Ces retraités doivent pour la plu-
part patienter plusieurs mois
sans aucune ressource, en atten-
dant une réponse la Carsat. En no-
vembre 2013, alors que plusieurs
milliers de retraités attendaient
déjà leur pension, une porte-pa-
role de la CNAV assurait : « La si-
tuation n’est pas catastrophique,
et elle est en train de revenir à la
normale. » En septembre, le direc-
teur de la Carsat de Nord-Picardie
avait, lui, annoncé un retour à la
normale pour la fin de l’année.
Sollicitée par Le Monde, la direc-
tion de la CNAV n’a pas répondu.
De son côté, le président Gérard
Rivière (Force ouvrière) admet
que la situation est « intolérable »,
mais ajoute qu’elle s’est « incon-
testablement améliorée ». « La di-
EXPÉRIMENTATION DE LA CIGARETTE ÉLECTRONIQUE
(en % de la tranche d’âge ayant essayé la cigarette électronique)
49
41
15-24 ans
USAGE DE LA CIGARETTE ÉLECTRONIQUE
(en % d’utilisateurs par classe d’âge)
Homme
8,8
9,6
8,0
6,6
5,4
15-24 ans 25-34 ans 35-44 ans
15-75 ans. « Cela peut paraître fai-
ble, explique François Bourdillon,
directeur général de l’Inpes, mais
cela représente 400 000 person-
nes, ce qui n’est pas rien. »
De plus, ces chiffres n’intègrent
pas ceux qui ont arrêté de fumer
et de vapoter. Le professeur Ber-
trand Dautzenberg, président de
l’Office français de prévention du
tabagisme (OFT), estime qu’ils
sont environ 200 000. « Les preu-
ves sont pour l’instant limitées sur
l’efficacité de la e-cigarette pour
aider à l’arrêt du tabac, d’autres
études sont nécessaires », note
François Bourdillon. Neuf essais
sont actuellement en cours.
« Tout est bon pour arrêter de fu-
mer, y compris la cigarette électro-
nique », a indiqué Marisol Tou-
raine.
Si les trois quarts des vapoteurs
sont des fumeurs réguliers, 82 %
d’entre eux déclarent avoir dimi-
nué leur consommation de tabac,
de 8,9 cigarettes par jour en
moyenne, par rapport à leur con-
sommation antérieure. Mais en
continuant de fumer, les risques
de développer un cancer restent
élevés. « Il est impératif de recom-
mander l’arrêt total de tabac »,
alertent les autorités sanitaires.
Et si les ventes de traitements
rection et le conseil d’administra-
tion ont réagi comme ils pouvaient
le faire », estime-t-il.
Pour rattraper le retard, la CNAV
a notamment pris depuis quel-
ques mois différentes mesures
d’urgence, comme la fermeture
de l’accueil du public, le transfert
des dossiers à des Carsat régiona-
les moins surchargées ou l’em-
bauche de CDD. Jusqu’ici sans suc-
cès. « Les mesures mises en œuvre
à [ma] demande n’ont pas permis
de résorber l’intégralité du retard
accumulé dans les délais atten-
dus », convient Marisol Touraine
dans son communiqué. En dé-
cembre, elle avait également dé-
bloqué une aide d’urgence de
Certains jeunes
retraités
attendent
plusieurs mois
avant de toucher
leur pension
Les jeunes, adeptes de la cigarette électronique
44
30
25
25-34 ans 45-54 ans
Femme
7,4
6,3 6,2
4,1 4,3
45-54 ans 55-64 ans
d’aide à l’arrêt ont chuté de 25 %
en 2014, c’est parce que « la e-ciga-
rette est un autre outil pour arrêter
de fumer, qui a remplacé les aides
au sevrage classiques », précise le
professeur Dautzenberg. La ciga-
rette électronique « doit être forte-
ment déconseillée aux non-fu-
meurs, mais elle apporte une réelle
avancée pour les nombreux fu-
meurs désireux de se libérer du ta-
bac », confirme le docteur Béa-
trice Le Maître, tabacologue au
CHU de Caen dans la Revue médi-
cale suisse du 28 janvier.
« Effets méconnus »
Il reste en outre un flou sur l’inno-
cuité à long terme du vapotage.
Les études sont souvent contra-
dictoires. Alors que 4 000 subs-
tances toxiques sont répertoriées
Il reste un flou
sur l’innocuité
à long terme
du vapotage,
et les études
sur le sujet sont
contradictoires
800 euros pour les retraités privés
de ressources. Quelque 2 000 per-
sonnes en ont bénéficié pour
l’instant, selon le ministère.
« Les autres caisses sont déjà en
flux tendu. Et, comme les dossiers
sont complexes, on ne peut pas les
faire traiter par des intérimaires »,
estime Thierry Barthez, délégué
CGT à la Carsat Languedoc-Rous-
sillon, pour expliquer que la situa-
tion ne s’améliore pas. Selon lui,
les retards en Languedoc-Rous-
sillon peuvent atteindre « deux ou
trois mois, voire beaucoup plus ».
« Il y a 900 suppressions d’em-
plois prévues dans les prochaines
années, alors que les dossiers se
complexifient », dénonce-t-il
aussi, en évoquant le décret « car-
rières longues » qui permet à cer-
tains salariés de partir à 60 ans ou
la mise en place du compte pénibi-
lité. « Nous avons de plus en plus de
retraités polypensionnés avec des
relations parfois très difficiles avec
les autres caisses et des délais de ré-
ponse de leur part très longs », es-
time aussi Gérard Rivière. p
jean-baptiste chastand
STATUT TABAGIQUE DES VAPOTEURS
(en %)
Jamais fumeur
Fumeur
occasionnel 8
21 Ex-fumeur 15
FRÉQUENCE DU VAPOTAGE
(en %)
Moins d’une
fois par mois
Au moins
une fois par mois, 3
moins d’une fois 10
par semaine
30
Au moins
1,5 1,7 une fois
par semaine,
moins d’une fois
65-75 ans par jour
dans la fumée de tabac, la vapeur
des e-cigarettes en contient de 9 à
450 fois moins. Il n’y a pas de mo-
noxyde de carbone, ni de particu-
les fines solides dans la vapeur de
cigarette électronique. Néan-
moins, il y a consensus pour dire
que les risques de vapotage sont
bien moindres que ceux du tabac.
« Les risques de la cigarette électro-
nique sont a priori plus faibles que
ceux induits par le tabagisme mais
c’est un sujet encore insuffisam-
ment documenté, les effets à long
terme restent encore méconnus »,
a souligné François Bourdillon.
Les autorités sanitaires veulent
éviter que la e-cigarette ne de-
vienne une porte d’entrée vers le
tabac. Pour l’instant, au vu de
cette vaste enquête, il ressort
qu’elle est essentiellement utili-
sée par les fumeurs, note l’Inpes.
Parmi les vapoteurs, seuls 1,9 %
n’a jamais fumé. La vente aux mi-
neurs est interdite par décret de-
puis mars 2014 en France. Un
amendement dans la future loi de
santé, qui sera discutée à l’Assem-
blée début 2015, prévoit l’interdic-
tion des arômes artificiels qui sé-
duisent les jeunes. p
pascale santi
et françois béguin
D R ON ES
Nouveaux vols
au-dessus de Paris
Pour la deuxième nuit consé-
cutive, des vols de drones ont
été constatés au-dessus de Pa-
ris, à cinq reprises entre
23 heures et 2 heures du ma-
tin, dans la nuit du 24 au
25 février. Ces drones, dont le
nombre n’a pas été établi pré-
cisément, ont été repérés par
des témoins et des policiers,
notamment aux abords de la
place de la Concorde, près de
l’ambassade américaine, ainsi
que le long de la Seine, à
proximité des Invalides, de la
tour Eiffel ou encore au ni-
veau de plusieurs portes de
Paris, notamment celles de
Saint-Cloud (sud-ouest) et Cli-
gnancourt (nord). La nuit pré-
cédente, des drones avaient
été aperçus dans ces mêmes
zones. Le parquet a ouvert
mardi une enquête de fla-
grance pour « vol par aéronef
en zone interdite ». Le 20 jan-
vier, l’Elysée avait aussi été
survolé par un drone.
S OC I AL
François Fillon
en faveur d’une
« prestation unique »
Dans un entretien au Pari-
sien du 25 février, l’ancien
premier ministre UMP Fran-
çois Fillon propose de « tout
changer » et de remplacer
0123
JEUDI 26 FÉVRIER 2015
2
75 Fumeur
régulier
57 Tous les jours
SOURCE : BAROMÈTRE SANTÉ INPES 2014
LE CONTEXTE
Les mesures du programme na-
tional de réduction du taba-
gisme, annoncées le 25 septem-
bre, seront intégrées par
amendement au projet de loi
santé qui sera examiné à partir
du mois d’avril au Parlement, a
rappelé, mardi 24 février, la mi-
nistre de la santé, Marisol Tou-
raine. Parmi celles-ci, la mise en
place du paquet « neutre »
(standardisé et sans logo), l’in-
terdiction de fumer en voiture
en présence d’enfants de moins
de 12 ans et dans les aires de
jeux, l’interdiction de la publi-
cité pour les cigarettes électroni-
ques et l’interdiction de « vapo-
ter » dans certains lieux publics.
La ministre a également an-
noncé la mise en place d’un pic-
togramme « femmes enceintes »
sur tous les paquets de cigaret-
tes dans un délai de six mois.
toutes les aides sociales,
comme le RSA, la prime pour
l’emploi ou encore les APL,
par une « prestation sociale
unique dont le montant se-
rait variable pour tenir
compte des situations indivi-
duelles ». « Cela aurait l’avan-
tage de la simplification et
permettrait de lutter efficace-
ment contre la fraude », as-
sure le député de Paris, qui
redit vouloir aller « jusqu’au
bout » en se présentant à la
présidentielle de 2017.
Jean-Claude Mailly (FO)
craint un « 49-3 social »
Le numéro un de Force
ouvrière, Jean-Claude Mailly,
a prévenu qu’une reprise par
le gouvernement des propo-
sitions du Medef pour réfor-
mer le dialogue social consti-
tuerait « une forme de 49-3
social ». Fin janvier, les négo-
ciations sur la réforme du
dialogue social entre organi-
sations syndicales et patro-
nat ayant abouti à un échec,
le gouvernement avait repris
le dossier et annoncé l’élabo-
ration d’une loi. « Le gouver-
nement n’est pas obligé de re-
prendre le dossier, il le
reprend, c’est son droit », a
précisé Jean-Claude Mailly,
alors que les partenaires so-
ciaux étaient attendus mer-
credi 25 février au ministère
de l’intérieur.
0123
JEUDI 26 FÉVRIER 2015
nathalie guibert
S
ourde aux appels du professeur,
une rangée de petits visages se
colle à la vitre de la salle de classe,
à la vue des militaires qui passent
en groupe compact dans la cour.
En treillis, béret sur la tête, le gé-
néral Jean-Pierre Bosser, chef d’état-major de
l’armée de terre, mène en ce matin brumeux
de février une de ses inspections de Vigipirate
dans la banlieue sud-est de Paris. A Savigny-
sur-Orge (Essonne), l’école Cohen-Tanoudji a
libéré le bureau du surveillant général pour
les soldats, venus de Toulouse protéger le site.
Aux murs du couloir, des dessins d’enfants
proclament sur fond bleu-blanc-rouge :
« Nous sommes Charlie, nous sommes juifs »,
« Nous sommes tous frères ».
« Le monde a changé avec le terrorisme. Et
janvier 2015 marquera une vraie rupture en
France », souligne le patron de l’armée de
terre, que Le Monde a pu accompagner du-
rant une semaine. « Nous avons un ennemi
sur notre sol. Nous n’avions pas connu cela de-
puis très longtemps. » Jamais, depuis la guerre
d’Algérie, l’armée n’avait été aussi visible sur
le territoire national. C’est une conséquence
majeure, évidente, des attentats qui ont tué
17 personnes à Paris du 7 au 9 janvier. A cette
date, Vigipirate mobilisait 900 soldats des
forces terrestres. Trois jours plus tard, au prix
d’un effort colossal, ils étaient 10 000, dans le
plan haussé au niveau « Alerte attentat », soit
l’effectif maximal prévu dans le contrat passé
aux armées pour la protection du territoire.
« LA QUESTION C’EST OÙ ? QUAND ? »
Le président de la République, François Hol-
lande, avait ordonné un déploiement total.
Plus de 700 sites ont été déclarés « sensibles ».
Des lieux confessionnels pour 80 %, discrets
confettis soudain révélés sur la carte des vil-
les. A Paris, les officiers ont sorti les lits de
camp dans le bunker souterrain de l’îlot
Saint-Germain, conduisant cette opération
baptisée « Sentinelle » comme une guerre.
Les préfets ont dirigé la manœuvre. Ils ont en-
voyé les soldats protéger en priorité les syna-
gogues, tandis que les policiers renforçaient
les mosquées et les organes de presse. Les fu-
sils Famas ont été approvisionnés prêts à
ouvrir le feu. La communauté juive a chaleu-
reusement accueilli cette force rassurante, à
grand renfort de pâtisseries. « Ils ne veulent
plus qu’on parte », sourit un lieutenant.
En ce début d’année, les opérations mobili-
sent 10 000 militaires « en métropole »,
comme disent encore les officiers français
marqués par l’histoire des troupes coloniales.
Mais aussi près de 10 000 hors du pays : de-
puis la guerre froide, la France n’avait pas dé-
ployé simultanément autant de combattants
à l’intérieur qu’à l’extérieur, où elle assume
plusieurs fronts contre le terrorisme isla-
miste. Les forces françaises s’affichent en pre-
L’armée
parmi nous
La France post-« Charlie » 3
Dix mille militaires ont été
déployés sur le territoire après
les attentats de janvier, autant que
pour les opérations extérieures.
Une situation qui risque de durer
mière ligne au Sahel. Elles se posent en « coé-
quipières » des Américains contre l’Etat isla-
mique en Irak, avec la perspective d’une opé-
ration majeure à venir. Plus légèrement, elles
appuient les Africains dans la lutte contre
Boko Haram, dont le « califat » s’étend, aux
confins du Cameroun, du Niger et du Tchad.
Cette situation va durer, assurent les mili-
taires, car, pour eux, nul doute, d’autres
coups viendront. « La question c’est où ?
Quand ? Au gouvernement, tout le monde
tremble », résume un officier. Le général Bos-
ser, ancien patron du renseignement de la dé-
fense, évoque une menace croissante : « Mo-
hamed Merah, à Toulouse, c’est un homme
seul, un pays. Mehdi Nemmouche, à Bruxelles,
c’est un réseau, deux pays, une forme d’impu-
nité à voyager armé. Les frères Kouachi et
Amedy Coulibaly, à Paris, c’est une équipe, un
projet avec plusieurs cibles, et des camps d’en-
traînement avant. La suite, c’est quoi ? »
Pour ce parachutiste de 55 ans, « quand on
est patron de la force, on ne peut pas observer
le phénomène en disant que rien n’a changé ».
A l’école de Savigny-sur-Orge, comme à Sain-
te-Geneviève-des-Bois un peu plus loin, où le
général entre ce jeudi dans une synagogue,
les soldats de Vigipirate ont rencontré des
concitoyens en état de guerre « depuis long-
temps ». Codes d’entrée, vidéosurveillance,
vigiles communautaires… derrière les murs
banalisés des lieux de culte fondus dans les
zones pavillonnaires des banlieues, les juifs
sont barricadés.
Les militaires, eux, viennent de rentrer de
Centrafrique ou du Mali. Les soldats de Tou-
louse se préparaient pour partir au Tchad,
quand ils ont reçu l’ordre de venir à Paris. Les
chefs veulent les convaincre que leur action,
ici et là-bas, est cohérente. « Jamais la conti-
nuité entre la sécurité extérieure et la sécurité
intérieure n’a été aussi évidente », a déclaré le
ministre de la défense après les attentats.
Jamais, pourtant, l’armée de terre n’a autant
bataillé pour garder ces hommes aujourd’hui
redevenus indispensables. C’est historique,
ses effectifs sont passés sous la barre des
100 000. Sur la décennie 2008-2018, les for-
ces militaires dans leur ensemble auront été
amputées de 25 %. « Encore deux lois de pro-
grammation militaire et, selon cette pente, il
n’y a plus d’armée de terre. On ne peut pas con-
enquête | 13
tinuer à descendre », a plaidé le général Bosser
auprès de François Hollande, fin 2014.
Les attentats ont servi de révélateur. Le « re-
tour sur le territoire national » se prépare de-
puis fin 2013. Dans les bureaux de l’état-ma-
jor, on est depuis longtemps convaincu que
l’armée de terre doit redevenir un « objet poli-
tique à haute valeur ajoutée » sous peine
d’être effacée du paysage. « Sa vocation ne se
réduit pas à être un outil militaire engagé dans
des guerres, mais elle est aussi un instrument
de sauvegarde de la nation, comme élément
de recours, comme réserve de l’Etat », expli-
que un des adjoints du chef, le général Fran-
çois Lecointre, qui a commandé les troupes
de marines en Bosnie et au Rwanda.
Des champs nus à perte de vue et des bâti-
ments lépreux disséminés… l’ancienne base
américaine de Chaumont, en Haute-Marne,
avec sa statue de la Liberté bleu pétrole, a des
allures de vestige. La garnison isolée fait par-
tie des sites menacés depuis 2008. Pourtant,
dans la région, l’immobilier n’est pas cher et
les soldats font leur trou. Là, en ce début d’an-
née, le chef vient tempérer les inquiétudes. Le
61e régiment d’artillerie, le seul spécialisé
dans les drones, a « toute sa place dans le ren-
seignement ». Plus question de fermer ! Dans
des bois comme ceux des alentours, combien
de Kouachi pourraient s’entraîner ? « Ce n’est
pas une bonne chose de laisser des territoires
vides », affirme le général.
Le 61e RA n’a pas été envoyé en opérations
extérieures depuis 2012. Placé en alerte en
vain pour le Mali, puis pour l’Ukraine, il piaffe.
« Après l’Afghanistan, on a été récompensés et,
« NOUS AVONS finalement, on reste sur le sol. On a l’impres-
UN ENNEMI sion d’être inutiles », confie un brigadier-chef.
Et puis, ajoute un soldat du rang, « on est un
SUR NOTRE SOL. peu perdu, avec tous les problèmes budgétai-
res, les réorganisations… ». Derrière le décor,
NOUS N’AVIONS certains craignent l’armée à deux vitesses.
« Demain, vous serez autant en opération inté-
PAS CONNU CELA rieure qu’en opération extérieure », leur dit le
DEPUIS TRÈS général. « Le territoire national est un nouveau
monde qui vient de s’ouvrir. » Les spécialistes
LONGTEMPS » de l’imagerie du régiment fournissent Vigipi-
rate, à Châlons, à Strasbourg. Leurs drones, in-
GÉNÉRAL JEAN-PIERRE
terdits de vol en zone urbaine, trouveront-ils
BOSSER
demain un usage en France ?
chef d’état-major
Cette question, parmi d’autres, est ouverte.
de l’armée de terre
Le contre-terrorisme a conduit à « ouvrir tou-
tes les boîtes », selon l’expression interne. De
l’intégration des jeunes à l’usage d’armes de
guerre en France, la défense phosphore.
Même l’adversaire est à redéfinir, lui qui n’est
ni l’ancien « ennemi sur les arrières » de la cin-
quième colonne ni un simple criminel. L’ar-
mée de terre se prépare à une nouvelle ré-
forme. Elle cherche y compris un nouveau
logo. Les agences en compétition ont mis en
avant les mots « audace », « action », « senti-
nelle », « contact ».
Sous les combles de l’Hôtel des Invalides, la
salle Gallieni n’a rien d’un musée. Ecran, hor-
loge murale à LED rouge, vaste table ovale et
hauts fauteuils de cuir noir à la mode guerre
Le général
Jean-Pierre
Bosser, chef
d’état-major
de l’armée
de terre
(au centre),
lors de
l’inspection
d’une unité
Vigipirate
à la synagogue
de Sainte-
Geneviève-des-
Bois, dans
l’Essonne,
le 12 février.
AGNÈS DHERBEYS
POUR « LE MONDE »
froide, elle abrite ce mercredi la réunion du
« comité de commandement », les 28 géné-
raux qui comptent, autour de leur chef. Au
menu : le « nouveau modèle ». Le général
Bosser soumettra le projet le 5 mars au minis-
tre de la défense. Régiments et états-majors
vont être réorganisés avec l’idée qu’un même
soldat pourra participer à toutes les opéra-
tions, intérieures et extérieures. Chaque mé-
tier sera doté d’une chaîne de commande-
ment complète et d’un grand chef : l’aéro-
combat (les hélicoptères), les forces spéciales,
le renseignement, la logistique… et, bien sûr,
le territoire national.
Un officier général coiffera l’emploi des mi-
litaires en France sous l’autorité du pouvoir
civil. Les équipements, les règles de l’ouver-
ture du feu, les relations avec la police, « tout
est à construire », précise le général Lecointre.
« Ce qu’on veut éviter, c’est d’avoir à nous bat-
tre contre nos compatriotes. »
« LA GUERRE DES BANLIEUES »
Ce retour à la mission nationale reste un « su-
jet complexe », reconnaît le général Bosser en
plissant ses yeux d’un bleu translucide. « La
guerre des banlieues revient à chaque fois »,
note-t-il. En 2005, lors des émeutes dans les
quartiers populaires, la hiérarchie militaire
avait refusé d’intervenir comme le lui de-
mandait le premier ministre, Dominique de
Villepin. Plus de cinquante ans après, les réfé-
rences de la guerre d’Algérie pèsent toujours
sur les esprits. L’armée, engagée dans des
missions de police, a fini par déraper et paye
encore cette confusion des genres. Quelles
auraient été les réactions politiques si les
trois militaires agressés à Nice le 3 février
avaient tiré ? Fera-t-on appel aux armées si
plusieurs attaques terroristes coordonnées
épuisaient demain les ressources du RAID et
du GIGN ? « Finalement, les gens trouvent nor-
mal que l’armée soit là pour les protéger », re-
marque le chef après avoir échangé avec ses
soldats. « Mais jusqu’où faut-il aller ? La me-
nace est plus importante. La société, dans le
même temps, est devenue beaucoup plus dure,
et cela n’est pas rassurant. »
Il faudra, plaide-t-il, préciser le cadre juridi-
que et éthique de ce retour. Les règles d’enga-
gement dans Vigipirate n’ont pas été amen-
dées et, pendant un mois, 10 000 hommes
armés ont été postés sur le territoire sans in-
cident. L’on a salué ici et là le professionna-
lisme d’une armée de métier parvenue à ma-
turité. « On a quelques cas de tirs acciden-
tels », admet le chef d’état-major. A ses sol-
dats, il répète une ferme consigne de
prudence. « Je vous demande la plus grande
vigilance sur la posture de l’armement. Par ac-
cident, des balles ont touché des plafonds, elles
peuvent aussi partir à l’horizontale. On peut
très vite passer de la position d’une armée ap-
préciée de protecteurs, à celle d’une armée
honnie d’abatteurs. » Dedans ou dehors, c’est
dans le regard inquiet des Français, sait-il,
que se joue la partie. p
14 | débats
L’édition italienne menacée
d’une dangereuse concentration
En Italie, Mondadori, le groupe
d’édition de Silvio Berlusconi,
projette de racheter son rival,
RCS Libri. Une telle acquisition
constituerait un danger pour
la liberté d’expression littéraire
par umberto eco
E n Italie, environ 50 auteurs ont protesté
publiquement le 21 février contre le rachat
de RCS Libri par son principal rival, Mon­
dadori. [Ces écrivains de renom ont publié une tri-
bune dans le quotidien Corriere della Sera pour
s’opposer à cette fusion monstre dans le monde de
l’édition.]
Essayons d’éclaircir les faits pour le lecteur fran­
çais. Mondadori est sans conteste le plus grand
groupe d’édition italien (il comprend entre
autres des maisons aussi prestigieuses que les
éditions Einaudi) et il appartient à la famille Ber-
lusconi.
RCS, c’est-à-dire Rizzoli-Corriere della Sera,
constitue le second groupe italien d’édition et
rassemble un grand quotidien, de nombreuses
publications et une série de maisons d’édition
comme Bompiani, Adelphi, Fabbri, Rizzoli, Ar-
chinto, Bur, Lizard, Marsilio et Sonzogno.
Et c’est cet ensemble de maisons d’édition que
le conseil d’administration de RCS aurait l’inten-
tion de vendre à Mondadori pour réduire son en-
dettement. A l’origine, le projet visait à créer un
groupe indépendant issu de la fusion du secteur
livres de Mondadori avec celui de RCS, mais dé-
sormais une autre possibilité est envisagée, le ra-
chat de RCS Libri et son intégration au sein de
Mondadori. Oublions un instant que Mondadori
appartient à la famille Berlusconi – ce qui consti-
tue certainement un aspect inquiétant de toute
l’opération, dans la mesure où cette famille s’ap-
prête à dominer l’édition comme elle domine
déjà le secteur télévisuel.
Mais, même en faisant fi de cette question et
même si le propriétaire de Mondadori était un
quelconque M. Machin, le problème reste entier.
Machin ou Berlusconi, Mondadori plus RCS Libri
constituerait un colosse éditorial qui contrôle-
rait 40 % du marché italien (ce qui est sans égal
dans le paysage européen). La raison pour la-
quelle une cinquantaine d’auteurs ont cru néces-
saire de lancer cet appel dans le Corriere della
Sera contre cette inquiétante concentration du
pouvoir est évidente.
Le nouveau géant créé n’aurait plus en face de
lui que deux groupes de dimensions moyennes
MONDADORI PLUS RCS LIBRI
CONSTITUERAIT
UN COLOSSE ÉDITORIAL
QUI CONTRÔLERAIT 40 %
DU MARCHÉ ITALIEN
(CE QUI EST SANS ÉGAL DANS
LE PAYSAGE EUROPÉEN)
Divergence | par selçuk
et une quantité de petites maisons (indispensa-
bles à la découverte de nouveaux auteurs). Il
pourrait ainsi intimider les écrivains et leur dire
« ou tu viens chez nous à nos conditions ou tu fi-
niras entre les mains d’un petit éditeur ». De
plus, un tel groupe, représentant 40 % du mar-
ché, aurait une influence déterminante sur les li-
brairies et risquerait de pénaliser les petits édi-
teurs. C’est ainsi que l’auteur qui n’en accepterait
pas les propositions serait restreint dans ses pos-
sibilités de diffusion.
Ce projet de fusion rendrait également les prix
littéraires ridicules. Le plus important d’entre
eux, le Strega, mobilise certes des centaines de
votants, mais, toute hypocrisie mise à part, cha-
cun sait que les maisons d’édition en contrôlent
un nombre important. Un groupe monstre
comme celui dont on parle pourrait décider tous
les ans à qui serait attribué le Strega. A ce compte,
autant supprimer les prix littéraires, leur in-
fluence sur les lecteurs avertis s’approcherait de
celle d’une publicité pour la repousse des che-
veux.
QUALITÉ RÉDUITE
Il faut reconnaître que le groupe Mondadori dé-
tenu par Berlusconi s’est montré relativement li-
béral avec les éditeurs qu’il contrôle, laissant par
exemple Einaudi maître de sa ligne éditoriale.
Mais, même si Berlusconi est le plus vertueux
des patrons, rien n’exclut qu’il puisse un jour
vendre à moins sage et le groupe monstre pour-
rait développer une solide vocation de censeur.
Un groupe d’une telle puissance est une me-
nace pour la liberté d’expression. Dans un mar-
ché ouvert, il est vrai que la concentration est
économiquement inévitable, mais, pour que le
système reste sain, la concurrence doit pouvoir
continuer de s’exercer entre différentes entrepri-
ses. Dès lors que l’une d’elles est plus puissante
que les autres réunies, rien de tel n’est possible.
Selon le même principe d’une économie libre, ré-
duire la concurrence revient à réduire la qualité.
En fait, les signataires de cette tribune (qui re-
présentent rien de moins que la poule aux œufs
d’or de l’édition) ne sont pas heureux de ce qui les
menace. Bien évidemment, la presse de droite
s’est empressée de dénoncer un complot « com-
muniste » qui aurait pour but de pousser RCS à la
faillite. Certes, la fusion avec Mondadori paraît
aujourd’hui l’opération la plus simple, mais ne
serait-il pas possible de réunir un ensemble d’en-
trepreneurs, même étrangers, capable de ren-
flouer le trésor intellectuel de RCS Libri pour for-
mer un groupe autonome ?
L’avenir est entre les mains d’Allah, ou de Dieu,
ou du boson de Higgs, mais, ce qui est certain,
c’est que les auteurs qui ont signé l’appel (parmi
lesquels des étrangers comme Tahar Ben Jelloun,
Hanif Kureishi et Thomas Piketty, ainsi qu’une
grande éditrice américaine comme Drenka
Willen) ne sont pas rassurés et demandent à
leurs lecteurs de s’en inquiéter aussi. p
(Traduit de l’italien par Niki Fasquelle)
Lire aussi en « Culture » page 19
¶ nous courbons la tête. Mais un dernier coup de
Umberto Eco est écrivain. Son nouveau roman
« Numéro zéro », paru en janvier en Italie,
sera prochainement publié en France chez Grasset
Ne prenons pas les Grecs pour
les nouveaux colonisés de l’Europe
A force de mettre les pays sous surveillance financière, la « troïka »
(FMI, BCE, Commission européenne) crée un néocolonialisme,
voire une autocolonisation. Les Etats et les peuples ont raison d’y résister
par marc ferro
C ette année 2015, la « troïka » (FMI, BCE,
Commission européenne) a adressé un
ultimatum à la Grèce pour qu’elle ac-
cepte son contrôle politique et financier. Voilà
une injonction qui rappelle celle qu’ont connue
l’Egypte en 1879 et le Venezuela en 1901. Dans le
premier cas, faute de bonne réponse, les Franco-
Britanniques occupèrent le pays. Dans le
deuxième cas, cette injonction fut énoncée lors
d’une intervention de la flotte allemande qui
menaçait le Venezuela endetté et peu porté à
rembourser ses dettes. Le président Theodore
Roosevelt rappela alors que « cette intervention
ne devait pas menacer l’indépendance des Répu-
bliques américaines », mais « que les peuples in-
capables d’exploiter leurs richesses naturelles
pour le bien de l’Humanité devaient subir la do-
mination des forts qui leur parleraient douce-
ment, une grosse canne à la main ».
L’armada mise à part, parle-t-on aujourd’hui
comme cela à la Grèce ? La « troïka » veut ins-
taurer un contrôle sans concessions des dérives
que les membres de l’Union européenne (UE)
peuvent commettre. Il s’agit d’un contrôle
auquel participent également les institutions
des Etats sous surveillance, c’est-à-dire quasi-
ment d’un autocontrôle. Mais on pourrait aussi
bien parler d’une autocolonisation, un terme
qui n’est pas aussi inadapté qu’il n’y paraît à pre-
mière vue pour définir un tel dispositif, même
s’il n’y a plus de colons.
D’abord, parce qu’une société hors sol joue
aujourd’hui le rôle des colons hier. Elle ne cul-
tive pas la terre mais le patrimoine des holdings
et des nations. Ses membres sont toujours entre
deux vols, de New York à Davos ou de Londres à
Hongkong : membres de l’OCDE ou de la Com-
mission européenne, de l’Assemblée de Stras-
bourg ou du FMI. Ils sont relayés par les
soixante mille agents de la Goldman Sachs et
autres banques internationales. Ces hors-sol ne
parlent que par milliards et centaines de mil-
liards, leur unité de compte.
Ensuite, parce que ce monde de la finance
porte un regard stéréotypé sur les sociétés ou
les Etats avec lesquels il a à traiter. Il en allait de
même du colonisateur vis-à-vis des indigènes.
A la veille de la seconde guerre mondiale, J. Si-
berg, gouverneur de l’Indonésie, avait même
écrit un ouvrage théorique sur la paresse de l’in-
digène de Java. Ce texte aurait pu être écrit aussi
bien par un Anglais aux Indes, un Français au
Maghreb, un Russe en Yakoutie ou un Espagnol
aux Philippines.
Aujourd’hui, ce que la « troïka » reproche aux
Grecs, comme aux Espagnols, aux Italiens ou
aux Français, c’est d’être dépensiers. Chaque se-
maine, chaque jour, chaque mois claque le fouet
qui nous annonce, milliards en main, le mon-
tant de tel déficit ou celui de la dette. Et de honte
milliards nous empêche de la relever. Les agen-
ces de notation, comme par hasard, annoncent
que notre pays a perdu un demi-point… Mais
qui sont-elles celles-là ? Et qui a vu sa note mon-
ter ces derniers temps, sauf l’Indonésie…
Alors, le citoyen ordinaire finit pas être con-
vaincu qu’il doit accepter de nouveaux sacrifi-
ces et le pays rétablir ses comptes surtout s’il les
a faussés, tels les Grecs. Mais ces grandes ban-
ques de tous nos pays n’ont-elles pas aussi
faussé leurs comptes ? Or, là, nos Etats sont im-
puissants, comme pour dénicher les paradis fis-
caux. Par contre, ces mêmes Etats justifient les
raisons de baisser le taux de la cagnotte – celle
du Français je veux dire –, ce Livret A qui a rap-
porté cette année 1 %, non 1,25 %. Va-t-il descen-
dre au-dessous de zéro ?
UNE DISCRIMINATION NÉGATIVE
Cette année 2015, nos concitoyens ont appris
que les contribuables de la plus basse tranche
ne paieront plus d’impôt sur le revenu. Exoné-
rés. La raison de cette « bonne nouvelle » ? Ils
sont trop pauvres. Six millions de Français doi-
vent être heureux d’apprendre qu’ils sont trop
pauvres. Cette discrimination négative n’est pas
nouvelle. La Révolution française l’avait instau-
rée. Les Français avaient été divisés en deux
corps : les citoyens qui disposent d’un certain
revenu, qui payent l’impôt et qui sont définis
comme « citoyens actifs ». Puis les citoyens trop
pauvres qui ne le payent pas et qui sont définis
comme « citoyens passifs ». Deux cents ans
après, nous y sommes. On y est revenu. Or, il n’y
a pas que les citoyens ordinaires qui « bénéfi-
cient » de ce passage dans le corps des laissés-
pour-compte. Il y a aussi des corps de métier qui
sont également des victimes. Le cas de la SNCF
0123
JEUDI 26 FÉVRIER 2015
CE MONDE DE LA FINANCE
PORTE UN REGARD
STÉRÉOTYPÉ SUR LES
SOCIÉTÉS OU LES ÉTATS AVEC
LESQUELS IL A À TRAITER.
IL EN ALLAIT DE MÊME
DU COLONISATEUR ENVERS
LES INDIGÈNES
n’est qu’un exemple. Actives, des stations de
chemin de fer, telle Lure, ne le sont plus depuis
que les TGV ne s’y arrêtent plus. D’autres lignes
ont par ailleurs été supprimées, car elles étaient
« secondaires ». Des correspondances ont aussi
été sabotées, elles n’étaient pas rentables. Ces
gares, autant en faire des grandes surfaces, telle
la salle d’attente d’un hôpital. Ou supprimer ces
classes-là d’une école qui comptaient peu d’élè-
ves qu’on pouvait vraiment suivre.
Or, aux choix économiques dénoncés dès les
années soixante par Jean-François Gravier, dans
Paris et le désert français, s’ajoutent aujourd’hui
ces amputations qui visent tout ce qui ne béné-
ficie pas aux dispositifs qui nous surplombent
hors sol et que nos dirigeants ont du mal à maî-
triser.
Or, comme l’ont expliqué l’économiste Anton
Brender et Dominique Strauss-Kahn, la compé-
titivité d’un pays ne se résume pas à la somme
de ses productions, comme le croient ceux que
tétanise toute hypothèse de dépense publique.
Compte autant que cette somme le terreau qui
permet ce développement : une population en
bonne santé, un enseignement performant dès
le primaire, des communications aisées et pas
réservées aux métropoles, des instances judi-
ciaires et de sécurité bien présentes, une admi-
nistration bien formée. Il n’est pas sain de lais-
ser se créer des citoyens passifs, de déclarer coû-
teuses des activités apparemment non produc-
trices. Ne devenons pas nous-mêmes de
nouveaux colonisés ou autocolonisés puisque
nos instances participent à ces mutations.
A l’heure de l’indépendance des pays coloni-
sés des années 1960, Kwame Nkrumah, prési-
dent du Ghana, écrivait : « L’essence du néocolo-
nialisme tient à ce qu’un Etat qui est indépendant
et doté en théorie de tous les attributs de la sou-
veraineté a, en réalité, sa politique dirigée de l’ex-
térieur, les puissances ex-impérialistes n’ayant
plus intérêt à partir d’un certain stade à gouver-
ner le pays du dedans mais à substituer à une do-
mination visible une domination invisible, celle
des grands groupes-banques, Fonds monétaire
international, etc. Que le mécontentement sus-
cite un changement de gouvernement, voire de
régime, et la situation, quant au fond, ne se modi-
fie pas. »
Cependant, durant ces décennies, avec l’accé-
lération de la mondialisation, c’est la financiari-
sation de l’économie qui s’accélère, et la souve-
raineté de plusieurs Etats-nations qui se dissout
quelque peu, même celle des plus grands. Et,
avec l’émergence de nouvelles puissances éco-
nomiques – comme la Chine et l’Inde –, les cri-
ses succèdent aux crises (1974-2008) et le carcan
du pouvoir financier se resserre. L’UE y trouve
une certaine sauvegarde, mais à condition de se
surveiller elle-même, la Grèce étant la plus vul-
nérable avec ses comptes truqués, mais pas plus
que ceux de bien des banques, Athènes s’efforce
d’échapper à cette autocolonisation que veut lui
imposer la « troïka ».
Se retrouver nouveaux colonisés, tel est le
stade qui se profile quand les pays « qui en pos-
sédaient d’autres sont menacés d’être possédés à
leur tour ». Est-ce au Pirée que tout a commencé
quand les Chinois sont venus s’y installer
en 2010 ? A un stade de l’Histoire où un gramme
de matière grise vaut plus qu’une liasse de dol-
lars ou un baril de pétrole, ne nous colonisons
pas nous-mêmes en nous pénalisant au point
de détruire nos capitaux culturel et social héri-
tés de la République. Une nouvelle fois, c’est la
Grèce qui a levé le drapeau. p
¶
Marc Ferro est historien, directeur d’études
à l’Ecole des hautes études en sciences sociales
0123
JEUDI 26 FÉVRIER 2015 éclairages | 15

