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Dossier Kinesither Rev 2008;(73):12-8

Introduction de la CIF dans la pratique clinique


en physiothérapie
E RIKA O MEGA H UBER (1), A LARCOS C IEZA (2)

Cet article a fait l’objet d’une publication


La Classification Internationale du Fonctionnement, du handicap originale en allemand (Huber EO, Cieza
et de la santé devient une référence de plus en plus utilisée en A. Umsetzung der ICF in den klinischen
kinésithérapie. Elle a ses avantages et ses limites qu’il convient Alltag der Physiotherapie. Physioscience
de comprendre pour pouvoir communiquer et valoriser la 2007;3:48-53). Nous remercions
profession de kinésithérapeute/physiothérapeute. l’éditeur pour l’autorisation de
publication de l’article en français. La
RÉSUMÉ traduction a été assurée par les auteurs
de l’article original.
Contexte : La CIF a été adoptée en mai 2001 par l’Assemblée
de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Dans de nom- MOTS- CLÉS
breux pays, différentes professions se sont efforcées d’inté-
grer la CIF dans leur pratique clinique et dans la recherche. Catégories d’intervention
But : Cet article se veut une introduction à trois études origi- CIF
nales qui visent à montrer comment la CIF peut être utilisée Classification
comme système de classification pour la physiothérapie. Documentation
Méthode : Nous souhaitons démontrer que la CIF peut être Physiothérapie
utilisée pour classer des diagnostics physiothérapeutiques,
des objectifs de traitement, des interventions et des résultats
de traitement. Des listes de catégories d’interventions pour la taken in many countries (Bruyere et al., 2005).
physiothérapie ont été développées et validées en vue de Aim: The aim of this background article, as an introduction to
créer un outil convivial et spécifique qui permette de docu- the three original articles in this edition, is to show how the
menter la démarche physiothérapeutique. ICF classification system can be used in physiotherapy.
Résultats : La disposition des physiothérapeutes à utiliser ces Methods: It will be shown that the ICF may be adopted for the
listes dans leur pratique quotidienne dépend beaucoup du classification of physiotherapy diagnoses, therapy aims, inter-
temps nécessaire à les remplir. ventions and outcomes. With the intent to create a physiothe-
Conclusion : L’utilisation de ces listes constitue un système de rapy-specific user-friendly document for the physiotherapy
classification normalisé et reconnu pour documenter les infor- core process, lists from ICF intervention categories for phy-
mations importantes relatives aux patients. Idéalement, les siotherapy were developed and validated.
physiothérapeutes devraient disposer de connaissances préa- Observation: Willingness to use the lists in everyday clinical
lables sur la CIF, et le temps nécessaire pour remplir ces lis- practice is dependent on the expenditure of time this work is
tes ne devrait pas dépasser 5 minutes. Dans le futur, il s’agira associated with.
d’offrir des formations à l’utilisation courante de ces catégo- Conclusion: The use of lists allows the standardised docu-
ries d’intervention. mentation of relevant patient data with an accredited classifi-
cation system. Ideally, physiotherapists have previous know-
ABSTRACT ledge of the ICF and the expenditure of time for filling out a
list should not exceed five minutes. In the future, training
Relevance: The ICF was adopted in May 2001 by the assem- should be provided for the use of ICF intervention categories
bly of the World Health Organisation. Attempts to introduce in clinical practice.
the ICF into clinical practice and research have been under- HUBER EO, CIEZA A. Implementation of the ICF in Clinical
Physitherapy Practice. Kinesither Rev 2008;(73):12-8.

