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Revue d'histoire de la pharmacie

Le remède universel du docteur Ailhaud


Robert Caillet

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Caillet Robert. Le remède universel du docteur Ailhaud. In: Revue d'histoire de la pharmacie, 42ᵉ année, n°141, 1954. pp. 251-
266.

doi : 10.3406/pharm.1954.8538

http://www.persee.fr/doc/pharm_0035-2349_1954_num_42_141_8538

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2$l

REVUE D'HISTOIRE

DE LA PHARMACIE

Juin 1954

L'affaire la plus fructueuse du XVIIIe slide

LE REMÈDE

UNIVERSEL

du docteur jtiLuhaua

privés
Un des Mens
sages
secours
Si tibipréceptes
Maris,
deficiant
du corps
requies
demédical
medici,
l'Ecole
moderata,
medici
: de Salerne
fiant
dieta.s'adresse
haec triaaux
: malades

Quatre Comtadins ont substitué à cette thérapeutique d'attente,


parfois insuffisante, une médication plus efficace. L'un d'eux a donné,
sous forme d'un manuel-dictionnaire, la liste des états morbides et
leurs médicaments appropriés ; les autres ont prescrit un remède
unique, applicable à tous les cas.
A la première de ces formules s'attache le nom de Broutet, à la
seconde ceux d'Audin-Rouvière, de Raspail et d'Ailhaud.
Le comte Guillaume de Broutet, philanthrope avignonnais, mort en
1816, fit imprimer à Avignon, sous le voile de l'anonymat, en 1813.
17.
252 REVUE d'histoire de la pharmacie

et par Laurent Aubanel, La science de la santé, soit pour le moral,


soit pour le physique, ou hygiène encyclopédique, où sont énoncées
« les vertus des plantes, et des remèdes éprouvés dans les maux qui
n'exigent pas le secours des gens de l'art ».
Le comte de Broutet ne vendait pas son livre ; il le faisait distribuer
gratuitement aux personnes susceptibles de l'apprécier et d'en tirer
profit ; il les priait de renvoyer l'ouvrage s'il ne leur convenait pas,
ou, s'ils acceptaient de le garder, de verser un franc cinquante
centimes à un pauvre de leur choix.
¦> *»
Le Carpentrassien Joseph-Marie Audin-Rouvière (1769-1832)
publia à Paris, en 1 794, la première édition de son livre : La
médecine sans médecin, ou Manuel de Santé ; ouvrage destiné à soulager
les infirmités, à prévenir les maladies aiguës, à guérir les maladies
chroniques, sans le secours d%une main étrangère. Cet ancien prêtre,
devenu médecin militaire, puis médecin consultant à Paris, 10, rue
d'Antin, disait avoir rapporté d'Italie le secret des c Grains de santé
du Dr Franck * ; il propagea ce remède avec un tel succès que son
énorme débit lui procura une belle fortune. Sa Médecine sans méde'
ein connut treize éditions, entre 1794 et 1830, et fut traduite en
plusieurs langues.
Personne n'a oublié un autre Carpentrassien, François- Vincent
Raspail (1794-1878), praticien sans diplôme, guérisseur réputé avant
d'avoir acquis la célébrité comme homme politique. II attribuait aux
maladies une origine parasitaire et préconisait le camphre comme Je
meilleur curatif.

Mais aucun de ces Comtadins ne connut les triomphes de Jean


Ailhaud et ne put atteindre son apogée.
L'exécration du docteur Ailhaud envers les confrères de son
temps le porta à proscrire les saignées, les cautères, et tout l'arsenal
thérapeutique abondant qui, à l'en croire, n'avaient pour résultat que
d'épuiser les corps et de vider les bourses.
Il ne connaissait aux maladies qu'une cause, toujours identique, il
prescrivait pour tous les cas un seul remède et un seul mode d'emploi,
rendant inutile l'intervention « funeste » des médecins.
LE REMÈDE UNIVERSEL DU Dr AILHAUD 253 '

Il poursuivait, affirmait-il, un double but : la charité et le bien de


l'humanité. La richesse lui advint par surcroît, très opulente, avec des
terres considérables, des titres de noblesse, une réputation mondiale et
un cortège d'innombrables jaloux.
Le « Remède universel » de Jean Ailhaud a déjà fait l'objet
d'une importante étude de M. Maurice Bouvet, publiée en mai 1 922
dans la revue La Pharmacie française et sous le titre : Un exemple
de publicité médico-pharmaceutique par brochures au XVIIIe s. : le
Remède universel » ou « Poudre d* Ailhaud ».
Ce savant auteur n'ayant eu à sa disposition que les sources
parisiennes de la Bibliothèque Nationale et des pièces de sa collection
particulière, il ne nous a pas semblé inutile d'ajouter à son tableau
quelques touches complémentaires. Nous nous sommes servi à cet
effet des nombreux documents conservés à Aix-en-Provence, tant au
Dépôt annexe des Archives départementales des Bouches-du-Rhône
(cote X X E, 1 à 5) qu'à la Bibliothèque du Musée Arbaud (cote
26, A I) , ainsi que de quelques ouvrages que garde la Bibliothèque
Inguimbertine de Carpentras,