L’échec du « reset » américano-russe

ANALYSE Elle rappelle, tout d’abord, qu’avant l’admi-
gilles paris
nistration Obama le président George W.
washington - correspondant Bush s’était déjà montré désireux d’un réen-
gagement avec la Russie. Ce dernier, après
avoir « regardé dans les yeux » son homolo-
présidence de Dmitri Medvedev (2008-2012),
Vladimir Poutine étant perçu comme un pre-
mier ministre « normal » alors qu’il va au
contraire, selon elle, introduire une rupture
dans l’histoire russe en concentrant comme
Le retour de Vladimir Poutine à la prési-
dence, en mars 2012, consacre la fin du « re-
set », d’autant que le président américain et
son homologue russe n’ont strictement rien
en commun, comme en témoignent les pho-

L’
initiative diplomatique avait ma-
lencontreusement débuté par une
erreur de traduction. Dans ses Mé-
moires de secrétaire d’Etat (Hard
Choices, Simon & Schuster), Hillary Clinton ra-
conte comment, en mars 2009, son homolo-
gue russe, Sergueï Lavrov, lui avait fait remar-
quer que le bouton qu’elle venait de lui offrir
et qui était censé illustrer le « reset » américa-
no-russe portait la mention de « surcharge »
« LA RUSSIE N’EST et non celle de « réinitialisation ». L’idée mise
INTÉRESSÉE QUE en avant par l’administration Obama était de
renoncer à une conception des relations entre
PAR LA DÉFENSE les deux pays réduite à un jeu à somme nulle
(où chaque action se traduit par un gagnant et
DE SES INTÉRÊTS. un perdant) au profit d’une coopération sur
C’EST UNE des sujets d’intérêts mutuels : la prolifération
nucléaire ou l’Afghanistan.
PUISSANCE Six ans plus tard, l’offensive russe en
Ukraine constitue le point final de l’échec de
DE STATU QUO » cette initiative qui peut s’expliquer en grande
FIONA HILL
partie par des erreurs d’analyse de la diploma-
Brookings institution tie américaine. Coauteure d’une biographie
du président russe Vladimir Poutine (Mr. Pu-
tin, Operative in Kremlin, Brookings Institution
Press) qui vient d’être republiée augmentée et
actualisée, Fiona Hill, responsable du départe-
ment Europe au sein de la Brookings, en
dresse une liste impressionnante.
gue jusqu’à voir « son âme », s’était montré
très optimiste sur un partenariat, au lende-
main de leur première rencontre en Slovénie,
en 2001. Il n’avait pas compris le raidissement
russe sur la question de la défense antimissile
qu’il envisageait de déployer en Europe pour
contrer les Etats voyous, à commencer par
l’Iran. « D’une certaine manière, explique
Fiona Hill, les Russes se sentaient humiliés par
le fait que les Américains ne cessaient de leur
répéter que ce dispositif ne les visait pas. S’en-
tendre dire en permanence qu’ils n’étaient pas
visés, ce qui signifiait qu’ils ne constituaient
pas une menace, revenait à dire qu’ils n’étaient
pas pris au sérieux, contrairement à la Chine,
perçue à la fois comme une menace et comme
un partenaire économique incontournable. »
A cette époque, les Etats-Unis continuent de
voir la Russie comme pendant les années de
la présidence de Boris Eltsine. « Le mot qui re-
vient en permanence à Washington est celui de
la faiblesse, rappelle l’experte de la Brookings.
L’administration américaine, concentrée sur
l’absence de modernisation économique et la
situation démographique, ne comprend pas
que la Russie est entrée dans une période de
prospérité, sous l’égide de Poutine. Les Russes
sont sous-estimés. » S’ajoute, ensuite, une
mauvaise lecture des institutions pendant la
jamais auparavant les pouvoirs politique, éco-
nomique et militaire.
« DES UNIVERS PARALLÈLES »
Dans son livre, Fiona Hill décrit un responsable
russe convaincu de la volonté occidentale de
réduire autant que faire se peut le poids de la
Russie et de sa sphère d’influence et qui prend
ses distances dès février 2007, dans un dis-
cours aux tonalités de guerre froide prononcé
lors de la conférence sur la politique de sécurité
de Munich. Il y critique violemment l’agressi-
vité prêtée aux Etats-Unis, à l’OTAN et à l’OSCE.
Malgré ce coup de semonce, l’initiative du
« reset », deux ans plus tard, part du principe
que la crise en Géorgie, en 2008, qui affecte la
relation bilatérale dans les derniers mois de la
présidence de George W. Bush est en grande
partie la conséquence du comportement du
président géorgien Mikheïl Saakachvili.
Selon Fiona Hill, la Géorgie annonce pour-
tant l’Ukraine en ce sens qu’elle atteste que
« les Russes ne peuvent accepter que d’anciens
satellites puissent choisir librement avec qui
s’allier ». « En Occident, on a considéré qu’on
n’avait pas le droit de penser comme ça, qu’on
ne pouvait donc pas penser comme ça. On évo-
luait en fait dans des univers parallèles », ajou-
te-t-elle.
tos figées de leur premier tête-à-tête au som-
met du G20 de Los Cabos, au Mexique, en
juin de la même année. « La Russie, dans le
système actuel, conclut Fiona Hill, n’est inté-
ressée que par la défense de ses intérêts, elle ne
souhaite pas être un partenaire. C’est une
puissance de statu quo. »
En août 2014, dans un entretien au New
York Times, M. Obama décrivait son homolo-
gue russe comme prisonnier d’une fuite en
avant nationaliste, reclus au cœur d’un cercle
réduit de conseillers, capable « d’envahir
l’Ukraine » pour ne pas perdre la face.
Réticent comme de coutume à recourir à
l’outil militaire, le président des Etats-Unis
résiste pour l’instant aux exhortations des
républicains de livrer des armes au régime de
Kiev. Il n’y voit qu’une surenchère à courte
vue, compte tenu de la puissance militaire
conventionnelle russe qui opère, elle, à sa
frontière.
L’alliage jugé plus efficace des sanctions et
de la diplomatie privilégié par M. Obama tra-
duit cette hésitation américaine, qui fait son
deuil du partenariat avec la Russie sans se ré-
signer encore à un véritable endiguement.
Pour l’instant. p
paris@lemonde.fr

LETTRE DE JOHANNESBURG | par sébast ien h ervieu

Les baisses de tension électrisent l’Afrique du Sud

E
t si l’immense salle s’était soudaine-
ment retrouvée plongée dans le
noir ? Et si l’orateur du moment, lui
aussi débattant des meilleurs
moyens d’électrifier le continent africain,
avait eu son micro coupé faute de courant ?
Sans doute aurait-on entendu quelques rires
fuser chez des délégués étrangers surpris de
l’ironie de la situation. Et plutôt des soupirs
d’exaspération du côté des représentants lo-
caux blasés.
Mais la coupure de courant, si intrusive
dans les foyers sud-africains depuis novem-
bre 2014, n’a pas pu perturber le bon déroule-
ment de l’Africa Energy Indaba, cette grande
conférence annuelle sur l’énergie en Afrique,
qui se tenait cette semaine dans le centre de
convention de Sandton, riche quartier d’affai-
res de Johannesburg.
« Si besoin, des générateurs de secours
auraient pris le relais », glisse l’organisateur,
Brian Statham, rassuré d’éviter le risque d’in-
fliger au pays hôte une claque à son orgueil de
grande puissance africaine. Une puissance
mesurable à la densité de ses éclairages noc-
turnes, visibles par les satellites, le reste de
l’Afrique subsaharienne étant à peine visible
depuis l’orbite de la Terre. Deux tiers des Afri-
cains ne peuvent toujours pas allumer la lu-
mière le soir.
Le groupe électrogène est désormais un ob-
jet très couru dans les magasins sud-africains.
Ici et là, déjà, des ruptures de stock. Les habi-
tants de Johannesburg moins fortunés ont
fait leurs provisions de bougies. Ce ne sont
pas ces quelques mots du directeur général du
ministère de l’énergie sud-africain, Wolsey
Barnard, prononcés mardi 17 février à la tri-
bune, qui les a rassurés : « Il nous faudra envi-
ron vingt à trente mois pour retrouver une si-
tuation normale. »
En attendant, les Sud-Africains ont dû se fa-
miliariser avec un nouveau langage. Celui
d’Eskom, la compagnie nationale d’électri-
cité. Sur leur compte du réseau social Twitter
ou à la radio, leurs ingénieurs préviennent
qu’aujourd’hui c’est le « stade 1 » ou le
« stade 2 ».
Si c’est le niveau ultime, le « stade 3 », c’est
encore plus ennuyeux. Les Sud-Africains se-
ront alors très nombreux dans le pays à subir
plusieurs heures de coupure d’électricité
dans la journée. Le réseau national est telle-
ment à bout de souffle (un quart de ses capa-
cités sont en travaux de maintenance) que
son opérateur doit planifier des délestages
pour éviter l’effondrement complet du sys-
tème. Un jour sur deux en moyenne depuis le
début du mois. Les automobilistes appren-
nent la patience aux carrefours de feux trico-
lores hors service, les particuliers ne conser-
vent plus rien dans leur congélateur, les res-
taurateurs les plus malins proposent des me-
nus « spécial délestage », faisables sans l’aide
de la fée électricité.
LE COUPABLE, « C’EST L’APARTHEID »
Sur le papier, les coupures sont bien program-
mées. Mais le respect des horaires est aléa-
toire. Ce qui exaspère les usagers, et surtout
les chefs d’entreprise. La chambre de com-
merce sud-africaine a d’ailleurs proposé une
solution : les trois-huit pour tout le monde !
Certaines compagnies devront travailler uni-
quement entre 8 heures et 16 heures, d’autres
entre 16 heures et minuit, et les dernières en-
tre minuit et 8 heures…
Alors à qui la faute ? A cette Coupe du
monde de football en 2010 qui aurait obligé à
repousser des travaux de maintenance, selon
l’un des responsables d’Eskom ? A ces munici-
palités qui accumulent auprès de l’opérateur
des arriérés de paiement ? A ces habitants de
townships qui se servent gratuitement sur le
réseau grâce à des câbles tirés jusqu’à leurs ca-
banes en tôle ?
Le président sud-africain, Jacob Zuma, a par
deux fois déjà désigné le coupable : « C’est
l’apartheid. » Le régime ségrégationniste fa-
çonna un réseau électrique au service d’une
minorité et aujourd’hui sous tension avec le
raccordement du reste de la population. Une
évidence – comme dans le secteur de l’éduca-
tion. Mais cela exonère-t-il le Congrès natio-
nal africain (ANC), parti au pouvoir depuis
1994, d’une quelconque responsabilité ?
L’exhumation de ce document gouverne-
mental de 1998 est éloquente. Son auteur ti-
rait déjà le signal d’alarme. Si rien n’était fait,
des coupures auraient lieu en 2007. Ce fut
l’année d’après. Des délestages massifs qui pa- LE RÉSEAU
ralysèrent une partie de l’économie sud-afri-
caine. Le président Thabo Mbeki s’excusa
ÉLECTRIQUE EST À
alors auprès des Sud-Africains. BOUT DE SOUFFLE,
La construction de nouvelles centrales à
charbon a, depuis, pris beaucoup de retard. DES DÉLESTAGES
Les délestages vont coûter cher à la croissance
sud-africaine. Et de précieuses voix à l’ANC
SONT PLANIFIÉS
lors de ces élections locales cruciales en 2016, POUR ÉVITER
qui pourraient voir Johannesburg et Pretoria
basculer dans le camp de l’opposition. L’EFFONDREMENT
Une partie des urbains aisés sud-africains
aiment ainsi, dans les dîners en ville, faire DU SYSTÈME
état de leur agacement face à cette situation.
Mais ils oublient souvent qu’il reste encore
plus d’un compatriote sur dix qui n’a pas ac-
cès à l’électricité. Vingt-quatre heures sur
vingt-quatre. p
hervieu.sebastien@gmail.com

LES INDÉGIVRABLES PAR GORCE

L’itinéraire spirituel d’un « barbu » repenti
LIVRE DU JOUR lieues pour partager, avec d’autres jeunes, ses
certitudes fraîchement acquises. Par la suite,
célia zuber
ses « bouffées d’ambition » le pousseront à
quitter la France et ses parents pour voyager
Publié dans la collection du Seuil « Raconter
la vie », dirigée par Pierre Rosanvallon et Pau-
line Peretz, ce texte répond parfaitement au
projet de la collection qui propose de donner

P
rédicateur musulman, noceur, soufi
et écrivain français, comment
peut-on passer, en une seule vie, par
tant de profils différents ? C’est ce
parcours étonnant que retrace Omar Ben-
laala, écrivain parisien titulaire d’un « bac
moins trois », dans son premier livre La
Barbe. Dans un style elliptique, vif et plein
d’autodérision, l’auteur raconte comment,
dans les années 1990, il redécouvre l’islam et
devient l’un des premiers « barbus ».
A la suite d’un décrochage scolaire, Omar
rencontre la religion de la manière la plus
simple qui soit : une invitation à la mosquée
par un ami du quartier de Ménilmontant, où
il réside. A partir de là commence une vérita-
ble quête initiatique où chaque événement
est l’occasion, pour Omar, de quitter sa condi-
tion de jeune en galère. Très vite, grâce à une
lecture assidue du Coran, il entre dans un
groupe de prédication (le Tablighi Jamaat), se
laisse pousser la barbe et arpente les ban-
en Asie du Sud, lieu d’origine du mouvement
Tablighi. Au Pakistan et au Bengladesh, il ob-
serve un monde plus rude et se rend compte
d’un certain hiatus entre le contenu des prê-
ches écoutés et la réalité qui l’entoure. Ses illu-
sions perdues laissent place à une nouvelle
expérience intérieure : l’humilité.
UNE FORME DE SALUT INDIVIDUEL
De retour à Paris, il plonge dans les soirées
festives, rattrapé par ses anciens démons, et
renoue avec les femmes qui avaient jusqu’ici
littéralement disparu de son univers. Omar fi-
nira par se réfugier dans la sagesse soufie, qui
lui permettra d’engager avec d’autres « des
causeries passionnantes sur l’art de vivre sa foi
en contemporain ». Mais, surtout, l’étude de
cette mystique l’amènera à se réconcilier avec
son père, qui deviendra son nouveau guide :
« Lui que je prenais pour une ombre irradie à
chaque conversation ; et mon visage se réflé-
chit dans le sien. »
la parole aux voix silencieuses de la société.
Paru peu après les attentats de janvier, cet
ouvrage sort à point nommé pour offrir un
regard autre sur le sujet de l’adoption de l’is-
lam par les jeunes, qu’il s’agisse de conver-
sion ou de réappropriation.
Ici, pas de kalachnikov ni de départ pour le
djihad. Au fil des péripéties d’Omar, on se
rend compte que la grande majorité de ces
jeunes gens ne sont pas politisés, mais cher-
chent simplement dans la religion une forme
de « salut » individuel. L’identité d’Omar Ben-
laala est plurielle et non monolithique, car,
comme il aime à le dire, « il y a des vies dans la
vie ». Par la sincérité de son témoignage,
l’auteur pallie une certaine méconnaissance
de l’islam et ébranle les discours qui font ri-
mer « converti » avec « ennemi ». p
La Barbe
Omar Benlaala
Seuil, 112 p., 7,90 euros.
16 | disparitions & carnet 0123
JEUDI 26 FÉVRIER 2015

La Tour de Salvagny. Liliane Klotz Beauroy, Elisabeth Whitelaw,

Clark Terry Xqu itcpfu fixfipgogpvu

Ng Ectpgv
Danielle Debaecker, née Fruchard,
son épouse,
Martine et Alain Sussfeld,
ses illes et son gendre,

Vincent et Barbara,
son épouse,
Jane Rook et Matty Havelock-Allan,
ses sœurs,
Monique Lefebvre,

Trompettiste de jazz Pckuucpegu. dcrv‒ogu. octkcigu

Cxku fg ffieflu. tgogtekgogpvu.
Sophie et Gérard Drezet-Debaecker,
Claire, Lydie, Florent et Holly, Vivien
et Wendy, Lise,
Olivier et Florence Debaecker-Giraud,
Elie et Amélie,
Benjamin et Géraldine,
Simon et Florence,
Julie, Jérôme,
sa belle-mère
Ainsi que ses proches
Et ses amis,

oguugu cppkxgtucktgu Hélène, Paul, Noémie, ses petits-enfants ont la tristesse de faire part du décès de
Christophe et Solange Debaecker- et leurs conjoints,
Eqnnqswgu. eqphfitgpegu.
Thicoïpé, Alexander « Sandy »
rqtvgu/qwxgtvgu. ukipcvwtgu Ses arrière-petits-enfants, WHITELAW,
Péio, Timothée, Léa,
Uqwvgpcpegu fg ofioqktg. vjflugu Noële et Thierry (†) Petit-Debaecker, producteur, réalisateur, traducteur,
Eve, Fanny, Matthias, ont la douleur de faire part du décès de
Rqwt vqwvg kphqtocvkqp < ses enfants et ses petits-enfants, survenu le 20 février 2015.
23 79 4: 4: 4: Mme Reine KLOTZ,
23 79 4: 43 58 née LEVY VALENSI, Ses obsèques auront lieu dans la plus
Les familles Debaecker et Fruchard,
ectpgvBorwdnkekvg0ht médaille de la Résistance, stricte intimité.
ont l’immense douleur de faire part
survenu le 23 février 2015, sandywhitelaw2015@gmail.com
AU CARNET DU «MONDE» du décès de
dans sa cent deuxième année, 5, cité Chaptal,
en son domicile.
Pascal DEBAECKER, 75009 Paris.
Naissance
Les obsèques auront lieu le vendredi
survenu le 22 février 2015, 27 février, à 12 heures, au cimetière Souvenir
M. et Mme SHARMA et Monica MASSI
en sa quatre-vingt-deuxième année. du Montparnasse, 3, boulevard Edgar-
sont heureux d’annoncer la naissance de
Quinet, Paris 14e. Voilà maintenant vingt ans que
Divya, Une cérémonie aura lieu jeudi
26 février, à 10 heures, en l’église de Cet avis tient lieu de faire-part. Jean-Luc BOUTTÉ,
le 18 février 2015, La Tour de Salvagny. acteur, metteur en scène,
Yvette Lavaine,
ille de Mireille, nous manque affreusement.
son épouse,
Sonia et Sébastien HIS. son épouse, Thierry, Stéphane, Jean-Marc, Pierre
Ses enfants et Bertrand, P. K.
Et ses petits-enfants, ses enfants
Décès et leurs conjoints, Communication diverse
font part de la mort de Sarah, Alexis, Thibault, Nicolas,
Dominique Barles, Caroline, Cécile, Marie, Mahery, Mathieu,
son épouse, M. Emile DUSSART, Tahina,
Bruno et Sabine, dit « Michel », ses petits-enfants,
En 2009. JOS KNAEPEN/FASTIMAGE ses enfants, M. et Mme Jean-Pierre Hamelin
Thibault et Pierre Barles, Saël, Chloé et leur famille,
survenue le 20 février 2015, à Paris,
et Léo Guillerme,
à l’âge de soixante-dix-neuf ans.
ses petits-enfants,
ont la tristesse de faire part du décès de Rencontre de la société des lecteurs
André Guillerme,
1920 Naissance à Saint- son gendre, Ses obsèques auront lieu en l’église

