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COMMUNICATION

BĀMIYĀN (AFGHANISTAN)
RÉCENTES FOUILLES FRANCAISES (2002-2006)
PAR LA MISSION Z. TARZI,
PAR M. ZÉMARYALAÏ TARZI

Personne n’a aussi bien décrit qu’Alfred Foucher les raisons du


choix de Bāmiyān comme centre important du bouddhisme dans un
lieu aussi retiré au cœur de l’Hindukoš1. Voici ce qu’il écrit :
« Comme au temps de Xuanzang, on ne peut faire qu’au printemps les
semailles de blé et d’orge, et le sol ne produit que peu de fleurs et de
fruits. Ni vignes ni mûriers : seuls les saules et les peupliers poussent. La
grande ressource locale est toujours constituée par les troupeaux. Il serait
absolument incompréhensible qu’une vallée aussi exiguë et déshéritée ait
jamais pu nourrir un millier de moines mendiants et éblouir les yeux par
la richesse de ses fondations religieuses, si l’on ne se souvenait qu’elle se
trouvait sur la grande route entre l’Inde et la Haute-Asie. Assurément il
faut prendre en considération la piété exceptionnelle dont faisaient preuve
ses habitants, leur roi en tête, et qui leur valut les éloges de Xuanzang ;
mais, selon toute vraisemblance, c’est la dévotion des gros marchands de
passage, désireux d’intéresser les esprits au succès de leurs affaires, qui
avait fourni l’argent nécessaire à l’organisation, sinon à la construction des
“dix couvents” et à l’exécution des grandes images dont s’enorgueillissait
la vallée. De toutes manières le constant va-et-vient des caravanes faisait
la richesse du pays.

Ces considérations économiques, pour exactes que nous les croyons,


n’apportent d’ailleurs qu’une demi-solution au problème. Les caravanes
ne passaient pas qu’à Bâmiyân ; pourquoi les pieuses magnificences dont
les débris nous étonnent encore sont-elles justement écloses à cette étape
de la longue route ? C’est ici qu’il faut faire intervenir plusieurs raisons
d’ordre géographique, de plus en plus probantes. La moins convaincante
de toutes, bien qu’elle ne soit pas sans valeur, est que, par la vieille route,
Bâmiyân se trouvait à peu près à mi-chemin entre Bactres et Peshawar.
En second lieu, il était alors comme aujourd’hui possible de s’y réappro-
visionner et de s’y réparer, en y prolongeant à loisir la halte… Mais la

1. Il s’agit d’une lettre sous forme de rapport adressée en date du 30 décembre 1922 depuis
Kaboul au président de la Société asiatique É. Senart. Elle fut publiée par ce dernier dans la rubrique
« correspondance » du Journal asiatique 202 (janvier-mars 1923), p. 354-368.

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raison décisive que nous cherchons nous est fournie, ici comme dans le
reste de l’Asie bouddhique, par une particularité topographique locale.
De même que celles d’Ajantā et d’Ellora dans l’Inde, de même que celles
de Yun-kang et du Long-men en Chine… les grottes et les images rupes-
tres de Bâmiyân doivent avant tout leur création à la présence de falaises
éminemment propices à ce genre de travail… »

A. Foucher croyait que l’ancien couvent « bâti par un ancien roi »


(abrégé conventionnellement en MR), dont les ruines sont à identifier
sous l’immense éboulis au pied de la grande falaise, à mi-distance
entre les niches des grandes statues des Buddha de 55 m et 38 m,
avait été construit du temps du célèbre roi kušan Kaniška au Ier siècle
ap. J.-C. C’est sans doute pour cette raison que l’archéologue fran-
çais place la paisible vallée sur la vieille route de l’Inde de Bactres à
Taxila. Sur cette première période de Bāmiyān nos fouilles, malgré
la découverte d’une pièce gréco-bactrienne en bronze d’Hélioclès
(seconde moitié du IIe siècle av. J.-C.), dans un contexte stratigra-
phique d’ailleurs bien plus récent, n’ont pas pu satisfaire notre
curiosité scientifique, mais la découverte d’une pièce indienne du
type de la colline à trois arches des IIe-IIIe siècles ap. J.-C. fournit une
date, ne serait-ce que provisoirement, à la couche la plus ancienne
du Monastère oriental (MO). En revanche la période qui fut celle
d’une grande restauration du site avec la mise en œuvre de très
grands projets comme la construction de la grande statue du Buddha
de 55 m, du grand Buddha assis du groupe H et de bien d’autres,
ainsi que de la plupart des monuments du MO débute au VIe siècle
ap. J.-C seulement.
Si A. Foucher s’était rendu sur les lieux à la fin du printemps
ou en été, il aurait changé d’opinion sur l’étendue des champs
cultivés non seulement de la vallée « exiguë » de Bāmiyān, mais
de l’ensemble du bassin avec ses vallées adjacentes telles celle de
Kakrak, de Xwāja Ġār, de Folādi. J. Humlum, dans son beau livre
sur la géographie de l’Afghanistan, fait de la plaine de Bāmiyān
dans l’Hindukoš central une des hautes vallées les mieux cultivées
de l’Afghanistan2. Le royaume de Bāmiyān ne se contentait pas de la
richesse de la vallée du même nom mais y ajoutait celle des régions
avoisinantes telles Shebar, Kahmard, Saïġān, Yakaolang, Panjāb

2. J. Humlum, La géographie de l’Afghanistan, étude d’un pays aride avec des chapitres de
M. Koie et K. Ferdinand, Helsinki, 1959, p. 176, sous fig. 176.

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et Waras et des contrées plus éloignées du royaume telles Bāxtar


Zamin (la Bactriane), le Kāpisa, le Zabolestān (région de Ġazni) et
Bādġes, tout comme le célèbre comptoir de Kaboul dans la basse
Antiquité afghane satisfaisait aux exigences des régions du grand
Kabolestān. On peut penser raisonnablement à propos de Bāmiyān
qu’elle avait, en plus de l’agriculture et de l’élevage, d’autres
ressources qui firent que la cité devint si opulente qu’elle put faire
creuser et aménager 12 000 grottes3, la plupart d’entre elles peintes
et ornées de sculptures ou de décors en relief. La contribution de
riches marchands dans ce cas précis ne suffisant pas, il faut penser
à la présence permanente d’une communauté de laïcs et aussi de
celle d’un très grand centre artistique composés de peintres et de
modeleurs, d’orfèvres, de potiers, de verriers, etc. Notre jugement
sur les ressources de Bāmiyān est faussé par le hiatus mongol qui
appauvrit Bāmiyān, laissant son paysage mutilé : sinon comment
expliquer l’implantation à cet endroit de la capitale ghuride, grande
comme la moitié de Bactres, alors même que le bouddhisme avait
disparu au IXe siècle ap. J.-C. de la vallée des grands Buddha et
que, malgré quelques sursauts de résistance, il avait été rayé à tout
jamais de la carte de la région bien avant le XIIe siècle ap. J.-C. Le
pouvoir ghuride de Bāmiyān ne pouvait se contenter non plus de
l’importante position géographique de sa capitale située sur une
grande voie commerciale. Il faut penser qu’en dehors des troupeaux
et de l’élevage de chevaux, la ville complétait ses ressources grâce
à l’artisanat local très actif de la métallurgie, de la verrerie, de la
poterie, du tissage. Nos fouilles ont en effet montré que la verrerie
et la poterie furent très largement répandues dans la vallée ; sans
parler des cités musulmanes, toute la région autour de Bāmiyān
participait à la prospérité locale. De ce point de vue notre vision des
richesses économiques de Bāmiyān diffère sensiblement de celle
d’A. Foucher.

3. Chiffre donné par Abul Fazel ‘Allami dans Ā’ine Akbari (traduction Blockmann, 1872) :
cf. notre propre traduction avec commentaires : Z. Tarzi, « Les fouilles de la mission archéologique
française à Bâmiyân sous la direction de Z. Tarzi », dans V. Marigot (éd.), L’art d’Afghanistan de la
Préhistoire à nos jours, nouvelles données. Actes d’une journée d’étude, UNESCO, 11 mars 2005,
CEREDAF, Paris, 2005, p. 99-101.

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Explorations et recherches

Dans le contexte de cette communication nous abordons unique-


ment les phases de recherches sur les antiquités de la vallée de Bāmiyān
depuis le début du XIXe siècle jusqu’à nos jours essentiellement sur
les fouilles archéologiques effectuées.

PHASE I

La première est celle des pionniers, des amateurs avisés, des explo-
rateurs soucieux de mettre au courant le monde occidental du patri-
moine inconnu des étapes de son expansion vers l’Asie profonde.
La plupart des explorateurs furent des Britanniques auxquels se sont
mêlés d’autres occidentaux. Parmi ces pionniers, le capitaine Hay
qui en 18404 procéda à une fouille « accidentelle » et découvrit des
pièces de monnaie gréco-bactriennes, qui par la suite furent étudiées
par Sir A. Cunningham5 et aussi par H. Torrens6. La découverte en
question fut tardivement signalée par M. Mitchener7. Enfin, pour en
finir avec la première phase de l’exploration des sites de Bāmiyān,
on n’oubliera pas de mentionner l’ouvrage de W. Griffith8, où il est
question d’un stūpa de Bāmiyān bâti en argile et en pierre et de la
découverte d’un relief (?).

PHASE II

La seconde étape, véritablement scientifique, celle-là, de la


recherche, commence avec la visite en 1922 à Bāmiyān d’A. Foucher
en 19229, le premier directeur de la DAFA. Ce dernier laissa à
A. Godard, avec qui il avait travaillé à Hadda et à qui il avait égale-
ment confié la recherche archéologique sur l’ancienne Kaboul – la
zone méridionale de la capitale afghane, le long de la Logar –, le soin

4. W. Hay, « Account of coins at Bameean », JASB 9 (1840), p. 68-70.


5. A. Cunningham, « Notice on some counterfeit Bactrian Coins », JASB 9 (1840), p. 393-396 ;
Id., « Notes on Captain Hay’s Bactrian Coins », ibid., p. 531-545 ; Id., « Second Notice of some new
Bactrian Coins », JASB 11 (1842), p. 130-137.
6. H. Torrens, « Note on Bameean Coins », JASB 9 (1840), p. 70-75.
7. M. Mitchiner, Indo-Greek and Indo-Scythian Coinage 5, Londres, 1975 : Hélioclès Ier,
type 284 k (Bamian), p. 160, et type 285 d (Bamian), p. 161. O. Bopearachchi, Monnaies gréco-
bactriennes et indo-grecques, Bibliothèque nationale de France, Paris, 1991, p. 222-225, pl. 24,
série 1, 1-5, pl. 35, série 1 (suite),nos 6-17, pl. 26, série 2, nos 18-22, date Hélioclès Ier de 145 à
130 av. J.-C.
8. W. Griffith, Journal of Travels in Assam, Burma, Afghanistan and Neighbouring countries,
textes réunis par J.M. Clelland, Londres, 1879.
9. Voir n. 1.

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de mener la première enquête archéologique à Bāmiyān. J. Hackin


fut associé à l’équipe d’A. Godard. Le résultat de leur labeur, fort
méritoire vu la faiblesse des moyens matériels dont disposaient les
archéologues français, forma le tome II des Mémoires de la DAFA10.
Le second tome de la nouvelle recherche française à Bāmiyān fut
l’œuvre de J. Hackin, le nouveau directeur des fouilles, de son
épouse et de l’architecte de la mission, l’infatigable J. Carl11. C’est
dans cet ouvrage qu’il est question de la première véritable fouille
française à Bāmiyān, mais il ne s’agit encore que d’une modeste
fouille de sauvetage effectuée dans la grotte à coupole sur trompes
d’angle, en partie écroulée, située à l’est de la niche du Buddha de
38 m, désignée par la lettre G.
Le premier sondage français effectué en 1930 dans une ruine à
ciel ouvert à Bāmiyān est à mettre à l’actif de J. Hackin sur le site de
Ġolġola. Il n’en publia qu’une poterie en 193212. Mais l’ensemble
de la céramique de Ġolġola, surtout celle de la période musul-
mane provenant des fouilles clandestines, fut étudiée plus tard par
J.-C. Gardin13.

PHASE III

La troisième phase de recherches à Bāmiyān est jalonnée d’une


série d’activités mixtes durant les années 1960 et 1970 : en 1951
sondages de F.R. Allchin et Codrington, lors de leur prospec-
tion archéologique de Bāmiyān et du Sorxāb, sur le site de Šahre
Zohāk14 ; en juillet 1965 fouilles de P. Bernard, successeur de
D. Schlumberger à la direction de la DAFA sur ce même site de Šahre
Zokāk, visant à améliorer la compréhension de la fin de la période
préislamique et du début de l’époque musulmane, période charnière
étudiée plus tard par M. Le Berre15, J.-Cl. Gardin et B. Lyonnet16 et

10. A. Godard, Y. Godard et J. Hackin, Les antiquités bouddhiques de Bāmiyān, Mémoires de


la DAFA II, Paris, 1928.
11. J. Hackin (avec la collaboration de J. Carl), Nouvelles recherches archéologiques à Bāmiyān,
Mémoires de la DAFA III, Paris, 1933.
12. J. Hackin, « Les dernières trouvailles d’Afghanistan (1930) », dans Études d’orientalisme
publiées par le Musée Guimet à la mémoire de R. Linossier, Paris, 1932, vol. 2, p. 290-291, pl. 39.
13. J.-Cl. Gardin, « Poterie de Bamiyan », Ars Orientalis 1955, 2, p. 227-245.
14. W. Ball, Archaeological Gazetteer of Afghanistan 2, p. 391.
15. M. Le Berre, Les monuments pré-islamiques de l’Hindukush central, Mémoires de la DAFA
XXIV, Paris, 1987.
16. J.-Cl. Gardin et B. Lyonnet, « Céramique et chronologie des monuments de l’Hindukush
central », dans Le Berre, op. cit. (n. 15), p. 97-120.