(1) PT, ex MHSA, Universitätsspital, Zürich; Schweizer Physiotherapie


Verband, Sursee, Suisse
Rheumaklinik und Institut für Physikalische Medizin Gloriastr. 25
Introduction
CH-8091 Zürich, Suisse
E-mail: erika.huber@usz.ch La physiothérapie vise essentiellement au maintien,
(2) Institut für Gesundheits und Rehabilitationswissenschaften, ICF voire à l’amélioration des capacités fonctionnelles. Dans
Research Branch, WHO FIC Collaboration Center (DIMDI), Ludwig-
Maximilians-Universität, München, Deutschland. ce but, les physiothérapeutes examinent, diagnosti-
Shweizer Paraplegike Forshung, Notwill, Suisse. quent, pronostiquent, traitent et documentent les trou-

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La CIF dans la pratique clinique en physiothérapie Kinesither Rev 2008;(73):12-8

bles fonctionnels en tenant compte des objectifs du pa- Brève description de la CIF
tient et de son environnement [1, 2].
L’approche biopsychosociale du fonctionnement et du La CIF s’appuie sur un modèle intégré du fonctionne-
handicap, tout comme la Classification Internationale ment et du handicap ; elle est divisée en 2 parties qui
du Fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) ont chacune deux composantes. La première partie re-
qui en découle, exposent une compréhension du fonc- groupe les informations relatives au fonctionnement et
tionnement qui correspond très bien au travail des phy- au handicap et contient deux composantes : 1) les fonc-
siothérapeutes. Le fonctionnement et ses limitations ré- tions organiques et les structures anatomiques, et 2) les
sultent de l’interaction entre une personne qui présente activités et la participation. La deuxième partie re-
une ou plusieurs affections et son environnement. Il groupe les informations relatives aux facteurs contex-
n’est donc pas surprenant que les physiothérapeutes tuels et contient deux composantes : 1) les facteurs en-
aient été parmi les premiers professionnels de la santé à vironnementaux et 2) les facteurs personnels. Les
reconnaître les potentialités (et les limites) de la CIF [3]. interactions possibles entre ces composantes sont illus-
La littérature scientifique actuelle, les thèmes traités trées dans la modélisation du concept (figure 1). Les dé-
lors de congrès de physiothérapie, la manière dont la finitions des parties et des composantes sont présentées
CIF s’introduit progressivement dans les formations en dans le tableau (tableau I). Les composantes regroupent
physiothérapie, l’influence croissante de la CIF sur le les catégories, qui constituent les unités de classifica-
raisonnement clinique et la pratique des physiothéra- tion.
peutes indiquent que son adoption par l’Assemblée de La classification recourt à un système alphanumérique
l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en hiérarchisé. Chaque composante correspond à une let-
mai 2001 représente une étape importante pour notre tre : b pour les fonctions organiques, s pour les struc-
profession [4]. tures anatomiques, d pour les activités et la participa-
Cet article souhaite montrer comment la CIF peut s’in- tion, e pour les facteurs environnementaux. Cette lettre
tégrer au raisonnement clinique en physiothérapie, est suivie par un code numérique, qui commence par
quels avantages elle représente pour chaque physiothé- le numéro du chapitre (1 chiffre), suivi par le deuxième
rapeute et pour la profession. niveau (2 chiffres), le troisième niveau et le quatrième

Tableau I. Définition des concepts principaux de la CIF.

Problème de santé Expression générique désignant une maladie (aiguë ou chronique), un trouble, une lésion ou un traumatisme.
Ce terme peut faire allusion à d’autres situations telles que la grossesse, le vieillissement, le stress, une anomalie
congénitale ou une prédisposition génétique. Il peut également contenir des informations relatives à la
pathogénèse et/ou à l’étiologie.

Fonctions organiques Fonctions physiologiques des systèmes organiques, fonctions psychologiques comprises.

Structures anatomiques Parties structurelles du corps comme les organes, les membres et leurs composants.

Déficience Perte ou anomalie d’une structure anatomique ou d’une fonction organique.

Activité Exécution d’une tâche ou d’une action par un individu.

Participation Implication de l’individu dans une situation de la vie réelle.

Limitations de l’activité Difficultés qu’un individu peut éprouver dans l’accomplissement de ses activités.

Restriction de la participation Problèmes qui peuvent se poser à un individu lorsqu’il s’implique dans des situations de la vie réelle.

Facteurs contextuels Interaction de l’individu et de son état de santé avec le milieu dans lequel il vit. A ce titre, ils déterminent le
niveau de son indépendance fonctionnelle.