LA FAMILLE

Jean Ailhaud est né à Lourmarin vers 1 673 ; il est mort à Vitrol-


les le 30 août 1 756, et sa veuve, Anne Sambuc, y décédera en 1 759.
Les immenses revenus procurés par la vente du Remède universel
permirent à son inventeur de verser 206.000 livres, en 1753, au
marquis de Brancas, pour l'acquisition de la baronnie de Castelet et
des fiefs de Vitrolles et de Montjustin, de se procurer le titre de
« conseiller-secrétaire du Roi en la Chancellerie près le Parlement
de Provence » et d'avoir, à Aix, son hôtel particulier.
Un de ses fils, Jean-Gaspard (Pertuis, 1719-Crillon, 1779),
gouverneur du comté de Forcalquier, poursuivit l'uvre paternelle avec
un succès croissant et laissa six enfants, dont Jean-Pierre-Gaspard,
qui continua l'exploitation du remède. Le plus brillant des d1 Ailhaud,
mais le plus imprévoyant, il fut colonel de cavalerie, capitaine général
des Guides du Roi, entra par soir mariage dans la famille de Caritat
de Condorcet, et fut père de huit enfants. Jean-Pierre-Gaspard
dévora sa fortune et ne put satisfaire ses créanciers.
254 REVUE D'HISTOIRE DE LA PHARMACIE

Malgré les efforts de ceux de ses descendants qui furent médecins,


et que continuèrent vers 1850 les docteurs d 'Ailhaud de Brisis père
et fils, en vue de rendre son lustre à la merveilleuse panacée,
l'opulente source de revenus découverte à la fin du XVIIe siècle par un
petit médecin de village, et qui paraissait inépuisable, resta
définitivement tarie.

NAISSANCE DE LA P OITJOKE,
SES CONTREFACTEURS, SON SECRET
S'il faut, faute de mieux, s'en remettre aux déclarations de Jean
Ailhaud, la découverte du Remède universel eut pour point de
départ l'état maladif de son inventeur. Il l'explique dans son Traité
de V origine des maladies et de Y usage de la Poudre purgative, p. 15
de l'édition de 1755.
Jeune médecin, « d'une santé délicate, héritier de la maladie
paternelle, et traînant une vie fort languissante », il cherchait « un
véritable remède à toutes ses infirmités ». U prit « la voie des
purgatifs », de préférence à celle des saignées préconisée par ses
maîtres ; et après avoir reconnu « que ce n'étoit pas du sang que
venoient les maladies, mais des humeurs qui le dérégloient », que
« toutes les maladies ne procèdent que d'une seule cause et qu'il ne
faut qu'un seul remède pour détruire cette cause générale des
maladies », il composa sa poudre, l'expérimenta et la porta à un si haut
point de perfection que, dit-il, « m'anéantissant en la présence de
Dieu, je crus certainement que c'étoit une grâce singulière dont il
voulut favoriser les hommes ».
Prenez ma poudre, concluait-il, usez-en sans crainte, et suivez mon exemple :
Quoique dès ma naissance faible et infirme, j'ai eu le bonheur d'arriver à l'âge
die 81 ans plein de santé, père d'une nombreuse et forte famille ; à présent
même, par la grâce de Dieu, pleine de vie et de santé ; et je ne leur ai jamais
donné autre remède, je n'en ai jamais pris d'autre moi-même pour quelque
maladie que c'ait été.

Un Dominicain, le P. Grosset, dans une lettre adressée de Rodez,


le 31 janvier 1763, au procureur de Jean-Gaspard d'Ailhaud, écrira :
< M. d'Ailhaud père l'a découvert, cet admirable spécifique si
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longtemps cherché, le plus grand secret de la nature, vis-à-vis duquel


tous les autres ne sont que des suppléments, comme l'avoine comparée
au plus pur froment... Il a cherché et trouvé son remède universel...
dans les productions de la nature où il se trouve caché... »
Jean Ailhaud confia son secret à son fils, docteur en médecine
comme lui ; son petit-fils en hérita, et aucun de leurs descendants ne
le révéla publiquement. Plusieurs imitateurs tentèrent une concurrence
déloyale en offrant un produit d'aspect semblable, en copiant sa pré-,
sentation, en contrefaisant les signatures apposées sur les paquets et
les cachets de cire rouge qui les fermaient ; aucun ne parvint à gagner
la confiance du public*
Les médecins, malmenés, bafoués par Ailhaud dans ses publications,
déclaraient dédaigneusement que cette poudre mystérieuse n'était qu'un
banal hydragogue, ce qui ne tranchait pas la question de sa
composition.,,

Cependant, et quelques années seulement après la mort de Jean


Ailhaud, des investigations plus sérieuses furent poussées par un
spécialiste des analyses ; on lit en effet dans un ouvrage imprimé à
Strasbourg en 1766 sous le titre Précis du système de MM.
d'Ailhaud sur l'origine et la guérison des maladies.,., p. 33, en note, ce
qui suit :
Un célèbre chimiste à Pétersbourg, nommé Model, a donné dans ses Loisirs
chimiques un raqplport de son examen de la Poudre d'Ailhaud, dans lequel il
dit : On ne peut rien établir de décisif, sur cette poudre, que ni le goût ni
l'odorat ne trahisisent. Je n'ai fait que quelques expériences sur cette poudre ; elle
paroît être un extrait, ou un suc épais et desséché en consistance, et peut-être je
ne me tromiperois pas de beaucoup de croire que c'est un extrait de scammonée,
ou pareille chose végétale, mêlée de réglisse et tempérée avec de la gomme
arabique. J'ai fait moi-même, suivant la méthode de Garey, un extrait de
scammonée, privé de son mauvais goût, qui ressemble extérieurement assez à la
poudre (et combien d'autres choses ne plourr oit-on pas faire ?) . Mais, quelque
ressemblance qu'il y ait entre ces deux choses, je n'oserois jamais soutenir que c'est
la même.