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P.H.B. Baker17 ; fouille de l’avant-bras droit de la statue du Buddha


de 38 par Sh. Mostamand, G. Fussman18 et les travaux de Z. Tarzi
sur l’avant-bras gauche de la même statue du Buddha et sur les pieds
de la statue du Buddha de Kakrak19.

Prospections, recherches et fouilles récentes

Depuis 2002 date de la reprise des activités archéologiques après


une vingtaine d’années d’interruption due à la guerre civile, trois
missions sont chargées de l’étude du patrimoine archéologique de
Bāmiyān.
1. La première, la nôtre (Mission Z. Tarzi, désormais MZT dans
le texte), active sans interruption depuis 2002, procède à la prospec-
tion et aux fouilles des sites archéologiques de Bāmiyān. Elle est
subventionnée par le Ministère des Affaires étrangères (MAE) avec
comme partenaire la National Geographic Society (NGS).
2. La mission japonaise de « The National Research Institute of
Cultural Properties » et « Japan Center for International Cooperation
in Conservation National Research Institute for Cultural Properties »,
subventionnée par le gouvernement nippon, a la lourde tâche de faire
la cartographie, la prospection électromagnétique et des fouilles ;
de plus elle procède à l’inventaire et à la sauvegarde de la peinture
murale des grottes de Bāmiyān, La mission, mise sur pied en 2003,
est supervisée par l’UNESCO (The UNESCO/Japanese Funds-in-
Trust Project « Safeguarding of the Bamiyan Site »)20.

17. P.H.B. Baker et F.R. Allchin, Shahr-i Zohak and the History of the Bamiyan Valley,
Afghanistan, Ancient India and Iran Trust Series n° 1 (BAR International Series 570), Oxford,
1991.
18. G. Fussman, « Nouvelle découverte à Bamiyan », Afghanistan XXVII,2 (1974),
p. 57-78 ; il s’agit du rapport de la Direction générale de l’Archéologie et de la Conservation
des Monuments historiques du Ministère de l’Information et de la Culture sous la plume de
Sh. Mostamandi, avec le concours de G. Fussman, mais pour des raisons politiques le nom de
l’auteur a été censuré.
19. Documentations de fouilles retrouvées qui seront publiées dans les Mélanges Tarzi en
2009.
20. 1 : Protecting the World Heritage Site of Bamiyan, Key Issues for the Establishment of a
Comprehensive Management Plan 2004 – Japan Center for International Cooperation in Conser-
vation National Research Institute for Cultural Properties, Japan – The UNESCO/Japanese
Funds-in-Trust Project ‘Safeguarding of the Bamiyan Site’, Tokyo, 2004 ; 2 : Preserving Bamiyan,
Proceeding of the International Symposium « Protectecting the World Heritage Site of Bamiyan »,
Tokyo, 21 December 2004 – Recent Cutural Heritages Issues in Afghanistan, volume 1 – Japan
Center for International Cooperation in Conservation National Research Institute for Cultural
Properties, Japan, Tokyo, 2005 ; 3 : Radiocarbon Dating of the Bamiyan Mural Painting, – Recent
Cutural Heritages Issues in Afghanistan, volume 2 – Japan Center for International Cooperation
in Conservation National Research Institute for Cultural Properties, Japan, National University

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3. Une mission mixte, essentiellement composée d’experts alle-


mands, patronnée par l’ICOMOS, dont le responsable en chef est
M. Petzet, est chargée de la restauration des deux statues du Buddha
de 55 m et 38 m détruites par les taliban. Elle a la très difficile
responsabilité de procéder à l’anastylose des blocs du conglomérat
provenant de l’explosion des deux colosses et qui, de surcroît, n’ont
aucune forme géométrique précise21.
4. La mission mixte de l’UNESCO sous la direction du professeur
Janssen, composée d’experts japonais et allemands est chargée du
Master plan de Bamiyan22.

LA MISSION Z. TARZI (MZT)23

C’est la première mission archéologique qui fouille les vestiges


bouddhiques ensevelis, c’est-à-dire les ruines enterrées des monas-
tères appartenant à l’architecture bâtie à l’air libre. Les travaux de la
mission ont débuté en été 2002, dans des circonstances inhabituelles,
avant la réouverture de la DAFA, avec comme but de découvrir le
grand Buddha couché de mille pieds de longueur. Depuis 2003 nos
fouilles progressent tant bien que mal, puisque nous fouillons dans
les champs cultivés appartenant à des propriétaires terriens ou à leurs
paysans. De ce fait la location des terrains et l’achat des récoltes
épuisent notre budget.

Corporation, Nagoya University Museum, Tokyo, 2006 ; 4 : Study of the Afghanistan’s Displaced
Cultural Properties, Materials and Techniques of the Bamiyan Mural Paintings – Recent Cutural
Heritages Issues in Afghanistan, volume 3 – Japan Center for International Cooperation in Conser-
vation National Research Institute for Cultural Properties, Japan, National University Corporation,
Tokyo National University of Fine Arts and Music, Tokyo, 2006.
21. Ibid., 1 et 2.
22. Ibid., 1 et Protecting the World Heritage Site of Bamiyan, The cultural Landscape and
Archaeological Remains of Bamiyan Valley, Management Plan 2006 (Part 3, Management and
Planing Issues for the Protection of the Site ; Part 4, Programme for Action: Action plan for 2006-
2011) – The UNESCO/Japanese Funds-in-Trust Project ‘Safeguarding of the Bamiyan Site’ – Draft
prepared by Japan Centerr for International Cooperation National Research Institute for Cultural
Properties, Japan, (Tokyo, 2006).
23. Ibid. 1 : Z. Tarzi, « Archaeological Excavation by the French Team », p. 42-44 ; ibid. 2 : Id.,
« Investigation archéologique récente par l’équipe française sur le site de Bamiyan », p. 105-110 ;
Id., « Bamiyan: Professor Tarzi’s Survey and Excavation Archaeological Mission, 2003 », The Silk
Road, I, 2 (décembre 2003), p. 37-39 ; Id., « Les fouilles de la mission archéologique française à
Bâmiyân sous la direction de Z. Tarzi », dans Marigot (éd.), op. cit. (n. 3) ; Id., « Bamiyan 2006 :
The Fith Excavation Campaign of Prof. Tarzi’s Mission », The Silk Road 4, 2 (hiver 2006-2007),
p. 10-26.

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La prospection du « Monastère oriental (MO) » (fig. 1)

L’identification sur le terrain et la prospection qui devait s’ensuivre


du MO qui se trouvait, selon Xuanzang, à 2 ou 3 li à l’est de la ville
royale, c’est-à-dire de la capitale de la principauté de Bāmiyān, où
nous fouillons depuis 2002, avaient été proposées par nous dès les
années 1970. Tout était prêt, le budget, l’expropriation des terrains
sauf l’imprévu, le coup d’État pro-soviétique de Taraki de 1978, qui
stoppa net notre entreprise. Privé de l’espoir de reprendre un jour la
truelle en main à Bāmiyān, nous avons dû quitter notre pays natal
et venir en France où nous avons été convié au Musée Guimet par
J.-Fr. Jarrige à donner une conférence faisant état de notre découverte
du site MO et de notre recherche inachevée.
En quoi consistait notre méthode de prospection ? C’était un
cocktail de toponymie, de topographie, d’archivage, d’hydrologie,
avec un soupçon de géologie et une foi sans faille en Xuanzang,
et puis un stūpa précisant l’emplacement d’un monastère. En effet,
d’après Xuanzang, il est question d’une ville royale ou d’une grande
capitale adossée à la montagne à l’ouest de la statue du grand Buddha
de 55 m. Mais le célèbre pèlerin chinois donne la direction de sa
visite à partir d’un point précis (PP) de la ville qui se trouvait au
sud-ouest du grand Buddha de 55 m (fig. 2). Ainsi on peut déduire
que la ville royale qui était en partie rupestre et en partie bâtie se
développait essentiellement d’est en ouest mais s’étendait aussi au
sud de la falaise. Ce point précis PP était-il l’emplacement du Palais
royal, celui d’un monument du culte – ce qui ne serait pas étonnant
de la part d’un pèlerin zélé –, ou s’agissait-il de la porte orientale de
la ville, ce qui nous semble encore plus logique, puisque Xuanzang
sortit de la ville en direction de l’Orient ? Mais pour que notre
démonstration soit plausible il nous incombe de résumer le récit de
Xuanzang sans reprendre intégralement la traduction. La meilleure
est celle de P. Pelliot24 dans laquelle le pèlerin dit : « Au Nord-Est
de la ville royale, à flanc de montagne, il y a une statue en pierre du
Buddha debout ; elle est haute de 140 à 150 pieds… » De ce fait, en
inversant les données concernant le Buddha de 55 m, le PP devrait
se trouver dans la partie bâtie de la ville royale et au sud-ouest du
grand Buddha de 55 m. Après la visite de ce dernier,  le pèlerin se
dirigea vers l’est en direction d’« un k’ie-lan (sanghārāma) qui a

24. Godard – Godard – Hackin, op. cit. (n. 10), p. 80-81.

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FIG. 1. – Les sites archéologiques situés au pied de la grande falaise de Bāmiyān ; d’est
en ouest : MO (Monastère oriental) ; MR (Monastère du roi précédent) ; VR (Ville
royale).

FIG. 2. – Plan de situation de la vallée de Bāmiyān montrant les itinéraires de la visite de


Xuanzang à partir d’un point précis (PP) de la Ville royale (VR).

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été fondé par un roi précédent de ce pays ». À l’est de ce dernier,


« il y a une statue debout de Che-Kia (Śākyamuni), en t’eou-che,
haute de plus de cent pieds… » Il s’agit très vraisemblablement de la
statue du Buddha de 38 m, sur le revêtement duquel il y a divergence
d’opinion entre les spécialistes25. Xuanzang ne continue pas sa visite
au-delà de ce dernier Buddha (de 38 m) mais revient à la ville royale,
et, sans doute lors du dernier jour de sa visite, il écrit :

« À deux ou trois li à l’est de la ville [royale], dans un k’ie-lan (sanghārāma),
il y a une statue couchée du Buddha qui  entre dans le nirvāņa, longue de
plus de mille pieds. C’est dans ce sanghārāma que le roi du [pays] orga-
nise à chaque fois la grande assemblée de wou-tcho (moksa)… À partir du
k’ie-lan (sanghārāma) du Buddha couché, en marchant au sud-est plus de
200 li, on franchit les Montagnes neigeuses, et on arrive à l’est à une petite
vallée. »

Dans ce récit, ce qui est à cent pour cent sûr, la statue du Buddha
de 55 m, répond parfaitement à la description de Xuanzang. Si
l’emplacement du Buddha de 38 m, qui représente Śākyamuni, ne
pose apparemment pas de problème, en revanche les spécialistes
de Bāmiyān ne sont pas unanimes sur la façon dont la statue a été
faite. Revenons à la ville royale et partons du principe qu’une ligne
droite reliait le nord-est (le Buddha de 55 m) et le sud- ouest de la
ville royale (VR). Elle était recoupée par la ligne venant de l’unique
grand stūpa (GS) du site MO, qui se trouve au pied de la falaise, au
sud est de la niche du Buddha de 38 m. La distance entre le stūpa
GS et le point de l’intersection qui doit se confondre avec le point
PP (le point zéro de Xuanzang) est, d’une façon qui n’est sans doute
pas fortuite, de 2 à 3 li.
Je remarquai que les alluvions provenant de l’usure de la grande
falaise formait tout au long de celle-ci des cônes de déjection qui
presque tous se déversaient vers le sud, sauf au niveau du Grand
stūpa où le terrain remonte légèrement, sans doute en raison d’un
obstacle enterré appartenant à une grande construction presque
parallèle à la falaise. C’est cet endroit que nous avons supposé être
l’emplacement du Monastère oriental près du Grand stūpa auquel
il est rattaché. Reste à savoir si c’est dans ce monastère (MO) que
nous devrions exhumer les restes monumentaux du Buddha couché

25. Z. Tarzi, L’architecture et le décor rupestre des grottes de Bāmiyān, Paris, 1977,
p. 103-105.

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de mille pieds ou dans le site près de la ville de Ġolġola où fouillent


les collègues japonais. L’avenir nous le dira.

Le Monastère oriental (MO) (fig. 3)

En raison des difficultés dues à la présence des champs cultivés


et des maisons, nos chantiers ne pourront jamais être reliés entre
eux. À ces inconvénients s’ajoute le mauvais état de conservation
des vestiges enterrés qui ont subi plusieurs facteurs de ruine et de
dégradation. L’incendie et la destruction finale du site sont vrai-
semblablement l’œuvre de Ycaqub ben Lays Safāri au IXe siècle
ap. J.-C., qui, comme à Hadda, Kaboul ou ailleurs, mit fin d’une
façon presque définitive à l’activité des monastères bouddhiques
de l’Afghanistan. Nous connaissons ses méthodes de pillage et de
destruction. Tout d’abord, il déposait, voire arrachait « les idoles
en or » dont quelques-unes furent envoyées à la cour abbasside de
Baghdad. Les effets de l’incendie de MO qui est également l’œuvre
de Ycaqub ben Lays Safāri en 871 ap. J.-C. sont particulièrement
nets : consumés par un feu violent, l’écrasement des chaînage des
murs, à savoir des madriers employés comme assises de réglage au
pied des murs et positionnés longitudinalement entre les fondations
de galets et la superstructure de pisé ou de briques crues, a provoqué
la chute des murs tout autour du stūpa n° 2 , lesquels se sont effon-
drés sur les statues debout sur leurs banquettes, détruisant également
les petits stūpa votifs en argile nos 3 et 5, 6 et 7.

