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Bulletin de la Société d'histoire de

la pharmacie

Le Musée médico-pharmaceutique d'Amsterdam


Van der Wielen

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der Wielen Van. Le Musée médico-pharmaceutique d'Amsterdam. In: Bulletin de la Société d'histoire de la pharmacie, 9ᵉ
année, n°30, 1921. pp. 349-353.

doi : 10.3406/pharm.1921.1402

http://www.persee.fr/doc/pharm_0995-838x_1921_num_9_30_1402

Document généré le 29/09/2015


d'histoire de la pharmacie 349

(O
LE MUSÉE MEDICe-PHARHACEUTIQUE D'ANSHRDAM

A l'occasion de l'assemblée générale de la Société de


Pharmacie néerlandaise en 1887, le Département
d'Utrecht de cette société proposa de fonder, à
Amsterdam, un musée pour y collectionner les objets
intéressant l'histoire de la pharmacie. La proposition fut
acceptée et un comité fut désigné, chargé de l'exécution
de cette décision.
Il y avait déjà une collection d'objets curieux qui se
trouvait dans une des caves du musée de l'Etat, où
seulement une main d'expert pouvait les exhumer d'entre
les sarcophages et les pierres sépulcrales qui les
entouraient. D'autre part, de nombreux membres de la
Société de Pharmacie cédèrent quantité de trésors
historiques au Comité du Musée, qui, grâce à la coopération
de tant de collègues réussit à amasser un ensemble assez
satisfaisant.
Les principaux collaborateurs furent M. le Dr C.-E.
Daniels que l'on peut considérer comme le fondateur du
Musée Médico-Pharmaceutique et M. A.-J. Ryx qui y
contribua par des donations importantes.
A l'occasion du cinquantenaire de la Société de
Médecine, en 1899, une exposition médicale historique fut
organisée à Arnhem et constitua, avec la collection qui
se trouvait dans les caves du Musée de l'Etat, le noyau
du musée qui fut ouvert dans quelques salles du Musée
municipal d'Amsterdam en 1902.
L'entrée est formée par une porte au-dessus de
laquelle se trouve une tête de More flanquée de dents de
scie et de cornes de cerfs et entourée de pavots. Plus
tard, on y a apporté quatre autres têtes.
Après avoir passé cette porte, on se trouve dans la
« pharmacie du More », fondée en 1739.

(1) Voir ci-dessous la planche XLI.


350 BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ

Cette date appartient à une période heureuse de


l'histoire de la pharmacie néerlandaise, qui venait de se
libérer de la tutelle médicale. Les pharmaciens de la
Haye furent les premiers à secouer le joug des
médecins. Dès lors ils eurent leurs places dans les comités
chargés des révisions des pharmacopées municipale*.
La chimie, qui était devenue une science
indépendante en Hollande, comme ailleurs, fut presque
exclusivement étudiée par des pharmaciens et pratiquée dans
les laboratoires pharmaceutiques; pour passer les
examens pharmaceutiques il fallait subir des épreuves de
chimie. Les pharmaciens s'appliquaient aussi à la
météorologie et ses sciences auxiliaires, à la botanique, la
zoologie et la minéralogie. Aussi il va sans dire que
nous trouvons déjà dans notre pharmacie de 1789 le
microscope comme attribut indispensable, ainsi que
l'herbier et les collections de drogues.
Cependant la science, qui se développait de plus en
plus, n'avait encore pu expulser entièrement la
superstition, comme le prouvent les Ungul Alcis, amulettes
suspendues dans l'embrasure de la fenêtre, dont les
petites vitres ne laissent pénétrer dans la pièce qu'une
lumière foncée.
La riche collection de pierres précieuses entières ou
poudrées prouve bien que la superstition n'avait pas
encore disparu dans ces temps là quoiqu'en dise Elze-
vier, qui écrit en 17/10, que l'or et l'argent, les pierres
précieuses, les perles, etc. seraient bannis de la
pharmacie depuis déjà longtemps.
Il était défendu aux pharmaciens de faire prendre ou
d'appliquer des médicaments sans prescription
médicale; cependant presque tous les flacons et tous les pots
en faïence de DeKt montrent des inscriptions, soit en
abréviations presque incompréhensibles, soit en
caractère alchimiques, qui indiquent les cas de maladie dans
lesquels il fallait les ^appliquer. Par exemple un de ces
pots en faïence de Delft porte l'inscription « Requies
puerorum n; d'après la Pharmacopée Almeriana de
1723, ce médicament contient beaucoup d'opium et les
d'histoire de la pharmacie 351*