En 1 782, ^alors que la poudre a rapporté des millions à ses


exploitants et que sa diffusion à travers le monde s'est manifestée jusqu'en
Amérique et en Extrême-Orient, les recherches de laboratoire parais-
256 REVUE D'HISTOIRE DE LA PHARMACIE

sent avoir abouti. On trouve en effet, dans la Bibliothèque physico-


économique, p. 264, la manière de la préparer :
« Prenez une quantité donnée de suie de cheminée, de celle qui
est cristallisée et luisante ; réduisez-la en poudre, passez-la au tamis
de crin ; torréfiez-la avec une poêle de fer, en la remuant, jusqu'à ce
qu'elle ait perdu la plus grande partie de son odeur fuligineuse et de
son amertume ; retirez-la du feu, laissez-la refroidir ; réduisez-la
encore en poudre ; passez au tamis de crin.
Alors, sur 64 parties de cette poudre, ajoutez-en 8 de résine de
scammonée. Mêlez le tout ensemble exactement et mettez-le dans la
même poêle, sur un feu léger, capable de fondre la résine sans la
brûler, et de mêler intimement les deux parties ensemble ; vous
observerez de remuer toujours. Quand le tout est intimement mêlé,
réduisez-le en poudre subtile et ajoutez 4 parties de poudre de girofle
récemment préparée ; passez le tout à travers un tamis de soie et
divisez en paquets, ou prises d'un gros. »

Le docteur Casimir Barjavel a reproduit ce procédé, avec sa


référence, dans son Dictionnaire historique, biographique et
bibliographique du département de Vaucluse (édité en 1 84 1 ) au mot :
AlLHAUD (Jean). Victor Chabert l'a recopié en juillet 1883 dans
son articulet de La Provence artistique et pittoresque sur les d'Ailhaud.
Le Remède universel se vendait par paquets de dix prises, à
12 livres 10 sols tournois le paquet. Chaque enveloppe était constituée
par du papier gris, portant d'un côté ces mots imprimés : c Bon pour
dix prises de ma poudre », et, au-dessus, le fac-similé de la signature ;
de l'autre côté, un double cachet de cire rouge portant l'empreinte
des armes sommées d'une couronne de baron, avec deux lions comme
tenants.
Les pauvres dont l'indigence ne faisait pas de doute recevaient le
remède gratuitement. Un arrêt du Conseil d'Etat du 25 avril 1769
avait exempté la poudre de tous droits d'entrée, de sortie et de
circulation dans le royaume. Des décrets postérieurs ont maintenu ce
privilège.
LE REMÈDE UNIVERSEL DU Dr AILHAUD 257

ADVERSAIRES, COURTIERS ET QUÉRISONS.

Le corps médical s'est déchaîné contre le petit docteur de Lour-


marin, qui venait battre en brèche des principes sacrosaints et s'élever
contre des traitements jusqu'alors tenus pour infaillibles.
L'erreur fondamentale disait Ailhaud , l'aveuglement
criminel des médecins, est de croire que les maladies sont dans le sang,
ou prennent dans le sang leur origine. Le sang, par lui-même, est pur,
comme le vin dans le tonneau, comme l'eau d'une fontaine ; ce sont
les humeurs qui le troublent, qui le dérèglent dans son mouvement, le
précipitent, ou le retardent. Il faut chercher la cause du mal « dans
ces humeurs grossières, altérantes, enflammantes, venimeuses,
pestiférées », quelle que soit la maladie. Il faut obtenir la guérison en
évacuant ces humeurs par le canal général donné par la nature.
Mon purgatif, affirme Ailhaud, emporte tout, dissout tout, va
partout porter ses salutaires impressions. Il n'est mal si invétéré qui ne
cède, autant qu'il est possible, à sa bénignité et à sa force ; les
obstructions, les dépôts, les virus, les poisons, tous les maux ressentis» tous
ceux prêts à éclore, se trouvent guéris ou prévenus grâce à une
évacuation prompte, douce et efficace, de toutes les ordures du corps.
Un médecin de Chalon-sur-Saône, Jean-Marie Tixier, approuvé
par ses collègues de Dijon et de Lyon, publia en 1 742, 1 744 et 1 746
les éditions successives de sa Dissertation physique sur la poudre
purgative de M. Ailhaud, pour réfuter sa théorie et prouver que ce
Remède universel n'était pas applicable à tous les cas, et qu'il était
dangereux dans beaucoup de cas.
Un autre docteur, Thiéry, de la Faculté de Paris, inséra dans Le
Mercure de mai 1 758 un violent pamphlet sur « les effets mortels »
de la poudre. Laurent, médecin à Neuf-Brisach, et de Lamazière,
médecin à Poitiers, confièrent leurs critiques en mars et mai 1761 au
Journal de médecine de Vandermonde. En 1 763, le docteur Dupuy
de la Porcherie, de La Rochelle, entrait à son tour en lice contre le
Remède universel ; il en résulta un procès en 10.000 livres de
dommages-intérêts engagé par Ailhaud contre cet adversaire et contre un
sieur Roux, rédacteur d'un journal de médecine ; l'instance durait
encore en 1 766, et Dupuy, se plaignant amèrement d'être livré « à
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toute la rage de ce loup de la société », se disait la victime de