Caitya I (ch. I) (fig. 4)

Ce complexe monastique CH I – un caitya – est une sorte de


grande chapelle cruciforme inscrite dans un plan plus ou moins
carré qui s’articule autour du stūpa n° 2. Ce grand caitya commu-
niquait à l’est avec la galerie A9 qui, elle-même, donnait accès à un
autre complexe du même genre CH II, au centre duquel se trouvait
le stūpa n° 4. Au nord, il communiquait avec d’autres galeries et
corridors. Au sud, il était délimité ou plutôt précédé d’un portique où
ont également été remarquées de fortes traces d’incendie.
Le caitya CH. I proprement dit est entouré sur ses quatre côtés
d’un mur « d’enceinte » de 2,15 m d’épaisseur (VI à l’E, X à l’O,
XI au N et IX au S), qui laissait la place aux angles à quatre cellules
bâties sur plan carré de 3,50 m de côté (1 au NO, 5 au NE, 13 au SO

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888 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

et 9 au SE). Un couloir courait d’une cellule à l’autre, toujours paral-


lèle au mur d’enceinte. Ces quatre cellules d’angle et les couloirs
correspondants étaient délimités du côté intérieur par d’énormes
massifs de maçonnerie, à l’instar des tours jumelées aux angles des
fortifications du Tall-i Takht fouillé par D. Stronach à Pasargades26 et
de la « Nouvelle ville royale » excavée par R. Ghirshman à Begram
dans le Kāpisā27. Ces massifs jumelés renforçaient également par
les angles la cour centrale du caitya. Il est à noter qu’au niveau des
massifs, le couloir fut rétréci par de larges pilastres en saillie sur
l’intérieur du mur d’enceinte. Les observations attentives faites au
niveau des sols des couloirs et des quatre cellules d’angles – absence
d’incendie et accumulation d’une terre très compacte – invitent à
penser que la couverture n’était pas en bois. Dans ce cas, on peut
envisager une voûte en berceau par tranche inclinée pour les couloirs
et une coupole, vraisemblablement sur trompes d’angles, pour les
quatre cellules. Quant à la cour centrale CC sur plan presque carré,
elle mesurait 9,50 m de côté. Son centre était occupé par le stūpa 2,
également sur plan carré, de 5,25 m de côté. Ainsi le chemin de
circumambulation (pradaksinapātha) ne dépassait guère 2,20 m de
largeur ; son sol a fait l’objet de plusieurs aménagements successifs.
C’est à la dernière phase de la cour que correspond la construction
d’une série de banquettes basses contre les murs de la cour et contre
ceux des longs côtés des iwan, sur lesquelles prenaient place vrai-
semblablement 22 grandes statues de Buddha debout en argile, dont
14 paires de pieds et 5 pieds isolés sont préservés in situ (fig. 5).
Au milieu de chaque côté de la cour les bras de la croix s’ouvraient
en formant une sorte d’iwan ouvrant sur le stūpa 2. La logique
voudrait que ces iwan soient recouverts de voûtes en berceau sur
tranches inclinées. Mais les traces d’incendie de poutres, de solives
et voliges calcinées découvertes au niveau de leur ouverture côté
cour prouvent que les iwan en question étaient vraisemblablement
précédés d’une sorte de portique ou d’un auvent puisqu’on n’a pas
décelé d’emplacements de bases de colonnes ou d’un quelconque
support en bois sur le sol du chemin de circumambulation.
Le plan cruciforme de CH I avec cour centrale, salles carrées
aux angles, reliées par des couloirs faisant le tour de l’ensemble,

26. D. Stronach, Pasargadae. A Report on the Excavations conducted by the British Institute of
Persian Studies from 1961-1963, Oxford, 1978, fig. 75, 76.
27. R. Ghirshman, Bégram. recherches archéologiques et historiques sur les Kouchans,
Mémoires de la DAFA XII, Le Caire, 1946, p. 15-22, fig. 5, 8 et 9.

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RÉCENTES FOUILLES FRANÇAISES (2002-2006) À BAMIYAN 889

FIG. 3. – Monastère oriental (MO), plan reconstitué des vestiges exhumés.

FIG. 4. – MO, plan – relevé du caitya I (CH I) avec les stūpa 2-3, 5-7.

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890 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

n’a pas d’antécédent, à notre connaissance, dans les monastères du


nord-ouest de l’Inde ni dans ceux de l’Asie Centrale bouddhique.
Le seul qui pourrait suggérer une certaine similitude avec le nôtre
est celui d’Adjina Tapa28 ; la comparaison avec ce dernier site
s’arrête au niveau du couloir périphérique et des vestibules nos II,
XI, XIX et XLI de la cour au chemin pavé, qui dessinent les quatre
bras de la croix. L’autre monastère bouddhique de l’Asie Centrale
ex-soviétique comparable au nôtre est celui de Xešt Tapa – la compa-
raison étant uniquement basée sur son plan cruciforme. Quant au
plan de CH I, il demande une explication. D’abord la construction
sur plan cruciforme ne semble pas être contemporaine du stūpa 2,
qui occupe le centre de l’ensemble et qui, de plus, est de plan carré.
Il nous semble que le plan cruciforme a été conçu pour un stūpa
muni de quatre escaliers comme les stūpa 3 et 5 de notre site. Dans
les constructions de la période musulmane nous voyons la survi-
vance de notre plan cruciforme inscrit dans un plan carré dès les
Ghaznavides. Les similitudes sont à chercher d’abord sur les sites
de l’Asie Centrale uzbèke préislamique de Kāfer Qalcā et Altin29.
Les tâtonnements du plan cruciforme dans l’architecture musul-
mane se font sentir au château sud de Laškari Bāzār30, où plusieurs
salles carrées avec leurs entrées et les trois niches orientées vers les
autres points cardinaux annoncent effectivement un début de plan
cruciforme. Avec la salle VIII de ce même château nous nous trou-
vons devant un édifice réellement bâti sur plan cruciforme31. Il en
est de même avec les ensembles séparés comme l’appartement II32,
inscrits grosso modo dans un plan carré. Nous les rapprochons de
notre CH I, les quatre salles oblongues jouant le rôle d’iwan donnant
sur la cour centrale. Toujours sur le site de Laškari Bāzār, plus parti-
culièrement au château du centre qui est un monument isolé sur plan
rectangulaire, ses quatre nefs de l’étage à l’imitation des bras de la
croix s’ouvrent sur le patio central sur plan carré33.

28. B. A. Litvinskij et T. I. Zejmal’, Adžina-Tepa, Arkhitektura, Zivopis’, Skul’ptura, Moscou,


1971, plan hors texte ou plan p. 15 ; Silk Road Art and Archaeology 3 (1993/94), fig. 4.
29. V. A. Nilsen, Arkhitektura srednej Azii V-VIII vv. Stanovlenie feodalnoj arxitektury srednej
Azii (V-VIII vv), Tashkent, 1966 : Kāfer Qalcā : fig. 27 ; Altin : fig. 48.
30. D. Schlumberger et al., Lashkari Bazar, une résidence royale ghaznévide et ghoride,
Mémoires de la DAFA XVIII, Paris, 1978, pl. 4.
31. Ibid., pl. 6.
32. Ibid., pl. 4, 17-18.
33. Ibid., pl. 25-26.

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RÉCENTES FOUILLES FRANÇAISES (2002-2006) À BAMIYAN 891

FIG. 5. – MO, CH I, cour CC autour du stūpa n° 2 : banquettes aux Buddha debout


dans l’angle nord-est de la cour.

Les comparaisons les plus probantes de l’époque musulmane


se font avec les monuments choisis, parmi tant d’autres, dans les
régions d’Herāt et de Samarkand34. Celui qui ressemble le plus à
notre CH I est le Zarāb Xāna (Tarāb Xāna) d’Hérat L’autre monument
à mentionner est celui de Dawlatābād de Samarkand qui, malgré des
différences certaines, offre un plan cruciforme et des salles carrées
aux angles. Parmi d’autres exemples à Samarkand, est le Čehlsotun,
dont la salle centrale sur plan cruciforme communique par l’inter-
médiaire des bras de la croix avec quatre vestibules à colonnes. On
peut encore citer le tombeau de Gawhar Šād (Herat)35 pour la clarté
de son plan cruciforme et le Xānāqāhe Deh Monār36, surtout en ce
qui concerne la présence des salles aux angles.
Avant d’en terminer avec la présentation du CH I, précisons que
tous les murs sans exception, y compris ceux des couloirs étroits,
étaient ornés de peintures murales, représentant des images de
Buddha debout ou assis, nimbés et entourées de mandorles. Nimbes
et mandorles étaient peints et parfois dorés à la feuille d’or. Par

34. G. Pugačenkova, Zodčestvo central’noj Azii XV v., Taškent, 1976 : pour les trois plans
ci-dessus cf. les figures de la p. 42.
35. R. Samizay, Islamic Architecure in Herat, Kaboul, 1981, plan, p. 100.
36. Ibid., plan, p. 59.

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892 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

ailleurs, contre le côté extérieur des murs d’enceinte du CH I ont été


construits des portiques, protégeant sans doute de grandes statues
de Buddha debout, dressées sur des banquettes qui couraient le long
des murs (banquette J au S et I à l’O). Nous soupçonnons également
la présence de niches aménagées du même côté des murs, comme
la niche D dégagée par nos soins. Dans les monastères bouddhiques
de l’Afghanistan les portiques n’ont d’autre fonctionnalité que de
protéger les banquettes, les niches et leurs modelages en argile
très fragiles contre les agressions atmosphériques. Les meilleurs
exemples de longues banquettes servant de socles à plusieurs statues
nous viennent de Hadda, au Tape Kalān37 et au Tape Kāfarihā38. On
citera aussi le site de Tape Shotor39, et surtout le site de Tape Tope
Kalān40 où les banquettes servant de socles aux statues protégées
par les portiques deviennent un élément d’architecture au service
du modelage. Sur ce dernier site de longues banquettes couraient de
manière presque continue tout le long des murs des quatre côtés de
la cour au portique autour du grand stūpa GS, interrompues seule-
ment par les portes des caitya. La longueur totale des ces banquettes
dépasse largement les 200 m. Grâce à ces dernières fouilles nous
savons que la mode des banquettes fut tardive dans les monastères
bouddhiques. Elles furent en vogue à partir du VIe siècles ap. J.-C.,
date qui concorde avec les données chronologiques du site de
Bāmiyān.

Stūpa n° 2 (fig. 6)

Le stūpa n° 2 a été entièrement fouillé en 2005 et 2006. Sa


forme et son enduit de stuc – c’est le premier exemple d’un stūpa
stuqué découvert au nord de l’Hindukoš – le rattachent aux stūpa
du Gandhāra et particulièrement à ceux de Hadda. Il est constitué
d’un podium sur plinthe, avec tore et scotie du type « classique »
de Hadda. Chaque façade du monument est agrémentée de sept

37. J. Barthoux, Les fouilles de Hadda. I : Stupas et sites, texte et dessins, Mémoires de la DAFA
IV, Paris, 1933 : Tape Kalān : plan hors texte.
38. Ibid., plan hors texte.
39. Pour une recherche détaillée sur les banquettes dans la région de Hadda cf. Z. Tarzi, « La
technique du modelage en argile en Asie Centrale et au Nord-Ouest de l’Inde sous les Kouchans : la
continuité malgré les ruptures », Ktema 11 (1986), p. 76-79 ; pour un meilleur plan de Tape Shotor
cf. Id., « Préservation des sites de Hadda : monastères bouddhiques de Tape Shotor et Tape Tope
Kalân », MARI (Mari Annales de Recherches interdisciplinaires) 8 (1997), fig. 1.
40. Id., op. cit. (n. 39 [1986]), fig. 4 ; Id., op. cit. (n. 39 [1997]), fig. 2 ; Id., « Hadda »,
Encyclopaedia Universalis, vol. IX, 1988, pl. I (hors texte).

