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Bulletin de la Société d'histoire de

la pharmacie

François-J. Doré, La thérapeutique et l'hygiène en Chine : de


l'influence des superstitions sur le développement des sciences
médico-pharmaceutiques
Eugène-Humbert Guitard

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Guitard Eugène-Humbert. François-J. Doré, La thérapeutique et l'hygiène en Chine : de l'influence des superstitions sur le
développement des sciences médico-pharmaceutiques. In: Bulletin de la Société d'histoire de la pharmacie, 9ᵉ année, n°30,
1921. pp. 336-339.

http://www.persee.fr/doc/pharm_0995-838x_1921_num_9_30_1398_t1_0336_0000_3

Document généré le 29/09/2015


336 bulletin de la société

Homère, dit-il, parle du pavot; il parle aussi du « nepenthes »,


drogue qui en est probablement extraite, car ainsi que son nom
l'indique, elle a pour effet de faire oublier les douleurs. Théo-
phraste (370-287 avant J.-C.) décrit dans son Histoire naturelle
les principales propriétés du « mekonion ». Il en est aussi question
dans Hippocrate (460-377 avant J.-C.) ainsi que du pavot blanc et
du pavot noir.
La lecture d'Ovide nous apprend que les Bomains employaient
l'opium comme hypnotique et comme aphrodisiaque. Dès le ive
siècle, Hypnos, le dieu du sommeil est représenté avec une tête de
pavot comme attribut. Le fameux mithridatium ou antidote de
Mithridate contenait, comme l'on sait, de l'opium.
M. Jermstad cite avec des détails précis un grand nombre
d'auteurs antiques ou modernes ayant fait mention de l'opium
notamment Dioscoride, Pline le Jeune, Col se, Galien, Alexandre de Tral-
les, Paul d'Egine, Rhazès, Avicenne, Simon de Cordoue, Sylvius,
Paracelse, le philosophe Descartes, Sydenham, Neumann, Antoine
Baume, Schcele, Derosne, Séguin, Sertiirner et Pelletier.
Cette sérieuse élude se termine par une importante
bibliographie, qui est, malheureusement un peu lacunaire en ce qui
concerne les ouvrages ou articles de revue en langue française.

(Axel Jermstad, in : Schweizerische


Apotheker-Zeitung . janv.-fév. 1921).
E.-H. G.

= REVUE DES LIVRES

La thérapeutique et l'hygiène en Chine : de l'influence des


superstitions sur le développement des sciences médico-
pharmaceutiques, par François-J. Doré, docteur de l'Université de Paris

(pharmacie). Préf. de M. le Pr. Em. Perrot, Paris, Vigot, 1920,


gr. in-8°, VII + 221 p.

Notre confrère M. François-J. Doré n'est jamais allé en Chine,


mais cela ne l'empêche pas d'en parler savamment grâce airx notes
abondantes que lui a rapportées son frère, le père Jésuite Doré,
qui a séjourné de longues années en Extrême-Orient, en qualité
de, missionnaire. M. François-J. Doré a complété ces notes en
dépouillant de nombreux récits de voyageurs ou de missionnaires
Français.
Son livre est divisé en trois parties, la première consacrée à la
médecine et à la pharmacie Chinoises, la deuxième réservée aux
religions et aux superstitions du pays, la troisième à ses moeurs en
général.
d'histoire de la pharmacie 337

« En Chine, la Médecine et la Pharmacie sont entièrement


libres : point n'est besoin pour s'installer de patentes légales, ni
de diplômes : le Gouvernement se désintéresse de la santé
publique; preuve indiscutable : alors qu'il faut trois ans pour être
maçon oui barbier, le premier lettré venu peut exercer la médecine
avec un livre renfermant quelques formules vagues... ».
La conséquence de cette liberté est que le même homme exerce
généralement les deux professions de médecin et de pharmacien.
Ces médecins-apothicaires sont très concurrencés par des
empiriques de tout genre, au premier rang desquels les bonzes et les
taoches (représentants de divinités ayant le pouvoir de chasser le
mauvais génie),
Les riches louent le médecin et l'installent chez eux durant la
maladie. Parfois la maladie est traitée à forfait; en cas d'insuccès
le médecin ne sera pas payé; il est vrai qu'il se fait d'ordinaire
verser une petite provision qui lui reste acquise dans tous les cas.
Enfin un autre système consiste à ne faire payer que les remèdes
au fur et à mesure de leur livraison. Quant aux soins médicaux, ils
sont théoriquement gratuits, mais au bout de l'an le médecin
invite tous ses clients à un grand dîner : chacun apporte son
offrande en espèces, l'amphytrion accepte les dons en feignant la
surprise et la confusion : son orgueil est sauf.
La médecine Chinoise repose presque toute entière sur l'art de
tâter le pouls et sur l'art de calligraphier l'ordonnance.
Les boufiques des pharmaciens sont d'apparence assez cossue.
<( Très fréquemment comme enseigne on trouve, un grand tableau
représentant l'immortel T' ié -Koai-li, parce que sa gourde
contient des pilules magiques. A ses côtés figurent les rois des
remèdes : Suen-semiao, Wei-chan-tsuen, Pien-tsio. Le 28 "de la IVe lune,
les apothicaires vont à la pagode de ce dernier et lui font des
sacrifices... ». A côté de ces images on trouve des réclames dans le
genre de colle-ci : « Pour la transformation du foetus en sang, il
n'y a pas deux maisons. La meilleure maison de Peking. Avorte-
ment garanti. Si la maladie ne s'améliore pas, on n'accepte même
pas une sapèque [= 1/206 de sou]. On tient parole ».
La pharmacopée chinoise comprend à peu près exclusivement
des tisanes, des poudres, des pilules et des emplâtres, dont les
formules se trouvent consignées dans un nombre incalculable
d'ouvrages. Les substances qui entrent dans la composition des
remèdes sont hiérarchisées : pour qu'un remède soit efficace, il
faut qu'il contienne en nombre pgir ou impair, suivant les cas,
une substance du premier degré, 2 du second, 3 du troisième et 5'
du quatrième. Quand un produit vient à lui manquer, le
pharmacien est autorisé à le remplacer, par un papier contenant le
nom de ce produit qu'il fait avaler au malade : l'effet est le même.
M. F. Doré a consacré une division importante de son livre aux
338 bulletin de la société
superstitions chinoises dans leurs rapports avec la médecine et
l'hygiène. Voici quelques-unes de ces croyances cueillies entre
mille autres.
Le Dragon, dont il est déjà fait mention 43o siècles avant Jésus-
Christ, est un des êtres les plus puissants et les plus redoutés. Il
aime se reposer sur les toits et comme il a horreur de la ligne
droite toutes les toitures sont de forme concave. La Tortue est le
symbole de la mauvaise conduite. Dessinée au coin d'une rue, elle
équivaut à l'inscription Européenne bien connue : « Défense de
déposer des ordures le long de ce mur ».
Le Chinois ne redoute pas la mort; le cadeau le plus apprécié est
celui d'un cercueil. Quand un individu agonise, on le couche par
terre et sans oreiller hors de sa chambre. Puis on va demander à
tous les échos, surtout la nuit, que l'âme n'abandonne pas le
corps du malade. « Ce sont des cris lugubres. A bout de ressources
on a recours à un procédé qui ferait la joie de nos confrères. On
apporte une statuette d'une idole dans la chambre du malade :
deux « taoche » s'eïl emparent et l'emportent chez le pharmacien.
Celui-ci, tournant le dos à la divinité, indique du doigt un tiroir.
Si les porteurs de la statuette ne remuent pas, le remède est
mauvais; s'ils avancent ou reculent, le remède doit être acheté à
n'importe quel prix... »
En dehors des remèdes il existe des talismans, c'est-à-dire des
formules magiques qu'il faut ou placer sur certaines parties du
corps du patient ou brûler près de lui. Exemples : Talisman pour
guérir les seins : « Que le tonnerre foudroie les cinq méchantes
.