l'empirisme le plus illégal et le plus meurtrier ».
En cette même année 1 763, dans un libelle de 26 pages en italien,
imprimé à Lugano, un anonyme discutait avec passion les arguments
d'Ailhaud et dissertait longuement sur les effets funestes de son
produit.
Cependant, quelques médecins ont passé dans le clan des
approbateurs et ont fourni aux d'Ailhaud des arguments de principe, aussi
bien que des observations personnelles ; ce qui leur permettra d'enrichir
la publicité et d'affermir la confiance.
Des apothicaires et des droguistes approuvent aussi et préconisent
l'emploi de la poudre.
Mais les plus nombreux propagandistes et les plus actifs sont des
ecclésiastiques, séculiers ou réguliers.
Ce sont encore des officiers de tous grades, des nobles de robe et
d'épée, des fermiers généraux, des receveurs des Tabacs, des
capitaines de vaisseau, un maître de forges. Ils apportent tous une ample
contribution au concert d'éloges et aux manifestations de gratitude.
Le cortège des petites gens et dès bourgeois est encore plus
imposant : imprimeurs et libraires, entrepreneurs de bâtiments, officiers de
police, notaires, greffiers, procureurs, baillis et prévôts, artisans,
paysans, cuisiniers, valets et chambrières... Ressuscites et enthousiastes,
ils expriment leur reconnaissance en termes émouvants.
La collection des lettres de guérison, qui s'enrichit quotidiennement,
entre 1 724 et 1 764, de quelque nom, en comporte de magnifiques :
d'Albertas, premier-président à la Cour des Comptes du Parlement de
Provence ; le ministre Rouillé, secrétaire d'Etat à la Marine ; le
comte de Rivière, lieutenant-général des armées de Bavière ; Dupont
de Castille, ancien grand-juge à Valenciennes ; le marquis de Lordat
à Bram, proche Castelnaudary ; le baron de Rye, Franc-Comtois ;
le marquis d'Espaligny, grand-sénéchal de Poitou ; le comte Louy,
à Mézières. Parmi les étrangers, et sans compter les comtesses Landini
et Bolognini, de Bologne, voici la princesse de Nassau ; le prince
Lubormiscki, grand-maître de l'artillerie du roi de Pologne ; le biblio-
LE REMÈDE UNIVERSEL DU Dr AILHAUD 259

thécaire de Son A.R. de Brandebourg, à Bayreuth ; des ministres


plénipotentiaires à Dresde et en Pologne, etc., etc.
Plus de cent mille lettres ! déclarait avec orgueil un des
d'Ailhaud. Le compte n'y est peut-être pas, mais on peut l'attester
considérable. Les parties de cette immense correspondance, que les
d'Ailhaud prirent soin de choisir, de publier et de diffuser à travers
le monde, remplissent une vingtaine de volumes, et certaines de ces
lettres contiennent jusqu'à quarante cas de guérison I
Ces ouvrages furent imprimés à Avignon, à Carpentras, à Aix, à
Paris et à Strasbourg ; le premier en 1 737, le dernier en 1 782. Les
volumes destinés aux représentants et aux courtiers n'avaient qu'une
simple couverture muette, ou une reliure ordinaire en basane brune.
Au contraire, les exemplaires de « présent » destinés aux personnes
de qualité furent vêtus de riches reliures.
La Bibliothèque de Carpentras, dans les fonds d'Inguimbert et
Barjavel, en possède d'admirables, en maroquin bleu avec motifs
d'angles et médaillon central ; en mosaïques de peaux diversement
colorées formant des cercles qui s'entrecroisent ; en maroquin rouge
à large dentelle, avec fleurons « à la tulipe » et médaillon « à la
grenade » ; en maroquin grenat orné de filets et de fleurons.
Les simples particuliers pouvaient se procurer ces livres au prix
variant de 24 à 30 sols pièce, suivant la grosseur.

TRIBULATIONS ET ABANDON DU REMÈDE.

Jusqu'en 1766, l'expansion de l'affaire ne dépassait guère les


frontières de la France continentale ; à cette époque, Jean-Gaspard
d'Ailhaud ambitionna de la propager à travers le monde, jusqu'aux
lieux les plus reculés. Nous cherchions écrit-il à nous créer
des débitants dont nous avions bien peu alors ; on envoya des
voyageurs, on donnoit de toute main pour établir jusqu'au bout de la
terre ; chaque ville du Levant étoit invitée à pénétrer à nos risques à
cent lieues d'arrondissement ; il falloit pour cela leur envoyer
beaucoup de poudre... On fit traduire en arabe, en grec. Que n'avons-nous
pu tenter ? »
Outre ces prospectus en grec et en arabe, leur texte répandu en
260 REVUE D'HISTOIRE DE LA PHARMACIE

