Vous êtes sur la page 1sur 343

Mommert, Carl. Saint Étienne et ses sanctuaires à Jérusalem... par l'abbé Charles Mommert,.... 1912.

1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la
BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 :
*La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source.
*La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits
élaborés ou de fourniture de service.

Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence

2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit :

*des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés sauf dans le cadre de la copie privée sans
l'autorisation préalable du titulaire des droits.
*des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source Gallica.BnF.fr / Bibliothèque
municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation.

4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code la propriété intellectuelle.

5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue par un autre pays, il appartient à chaque utilisateur
de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays.

6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non
respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978.

7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter reutilisation@bnf.fr.


SAINT ETIENNE

ET SES

SANCTUAIRES A
JÉRUSALEM

AVECXIIPLANCHES

''
PAR ".

L'ABBÉ CHARLES MOMMERT


DOCTEUR ENTHÉOLOGIE
ETCHANOINE DUS. SÉPULCRE
A JÉRUSALEM
MISSIONAIRE
APOSTOLIQUE
DEL'ORDRE
ET COMMANDEUR S. ETM.DUSAINT-SÉPULCRE

JERUSALEM 1912.

PRIX 8 FRCS.

ENVENTE:
A PARIS
CHEZ ALPHONSE PICARD ET FILS ÉDITEURS. 82, RUE BONAPARTE.
MOMMERT

RiffllNT ETIENNE
Ouvrages du même auteur

En vente chez E. Haberland, Editeur, Leipzig-R., Eilenburgerstr. 10.


Die heilige Grabeskirche zu Jérusalem in ihrem ursprûngiichen
Zustande. Von Dr. theol. Cari Mommert, Pfarrer zu Schweinitz, 1898.
(VIII u. 256 S. 8°.) M. 5,50.
Die Dormitio und das deutsche Grundstûck auf dem tTaditionellen Zion.
Von Dr. theol. Cari Mommert, Pfarrer zu Schweinitz, 1899. (VIII u.
132 S. 8°.) M. 2,50.
Golgotha und das heilige Grab zu Jérusalem. Von Dr. theol.
Cari Mommert, Pfarrer zu Schweinitz, 1900. (VIIIu. 280 S. 8°.) M. 5,50.
Topographie des alten Jérusalem. Von Dr. theol.
Cari Mommert, Pfarrer zu Schweinitz.
I. Teil: Zion und Akra, die Hûgel der Altstadt. 1900. (X u. 393 S.
8°.) M. 8.
II. Teil: Das salomonische Tempel- und Palastquartier auf Morlah.
1903. (VIII u. 306 S. 8°.) M. 7.
III.Teil: Salomons Mauerbau, die Wasserversorgung Jerusalems,
der Mauerbau des Manasses. 1905. (VIIIu. 182 S. 8°.) M.4,50.
IV. Teil: Der Mauerbau des Nehemias, die Akra der Syrer, die
Baris Antonia, der Kônigspalast Herodes d. Gr., die
Agrippamauer und jerusalems alte Grâber. 1907. (VIII u.
340 S. 8°.) M. 8.
AenOtl und Bethatlia. Die Taufstâtten des Taufers. Von Dr. theol.
Cari Mommert, Pfarrer zu Schweinitz, 1903. (VIII u. 97 S.) M. 2,50.
Das Prâtorium des Pilatus oder der Ort der Verurteilung Jesu. Von
Dr. theol. Cari Mommert, Pfarrer zu Schweinitz, 1903. (VIII u. 184 S.
8°.) M. 4,50.
Nenschenopfer bei den alten Hebrâern. Von Dr. theol. Cari
Mommert, Pfarrer zu Schweinitz, 1905. (VIII u. 88 S.) M. 1,20.
Der Ritualmord bei den Talmud'Juden. Von Dr. theol. Cari
Mommert, Pfarrer zu Schweinitz, 1905. (VIII u. 127 S. 8°.) M. 1,60.
Beihesda und Das Jérusalem des Pilgers von Bordeaux
nebst Anhang: Die Grabeskirche zu Jérusalem auf der
Mosaikkarte ZU Madeba. Von Dr. theol. Cari Mommert, Pfarrer
zu Schweinitz, 1907. (87 S. 8°.) M. 2,50.
Siloah. Brunnen, Teich und Wasserleitung zu Jérusalem. Von Dr. theol.
Mommert, em. Pfarrer von Schweinitz zu Jérusalem. (96 S. 8°.) M. 3.
Zur Chronologie des Lebens Jesu. Von Dr. theol. Cari Mommert,
Canonicus u. Ritter des H. Grabes zu Jérusalem, 1909. (210 S. 8°.)

En vente chez H. Wagner Q E. Debes, Editeurs, Leipzig:


Wandkarte von Palâstina fur kath. Volksschulen. Von Dr. theol.
Cari Mommert und Dr. E. Wagner. M. 5, aufgezogen M. 13.
Plan général
des fouilles dominicaines
à Jérusalem.
Dessinépar
le R. P. MauritiusGissler ^
O. S. B.
D'aprèsun planinéditde
\ï. l'architecte
Sandel
complété parleplando
M. Tarchit. C.
â JérusalemenSchick
rS88.
Noir: Terrainetconstructions
anciennes et médiéviales.
Rouge:Lesanctuaire
et sonatrium. moderne
SAINT ETIENNE

ET SES
.„_^,.

A (ÉRUSALEM
SANCTUAIRES

AVECXIIPLANCHES

PAR

LABBÉ CHARLES MOMMERT


DOCTEUR ETCHANOINE
ENTHÉOLOGIE A JÉRUSALEM
DUS.SÉPULCRE
APOSTOLIQUE
MISSIONAIRE
S. ETM.DUSAINT-SÉPULCRE
DEL'ORDRE
ET COMMANDEUR

JERUSALEM 1912.

PRIX 8 FRCS.

ENVENTE:
A LEIPZIG-R. CHEZ E. HABERLAND, ÉDITEUR,IO.EILENBURGERSTRASSE
"—- A PARIS
CHEZ ALPHONSE PICARD ET FILS ÉDITEURS.82, RUE BONAPARTE.
IMPRIMATUR

DRESDEN, 18. MAERZ 1912

DAS AP0ST0L1SCHE V1KARIAT


IM KÔNIGREICHE SACHSEN

t ALOYS SCHAEFER
Introduction.

o i 5 Jérusalem est un lieu de pèlerinage. Ses sanctuaires juifs,


^' chrétiens et; musulmans attirent de toutes les parties du monde
les pèlerins'qui, depuis la construction du Temple de Salomon
'
x- eï/jtjiçp&ïs le miracle de la Résurrection de Notre Seigneur,
n'ont jamais cessé d'affluer dans cette ville pour y prier et pour
y faire leurs aumônes.
Malheureusement, dès l'époque des Croisades et au XIXe
siècle surtout, des chasseurs d'aumônes, abusant de la piété
indiscrète des fidèles, augmentèrent le nombre des sanctuaires
en érigeant, à côté des anciens, vrais sanctuaires, de nombreux
sanctuaires postiches.
Le R. P. Joseph-Marie Lagrange, des FF. Prêcheurs, a mis
le doigt sur cette plaie en citant (Revue biblique, 1894, p. 453)
le passage suivant de M. Victor Guérin:
« Il y a à Jérusalem des traditions certainement vraies, il
y en a de fausses, il y en a de douteuses. Il faut les discerner
par une étude attentive, et renoncer courageusement à celles
qui sont fausses ».
Dix ans plus tard, le R. P. Urbain Coppens, O. F. M., écrivit
dans son ouvrage « Le palais de Caïpheetc. » (Paris 1904, p. 73):
„ Les professeurs de N.-Dame de France se glorifient d'avoir
donné le coup de grâce à bon nombre de (faux) Lieux-saints,
parmi lesquels se trouvent tous les sanctuaires échellonnés
sur la Voie douloureuse. " —
Aussi le nouveau sanctuaire Saint-Etienne au nord de Jé-
rusalem, érigé depuis la fin du dernier siècle seulement, trouva-
t-il des contradicteurs, et, les protestes ne tardèrent pas à se
faire entendre, dès que le R. P. Lagrange, dans la brochure « Saint-
Etienne et son sanctuaire à Jérusalem » (Paris, 1894), et dans
plusieurs articles de sa «Revuebiblique», en réclama l'authenticité.
— VIII —

Ce furent d'abord les Fils de saint François, les gardiens


officiels des sanctuaires de la Palestine qui, assistés par les Jésuites
(le R. P. Fiorowich), prirent les armes pour combattre les préten-
tions de ce nouveau sanctuaire. Puis, le R. P. Siméon Vailhé, des
Augustins de l'Assomption, M. l'abbé Nau et d'autres les suivirent.
Il s'engagea enfin une Joute littéraire dont les détails nous occupe-
ront dans le cours de cette étude.
La question n'étant pas encore vidée, nous la soumettons
à un nouvel examen, sur une base plus large que cela n'a été
fait jusqu'ici. On nous trouvera, peut-être, un peu long; mais
notre intention est d'apporter le matériel complet de la cause.
Quant aux passages des documents, et, aux morceaux de
la littérature que nous avons jugés nécessaire de citer, nous avons
souligné, çà et là, des mots et des passages qui nous semblaient
le mériter, afin de les recommander à l'attention du lecteur: puis,
nous les avons insérés au texte lui-même, au lieu de les renvoyer,
en caractères diamant, dans les notes. Les savants, familiers au
sujet, en trouveront la reproduction inutile; tous ceux, au contraire,
qui, par hasard, n'ont pas tous ces auteurs sous main, seron ttrès
contents de notre méthode.
En remettant la cause en litige sur le tapis, nous réparons
un article que nous avons publié, en faveur du sanctuaire Saint-
Etienne au Nord de Jérusalem, dans la Revue « Das heilige Land »
(Cologne, 1894, p. 30), après avoir lu seulement le plaidoyer du
R. P. Lagrange.
L'acier, en frappant la pierre, fait jaillir des étincelles.
Puissé-je dans l'étude qui nous occupe, remplir cette fonction.

Jérusalem, Septembre 1910.

L'auteur.

Nota! L'ouvrage ayant été imprimé loin du domicile de l'auteur, le lec-


teur est prié de ne pas se fâcher contre les «Protes» qui ont introduit, ça
et là, des «errata» dont l'existence fut remarquée trop tard. L'auteur.
V*— Table des matières.

s7 Pa8e
E> V H<-| 1—52
S,; yï LelJieu <le/la lapidation de saint Etienne
\y. L'iny^ntioe des reliques de saint Etienne 53—60
v 61—81
^ilfJÇfâîâ&flé interprétation d'un ancien texte
IV. Dispersion des reliques du Protomartyr dans le monde romain 82—101
V. L'oratoire de saint Etienne érigé par l'évêque Jean et Alexandre
le Sénateur, au Mont Sion (de 415 à 417) 102—108
VI. Le martyrium bâti par Juvénal, évêque de Jérusalem, sur le
lieu de la lapidation de saint Etienne 109—147
VII. La basilique le saint Etienne bâtie par Eudocie au Nord de
Jérusalem (455—466) • 148—168
VIII. L'oratoire de saint Sophrone (638—1113)et l'église des croisés
en l'onneur de saint Etienne (1113—1187) 169—185
IX. Histoire de la fondation du couvent de saint Etienne des
FF. Prêcheurs du Nord de Jérusalem 186—196
X. Protestations motivées de la part des Franciscains, des
Jésuites et des Augustiniens contre les prétentions du Sanc-
tuaire Saint-Etienne du Nord de Jérusalem 197—214
XI. Les fouilles de la «petite église» 215—225
XII. Fouilles de la prétendue «véritable basilique d'Eudocie> . . 226—266
XIII. Le nouveau sanctuaire de Saint-Etienne des Dominicains 267—276
XIV. Résumé des résultats obtenus dans cette étude 277—284
XV. Qu'est-ce qu'en diront les Dominicains? 285—288
XVI. Supplément 289—292
XVII.Table alphabétique 293-308
Table des Planches.

Page
I. Plan général des fouilles. D'après l'original dans «Saint-Etienne> 222
II. Les degrés du choeur avec rainure. D'après le «Palestine-Explora-
tion-Fund» 234
III. Plan de la basilique de Saint Etienne. D'après le «Palestine-Explora-
tion-Fund» 253
IV. Dalle d'autel trouvée <-insitu». D'après le «Palestine-Exploration-
Fund» 253
V. Dalle d'autel d'offrandes égyptien. D'après le «Palestine-Explora-
tion-Fund» 254
VI. Dalle d'autel trouvée 'in situ» dans l'état actuel. D'après le P. La-
grange (photographie) 256
VII. Plan des ruines de la basilique d'Eudocie. D'après le P. Lagrange
(«Saint Etienne etc.») 243
VIII. Plan de la basilique projettée. D'après M. Boutaud 271
IX. Plan de la basilique actuelle. D'après le P. Mauritius Gisler, O- S- B. 273
X. Reconstruction de la basilique avec plan des fouilles. D'après le
Docteur Schick 248
XI. Ruines du sanctuaire de Saint-Etienne (le champ des fouilles domini-
caines). D'après «Saint Etienne» 251
XII. Plan général des fouilles dominicaines à Jérusalem avec plan du
nouveau sanctuaire et de son atrium. D'après un plan inédit de
M. l'architecte Sandel et le plan du Docteur Schick (n. PI. X).
Dessiné par le R. P. Mauritius Gisler, O. S. B. à Jérusalem .... IV
Chapitre premier.

;;/ QLdrTlieii'Ide la lapidation de saint Etienne.


f \ À leijr arrivée devant les murs de Jérusalem, en 1099, les
vr4j^g^p0Îivèrent en face de la porte septentrionale de la
viîîèV* connue aujourd'hui sous le nom de «Porte de Damas»,
un oratoire dédié à saint Etienne.
Sans nous dire pour quelles raisons, ils y transférèrent le
«lieu de la lapidation» de ce saint, vénéré jusque-là, par l'Eglise
de Jérusalem, dans la vallée, du Cédron.
Le R. P. Lagrange, Directeur de l'Ecole biblique de Saint-
Etienne à Jérusalem, décrit en ces termes la situation créée par
cette innovation (Revue biblique, 1894?):
« Depuis les Croisades, c'est-à-dire dès le commencement
du XIIe (lisez XIe) siècle, nombre de pèlerins et d'historiens
indiquent le lieu de la lapidation (de saint Etienne) au nord
de la ville (de Jérusalem) ; tout au contraire, nombre d'autres
... le signalent dans la vallée du Cedron, près de Géthsé-
mani. Ces derniers sont pour la plupart d'origine grecque;
ce qui n'est pas nécessairement une mauvaise note, lorsqu'il
s'agit de traditions palestiniennes. A partir du XIIe et même
du XIe siècle, les deux traditions sont donc en concurrence.»
Cette « concurrence » disparut à la chute du règne latin,
suivie de la destruction du sanctuaire du Nord (1187); mais elle
ressuscita, sept siècles plus tard, dans les circonstances suivantes :
En 1881, un cordonnier grec trouva sur son terrain au nord
de Jérusalem, connu sous la dénomination de « Khan el-frendj »
(Khan ou Auberge des Francs), les ruines d'une « petite église ».
On se souvint alors de l'église Saint-Etienne des Croisés, et, on
présuma aussitôt en avoir retrouvé les restes.
Mommert,Saint-Etienne. 1
— 2 —

Bien plus, sachant que les Croisés avaient vénéré, dans leur
oratoire, au nord de Jérusalem, le « lieu de la lapidation du saint
Protomartyr », certaines personnes s'imaginèrent que la « petite
église » du cordonnier grec occupait le lieu même de cette lapidation.
Frappé du bruit de cette découverte, le R. P. Matthieu Lecomte,
des F. F. Prêcheurs, acheta, en 1882, ce terrain avec les ruines,
— un demi-hectare —, pour la somme 45,500 francs, acquisition dont
les détails nous occuperont plus loin (chap. IXe).
A peine entrés en possession, les Dominicains comprirent
que les modestes dimensions de la « petite église » ne répondaient
pas à celles de la basilique eudocienne qui, d'après l'histoire,
était plus vaste que l'église du Saint-Sépulcre qui, jusqu'en 460,
avec ses cinq nefs constantiniennes, avait été la plus grande
église de la ville.
M. l'abbé L. Heydet, alors professeur à l'Ecole Saint-Pierre à
Jérusalem, s'efforça de démontrer l'identité des ruines de la « petite
église », distante de 365 mètres de la porte de Damas, avec celles
de la « grande basilique eudocienne » qui s'était trouvée distante de
150 mètres seulement de la même porte, et, qu'il supposait bâtie
sur le lieu de la lapidation de saint Etienne. Après avoir publié,
en Mars et Juin 1883, dans les Annales de Sion un article intitulé
« Ruines de l'église Saint-Etienne à Jérusalem », il fit paraître,
en 1887, une brochure de 57 pages 8° sous le titre « Etude cri-
tique et topographique où se trouve à Jérusalem le lieu de la
lapidation de saint Etienne » où il dévelopa sa thèse.
Mais ce fut en vain. — Les F. F. Prêcheurs refusèrent d'y
ajouter foi. Dans son « Saint Etienne et son sanctuaire à Jérusa-
lem » (Paris, 1894, p. 105), le P. Lagrange, parlant de cette « petite
église», dit franchement: « Ce n'était pas l'église bâtie par
Eudocie ».

En ces circonstances, les F. F. Prêcheurs, convaincus d'avoir


fait fausse route, auraient dû rebrousser chemin.
C'est ce qu'ils ne firent pas. Ils préférèrent risquer un
second échec en achetant l'« ancien abattoir de la municipalité de
Jérusalem », attenant aux ruines de la « petite église » du côté
de l'est, — où il y avait des ruines plus étendues qu' on leur
offrit sous la dénomination éblouissante de « ruines de la véri-
table basilique d'Eudocie ».
Résolument ils y transférèrent les « soi-disant traditions »
réclamées auparavant en faveur de la « petite église », en utili-
sant, sans cependant le nommer, les mêmes textes que M. l'abbé
L. Heydet avait apportés pour prouver l'authenticité de celle-ci.
C'est dans ce but, — et, pour trouver des « aumônes », que le
R. P. Lagrange écrivit la brochure « Saint Etienne et son sanctuaire
à Jérusalem » (Paris, 1894), où il dit (p. 171):
« Que manque-t-il donc pour commencer les travaux? »
« Rien, si ce n'est une chose que je laisse au lecteur le
soin de deviner. Les faits que j'ai exposés parlent assez haut,
je rougirais d'atténuer leur éloquence par un banal appel de
fonds . . . L'Eglise primitive connaissait bien la dette qu' elle
avait contractée envers l'Eglise de Jérusalem. On voyait les
pauvres ouvriers de Thessalonique et de Philippes joindre leur
obole aux riches présents que Paul, le docteur des nations
portait à la ville sainte. Jérusalem perdait sous la nouvelle
loi sa primauté d'honneur et de juridiction, — mais elle con-
servait aux yeux des fidèles un droit spécial à leurs charités;
c'était une recommandation des Apôtres (Gai. II, 10) ».—
Et dans un autre passage de la même brochure (p. 139)
notre auteur écrit:
« Avant de solliciter la charité chrétienne pour le relève-
ment du sanctuaire de la lapidation de saint Etienne, nous
avions le strict devoir de nous assurer de son authenticité,
et, le public a le droit de nous demander des preuves. »

On aurait aimé que le P. Lagrange donnât les « preuves »


en question réunies ensemble, soit dans un article de la Revue
biblique, soit dans un volume à part.
Il préféra les disséminer dans deux petits travaux distincts:
A) dans la brochure « Saint Etienne et son sanctuaire
à Jérusalem », cité plus haut, — et
B) dans un article intitulé « Une tradition biblique à Jé-
rusalem » qu'il publia dans la Revue biblique (Paris, 1894,
p. 452-481).
Ce système lui donna l'avantage de renvoyer le lecteur d'un
travail à l'autre, et, de cacher ainsi le faible des « preuves »
alléguées en faveur de sa thèse.

1*
Examinons ces « preuves » :
A) Dans la brochure Saint Etienne et son sanctuaire à
Jérusalem (1894, p. 82—86) notre auteur écrit:
„ Au témoignage de Basile de Seleucie, cité plus haut (Le
P. Lagrange ne dit pas où se passage se trouve), il faut ajouter
les suivants:
„ Evagre, dans son Histoire de l'Eglise: « Eudocie éleva un
très grand sanctuaire, remarquable par ses proportions et sa
beauté, à Etienne, le premier des diacres et des martyrs: il est
distant de Jérusalem de moins d'un stade: elle y fut déposée
lorsqu'elle passa à la vie immortelle » ".
„Le terme sanctuaire traduit ici le grec «temenos». Cette ex-
pression, empruntée au paganisme, désigne l'enceinte sacrée qui
entourait le temple. Elle comprend donc, non seulement la basi-
lique, mais ses atriums et ses cours. Lorsqu'on arrivait à la
, porte qui donnait entrée à tout cela, on touchait au temenos ".
„ Le pèlerin Théodosius, dans sa description de la Terre
sainte, en 530 ap. J.-C, mentionne la basilique : « Saint Etienne
a été lapidé hors de la porte de Galilée. Là se trouve son église,
fondée par Eudocie, femme de l'empereur Théodose ». "
„ Le pèlerin Antonin insiste sur ce fait que la basilique conte-
nait le corps de saint Etienne (570 ap. J.-C): « L'impératrice
Eudocie ajouta des murs à la ville et construisit la basilique et
le tombeau de saint Etienne: elle-même a son tombeau près du
tombeau de saint Etienne, et, entre les tombeaux, il y a six pas.
Saint Etienne lui-même repose hors de la ville, à un jet de flèche,
sur la route qui regarde l'Occident ». "
„ Une tradition si bien établie ne pouvait disparaître, un sanc-
tuaire si précieux ne pouvait être complètement négligé. Aussitôt
que leurs modestes ressources le leur permirent, les chrétiens
de Jérusalem eurent â coeur de conserver au moins le souvenir
du martyre. Une chapelle fut élevée sur les ruines de la basilique.
Je crois en voir la mention dès le IXe siècle, dans une sorte
d'inventaire des établissements chrétiens de Jérusalem et des
environs, le «commemoratorium de casis Dei» (vers 808 ap. J.-C):
„ « A saint Etienne, au lieu de sa sépulture, se trouvent deux
clercs et quinze lépreux ». "
„ Il est du moins certain qu'une petite église ou oratoire se
trouvait au nord au moment du siège de Jérusalem par les Croisés:
nous avons sur ce point les témoignages d'Albert d'Aix, de Raymond
d'Aguilers, de Guillaume de Tyr, de Robert le Moine, des « Gesta
Francorum » de Robert de Nogent. Tous ces chroniqueurs placent
le camp du comte de Flandre et de Robert de Normandie au nord près
de l'église de Saint-Etienne, au lieu où il a été lapidé. Souvent
pendant le siège, on abandonnait les armes pour recourir à la
prière: avant l'assaut, une procession solennelle se déroule le long
des murs: elle fit une station à l'église de Saint-Etienne (Tudeboeuf
XIV, 4; Recueil des historiens des croisades, t. III.). "
„ C'est aussi de là que partit le signal de la victoire. On com-
prit que la ville ne pouvait être prise que du côté du nord: pendant
la nuit qui précéda la dernière attaque, les autres chefs croisés
transportèrent toutes leurs machines vers le propre lieu de l'oratoire
desaintEtienne.etc'estprèsdelà, en effet, que la brèche fut ouverte."
„ Le modeste oratoire ne pouvait empêcher de regretter l'an-
cienne basilique: Saewulf (1102—1103) gémissait encore sur les
ruines anciennes:
« La lapidation de saint Etienne eut lieu hors des murs, à deux
ou trois portées d'arbalète: il y avait là, du côté du nord, une
magnifique église, elle a été complètement détruite par les
» "
païens.
B) L'article publié sous le titre « Une tradition biblique à
Jérusalem » (Revue biblique, 1894, p. 452—481) donne la même
liste des témoins.
L'auteur y distingue cinq périodes.
La première « Du martyre à l'invention des reliques » occupe
dix lignes (p.454) ; la deuxième « De l'invention des reliques à l'époque
musulmane »: deux pages (p. 454-456) ; la troisième « De la conquête
arabe à la prise de Jérusalem par les Croisés » : deux pages et
demie (p. 456—459); la quatrième « De la prise de Jérusalem à la
perte de Saint-Jean-d'Acre »: treize pages (p. 459—472); la cin-
quième « De la perte de Saint-Jean-d'Acre à nos jours » : quatre
pages (p. 472—476). Le reste de l'article, cinq pages (476—481)
s'occupent delà «Discussion des témoigagnes et delà conclusion»,
tandis que les deux premières pages du travail (452—454) con-
tiennent l'Introduction.
Dans cette « Introduction » le P. Lagrange se plaint (p. 452)
de la « prodigieuse crédulité de nos ancêtres » et du « désaccord »
des guides officiels des pèlerins russes, grecs et latins à l'égard des
sanctuaires. Voici les termes de notre auteur (Revue biblique,
1894, p. 452):
- 6 —

„ Le pèlerin russe, le pèlerin grec, le pèlerin latin ayant cha-


cun leur guide officiel, ont été longtemps sans se douter du
désaccord qui règne entre ces guides ... et on est étonné de la
prodigieuse crédulité de nos ancêtres. Voici par exemple ce
qu'on leur montrait à Constantinople au commencement du trei-
zième siècle : « La trompette de Josué, fils de Nun, qui servit à
la prise de Jéricho, et dans l'autel, la corne de bélier d'Abra-
ham ... La corne de Samuel, la verge de Moïse . . . Dans la
chapelle derrière l'autel se trouve la table recouverte, sur la-
quelle Abraham mangea avec la Sainte Trinité; et il y a une
croix faite avec la vigne que Noë planta après le déluge, le
rameau d'olivier qu'apporta la colombe y est inséré. A Sainte-
Sophie se conservent les tables de la loi de Moïse et l'arche con-
tenant la manne » (Antoine de Novgorod, vers 1200, Itinéraires
russes, Genève, Fick, 1889, p. 98 et 93). " —
„ Toutes ces circonstances (1. c. p. 453)... ont élevé contre
les traditions un préjugé défavorable ... (p. 454). Notre tra-
vail sera donc composé de l'examen de la tradition et d'une
brève discussion d'après les textes . .. . "
Après cette « introduction » le P. Lagrange entre en matière
et dit (1. c. p. 454):
"
„ Première période. - Du martyre àl'inventiondesreliques.
„ Dans cette première période nous constatons le silence
des témoins. On ignore où est le corps de saint Etienne, on n'en
parle pas, c'est ce qu'il y a de mieux à faire. On aurait pu indi-
quer le lieu de la lapidation, mais aucun monument ne la désignait
extérieurement aux regards des pèlerins. Il avait fallu d'abord
orner les lieux consacrés au Sauveur. Nous rencontrons cependant
une allusion chorographique dans un des nombreux panégyriques
du Saint. Vers l'an 400, saint Astérius nous dit : « Ayant placé le trois
fois bienheureux sur un lieu au sol égal, ils l'accablèrent de pierres ».
Evidemment il ne s'agit pas de la vallée du Cédron . "
„Deuxième période. De l'invention des reliques à la conquête
musulmane."
,, Nous avons raconté dans un autre chapitre (sic!) les faits
qui signalèrent cette période: invention des reliques, leur transfert
à l'église de Sion, puis dans la basilique d'Eudocie. Nous (Lagrange
et ses amis) ne savons à quels témoignages, à quels souvenirs on
fit appel pour déterminer le lieu de la lapidation. Incontestablement
— 7 -

on crut le connaître avec certitude, et nous devons nous en


rapporter au témoignage de l'Eglise de Jérusalem, où les dis-
sensions et la critique ne faisaient pas défaut. Sur ce point le
monde fut d'accord ".
,, Au témoignage contemporain de Basile de Seleucie cité plus
haut (sic!) il faut ajouter celui d'Evagre ":
« Elle (Eudocie) éleva un très grand sanctuaire, remar-
quable par ses proportions et sa beauté, à Etienne, le premier
des diacres et des martyrs: il est distant de Jérusalem de moins
d'un stade: elle y fut déposée lorsqu'elle passa àla vie immortelle».
„ Le terme de sanctuaire traduit ici le grec « temenos ». Cette
expression empruntée au paganisme désigne l'enceinte sacrée qui
entourait le temple. Elle comprend donc non seulement la basilique,
mais ses atriums et ses cours, le couvent lui-même. Lorsqu' on
arrivait à la porte qui donnait entrée à tout cela, on touchait au
« temenos » ".
„ Theodosius « de Terra Sancta » (530) distingue déjà les
deux « mémoires » de Saint-Etienne. Il parle d'abord du Mont Sion : "
« De Golgotha usque ad sanctam Sion: quae est mater om-
nium ecclesiarum, passus numéro CC . . . Et ibi est lapis ille,
unde lapidatus est sanctus Stephanus » ".
„ Puis venant à la basilique: « Sanctus Stephanus foris portam
Galilée lapidatus est. Ibi et ecclesia ejus est, quam fundavit Eu-
docia, uxor Theodosii imperatoris » ".
„ Il y a plus, cette porte de Galilée, et par conséquent du Nord,
s'appelait dès lors, « porte Saint-Etienne », et voilà la tradition
soudée à un monument important."
,, On voulait envoyer à Constantinople une pierre où Marie
s'était assise: «volens eum Constantinopolim dirigere, et dum ad
portam sancti Stephani veniret ... ». Encore du Nord."
,, Antoninus martyr, « De locis sanctis » (570):
« XXII. Basilica Sancte Sion et monasterium ».
« Ibi est corona spinea, qua Dominus fuit coronatus, et lancea
de qua in latere percussus, et lapides multi, cum quibus lapidatus
est Stephanus » . On montre, ou le pèlerin croit avoir vu, plusieurs
pierres: dès lors la tradition oscille entre l'unité et la multiplicité,
beaucoup plus favorable cependant à l'unité. "
„ Voyons maintenant la basilique:
« Fons Siloa modo intra civitatem inclusa est, quia Eu-
docia, imperatrix ipsa addidit muros in civitate, et ipsa munivit
basilicam et sepulcrum sancti Stephani et ipsa suum habet
sepulcrum juxta sepulcrum sancti Stephani, et inter sepulcra
sunt gressus sex ». D'autres manuscrits ont 20 et d'autres 26.
« Et ipse sanctus Stephanus requiescit foris portam sagittae
jactu, ad viam que respicit ad occidentem que descendit ad
Joppen et Caesaream Palestine vel Diospolim civitatem, quae
antiquitus dicebatur Azotus: in qua requiescit sanctus Georgius
martyr ».
„ La porte du nord regardait le couchant (?), car c'était là qu'
aboutissait la route romaine venant de Joppe par Diospolis et re-
montant par Bethoron et Gabaon. Elle est bien connue par l'itiné-
raire de sainte Paule, et on peut la suivre encore presque sans
"
interruption.
„ Un autre récit d'Antonin, « De locis transmarinis sacris »,
ne contient d'autre variante importante que les 26 pas entre les
sépulcres. Eudocie y est appelée épouse de Justinien, ce qui ne
" .
peut être qu'une erreur de copiste
„ Le « Breviarius de Hierosolyma », d'après Tobler, vers 530,
d'après Roehricht vers 590, ne parle que de Sion: « Unde venis
ad sacrificium (lisez: sacrarium), ubi est ille lapis unde lapidatus
est Stephanus sanctus ». On dirait que cette pierre se trouve dans
l'autel: en tout cas elle fait partie du trésor de l'Eglise; elle est
désormais inséparable de la colonne de la Flagellation et de la
Couronne d'épines. "
„ Jusqu'à présent les témoignages n'ont parlé que du sanc-
tuaire de Sion et de celui d'Eudocie ou de la lapidation: Aucune
mention (?) n'a été faite de la vallée du Cédron à propos de saint
Etienne. "
,, Troisième période. — De la conquête arabe à la prise de
les Croisés. "
Jérusalem par
„ Durant cette période, les chrétiens eurent assez de liberté
pour conserver et restaurer quelques églises, pas assez de
resources pour faire de grandes choses. Leurs efforts durent
se concentrer. "

,, Par rapport à saint Etienne, l'église du Cénacle attire sur-


tout l'attention, c'était .après le Saint-Sépulcre, le monument qui
excitait le plus la dévotion des pèlerins. "
„ Arculfe fit son pèlerinage vers 670: il décrit l'église du mont
Sion, avec un plan instructif: « Hic petra monstratur, super quam
— 9 —

Stephanus lapidatus extra civitatem obdormivit. Extra hanc supra


descriptam grandem ecclesiam, que intrinsecus talia sancta com-
plectitur loca, alia memorabilis extat ad occidentalem partem ejus
ut est ». "
petra, super quam, fertur, Stephanus lapidatus
„ On croirait qu'il parle de deux églises, mais son plan marque
bien que le lieu dédié à saint Etienne faisait partie de la grande
"
église.
„ Arculphe ne parle pas de la basilique d'Eudocie, mais il
mentionne (comme Théodose) la « porte de Saint Etienne » dans
une direction qui ne peut être que le nord. " —
,, Le vénérable Bède (vers 720) ne parle que de Sion: « Hic
monstratur petra, super quam lapidatus est sanctus protomartyr
extra civitatem » . "
Stephanus
„ Willibald (723—726) ne parle pas de saint Etienne, d'après
la relation de la religieuse de Heidenheim. D'après l'anonyme, dont
la recension est bien inférieure, il vénère saint Etienne au mont
Sion: « Quam dévote translatum illuc ejusdem ecclesiae archidia-
». "
conum et protomartyrem Stephanum imploravit
„ Le « Commemoratorium de casis Dei » (vers 808) mentionne
deux endroits consacrés à saint Etienne. "
„ L'un est dans la vallée de Josaphat, c'est par excellence la
terre des petits couvents, depuis sainte Hélène. « In valle Josa-
phat ... In sancto Leontio, presbyter I; in sancto Jacobo I; in sancto
Quaranta III; in sancto Christophoro III: in sancta Aquilina I; in
in sancto Quiriaco I; in sancto Stephano III; in sancto Dometio I ».
— C'est la première fois que le nom de saint Etienne est prononcé
à propos de la vallée de Josaphat. C'est un petit sanctuaire au mi-
lieu de beaucoup d'autres, relativement important puisqu'il a trois
"
prêtres.
„ Mais nous avons une autre mention: « in sancto stephano
ubi sepultus fuit, clerici II, leprosi XV. » "
„ S'agit-il du mont Sion? — On l'a prétendu, donnant pour
raison qu'on n'aurait past toléré une maladerie sur une route aussi
fréquentée que celle de Naplouse. Mais nous en verrons une du
temps de Croisés, précisément tout près de Saint-Etienne du Nord.
D'ailleurs cette église est séparée de l'église de Sion dans ce texte par
la mention d'autres églises. Je crois donc qu'il faut sans hésiter
voir ici la mention d'une petite église ou oratoire élevé au lieu de
la lapidation de saint Etienne, sur les ruines de la basilique d'Eu-
docie détruite par les Perses. »
- 10 —

« Il est vrai que le moine franc Bernard, vers 870 (voyage en


805), parle d'une église de saint Etienne au mont Sion, mais son
texte assez confus doit être interprêté selon le plan d'Arculfe. « Est
praeterea in ipsa civitate alia ecclesia ad meridiem in monte Syon,
que dicitur sancti Stephani, ubi Dominus lavit pedes discipulorum
suorum, in qua pendet spinea corona Domini, et in hac defuncta
traditur esse sancta Maria. Juxta quam, versus orientem, est ecclesia
in honore sancti Stephani, in quo loco lapidatus esse asseritur ». "
„ Ce qu' il nomme ici église ne peut être que le naQ£y.xk^aiov
des Grecs, une chapelle. C'est ainsi qu'Arculfe avait vu les
lieux, c'est ainsi que les verra en 1145 un anonyme (Innominatus VII)
« et a sinistro latere est altare Stephani, ubi fuit sepultus ». "
„ Arculfe indiquait pour la place de cette chapelle l'occident,
Bernard dit l'orient, l'anonyme parle de la gauche. Un anonyme
slavon de 1360 nous dira que « le tombeau de saint Etienne
existe encore à Sion du côté du nord » (Archives de l'Orient
1884. " —
latin, Seroux, Documents, p. 391).
„ Il était donc assez difficile de s'orienter dans l'église du
Cénacle, mais en tous cas il n'y avait pas là d'église séparée
en l'honneur de saint Etienne. „
„ Nous sommes ici près de toucher à la confusion au sujet
du lieu de la lapidation. „
„ Quand pendant des siècles on montre une « pierre sur la-
quelle » saint Etienne a été lapidé, il ne faut qu'un pas pour
dire: c'est ici qu'il a été lapidé. Ce faux pas, la tradition ne le
fait que dans le récit de ce moine Bernard; elle se redresse
aussitôt, et avant l'arrivée des Croisés, un auteur inconnu que
Roehricht place en 1095, la représente fermement: « Contra
septentrionem extra portam civitatis est locus, ubi sanctus Ste-
phanus est lapidatus » (Qualiter sita est civitas Jérusalem,
Tobler, p. 349)."
„ En résumé, dans cette époque obscure, saint Etienne
est surtout vénéré dans l'église du mont Sion, lieu de sa sé-
pulture provisoire: il possède un oratoire dans la vallée de
Josaphat, et il paraît plus que probable qu'on en a relevé
un autre au lieu de la lapidation sur les ruines de la basi-
lique d'Eudocie. Cette probabilité se changera en certitude
par les témoignages des Croisés qui trouvèrent cet oratoire.
On continuait à appeler la porte du nord porte de Saint-
Etienne (comme Théodose, vers l'an 530, l'a déjà nommée),
— 11 —

et l'on savait que hors de cette porte saint Etienne avait


été lapidé ". —
Les textes ainsi interprêtés se prêtent à merveille à favoriser
la soi-disant tradition du Nord. Craignant cependant, avec raison,
que sa manière d'utiliser les textes ne plaira pas à tout le monde,
et, que se trouveront des contradicteurs, l'auteur croit utile de
rappeler à ses lecteurs la base inébranlable sur laquelle se table
sa thèse de la lapidation de saint Etienne au Nord. Il écrit donc
(Revue biblique, 1894, p. 480):
„ Mais si la tradition de la vallée du Cédron doit dis-
paraître sans retour, s'en suit-il que celle du Nord soit vrai-
ment solide? "
„ Nous croyons que oui. Des témoignages unanimes et con-
stants nous font remonter sans interruption jusqu'en 455, au
moment de la construction de la basilique. Cette basilique est
retrouvée; l'emplacement de la lapidation tel qu'on croyait le
connaître au cinquième siècle nous est connu. Toute la question
est de savoir si au Ve siècle on a procédé sûrement..."
„ Pouvait-on connaître le lieu de la lapidation de saint
Etienne? Oui, car on pouvait connaître avec une parfaite cer-
titude «le lieu des lapidations ordinaires»: or, il semble que
malgré leur précipitation haineuse, les ennemis de saint Etienne
qui le condamnaient pour n'avoir pas observé la loi, l'ont
eux-mêmes. "
accomplie
„Le sou venir de ce lieu funèbre existe encore aujourd'hui".
,, M. le ministre protestant Chaplin et son collègue M.Hanauer
ont recueilli cette tradition: on leur a montré comme lieu des
exécutions la « coltine de Jérémie » qui domine la basilique,
et, c'est d'après ce renseignement que c'est accréditée parmi
quelques protestants l'opinion: que cette colline était le Calvaire ...
(1. c. p. 481). Nous pouvons donc affirmer avec certitude que nous
savons l'emplacement où le saint Protomartyr à donné sa vie... —"
Dans sa brochure « Saint Etienne etc. » (1894) notre auteur
revient sur la même question. Parlant du martyre de saint Etienne,
il écrit (1. c. p. 35):
„ Dans sa sincérité, il (Etienne) dit ce qu'il voit ... Aussitôt
ces pieuses personnes (les Juifs) se bouchèrent les oreilles . . .
et sans attendre ni délibération des juges, ni leur sentence, ils
se jettent sur lui et le traînent hors de la ville pour le lapider. "
— 12 —

„ D'après la loi, le blasphème entraînait ce genre de mort


(Lev. XXIV, 14). Les témoins plaçaient leurs mains sur la tête
du coupable pour prendre la responsabilité de sa perte, et,
comme si cela ne suffisait pas à les faire refléchir à l'atrocité
d'une accusation injuste, ils devaient jeter la première pierre
(Deut. XVII, 6). D'après le Talmud, en arrivant au lieu du supplice,
on dépouillait le condamné de ses vêtements, et on exigeait qu' il
fît la confession de son crime. Il était conduit sur une estrade
haute de deux mètres d'où il était précipité sur le dos par un
des témoins. Le second témoin lui jetait une pierre sur le coeur,
"
puis le peuple achevait le misérable.
,, Ces détails supposent un « lieu de supplice déterminé »,
et quoique la condamnation d'Etienne n'eût pas été légale,
peut-être pour éviter toute difficulté avec les Romains, la foule,
malgré son emportement, et sa fureur, dut exécuter des pre-
scriptions qui lui étaient bien connues. La populace aime et
connaît les cérémonies de la de mort. "
lugubres peine
Puis l'auteur ajoute (1. c. p. 74):
„ On croyait savoir où avait été lapidé saint Etienne. La
tradition qui n'avait pas hésité pour désigner l'emplacement du
Calvaire et du Saint-Sépulcre, malgré les transformations intention-
nelles, a pu conserver le souvenir de ce lieu d'autant plus facile-
ment qu'il avait un caractère officiel. C'est le « lieu des supplices
pour les Juifs » ". —
Enfin notre auteur remarque (1. c. p. 152—153; Revue biblique,
1894. p. 480):

„ A cette époque (Ve siècle), on pouvait connaître le


lieu de la lapidation de saint Etienne, eût-il été lapidé hors
du lieu ordinaire des exécutions. Mais nous avons dit que,
malgré leur précipitation haineuse, les ennemis d'Etienne qui
le condamnaient pour n'avoir pas observé la loi se sont piqués
de suivre leurs usages traditionnels. Le détail de saint Paul
"
gardant les habits le prouve.
„Le souvenir de ce lieu funèbre existe encore aujourd'hui.
M. le ministre protestant Chaplin et son collègue M. Hanauer
ont recueilli cette tradition: on leur a montré comme lieu des
exécutions la colline de Jérémie qui domine la basilique
(des F.F. Prêcheurs) ..."
— 13 -

„ Je lis dans Sepp « La vie de N.-Seigneur Jésus-Christ »


(Paris, 1861, III, p. 157) que « la place où on lapidait les crimi-
nels était à 2.000 coudées du Temple ». "
„ Je ne sais où il a puisé ce renseignement; s'il est exact,
cette distance concorderait exactement avec l'emplacement de
la basilique. " — Ainsi le P. Lagrange.
Nous avons reproduit ici les textes en question dans leur
ensemble, tels qu'il se trouvent dans les deux travaux du P. Lagrange
publiés en 1894. Le plaidoyer est plein de verve, plein de con-
viction, plein d'érudition, et, ce qu'il faut savoir aussi il est pro-
noncé par un homme qui, dans ce temps-là, jouissait de la
renommée d'un savant de premier rang et d'une probité con-
sommée. L'effet produit dans le camp de ceux qui n'étaient
pas familiers aux textes cités, était des plus splendides, et les
aumônes affluèrent en abondance. Mais dans les rangs de ceux
qui étaient mieux informés, les contradictions netardèrent pas à
se faire entendre, comme nous l'avons dit déjà plus haut et comme
nous le montrerons encore plus bas (chap. Xe).
En effet, le plaidoyer du P. Lagrange que nous venons de
lire pèche par plusieurs faibles.