Facteurs environnementaux Constituent l’environnement matériel et social dans lequel l’individu vit et développe son existence. Ils incluent le
monde physique et ses caractéristiques, le monde physique bâti par l’homme, les autres individus dans des
relations différentes, les rôles, les attitudes et les valeurs, les systèmes et les services sociaux, ainsi que les
politiques, les règles et les lois.

Facteurs personnels Cadre dans lequel un individu évolue et mène sa vie. Ils comportent des facteurs qui ne font pas directement
partie de son état de santé tels que le sexe, l’appartenance ethnique, l’âge, la forme physique, le mode de vie,
les habitudes ainsi que le contexte social.

Capacités fonctionnelles Englobe tous les aspects fonctionnels de la santé. Une personne est en pleine capacité de ses moyens lorsque,
compte tenu du contexte dans lequel elle se trouve, ses structures anatomiques et ses fonctions organiques
correspondent à celles d’une personne en bonne santé, lui permettent de faire tout ce qui est attendu d’une
personne saine et de se développer dans tous les domaines de la vie qui sont importants pour elle à la manière
de quelqu’un qui n’a ni limitation d’activité, ni restriction de participation.

Handicap Terme générique désignant les déficiences, les limitations d’activité et les restrictions de participation.

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Problème de santé
Classification des fonctions corporelles (b)
(Altération de la santé ou maladie)
Chapitre 4 : Fonctions sensorielles et douleur
b280 Sensation de douleurSensation
désagréable indiquant des dommages
potentiels ou réels à une structure
anatomique.
Fontions organiques et Activités Participation
structures anatomiques
Inclusions: sensations de douleur généralisée
ou localisée dans une ou plusieurs parties du
corps, douleur dans un dermatome, douleur
lancinante, douleur cuisante, douleur sourde,
douleur constante ; déficiences comme dans
Facteurs Facteurs
environnementaux personnels la myalgie, l'analgésie ou l'hyperalgésie.
b2801 Douleur dans une partie du corps.
Figure 1. Le modèle biopsychosocial de l’ICF, ses Sensation désagréable ressentie dans
une ou plusieurs parties précises du
composantes et leurs interactions.
corps indiquant des dommages
potentiels ou réels à une structure
anatomique.
Tableau II. Echelle utilisée par la CIF pour déterminer l’intensité b28013 Douleur dans le dos.
d’un problème Sensation désagréable
indiquant des dommages
potentiels ou réels à une
xxx.0 PAS de problème Aucun, absent, 0-4 % structure anatomique située
négligeable... au niveau du dos.
xxx.1 Problème LEGER Léger, faible... 5-24 %

xxx.2 Problème MODERE Moyen, passable… 25-49 %

xxx.3 Problème GRAVE Élevé, extrême... 50-95 %


Figure 2. Exemple de classification à 4 niveaux .
xxx.4 Problème ENTIER Complet, total... 96-100 %