auteurs de cette pharmacopée sont bien à blâmer


d'avoir autorisé ainsi l'administration, d'un remède
aussi dangereux aux petits enfants, dont le mal pouvait
certainement être soulagé d'une manière plus
naturelle.
Le dressoir (comptoir) de cette pharmacie du xmB
siècle porte de nombreux objets intéressants, comme
des mortiers en cuivre et en faïence, des bascules, des
poids et des mesures et bien d'autres objets. On y voit
des prescriptions de l'époque, des ustensiles d'écriture,
etc., etc..
Une étude de Boerkaave nous fait songer aux
difficultés de chauffage, en ces temps-là, lorsqu'il fallait se
servir d'un appareil caléfaeteur dont les fumées de
charbon rendaient nécessaire de faire bouillir au dehors
de grandes quantités de sirop. Pour cela la grande
casserole de cuivre était portée sur un perron ou au bord
d'un quai, où le domestique chargé de la surveillance,
entretenait le feu au moyen d'une planchette-éventail.
Dans un coin de la pharmacie, sous l'horloge solaire,
on trouve une petite armoire contenant les drogues et
les livres nécessaires à l'étude de la première
pharmacopée nationale, la Pharmacopoea Batava de i8o5. On
retrouve le style Louis XVI de cette armoire dans une
autre petite armoire où sont rangées les seringues à
clystère qui nous font songer à une occupation
secondaire du pharmacien de ces temps. La loi lui défend
d'appliquer la seringue à clystère sans que le médecin
ne l'y autorise, de même qu'il ne lui est pas permis de
pratiquer l'uroscopie.
Pour le gros public, la première pièce du musée, la
pharmacie, avec ses inscriptions latines abrégées et
incompréhensibles, sa quantité d'instruments et de
grands livres reliés en parchemin est déjà très
imposante, mais la pièce adjacente, le laboratoire, l'est plus
encore ! En passant par la porte de communication,
garnie de petits vitraux verts, on entre dans ce
sanctuaire, souvent appelé la chambre de chauffe, tant il
faut y chauffer pour préparer toutes les eaux et les al-
352 bulletin pe la société

cools distillés, les extraits, les décoctions, les emplâtres,


les préparations empyreumatiques obtenues par
distillation sèche de bien des produits animaux. Toutes ces
préparations étaient beaucoup plus complexes, on le
sait, que nos remèdes modernes. Le pharmacien du
xvnf siècle était en outre obligé de préparer tous ses
médicaments chimiques lui-même. La loi lui défendait
absolument de les faire préparer par autrui ou de les
acheter chez des chimistes. Exceptionnellement, ceux
qui n'avaient subi leur examen que pour la préparation
des médicaments galéniques, étaient autorisés à
acheter les préparations chimiques chez un de leurs
confrères, qui portait ainsi la responsabilité pour la qualité de
ces médicaments. Dans ces temps-là le travail
pharmaceutique consistait essentiellement dans la préparation
des médicaments et peu de temps était consacré à la
recherche des substances étrangères et au dosage des
principes actifs.
Le laboratoire du musée est une copie fidèle du
laboratoire de A. d'Ailly (1812), comme on le trouve dans
les peintures de J. Jelgershuis, l'acteur-peintre. En
1799 d'Ailly qui était alors pharmacien sur le « Haar-
lemmerdyx » à Amsterdam, acheta le laboratoire du
pharmacien amsterdamois P. Schank. Ce laboratoire se
trouvait sur le « Schans » à Amsterdam et c'est là que
d'Ailly, en collaboration avec Nieuwenhuys, fut le
premier à préparer en Hollande la quinine, extraite de
l'écorce de Cinchona Salisaya, importée de l'Amérique
du Sud.
La quinine qui, pour la première fois, fut obtenue £
l'état pur par Pelletier et Caventou en 1820, était déjà
préparée à Amsterdam en 1823, et rendit d'excellents
services dans une épidémie de fièvre qui éclata dans
surtout"
notre patrie, en Groningue, en 1826 et 1827. En
1897 on a érigé, à Paris, une statue à Maillot, l'homme
qui a rendu un grand service à l'humanité en désignant
la quinine comme remède contre la fièvre. S'il avait pu
prendre connaissance des publications néerlandaises de
1827 et 1828 sur ce sujet, il aurait certainement fait
d'histoire de la pharmacie 353

usage plus tôt qu'il ne l'a fait du sulfate de quinine, au


lieu d'avoir suivi d'abord la méthode du traitement an-
tiphlogistique de Broussais. En 1822 le professeur Stra-
tmgh, de l'Université de Groningue, avait déjà écrit
un traité sur la quinine et la cinchonine, mais sans
faire mention de l'usage de ces substances contre la
fièvre. On est persuadé cependant qu'il a encouragé
l'usage de la quinine comme fébrifuge.
Le prix du sulfate de quinine était alors de 20 à 22
florins l'once médicinale (= 32 grammes).

Grâce à la collaboration de M. A.-J. Ryk qui avait


encore travaillé dans le laboratoire de A. d'Ailly sous
la direction de ses deux fils, S.-J. d'Ailly (1796-1851)
et B.-II. d'Ailly (1798- 1878), on a pu en faire une
reproduction exacte.
La troisième salle du musée médico-pharmaceutique
est la chambre' d'aliénés, que nous considérons à peu
près comme une chambre d'horreur avec ses camisoles
de force, ses lits de force, ses chaînes, etc., à l'aide
desquels on rendait encore plus pitoyable le sort des
pauvres frénétiques. Cette salle ne nous donne pas une
haute opinion des sentiments humanitaires de nos
aïeux, non plus que de leurs soucis hygiéniques.
On est heureusement beaucoup mieux
impressionné par la visite de la chambre d'accouchement, la
quatrième et la dernière des salles que le musée
municipal d'Amsterdam a cédées aux collections
pharmaceutiques. Cette chambre a été aménagée suivant les
indications fournies par Cornelis Troost; avec sa remueuse
et son chauffe-linge elle nous donne une idée du confort
d'un riche intérieur d'autrefois.

Profr Van der Wielen,


Me actif, Amsterdam.

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