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RÉCENTES FOUILLES FRANÇAISES (2002-2006) À BAMIYAN 893

FIG. 6. – MO, CH I, stūpa n° 2 : plan et élévations.

pilastres, les deux situés aux angles étant communs aux côtés
adjacents (fig. 7). Ces pilastres posent sur des bases moulurées
composées d’une plinthe, d’un tore et d’une scotie ou cavet. Le
corps des pilastres est sans décoration. Quant à leurs chapiteaux,
ils sont de type corinthien à une rangée de feuilles d’acanthe poly-
lobées, retombantes, sans volutes latérales (fig. 8). Jusque-là aucune
dissemblance avec les stūpa du Gandhāra. C’est à l’étage supérieur
qu’apparaît la nouveauté : la présence sur chaque côté du monument
de trois niches relativement profondes flanquées de pilastres ou
colonnes engagées sur bases circulaires moulurées de type ionique.
Un sondage effectué en son milieu a d’abord rencontré dans
la maçonnerie compacte de mortier d’argile et de moellons une
clochette en bronze à -50 cm par rapport au sommet conservé de
l’édifice, puis, à -155 cm, une boucle d’oreille à vis en bronze

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894 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

avec ses anneaux ciselés et une fine plaquette circulaire en forme


d’anneau en or (fig. 9). À la même profondeur vers le NO nous
avons découvert des perles d’ivoire, de pierres fines et semi-
précieuses, et, plus à l’O, cinq autres anneaux en bronze dont l’un
semble être une fine bague avec un renflement en guise de chaton,
une petite pièce de monnaie en bronze, etc. Enfin , à -160 cm sur
le côté ouest du sondage, presque à hauteur du sol sur lequel le
stūpa 2 est construit, ont été recueillis quelques fragments de très
petites cupules en or et une pièce de monnaie en bronze très fine,
cassée en plusieurs fragments, non identifiable. Il est fort probable
que ces menues trouvailles représentent des reliques plus anciennes
abandonnées pèle-mêle par les responsables de la restauration de
ce stūpa au début de la dernière grande période de travaux, entre
les VIe et IXe siècles ap. J.-C. N’oublions pas que dans certains cas,
comme à Butkara41 les reliques, au lieu d’être déposées à l’intérieur
d’un reliquaire, étaient divisées et positionnées derrière les niches
du monument ; ce fut aussi le cas dans notre stūpa n° 4 sur lequel
nous reviendrons.

Stūpa nos 3 et 5-7 autour du stūpa n° 2

STŪPA N° 3 (fig. 10)

Le stūpa 3 a été dégagé dans le bras oriental de la croix (iwan 7)


du CH I. C’est un stūpa votif miniaturisé fait en argile, conservé
uniquement sur deux étages, en partie écrasé par la chute des murs
et de la toiture.
Son plan est carré (196 x 199 cm), mais, avec les quatre escaliers
et leurs décrochements, il épouse un plan cruciforme. Il a gardé par
endroit toute sa décoration en relief peinte (colonnettes, modillons,
etc.). Notre petit monument ressemble aux stūpa votifs en argile du
site de Tape Sardār de Ghazni fouillé par les archéologues italiens42,
mais à la différence de ces derniers, il n’est pas posé sur une fleur
de lotus comme le sont ses frères jumeaux des cellules XXXI et

41. D. Faccenna, Butkara I (Swat, Pakistan) 1956-1962, Part I, text (IsMEO, Reports and
Memoirs III, 1, Rome 1980), p. 77- 91 sq.
42. M. Taddei, « Tapa Sardār, First Preliminary Report », East and West, New Series, 18,
1-2 (mars-juin 1968), fig. 6-7 ; Id., « Il sanctuario buddhistico di Tapa Sardār, Afghanistan », Consi-
glio Nazionale delle Ricerche, Quaderni de La ricerca scientifica, n° 100, Rome, CNR, 1978, fig. 4
et 5 ; M. Taddei et G. Verardi, « Clay Stūpas and Thrones at Tapa Sardār », Zinbun : Memoirs of the
Research Institute for Humanistic Studies- Kyoto University 20, 1985, p. 17-32, fig.2-3, pl. 1-3.

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RÉCENTES FOUILLES FRANÇAISES (2002-2006) À BAMIYAN 895

FIG. 7. – MO, CH I, stūpa n° 2 vu du côté nord.

FIG. 8. – MO, CH I, stūpa n° 2 : un pilastre du podium.

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896 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

FIG. 9a. – MO, CH I, stūpa n° 2 : une partie des reliques en or et en bronze.

FIG. 9b. – MO, CH I, stūpa n° 2 : une autre partie des reliques en pierres précieuses
et semi-précieuses et des perles marines.

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RÉCENTES FOUILLES FRANÇAISES (2002-2006) À BAMIYAN 897

FIG. 10. – MO, CH I : stūpa votif n° 3 en argile.

XXXIII du site d’Adjina Tapa43. En ce qui concerne les autres stūpa


votifs d’Adjina Tapa, découverts après la publication russe de 1971
déjà mentionnée, citons ceux de la cellule XXXII, du vestibule
XXIX et de l’angle nord de la cour au grand stūpa, au SE de la
XXX44. Le stūpa n° 3 de Bāmiyān ressemble à la représentation des
stūpa de ce type sur les plaques de terre cuite du Cachemire45 et à
ceux des peintures murales des grottes de Bâmiyân46. Aussi bien les
plaques de terre cuite du Cachemire que les représentations peintes
des grottes de Bāmiyān et les stūpa votifs en argile d’Adjina Tapa
et de Tape Sardār de Ghazni sont des œuvres tardives. M. Taddei
a daté avec raison la deuxième période de Tape Sardār du VIe au
VIIIe siècle ap. J.-C. La destruction de Bāmiyān, connue par les textes

43. En ce qui concerne Adjina Tapa cf. Litvinskij – Zejmal’, op. cit. (n. 28), plan hors texte ou
plan p. 15 ; pour les stūpa XXXIII et XXXI cf.p. 45-47.
44. Silk Road Art and Archaeology 3, 1993/94, fig. 4.
45. R. C. Kak, Ancient Monuments of Kashmir, Londres, 1933, pl. XVIII.
46. Z. Tarzi, L’architecture et le décor rupestre des grottes de Bāmiyān, Paris, 1977, surtout
pl. D60-D61 ; T. Higuchi (éd.), Bāmiyān Art and Archaeological researches on the Buddhist
cave temples in Afghansitan, Tokyo, 2001 (2e éd.), vol. I, pl. 35.1-2 ; pl. 36.1-3 ; pl. 46.1-4 ;
pl. 52.4 ; pl. 53.3 ; pl. 56.1-2 ; pl. 92.4 ; pl. 119.2 ; pl. 120.1-3 ; pl. 130.1-2 ; pl. 131.2 ; pl. 142.3 ;
pl. 144.1-3.

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898 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

historiques, se place au IXe siècle ap. J.-C. Aussi est-il raisonnable de


dater pareillement la construction du stūpa n° 3 du MO de Bāmiyān
entre les VIe et IXe siècles ap. J.-C.

STŪPA N° 5 (fig. 11 a et b)

Ce stūpa est le frère jumeau du précédent (n° 3), de dimensions


analogues, mieux conservé dans sa forme et moins bien dans sa
décoration en relief miniaturisée. Si on se réfère aux terres cuites
de Harwān47, ce genre de stūpa à trois étages surmontés de hauts
chattrāvalī ne formait pas plus de 21 % de la hauteur totale du
monument. Comme notre stūpa est préservé sur seulement deux
étages, il ne doit pas, dans ce cas, dépasser 15 % de la hauteur réelle
du monument. Connaissant cette proportion, on restitue une hauteur
totale de près de 2,50 m.

STŪPA NOS 6 ET 7 (fig. 12 a et b)

Ces deux stūpa votifs en argile sont de plan carré irrégulier, de


115 cm de côté en moyenne. Deux de leurs étages sont conservés.
L’étage inférieur est un podium sur plinthe et tore, sans aucune déco-
ration architecturale ou autre. De ce point de vue ils ressemblent à
certains stūpa de Hadda comme les nos 63, 88 de TK et le n° 25
de CH 948. Leur étage supérieur forme un pseudo-podium orné de
pilastres mal conservés, mais qui ont une forte ressemblance avec
des ceux des stūpa gandhāriens de Hadda. Dans l’ensemble leur
forme est plutôt ancienne par rapport à celle des stūpa 3 et 5 de
plan cruciforme. Cette différence pourrait s’expliquer s’ils ont été
construits au début de la deuxième grande période de Bāmiyān, au
VIe siècle ap. J.-C., alors que les nos 3 et 5 dateraient de la fin de cette
même période, aux environs des VIIIe et IXe siècles ap. J.-C. Mais
il se peut également que la tradition gandhārienne incarnée par les
stūpa 6 et 7 ait été utilisée jusqu’à la fin de deuxième grande phase
de construction.

47. Kak, op. cit. (n. 45), pl. XVIII.


48. Barthoux, op. cit. (n. 37), p. 87, 93 et 183.

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RÉCENTES FOUILLES FRANÇAISES (2002-2006) À BAMIYAN 899

FIG. 11. – MO, CH I : stūpa votif n° 5 en argile : a. le plan ; b. prise de vue de son
élévation vue du côté nord.

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900 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

STŪPA N° 4

On soupçonnait la présence d’un stūpa à cet endroit (carrés NE


B20 et NE C20). Le résultat de cette fouille s’avéra plutôt décevant
car le stūpa en question avait été dépouillé par le passé de tout son
parement de pierre de taille. Cet acte de vandalisme a-t-il eu pour
but la récupération de la pierre de taille calcaire pour la fabrication
de la chaux ou pour un réemploi à une date haute, vraisemblable-
ment à l’époque ghuride, ou bien cette destruction méticuleuse fut-
elle dictée par la recherche des reliquaires se trouvant derrière les
niches ? La découverte d’un reliquaire – une petite poterie contenant
encore de modestes reliques – à -200 cm vient à l’appui de la seconde
hypothèse (fig. 13). Ce petit pot globulaire à lèvre éversée, haut de
7 cm, et une panse de 5,5 cm de diamètre, contenait deux perles
marines complètement décomposées et une perle de pierre ocre
orange tendre en forme de disque troué en son centre. Le bouchon
qui scellait les reliques était fait d’une sorte de mastic décomposé.

STŪPA N° 1 (GS) OU TOLUMBAI (fig. 14-15)

Nous nous sommes intéressé au grand et unique stūpa debout


de Bāmiyān, celui qui se trouve dans les champs cultivés au SE
de la niche du Buddha de 38 m, et qui est appelé par les habitants
Tolumbai. Sur les anciennes photographies49 le monument ressemble
à pratiquement tous les autres stūpa du monde bouddhique, à savoir
des ruines formant des cônes au sommet plus ou moins arrondi.
À notre retour à Bāmiyān en 2002, après vingt-quatre années loin
de l’Afghanistan, notre stūpa, ressemblait à un amoncellement
de moellons amaigri à la taille, au niveau du tambour, formant un
champignon de pierre.
Plusieurs sondages dont le plus important eut lieu en 2006,
ont permis de s’assurer de la longueur du côté nord de l’édifice,
qui mesure 30 m environ, et ont mis en évidence le décroche-
ment occidental d’un escalier septentrional, qui laisse présager un
stūpa à quatre escaliers. Ce stūpa était associé au grand Monastère
oriental (MO).

49. Godard – Godard – Hackin, op. cit. (n. 10), pl. I.

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RÉCENTES FOUILLES FRANÇAISES (2002-2006) À BAMIYAN 901

b
FIG. 12. – MO, CH I : a. stūpa n° 6 ; b. stūpa n° 7.

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902 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

Il faut signaler deux renseignements importants révélés par ce


sondage :

1. Il est avéré que durant le premier état de l’aménagement du


stūpa, celui-ci portait un revêtement de stuc.
2. L’épaisseur considérable de la couche d’incendie constatée
autour du stūpa dans laquelle se trouvaient mélangés de nombreux
fragments d’argile calcinée, de bois brûlés et de très nombreux frag-
ments de tôle de cuivre ou de bronze semble indiquer que le GS
était entouré d’une balustrade (vedikā, pādo-vedikā) en bois et coiffé
d’un Chattāvalī également en bois orné de motifs en métal.

Le revêtement de pierres de taille du stūpa est constitué d’un


appareil diapré très régulier, dont les blocs de calcaire, parfaite-
ment parallélépipédiques, disposés en assises de même épaisseur,
sont jointoyés à l’aide de fines lamelles de calcaire. La largeur et
la hauteur de chaque modillon sont les mêmes partout. Une autre
technique de taille de la pierre a été utilisée pour la préparation des
blocs trapézoïdaux inversés faisant office de chapiteaux comme
dans les chapiteaux tardifs de Hadda, mais ici encore plus schéma-
tisés et simplifiés. Sur nos blocs ne sont indiquées ni les différentes
parties de la corbeille d’acanthe ni les volutes, mais à l’emplace-
ment des sinus des chapiteaux, la pierre reçoit deux encoches à
double biseaux comme deux cornes recourbés symétriquement aux
extrémités.
Le corps du GS est conçu de bas en haut de la manière suivante :
une plinthe d’environ 20 cm de hauteur est surmontée d’un tore lui-
même surmonté de deux listels dont celui du haut en retrait prend avec
l’enduit un profil en scotie. Vient ensuite la paroi du podium, agré-
mentée de plusieurs pilastres, espacés les uns des autres d’environ
100 cm. La hauteur de chaque pilastre, base et chapiteau compris,
est proche de 75 cm, sa largeur de 18 cm. La base des pilastres est
composée d’une plinthe surmontée d’un chanfrein inversé suppor-
tant un tore couronné d’un listel. En ce qui concerne les chapiteaux
il a été dit plus haut qu’ils sont en forme de trapèze inversé muni de
deux encoches recourbées.
Ce qui est plus ou moins assuré, c’est que la grande période de
restauration, de rénovation et la construction des grands projets de
Bāmiyān datent de la deuxième grande période, à placer dans le
temps vers la seconde moitié du VIe siècle et au début du VIIe ap. J.-C.
Partant de ce principe, nous avons constaté que le GS d’avant la

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RÉCENTES FOUILLES FRANCAISES (2002-2006) 903

FIG. 13. – MO, CH II : stūpa n° 4 et l’un de ses reliquaires contenant de modestes


reliques.

FIG. 14. – Stūpa n° 1, le grand stūpa (GS) du FIG. 15. – MO, stūpa n° 1, l’angle formé par la
site MO lors des fouilles. paroi nord du podium et le décrochement de
l’escalier nord.