xxx.8* Non spécifié

xxx.9** Sans objet


ment pris la CIF en considération dans leurs législa-
tions, voire dans d’autres activités gouvernementales
* Trop peu d’informations pour préciser le degré de l’atteinte.
courantes. Plus de 60 autres états [6, 7], y compris des
** Codification impossible dans ce cas.
pays en voie de développement [8] prévoient d’utiliser
la CIF pour effectuer des enquêtes nationales de santé,
des statistiques sanitaires, des rapports sur le finance-
niveau (1 chiffre chacun) (figure 2). Ces codes sont com- ment du système de soins ou pour la mise en place de
plétés par des codes qualitatifs qui permettent de quan- systèmes d’informations électroniques [9, 10]. De nom-
tifier la gravité du problème (tableau II). Les facteurs breux pays s’efforcent d’intégrer la CIF dans la pratique
personnels ne sont pas catégorisés dans la CIF. Les res- de diverses professions et dans la recherche [9]. En
sources ne sont codées que dans les facteurs environ- Suisse, la physiothérapie est activement impliquée dans
nementaux (figure 1). ce processus par l’Association Suisse de Physiothérapie.
Au total, la CIF comporte 1 454 catégories. Le cadre La CIF constitue une classification exhaustive, qui cou-
conceptuel (largement accepté) de la CIF et sa taxono- vre tous les domaines essentiels du fonctionnement et
mie fournissent un outil de base indispensable à la cli- des facteurs environnementaux. C’est un de ses atouts
nique et à la recherche. Ils permettent l’organisation principaux. En même temps, son ampleur représente
systématique et la comparaison d’informations entre di- un défi important à relever si l’on souhaite l’utiliser
vers aspects de la santé, diverses maladies, différents dans la pratique quotidienne. Les Core-Sets [11, 12] et
moments d’une intervention, entre institutions, profes- les catégories d’interventions en physiothérapie [13-15]
sions de la santé, pays ou systèmes de santé. offrent la possibilité de relever ce défi.
Tous les états membres de l’OMS sont instamment priés L’OMS a relevé que le développement de Core-Sets [11]
d’intégrer la CIF dans leurs activités. L’Allemagne est et de listes de catégories d’interventions pour la physio-
un des premiers pays au monde à avoir inscrit la CIF thérapie représentent des moyens pertinents d’appli-
dans ses lois et sa politique [5] dont elle constitue un quer la CIF à la clinique quotidienne.
fondement important de la conceptualisation du han-
dicap. Elle tient aussi une large place dans la législation
sociale et les règlements qui définissent les conditions
d’accès à la rééducation 1.
1. par exemple: SGB V, Chapitre.1 Phrase 2 N° 8 ; SGB IV §4
D’autres états comme la France, les Pays-Bas, le Ca- Richtlinien des gemeinsamen Bundesausschusses über Leistungen zur
nada, l’Australie, le Japon ou les Etats-Unis ont égale- medizinischen Rehabilitation.

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La CIF dans la pratique clinique en physiothérapie Kinesither Rev 2008;(73):12-8