Qu'il nous soit permis de nous y arrêter un peu, et, de


soumettres les textes en question à un nouvel examen.
I. Après avoir constaté le silence des témoins de son premier
période, le P, Lagrange affirme (Revue biblique, 1894, p. 454):
« On aurait pu indiquer le lieu de la lapidation quoiqu'
aucun monument ne la désignait extérieurement aux regards
des pèlerins ».
C'est ce qui est notre avis aussi.
Jusqu'ici nous sommes donc d'accord avec l'auteur de l'article
de la Revue biblique.
Puis notre auteur continue (1. c. p. 454) :
„ Vers l'an 400, saint Astérius nous dit: « Ayant placé
le trois fois bienheureux sur un sol égal, ils l'accablèrent de
pierres ». — Evidemment il ne s'agit pas de la vallée du
Cédron. " —
Le P. Lagrange n'entre pas dans la discussion de ce texte,
il y glisse par un bon mot assez banal.
- 14 —

Pourquoi est-ce qu'il a fait cela?


Apparemment ce texte contredit d'une façon trop forte sa
thèse de la lapidation au Nord. Il ne le réclame donc pas en sa
faveur et cherche s'en débarrasser par le bon mot « Evidemment
il ne s'agit pas de la vallée du Cédron ».
C'eut été trop dur pour lui d'affirmer librement: « Evidemment
il ne s'agit pas de l'emplacement de la basilique des F.F. Prêcheurs ».
Nous autres, n'étant préoccupés que de faire triompher la
vérité, abstraction faite de quel côté qu'elle se trouve, croyons
utile d'y regarder un peu de plus près.
Saint Astérius (Encomion en l'honneur de s. Etienne, Migne, P.
Gr. LI, col. 347) écrit:
« 2x7]aavxsç xbv TQia/iaxâgiov « Ayant placé le trois fois
èni TIVOÇîoonêôov %a>giov... éfia- bienheureux en un lieu au sol égal
lov Xiûoiç ». ... ils l'accablèrent de pierres ».
Ce texte établit que, pour lapider saint Etienne, les Juifs l'ont
entraîné sur en endroit au sol égal. Naturellement, ce fut le
premier « plateau » qui ce trouvât sur leur chemin qu'on choisit
pour théâtre de la lapidation.
Applicant notre texte à l'emplacement de la basilique des
FF. Prêcheurs au nord de Jérusalem, on remarque, tout de suite,
que pour ceux qui viennent de l'enceinte du Temple, il se pré-
sente, avant d'arriver sur lemplacement de la basilique en question,
éloignée du Temple d'un kilomètre à-peu-près, plusieurs endroits
« au sol égal » qui tous pourraient prétendre à l'honneur d'avoir été
le théâtre de cette lapidation, sans cependant jamais avoir fait cela,
tandis que le seul prétendant du Nord, l'emplacement de la
basilique des FF. Prêcheurs, ne présentait pas de plateau uni,
à l'époque de saint Etienne, comme le prouvent les fuilles dont
le P. Lagrange (Saint Etienne etc., 1894, p. 131 — 132) raconte:
« Le trou carré figure dans son état actuel. On a vu dans le
récit des fouilles (1. c. p. 107—108) qu'il y avait probablement une
« confession »." — Tandis que Mr. le docteur Schick (Zeitschrift
des Deutschen Palestina-Vereins, Leipzig, 1888, p. 254—255) y
voit « une piscine de l'époque juive, antérieure à la destruction
de Jérusalem par Titus ».
Cela prouve que l'emplacement de la basilique Saint-Etienne
au nord de Jérusalem ne représente pas le « lieu au sol égal »
indiqué par saint Astérius et cela explique, en même temps,
- 15 -

pourquoi le P. Lagrange s'est abstenu de réclamer ce texte en


faveur de sa thèse de la lapidation au Nord.

Examinons maintenant les chances de la tradition de l'Est.


La discussion animée qui précéda la lapidation de saint Etienne
avait eu lieu au sanctuaire juif. En entraînant le saint « hors de
la ville » on le fit, sans aucun doute, sans détours. Or à l'angle
nord-est du temple il se trouvait, dans ce temps-là, une porte
connue sous le nome de « porte du Troupeau « (porta gregis)
donnant sur la route par laquelle on se rendait de Jérusalem au
mont des Oliviers, à Béthanie, à Jéricho et en Arabie (Cédar).
A partir de cette porte la route descendait dans la vallée du
Cédron par des dégrés, mentionnés déjà par sainte Siivie (Ethéria
abbatissa) vers l'an 383, par Antonin (l'anonyme de Plaisance) et
d'autres.
Dans cette descente rapide, du Temple dans la vallée du
Cédron, le premier « lieu au sol égal » qui se présentât fut le
banc rocheux traditionnel que l'Eglise de Jérusalem a montré et
vénéré, dès les premiers siècles du christianisme, comme lieu
du martyre de saint Etienne. Dans cet endroit, les pierres dont
la liturgie de la fête du Protomartyr dit: « Lapides torrentis dul-
ces ei fuerunt », se trouvaient en abondance, — tandis qu'il
aurait été très difficile d'en avoir sur l'emplacement de la basilique
des Dominicains au nord de Jérusalem.
L'indication topographique de saint Astérius relative au lieu
de la lapidation de saint Etienne, s'adapte donc fort bien au rocher
traditionnel dans la vallée du Cédron, à l'Est de Jérusalem,
tandis qu'elle ne se prête point à la tradition du Nord.

II. Après avoir constaté, dans sa « première période », que


pendant le temps qui s'était écoulé « du martyre à l'invention
des reliques » qui a eu lieu en 415 de notre ère, « on aurait
pu indiquer le lieu de la lapidation », le P. Lagrange dit, dans
le passage qui s'occupe de sa deuxième période » :
„ Nous ne savons à quels témoignages, à quels souvenirs
on fit appel pour déterminer le lieu de la lapidation. " —
Cette ignorance n'est, sans aucun doute, qu'une ignorance
réthorique: car, immédiatement après, notre auteur continue:
- 16 -

« Incontestablement on crut le connaître avec certitude, et nous


devons nous en rapporter au témoignage de l'Eglise de Jérusalem ».
Nous tenons donc pour prouvé que le lieu de la lapidation
indiqué, selon la Revue biblique (1894, p. 454), vers l'an 400, par
saint Astérius, à été connu à Jérusalem, avec toute la certitude
désirable, encore en 415 et quelques années plus tard, quand
Juvénal, évêque de Jérusalem, érigea sur le lieu de cette lapidation
une église en l'honneur de saint Etienne qu'il consacra lui-même,
vers l'an 428, en y déposant le corps du saint Protomartyr con-
servé, jusqu'à ce temps-la, après son retour à Jérusalem, d'abord
dans la sacristie de la sainte Sion, et, puis dans l'oratoire que
le sénateur Alexandre lui avait bâti, vers l'an 418, tout près et
à l'Est de la sainte Sion.

Ici, le P. Lagrange aurait dû insérer, dans ses deux travaux


de l'an 1894, le « Récit du prêtre Lucien de Caphargamala »,
contemporain de saint Astérius, écrit et publié en 415, et, qui
confirme notre interprétation du « lieu au sol égal » de celui-ci.
Nous nous permettrons donc d'insérer ce récit à la place
qui lui convient.
Nous donnons d'abord le texte de l'original grec du passage
qui parle du martyre de saint Etienne, publié par M. Papadopoulos-
Kérameus ÇAvàXexxa 'iEgooolv/Luxixfjç Sxayvokoyiaç, Saint-Péters-
bourg, 1898, V, p. 32) où nous lisons:
I « fCelui
AIMÎ nui rpnncp avec
qui repose ^\re^f mnî
moi,
« ' O ôè ovv èfiol XEÎ/HEVOÇ avxôç ; est le seigneur Etienne qui,
êoxiv o xvgig 2xé<pavoç, ô hfiofio ayant été lapidé par les Juifs à
'
Ârj&elç VTIO xcôv'lovôaioev ev'Ieoov- Jérusalem, resta une nuit et un
oa"ki]jx y.al notijoaç vvyJi-rjjXEgov jour, jeté « en dehors de la
êggi/xévoç EÏç xà «°'EÇdbjivla » xrjç porte », de la ville (sur le chemin
nôXeoeç,(bç ETÛXOVKrjôàg àjrsgyô- où nous passons) quand nous
fis&a, jU-i]danxôfXEVoçy.axâ xi]v y.é- nous rendons en « Cédar »,
XEVOIVXCÔVxi]viKavxa âgyiEQÉoev, sans sépulture, par ordre des
ôiaxatjajLiévwvxara^gco-&fjvai avxbv Grands-prêtres de cette époque,
VTIOràv ôgvéoev xal vnb xwv qui décrétèrent qu'il servît de
d-rjgîcov». patûre aux oiseaux et aux bêtes
i sauvages ».
Le texte syriaque, traduit par M. rat>t>e L. nau (Kevue
de l'Orient chrétien, 1906, p. 206 en note 2) dit:
- 17 -

« Il passa un jour et une nuit, gisant « en dehors de la


porte » de la ville, dans le chemin de Cédar, selon l'ordre des
princes des prêtres ».
Le texte latin de la recension B (Migne P. L. XLI, col. 810) porte:
« Qui autem jacet mecum dom- « Celui qui repose avec moi,
nus Stephanus, qui a Judaeis est le seigneur Etienne, qui a
« Jerosolymis » lapidatus est, et été lapidé par les Juifs « à Jérusa-
die noctuque in « exapeleo » ja- lem » et, qui resta, gisant par
cuit civitâtis, in via euntibus terre, un jour et une nuit « en
« Cedar » jussu impiorum sacer- dehors de la porte » de la ville,
dotum projectus, ut a bestiis et « sur le chemin » (où on passe)
avibus devoreretur ». quand on se rend en « Cédar »,
jeté là par ordre des prêtres
impies, afin qu'il servît de patûre
aux bêtes sauvages et aux
i oiseaux ».
Le texte latin de la recension A (Migne, P. L. XLI, col. 809)
présente la leçon suivante:
« Et qui mecum est, in orientali « Celui qui est placé près de
parte monumenti jacens,ipse est moi, dans le tombeau, du côté
domnusStephanus, qui lapidatus de l'Orient, est le seigneur
estajudaeis etprincipibussacer- Etienne, que les princes des
dotum «in Jérusalem», pro Christi prêtres et les Juifs ont lapidé
fide, « foris portam », quae est « à Jérusalem » pour la foi du
« ad aquilonem », quae ducit Christ, « en dehors de laporte »
« Cedar », ubi die ac nocte ja- (de la ville), « au Nord » (de la
cuit projectus, ut sepulturae route) qui conduit en « Cédar»,
non daretur, secundum man- où il demeura un jour et une
datum impiorum principum, ut nuit, jeté, sans sépulture, afin
a feris consumaretur corpus de devenir, selon l'ordre impie
ejus ». des princes des prêtres, la
proie des bêtes sauvages ».
Le P. Lagrange s en tient a la seule leçon de la version
latine A, et, traduit le passage en question: « foris portam »,
quae est « ad aquilonem », quae ducit « Cedar » par les mots:
« hors de la ville, à la porte du nord, sur la route de Cédar »
Etienne etc., 1894, et, — de son interprétation de
(Saint p. 45),
ce passage, il déduit que, d'après Lucien, le lieu de la lapidation
de saint Etienne se trouvait « au Nord de la ville ».

SaintEtienne.
Mommert, 2
— 18 -

Tout le monde voit que cela ne va pas.


Pour trouver le vrai sens d'un passage obscur, transmis par
« une » traduction, on doit nécessairement consulter les autres
traductions, et, recourir surtout au texte de l'original.
Si le P. Lagrange avait fait cela, il aurait trouvé que le texte
de l'original grec et toutes les traductions de notre passage, —
excepté la seule « recension latine A » —, disent, avec toute la
clarté désirable, que la lapidation de saint Etienne a eu lieu
« en dehors de la porte » de la ville, sur le « chemin (où on
« on se rend en « Cédar». — Il aurait trouvé
passe) quand
aussi, que les mots de la recension latine A: « quae est ad aqui-
lonem » ne se rapportent point à la porte de la ville, mais bien
au « lieu de la lapidation » qui se trouve, en effet, au « nord
de la route » (via) qui conduit en « Cédar», comme cela se voit,
aujourd'hui encore, sur le lieu traditionnel de la lapidation dans
la vallée du Cédron.
A cause de l'importance de ce texte, nous lui avons con-
sacré un chapitre spécial sous le titre « Nouvelle interprétation
d'un ancien texte », le chapitre IIIe de cette étude. Nous y mon-
trerons que l'original grec de notre passage, suivi par la tra-
duction syriaque et la recension latine B, est préférable à la
recension latine A, et, que la « route du Cédar » dont il est
question, dans tous les textes de notre passage, n'est autre que
celle qui conduit de Jérusalem au mont des Oliviers, à Bethanie,
à Jéricho pour aboutir en Arabie. Cette voie nous conduit juste-
ment au lieu traditionnel de la lapidation de saint Etienne à l'Est
de la ville, dans la vallée du Cédron.

III. Un prêtre de Jérusalem du nom de Florence, confondu


par Combéfis avec Basile de Séleucie en Isaurie, nous a laissé
un panégyrique en l'honneur de saint Etienne, publié d'abord,
par Migne (P. Gr. LXXXV, col. 461—474), puis, en 1898, par
M. Papadopoulos-Kérameus, dans ses 'AvâUxxa 'iEgoooXvfimxfjç
2xa%voXoyiaç(Saint-Pétersbourg, 1898, V, p. 74 sequ,). Nous y lisons
(Migne, 1. c. col. 469; Papadopoulos-Kérameus, 1. c. p. 80):
,, Nous déposons les restes du bienheureux ('AnoxffleTai
ôè xov /xaxagiov xo X^sirpavov),selon la propre volonté d'Etienne,
« devant les murs de Jérusalem », « à l'endroit où il fut
lapidé » et souffrit une mort célébrée sur toute la terre par
— 19 -

d'illustres louanges; Juvénal, qui orne maintenant le trône


glorieux et illustre de Jacques, lui ayant bâti une église digne
de sa mémoire, de ses travaux et de ses luttes admirables;
Juvénal, homme dans lequel nous admirons l'éloquence, l'affa-
bilité, la vie austère de Jacques lui-même, dont il s'est appliqué
à reproduire en lui la piété et l'amour de Dieu. " —
En réservant les détails de ce texte à une discussion ul-
térieure (chap. IVe), nous nous contentons ici d'appeler l'attention
du lecteur sur la circonstance, qu'il s'agit dans notre panégyrique
d'un sanctuaire construit, en l'honneur de saint Etienne, par
Juvénal, évêque de Jérusalem (422—458), et d'un sermon pro-
noncé à l'occasion de la déposition des reliques du saint dans
ce sanctuaire ÇAjioxt&exai ÔÈ xov fiaxagiov xb Xeiyjavov). Il n'y est
pas question de la dédicace d'une égiise bâtie par l'impératrice
Eudocie, ou par juvénal à l'aide des largesses de celle-ci, ni de
la déposition des reliques du saint faite, en présence d'Eudocie,
par saint Cyrille, patriarche d'Alexandrie: car, dans ce dernier
cas, le prédicateur aurait fait les éloges de la souveraine et de
saint Cyrille, au lieu de complimenter, tout exclusivement, son
évêque.
On comprend bien, que ce texte gênait les partisans de la
soi-disant tradition du Nord. Le P. Lagrange trouva cependant
un expédient pour sauter la difficulté. Il se sert de notre Florence
de témoin muet.
Dans son « Saint Etienne etc. » (1894, p. 82) il écrit: « Au
témoignage de Basile de Séleucie (Florence) cité plus haut (le
P. Lagrange ne dit pas où le passage se trouve) il faut ajouter
les suivants », — et, dans la « Revue biblique » (1894, p. 454)
il dit: « Au témoignage contemporain de Basile de Séleucie cité
plus haut il faut ajouter celui d'Evagre ».
Ainsi, le P. Lagrange renvoie le lecteur de la brochure
« Saint Etienne etc. » à la « Revue biblique «, — et, le lecteur
de celle-ci à la brochure « Saint Etienne etc. », en faisant croire
au premier que le témoignage en question se trouve reproduit
dans la « Revue biblique », et, au lecteur de celle-ci, qu'il se
trouve dans la brochure « Saint Etienne etc. ». —
Enfin, en 1908, notre auteur se voit obligé de renoncer,
sans fard, au témoignage de son Basile de Séleucie, qu'il cherche,
maintenant, de diffamer par la qualification de « pseudo-Basile »,

2*
— 20 —

en disant du passage décisif (Revue de l'Orient, chrétien, 1908;


p. 6): « On le voit, ce texte ne parle ni de l'Est ni du Nord ».
Mais, encore cette fois le P. Lagrange se trompe.
Eudocie construisit, comme nous le montrerons plus loin
(chap. VIIe), sa basilique en l'honneur de saint Etienne, soit en
438, soit de 455 à 460, au Nord de Jérusalem: cependant,
« cette basilique ne réclama jamais l'honneur d'occuper le
Heu de la lapidation du saint Protomartyr. »
Puis, nous savons qu'au Nord de Jérusalem il n'y a jamais
eu plus d'une seule église en l'honneur de saint Etienne; savoir:
« la basilique d'Eudocie » et ces remplaçants de l'époque musulmane.
L'église Saint-Etienne de Juvénal ne s'y est donc jamais
trouvée.
Or, comme l'Ouest et le Sud de Jérusalem n'ont jamais
prétendu de posséder le lieu de la lapidation, il ne nous reste
pour l'église bâtie par Juvénal sur le « lieu de la lapidation du
protomartyr» qu'une seule possibilité; savoir: qu'elle se trouvait
à l'Est de la ville, dans la vallée du Cédron, où, en effet, on
montre « ab antiquo » le rocher traditionnel de la lapidation de
saint Etienne.
*
IV. Dans la Revue biblique (1894, p. 455) le P. Lagrange ré-
clame, en faveur de sa thèse du « lieu de la lapidation au Nord
de Jérusalem» le témoigne d'Evagre, en écrivant (Le. p. 455):
„ Au témoignage contemporain de Basile de Séleucie
(Florence) cité plus haut, il faut ajouter celui d'Evagre: « Elle
(Eudocie) éleva un très grand sanctuaire, remarquable par
ses proportions et sa beauté, à Etienne, le premier des diacres
et des martyrs: il est distant de Jérusalem de moins d'un
stade: elle y fut déposée lorsqu'elle passa à la vie immortelle ». "
Tout le monde voit que notre passage d'Evagre ne dit point:
que le « sanctuaire » d'Eudocie au Nord de Jérusalem occupait
le « lieu de la lapidation », ni qu'on y déposât le « corps » de
saint Etienne. Ce ne fut qu'Eudocie elle-même qui y fut déposée.
En réclamant le témoignage d'Evagre, le P. Lagrange réclame
donc un témoin qui ne dit rien en faveur de sa cause.
Quant aux renseignements de notre passage d'Evagre au
sujet du site de la basilique d'Eudocie au Nord de Jérusalem,
ils nous occuperont plus loin (chap. VIIe).
— 21 —

V. C'est un pèlerin latin du sixième siècle, Theodose (vers


l'an 530), qui nous a transmis le nom de la porte en dehors
de laquelle se trouvait le lieu de la lapidation de saint Etienne.
Dans son livre « De situ terrae sanctae » (éd. Paulus Geyer,
Itinera etc., 1898, p. 141) nous lisons:
« Sanctus Stephanus foras j « Saint Etienne a été lapide en
porta Galilaeae lapidatus est ». \ dehors de la porte de Galilée ».
Quelle est cette « porte de Galilée »?
Le P. Lagrange croit que c'est celle du Nord, connue, au IVe
siècle, sous le nom de « porte de Naplouse » (porta neapolitana)
plus tard, au sixième siècle, et pendant toute l'époque du règne
latin de Jérusalem, sous le nom de » porte de saint Etienne »,
aujourd'hui, sous celui de « porte de Damas ».
On sait cependant que la porte du Nord de Jérusalem n'a
jamais eu le nom de « porte de Galilée ».
Le « Breviariusde Hierosolyma » (éd. Paulus Geyer, 1.c. p. 155)
qui date de la même époque, à peu près, que le livre » De situ
terrae sanctae » de Théodose, entend par « Galilée » un endroit
sur le mont des Oliviers, en face de la porte de l'Est de Jé-
rusalem, où: « les apôtres ont vu N.-Seigneur après la Résurrection »
(Et inde venis ad Galilaeam, ubi discipuli viderunt dominum
Jesum, postquam resurrexit a mortuis).
Quoiqu'il en soit, il est bien certain que la « porte de
Galilée » de Théodose n'est point du tout identique avec la porte
du Nord de Jérusalem, parce que Théodose lui-même, dans son
livre « De situ terrae sanctae » affirme que, de son temps, la
porte du Nord s'appelait « porta sancti Stephani » (porte de
saint Etienne).
Dans le même livre « De situ terrae sanctae » (1. c.p. 148) nous
lisons que le préfet Urbicius avait eu l'intention d'envoyer à
Constantinople un bloc de rocher sur lequel Notre-Dame-Marie
avait reposé quand elle se rendit à Bethléem, mais qu'il n'avait
pas réussi: parce que: arrivé à la « porte de saint Etienne»
(ad portam sancti Stephani) on ne put plus avancer avec ce bloc.
Or, nous savons que, dans ce temps-là, Césarée était le port
de mer où l'on s'embarquait pour Constantinople.
Notre bloc de rocher, en prenant la route de Bethléem à
Césarée, devait donc passer Jérusalem par le côté du Nord, non
point par celui de l'Est, ce qui est évident pour quiconque a une
idée juste des lieux dont il s'agit.
— 22 -

Le P. Lagrange connaît l'épisode du bloc de pierre en


question; mais, il en tire la conséquence: que ce fut « dès
lors », savoir: dès l'entreprise manquée d'Urbicius, que la porte
de Galilée de Théodose prit le nom de « porte de saint Etienne ».
Dans son article « Une tradition biblique à Jérusalem » (Revue
biblique, 1894, p. 455), cité plus haut, il écrit:
« Cette porte de Galilée, et par conséquent du Nord,
s'appelait, « dès lors » porte de Saint-Etienne, et voilà la
tradition soudée à un monument ». —
Le P. Lagrange n'apporte aucun argument ni, pour prouver
que le nom de « porte de Galilée » a pour conséquence que cette
porte se trouve dans l'enceinte du nord de Jérusalem, — ni, pour
prouver que ce fut « dès lors » qu'elle prit le nom de « porte
de Saint-Etienne». Il nous permettra donc d'être d'autre opinion.
Théodose connaît six portes de Jérusalem et une postiche
qu'il désigne du nom de « porta Benjamin » (Paulus Geyer, op.
cit. p. 137); mais il ne nomme que trois seulement, apparemment
les mêmes dont Eucherius (Geyer, op. cit. p. 126) écrit:
« ceiebriores très sunt porta- « il y a trois portes très cé-
rumexitus:unusab occasu, alter lèbres: l'une à l'Ouest, l'autre
ab oriente, tertius a septentrione, à l'Est, la troisième au Nord,
ingressis a septentrionali parte s'ouvrant a ceux qui entrent
urbem ». dans la ville du côté du Nord ».
ineoaose nomme:
a) la porte de l'Ouest: qu'il désigne du nom de « porta
purgu », c'est-à-dire la « porte de la Tour » (1. c. p. 138);
b) la porte de l'Est: qu'il désigne du nom de « porta Gali-
laeae », et qu'il caractérise en disant: que ce fut « en dehors
de cette porte » qu'on lapida saint Etienne (1. c. p. 141);
c) la porte du Nord: qu'il désigne du nom de « porta sancti
Stephani » (1. c. p. 148), sans aucun doute parce qu'elle se trouvait
en face de la célèbre basilique et de l'hospice Saint-Etienne
érigés par Eudocie au Nord de la ville de 455 à 460.
Rien ne nous permet de présumer que Théodose se soit
servi de deux noms différents pour désigner la même porte
du Nord, et, qu'il l'ait désigné tantôt du nom de « porte de
Galilée », tantôt de celui de « porte de Saint-Etienne », sans en
avertir le lecteur. Le P. Lagrange lui-même l'a senti. C'est
pourquoi il ajoute: que ce fut « dès lors », dès l'entreprise manquée
d'Urbicius, que la porte du Nord s'appelait « porte de Saint-Etienne ».
- 23 —

Mais d'où que ce fut « dès lors » ?


sait-il
L'envoi du bloc de rocher en question n'offre apparemment
aucun motif de donner à la porte de Jérusalem, où il s'arrêta,
le nom de « porte de Saint-Etienne ». Le P. Lagrange lui-même
n'y croit pas.
Sans aucun doute, la porte du nord de Jérusalem échangea
sa dénomination de « porte de Naplouse » (porta neapolitana) du
pèlerin de Bordeaux de l'an 333, contre celle de « porte de
Saint-Etienne », à l'époque de la construction de la célèbre
« basilique de Saint-Etienne », érigée par Eudocie, de 455 à 460,
tout près et en face de cette porte. Ce n'est qu'une hypothèse,
mais tout parle en sa faveur.
On conviendra donc qu'à l'époque de Théodose (vers 530)
la porte du Nord de Jérusalem ne s'appelait pas « porte de
Galilée » mais bien « porte de Saint-Etienne », — et que, par
conséquent, la « porte de Galilée » de Théodose ne peut être
identique avec la « porte de Saint-Etienne » du même auteur.
Le passage de Théodose qui parle de la basilique Eudo-
cienne nous occupera plus loin (chap. VIIe).
* *
*

VI. Un anonyme connu sous le nom d'Antoninus Placen-


tinus ou d'Antoninus martyr qui visita la sainte Cité vers l'an 570,
place le tombeau de saint Etienne dans la basilique bâtie, en
455—460, au Nord de Jérusalem, en l'honneur de saint Etienne,
par l'impératrice Eudocie.
Voici ses termes:
« Eudocia, ' « L'impératrice Eudocie ajouta
imperatrix ipsa
addidit muros in civitate, et ipsa j des murs à la ville et construisit
munivit basilicam et sepulcrum : la basilique et le tombeau de
sancti Stephani, et ipsa suum | saint Etienne: elle-même a son
habet sepulcrum juxta sepul- | tombeau près du tombeau de
crum sancti Stephani ». saint Etienne ».
Antonin dit que l'impératrice Eudocie érigea à saint Etienne
une basilique et un tombeau au nord de Jérusalem, où Pierre
l'Ibérien déjà vénéra un reliquiaire du saint Protomartyr en forme
d'«urne». Antonin dit que l'impératrice elle-même a été déposée,
après sa mort, dans cette basilique: mais, Antonin ne dit pas
que saint Etienne y a été lapidé.
— 24 —

C'est donc par erreur, que le P. Lagrange réclame ce


pèlerin comme témoin de la tradition de la lapidation de saint
Etienne dans l'emplacement de cette basilique.

VII. Le Breviarius de Hierosolyma, d'après Tobler, vers 530,


— — d'après
d'après Roehricht, vers 390, d'autres, non sans
raison, vers 430, ne parle ni de la basilique d'Eudocie ni du lieu
de la lapidation, — il ne parle que d'une relique de saint Etienne:
la « pierre sur laquelle il a été lapidé », conservé, de son temps
dans l'église de la Sainte-Sion. Mais, c'est égal, le P. La-
grange s'en empare pour l'insérer, comme témoin muet dans
la série des auteurs qu'il croit favorables à sa thèse, et con-
traires à la tradition qui montre le lieu de la lapidation de saint
Etienne dans la vallée du Cédron. Il en cite donc le passage,
où, parlant de la Sainte-Sion, il dit: « ubi est ille lapis unde
lapidatus est Stephanus sanctus », et, il le comprend dans le
résumé de sa «deuxième période», dans ces termes:
„ Jusqu'à présent les témoignages n'ont parlé que du
sanctuaire de Sion et de celui d'Eudocie ou de la lapidation:
Aucune mention n'a été faite de la vallée du Cédron à propos
de saint Etienne. " —
Tout en désapprouvant la pratique du P. Lagrange d'abuser
de la bonne foi du lecteur, on admire la facilité avec laquelle
il saute les difficultés les plus grands.
Aucun des témoins cités jusqu'ici n'a dit que le « sanctuaire
d'Eudocie » au nord de Jérusalem se trouve sur le « lieu de la
lapidation » de saint Etienne.
« Sanctuaire d'Eudocie » au nord, et — « lieu de la lapidation
de saint Etienne » — sont deux localités bien différentes.
Mais, c'est égal, le P. Lagrange les identifie, et, fait croire
à ses lecteurs que les textes qu'il vient de citer, les identifient
aussi.
Un avocat qui, dans son plaidoyer, se sert de tels artifices,
montre qu'il plaide pour une cause perdue.

VIII. Après le coup de force que nous venons de signaler,


le P. Lagrange entre dans sa «troisième période», de la con-
quête arabe à la prise de Jérusalem par les Croisés.
— 25 -

Les textes de cette «troisième période» ne parlent que des


reliques prises du lieu traditionnel de la lapidation conservées
dans l'église de la Sainte-Sion.
C'est par distraction, sans doute, que le P. Lagrange ne
remarque pas: que les récits concernants ces pierres tirées du
lieu de la lapidation et le sang de saint Etienne qu'on envoit
avec d'autres reliques à Charlemagne ne nous conduisent pas
sur l'emplacement des FF. Prêcheurs au nord de Jérusalem, mais
bien sur le rocher traditionnel de la lapidation à l'Est de la
ville, dans la vallée du Cédron où les Grecs, depuis 1902, ont
construit un petit sanctuaire: chapelle, couvent, jardin.
Jugeant utile de reproduire ici les textes qui parlent de ces
reliques, nous commençons par le rocher traditionnel et son escalier.
A. Entre le banc de rocher traditionnel et le sanctuaire grec, on
remarque les vestiges d'un ancien escalier taillé dans le roc qui,
montant en ligne droite, conduit à la porte de l'Est de la ville, connue
aujourd'hui sous le nom de « bab sitti-marijam » (porte de Madame-
Marie). C'est l'ancienne route du Cédar dont l'Anonyme de Plaisance
(Antonin) parle dans ces termes (Paulus Geyer, op. cit. p. 170:)
« De Gethsemani ascendimus « Venant de uethsemane nous
ad portam Hierosolyma per montâmes à la porte de Jéru-
grados multos ». salem par un grand nombre de
dégrés ».
En examinant la surface du saint rocher on remarque, sans
peine, qu'un « large morceau » en a été enlevé.
En effet, une ancienne tradition, conservée par les récits des
pèlerins du Ve au VIIe siècle, nous apprend que, non seulement
les « pierres avec lesquelles saint Etienne a été lapidé », mais
aussi la « pierre sur laquelle on le tua » (petra . . . super quam
Stephanus lapidatus obdormivit), ont été enlevées du lieu du
martyre et transférées dans l'église de la Sainte-Sion.
Le Breviarius de Hierosolyma composé vers l'an 430 à 530
(éd. Paulus Geyer, op. cit. p. 154) en écrit:
« Deinde vadis ad sanctae « Puis, nous dirigeâmes nos
Sion basilicam magnam nimis... pas vers la très grande basilique
ad sacrarium, ubi est ille lapis de la Sainte-Sion ... où, dans
unde lapidatus est sanctus la sacristie, on conserve la pierre
Stephanus ». « où » saint Etienne a été la-
pidé ».
— 26 —

L'Anonyme de Plaisance (Antonin) en dit, vers 570 (Geyer,


1. c. p. 173):
« Deinde venimus in basilica « Puis, nous entrâmes dans
sancta Sion ... Ibi sunt « la- la basilique de la Sainte-Sion ...
pides multae », cum quibus la- Dans cette église on conserve
pidatus est Stephanus». «plusieurs pierres» qui ont
servi à la lapidation d'Etienne ».
Vers l'an 670, Arculfe (Geyer, 1. c. p. 234) raconte de l'église
de la Sainte-Sion:
« Hic petra monstratur, « su- « Ici on montre le bloc de
per quam » Stephanus lapidatus rocher sur lequel saint Etienne
extra civitatem obdormivit». succomba aux coups de pierre
en dehors de la ville ».
Le vénérable Bède répète, vers l'an 720, le récit d'Arculfe
(Geyer 1. c. p. 307) en écrivant de l'église de Sion:
« nie monstratur petra, super « Ici on montre le bloc de
quam lapidatus est sanctus proto- rocher au-dessus duquel le
martyr Stephanus extra civi- protomartyr Etienne a été lapidé
tatem ». en dehors de la ville ».