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904 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

restauration était enduit d’une couche de stuc uniquement décelable


dans les interstices des toutes premières assises près du sol, ce
qui montre que le monument avait été laissé pendant longtemps à
l’abandon dans une période de laisser-aller avant de faire l’objet
d’une restauration. Le premier état du GS serait donc à placer parmi
les monuments d’avant le VIe siècle ap. J.-C. Quand il fut restauré au
VIe siècle ap. J.-C, le GS avait perdu son enduit de stuc ou bien ce
qu’il en restait avait été décapé. Le monument se voyait alors doter
d’un enduit d’argile qui adhérait tant bien que mal à un monument
en pierre de taille. Cet enduit, en partie conservé sur la façade orien-
tale du GS, a été appliqué de façon grossière et maladroite. On ne
peut exclure toutefois que cette couche d’argile ait été prévue pour
supporter une finition en stuc qui n’aurait jamais été exécutée.

Le modelage en argile du site de MO

MODELAGES DE LA GALERIE A9 (fig. 16)

Comme sur tous les sites bouddhiques de l’Afghanistan, de l’Asie


Centrale ex-soviétique et chinoise, la décoration de l’architecture
en terre se fait sous forme de modelages en argile ou en stuc sur
âme d’argile, technique apportée et perfectionnée par les colons
grecs sur les sites de la Bactriane hellénisée à Aï Xānom50 et Taxte
Sangin51 et jusqu’à Nisa, l’ancienne capitale des rois parthes52. Les
Kušāns en ont hérité très tôt, comme l’attestent les découvertes de
Xalcayān53, et l’ont transmise à travers leur empire aussi bien au
nord de l’Hindukoš, à Qara Tapa54, Delbarĵin55, Dalverzin-tepe56,

50. P. Bernard et al., Fouilles d’Aï Khanoum I (Campagnes 1965, 1966, 1967, 1968), Mémoires
de la DAFA XXI, Paris, 1973, p. 189-193, pl. 105-107 ; P. Bernard, « Quatrième campagne de
fouilles à Aï Khanoum (Bactriane) », CRAI 1969, fasc. III, p. 313-355 ; modelages : p. 344, fig. 19
(tête féminine en argile) et fig. 20 (tête masculine en stuc).
51. Litvinskij – Pitchikjan, op. cit. (n. 66), p. 204-207, fig. 9-10.
52. Parmi les études récentes sur les modelages de ce site voir surtout A. Bollati, « Antecedenti
delle sculture greco-buddhiste in argila cruda da Nisa Vecchi », dans Z. Tarzi et D.Vaillancourt
(éd.), Art et archéologie des monastères gréco-bouddhiques du Nord-Ouest de l’Inde et de l’Asie
Centrale. Actes du colloque international du CRPOGA (Strasbourg, 17-18 mars 2000), Paris, 2005,
p. 29-49.
53. G. A. Pugačenkova, Khalčajan, K probleme khudoźestvennoj kul’tury Severnoj Baktrii,
Taskent, 1966 ; Ead., Skul’ptura Khalčajana, Moscou, 1971.
54. B. Ja. Staviskij et al., Kara-Tepe I, Moscou, 1964 ; Kara-Tepe II, Moscou, 1969 ;
Kara-Tepe III, Moscou, 1972.
55. I. T. Kruglikova, Dil’beržin (raskopki 1970-1972 gg), 1, Moscou, 1974 ; I. T. Kruglikova
et G. A. Pugačenkova, Dil’beržin (raskopki 1970-1973 gg) 2, Moscou, 1977.
56. G. A. Pugačenkova, « Kušanskaja skul’ptura Dal’verzin-tepe », Iskusstvo 1970/2.

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RÉCENTES FOUILLES FRANÇAISES (2002-2006) À BAMIYAN 905

FIG. 16. – MO, galerie A9, la reconstitution des modelages et leur répartition sur la
paroi ouest et le départ de la voûte.

Kondoz57, Sorx Kotal58, qu’au sud de la chaîne montagneuse sur les


sites de Tape Sardār59 et Hadda60, où le procédé se développe pour
donner naissance à une école artistique remarquable, imprégnée

57. J. Hackin, L’art bouddhique de la Bactriane et les origines de l’art gréco-bouddhique,


Bulletin archéologique publié par la section historique de l’Académie afghane, fasc. 1, Kaboul,
1937 ; Id., « Recherches archéologiques en Afghanistan », Revue de Paris 1938, p. 17.
58. D. Schlumberger, « Descendants non-méditerranéens de l’art grec », Syria 37 (1960) 1-2,
pl. VIII, 2-3 ; Id., « The Excavations at Surkh Kotal and the Problem of Hellenism in Bactria and
India », The Proceedings of the Brtish Academy 47 (1961), p. 77-95, pl. XX-XXI, XXIII ; Id. et al.,
Surkh Kotal en Bactriane, Mémoires de la DAFA XXV, Paris, 1983, pl. 68-71.
59. Parmi les nombreuses publications voir M. Taddei, « Tapa Sardār First Preliminary
Report », East and West, NS, 18, 1-2 (mars-juin 1968) ; Id. – G. Verardi, « Tapa Sardār Second
Preliminary Report », East and West, NS, 28, 1-4 (décembre 1978).
60. J. Barthoux, Les fouilles de Hadda, Figures et figurines, Album photographique, Mémoires
de la DAFA III, Paris, 1930 ; Z. Tarzi, « Hadda à la lumière des trois dernières campagnes de fouilles
de Tapa-é-Shotor (1974-1976) », CRAI 1976, fasc. III, p. 381-410 ; Id., « La technique du modelage
en argile en Asie Centrale et au Nord-Ouest de l’Inde sous les Kouchans : La continuité malgré les
ruptures », Ktema 11 (1986), p. 57-93.

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906 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

de la tradition technique et esthétique grecque : à Hadda le site


de Tape Šotor est le représentant par excellence de cette maîtrise
artistique où se perpétuent les enseignements de l’art grec hellé-
nistique pendant cinq à six siècles après l’expédition militaire
d’Alexandre le Grand. Si la conquête sassanide marque la dispa-
rition quasi totale de la sculpture en schiste dans le Gandhāra, le
Swāt et à Kābol-Kāpisā ainsi que de celle en calcaire à Hadda et
dans la Bactriane, en revanche avec les Kidarites post-Kušāns, outre
le modelage en argile, celui en stuc à base de chaux et en stuc sur
âme d’argile prend une ampleur sans précédent au Gandhāra61, au
Cachemire62 et à Hadda63, sur les sites kābolis de Tape Maranĵān64,
Tape Xazāna65, Xwaĵa Safā66, Tape Nārenĵ67, ceux du Logar comme
Goldara68, Xarwār69, Mese cAïnak70, Xord Kābol71 et ceux de Ghazni
comme Tape Sardār72, sans oublier ceux du Kāpisā comme Šotorak,

61. En plus des publications plus anciennes comme A. Foucher, L’art gréco-bouddhique, 5 vol.,
Paris, 1918 ; H. Ingholt, Gandharan Art in Pakistan, New York, 1957 ; on consultera maintenant
W. Zwalf, A catalogue of the Gandhāra Sculpture in the British Museum, Londres, 1996, 2 vol. ;
I. Kurita, A revised and enlarged edition of Gandharan Art. I, The Buddha’s Life Story, Tokyo, 2003
(vol. 1, 2e éd.) et surtout Id., A revised and enlarged edition of Gandharan Art. II, The World of the
Buddha, Tokyo, 2003 (vol 2, 2e éd.).
62. H. Alam, « Akhnur Terracottas in Lahore Museum », Lahore Museum Bulletin 1/2 (juillet-
décembre 1988), p. 69-92.
63. Barthoux, op. cit. (n. 60) ; Z. Tarzi, « Tapa-e-Top-e-Kalan (TTK) of Hadda », dans
M. Taddei et P. Callieri (éd.), South Asian Archaeology 1987, Proceedings of the Ninth International
Conference of the of South A.A in Western Europe…Venice, Part 2, Rome, 1990, p. 707-727.
64. J. Hackin et al, Diverses recherches archéologiques en Afghanistan (1933-1940), Mémoires
de la DAFA VIII, Paris, 1959.
65. H. A. Kohzad, « Muzae Kābol », Sālnāma, 1315 H. (1936/37), p. 269-300.
66. Z. Païman, « La renaissance de l’archéologie afghane, découvertes à Kaboul », Archeo-
logia 419 (février 2005), p. 24-32 ; M. N. Rassouli, « Gozārese awalin dawrae hafriāt sāhae
bāstāni Xwāja Safā, saratān wa asad 1383 », Bastānšenāsi Afgānestān (AAR) 17 (juin 2005),
p. 78-107.
67. Païman, op. cit. (n. 66), p. 33-39 ; Id., « Rapor dawrae awal kāweš dar Tape Narenĵ »,
Bastānšenāsi Afġānestān (AAR), 17 (juin 2005), p. 114-200 ; Id., « Gozarš celmi dawre dowom
hafriāt (Excavation) dar Tape Nārenĵ », ibid., 19-29 (juin 2006), p. 109-148.
68. G. Fussman et M. Le Berre, Monuments bouddhiques de la région de Caboul. I : Le monas-
tère de Gul Dara, Mémoires de la DAFA XXII, Paris, 1976 ; maintenant G. Fussman, avec la colla-
boration de B. Murad et E. Ollivier, Monuments bouddhiques de la région de Caboul, Collège de
France, Publications de l’Institut de Civilisation indienne 76, Paris, 2008, 2 vol., passim.
69. Plusieurs rapports dont l’un publié : N. M. Azizi, Tahqiqat-e kushani (publication de
l’Academy of sciences, International Center for Kushan Studies), n° 1, première année, sawr, 1381,
p. 18-23.
70. Rapport inédit sur l’intervention des représentants de l’Institut afghan d’Archéologie
faisant suite à une fouille clandestine.
71. En dehors du rapport d’A. Godard demeuré inédit (au Musée Guimet), rapport récent
également inédit des représentants de l’IAA.
72. M. Taddei, « Tapa Sardār, First Preliminary Report », East and West, New Series, 18, 1-2
(mars-juin 1968), p. 109-124 ; Id. et G. Verardi, « Tapa Sardār Second Preliminary Report », East
and West, New Series, 28, 1-4 (décembre 1978), p. 33-135.

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RÉCENTES FOUILLES FRANÇAISES (2002-2006) À BAMIYAN 907

Qole Nāder et Kohe Pahlawān73. Cette tradition artistique perdure


jusqu’à l’arrivée de l’islam. Sur la route de la Bactriane, les mode-
lages de Fondokestān74 et de Bāmiyān75 retiennent l’attention par
leur qualité et, en ce qui concerne Bāmiyān, par leur multiplication
dans des centaines de grottes. Plus au nord, en Bactriane, sur les
sites de l’Asie Centrale ex-soviétique, les sites de Pendjikent76 et
d’Adjina Tapa77 se distinguent, eux aussi, par leur statuaire modelée.
L’Asie Centrale chinoise, grâce à la sécheresse de son climat, devint,
dans son architecture bâtie aussi bien que rupestre, un autre terrain
favori du modelage : qu’il suffise de citer, parmi des centaines de
sites, ceux de Dunhuang78, de Rawak79 et de Tomšuq où l’équipe de
P. Pelliot découvrit des modelages en très haut-relief d’une qualité
remarquable80.
Sur notre site du MO, c’est dans la galerie des images A9 que
l’essentiel des découvertes des modelages en argile a eu lieu. Ils
occupent une place intermédiaire dans l’évolution artistique entre
Hadda et l’Asie Centrale. Jusqu’ici les modelages connus à Bāmiyān
provenaient des grottes81 et de la fouille de la grotte G82. La galerie A9
est située entre les deux grands caitya CH I et CH II. La plupart
des modelages découverts et exhumés à grand peine en raison de
leur fragilité représentent des têtes et des parties du corps de statues
assises, le plus souvent de petite ou moyenne taille, qui ont le mieux
résisté aux destructions et aux inondations qui les ont balayées. Le

73. J. Meunié, Shotorak, Mémoires de la DAFA X, Paris, 1942, pl. VI-VII ; Hackin et al., op. cit.
(n. 64), fig. 264-266 ; B. Rowland, Art in Afghanistan, Objects from the Kabul Museum, Londres,
1971, fig. 135-136 (Tape Kalāne Kohe Pahlawān).
74. Hackin et al., op. cit. (n. 64), fig. 143-204.
75. J. Hackin (avec la collaboration de J. Carl), Nouvelles recherches archéologiques à Bāmiyān,
Mémoires de la DAFA III, Paris 1933, fig. 71-82, 93-100 ; Tarzi, op. cit. (n. 25), fig. B65, B78-B86,
B134-B139.
76. A. M. Belenickij et al., Trudy tadźikskoj arxeologičeskoj ekspedicii. II, Moscou-
Léningrad, 1953 ; Eid., Trudy tadźikskoj arxeologičeskoj ekspedicii. III, Moscou-Léningrad, 1958 ;
A. M. Belenickij et B. B. Piotrovskij, Skul’ptura i živopis’ drevnego Pjandžikenta, Moscou, 1958.
77. B. A. Litvinskij et T. I. Zejmal’, Adžina-tepe, Moscou, 1971. Traduction anglaise : The
Buddhist Monastery of Ajina Tepa, Tajikistan,. History and Art of Buddhism in Central Asia
(ISMEO, Reports and Memoirs, New Series I ; ISIAO, Rome, 2004).
78. J. Gies, Les arts d’Asie Centrale : la collection Pelliot du Musée Guimet, 2 vol., Paris,
1995-1996 ; Id. et M. Cohen, Sérinde, Terre de Bouddha : dix siècles d’art sur la route de la soie,
catalogue d’exposition, Réunion des Musées nationaux, Paris, 1995-1996.
79. M. A. Stein, Ancient Khotan, Detailed Report of archaeological Exploration in Chinese
Turkestan carried out and described under the orders of H. M. Indian Governement, Oxford, 1907.
80. L. Hambis (dir.), Mission Paul Pelliot. I : Toumchouq, Planches, Paris, 1961. Le volume
de texte est paru plus tard : M. Paul-David, M. Hallade et L. Hambis, Mission Paul Pelliot. II :
Toumchouq, Paris, 1964.
81. Godard – Godard – Hackin, op. cit. (n. 10) ; Hackin (avec la collaboration de J. Carl), op. cit.
(n. 11).
82. Ibid. p. 31-38, 39-60.