Le raisonnement clinique Indications


en physiothérapie Bilan, examen
Mesures

La physiothérapie est souvent considérée comme une


méthode. On le voit dans de nombreuses études
concernant des traitements dans lesquelles la physio- Évaluation
Évaluation Diagnostic physiothérapeutique
thérapie est comparée à d’autres méthodes. Par exem-
Fin du traitement Objectifs
ple : la physiothérapie comme méthode traditionnelle [16], Planification du traitement
physiothérapie seule versus physiothérapie combinée avec en-
traînement cranio-cervical [17], efficacité de la physiothéra-
pie [18], physiothérapie versus intervention pharmacologique Interventions :
traitement, information,
[19], programmes usuels comme la physiothérapie [20], phy- enseignement, conseil
siothérapie versus alitement [21], la physiothérapie combinée
avec une mobilisation passive continue [22], physiothérapie
Figure 3. Représentation graphique du raisonnement clinique
versus placebo [23] et physiothérapie versus « low impact ae-
en physiothérapie.
robics » et reconditionnement musculaire [24]. Il est impé-
ratif de réviser cette perspective. La physiothérapie est Bilan et évaluation
une profession qui ne peut être réduite à une méthode.
La physiothérapie s’est fortement professionnalisée au Lors de la première séance, le physiothérapeute effec-
cours des dernières années. Le formulaire de prescrip- tue un bilan. Celui-ci consiste en une anamnèse et un
tion de physiothérapie utilisé par les médecins en Suisse examen clinique qui sont, si nécessaire, complétés par
le démontre fort bien. Sur les formulaires utilisés l’utilisation d’un certain nombre d’outils de mesure à
jusqu’en 1998, le médecin prescrivait les techniques à but diagnostique, pronostique et/ou propres à évaluer
appliquer. Sur les formulaires actuels, le médecin indi- les résultats. En règle générale, la manière de réaliser
que l’objectif du traitement et les physiothérapeutes un bilan est individuelle et dépend de l’expérience du
sont responsables du choix des techniques. Au- physiothérapeute. Au cours des dernières années, on
jourd’hui, le traitement de physiothérapie commence observe une évolution vers l’unification et la structura-
par un bilan, son évaluation, la détermination d’objec- tion des documents d’évaluation. Bien des institutions
tifs et l’élaboration d’un plan de traitement [25]. Ce ont choisi la structure de la CIF pour le faire [29, 30].
n’est qu’à ce moment-là que commence le traitement L’évaluation du bilan consiste à identifier les déficien-
au sens propre du terme. Cette démarche s’appuie sur ces structurelles et fonctionnelles du patient, les limita-
la Description de la physiothérapie de la Confédération tions qu’il éprouve dans sa vie quotidienne, ainsi que
mondiale de la physiothérapie (WCPT) et sur le proces- les ressources et obstacles qui se situent dans son envi-
sus de raisonnement clinique [26] ; elle constitue le rai- ronnement. Cette évaluation débouche sur un diagnos-
sonnement clinique en physiothérapie (figure 3) [27, tic physiothérapeutique, compris comme un diagnostic
28]. La description qui suit correspond à une situation fonctionnel. Le physiothérapeute détermine les problè-
idéale. mes sur lesquels il peut agir et ceux qui doivent être
considérés comme des facteurs limitant. Ainsi il assume
la responsabilité de la deuxième partie de l’indication,
« La physiothérapie est une profession qui ne peut en décidant l’adéquation des interventions par rapport
être réduite à une méthode. La physiothérapie s’est à la condition du patient [28].
fortement professionnalisée au cours des dernières
années.»
Le diagnostic physiothérapeutique
Indications à la physiothérapie
Il est très important de documenter le bilan dans le sens
Le raisonnement clinique débute lorsque le médecin d’un diagnostic physiothérapeutique. Au niveau de la
établit une prescription de physiothérapie pour un pa- prise en soins individuelle d’un patient, le diagnostic
tient. En décidant que la condition du patient relève de physiothérapeutique décrit le statut du patient du point
la physiothérapie, le médecin assume la première par- de vue de la physiothérapie au début du traitement. Ces
tie de l’indication. Par sa prescription, il transmet des informations sont nécessaires pour communiquer avec
informations au physiothérapeute comme le diagnostic le médecin prescripteur et les autres professionnels de
principal, les diagnostics concomitants et les précau- santé impliqués dans la prise en soins de ce patient.
tions à prendre. Le médecin formule un ou plusieurs Si l’on considère les soins apportés aux patients sous un
objectifs de traitement et fixe le nombre de séances. Il aspect général, des données standardisées – donc com-
peut également faire une proposition de traitement. parables – permettraient de définir les limitations fonc-

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Dossier Kinesither Rev 2008;(73):12-8