C
hevalier des Arts et Let-
tres, gagman mer-
veilleux, musicien su-
périeur, le trompettiste
Clark Terry est mort samedi 21 fé-
vrier des suites d’un diabète
avancé. Il était né le 14 décembre
1920, soit cinq ans avant Miles
Davis – dont il sera le mentor –, à
Saint-Louis (Missouri).
Clark Terry, être si profondé-
ment humain, génie à la trom-
pette comme au bugle. Fluidité,
couleurs, fantastique invention
harmonique. Le bugle est cet ins-
trument plus rond, plus moel-
leux, mais nettement moins pré-
cis que la trompette, dont il
jouait avec une justesse imprena-
ble. Nul besoin, comme croient
les souffleurs boursouflés
d’ajouter un quatrième piston à
sa trompette. Pourquoi pas
douze ?
Il pouvait arriver que Clark
Terry, sans la moindre frime, al-
ternât – un instrument dans cha-
que main –, trompette et bugle.
Occasion unique pour la pré-
cieuse part du public qui a du mal
à distinguer une clef de fa d’une
clef à mollette, de repérer la diffé-
rence entre les deux tuyaux. Lui,
il se répondait.
Comme Louis Armstrong et
Dizzy Gillespie, Clark Terry était
de ces trompettistes si phénomé-
naux que le rire leur sert de poli-
tesse. Au grand dam des soi-di-
sant puristes un tantinet racistes.
Qu’il se lançât dans ses mumbles,
ni scat ni murmure, mais mar-
monnements irrésistibles d’une
langue qui ferait rire en soi, c’est
tout l’esprit du blues qui fondait
en pluie d’été.
Science de la musique
Autodidacte ? Tu parles… Rien de
plus perfectionné que l’étude
musicale, en milieu afro-améri-
cain, au début du XXe siècle : la
mère, la famille, l’église, l’école,
les anniversaires, le basket, les
bandes, les copains, le bal, le bor-
del, l’armée, tout sera prétexte à
la stricte science de la musique.
Quatre ans dans l’orchestre du
Great Lakes’ Naval Training Cen-
ter basé à Chicago (de 1942 à
1945), cela vous donne un tout
autre bagage qu’un quatrième
piston à la braguette.
Du coup, vous pouvez entrer
Louis (Missouri)
1942 À 1945 Orchestre
du Great Lakes’ Naval
Training Center
1948 Rejoint le Count Basie
Orchestra
1951 Intègre le Duke Elling-
ton’s Band, « the University
of Ellingtonia »
1960 Travaille sur NBC,
dans le groupe
de « The Tonight Show »
1963 Album 3 In Jazz,
publié par RCA
21 FÉVRIER 2015 Mort
à Pine Bluff (Arkansas)
eussent pu ôter un piston ou une
clé à leurs binious, cela n’eût rien
changé. Même de la pompe à
vélo, ils en auraient joué comme
pas un.
Clark Terry est l’un des pre-
miers artistes afro-américains à
s’être fait une place de choix, au
retour de sa tournée européenne
avec Quincy Jones (1960), à la télé
(NBC TV To-Nite Show). Tête des
pieux puristes !
Après quoi, feuilletez le diction-
naire du jazz, il parcourt le vaste
monde avec qui vous voulez : J.-.J.
Johnson (Japon) ; Oscar Peterson
et Ella Fitzgerald (partout) ; Gerry
Mulligan (ailleurs) ; finissant par
codiriger un formidable quintet
avec Bob Brookmeyer, lequel,
c’est marrant pour la petite his-
toire, jouait du trombone à pis-
ton, et non pas à coulisse. Son
premier instrument à lui, Clark
Terry.
Relire aujourd’hui le surpre-
nant album, 3 In Jazz., publié par
RCA en 1963 : Gary Burton, la
starlette fleurie qui monte ;
Sonny Rollins (Sonny) et Clark
Terry, en trois séances conjoin-
tes ! Histoire ! Modernité ! Et la
façon dont il fit déjouer Monk !
Ou son duo (Friendship) avec
Max Roach !
Billie Holiday, Ella, les chanteu-
ses l’adoraient. Tant pis pour les
sociologues de la guerre des
sexes, tout employés à ficeler
leur carrière à la Columbia sur le
thème : Clark Terry est un joyeux
défi aux genres, au gender et aux
styles.
Avec Ray Charles ou Phil
ont l’immense tristesse de faire part
du décès de
Michel BARLES,
montagnard,
ancien élève de l’ENSET,
professeur à l’IUT d’Aix-Marseille,
survenu le 22 février 2015,
dans sa soixante-dix-neuvième année.
Les obsèques auront lieu le jeudi
26 février, à 11 h 30, au crématorium de
Provence, 2370, rue Claude-Nicolas-
Ledoux, à Aix-Les-Milles (Bouches-du-
Rhône).
Ni leurs ni couronnes.
Paul,
son compagnon,
Stéphane,
son ils
Ainsi que sa famille,
ont le regret de faire part du décès de
Hélène BAUM,
survenu le 22 janvier 2015,
dans sa quatre-vingt-troisième année.
Elle repose au cimetière parisien
de Bagneux.
Les familles Burelli,
parentes et alliées,
ont la grande tristesse de faire savoir
le rappel à Dieu de
M. François BURELLI,
capitaine de corvette,
sous-marinier,
capitaine au long cours,
ancien capitaine Pilot Suez canal,
chevalier de la Légion d’honneur,
croix de guerre 1939-1945,
décédé dans sa cent troisième année,
le 6 novembre 2014 à son domicile,
à Ajaccio, muni des sacrements de
l’Église.
Les cendres ont été déposées dans
le vieux cimetière marin d’Ajaccio.
Il était l’époux de
Françoise ALBERTINI,
décédée à Ajaccio, le 9 mars 1997.
Mme Gérard Calvi-Krettly,
son épouse,
Jean-Francois Krettly et Anne Daguin,
Yves et Valérie Krettly, dit Calvi,
ses enfants,
Martine Baladi,
sa sœur,
Marie, Alexia, Romain, Garance,
Corentin, Jimy et Romann,
ses petits-enfants et arrière-petits-enfants,
ont la tristesse de faire part du décès de
Saint-Pierre de Montrouge, Paris 14 e
(métro Alésia), le vendredi 27 février,
à 10 h 30.
Aurore,
sa ille,
François,
Laurent et Arielle,
ses frères et sa sœur,
Cyril,
son neveu,
Ainsi que toute sa famille
ont la tristesse d’annoncer le décès de
Anne de GASPERI,
survenu le 22 février 2015.
La cérémonie religieuse sera célébrée
le mercredi 4 mars, à 10 h 30, en l’église
Saint-Germain-des-Prés, Paris 6e.
La crémation aura lieu dans l’intimité.
Résidence Mongazons,
Bâtiment C,
1 bis, rue de la Marnière,
78200 Magnanville.
Marie-Françoise Jeannin,
leur ille
Et toute la famille,
ont la tristesse de faire part du décès de
Jean-Pierre JEANNIN,
administrateur civil
au ministère des Finances,
survenu le 19 février 2015,
à l’âge de quatre-vingt-quatorze ans.
Il a rejoint son épouse
Adrienne JEANNIN,
décédée le 8 février dernier,
à l’âge de quatre-vingt-neuf ans.
La cérémonie religieuse aura lieu
le vendredi 27 février, à 15 heures,
en l’église Saint-Martin de Palaiseau.
Saint-Malo.
Saint-Méloir-des-Ondes.
Bois-Colombes (Hauts-de-Seine).
Nous avons la tristesse de faire part
du décès de
M. Jacques KHANZADIAN,
survenu dans sa quatre-vingt-huitième
année.
De la part de
Sonia et Cyril Khanzadian,
ses enfants,
Sullivan, Madison, Tara-Michelle,
ses petits-enfants,
François LAVAINE, « La Culture contre le terrorisme :
l’Egypte, un exceptionnel héritage
contre-amiral (2S), multiculturel ».
oficier de la Légion d’honneur,
médaillé de l’Aéronautique, Si l’Egypte éternelle n’en init pas
de nous faire rêver,
survenu le 23 février 2015.
l’Egypte contemporaine,
après bien des soubresauts,
L’inhumation aura lieu le vendredi
est à la reconquête de sa prospérité
27 février, à 14 heures, au cimetière
et de sa liberté...
de Varize (Eure-et-Loir).
Nos invités, l’historienne Anne Jouffroy,
les journalistes Hélène Renard,
Après quarante années d’engagement Robert Solé et Ahmed Youssef,
au service des malades, de disponibilité partageront sous différents aspects
et d’écoute, le les analyses et les récits des témoins
de ce pays fascinant,
docteur Claude LAVAL-GEST, autant par ses richesses antiques
gynécologue au centre René-Huguenin que par son rôle majeur dans le monde
méditerranéen actuel.
nous a quittés, le 21 février 2015.
Nous aurons l’honneur d’accueillir
La cérémonie religieuse aura lieu
le professeur Ismaïl Serageldin,
le jeudi 26 février, à 14 heures, en l’église
directeur général de la Bibliothèque
Saint-Clodoald, place de l’Église, à Saint-
d’Alexandrie, venu spécialement
Cloud.
pour cette soirée et c’est justement du déi
de la culture contre l’obscurantisme
Paris. que ce grand humaniste,
internationalement reconnu,
Mme Eugénie Grandval, digne héritier des Lumières,
sa ille, a choisi de parler.
M. Michaël Gentile,
son gendre,
• « Ecrivains voyageurs
M. Gérard Grandval,
du 18e au 20e siècle »
son frère,
par Anne Jouffroy, historienne,
M. Hubert Grunwald, co-auteur avec Hélène Renard
son cousin,
de Les Académiciens racontent l’Egypte
(Flammarion).
ont la douleur de faire part du décès de
• « Témoignage de Cocteau sur l’Egypte
du roi Farouk »,
Mme Martine MÉNARD,
par Ahmed Youssef, journaliste,
née GRANDVAL,
écrivain, membre de l’Institut d’Egypte.
céramiste,
Parmi ses ouvrages : Cocteau l’Egyptien
survenu le 19 février 2015, à Paris. (Ed. du Rocher).
• « L’Egypte, d’une Révolution à l’autre,
L’inhumation aura lieu le 26 février, 1952-2011 », par Robert Solé,
à 9 h 30, au cimetière du Montparnasse, journaliste, écrivain,
Paris 14e. ancien rédacteur en chef
du Monde des Livres.
Cet avis tient lieu de faire-part. Parmi ses ouvrages publiés :
Sadate (Perrin),
Le Pharaon renversé (Les Arènes),
Le président de l’université Paris 1
Egypte, de Nasser au “printemps arabe”
Panthéon-Sorbonne,
(Le Monde Histoire).
Le directeur de l’UFR
• « Un déi aujourd’hui : La culture contre
Arts plastiques et Sciences de l’Art,
Les enseignants, le terrorisme » par Ismaïl Serageldin,
directeur général de la Bibliothèque
Le personnel administratif,
Les étudiants, d’Alexandrie, professeur
invité au Collège de France.
Parmi ses ouvrages :
ont la tristesse de faire part du décès,
Mobiliser le savoir pour éradiquer la faim
le 10 février 2015, de
(Collège de France-Fayard).
Mme Claudine ROMEO,
maître de conférences d’esthétique. Le jeudi 5 mars 2015, à 18 h 30,
Auditorium du journal Le Monde,
La cérémonie aura lieu le vendredi 80, boulevard Auguste-Blanqui,
27 février, à 15 h 30, en la coupole Paris 13e.
du cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e. Réservation obligatoire
par mail uniquement
Ils expriment à sa famille leurs et dans la limite des places disponibles
sentiments de condoléances. à sdl@lemonde.fr
sans piston chez Lionel Hamp- Woods, ou quelque inconnu " " #   
M. Grégoire KRETTLY, 
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ton, George Hudson, Charlie Bar- d’avant-garde, jouait-il de la dit La cérémonie religieuse sera célébrée "# #   
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net, Charlie Ventura, Count Basie trompinette ? Vous blaguez : il Gérard CALVI, le jeudi 26 février 2015, à 10 h 30, "#   " *&# $%" %
(1948-1951), la formidable univer- était Monsieur Clark Terry, im- compositeur, en l’église Notre-Dame-des-Grèves " #
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sité des big bands, avant d’inté- mense artiste philosophe du siè- Grand Prix de Rome, de Rocabey à Saint-Malo, suivie d’une "# " #% ** %.*-% +
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grer l’Ecole normale supérieure cle, leader du Big Bad Band, pré- deuxième cérémonie le vendredi  "#  
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survenu le 20 février 2015, 27 février, à 14 heures, en l’Église
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de Duke Ellington (1951-1959). sent sur 927 albums, professeur dans sa quatre-vingt-douzième année.
apostolique arménienne, 15, rue Jean-  "#    $" "   ." $ *% %.*- (*%!-+)
Seul Paul Gonsalves, le ténor le adulé, dont toutes les télés, tou-
Goujon, Paris 8e.  $$-  *- ( /*+ - %$+ /$#$-+ *-$* -+)
plus remarquable de l’histoire du tes les radios, ce soir, devraient, Une bénédiction aura lieu en l’église  " * +- $ ++%"
jazz, aura navigué aussi loin de
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big band en big band.
toutes affaires cessantes, proje-
ter n’importe quoi, il n’y a rien à
Saint-Roch, Paris 1 er , le vendredi "# " "#
* + '-%%*%.
27 février, à 11 heures, suivie de Jacques Khanzadian repose en la " 
l’inhumation dans l’intimité, au cimetière chambre mortuaire de l’hôpital Broussais.   *  1 -
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Ils ont d’ailleurs joué ensemble. jeter. Mais elles ont mieux à du Montparnasse, Paris 14e. "    # # -* $ %"0
Les afters devaient être soignées ! faire. p Cet avis tient lieu de faire-part et "       " * +- $ -
Les voir en scène fut une fête. Ils francis marmande Cet avis tient lieu de faire-part. de remerciements.    #$   ** * '*+ $- +- $ *$ % / '*+ $-
0123
JEUDI 26 FÉVRIER 2015
Fonds d’actualité n°1 (2002), d’Hervé Télémaque. ADAGP/PHOTO PHILIPPE MIGEAT
Hervé Télémaque, la métaphysique du pop
A Paris, le Centre Pompidou consacre enfin une rétrospective au peintre, né en Haïti en 1937
ARTS
D
ans les peintures et les
compositions d’objets
d’Hervé Télémaque, la
canne blanche appa-
raît fréquemment. Il la place en-
tière au milieu de l’image ou n’en
conserve que la poignée courbe. Il
la découpe en tronçons qui sont
ensuite réunis par des articula-
tions de métal ou en dispose plu-
sieurs en faisceau, comme les pi-
quets d’une tente d’Indien pour
enfant. Il l’associe à d’autres ob-
jets, filets, ciseaux et mannequins
de couturière – mannequins
acéphales et amputés comme il
s’en trouve dans les toiles de Gior-
gio De Chirico (1888-1978), de sa
période dite « métaphysique »,
celle qui est consacrée à l’absurde.
La canne blanche est le symbole
de la cécité et sa présence est désa-
gréable dans des œuvres desti-
nées à être vues.
Dans la rétrospective que le Cen-
tre Pompidou, à Paris, consacre,
enfin, à Télémaque, né en Haïti
en 1937 et vivant en France depuis
1961, on la voit apparaître à la fin
des années 1960 et, sous des for-
mes plus ou moins clandestines,
y demeurer longtemps. Les reliefs
de bois découpés, collés, peints et
appareillés d’anneaux métalli-
ques subissent comme elle frag-
mentations, éparpillements, ré-
parations.
Télémaque inflige le même trai-
tement aux branches d’arbre et
aux bois de charpente. Et le même
aux corps qu’il dessine au fusain
dans les années 1990. Leur forme
extérieure se reconnaît à peine,
tant ils sont comprimés et cassés.
Dans les années précédentes, il
peint, avec une netteté telle
qu’elle en devient douloureuse,
des amas de débris sur une char-
rette à bras, retenus par des ficel-
les et des sortes de mécaniques
éventrées. Elles n’occupent
qu’une partie de la surface, dont
le reste – parfois la moitié de la
toile – est recouvert de blanc ou
de gris clair.
Ni un imagier ni un chroniqueur
En effet, Télémaque fait du blanc
un usage constant. C’est l’un des
enseignements flagrants de la ré-
trospective, accrochée dans l’or-
dre chronologique, que d’en faire
la démonstration. La toile la plus
ancienne, exécutée à New York
en 1959, L’Annonce faite à Marie,
est si largement recouverte de
blanc qu’il ne reste que de vagues
débris de figures et de couleurs, à
peine identifiables.
Histoire sexuelle, autre peinture
new-yorkaise, aurait ressemblé à
un Willem De Kooning (1904-
1997) expressionniste, dans le
genre de ses Women, si Téléma-
que ne l’avait badigeonnée de
frottis de gris, un peu à la façon de
l’Américain Cy Twombly (1928-
2011). Ainsi placée dès l’introduc-
Télémaque
fait du blanc
un usage
constant
tion sous le signe de l’effacement,
son œuvre apparaît dès ce mo-
ment douée d’une cohérence
toute singulière, extérieure aux
catégories dans lesquelles il a
paru longtemps commode de la
ranger.
Comme toutes les notices de
dictionnaire le rappellent, l’ar-
tiste participe en 1964 à l’exposi-
tion fondatrice du groupe de la fi-
guration narrative, qui est l’une
des versions européennes du pop
occidental, plus politisée et satiri-
que que l’anglaise – David Hoc-
kney, Ron Kitaj –, assez compara-
ble à l’allemande – Sigmar Polke,
Wolf Vostell, Thomas Bayrle. Il
connaît alors d’autant mieux les
New-Yorkais, d’Andy Warhol à Roy
Lichtenstein, qu’il a assisté à leurs
débuts en voisin et a rencontré
Jasper Johns, de passage à Paris
en 1962.
Il est aussi familier des nou-
veaux réalistes français. Comme
tous ses contemporains, améri-
cains et européens, il regarde
monter et se répandre le flot des
images d’actualité et de publicité,
dont il prélève, comme tous le font
aussi à cette période, des éléments
significatifs, métonymies et sym-
boles de la société de consomma-
tion. Dans le supermarché qu’est
en train de devenir le monde, il
s’arrête d’ordinaire au rayon sous-
vêtements – masculins et fémi-
nins – et au rayon loisirs – chaises
longues, baskets, nautisme. Il s’y
approvisionne en formes simples
pour les peindre à l’acrylique sur
des Isorel perforés et les bricoler
en assemblages après les avoir
Le traitement
qu’il inflige
aux éléments
qu’il prélève
les réduit
à un état
fantomatique
sciées. La bande dessinée et les ma-
gazines de mode lui servent aussi
de temps en temps.
Là s’arrête l’assimilation si facile
au pop. Télémaque n’est ni un
imagier ni un chroniqueur
comme l’ont été James Rosen-
quist, Tom Wesselmann ou tant
d’autres. Il va bien au-delà de la
collecte et de l’inventaire, il est
bien plus profond et inquiétant.
Le traitement qu’il inflige aux élé-
ments qu’il prélève, les arrange-
ments dans lesquels il les insère,
au lieu de les mettre en évidence
comme autant de beaux symbo-
les du moderne, les vident de leur
substance, les réduisent à un état
fantomatique.
Obsession de la disparition
Ce ne sont plus des échantillons
représentatifs du commerce et du
divertissement, proposés à une
interprétation sociologisante ou
idéologisante, mais des mor-
ceaux de réel tristes aspirés par le
vide. Si l’Isorel est percé, si les
aplats de blanc, de gris, de bleu ou
de jaune sans éclat sont si fré-
quents, c’est que Télémaque ne re-
culture | 17
présente pas le monde des objets,
mais sa vacuité. Quand l’une de
ses principales compositions,
en 1966, en pleine figuration nar-
rative, se nomme Le poète rêve sa
mort, le titre n’est pas anodin, le
mot « poète » non plus. Ni non
plus le titre Le temps passe, pour
un espalier de deux clous géants
et de trois barreaux noirs. Ou Pas-
sage : la canne d’aveugle, un cor
anglais, une paire de ciseaux, le
tout sur un fond vert pâle, genre
mur de cantine ou couloir d’hôpi-
tal. Au XVIIe siècle, on aurait ap-
pelé cette nature morte une va-
nité et il y aurait eu un crâne hu-
main. Télémaque n’a plus recours
à cet accessoire trop connu, mais
le sens demeure inchangé. Sens
métaphysique, aurait dit Chirico.
A mesure que l’on avance dans
les salles, ce sens devient de plus
en plus manifeste, jusqu’à ce que
l’on en arrive à des œuvres remar-
quables, datant de 1979 et 1980. Ce
sont des boîtes qui se divisent en
deux parties égales, deux états
d’un même motif. L’un s’obtient
par le découpage et le collage de
papiers de couleur, agencés avec
précision.
L’autre est un dessin au trait sur
calque, aussi précis, qui ne con-
serve du sujet que des lignes. Il ar-
rive que des papiers colorés vien-
nent flotter sur le calque.
Les deux versions sont dispo-
sées symétriquement, souvent in-
versées ou renversées, qu’il
s’agisse d’une maison ou d’un
paysage. L’image rapiécée et le
schéma elliptique se font face.
Télémaque ajoute parfois une
troisième partie, plus réduite : des
lambeaux des mêmes papiers, dé-
chirés… Viennent ensuite les des-
sins à petits traits et hachures qui
paraissent s’émietter sous le re-
gard et les toiles en deux moitiés,
elles aussi, l’une encore à peu près
solide et partiellement déchiffra-
ble, l’autre à l’état liquide, expan-
sions de taches translucides.
A l’obsession de la disparition,
un sujet échappe, autobiographi-
que et moral. Haïtien, Télémaque
a subi le racisme aux Etats-Unis
dans les années 1950 et n’a ja-
mais caché qu’il était venu en
France pour lui échapper. Par la
photographie, le découpage et le
calque, Mère-Afrique confronte le
supposé pittoresque des revues
« nègres » de l’entre-deux-guer-
res à la ségrégation en Afrique du
Sud.
Une cravache est suspendue au
centre. Les reliefs de bois peints
font allusion, souvent, aux Caraï-
bes, à l’« exotisme », à la mémoire
de la traite négrière aussi, dont le
nom de l’artiste garde la trace.
Peut-être est-ce en partie pour
cette raison que Télémaque re-
garde le monde avec tant de dis-
tance, tant de défiance, un sens si
aigu de ce qui se cache derrière les
choses. Peindre, pour lui, c’est
conjurer l’aveuglement. p
philippe dagen
Hervé Télémaque. Centre
Pompidou, Paris 4e.
www.centrepompidou.fr.
Du mercredi au lundi de 11 heures
à 21 heures. Entrée : de 10 € à 13 €.
Jusqu’au 18 mai.
18 | culture 0123
JEUDI 26 FÉVRIER 2015

« Iranien », le film qui libère la parole

Depuis sa sortie, le 3 décembre 2014, le documentaire de Mehran Tamadon a suscité une centaine de débats

REPORTAGE

N
anterre. Samedi 7 fé-
vrier. Salle comble ou
presque au cinéma
Les Lumières. Voilà
une heure et demie que l’on dé-
bat. Depuis qu’Iranien est sorti
dans les salles françaises, le 3 dé­
cembre 2014, le réalisateur Me­
hran Tamadon ne cesse d’être ap-
pelé pour discuter de son docu-
mentaire. Athée, fils de militants
communistes sous le chah, arrivé
en France en 1984, à l’âge de
12 ans, reparti en Iran de 2000 à
2004, il a invité, dans sa maison
de Téhéran, sous l’œil de sa ca-
méra, quatre responsables reli-
gieux pour « vivre ensemble » le
temps d’un week-end et confron-
ter leurs points de vue sur la reli-
gion.
Audacieux. Et polémique. Parce
que, loin d’opposer un para-
digme laïque aux certitudes des
mollahs, il cherche la rencontre,
en joue, se laisse faire. « J’ai beau-
coup de plaisir à être déstabilisé,
dit-il. Depuis toujours je suis
comme ça. Parce que cela me dé-
place, cela me met en mouve-
ment. »
De quoi désarçonner tout le
monde, là-bas comme ici. « Si je
recule, je donne à l’autre la possi-
bilité de reculer, tente d’expliquer
le petit homme au rire généreux
à des salles perturbées. Mon film
ne dit pas qu’on peut vivre ensem-
ble. Il va simplement à la rencon-
tre. » Là-bas comme ici. Villeur-
banne, Caluire, Montélimar,
Douchy-les-Mines… Le film li-
bère une parole. « Cela doit être
mon quatre-vingt-seizième dé- Le réalisateur Mehran Tamadon (à droite) dans son documentaire « Iranien ». DR
bat », calcule le réalisateur, bien
en mal d’en tenir le compte…
Déjà 25 000 spectateurs. Beau-
coup pour un documentaire. pour dénoncer, elle est là pour faire bouger les lignes. Et l’impor- film : « Est-ce que vous pensez mais se cache derrière moi. Or ma
construire. Et ce qui m’intéresse, tance de « l’expérience » dans une que vous avez planté une graine
Loin d’opposer réponse ne va pas se poser sur le
« Transformer l’autre » c’est : dans quelle mesure cons- quête qui se réfère autant au dans la tête des mollahs ? » un paradigme même plan : personnellement, je
A Nanterre, un public de profs, di- truire avec l’ennemi est-il possi- « don et contre-don » de Marcel « Qu’est-ce que j’en sais ?, a-t-il ré- n’interdirais pas, par peur du dic-
gnes représentants de la gauche ble ? “Danser avec le bourreau, Mauss qu’à la construction d’une pondu. J’en ai peut-être planté
laïque aux tateur que je risquerais ainsi de
républicaine, tout pénétrés de c’est courir le risque d’en devenir conscience individuelle chère à une dans la vôtre : si maintenant certitudes devenir ». Une fois de plus, il
laïcité comme du dernier rem- un soi-même”, a dit Nabokov. Moi, Hannah Arendt et plus impor- vous ne les enfermez plus dans prend à contre-pied. « Décevoir
part contre la barbarie. Et, au mi- j’ai toujours l’espoir que c’est aussi tante aux yeux du réalisateur quelque chose, cela peut leur don-
des mollahs, est un plaisir », sourit-il, citant
lieu de ce public, un colosse ira- se donner la possibilité de trans- que l’idée de laïcité. ner la possibilité de bouger. » le film cherche Deleuze. « Seuls ceux qui veulent
nien, levant haut le poing et le former l’autre, de le changer, de le C’était le 7 janvier. Le jour de la le pouvoir ne veulent jamais déce-
verbe sous sa grosse moustache, polluer. » Sensibilité à fleur de peau tuerie de Charlie Hebdo. Sensibi-
la rencontre, voir. »
encore ému du souvenir de ses On retrouve Mehran Tamadon, « La pensée laïque, c’est sa ri- lité à fleur de peau. Depuis ce en joue, A la fin du film, les mollahs ren-
camarades communistes déci- casquette sur la tête, dans un pe- chesse, est une boîte creuse qui jour-là, il tente à chaque fois d’y trent chez eux satisfaits. Mais
més par la République islami- tit troquet de la porte Saint-De- laisse leur place à toutes les idéo- revenir de manière volontaire-
se laisse faire l’idée même de cette confronta-
que : « On ne discute pas avec ces nis, entre prostituées chinoises logies, dit-il. Mais, quand une ment accrocheuse : « Le 7 janvier, tion a déplu au régime, qui avertit
gens-là, on les renverse les armes et clochards terrestres. Il cite Fou- pensée ne se discute plus, elle perd j’avais envie d’aller discuter avec le réalisateur, avant de le ren-
à la main ! », crie-t-il, à moitié en cault, Deleuze, Todorov, Blan- sa dynamique. Si j’étais prof, je les Kouachi. » Bizarrement, re- mandent dans quoi, eux, ils sont voyer en France. « C’est la réponse
larmes. chot… Il les a découverts lors de préférerais être dans un lycée où marque-t-il, personne ne relève enfermés. » A Quimper, un de la République islamique, expli-
Le réalisateur ne se laisse pas son mémoire de fin d’études les élèves ne font pas la minute de jamais. homme s’exclame : « Pourquoi que-t-il. Tu veux vivre ensemble ?
démonter : « Je suis désolé, je ne d’architecture à Paris-La Villette : silence après les attentats et où on De même qu’il voulait faire n’arrive-t-on pas à faire ça avec le Tu quittes le pays. Ils excluent. En
filme pas les victimes, ce n’est pas La Monotonie et la répétition : en parle, que dans une classe où bouger les lignes à Téhéran, voilà FN qui est au café du coin ? » A France, on aurait tendance à rai-
ce qui m’intéresse, dit-il d’une une fuite hors de la forme. C’est là on fait la minute de silence et puis notre bâtisseur-documentariste Montreuil, « un adjoint au maire sonner de la même façon. On ex-
voix retenue, lui dont le père a que sa vie a pris un cours nou- on passe à autre chose. » travaillant le terrain français. veut me faire dire que peut-être ce clut alors qu’on devrait inclure.
passé douze ans dans les geôles veau. Avec « le mouvement », A Questembert, en Bretagne, « L’effet de miroir fonctionne, les n’est pas une bonne idée d’inter- Quand tu ouvres, tu désarmes. » p
du chah. Ma caméra n’est pas là qu’il invoque sans cesse pour quelqu’un a demandé à l’issue du gens regardent le film et se de- dire le voile à l’école. Il le pense, laurent carpentier