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908 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

long du mur du long côté O courait une banquettes basse de 20 cm


à 25 cm de hauteur, débordant d’environ 60 cm. La banquette O
seule a été partiellement dégagée. Sur cette banquette prenaient
place des statues debout de Buddha, dont ne subsistent que le bas
des corps préservés des genoux jusqu’aux pieds. Les deux statues
de ce type fouillées et restaurées ont été laissées in situ (fig. 17).
Les têtes de Buddha dont la hauteur dépasse 25 cm doivent appar-
tenir à ces grands Buddha, telle BAM. IV, 2005, 4-5 et 7 (fig. 18).
Quant aux autres statues de taille moyenne, généralement assises à
l’indienne (padmāsana) et exécutant souvent la dhyānamudrā, nous
les restituons dans des emplacements aériens, fixées au milieu des
écoinçons formés par les nimbes et les mandorles peintes des statues
debout sur la banquette et le départ de la voûte en berceau recou-
vrant la galerie A9. Si nous avons beaucoup hésité sur l’emplace-
ment exact de ces Buddha assis, en revanche nous sommes sûr de
l’emplacement des petites têtes. Elles appartiennent à des couples
de génies qui ornent le départ de la voûte en berceau, disposés en
bandeau. Nous avons réussi à dégager un très grand fragment de
plus de 3 x 2 m provenant du départ d’un des côtés de la voûte
(fig. 19). Chaque couple semble émerger du creux d’une draperie en
forme de large croissant ressemblant à ceux qui se trouvent sur les
abaques des chapiteaux des arcatures des rangées de Bodhisattva au
départ de la voûte de la niche trilobée (lobe centrale) du Buddha de
55 m qui étaient peintes et encore visibles avant la destruction par
les taliban83.

Modelage en argile
sur les banquettes autour du stūpa 2 (fig. 5)

Lors de la présentation de l’architecture du CH I nous avons


signalé qu’une série de banquettes basses était aménagée contre
les murs de la cour et contre ceux des longs côtés des iwan, sur
lesquelles prenaient place vraisemblablement 22 grandes statues
de Buddha debout en argile, dont subsistaient en place 14 paires
de pieds et 5 pieds isolés. Dans la construction de ces banquettes
nous avons décelé deux phases nettement distinctes : d’abord celles
contre les longs côtés des iwans, hautes de 21 cm en moyenne par
rapport au sol des iwan ; puis, lors de la dernière réfection du CH I,

83. Tarzi, op. cit. (n. 25), pl. A 3, entre les Bodhisattva E1-E2 et O2-O3-O4.

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RÉCENTES FOUILLES FRANÇAISES (2002-2006) À BAMIYAN 909

FIG. 17. – MO, galerie A9, deux statues en argile de la banquette ouest après fouilles
et restauration.

celles contre les murs du CC, un peu plus larges (60 cm) que les
premières (50 cm), mais un peu moins hautes (environ 18 cm par
rapport au sol des iwan). Les pieds des Buddha dressés sur ces
banquettes sont de style dit grec et les canons à l’indienne tels qu’on
les observe dans la peinture de la voûte de la niche du grand Buddha
de 55 m, où les doigts des pieds sont de longueur égale, ne sont pas
venus perturber la tradition gréco-bouddhique qui a été respectée
dans la sculpture du CH I. Le drapé du costume monastique, fait
d’épaisses couches d’argile dont quelques fragments ont été mis au
jour, a mieux supporté l’écrasement. En ce qui concerne les visages
de ces grandes statues, l’un d’entre eux, haut de 60-80 cm, a pu
être dégagé dans des conditions extrêmement difficiles. Quant aux
statues du Buddha debout autour du stūpa nous avons eu la même
impression que celle que nous avions éprouvée en fouillant la cour
autour du grand stūpa du site de Tape Tope Kalān à Hadda84, où,
contre notre attente, par rapport au grand nombre de fragments

84. Id., « Tapa-e Top-e-Kalan (TTK) of Hadda », dans M. Taddei et P. Callieri (éd.), South
Asian Archaeology 1987, Proceedings of the Ninth International Conference of the of South A.A. in
Western Europe, Venice, Part 2, Rome, 1990, fig. 7 (cour aux portiques P1 autour du GS).

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910 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

qu’on aurait dû y recueillir, notre récolte fut très modeste. Comme


à Hadda, il y n’avait au CH I de Bāmiyān que très peu de fragments
calcinés, comme s’ils avaient été ramassés et emportés ailleurs après
le pillage et la destruction soit par les rares moines épargnés par le
massacre ou par les habitants venus chercher du bois ou du charbon
après le pillage et l’incendie allumé sur l’ordre de Ycaqub ben Lays
Safāri. Nos trouvailles se limitèrent à quelques modestes fragments
d’argile cuite par le feu, qui constituaient la décoration en relief du
pourtour des nimbes et mandorles : pastillages pré-moulés imitant
des pièces d’orfèvrerie, typiques du décor des grottes de Bāmiyān85
et du site d’Adjina Tapa86, consistant en un groupe de deux perles
surmontant une olive, couronné à son tour de trois perles disposées
en cône.

Étude chronologique du MO
et recherche évolutive sur ses modelages

L’étude que nous envisageons de faire plus tard cherchera à


replacer les modelages du MO et surtout du CH I dans le contexte
général des courants artistiques des régions proches et d’étendre
ensuite l’investigation dans le but de bien comprendre les influences
subies par Bāmiyān et aussi d’analyser le rayonnement artistique de
la paisible vallée vue comme un grand centre de propagation artis-
tique. Dans le long passé de Bāmiyān, ce qui est sûr est que le point
de départ de la deuxième grande période de son histoire coïncide
avec le VIe siècle ap. J.-C. La durée de cette période diffère selon
les uns et les autres, mais les indications fournies par nos fouilles
du MO montrent que la fin de cette deuxième période ne se produit
pas avant la seconde moitié du IXe siècle ap. J.-C. Concrètement,
quels sont les vestiges exhumés sur notre site du MO, qui corres-
pondraient à cette période ? Dans le CH I, ce serait les statues sur
banquettes autour du stūpa 2, contre le bas des murs de la cour CC,
les stūpa votifs en argile 3 et 5, le sol en argile autour du stūpa 2
et probablement le portique L, sans oublier leurs banquettes I et J.
En dehors du CH I on ajoutera le revêtement en argile du grand
stūpa n° 1 (GS) et le dernier sol également en argile qui l’entoure.
Quant au début de cette phase II nous lui attribuons l’ensemble de

85. Tarzi, op. cit. (n. 25), pl. B 130- B 133 et surtout le dessin pl. D 45 a et b.
86. B. A. Litvinskij et T. I. Zejmal’, Adžina Tepa, Moscou, 1971, fig. p. 84.

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FIG. 18. – MO, galerie A9, têtes de grandes statues debout du Buddha en argile :
a. BAM. IV, 05, n° 5 ; b. BAM. IV, 05, n° 7.

a b

c d

FIG. 19. – MO, galerie A9, différentes têtes du Buddha et de divinités en argile
polychromées : a. BAM. II, 03, N° 6 ; b. BAM. II, 03, n° 5 ; c. BAM. II, 03,
n° 3 ; d. BAM. II, 03, n° 2.

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912 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

la statue du Buddha de 55 m avec ses grottes avoisinantes et peut-


être la grotte D, G2, les peintures murales de la niche de ce même
Buddha de 55 m et celles de la niche du Buddha assis du groupe H.
Quant à l’évolution interne des autres phases de Bāmiyān II, du
VIIe au IXe siècle, même si elle ne fait pas l’objet de nos préoccupa-
tions immédiates87, il vaut la peine de signaler que le décor en relief
cède progressivement la place au décor peint. La peinture murale
qui servait jusqu’alors de complément à la sculpture s’exprime alors
iconographiquement parlant d’une façon prédominante. Vers la fin
de cette période les parois et surtout les plafonds ou les coupoles
des grottes sont tapissées de peinture évoquant les espaces sacrées
comme la coupole de la grotte E8 ou celle de Kakrak et bien d’autres,
proposant les prémices des mandala.
De la première grande période nous ne connaissons avec préci-
sion ni le commencement ni la fin. Nous savons grâce aux résul-
tats de nos fouilles qu’entre les deux grandes périodes se situe un
hiatus assez long pour que du revêtement en stuc du GS du MO
aient subsisté quelques rares traces blanchâtres dans les interstices
et joints du monument et pour que la statue du Buddha de 38 m ait
nécessité une restauration. Déjà en 2003, dans les sondages BN, BS
et BW autour du GS et aussi dans A6 et A8, nous avions pu iden-
tifier des niveaux correspondants aux deux grandes périodes. Nous
avions alors daté le début de la première grande période du IIIe siècle
ap. J.-C. Mais l’année suivante, avec la découverte d’une pièce
de monnaie indienne du type de la colline à trois arches datée des
IIe-IIIe siècles ap. J.-C.88 ainsi que celle d’une céramique fine – des
bols kušans du IIe siècle ap. J.-C. –, nous avons été en mesure d’attri-
buer les débuts de cette première grande période aux grands Kušans,
sans pour autant être franchement affirmatif puisque jusqu’ici
aucune monnaie des premiers souverains connus de leur dynastie
n’a encore été découverte par nous. Du début de cette période nous
n’avons qu’un sol stuqué et des vestiges de monuments rasés. Les
monuments debout du MO de cette période semblent être de la fin de
cette période. Le stūpa n° 2 semble être du IVe siècle ou du Ve siècle,
datation provisoire en attendant des sondages à effectuer dans les
sols de la cour CC. Les modelages de la galerie A9 seraient des
IVe-Ve siècles ap. J.-C. Le stūpa n° 1 (GS) pourrait être de la fin du

87. Z. Tarzi, « Bāmiyān », Encyclopaedia Universalis, Corpus, vol. 3, 1988 ; Id., « Bāmīān »,
Encyclopaedia Iranica (éd. E. Yarshater), vol. III, fasc. 6., p. 657 sq.
88. Id., op. cit. (n. 3), p. 118-122.

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RÉCENTES FOUILLES FRANÇAISES (2002-2006) À BAMIYAN 913

Ve ou du début du VIe siècle ap. J.-C., datation également toute provi-


soire tant que nous ne savons pas si ce grand stūpa est pourvu d’un
ou de quatre escaliers, si les quatre escaliers remontent à la construc-
tion même du monument lui-même ou s’il y a eu d’abord un seul
escalier, puis le rajout de trois autres. Beaucoup de questions restent
à vérifier. Quant à nos datations à quelques années près, du moins
celles qui concernent les deux grandes statues du Buddha de 55 m et
38 m, elles ont été vérifiées par l’analyse au carbone 14 faite par les
collègues allemands chargés de la restauration des deux statues du
Buddha de 55 m et 38 m89.

Classement typologique des modelages en argile

Évitant les pièges d’une étude stylistique prématurée, notre clas-


sement doit d’abord prendre en considération les critères typolo-
giques. Parmi les trouvailles faites dans un monastère bouddhique
deux catégories s’imposent. La première est, comme il se doit, celle
des images-types de Buddha ; la seconde celle des autres person-
nages de l’iconographie bouddhique. Dans cette dernière catégorie
trois groupes sont à étudier. Le premier est celui des images des
divinités : Bodhisattva, qui suit l’évolution de l’image de Buddha,
mais se différencie par ses parures, Indra, Brahmā, Vajrapāni, etc.
Le deuxième groupe est essentiellement constitué par les représen-
tations de moines, souvent traitées comme de véritables portraits.
Enfin, le troisième groupe, à notre avis le plus important, est
l’image des donateurs laïcs, rois, princes, aristocrates ou riches
commerçants.