Italie fut traduit non seulement en italien, mais en latin, pour séduire
les médecins et les religieux de la péninsule. Beaucoup de ces
prospectus en langues étrangères sortirent des presses de l'imprimeur
carpentrassien D. G. Quenin.
Un sieur Astoud, fixé à Avignon, devint régisseur général, et Malet,
dit Malet de Ternante, rue Caisserie à Marseille, entrepositaire
général.
II ne paraît pas que la confection de la poudre ait donné de gros
soucis, ni qu'elle ait exigé l'intervention de spécialistes ; la main-
d'uvre familiale, ou celle des serviteurs, fut sans doute suffisante et
satisfaisante. La correspondance ne contient aucun détail sur ce point ;
nous y trouvons seulement une mention, en 1 780, portant que « le
baron de Castellet travaille aux poudres à Crillon ».
En peu de temps, les expéditions se multiplient. Les destinataires
sont presque toujours des religieux : à Venise, le R.P. Victor de
Sainte-Marie dirige un entrepôt qui approvisionne Trévise, Vicence,
Vérone et Padoue ; pour Venise même, la vente est confiée au R.P.
de Gonzague. Le P. Isidore, des Missions étrangères, emporte 1 .500
prises qu'il écoulera à Bassora ; le P. Marie, une pareille provision
à débiter à Ispahan. A Rome, le stock est déposé chez l'abbé de la
Recluse, qui touche 5 sols de commission par prise, 5 % pour ses
frais, 1 0 % en plus en cas de prompt paiement, tout comme les autres
vendeurs.
Mais quelle fâcheuse histoire I Rome est affligée d'une épidémie
des plus graves ; quarante mille malades ; l'abbé dépositaire n'échappe
pas à la contagion, ni ses nombreux clients. L'abbé perd toute
confiance, il crie à l'imposture, il accuse la poudre d'inefficacité et
verse son amertume dans une lettre désolée à Malet ; celui-ci tente
de le calmer en déclarant doctement que certains maux peuvent parfois
résister à tous les remèdes !
Après la mésaventure de Rome, un grave souci vient de l'entrepôt
de Cadix ; la poudre y est saisie, « d'ordre du gouverneur et de la
part des médecins, chirurgiens et apothicaires de la ville ». On fait
grief au dépositaire de mettre en vente un produit dont il ignore la
composition. Il faut lutter, présenter un mémoire, produire l'arrêt du
Conseil d'Etat de 1 769 et les lettres patentes de 1 772 ; enfin, le
LE REMÈDE UNIVERSEL DU D* AILHAUD 261

gouverneur se laisse persuader, restitue les poudres confisquées et


accorde le droit de les vendre.
Grand nombre d'expéditions partent à destination de l'Amérique-;
elles n'y parviennent pas toutes ; les Anglais mènent la guerre de
course, coulant ou saisissant les vaisseaux français. Malgré ces
hostilités et ces conséquences préjudiciables aux intérêts des d'Ailhaud, on
tente d'introduire le Remède en Grande-Bretagne. C'est sur le
médecin français Delaissart, fixé à Londres, que sont dirigés les efforts :
« Si vous sçaviez * lui écrivait-on en 1 779 que cette poudre a
rendu des millions à son auteur, vous auriez plus de confiance pour y
établir une petite fortune. Nous sommes plusieurs qui l'avons éprouvé :
la poudre est très bonne, premier point ; et elle est expérimentée, second
point ; contreditte, aplaudie, authorisée par 70 ans d'expérience, dont
il y a 14 volumes de guérisons que nos antagonistes n'ont jamais pu
accuser de faux. »
Le comptoir de la Martinique est géré par un sieur Pierre Garnier ;
celui de Saint-Domingue par Mme de Montmartin. M. Gamelin,
consul de France à Palerme, y tient aussi bureau du Remède ; il en
reçoit en un seul envoi jusqu'à trois mille prises en 1 782. M. Neu-
nabert dirige un autre dépôt à Amsterdam ; Jean Lichtenberger à
Strasbourg ; et c'est chez M. de Mestre de Rival qu'est installé
l'entrepôt de Paris.
Nous avons pu relever les noms de 84 villes à agences, en France
et à l'étranger. Malet certifie que ce nombre s'élevait à plus de deux
cents.
Certains envois sont massifs : huit caissons de mille prises le même
jour à un sieur Emmanuel Mathieu ; mais la confiance du fournisseur
n'est pas récompensée : Mathieu fait faillite...
.

Et les affaires se font de plus en plus difficiles, de nombreux


événements viennent freiner le débit et restreindre les bénéfices.
L'entrepositaire général, Malet de Ternante, parviendrait peut-
être à surmonter la crise, si le coup de grâce ne lui était donné par
celui-là même qui tirait les plus grands avantages de l'affaire, Jean-
Pierre-Gaspard d'Ailhaud, baron de Castellet et d' Entrechaux.
Un grand seigneur ! Avec sa femme, née Caritat de Condorcet, et
262 REVUE D'HISTOIRE DE LA PHARMACIE