Quand le Forum des images rend justice au cinéma judiciaire

Le nouveau cycle de l’institution parisienne, proposé jusqu’au 22 mars, propose un imposant corpus de quatre-vingts films

CINÉMA parée, son supposé criminel ama- tions. Ce dernier se confronte à un (12 hommes en colère, de Sidney sophe Frédéric Gros et le ministre contre avec la réalisatrice et Fran-
teur d’yeux humains frais. L’impé- imposant corpus de 80 films sur Lumet ; Témoin à charge,de Billy devenu avocat pour enfants, Pierre çois Bès, de l’Observatoire inter-

Q ue justice soit faite ! »

Brandissant l’impératif
comme on lève le poing
dans les manifestations,
le titre du nouveau cycle cinéma-
tographique du Forum des ima-
ges, à Paris, qui a débuté le 4 fé-
vrier et se termine le 22 mars, veut
être prix au sérieux.
On peut en rire un peu, en écho à
cet autre titre-choc et pas non plus
dépourvu d’humour qu’était
« Que fait la police ? », choisi pour
un cycle, en 2012, qui invitait les
spectateurs dans les coulisses des
forces de l’ordre. On peut même en
rire beaucoup, en voyant ou en re-
voyant Neuf mois ferme, d’Albert
Dupontel, programmé en début
de cycle, sa juge enceinte et désem-
ratif n’en reste pas moins catégori-
que : si justice doit être faite, c’est
qu’elle est trop souvent mal ou pas
faite, et c’est très sérieusement que
le cinéma nous invite à nous pen-
la justice : classiques (M le Maudit,
de Fritz Lang) ou plus en marge
(Nous sommes tous des assassins,
d’André Cayatte), de procès
cher sur la question.
Le cinéma, mais pas seulement.
Il est d’ailleurs rarement seul à
s’exprimer au Forum des images,
et le cycle « Que justice soit
faite ! » est l’occasion de confron-
ter les regards, les métiers, les per-
sonnes. Autour des films ou en
parallèle, cinéastes, philosophes,
historiens, enseignants, avocats
et magistrats invitent et réinvi-
tent à un débat vivant, viennent
arracher le spectateur aux tenta-
tions de la passivité et du confort
– au moins physique – des projec-
Wilder), de prison (Un prophète,
de Jacques Audiard), ou encore
documentaires (10e chambre, ins-
tants d’audience, de Raymond De-
pardon). Beaucoup de Clint Eas-
twood, beaucoup de John Ford et
de cette Amérique où Tocqueville
Muriel Dreyfus, allait étudier, dans la première
moitié du XIXe siècle, le fonction-
programmatrice, nement d’un système pénitenti-
défend l’idée que aire que l’on espérait révolution-
naire dans le bon sens.
le public aime
à se creuser La prison en images et en mots
Fil rouge possible parmi d’autres
les méninges, tout autant marqués par l’urgence,
et les rencontres la prison était, le 18 février, au cœur
d’un dialogue passionnant inti-
ont souvent tulé « Surveiller et punir
des airs de défi aujourd’hui », réunissant le philo-
Joxe, autour des 40 ans du célèbre
livre de Michel Foucault. Présenté
ainsi, le programme semble inti-
midant. Mais Muriel Dreyfus, pro-
grammatrice au Forum des ima-
ges, défend l’idée que le public
aime à se creuser les méninges, et
les rencontres qu’elle propose ont
souvent des airs de défi.
Cette semaine, le mercredi
25 février à 19 heures, le débat
autour de la prison se poursuit en
images et en mots, avec une pro-
jection d’A l’ombre de la Républi-
que, un documentaire de 2012,
pour lequel Stéphane Mercurio a
suivi, dans leur travail, le contrô-
leur des lieux de privation de li-
berté, Jean-Marie Delarue, et ses
collaborateurs, suivi d’une ren-
national des prisons. Patient, at-
tentif à saisir les nuances, préser-
vant les distances sans chercher à
cacher l’angoisse consubstan-
tielle de presque tout ce qu’il
montre, le film est un document
accablant, au cœur d’une actua-
lité dont on ne parle que par sur-
sauts, comme s’il était trop fati-
gant d’entretenir le débat.
A travers cette rencontre, et jus-
qu’à la fin du mois de mars, le Fo-
rum des images répond par l’affir-
mative et nous invite à nous lais-
ser ressaisir par l’urgence. p
noémie luciani
« Que justice soit faite ! »
au Forum des images,
du 4 février au 22 mars 2015.
0123
JEUDI 26 FÉVRIER 2015 culture | 19

« Le Public », de Garcia Lorca, applaudi à Madrid

Commandé par Gerard Mortier avant sa mort, le drame, réputé injouable, est monté au Teatro Real

OPÉRA « considérait que l’Espagne de

madrid - correspondance l’époque n’était pas prête à ac-
cueillir cette œuvre », explique

D
rame injouable,
œuvre surréaliste sur
l’homosexualité et le
théâtre contempo-
rain, El Publico (Le Public) est
l’une des pièces les moins con-
nues de Federico Garcia Lorca.
Sur une commande de Gerard
Mortier, qui dirigea l’Opéra de
Madrid – le Teatro Real – à partir
de 2010 et pratiquement jusqu’à
sa mort, en mars 2014, le compo-
siteur Mauricio Sotelo a fait un
opéra tout aussi iconoclaste,
dont la première mondiale a eu
lieu mardi 24 février, dans la capi-
tale espagnole.
Gerard Mortier « était fasciné
par Lorca et par Le Public », ra-
conte M. Sotelo. Il voulait en faire
« le fleuron d’une Espagne absolu-
ment moderne » dont il déplorait
« le manque de tradition opérati-
que ».
C’est ainsi que, début 2010, sui-
vant les instructions « très préci-
ses » du directeur artistique du
Real, le compositeur espagnol
commence à « rendre intelligi-
ble » cette œuvre d’avant-garde
« qui aborde des sujets chers à
Mortier : la recherche de la vérité,
la rupture avec les conventions,
l’identité derrière le masque, le
changement perpétuel, et surtout
le rôle du théâtre comme élément
transformateur de la réalité ». Il
lui aura fallu presque cinq ans
pour mener à bien son projet.
Lorca écrit Le Public à Cuba,
juste après son séjour à New York,
dans un moment de profonde
crise émotionnelle et d’efferves-
cence créative. Mais il ne l’achève
pas. En juillet 1936, un mois avant
d’être fusillé, il confie le manus-
crit à son ami Martinez Nadal
avec l’ordre de le détruire s’il
mourait. Le poète espagnol
Mauricio Sotelo. Mais la pièce a
survécu. Elle fut présentée pour
la première fois à Milan en 1986,
dans une mise en scène de Lluis
Pasqual, puis à Madrid l’année
suivante et enfin à Londres
en 1988.
L’opéra, qui mélange à la musi-
que contemporaine les rythmes
traditionnels du flamenco,
comme la seguiriya ou la solea,
est, dans l’adaptation de M. So-
telo, « un voyage à l’intérieur de
soi-même ». Pour l’écrivain An-
dres Ibañez, auteur du livret, il
fallait avant tout respecter
« l’obscénité, la cruauté et l’irrévé-
rence » du langage poétique du
dramaturge andalou, qui « ex-
plore le désir sexuel avec une hon-
nêteté et une complexité qui dé-
fient les simplifications bien
pensantes ».
« Obscénité, irrévérence »
Le Public, souligne M. Ibañez, « ra-
conte l’histoire d’un metteur en
scène marié à une femme, Elena
– comme la femme de Dali, Gala,
dont c’était le vrai nom –, pour es- « Le Public »,
sayer d’oublier son passé homo- sur la scène
sexuel ». Mais surgit un ancien du Teatro Real,
amant « qui lui fait sentir qu’il se à Madrid.
ment à lui-même », dans sa vie et JAVIER DEL REAL
dans sa recherche artistique, et
qu’il doit désormais « aborder les
sujets qui l’intéressent » bravant
« les conventions esthétiques et
morales de l’époque ». et Jesus Mendez, et le bailaor Ru- dres Ibañez, « aucune explication dans la salle. La mise en scène du
Lorca mêle des personnages ben Olmo. L’opéra ne réussira à résoudre toutes les Chicano Robert Castro, les décors
réels, le metteur en scène Enrique Sur scène se croisent, entre énigmes que pose la pièce ». de l’artiste allemand Alexander
et son amant Gonzalo, à des figu- autres, un sombre empereur ro-
mélange La partition, interprétée par Polzin, les costumes du Polonais
res allégoriques : des chevaux main, une innocente Juliette et à la musique l’ensemble viennois de musique Wojciech Dziedzic et la chorégra-
blancs qui incarnent le désir éroti- « tous les personnages qui repré- contemporaine Klangforum sous phie de l’Américain Darrel Grant
que, les forces de la nature et les sentent les pulsions, les instincts,
contemporaine la direction de l’Espagnol Pablo contribuent à recréer l’univers
pulsions sexuelles, interprétés les peurs, les cauchemars et les les rythmes Heras-Casado, se juxtapose à de la ésotérique de Lorca, le temps de
par trois artistes de flamenco, au souvenirs » du metteur en scène, musique électronique assortie à huit représentations, jusqu’au
torse nu et aux longues crinières sans pour autant arriver à une
traditionnels des effets musicaux diffusés par 13 mars. p
argentées, les cantaores Arcangel conclusion. Car, ajoute An- du flamenco quelque 35 enceintes disséminées isabelle piquer

En Italie, éditeurs et écrivains dénoncent L’HISTOIRE DU JOUR

Beppe Grillo redore l’étoile pâlie
la mainmise de Berlusconi sur l’édition de Gino Paoli
Le groupe Mondadori, propriété de l’ancien président du Conseil, a fait une offre de rachat
de son concurrent RCS Libri, ce qui pourrait donner naissance à « un Moloch du livre »
I l manquait un épisode à la vie mouvementée du chanteur
Gino Paoli, 80 ans. Il revient aux agents de la gendarmerie
financière de l’écrire. Considéré comme un des plus grands
auteurs-compositeurs italiens des années 1960 et 1970, créa-
teur de Sapore di sale (1963), arrangée par Ennio Morricone, et
pant, a commenté le ministre de la comme Umberto Eco et Michel d’Il cielo in una stanza (interprétée par Mina en 1960 puis par…
rome - correspondant
culture, Dario Franceschini. Il n’y a
« C’est Houellebecq, dont les livres sont Carla Bruni en 2011), adaptateur de Brel et de Ferré, l’artiste est