IMAGE DE BUDDHA

Buddha debout
Pour revenir à nos modelages du MO, il est préférable d’ana-
lyser ceux provenant de la galerie A9. Il s’agit des têtes des Buddha
debout sur les banquettes le long des grands côtés de la galerie.
Elles sont de type plutôt allongé : n° BAM IV, 2005, 4-5 ; BAM IV,
2005, 7 (fig. 18). BAM IV, 2005, 5, la mieux conservée (fig. 18a)
qui peut servir de support à notre analyse. Sur cette tête la chevelure
et l’uşnīşa sont formés de mèches pré-moulées en forme de points

89. Ibid., p. 118.

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914 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

d’interrogation avec une grande boucle presque fermée et un pédon-


cule atrophié à peine visible. Ces éléments préfabriqués ont été fixés,
alors qu’ils étaient encore humides, sur la calotte crânienne par la
pression de la pointe ronde de l’ébauchoir et les contours régularisés
avec la petite extrémité plate de l’instrument. Ce travail de fixation
est fait par l’artiste lui-même : les retouches ainsi faites par lui avec
aisance donnent variété et naturel à son œuvre. La phase de déve-
loppement intermédiaire entre les mèches modelées et les mèches
pré-moulées mais simplement disposées sans recourir à l’ébauchoir
est celle que l’on observe à Fondokestān, pour ne mentionner que
ce site90. L’absence de pression exercée par la pointe de l’ébauchoir
a fait que sur le site du Ghorband les têtes des statues ont perdu
la plupart de leurs mèches préfabriquées91. Le soin méticuleux que
les artistes du MO ont apporté au traitement des chevelures et à
la fixation des mèches pré-moulées approche celui auquel se sont
astreints ceux de Hadda où cette technique se développe à partir du
IIe siècle ap. J.-C. Notre datation des modelages de la galerie A9 aux
IVe-Ve siècles ap. J.-C. semble être dans les limites du raisonnable.
Cette tête BAM IV, 2005,5 présente un front dégagé, des sourcils
arqués, de grands yeux en amande sous des paupières moyennement
développées, un nez droit, un discret renfoncement entre le nez et la
lèvre supérieure, une bouche avec la lèvre inférieure charnue, aux
commissures enfoncées, un menton nettement séparé de la bouche
qui annonce l’inévitable double menton des Buddha. L’impression
d’ensemble est celle d’un visage sobre, paisible, dans la bonne tradi-
tion de l’art gréco-bouddhique, dont le site de Hadda est devenu
la référence pour la qualité de ses modelages en argile et en stuc.
Mais nous venons de voir que ce visage des IIe et IIIe siècles ap. J.-C.
était surmonté d’une chevelure faite de mèches caractéristiques des
IVe-Ve siècles ap. J.-C. Nous savons également par nos fouilles de
Hadda que l’aspect « classique » gréco-bouddhique se propageait
par l’intermédiaire de matrices en terre cuite entre la Bactriane et
Hadda et même à Taxila92. Pour une analyse prudente nous avons

90. Hackin et al., op. cit. (n. 64), fig. 179 (chevelure du Buddha paré) ; pour une meilleure
photo de l’un des Buddha assis de Fondokestān cf. J. Auboyer, Afghanistan et son art, Prague, 1968,
pl. 78.
91. Ibid, fig. 176 et 177.
92. Z. Tarzi, « La technique du modelage en argile en Asie centrale et au Nord-Ouest de l’Inde
sous les Kouchans : La continuité malgré les ruptures », Ktema 11 (1986), pl. VII, fig. 27 a et b ;
J. Marshall, Taxila. An illustrated account of archaeological Excavations, Cambridge, 1951, vol. III,
pl. 136 k = n° 147.

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RÉCENTES FOUILLES FRANÇAISES (2002-2006) À BAMIYAN 915

évité le danger que présente une étude stylistique comparative qui


ne prend pas en considération l’apport technique.

Buddha assis
Des Buddha assis à l’indienne dans la galerie A9 nous avons peu
d’exemplaires complets, mais de nombreuses têtes dans un bon état
de conversation avec leur polychromie, par exemple n° BAM II,
2003, 6 (fig. 19a). ; BAM III, 2004, 4 et surtout les BAM III, 2004,
3 et 6 (fig. 20a-c). Les deux dernières de ces têtes polychromées,
plus complètes, agréables à voir, présentent un visage plus ou moins
rond, avec un front moins dégagé, des sourcils arqués qui rejoignent
le départ du nez, qui est droit avec des narines assez peu développées,
de grands yeux en amande sous des paupières relativement lourdes,
le renfoncement entre le nez et la lèvre supérieure bien accentué ; la
lèvre supérieure est finement stylisée, la lèvre inférieure charnue est
très développée, le menton à peine saillant se fond dans un double
menton. Ce type de visage, presque stylisé, paraît plus évolué que
celui des Buddha debout étudiés ci-dessus. Il tente de s’éloigner des
prototypes gandhāriens et annonce un art propre à Bāmiyān, avant-
coureur de celui de l’Asie Centrale chinoise. Ce type de visage porte
pourtant la même chevelure que ceux des Buddha debout. Mais dans
le cas présent il n’y a pas de décalage entre l’évolution des traits
du visage et l’arrangement des boucles de la chevelure. L’ensemble
pourrait être l’œuvre d’artistes des IVe-Ve siècles ap. J.-C.

Autres images
La plupart des images secondaires proviennent de la frise en
haut-relief aménagée au départ de la voûte de la galerie A9, dans
laquelle chaque divinité fut fixée par d’énormes goujons de bois
(fig. 21). Ce qui en a été sauvé semble appartenir à la paroi orien-
tale de la galerie A9. L’une des divinités de la paroi opposée, dans
un pauvre état de conservation, montre un personnage féminin en
train de jeter des fleurs sur le Buddha de la main droite levée au
niveau de la tête. À cette série de représentation en haut-relief, nous
attribuons les deux têtes, n° BAM II, 03, n° 5, BAM II, 03, N° 6,
BAM II, 03 n° 2 (fig. 19 b-d) et BAM III, 2004, n° 6, BAM IV, 05,
n° 1 (fig. 22 a-b).

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916 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

FIG. 20. – MO, galerie A9, différentes têtes du Buddha en argile polychromées de
différentes dimensions : a. BAM IV, 05, n° 1 ; b. BAM III, 04, n° 6 ; c. BAM III,
04, n° 3.

LES DONATEURS

Sur les sites bouddhiques la marge d’erreur dans la datation est


moindre pour les représentations de donateurs car ils sont souvent
représentés avec leurs costumes et leurs couvre-chefs traditionnels,
tels qu’on les voit sur leurs monnaies, à quoi s’ajoutent les traits
proprement ethniques : Turcs occidentaux avec leurs longues cheve-
lures, leurs yeux bridés et leurs moustaches tombantes ; Hephtalites
aux moustaches presque droites, les longs cheveux retenus au-dessus
du front par un bandeau, l’arrière du crâne aplati. Les donateurs de
Bāmiyān, du moins dans la peinture murale, qu’il soient de type
kušano-sassanide, kidarite ou hephtalo-turc, aussi bien dans la niche
des Buddha de 38 m, et 55 m que dans les autres grottes de Bāmiyān,
ont été bien étudiés et sont connus de façon satisfaisante.

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RÉCENTES FOUILLES FRANÇAISES (2002-2006) À BAMIYAN 917

FIG. 21. – MO, galerie A9, couples de divinités en haut-relief, modelés en argile,
ornant le départ de la voûte.

FIG. 22. – MO, galerie A9, têtes appartenant aux couples de divinités de la fig. 21 :
a. BAM III, 04, n° 7 ; b. BAM III, 04, n° 8.

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918 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

La donatrice n° BAM III, 2004, 9 (fig. 23)


Nous avions présenté une première fois cette tête comme étant
celle d’une divinité ou d’une donatrice93, mais le côté solennel du
personnage féminin au visage allongé, ses grands yeux en amande,
son nez droit non conventionnel, les commissures de lèvres non
enfoncées confèrent à ce visage le caractère d’un portrait. De plus
la chevelure de « la Dame de Bāmiyān » surmontée d’un diadème
triangulaire orné de pastillage du type de Hadda permet de la classer
parmi les donatrices kušānes. En effet sa chevelure ramenée vers
l’arrière et formant de grosses mèches sur les côtés du visage est
unique à Bāmiyān ; elle ressemble à cet égard à certaines dames de
Xalčāyān94.

Les fouilles de la ville royale 1 (VR 1)

Le but recherché était d’ouvrir une fouille sur l’emplacement


de la ville royale préislamique de Bāmiyān, à la limite de l’habitat
rupestre et de l’habitat de plein air. L’endroit retenu après de diffi-
ciles négociations avec le propriétaire a été a un ancien caravansé-
rail à l’ouest de l’ancien bazar détruit durant la guerre civile. Une
dizaine de carrés de 4 m de côté ont été fouillés.
Du nord au sud la transition des vestiges rupestres à l’habitat
construit a été fort intéressante à observer. Dans les couches archéo-
logiques des carrés septentrionaux en pente du nord vers le sud, qui
avaient été sérieusement bouleversées, on a recueilli un mélange de
céramique préislamique turque (VIe-IXe siècles), sāmānide et ghazné-
vide (Xe-XIIe siècles), ghuride (XIIe-XIIIe siècles), xwārazmšahide
(début du XIIIe) et moderne. Plus au sud la stratigraphie redevient
normale. Trois grandes périodes ont été observées. La première est
turque préislamique, mais associée avec les débuts de la période
musulmane, juste avant les Sāmānides ; la deuxième, de courte durée,
correspond aux périodes sāmānide et ghaznévide. C’est sur un site
ruiné et abandonné que s’implantent les installations de la période
musulmane la plus florissante de Bāmiyān, celle des Ghurides,
lorsque Bāmiyān servit de seconde capitale aux rois du Ġor. À la fin
de cette dynastie Bāmiyān tombe pour une très courte période aux
mains des Xwārazmšahides. Après le passage de Gengis Khan et la

93. Tarzi, op. cit. (n. 3), fig. 29-31


94. G. A. Pugačenkova, Skul’ptura Khalčajana, Moscou, 1971, fig. 24, 26, 30, 33.

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RÉCENTES FOUILLES FRANÇAISES (2002-2006) À BAMIYAN 919

FIG. 23. – MO, galerie A9, tête d’une donatrice au diadème triangulaire orné de
cabochons (argile séchée).

destruction presque totale de l’habitat, matérialisée sur les chantiers


de fouilles par des couches de cendres, Bāmiyān devient une bour-
gade sans importance, constamment occupée par des envahisseurs
de tout bord. De la période ghuride nous avons l’angle d’une forti-
fication conservé au niveau des fondations. Dans cette partie du site
dont la fouille n’est pas terminée, nous localisons provisoirement
un atelier de potier d’après la découverte d’un nombre important de
pernettes et de tiges de terre cuite utilisées par les potiers dans leurs
fours, ainsi que de ratés de cuisson.

Les fouilles de la ville royale II (VR 2)

L’emplacement de ce chantier à l’ouest de la niche du Buddha de


55 m au lieu dit Sorx Qol, pratiquement au pied de la grande falaise,
avait été choisi dans l’espoir d’y retrouver le rempart de la ville royale
préislamique de Bāmiyān. Nous n’étions pas très loin de la réalité.
En fait, au lieu de découvrir la face méridionale du rempart, nous
avons rencontré des constructions extra muros adossées à celui-ci.
Les fouilles y ont été menées en deux endroits : au nord se trouvait
le premier secteur, A, immédiatement au sud du rempart ; le second
secteur B au sud-ouest du premier se trouvait sur l’emplacement
d’une ancienne tour.

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920 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

ATELIER DE VERRIER (fig. 24)

Dans ce secteur huit carrés de 4 x 4 m furent fouillés. Comme


dans la VR1 la chronologie est la même, mais ici deux grands états
superposés ont été exhumés, qui vont de la fin de la période turque
jusqu’à la fin de la période ghuride. Sans entrer dans le détail des
constructions disons que nous sommes au moins certains d’être en
présence d’un ensemble d’ateliers où les fours, semblables à des
tandours, sont de petite taille, faisant plutôt office de foyers ou de
forges que de véritables fours de cuisson comme chez les potiers.
Un dispositif pour moudre des produits avec une meule inférieure
circulaire fixe et la moitié de la meule supérieure mobile a été trouvé
in situ. La découverte d’un nombre important de bracelets en pâte de
verre et des tessons de vases en verre semble bien prouver que cet
atelier était celui de verriers. Deux fours ou forges, deux fosses de
stockage et un puits complètent nos découvertes.