4*

B. On a ventilé la question de l'authenticité des pierres de


la lapidation montrées dans la Sainte-Sion, et, c'est le P. La-
grange qui en écrit dans la Revue biblique (1894, p. 476—477):
„ Est-il possible qu'on ait mis là (à la Sainte-Sion) la
pierre sur laquelle saint Etienne a été lapidé?"
„ Rien d'invraisemblable à cela. "
„ Le lieu de la lapidation était public, le rocher sur lequel
on jetait d'en haut le condamné paraît être connu. Il était
facile, après le triomphe de l'Eglise, d'y pratiquer une in-
cision. La tradition est conâtante et remonte au sixième siècle
(Théodose). La présence de cette pierre au mont Sion est
donc au moins très probable. Elle avait disparu au temps de
Quaresmius (1620) . . . Mais je fais beaucoup plus de réserves
pour les pierres qui ont servi à la lapidation. Le témoignage
d'Antonin est ancien et respectable, mais il est presque isolé;
il peut s'expliquer par un malentendu. A-t-on ramassé im-
médiatement ces pierres? Si non, comment les distinguer?
Mettons un doute ou quelque chose de moins encore. " —
— 27 —

Plus bas, en parlant du rocher traditionnel de la lapidation


dans la vallée du Cédron, le P. Lagrange écrit (1. c. p. 478):
„ On voit sur le rocher où il (Etienne) est mort la forme
de son corps" — et, quelques lignes plus loin, il ajoute:
« Inutile de juger de la valeur de ces détails si nous rejetons
la tradition en bloc, mais en elle-même cette prétention, à
l'exactitude minutieuse, est plustôt suspecte que digne de foi ».
Nous ne pourrions pas partager ce dernier avis. Le récit
des pèlerins qui affirment que « le rocher même garde la forme
du corps de saint Etienne » se comprend, sans difficulté, si l'on
sait qu'«o/7 y voit, aujourd'hui encore, la large incision» qui
marque l'enlèvement de la « pierre sur laquelle saint Etienne
a été lapidé », — incision dont le P. Lagrange vient de dire
qu'«il était facile, après le triomphe de l'Eglise, de la pratiquer,
et, dont il assure que la « tradition est constante et remonte au
VIeslècie. »
Pour tous ceux qui n'ont pas d'autre préoccupation que le
triomphe de la vérité, le fait de la translation de la « pierre sur
laquelle saint Etienne succomba », dans l'église de la Sainte-
Sion, accompagné de la circonstance que « l'incision faite au
rocher de la lapidation » à cette occasion, « s'y voit encore
aujourd'hui », — est des plus importants.
Selon notre avis, la lapidation a eu lieu là où se trouve le
« rocher qui montre cette incision ».
Ce rocher se trouve-t-il dans la basilique des FF. Prêcheurs
au Nord de Jérusalem?
Jamais on ne l'y a montré.
Mais il se trouve dans la vallée du Cédron, à l'Est de
Jérusalem.
C'est là que l'Eglise de Jérusalem, dès les premiers
siècles de notre ère, le montrait et le vénérait. C'est là que
les FF. Mineurs, dès leur arrivée en Palestine, en 1219, n'ont
jamais cessé de le montrer et de le vénérer avec les chrétiens
de tous les rites, à la seule exception des Dominicains de l'Ecole
biblique de Saint-Etienne à Jérusalem et de leurs amis.
Quant aux pierres avec lesquelles on lapida saint Etienne,
qu'on montrait dans l'église de la Sainte-Sion, c'est indifférent
qu'elles aient été authentiques ou non. Il suffit qu'on est allé
les chercher sur le lieu de la lapidation dans la vallée du Cédron, —
28

et que la liturgie ecclésiastique de la fête de saint Etienne parle


de « pierres du torrent » (Cédron), non point de « pierres de la
colline de Jérémie ».

On pourrait, si l'on veut, ajouter, en faveur de la tradition


de l'Est, le témoignage du « sang de saint Etienne » dont le
P. Lagrange écrit (Revue biblique, 1894, p. 478): « // y a sur
le rocher des marques de sang ».
D'après la Chanson de Charlemagne, composée vers 1075,
qui selon M. Gaston de Paris, cité par le P. Lagrange (Revue
biblique, 1894, p. 462—463) reflète exactement les rapports dès
pèlerins contemporains, le Grand Empereur demande des reliques
au Patriarche de Jérusalem, qui lui envoit, entre autres, du « sang
de saint Etienne » (Itinéraires russes, éd. Fick, Genève, 1882, p. 5):
« Respont li patriarche: « A plantet en avrez.
« Le brez saint Simeon aparmaines avrez;
« E le chief saint Lazare vus ferai aporter,
« E de! sanc saint Estefne ki martir fu pur Deu ».
Ce « sang de saint Etienne » se voyait, d'après le récit d'un
pèlerin russe. Basile Posniakov (1558—1561) au XVIe siècle encore
sur le rocher traditionnel de la lapidation dans la vallée du
Cédron.
Dans ce récit de Basile Posniakov (Itinéraires russes, Genève,
1889, p. 329, conf. Revue biblique, 1894, p. 474) nous lisons:
„ En sortant de la ville par la route qui conduit vers
Géthsémane, on voit une pierre sur le versant delà montagne:
« c'est là que les Juifs tuèrent le premier martyr Etienne ».
(note) : « On voit en témoignage, jusqu'à ce jour, des traces
de sang sur cette pierre; les orthodoxes en emportent des
morceaux comme relique et bénédiction »." —
La mention du « sang de saint Etienne » dans la Chanson
de Charlemagne serait donc un témoin de la vénération du
« lieu de la lapidation » sur le rocher traditionnel à l'Est de
Jérusalem et, non point au Nord de la ville, et — cette mention
prouverait, si l'on veut, que vers l'an 808 et 1075, la tradition
de la vallée du Cédron était en vogue, non seulement chez le
vulgaire, mais aussi dans l'Eglise de Jérusalem.
- 29 —

L'examen attentif des textes de l'époque arabe avant les


croisades, cités par le P. Lagrange comme témoins en faveur de
la soi-disant tradition du Nord n'est donc pas du tout favorable
à la thèse des FF. Prêcheurs et de leurs amis; au contraire, ces
textes prouvent plus tôt l'authenticité du rocher traditionnel dans
la vallée du Cédron.
Tout cela n'empêche cependant pas que le P. Lagrange s'en
empare pour en faire des témoins en faveur de sa thèse:
" — dit-il —
„ Arculfe „ ne parle pas de la basilique
d'Eudocie, mais il mentionne la « porte de Saint-Etienne »
dans une direction ne être le Nord. " —
qui peut que
Le lecteur, pense-t-il, s'imaginera que cette indication prouve
que la lapidation de saint Etienne a eu lieu au Nord de Jérusalem.
Le vénérable Bède (720) et Wilibald (723—726) n'offrent
rien en faveur de la thèse du Nord, mais le P. Lagrange les
cite comme témoins.
Le Commemoratorium de casis Dei (vers 808) metionne deux
endroits consacrés à saint Etienne qu'il est fort difficile de
localiser. Le P. Lagrange en profite, pour en réclamer celui
qui occupe le lieu de sa sépulture, en faveur de sa thèse du
Nord. — Mais, prétendre, sans preuve quelconque, que l'église
de saint Etienne en question (ubi sepultus fuit) ait été identique
avec le petit sanctuaire Saint-Etienne trouvé par les Croisés au
Nord de Jérusalem, nous paraît, non seulement audacieux, mais
téméraire: car, nous savons que saint Etienne n'a jamais trouvé
sa sépulture au Nord. D'abord ce fut sur le mont Sion où, en 418,
on lui fit un mausolée, l'oratoire du Sénateur Alexandre dont
— et puis, ce fut sur le
nous parlerons plus loin (chap. Ve),
lieu de sa lapidation, c'est-à-dire, dans la vallée du Cédron, où
Juvénal, vers l'an 428, érigea un sanctuaire pour la déposition
de son saint corps.
Apparemment, c'est la même église du mont Sion ou celle de la
vallée du Cédron dont parle le moine franc Bernard qui visita
la sainte Cité en 805, c'est-à-dire, à la même époque, à peu près,
du Commemoratorium de l'an 808. La localisation de cette église
montre assez de difficultés, mais ce qui est bien sûr, cest qu'il
ne s'agit pas d'un sanctuaire de saint Etienne au Nord de Jé-
rusalem. Notre Bernard dit:
« Est praeterea in ipsa civitate j « Il y a, en outre, dans la
alia ecclesia ad meridiem in | même ville une autre église,
monte Sion, quae dicitur sancti vers le midi, sur le mont Sion,
Stephani (Simeonis?), ubi Do- qui s'appelle Saint-Etienne
minus lavit pedes discipulorum (S.-Simeon?), où le Seigneur a
suorum, in qua pendet spinea lavé les pieds de ses apôtres,
corona Domini, et in hac de- où la couronne d'épines du Sei-
functa traditur esse sancta gneur se trouve suspendue, et
Maria. Juxta quam, versus où, selon la tradition, sainte
orientem, est ecclesia in honore Marie passa à la vie immortelle.
sancti Stephani, in quo loco la- Tout près de celle ci, vers
pidatus esse asseritur ». I l'Orient, il se trouve l'église en
l'honneur de saint Etienne, oc-
i cupant, comme on l'affirme, le
j
i lieu de la lapidation ». —
Apparemment, il ne s'agit pas ici du Nord de Jérusalem.
Mais, c'est égal; le P. Lagrange le veut, et le lecteur est in-
vité à le croire.
C'est pénible pour nous, d'avoir affaire, en examinant les
passages cités par notre auteur en faveur de sa thèse, page
pour page, à de tels artifices.
Quant aux textes de l'époque des croisades et des siècles
suivants que le P. Lagrange cite en abondance, ils manquent
tout à fait de poids pour notre question. Nous jugeons donc
inutile de nous en occuper. Nous finissons donc ici notre
critique des textes sur lesquels il s'est appuie.
* *
*
IX. Pour la prétendue tradition juive qui indiquerait la
colline de Jérémie, en face de la porte de Damas, comme « lieu
des lapidations ordinaires » de l'époque juive, quoiqu'elle ne
date que du siècle dernier, elle mérite un examen des plus
détaillés et des plus rigoureux, parce que le P. Lagrange en a
fait un des témoins les plus importants de sa cause.
Notre auteur (Saint Etienne etc., 1894, p. 35) y insiste sur
les détails suivants:
„ D'après le Talmud, en arrivant au lieu du supplice, on
dépouillait le condamné de ses vêtements ... il était con-
duit sur une estrade haute de deux mètres d'où il était
précipité sur le dos par un des témoins. Le second témoin
lui jetait une pierre sur le coeur, puis le peuple achevait le
misérable. "
— 31 —

„ Ces détails supposent un « lieu de supplice déterminé ». "


Puis l'auteur ajoute (1. c. p. 74):
„ On croyait savoir où avait été lapidé saint Etienne. La
tradition qui n'avait pas hésité pour désigner l'emplacement
du Calvaire et du Saint-Sépulcre ... a pu conserver le
souvenir de ce lieu d'autant plus facilement qu'il avait un
caractère officiel. C'est le « lieu des supplices » pour les
Juifs." —
Enfin (Revue biblique, 1894, p. 480) notre auteur dit:
„ Pouvait-on connaître le lieu de la lapidation de saint
Etienne? ,— Oui, car on pouvait connaître avec une parfaite
exactitude «le lieu des lapidations ordinaires »." —
Puis il ajoute:
„Le souvenir de ce lieu funèbre existe encore aujourd'hui."
„ M. le ministre protestant Chaplin et son collègue
M. Hanauer ont recueilli cette tradition: on leur a montré
comme lieu des exécutions la « colline de Jérémie » qui
domine la basilique (des Dominicains de Saint-Etienne) . . .
Nous pouvons donc affirmer avec certitude que nous savons
l'emplacement où le saint Protomartyr a donné sa vie." —

A. En examinant le passage du Talmud cité par notre auteur,


on trouve: que ce passage ne traite que du rite de la lapidation,
sans s'occuper du lieu de l'exécution. Le P. Lagrange y voit
donc à tort un témoignage en faveur de sa thèse.
Mais il y a mieux.
Le rite établi par le Talmud n'a pas été observé à occasion
de la lapidation de saint Etienne.
Selon le Talmud, le « condamné » jeté sur le dos, du haut
d'une estrade, par l'un des témoins, « gisait par terre », et ayant
reçu le premier coup de pierre sur la poitrine, il était achevé
par le peuple dans cette position.
Or, selon saint Luc (Actes, VII, 59), Etienne, près d'expirer
sous les coups de pierre des Juifs, « se tient à genoux », ce qui
eut été impossible si, après avoir été jeté « sur le dos », il avait
eu la poitrine écrasée par la première pierre, et, si après cela
il avait été achevé dans cette position par le peuple.
Il n'est donc pas permis de tirer du passage du Talmud,
cité par le P. Lagrange, la conséquence voulue.
- 32 —

Du reste, ni la loi juive, ni la pratique des exécutions que


l'histoire nous offre, ne connaissent de « lieu de supplice dé-
terminé ». —
Quant à la loi, elle ne prescrit aucun « lieu d'exécution dé-
terminé ». — „ Educ blasphémum extra castra et lapidet eum
— dit-elle
populus" (III. Moise, XXIV, 14).
Quant à la pratique des exécutions c'est la même chose.
En voici quelques exemples:
1. Les Israélites qui, dans le désert, avaient profané le sabbat,
furent lapidés « hors du camp » (IV. Moise, XV, 35), sans qu'il
soit question d'un « lieu déterminé ».
2. Le premier livre de Samuel (I. Rois, XV, 33) raconte que
Agag, roi des Amalécites, fut tué par Samuel à Galgala « en
face du sanctuaire » (coram Domino).
3. Saul (I. Rois, XXII, 16—18) tua Abimelech, le Grand-prê-
tre, avec tous les prêtres de la maison de son père à Nobé,
après les avoir fait venir devant son tribunal. On ne fait pas
mention d'un « lieu de supplice déterminé ».
4. L'Amalécite qui se vantait d'avoir tué Saul et en apporta
la nouvelle à David, fut exécuté sur les ordres de ce roi, par
un des assistants, en pleine audience, en face du roi, à Siceleg
(II. Rois, I, 15).
5. Rehab et Baana eurent le même sort à Hébron (II. Rois,
IV, 12).
6. Les habitants de Gabaon (II. Rois, XXI, 9) tuèrent les
sept fils de Saûi à Gabaa-Saûl, en les suspendant à des croix,
« sur la cime de la montagne consacrée au culte » (in monte
coram Domino).
7. Naboth fut lapidé à lezraël « hors de la ville », sans qu'il
soit question d'un « lieu de supplice déterminé » (III. Rois, XXI, 13).
8. Athalie succomba, sous les coups d'épée des officiers du
Temple, à Jérusalem, en sortant par la «porte des chevaux»
(IV. Rois, XI, 16), dans la vallée du Cédron (Flav. Joseph.
Antiqu. j. IX, VII, 3).
9. Aman, (Livre d'Esther, VII, 9) fut pendu devant sa propre
maison, sur le gibet qu'il avait fait ériger pour Mardochée.
10. Le prophète Isaie, d'après une antique tradition, fut
mis à mort dans la vallée du Cédron, par le supplice de la scie.
11. Le sang de Zacharie, fils de Barachie, fut versé « entre
le temple et l'autel » (II. Chron. XXIV, 20; Matth. XXIII, 35).
— 33 —

12. L'apôtre saint Jacques, premier évêque de Jérusalem, fut


précipité du haut du Temple et achevé par un foulon dans la
vallée du Cédron.
Nulle part, dans toute l'histoire juive, on n'a eu recours
à un « lieu de supplice déterminé » ; à Jérusalem, trois exé-
cutions ont eu lieu dans la vallée du Cédron: jamais on n'a
eu recours à la « colline de Jérémie ».
M. le docteur Fallmerayer a donc raison d'écrire dans son
ouvrage intitulé « Denkschrift iiber Golgatha und das hl. Grab »
(page 67):
„ Il n'y a jamais eu, à Jérusalem, ni dans tout l'Orient,
une « colline des soupirs ou des malfaiteurs », un « lieu de
supplice », selon les usages de l'Occident... et, aujourd'hui
encore, il n'en existe point. .. Quant aux malfaiteurs obscurs,
on les livrait et on les livre encore à la discrétion des bour-
reaux, pour les achever en un lieu quelconque. Pour les
malfaiteurs insignes et les « victimes choisies » de la ven-
geance du plus fort (auserlesene Racheopfer der Gewalt), on
choisissait et on choisit aujourd'hui encore le lieu du supplice
avec un raffinement calculé. " —
L'hypothèse d'un « lieu de supplice déterminé » chez les
anciens Juifs, n'est donc pas soutenable, et, l'argument que le
P. Lagrange en tire pour prouver: que saint Etienne a été lapidé
au Nord de Jérusalem, est loin d'être concluant.

B. La deuxième proposition de notre auteur porte: « Le


souvenir de ce « lieu funèbre » existe encore aujourd'hui parmi
les Juifs de Jérusalem, et il a été montré à M. le ministre pro-
testant Chaplin et à son collègue M. Hanauer (par deux anonymes)
sur la « colline de Jérémie » qui domine le basilique (Saint-
Etienne des FF. Prêcheurs) ». —
Habitant Jérusalem despuis le mois d'Octobre 1907, j'ai
cherché des renseignements au sujet de la soi-disant « tradition
juive » en question; mais personne n'a pu m'en donner. Le P. La-
grange, lui-même, domicilié dans cette ville depuis 1889, ne parait
pas avoir mieux réussi dans ses efforts analogues, comme son
silence le prouve; car il ne s'appuie, dans cette question, que
sur les affirmations de M. Chaplin et de M. Hanauer: qui, de leur
part, s'appuient sur le témoignage de « deux anonymes ».

SaintEtienne.
Mommert, 3
— 34 -

Désireux d'approfondir la chose, je me suis adressé au


Grand-Rabbin des Juifs de Jérusalem, par lettre du 30 mai 1910,
en lui exposant la question dans les termes suivants:

Jérusalem, Patriarcat-Latin, 30 mai 1910.


Au Très Révérend Grand-Rabbin des Juifs de Jérusalem.
Mon Très Révérend Père!
Il y a des savants qui disent que les Juifs de Jérusalem
sont les dépositaires d'une tradition qui indique la colline de
Jérémie, près de PHospice-Allemand Saint-Paul, au nord de
la ville, comme le « lieu de supplice » à l'époque du règne juif.
D'autres, au contraire, prétendent que l'ancienne Jérusalem,
comme tout l'Orient, n'avait pas de « lieu de supplice dé-
terminé », et, qu'il suffisait que les lapidations, p. ex., aient
lieu quelque part en dehors de la ville.
Je Vous prie donc, Très Rév. Père, de vouloir bien me
dire, laquelle de ces deux opinions serait conforme à la vérité.
Agréez etc.
Dr- C. Mommert,
Chanoineau Patriarcat-Latin.

Le Grand-Rabbin eut la bonté de me répondre:

Jérusalem, le 15 juin 1910.


Au Très Révérend Père Dr- C. Mommert,
Chanoine au Patriarcat-Latin
à Jérusalem.

J'ai l'honneur de vous accuser réception de votre estimée


du 30 mai; étant indisposé je ne pouvais vous répondre
sur votre demande jusqu'aujourd'hui, et j'espère que vous
m'excuserez.
1. Nous trouvons dans la sainte bible qu'Achab, roi
d'Israël, ordonna de mettre en prison le prophète Michée.
Le prophète Jérémie a été aussi mis en prison par les officiers
dans la maison de Jéhonatan le secrétaire. Donc nous voyons
qu'il existait à Jérusalem un lieu de supplice déterminé.
2. Quoique entre les châtiments corporels mentionnés
dans le Pentateuque, c'est-à-dire dans les 5 livres de Moïse,
— 35 —

— nous ne trouvons pas le châtiment de prison, pourtant


on se servait de temps en temps par l'ordre du gouvernement
ou Synode de la prison pour y mettre les pêcheurs. Les
savants ont conclu cela de la permission que le roi Artaxerxès
de Perse donna à Esdras, montant de Babylone à Jérusalem,
de châtier tous ceux qui n'observent pas la loi du Dieu et du
roi, avec châtiment de Prison (Esdras, chap. 7).
3. Il paraît que la citerne où on a mis le prophète
Jérémie a été faite pour ce but.
Agréez etc.

Chaim Berlin,
Rabbin à Jérusalem.

Comme on voit par cette lettre, le Grand-Rabbin ne connaît


qu'un lieu de supplice pour les Juifs qui étaient condamnés à la
prison; mais il ignore tout lieu d'exécution capitale déterminé,
pour ceux qui furent condamnés à mort.
La tradition juive de MM. Chaplin et Hanauer qui indique
la colline de Jérémie comme « lieu de supplice déterminé pour
ceux qui étaient condamnés à la mort », appartient donc au
royaume des fables, et, le P. Lagrange, en s'appuyant sur les
renseignements de ces deux Messieurs, au lieu de s'adresser
lui-même à des juifs compétents, ce qui lui ne coûtait qu'une
seule parole ou une seule lettre, — a été évidemment la victime
de deux autres victimes de leur crédulité.
La soi-disant « tradition juive de la colline de Jérémie ne
prouve donc rien en faveur de l'authenticité de la basilique Saint-
Etienne des FF. Prêcheurs.
* ~ *
*

C. Quant à la proposition: que «selon Sepp, la place où


on lapidait les criminels était à peu près à 2000 coudées du
Temple », — le P. Lagrange lui-même déclare « qu'il ne sait pas
où cet auteur a puisé ce renseignement.

3*
- 36 —

De plus, on ne connaît ni la longueur de la coudée en


question, ni: de quel côté du Temple prendre la mesure: à l'Est?
à l'Ouest?
Il est donc tout à fait impossible de tirer du renseignement
de M. le docteur Sepp la conséquence voulue par le P. Lagrange,
que « le lieu de la lapidation de saint Etienne » se trouve sur
l'emplacement de l'Ecole biblique Saint-Etienne au Nord de
Jérusalem, occupé par le sanctuaire Saint-Etienne des
Dominicains.

X. Mais, me dira-t-on, pourquoi vous inquiétez-vous? — Le


P. Lagrange ne rejette pas, en principe, la tradition de la vallée
du Cédron; il ne demande que la « coexistence » de sa soi-disant
tradition du Nord avec celle de l'Est. Il s'est même fait le
champion de celle-ci, en écrivant dans sa brochure « Saint
Etienne etc.» (1894, p. 154):
„ La tradition se fixa au rocher (dans la vallée du Cédron),
où l'on ne tarda pas à trouver la trace du corps du martyr
et à voir les marques de son sang (It. russes, Genève,
1889, p. 329)".
„ Nous supposons donc, si l'on veut, qu'après la con-
damnation tumultueuse d'Etienne, les meneurs, bien décidés
au crime judiciaire, mais ne voulant pas braver trop ouverte-
ment la puissance romaine, n'ont pas osé prendre la voie
directe qui menait du Temple au lieu des exécutions. Il aurait
fallu passer devant la forteresse Antonia, où les Romains
tenaient garnison pour surveiller le Temple. On évitait cet
inconvénient en prenant la direction du torrent Cédron pour
aboutir à l'emplacement des supplices, après avoir tourné
l'Antonia. "
„ Sur ce parcours, les mauvais traitements n'avaient
pas été épargnés au héros de la foi, et l'on pouvait dire avec
certains pèlerins qu'il avait été jeté hors de la ville à coups
de pierre. "
„ Dans cette hypothèse, les deux traditions coexistent
sans se nuire" —.
Le P. Lagrange, on le voit, se montre disposé à admettre
la lapidation sur le rocher traditionnel dans la vallée du Cédron.
Il espère, sans aucun doute, qu'en revanche, nous aurons la
— 37 -

même condescendence à l'égard de la soi-disant tradition du


Nord. Mais, la vérité ne peut jamais marcher de front avec
l'erreur; car elle n'est qu'une: Si saint Etienne a subi le martyre
au Nord, on ne peut pas admettre la «coexistence», d'un lieu de
à l'Est; — s'il a été lapidé à l'Est, c'est une erreur
lapidation
de montrer le lieu de sa lapidation au Nord.
Du reste, c'est avec plaisir que nous constatons ce qui suit:
a) Le P. Lagrange reconnaît qu'à l'occassion de la lapidation
de saint Etienne on a été obligé de prendre la «direction du
torrent du Cédron», et, de «passer par le lieu traditionnel de
la lapidation» à l'Est de la ville de Jérusalem;
*gj b) il admet généreusement que « sur ce parcours » les mauvais
traitements n'ont pas été épargnés au héros de la foi, et, qu'on
pouvait dire avec certains pèlerins qu'il a été jeté hors de Ja
ville «à coups de pierre»;
c) il ne nie pas ici que le rocher traditionnel dans la vallée
du Cédron ait été vraiment le lieu où on a ramassé les pierres
dont parle le texte liturgique de l'Eglise: «Lapides torrentis dulces
ei fuerunt»; et,
d) il n'y a enfin rien qui l'oblige de renvoyer la lapidation
de notre saint au Nord de Jérusalem, si ce n'est l'hypothèse
d'un «lieu de supplice déterminé» établi sur la colline de Jérémie:
hypothèse dont nous venons de démontrer plus haut la fatuité.
La Revue «Saint François et la Terre-Sainte» (1895, p. 20)
a donc raison de dire:
„A qui lit attentivement dans les Actes des Apôtres le
récit de la lapidation de saint Etienne, le lieu où fut bâtie
la grande basilique d'Eudocie, au Nord de la ville, ne paraît
pas être le lieu du drame; indiqué par l'Ecriture. Pour arriver
en effet, a l'ancienne Porte du Nord, les Juifs auraient dû
parcourir avec le saint une grande partie de la ville, marcher
ensuite un stade, monter une colline et venir enfin au lieu
où l'on veut que saint Etienne ait été mis à mort. Ce fait,
ainsi conçu, a l'apparence d'une exécution légale."
„Tout autrement eut lieu la lapidation."
„ La discussion commença dans l'enceinte du Temple et
elle se poursuivit devant le Grand conseil en présence
du Grand-prêtre. Les Juifs, est-il écrit, entrèrent en fureur,
grincèrent des dents, se bouchèrent les oreilles, poussèrent
— 38 —

des cris, et, tous ensemble, se jetant sur le saint, l'entraî-


nèrent hors de la ville et le lapidèrent."
„ Or de l'enceinte du Temple à la porte dite du « Troupeau »,
située au coin Nord-Est du mur extérieur du sanctuaire, il y aune
cinquantaine de pas ; il y en a une trentaine de cette porte dans la
vallée de Josaphat. C'est là que, d'après la tradition, les Juifs pous-
sèrent le saint. Il arriva sur un rocher qu'on désigne encore
aujourd'hui, et c'est sur ce rocher qu'il reçut la mort." —
Quelques pages plus loin, la même Revue (1895, p. 170) ajoute:
„Les textes des Actes apostoliques paraissaint s'accorder
avec le texte liturgique de l'Eglise « Lapides torrentis dulces ei
fuerunt» (Office de la fête de saint Etienne), qui place la
lapidation à l'Est." —
Cette tradition de l'Est est celle de l'antiquité chrétienne;
c'est celle de habitants de la sainte Cité, sans distinction de
rite; — tandis que la soi-disant tradition du Nord ne représente
qu'une invention postérieure, faite par des étrangers, des Occi-
dentaux, à l'époque des Croisades, invention qui, du reste, ne
fut jamais adoptée par les indigènes, ni par les Eglises orien-
tales de Jérusalem, ni même par l'Eglise latine postérieure aux
Croisades, représentée par la Custodie de Terre Sainte, c'est-
à-dire par les Franciscains qui, depuis le XIIIe siècle, sont les
gardiens officiels des sanctuaires de la sainte Cité.
La tradition de l'Est (vallée du Cédron), attachée à un banc
de rocher sur l'ancienne route du Cédar (Arabie), à été toujours
rivée au même lieu vénérable, — tandis que la soi-disant tradition
du Nord, ne connaissant pas d'endroit fixe et stable, se promène
au gré de ses inventeurs d'une place à l'autre; les Croisés la
transférèrent dans leur «oratoire»; M. l'abbé L. Heydet, avec
d'aucuns de ses amis, la cherche sur l'emplacement de la «petite
église» trouvée en 1882; le P. Lagrange et ses amis, enfin, ré-
clament l'ancien abattoir de la municipalité de Jérusalem, situé
à l'Est de la «petite église», et acheté, en 1883, sous la dé-
nomination éblouissante, de «ruines de la véritable basilique d'Eu-
docie», comme lieu de cette lapidation. Pour empêcher de nouvelles
promenades de cette tradition, ils l'ont clouée sur cet ancien
abattoir par la construction d'une belle basilique en l'honneur
de saint Etienne, enrichie, dans la suite, par des indulgences
et par d'autres grâces spirituelles. Les fouilles faites sur ce
terrain nous occuperont plus loin (chap. XIIe).
— 39 —

XI. 11va de soi-même que le P. Lagrange, dans ses recherches


de témoins en faveur de sa thèse, n'a pas osé consulter la li-
turgie ecclésiastique de la fête de saint Etienne où le «sentiment
de l'Eglise» au sujet du lieu de la lapidation de notre saint Proto-
martyr se trouve exprimée dans les termes:
«Lapides torrentis ipsi dulces fuerunt» c'est-à-dire: «les
pierres du torrent (Cédron) lui ont été douces » : passage qui, sans
aucun doute, date de l'époque de l'introduction de la fête qui,
à Constantinople, fut célébrée immédiatement après la translation
des reliques de saint Etienne dans cette ville, vers l'an 438.
Son Eminence le Cardinal Rampolla, dans son ouvrage in-
titulé «Santa Melania giuniore senatrice romana» (Roma, 1905)
remplit cette lacune en disant (1. c, p. 279):
„Daunafraseliturgica. ..dell' „ Cette phrase liturgique de
officio di S. Stefano, che certa- l'office de saint Etienne se lisait
mente leggevasi nelle chiese di certainement dans les Eglises
Occidente inanzi al secolo IX, d'Occident avant le IXe siècle,
attesoché un apografo del parce qu'une copie du «Liber
« Liber responsalis » attribuito responsalis», attribué à S. Gré-
a S. Gregorio Magno, conserva- goire le Grand, qui nous a été
toci dal codice compendioso del conservé par un codex du IXe
IX. secolo, reca il seguente siècle, offre, dans un verset de
versetto allusivo alla passione la passion du martyr, l'allusion
del martyre: « Lapides torrentis suivante: «Lapides torrentis ipsi
ipsi dulces fuerunt», le quali dulces fuerunt» (les pierres du
parole facilmente prese per torrent lui ont été douces). Ces
«Lapides torrentis Cédron», fe- paroles prises dans le sens de
cero credere che la sua lapi- « Lapides torrentis Cédron »
dazione fosse quivi e non aitrove firent croire que se fut là, non
avvenuta. E che questa non sia ailleurs, que la lapidation avait
una mera asserzione gratuita, eu lieu."
ne porge chiaro argomento ,, On se sentirait tenté d'y voir
Adone, scrittore dello stesso une assertion purement gratuite,
secolo, il quale riportando nel mais Ado, auteur du même
suo «martyrologio» la narra- siècle, la soutient par un argu-
zione di Luciano, là precisa- ment plein de lumière. Dans
mente ove questi riferisce le son « Martyrologium » (ad diem
parole dettegli da Gamaliele sul 3 Augusti) où il donne le récit
luogo del martirio di S. Stefano, de Lucien (de l'invention des
le interpolé chiosandole colla reliques de s. Etienne), là juste-
frase délia liturgia: «Unus, in- i ment où celui-ci rapporte les
quit, dominus Stephanus a Juda;- paroles de Gamaliel au sujet du
is pro fide Christi Hierosolymis j lieu du martyre, Ado interpole
lapidibus oppressus torrentis, i la phrase liturgique «lapides
jussuque sacerdotum relictus torrentis», en mettant dans la
extra portam, in via, quae mittit bouche de Gamaliel les paroles
Cédar, bestiis ac avibus de- j suivantes: « Le seigneur Etienne,
vorandus». «
j opprimé de pierres du torrent»
par les Juifs à Jérusalem, pour
la foi du Christ, resta, sur l'ordre
des prêtres, en dehors de la
porte, sur la route de Cédar,
en proie aux bêtes et aux
oiseaux»." —
Ce passage du Cardinal Rampolla ayant ete cite dans la
brochure anonyme publiée, en 1909, par le P. Nunzio, O. F. M.
du Couvent du Saint-Sépulcre à Jérusalem, sous le titre «Il luogo
del martirio di S. Stefano e le sue chiese in Gerusalemme», le
P. Lagrange y répondit, dans sa brochure « Le sanctuaire de la
lapidation de saint Etienne» qui a paru sans année ni lieu d'im-
pression, mais avec 1' «Imprimatur» d. d. «Hierosolymis die
5 jan. 1910» (7 pages 8°) en ces termes:
„Dans cette rapide revue des arguments de l'auteur
anonyme il en est un que j'ai passé sous silence, c'est le
sentiment de l'Eglise exprimé par la liturgie: «Les pierres du
torrent (lapides torrentis) lui ont été douces»."
„Le torrent serait, dit-on, le torrent du Cédron."
„ Le sentiment de l'Eglise est chose trop grave pour être
mêlé à une semblable discussion. L'auteur eût mieux fait
de ne pas s'écarter de l'opinion de l'illustre Cardinal Ram-
polla qui voit plutôt dans le verset liturgique l'origine de
l'opinion erronée — selon lui — qui a placé la lapidation de
saint Etienne dans le torrent du Cédron. Les pierres du
torrent de la liturgie sont d'ailleurs probablement empruntées
à l'Ecriture et rappelent ces cinq pierres du torrent (lapides
de torrente) ramassées par David pour combattre Goliath
(I. Reg. XVII, 40)."
Cette réplique du P. Lagrange ne nous paraît pas heureuse.
Quant à l'observation que: le «sentiment de l'Eglise» est chose
— c'est
trop grave pour être mêlé à une semblable discussion,
— 41 —

justement lui qui le premier a traîné dans l'arène ce «sentiment


de l'Eglise».
Dans une lettre du R. P. Paul Meunier, des FF. Prêcheurs,
datée du 16 Mai 1895 et publiée dans la Revue «Saint François
et la Terre-Sainte» (1895, p. 110), le P. Lagrange adresse à la
Rédaction de la dite Revue les paroles suivantes:
„ Votre collaborateur (le R. P. Fiorowich, S. J.) oublie
trop aussi le «Bref pontifical» affiché à notre porte, par
lequel Léon XIII concède à notre sanctuaire «l'indulgence
plénière et la messe votive de saint Etienne» comme aux
sanctuaires de premier ordre, et cela «après avoir affirmé
que nous sommes sur le lieu où le premier martyr a souf-
fert» . . . Encore que l'infaillibilité pontificale ne soit pas
engagée dans ces sortes de questions, il semble qu'une
déclaration venue de si haut mériterait plus d'égards." —

XII. Curieux de voir le «Bref pontifical» en question, qui


m'était tout à fait inconnu, je me rendis, un beau jour (Oc-
tobre 1910), à l'Ecole biblique de Saint-Etienne. Mais ce fut en
vain que je cherchai l'affiche en question aux portes du sanctuaire
des FF. Prêcheurs.
J'entrai alors, et, j'eus la bonne fortune de rencontrer bientôt
un des professeurs de l'Ecole qui, avec une amabilité parfaite,
m'apprit que cette affiche avait été retirée, il y a quelques années,
et se trouve maintenant, écrite en caractères rouges, sur deux
grandes tables de marbre blanc appliquées au mur intérieur de
la basilique près des absides latérales.
En effet, j'y vis, tout près de l'abside latérale du sud, le
«Bref» du Pape Léon XIII, daté du 17 Septembre 1892, publié
par le P. Lagrange, dans sa brochure «Saint Etienne etc.»
(1894, p. 178—180). — Mais, ce «Bref» ne s'occupe, comme on
sait, que de l'Ecole biblique, ne mentionnant ni «indulgences»
ni «messes votives», et, omettant aussi d'affirmer que l'Ecole se
trouve «sur le lieu du martyre de saint Etienne».
La table de marbre, côté nord, contenait deux «Décrets»,
l'un de la sainte Congrégation des Rites, daté du 20 Novembre
1887, — et, l'autre de la sainte Congrégation de la Propagande,
daté du 6 Décembre 1887, publiés tous les deux d'abord dans
— 42 —

la brochure «Saint Etienne etc.» (1894, p. 177—178) et repro-


duits dans le «Mémorial de la consécration solennelle de la
basilique de Saint-Etienne « daté du 13 Mai 1900.
Le fameux «Bref pontifical» invoqué par le P. Lagrange dans
la lettre citée du R. P. Paul Mennier, des FF. Prêcheurs, en
faveur de sa thèse du Nord ne manque donc réellement que
d'une seule chose: c'est d'exister!
Incroyable! dira-t-on. S'appuyer sur un «Bref pontifical»
qui n'existe pas: c'est jouer va-banque!
Le fait est vraiment incroyable; mais, ce qui est plus in-
croyable encore et vrai cependant, c'est que depuis le mois de
Mai 1895, époque de la publication de ce passage dans la Revue
«Saint François et la Terre-Sainte» (1895, p. 110), jusqu'à
présent (1910), tout le monde y a ajouté foi, sans penser à
vérifier ce «Bref».
Le P. Lagrange a joué «va-banque», c'est bien vrai: mais il
avait besoin d'argent, et-il connaissait son monde. Il était bien
sûr que toutes les bourses s'ouvriraient, s'il prouvait: que les
FF. Prêcheurs de l'Ecole biblique, au nord de Jérusalem, se
trouvent sur le «lieu de la lapidation de saint Etienne». Son
Calcul a été juste. Il a gagné son «va-banque». Tout le monde
crût à l'existence de son «Bref pontifical» qui affirmerait
l'authenticité du sanctuaire Saint-Etienne du Nord, — et, les
aumônes arrivèrent en abondance.
Du reste, le jeu audacieux du P. Lagrange s'explique d'une
façon fort simple.
Il n'y a pas de doute, que le R. P. Directeur de l'Ecole
biblique, en écrivant les mots «Bref pontifical» a eu en vue les
deux «Décrets» mentionnés plus haut; cependant, dans sa qualité
de Professeur et de Directeur d'une Ecole biblique, il aurait dû
savoir que des «Décrets de Congrégation» ne sont pas des
« Brefs pontificaux ».
Mais passons.
Que disent les «Décrets» en question?
Le premier porte:
„ Ex audientia SSmi habita die „De l'audience du S. Père du
20 Novembris 1887." 20 Novembre 1887."
„SSmus Dominus Noster Léo „A la suite du rapport du
Divinae Providentiae PP. XIII sousigné secrétaire de la S. Con-
referente me infrascripto ar- grégation de la Propagande,
chiepiscops Tyren. S. Con- archevêque de Tyr; et, cédant
grégations de Propaganda Fide aux instances des RR. PP. de
secretario, ad preces RR. PP. l'Ordre des Frères Prêcheurs
Ordinis Praedicatorum in Con- qui habitent le Couvent érigé à
ventu Hierosolymitano degen- Jérusalem près du lieu du mar-
tium juxta locum martyrii S. Ste- tyre de S. Etienne, Notre Très
phani erecto, et, ad magis ma- Saint Seigneur le Pape Léon XIII,
gisque augendum cultum et pie- désirant promouvoir le culte du
tatem erga Protomartyrem, se- S. Protomartyr, a daigné con-
quentes indulgentias ... bénigne céder les indulgences sui-
concedere dignatus est". — vantes ..." —
„ Datum Romae ex aedibus „ Donné à Rome dans le pa-
dictae S. Congregationis die et lais de la dite Congrégation sous
anno ut supra." la date indiquée plus haut."
„f D. Archiep. Tyren. Se- „+ D. Archevêque de Tyr,
cretarius." — secrétaire." —
Le second «Décret», émanant de la b. congrégation des
Rites, est conçu dans les termes suivants:
„Quum Hierosolymis Coeno- ,-,Le Prieur actuel du Couvent
bium et Ecclesia Fratrum Or- et de l'église des Frères Prê-
dinis Praedicatorum extet in cheurs à Jérusalem, qui se
loco ubi martyrium subiit Proto- trouve au lieu où le Proto-
martyr sanctus Stephanus, . . . martyr S. Etienne a subi le
hodiernus ipsius Coenobii Prior martyre ... a fait des instances
a SSmo D. N. Leone Papa XIII auprès de N. Très Saint Père
privilegiumperpetuumhumillime j le Pape Léon XIII, afin d'ob-
eflagitavit, vi cujus in eadem tenir le privilège de la Messe
ecclesia, singulis diebus Missa votive du saint Protomartyr
votiva de eodem sancto Pro- i pour tous les jours de l'année. " —
tomartyre . . . celebrari va- „Le 6 Décembre 1887."
leat." — „A. Card. Bianchi, S. R.
„Die 6. Decembris 1887." C. Préfet."
„A. Card. Bianchi S. R. C. „ Laurent Salvati, S. R. C. Se-
Praef." crétaire."
„ Laurentius Salvati S. R. C.
Secretarius. "
m l'un ni 1 autre de ces deux «Décrets» dit que le Hape
Léon XIII ait concédé 1' « indulgence » et la « messe votive » :
parce que «le sanctuaire en question se trouve sur le lieu où
le saint Protomartyr a souffert».
— 44 —

Ces «Décrets» confèrent des faveurs spirituels, mais ab-


straction faite de la prétention de l'authenticité du sanctuaire
en question, et — bien loin de la confirmer.
C'est la règle pour toutes ces sortes de faveurs.
Le P. Lagrange, dans sa qualité de Professeur et de Di-
recteur d'Ecole biblique, sait tout cela.
Plus encore, il n'ignore pas: que, «depuis bien des siècles,
le Saint-Siège a concédé une indulgence à tous ceux qui visitent
le rocher de la lapidation de saint Etienne» dans la vallée du
Cédron: notre auteur veut donc, en réclamant la grâce d'une
«indulgence» comme affirmation de l'authenticité de l'endroit in-
dulgencié, que le Pape ait affirmé, d'abord, l'authenticité du
rocher traditionnel de saint Etienne à l'Est, et, — puis celle du
sanctuaire Saint-Etienne au Nord de Jérusalem.
L'absurdité de cette prétention du P. Lagrange saute aux
yeux. Ni le «Décret» qui concède l'«indulgence», ni celle qui
confère la grâce de la «messe votive» contient donc d'appro-
bation de la prétention des FF. Prêcheurs qu'ils se trouvent
sur le lieu de la lapidation.