étoiles qui nuisent au sein gauche et les cinq étoiles qui ont
endolori le sein droit [ici le nom des étoiles] ». Talisman contre les
coliques (il faut le réduire en cendres et l'absorber sous cette
forme dans du bouillon de navets) : « Leï-Kong, du haut des
nuées du ciel, commande que la colique cesse : respect à cet,
ordre ! » On trouve même des talismans « pour quelqu'un qui a été
empoisonné par les remèdes des médecins » : c'est là une perfide
invention des bonzes pour jeter le discrédit sur leurs concurrenls
les médecins-apothicaires.
D'ailleurs il existe dans l'enfer bouddhique plusieurs «
secteurs » réservés à nos collègues : le 2e, où sont précipités les
praticiens coupables d'impéritie; le 4e, où sont envoyés ceux qui ont
gardé pour eux le secret d'une recette salutaire et ceux qui ont
frelaté les remèdes; le 7e où se morfondent ceux qui ont fait entrer
des êtres vivants ou des parties du corps humain dans la
composition de leurs drogues; enfin le 8e où les apothicaires qui ont
cherché à endormir les gens sont exposés à séjourner dans 16
cachots et à subir 128 supplices comme ceux de la graisse raclée,
des yeux arrachés, des orteils coupés, de la bouche bourrée de
chaux, de l'huile bouillante, etc., etc.
C
D'HISTOIRE DE LA PHARMACIE 339

M. Doré énumère encore, avec grand soin, les nombreuses


divinités médicales qui constituent « le ministère de la médecine ». 11 y
en a de générales et de spéciales : certaines protègent l'enfance,
d'autres préservent de la variole, de la rougeole, des épidémies,
etc. Ts'ing-wa-chen, l'esprit des grenouilles, a de nombreux
adorateurs au Kiang-Si. Tse-Kou-chen, ou la Dame Violette, est
vénérée comme déesse des latrines, parce qu'elle fut tuée dans les
cabinets d'aisance par une femme jalouse. Il existe encore les trois
immortelles du vase immaculé (« immaculé » est un euphémisme), le
Dieu de la Sodomie, les huit saints ivrognes, auxquels les
marchands de vin offrent annuellement de l'encens pour les inciter à
faire marcher leur commerce. Toutes les professions ont au moins
un patron, notamment les pharmaciens, les diseurs de bonna
aventure, les tenanciers d'établissements tolérés là-bas comme
ailleurs.
La troisième partie du livre de M. Doré est consacrée à l'hygiène
chinoise (elle est lamentable) et autx moeurs du peuple Chinois en
général.
C'est dire que ce vojume dépasse de beaucoup les promesses de
son titre. Il contient, nous le répétons, une masse imposante de
renseignements inédits sur cette immense contrée de la terre où
l'ignorance et la superstition causent des ravages incalculables.
E.-H. Guitard.

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Trouvailles documentaires

DEUX ÉPITAPHES

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Toulouse.
Maubert,
provenance
de tome
Bernard
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II,
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HIC JACET FBATEB BEBNABDUS COUDEBC CABMELITA


THOLOSANUS IN HOC CONVENTU PHABMACOPOLA PEBITIS-
SIMUS, SUOPTE INGENIO MEDIC ABUM PLANT ABUM ET AB-
BUSTOBUM NOTITIA CLABISSIMUS UTQUE CHABITATI EBGA
OMNES STUDIOSISSIMUS.
OBIIT DIE XVIII. FEBBUABII ANNO MDCLXXXIL

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