A lors que les intellectuels,

écrivains et artistes tran-
salpins se croyaient dé-
barrassés pour longtemps de Sil-
vio Berlusconi, le voilà qui déboule
pas de secteur plus sensible pour la
liberté que le marché du livre. » En
dernier recours, ce sera à l’autorité
de contrôle de la concurrence de se
prononcer.
préoccupant.
Il n’y a pas
de secteur plus
en tête des ventes.
Sandro Veronesi (prix Femina
étranger pour Chaos calme
en 2008, Grasset), qui a quitté
Mondadori il y a une vingtaine
soupçonné de fraude fiscale.
Il a été interpellé, puis relâché, en décembre 2014, à un poste
frontière entre la Suisse et l’Italie avec une importante somme
d’argent liquide. Selon des éléments de l’enquête divulgués par
la presse, Paoli aurait placé 2 millions d’euros non déclarés dans
à nouveau sans crier gare dans leur Propriétaire des maisons d’édi-
sensible pour d’années, s’interroge : « Comment une banque helvétique, soit un manque à gagner de
univers. Sans avenir politique tion Rizzoli, Bompiani, Adelphi, la liberté que le peut-on rester indifférent alors 800 000 euros pour le fisc italien.
après sa condamnation définitive Bur, Fabbri editori, Marsilio, Son- qu’un homme condamné s’apprête Le chanteur a expliqué qu’il s’agissait
marché du livre »
à quatre ans de prison (réduite à un zogno et Archinto, RCS contrôle à contrôler presque la moitié du L’ARTISTE ITALIEN de l’argent de ses cachets, payés au
an et purgée par des travaux d’in- aussi deux importants quotidiens DARIO FRANCESCHINI secteur de l’édition italienne ? » noir, pour ses concerts donnés dans le
térêt général) pour fraude fiscale et italiens, le Corriere della Sera et la ministre de la culture italien « Berlusconi est le meilleur éditeur EST SOUPÇONNÉ cadre des Fêtes de L’Unita, manifesta-
son exclusion pour six ans de la Gazetta dello Sport. Saura-t-il résis- qui soit car il n’a pas de velléités cul- tions estivales, autant politiques que
vie parlementaire, le « Caïman » ter à une telle offre alors qu’il affi- turelles », répond un autre auteur. DE FRAUDE FISCALE musicales, organisées par la gauche
reste un homme d’affaires puis- che une dette à hauteur de explique au Monde Elisabetta italienne héritière du Parti commu-
sant et fortuné. La preuve : l’offre 500 millions d’euros, malgré la Sgarbi, directrice de Bompiani. No- La résistance s’organise niste, dont Paoli fut un élu entre 1987 et 1992. « Je suis un
de rachat faite par la maison d’édi- vente de la maison Flammarion à tre maison a toujours fait primer la Passée la sidération, et en prévi- homme bien, je veux défendre ma dignité », a-t-il déclaré, avant
tion Mondadori qu’il contrôle sur Gallimard pour un montant de défense du catalogue, de sa qualité sion d’un conseil d’administration de démissionner, mardi 24 février, de la Société des auteurs et
son concurrent RCS Libri pour un 185 millions d’euros en 2012 et de et des auteurs. Comment ces der- de RCS Media Group prévu le éditeurs italiens, dont il était le président depuis 2013 pour, di-
montant compris entre 120 et son siège milanais en 2013 pour niers vont-ils réagir ? » Par le passé, 11 mars, la résistance s’organise. sait-il, « combattre la piraterie ».
150 millions d’euros. 120 millions ? Un agent littéraire plusieurs d’entre eux ont claqué la Sous l’impulsion d’Umberto Eco,
Si cette proposition, annoncée ironise : « La création d’un tel co- porte de Mondadori, pour protes- le Corriere della Sera a publié sa- Vie mouvementée
mercredi 18 février, devait se con- losse serait une sorte d’Union sovié- ter contre la manière dont Silvio medi 21 février une pétition signée Né en 1934 aux confins de l’Italie et de la Slovénie, Gino Paoli est
crétiser, Silvio Berlusconi et sa fa- tique par rapport à la Confédéra- Berlusconi s’était porté acquéreur de 48 écrivains, qui dénoncent associé à la ville de Gênes, où ses parents emménagent pour
mille contrôleraient près de 40 % tion helvétique. » de la société d’édition dans les an- « une menace contre la liberté d’ex- fuir les persécutions yougoslaves. C’est à Gênes que sa mère,
de l’édition italienne. « Préoccu- « Nous sommes très préoccupés, nées 1990 après avoir corrompu pression » et la naissance d’un Mo- pianiste, lui transmet le goût de la musique et qu’il se lie avec les
un juge, ou contre sa politique loch qui « aurait un énorme pou- figures de la scène locale, comme Fabrizio De André et Luigi
comme président du Conseil. voir vis-à-vis des auteurs, domine- Tenco. C’est à Gênes encore qu’il a conservé son dernier défen-
Les deux maisons sont de di- rait les librairies et tuerait les petites seur. Apprenant la nouvelle de ses déboires, Beppe Grillo, leader
Le rachat de Mondadori en 1991 entaché de corruption mension et de culture diverses. maisons d’édition ». du Mouvement 5 étoiles, s’est excusé des attaques dont le chan-
En octobre 2009, le tribunal de Milan a infligé à Silvio Berlusconi une Mondadori, dirigé par Marina Ber- Lundi 23 février, ce texte avait teur a été victime de la part de militants du parti.
amende de près de 750 millions d’euros pour dédommager le lusconi, la fille aînée du Cavaliere, réuni une centaine de signataires. Mélodieuses et mélancoliques, ses chansons sont aussi le reflet
groupe CIR de Carlo De Benedetti. Les deux hommes s’étaient af- et fort de 239 millions d’euros de Il devrait être publié dans diffé- de sa vie mouvementée, marquée par une tentative de suicide
frontés dans les années 1990 pour le rachat de Mondadori. Le juge a chiffres d’affaires, édite des best- rents journaux étrangers pour, ex- ratée en 1963, une addiction à l’alcool, une traversée du désert
conclu que la Fininvest, la holding de contrôle de l’empire médiati- sellers comme John Grisham, E. plique encore Elisabetta Sgarbi, dans des night-clubs de la côte ligure suivie de retours au pre-
que de M. Berlusconi, avait corrompu un magistrat en lui faisant L. James ou Dan Brown. RCS Libri, « internationaliser » cette affaire et mier plan, au gré de liaisons compliquées avec l’actrice Stefania
parvenir un versement de 3 millions de dollars (2,6 millions d’euros), 155 millions de chiffres d’affaires, « la sortir d’une logique purement Sandrelli et la chanteuse Ornella Vanoni. Des hauts et des bas. p
pour avoir gain de cause. Depuis, l’amende a été réduite par la cour s’est spécialisé dans une politique financière ». p ph. r.
d’appel à un peu moins de 560 millions d’euros. des auteurs, avec des signatures philippe ridet (rome, correspondant)
20 | télévisions
Les lois du base-ball
appliquées au cinéma
Un entraîneur et un geek emportent leur
équipe et le public dans une odyssée jouissive
NUMÉRO 23
JEUDI 26 – 20 H 45
FILM
S
port et cinéma sont deux
disciplines qui vont bien
ensemble. L’une et l’autre
trouvent dans l’action et
le suspense un terrain commun,
une émulation. Si la pétanque
tarde, hélas, à faire ses preuves, la
boxe, le football américain, le
kung-fu, l’athlétisme, l’équitation
ou le football ont déjà beaucoup
servi. Cette vertu cinégénique est
si grande qu’il n’est pas nécessaire
d’aimer le sport, voire d’en con-
naître les règles, pour apprécier
ses enjeux, tels que le cinéma, in-
génieuse machine à universaliser
les passions, se les approprie.
La preuve par l’absurde, du
moins en pays latin, nous est don-
née par le film de base-ball, ce
sport américain par excellence,
qui voit un garçon envoyer une
balle dans la direction d’un autre
qui la frappe comme un sourd à
l’aide d’un gourdin, puis qui court
en rond, tandis que d’autres types
s’acharnent à rattraper la balle,
tout cela sans qu’on sache exacte-
ment qui joue avec ou contre qui.
Ces excentricités anglo-saxonnes
La crise grecque en flash-back
En trente ans, le pays s’est enfoncé dans la dette sous les yeux de l’Europe, qui a fait l’autruche jusqu’au crash de 2009
FRANCE 3
JEUDI 26 – 23 H 40
DOCUMENTAIRE
A u moment où le nouveau
gouvernement d’Alexis
Tsipras demande au reste
de l’Europe d’assouplir les con-
traintes financières qui pèsent
sur la Grèce, le documentaire
d’Olivier Toscer, pourtant vieux
de deux ans, apporte un éclairage
intéressant sur la place du pays
dans l’Union européenne.
La Grèce et l’Europe, c’est en fait
l’histoire d’un grand malentendu
GRILLE N° 15 - 048
PAR PHILIPPE DUPUIS
1 2 3 4 5 6
I ilms, une mort brutale, un mythe.
II
III
IV
V IX. Son Oiseau-Blanc n’est jamais arri-
VI
VII
VIII
IX
X
SOLUTION DE LA GRILLE N° 15 - 047
HORIZONTALEMENT I. Croque-madame. II. Haruspice. Oc. III. Epia. One.
Pal. IV. Vagir. Oran. V. Ici. Ecrêtées. VI. Le Notre. Tupi. VII. Areu. Aisée.
VIII. Atlantide. Ir. IX. Ruent. LSD. Rê. X. Déstabilisés.
VERTICALEMENT 1. Chevillard. 2. Rapace. Tué. 3. Originales. 4. Quai.
Orant. 5. US. Retenta. 6. EPO. Crut. 7. Minore. Ili. 8. Acéré. ADSL. 9. Dé.
Attiédi. 10. Pneus. 11. Moa. Epeire. 12. Eclusières.
(le base-ball descend de cette
aberration anglaise qu’est le cric-
ket !) peuvent pourtant donner
lieu à un film qu’on regarde avec
grand plaisir, tel Le Stratège.
Adapté d’un best-seller écrit
en 2003 par l’ex-trader Michael
Lewis, produit et interprété par
Brad Pitt, coscénarisé par l’orfèvre
Aaron Sorkin (« A la Maison Blan-
che », The Social Network, 2010) et
réalisé par Bennett Miller (Truman
Capote, 2005), ce film relate un épi-
sode célèbre de l’histoire du base-
ball. On y voit Billy Beane (Brad
Pitt), entraîneur d’une équipe de
moyenne envergure, les Oakland
Athletics, qui voit à la fin de la sai- Billy Beane (Brad Pitt), entraîneur des Oakland Athletics. MELINDA SUE GORDON / COLUMBIA PICT.
son 2001 ses meilleurs joueurs lui
échapper pour rejoindre des clubs sur le bout de son ordinateur. A
à la puissance financière et au eux deux, ils vont révolutionner la
rayonnement plus attrayants. planète base-ball sur la base d’une
philosophie pragmatique : plutôt
Un exorcisme que de constituer à prix d’or une
Plutôt que de combler les trous équipe de stars, ils choisissent des
avec des solutions de fortune, Billy demi-soldes en combinant leurs
Beane décide, au risque de s’alié- atouts respectifs.
ner le conseil d’administration et Cette dramaturgie, diablement
les supporteurs, de tout reprendre efficace sur le plan des résultats
à zéro. Sa rencontre avec le jeune de l’équipe d’Oakland comme sur
Peter Brand (Jonah Hill) va l’y aider. celui de la dynamique du récit,
Brand est un homme effacé, mais n’est pas propre au film sportif. Le
un statisticien de génie, qui con- film de guerre Les Douze Salo-
naît les joueurs du championnat pards, de Robert Aldrich, fonc-
qui dure depuis 1976. La chute du lent pas fermer la porte au pays
régime des colonels en 1974 et qui a inventé la démocratie.
l’avènement de la démocratie En 1981, la Grèce devient donc
conduisirent les dirigeants euro- membre de la CEE à part entière.
péens à autoriser en 1979 l’entrée
de la Grèce dans ce qu’on appelait
couramment le Marché com-
mun. Ils sont alors parfaitement
conscients que cet Etat très pau-
Mises en garde
Le même scénario va se repro-
duire lors de la mise en place de
l’euro. Malgré les subventions de
vre et corrompu n’est pas au ni- l’Union européenne qui se sont
veau économique des neuf déversées sur la Grèce depuis son
autres membres de la Commu- adhésion, l’économie locale reste
nauté économique européenne plombée par des déficits. Si cer-
(CEE), mais, grâce à la persuasion tains Européens s’extasient de-
de Valéry Giscard d’Estaing, les vant les progrès obtenus en ma-
responsables de l’époque ne veu- tière de réduction du déficit pu-
HORIZONTALEMENT
I. Important travail en profondeur.
II. On l’apprécie par transparence.
Faire disparaître les reliefs. III. René Ier
ou Jean II. Trouva le juste milieu.
IV. Passe à Mulhouse et à Strasbourg.
7 8 9 10 11 12
Cité de la basse Mésopotamie. Trois
V. Claquement sec et brutal. Lâche et
méprisable. Le césium. VI. Traversent
les fonds à grands coups d’ailes. Se
déplacent dans les fonds méditerra-
néens. VII. Ne laissent pas insensible.
Essaie de faire la paix. VIII. Négation.
Renvoient vers un monde enivrant.
vé à New York, lui non plus. Partisane.
X. Venu de Roumanie avec son vio-
lon. Tombe avec régularité.
VERTICALEMENT
1. Attendue au bout du tourment.
2. Mise en pièces de nos mots.
3. Reliait au réseau. Pan dans la jupe.
4. Bravo ou Grande, il fait frontière.
Prêts à donner de durs coups de
main. 5. Cours italien. Fait le singe en
Amérique du Sud. 6. Dangereuse-
ment invisibles. De plus en plus
rapide. 7. Annexe religieuse. 8. Des
siècles et des siècles. Même drôle il
n’est pas fréquentable. 9. Ordonner,
mais à bien vieilli. Encouragement
dans les tribunes. 10. Ont protégé
l’Arioste et le Tasse. Couteau marin.
11. Capitale pour Jeanne d’Albret. Né-
gation. 12. A pris un bon coup de
rouge.
tionnait déjà, en 1967, sur ce
schéma éprouvé. Le Stratège bé-
néficie pleinement des vertus de
cette parabole démocratique, qui
veut qu’une collection de rebuts
du système, transfigurés par un
idéal, triomphe d’un adversaire
mieux armé. Dans un milieu
sportif où l’argent est devenu roi,
la fable prend la dimension d’un
magnifique exorcisme.
A cette vertu collective s’ajoute,
dans l’ordre des grandes valeurs
américaines, l’exaltation de l’indi-
vidualité. Billy Beane, auquel Brad
blic, tout le monde n’est pas con-
vaincu. Certains jugent même que
le pays n’est pas en état d’adopter
la monnaie unique, mais ils ne
sont pas entendus. Les dirigeants
d’Athènes insistent pour que des
caractères grecs figurent sur les fu-
turs billets et le pays finit par adop-
ter la monnaie unique en 2001.
Une période d’argent facile dé-
bute lors de la disparition de la
drachme. Un nouvel âge d’or sem-
ble commencer. En 2004, le pays
remporte l’Euro et accueille les
Jeux olympiques d’été. Or, per-
sonne ne se soucie de ce petit Etat
SUDOKU
N°15-048
L’ENVOL DE
0123 l'envol
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L’AFRIQUE
Un hors-série du Monde
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Pitt confère une présence atta-
chante et dépourvue de tout his-
trionisme, est taillé dans l’étoffe
de ces héros solitaires. Ajoutez à
cela un casting au petit poil, des
personnages secondaires qui
tiennent la route et un réalisme
intelligemment documenté et
vous obtenez un beau film améri-
cain comme on les aime. p
jacques mandelbaum
Le Stratège, de Bennett Miller. Avec
Brad Pitt, Jonah Hill, Philip Seymour
Hoffman (E.-U., 2011, 133 min).
qui tripatouille ses comptes pour
faire croire qu’il respecte les critè-
res de Maastricht. En 2009, la vé-
rité éclate au grand jour : la Grèce
a accumulé 350 milliards d’euros
de dettes, plus de 160 % de sa ri-
chesse nationale (aujourd’hui
175 %). Dès lors, sa situation de-
vient une menace pour l’Europe,
qui aura fermé les yeux durant
plusieurs décennies. p
joël morio
La crise grecque : une faillite
européenne, d’Olivier Toscer
(France 2013, 55 min).
0123
JEUDI 26 FÉVRIER 2015
V O T R E
S O I R É E
T É L É
J E UD I 26 F É VR IE R
TF1
20.55 Section de recherches
Série française créée par Steven
Bawol et Dominique Lancelot.
Avec Xavier Deluc, Franck Sémonin
(saison 9, ép. 7 et 8/12).
23.00 Section de recherches
(saison 8, ép. 5 et 7/12).
France 2
20.50 Envoyé spécial
Magazine présenté par Guilaine
Chenu et François Joly.
« Géolocalisation : tous traqués ? »
France 3
20.50 La Guerre des mondes
Film de science-fiction de Steven
Spielberg. Avec Tom Cruise, Dakota
Fanning, (E.-U., 2005, 110 min).
23.40 La crise grecque :
une faillite européenne ?
Documentaire d’Olivier Toscer (Fr.,
2013, 55 min). Lire ci-contre.
France 5
20.35 La Grande Librairie
Magazine littéraire présenté par
François Busnel.
21.40 Duels
« Frydman/Testart, le divorce des
pères », d’Olivier Lamour (Fr., 2014,
55 min).
Canal+
21.00 Homeland
Série américaine créée par Howard
Gordon et Alex Gansa. Avec Claire
Danes, Mandy Patinkin, Numan Acar.
(saison 4, ép. 7, 8 et 9/12).
23.25 Shameless
Série américaine adaptée de la série
britannique du même nom créée par
Paul Abbott. Avec William H. Macy,
Emmy Rossum (saison 4, ép. 11/12).
Arte
20.50 The Code
Série australienne créée par Shelley
Birse. Avec Dan Spielman, Ashley
Zukerman, Aaron McGrath (saison 1,
ép. 3 et 4/6).
22.45 Des nouilles
aux haricots noirs
Drame de Lee Hae-jun. Avec Jeong
Jae-yeong, Jeong Ryeo-won (Corée
du Sud, 2009, 110 min).
M6
20.55 Intelligence Série
américaine créée par Michael
Seitzman. Avec Josh Holloway, Marg
Helgenberger (saison 1, ép. 10, 11, 12
et 13/13).
0123 est édité par la Société éditrice
du « Monde » SA
Durée de la société : 99 ans
à compter du 15 décembre 2000.
Capital social : 94.610.348,70 ¤.
Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).
Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui,
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de l’étranger : (33) 1-76-26-32-89 ;
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Tarif 1 an : France métropolitaine : 399 ¤
Courrier des lecteurs
blog : http://mediateur.blog.lemonde.fr/ ;
Par courrier électronique :
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Médiateur : mediateur@lemonde.fr
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Montpellier (« Midi Libre »)
0123
JEUDI 26 FÉVRIER 2015
Sous l’effet
de la technologie
laser et des LED,
les phares
vont devenir
des sources
d’information
AUTOMOBILE
ingolstadt (bavière)
D
ans les logements, les
ampoules à filament
commencent tout
juste à céder la place
aux ampoules basse tension. Dans
l’automobile, les choses sont al-
lées bien plus vite. En dix années à
peine, les phares sont passés de
l’halogène au xénon puis aux LED
(diodes électroluminescentes) et
l’on commence à voir émerger des
projecteurs utilisant un laser.
Cette évolution technologique a
rendu possible une révolution sty-
listique. Le phare n’est pas seule-
ment un élément essentiel pour
définir le « regard » d’une auto-
mobile : son rayon lumineux, tou-
jours plus sophistiqué, s’est lui-
même imposé comme un objet de
design. On le sculpte et le colorie,
parfois jusqu’à l’excès.
A partir du milieu des années
2000, Audi et BMW, convaincus
que l’éclairage offre un terrain de
différenciation et un moyen effi-
cace de cultiver une image de mar-
que « technologique », ont multi-
plié les effets de style, imités par la
totalité des constructeurs.
Aujourd’hui, Audi veut s’imposer
comme la marque la plus engagée
sur ce terrain du design lumineux.
Ses modèles A6, A7, A8 et TT peu-
vent être équipés du système Ma­
trix LED qui permet de circuler la
nuit en feux de route sans risquer
d’éblouir les autres conducteurs ;
le faisceau s’adapte automatique-
ment en éteignant une partie des
diodes afin d’exclure du champ lu-
mineux les véhicules qui précè­
dent ou arrivent en face.
La technologie des LED, qui
autorise des projecteurs beau­
coup plus compacts que les an­
ciennes générations, permet de
concevoir des phares de plus en
plus fins. Les designeurs peuvent
ébaucher des « pupilles » lumi-
neuses « afin de donner aux Audi
un regard plus percutant », assure
Cesar Muntada Roura, chargé du
design de l’éclairage.
Cure de vitamines pour la Peugeot 308
La version GT vise à faire monter en gamme le best-seller de la marque au lion avec des moteurs musclés mais sans excès
I l ne suffit pas de concevoir un
modèle à succès. Encore faut-il
le faire monter en gamme. A
défaut de proposer une transmis-
sion intégrale ou une motorisa-
tion hybride rechargeable, la Peu-
geot 308 élue il y a tout juste un
an voiture de l’année et produite à
plus de 200 000 exemplaires a
choisi de chasser sur le terrain de
la sacro-sainte sportivité pour s’of-
frir un supplément d’âme.
Cette option, que symbolise la
décision de faire migrer l’écusson
au lion du capot vers le centre de la
calandre, a inspiré le retour de la si-
gnature GT. Deux lettres qui rap-
pellent de bons souvenirs venus
des années 1980, lorsque Peugeot
proposait des modèles – on pense
surtout à la pétillante 205 GT –
moins pousse-au-crime que les
GTI mais suffisamment vitaminés
pour que leur conduite soit fran-
chement réjouissante.
En versions essence, la 308 hé-
rite du 1,6 litre THP turbocom-
pressé qui délivre 205 ch et, en
diesel, du 2 litres HDI lui aussi
doté d’un turbo afin d’en extraire
180 ch. La motorisation essence
qui équipait notre modèle d’essai
Nouvel éclairage, nouvelles fonctions
Au siège d’Audi, La firme aux anneaux, qui pré-
à Ingolstadt (Bavière), sentera début mars au Salon de
c’est dans un tunnel Genève une nouvelle génération
de 120 mètres de son hypersportive R8 dotée de
de longueur que projecteurs Matrix Laser (efficaces
s’ébauchent les futurs jusqu’à 500 mètres, une portée
usages de l’éclairage deux fois supérieure à celle des
automobile. LED), a ouvert le 19 février les por-
AUDI AG tes de son tout nouveau centre de
recherches consacré à la mise en
lumière de ses prochains modèles.
A Ingolstadt (Bavière), où se
trouve son siège, c’est dans un tun-
nel de 120 mètres de longueur que
s’ébauchent les futurs usages de
l’éclairage automobile.
POUR AUDI,
« Klaxon lumineux »
LA PRIORITÉ Désormais, pour la marque du
EST D’UTILISER groupe Volkswagen, la priorité est
d’utiliser les projecteurs comme
LES PROJECTEURS des éléments d’assistance à la con-
duite en mettant à profit les pers-
COMME DES pectives ouvertes par le recours
aux LED et au laser. Ainsi, les pha-
ÉLÉMENTS res Matrix LED seront prochaine-
D’ASSISTANCE ment dotés d’une fonction leur
permettant de projeter deux rails
À LA CONDUITE de lumière longs d’une quinzaine
Le look sport de la nouvelle 3O8 GT. AUTOMOBILES PEUGEOT
gratifie d’accélérations énergi- être supplantée par un exhaus-
ques, bien aidée par une boîte de teur non pas de goût mais
vitesses manuelle à six rapports d’acoustique : une bande-son dif-
étagés avec intelligence. Le niveau fusée par les haut-parleurs qui en-
de consommation reste accepta- vahit l’habitacle avec une sorte de
ble alors que la sonorité assez dis- rugissement. On regrette tout de
crète de ce quatre-cylindres peut même l’absence d’indicateur du
de mètres afin de matérialiser le
gabarit de la voiture et de guider le
conducteur lorsque la chaussée se
rétrécit.
Matérialiser sur la chaussée,
sous forme de flèche, les indica-
tions de direction en provenance
du GPS ou, moins sympathique,
moduler l’intensité des phares en
fonction de la vitesse afin que les
rapport engagé et, surtout, l’im-
possibilité de disposer de la boîte
automatique sur la version es-
sence… alors que le diesel ne peut
pas recevoir la boîte manuelle.
Les moteurs offrent des niveaux
de puissance suffisants pour met-
styles | 21
traînards dégagent la voie de gau-
che.
En déployant des diodes OLED
(utilisant une matière organique
et épaisse d’à peine 1 millimètre)
sur une large partie arrière du vé-
hicule qui se transformerait en
écran virtuel, il devrait être envi-
sageable d’ici à une dizaine d’an-
nées de moduler l’intensité des
Le petit volant
renforce un peu
plus la sensation
d’agilité qui en
émane, y compris
à faible vitesse
tre en valeur l’excellent châssis de
cette voiture dont on apprécie
particulièrement la direction lé-
gère sans être inconsistante, alors
que le petit volant renforce un
peu plus la sensation d’agilité qui
émane de la 308 GT, y compris à
faible vitesse.
Sportivité feutrée
Cette voiture à la sportivité feu-
trée présente également le mérite
de ne pas sacrifier le confort aux
sensations de conduite. Les sus-
pensions, qu’il a bien fallu raffer-
mir, restent compatibles avec de
longs trajets et ménagent les lom-
baires des passagers, ce qui n’est
pas toujours le cas de la concur-
rence. Idem pour la présentation
extérieure qui, malgré un recours
feux stop en fonction de l’inten-
sité du freinage. Mieux encore,
d’indiquer à la voiture qui suit – en
utilisant un symbole semblable à
celui d’un panneau de signalisa-
tion – qu’un virage serré (qu’il ne
peut donc pas voir) sera très bien-
tôt abordé. Bref, se transformer en
une sorte de « klaxon lumineux ».
La marque d’Ingolstadt, pétrie
d’une culture très allemande qui
lie intimement design et techno­
logie, ne manque pas de projets.
Garnir les flancs extérieurs d’un
rappel de clignotants long de
1 mètre, composé de quatorze LED,
organiser des jeux de lumière sur
l’habitacle « en signe de bienve­
nue » ou tendre à l’intérieur de
l’habitacle un textile lumineux
scintillant… Un feu d’artifice dont
le risque serait d’ouvrir les vannes
d’un « tuning » lumineux dont les
messages deviendraient moins li-
sibles compte tenu d’une sur-
charge de sculptures phosphores-
centes de plus ou moins bon
goût. p
jean-michel normand
un peu trop facile aux chromes,
aux jantes larges et aux sorties
d’échappement factices, autre ar-
tifice très en cour auprès des
constructeurs, reste dans le regis-
tre de la discrétion. Quant à l’habi-
tacle, accueillant, il témoigne
d’un certain tact (sobres surpiqû-
res rouges sur les revêtements en
cuir de belle facture).
Les tarifs de la 308 GT (à partir de
30 450 euros en essence, de
33 450 euros en diesel) prouvent
que le constructeur a perdu ses
complexes. Dans la foulée, Peu-
geot compte bientôt proposer une
évolution encore plus musclée de
la 308. Certes, mais il ne faudrait
pas qu’elle s’enferme dans une
stratégie de montée en gamme
qui se résume à une course à la
puissance. Ce n’est ni le domaine
où les voitures françaises sont les
mieux placées ni celui où Peugeot
à intérêt à essayer de faire comme
les autres. C’est ce que suggère as-
sez brillamment la 308 GT. p
j.-m. n.
Retrouvez notre actualité
automobile sur
Lemonde.fr/mvoiture
22 | 0123
EUROPE | CHRONIQUE
par ar naud l e par m e nt ie r
Drôle de paix
L’
Europe n’a pas été faite,
nous avons eu la
guerre » : en ces temps
troublés, relisons la dé-
claration Schuman, qui lança
l’aventure européenne. Cette dé-
claration, lue par le ministre des
affaires étrangères Robert Schu­
man, le 9 mai 1950, et rédigée par
le commissaire au plan Jean Mon­
net, c’est un peu le credo des Euro­
péens, le texte fondateur pour
tous les collégiens découvrant les
pères de l’Europe.
Ce jour­là, saignée par trois guer-
res franco-allemandes, la France
proposa à l’Allemagne de placer en
commun le charbon et l’acier. Un
pari fou pour rendre toute guerre
entre la France et l’Allemagne
« non seulement impensable, mais
matériellement impossible ». En
réalité, il s’agissait surtout de se
protéger de la Russie – pardon : de
l’URSS de Staline – sous le patro-
nage américain et de construire
une Europe occidentale prospère,
grâce au commerce et à l’aide du
plan Marshall.
Soixante-cinq ans plus tard, tout
est à refaire. La paix, c’est ce qui
reste de l’Europe quand on a tout
oublié, l’essentiel. C’est ce qui lui
valut à juste titre le prix Nobel de
la paix en 2012. Et voici que cette
promesse minimale de l’Europe
est menacée par la Russie de Vladi-
mir Poutine à l’est et le djihadisme
en Afrique et au Proche-Orient.
Impuissance
Commençons par la Russie. Para-
doxalement, le seul projet géopo-
litique efficace de l’Union euro-
péenne fut son élargissement
sans fin, qui devait procurer dé-
mocratie, prospérité et paix. C’est
sur ce projet si fructueux qu’elle se
fracasse, sa progression vers l’est
ayant provoqué – au moins en par-
tie – la réaction brutale de Poutine.
Il est convenu de dénoncer la
nouvelle guerre froide qui verrait
les blocs Est-Ouest s’affronter de
nouveau. Qu’il soit permis de ne
pas suivre cette piste. Pendant la
guerre froide, le front était en réa-
lité figé – à l’exception peut-être
de Berlin, avant­poste du monde
libre. Pendant la guerre froide,
l’Europe occidentale connaissait
un miracle économique qui fit
bientôt pâlir de honte le bloc com-
muniste.
En réalité, le parallèle semble
plus pertinent avec les années
1930, lorsque les démocraties
européennes étaient malades de la
Grande Dépression et du chômage
de masse, au fond désarmées mo­
ralement, et incapables de réagir
face au national­socialisme alle­
mand triomphant. Malade de
l’euro, du chômage et des populis­
mes, l’Europe d’aujourd’hui voit
Poutine réaliser un Anschluss
(l’annexion de la Crimée), voler au
secours de ses « Sudètes » russes
(les russophones d’Ukraine), dés­
tabiliser les marches de son em­
pire, comme les Etats baltes. Mais
comme Poutine n’a rien à voir
avec Hitler, les Européens se rassu-
rent et réagissent avec une pru-
dence d’autant plus compréhensi-
ble qu’aucune solution efficace
n’existe.
L’Ukraine ne vaut pas une troi-
sième guerre mondiale. L’Europe
prend logiquement le risque de la
laisser grignoter, d’assister im-
CONTRE LES
DJIHADISTES,
L’EUROPE EST
INCAPABLE DE
TROUVER UNE
STRATÉGIE
EFFICACE
Tirage du Monde daté mercredi 25 février : 281 682 exemplaires
0123
JEUDI 26 FÉVRIER 2015
ISLAM DE
FRANCE : UNE
REFONDATION Après les premiers pas de Pierre Joxe dès musulmanes, issues de l’immigration, et
SALUTAIRE
1990, puis de Charles Pasqua et de Jean-
Pierre Chevènement, Nicolas Sarkozy avait
créé au forceps, en 2003, le Conseil français
les suivantes, nées en France.
La démarche annoncée par le président
de la République et le premier ministre au
du culte musulman (CFCM). lendemain des attentats parisiens de jan-
Censé représenter les musulmans fran- vier, et désormais engagée par le ministre
çais dans leur diversité, cet organisme a lar- de l’intérieur, est donc salutaire. Bernard
gement échoué. Le diagnostic est quasi Cazeneuve entend, en effet, bâtir autour du
LA RUSSIE NE
unanime. Le CFCM n’a pas su s’émanciper CFCM « une instance la plus représentative
de l’influence des pays d’origine de la possible » regroupant imams de terrain, in-
FAIT PAS ASSEZ « communauté » musulmane de France : tellectuels, universitaires et associations.
par l’intermédiaire de leurs consultats, l’Al- Chargée d’offrir un lieu de dialogue aux
PEUR POUR QUE gérie (qui parraine la Fédération nationale musulmans de France dans leur diversité,
L’EUROPE DÉCIDE de la Grande Mosquée de Paris), le Maroc (à
travers le Rassemblement des musulmans
elle devra également répondre à des pro-
blèmes concrets, laissés en jachère depuis
D’UNE ESCALADE
MILITAIRE C ela fait vingt-cinq ans que la ques-
tion est posée : la République laïque
doit­elle – et comment – aider les
Français musulmans à s’organiser pour
consolider l’expression d’un « islam de
de France) et la Turquie (avec le Comité de
coordination des musulmans turcs de
France) ont attisé suspicions et rivalités qui
ont paralysé le CFCM.
En outre, celui-ci s’est montré incapable
des années : la formation universitaire des
imams, ainsi que celle des aumôniers mu-
sulmans intervenant dans les prisons, la
place des écoles confessionnelles, la ques-
tion de l’abattage rituel (halal) ou celle des
puissante à sa séparation comme France » ? Un islam fidèle aux valeurs de la d’associer durablement aussi bien l’Union fêtes religieuses.
naguère Angela Merkel vécut la République. Capable de répondre aux mul- des organisations islamiques de France Les écueils ne manquent pas, à commen-
construction du mur de Berlin. tiples problèmes cultuels et culturels qui se (UOIF), proche des Frères musulmans, que cer par le risque d’enfermer les musulmans
Elle est prête à supporter le bascu- posent à la seconde religion du pays. Déter- des personnalités qualifiées, notamment dans une « communauté » qui les isolerait
lement de la Moldavie, une pro- miné, enfin, à opposer un message de tolé- intellectuelles, susceptibles de l’enrichir. plus qu’elle ne favoriserait leur intégration
vocation par-ci par-là, avec deux rance à ceux qui veulent le dévoyer et invo- Enfin, en dépit de ses structures régiona- dans la société française. Mais, selon la for-
bombardiers atomiques Tupolev quent Allah pour justifier un fanatisme dé- les, le CFCM n’a pas réussi à s’ancrer locale- mule de M. Cazeneuve, des « compromis in-
qui rôdent à proximité des côtes vastateur. ment : lors de ses dernières élections, telligents » sont possibles, nécessaires, ur-
françaises et anglaises, une atta- Mais cela fait vingt-cinq ans que les gou- en 2013, seulement 900 mosquées, sur gents même. Sauf à laisser la question de
que Internet dans les Etats baltes, vernements, de gauche comme de droite, quelque 2 500 lieux de culte, ont participé l’islam de France s’envenimer, pour le plus
une manipulation hongroise. ne parviennent pas à trouver une réponse au scrutin. grand bénéfice de tous les démagogues qui
Tant que l’intégrité de la Pologne satisfaisante. Plusieurs ministres de l’inté- Ce manque de représentativité a accentué veulent en faire un sujet de crispation, de
n’est pas mise en cause ! rieur, chargés des cultes, s’y sont employés. le fossé entre les premières générations tension et de rejet. p
La Russie ne fait pas suffisam-
ment peur pour que l’Europe dé-
cide d’une escalade militaire ni
d’un réarmement massif. Et elle
retombe dans ses querelles habi-
tuelle : qui va payer pour la dé-
fense de l’Occident ? Au sommet
de Riga, en Lettonie, le ministre de
la défense, Jean-Yves Le Drian, a eu
raison de « porter un message
d’alerte à [ses] amis européens sur
le risque que nous ne soyons pas au
rendez-vous », alors que l’Europe
fait face « à une multiplication de
défis et de menaces ». « La France
continuera à y prendre sa part,
mais seulement une part. Nous at-
tendons que nos partenaires soient
également au rendez-vous », a pro-
testé M. Le Drian. Sans succès pour
l’instant.
Enfin, nul ne voit le grand projet
fondateur que les Européens
pourraient proposer à la Russie,
comme le fit la France avec l’Alle-
magne en 1950. Comment cons-
truire un avenir commun avec le
pays de Poutine, trop paranoïa­
que, trop dictatorial, trop arriéré,
© Thinkstock
trop grand, trop peuplé ?
Guerre larvée
Le second conflit nous met aux
prises avec les djihadistes. L’Eu­
rope est en guerre contre le pré­
tendu Etat islamique et Al­Qaida,
mais il s’agit d’une guerre larvée,
faite d’attentats odieux mais spo­
radiques, sans que l’ennemi puisse
être définitivement éradiqué. Une
guerre insidieuse, menée sur un
front intérieur et extérieur.
Comme avec la Russie, l’Europe
est incapable de trouver une stra­
tégie efficace, dans un monde ara­
bo­musulman qui connaît sa
guerre de Trente Ans. L’élargisse-
ment au sud n’a pas pu avoir lieu,
pour des raisons officiellement
géographiques, religieuses et cul-
turelles aussi. Les partenariats,
qu’il s’agisse du processus de Bar-
celone ou de l’Union pour la Médi-
terranée chère à Nicolas Sarkozy et
Henri Guaino, furent noués avec
des dictateurs et se sont effondrés
© Thinkstock
avec les « printemps arabes ». Et,
pour l’instant, on se rassure en en-
voyant le porte-avions Charles-de-
Gaulle dans le golfe Arabo-Persi-
que pour traquer l’Etat islamique,
et les soldats français protéger les
lieux sensibles en France.
TO U T E L’A F R I Q U E E T L E M E I L L E U R D U MO N D E
Cette double guerre que mène
l’Union européenne donne triste-
NOUVEAU
ment raison au chancelier Helmut
Kohl, père de l’unité allemande, Sur Le Monde Afrique, retrouvez toutes les actualités africaines : de l’économie au sport, de la politique à
qui répétait sans cesse à la fin de
son règne que « l’Europe est une l’art de vivre, ainsi que les nouvelles du reste du monde. Avec une rédaction franco-africaine sur le terrain
question de guerre et de paix au et les journalistes du Monde, ce nouveau site, consultable facilement sur tous les supports, s’adresse à tous
XXIe siècle ». La déclaration Schu-
les Africains francophones et à tous les amoureux de l’Afrique. Rendez-vous sur Le Monde.fr/Afrique
man commençait par cette exhor-
tation : « La paix mondiale ne sau-
rait être sauvegardée sans des ef-
forts créateurs à la mesure des dan-
gers qui la menacent. » L’Europe
est, hélas, en panne de créativité. p
leparmentier@lemonde.fr
France : Bruxelles hésite à s’inviter FIFA : le foot
virtuel devenu
phénomène
dans la campagne électorale de 2017 culturel

▶ La Commission, qui de-

vait se prononcer vendredi
27 février sur la trajectoire
budgétaire française,
a décidé de se donner
quelques jours de plus
▶ Le débat monte au sein
des instances européen-
nes sur la date à laquelle
▶ Côté allemand, on vou-
drait que la France se
mette en conformité avec
▶ Ceux qui sont partisans
d’attendre 2018 font valoir
les efforts de Paris. Et
C e soir, à 21 h 30, quand l’ar-
bitre sifflera la mi-temps
du huitième de finale aller
de la Ligue des champions entre
Arsenal et Monaco, ils seront
Paris devra ramener son le pacte de stabilité en 2017. le recours au 49-3 pour sans doute des centaines de mil-
déficit public sous les 3% Quitte à brouiller la l’adoption de la loi Macron liers à rejouer le match à l’affiche,
du PIB campagne présidentielle → LIR E PAGE 3
manette en main, durant quinze
petites minutes.
En matière de football virtuel,
deux jeux reviennent inlassable-
ment : Pro Evolution Soccer (PES),

Cartes SIM piratées : des attaques, qui dispose de la licence officielle

de la prestigieuse compétition, et
FIFA, qui s’appuie sur celle de la

mais pas de « vol massif », selon Gemalto puissante fédération internatio-

nale.
Ce dernier s’est imposé depuis
quelques années comme la nou-
▶ A la suite des velle référence en matière de
jeux de football. Entre 2010 et
révélations du site 2013, les ventes de FIFA ont dou-
The Intercept, blé, passant de 6 à 12 millions
d’exemplaires dans le monde.
le leader des cartes Il s’agit même du produit cultu-
à puces confirme rel le plus vendu en France
deux tentatives de en 2014. Selon le classement an-
nuel de l’institut GFK, avec près
piratage en 2010 de 1,3 million d’unités écoulées
▶ Ces attaques depuis sa sortie en septem-
bre 2014, FIFA 15 a largement sup-
« n’ont pas pu planté le chanteur Stromae
déboucher sur (680 000 albums), le jeu de tir
un vol massif de Call of Duty Advanced Warfare
(910 000 boîtes de jeu), et même
clés d’encryptage La Reine des neiges, le film d’ani-
de cartes SIM », mation à succès de Disney
(938 000 DVD ou Blu-ray).
affirme william audureau
l’entreprise → LIR E L A S U IT E PAGE 8

→ LIR E PAGE 6

1,3
MILLION
Olivier Piou,
directeur général C’EST LE NOMBRE D’EXEMPLAIRES
de Gemalto. VENDUS DU JEU VIDÉO FIFA 15
DEPUIS SA SORTIE
SIMON DAWSON/
EN SEPTEMBRE 2014
BLOOMBERG/GETTY IMAGES

PLEIN CADRE PERTES & PROFITS | BOUYGUES TELECOM

L’AFRIQUE DU SUD
Il ne faut jamais dire fontaine… Edition
HORS -SÉ RI E

MINÉE PAR 2015

L’ÉVAPORATION FISCALE

C’
est presque devenu une habitude.
→ LIR E PAGE 2 Pour la deuxième fois en trois
ans, Bouygues Telecom est dans
le rouge. Après être repassée dans
AÉRONAUTIQUE le vert avec 11 millions d’euros de bénéfices
en 2013, la filiale du groupe de BTP a annoncé,
PORTÉ PAR mercredi 25 février, une perte nette de 41 mil-
Reste la solution de la fusion. Toutes les ten-
tatives effectuées en 2014 par Orange et Free
pour racheter l’opérateur ont échoué. Il y avait,
au choix, un prix proposé insuffisant, ou un
géopolitique_environnement_économie
acheteur potentiel – Xavier Niel, fondateur de
Free et actionnaire à titre personnel du
Monde – honni par Martin Bouygues. Surtout,

LA CONJONCTURE,
lions d’euros pour 2014. Le chiffre d’affaires, ce dernier le martèle : son bébé n’est pas à ven-
qui s’établit à 4,4 milliards d’euros, est, lui, en dre. Il a vocation à affronter la tempête et à sur-
LE MOTORISTE SAFRAN baisse de 5 %. Certes, les nouvelles ne sont pas
toutes mauvaises ; l’opérateur a, par exemple,
vivre seul. Mais n’est-ce pas ce que l’on dit pour
ne pas déprécier la valeur d’un bien qu’on sou-
AFFICHE UN BILAN réussi à conquérir de nouveaux clients :
110 000 sur le haut débit fixe pour le seul qua-
haiterait justement céder ?

EN OR MASSIF trième trimestre de 2014, 73 000 sur le mobile.