Pour se faire une idée de la facilité avec laquelle le P. La-


grange interprête en sa faveur tous les textes qui lui tombent
sous la main, il sera utile de relire le passage de la Revue
biblique (1894, p. 470) où il dit en parlant d'un texte de Pho-
cas (1185):
„Très claire est aussi la situation du monastère si connu
par les récits des croisés: «En face du mont des Oliviers,
derrière la ville, comme on vient de la Samarie, c'est un
monastère dans lequel après que le saint premier martyr
Etienne eut été lapidé et placé où nous avons dit par Gamaliel,
son corps sacré et saint fut transporté». —Evidemment il
s'agit du Nord." —
Tout le monde sait que ceux qui viennent de la Samarie
entrent dans la sainte Cité par la porte du Nord connue, au-
jourd'hui, sous le nom de porte de Damas. Le P. Lagrange le
sait lui-aussi.
Le monastère « derrière la ville » pour ceux qui viennent de
la Samarie, — c'est la Sainte-Sion.
Tout cela est bien clair et connu de tout le monde.
— 45 —

Aussi est-il bien connu que ce fut la Sainte Sion où l'on


déposa le corps de Saint Etienne, après l'avoir transféré, en 415,
de Caphargamala où il avait été enseveli par Gamaliel. Le
P. Lagrange, lui-aussi, le sait très bien.
Et, bienque tout cela soit connu, le P. Lagrange s'écrie, en
parlant de cette Sainte-Sion qui se trouve «derrière la ville,
comme on vient de Galilée»: „Evidemment, il s'agit du Nord!"
Or, cette erreur n'est cependant pas minime, puisqu'elle in-
dique le Nord quand il s'agit du Sud.

C'est un fait connu de tout le monde que les Croisés après


leur arrivée devant les murs de Jérusalem, en 1099, montrèrent
et vénérèrent le lieu de la lapidation de saint Etienne au Nord
de la ville. Mais, c'est un fait isolé et particulier aux Occidentaux
de leur époque. Après la chute du règne latin de Jérusalem et
le départ des Francs, cette innovation qui, du reste, ne fut jamais
acceptée par les Indigènes ni par les Eglises orientales, disparut.
Pendant six siècles, personne ne parle plus: ni du «prétoire
de Pilate» dans l'église de saint Pierre du mont Sion, ni de la
«lapidation de saint Etienne» au Nord de Jérusalem.
Ricoldo da Monte Croce, O. Praed. (1286), Marino Sanuto
(plan. 1308), Adrichomius (panorama de Jérusalem, 1335) et tous
les auteurs de leur époque et des siècles suivants, placent la
lapidation de saint Etienne à l'Est de Jérusalem, dans la vallée
du Cédron. Personne ne s'étonnera donc de voir les Francis-
cains, établis en Palestine dès l'an 1219, adopter et suivre la
tradition de la vallée du Cédron, et — protester, depuis 1882,
dans leur qualité de «gardiens officiels» des sanctuaires de la
Terre-Sainte, contre l'entreprise des Fils de saint Dominique, de
resusciter l'erreur des Croisés relative à la lapidation de saint
Etienne. On s'étonnera plutôt que Mgr. Le Camus, évêque de la
Rochelle, hôte passager de l'Ecole biblique de Saint-Etienne à
Jérusalem, ait pu écrire, en 1889, dans son livre «Notre voyage
aux pays bibliques» (vol. 2. Sanard et Déranger, p. 309):
„ Comment se fait-il qu'à partir du quatorzième siècle,
et surtout depuis 1480, une tradition, que rien n'appuyait,
ait placé dans la vallée de Josaphat le lieu du martyre de
saint Etienne, sans que nos gardiens de la Terre-Sainte aient

protesté?"
- 46 —

„C'était une innovation grave, audacieuse, et qui avait


le malheur, non seulement de rester inexplicable, mais sur-
tout d'en laisser soupçonner d'autres non moins désobligeantes
sur d'autres points." —
Le P. Lagrange a conservé assez de bon sens et de politesse
pour protester avec force contre de telles invectives remplies
d'ignorance et de fanatisme et sorties des rangs de ses amis.
Dans sa brochure «le sanctuaire de la lapidation de saint Etienne »
qu'il publia avec l'Imprimatur «Hierosolymis die 5 Jan. 1910»
(p. 7) il écrit: «Qu'il me soit permis de dire que les paroles
malsonantes citées par l'auteur anonyme (de la brochure «Il
luogo del martirio di S. Stefano e le sue chiese in Gerusalemme»
(Padoue, 1909, p. 56 note) ne sont jamais sorties d'une plume
dominicaine et que je les réprouve énergiquement».

XIV. Avant de quitter le lieu de la lapidation dans la vallée


du Cédron, on voudra certainement savoir quel a été le sort du
saint corps du Protomartyr qui, selon l'ordre donné par les princes
des prêtres, devait rester sans sépulture, et, servir de patûre aux
bêtes et aux oiseaux.
Saint Luc (Actes, VIII, 2) nous ne dit que les simples mots:
« Des hommes pieux ensevelirent Etienne et lui firent un grand
deuil». —
Puis des siècles se passent sans qu'on fasse mention des
reliques ni du tombeau du martyr; et ce ne fut qu'en 415, époque
si riche en révélations et en miracles dans les Eglises d'Orient,
que le prêtre Lucien de Caphargamala, village du diocèse de
Jérusalem, les retrouva. — On comprend bien que la chose ne
se passa pas sans l'intervention de plusieurs révélations et de
nombreux miracles, dont le récit nous a été laissé par Lucien
dans sa «Lettre adressée à toutes les Eglises», lettre qui nous
occupera dans le prochain chapitre. Or, ce «récit» parle aussi
des «hommes pieux» de saint Luc.
Qui sont ces «hommes pieux»?
Le P. Lagrange, dans sa brochure « Saint Etienne etc. »
(1894, p. 43) nous dit ceci: «Ces hommes pieux dont le nom
est dissimulé ne sont pas les apôtres, ni même, semble-t-il,
des membres reconnus de la communauté chrétienne. Plusieurs
savants ont vu en eux des prosélytes». —
— 47 —

A part l'avis fort peu explicatif concernant «plusieurs sa-


vants » notre auteur n'apporte aucune raison pour justifier la
conduite assez étrange qu'il impute à la «communauté chrétienne»
de Jérusalem, à l'occasion de la sépulture de saint Etienne. Il
nous semble au contraire, que ce fut précisément l'« Eglise de
Jérusalem » qui ensevelit le saint martyr et, qui en mena le deuil.
Le «récit» de Lucien nous apprend, en effet, que, dans une
vision qu'il eut à ce sujet, Gamaliel lui révéla les détails des
funérailles en question (Migne, P. L. XLI, col. 810):
„Moi, Gamaliel, plein de compassion pour le sort du
ministre du Christ (saint Etienne), et de hâte pour recevoir
ma récompense et avoir ma part avec ce saint homme dans
la paix, j'ai envoyé, pendant la nuit, «tous les hommes religieux
que je connaissais croyant en Jésus Christ et habitant Jérusalem,
au milieu des Juifs», et je leur fis toutes mes recomman-
dations. Je leur donnai tout ce qui leur était nécessaire et
les déterminai à se rendre secrètement sur le lieu du supplice
pour enlever le corps et le porter, sur un de mes chars, à
ma maison de campagne appelée Caphargamala, c'est-à-dire
«maison de campagne de Gamaliel», à vingt milles de la
ville. Là, je lui fis des funérailles qui durèrent quarante jours,
et je le fis déposer dans la case située du côté de l'Orient,
et j'ai fait donner à ces gens de quoi subvenir à tous les
frais de ces funérailles." —
Il parîatrait donc que les «hommes pieux» de saint Luc
(Actes VIII, 2) étaient réellement des «membres reconnus de la
communauté chrétienne» de Jérusalem.

Mais pourquoi la sépulture de saint Etienne eut-elle lieu à


Caphargamala, village éloigné, selon Lucien, de «vingt milles»
(soit 30 kilomètres) de la ville de Jérusalem?
Le P. Lagrange suppose que ce fut «pour empêcher les
chrétiens de Jérusalem de vénérer les reliques du saint Proto-
martyr».
Voici ses paroles (Saint Etienne etc., 1894, p. 43): «Le
corps d'Etienne fut donc transporté dans un lieu où il ne
pouvait recevoir facilement les hommages des fidèles». —
Je ne puis pas partager cet avis. Saint Jaques, frère du
Seigneur, et premier évêque de Jérusalem, martyrisé à la même
— 48 -

époque, trouva sa sépulture dans la vallée du Cédron; la Très


Sainte Vierge Marie y eut aussi son tombeau sans que l'Eglise
de Jérusalem craignît les «hommages des fidèles». — Si donc,
ni pour la Sainte Mère de Dieu, ni pour le saint évêque de Jé-
rusalem, on ne paraissait craindre d'«hommages excessifs», —
ce danger devait exister moins encore à l'égard d'un diacre.
On sera donc obligé de chercher ailleurs le motif de la
translation des reliques du saint martyr à Caphargamala.
Nous trouvons ce motif, d'abord dans la nécessité de cacher
le saint aux yeux des princes des prêtres qui avaient décrété
qu'il servirait, sans sépulture, de patûre aux oiseaux: c'est pour-
quoi Gamaliel était obligé d'attendre jusqu'à la nuit, pour s'em-
parer, à la dérobée, du corps du martyr, qu'il fit emporter, en
secret, à Caphargamala.
D'autre côté, cette translation était motivée par l'usage des
«sépultures de famille» chez les anciens Juifs, qui aimaient à
être ensevelis «avec leurs pères», dans un terrain qui leur ap-
partenait.
C'est ainsi que les fils d'Israël, obéissant au commandement
de Jacob, leur père (Gen. 49, 29): «Ensevelissez-moi avec mes
pères dans l'antre double qui est dans le champ d'Ephron hétéen
qui regarde Mambré, au pays de Chanaan», — firent le
long
voyage d'Egypte à Hébron pour y déposer ses restes dans le
sépulcre de famille.
Plus tard, quand les Israélites quittèrent l'Egypte pour se
rendre dans la Terre-Promise, ils emportèrent avec eux les
«os de Joseph» (Exod. 50, 24), pour l'ensevelir à Sichem.
La sépulture de Notre Seigneur, dans le tombeau de Joseph
d'Arimathie, s'écarta de cet usage, parce qu'on n'avait ni le
temps ni les moyens de transporter ailleurs son Très Saint Corps.
Le P. Lagrange se trompe donc en affirmant gratuite-
ment (Saint Etienne etc., 1894, p. 43): «Ces hommes pieux
dont le nom est dissimulé ne sont pas les apôtres, ni même,
semble-t-il, des membres reconnus de la communauté chré-
tienne»; il se trompe en déclarant (1. c. p. 43): que «le corps
d'Etienne fut transporté loin de Jérusalem, pour empêcher
qu'il reçut les hommages des fidèles», de même qu'il s'était
trompé également en cherchant le « lieu du martyre de saint
Etienne au nord de Jérusalem».
— 49 -

Arrivés à la fin du chapitre, nous jugeons utile de résumer


brièvement les dépositions des quinze témoins principaux in-
voqués par le P. Lagrange, dans les travaux cités plus haut, en
faveur de sa soi-disant tradition du Nord:
1. Astérius. Le «lieu au sol égal» se présentait, tout près
du Temple, dans la vallée du Cédron. On n'avait donc nul be-
soin de traîner le saint jusqu'à l'emplacement des Dominicains,
à plus d'un kilomètre.
2. Basile de Séleucie (Florence de Jérusalem) ne parle pas
de la basilique d'Eudocie au nord de la ville, mais de l'église
érigée en l'honneur de saint Etienne par Juvénal. Or, la dite
église ne se trouvait pas au Nord, mais à l'Est de Jérusalem
dans la vallée du Cédron.
3. Les mots « quae est ad aquilonem » de la recension latine
A de la « Lettre de Lucien » ne prouvent rien pour la thèse du
P. Lagrange, — attendu qu'ils ne représentent qu'une «glose»
ajoutée au texte en question, par Avitus, pour des raisons
alléguées plus haut.
4. Evagre, racontant la construction de la basilique d'Eudocie,
au nord de Jérusalem, ne dit point que cette basilique occupait
le lieu du martyre de saint Etienne.
5. Théodose semblerait identifier l'emplacement de la basilique
du nord avec le lieu de la lapidation: mais, on discute beaucoup
l'exactitude de son texte! Il est fort possible qu'il ait pris l'église
de Juvénal pour la basilique d'Eudocie.
6. Le Breviarius de Hierosolyma, 7. Antonin, 8. le vénérable
Bède, 9. Arculphus et 10. Wilibald ne parlent que de l'église de
la Sainte-Sion et des «pierres de la lapidation de saint Etienne»
qu'on y conservait à leur époque.
11. Le Commemoratorium de casis Dei (808) connaît deux
églises de saint Etienne, dont une dans la vallée de Josaphat,
mais il ne fait pas mention du lieu du martyre.
12. Bernard le moine (870) dit que l'église de saint Etienne
érigée à l'endroit de la lapidation se trouvait à l'Est de la Sainte-
Sion. Son affirmation est donc contraire à la thèse du P. Lagrange.
13. Le «lieu de supplice déterminé» — sur la colline de
Jérémie — invoqué par les Dominicains, en faveur de leur pré-
tendue tradition du Nord, est une fable colportée par deux mi-
nistres protestants, victimes de leur crédulité. Les Juifs affirment
que ce «lieu de supplice» n'a jamais existé.

Saint Etienne.
Mommert, A
— 50 —

14. Le texte «lapides torrentis» (Cédron) de la liturgie ne


à l'emplacement des Dominicains, — attendu
peut s'appliquer
qu'il n'y eut jamais là de torrent connu, et qu'il eut été difficile,
par conséquent, d'y ramasser des pierres.
15. Le «Bref pontifical» du P. Lagrange n'existe pas. —
Les indulgences et les messes votives concédées par Rome, à
un sanctuaire n'eurent jamais pour but ni pour effet de prouver
l'authenticité que ce sanctuaire réclame.

Vu cet état de choses, le P. Lagrange n'ose plus, maintenant,


insister sur ses textes. Dans sa brochure « Le sanctuaire de la
lapidation de saint Etienne», citée plus haut et écrite pour ré-
pondre à la brochure anonyme du P. Nunzio, O. F. M, du Couvent
du Saint-Sépulcre à Jérusalem, le Directeur de l'Ecole biblique
de Saint-Etienne retire, sans façon, tous ses textes avancés,
jusque-là, en faveur de sa thèse de la lapidation au nord, disant
(l.c.p.9):
„ En général l'auteur s'appuie beaucoup sur mes textes.
Il affecte de citer (p. 45) « mes principaux arguments » en
français ... de façon que personne ne puisse mettre en doute
sa parfaite sincérité, — et ses principaux arguments, c'est le
récit où j'ai exposé fort simplement les tâtonnements par
lesquels on a passé pour arriver à la lumière!"
„Nos arguments les voici, ou plutôt il n'y en a qu'un
que je crois solide:"
„L'église actuelle avec son cloître est bâtie exactement
sur l'emplacement d'une église et d'un cloître du Ve siècle." —
I! n'y a donc, maintenant, qu'un seul argument en faveur
de la tradition du nord que le P. Lagrange croit «solide». —
Nous l'examinerons pluis loin (chap. XIIe et XIIIe) et nous montre-
rons que, cette fois encore, notre auteur s'est abîmé dans une
erreur des plus grosses.
Le Directeur de l'Ecole biblique de Saint-Etienne s'en mo-
quera de même qu'il se moque de la critique de ses textes faite
par Nunzio. — En voici la raison: La récolte des millions né-
cessaires pour l'établissement du Couvent, de l'Ecole biblique et
de la basilique des Dominicains au nord de Jérusalem est finie —
et, les faveurs spirituelles: indulgence et messe votive, con-
tinuent indépendemment de l'authenticité de l'emplacement.
- 51

Malgré tout cela, notre auteur a bien mérité de la question :


la pierre qui bat l'acier en fait jaillir des étincelles, — et, le
P. Lagrange, lui-aussi, a rempli cette fonction jusqu'ici.

Nous finissons ce chapitre par les considérations assez justes


du R. P. Fiorowich, S. J., qui dans un article relatif à notre
question (Saint François et la Terre-Sainte, tome V, p. 56, Juin
1895) s'exprime ainsi:
„Dês considérations qui précèdent, il ressort que dans
le cas présent, la tradition écrite est divisée et en désaccord
avec elle-même. Cette divergence ne saurait nous surprendre;
ainsi que nous l'avons déjà remarqué, en effet, la tradition
écrite ne peut être uniforme."
„Selon l'impression qu'il a ressentie, un auteur étranger
se fait sa conviction personelle et la formule. Mais il n'en
est pas de même de l'indigène; témoin permanent de la tradition
locale, il ne se soucie nullement de ces discussions et n'y
comprend rien. Ses pères lui ont appris que tel lieu a été
théâtre de tel fait, et il transmet cet enseignement à ses
enfants. Arrive-t-il que l'accord soit unanime entre disciples
d'Eglises différentes et ennemies; cet accord constitue un
argument d'une force que ne saurait ébranler la voix dis-
sonante d'un voyageur de passage."
„ Or, ce concert parfait entre catholiques et dissidents,
nous le constatons ici; tous affirment sans hésitation que
la lapidation de saint Etienne eut lieu à l'Orient de la ville."
„ A elle seule cette preuve me paraît décisive, et quiconque
n'est pas aveuglé par un intérêt quelconque, la saisira, je
crois."
„ Louons à ce sujet la sagesse des Fils de saint François.
Ces zélés gardiens des Lieux-Saints ont pris, depuis leur entrée
en Terre-Sainte, cette règle inviolable de leur conduite: garder
intactes les anciennes traditions et rien innover." —
Voilà la règle d'or qui aurait rendu de bons services non
seulement à la science, mais aussi à la piété et à la charité
chrétienne, si les Etrangers, venus de l'Occident avaient pris à
coeur de toujours la suivre.

4*
- 52 -

Les résultats de mes études relatives au lieu de la lapidation


de notre saint martyr se résument dans les thèses suivantes:
I. La tradition qui indique le lieu de la lapidation de s. Etienne
à l'Est de Jérusalem (vallée du Cédron) est vénérable par son
âge qui remonte aux premiers siècles de l'ère chrétienne. Les
auteurs du IVe au Ve siècle qui en parlent ne l'ont certainement
pas inventée: ils la tenaient de leurs ancêtres.
II. La tradition de la vallée du Cédron fut suivie, dès l'origine,
par toutes les Eglises et trouva son expression dans l'office ec-
clésiastique de la fête de saint Etienne: lapides torrentis (Cédron)
dulces ei fuerunt.
III. Cette tradition du Cédron n'a jamais été interrompue:
car, l'invention de la prétendue tradition du Nord, à l'époque des
Croisades, ne fut jamais acceptée par les Eglises orientales, ni
par les Indigènes, ni par les Franciscains, les gardiens officiels
des sanctuaires de la Terre-Sainte.
IV. La prétendue tradition du Nord n'est basée que sur des
textes mal entendus et. encore plus mal interprétés, — et ne
fut jamais qu'un plaidoyer «prodomo», dicté par l'intérêt de ses
promoteurs.
Chapitre deuxième.

L'invention des reliques de saint Etienne.

L'événement qui attira l'attention du monde chrétien sur


le grand protomartyr saint Etienne fut l'invention de ses saintes
reliques en 415.
Le prêtre Lucien de Caphargamala qui fit cette invention,
nous en a laissé lui-même le récit, dans une «Lettre adressée
à toutes les Eglises», rédigée en langue grecque, mais traduite
de très bonne heure dans d'autres langues.
Nous en possédons:
a) le texte grec, publié par M. Papadopoulos-Kérameus dans
ses 'AvâXsxxa 'IsgoooXvjuixixfjç2xa%voXoyiag (Saint-Pétersbourg, 1898,
V, p. 28—40), d'après deux manuscrits du Couvent grec de
Saint-Sabas (Mar-saba);
b) la traduction syriaque, éditée par M. Land (Revue de
l'Orient chrétien, 1906, p. 214);
c) deux traductions latines, publiées par Migne (P. Lat. XLl^
col. 807—815 et 808—818) dont la première porte, dans le
monde des savants, la désignation de «Recension latine A»,
l'autre celle de «Recension latine B».
Voici le «Récit» d'après la «Recension latine A»:
,, Lucien, par la miséricorde de Dieu, pauvre et le moindre
des hommes, prêtre de l'Eglise de Dieu dans le village de Caphar-
gamala, au territoire de Jérusalem, à la sainte Eglise et à tous
les saints qui sont en Jésus-Christ, dans le monde entier, salut
en Notre-Seigneur. "
„I. J'ai cru nécessaire de faire connaître à votre dilection
en Jésus-Christ la triple vision qui m'est apparue de la part de
Dieu, au sujet de la révélation des reliques du bienheureux et
glorieux protomartyr Etienne, premier diacre du Christ, de celles
— 54 —

de Nicodème, dont il est parlé dans l'Evangile, ainsi que de Ga-


maliel, mentionné dans les Actes des apôtres. Je l'ai fait à la
prière, ou plutôt sur l'ordre d'un saint, d'un serviteur de Dieu,
de notre père le prêtre Avitus. Obéissant comme un fils à son
père, j'ai dit, pour répondre à ses questions conformes à la foi
consommée, toute la vérité, en toute simplicité, telle que je la
connais, sans hésiter et sans altérer."
„II. Le jour donc de la Parascève, c'est-à-dire un Vendredi
le 3 Décembre, sous le dixième consulat d'Honorius et le sixième
de Théodose, Augustes, je m'étais endormi, à la nuit tombante,
sur ma couche dans le saint lieu du baptistère, où j'avais l'habi-
tude de coucher pour garder les objets servant au ministère.
A la troisième heure de la nuit, qui est le premier quart de garde
des veilles, je tombai dans une sorte d'extase, un demi-sommeil,
et je vis un vieillard à la taille élevée, prêtre plein de dignité,
aux cheveux blancs, à la barbe longue, revêtu d'une étole blanche,
ornée de glands d'or, avec une croix au milieu. Il tenait une
crosse d'or; puis m'appelant trois fois par mon nom: Lucien,
Lucien, Lucien, il me dit en grec: «Rendez-vous à la ville d'Aelia,
qui n'est autre que Jérusalem», et dites au saint homme Jean,
qui en est l'évêque, ces paroles: «Combien de temps serons nous
retenus enfermés et tarderez-Vous à nous ouvrir les portes? Or,
c'est sous votre épiscopat que nous devons être révélés. Ouvrez
sans retard le tombeau où nos restes ont été déposés sans soins,
afin que, par nous, Dieu, son Christ et son Saint-Esprit ouvrent
ia porte de leur clémence sur le monde, car les chutes nom-
breuses dont ce siècle est témoin tous les jours le mettent en
un grand danger. D'ailleurs c'est beaucoup moins de moi que des
saints si dignes de tout honneur qui sont avec moi que je me
préoccupe » ".
„III. Je lui répondis en ces termes: «Qui êtes-vous donc,
seigneur, et qui sont ceux qui sont avec vous»? — Voici sa
réponse: «Je suis Gamaliel qui ai élevé Paul, l'apôtre du Christ,
et qui lui ai enseigné la loi à Jérusalem. Celui qui est placé près
de moi, dans le tombeau, du côté de l'Orient, est le seigneur.
Etienne, que les princes des prêtres et les Juifs ont lapidé a
Jérusalem, pour la foi du Christ, «hors de la porte» (sur le
plateau) qui est du côté du nord (de la route) qui conduit en
«Cédar», où il demeura un jour et une nuit, étendu par terre,
sans sépulture, afin de devenir, selon l'ordre impie des princes
— 55 —

des prêtres, la proie des bêtes sauvages. Mais Dieu ne voulut


point qu'il reçut leurs atteintes. Les bêtes sauvages, les oiseaux
de proie et les chiens respectèrent ces restes précieux. Et moi,
Gamaliel, plein de compassion pour le sort du ministre du Christ,
et de hâte pour recevoir ma récompense et avoir part avec ce
saint homme dans la paix, j'ai envoyé, pendant la nuit, tous
les hommes religieux que je connaissais croyant en Jésus-Christ,
et habitant à Jérusalem, au milieu des Juifs, et leur fis toutes
mes recommandations. Je leur donnai tout ce qui leur était né-
cessaire et les déterminai à se rendre secrètement sur le lieu du
supplice pour enlever le corps et le porter, dans un de mes
chars, à ma maison de campagne appelée Caphargamala, c'est-à-dire
maison de campagne de Gamaliel, à vingt milles de la ville. Là
je lui fis des funérailles qui durèrent quarante jours, et je le fis
déposer dans le monument que je m'étais fait faire en cet en-
droit, dans la case située du côté de l'orient, et j'ai fait donner
à ces gens de quoi subvenir à tous les frais de ces funérailles.
Dans l'autre case fut placé le seigneur Nicodème, le même qui
alla trouver Jésus pendant la nuit, et entendit ces paroles de
sa bouche: «Quiconque ne renaît par l'eau et le Saint-Esprit
ne peut entrer dans le royaume des cieux» (Jean, III, 5) et qui
fut baptisé par les disciples de Jésus-Christ après son entretien
avec lui. Quand les Juifs en eurent connaissance, ils le privèrent
de son titre de prince, l'anathématisèrent et le chassèrent de la
ville. C'est moi, Gamaliel, qui l'accueillis dans ma propriété, comme
une victime de la persécution pour le Christ. J'ai pourvu à sa
nourriture et à son entretien jusqu'à la fin de ses jours, et, à
sa mort, je l'ai fait enterrer avec honneur à côté du seigneur
Etienne, j'avais un fils bien aimé appelé Abibas; il avait reçu
avec moi le baptême du Crist des mains des disciples du Seigneur;
il mourut à l'âge de vingt ans, avant moi, et fut déposé dans la
case supérieure où je fus placé moi-même après ma mort. Quant
à ma femme Ethna et à mon fils aîné Sélemias, n'ayant point
voulu devenir disciples du Christ, ils ont été enterrés à Caphar-
sémélia, maison de campagne appartenant à ma femme». Et moi,
l'humble prêtre Lucien, je fis cette question à Gamaliel: «En
quel endroit devons-nous vous chercher»? — Gamaliel me ré-
pondit: «Au milieu du faubourg, ce qui peut s'entendre d'un
champ très voisin de la maison de campagne, appelé Delagabri,
c'est-à-dire champ des hommes de Dieu».
— 56 —

„IV. Sur ce, je me suis éveillé et j'ai adressé cette prière


au Seigneur: «Seigneur Jésus-Christ, si cette vision vient de
vous et n'est point une illusion, faites qu'elle se renouvelle une
seconde et une troisième fois, quand vous le voudrez et de la
manière qu'il vous plaira. Je me mis donc à jeûner et à ne me
nourir que de fruits secs jusqu'au Vendredi suivant. Alors le
seigneur Gamaliel m'apparut de la même manière, avec le même
aspect et le même costume que la première fois, et me dit :
«Pourquoi avez-vous négligé d'aller dire ce que je vous avais
prescrit au saint évêque Jean?» — Je répondis: «Je n'ai pas osé,
seigneur, annoncer ce que j'avais vu tout de suite après la
première vision que j'ai eue, de crainte de passer pour un sé-
ducteur. Mais j'ai prié le Seigneur, si c'était lui qui vous envoyait
vers moi, de faire que vous m'apparussiez une seconde et une
troisième fois». — Gamaliel reprit: «Croyez-moi, croyez-moi,
croyez-moi». — Puis il ajouta de nouveau: «Comme vous m'avez
demandé où vous trouveriez les corps de chacun et dans quel
ordre ils sont posés, prêtez-moi toute votre attention et remarquez
bien ce qui va vous être montré» — «Oui, seigneur», rèpondis-je.
Alors il apporta quatre corbeilles, dont trois d'or et une d'argent.
Les trois premières étaient remplies de roses; deux d'entre elles
avaient des roses blanches, et la troisième des roses ronges de
sang; la quatrième qui était d'argent était pleine de safran qui
exhalait une odeur excellente. Il les plaça devant moi. Je lui dis:
«Qu'est-ce que cela, seigneur»? — Il me répondit:» Ce sont
nos reliques. La corbeille aux roses rouges, c'est le seigneur
Etienne: il est placé dans le tombeau à droite, du côté de l'Orient,
en entrant. La seconde corbeille, c'est le seigneur Nicodème,
placé contre la porte. La corbeille d'argent, c'est mon fils, Abibas,
né du sein du témoignage, c'est-à-dire régénéré dans la loi; il a
quitté ce monde avec l'innocence immaculée qu'il avait puisée
dans le sein de sa mère. Voilà pourquoi il est représenté par
une corbeille d'argent d'une extrême pureté. Ne sentez-vous point
l'exquise odeur du safran qu'elle renferme? Il est placé avec moi,
en haut du monument; nous reposons ensemble comme deux

frères jumeaux». Ayant ainsi parlé, il disparut de nouveau à
mes yeux.
„V. Quand je fus éveillé, je rendis grâces au Dieu tout
puissant et me remis au jeûne en attendant une troisième ré-
vélation. La troisième semaine écoulée, le même jour et à la
— 57 —

même heure, le même homme m'apparut, avec un air menaçant


et frémissant, et me dit: «Pourquoi avez-vous gardé le silence
jusqu'à cette heure et n'avez-vous pas voulu aller rapporter à
l'évêque Jean ce qui vous avait été dit et montré? Quelle sera
votre excuse auprès de Dieu, et quel pardon espérez-vous de
lui pour ce dédain, au jour du jugement? Ne voyez-vous point
la sécheresse extrême qui désole le monde et les tribulations
dont il est plein? Or, vous vous conduisez avec négligence. Ne
considérez-vous point qu'il y a, au désert, beaucoup d'hommes
plus saints et meilleurs que vous, que nous avons négligés parce
que c'est par vous que nous voulons parvenir à la connaissance
du monde? Car si nous avons voulu que vous quittassiez un
autre hameau pour devenir pasteur de celui-ci, c'est afin que
ces choses fussent découvertes par vous. Levez-vous donc et
allez dire à l'évêque de nous ouvrir la porte et de faire un lieu
de prière en cet endroit, afin que, par notre intercession, le
Seigneur ait pitié de son peuple». — A ces paroles, je répondis
tout tremblant: « Ce n'est point par négligence, seigneur, que j'ai
agi comme je l'ai fait, mais j'attendais que vous vous montrassiez
à moi une troisième fois. Mais à présent, sans attendre un jour
de plus, je vais exécuter tout ce que vous me direz». — Puis,
comme il se tenait devant moi, avec un air indigné, il me sembla
que je tombais dans une autre extase. J'étais à Jérusalem et en
présence de Jean, et je lui racontais toute ma vision. Il semblait
m'écouter, puis il me dit: «Mon cher ami, si les choses se sont
passées ainsi que vous le dites et si le Seigneur vous a fait
cette révélation, dans ce siècle où nous sommes, il faut que
j'aille prendre, dans ce domaine, ce grand boeuf de labour qui
peut aller aussi bien au chariot qu'à la charrue, ensuite je vous
abandonnereis le domaine avec tout le reste.» — Je lui répondis:
«Seigneur, que m'importe le domaine, si je n'ai point de boeuf
— L'évêque
qui me permette de le régir et de le labourer»?
me répondit: «Il me plaît qu'il en soit ainsi, mon cher ami,
parce que notre ville est administrée à l'aide de chariots, et le
grand boeuf, que vous dites caché dans votre domaine, fait
grand défaut à notre attelage. Il vaut mieux qu'il se trouve
dans notre important domaine que dans votre modeste propriété,
n'est-ce pas assez pour vous des deux autres petits boeufs que
je vous laisse pour labourer la terre de votre exploitation » ?
„VI. Ayant entendu cela dans mon extase, c'est-à-dire dans
— 58 —

mon transport, je m'éveillai incontinent, je bénis le Seigneur et


me rendis sur le champ à la ville, auprès de l'évêque Jean. Je
lui rapportai toute ma vision, mais je me tus sur ce qui avait
rapport au boeuf et attendis ce qu'il allait me répondre. J'avais
bien compris que ce grand boeuf n'était autre que saint Etienne
et que les chars dont il avait été question étaint les saintes
Eglises, tandis que le grand char était la première église même
de Sion. Or, comme le saint évêque pouvait me demander les
reliques du bienheureux Etienne, je ne voulus point à cause de
cela lui parler de ma vision du boeuf. En entendant ce récit,
l'évêque Jean se mit à fondre en larmes de joie et s'écria:
«Béni soit le Seigneur Dieu, fils du Dieu vivant! Si Dieu, ô
mon cher ami, vous a révélé tout ce que vous dites là et avez
entendu, je dois faire la translation des reliques du bienheureux
Etienne, premier martyr et archidiacre du Christ, de l'endroit
où il est, en cette ville. Il a le premier combattu les combats
du Seigneur contre les Juifs, et, sur la terre, il a aperçu, dans
le ciel, Jésus-Christ se tenant dans sa majesté pendant que lui-
même semblait comme un ange dans l'assemblée des hommes».
— Le saint évêque me dit donc: «Allez, faites des fouilles dans
le champ, et si vous trouvez quelque chose, faites m'en part».
Alors je lui dis: «J'ai parcouru le champ, et j'y ai vu, au milieu,
un tas de pierres de petite dimension, et je pense que c'est là
que se trouvent les corps». — Le papa (l'évêque) me repartit:
«Je vous l'ai déjà dit: Allez, faites des fouilles, et, si vous
trouvez quelque chose, demeurez pour garder l'endroit, puis
un diacre — Ayant ainsi
envoyez-moi pour me chercher».
parlé, il me congédia. Lorsque je fus arrivé au village, j'envoyai
des crieurs publics engager les habitants du lieu à se lever de
bonne heure et à fouiller le tumulus.
„VII. La même nuit, le seigneur Gamaliel apparut à un
moine nommé Miget, homme simple et innocent, sous les mêmes
traits qu'il m'était apparu à moi-même, et lui dit: « Allez, dites
au prêtre Lucien: Vous perdez vos peines à fouiller ce tumulus,
nous ne sommes plus là, mais nous avons été déposés dans
un autre lieu pendant qu'on pleurait sur nous à la ma-
nière des anciens, et qu'on élevait en cet endroit un tumulus
en témoignage du deuil célébré en notre honneur. Mais cherchez-
nous dans un autre endroit, du côté d'où souffle le vent de
Borée, à l'endroit appelé en syriaque Debatalia, ce qui veut dire
- 59 -

en grec âvôgwv âyaêoev, ou «des braves». — Dès l'aube, en me


levant pour le chant des hymnes, je trouvai ce moine en train
de prêcher à tous les fidèles. Quand les hymnes furent termi-
nées, je dis: «Allons à ce tumulus et faisons-y des fouilles». —
Alors on me dit: «Prenez donc connaissance auparavant de ce
que raconte le moine Miget». Je le fis venir et je lui demandai
quelle vision il avait eue. Il me dit tous les signes que j'avais
vus du seigneur Gamaliel et me raconta comment il avait vu
un champ situé au sud, où se trouvait un sépulcre comme
abandonné et tombant en ruine, dans lequel il avait aperçu
trois lits d'or dont un plus élevé que les deux autres, sur lequel
deux corps reposaient ensemble: l'un était celui d'un vieillard
et l'autre celui d'un jeune homme. Il n'y avait qu'un corps sur
chacun des deux autres lits. Or celui qui reposait sur le lit le
plus élevé me dit: «Allez dire au prêtre Lucien que c'est nous
qui avons été les propriétaires de ce fonds. Si vous voulez
trouver un saint, un juste, il est placé du côté de l'Orient». —
En entendant ces paroles de la bouche du moine, je glorifiai le
Seigneur d'avoir trouvé un second témoin de la révélation.
„VIII. Nous nous dirigeâmes donc vers le tumulus, mais
nos fouilles ne nous y firent rien découvrir; alors nous nous
rendîmes au tombeau que, la même nuit, notre moine avait vu
en songe, et après y avoir fait des fouilles, nous trouvâmes trois
cercueils, selon, ce qui m'était apparu sous la forme de cor-
beilles. Nous trouvâmes une pierre tombale sur laquelle on lisait
en trois grosses lettres: KEAYEA CELIEL, c'est-à-dire «servi-
teur de Dieu», et APAAN, DAPDAN, ce qui veut dire «Nico-
dème» et «Gamaliel». C'est la traduction que nous donna de
ces mots le papa Jean, ainsi que je l'ai appris de la bouche
même de ce saint évêque. Je m'empressai donc d'aller annoncer
la chose à l'évêque qui était alors à Lydda, qui n'est autre que
Diospolis, où il présidait un synode. Il prit avec lui deux autres
évêques: Eleuthère (Eustonius) de Sébaste et Eleuthère de Jéri-
cho, et tous trois se rendirent sur les lieux. Quand ils ouvrirent
le cercueil de saint Etienne, la terre trembla, et il se répandit
une odeur si douce et si suave que nul ne se souvient d'en
avoir senti une pareille ou d'avoir entendu dire qu'on éprouva
jamais rien de semblable, c'était au point que nous nous croyions
transportés dans un paradis de délices. Il y avait avec nous une
foule de gens dont plusieurs étaient atteints de différentes
— 60 —

maladies. A l'instant où ils sentirent cette douce odeur, il y en


eut soixante-treize qui recouvrèrent la santé. Chez d'autres,
les démons qui les possédaient furent chassés; là c'est une perte
de sang qui s'arrêta, ici ce furent des écrouelles et des furoncles
qui se trouvèrent guéris ; ceux-ci furent guéris d'une fistule, ceux-là
de fièvres tierces ou quartes. Les uns se sentirent délivrés de
la fièvre et d'autres de la jaunisse; ici c'est une céphalalgie
qui disparut, et là une migraine; plusieurs se trouvèrent guéris
de douleurs secrètes d'entrailles; enfin il se fit beaucoup d'autres
guérisons qu'il me serait trop long de rapporter en détail. Après
avoir baisé les saintes reliques, on referma le cerceuil, et on
porta celles de saint Etienne en chantant des psaumes et des
hymnes, à la sainte église de Sion où il avait été ordonné diacre.
On nous abandonna quelques parcelles des membres du saint.
Que dis-je, des parcelles? de très grandes reliques, de la terre
et de la poussière de l'endroit où toute la chair de son corps
s'était consumée, et on emporta le reste.
„IX. J'envoie donc de ces reliques à votre béatitude. Quand
vous les aurez reçues, priez pour mon humble personne, afin
que je sois trouvé digne aux yeux du Seigneur quand j'apparaîtrai
devant lui, appuyé sur les mérites du bienheureux martyr saint
Etienne et sur vos prières."
„La translation de ces reliques s'est faite le vingt-six de
Décembre. A cette époque régnait déjà depuis longtemps une
sécheresse désolante, mais à l'heure même de la translation, la
pluie tomba en abondance et abreuva la terre. Tout le monde
glorifiait le Seigneur à cause de son saint martyr Etienne, et à
cause du trésor céleste de grâce et de miséricorde que le Seigneur
Jésus-Christ daignait ouvrir au monde en péril, lui qui vit et règne
dans les siècles des siècles. Amen." — Fin du récit de Lucien.
Le passage de ce. « récit » qui traite du martyre de saint
Etienne prouve: qu'à l'époque de l'invention des reliques, en 415,
le théâtre de la lapidation n'était pas encore tombé en oubli,
et, qu'on savait encore très bien le lieu où le drame sanglant
avait joué. La tradition de cette époque montre le lieu de la
lapidation de saint Etienne à l'Est de la ville de Jérusalem, sur la
route du Cédar (Arabie), comme nous le démontrerons dans le
chapitre suivant où nous entrerons dans les détails du passage
en question.
Chapitre troisième.