tionnelles d’une population déterminée, dans ce cas les L’évaluation des résultats se fait selon la procédure et
personnes qui ont besoin de prestations de physiothé- au moyen des instruments de mesure choisis lors du bi-
rapie. Comme les physiothérapeutes ont une façon lan initial.
toute personnelle de formuler leur diagnostic physio-
thérapeutique, il n’est pour l’instant pas possible de for-
muler des consignes générales relatives à ce sujet dans Listes de catégories CIF en physiothérapie
le domaine de la physiothérapie.
La CIF offre un langage reconnu, unifié et internatio- Il est judicieux d’intégrer la CIF dans le raisonnement
nal pour classer les diagnostics physiothérapeutiques et clinique pour disposer d’un système de classification du
les documenter. Cette information standardisée et sa diagnostic physiothérapeutique, des objectifs de traite-
transmission anonyme (par exemple vers un centre na- ment, des interventions ou des résultats.
tional de récolte de données – trust center) ouvrirait l’ac- La CIF, telle que proposée par l’OMS, n’est pas utilisa-
cès à ces données et permettrait d’améliorer la qualité ble dans la pratique journalière. Elle est beaucoup trop
des indications des traitements de physiothérapie. exhaustive pour classer les informations d’un seul pa-
tient ; l’investissement en temps serait disproportionné.
« Cette détermination commune des objectifs est Plus de 30 études scientifiques [31, 32] ont utilisé les
le résultat d’un consensus qui s’établit entre catégories de la CIF pour collecter les problèmes les plus
l’évaluation du physiothérapeute, les attentes fréquents de patients atteints d’affections définies ainsi
du patient et les objectifs posés par le médecin. » que les facteurs contextuels qui influencent ces problè-
mes. Ces listes sont appelées Core-Set.
Une première version de catégories d’interventions CIF
Objectifs et planification du traitement a été élaborée pour la physiothérapie dans le but de dé-
velopper un outil convivial et spécifique. Cette pre-
La détermination des objectifs et la planification du trai- mière version se base sur un processus Delphi et une
tement se font en accord (écrit ou oral) avec le patient conférence de consensus [3]. L’examen de la validité de
et constituent la base d’un traitement efficace et effi- cette première version est l’objet de trois études origi-
cient : des prestations efficaces, appropriées et économi- nales : les catégories d’intervention CIF s’appliquant à
ques. Cette détermination commune des objectifs est le la physiothérapie des affections musculo-squelettiques
résultat d’un consensus qui s’établit entre l’évaluation [13], les catégories d’intervention CIF s’appliquant à la
du physiothérapeute, les attentes du patient et les ob- physiothérapie des affections des systèmes et organes
jectifs posés par le médecin. Au cours de la planifica- internes [14], les catégories d’interventions CIF s’appli-
tion du traitement, phase suivante du processus, le phy- quant à la physiothérapie des affections neurologiques
siothérapeute porte une attention particulière aux [15]. Ces 3 études sont traduites en français et présen-
ressources et au potentiel du patient. tées ci-après dans ce numéro. Chaque étude propose
trois listes : une pour le contexte des soins aigus, une
pour la réhabilitation et une pour le contexte des soins
Intervention à long terme (figure 4). Ces listes de catégories d’inter-
ventions permettent aux physiothérapeutes de classer
L’éventail des interventions possibles en physiothérapie leurs objectifs d’interventions selon la CIF tout en
comporte les traitements, l’information, l’éducation consacrant un temps acceptable (2 à 5 minutes par pa-
thérapeutique et les conseils. Le physiothérapeute met tient) à cette opération.
les interventions appropriées en œuvre et se réfère à la
pratique fondée sur des résultats probants (evidence ba-
sed physiotherapy). Il documente l’évolution du traite- Utilité de la CIF au travers
ment et en évalue l’efficacité. Il réagit rapidement au des listes de catégories d’interventions
cas où une évolution, un problème ou des complica- en physiothérapie
tions inattendues apparaissent ; il adapte son interven-
tion et, si nécessaire, contacte le prescripteur. Comme mentionné ci-dessus, la CIF offre un langage
commun pour décrire le fonctionnement, le handicap
et la santé. Elle permet de normaliser la documentation
Évaluation et fin de traitement relative au diagnostic physiothérapeutique, aux objec-
tifs de traitement, aux interventions et aux résultats ob-
Le traitement se termine quand les objectifs et les ré- tenus.
sultats envisagés sont atteints, quand aucun autre pro- Avec la CIF, les physiothérapeutes bénéficient d’un sys-
grès ne peut être envisagé ou quand le patient ne sou- tème de classification qui correspond à leur façon de
haite plus poursuivre le traitement. penser et de travailler. L’utilisation des listes de catégo-

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La CIF dans la pratique clinique en physiothérapie Kinesither Rev 2008;(73):12-8

Conclusion et perspectives
Soins de longue durée Actuellement, la physiothérapie dispose de neuf listes de

Internes
catégories d’interventions. Leur élaboration est décrite
dans les articles suivants [13-15] et traduits dans ce nu-
méro. L’utilisation de ces catégories d’intervention per-
met d’appréhender le patient et ses problèmes de santé
selon un système de classification reconnu. Il en va de
Réhabilitation même pour la documentation du traitement. Ces travaux
font partie d’un programme international de recherche
Syst. Org.