→ LIR E PAGE 5
j CAC 40 | 4 892 PTS + 0,12%
j DOW JONES | 18 209 PTS + 0,51%
j EURO-DOLLAR | 1,2364
j PÉTROLE | 58,96 $ LE BARIL
Une performance non négligeable.
Pendant longtemps, Bouygues Telecom a été
un gros pourvoyeur de dividendes pour sa
maison mère, affichant une santé solide année
après année. Il semble que cette époque soit ré-
volue. Aujourd’hui, l’opérateur est en diffi-
culté ; il est celui qui souffre le plus depuis l’ar-
rivée tonitruante de Free sur le marché du mo-
bile, en janvier 2012. Les mauvaises langues di-
raient même qu’il lutte pour sa survie…
L’équation est simple : un réseau coûte cher à
entretenir. Pour le rentabiliser, il faut un nom-
bre important d’abonnés ou des prix plus éle-
vés ; or, Bouygues Telecom ne dispose ni des
uns ni des autres. Et sa structure de coûts est
trop élevée. Certes, l’entreprise n’est pas restée
sans réaction. Un plan stratégique a été élaboré
Concentration
D’autant qu’un nouvel acheteur se profile : Pa-
trick Drahi. En effet, la seule combinaison qui
n’ait pas été testée en 2014 est celle d’un ma-
riage entre Bouygues Telecom et SFR-Numeri-
cable, le groupe de ce dernier.
Cette solution arrangerait tout le monde. Le
nombre d’opérateurs passerait à trois, ce qui + L’atlas de 198 pays
devrait stabiliser les prix, donnant du répit
aux acteurs en présence. Free n’aurait rien à
débourser pour contribuer à la concentration
du secteur et pourrait même, à la faveur de re-
mèdes demandés par l’Autorité de la concur-
rence et l’Autorité de régulation des communi-
cations (Arcep), récupérer des fréquences et Rédigée par les meilleurs spécialistes du Monde,
pourquoi pas des clients. la nouvelle édition du Bilan
Restera le problème du prix. Si la situation de vous attend chez votre marchand de journaux
En partenariat
Bouygues Telecom ne s’améliore pas, il ne fera avec

pour économiser 300 millions d’euros, sacri- que baisser. Il ne faut jamais dire fontaine je ne
J TAUX FRANÇAIS À 10 ANS | 0,63 % fiant au passage 1 400 emplois. Mais cela n’a boirai pas de ton eau… p LE BILAN DU MONDE – 220 PAGES – 12€ SEULEMENT
VALEURS AU 25/02 - 9 H 30 semble-t-il pas été suffisant. sarah belouezzane

Cahier du « Monde » No 21807 daté Jeudi 26 février 2015 - Ne peut être vendu séparément
2 | plein cadre
Un site minier
de l’exploitant
britannique
de platine Lonmin,
au nord-ouest
de Johannesburg
(Afrique du Sud).
SIPHIWE SIBEKO/REUTERS
L’évaporation fiscale mine l’Afrique
le cap - envoyé spécial
N
hlanhla Nene savait l’exer-
cice difficile. Il en a eu la
confirmation mardi 24 fé-
vrier avec la publication du
chiffre de la croissance de
l’Afrique du Sud en 2014, en
hausse de 1,5 % seulement. Un rythme trop
faible pour un pays émergent. Le ministre
des finances devait donc présenter devant les
parlementaires au Cap, mercredi, un projet
de budget 2015 synonyme de tour de vis pour
les dépenses publiques. Les Sud-Africains, as-
sez résignés, s’attendaient aussi à des haus-
ses d’impôts.
Alors que la deuxième puissance économi-
que du continent africain est en quête de
nouveaux revenus, des milliards de rands, la
monnaie locale, de manque à gagner conti-
nuent d’échapper aux services fiscaux sud-
africains. C’est un rapport adopté par l’Union
africaine (UA) lors de son dernier sommet dé-
but février à Addis-Abeba (Ethiopie) qui l’a
rappelé. Après le Nigeria et l’Egypte, l’Afrique
du Sud est le troisième pays africain le plus
touché par les fuites de flux financiers illici-
tes, selon les travaux du groupe de réflexion
présidé par l’ex-chef d’Etat sud-africain,
Thabo Mbeki.
Entre 1970 et 2008, 82 milliards de dollars
(72 milliards d’euros) ont quitté le territoire
sud-africain. Selon le rapport d’experts com-
mandé par l’UA et la commission économi-
que pour l’Afrique de l’Organisation des Na-
tions unies (ONU), l’Afrique perdrait chaque
année 50 milliards de dollars. Une somme en
hausse continue, sous-estimée en raison de
l’opacité du secteur, et supérieure à l’aide in-
Les craintes du secteur minier sud-africain
la statistique est trompeuse. Au
quatrième trimestre 2014, l’activité de
l’industrie minière sud-africaine a
bondi de 15,2 %, selon les chiffres pu-
bliés mardi 24 février. Mais dans les al-
lées de la conférence Africa Mining In-
daba, le rendez-vous mondial annuel
des professionnels du secteur qui s’est
tenu au Cap à la mi-février, la morosité
régnait chez les miniers du pays.
Longue de cinq mois, la grève histori-
que de 2014 dans les mines de platine,
dont l’Afrique du Sud détient 80 % des
réserves mondiales, est dans les es-
prits. En avril, les négociations salaria-
les vont s’ouvrir dans l’industrie auri-
fère. Le pays est le sixième producteur
mondial d’or et emploie 130 000 per-
L’Afrique du Sud, qui affiche une faible croissance de 1,5 %
en 2014, a perdu 82 milliards de dollars entre 1970 et
2008. En cause, les pratiques d’évitement ou d’évasion
fiscales des multinationales et des exploitants miniers
ternationale que le continent reçoit annuel-
lement. « L’Afrique est ainsi en réalité un crédi-
teur net vis-à-vis du monde, et non un débi-
teur net, comme il l’est souvent supposé », fait
remarquer le rapport.
« Crime contre l’Etat »
C’est la première fois que l’organisation con-
tinentale hausse autant le ton sur ce fléau. La
raison ? « L’Afrique souffre toujours d’une in-
suffisance critique de ressources à consacrer
au développement. » Les responsables sont
désignés : « Notre panel de spécialistes est
convaincu que les grandes sociétés commer-
ciales sont de loin les premiers coupables de
ces flux illicites, suivies par le crime organisé. »
Sur un continent qui détient dans son
sous-sol un tiers des réserves mondiales de
minerais, ce sont surtout les multinationales
des industries extractives qui sont pointées
du doigt. « Vous avez des compagnies miniè-
res qui sont des payeurs scrupuleux et assidus,
d’autres qui traquent les vides juridiques et les
optimisations légitimes, et puis celles qui sont
plus cyniques et qui recherchent activement
comment ne pas payer leurs impôts par tous
les moyens possibles, liste Jessica van Onse-
len, spécialiste du secteur minier chez la so-
sonnes. Les compagnies craignent que
la montée en puissance de l’AMCU, un
syndicat plus radical qui ne cesse de
mordre sur les effectifs de son rival ma-
joritaire du NUM lié au parti au pou-
voir, complique les discussions.
Certains minerais « stratégiques »
A la tribune au Cap, le ministre sud-
africain des mines, Ngoako Ramatl-
hodi, a affiché sa fermeté : « Chaque
partie doit respecter les règles de négo-
ciation, si des gens utilisent la violence
et enfreignent la loi, nous les mettrons
en prison. » Après avoir assuré que le
pays accueillait à bras ouverts les in-
vestisseurs étrangers, M. Ramatlhodi a
jeté un froid en évoquant la loi en pré-
ciété de conseils Eunomix. Le rapport sur les
flux financiers éclaire sur les pires excès de ce
type de comportement qui est, au mieux, cyni-
que et contraire à l’éthique, au pire, illégal. »
De l’évasion à l’évitement fiscal, les con-
tours de l’évaporation fiscale sont flous. Pas
toujours illégale selon les législations natio-
nales, mais souvent jugé immorale par les ci-
POUR THABO MBEKI, toyens. « Le plus souvent, ces stratégies des
EX-CHEF D’ÉTAT SUD- multinationales de transférer leurs profits vers
des pays où la fiscalité est peu élevée ne sont
AFRICAIN, L’ÉCHANGE pas illégales, mais le gouvernement se bat
autant que possible pour limiter ces mouve-
AUTOMATIQUE DES ments de capitaux », assurait en août 2014 le
DONNÉES FISCALES vice-président sud-africain. « L’évasion fiscale
n’est pas seulement un crime contre l’Etat, c’est
ENTRE PAYS aussi un crime contre la population de notre
pays », dénonçait alors Cyril Ramaphosa.
AFRICAINS DOIT Un mois plus tard, l’ex-actionnaire de Lon-
min se retrouvait lui-même accusé d’avoir
AUSSI ÊTRE encouragé cette pratique chez la compagnie
GÉNÉRALISÉ britannique productrice de platine. Devant la
commission d’enquête sur la tuerie de Mari-
kana, au cours de laquelle 34 mineurs de Lon-
min en grève pour réclamer des hausses de
salaire avaient été abattus par la police le
16 août 2012, des éléments d’un rapport du
centre de recherche sud-africain AIDC
paration sur le secteur minier. Aux res- mouvement de restructuration au sein
ponsabilités depuis 1994, le Congrès de l’industrie en raison de la baisse des
national africain (ANC) a rejeté l’idée cours, mais au lieu de nous mettre la
de nationaliser des mines, mais sous la tête dans le sable, il faut saisir cette fenê-
pression de son aile gauche, un projet tre d’opportunité », a insisté le ministre.
de loi toujours en discussion propose En raison de la baisse des prix du
de déclarer « stratégique » certains mi- charbon, l’anglo-suisse Glencore envi-
nerais comme le charbon, ce qui per- sage la fermeture de plusieurs mines,
mettrait aux industries locales d’y ce qui pourrait conduire au licencie-
avoir accès à un tarif réduit imposé aux ment d’un millier de personnes. Les
compagnies extractrices. miniers s’inquiètent aussi des difficul-
M. Ramatlhodi souhaite la création tés d’approvisionnement en électricité
d’un « champion sud-africain des mi- de l’opérateur national Eskom. Depuis
nerais », qui serait soutenue par l’Etat novembre 2014, des délestages concer-
et dont l’objectif serait la poursuite de nant les particuliers comme les entre-
l’émancipation économique des Noirs, prises, sont régulièrement program-
une population historiquement défa- més dans le pays. p
vorisée. « J’ai conscience de l’actuel s. h. (le cap, envoyé spécial)
0123
JEUDI 26 FÉVRIER 2015
avaient été présentés. Ils indiquaient que la
société avait transféré pendant des années
une partie de ses recettes à l’une de ses filia-
les installées dans les îles des Bermudes, ré-
putées pour être un paradis fiscal. Pour Lon-
min, ce ne sont que des accusations « men-
songères et qui induisent en erreur ».
Quantités imaginaires
L’utilisation par les multinationales des prix
de transfert est l’une des techniques les plus
courantes pour tenter d’échapper à l’impôt,
avec parfois la complicité d’individus au sein
des gouvernements. Une compagnie vend
ainsi sa production de minerais à un prix in-
férieur au cours du marché à l’une de ses
nombreuses filiales installée dans un pays à
faible fiscalité. La revente vers les pays con-
sommateurs se fait ensuite au prix du mar-
ché, voire supérieur à celui-ci. Mais la compa-
gnie s’acquitte alors de beaucoup moins
d’impôts que si elle avait été imposée directe-
ment dans le pays producteur.
Des quantités imaginaires peuvent aussi
être inscrites sur les factures. D’après le rap-
port UA-ONU, 260 000 mètres cubes de bois
mozambicain ont été officiellement exportés
dans le monde en 2012. La même année, les
douanes chinoises ont enregistré à elles seu-
les l’importation de… 450 000 mètres cubes
en provenance de ce pays d’Afrique australe.
Lors du rendez-vous annuel de l’industrie
minière à la mi-février au Cap, certains pro-
fessionnels s’inquiétaient de la stigmatisa-
tion du secteur. « Ce n’est pas qu’un problème
africain et ce n’est pas une question spécifique
aux industries extractives, se défend Robert
Court, du groupe minier anglo-australien Rio
Tinto. Les mauvaises pratiques d’une minorité
de compagnies nuisent à notre réputation. »
Pour lutter contre les manipulations comp-
tables sophistiquées, « les pays africains riches
en ressources naturelles doivent renforcer
leurs capacités d’expertise en matière d’audit,
de négociations et exiger des garanties de
transparence avec les multinationales avant
de signer tout accord », estime Savior Mwam-
bwa, de l’ONG Tax Justice Network Africa. Seu-
lement trois pays africains disposent
aujourd’hui d’unités spécialisées de lutte con-
tre la pratique des prix de transfert.
Pour Thabo Mbeki, l’échange automatique
des données fiscales entre pays africains doit
aussi être généralisé. Mais pas seulement, es-
time Sheila Khama, directrice du Centre afri-
cain des ressources naturelles de la Banque
africaine de développement : « L’Afrique a
aussi besoin de la pleine collaboration des
pays occidentaux car ce sont souvent leurs
banques qui hébergent l’argent qui s’est
échappé du continent. » p
sébastien hervieu
0123
JEUDI 26 FÉVRIER 2015 économie & entreprise | 3

Déficit :
débat à Bruxelles
sur l’effort
à exiger de Paris
La Commission européenne hésite
sur le délai à accorder à la France
pour assainir ses finances publiques

bruxelles - bureau européen retardée : la Commission Juncker

venait d’entrer en fonction et vou-

L
e débat monte à Bruxel-
les, à quelques jours de la
publication de l’avis défi-
nitif de la Commission
sur la trajectoire budgétaire fran-
çaise. Les fonctionnaires euro-
péens doivent se prononcer, pour
trois pays (France, Italie, Belgi-
que), sur la conformité de leurs
budgets 2014 et 2015 au pacte de
stabilité et de croissance (impo-
sant les fameux plafonds d’un dé-
ficit public inférieur à 3 % du PIB
et d’une dette à 60 %).
S’il est acquis, depuis six mois,
que Paris n’affichera pas un défi-
cit sous les 3 % en 2015, la question
est de savoir quel nouveau délai
lui accorder pour atteindre cet ob-
jectif. Deux ou trois ans ? Les im-
plications politiques d’une telle
décision sont évidentes. Un délai
de trois ans permettrait au prési-
dent de la République, François
Hollande, d’envisager la campa-
gne présidentielle de 2017 sans
cette épée de Damoclès bruxel-
loise au-dessus de sa tête. A con-
trario, une obligation de retour
dans les clous du pacte en 2017
mettrait une pression supplé-
mentaire sur les socialistes en
pleine campagne électorale.
La décision devait être prise
fin novembre 2014, mais elle a été
lait éviter un psychodrame, alors
que la France et l’Italie risquaient
la sanction. L’idée fut d’accorder
un répit de trois mois au prési-
dent François Hollande et au pre-
mier ministre italien, Matteo
Renzi, le temps de prouver à leurs
partenaires – particulièrement
aux Allemands – qu’ils avaient
l’intention de réformer leurs éco-
nomies. Entre-temps, Paris a fait
voter la loi Macron et Rome a revu
le code du travail italien.
« Nous sommes sereins »
La Commission étudie donc dé-
sormais sérieusement l’option
d’un délai de trois ans, pour lais-
ser le temps à la France de revenir
à 3 % sans casser sa faible crois-
sance. Mais certains commissai-
res, les plus orthodoxes, contes-
tent cette option. « La crédibilité
du pacte de stabilité est en jeu », a
affirmé le commissaire allemand
au numérique, Günther Oettin-
ger, lundi 23 février, dans le Han-
delsblatt, déplorant que « la
France ne soit pas encore là où elle
doit être ». Il avait déjà protesté
quand Paris avait obtenu son sur-
sis, fin novembre.
Preuve de l’intensité du débat ?
La décision sur le délai donné à la
France devait être publiée ven-
Les ministres des finances et de l’économie, Michel Sapin et Emmanuel Macron, à l’Assemblée. CHRISTOPHE MORIN/IP3 POUR « LE MONDE »
dredi 27 février. Finalement, elle
est décalée, faute d’avoir été tran-
chée. Mercredi 25 février, un « dé-
bat d’orientation » devait avoir
lieu entre les commissaires.
« Nous sommes sereins », a ré-
pété le ministre des finances, Mi-
chel Sapin, lundi 23 février, en
marge d’un déplacement dans
une entreprise bénéficiaire du
crédit d’impôt pour la compétiti-
vité et l’emploi. La France n’a pas
fait de demande officielle de délai
et la loi de programmation retient
le retour sous les 3 % en 2017 (4,1 %
en 2015 et 3,8 % en 2016).
Le gouvernement se dit per-
suadé que le déficit de la France
en 2014 sera conforme aux prévi-
sions rectifiées en août 2014
(4,4 %) et pourrait même s’avérer
légèrement inférieur à l’hypo-
thèse retenue.
Un résultat meilleur que prévu
en 2014 pourrait rendre plus ac-
cessible l’objectif de 4,1 % en 2015.
Même si la faiblesse de l’inflation,
certainement inférieure au 0,9 %
retenu dans la loi de finances, fra-
gilise l’objectif de réduction de
21 milliards d’euros de la dépense
publique. « Il ne sera pas simple de
respecter l’objectif d’une maîtrise
renforcée de la dépense en 2015,
déclarait le premier président de
la Cour des comptes, Didier Mi-
gaud, au Monde du 12 février. S’il
n’est pas respecté, c’est l’objectif de
retour aux 3 % de déficit en 2017 qui
sera compromis. »
Par ailleurs, le gouvernement
français a prouvé sa volonté réfor-
matrice, au point d’utiliser l’arme
ultime du 49.3 pour faire passer la
loi Macron en première lecture au
Parlement. Il est déterminé à
poursuivre les réformes, « avec
tous les moyens que donne la
Constitution », a insisté le premier
ministre, Manuel Valls, le 19 fé-
vrier, à l’Assemblée nationale. En-
core un message à l’attention de
Bruxelles, pour qui la loi Macron
« va dans le bon sens » mais n’est
pas suffisante. Prochaine étape, le
projet de loi sur la modernisation
du dialogue social.
« Est-ce qu’on sanctionne un
pays quand il a fait des réformes,
ou, au contraire, est-ce qu’on le féli-
cite ? La question se pose aussi
présentent
dans ces termes », suggère une
source européenne, à propos du
délai à accorder à Paris. « Les Alle-
mands sont sur la défensive. Ils ont
l’impression que la Commission
Juncker a déjà lâché trop de lest,
avec sa nouvelle approche concer-
nant les flexibilités du pacte de sta-
bilité [les pays faisant des réfor-
mes structurelles peuvent bénéfi-
cier d’un délai plus long pour re-
venir dans les clous] », ajoute une
source diplomatique. Le débat de-
vrait être finalement tranché le
2 mars… p
cécile ducourtieux,
avec patrick roger

Satisfecit pour l’économie britannique

L’OCDE félicite le Royaume-Uni pour sa gestion de la crise
MBA FAIR
Le MBA, un accélérateur de carrière !
dant incomplet. Si la croissance
londres - correspondance C’est l’injection est vigoureuse, elle fait suite à une
de liquidités forte dépression. Le PIB britanni- Pour choisir votre MBA

G eorge Osborne pouvait

difficilement cacher son
contentement. Pendant
une bonne demi-heure, le chan-
celier de l’Echiquier britannique a
écouté Angel Gurria, le secrétaire
général de l’Organisation de coo-
pération et de développement
économiques (OCDE), lui multi-
plier les félicitations en présen-
tant son rapport sur l’économie
au Royaume-Uni. « Bravo ! Et
maintenant, il faut terminer le
boulot, chancelier. »
A trois mois des élections légis-
latives, les compliments sont
bienvenus. M. Gurria reprend à
son compte le principal argument
électoral des conservateurs, qui
demandent un nouveau mandat
pour justement « terminer le bou-
lot », à savoir le redressement éco-
nomique du Royaume-Uni.
Il est vrai que les statistiques
économiques sont excellentes :
croissance de 2,6 % en 2014, chô-
mage de 5,7 %, taux d’emploi re-
cord… « La dernière fois que je pré-
sentais ce rapport [en fé-
vrier 2013], la situation était bien
plus négative, rappelle M. Gurria.
La croissance était au point mort,
le chômage stagnait à 8 %, et l’in-
flation était élevée, réduisant le
pouvoir d’achat des ménages. » La
Bourse de Londres a atteint un re-
cord historique mardi 24 février et
confirme ainsi l’embellie. Le FTSE
100 a clôturé à 6 949 points, dé-
passant son record de 1999.
Selon le rapport de l’OCDE, cette
qui a fourni
l’adrénaline
nécessaire
à la reprise
soudaine amélioration vient
avant tout de la politique moné-
taire « hautement accommo-
dante » de la Banque d’Angleterre,
avec un programme de « quantita-
tive easing » agressif, et des mesu-
res du gouvernement pour soute-
nir les prêts. C’est donc l’injection
de liquidités dans l’économie qui a
fourni l’adrénaline nécessaire.
Un tableau incomplet
M. Gurria ajoute un autre facteur :
la flexibilité du marché du travail.
« Le Royaume-Uni devient un
exemple type de la façon dont le
marché du travail peut soutenir la
croissance », affirme le secrétaire
général de l’OCDE. Le chômage
baisse depuis deux ans grâce au
gel des salaires et à la hausse du
travail précaire, que ce soit les
contrats zéro heure (qui ne garan-
tit aucune heure de travail au sala-
rié) ou la multiplication des
autoentrepreneurs. Cela a permis
de conserver les Britanniques au
travail. Et maintenant que la crois-
sance est de retour, les emplois à
temps plein reprennent le dessus.
Ce tableau extrêmement positif
brossé par M. Gurria est cepen-
que n’a retrouvé son niveau
d’avant la crise qu’en 2014. Sur les
sept dernières années, le Canada
et les Etats-Unis font bien mieux.
Pire, les salaires n’ont long-
Rencontrez les directeurs des programmes
les plus prestigieux
Assistez aux conférences animées
temps pas suivi, tandis que l’infla-
par les journalistes du Monde
tion était forte. D’ailleurs, en pre- Participez aux nombreuses
nant le PIB par habitant, le Royau- prises de parole des exposants
me-Uni n’est pas encore tout à fait
revenu à son pic de 2008. Sur l’en-
semble de la crise, les Britanni-
ques ont subi leur plus forte perte
de pouvoir d’achat depuis les an-
nées 1930. Mais ce phénomène
semble s’atténuer. « On com-
mence à voir une hausse modérée
des salaires réels », souligne
M. Gurria.
Il s’inquiète en revanche du
manque de croissance de la pro- SAMEDI 21 MARS 2015
ductivité de la main-d’œuvre bri-
tannique : « C’est la principale dif- 11H - 18H
ficulté à améliorer. » Le développe- PALAIS BRONGNIART
ment des petits boulots et des em-
plois précaires n’a pas aidé. 28, PLACE DE LA BOURSE
L’autre limite évidente de l’éco- 75002 PARIS
nomie britannique est son déficit
budgétaire. A 5,8 % du PIB en jan- ENTRÉE GRATUITE
vier, il demeure supérieur à celui
de l’Irlande, la Grèce ou l’Espagne.
« C’est vrai, mais il faut voir d’où on
vient [le déficit était de 11 %
en 2009], réplique M. Gurria, le Inscrivez-vous
déficit a été divisé par deux. »
En somme, il y a peu d’ombres
au tableau, selon l’OCDE. « Je ne
PLUS D’INFORMATIONS SUR :
suis pas triomphant, mais soyons
objectifs : il s’agit d’un très bon ré- www.mbafair-lemonde.com
sultat. » M. Osborne ne pouvait
pas en demander plus… p
eric albert
4 | économie & entreprise
Le gouvernement grec attendu sur les réformes
Entre politique sociale, lutte contre la corruption et la fraude fiscale, la voie est étroite pour Athènes
bruxelles - bureau européen
Q
uelle est la marge de
manœuvre politique
et réformatrice du
premier ministre grec
Alexis Tsipras ? Après
trois semaines de psychodrame
avec les instances européennes, il
a fini par obtenir pour son pays,
avec l’accord du mardi 24 février,
la poursuite de l’assistance finan-
cière de ses partenaires de l’union
monétaire. Mais il l’a payée d’un
certain nombre de renoncements
à son programme de campagne
« anti-austérité ».
En Grèce, le Parti communiste l’a
d’ailleurs accusé de « poursuivre
l’austérité et de s’aligner sur les mé-
morandums [les plans d’aide inter-
nationaux assortis d’obligations
de réformes] ». Les deux anciens
partenaires du précédent gouver-
nement de coalition, les conserva-
teurs de la Nouvelles démocratie
(ND) et les socialistes du Pasok, se
sont montrés les plus virulents,
concernant l’accord avec l’Euro-
groupe. « Pourquoi, alors que nous
étions sur le point d’en finir avec le
mémorandum, restons-nous pour
encore plusieurs mois dans le
même programme et avec la pers-
pective de devoir en signer un troi-
sième en juillet ? », a dénoncé Evan-
gélos Vénizélos du Pasok.
Malgré ces critiques, le crédit po-
litique du leader de la gauche radi-
cale, élu il y a un mois, demeure
considérable. Et il reste populaire.
La majorité des Grecs interrogés
mardi se disaient plutôt satisfaits
de l’accord trouvé. « Il respecte le
mandat que nous lui avons donné
de nous maintenir dans la famille
européenne », considère un re-
traité rencontré à Athènes sur la
place Syntagma. « Je salue sa déter-
mination à essayer de faire bouger
le statu quo », lance Kostas, un
jeune designer.
Ce soutien populaire permet à
M. Tsipras de rester en position de
force au sein de Syriza, son parti,
Mariano Rajoy annonce aux Espagnols
la fin du « cauchemar » de la récession
Alors que cinq élections sont prévues en Espagne d’ici à la fin de l’année,
le chef du gouvernement conservateur se pose en garant de l’Etat-providence
madrid - correspondance
M aintenant que l’Espa-
gne se réveille du
« cauchemar » de la ré-
cession, elle devrait pouvoir venir
en aide aux classes moyennes
« qui ont accepté des sacrifices iné-
vitables ». C’est le message qu’a
voulu faire passer le chef du gou-
vernement espagnol, Mariano
Rajoy (Parti populaire), en pro-
mettant, pour 2015, une crois-
sance de 2,4 % (contre les 2 % an-
noncés) et la création de
500 000 emplois, lors du débat
annuel sur « l’état de la nation »,
mardi 24 février.
Dans un discours éminemment
électoral – cinq scrutins sont pré-
vus avant la fin de l’année – M. Ra-
joy a annoncé deux mesures pour
soulager la situation économique
extrêmement précaire de bon
nombre d’Espagnols : un chèque
annuel de 1 200 euros pour les fa-
milles monoparentales avec
deux enfants et la mise en place,
par décret, d’une loi de la
deuxième chance. Ce mécanisme
permettra aux particuliers de res-
tructurer leurs dettes, voire de les
effacer, en dehors de la procédure
judiciaire, en cinq ans au lieu de
quinze, en échange de la saisie de
leurs biens.
En Espagne, la dette privée – et
non la dette publique comme en
Le coût des
mesures sociales
devra être neutre
pour les finances
publiques
de la Grèce
où les divisions se multiplient.
Lors d’une réunion d’urgence du
conseil des ministres, mardi, Pa-
nayotis Lafazanis, un des mem-
bres du gouvernement qui est
aussi le leader de la « plateforme
de gauche », un courant frondeur
interne à Syriza, aurait exprimé de
« nombreuses objections » quant
au résultat des négociations de
Bruxelles. Pour s’expliquer et ras-
surer sa famille politique, M. Tsi-
pras devait s’adresser, mercredi
26 février, à son groupe parlemen-
taire puis réunir, dans les pro-
chains jours, le bureau de Syriza.
Madrid très attentif
Sur le front des réformes, même si
la liste envoyée à Bruxelles en
échange d’une extension de qua-
tre mois du plan d’aide reprend
pour une grande part les exigen-
ces de l’ex-troïka (appelée désor-
mais les « institutions ») des
créanciers du pays – Fonds moné-
taire international (FMI) Banque
centrale européenne (BCE) et
Commission de Bruxelles –
M. Tsipras n’a pas les poings liés. Il
peut mener une politique plus so-
ciale que celles des gouverne-
ments qui l’ont précédé. Mais à
condition de négocier pied à pied.
Ses créanciers, surtout les Alle-
mands, l’attendent sur les réfor-
mes anti-corruption, de lutte con-
tre l’évasion et la fraude fiscale – la
pression fiscale est mal répartie,
les grandes fortunes et l’Eglise or-
thodoxe se soustrayant large-
ment à l’impôt. Ces mesures fai-
saient partie du programme de
Syriza et sont aussi préconisées
« La plus grande
mesure de
politique sociale
a été d’éviter
le sauvetage
européen »
MARIANO RAJOY
premier ministre espagnol
Grèce – est au cœur de la crise et a
grandement contribué à creuser
les inégalités. La mesure annon-
cée par M. Rajoy doit en principe
s’appliquer aux crédits immobi-
liers qui ont mis beaucoup d’Espa-
gnols à la rue. En six ans de crise,
plus de 250 000 propriétaires ont
perdu leur logement faute de
pouvoir rembourser leurs em-
prunts aux banques.
Alors que le chômage touche
23,7 % de la population active, le
deuxième chiffre le plus élevé de
l’Union européenne après la
Grèce, le chef du gouvernement
conservateur a fait valoir que le
programme d’austérité draco-
nien qu’il a appliqué depuis son
arrivée au pouvoir en décem-
bre 2011, commence à porter ses
fruits. « Il est important de mainte-
nir la trajectoire », a assuré M. Ra-
joy devant le Congrès des députés
Le premier ministre, Alexis Tsipras, au Parlement grec, à Athènes, le 17 février. THANASSIS STAVRAKIS/AP
par la troïka. Elles sont jugées in-
dispensables par les Européens.
Ce n’est qu’à cette condition – si
la Grèce s’engage sur la voie du
changement – que ses partenaires
de l’Eurogroupe laisseront à
M. Tsipras une marge pour appli-
quer « ses » réformes : l’aide hu-
manitaire aux foyers les plus fra-
gilisés (aide alimentaire, accès
aux soins…), voire la réévaluation
du salaire minimum promise aux
Grecs. Il pourrait aussi éviter de
réformer les retraites, ce qui était
jusqu’à présent exigé par la troïka,
ou de relever le taux de TVA. Mais
il faudra que l’impact sur les fi-
car « rien n’est irréversible ». Selon
lui, l’économie espagnole pour-
rait créer 3 millions d’emplois
« dans les prochaines années »,
presque autant que ceux qui ont
été détruits pendant la crise.
Mais « la plus grande mesure de
politique sociale de cette législa-
ture, a insisté le premier ministre
espagnol, a été d’éviter le sauve-
tage » auquel ont dû recourir la
Grèce, l’Irlande et le Portugal. Un
sauvetage qui aurait « supposé
une aide, certes » mais une aide
« implacable ».
Podemos, au cœur du débat
Pedro Sanchez, chef de file des so-
cialistes (PSOE) et leader de l’op-
position depuis septembre 2014,
lui a rappelé – en montrant la
« une » de plusieurs journaux –
que le sauvetage en 2012 de Ban-
kia – la banque née des fusions de
sept caisses d’épargne – s’était ac-
compagné d’une aide euro-
péenne au secteur bancaire espa-
gnol de 41,4 milliards d’euros.
Le responsable du PSOE a repro-
ché au chef du gouvernement de
méconnaître le quotidien des Es-
pagnols. « Selon vous, dans les ca-
fés, on dit que la crise est finie. Je
me demande quels cafés vous fré-
quentez. » Le ton entre les
deux hommes est monté très
vite. M. Rajoy a accusé M. Sanchez
d’être « pathétique ».
nances publiques soit « neutre » –
c’est-à-dire que chaque mesure
sociale soit financée par des priva-
tisations, des économies dans
l’administration, des rentrées fis-
cales supplémentaires, etc.
M. Tsipras a aussi obtenu qu’une
négociation s’engage sur le ni-
veau du surplus primaire grec
(avant paiement de la dette). La
troïka exigeait pour 2015 un sur-
plus de 3 % du produit intérieur
brut (PIB). Un niveau jugé irréa-
liste par beaucoup de sources
européennes ; Syriza demande
qu’il soit ramené à 1,5 % du PIB.
« Les institutions vont tenir
Celui-ci a également rappelé les
affaires de corruption, qui ont
surtout éclaboussé les conserva-
teurs, notamment l’affaire « Bar-
cenas », du nom de l’ex-trésorier
du Parti populaire accusé de
fraude fiscale et de malversation.
Le premier ministre, pour sa part,
a annoncé la création « avant la
fin de l’année » d’une agence qui se
chargera de récupérer les actifs
provenant de ce genre de délits.
Ce sont ces scandales qui ont
précipité l’arrivée de nouveaux
partis : l’antilibéral Podemos, en
première ou deuxième position,
selon les sondages, et Ciudada-
nos, qui se situe au centre droit et
pourrait devenir une sérieuse me-
nace pour les conservateurs.
Podemos, qui n’a pas encore de
représentation parlementaire
mais anime le débat public, a fait
l’objet de toutes les critiques.
M. Rajoy a dénoncé « la démago-
gie qui détruit l’Etat-providence »
et les « volontarismes magiques ».
M. Sanchez, pour sa part, a accusé
indirectement Podemos de rom-
pre le « pacte générationnel » de la
Constitution de 1978. Le chef de
file de Podemos, Pablo Iglesias,
avait prévu de leur donner la ré-
plique lors de son propre débat
sur l’état de la nation qu’il pensait
célébrer dans une salle de concert
à Madrid mercredi 25 février p
isabelle piquer
compte des circonstances écono-
miques », a assuré Jeroen Dijssel-
bloem, le président de l’Euro-
groupe, le 20 février.
Le chemin de négociation est ce-
pendant étroit. Si certains,
comme le ministre français des fi-
nances, Michel Sapin, reconnais-
sent « la nécessité de tenir compte
du vote démocratique des Grecs »,
d’autres resteront sur une ligne
dure. « Notre tâche n’est pas termi-
née », a averti la chancelière An-
gela Merkel, lors d’une réunion du
groupe parlementaire conserva-
teur, mardi à Berlin. Les gouverne-
ments conservateurs au Portugal
CON J ON CT U R E
La confiance des
ménages s’est améliorée
en février
La confiance des ménages
français a progressé de
2 points en février et atteint
92 points, son plus haut ni-
veau depuis mai 2012, selon
les données publiées mer-
credi 25 février par l’Insee.
Elle reste néanmoins infé-
rieure à sa moyenne histori-
que de 100 points.
L’activité manufacturière
chinoise a rebondi
En Chine, l’activité manufac-
turière a progressé en février,
après deux mois consécutifs
de repli, selon l’indice PMI
des directeurs d’achats de la
banque HSBC, publié mer-
credi 25 février.
Celui-ci s’est établi à 50,1, con-
tre 49,7 en janvier. Un indice
supérieur à 50 marque une
expansion de l’activité. La
conjoncture chinoise reste
néanmoins maussade, les
commandes à l’exportation
reculant fortement sur le
mois, souligne HSBC.
POLI T I QU E MON ÉTAI R E
La patronne de la Fed
s’inquiète de la faible
reprise européenne
Entendue par le Congrès
américain mardi 24 février,
Janet Yellen, la présidente de
la Réserve fédérale améri-
caine (Fed), a indiqué que la
faible inflation en Europe et
le ralentissement chinois re-
présentent « des risques » sé-
rieux pour la croissance amé-
ricaine.
Un nouveau billet de
0123
JEUDI 26 FÉVRIER 2015
et en Espagne ne sont pas non plus
prêts à lâcher du lest. A Madrid,
toute victoire de Syriza donnerait
des arguments au parti local de la
gauche radicale, Podemos.
Et attention au moindre faux
pas ! Ce n’est qu’à l’issue de négo-
ciations serrées pour arrêter la
liste définitive des réformes,
qu’Athènes touchera le chèque at-
tendu : la Grèce peut espérer jus-
qu’à 7 milliards d’euros environ.
Entre-temps, le pays aura dû régler
une tranche de remboursement
de 1,4 milliard d’euros au FMI… p
cécile ducourtieux
et adéa guillot (à athènes)
20 euros en novembre
La Banque centrale euro-
péenne (BCE) a rendu public
mardi 24 février le nouveau
billet de 20 euros. Mis en cir-
culation le 25 novembre, il
comportera « un signe de sé-
curité novateur », qui doit li-
miter les risques de contrefa-
çon, précise l’institution.
S OC I AL
Les magasins de
bricolage pourront
ouvrir le dimanche
Mardi 24 février, le Conseil
d’Etat a autorisé l’ouverture
des magasins de bricolage le
dimanche, mettant fin à une
longue bataille judiciaire qui
oppose syndicats et ensei-
gnes. L’institution a annoncé
avoir « rejeté les recours intro-
duits par plusieurs organisa-
tions syndicales contre deux
décrets » autorisant les maga-
sins de vente au détail d’arti-
cles de bricolage à déroger à
la règle du repos dominical.
D ET T E
Les fonds d’aide pour les
« emprunts toxiques »
sont doublés
Le fonds de soutien aux col-
lectivités locales françaises
fragilisées par des emprunts
structurés à risque est dou-
blé, à 3 milliards d’euros, pour
moitié versés par les banques
et les établissements finan-
ciers, a annoncé mardi 24 fé-
vrier le gouvernement. Les
fonds destinés aux hôpitaux
sont, quant à eux, multipliés
par quatre, intégralement ap-
portés par une contribution
des banques.
0123
JEUDI 26 FÉVRIER 2015 économie & entreprise | 5