leurs huit' enfants, ils partageaient leur temps entre Aix, Vitrolles,
Avignon, Crillon, Marseille et Paris ; surtout Paris l'attirait et le
retenait ; il y demeurait chez son entrepositaire de Mestre de Rival,
place du Chevalier-au-guet, jusqu'en 1781.. Puis il voulut mieux
soutenir son rang et acheta un hôtel particulier. Il écrivait en janvier
1 782 : « J'ai un des plus beaux hôtels de Paris et une des plus
jolies maisons de plaisance à ses environs. Les fêtes de la Cour
m'occupent autant que les préparatifs de mon départ... » C'est
Marseille qui l'attend, où il a loué une grande maison « pour s'y loger
avec sa femme et vingt-cinq maîtres ou valets ». Il y emmènera ses
trois secrétaires et son maître des équipages. Malet, qui l'annonce,
ajoute : « Ce seigneur est puissamment riche I » Mais Malet n'est-il
pas contraint de le certifier ?
Le personnel affecté à la poudre se ressent des troubles de sa
trésorerie ; Tramier, homme d'affaires du baron à Crillon pour les
fabrications et les expéditions, Tramier, qui ajoute à son nom celui
de La Boissiere, est suspecté, puis suspendu ; il quitte son service en
1781. Astoud, mandataire général des d'Ailhaud à Avignon, a cessé
de plaire, et tous les dépositaires en sont informés. On le remplace par
un sieur Oddo, qui, ne voulant pas être en reste avec Malet (de
Ternante) , ni avec Tramier (de La Boissiere) enrichit son patronyme
du nom de sa terre de Fontlebre. Cet Oddo de Fontlebre, tout en
restant le directeur général du débit du Remède universel, s'est
associé avec Faure de Beaufort, ancien professeur de médecine, pour
la vente des « Eaux antiputrides minérales » que ce docteur a
composées.
Le baron a dépensé sans compter, tiré des traites sans couverture,
signé des engagements au-dessus de ses moyens. Il lui faut fuir Paris,
déléguer ses créances à ses banquiers et subir la honte d'une liquidation
judiciaire en 1 786.
Les dossiers d'Aix sont muets sur le Remède jusqu'en 1827 ; cette
année-là, M. d'Ailhaud de Montjustin écrivait de Vitrolles à Chau-
tard, président du Tribunal de commerce, et à son neveu négociant,
tous deux à Aix, au sujet de fournitures de poudres. Solde de
confections antérieures ou fabrications nouvelles ?
LB REMÈDE UNIVERSEL DU Dr AILHAUD 263

Nous avons relaté les tentatives de MM. d'Ailhaud de Brisis, père


et fils, médecins à Paris, faites vers 1 850, pour remettre en faveur le
médicament familial. Cet essai paraît être l'ultime effort des
descendants de Jean Ailhaud, les derniers sursauts d'agonie d'un remède
qui avait cessé de guérir, après un siècle de prodigieux succès.

Robert Caillet,
Conservateur honoraire de la Bibliothèque
Inguimbertine de Carpentras.

BIBLIOGRAPHIE

MauriceLaBouvet,
liste desestpublications
abondante. On
concernant
peut g ajouter
la Poudre
les références
d'Ailhaud suivantes
relevée par: M.

Recueil de différentes guérisons opérées à Bologne par l'efficacité de la seule


Poudre purgative... Bologne, imp. Pisarri, 1763. L'Ami des malades, ou
Discours historique et apologétique de la Poudre purgative de M. Ailhaud... Paris,
Grange, 1765. .
Précis du sistème (sic) de MM. d'Ailhaud sur l'origine et la guérison des
maladies... Strasbourg, Chrismann et Levrault, 1766.
Recueil composé de j
li Démêlé littéraire sur la Poudre d'Ailhaud...*
2. Lettres critiques en réponse..., par M. Verdollier, prêtre...
3. Lettre critique au sujet d'un écrit..., par J.-M. Pinot, docteur... 166 p., in-12,
Carpentras, imp. Quenin, 1767.
Réponse à la lettre de M. Lorentz..., Carpentras, imp. Quenin, 1776,
Recueil des cures merveilleuses opérées par la Poudre purgative de M.
Ailhaud..., Aix, Mouret, 1779.

ATTESTATIONS DE GUÉRISONS

publiées
connaissance
donner
Il faudrait
desicidepuis
maladies
quelques
pouvoir
1737,
etbrefs
des
jusqu'en
extraire
murs
extraits
des
1782,
ducaractéristiques
dizaines
temps.
de nombreux
Nous
de milliers
ne:passages
pouvons,
de lettres
utiles
faute àdelaplace,
guérisons
que

I. Dans Traité de l'origine des maladies..., Carpentras, 1755, pp. 91-94 :


Paris, 29 octobre 1746.
J'ai essuyé différens chagrins qui m'ont plongé dans une mélancolie affreuse
à laquelle a succédé une langueur qui m'a duré l'espace de sept à huit ans, au
bout duquel temps je n'ai jamais joui d'une parfaite santé. Je me sentois
toujours des maux d'estomac affreux, la tête lourde et pesante, et des maux de cur
sourds, avec des vents manière de rots qui me- remontoient avec impétuosité en
forme de vapeurs.
...Je fis appeller tous les médecins de Paris, l'un après l'autre. J'eus même une
consultation de trois des plus habiles qui décidèrent qu'il falloit commencer par
264 REVUE D'HISTOIRE DE LA PHARMACIE