Nouvelle interprétation d'un ancien texte.

Celui qui se donne la peine de collationner ie passage de


la « Recension latine A» du Récit de Lucien qui parle du lieu du
martyre du saint Protomartyr, soit avec le passage correspondant
du texte grec, soit avec celui de la traduction syriaque ou de
la «Recension latine B», y trouvera une divergence relative à la
description du théâtre du drame sanglant. Tandis que le texte
grec (réputé celui de l'original de Lucien), la traduction syriaque
et la traduction latine de la « Recension B » nous conduisent sur
le lieu traditionnel de ia lapidation de saint Etienne, dans la
vallée du Cédron, — la traduction latine de la « Recension A»
réclame, semb!e-t-il, le nord de Jérusalem pour lieu de cette
lapidation.
Le R. P. Siméon Vailhé, des Augustins de l'Assomption, a
crû utile de discuter cette question dans un article de la « Revue
de l'Orient chrétien» (Paris, 1907, p. 70—89) sous le litre «Les
églises Saint'Etienne à Jérusalem».
Nous y lisons (p. 82 sequ.):
„Nous avons examiné successivement tous les textes anciens
qui parlent soit de l'église Saint-Etienne du Nord, soit de l'église
Saint-Etienne de l'Est. De cet examen il ressort, je crois, que
le lieu de la lapidation et de la mort du premier diacre doit être
placé dans la vallée du Cédron (Josaphat). Cependant, il n'a
pas encore été parlé du document le plus ancien, la lettre du
prêtre Lucien, qui, en 415, découvrit les reliques de saint Etienne
et en rédigea aussitôt une relation très détaillée."
„Si cette lettre place manifestement le lieu de la lapidation
au Nord de Jérusalem, nous serons en présence de deux tradi-
- 62 -

tions contemporaines tout à fait inconciliables, mais en même


temps le sanctuaire des Pères Dominicains sera assis sur une
base très solide."
„C'est ce dernier point qu'en 1904, au cours d'une dis-
cussion, le R. P. Lagrange faisait ressortir avec beaucoup de
netteté et d'à-propos."
«Comment», disait-il, «peut-on alléguer une tradition
plaçant le lieu du martyre dans la vallée de Josaphat, quand
la relation du prêtre Lucien, reçue dans toute l'Eglise avec
tant de faveur, le met si nettement au Nord de la ville, dans
la plus ancienne recension? Ce seul texte suffirait à trancher
la controverse, et si nous nous sommes attardé à discuter
les autres, c'est parce qu'ils n'étaient pas sans intérêt pour
les détails du culte du saint. // faudra commencer par
s'attaquer à la relation de Lucien, quand on voudra ébranler
le sanctuaire de Saint-Etienne; or, il n'en est pas soufflé
mot (Revue biblique, 1904, p. 473)».
,,Dieu me garde de vouloir ébranler n'importe quel sanctu-
aire! C'est une entreprise laborieuse que seul Samson serait
capable de mener à bonne fin. Mais le R. P. Lagrange a par-
faitement raison. La discussion loyale des textes exige que l'on
examine le plus ancien; toute thèse qui le passerait sous silence,
serait par le fait même incomplète et mal établie."
„Le prêtre Lucien écrivit en grec le récit de l'invention des
reliques de saint Etienne, peu après cet événement survenu en
Décembre 415. Or, il y avait en ce moment-là dans la Ville
Sainte un prêtre portugais du diocèse de Braga, nommé Avitus,
qui traduisit en latin la circulaire grecque de Lucien et l'adressa
à son évêque avec une lettre accompagnant la traduction. La
lettre d'envoi et la traduction d'Avitus sont déjà mentionnées
par Gennadius de Marseille dans son catalogue De viris illustribus,
cap. XL, et la première reproduite dans la Patrologie latine de
Migne (t. XLI, col. 807—815)."
„La lettre grecque du prêtre Lucien n'a pas été éditée, du
moins à l'état de document distinct. Quand à la traduction
latine, d'Avitus ou d'autres écrivains, nous en possédons deux
recensions qui accusent entre elles des divergences assez nom-
breuses (Migne, P. L. t. XLI, col. 807—818). Pour n'en citer que
deux exemples fort significatifs, la recension communément dite
- 63 —

la seconde (B) nous apprend que Nicodème était neveu ou cousin


de Gamaliel — chose dont la première recension (A) ne parle pas;
— elle le fait
baptiser par «les apôtres Pierre et Jean», alors
que la première recension (A) se contente de dire qu'il a été
baptisé «par les disciples du Christ» (Migne, P. L. XLI, col. 809
et 810)."
..Quelle est celle de ces deux recensions qui reproduit le
mieux le texte de l'original de Lucien?"
.Jusqu'ici, après Tillemont (Mémoires pour servir à l'histoire
ecclésiastique des six premiers siècles, Paris, 1694, II, p. 505—508),
on pense que c'est la première. Et la principale raison qu'en
donne le savant critique, c'est que, déjà au VIIIe siècle, le Véné-
rable Bède cite comme étant de Lucien « un grand passage qui
se trouve mot à mot» dans la première recension."
,,Pour le même motif qu'invoque Tillemont, je me permets
d'émettre un avis contraire au sien. Si Bède, au VIIIe siècle
cite comme étant de Lucien un long passage de la première
recension, un auteur grec du VIe siècle, le prêtre Eustate de
Constantinople, reproduit également comme étant de Lucien un
long extrait, qui provient, sans doute possible, du même original
grec que la seconde recension latine. On y voit, en effet, que
Nicodème était neveu ou cousin de Gamaliel, que celui-ci fut
baptisé par les apôtres Pierre et Jean, que Nicodème fut battu
par les Juifs et mourut de ses blessures, que le plus jeune fils
de Gamaliel, Abib, fut baptisé par les mêmes apôtres Pierre et
Jean, toutes choses qui ne se lisent que dans la seconde recen-
sion latine et qui manquent dans la première. C'est le célèbre
passage que Photius, après une lecture rapide, attribuait au
prêtre Chrysippe; ce qui a dérouté tous les critiques à com-
mencer de Tillemont. Le prêtre Eustrate dit expressément:
« Narrantur ergo in Revelatione Luciano presbytero » (Revue de
l'Orient chrétien, 1905, p. 97-98)."
„Est-ce à dire que la seconde recension latine (B) repro-
duise tel quel le texte original et que la première (A) n'ait
aucune valeur, sauf dans les points, fort nombreux du reste, où
elle s'accorde avec la seconde (B)? Non, la conclusion serait
outrée, car la première nous a conservé aussi des traits qui
doivent être originaux; mais je crois que, dans l'ensemble, la
seconde recension (B) se rapproche davantage du texte grec
original de Lucien que la première (A).
— 64 —

„Ce n'est pas seulement les rapports très étroits entre la


seconde recension latine (B) et le texte du prêtre Eustrate, au
VIe siècle, qui me poussent à adopter cette conclusion. Land
{Anecdota syriaca, III; p. 76) a publié la traduction syriaque de
la lettre de Lucien, d'après un manuscrit du VIe ou du com-
mencement du VIIe siècle, et cette traduction correspond, pour
l'ensemble, au fragment d'Eustrate et au texte de la seconde
recension latine."
,,Ce n'est pas tout. M. Papadopoulos-Kérameus a publié le
texte grec, inédit jusque-là, de la lettre de Lucien d'après deux
manuscrits de Saint-Sabas (AvâXExxa 'iEgoooXvfMXLxîjç 2'xayyoloyîaç,
Saint-Pétersbourg, 1898, V. p. 28—40)."
„M. l'abbé Nau, croyant le texte inédit, en a donné une ana-
lyse très serrée (Revue de l'Orient chrétien, 1906, p. 203—212)
d'après plusieurs manuscrits grecs de la bibliothèque nationale,
à Paris, et il a fait la comparaison de ce texte grec avec la
traduction syriaque, sus-mentionnée. Il en conclut que le texte
grec est I'« original» de la version syriaque, qui est conservée
dans un manuscrit du VIe au VIIe siècle, et qui a été éditée par
M. Land (Revue de l'Orient chrétien, 1906, p. 214)."
„Puisque la traduction syriaque contenue dans un manuscrit
du VIe au VIIe siècle, se rapproche beaucoup plus de la seconde
recension latine (B) que de la première (A), il faut tirer la même
conclusion pour le texte grec, édité par M. Papadopoulos-Kéra-
meus et qui, d'après M. l'abbé Nau, est « l'original de la version
syriaque»."
„Ce point était, du reste, admis par le R. P. Lagrange, en
1900, lorsqu'il rendit compte des textes publiés par le savant
Grec."
«Quoique», disait-il, «le texte édité contienne certains
passages apparentés à la première recension, il n'est pas
douteux qu'il ne soit en substance le texte de la deuxième
recension latine, comme le prouvent des circonstances très
particulières ignorées du premier, par exemple le baptême
de Nicodème par Pierre et Jean, les mauvais traitements
qui auraient fait de lui presque un martyr, ces deux cir-
constances notées par Photius, et aussi la description du
lieu du martyre . . . (Revue biblique, 1900, p. 142—143)»."
„A force de déductions inattaquables, je pense, nous en
— 65 —

sommes arrivés à cette conclusion, que la seconde recension


latine (B) répond, dans l'ensemble:
,,1° au texte grec de Lucien, utilisé par le prêtre Eustrate
au VIe siècle.
„2° à la traduction syriaque, contenue dans un manuscrit
du VIe au VIIe siècle;
,,3° au texte grec, édité par M. Papadopoulos-Kérameus,
analysé par M. Nau et qui serait, d'après ce dernier, l'« original
de la version syriaque ».
„Dès lors nous ne voyons pas pourquoi la première re-
cension latine (A) serait préférable à la seconde (B), alors
que nous avons tant et de si bonnes raisons d'estimer da-
vantage la seconde que la première."
„Une autre conclusion me semble s'imposer également.
Si le texte grec de Lucien, publié par M. Papadopoulos-Kéra-
meus, est {'«original de la version syriaque» contenue déjà
dans un manuscrit du VIe au VIIe siècle, comme par ailleurs
il répond au texte de Lucien utilisé par le prêtre Eustrate
au VIe siècle, il a beaucoup de chances d'être le texte ori-
ginal même du prêtre Lucien. Pour ma part, je ne vois
aucune raison de lui refuser ce privilège. " — Ainsi le P. Vailhé.

Pendant que j'écrivais ces lignes, un de mes confrères du


Patriarcat Latin de Jérusalem, M. le Chanoine Jean Martha, ancien
Professeur du Séminaire, qui s'est occupé lui-aussi de notre
question, me présenta un manuscrit, daté du 2 Juillet 1909, conte-
nant le résultat de ses études relatives aux deux recensions en
litige, en m'autorisant à le publier.
Mon cher confrère écrit:
„ On connaît deux recensions de la « Lettre de Lucien » au
sujet de l'invention des reliques de saint Etienne: la recension
A et la recension B."
„ Il s'agit de savoir quelle est la meilleure."
„Tillemond, suivi par plusieurs critiques, préféra la pre-
mière (A). Les anciens documents cependant, que nous possé-
dons aujourd'hui, nous obligent de préférer la seconde (B)."
„ En effet, la recension A n'est représentée que par une
version latine, tandis que la recension B est représentée par

Saint Etienne.
Mommert, 5
- 66 —

une version latine, une version syriaque et par le texte grec


récemment à Saint "
publié Pétersbourg.
„ Puis, cette recension B a été reconnue non seulement par
le prêtre Eustrate, au VIe siècle, mais aussi par s. Augustin qui,
dans son Traité 120, sur l'Evangile de s. Jean, dit: « Intelligendum
est, ad Jesum, non tune solum, sed tune primum venisse Nico-
demum; venisse autem postea, ut fieret audiendo discipulus;
quod certe modo in revelatione corporis beatissimi Stephani fere
omnibus gentibus declaratur (Migne, P. L, t. 41, p. 807)."
„Or, comment s. Augustin a-t-il pu savoir que Nicodème
allait souvent trouver N.-Seigneur, si ce n'est par la recension
B où nous lisons: «Nicodemus ... qui noctu ad Salvatorem veni-
ebat, ut veritatis verba agnosceret et renasceretur per aquam et
Spiritum Sanctum (1. c. p. 810)»; — tandis que la recension A
nous apprend que Nicodème a été baptisé par les « disciples du
Christ» après une seule conversation avec Jésus: « Nicodemus ...
qui venit ad Salvatorem nocte et evangelizatus est ab eo, audiens:
Nisi quis renatus fuerit ex aqua et Spiritu Sancto, non potest
introire in regnum coelorum » Joh. III, 5). Et exiens baptizatus
est a Christi discipulis » (1. c. p. 810)."
„ Enfin, dans la IVe et Ve leçon de la fête de l'Invention de
s. Etienne (3 Août), nous lisons dans le Bréviaire romain:
„1° Que le corps de saint Etienne et de ses compagnons
resta longtemps dans un lieu obscure (diu in obscuro ac sordido
loco jacuerat);
„2° Que l'évêque Jean s'était rendu à Caphargamala, accom-
pagné non seulement par d'autres évêques, mais encore par les
« prêtres » (presbyteris " —
convocatis).
„ Ces circonstances qui manquent dans la recension A, ont
été empruntées aux passages suivants de la recension B:
«Vidi virum aetate senem . . . vultu décorum » (1. c. p. 810). —
« Quia locus, in quo jacemus, valde despectus est» (ib. p. 810). —
« Aderant enim tune in illo tempore episcopi, Joannes ... et Eusta-
tius ... Eleutheriusjerichontinus, cumomniclero» (1. c. p. 816)." —

Après ces considérations préliminaires nous entrons dans


les détails du passage capital de Lucien.
I. Le passage du « Récit de Lucien » qui traite du martyre
de saint Etienne porte, dans le texte grec, réputé par le P. Vailhé
— 67 —

« texte original » de Lucien, édité par M. Papadopoulos-Kérameus


(AvâXexxa 'hgoaoXvjxixixr\ç ZxayyoXoyiag, Saint-Pétersbourg^ 1898,
V, p. 32):
«'O ÔÈ avv èfxol XEifiEvoçavxâç « Celui qui repose avec moi est
êoxiv à xvgig 2xé<pavoç, ô Xv&ofio- le seigneur Etienne qui, ayant
hj&elç vnb xoev'Iovôaioev EV'IEQOV- été lapidé par les Juifs à Jéru-
oaXrj/i xal notrjaaç vv%&rifi£gov salem, resta un jour et une nuit
êggifiévoç EIÇ xà 'EÇoenvXa xrjç jeté « en dehors de la porte de
JIÔXECOÇ, oeç ênl xbv Krjôàg (uxEg- la ville» (sur la route où nous
yôfiEÔa,fif] -dantô/ievoç xaxà xtjv xé- passons) quand nous nous
Xevaiv rà>v xrjvixavxa àg^isgécov, rendons en « Cédar », sans
ôiaxaÇafiévcov,xaxafiQcoûfjvai avxbv sépulture, sur les ordres des
vnb xoev ogvêcov xal vnb xoev grands-prêtres de ce temps-là,
ûrjQioev». — qui avaient décrété qu'il servît
de pâture aux oiseaux et aux
bêtes sauvages». —
II. Le texte syriaque, traduit par M. l'Abbé Nau (Revue de
l'Orient chrétien, 1906, p. 206, note 6) dit:
« Il passa un jour et une nuit, gisant « en dehors de la ville »,
dans le chemin de Cédar, selon l'ordre des princes des prêtres...» —
III. Le texte latin de la «Recension B» (Migne, P. L. 41,
col. 810) porte:
« Qui autem jacet mecum, « Celui qui repose avec moi,
domnus Stephanus, qui a Ju- est le seigneur Etienne, qui a
daeis Jerosolimis lapidatus est, été lapidé par les Juifs à Jéru-
et die noctuque in «exapeleo» salem, et, qui resta étendu par
jacuit civitatis, in via euntibus terre un jour et une nuit « en
«Cedar», jussu impiorum sacer- dehors de la porte de la ville »,
dotum projectus, ut a bestiis et sur le chemin (où l'on passe)
avibus devoreretur ». — quand on se'rend en «Cédar»,
jeté là par ordre des prêtres
impies, afin qu'il servît de pâ-
ture aux bêtes sauvages et aux
oiseaux». —
* * *

IV. Le texte latin de la « Recension A » diffère des trois


autres textes que nons venons de reproduire par un détail qui
a produit des malentendus assez graves. Ce texte porte (Migne,
P. L. XLI, col. 810):

5*
— 68 —

« Et qui mecum est, in orien- « Celui qui est placé près de


tai parte monumenti jacens, moi, dans le tombeau du côté
ipse est domnus Stephanus, de l'Orient, est le seigneur
qui lapidatus est a Judaeis et Etienne, que les princes des
principibus sacerdotum in Jéru- prêtres et les Juifs ont lapidé
salem, pro Christi fide, «foris à Jérusalem, pour la foi du
portam », quae est ad aquilo- Christ, «hors de la porte», qui
nem, quae ducit «Cedar-»: ubi est du côté du nord qui con-
die ac nocte jacuit projectus, duit à «Cédar», où il demeura
ut sepulturae non daretur, se- un jour et une unit, étendu par
cundum mandatum impiorum terre, sans sépulture, afin de
principum, ut a feris consuma- devenir, selon l'ordre impie des
retur corpus ejus». — princes des prêtres, la proie des
bêtes sauvages » (Trad.du P. La-
grange, Saint Etienne, p. 45). —

Pour mettre d'accord le texte de la recension latine A avec


celui de la recension B, il faut supprimer deux ellipses laissées
ouvertes dans la recension A, et rectifier ce texte de la ma-
nière suivante:
« Et qui mecum est, in orien- « Celui qui est placé près de
tali parte monumenti jacens, moi dans le tombeau, du côté
ipse est domnus Stephanus, de l'orient, est le seigneur
qui lapidatus est a Judaeis et Etienne que les princes des
principibus sacerdotum in Jéru- prêtres et les Juifs ont lapidé
salem pro Christi fide, «foris à Jérusalem, pour la foi du
portam » (in platea) quae est Christ, « hors de la porte » (sur
ad aquilonem (viae), quae ducit le plateau) qui est du côté du
« Cedar ». — Nord (de la route) qui conduit
en « Cédar». —

Les savants qui se sont occupés de notre passage de Lu-


cien ont traduit les mots «in Jérusalem» (Jerosolymis, êv'Iegov-
oaXrjfj,) par les mots «à Jérusalem», voulant indiquer que la
lapidation eut lieu «en dehors de la ville».
Ils pensaient sans doute que Lucien, à cause des textes de
la loi juive qui prescrit la lapidation « en dehors du camp », et
à cause du texte de saint Luc (Actes, VII, 58) qui atteste que
- 69 —

saint Etienne a été lapidé, après avoir été entraîné « hors de la


ville», n'a pu dire que cette lapidation eut lieu «à l'intérieur»
de Jérusalem.
Par conséquent, les mots « in Jérusalem » de la Recension A,
et les mots « Jerosolymis » et «êv'lEgovoaXtj/u» de la Recension B
du Récit de Lucien, signifient tout simplement que la lapidation
de saint Etienne a eu lieu «à Jérusalem», bien entendu «en
dehors de la ville », et non point « à l'intérieur » de la Sainte Cité.
Le P. Lagrange désapprouve cette interprétation.
«Tel qu'il est, — dit-il (Revue de l'Orient chrétien, 1908,
p. 4) —, le texte grec affirme la lapidation dans la ville.
Pourque ce terme général (èv 'iEgovoaX^fx) pût s'entendre d'un
endroit hors des murs, il fallait le dire. Sans cela l'opposition
entre « êv 'lEgovaaXtjju » et « xà Eç~umvXaxrjç nôXsoeg» dépendant
de « ëggiué.voç » ne nous permettrait pas de soupçonner que
la lapidation a eu lieu hors des murs». —
Il n'y a cependant pas de doute que le P. Lagrange chi-
cane, et que cette chicane s'étend sur plusieurs termes de notre
passage de Lucien.
Quant au terme « Exopyla » ÇEÇwnvXa, exapeleum) introduit
par Lucien dans la topographie de la lapidation de saint Etienne,
le P. Lagrange écrit dans la Revue de l'Orient chrétien (1908, p. 2):
„Le R. P. Vailtré (Rev. de l'Orient chrétien, 1907, p. 70—89)
aurait pu insister davantage sur le sens de ces passages.
Si on s'en tient strictement au texte de la seconde recen-
sion (B), le lieu précis de la lapidation n'y est pas mentionné
directement. Saint Etienne est lapidé « à Jérusalem », puis
jeté aux «Exopyla». Admettons, si l'on veut, qu'on l'ait jeté
aux Exopyla les plus voisins du lieu de la lapidation, s'il
yen avait plusieurs; ces «Exopyla» qui sont, par définition,
« hors des portes » ne seraient toujours pas le lieu de la lapi-
dation."
„ Et que sont, en somme, ces «Exopyla»?" —
„ J'avais proposé «faubourg» (Rev. bibl., 1900, p. 143).
Sur quoi Clermont-Ganneau a fait remarquer: «J'inclinerais
à voir dans les êÇwnvXa. (Exopyla), non pas précisément le
«faubourg», mais la «voirie» de Jérusalem, les «tas d'or-
dures» situés en dehors des portes de la ville; les xôngia
sont, par définition, ê£oenvXa (Exopyla); le corps du supplicié
aurait été jeté (êggijuÉvog), en quelque sorte, aux « gémonies »
— 70 —

(Rev. bibl., 1900, p. 308). Et cela paraît bien, en effet, le


sens du texte. "
„ D'après le R. P. Vailhé (Revue de l'Orient chrétien,
1907, p. 37) les «ëÇoenvXa» (Exopyla) sont les «faubourgs»
de la ville, peut-être les «tas d'ordures» situés en dehors
des portes et qui devaient exister sur plusieurs points aux
alentours de Jérusalem »." —
„ Il fraudrait opter, et je reconnais maintenant que le
sens de M. Clermont-Ganneau est le seul qui explique bien
êggifiévoç."
„ Dans ce sens que je n'avais pas reconnu d'abord, il
faut encore plus nécessairement conclure à un enlèvement
du corps du lieu de la lapidation pour être jeté à la «voirie»,
car on ne peut pourtant pas admettre, et ce serait contraire
au texte de cette recension, que la lapidation a eu lieu sur
la voirie!"
„ Continuons l'analyse du texte."
„J'avais déjà noté ce qu'ont d'absurde les mots: «com-
me (quand) nous allons au Cédar», dans la bouche du défunt
Gamaliel. Le R. P. Vailhé ne voit là rien d'anormal — non
plus que M. Nau — et trouve que la version latine «a fort
bien rendu». Il faudrait dire «très largement» au point d'être
inexact. «èggijuévoç» devient «jacuit», et cependant rien n'em-
pêche de lui laisser son sens normal de «jeté, mis au rebut»;
«ânEgyôuEÛa» devient l'inoffensif «euntibus». M. Clermont-
Ganneau avait cependant appuyé ma remarque et dit tout
clair: «Les mots cbg êm xbv Ki]ôâg ânEgyojUE&a ont tout l'air
d'être une glose qu'on a ajouté au texte pour déterminer la
direction de ces è^wnvXa (1. c. p. 309)»." —
„ Cette tournure qui a échappé au remanieur n'est pas
pour recommander beaucoup le texte grec de la recension B."
„ Quant au texte syriaque, s'il suit B, il est évident qu'il
abrège, ayant omis la circonstance intermédiaire indispensable
de la projection du corps." —
Nous y répondons: Apparemment, le terme grec ë^oenvXa
(Exopyla) ne signifie pas autre chose que «en dehors de la
porte». La recension latine B de notre passage ne le traduit
pas. Elle reproduit le terme grec «Exopula» sous la forme latine
«exapeleum». Le texte syriaque, au contraire, le traduit, d'après
M. l'Abbé Nau, par «en dehors de la porte», et, quant à la
- 71 -

recension latine A, elle le traduit, elle aussi, par «foris portam»,


c'est-à-dire, «en dehors de la porte».
Rien ne nous oblige d'y voir: faubourg, voirie, tas d'bor-
dures, gémonies. Notre texte dit tout simplement « en dehors de
la porte» de la ville.
Il y a plus.
On sait que ce fut «en dehors du camp» que, selon la loi
juive, la lapidation devait avoir lieu, et, que saint Etienne, lui
aussi, d'après les Actes des Apôtres (VII, 58) a été entraîné
«hors de la ville», pour être lapidé par les Juifs: «Kal èxfiaXôvxsç
è't-oe xrjç nôXsoeç, êXi&ofiôXovv » (L'ayant entraîné hors de la ville,
ils le tuèrent à coups de pierre). Gamaliel ne pouvait donc pas
dire, dans le récit de Lucien, que: saint Etienne fut « jeté (ê^^t-
jnévoç) hors de la ville», après avoir été lapidé quelque part
«à l'intérieur» de Jérusalem, — mais: qu'on lapida le saint,
«après l'avoir entraîné hors de la ville».
Apparemment, le passage du récit de Lucien qui parle du
martyre de saint Etienne, n'est qu'une paraphrase du passage
correspondant des Actes des Apôtres. Il est donc certain que
l'action indiquée par « êggi/LiévoçEÎÇxà êÇoenvXa xrjç nôXsoeg» (jeté
« hors de la porte » de la ville) précéda la lapidation de saint
Etienne mentionnée par le terme h&ofioXrj&etç(tué à coups de pierres).
Sous de telles enseignes on comprend comment, dans les
versions latines des deux recensions A et B du récit de Lucien,
le terme êggi/uévog a pu devenir «jacuit».
En effet, nous y lisons:
A. « Stephanus, qui lapidatus A. «Etienne que... les Juifs ont
est a Judaeis ... in Jérusalem,... lapidé à Jérusalem ... « en de-
« foris portam », (in platea) quae hors de la porte», (sur le pla-
est « ad aquilonem » (viae), quae teau) qui se trouve au « nord »
ducit « Cedar », ubi die ac nocte (de la route) qui conduit en
«jacuit». « Cédar », où il demeura un jour
et une nuit étendu par terre».
B. « Stephanus, qui a Judaeis B. « Etienne, qui a été lapidé
« Jerosolymis » lapidatus est, et par les Juifs « à Jérusalem », de-
die noctuque in «exapeleo» ja- meura un jour et une unit en
cuit civitatis, in via euntibus « dehors de la porte » de la
«Cedar». ville, étendu par terre, sur le
chemin (où on passe) quand on
se rend en «Cédar».
— 72 —

Pour celui qui cherche la lumière sans chicane, ni le terme


d'«Exopyla» (foris portam), ni celui de «errimenos» (èggi/xhog =
jacuit) ne présente de difficulté de suivre la tradition qui
montre le lieu de la lapidation de saint Etienne dans la vallée
du Cédron.

Une autre difficulté qui s'opposerait à la tradition de l'Est,


en parlant en faveur de celle du Nord, se trouverait, selon le
P. Lagrange, dans le terme de «Cédar», introduit par Lucien
dans la topographie du lieu de la lapidation.
„Le R. P. Vailhé, — écrit-il (dans la Revue de l'Orient
chrétien [1908, p. 2]) — nous fait du moins la grâce de ne
point traduire Cédar par Cédron, comme avait rendu M. Nau,
sans paraître même soupçonner que la chose n'allait pas de
soi. «On serait bien tenté de lire «Cédron», et, dès lors,
toute difficulté disparaît. Plusieurs l'ont fait sans scrupule,
mais je ne crois pas qu'on puisse interprêter ainsi pour le
moment, puisque tous les textes portent Cédar. Disons plutôt
que c'est le «nom», peut-être estropié, de quelque point des
environs immédiats de Jérusalem, non encore retrouvé»." —
„Nous ne supposerions pas volontiers avec Clermont-
Ganneau et le R. P. Vailhé que Cédar est le nom estropié
de quelque point des environs immédiats de Jérusalem.
D'ailleurs la position prise par le R. P. Vailhé nous dispense
d'insister sur Cédar." —
Deux ans plus tard (Janvier 1910) le P. Lagrange revient
sur cette question de Cédar.
Pour répondre à la brochure anonyme (du P. Nunzio, O.
F. M.) « Il luogo del martirio di s. Stefano e le sue chiese in
Gerusalemme», citée déjà plus haut, il en écrivit une de autre
brochure (9 pages in 8°), sous le titre «Le sanctuaire de la
lapidation de saint Etienne». Nous y lisons (p. 2—3):
„L'auteur anonyme soutient que «Cédar était à l'Est».
... II cite, il est vrai, saint Jérôme: «nous sommes informés
par saint Jérôme que jusqu'à son temps les habitants de
«Cédar» infestaient la route de Jéricho» (p. 17 note 3)."
„Je suis obligé de répondre que ni dans le texte, ni dans
le contexte, il n'est question des «habitants de Cédar». J'at-
tends donc un autre texte."
— 73 —

„Je dis seulement, à titre d'élément intéressant, que


beaucoup d'auteurs du moyen-âge ont placé un «Cédar» au
niveau du lac de Tibériade, ou plus au nord vers le lac de
Phiala. D'où venait cette tradition? Je l'ignore, mais elle
explique peut-être la variante «ad Cédar». Car ce n'est qu'une
«variante»."
„M. l'Abbé Nau, d'après ses premières études, inclinait
à placer à l'Est le lieu de la lapidation. Très loyalement il
poursuivit l'examen de la question et trouva, à la biblio-
thèque nationale de Paris (sur treize manuscrits qui portent
«Cédar») trois manuscrits qui portent «ad Caesaream»
(Revue de l'Orient chrétien, 1907, p. 444)."—
„Pour ma part, je ne doute pas que «ad Caesaream»
ne soit la «vraie leçon»; elle a été remplacée par un vo-
cable biblique, peut-être parce que le copiste ne savait pas
que de la porte du Nord partait la route conduisant à
Césarée, située à l'Ouest plutôt qu'au Nord." — Ainsi le
P, Lagrange.

Nous ne pouvons pas partager cette opinion, pour plusieurs


raisons que nous indiquerons tout de suite.
A. En sa qualité de Professeur et de Directeur d'une Ecole
biblique, le P. Lagrange savait que « Cédar» est un nom biblique,
employé par le Psalmiste (119, 5), par l'auteur du Cantique des
Cantiques (1,5), par Isaïe (21,16; 42,11; 60,7), par Jérémie
(2, 10; 49, 28), par Ezéchiel (27, 21) etc pour désigner le
«pays à l'Est de la Palestine», l'Arabie, la Pérée.
Puis, il savait qu'au IVe et Ve siècle encore, le nom biblique
de «Cédar» était en vogue dans la bouche et dans les ouvrages
des savants de la Palestine, pour désigner l'Arabie. Et s'il avait
consulté l'Onomastiçon Eusebii-Hieronymi (éd. Larsow et Parthey,
1862, p. 259), il aurait trouve:
«Cedar, in Ezéchiel: principes Cedar; sed et Isaïas et
Jeremias: in visione Arabiae hujus vocabuli recordatur.
Est autem regio in eremo Saracenorum, a filio Ismaëlis
Cedar ita cognominata».
Saint Jérôme (dans ses Commentaires «in Isaïam, in Jere-
miam», etc.) parle à différentes reprises de «Cédar» et des
«habitants de Cédar». Il interprête (In Isaïam, lib. V, cap. XXI,
— 74 —

13) le passage du prophète où celui-ci dit: «auferetur omnis


gloria Cedar» . . . surgite et ascendite ad Cedar, et vastate
«filios orientis». — Puis il décrit le
pays en question, disant
(In Isaïam, lib. XVII, cap. 60, vers. 6—7): «Cedar regio Sarra-
cenorum est, quae in Scriptura vocantur Ismaëlitae » (Cédar est
le pays des Sarrasins, des Ismaélites de l'Ecriture sainte).
Plus bas (In Jeremiam, lib. I, cap. II, 10) saint Jérôme revient
sur cette interprétation en disant: «Cedar regio est solitudinis
et Ismaëlitarum, quos nunc Saracenos vocant» (Cédar est la
contrée du désert, habité par les Ismaélites, qu'aujourd'hui on
appelle Sarrasins).
Le pays de «Cédar», c'est-à-dire le «pays au delà du Jour-
dain», était riche en troupeaux, et, c'est la que les Juifs se
fournissaient les bêtes nécessaires pour les sacrifices du Temple
de Jérusalem. Le prophète Isaïe y fait allusion lorsqu'il écrit
(60, 7): «omne pecus Cedar congregabitur ibi».
Il y avait donc, apparemment, une route du Cédar qui con-
duisait de Jérusalem dans la Pérée, route qui devait passer par
Jéricho et le célèbre gué du Jourdain.
Or, après avoir dit (In jerem., lib. I, cap. II) : « Cedar regio
est solitudinis et Ismaëlitarum, quos nunc Sarracenos vocant»,
saint Jérôme ajoute (1. c. cap. III, 2) en comparant le peuple juif
avec un «voleur de grande route»: „Pro latrone sive cornice,
in Hebraeo scriptum est «Arabe», quod potest «Arabas» signi-
ficare: quae gens latrociniis dedita, usque hodie incursat terminos
Palestinae et descendentibus de Jérusalem in Jéricho obsidet
vias;" — c'est-à-dire: „Le texte hébreu rend «brigand» ou «vo-
leur» par «Arabe», ce qui peut signifier les «Arabes», gens
adonnés au brigandage qui jusqu'à nos jours, font des irruptions
en Palestine, et infestent la route de Jéricho." —
Saint Jérôme identifie donc, comme le prouvent les passages
que je viens de citer: les «habitants de Cédar», les Ismaélites,
les Sarrasins, et les «Arabes». Le terme «habitants de Cédar»,
ne se trouve pas, il est vrai, dans le texte du passage de saint
Jérôme en question, qui ne porte que le terme «Arabe»; —
mais il se trouve dans le contexte où saint Jérôme identifie les
«Arabes» avec les «habitants de Cédar».
En face de cette longue série de textes, familiers sans doute
au P. Lagrange, on admire l'applomb avec lequel, dans sa
— 75 -

brochure de l'an 1910, il déclare ex cathedra: «Je suis obligé de


répondre que ni dans le texte, ni dans le contexte, il n'est question
des habitants de Cédar». —

B. Celui qui a introduit le nom biblique de «Cédar» dans


le Récit de Lucien est «Gamaliel», professeur et directeur d'une
Ecole biblique fort célèbre, du temps de M.-Seigneur, fréquentée,
comme nous le savons, entre autres par l'Apôtre saint Paul.
On ne s'étonnera donc point de trouver ce nom biblique
dans le Récit de Lucien qui, lui-aussi, en sa qualité de prêtre
du diocèse de Jérusalem, était familier avec la topographie
biblique de son temps. C'est pourquoi le P. Lagrange se trompe
encore, s'il dit que la leçon « ad Caesaream » est la vraie leçon
du passage, et, qu'au moyen-âge seulement, elle a été remplacée
par le mot biblique de Cédar. En sa qualité de Professeur et
de Directeur d'une Ecole biblique, il savait que les «variantes»
d'un texte sont toujours postérieurs à la «vraie leçon». Il savait
que l'original de la « lettre de Lucien » relative à l'invention des
reliques de saint Etienne, a été rédigé en grec, et que le texte
latin ne représente qu'une traduction de cet original. Il savait
que la traduction d'un ouvrage est toujours postérieure à
l'original: Or, le texte grec de la «lettre de Lucien» porte,
dans tous les manuscrits, sans exception, la leçon «Cédar»
(Ki]ôâg).
Il y a plus. Dans la Revue biblique (1904, p. 473), le P. La-
grange déclare: que la «recension latine A» de la lettre de
lucien est la plus ancienne recension de cet ouvrage, et, il ajoute:
«Ce seul texte suffirait à trancher la question».
Or, cette recension latine A porte la leçon «Cedar».
Enfin, en 1908 encore, le P. Lagrange admit, dans sa Revue
biblique (p. 415), la thèse du P. Vailhé: «On serait bien tenté de
lire «Cédron» . . . mais je ne crois pas qu'on puisse interprêter
ainsi . .. puisque tous les textes portent «Cédar».
En effet, la leçon «ad Caesaream» ne se trouve que dans
trois manuscrits latins de la bibliothèque nationale de Paris, sur
«seize» dont se compose la collection, tandis que «treize» por-
tent la leçon «Cédar».
- 76 -

Il n'y a donc pas de doute que le vocable biblique «Cédar»


est la vraie leçon, dont la leçon « ad Caesaream » ne représente
qu'une «variante».