Le patron de Safran
quitte l’équipementier
sur un bilan flatteur
Le fabricant de moteurs d’avion dispose d’un carnet
de commandes évalué à 64 milliards d’euros

C’
est avec une certaine d’euros en hausse de 4,9 %. Et la Optimiste pour
émotion que le PDG fête devrait continuer en 2015 qui l’avenir, Safran
de Safran a présenté sera une « très très belle année », a
les résultats annuels prédit le PDG. Avant de lâcher le embauche à tour
2014 de son groupe, mercredi manche, il a indiqué que le chiffre de bras pour
25 février, mais il avait l’esprit lé- d’affaires du groupe devrait croî-
ger. « Cela fait toujours quelque tre en 2015 de 7 % à 9 %. tenir le rythme
chose de tourner la page. Je ne suis de livraison
pas heureux de partir », a-t-il con- Pleins à craquer
fié au Monde. Depuis le début Une vitalité portée par la bonne de ses moteurs
2015, M. Herteman a entamé sa santé de la division « moteurs ».
« tournée d’adieu », comme on le Les carnets de commandes sont
dit dans le groupe, avant de passer pleins à craquer : 64 milliards vendu 1 500 de plus et il en a « en-
la main à l’occasion de l’assem- d’euros engrangés. Le Leap, le core 4 500 à produire », s’est ré-
blée générale de Safran prévue le nouveau moteur, plus puissant et joui le PDG. Et comme un bon-
23 avril. Il aura passé 31 ans, pres- surtout moins gourmand en car- heur n’arrive jamais seul, la main-
que toute sa carrière chez Safran burant, développé en commun tenance, principalement des mo-
dont il a pris la présidence par Safran et l’américain General teurs, une des activités majeures
en 2007. Et les « très très beaux ré- Electric (GE) est un véritable réus- de Safran est aussi « en très très
sultats », « les perspectives pour site, s’est félicité le PDG. Il a déjà bonne santé » avec une croissance
2015 » et les années à venir ont été commandé à plus de 7 800 de 11,3 % en 2014. Elle lui aura rap-
mis un peu de baume au cœur exemplaires. Rien qu’en 2014, le porté, l’an passé, au total 5,4 mil-
d’un Jean-Paul Herteman sur le Leap, qui doit équiper l’A320 Neo liards d’euros. Une assurance
départ. d’Airbus, s’est vendu à 2 717 exem- pour l’avenir de l’équipementier
Aspiré dans le sillage de ses prin- plaires. Le succès est tel, a confié car un moteur lui rapporte autant
cipaux clients Airbus et Boeing, M. Herteman que « la production à la vente qu’en maintenance pen-
l’équipementier aéronautique est a atteint des niveaux jamais dant toute sa durée d’utilisation.
lui aussi en plein boom, et fait connu » de quoi « assurer plu- La maintenance joue le rôle
même mieux qu’eux. Pour sieurs années de travail à Safran ». d’« amortisseur » en cas de re-
preuve, en 2014, sa marge opéra- Il peut se frotter les mains car la tournement de conjoncture.
tionnelle a atteint les 13,6 %, soit vogue du Leap semble provoquer
bien plus que celle des deux avi- un effet d’entraînement pour le « Pas de bulle »
onneurs. Le chiffre d’affaires a, lui, CFM56, le moteur de la généra- Toutefois, M. Herteman ne voit
progressé de 6,9 % pour atteindre tion précédente. La production de pas venir de crise. Alors qu’Air
15,355 milliards d’euros. Dans le cet autre « best-seller » de Safran France a invoqué une surcapacité
même temps le bénéfice net du atteint aussi des « niveaux re- d’avions, notamment en Asie, Jean-Paul Herteman, PDG de Safran, à Commercy (Meuse) en 2012. Le groupe y a inauguré,
groupe s’établi à 1,25 milliard cords ». En 2014, le motoriste en a pour justifier la baisse, pour la en décembre 2014, une usine de production. ALEXANDRE MARCHI/MAXPPP
première fois, de sa recette uni-
taire sur le long-courrier, le PDG compétition toujours plus vive riés. En avril, M. Herteman, la crise des subprimes en 2008.
Une reconversion dans la diplomatie assure que « le taux de remplis- entre les compagnies aériennes. nommé en 2007, pourra partir le En avril, Jean-Paul Herteman
sage des avions reste orienté à la Optimiste pour l’avenir, Safran cœur léger même s’il n’aura pas n’aura pas un seul successeur
Le futur ex-PDG de Safran, Jean-Paul Herteman, a été nommé re- hausse ». Avec un trafic passagers embauche à tour de bras pour obtenu de retraite chapeau. Sous mais deux ! En effet, la fonction
présentant spécial de Laurent Fabius auprès du Canada, a an- prévu en hausse de près de 7 % faire tenir le rythme de livraisons sa présidence, le groupe a changé de PDG a été scindée. Le futur pa-
noncé, mercredi 25 février, le ministère des affaires étrangères. en 2015, M. Herteman se veut de ses moteurs. En 2014, l’équipe- de taille. Entre 2007 et 2014, la ca- tron opérationnel sera Philippe
Tout comme Paul Hermelin avec l’Inde ou Louis Schweitzer pour « confiant comme Airbus et mentier a créé 2 600 emplois nets pitalisation boursière du groupe a Petitcolin, l’actuel patron de Mor-
le Japon, Jean-Paul Herteman sera chargé de mettre en musique Boeing » : « Objectivement je ne dont la moitié en France. Pour « la été multipliée par quatre pour at- pho, la division sécurité de Safran,
la « diplomatie économique » de la France avec Ottawa. Futur pré- vois pas de signaux matériels de quatrième année consécutive » et teindre près de 25 milliards qui doit être nommé directeur gé-
sident du conseil d’administration de Safran, Ross McInnes a de surcapacités » d’avions. Selon lui, à la grande « satisfaction » de M. d’euros. Faussement modeste, le néral du groupe. Ross McInnes, en
son côté été nommé représentant spécial auprès de l’Australie. « il n’y a pas de bulle » sur les com- Herteman, Safran a recruté beau- PDG se souvient qu’elle était tom- charge des finances du groupe,
M. Fabius compte à terme disposer d’une quinzaine de représen- mandes d’avions et donc de mo- coup plus qu’il n’a supprimé de bée « sous les quatre milliards doit être nommé président du
tants pour « développer [les] relations économiques bilatérales teurs. La baisse des recettes serait postes. Au total, fin 2014, l’équipe- d’euros après la faillite de la ban- conseil d’administration. p
avec quelques partenaires-clés », indique-t-on au Quai d’Orsay. seulement la conséquence de la mentier comptait 69 000 sala- que Lehman Brothers », au pic de guy dutheil

Dans le rouge, DCNS veut maîtriser ses coûts et ses délais

Le groupe public d’armement naval a annoncé une perte de 336 millions d’euros en 2014, pour un chiffre d’affaires de 3 milliards

P rendre l’eau, un comble

pour un groupe naval. Et
pourtant, DCNS a plongé
dans le rouge en 2014. Le groupe
public d’armement a annoncé,
mardi 24 février, une perte de
336 millions d’euros pour l’exer-
cice écoulé. Du jamais-vu, depuis
la période 1997-2001, une époque
où DCNS n’était pas encore une so-
ciété – elle le sera en 2005 –, mais
la direction des chantiers navals
(DCN) au ministère de la défense.
Ses comptes étaient alors consoli-
dés dans ceux du ministère.
La raison ? La remise à plat des
programmes par le nouveau PDG,
Hervé Guillou, 59 ans, ancien pa-
tron des activités de cyberdéfense
d’Airbus Group, appelé en
juillet 2014 à remplacer Patrick
Boissier, 65 ans, dont le mandat
avait été écourté de six mois. Les
audits ont alors révélé que des
grands programmes avaient dé-
rivé. Cela concerne une diversifi-
cation dans le nucléaire avec la
participation au projet de réac-
teur expérimental à Cadarache
(Bouches-du-Rhône), mais aussi
des programmes au cœur du
groupe, comme les sous-marins
nucléaires d’attaque de nouvelle
génération Barracuda. Il a fallu
constituer d’importantes provi-
sions dont le montant n’a pas été
communiqué qui ont plombé les
résultats. Ces dérapages ont sur-
pris les actionnaires que sont
l’Etat (64 %) et Thales, (35 %), car
rien ne l’avait laissé présager.
S’il est une habitude, pour un
nouveau PDG, de passer les comp-
tes à la paille de fer, cette révision
s’accompagne d’un changement
de mentalité. « Cette crise finan-
cière exceptionnelle doit faire pren-
dre conscience à chacun que les
temps ont changé », explique
Hervé Guillou. Pour cela, le PDG va
insuffler la culture du privé dans
cette société héritière des anciens
arsenaux. Pour lui, le groupe souf-
fre de deux maux : « Nous avons
une bonne maîtrise technique,
Alors que
les budgets
de la défense
sont contraints,
DCNS entend
se renforcer
à l’international
mais il nous faut progresser dans la
maîtrise des coûts et dans le res-
pect des délais, affirme-t-il. Nous
devons améliorer notre perfor-
mance industrielle en développant
une organisation plus efficace. »
À cet effet, deux directions, une
industrielle et l’autre chargée des
programmes, ont été créées, ac-
compagnées d’embauches de
trois nouveaux dirigeants.
Le problème de la maintenance
Autre objectif : « Réduire les ris-
ques des contrats de développe-
ment et de production à prix forfai-
taire, d’autant que nous sommes
sur des temps très longs. » Ainsi, le
coût des six Barracuda prévus
pour la marine nationale a dérivé
de 700 millions d’euros sur les
7,5 milliards d’euros prévus.
« Nous avons dû intégrer la dérive
des coûts de ce contrat de vingt-
trois ans en totalité dans nos
comptes 2014 », relève le PDG.
« Un plan d’économies et un plan
de progrès ont été lancés pour re-
trouver une profitabilité positive
dès 2015. »
La maintenance est aussi au
cœur des préoccupations. D’im-
portantes pertes de compétences
sur les chantiers et des retards im-
portants ont beaucoup gêné la
marine en 2014 pour l’entretien
de ses sous-marins nucléaires
d’attaque Rubis. La situation se-
rait en train de s’améliorer. Il
s’agit aussi de prévoir l’organisa-
tion de l’entretien des futurs
sous-marins Barracuda, le pre-
mier devant être livré en 2016.
Alors que les budgets de la dé-
fense sont contraints, DCNS en-
tend se renforcer dans les implan-
tations internationales. « Nous
avons démarré plus tard que nos
concurrents européens », recon-
naît M. Guillou en rappelant que
l’allemand ThyssenKrupp Marine
Systems (TKMS) est parti à la con-
quête des marchés au lendemain
de la chute du mur de Berlin,
en 1989, et DCNS, en 2005 seule-
ment. « Nous avons à ce jour
trois implantations au Brésil, en
Malaisie et en Inde, et c’est à partir
de là que nous devons nous déve-
lopper. A nous d’aller chercher la
croissance là où elle se trouve. »
D’autant que le marché naval croît
de 5 % à 6 % par an principalement
en Asie, en Amérique du Sud et
dans la péninsule Arabo-Persique.
Le contrat FREMM, en Egypte, si-
gné début février en est l’illustra-
tion après quatre corvettes
La livraison
bloquée du
« Vladivostock »
à la Russie coûte
2 millions d’euros
par mois
au groupe
Gowind, en 2014. Concernant les
FREMM, cela porte à deux les ven-
tes à l’exportation, l’autre client, à
côté des onze destinées à la ma-
rine française, étant le Maroc.
Des prospects sont en cours au
Qatar qui souhaite trois ou qua-
tre bateaux pour assurer la sécu-
rité de la Coupe du monde de foot-
ball en 2022. Pour les navires, le
seul point d’ombre est les deux
porte-hélicoptères Mistral com-
mandés par la Russie et dont la li-
vraison du premier a été bloquée
par le gouvernement français en
raison de la guerre en Ukraine.
L’immobilisation du Vladivostok,
à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique),
depuis novembre 2014, coûte
deux millions d’euros par mois.
Sur le marché des sous-marins,
DCNS est l’un des trois groupes re-
tenus par le gouvernement austra-
lien pour présenter une offre pour
douze sous-marins convention-
nels. Un contrat estimé à 50 mil-
liards de dollars australiens
(34,3 milliards d’euros).
Tel un serpent de mer, les ru-
meurs reviennent depuis une di-
zaine d’années sur un mariage
franco-allemand dans les sous-
marins. « Je ne veux pas condition-
ner le développement de DCNS à la
concentration européenne », af-
firme Hervé Guillou. Le groupe va
surtout revoir sa stratégie dans
« son développement internatio-
nal et ses activités complémentai-
res » à l’image des énergies mari-
nes renouvelables. « Voilà
cinq ans qu’elles ont démarré, le
temps est venu de faire des choix. »
L’un des critères sera le niveau
élevé de technologies servant de
barrière d’entrée pour dissuader
les concurrents. Mais, nouvelle
politique oblige, le choix sera fait
en fonction de critères rigoureux
de coût et de durée. « Nous ne pou-
vons pas nous permettre deux an-
nées de crise consécutives », rap-
pelle M. Guillou. p
dominique gallois
et nathalie guibert
6 | économie & entreprise
Gemalto confirme deux tentatives de piratage
Le leader mondial des cartes à puces minimise l’ampleur du vol des clés de chiffrement de ses cartes SIM
L
e communiqué, publié
mercredi 25 février par le
fabricant de puces sécuri-
sées Gemalto, se veut être
une réponse formelle aux révéla-
tions du site The Intercept, pu-
bliées le 20 février. S’appuyant sur
des documents confidentiels de
l’Agence nationale de sécurité
américaine (NSA), le site affirmait
que les services secrets britanni-
ques, le GCHQ , ont volé entre 2010
et 2011 des clés de chiffrement de
cartes SIM chez Gemalto, leader
mondial dans la fabrication de ces
puces équipant tous les télépho-
nes portables. La possession des
clés de chiffrement permet théori-
quement de mettre en place une
surveillance très discrète des télé-
phones mobiles, notamment par
le biais de fausses antennes-relais.
Gemalto, société de droit néer-
landais mais cotée au CAC 40 et
dont l’essentiel des équipes est à
Paris et dirigé par Olivier Piou, af-
firme ne pas souhaiter ni pouvoir
confirmer ou démentir totale-
ment les informations de The In-
tercept. Toutefois, les conclusions
de l’audit de sécurité interne
mené depuis près d’une semaine
laissent peu de doute que les infor-
mations sont, sinon totalement
exactes, du moins très crédibles.
L’entreprise relate notamment
avoir constaté, en 2010, deux ten-
tatives de piratage élaborées, qui
pourraient correspondre aux
techniques décrites dans les do-
cuments de la NSA. En juillet, une
attaque a utilisé « de faux e-mails
[contenant un virus] envoyés à
l’un de nos clients opérateur mo-
bile en usurpant des adresses e-
mail authentiques de Gemalto. (…)
Au cours de la même période, nous
avons également détecté plusieurs
tentatives d’accès aux ordinateurs
de collaborateurs de Gemalto
ayant des contacts réguliers avec
des clients. »
La méthode utilisée correspond
Vallourec subit le contre-choc pétrolier
Le numéro un mondial des tubes d’acier sans soudure, qui souffre de la baisse
des investissements de ses clients pétroliers, a perdu 924 millions d’euros en 2014
L e président du directoire de
Vallourec avait annoncé la
couleur, fin janvier : les ré-
sultats 2014 du numéro un mon-
dial des tubes d’acier sans sou-
dure utilisés dans les industries
pétrolières, gazières et nucléaires
seraient marqués par la réduction
des investissements de ses grands
clients. Philippe Crouzet l’a con-
firmé, mardi 24 février, tout en dé-
voilant un « plan de compétiti-
vité » à moyen terme (2015-2016).
Le résultat net part du groupe
plonge, et affiche une perte de
924 millions d’euros (contre un
bénéfice de 262 millions en 2013)
en raison de lourdes déprécia-
tions d’actifs (1,1 milliard), pour
une moitié au Brésil et pour
l’autre en Europe. Le chiffre d’af-
faires progresse, lui, de 2,2 %
(5,7 milliards) et l’endettement est
en léger recul (1,55 milliard).
Le groupe, dont les hydrocarbu-
res et la pétrochimie pèsent 72 %
de son chiffre d’affaires, subit de
plein fouet la chute des cours de
l’or noir. Elle a entraîné une forte
baisse des commandes de grands
clients comme le géant brésilien
Petrobras, les compagnies améri-
caines exploitant les hydrocarbu-
res de schiste ou les majors
(Exxon, Shell, BP, Total, etc.).
La société est sortie du CAC 40
en juin 2014, après avoir été long-
temps l’une des plus belles valeurs
de l’indice boursier français, et
Standard & Poor’s a récemment
dégradé de « stable » à « négative »
la perspective d’évolution de ses
Les attaques
seraient le fait
des services
secrets
britanniques
et de la NSA
américaine
à celle décrite dans les documents
fournis par Edward Snowden, qui
expliquent que le GCHQ a piraté
les comptes e-mail et Facebook de
plusieurs employés de Gemalto,
chargés de transmettre les clés de
chiffrement aux clients, dans le
but d’intercepter ces transferts.
Ce que concède à demi-mot l’en-
treprise : « A l’époque, nous
n’avons pas pu identifier les
auteurs de ces attaques, mais
maintenant nous pensons qu’elles
pourraient être liées à l’opération
du GCHQ et de la NSA. »
La question du rappel
Sur d’autres points, en revanche,
l’enquête de Gemalto contredit les
documents publiés par The Inter-
cept. L’un d’eux explique notam-
ment que « nous [le GCHQ] pen-
sons que nous contrôlons tout leur
réseau ». L’entreprise affirme, elle,
que les tentatives de piratage n’ont
« affecté que des parties externes
des réseaux de Gemalto, c’est-à-dire
les réseaux bureautiques qui sont
en contact avec le monde extérieur.
Les clés de cryptage et plus généra-
lement les données client ne sont
pas stockées sur ces réseaux ».
Gemalto rappelle avoir été une
cible parmi d’autres dans. « Ge-
malto n’a jamais vendu de cartes
SIM à quatre des douze opérateurs
cités dans les documents, en parti-
culier l’opérateur somalien auquel
300 000 clés d’authentification
auraient été volées. »
notes de crédit. Avec une capitali-
sation inférieure à 3 milliards
d’euros, Vallourec est devenue une
proie tentante pour un prédateur.
M. Crouzet juge pourtant l’en-
treprise « bien armée » pour af-
fronter cette conjoncture difficile.
A condition d’en améliorer la
« compétitivité structurelle » à
moyen terme. Elle a été délaissée
ces dernières années au profit de
la construction d’un groupe qui a
grossi par l’acquisition successive
de sociétés françaises, alleman-
des, brésiliennes et américaines ;
mais aussi érodée par une politi-
que d’investissements impor-
tants dans l’outil industriel.
Licenciements en Amérique
L’entreprise n’a pas été assez re-
gardante sur la rentabilité de cer-
tains investissements et le retour
sur capitaux employés quand son
activité était portée par la vague
sans précédent des investisse-
ments des compagnies pétroliè-
res dans l’exploration-production
(700 milliards de dollars en 2013,
soit 618 milliards d’euros).
C’est le sens du plan baptisé
« Valens », qui doit lui permettre
de réduire les coûts (hors matiè-
res premières) de 350 millions
(–10 %) en 2015-2016, une période
où l’industrie pétrolière sera en
bas de cycle. Les dépenses d’inves-
tissements industriels tomberont
de 450 millions à 350 millions
pour dégager une marge supplé-
mentaire de 100 millions. « Cet ef-
fort ne nous contraint pas dans no-
Pour Gemalto, qui avait publié
lundi un premier communiqué
affirmant que ses résultats ne de-
vraient pas pâtir de ces révéla-
tions, ces vols de clés de chiffre-
ment appartiennent au passé. Il
rappelle que les protocoles utili-
sés sur les réseaux 2G, majoritai-
res en 2010, sont moins bien pro-
tégés que ceux des réseaux 3G et
4G. Sans surprise, le constructeur
n’a donc pas préconisé un rappel
des cartes SIM fabriquées par ses
usines – une solution recomman-
dée mardi par… Edward Snowden.
Au cours d’une séance de ques-
tions-réponses avec des internau-
tes sur le site participatif Reddit, le
Vallourec
est sorti
du CAC 40
en juin 2014,
après avoir été
l’une des plus
belles valeurs
de l’indice
boursier français
tre développement », affirme
M. Crouzet.
En 2015, ce plan se traduira par
une baisse d’environ 15 % du vo-
lume d’heures travaillées, com-
prenant une réduction de 7 % des
effectifs, alors qu’ils ont déjà
baissé de 6 % en 2014 dans les usi-
nes européennes. Soit 1 400 pos-
tes en moins dont 200 en France.
Sur le Vieux Continent, Vallourec
recourra au traitement social (fin
de mission d’intérim et de CDD,
chômage partiel, non-remplace-
ment de départs à la retraite, etc.).
En revanche, les salariés des usi-
nes brésiliennes et américaines,
plus touchées par la déprime du
secteur pétrolier, n’échapperont
pas à des licenciements.
M. Crouzet souligne que, dans
une conjoncture très difficile, le
groupe a encore généré une tréso-
rerie disponible de 274 millions
en 2014, et vise un cash-flow libre
positif cette année. Il mise égale-
lanceur d’alerte a estimé que ces
révélations étaient particulière-
ment graves : « [La NSA et le
GCHQ] n’ont pas seulement entubé
Gemalto, ils nous ont tous entubés,
parce que la seule manière de com-
bler cette faille de sécurité est de
faire un rappel et de remplacer tou-
tes les cartes SIM fabriquées par
Gemalto. » Les clés de chiffrement
étant « gravées » dans les cartes
SIM, il n’est pas possible de les
changer à distance. Pour Gemalto,
le fait d’avoir généralisé des procé-
dures sécurisées d’envoi des clés à
ses clients après 2010 garantit le
fait que ces interceptions n’ont pas
pu se poursuivre à vaste échelle.
ment sur l’appréciation du dollar
par rapport à l’euro et au real bré-
silien, et sur des prix du minerai
de fer en 2015 « significativement
inférieurs » à ceux de 2014.
Le groupe va passer d’une orga-
nisation par grands métiers (pé-
trole et gaz, électricité, industrie) à
une organisation en quatre ré-
gions, dotées d’un patron, afin de
mieux gérer les 400 initiatives en
cours pour réduire les coûts : Eu-
rope, Amérique du Nord, Améri-
que du Sud et Moyen-Orient-Afri-
que-Asie.
Vallourec doit s’adapter à une
« correction très brutale » de la po-
litique d’investissement des so-
ciétés pétrolières, souligne
M. Crouzet : de – 30 % à – 35 % aux
Etats-Unis, de – 20 % à – 30 % en
Russie et – 15 % pour les compa-
gnies internationales, tandis que
les « capex » (pour capital expen-
ditures) des compagnies nationa-
les des pays producteurs reste-
ront plats.
Après cette période de déprime
des prix du brut, qui sera mar-
quée par d’importants regroupe-
ments dans les pétroles de schiste
aux Etats-Unis, le paysage sera
« plus structuré », espère-t-il. Mais
le prix du baril, divisé par deux
depuis juin 2014, ne remontera
pas à 100 dollars avant long-
temps. Et comme toutes les socié-
tés d’équipements et de services
parapétroliers, Vallourec doit dé-
sormais s’inscrire dans un nou-
veau cycle. p
jean-michel bezat
0123
JEUDI 26 FÉVRIER 2015
L’entreprise dit cependant être sent très discrètes. Aucun minis-
« consciente du fait que les plus tère, français ou néerlandais, n’a
éminentes agences d’espionnage, souhaité commenter ces révéla-
surtout lorsqu’elles font équipe, tions. Plusieurs députés euro-
possèdent des ressources et des ap- péens ont cependant demandé
puis juridiques qui dépassent de l’ouverture d’une enquête. L’euro-
loin les moyens à la disposition des député Jan Philipp Albrecht
pirates et autres organisations cri- (Verts), vice-président de la com-
minelles ordinaires ». Dans une mission des libertés civiles, esti-
phrase où chaque mot semble mait ce lundi dans un entretien
pesé, l’entreprise affirme rester au Monde que cette affaire avait
« préoccupée par le fait que des révélé « une faille importante de
autorités d’Etat aient pu lancer de l’Union européenne : un Etat mem-
telles opérations contre des socié- bre peut faire ce qu’il veut sous pré-
tés privées non coupables d’agisse- texte de sécurité nationale. C’est
ments suspects ». une guerre froide à l’intérieur de
Les réactions politiques sur ce l’UE ». p
dossier sont restées jusqu’à pré- damien leloup
+ 12 %
C’est la hausse du bénéfice net en 2014 d’Axa, qui a atteint 5,02 mil-
liards d’euros. Cette progression, annoncée mercredi 25 février, est due
notamment aux bons résultats de ses activités vie, épargne, retraite. Le
résultat opérationnel, qui traduit mieux l’activité récurrente du groupe,
atteint pour la première fois les 5 milliards d’euros, en hausse de 7 %
sur un an. Le chiffre d’affaires de l’assureur français augmente de 1 %,
à 92 milliards d’euros, tiré par toutes les lignes de métier. – (AFP.)
BAN QU E mier vol jeudi en banlieue de
Philippe Brassac va Montréal. D’une capacité de
prendre les rênes de 130 à 149 passagers, le CS300
Crédit agricole est présenté comme un appa-
Sans surprise, Philippe Bras- reil monocouloir consom-
sac, l’actuel secrétaire général mant 20 % de carburant de
de la Fédération nationale du moins que les appareils simi-
Crédit agricole (FNCA), va laires de la gamme.
prendre les rênes de l’entité
cotée du groupe, Crédit agri- R OBOT I QU E
cole SA, en remplacement de SoftBank monte à 95 %
Jean-Paul Chifflet dont le dans la société française
mandat s’achève en mai. Sa Aldebaran
nomination a été entérinée, Le groupe de télécommuni-
mardi 24 février, par le con- cations japonais SoftBank a
seil d’administration de CASA annoncé, mardi 24 février,
et sera effective à l’issue de une augmentation à 95 % de
l’assemblée générale du sa part dans la société de ro-
20 mai. Il proposera la nomi- botique française Aldebaran
nation de Xavier Musca, di- que va quitter son fondateur
recteur général délégué de et PDG, Bruno Maisonnier.
CASA, en tant que second di- Aldebaran Robotics a conçu
rigeant effectif. avec l’aide de SoftBank, entré
à son capital en 2012, le robot
AÉR ON AU T I QU E Pepper, après avoir créé seule
Premier vol du nouveau Nao, qui a séduit plusieurs
moyen-courrier de centres de recherche et entre-
Bombardier prises au Japon et dans des
L’avionneur canadien Bom- dizaines d’autres pays. L’en-
bardier a annoncé, mardi treprise française a aussi
24 février, que son dernier-né, donné naissance à un troi-
le CS300, avec lequel il en- sième robot appelé Romeo,
tend prendre des parts de « destiné à approfondir les re-
marché aux moyens-cour- cherches sur l’assistance aux
riers A 320 d’Airbus et 737 de personnes âgées ou en perte
Boeing, effectuera son pre- d’autonomie ».
0123
JEUDI 26 FÉVRIER 2015 idées | 7

VU D’AILLEURS | CHRONIQUE
par bar ry e iche ngr e e n e t b eat r ice w e de r di mauro

Faut-il avoir peur du « quantitative easing » ?