me saigner des deux bras ; ensuite de quoi, dans le courant d'un mois, ils me
firent saigner cinq fois des deux pieds, et me firent prendre les bouillons amers ;
après quoi, on me fit prendre les eaux de Balaruc. Je restai entre les mains de
ces habiles gens l'espace de six mois, sans qu'au bout de ce temps je fusse
soulagé.
...Manquant de confiance à tous ces Messieurs, je m'abandonnai entre les bras
de la Providence, et me résignai à sa Sainte volonté.
...L'on a recommencé de plus belle à me saigner et mûdicamenter sans que
j'aie éprouvé plus de soulagement que dans les premières opérations jusqu'au
10 septembre dernier, qu'il me tomba entre les mains un de vos livres
imprimés...
Les premières prises m'ont fait une évacuation considérable. J'ai été à la selle
avec beaucoup de facilité, 24, 27, 29, 31, et jusqu'à 36 fois par, jour, et à la
septième prise je ne fus à la selle que 4 a 5 fois, me sentant un mal d'estomac
insupportable, et un mal de cur affreux. L'après-midi de cette septième prise,
après avoir pris un bouillon sur les 4 heures, je rendis par le fondement un
paquet de glaires entrelacées les unes dans les autres comme de petites
couleuvres, la moitié d'un grand pot de chambre ; lequel paquet j'aurois porté au
bout d'un bâton à une lieue.
Je n'ai point discontinué, malgré cette évacuation, de prendre tous les jours
de cette Poudre. J'ai suivi de point en point la règle prescrite par votre livre.
Je n'ai point discontinué d'aller à la selle 30, 35 et même 40 fois par jour, sans
m'en trouver aucunement incommodé. Mes dernières selles sont des glaires
visqueuses, des biles jaunes, vertes, grises, noires, et puent comme une
charogne.
La dix-septième prise de votre poudre ne m'a pas fait une grande évacuation ;
mais l'après-diner, en revanche, je rendis par le fondement un abcès long et gros
comme un saucisson de Boulogne ; et cela m'arriva malgré moi, en descendant
un escalier, sans peine ni douleur. Il pesoit au moins une livre et cinq
quarterons, et étoit comme une espèce de poche que nous appelions ici crépinète. Les
bords étoient épaix comme deux écus de six francs ; le dessus, jaune comme de
l'ochre ; le dedans, gris et verd ; et dans le milieu de ce poison, il s'est trouvé
de petits vers tout blancs, longs comme des épingles et la quantité d'une tasse
à café.
J'ai toujours continué de prendre de cette poudre depuis que ce poison a été
hors de mon corps. Je vais à la selle tous les jours, 25, 30, 35 et jusqu'à 43 fois.
Je ne discontinue point de rendre des biles vertes, jaunes et noires comme à
l'ordinaire.
Je puis dire avec vérité que, grâces à Dieu et à vous, Monsieur, depuis douze
jours j'ai grand appétit. Je dors 8 à 10 heures de suite... ; les douleurs et pico-
temens que je sentois dans tous les membres sont totalement diminués... [etc.].
Signé : Fleury, ancien Valet de Chambre de Madame la Princesse de
Neufchâtel ; demeurant à Paris, rue des Fossoyeurs, proche le
petit Calvaire, chez M. Couque, Anglois.

II. Dans ce même Traité, pp. 148-149 :


Carpentras, le 13 octobre 1750.
...J'avois passé plusieurs années sans avoir de santé, étant consumée par une
petite fièvre et des fluxions, tantôt à la tête, tantôt aux dents et à la poitrine.
Je me sentis ensuite enfler, et tout de suite je crus devenir hydropique. Alors je
m'aperçus d'une dureté dans le ventre qui peu-à-peu devint de la grosseur d'un
pain d'une livre.
On consulta M. le Médecin et plusieurs chirurgiens comme feu M. la Peironnie,
premier chirurgien du Roi, et autres qu'on jugea habiles. On en fit même venir
à grands frais, tous décidèrent que la tumeur squirreuse étoit dans le mésentère
et que selon toute apparence j'étois perdue...
Ayant eu enfin connaissance de votre excellente poudre, j'en pris d'abord onze
prises de suite. Je ne puis dire le bien qu'elle me fit. Je me trouvai guérie de
LE REMÈDE UNIVERSEL DU Dr AILHAUD 265