(ICF Research Branch), coordonné par le Centre de coopé-


ration de l’OMS pour la famille les classifications inter-
nationales en Allemagne (DIMDI). Ce centre fait partie
du Département de Médecine physique et Réhabilitation
de l’Université Ludwig Maximilian à Munich.
Les quelques catégories d’interventions non intégrées
Soins aigus
dans la première version des Core-Set mais qui sont per-
tinentes pour la physiothérapie seront retenues comme
catégories candidates pour le développement de la
Domaine deuxième version des Core-Set.
Il est prévu de poursuivre le développement de ces ca-
Figure 4. Graphique des 9 Core-Sets. tégories de manière à pouvoir évaluer la sévérité d’un
problème, c’est-à-dire pour définir des critères d’éva-
luation (qualifiers) de chaque catégorie d’intervention.
ries d’interventions peut se révéler très utile à tous les Les neuf listes de catégories d’interventions CIF peu-
physiothérapeutes, mais particulièrement aux étu- vent constituer un outil potentiel de mesure de la qua-
diants et aux débutants. Pour eux, de telles listes consti- lité des prestations fournies ; les physiothérapeutes dis-
tuent un instrument permettant d’assurer la qualité des posent d’un langage qui facilite la communication avec
traitements. l’extérieur. Les patients comprennent facilement la CIF.
Ces listes constituent un langage qui facilite la commu- Elle renforce leur point de vue en médecine et dans les
nication des physiothérapeutes avec les autres presta- soins de santé. Les physiothérapeutes peuvent générer
taires de soins et avec leurs patients. Le prescripteur et des données médicales qui leur permettent de justifier
les autres professionnels de la santé peuvent facilement facilement la nécessité de leurs traitements.
comprendre et suivre les démarches ainsi que les résul- Idéalement, les physiothérapeutes doivent disposer de
tats des prestations physiothérapeutiques. Les patients connaissances préalables avant d’utiliser la CIF. C’est
comprennent très bien la CIF. On constate qu’elle les pourquoi il semble opportun de proposer des formations
aide à communiquer avec les professionnels de la santé aux futurs utilisateurs de ces listes de catégories d’inter-
et qu’elle renforce leur perspective en médecine et dans ventions. Cela permettrait d’assurer la qualité des don-
les soins de santé. nées recueillies tout en garantissant l’efficience du pro-
Utilisées à large échelle dans les cabinets de physiothé- cessus : remplir un document en moins de 5 minutes.
rapie, récoltées de manière anonyme et traitées à un ni-
veau national, ces listes permettent à chaque physio- RÉFÉRENCES
thérapeute de comparer ses prestations à celles de ses
pairs (benchmarking) et de mener une réflexion sur la [1] American Physical Therapy Association: Guide to Physical
qualité des traitements qu’il effectue. La standardisation Therapists Practice. Second Edition. Physical Therapy
ouvre sur le développement de profils, par exemple en 2001;81:9-744.
ce qui concerne les indications à la physiothérapie. Il [2] World confederation for physical therapy (WCPT). WCPT-
devient possible de mettre en évidence que les patients Policies –The WCPT Declarations of Principle and Position
qui présentent tels types de limitations et de restrictions Statements including the Description of Physical Therapy.
doivent être adressés à un physiothérapeute. Par rap- The World Confederation for Physical Therapy (WCPT).
port à la pression croissante des coûts, les physiothéra- http://www.wcpt.org/policies. Accessed August 9th, 2005.
peutes disposent d’une base de données médicale qui [3] Finger M.E, Cieza A, Stoll J, Stucki G, Huber E.O.
leur permet de fonder et de justifier la nécessité des dé- Identification of intervention categories for physical therapy,
penses liées aux traitements qu’ils effectuent. based on the international classification of functioning,
Des travaux de recherche peuvent définir avec préci- disability and health: a Delphi exercise. Phys Ther
sion les critères d’inclusion et d’exclusion des patients. 2006;86:1203-20.

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