La chronologie

LA PÉRIODE PRÉISLAMIQUE

Les travaux commencés depuis 2002 nous ont appris que les diffé-
rents niveaux du MO se répartissaient en deux grandes périodes.
Nous avons dit comment le début de la première fut d’abord daté
provisoirement du IIIe siècle ap. J.-C., mais comment la découverte
d’une pièce de monnaie indienne du type de la colline à trois arches
daté des IIe-IIIe siècles ap. J.-C.95, ainsi que celle d’une céramique
fine composée de bols kušans du IIe siècle ap. J.-C. nous ont conduit
à attribuer le commencement de cette première grande période
à l’apogée du règne des Grands Kušans. Nous comptons sur des
trouvailles plus nombreuses dans les prochaines campagnes pour
confirmer cette datation encore fragile, car du début de cette période,
nous n’avons jusqu’à présent qu’un sol stuqué et des traces de
monuments rasés. Les monuments debout du MO de cette période
semblent être de la fin de celle-ci, tel le stūpa n° 2, qui semble être
du IVe siècle ou du Ve siècle, datation toutefois encore provisoire, à
confirmer elle aussi. Nous avons pris également le risque de dater
les modelages de la galerie A9 des IVe-Ve siècles. Il en est de même

95. Tarzi, op. cit. (n. 3), p. 118-119, fig. 35.

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RÉCENTES FOUILLES FRANÇAISES (2002-2006) À BAMIYAN 921

FIG. 24. – VR 2 (Ville royale 2), atelier de verriers, fouilles de 2006.

du stūpa n° 1 (GS) qui pourrait être de la fin du Ve ou du début du


VIe siècle.
La fin de cette période, très clairement marquée par une destruction
générale et la profanation d’un nombre considérable de modelages
est à mettre en rapport soit avec la conquête sassanide des Šapurs
soit avec celle des Hephtalites, sans que nous puissions trancher
pour le moment. Dans la stratigraphie, le hiatus entre la première
période et la deuxième période se matérialise par une grosse accu-
mulation de décombres qui oscille entre 1,5 m et 2 m d’épaisseur et
de remblais épais de 1,5 m à 2 m, et trahit un assez long abandon du
site, au moins dans les parties explorées par nous.
La datation du début de la deuxième grande période de Bāmiyān
dans la deuxième moitié du VIe siècle, que nous avions d’abord
proposée dans notre première thèse sur Bāmiyān96, s’est trouvée
confirmée par nos fouilles : tout le monde est d’accord là-dessus.
C’est alors que commence tout une série de grands projets comme
la construction de la grande statue du Buddha de 55 m, dont la date
a été vérifiée par l’analyse au carbone 14 effectuée par les collègues
allemands chargés de la restauration des deux statues du Buddha
de 55 m et 38 m97. Le creusement et l’aménagement des dizaines

96. Id., op. cit. (n. 25).


97. Id., op. cit. (n. 3), p. 118.

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922 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

de grottes sont également l’œuvre de cette grande période, dont la


fin est marquée par la restauration du Buddha de 38 m. Tout laisse
à penser que, durant cette deuxième grande période de son histoire,
Bāmiyān a été gouvernée d’abord directement par les Turcs occi-
dentaux, les mêmes qui avaient demandé à Xuanzang de faire le
détour par Balx (Bactres) et Bāmiyān, deux villes qui ne figuraient
pas dans l’itinéraire initial du pèlerin chinois, puis par la dynastie
locale hephtalite ou iranienne locale « tāĵek », qui était certainement
vassale des princes (yabġus) des Turcs occidentaux.
La fin du Monastère occidental a sans doute été causée par les
destructions de Yakub ben Lays Safāri98. La céramique recueillie
durant cette deuxième grande période préislamique, du Ve au IXe siècle,
est, pour l’essentiel, similaire à celle ramassée par M. Le Berre
dans les châteaux de l’Hindukoš et publiée par J.-Cl. Gardin et
B. Lyonnet, et on peut la qualifier sans crainte de beaucoup se
tromper de caractéristique de l’époque hephtalo-turque.

LA PÉRIODE ISLAMIQUE

La transition de la période préislamique à la période islamique à


Bāmiyān est relativement bien représentée dans les sources histo-
riques. Grâce aux écrits des historiens comme Yacqubi99 et Tabari100
qui nous éclairent sur le passage progressif de la population d’une
religion à l’autre, on s’explique la présence dans nos fouilles de
la céramique dite turque au début de la période islamique. Malgré
les Sāmānides et les premières attaques des ġhaznawides, quelques
Sardārs, (Sar « seigneurs », à tort orthographié Šer ou Asad par les
Arabes) de Bāmiyān résistèrent jusqu’aux environs de 987 ap. J.-C.,
demeurés fidèles à leur religion ancestrale, le bouddhisme. C’est
sans doute pour cette raison que la céramique de la période samanide
et surtout ghaznévide n’occupe à Bāmiyān qu’une place modeste.
En revanche, la période ghuride est amplement représentée par des
formes et des décors nouveaux. Une fois de plus c’est grâce aux

98. Sur la date de l’incendie ordonné par Y. b. L. Safāri et l’envoi des idoles de la paisible vallée
à Baghdad, ainsi que sur les différents points de vue des historiens voir Baker – Allechin, op. cit.
(n. 17), p. 23.
99. Géographie de Yacqubi: Kitab al-buldan (Livre des pays), Bibliotheca Geographorum
Arabicorum VII, traduction de G. Wiet, Le Caire, 1937 ; Histoire de Yacqubi : Ibn Wadhih qui dicitur
al Jacqubi Historiae, éd. M. Th. Houtsma, Leyde, 1883.
100. (Tabari, Annales) : at-Tabari, Abū Ĵacfar Mohammad ibn Ġarir : Ta’rikh ar-rurusul wa’l
muluk, éd. M. Jan de Goeje, I-III, Leyde, 1878-1901.

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RÉCENTES FOUILLES FRANÇAISES (2002-2006) À BAMIYAN 923

textes historiques, surtout le Tabaqāte Nāsiri de Ĵozĵani101 et les


travaux de Raverty102 et de Bosworth103, sans oublier Barthold104,
que nous savons que Bāmiyān servit alors de capitale aux rois
Šansabanis du Ġor depuis Faxruddin Mascud (1163 ap. J.-C.) jusqu’à
Ĵalāluddin cAli (1213) et cAlāuddin Mohammad. Nous savons que
la ville dont ils firent leur capitale s’étendait de l’aéroport actuel
(au sud) sur plus d’un kilomètre de longueur jusqu’au rebord du
plateau (au nord), au lieu dit Tape Almās. De 1155 à 1212 le site
de Ġolġola fut la citadelle de l’ensemble urbain. Ville et citadelle
furent prises d’abord par les Xwārazmšāhs (1215), puis par Gengis
Khan en 1221.
La poterie ghuride et xwārazmšāhide du site fortifié de Ġolġola a
été étudiée par Gardin105 qui y a vu la production locale d’un atelier
de potiers iraniens venus volontairement ou sous la contrainte s’ins-
taller à Bāmiyān sous l’hégémonie des Xwārazmšāhs et dont l’exis-
tence aurait été de courte durée, entre 1175 environ et la conquête
mongole de 1220. En fait la céramique de cette période ne se limite
pas à la citadelle de Ġolġola. Les ratés de cuisson et les pernettes
qui avaient permis à Gardin de reconnaître l’existence d’un atelier
de potiers sur ce site se retrouvent en fait un peu partout à Bāmiyān
avec de la céramique de cette période.
Comme dans tous les monastères bouddhiques, les découvertes
de pièces de monnaies dans les couches archéologiques du MO ont
été très rares. Ces pièces sont en outre dans un piètre état de conser-
vation. Notons qu’entre 2002 et 2006 aucune pièce kušāne de type
connu n’a été trouvée. Sur l’ensemble des chantiers les autres trou-
vailles monétaires se résument de la manière suivante : la monnaie
la plus ancienne, découverte en 2005, est une pièce indo-grecque en
bronze d’Hélioclès barbarisé (autour du début de l’ère chrétienne),

101. Ĵozĵani, Tabaqat Naseri de Mohtaĵ ud din cOsman ben Saraj ud din macruf ba Qazi Menhaj
Saraj Ĵozĵani ke dar Dehli ba sale 659 H. nowešta šod, éd. A. H. Habibi (avec annotation et correc-
tion), Kaboul, 1343 H. (volume 1 et 2 en un volume).
102. H.G. Raverty, Tabakat-i-Nasiri, Traduction de Juzjani, Londres, 1881.
103. C.E. Bosworth, « The early Islamic History of Ghur », Central Asiatic Journal VI (1961),
p. 116-133 ; Id., The Ghaznavid, their Empire in Afghanistan and Eastern Iran, 994-1217, 2e éd.
Beyrouth, 1973 ; Id., The later Ghaznavids, Édimbourg, 1977.
104. V.V. Barthold, « Bamiyan », Encyclopédie de l’Islam, éd. française, I (A-B), p. 1040-1041 ;
Id., Turkestan down to the Mongol Invasion, 3e éd., Londres, 1968, p. 68, 443-444.
105. J.-Cl. Gardin, « La poterie de Bamiyan », Ars Orientalis 2, p. 227-245. M. Mitchiner, Indo-
Greek and Indo-Scythian Coinage, Londres, 1975, 5, types 284 k et 285 d (Hélioclès Ier) : cf. n. 7.
L’exemplaire découvert par nous dans la fouille de Bāmiyān a été recueilli sur un sol du IIIe siècle
ap. J.-C.

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924 COMPTES RENDUS DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

mais elle provient d’un contexte archéologique sans rapport avec la


période indo-grecque106 ; une monnaie indienne en bronze portant
au revers une colline à trois arches (IIe-IIIe s. ap. J.-C.)107 ; quelques
rares pièces kušāno-sāsānides du IVe siècle ap. J.-C. ; pas de monnaie
hephtalite de type connu ; quelques rares bronzes assez minces, qui
semblent appartenir à la dynastie des Sāmānides : l’un serait de
Nuh II (366-387 H) ; quelques pièces ġhaznawides, dont deux de
Mahmud (Ġazna, 389-421 H) ; quelques pièces ghurides ; une pièce
en argent fragmentaire de la période xwārazmšāhie ; des pièces de
monnaies modernes dont trois lisibles : l’une du roi Amānullah Xān
(1919-1929 H), une autre de Nāder Šāh (1929-1933 H) et la dernière
du roi Mohammad Zāher Šāh al Motawakel elallah (1933-1352 H).
L’étendue des sites qui forment l’ensemble de Bāmiyān et leur
durée dans le temps sont trop présents à notre esprit pour que nous
en oubliions la prudence et la modestie qui sont de mise dans les
conclusions à tirer sur le bilan de nos cinq campagnes de fouilles.
Nos travaux n’ont pas la prétention d’apporter des solutions qui
seraient systématiquement à l’opposé de celles de nos devanciers ; ils
s’inscrivent au contraire dans la continuité des leurs, avec toutefois
une différence fondamentale, à savoir que jusqu’à ici les recherches
sur Bāmiyān, surtout par la force des choses, avaient été menées par
des historiens et des historiens de l’art. Nous sommes les premiers
à y conduire des fouilles véritables, autres que de simples vérifica-
tions de détail, et ces fouilles ont une double vocation. La première
est de vérifier l’état de la recherche et la solidité des arguments émis
sur le plan de l’histoire de l’art : en cela nos propres travaux sont
mis à l’épreuve aussi bien que ceux des autres. La seconde, c’est
d’élargir l’histoire d’une façon globale, dans le temps et l’espace,
à l’échelle d’une région tout entière, dotée d’un passé particuliè-
rement riche. De nos investigations se dégage peu à peu l’image
d’une Bāmiyān dont l’importance se forme sous l’effet probable de

106. Pour le type de la colline à plusieurs arches dans le monnayage indo-grec à partir
d’Agathoclès à Taxila, cf. M. Mitchiner, ibid. vol. 1, type 156, Pour les types locaux : ibid., vol. 4,
fig. p. 313-315, 320 : type 564 (T1)-597 ; vol. 7, p. 632, type 929, p. 633, type 930-1, type 931,
p. suiv. type 931-1, 932-937, type 940-943 et type 1041 ; pour une très proche ressemblance avec
notre colline à trois arches : ibid., vol. 9, type 1256-1372 ; J. Allan, Catalogue of the Coins of Ancient
India, Londres, pl. XXXV ; pour de meilleures reproductions photographiques : voir : E.J. Rapson,
Catalogue of the Coins of the Andhra Dynasty, the Western Kşatrapas, the Traikūţaka Dynasty and
tne « Bodhi » Dynasty, Londres, 1908 ; V.A. Smith, Catalogue of the Coins in the Indian Museum
Calcutta, Including the Cabinet of the Asiatic Society of Bengal, Oxford, 1906.
107. A. Pope (éd), A Survey of Persian Art from Prehistoric Times to the Present,
Londres-New York, vol. V, pl. 557 B, 558, 559, etc.

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RÉCENTES FOUILLES FRANÇAISES (2002-2006) À BAMIYAN 925

la colonisation grecque et perdure jusqu’à la période mogole, non


comme une simple étape sur l’ancienne route de l’Inde à la Chine,
mais comme un centre actif de pouvoir et un centre artistique de
grande envergure.

*
* *

MM. Jean-François JARRIGE, Paul BERNARD et Jean LECLANT


interviennent après cette communication.

LIVRES OFFERTS

M. Jean-Pierre MAHÉ a la parole pour deux hommages :

« J’ai l’honneur de déposer sur le bureau de l’Académie, de la part de


l’auteur, la monographie de Xavier Tremblay, Grammaire comparée et
grammaire historique : quelle réalité est reconstruite par la grammaire
comparée, incluse dans le fascicule 72 des publications de l’Institut de
Civilisation indienne du Collège de France (G. Fussmann, J. Kellens et al.,
Āryas, Aryens et Iraniens en Asie Centrale, Paris, de Boccard, 2005) 345 p.,
in-16°. Bien que le travail de Xavier Tremblay n’occupe qu’une partie du
volume, il constitue en fait un véritable livre de 200 pages, divisé en dix
chapitres.
Le premier pose une question paradoxale : comment se fait-il qu’il y ait
des résultats acquis de la grammaire comparée, sur quoi tous les savants
s’accordent, alors qu’il semble impossible de démontrer si la protolangue
qu’on entend reconstruire a jamais été réellement parlée par un peuple ?
Le chapitre 2 opère une distinction entre deux pratiques opposées : la
grammaire comparée, qui élabore un système défini, mais rigoureusement
intemporel, de correspondances entre les langues historiquement attestées,
et la grammaire historique, qui décrit différents états d’évolution de ces
langues considérées une à une. Théoriquement il faudrait choisir entre
l’une ou l’autre de ces deux méthodes. Toutefois, dans les faits, beaucoup
de linguistes – et des plus grands – en usent tour à tour indistinctement.
Le chapitre 3 s’appuie sur les exemples de la philologie romane et de la
confrontation entre grec et mycénien pour montrer que les reconstitutions
obtenues par la méthode comparative ne constituent jamais, prises dans
leur ensemble, une langue qui ait été historiquement parlée. Toutefois, les
différents segments reconstitués se sont probablement rencontrés, à un

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