tous mes maux. Je commençai à manger maigre en 1741. Je l'ai continué


jusqu'à présent, soutenant toute la rigueur de l'observance quoique je sois dans un
ordre très austère, et dans l'espace de huit ans je n'ai mangé que deux jours
gras forcée par l'obéissanee, etc.
Signé ; S. Jeanne Marie nu St-Sacrement, Carmélite.
III. Dans Lettres de guérisons..., Carpentras, 1763, p. 99 :
Paris, ce 20 mars 1763. >
Je viens de guérir une femme avec deux prises de vos poudres d'un reste de
chaude-pisse, d'un restant de lait répandu, et des vapeurs mésantériques [etc.].
Signé .* Latv, chirurgien expert pour les descentes,
rue des Nonaindières, quartier St-Paul.
IV. Dans le même recueil, p. 135 :
Penne-d'Agenois, 21 mai 1763.
Je soussigné maître chirurgien du bourg d'Aute-Fages, jurisdiction de Penne-
d'Agenois, certifie que je me suis servi depuis deux ans avec le succès le plus
complet et le plus inattendu de la poudre purgative de M. d'Ailhaud, pour la
guérison de la plupart de mes malades, et qu'enfin elle vient d'opérer des
miracles sous mes yeux dans une maladie épidémique qui a régné dans ce païs avec
violence depuis environ cinq mois...
Signé : De Roux, chirurgien.
V. Dans le même, p. 136 :
St-Romain-de-Laspeyres, 25 mai 1763. '
II court depuis bien du tems dans tout ce païs une maladie très vive et très
courte, qui fait beaucoup de ravages ; je pense que nos médecins ne la connois-
sent pas. Il s'agit d'un point au côté très vif, un grand mal de tête, une fièvre
ardente : les uns sentent des picotemens au gosier, d'autres des défaillances
d'estomac.
On met tout de suite les malades à l'usage des remèdes ordinaires ; avec tout
cela on meurt au plus tard dans trois jours, et très peu en relèvent.
Un jeune homme de ma paroisse, ayant été attaqué de cette maladie depuis
peu de tems, et voyant qu'il alloit périr comme les autres, je lui conseillai de
faire usage de vos poudres. Deux doses le mirent tout de suite sans point et sans
fièvre, et il est parfaitement guéri sans avoir pris d'autres remèdes.
Je puis vous faire part encore qu'une demoiselle d'auprès de Villeneuve-d'Age-
nois, ayant été attaquée d'un cancer au téton, ayant fait toute sorte de remèdes
pendant plus de dix ans, n'a pu être guérie qu'au moyen de vos poudres ; et ce
qu'il y a de plus surprenant, c'est que des gens dignes de foi m'ont assuré que
son téton dévoré jusqu'aux os lui est revenu dans sa première perfection, [etc.].
Signé : Vidalot, curé de St-Romain.
VI. Dans Lettres de guérisons... faisant suite à « Réponse à une lettre ano-
nime », Carpentras, 1764, pp. 155-157 :
St-Valéry-sur-Somme, 26 novembre 1763.
La langue françoise, Monsieur, ne me fournit point de termes assez expressifs
pour vous marquer la juste reconnoissance que je dois à vos admirables
poudres ; elles m'ont sauvé la vie et aux quatre enfants qui me restent, en ayant
perdu six par l'ignorance des médecins qui les ont traités.
Je fus attaqué d'une goûte cruelle à l'âge de 26 ans ; j'étois pour lors capitaine
au Régiment des Dragons de la Reine et par conséquent camarade de M. d'Escla-
pon de votre ville. Je ne fus pas longtems sans ressentir les plus sinistres effets
de cette maladie... Mon médecin ne vouloit pas que je pris de vos poudres et
m'avoit presque persuadé que c'étoit un poison subtil... Enfin, en 1755, alors
âgé de 31 ans, il me vint une attaque furieuse...
266 REVUE D'HISTOIRE DE LA PHARMACIE

...Enfin, Monsieur, pour mon bonheur et pour mon salut, M. de Ruffy mon
ancien ami vint en garnison à La Fère, et me trouva dans un état affreux. Il me
fit voir clairement que l'antipatie que j'avois contre vos poudres étoit une folie
de ma part... Je le crus
...Enfin, Monsieur, depuis trois ans, je n'ai pas eu le plus léger ressentiment
de goûte.
Ayant éprouvé par moi-même un effet si salutaire, je ne balançai pas à en
faire prendre à mes enfants ; en six ans j'en avois perdu six, et les quatre qui
me restoient annonçoient une fin prochaine et auroient péri très infailliblement
sans le secours de vos poudres divines.
Ma femme et moi leur en fîmes prendre à tous, ayant grande attention de faire
fermer les portes du château à tous médecins et apothicaires ; et depuis cet
heureux moment nos enfants se portent à merveille et jouissent de la meilleure
santé»...
Je ne m'en suis pas tenu là, après avoir éprouvé sur moi et sur mes enfants
la bonté de votre remède, je m'en suis servi et m'en sers très souvent pour mes
domestiques et les païsans de mes terres ; j'ai éprouvé les succès les plus
favorables. Je n'entreprens pas une seule cure que je ne réussisse et mes païsans
appelent aujourd'hui votre poudre, la Poudre du Miracle.
Signé : Le marquis de Flavigny, au château d'Elincourt,
près Saint-Valéry-sur-Somme.
VII. Dans le même recueil, pp. 210-211 :
Luçon, Bas-Poitou, 15 avril 176h.
Je suis établi à Moric avec une dame dont le mérite égale la vertu, et qui fait
toute ma consolation ; mais j'ai été l'espace de six mois dans des alarmes
continuelles à son occasion, lui étant survenu un mal d'estomac insupportable avec
des tiraillements dans la poitrine qui lui répondoient dans le dos, qui la fai-
soient pousser les hauts cris...
...Voyant cette tendre épouse à l'âge de 38 ans périr à vue d'il..., j'étois au
desespoir quand, par un coup du Ciel, un de vos livres, Monsieur, tomba entre
mes mains. Je le lus avec exactitude, et je reconnus son mal ; je ne balançai
point d'envoyer chercher trois paquets de vos poudres aux sables d'OUomnes...,
la quatrième prise l'a entièrement rétablie.
...Enfin, Monsieur, après Dieu, elle vous doit la vie, et moi, Monsieur, une
épouse tendrement aimée...
Signé : Froment de St-Pol, ancien officier d'infanterie.

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