A titre d'élément intéressant je crois devoir ajouter ce


qui suit.
D'après une étude inédite de mon confrère M. le Chanoine
Jean Martha, ancien professeur du Séminaire patriarcal de Jé-
rusalem, qu'il a eu l'obligeance de mettre à ma disposition, le
vocable Krjôdg (Cedar) est un mot syriaque employé pour
indiquer la plaine du Jourdain nommée jadis par les Juifs «Kikkar»
qui veut dire «lieu circonvoisin». Ce mot se trouve sous la
forme de «Hdar» ou «Hidar» dans la version syriaque du
Nouveau Testament (Matth. III, 5; Luc. III, 3), et, comme la lettre
«H» (Het) peut être représentée en grec par y ou x, le prêtre
Lucien pouvait rendre le mot syriaque «Hidar» parle mot grec
Xrjôdg ou Krjôâg (Cédar), désignant toujours le «lieu circon-
voisin» ou la «plaine du Jourdain».
Le R. P. Abel, des FF. Prêcheurs, collègue du P. Lagrange,
professe la même opinion en écrivant (Revue biblique, 1910, p. 110) :
„Lot . . . préféra les oasis verdoyantes de la «plaine
du Jourdain». Cette contrée, — ce «l\ikkar», comme on
disait alors, — l'attirait: elle était, jusqu'à Zoar, irrigée
comme le paradis . . . Lot habita donc les villes du «t\ik-
kar» ... Le «/(ikkar» comme le Ghor paraît avoir com-
pris la basse vallée du Jourdain et le pourtour de la mer
Morte." —
Vu ces détails, on comprendra que, pour se rendre de Jé-
rusalem en «Cédar», c'est-à-dire dans la «plaine du Jourdain»,
ou en «Arabie» au delà du Jourdain, il fallait prendre la «route
de l'Est» qui descendait de la ville dans la vallée du Cédron,
et non point la route de l'Ouest ou du Nord par où on se
rendait à Naplouse ou à «Césarée».

Une autre difficulté, soulevée par les partisans de la


lapidation du saint Protomartyr au Nord, consiste dans la
leçon «foris poitam, quae est ad aquilonem» de la Recension
latine A.
- 77 —

Dans un article, publié dans la Revue de l'Orient chrétien


(1908, p. 3) le P. Lagrange écrit:
„I1 faut maintenant comparer le texte grec de la recen-
sion B avec le texte latin de la recension A."
„La comparaison du R. P. Vailhé est très sommaire:
« Les mots décisifs « foris portam, quae est ad aquilonem »
manquent dans la traduction syriaque et dans l'original grec
que nous regardons comme le texte de Lucien; jusqu'à plus
ample informé, nous les tenons pour une addition postérieure»
(Revue de l'Orient chrétien, 1907, p. 88)."
„En réalité les deux textes diffèrent beaucoup plus.
D'après le texte latin (A) saint Etienne, lapidé «hors de la
porte du nord » qui mène à Cédar, est demeuré là, aban-
donné, sans sépulture; d'après le texte grec, saint Etienne,
lapidé à Jérusalem, a été jeté sur la «voirie» extérieure,
comme (quand) nous allons au Cédar."
„C'est entre ces deux recensions qu'il faut choisir."
„Mais peut-être le R. P. Vailhé s'étonne et m'a déjà
répondu: «Vous ne croyez donc pas que la recension latine,
elle aussi, dit que saint Etienne a été lapidé hors de la
ville»? — Précisément, mais la remarque prouve, simple-
ment, que l'incise relative à la porte est indispensable à
l'intelligence des faits. Tel qu'il est, le texte grec affirme
ta lapidation «dans la ville». Pourque ce terme généra!
pût s'entendre d'un endroit «hors des murs» il fallait le
dire. Sans cela l'opposition entre «êv 'IsgovauX^u» et «xà
ÈÇwnvXa xfjg nôXEoeg» dépendant de « êggijuÉvog», ne nous per-
mettrait pas de soupçonner que la lapidation a eu lieu hors
des murs."
„I1 y a plus, et nous avons de l'omission une preuve
tout à fait décisive, M. Clermont-Ganneau regardait comme
une glose les mots «comme (quand) nous allons au Cédar».
Cependant ils se trouvaient aussi dans la Ie recension, où
ils ne font pas l'effet d'une glose: «la porte du nord, qui
conduit à Cédar», cela s'entend très bien. D'où vient donc
qu'ils ne se ratachent à rien dans la seconde recension?
C'est précisément parce qu'elle ne parle pas de la porte,
mais de la voirie."
„Même avec l'incurie moderne, on ne voit pas de débris
ou de fumiers précisément en droit de la porte; on ne dit
— 78 —

pas officiellement de la voirie que ce soit le chemin de tel


endroit. Tout est parfaitement clair dans notre texte si l'on
reconnaît que la mention précise de la porte a été rem-
placée par la mention pathétique de la voirie. On ne pouvait
plus dire: la voirie qui conduit à Cédar; et cependant, pour
conserver ce détail, on a dit: comme quand nous allons au
Cédar. Paroles qui ne sont pas seulement déplacées dans la
bouche de feu Gamaliel, mais qui ne conviennent pas même
au prêtre Lucien qui parle de Jérusalem comme de la grande
ville où il est étranger."
„Les particularités de «B», dans le texte qui nous im-
porte, sont précisément celles de cette recension en général.
Omission d'un détail précis, remplacé par un trait sensa-
tionnel, maladresse dans la soudure, négligence de détails
précis de l'histoire, abondance de détails impressionnants et
merveilleux, tout ce qui recommande la recension B à des au-
diteurs bénévoles, lui donne aux yeux des critiques une sorte
de mauvais aloi. Nous avons donc le devoir de nous en tenir,
sur le point précis de la lapidation de saint Etienne, au ren-
seignement topographique de la relation authentique relatif
à la porte du Nord, laissant pour ce qu'il vaut le renseigne-
ment émouvant de la «voirie», dû à la relation légendaire." —

On comprend l'embarras de certaines personnes en face du


texte grec qui, sans aucun doute, représente l'«original» de la
lettre de Lucien, et qui, malheureusement, ne se prête point à
la prétendue tradition du nord. C'est pourquoi le P. Lagrange
cherche à se débarrasser de ce texte.
Comment s'y prend-il?
a) D'abord il prétend que «d'après le texte grec, saint
Etienne, lapidé à Jérusalem, a été jeté sur la voirie extérieure»,
en présumant que ce texte indique la lapidation «à l'intérieur»
de la ville. Un seul coup d'oeil, sur le passage grec en question,
montre que le P. Lagrange se trompe.
Déjà plus haut, nous avons démontré que le terme «èv
'hgovoaXrjfi» de ce texte, aussi bien que le terme «in Jérusalem»
de la recension latine A, indique la lapidation «à Jérusalem »,
bien entendu: «à l'extérieur» de la ville.
b) Quant à la «voirie», imputée, par erreur, au texte grec,
— 79 -

c'est un terme qui ne s'y trouve point du tout, et, que les par-
tisans de la tradition du nord aiment à substituer à la phrase
grecque «slg xà èç~dmvXa xfjg nôXsoeg» que la traduction latine A
rend, avec beaucoup de justesse, par le terme «extra portam»
(hors de la porte). Le P. Lagrange se trompe donc lorsqu'il
dit que la seconde recension (B) «ne parle pas de la porte, mais
de la voirie».
c) Quant au passage de notre auteur qui impute au texte
grec un «malentendu» de la part de Gamaliel ou du prêtre
Lucien qui «parle de Jérusalem comme de la grande ville où
il est étranger», — le lecteur lui — même jugera de la force
de cet argument.
d) La déclaration du P. Lagrange: que la recension latine A
du Récit de Lucien qui contient la glose «quae est ad aqui-
lonem» représente la «recension authentique» ne nous paraît
pas juste.
Apparemment notre auteur a-t-il oublié qu'en 1894, dans
sa brochure «Saint Etienne etc.» (p. 55), il a admis: que «le
prêtre Avitus (rédacteur de la recension latine A), réfugié en
Palestine, a traduit «du grec» en latin la lettre de Lucien».
Le P. Lagrange reconnaît donc la priorité du texte grec.
Et, si le texte grec représente Y«original» de la «lettre de Lu-
cien», comme le P. Vailhé l'avait soutenu, en 1907, c'est au
texte grec que conviendrait, non pas la qualification de «relation
légendaire», mais bien celle de «relation authentique».
Les mots «quae est ad aquilonem» de la recension latine A
ne constituent, selon le P. Vailhé (Revue de l'Orient chrétien,
1907, p. 88), qu'une «addition postérieure» (glose). Cette «addi-
tion» s'explique cependant par le site du lieu de la lapidation
de saint Etienne que la tradition montre dans la vallée du Cé-
dron, — et, qui, en effet, se trouve: «en dehors de la porte»
(foris portam), sur un «plateau» de rocher, «au nord» de la
route du «Cédar».
Le texte de la «recension latine A», ainsi conçu, s'accorde
donc fort bien avec le texte de l'original grec et avec toutes
les traductions connues jusqu'à présent; et, il y a plus: elle
s'accorde avec le site traditionnel du lieu de la lapidation de
saint Etienne à l'Est de Jérusalem, dans la vallée du Cédron.
— 80 —

Dans sa Revue biblique (1904, p. 473) le P. Lagrange déclare


avec beaucoup d'applomb:
„Comment peut-on alléguer une tradition plaçant le lieu
du martyre dans la vallée de Josaphat (Cédron), quand la
relation du prêtre Lucien, reçue dans toute l'Eglise avec tant
de faveur, le met si nettement au Nord de la yille, dans la
plus ancienne recension? Ce seul texte suffirait à trancher
la controverse ... Il faudra commencer par s'attaquer à la
relation de Lucien, quand on voudra ébranler le sanctuaire
de saint Etienne; or, il n'en est pas souflé mot." —
Dans ces paroles, le P. Lagrange admet gracieusement que
le « seul texte de Lucien suffit pour trancher la controverse. »
Nous sommes de la même opinion, et nous le sommes pour
les mêmes raisons.
Le P. Lagrange préfère la «recension latine A», c'est son
affaire à lui. Mais cette recension bien considérée et bien com-
prise, elle-aussi ne dit pas: que le lieu de la lapidation de saint
Etienne se trouvait au «nord» de Jérusalem.
On voit donc: qu'aussitôt qu'on commence à s'attaquer à
la relation de Lucien, le sanctuaire deSaint-Etienne des FF.Prêcheurs,
au nord de Jérusalem, commence à s'ébranler, même sans l'inter-
vention du « Samson » exigé pour cette oeuvre par le P. Vailhé,
dans son article cité plus haut.
Quoiqu'il en soit: le Récit de Lucien affirme le résultat
de nos études au sujet du «lieu de la lapidation de saint
Etienne» qui nous ont entretenu plus haut (chap. I); elle
affirme l'authenticité du lieu de la lapidation vénéré « ab an-
tiquo», par les chrétiens de tous les rites: sur le banc de
rocher dans la vallée du Cédron; elle désavoue l'opinion des
« Occidentaux » qui cherchent le lieu de la lapidation au
« nord » de Jérusalem.

Thèses.
I. Le texte grec de la Lettre de Lucien représente le
texte de l'original de cet auteur.
II. Les mots « foris portam » de la recension latine A, ne
sont que la traduction du terme grec «Exopyla» (hors de la
porte).
— 81 —

III. Les mots «quae est ad aquilonem» de la recension


latine A constituent une « addition » postérieure.
IV. Le nom de «Cédar» désigne l'« Arabie», y comprise
la plaine du Jourdain.
V. L'opinion qui cherche le lieu de la lapidation au Nord
de Jérusalem est basée sur un « malentendu » des mots « foris
portam quae est ad aquilonem».

Saint-Etienne.
Mommert,
Chapitre quatrième.

La dispersion des reliques du Protomartyr dans


le monde romain.
Le Récit de Lucien relatif à l'invention des reliques de saint
Etienne fut couronné d'un succès des plus éclatants.
„ Aussitôt — dit le P. Lagrange (Saint Etienne etc., p. 54) —
la prodigieuse nouvelle se répand dans tout le monde romain.
En Afrique, saint Augustin l'accueille avec faveur. Dans son
traité sur saint Jean (102e traité), il y fait allusion:
« On doit entendre que ce ne fut pas la seule fois que
Nicodème vint à Jésus, mais la première; il y vint plus tard
pour l'écouter et se faire son disciple, ce qui vient d'être
révélé avec certitude à presque toutes les nations par l'in-
vention du corps du bienheureux Etienne»."
,,Le prêtre Avitus, réfugié en Palestine, traduit du grec en
latin la lettre de Lucien et la transmet par l'Espagnol Orosius
à Palchonius, évêque de Braga. "
„Genade de Marseille mentionne cette lettre dans son
catalogue des écrivains: « Lucien, prêtre et saint, auquel Dieu
a révélé, du temps d'Honorius et de Théodose, Augustes, le
lieu du sépulcre et les restes du corps de Saint Etienne, pre-
mier martyr; a écrit cette révélation même aux membres de
toutes les Eglises»."
„Le prêtre Sévère écrit une lettre circulaire sur les miracles
opérés par ces reliques dans l'île de Minorque pour la conver-
sion des Juifs. En Italie, la chronique du comte Marcellin, presque
contemporain (la chronique finit en 534), témoigne de la croyance
confirmée le "
générale, par siège apostolique.
„ Basile de Séleucie, en Isaurie (lisez: Florence de Jérusalem),
— 83 —

se félicitait de vivre dans le temps de cette manifestation glo-


rieuse du saint martyr. Il place l'invention sous l'évêque Jean
P. Gr. "
(Sermon XLI, Migne, 85, p. 463). *)
„ Faut-il ajouter au témoignage des hommes d'Eglise celui
de la cour impériale? Il n'a pas assurément de valeur canonique,
mais il n'est pas sans poids. On connaît la passion théologique
des princes, plus enclins à imposer leurs avis aux évèques qu'à
recevoir leurs décisions. Théodose le jeune, Pulchérie et Eudocie
sont d'accord pour vénérer les reliques de saint Etienne.
L'Occident demande à les partager (Marcellin, Migne, P. L. LI,
" — Ainsi le P.
p. 926). Lagrange.
Partout, en Orient et en Occident, on s'empressa d'ériger
des églises en l'honneur du saint Protomartyr, ce qui eut pour
conséquence funeste la dispersion de ses reliques dans toutes
les provinces de l'empire romain.
En 398, un concile de Carthage avait décrété que les autels
en l'honneur des saints martyrs ne pouvaient être érigés que
sur les lieux où reposaient leurs reliques, ainsi qu'aux endroits
où ils ont vécu, où ils ont souffert, et aussi aux lieux qui
étaient en leur possession durant leur vie (Conc. Carth. IV.
anno 398, can. 14).
Voici le passage décisif de ce concile, d'après l'édition de
Labbe (Sacrosancta Concilia, Paris, 1671, tome II, col. 1217):
„ XIV. Item placuit, ut altaria, „XIV. De même nous décré-
quae passim per agros aut vias tons que les évêques des lieux
tamquam memoriae martyrum où se trouvent des autels érigés,
constituuntur, in quibus nullum çà et là dans les champs ou
corpus aut reliquiae martyrum lelong des chemins, comme
conditae probantur, ab epis- «sanctuaires de martyrs», sans
copis, qui locis eisdem praesunt, que s'y trouvent les corps ou
si fieri potest, evertantur . . . des reliques de ces martyrs,
Et omnino nulla memoria mar- les fassent détruire, si cela peut
tyrum probabiliter acceptetur, se faire ... Et, qu'on n'approuve
nisi aut ibi corpus aut aliquae d'ordinaire que les « martyres »
certae reliquiae sint, aut ibi élevés dans les lieux qui gardent
origo alicujus habitationis, vel leurs corps ou quelques reliques

*) Le Sermon en question, attribué par Combefis à Basile de Séleucie,


est, comme nous le montrerons plus loin (Chap. VIe), du prêtre Florence de
Jérusalem, témoin de l'invention des reliques en 415. L'auteur.
84

possessionis, vel passionîs fide- certaines, ou dans les lieux qui


lissima origine traditur. " — ont été leurs demeures, ou leur
possession, ou les témoins de
leurs souffrances." —
L'authenticité de ce «Canon» est discutée; mails il est cer-
tainement un témoin de l'ancienne discipline qui était, très pro-
bablement, générale. Le nombre des églises ou des autels érigés
en l'honneur d'un saint martyr égala donc, à peu près, le nombre
des parcelles de ses reliques.

La distribution des reliques de saint Etienne se fit tantôt


ouvertement, tantôt en secret.
Quant à ce dernier mode, la lettre d'Avitus qui accompagna
l'envoi des premières reliques du saint en Occident, en parle en
des termes assez intelligibles. Nous y lisons (Epist. Aviti ad
Palchonium de reliquiis sancti Stephani, Migne, P. L. 41, col. 806):
„ Beatissimo dilectissimoque „Le prêtre Avitus salue l'évê-
semper in Domino papae Pal- que Palchonius et tout le clergé
chonio, atque universo clero et et les fidèles de l'Eglise de
plebi Ecclesiae Bracharensis, Braga ... Je me suis empressé
Avitus presbyter, salutem in d'« acquérir» du prêtre, auquel
Domino aeternam ... promptus (le tombeau de saint Etienne)
fui de presbytero cui revelatum avait été révélé, quelques par-
fuerat, partem aliquam inventi celles du corps trouvé, et je me
corporis «promereri», quam suis hâté de vous les envoyer,
festinato expetitam «secretoque après les avoir demandées avec
perceptam » ad vos dirigere non empressement et reçues «en
distuli." — secret». —

Une autre manière assez charactéristique de se procurer des


reliques du saint martyr était leur enlèvement par ruse.
Un ancien « Récit de la translation du corps de saint Etienne
de Jérusalem à la ville de Byzance», rédigé en langue grecque
et traduit en latin, par Anastasius, sous le titre «Scriptura de
translatione sancti Stephani de Jérusalem in urbem Byzantium »
(Migne, P. L. XLI, col. 817—822), nous parle d'un enlèvement de
cette sorte. La traduction latine, quoique fort ancienne, offre
plusieurs inexactitudes. Nous préferons donc de traduire l'original
— 85 -

grec, publié par M. Papadopoulos-Kérameus dans ses «AvâXsxxa


iEgoaoXvfiixixfjg ZxayvoXoyiag» (Saint-Pétersbourg, 1898, p. 39—46).
Voici notre traduction (1. c. p. 39) :
„9. Tout de suite (après l'invention du corps de saint
Etienne à Caphargamala) Lucien en avertit l'évêque Jean (de
Jérusalem), qui s'empressa d'y venir avec deux autres évêques . . .
Les deux évêques « avec tout le clergé » enlevèrent les véné-
rables reliques de saint Etienne et les transférèrent sollennelle-
ment dans la sacristie de la Sainte Sion (ânoxofilaavxsg èv xcô
ôiaxovixoe xijg âylag Sioev). Alexandre le sénateur (citoyen de By-
zance qui habitait Jérusalem) résolut de lui ériger un « marty-
rium» (avv&E[À.évov xb jxagxvQEiovxxîfjeiv'AXEÇâvôgovxov ovyxXrjxixov)."
„ Après avoir construit ce « martyrium », Alexandre le sé-
nateur fit des instances auprès de l'évêque Jean, pour qu'il y dé-
posât les os (xb XEtipavov) de saint Etienne. Cédant à ses suppli-
cations, l'évêque y déposa le sarcophage sur lequel il attacha
l'inscription avec des clous, et ce fut ainsi qu'on y plaça, avec
grande confiance, le corps de saint Etienne, premier Martyr du
Christ, le quatorze du mois de Décembre de la cinquième indic-
tion, sous le dixième consulat de notre empereur Constantin."
„Cinq ans plus tard, Alexandre le sénateur, étant tombé
malade, fit son testament en faveur de l'Eglise, de sa femme et
des pauvres, en adjurant ('évêque par N.-Seigneur, qu'après sa
mort on lui construisît un sarcophage (yXoeoo6xop.ovnegaslvov), et
qu'on le déposât à côté du saint protomartyr Etienne (xal êéxs
/LIEnXrjoiov xov âylov ngcoxojuâgxvgog 2xe<pâvov): « car c'est de ma
substance que j'ai construit cette église» (xov olxov). — Ayant
dit ces paroles il s'endormit dans la paix."
„Le lendemain, l'évêque, suivi d'une grande foule de peuple,
le conduisit solennellement au martyrium et le déposa à côté du
saint protomartyr Etienne."
„10. Huit ans plus tard, la femme (r) ywf)) d'Alexandre le
sénateur résolut de transporter les restes mortels de son époux
(xb âvôgbg avxfjg xb Xslrpavov) à Byzance dans le domaine qu'elle
y possédait (slg xb î'ôiov xxrjfxa)."
„Ayant pris cette résolution, elle se rendit chez Cyrille,
évêque de Jérusalem, et, ayant été reçue en audience, elle lui
dit: Il me faut transporter les restes mortels de mon époux à
Byzance, dans le domaine que j'y possède (sk xb èfibv xxrjfia).
Mais l'évêque Cyrille lui répondit qu'il était impossible de la faire
— 86 -

sans provoquer une révolte parmi le peuple (Oi> ôvva/ucu xovxo


xal xov Xabv "
notrjoai l}ogvfîfjaai.)
„Emue de cette réponse, la dame (r) IXEv&éga) demanda à
l'évêque: Vous ne voulez donc pas me donner le corps de mon
mari (xov âvôgâg fiov xb XEiyavov)? — Non, dit l'évêque." —
„La dame (»] EÂEvdéga) se retira en larmes et adressa une
lettre à son père (résidant à Byzance. Athanase), dans les termes
suivants: «Julienne, votre fille, vous salue dans le Seigneur, mon
père! — Je vous écris la présente lettre pour implorer votre
secours. — Ce ne sont point des paroles flatteuses, mais des
inspirations venues d'en haut. — Je ne veux point vous persuader
par des paroles dictées par la réthorique, mais ce sont des cris:
« au secours » ! que je vous adresse comme à mon père et mon
maître: car les princes me demandent par force en mariage.
Faites-moi revenir tout de suite et emporter avec moi les restes
mortels de mon mari à Byzance, dans le domaine que j'y pos-
sède. — Hâtez-vous donc, mon père, d'obtenir une «Lettre»
(aâxgav) de l'empereur Constantin et de l'envoyer à l'évêque
à ». " —
Cyrille Jérusalem
„ Le père obtint cette « Lettre » (oâxgav) de l'empereur le
quatorze du mois de Janvier de la troisième indiction, et, l'en-
voya par bateau à Jérusalem."
„ La dame, l'ayant reçue, la transmit à l'évêque Cyrille. "
„ Après l'avoir vue et lue, l'évêque, ne pouvant plus résister,
dit à Julienne: « Comment pourrons-nous effectuer cette trans-
lation? je ne connais ni le sarcophage de saint Etienne, ni celui
de votre époux. Mais, allez; préparez tout ce qu'il faut pour le
voyage, et ensuite avertissez-moi, afin que je vous délivre le
sarcophage de nuit» (xal vvxxbg êyib avrb ôtôooe aoi)." —
„ Après avoir fait tous les préparatifs, la dame alla trouver
l'évêque « dans l'église » (fjXÛEVngbg xov èniaxonov èv xfj èxxXrjoiq).
— Quand la soirée fut avancée (oyjiag ôè ysvofiévrjç
fia&EÎaç), tous
les deux « descendirent » dans l'oratoire où se trouvaient les
« OS » de saint Etienne (xaxfjXfîev sic xb Evxxr\giov, sv&a xaxéxEixoxb
"
Xeiyjavov xov âyiov 2xecpâvov). —
„ Ayant ouvert le tombeau (xrjv dèoiv) et trouvé les deux
sarcophages, l'évêque dit à la dame : « Je ne sais pas lequel est
le sarcophage de saint Etienne, ni lequel est celui de votre
époux». — «Je le sais, moi, répondit Julienne; car moi-même
j'ai fait construire celui de mon époux»." —
— 87 —

„ 11. Après ces paroles, l'évêque l'autorisa à prendre le sar-


cophage qu'elle savait (être celui de son mari). Alors la dame
s'empara du sarcophage de saint Etienne et le fit déposer dans
son char (èv xcô XEXXIXÎCO). Puis, ayant pris congé de l'évêque, elle
se mit en chemin pleine de joie." —
„Durant toute la nuit, en chemin, on entendit les hymnes
des anges, et on sentit l'odeur d'un onguent plein de suavité,
tandis que les esprits immondes s'écriaient: «Malheur à nous!
Le protomartyr Etienne passe, nousfouettant d'un feu brûlant »." —
„Julienne était assise dans son char (Xsxxlxiov). Les servi-
teurs qui marchaient devant étaient saisis d'épouvante, ils s'adres-
sèrent à la dame et lui demandèrent: Pourquoi donc les démons
hurlent-ils devant nous en prononçant le nom de saint Etienne.
Serait-ce lui-même que nous avons sans le savoir? car voilà
une multitude d'anges qui viennent à notre rencontre. Madame,
nous sommes saisis de frayeur. Qu'allons-nous faire si c'est là
le corps de saint Etienne, et non celui de votre époux!" —
,,Julienne, tout en pleurant, les tranquilisa et leur ordonna
de ne rien dire à personne de ce qui leur était arrivé. — Si
quelqu'un, — ajouta-t-elle, — dans les villes ou dans les villages,
demande ce que vous portez dans ce char, dites que vous y
une dame se rend à "
transportez qui Byzance.
„ Durant la même nuit, nous passâmes trois stations (fxovâg)
et pendant le jour, nous nous reposâmes. Puis ayant repris notre
chemin, quand la nuit fut venue (êonégag paêslag), les anges nous
accompagnèrent de nouveau en chantant: « Gloire à Dieu dans
les hauteurs des cieux, et paix sur la terre aux hommes, parce
que Dieu a révélé dans ce chemin à tout le monde que les anges
le saint dans ce — Mais, à minuit,
protègent corps voyage».
les démons s'écrièrent: « Qui est celui qui passe en nous fouettant?
Nous ne pouvons supporter la puissance du saint corps: il nous
brûle comme du feu » ! " —
„II y eut aussi des guérisons et des miracles pendant le
voyage. Incités par les anges, les animaux qui tirèrent (le char)
ne pouvaient supporter la puissance du saint corps." —
„12. Enfin nous arrivâmes à Ascalon-sur-mer où nous trou-
vâmes un bateau qui faisait voile pour Constantinople. Ayant
fait venir le patron de ce bateau, Julienne lui donna cinquante
pièces d'or, en lui disant: «J'ai une demande à vous faire en
secret; ne me la refusez pas. Je dois transporter à Byzance un
sarcophage, pour le transport du quel le bon Dieu vous re-
compensera»." —
„ Madame, — lui répondit l'homme, — le bateau est à vous.
Je ne puis vous donner un refus, parce que le grand protomartyr
Etienne est avec vous; en lui, j'ai mis ma vie et ma confiance:
car aujourd'hui mes yeux ont vu des merveilles. Disposez du
bateau, Madame; quand vous serez prête, je lèverai l'ancre, et
nous ferons voile sous la protection de Dieu et du saint corps
nous "
qui accompagne.
„ Après cela, tous montèrent à bord, le patron leva l'ancre,
et nous quittâmes le rivage avec un vent favorable. " —
„ Arrivés en haute mer, nous mîmes à la voile; mais soudain
les ondes commencèrent à se soulever; et bientôt les vagues
passèrent au-dessus du pont."
„ Epouvantés à la vue des flots agités, tous s'agenouillèrent
devant le saint Corps (ngoasxvvijaajUEVxcô âyim X.Eiipâvq))."
„ Alors, pendant que nous priions et que nous versions tous
des larmes, il se répandit subitement dans le bateau une odeur
délicieuse, et saint Etienne nous apparut en nous disant: «Ne
craignez point; je suis avec vous». Aussitôt, le vent cessa et il
se fit un grand calme." —
„Lorsque le soir fut venu, un vent favorable enfla nos voiles.
A minuit, tout près du saint corps, des voix se firent entendre,
et nous pûmes apercevoir un choeur composé de myriades
d'anges qui chantaient: «Gloire à Dieu dans les hauteurs des
cieux, et paix sur la terre aux hommes, parce que le Tout-
Puissant a glorifié Etienne, qui a souffert le martyre en l'hon-
neur de son nom » !" —
„Puis, la voix du Seigneur se fit entendre disant aux anges:
«Restez auprès du saint corps: car c'est de l'encens qui monte
en l'honneur de mon nom»." —
„De grand matin, étant entrés dans le détroit, et naviguant
sans voiles, afin de passer inaperçus du gouverneur de la ville,
soudain, un tremblement de terre en ébranla les fondements
jusque à ce que le bateau fut passé; puis le calme revint. —
Alors les démons crièrent au gouverneur: « Pourquoi n'as tu pas
détruit ce bateau qui vient de passer: il a été cause de ce
tremblement de terre»."
„ Ayant entendu ces paroles, le gouverneur dépêcha cinq
bons voiliers (àgôfiovag) afin de brûler notre bateau. Mais quand
— 89 —

ils furent sur le point de l'atteindre et de le détruire, un ange


du Seigneur, sorti de notre navire, brisa les bons voiliers et les
coula à fond, ce qui causa une grande joie parmi nous, parce
nous et nous " —
que nous vîmes que Dieu était avec protégeait.
,,13. Après une navigation de trois jours et de trois nuits,
nous arrivâmes à Chalcédoine, et le bateau jeta l'ancre dans le
port. Comme nous demeurâmes là cinq jours, tous ceux qui
étaient possédés par des démons vinrent à la mer, et se sen-
tant terriblement tourmentés, ils s'érièrent: « Le serviteur du
Seigneur est arrivé; celui qui a été lapidé par les Juifs. Il nous
tourmente très fort». — Les démons eux-mêmes crièrent: «Mal-
heur à nous! car il nous brûle terriblement! Où fuiyons-nous
éviter son fureur »? — Puis ils abandonnèrent
pour épouvantable
les possédés, chassés avec véhémence comme par le feu. "
„ Ceux qui avaient des malades les portèrent au bord de
la mer, et tous furent guéris par la vertu saint corps." —
,,14. Etant partis de Chalcédoine, nous jetâmes l'ancre à
Sosas (êv Svxai) où toute la ville accourut à notre arrivée: les
chrétiens pleins de joie, les païens remplis de tristesse; mais
nous fûmes obligés de repartir à cause de la multitude qui nous
entourait. Puis, nous passâmes en face du «Zeugma» et nous
nous arrêtâmes à l'endroit qui porte le nom de «Staurion».*) —
„Le bienheureux Métrophane, évêque de Constantinople,
ayant été averti de l'arrivée du corps du premier martyr saint
Etienne, et de l'émotion du peuple désireux d'éprouver la vertu
du saint corps (xrjv ôvva/uv xov àyiov Xsiyjdvov) s'empressa de se
rendre chez l'empereur Constantin, et lui rapporta ce qu'il ve-
nait d'apprendre touchant le corps du premier martyr saint
Etienne. »
,, L'empereur lui demanda: « Comment a-t-on réussi d'opérer
lette translation, et qui a apporté le saint corps chez nous?
Dites-le moi » ! " —
,, On amena la dame Julienne (xijv èXev&égav) et la présenta
à l'empereur en lui disant: «Majesté (Aéanoxa avxoxgâxog)\ c'est
cette dame qui a apporté le corps du Protomartyr»."
« Comment avez vous opéré la translation du saint corps? »
— lui demanda l'empereur. — «Dites-le moi en toute sincérité»!