P artout dans le monde, les bi-
lans des banques centrales de-
viennent un sujet de préoccu-
pation. Lorsque la Banque nationale
suisse (SNB) a abandonné son taux de
change indexé, en janvier, provoquant
une envolée vertigineuse du franc
suisse, elle a semblé agir par peur de
subir des pertes sur ses bilans si elle
continuait à acheter des euros et
d’autres devises.
De même, les détracteurs de la déci-
sion de la Banque centrale euro-
péenne (BCE) de se lancer dans l’as-
souplissement quantitatif
(quantitative easing, ou QE) dans la
zone euro craignent que la BCE ne soit
dangereusement exposée à des pertes
sur les obligations d’Etat des pays du
sud de la zone euro. Cette crainte a in-
cité le conseil de la BCE à laisser 80 %
de ces achats d’obligations sur les bi-
lans des banques centrales nationales,
où ils seront sous la responsabilité des
gouvernements nationaux.
Aux Etats-Unis, le mouvement
« Audit the Fed » est de retour. Moti-
vés par la croissance des actifs et du
passif de la Réserve fédérale (la Fed,
banque centrale américaine), les répu-
blicains ont présenté des projets de loi
aux deux Chambres du Congrès afin
d’exiger que la Fed révèle plus d’infor-
mations sur ses opérations monétai-
res et financières.
Mais les banques centrales doivent-
elles vraiment s’inquiéter autant de
leur bilan ? Pour parler sans ambages,
la réponse est non.
Certes, les dirigeants des banques
centrales, comme tous les banquiers,
n’aiment pas les pertes. Mais les ban-
ques centrales ne sont pas, comme les
autres banques, axées sur le profit. El-
les sont des agences qui recherchent le
bien public. Leur première responsa-
bilité consiste à atteindre leur objectif
d’inflation. La deuxième est d’aider à
combler les écarts de croissance. La
troisième est d’assurer la stabilité fi-
nancière. Les considérations de bilan
se classent, au mieux, à une lointaine
quatrième place dans la liste des ob-
jectifs pertinents pour une politique
monétaire.
Une compréhension claire de leurs
priorités a souvent incité les banques
centrales à subir des pertes, lorsque
c’est le prix à payer pour éviter la dé-
flation ou pour empêcher le taux de
change d’être surévalué. Les banques
centrales chilienne, tchèque et israé-
lienne, par exemple, ont fonctionné
avec un capital net négatif pendant
des périodes prolongées sans mettre à
mal leur politique.
MOTIVATION POLITIQUE
La raison pour laquelle des consé-
quences préjudiciables ne s’ensuivent
pas nécessairement est que la banque
centrale peut simplement demander
au gouvernement de renflouer son ca-
pital. Certes, tout le monde préfère
que les capitaux circulent dans l’autre
sens. Mais le rôle de la banque cen-
trale n’est pas d’être un centre de pro-
fit, surtout quand ces bénéfices se
font au détriment d’autres objectifs
politiques plus importants.
Pourquoi, alors, les dirigeants de la
SNB ont-ils abandonné leur mandat
de poursuite de stabilité des prix et de
stabilité financière en permettant une
hausse du franc suisse qui risque de
plonger l’économie suisse dans la ré-
cession et la déflation ?
Leur motivation a été semble-t-il en-
tièrement politique. En 2014, la SNB a
été entraînée dans un débat tendu
autour du référendum sur une « ini-
tiative or » qui aurait exigé d’augmen-
ter ses réserves d’or à 20 % et limité sa
capacité à conduire la politique moné-
taire. Une justification de cette initia-
tive revenait à assurer le bilan de la
SNB contre les pertes. Cet objectif était
cher aux cantons, les Etats de la Confé-
dération suisse, qui s’appuient sur les
transferts de la SNB pour une part im-
portante de leur budget.
« L’initiative or » a certes été rejetée,
mais le débat politique a été traumati-
sant. En janvier, avec la dévalorisation
accélérée de l’euro, le débat s’est à nou-
veau envenimé. La crainte était que les
pertes au bilan de la SNB ne suscitent
la colère des dirigeants des cantons.
L’importance politique de la question
met en évidence les dangers d’un ar-
rangement qui empêche la SNB de se
consacrer entièrement à la stabilité
économique et à la stabilité des prix.
La solution évidente ne consiste donc
pas à abandonner l’indexation du
franc sur l’euro, mais à changer le mé-
canisme de financement des cantons.
La même critique s’applique aux
mécanismes de partage des pertes
éventuelles de la BCE. La priorité de la
BCE doit être d’éviter la déflation, pas
de protéger ses actionnaires. L’arran-
gement à 80/20 avec les banques cen-
trales a pu rendre le QE plus accepta-
ble à Berlin, mais il jette un doute sur
l’unité de la politique monétaire de la
zone euro. Dans un contexte où la
BCE cherche à « faire tout ce qui est en
son pouvoir » pour vaincre la défla-
tion, c’est une complication inutile.
Les dirigeants des banques centrales
entendent des louanges quand ils
font des bénéfices et des critiques
quand ils subissent des pertes. Ils de-
vraient avoir la sagesse d’ignorer les
unes comme les autres. A l’heure ac-
tuelle, ils ont des problèmes beau-
coup plus importants à traiter. p
© Project Syndicate, 2015.
www.project-syndicate.org
¶
Barry Eichengreen est professeur à
l’université de Californie, à Berkeley, et à
l’université de Cambridge (Royaume-Uni)
Beatrice Weder di Mauro
est professeur d’économie à l’université
de Mayence

Contre le gaspillage La charade diabolique de l’électricité

des énergies renouvelables La libre concurrence entre sources
En période
de sous-consommation,
entre mars et novembre,
l’électricité produite
par l’éolien et le solaire
est perdue. Cependant,
trielles, 7 % de leur chiffre d’affaires et
environ 100 000 emplois directs.
Leur consommation d’électricité, très
importante, représente de 5 % à 20 %
de leur chiffre d’affaires.
En raison de la réglementation
européenne, certaines d’entre elles
vont bientôt perdre leur tarif d’élec-
qu’elle sera redevenue nécessaire !
d’énergie aux caractéristiques techniques Une telle situation ne peut perdurer
sans conséquences majeures. Elle em-
et économiques variables menace pêche les investissements, qui néces-
la sécurité d’approvisionnement sitent d’avoir une visibilité suffisante
sur les prix ; elle menace la sécurité
d’approvisionnement. Elle nuit
même à la compétitivité des indus-
nucléaire, qui coûte cher en investis- tries européennes, car si les prix de
par colette lewiner
sement, mais pas en combustible ni gros de l’électricité ont baissé, les prix
en fonctionnement. de détail, eux, ont augmenté.

tricité historique, indispensable au
une solution existe maintien de leur compétitivité. Or,
pour la quasi-totalité d’entre elles, le
calendrier de production est flexible :
elle peut être concentrée entre mars
par emmanuel beaurepaire
et novembre, et les matières premiè-
res produites (métaux, produits chi-
M
on premier est une élec-
tricité que l’on ne sait
pas stocker massive-
ment. Mon deuxième
est une production partiellement vo-
latile. Mon troisième est une de-
mande qui fluctue en permanence.
Enfin, reste à arbitrer entre les cen-
trales au gaz et celles au charbon. Jus-
qu’à une période récente, le gaz l’em-
portait sur le charbon. Aujourd’hui,
cette hiérarchie est inversée pour
deux raisons. D’une part, le très faible
prix des droits d’émission de carbone
En effet, l’investissement, non pris
en compte dans le merit order, doit
bien être payé : c’est le consommateur
final qui s’en acquitte. Ainsi un indus-
triel allemand électro-intensif paye
deux fois plus cher son électricité que
son concurrent texan !

L
a France s’est engagée il y a
quelques années, en complé-
ment de son programme nu-
cléaire, sur la voie des éner-
gies renouvelables pour produire de
l’électricité. Mais le principal pro-
blème de l’énergie électrique – con-
trairement au pétrole, au gaz ou au
charbon – est qu’elle ne se stocke pas.
Or, d’ici à 2018, les producteurs d’élec-
tricité vont se retrouver avec 30 té-
rawattheures (TWh) par an d’excé-
dents d’électricité renouvelable sur
les neuf mois hors hiver, c’est-à-dire
entre mars et novembre. Soit tout de
même 6 % de la consommation fran-
çaise !
Cette énergie renouvelable ne trou-
vera pas preneur, car il n’y a pas de be-
soin avéré des utilisateurs en France,
en raison notamment de la baisse des
consommations industrielles. Les
pays limitrophes ne sont pas non plus
en capacité d’absorber ces excédents à
un prix intéressant. Toute cette éner-
gie sera donc quasi perdue… Faut-il,
dès lors, arrêter les énergies renouve-
lables ? Ce serait contraire aux engage-
ments de la France à baisser ses émis-
sions de CO2.
CALENDRIER FLEXIBLE
Il y a pourtant une solution pour utili-
ser dès aujourd’hui ces excédents.
Il existe en France plus de 500 en-
treprises industrielles, principale-
ment dans la chimie et l’électromé-
tallurgie, mais aussi dans l’agroali-
mentaire, le ciment, la sidérurgie ou
le papier-carton. Elles représentent
3 % du nombre des sociétés indus-
¶ Voici donc un modèle « gagnant-ga-
Emmanuel
Beaurepaire
est secrétaire
du Groupement des
flexi-consommateurs
industriels d’énergie
miques, ciment…) être stockées puis
vendues pendant la période hiver-
nale.
UN MODÈLE « GAGNANT-GAGNANT »
Nous, représentants de nombreuses
entreprises de ces secteurs, proposons
au gouvernement et aux parlementai-
res qui ont commencé à examiner le
projet de loi « relatif à la transition
énergétique pour une croissance
verte » d’allouer cette capacité excé-
dentaire (jusqu’à 6 GW) d’énergie re-
nouvelable à ces « flexi-consomma-
teurs » sur une période de quinze ans
à un prix compétitif au regard de la
concurrence internationale. Plus de
15 milliards d’euros ont été investis en-
tre 2008 et 2014 dans les énergies re-
nouvelables. Quel intérêt cela présen-
te-t-il si les industriels délocalisent
leur production dans des pays dont le
mix énergétique est très fortement
carboné ?
Le dispositif proposé ouvrirait les
énergies renouvelables à des entrepri-
ses industrielles par une politique at-
tractive de l’offre et leur permettrait
de redevenir compétitives vis-à-vis de
leurs concurrents mondiaux, qui bé-
néficient aujourd’hui de prix d’électri-
cité 20 % à 40 % moins élevés.
Deux conditions doivent néan-
moins être réunies pour garantir la
réussite d’un tel dispositif : d’une part,
l’effort de flexibilité des industriels de-
vra être vérifiable, ce qui implique un
encadrement du dispositif, par exem-
ple par la commission de régulation
de l’énergie ; d’autre part, les contrats
de fourniture devront être établis sur
une durée de quinze ans, afin de per-
mettre aux industriels d’investir for-
tement dans le dispositif.
gnant » qui permettrait d’utiliser les
excédents d’énergie renouvelable plu-
tôt que de les perdre inutilement, et de
maintenir et développer en France des
outils industriels performants et des
emplois. p
Mon tout est le casse-tête auquel doi-
vent répondre les opérateurs pour
réaliser à tout moment l’équilibre en-
tre l’offre et la demande, et fournir
l’électricité au meilleur prix, même au
plus fort des pics de consommation.
La réglementation européenne a lar-
gement sous-estimé ces contraintes
techniques et la crise économique. Elle
a ainsi créé des dysfonctionnements
importants du marché qui menacent
la sécurité d’approvisionnement.
Pour ajuster en permanence la pro-
duction à la demande, l’opérateur ap-
pelle au fur et à mesure de l’accroisse-
ment de la demande les différentes
centrales électriques dans l’ordre crois-
sant de leur coût (« merit order »). Il
considère que l’investissement dans la
construction de ces centrales est déjà
réalisé et il ne prend en compte que les
coûts du combustible et les coûts d’ex-
ploitation du producteur.
Dans ce merit order, les énergies re-
nouvelables arrivent en premier puis-
que leurs « combustibles », l’eau, le
vent, le soleil, sont gratuits. Mais com-
ment prévoir quand le vent va se lever
sur les parcs éoliens, ou quand les
nuages vont obscurcir le soleil ? Ces
aléas compliquent d’autant plus la
gestion de l’équilibre offre-demande
que les énergies renouvelables attei-
gnent une portion significative dans
la production électrique.
Dans le merit order vient ensuite le
LES CENTRALES AU GAZ
NE TOURNENT PLUS
ASSEZ POUR ÊTRE
RENTABLES ET FERMENT
EN GRAND NOMBRE
pénalise peu les centrales au charbon
par rapport à celles au gaz. D’autre
part, le ralentissement de la crois-
sance mondiale et le développement
du gaz de schiste aux Etats-Unis ont
engendré des excédents de charbon,
et donc des baisses de son prix.
Conséquence de ce renversement de
hiérarchie et du développement im-
portant des énergies renouvelables,
les centrales au gaz ne tournent plus
assez pour être rentables. Elles fer-
ment donc en grand nombre, ce qui
menace la sécurité d’approvisionne-
ment lors des pics de consommation,
car ces centrales sont aussi les plus ra-
pides à mettre en marche pour faire
face à la demande…
Cette situation aboutit à un phéno-
mène assez étonnant : des produc-
teurs préfèrent payer pour que leurs
centrales aient accès au réseau plutôt
que de les arrêter ! Ces prix négatifs
méritent une explication.
FREIN AUX INVESTISSEMENTS
Imaginons une situation où la con-
sommation est assez forte pour que
soient mobilisés tous les modes de
production, y compris le gaz. Mais
voilà que le vent se lève et que les éo-
liennes produisent massivement, ce
qui va conduire à arrêter les centrales
au gaz car la production est devenue
suffisante pour faire face à la de-
mande. Fort bien. Sauf que, si l’on ar-
rête les centrales au gaz à ce mo-
ment-là, on n’aura pas le temps de les
remettre en service lorsqu’on aura be-
soin d’elles en fin de journée, au mo-
ment de la pointe de consommation
et quand le soleil sera couché. Les en-
jeux sont majeurs, car les prix de gros
varient très rapidement dans des pro-
portions gigantesques, de 1 000 à
10 000 !
Voila pourquoi les opérateurs de
centrales au gaz vont jusqu’à payer
pour rester connectés au réseau et
être ainsi en mesure de vendre leur
énergie à meilleur prix plus tard, lors-
L’Union européenne et certains
pays membres ont révisé leurs dispo-
sitifs d’aides aux énergies renouvela-
bles pour lier progressivement leur
prix d’achat aux prix de marché, ce
qui, après tout, est normal pour des
technologies qui deviennent matures
et dont le coût baisse significative-
ment.
La baisse inattendue du prix du pé-
trole, qui a perdu la moitié de sa va-
leur en sept mois, a aussi eu une inci-
dence sur le marché de l’électricité.
Conjuguée à celle de l’euro, elle redon-
nera de la croissance économique à
l’Europe. La consommation d’électri-
cité devrait ainsi repartir, et les excé-
dents sur le marché des certificats de
droits d’émission devraient diminuer.
En conséquence, le prix de ces « droits
à polluer » devrait remonter, désavan-
tageant les centrales au charbon par
rapport à celles au gaz. Dans le sillage
des prix du pétrole, les prix du gaz
baissent et la compétitivité de ces cen-
trales s’améliore, ce qui contribuera
aussi à les maintenir en opération.
Sur le court terme, tous ces facteurs
concourent à gommer les dysfonc-
tionnements des marchés de l’électri-
cité : c’est une bonne nouvelle. Mais la
baisse des prix des énergies fossiles va
rendre moins compétitives les autres
formes d’énergie : les renouvelables,
le nucléaire et les négawatts (les éco-
nomies d’énergie). Ce n’est pas une
bonne nouvelle à moyen terme.
A long terme, il faudra continuer à
améliorer l’intégration des énergies
renouvelables sur le réseau en déve-
loppant les réseaux intelligents et en
investissant davantage dans des solu-
tions compétitives de stockage de
l’électricité. p
¶
Colette Lewiner
est experte du marché
mondial de l’énergie
chez Capgemini
8 | MÉDIAS&PIXELS
La lente
ascension
de la série FIFA
Le jeu vidéo a mis du temps
à s’imposer comme la référence en
matière de football sur consoles
suite de la première page
A première vue, la série des FIFA
est pourtant moins médiatique
qu’un dessin animé ou un tube
musical. Mais outre les soirs de Li-
gue des champions, où elle sert de
traditionnel digestif aux pizzas
englouties, la simulation de foot-
ball est extrêmement présente
sur Internet, où l’éditeur améri-
cain Electronic Arts (EA) publie
chaque semaine sur YouTube une
compilation des plus beaux buts
marqués par les utilisateurs. La
première livrée de l’édition 2015 a
été regardée plus de 1,8 million de
fois.
Reprenant une idée lancée par
son concurrent Konami avec PES
dans les années 2000, EA cha-
peaute également un champion-
nat de France officiel, constitué de
70 événements organisés en par-
tenariat avec six clubs majeurs de
Ligue 1. L’éditeur revendique
7 000 adhérents. Profitant du
vent de popularité de l’e-sport, sa
finale a même eu droit à une dif-
fusion en direct sur le site sportif
Lequipe.fr. Elle a été vue 50 000
fois.
FIFA n’est pas qu’un phéno-
mène d’e-sport. C’est aussi une
impressionnante machine à abat-
tre les cloisons entre réel et vir-
tuel. Grâce aux fonctions réseaux
des nouvelles machines, sa mou-
ture 2015 propose chaque se-
maine des affiches calquées sur le
calendrier officiel, des équipes
mises à jour en fonction des résul-
tats du week-end, et des joueurs
dont la forme évolue en fonction
de leur modèle.
Au point que les joueurs en sa-
vent autant sur la réalité que l’édi-
#votrejob : quand Twitter s’aventure
sur le terrain de Pôle emploi
Le réseau social a organisé, mardi 24 février, une journée de l’emploi
en France, en Allemagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni
T witter a inauguré, mardi
24 février, sa pre-
mière Journée de l’emploi.
L’opération, décidée il y a à peine
quelques semaines, s’est tenue
jusqu’au mercredi 25 février dans
plusieurs pays d’Europe : la
France, le Royaume-Uni, l’Allema-
gne et les Pays-Bas. Le principe est
simple : il s’agit de mettre en con-
tact de façon informelle les per-
sonnes en recherche d’emploi
avec les entreprises qui ont des
postes à pourvoir. Le tout grâce à
#votrejob, un hashtag – ou mot-
dièse en français – qui permet de
suivre les conversations et d’y
participer sur le réseau social. En-
treprises et particuliers étaient
ainsi appelés à proposer un poste,
à indiquer le début d’une campa-
gne de recrutement ou à postuler.
Pour une fois, ce n’est pas des
Etats-Unis que l’idée originale de
cette journée est arrivée, mais des
Pays-Bas. « Comme d’habitude
chez Twitter, les usages des inter-
nautes ont précédé l’initiative du
réseau social », explique Christo-
pher Abboud, porte-parole du site
en France. C’est en réalisant une
teur sur les comportements de
ses clients. « Nos statistiques nous
le disent, il y a deux pics de con-
nexion aux serveurs de FIFA, révé-
lait en octobre son producteur En-
rique Sebastian. Le dimanche et
les jours de Ligue des champions à
la mi-temps. »
Concours de circonstances
Pour Electronic Arts, c’est égale-
ment toute une économie de la
collecte de données. « Nous avons
des tonnes de données, ce qui est
très utile dans notre relation avec
les clubs qui veulent connaître
leurs supporters et savoir où ils se
trouvent. » Exemple : le jeu dé-
nombre 1,44 million de fans de
Manchester United, dont une im-
portante communauté en Califor-
nie, à la surprise des joueurs.
Ironie du sort, la série des FIFA a
mis des décennies à atteindre ce
niveau de reconnaissance. Deux,
exactement : son premier épi-
sode est sorti en 1993, et à l’épo-
que, il a fallu un concours de cir-
constances du calendrier sportif
pour convaincre l’éditeur améri-
cain de Madden et NHL, respecti-
vement une simulation de foot-
ball américain et de hockey sur
FIFA 15 abat
les cloisons entre
réel et virtuel :
chaque semaine
des affiches
calquées sur le
calendrier officiel
sont proposées
étude sur les usages de ses abon-
nés que la filiale hollandaise du
groupe s’est rendu compte qu’un
nombre significatif d’internautes
utilisaient Twitter pour chercher
un travail.
L’expression néerlandaise pour
« recherche d’emploi » est le hash-
tag dont l’occurrence a connu la
plus forte croissance ces derniè-
res années. « Ils ont alors décidé
d’institutionnaliser le phénomène
avec une journée choisie au hasard
du calendrier et nous en ont parlé.
On s’est dit, de même que les Bri-
tanniques et les Allemands, qu’on
ne pouvait pas rater ça ! », se sou-
vient M. Abboud.
Veille « professionnelle »
D’autant qu’en France, les équipes
de Twitter assistent au même
phénomène. Lors d’un sondage
réalisé en 2014, elles se rendent
compte que 40 % des utilisateurs
ont un usage professionnel de la
plateforme. Un tiers d’entre eux a
déjà vu et ou partagé une offre
d’emploi. Beaucoup admettent se
servir du réseau social pour faire
de la veille dans le domaine.
0123
JEUDI 26 FÉVRIER 2015
Le jeu vidéo FIFA 15 a été le
produit culturel le plus vendu
en 2014. EA SPORTS
glace, de s’intéresser à un sport d’un jeu de football assez léger, leur lente ascension vers le succès inversé, et dans l’ombre de Call of
aussi européen. Pro Evolution Soccer s’impose lors d’une conférence à Paris en Duty, jeu le plus médiatique et le
« Le jeu s’appelait FIFA Interna- comme la référence absolue en novembre 2014. plus vendu de la période, FIFA voit
tional Soccer, mais chez Electronic matière de réalisme footballisti- Lorsqu’en 2005, Sony com- sa communauté chaque année
Arts, en interne, les gens ne sa- que. mence à distribuer les premiers s’agrandir un peu plus.
vaient même pas ce que c’était que Sur PlayStation 2, au milieu des prototypes de PlayStation 3, EA Tombé à moins de 300 000
la FIFA, confie au Monde Marc années 2000, il devient même un décide de changer de stratégie. en 2013, PES est la principale vic-
Aubanel, producteur de la série de phénomène commercial capable « On s’est demandé quel était l’ave- time de ce phénomène commer-
ses débuts jusqu’en 2006. Ceci de s’écouler à 1,6 million d’unités nir de la série. On s’est dit que ce se- cial. Chez EA, Sebastian Enrique se
étant, personne n’avait encore rien qu’en France, pour l’épisode rait le onze contre onze en ligne », veut beau joueur – et taquin.
acheté leur licence et ils prépa- 6. PES 5 et surtout PES 6 en 2006 témoigne M. Enrique. « J’espère vraiment que PES réus-
raient l’organisation de la Coupe réussissent même à s’imposer Et c’est avec FIFA 11 que l’équipe sira son retour, ose même le pro-
du monde de 1994 aux Etats-Unis, comme les produits culturels les canadienne réussi enfin son pari. ducteur argentin. Ça me permet-
alors les responsables d’EA se sont plus vendeurs en France, en chif- « Nous sommes arrivés à notre tra de demander des effectifs sup-
dit : “Pourquoi pas ?”. » A sa sortie, fre d’affaires, devant les films et li- idée de départ, le onze contre onze, plémentaires pour faire un jeu en-
le premier épisode est très remar- vres Harry Potter. La série d’EA, en introduisant le gardien. On sa- core meilleur. » En attendant, oyez
qué en Europe, avec son ambiance elle, vit dans son ombre. « FIFA 07 vait que peu de gens le joueraient, olives, huile piquante et parme-
réaliste, ses nombreux cham- était catastrophique », juge même mais ça a été un succès », se félicite san : la seconde mi-temps du
pionnats et ses statistiques Sebastian Enrique, le producteur le producteur. Le rapport de for- match peut commencer. p
fouillées qui feront l’identité de la argentin des FIFA, venu raconter ces avec PES s’est complètement william audureau
série.
FIFA commence à prendre de
l’importance dans la seconde
moitié des années 1990, sur
PlayStation. David Ginola puis
Thierry Henry prêtent leur image
à la marque. Mais tandis que cer-
tains au sein de l’équipe militent
pour s’orienter vers plus de simu-
lation, le producteur de l’époque
défend une approche plus décom-
plexée du football. Certains épiso-
des permettent même de plonger
pour obtenir une faute, ce qui
vaudra à l’équipe un coup de télé-
phone furieux de la FIFA. Pendant
que les équipes d’Electronic Arts
Vancouver maintiennent le cap
« Nous savons qu’il y a des deman-
deurs d’emploi d’un côté et des
postes non pourvus de l’autre. On
s’est dit qu’il fallait mettre en con-
tact ces personnes », indique
M. Abboud.
Résultat, 150 entreprises ont ré-
pondu à l’appel dans toute l’Eu-
rope, et une cinquantaine en
France. Parmi elles : GDF-Suez,
Carrefour, BNP Paribas ou encore
Crédit agricole. Même les institu-
tions publiques comme l’armée
de terre s’y sont mises. Certaines
ont même acheté des tweets spon-
sorisés, ces messages qui s’affi-
chent sur le fil d’un utilisateur qui
n’est pas forcément abonné au
compte de l’entreprise, pour
mieux cibler leur message. De son
côté Pôle emploi a activement uti-
lisé le hashtag toute la journée,
donnant des renseignements et
des indications pratiques à ses
« followers ». Les plateformes pri-
vées spécialisées comme Monster
ou Adecco y ont participé. Mer-
credi matin, le 25 février, plus de
70 000 tweets avaient été échan-
gés dont 32 000 en France. p
sarah belouezzane