*) Papadopoulos-Kérameus (1. c. p. 54—69) offre des détails fort intéres-


sants sur plusieurs termes de notre texte. Ad vocem «2xsvS>v»Détroit p. 65;
ad vocem «Zeugma» et »Staurion» (1. c. p. 67).
— 90 —

^Majesté — répondit Julienne — feu mon époux Alexandre


le Sénateur érigea l'oratoire de saint Etienne (TÔ svxxrjgiov xov
âyiov 2xEq>âvov) et ce fut lui qui, en compagnie de l'évêque Jean
y déposa le corps du saint martyr. Huit ans*) plus tard, mon
époux mourut après avoir fait un testament où il disait: «Après
ma mort, on me déposera à côté de saint Etienne ». — Et cette
disposition du testament fut exécutée, ô Majesté." —
„L'empereur lui dit alors: «Mais comment avez-vous réussi
d'emporter le corps de saint Etienne? Racontez le moi en toute
sincérité » ! " —
„La dame répondit: «Majesté, j'étais veuve; les princes me
demandaient en mariage, et menaçaient de m'y contraindre par
force. N'ayant pas l'intention de me remarier, je fis savoir à mon
père que je désirais retourner chez lui et emporter le corps de
mon époux dans mon domaine. Ayant appris ma décision, mon
père demanda une « lettre » (oâxgav) à Votre Majesté, et me
l'adressa ainsi qu'à l'évêque pour nous permettre d'enlever le
corps de mon époux (tva àgoe xov âvôgôg /uov xb X.EÎyjavov).Puis,
étant descendue dans l'oratoire avec l'évêque Cyrille, et ayant
été autorisée à enlever le corps de mon époux, j'ai enlevé celui
de saint Etienne»."
„ Comme preuve de la sincérité de son récit, Julienne ex-
hiba la « lettre » (oâxgav) en question que l'empereur reconnut,
à première vue, pour authentique. Puis la dame continua: «Que
Votre Majesté me tue et que le bon Dieu me damne si ma langue
pêche contre la vérité. Mais il y a une autre preuve encore qui
affirmera la sincérité de mes paroles. Le sarcophage du saint
martyr porte une inscription écrite en caractères hébraïques.
Envoyez un Juif pour en lire le contenu."
„ Après avoir fait venir un Juif, l'empereur le chargea de la
lecture de cette inscription."
„Arrivé au bateau, en compagnie de deux gardiens, et ayant
lu l'inscription, le Juif s'écria: «C'est un grand spectacle! C'est
le protomartyr Etienne » ! " —
„15. L'empereur se réjouit, et ayant fait venir l'évêque Mé-
trophane, il lui dit: « Allez avec la foule. J'enverrai un chariot.
Amenez le sarcophage du protomartyr saint Etienne dans le
palais »." —
*) Plushaut Julienne avait dit «cinq ans plus tard (fiera itévze&17)».Cette
date conduit vers la fin de l'épiscopat de Praïle (417—422).
_ 91 —

„ Alors l'évêque Métrophane s'en alla accompagné de la


foule et du chergé. Arrivés au bateau, l'évêque enleva le sar-
cophage, et après l'avoir mis sur le chariot, il s'empressa de re-
tourner au palais."
,,Excités par les anges, les mules se mirent à courir jusqu'au
lieu appelé 'Ev Iïoevoxavxtvaïg (in Constantinis); là les bêtes s'ar-
rêtèrent et ne purent plus avancer; mais elles poussaient des
cris (hpôcpow). Enfin une des mules s'adressa à la foule, en disant,
d'une voix humaine: « Pourquoi frappez-vous nos visages? Il faut
qu'il soit déposé ici. Ne travaillez pas en vain. Sinon il s'opé-
rera des signes et des miracles sous vos yeux»." —
,, Terrifié et ne pouvant plus résister à la peur, l'évêque
manifesta à l'empereur, qu'il n'était pas capable de transporter
le corps de saint Etienne dans le palais."
,, Affligé de ce contretemps, l'empereur envoya douze autres
animaux pour amener le chariot (XTJV xagovyav), mes ceux-ci furent
aussi retenus par la vertu des anges, et, ne pouvaient faire
avancer le char. "
„Alors le peuple s'écria: «C'est le Dieu Tout-Puissant lui-
même qui opère des miracles en l'honneur de son saint premier
martyr Etienne, qui a été martyrisé en l'honneur de Votre saint
Rom, ô Seigneur. Faites-nous miséricorde par les prières et
l'intercession du saint protemartyr Etienne » ! " —
„ Ensuite l'évêque enleva le sarcophage du char et le déposa
ici-même. Après y avoir érigé, dans l'espace de cinq mois, pen-
dant que le peuple y montait la garde, l'«oratoire» (xb Evxxrjgiov),
le bienheureux Métrophane l'y plaça avec beaucoup de solennité.
Mais pendant que le peuple était de garde auprès du saint proto-
martyr Etienne, il s'opéra beaucoup de miracles et de nombreuses
de malades." —
guérisons

Cette relation, écrite dans le style des écrivains du Ve siècle,


a été peu goûtée par les FF. Prêcheurs de l'Ecole biblique de
Saint-Etienne à Jérusalem. On le comprend facilement. Car
pourque Eudocie pût transférer le «corps de saint Etienne» de
l'église de Sion à la basilique bâtie en son honneur au Nord
de Jérusalem, en 455 à 460 (Saint Etienne etc. 1894, p. 61), —
il aurait fallu qu'il s'y trouvât encore à cette époque. — Or, la
translation opérée par Julienne contredit la possibilité de la
— 92 —

translation de ce saint corps de la sainte Sion à la basilique


Saint-Etienne du Nord.
Le P. Lagrange cherche donc se débarrasser de ce témoin
gênant pour son nouveau sanctuaire Saint-Etienne du Nord. Ce
n'est que dans une note sous texte qu'il en parle (Saint Etien-
ne etc. 1894, p. 54) en ces termes:
„Nous ne parlons pas d'une prétendue translation des
reliques de saint Etienne à Constantinople, dont le récit est
contenu dans une «Lettre d'Anastase à Landuleus», évêque
de Capoue, et «soi-disant» traduit du grec. Il n'y a rien, en
effet, à dire d'une pièce apocryphe qui, après la translation
des reliques par l'évêque Jean (415), nous ramène au temps
de Constantin et au dixième consulat de cet empereur, qui
n'a été que huit fois consul . . . Dans l'impossibilité de con-
cilier ces énormités chronologiques, quelques grecs ont choisi
la première date indiquée, et ont cru la translation posté-
rieure à l'invention authentique (en 415). Nicéphore Callisté
(14, 19) a préféré supposer des reliques différentes de celles
qui furent découvertes en 415. Le mieux est de rejetter pure-
ment et simplement un récit dont le caractère apocryphe se
montre encore au merveilleux de mauvais aloi dont il est
rempli." —
Naturellement, en traitant la «Lettre d'Anastase à Landu-
leus» de récit «soi-disant traduit du grec»; le P. Lagrange
ignorait que l'original grec de ce récit traduit par Anastase
existe encore aujourd'hui.
En 1898, M. Papadopoulos - Kéraméus, dans ses 'AvâXsxxa
'lEgooolM}iixixr)gZxayyoXoyiag (p. 40—46) en publia le texte, comme
nous l'avons déjà dit plus haut, d'après deux manuscrits de la
bibliothèque du Couvent grec de Saint-Sabas (mar-saba), — et,
huit ans plus tard, en 1906, M. l'Abbé F. Nau, dans la Revue
de l'Orient chrétien (p. 201 sequ.) reproduisit le commencement
et un résumé de ce texte grec, d'après les Manuscrits de la
bibliothèque nationale de Paris N° 548 et 1586 du XIe et du
XIIe siècle.
La qualification de «soi-disant traduite du grec» et d'«apo-
cryphe» ne peut donc plus s'appliquer à la Lettre d'Anastase.
Quant aux anachronismes introduits par l'auteur, on com-
prend, sans peine, qu'un écrivain, témoin des événements qu'il
rapporte, peut être fort bien se croire obligé, pour de bonnes
— 93 -

raisons, d'y introduire, non seulement des anachronismes, mais


aussi des pseudonymes, comme cela arrive, aujourd'hui encore,
en bon nombre de cas.
L'auteur grec de notre «translation des reliques de saint
Etienne de Jérusalem à Constantinople» connaît tous les détails
relatifs à l'invention du saint corps et de son translation de
Caphargamala à Jérusalem, en 415. Il sait le nom de l'évêque
qui opéra cette première translation du saint dans la sacristie
de la Sainte Sion (èv xoe ôiavovixoe xfjg âyiag Zioev), — et il le nous
transmet, sans façon, en disant qu'il s'appelait Jean. Il n'y avait
pas pourquoi dissimuler le nom de cet évêque, parce qu'il n'était
pas mêlé a l'intrigue de Julienne, étant mort en 416 déjà, après
avoir déposé saint Etienne dans l'«oratoire» d'Alexandre, le
«quatorze du mois de Décembre» de l'an 416, — c'est-à-dire
«douze mois» après leur invention, le «vingt-six du mois de
Décembre de l'an 415.
Quant à l'empereur régnant, à cette époque, l'auteur se sert
d'un pseudonyme en indiquant le «dixième consulat de Constan-
tin». Constantin n'ayant été consul que huit fois, comme tout le
monde le sait, on comprend, tout de suite, qu'il s'agit de la
«dixième année de son règne» (316).
Or, l'invention des reliques de saint Etienne ayant été faite
sous le règne des empereurs Honorius et Théodose, en 415, on
comprend, sans difficulté, que la translation de saint Etienne de
la sacristie de la Sainte Sion dans l'oratoire d'Alexandre, construit
immédiatement après le 14 Décembre 415, ne pouvait avoir lieu
en 316, mais bien en 416. Le nom de l'empereur régnant en 416
est dissimulé: parce qu'il vivait encore à l'époque de la rédac-
tion de notre Translation, — et, parce que la cour impériale
était mêlée à l'entreprise de Julienne.
Les noms d'Alexandre et de sa femme sont des pseudo-
nymes, sans aucun doute. La relation due à la plume d'un
auteur contemporain de l'exploit astucieux de Julienne, devait
ménager la famille du sénateur en question, comme elle ména-
geait toutes les autres personnes y compromises: c'est pour-
quoi notre auteur s'abstient aussi de nommer l'évêque qui
célébra les funérailles d'Alexandre dans l'Oratoire de Saint-
Etienne du mont Sion, en 421, c'est-à-dire «cinq ans» après la
déposition du corps de saint Etienne faite en 416.
— 94 -

Nous savons cependant que l'évêque qui occupait le siège


épiscopal de Jérusalem, de l'époque de 417 à 422, s'appelait
Praïle. Ce fut donc Praïle qui, en 421 célébra les funérailles
d'Alexandre.
Le successeur de Praïle s'appelait Juvénal. II occupait le
thrône épiscopal de saint Jacques de 422 à 458. Ce fut donc
sous son épiscopat, vers l'an 429, à peu près, c'est-à-dire,
«huit ans après la mort d'Alexandre en 421, que la translation
du corps de saint Etienne de Jérusalem à Constantinople a eu
lieu, — et ce fut vers la même époque (429) que l'évêque Ju-
vénal construisit le «martyrium de saint Etienne sur le lieu
traditionnel de sa lapidation dans la vallée du Cédron dont nous
parlerons plus loin (chap. VIe).
Les anachronismes et les pseudonymes indrotuits dans la
relation de la «Translation du corps de saint Etienne de Jéru-
salem à Constantinople» ne représentent donc pour ceux, qui
sont familiers aux événements en question, qu'un voile assez
transparent.

D'un autre côté, nous apprenons qu'à l'arrivée du corps de


saint Etienne à Constantinople, vers l'an 429, tout y était pré-
paré pour le déposer convenablement.
Un «homme illustre du nom d'Auréliane» (pseudonyme?)
y avait bâti pour recevoir ce corps sacré, un «martyrium».
La phrase incidente figure dans la «Vie d'Isaak», conservée
dans les «Manuscrits grecs» à Paris, N° 1453, fol. 225 à 226,
publiés par M. l'Abbé F. Nau, dans la «Revue de l'Orient chré-
tien (1906, p. 200), où nous lisons:
„Un certain Auréliane (le père de Julienne?) . . . avait
construit en face et au sud du monastère d'Isaak un «mar-
tyrium » (fxagxvgiov) sous le vocable du saint premier martyr
Etienne [pour y déposer son saint corps apporté de Jéru-
salem. Puis, ne l'ayant pas obtenu, — car, par la per-
mission divine, il fut placé «èv Koevoavxivaîg» (in Constan-
tinis) — il forma le projet de mettre à sa place le corps du
bienheureux —
Isaak]»."*)

*) La partie entre crochets [ ] ne se trouve pas dans les «Acta Sanc-


torum» des Bollandistes, mais dans le manuscrit seulement.
— 95 —

M. l'Abbe F. Nau ajoute (1. c. p. 201): „Ce récit, s'il était


du premier biographe d'Isaak (mort en 383), aurait bien des
chances d'être exact, car les traditions purent se conserver
assez facilement au monastère de Dalmate (successeur d'Isaak
durant 55 ans, 383 à 438), mais il est à craindre qu'il ait
été interpolé sous l'influence d'un «ancien récit antérieur à
Metaphraste», qui raconte avec divers anachronismes la
translation de saint Etienne à Constantinople, en 316 à 317." —
Quoiqu'il en soit de cette dernière citation de M. l'abbé Nau,
nombre d'autres circonstances permettent de classer la «trans-
lation de saint Etienne à Constantinople, vers l'an 429, parmi
les faits historiques.
Les manuscrits grecs de Paris (Nos 548 et 1568) cités par
Nau, dans la Revue de l'Orient chrétien (Paris, 1906, p. 201)
portent: que la «déposition de saint Etienne dans l'oratoire bâti
à Constantinople, sur la place « in Constantinis » (êv Koevoxavxivaïç)
eut lieu le «deux Août».
Or, de puis cette époque là, en effet, se célèbre à Constan-
tinople la fête de la «translation de saint Etienne», ce qui fait
présumer que cette translation eut réellement lieu.
Puis, la construction d'un «oratoire» pour la déposition des
reliques du saint protomartyr est un fait historique qui nous
invite à croire que la « translation de ces reliques de Jérusalem
à Constantinople» l'est aussi.
Enfin, après l'enlèvement du saint corps par Julienne,
les miracles cessent auprès du tombeau à Jérusalem, tandis
qu'ils ont lieu, en grand nombre, auprès des saintes reliques,
non seulement durant la translation, mais aussi après leur arrivée
à Constantinople.
Vu tous ces faits, le P. Lagrange sent chancelier le sol
sous ses pieds.
Après avoir qualifié, d'abord, la «Translation de saint Etienne
de Jérusalem à Constantinople» (rapportée dans la traduction
latine d'Anastase) de «soi-disant traduite du grec», il recommande
(Saint Etienne etc. 1894, p. 54 en note): de «rejeter purement
et simplement un récit dont le caractère apocryphe se montre
encore au merveilleux de mauvais aloi dont il est rempli». Puis,
se voyant opprimé par ses adversaires, il se résigne à admettre
cette translation, comme fait historique, mais il l'attribue, avec
Marcellin, à l'impératrice Eudocie elle-même.
— 96 —

Voici ses termes (1. c. p. 64—65):


„A Jérusalem . . . L'impératrice vint se prosterner aux
Saints-Lieux. Le mouvement de piété qui s'était produit au-
tour du «corps» de saint Etienne ne s'était pas affaibli.
D'après le comte Marcellin, Eudocie emporta à Constanti-
nople «une partie» de ses reliques, et c'est ce précieux
dépôt qui fut enfermé à Rome à côté du corps de saint Lau-
rent, dans l'église de Saint-Laurent-hors-les-murs." —
Puis notre auteur reproduit (1. c. 65 en note) le texte latin
du passage de Marcellin que nous traduissons en français:
«Anno Christi 439 . . . Eu- « L'année du Christ 439 . . .
docia, uxor Theodosii principis, Eudocie, femme de l'empereur
ab Hierosolymis urbem regiam Théodose, apporta, à son retour
remeavit, beatissimi Stephani, de Jérusalem, dans sa résidence
primi martyris, reliquias, quae royale (Constantinople) les re-
in basilica sancti Laurentii po- I liques du saint protomartyr
sitae venerantur, secum f erens ». Etienne qui se vénèrent au-
jourd'hui dans la basilique de
saint Laurent (à Rome)». —
Comprenant 1 impossibilité que le «corps» de saint Etienne
se trouvait, en 460, dans l'église de Sion, si «les reliques» du
saint avaient été, en 439, emportées, par Eudocie, de Jérusalem
à Constantinople, le P. Lagrange donne au terme «reliquias» de
notre passage de Marcellin une interprétation de sa façon, en
écrivant (Saint Etienne etc., 1894, p. 65 en note):
„L'expression (beatissimi Stephani... reliquias) est vague,
mais il ne peut être question que A'«une partie» des reli-
ques, puisque nous allons voir Eudocie construire une basi-
lique pour contenir le «corps» du martyr."
Cette interprétation est-elle admissible?
Tout le monde comprend que le terme de Marcellin «bea-
tissimi Stephani . . . reliquias» est très précise. Il s'agit évidem-
ment de «toutes les reliques» qui se trouvaient dans le sarco-
phage, à l'époque de sa translation de Jérusalem à Constan-
tinople.
Mais quelles sont les raisons qui justifieraient la pré-
somption assez hardie du P. Lagrange: que, dans notre passage
de Marcellin, il ne peut être question que A'«une partie» des
reliques?
Notre auteur n'en apporte qu'une.
— 97 —

D'après lui, il ne s'agirait, dans notre passage, que «d'une


partie» des reliques: «puisque nous allons voir Eudocie con-
struire une basilique pour contenir le «corps» du martyr».
Naturellement, tout cela n'est que l'opinion du P. Lagrange: car,
aucun des anciens auteurs n'indique cela. Le sarcophage, con-
tenant le «corps» de saint Etienne, trouva, comme nous le
savons, le plus tard en 439, le chemin de Constantinople, — et
la basilique d'Eudocie au nord de Jérusalem, consacrée en
l'honneur de saint Etienne en 460, ne reçut qu'une «urne avec
des reliques» dont on ne sait pas même le lieu d'extraction.
L'interprétation du P. Lagrange n'étant qu'une «interprétation
pro domo», dictée par l'intérêt des FF. Prêcheurs de l'Ecole
biblique de Saint-Etienne à Jérusalem, nous nous croyons obligés
de la refuser et de nous en tenir au sens strict et précis du
passage de Marcellin qui indique que ce fut le « corps » de saint
Etienne, non point une «partie de ses reliques» que l'impératrice
Eudocie emporta, en 439 de Jérusalem, pour les déposer dans
sa résidence royale, c'est-à-dire: à Constantinople.
Marcellin qui connaît déjà la vénération de ce saint corps
déposé dans la basilique de Saint-Laurent-hors-les-murs (à Rome),
vivait au temps du Pape Pelage Ier (560—573), sous lequel la
translation des «reliques de saint Etienne», de Constantinople
à Rome a eu lieu.
A l'occasion de cette translation, l'Eglise de Constantinople
devait donner des renseignements au sujet de l'authenticité de
ce trésor sacré.
Les relations intimes de Marcellin avec les autorités civiles
et religieuses à Rome et à Constantinople, et ses préoccupations
d'«historien» font présumer qu'il a profité de ces circonstances.
Marcellin peut donc passer pour bien informé des détails de
notre question.
Enfin, si Eudocie, en 439, n'emporta qu'«une partie» des
reliques de saint Etienne, et si, en 460, la basilique d'Eudocie
au nord de Jérusalem en reçut le «corps» avec le sarcophage,
— comment se fait-il que Pelage Ier s'adresse à l'Eglise de
Constantinople, et que ce fut de Constantinople qu'il reçut les
«reliques», c'est-à-dire Xu saint Protomartyr? —
lex^Oxps»
Comment arriva-t-il, que/^èrre' PTbérj^|, qui visita la basilique
de saint Etienne au nord^âé jé^rusatein^peu de temps après sa
\ î?î.\ <{.{..?• '1/
Saint-Etienne.
Mommert, \ '• / 7
— 98 —

dédicace, n'y trouva point de «sarcophage», point de «saint


corps», mais une «urne» seulement avec «des reliques»?
De ces renseignements nous concluons que la translation
des reliques de saint Etienne de Jérusalem à Constantinople
comme celle de Constantinople à Rome, à l'époque de Pelage Ier,
— sont bien des faits historiques.

Du fait de la translation des « reliques » en question de Con-


stantinople à Rome, nous tirons les conséquences suivantes:
1. Cette translation affirme et prouve la réalité de la Ie trans-
lation, de Jérusalem à Constantinople.
2. Puisque les reliques furent transférées de Constantinople
à Rome, du temps Pelage Ier (560—573) elles s'y trouvaient donc
à cette époque.
3. Les témoins et narrateurs admettent tous que ce fut à
l'époque de l'impératrice Eudocie, épouse de l'empereur Théodose
le Jeune, que les reliques furent apportées à Constantinople, et
que depuis ce temps, on y célébrait le 2 Août l'anniversaire de
cette translation.
Il n'est donc pas permis de renvoyer cette translation dans
le royaume des fables, comme le fait le P. Lagrange dans sa
brochure Saint-Etienne etc. à la page 54.

Les relations existentes entre Julienne et Eudocie sont des


plus difficiles à résoudre.
Il y a deux possibilités.
Ou, Julienne a suivi ses propres inspirations, et ce ne fut
qu'à Constantinople qu'elle perdit le fruit de son rapt sacrilège ;
— ou, elle a simplement exécuté les ordres de dé-
l'impératrice,
sireuse de posséder le corps de son protecteur favori.
Dans le premier cas, le rapt du sarcophage contenant les
« os » de saint Etienne aurait eu lieu vers l'an 429 déjà; — dans
le second, on adopterait, avec Marcellin, l'an 439 comme celui
de la translation.
Dans l'un et dans l'autre cas, la translation a eu lieu à
l'insu des habitants de Jérusalem, mais à l'aide de l'évêque de
la ville, — et, sur les ordres de la cour impériale de Constan-
— 99 —

tinople. Voilà, pourquoi les anachronismes et les pseudonymes


de la plus ancienne relation.
* *
*
Cette longue digression était nécessaire, pour faire com-
prendre le fait extraordinaire qu'après la translation du corps
de saint Etienne, de Jérusalem à Constantinople, on continua le
culte du saint auprès du tombeau vide — on plutôt auprès du
sarcophage du sénateur Alexandre, dans la crypte de P« oratoire »
d'Alexandre, près de l'église de la Sainte Sion. Elle était né-
cessaire aussi, pour comprendre plusieurs autres faits non moins
extraordinaires.
Eudocie, après l'année 439, bâtit un grand nombre d'églises
en l'honneur du premier martyr, et les dota de ses reliques, sans
avoir recours, pour en obtenir, à l'Eglise de Jérusalem. Comment
cela eut-il été possible, si le saint corps y fut demeuré? Dans
la suite, on vénéra même deux crânes de saint Etienne et une
telle quantité d'autres reliques du même saint, qu'il était im-
possible de les attribuer toutes à un seul corps! Et ces deux
crânes, dont l'un se conserve dans l'église métropolitaine de
Vienne en Autriche, et l'autre dans l'église des FF. Prêcheurs à
Lisbonne, comment s'expliquent-ils? — Très probablement, l'un
d'eux seulement fut tiré du sarcophage de saint Etienne.
Un grand nombre de nos reliques vénérés sont cependant
certainement authentiques.
Déjà avant la translation à Constantinople, l'impératrice
Pulchérie avait demandé et obtenu de l'évêque Praïle de Jéru-
salem (417—422) la «main droite» du saint martyr, et lui avait
érigé un beau sanctuaire à Constantinople.
Le « pied gauche » s'achemina (de Constantinople probable-
ment) à Théodoroupolis où, vers l'an 439, après son retour de
Jérusalem, l'impératrice Eudocie lui avait fait construire une
église. M. Doublet a retrouvé à Zapharambolou, autrefois Euchaïtis
ou Théodoroupolis, une inscription métrique composée par Eudocie,
dans laquelle elle attribue à saint Etienne la guérison d'une
entorse qu'elle s'était faite, à l'occasion de la consécration de
l'église bâtie par sainte Mélanie, en 438, sur le mont des Oliviers.
Voici la traduction que M. Doublet nous donne de cette
inscription:
«O saint Etienne, toi, qui visiblement m'as sauvée des
cruelles douleurs que je souffrais, moi, ta misérable amie, dans
— 100 —

le genou gauche et dans le pied, je fais don de ce temple


divin à la glorieuse ville de Théodore, l'illustre guerrier. Et
ton pied que j'avais reçu moi-même en cadeau, je le donne
à cette église afin qu'il y reste et qu'on s'en souvienne à
jamais (Bulletin de correspondance hellénique, tome XIII, 1889,
p. 294. — Echos d'Orient 1905, p. 85)». —
La même Eudocie construisit une église avec couvent et
«hôtellerie», en l'honneur du saint protomartyr, à Maouza de
Jamnia, dont le biographe de Pierre l'Ibérien nous parle en ces
termes:
..Eudocie souffrait vivement de douleurs corporelles; les
médecins lui conseillèrent, pour obtenir la guérison complète, de
changer d'air, et de choisir un lieu tel que celui-ci. C'est pour-
quoi elle a bâti ce lieu. Et comme tous les habitants de ce vil-
lage étaient Samaritains, elle y bâtit une grande église sous le
vocable et pour la dévotion d'Etienne le protomartyr, de l'apôtre
Thomas, et de beaucoup d'autres saints martyrs. Elle y plaça
tout ce qui est nécessaire pour le culte divin, et lui assura des
revenus suffisants pour l'usage d'une hôtellerie (Petrus der Iberer,
traduit par Raabe, Leipzig, 1895, p. 114. — Echos d'Orient, 1905,
p. 80)." —
D'autres reliques avaient été obtenues, avant l'an 439, par sainte
Mélanie, et déposées dans les « oratoires » qu'elle avait construits,
l'un pour le couvent de femmes, l'autre pour celui des hommes,
sur le mont des Oliviers (S. Melaniae junioris «Acta graeca»,
dans les « Analecta bollandiana », tome XXII, 1903, N° 63, p. 45. —
Echos d'Orient, VIII, 1905, p. 85).
L'Afrique reçut des reliques de saint Etienne par l'Eglise
de Jérusalem. Saint Augustin (Migne, P. L. XLI, col. 807—808,
sermo 318 N° 1) écrit à ce sujet: «Multi inde reliquias acceper-
unt». — Elles se trouvent sur tout «in Uzalensi ecclesia», et
opérèrent nombre de miracles, relatées dans deux ouvrages at-
tribués à Evode, dans l'appendice des oeuvres de saint Augustin
(Migne, P. L. XLI; col. 834—854).
En Italie, c'est saint Pétrone qui, de retour d'un pèlerinage
en Terre Sainte, vers l'an 425, construisit à Bologne son fameux
« San-Stefano-rotondo ».
Un autre sanctuaire de notre saint martyr se trouvait à
Capoue. Anastase en parle dans sa « lettre à l'évêque Landuléus»
dont nous avons parlé précédemment.
— 101 —

Quant à la France, le P. Lagrange constate (Saint-Etienne etc.,


1894, p. 181) que douze de ses Cathédrales et vingt-trois de ses
églises paroissiales sont consacrées au saint protomartyr, et,
dotées, par conséquent, de ses reliques.
Supposons à peu près le même nombre d'églises et de re-
liques du saint dans les autres provinces de l'empire, — le
nombre total s'élèverait à plusieurs centaines.
Naturellement le plus grand nombre de ces reliques a péri,
Jérusalem en a été, pendant dès siècles, tout à fait dépourvue.
C'est pourquoi le P. Lagrange écrit (Saint Etienne etc., 1894,
p. 182):
„On n'a pas eu la consolation jusqu'ici de trouver à
Jérusalem des reliques du saint."
Les FF. Prêcheurs de l'Ecole biblique de Saint-Etienne à
Jérusalem en possèdent cependant une fort insigne, due à la
munificence de Mgr. Leuillieux, archevêque de Chambéry.
Le P. Lagrange en donne la «transcription des lettres d'authen-
ticité » dans son Saint-Etienne etc. (1894, p. 182) où nons lisons:
„2 . . . une vertèbre entière ayant appartenu au corps
de saint Etienne, premier martyr, ainsi que l'indique l'inscrip-
tion, en lettres rouges, placée sur cette précieuse relique, la-
quelle était elle-même enveloppée dans une étoffe de soie
"
antique et évidemment apportée de l'Orient.
Si cette « vertèbre » a été extraite du corps de saint Etienne,
avant sa translation à Constantinople, ou, si elle est de prove-
nance byzantine avant Pelage Ier, elle est sans aucun doute
authentique.
Chapitre cinquième.

L'Oratoire de saint Etienne érigé par l'évêque Jean


et Alexandre le sénateur, au Mont Sion
(de 415 à 417).
1. Dans son « Saint Etienne etc.» (1894, p. 61) le P. La-
grange écrit: «Le corps de saint Etienne demeura près d'un
demi-siècle dans l'église de Sion: il était réservé à l'impéra-
trice Eudocie de lui bâtir une basilique ». —
Et, quelques pages plus loin (1. c. p. 74) il ajoute:
« Les reliques du saint transférées dans l'église de Sion,
avec tant de miracles, attendaient encore (en 455) un temple
digne d'elles. Une partie de ses saintes reliques avait été
distraite en faveur de pieuses demandes, mais il est impos-
sible de supposer que l'Eglise de Jérusalem, si désireuse de
s'enrichir de ce corps sacré au détriment de Caphargamala,
se soit dépouillée de tout son trésor».
Ce fut, sans doute, avec bonne foi que le P. Lagrange écrivit
cela, — mais, c'est une erreur.
Est-il croyable qu'à Jérusalem on ait différé l'érection d'une
église pour la déposition des reliques du saint jusqu'en 455,
époque de la construction de la basilique sépulcrale de l'impé-
ratrice Eudocie au Nord de la ville?
Ce n'est pas admissible.
Le R. P. Siméon Vailhé, des Augustins de l'Assomption, a
donc, sans doute, raison en écrivant dans la «Revue de l'Orient
chrétien» (Paris, 1907, p. 88):
„ Les restes de saint Etienne étant retrouvés en Dé-
cembre 415, on comprend fort bien qu'ils aient été tout d'abord
déposés dans l'église du Cénacle, en attendant qu'on élevât
- 103 -

au protomartyr un sanctuaire digne de lui. Que ce sanctuaire


n'ait pas été inauguré et ouvert au culte avant 422, date de
l'avènement de Juvénal, passe encore. Il ne s'était pas alors
écoulé sept ans complets depuis l'invention des reliques.
Mais qu'on ait dû attendre jusqu'en 460 — quarante ans —
pour avoir à Jérusalem, le lieu du martyre d'Etienne, une
église érigée sous son vocable, voilà ce qui dépasse toute con-
ception. Jérusalem aurait été à cette époque la seule ville à
ne pas avoir d'église dédiée à saint Etienne." —
En effet, déjà à l'occasion de l'invention des reliques du saint,
l'évêque Jean avait promis l'érection de deux églises en son
honneur, dont l'une à Jérusalem et l'autre à Caphargamala.
Le texte syriaque du « récit de Lucien », traduit par M. F. Nau,
nous en informe en mettant dans la bouche de Lucien les pa-
roles suivantes (Voir: Revue de l'Orient chrétien, 1906, p. 210):
«Après que j'eus envoyé vers l'évêque (Jean), je demeurai
près des ossements des saints. Quand il vint, il se réjouit
dans le Seigneur et ordonna de porter le saint illustre Mar-
Etienne à Jérusalem et de le placer à Sion Et, il
(lévêque Jean) promit de bâtir un « martyrium » où il avait
été trouvé et un autre dans la ville où reposeraient les os
du saint et du pieux ». —
Quelques lignes plus loin (1. c. p. 210—211) M. Nau continue:
„Le syriaque a pour titre non pas «Lettre de Lucien», mais
«Des lettres de Lucien», ce qui semble indiquer un extrait.
Cette version syriaque est cependant capitale, car elle est con-
servée dans un manuscrit du VIe au VIIe siècle, et les fautes
qu'elle contient nous permettent de supposer qu'il y a eu plu-
sieurs transcriptions antérieures. Il est donc très remarquable
que cette si ancienne version nous annonce aussi « deux mar-
tyria» dédiés à saint Etienne, l'un à Caphargamala et l'autre à
" —
Jérusalem.
2. Un autre témoignage nous apprend l'accomplissement de
la promesse de Jean, par la munificence d'un sénateur (byzantin)
du nom d'Alexandre.
C'est d'un ancien récit de la translation de saint Etienne de
Jérusalem à Constantinople, que nous tirons cette nouvelle.
M. F. Nau la mentionne en écrivant dans la « Revue de l'Orient
chrétien» -
(1906, p. 201):
„Ce récit signalé par Montfaucon comme antérieur au Meta-
— 104 —

phraste dans les manuscrits de Paris suppl. 241 (Montfaucon,


Palaeogr. graeca, p. 273) et publié d'après ce manuscrit par
Banduri (Imperium orientale, II, p. 446—447) était déjà connu par
un résumé de Nicéphore Calltste (XIV, 9), et par une traduction
latine d'Anastase, reproduite par Migné (Patr. Iat. tom. XLI,
col. 817—822). En voici le commencement et le résumé d'après
les manuscrits de Paris No. 548 et No. 1586, du XIe et XIIe siècle:
„ Après la translation des reliques du protomartyr saint
Etienne à l'église de la sainte Sion, du temps de l'évêque Jean
de Jérusalem, un sénateur (byzantin) du nom d'Alexandre
résolut d'ériger un « oratoire » en l'honneur de saint Etienne
olxov xov "
(evxrr/giov âyiov ZxEtpâvov).
„ Jean, évêque de Jérusalem, mit le corps de saint Etienne
dans I'«oratoire» construit (à Jérusalem) par Alexandre ....
Cinq ans après mourut Alexandre, et sa femme Julienne mit
son sarcophage près de celui de saint Etienne." —
3. Le trait d'union, entre les deux récits, nous est fourni
par une rédaction grecque inédite du «martyre de saint Etienne»,
alléguée par M. F. Nau, sans la «Revue de l'Orient chrétien»
(1906, p. 203—209).
M. F. Nau (1. c. p. 209) écrit:
„ Voici maintenant la fin du récit de la translation (du corps
de saint Etienne) à Sion, puis au « martyrium » bâti par Alexandre
le sénateur, dans lequel celui-ci fut également enterré. C'est cette
finale qui a pu servir de point d'attache à la translation de saint
Etienne à Constantinople:"
„ Tout de suite il (Lucien) en avertit l'évêque (Jean) qui s'y
rendit à la hâte avec deux autres évêques. Ceux-ci étant entrés,
savoir: Jean de Jérusalem, Eustone de Sébaste et Eleuthère de
Jéricho, les deux évêques avec tout le clergé, enlevèrent les
vénérables reliques de saint Etienne et les transférèrent solenne-
ment dans la « sacristie » (èv xoe ôiaxovixoe) de la sainte Sion. "
„Alexandre, le sénateur, résolut de lui ériger un «marty-
rium » (/uagxvgiov), et, ayant fait des instances auprès de l'évêque
Jean, afin qu'il y déposât les reliques de saint Etienne (xb Xsi-
yavov xov âyiov ZxEcpàvov), l'évêque délivra le sarcophage (yXooooj-
xo/xov), et, après avoir attaché le titre en dehors avec des clous,
on déposa saint Etienne, le premier martyr du Christ, avec beau-
coup de sécurité, le quatorze du mois de Décembre de la cin-
- 105 —

quième indiction, sous le dixième consulat de notre empereur


Constantin. "
„Après cinq ans, Alexandre le sénateur, étant tombé ma-
lade, et ayant fait son testament en faveur de l'Eglise, de sa
femme et des pauvres, demanda ce quifsuit (Xéyoev): «Dieu soit
avec vous, si je meurs. Faitez-moi un sarcophage (yXoeaoôxo/uov
négoivov) et déposez-moi tout près du protomartyr saint Etienne:
car, c'est de mon argent (êx xrjg ê/ufjg ovoiag) que j'ai construit
l'« oratoire» (xbv olxov). Ayant proféré ces paroles, il expira."
„Le jour suivant, l'évêque se présenta avec toute la foule
du peuple pour lui faire les obsèques, et on le déposa tout près
(nXi-joiov) du protomartyr saint Etienne, à la gloire de N.-Seigneur
Jésus-Christ qui lui soit rendue maintenant, toujours, et dans les
siècles des siècles. Ainsi soit-il." —
Le même récit se trouve dans l'original grec de la « Lettre
d'Anastase à Landulens, évêque de Capone» dont nous avons
donné la traduction d'après Papadopoulos-Kérameus, dans le
chapitre précédent.
Il est donc hors de doute, que ce fût immédialement après
la translation du corps de saint Etienne de Caphargamala à Jé-
rusalem, que l'oratoire promis par l'évêque Jean, fut bâti par la
munificence d'Alexandre le sénateur; et, si l'on rectifie l'anachro-
nisme de notre texte, qui nomme le « dixième consulat de Con-
stantin » et la « cinquième indiction », c'est-à-dire l'an 317, comme
celui où Jean déposa les reliques de saint Etienne dans la crypte
de P«oratoire» d'Alexandre, — nous constatons que ce fut en
417 que cet acte mémorable eût lieu.
La déposition du corps de saint Etienne aurait donc été une
des dernières fonctions de Jean qui, le même mois de Décembre,
doit avoir fini ses jours. Praïle (417—422) lui succéda, et, c'est
sous son épiscopat que la mort d'Alexandre le sénateur doit
avoir eu lieu: car — selon presque tous les textes — Alexandre
ne vécut que cinq ans après la déposition de saint Etienne dans
le nouvel « oratoire » sépulcral. Aussi, Cyrille (= Juvénal) ignore-
t-il lequel des deux sarcophages qu'il trouva déposés, l'un auprès
de l'autre, dans la crypte de l'oratoire, était celui de saint Etienne,
et, lequel était celui d'Alexandre, ce qu'il aurait su, s'il avait fait
cette sépulture.
- 106 —

4. Cherchons à localiser cet « oratoire » bâti par Alexandre.


Le récit de la translation du corps de saint Etienne de Jérusa-
lem à Constantinople, cité plus haut, nous avertit que cet « ora-
toire » occupa un endroit situé plus bas que celui de l'église de
la sainte Sion. Il y est dit qu'on « descendit de l'église (de Sion)
à l'oratoire».
En voici le passage en question:
«Après avoir fini tous les préparatifs de voyage, la dame
(Julienne) alla trouver l'évêque dans l'église de Sion ».
«Quand la soirée fut avancée, tous deux «descendirent»
dans l'oratoire où se trouvait le corps de saint Etienne».
La traduction latine d'Anastase de ce passage (Migne, P. L.
XLI, col. 819) porte: « Perrexit (Juliana) ad episcopum in ecclesia
(Sancta Sion) ».
« Advesperescente autem profundius, descenderunt in orato-
rium, ubi jacebat lipsanum sancti ».
M. L. Nau a pensé que l'oratoire d'Alexandre se soit trouvé
«dans la vallée de Josaphat sur le lieu traditionnel de la lapi-
dation de notre saint».
Voici ses paroles (Revue de l'Orient chrétien, 1906, p. 211):
„ Cherchons à localiser ce martyrium bâti par Alexandre. Il
peut sans doute être identifié avec «l'église, le martyrium où
temple» dédié à saint Etienne dans la vallée de Josaphat,
rencontré déjà par le R. P. Siméon Vailhé (Echos d'Orient,
1905, p. 81—86)." — Ainsi M. Nau.
Notre auteur se trompe, sans aucun doute.
Le récit de la translation du corps de saint Etienne de Jé-
rusalem à Constantinople, cité plus haut, relate dans des termes
très précis: que ce fut «de nuit» que l'évêque descendit de la
sainte Sion à l'«oratoire» sépulcral de saint Etienne. Cet «ora-
toire» bâti par Alexandre, se trouvait donc, très probablement,
dans le voisinage, ou, au moins, fort peu éloigné de la sainte
Sion: car, en faisant un long trajet on aurait pu rencontrer du
monde, ce qui aurait compromis non seulement l'évêque et la
dame Julienne, mais aussi le secret de leur entreprise. Il est
donc tout à fait impossible que l'«oratoire» (martyrium, temple) en
question se soit trouvé dans la vallé de Josaphat ou du Cédron,
sur le lieu traditionnel de la lapidation.
Enfin, à peu près vingt ans après la construction de ce pre-
mier temple de saint Etienne, érigé par l'évêque Jean et Alexandre
— 107 —

le sénateur, vers l'an 415 à 417, Juvénal, le deuxième successeur de


Jean sur le siège épiscopal de Jérusalem, en 422, érigea un temple,
en l'honneur de notre saint, sur le lieu même de la lapidation,
ce qui fait présumer que l'«oratoire» d'Alexandre ne s'y trou-
vait pas.
Où faut-il donc chercher l'« oratoire » d'Alexandre?
Un document du commencement du IXe siècle, connu sous
le nom de « Commemoratorium de Casis Dei vel Monasteriis »
publié par Titus Tobler et Aug. Molinier (Itinera Hierosolymitana,
Genève, 1879) que les savants font remonter à l'an 808, men-
tionne deux églises de saint Etienne: l'une (celle de Juvénal, dont
nous parlerons en détail dans le chapitre suivant) située entre
l'église de Notre-Dame de la «piscine probatique», et le «sé-
pulcre de la Sainte-Vierge» dans la vallée de Josaphat; l'autre,
énumérée avec plusieurs petits sanctuaires qu'il est difficile de
localiser mais qui s'échelonnent en descendant la vallée de Jo-
saphat et en montant le Gehinnom pour se rendre à l'église de
Sion savoir: s. Leontius, s. Jacobus, s. Quaranta, s. Christophorus,
sta Aquilina, s. Quiriacus, s. Stephanus, s. Dometius.
Un moine français qui visita la Sainte Cité vers l'an 870,
connu sous le nom de Bernardus Monachus, nous fournit des
indications plus précises sur notre « oratoire » de saint Etienne.
Dans son « Itinerarium » (éd. Tobler et Molinier, Itinera etc.
Genève, 1879, p. 314) il le localise au sud de la ville de Jéru-
salem et à l'est du Cénacle, en écrivant (1. c. p. 314):
«Est praeterea in ipsa civi- «Puis, il se trouve dans la
tate (Jérusalem) alia ecclesia ad ville de Jérusalem une autre
meridiem, in monte Sion, quae église, située vers le midi, sur
dicitur sancti Simeonis, ubi Do- le mont Sion. On l'appelle l'é-
minus lavit pedes discipulorum glise de saint Siméon. C'est là
suorum et in hac defuncta esse j même que le Seigneur lava les
traditur sancta Maria . . . juxta ! pieds de ses apôtres, et où, se-
quam, versus Orientem est ec- ; lon la « tradition » Sainte Marie
clesia in honore sancti Stephani, mourut. . . Tout près de cette
in quo loco lapidatus esse asse- ! église, du côté de l'Orient, se
ritur ». trouve l'église de saint Etienne,
érigée, d'après l'«on dit», sur le
lieu de sa lapidation».
Bernard distingue ia «tradition» (traditur) et l'«on dit»
(asseritur).
— 108 —

Du reste, si l'on refuserait d'admettre la localisation « versus


Orientem » (du côté de l'Orient) parce qu'il arrive à notre Ber-
nardus de confondre les directions, le fait resterait, qu'il trouva
l'église de saint Etienne « au sud » de la ville, sur le Mont Sion.
* *
*
Les thèses suivantes donnent le résumé des résultats de nos
études relatives au sanctuaire de saint Etienne érigé par Jean
et Alexandre vers l'an 415 à 417:
I. La translation du corps de saint Etienne de la sainte Sion
au martyrium érigé par Alexandre se fit encore du vivant de
l'évêque Jean, décédé vers la fin de l'an 417.
II. L'anachronisme qui met la déposition des reliques de ce
saint dans l'«oratoire» d'Alexandre, au «dixième consulat de
Constantin», pris au sens de la « dixième année de son règne»,
qui conduit en l'an 317, fait supposer que cette déposition a eu
lieu justement en 417.
III. L'« oratoire» d'Alexandre le sénateur se trouvait sur un
lieu situé «plus bas» que l'église de la sainte Sion, et il était
« tout près » (juxta) du Cénacle et « à l'Est » de celui-ci.
IV. Il n'occupait ni le lieu traditionnel de la lapidation dans
la vallée de Josaphat, ni le lieu au Nord de la ville où plus tard
l'impératrice Eudocie érigea la célèbre basilique en l'honneur du
saint protomartyr.
Chapitre sixième.

Le martyrium bâti par Juvénal, évêque de Jérusalem,


sur le lieu de la lapidation de saint Etienne.

Alexandre le sénateur, fondateur du martyrium de saint


Etienne du mont Sion, ne survécut à son oeuvre que de cinq
années. A sa mort, vers l'an 421, il laissa à l'Eglise de Jéru-
salem le tierce de sa fortune. Praïle, évêque de Jérusalem de-
puis 417 à 422, mourut peu de temps après lui. Juvénal lui sui-
vit sur le trône de saint Jacques en 422. Il trouva, à son avè-
nement au trône épiscopal, les caisses de l'Eglise bien remplies.
Mais il fit le meilleur usage de ces trésors: car ce fut lui qui,
dès les premières années de son épiscopat, semble-t-il, construisit,
au saint protomartyr, un martyrium sur le lieu même de sa la-
pidation.
Le panégyrique en l'honneur de saint Etienne, prononcé par
Florence, prêtre de l'Eglise de Jérusalem, à l'occasion de la dé-
dicace de ce nouveau martyrium, existe encore.
L'orateur y dit entre autres, d'après le texte grec de M. Papa-
dopoulos-Kérameus ('AvdXsxxaxxX.,Saint-Pétersbourg, 1898, p. 80),
que nous reproduirons plus bas, accompagné des interprétations
nécessaires:
,,Nous déposons (aujourd'hui) les reliques du bienheureux,
selon la propre volonté d'Etienne, devant les murs de Jéru-
salem, à l'endroit où, lapidé et souffrant une mort célébrée
sur toute la terre par d'illustres louanges, il remporta la
couronne du martyre; Juvénal, qui orne maintenant le trône
glorieux et illustre de Jacques, lui ayant bâti une église digne
de sa mémoire, de ses travaux, et de ses luttes admirables;
Juvénal, homme dans lequel nous admirons l'éloquence, l'affa-
— 110 -

bilité, la vie austère de Jacques lui-même, dont il s'est ap-


pliqué à reproduire en lui la piété et l'amour de Dieu." —
Nulle part, dans notre panégyrique, il n'est question d'Eu-
docie; mais, c'est égal, pour les partisans de la soi-disant « tra-
dition du Nord » ce texte est une preuve que la basilique d'Eu-
docie se trouvait sur le lieu de la lapidation de saint Etienne.
D'après l'opinion des Dominicains, Eudocie ayant été « deux
fois «à Jérusalem, y a construit aussi» deux églises» à son
saint favori: l'une à l'occasion de son pèlerinage, en 439, —
l'autre, pendant son exil, vingt ans plus tard, toutes les deux,
d'après leur opinion, au Nord de Jérusalem.
Le P. Lagrange écrit à ce sujet (Saint Etienne etc., 1894,
p. 64):
„ Eudocie n'eut qu'une fille nommée Eudoxie, comme sa
grand-mère, la célèbre impératrice, femme d'Arcadius ....
Valentin III, empereur d'Occident, demanda la main de sa
cousine: aucune alliance rie pouvait surpasser celle-là (437).
Eudocie exécuta alors le voeu qu'elle avait fait d'aller en
pèlerinage à Jérusalem . . . L'impératrice vint se prosterner
aux Saints-Lieux. Le mouvement de piété qui s'était produit
autour du corps de saint Etienne n'était pas encore affaibli." —
Six ans plus tard, en 444, Eudocie revint à Jérusalem en exilée.
Le P. Lagrange dit à cet égard (1. c. p. 66) :
„ L'empereur avait fait son favori de Paulin, qui paraît
avoir été le conseiller d'Eudocie dès ses plus jeunes années.
Un jour de fête de l'Epiphanie, comme l'empereur se rendait
à l'église, un pauvre lui présenta un fruit de Phrygie admi-
rablement beau. On s'étonne, le pauvre reçoit 150 pièces d'or,
le fruit prodigieux est envoyé à l'impératrice; il passa de ses
mains dans celles de Paulin, qui le donne à Théodose. Tout
se serait terminé peut-être par une explication de bon aloi,
si Eudocie, interrogée adroitement par son mari, et craignant
de lui déplaire, n'avait déclaré avoir mangé le fruit. L'em-
pereur regarde ce mensonge comme l'aveu d'une liaison cri-
minelle; il fait tuer Paulin et se sépare de sa femme. Irritée
et dédaignante de se justifier, Eudocie revient à Jérusalem,
où tant d'infortunes avaient déjà trouvé la paix. La colère
de Théodose l'y poursuit: il ordonne de tuer le prêtre Sé-
vère et le diacre Jean, attachés à son service. Eudocie se
venge aussitôt sur l'exécuteur des hautes oeuvres de son
— 111 —

mari, Saturnin, comte des domestiques, qu'elle fait mettre à


mort. "
,, Théodose répond à cet éclat en dépouillant Eudocie de
ses insignes impériaux. Elle restait à Jérusalem comme exilée,
et la mort de son mari (450) semblait rendre sa chute irré-
vocable, car elle était trop fière pour implorer le pardon de
Pulchérie devenue maîtresse de l'empire. " — Ainsi le P. La-
grange.
D'après les renseignements fournis par l'histoire d'Eudocie,
il n'y a pas de doute que cette impératrice ne soit allée deux
fois à Jérusalem, et qu'elle n'y soit allée aux époques indiquées
plus haut. Cela ne prouve cependant point qu'elle y ait bâti
deux églises en l'honneur de saint Etienne.
En effet, tous les anciens auteurs qui se sont occupés de
la question, ne lui attribuent que la construction d'une seule
église.
Mais alors d'où vient-il qu'on lui attribue, maintenant, la
construction de deux églises de notre saint: la construction du
martyrium sur le lieu de la lapidation, — et, cette de la basi-
lique au nord de Jérusalem?
Le chose est fort simple.
L'erreur fut introduite par deux auteurs du VIe au VIIe siècle
qui ont confondu les événements du premier et du second séjour
d'Eudocie à Jérusalem, en y mêlant l'intervention de saint Cyrille
d'Alexandrie.
I. Dans la Vie de Pierre l'Ibérien, évêque monophisite de
Majouma près de Gaza, écrite par un anonyme vers la fin du
Ve ou dans les premières années du VIe siècle (Traduction de
Raabe, Leipzig, 1895, p. 33) nous lisons:
,, Cyrille d'Alexandrie avait été invité par la fidèle et or-
thodoxe reine Eudocie à venir pour la déposition des os vé-
nérés de l'illustre et très glorieux Etienne, le premier des
martyrs et le premier des diacres, et pour accomplir la dé-
dicace du beau temple qu'elle avait bâti en dehors des portes
septentrionales de la ville, et il accepta volontiers cet appel.
Et, lorsqu'il fut arrivé avec une foule d'évêques de toute
l'Egypte et qu'il eut accompli avec honneur la déposition des
saints os du premier des martyrs, le quinzième jour du mois
d'Ijar (Mai), il fit, le 16 du même mois, sur l'invitation de
sainte Mélanie, la déposition des saints martyrs perses, et
- 112 —

des quarante martyrs avec eux au Mont des Oliviers, dans


le vénérable temple qui avait été élevé brillament par la reine
Eudocie elle-même, comme il est attesté et écrit dans une
sur la " —
inscription paroi.
II. Un autre auteur monophysite, Jean, évêque de Nikiou,
dans sa Chronique écrite au VIIe sièle, nous fournit sur le sé-
jour d'Eudocie en Palestine les indications suivantes (Notices et
Extraits des Manuscrits de la bibliothèque nationale, tome XXIV
1883, p. 470 et 474 de la traduction de Zotenberg) :
„L'empereur, lui (à Eudocie) ayant donné son consente-
ment, écrivit aux gouverneurs de toute la province, leur or-
donnant de recevoir l'impératrice d'une manière digne d'elle,
et il la fit accompagner à Jérusalem par Cyrille, patriarche
d'Alexandrie, pour qu'il la bénit et la dirigeât dans l'accom-
plissement des bonnes oeuvres."
„ C'est ainsi que se réalisa pour elle tout ce qu'elle avait
demandé à Dieu: elle arriva à Jérusalem, restaura les églises
et les habitations, et fit construire un couvent pour les vierges
et un hospice pour les pèlerins, et leur attribua de grands
biens. Elle fit aussi relever les murs de Jérusalem qui étaient
tombés en ruine depuis longtemps. Tout ce qu'elle entre-
prenait, elle l'exécutait avec autorité."
„ Ensuite, l'impératrice se retira du monde et elle vivait
dans la solitude" (1. c. p. 474): „ Après avoir accompli ces
choses, Eudocie mourut, et l'on reposa son corps avec hon-
neur, avec des panégyriques dans le tombeau qu'elle avait
construit de son vivant." —
Ces deux auteurs monophysites ayant vécu loin de l'époque
dont ils parlent, et, loin du théâtre des événements en question,
pèchent, l'un et l'autre, par de nombreuses inexactitudes et des
erreurs chronologiques.
1° Ils ne connaissent qu'un seul séjour d'Eudocie à Jéru-
salem, tandis qu'il est prouvé qu'elle y a été à deux reprises
différentes.
2° Ils font intervenir à cette occasion le patriarche Cyrille
d'Alexandrie, mais de deux différentes façons:
a) Dans la Vie de Pierre l'Ibérien on lit que Cyrille fut
invité par « Eudocie » : « pour accomplir la dédicace du beau
temple qu'elle avait bâti en dehors des portes septentrionales
de la ville de Jérusalem»;
— 113 -

b) d'après Jean de Nikiou, P« empereur » fit accompagner


l'impératrice par Cyrille: «pour qu'il la bénît et la dirigeât
dans l'accomplissement de ses bonnes oeuvres ».
3° La Vie de Pierre l'ibérien parle de la première présence
d'Eudocie, vers l'an 438 à 439, et met la dédicace du « beau
temple qu'elle avait bâti en dehors les portes septentrionales de
la ville» vers la même époque, — tandis que Jean de Nikiou
fait croire qu'il parle du second séjour de l'impératrice, de
445 à 460.
Bref, le savant Bollandiste P. Peeters (Analecta Bollandiana,
t. XXIV, Bruxelles, 1905, p. 137) écrit à ce sujet:
„ Puisqu'on revient sur la translation des reliques de saint
Etienne qu'aurait effectuée s. Cyrille d'Alexandrie, d'après la
biographie syriaque de Pierre l'ibérien, il ne sera plus super-
flu d'observer que cet épisode ne se lit point dans la vie
/aérienne (= géorgienne) de l'évêque de Majouma, publiée
par M. M Marr. Quant à nous, il nous est impossible de voir
dans l'intervention de Cyrille autre chose qu'une fiction mono-
physite, à l'effet de mettre Pierre en rapports personnels
avec le grand docteur dont se réclamaient les anti-chalcé-
doniens. " —
Malgré tout leurs «qui pro quo», nos bons monophysites ne
parlent que d'une seule église de saint Etienne, de celle appa-
remment qu'Eudocie fit bâtir, de 455 à 460 au nord de Jéru-
salem. De plus, ils en parlent sans faire la moindre allusion au
« lieu de la lapidation » de saint Etienne, montrant bien qu'ils
ne savent rien de l'«ancienne tradition» du P. Lagrange, d'après
laquelle le lieu de cette lapidation se trouvait: au nord de Jéru-
salem, « sur la route de Césarée », dans l'emplacement du sanc-
tuaire Saint-Etienne des FF. Prêcheurs de l'Ecole biblique.

C'est sous de telles enseignes que les partisans de la thèse


de la lapidation de saint Etienne au nord de Jérusalem, ont re-
cours à l'hypothèse suivante:
« Que l'église Saint-Etienne de Juvénal se trouvait au
Nord de Jérusalem; qu'elle fut bâtie à l'aide des largesses
de l'impératrice, et consacrée le 15 mai de l'an 439 par saint
Cyrille d'Alexandrie en présence d'Eudocie par la déposition
des reliques du saint diacre».

SaintEtienne.
Mommert, 8
— 114 —

C'est le R. P. Raymond Génier, des FF. Prêcheurs, qui bro-


dant encore sur cette thèse hardie et toute gratuite, nous dit
dans sa Vie de saint Euthyme le Grand (Paris, 1909, p. 202—203):
,, Le grand patriarche alexandrin (saint Cyrille) était
venu à Jérusalem l'année précédente (en 438), sur la demande
de Théodose, afin d'assister l'impératrice (Eudocie) dans l'a-
complissement de son voeu et dans toutes les bonnes oeuvres
qu'elle se proposait de faire. La veille de la dédicace du mar-
tyrium de Mélanie (sur le Mont des Oliviers) le 15 mai (439),
il avait dédié, en présence des nombreux évêques égyptiens
qui l'avaient accompagné en Palestine, la belle église que
Juvénal, grâce sans doute aux libéralités d'Eudocie, en grande
partie au moins, venait de faire construire « hors de la porte
du nord», en l'honneur de saint Etienne, sur le lieu même
où le premier martyr avait donné au Christ le témoignage
de son sang."
„Cette église, attribuée à Eudocie, soit à cause du concours
qu'elle n'avait pas pu manquer de donner à l'évêque de Jérusalem,
soit parce que la souveraine en faisait pour ainsi dire la con-
quête par le fait de sa présence dans la Ville Sainte, devait
renfermer les restes sacrés du Protomartyr. Les reliques de
s. Etienne, découvertes en 415, à Caphargamala, avaient été
déposées tout d'abord dans l'église supérieure, la sainte église
de Sion; de là, elles furent transportées dans l'église du nord,
où s. Cyrille en fit la déposition solennelle le 15 mai 439." —
Effrayé, sans aucun doute, de l'énormité des erreurs histo-
riques qu'il vient d'accumuler dans ces quelque lignes, le P. Gé-
nier s'empresse d'ajouter en note sous texte (1. c. p. 203):
,, Nous ne prétendons pas prononcer « ex cathedra » sili-
ce point d'histoire; . . . nous voulons simplement dire: com-
ment les textes nous semblent s'enchaîner, et quelle nous
paraît être leur coordination naturelle et logique."
,,Saint Cyrille a séjourné à Jérusalem; lui-même l'atteste
«Epist. LXX [olimLlil]» (P. G., LXXVII, col. 541) — ; «dans
un voyage qu'il fit vers ce temps-ci à Jérusalem», dit Tille-
mont (Mémoires, XIV, p. 639); ce «temps-ci» pour Tillemont,
c'est l'année 438. — Un écrivain du Ve siècle, l'auteur de la
Vie de Pierre l'ibérien, mentionne, on vient de le voir, la
présence de S. Cyrille à Jérusalem, lors du premier voyage
de l'impératrice —
(438—439). Jean de Nikiou (686), dit:
— 115 —

« L'empereur, lui ayant donné son consentement (à Eudocie),


écrivit aux gouverneurs de toute la province, leur ordonnant
de recevoir l'impératrice d'une manière digne d'elle, et il la
fit accompagner à Jérusalem par Cyrille, patriarche d'Ale-
xandrie, pour qu'il la bénit et la dirigeât dans l'accomplis-
sement de ses bonnes oeuvres» (Notices des Manuscrits
de la Bibliothèque Nationale, tom. XXIV, p. 470. Traduction
"
Zottenberg).
,,Un contemporain de Juvénal que notre père Combéfis
a cru être Basile de Séleucie (le prêtre Florence de Jérusa-
lem. L'auteur.), dit: « Les reliques du bienheureux (Etienne)
sont déposées, comme l'avait voulu Etienne lui-même, « de-
vant les murs de Jérusalem, au lieu où, lapidé, il mourut
d'une mort glorieuse, célébrée dans tout l'univers, et rem-
porta la couronne du martyre; Juvénal qui occupe mainte-
nant le glorieux trône de Jacques, lui construisant (à Etienne)
une église digne de sa mémoire, de ses travaux et de ses
combats» (P. G., LXXXV, col. 469)."
„ « Devant les murs de Jérusalem », cela n'indique pas
le point cardinal, il est vrai; mais l'auteur de la vie de Pierre
l'ibérien, lui, ne l'oublie pas: «Cyrille», dit-il, «avait été in-
vité par la fidèle et orthodoxe reine Eudocie à venir pour
la déposition des os vénérés de l'illustre et très glorieux
Etienne, le premier des martyrs, et le premier des diacres,
et pour accomplir la dédicace du beau temple qu'elle avait
bâti en dehors des portes septentrionales de la ville, et il
accepta volontiers cet appel. Et lorsqu'il fut arrivé avec une
foule d'évêques de toute l'Egyte, et qu'il eut accompli avec
honneur la déposition des saints os du premier des martyrs
le quinzième jour du mois d'Ijar (mai), il fit le 16 du même
mois, sur l'invitation de sainte Mélanie, la déposition des
saints martyrs perses, des quarante martyrs avec eux, au
Mont des Oliviers, dans le vénérable temple qui avait été
aussi élevé brillamment par la reine Eudocie, elle-même,
comme il est attesté et écrit dans une inscription sur la paroi »
(Revue de l'Orient chrétien, tome XIII, p. 9—10, traduction
du R. P. Lagrange). "
„ Le « martyrium » de sainte Mélanie fut donc attribué
à Eudocie, comme P«église» de Juvénal, et pour la même
raison. L'impératrice avait demandé de presser la construc-
— 116 —

tion du martyrium; il est aisé de comprendre quelles furent


pour la souveraine les conséquences de sa demande: elle
donna largement, autant du moins que le permit Mélanie tou-
jours soucieuse des exigences de la pauvreté monastique.
Mélanie fut reconnaissante, en faisant dire à une plaque com-
mémorative que l'impératrice avait construit ce martyrium."
„ Nous sommes persuadés que Juvénal, comblé des bien-
faits de la souveraine, mit, lui aussi, une plaque toute pareille
sur la paroi de l'église du nord dédiée par saint Cyrille."
„ Mais, si Juvénal avait construit son église à l'est, sur
le chemin de Cédar?"
„I1 en est, nous le savons, qui tiennent à ce chemin,
sur lequel cependant on n'a guère rien trouvé jusqu'à présent,
du moins rien de bon. Aussi, aimons-nous à croire que ces
très honorables contradicteurs finiront par trouver leur « che-
min de Damas » ; ils auront de bons guides dans le R. P. La-
et le R. P. bollandiste. "—
grange, dominicain, Peeters, jésuite,
Tout le monde voit que l'argumentation de notre auteur n'est
guère serrée.
Le P. Génier se trompe s'il croit que tous ces textes qu'il
vient de citer en faveur de sa thèse, parlent de l'église bâtie
par Juvénal sur le «lieu de la lapidation». Saint Cyrille d'Ale-
xandrie a été à Jérusalem en 438, c'est bien vrai; mais on se
trompe en lui attribuant la dédicace soit de l'église bâtie par
Juvénal, avant 438, « sur le lieu de la lapidation », soit de la basi-
lique d'Eudocie « en dehors de la porte septrionale de la ville »,
construite seulement de 455 à 460. — Aussi, Jean de Nikiou,
dans son passage cité par le P. Génier, n'attribue-t-il à saint
Cyrille que la mission « de bénir l'impératrice et de la diriger
dans l'accomplissement de ses bonnes oeuvres». Notre chroni-
queur ne dit pas: que l'empereur fit venir Cyrille «pour la con-
sécration d'une église», cérémonie qui revient toujours à l'évêque
du diocèse lui-même, ou à son délégué.
Le biographe anonyme de Pierre l'ibérien attribue, il est
vrai, la consécration de la basilique eudocienne, au nord de Jé-
rusalem, au grand patriarche d'Alexandrie, qui alors était déjà
mort depuis six ans: mais, il confond apparemment l'église de
Juvénal à l'Est, consacrée avant 438, avec celle d'Eudocie au
Nord consacrée en 460. Le même biographe fait venir s. Cyrille
sur les « instances — tandis que
d'Eudocie, Jean de Nikiou le
— 117 -

fait venir sur les «ordres de l'empereur». Bref, ces renseigne-


ments contradictoires sont loin de prouver les faits que le P. Gé-
nier voudrait leur faire affirmer.
III. Quant au panégyrique du prêtre Florence de Jérusalem, il
est hors de doute qu'il fut prononcé à l'occasion de la dédicace
de l'église Saint-Etienne de Juvénal.
C'est depuis quelques années seulement, qu'on connaît le
vrai nom de cet auteur.
Le renseignement se trouve dans une note sous texte de
l'édition des 'AvâXexxa 'IeooooXvfuxixrjç 2xayvoXoyiaç par M. Papa-
dopoulos-Kéraméus (Saint-Pétersbourg, 1898, p. 74) où nous
lisons :
„Kazà xov xvnoiç àvexôoxôv /uov j „ D'après le catalogue des
xaxâXoyov xoev èv xfj fiovfj Koat- \ manuscrits grecs qui se trou-
viÇrjçêXXrjvixwvxmMxoev èné.yQan- I vent dans la «juovvrj Koaivïïjnç •»,
xai xovxo xo XSÎ/AEVOV (âgiê: 28, \ que j'aifaitimprimer.cetouvrage
(pvX.4) ovxoe: « 0Xoegevxcovngeo- porte en tête l'inscription sui-
ftvréQOV'IegoaoXvjuoev EVXCÔ/MOV sic j vante (n° 28, 4):
xov âyiov 2xé<pavov». — 'Eyoâcprj « Panégyrique en l'honneur de
èe ovroç ô KoeôiÇ xfj lé êxax.'' — saint Etienne (prononcé) par
Florence, prêtre de l'Eglise de
Jérusalem». Se manuscrit est
du XVe siècle. " —
Le panégyriste insinue que lui et son auditoire assistaient
à l'«invention» et à la «translation» des reliques de saint Etienne
de Caphargamala à l'église de la Sainte Sion, en 415. C'est du
moins ainsi que je comprends avec le P. Siméon Vailhé (Rev.
de l'Orient chrétien, 1907, p. 80) les mots:
« Aià xovxo fj/uélç [xaxâQioi ol « Bienheureux sommes-nous,
xaxaÇim'&évTeçxoev XCUQOJV XOJV OTJV ô Etienne, qui avons été jugés
xrjv (pavégcooiv xrjQvÇâvxoev». dignes de voir les jours qui ont
proclamé ta manifestation».
Puis le prédicateur continue:
«'H ôk EVQeoiçxov navoXfilov « Or, la découverte du corps
amjJLaxoçxovxov e%ei xov XQÔTCOV».bienheureux a eu lieu de la ma-
nière suivante».
Apres avoir donne, ensuite, un très bref récit de l'invention
des reliques de saint Etienne, faite en 415, le prédicateur ajoute
(Papadopoulos-Kéraméus, 1. c. p. 80; Migne, 1. c. col. 469):
118 —

,*Anoxi&Exai ôè xov fiaxagiov xb „Nous déposons (aujourd'hui)


X.eitpavovxaxà xb avxov xov 2XE- les reliques du bienheureux, se-
<pâvov,&r)X'r}fia TIQOxoevxEi%Loev xfjç lon la propre volonté d'Etienne,
'iEQovoaXrjju,, è'v&a XiêofioXij&elç, « devant les murs » de Jérusa-
xov ânavxo%ov xfjçoixov/LiÉvrjç fiodci- lem, à 1'«endroit» où lapidé
/XEVOV êmôôÇcoçâoibijuov vnofitivaç et souffrant une mort célébrée
•dâvaxov, xovç Xa/jjigovç xov fiaQ- sur toute la terre par d'illustres
XVQÎOV âvEÔr/oaxooxEcpâvovçênaÇiaç louanges, // remporta la cou-
xfjç EXEIVOV /xvrjfxrjç,xal xoevEXEIVOVronne du martyre; «Juvénal»
nàvoev, xal xwv evxXEEOTÉQoev âyô- qui orne maintenant le trône
voev'ExxXrjoiaçoixoôofirj'&EÎaaçvnb glorieux et illustre de Jacques,
xov vvv xov evàoÇov xal JIEQÎ^XETI- lui ayant bâti une « église » digne
xov ûgôvov 'Iaxoefiov èiaxoofxovvxoç de sa mémoire, de ses travaux
'Iov^evaXiov, âvôçôç, êv qp xal 6 X6- et de ses luttes admirables;
yoç xal ô xgônoç xal o flioç, xôxs «Juvénal », homme en qui nous
âfioefitjxov xal ènièok~ov xal <piX6- admirons l'éloquence, l'affabi-
ÛEOVXOV avxovlaxoeftov ànoooet,Exai, lité, la vie austère de Jacques
jMfA.rjfiaâxQifloeç xvy/àvovxoç XÏJÇ lui-même, dont il s'est appliqué
EXEIVOV q>iXovxEÎaç.u à reproduire en lui la piété et
l'amour de Dieu." —
Nulle part, dans tout le panégyrique, il n'est question de
saint Cyrille, patriarche d'Alexandrie, qui, d'après le P. Génier
aurait présidé à la cérémonie de la dédicace et à la déposition
des reliques de saint Etienne, et qu'il aurait fallu nommer et
complimenter, si c'était, en effet, lui qui fit cette dédicace.
Nulle part, dans tout le panégyrique, il n'est question d'Eu-
docie, qui, d'après le même P. Génier, aurait, par ses largesses,
supporté les frais de la construction du « martyrium » bâti par
Juvénal sur le « lieu de la lapidation » de saint Etienne, et qu'il
fallait nommer aussi, à cette occasion, si, en effet, elle y avait
concouru, — et, si, comme le P. Génier le veut, l'impératrice
était accourue de Constantinople, pour assister en personne à
cette dédicace.

Le P. Lagrange, voyant que le panégyrique en question ne


favorise pas sa thèse de la lapidation de saint Etienne au nord
de Jérusalem, écrit dans son article « Le sanctuaire de la lapida-
tion de saint Etienne» (Revue de l'Orient chrétien, 1908, p. 6):
„On le voit, ce texte ne parle ni de l'Est, ni du Nord. En
— 119 —

l'entendant du Nord, on le met en harmonie avec la tradition


ancienne. L'entendre de l'Est, ce n'est pas, d'un seul coup don-
ner raison à la tradition récente; c'est simplement établir un
conflit." —
Puis (1. c. deux lignes plus bas) il se met à discréditer notre
texte en ajoutant:
,, Après cela on pourrait discuter la valeur respective
des textes et rappeler le jugement sévère de Tillemont sur
l'éloge de saint Etienne, faussement attribué, par Combéfis,
à Basile de Séleucie: «Il me semble qu'il y a très peu de
génie et d'esprit dans cette pièce. Le style en est aussi trop
long, et le grec barbare pour croire qu'elle soit de lui »
(Tillemont, Mémoires etc., tome XV, p. 345)." —
Cette digression du P. Lagrange semble calculée pour dé-
pister le lecteur. L'« éloge» (panégyrique) prononcé par le prêtre
Florence de Jérusalem, à l'occasion de la dédicace de l'église
érigée sur le «lieu de la lapidation» de saint Etienne, en dehors
des murs de la ville, par Juvénal, à une époque antérieure à
l'an 438, ne parle, il est bien vrai, ni de l'Est, ni du Nord. Mais,
il est impossible de l'entendre de la basilique Saint-Etienne du
nord: parce qu'on sait que celle-ci fut bâtie non point par Ju-
vénal, mais par l'impératrice Eudocie, et consacrée en 460, à
une époque où Juvénal ne vivait plus. Aussi cette dernière ba-
silique n'a-t-elle jamais réclamé l'honneur d'occuper le lieu de
la lapidation.
Entendre le panégyrique de l'église de Saint-Etienne bâtie
par Juvénal « sur le lieu de la lapidation», — c'est, naturellement,
comme le P. Lagrange l'a senti très bien, donner raison à la
tradition de l'Est, que notre auteur désigne, très mal à propos,
du nom de «tradition récente».
Le «jugement sévère de Tillemont» prouve seulement qu'il
est impossible d'attribuer notre panégyrique à Basile. Le «style
trop long et le grec trop barbare » indiquent simplement qu'il
est l'oeuvre d'un barbare, comme l'est le prêtre Florence de Jé-
rusalem.

Le R. P. Siméon Vailhé paraît indécis, mais il incline en


faveur de la tradition de l'Est, en écrivant (Revue de l'Orient
chrétien, 1907, p. 81): „Ce texte (le panégyrique de Florence) est
- 120 —

d'habitude (par les Dominicains) rapporté à l'église de Saint-


Etienne du Nord, sans que rien indique une direction quelconque.
Le seul renseignement topographique est celui-ci: «devant les
murs de Jérusalem», qui peut se traduire aussi: « hors des murs
de Jérusalem »."
,,On me concédera volontiers que l'église « Saint-Etienne du
Cédron » se trouvait « devant » ou « hors » des murs de la ville,
aussi bien que celle du Nord."
„Devons-nous alors renoncer à ce témoignage, qui pourrait
se rapporter soit au sanctuaire du Nord soit à celui de l'Est?
Aucunement. La chronologie peut fournir d'utiles indications. Le
panégyriste affirme, et de la manière la plus expresse, que
l'église Saint-Etienne a été bâtie par l'évêque Juvénal, encore en
vie au moment où il parle. Or, le successeur de Juvénal, Ana-
stase, est monté sur le trône patriarcal de Jérusalem en Juillet
458. Il s'ensuit que Juvénal est mort, au plus tard, dans les six
premiers mois de l'année 458. Il s'ensuit encore que le panégy-
rique a été prêché au plus tard le 26 Décembre 457, jour de
la fête de saint Etienne. A ce moment-là, l'église était construite:
ExxXiqoiaçoïxoèofMjdEioi-jç.Et cela nous suffirait déjà pour distinguer
l'église bâtie par Juvénal de l'église bâtie par Eudocie dédiée
seulement le 15 juin 460, avant son complet achèvement."
„Mais l'on peut encore serrer d'avantage l'argument. Nous
avons vu que le panégyriste célèbre son bonheur et celui de
son auditoire, parce qu'ils ont vu les jours de l'invention des
reliques de saint Etienne. Ils vivaient donc, lui et ses auditeurs,
en 415. Dès lors, comprendrait-on cette réflexion, si le panégy-
rique avait été prêché seulement en 457, quarante-deux ans après
l'invention des reliques? A ce moment-là les survivants de 415,
du moins ceux qui en 415 étaient assez grands pour avoir pleine
conscience de ce qui se passait, devaient être plutôt rares, et
l'orateur n'aurait certainement pas englobé tout son auditoire
dans cette cathégorie. L'impression qui se dégage de notre texte,
c'est que nous ne sommes pas très-éloignés de l'événement de
415. Par suite, la construction de l'église Saint-Etienne doit être
rapportée à la première partie de l'épiscopat de Juvénal (422 —452)
plutôt qu'à la dernière (453—458)."
„Or, d'après toutes les vraisemblances, Juvénal est devenu
évêque en 422. De plus, le 26 Décembre 439, sainte Mélanie
visite déjà l'église Saint-Etienne, bâtie sur le lieu de la lapida-
- 121 —

tion du premier diacre. C'est donc entre les années 422 et 439

que cette église a été construite."

Nous sommes parfaitement de l'avis du P. Vailhé, tant pour


la date de la construction que pour le lieu du martyrium, bâti
par Juvénal « sur le lieu de la lapidation » de saint Etienne.
Quant à la date de la construction, nous présumons que ce
fut entre 422 et 437, de manière que la consécration de ce
«martyrium», et, la «déposition des reliques de saint Etienne»,
célébrée par le panégyrique de Florence, eurent lieu «avant»
l'arrivée de la pèlerine impériale en 438 ou 439.
Quant au lieu où ce « martyrium » s'éleva, ce fut, selon les
termes du prédicateur, «devant les murs de Jérusalem», — et,
« sur le lieu de la lapidation » du saint protomartyr, qui se trou-
vait, comme nous l'avons vu plus haut (chap. Ier), dans la «vallée
du Cédron ».
Qu'on le remarque bien, Florence dit du «martyrium» de
saint Etienne, bâti par Juvénal «sur le lieu de la lapidation»
qu'il se trouvait « devant les murs de Jérusalem », tandis que les
auteurs qui parlent de la « basilique » d'Eudocie, bâtie de 455 à
460, «au Nord de Jérusalem», ne se servent jamais de ce terme,
pour désigner le site de la basilique impériale; ils le caractérisent
toujours par des termes qui indiquent son site « au Nord » de
Jérusalem, «en dehors des portes septentrionales de la ville».
Le panégyrique de Florence ne se prête donc point à l'iden-
tification du « martyrium » bâti par Juvénal sur le lieu de la lapi-
dation, devant les murs de Jérusalem, avant l'arrivée de la pè-
lerine impériale, à Jérusalem, en 438 ou 439, — avec la « basi-
lique d'Eudocie», bâtie par cette impératrice, en l'honneur de
saint Etienne, de 455 à 460, et: en «dehors des portes septen-
trionales de la ville», — il confirme, au contraire, la tradition
de la vallée du Cédron.

IV. D'autres renseignements relatifs au « martyrium » de Ju-


vénal, sur le lieu de la lapidation de saint Etienne, dans la
vallée de Josaphat, se trouvent dans la «Vie de sainte Mélanie
la Jeune», éditée d'abord dans les «Analecta Bollandiana» (éd.
— 122 —

Bruxelles, 1903, p. 44—45), puis dans l'ouvrage du Cardinal


Rampolla del Tindaro «Santa Melania giuniore, senatrice Ro-
mana» (Roma, 1905).
Le texte du Cardinal Rampolla (1. c. p. 32) porte:
„ Cumque vidisset officium j „(Sainte Mélanie) ayant vu
sanctae ecclesiae adimpleri bene ! que les moines remplissaient
a monachis, et animus ejus in bien les offices de la sainte
amore Dei cresceret et ferveret, église, et, son âme ayant fait
cogitavit «parvum martyrium» j des progrès dans l'amour de
aedificari in illo loco dicens: ! Dieu, elle résolut d'ériger en
« Hic est locus in quo steterunt i cet endroit (sur le mont des
pedes Domini: faciam ergo mo- | Oliviers) un petit sanctuaire
dicum martyrium, ut post dor- j (parvum martyrium) disant: Ce
mitionem meam oblatio pro lieu-ci a été sanctifié par les
anima mea et domini mei cele- pieds du Seigneur. J'y érigerai
bretur. donc « un petit sanctuaire »,
afin qu'on y célèbre, après ma
mort, la sainte messe pour le
i salut de mon âme et celle de
mon mari."
„Implevit ergo Deus omnia „Ce projet étant conforme à
quae cogitavit, quia erant con- sa volonté, le bon Dieu le réa-
silia ejus secundum Deum, con- lisa, et Mélanie y rassembla un
gregans autem et ibidem non très grand nombre de moines
paucos monachos, qui in mo- qui louèrent le Christ par des
nasterio Dei hymnis et canticis hymnes et des cantiques dans
Christum laudarent." le monastère de Dieu. "
Puis (1. c. p. 33):
„Cum igitur aedificaret, au- „Etant occupée de la con-
divit venire Augustam Eudo- struction de ce « petit sanc-
xiam . .. Occurrit ei in Sidonem tuaire», elle apprit que l'impé-
obviam . . . Pervenerunt deinde ratrice Eudocie venait à la
pariter ad Civitatem (Jérusa- Sainte Cité . . . Elle alla donc
lem) ... Et ingressa in mona- à sa rencontre jusqu'à Sidon ...
sterium, omnes virgines ... ad Et ensuite elles arrivèrent en-
osculum vocat et suscipit (Eudo- semble à Jérusalem . . . Etant
xia). Deinde vadit in virorum venue (pour voir sainte Méla-
monasterium, et, ingressa audit nie) l'impératrice entra d'abord
aedificari praedictum « marty- au couvent des religieuses,
rium» jubetque, celerius opus qu'elle admit toutes au baiser
123 -

consumari, et rogat sanctam (de la main). Puis elle se rendit


(Melaniam), ut, dum ibidem es- au monastère des hommes.
set, dedicatio celebraretur. Quod Ayant appris, à son entrée,
et factum est, annuente Do- qu'un sanctuaire s'y trouvait en
mino. " construction, elle ordonna : qu'on
hâtât l'oeuvre, et demanda à
sainte Mélanie: qu'on en fît la
dédicace pendant son séjour à
Jérusalem. Ce qui fut fait avec
l'aide de Dieu."
„ [LIX] Sed bonorum invidus „Mais le diable, ennemi des
inimicus excitât tristitiam bea- âmes pieuses, se mit à attris-
tissimae (Melaniae). Dum enim ter la bienheureuse (Mélanie).
post haec ingrederetur in mo- Quand, après (la cérémonie de
nasterium regina lapsum fecit la dédicace) l'impératrice rentra
et pedis articuium vitiavit, a au couvent, elle tomba et se
cujus dolore ipso die taediare foula le pied, ce qui lui occa-
coepit ... Et recedente omni sionna, dès ce même jour, beau-
dolore, incolumis reversa est in coup de douleurs . . . Ces dou-
sanctam Anastasim, et in «mar- leurs ayant cessé de tourmenter
tyrium» (basilicam sancti Con- l'impératrice, elle rentra bien
stantin! super crypta, ubi s. portante dans la sainte Eglise
Crux inventa fuit), ubi dedica- de la Résurrection et dans le
tio facta est. . . Omnibus igi- « martyrium » de Constantin où
tur rite peractis, Augusta, op- l'on célébra l'anniversaire de la
portuno tempore, Constantino- dédicace (14. Septembre) . . .
poli m rediit." — Puis, après l'accomplissement
des oeures qu'elle s'était pro-
posée d'exécuter, l'impératrice,
ayant trouvé le temps oppor-
tun, se remit en chemin pou/
"
Constantinople.
Trois pages plus bas (1. c. p. 36) nous lisons

„ (p. 36) Venit îgitur nativitas „ Le jour de la Nativité de


Salvatoris Domini Nostri Jesu N. Seigneur Jésus-Christ étant
Christi, et dixit (Melania) : «Volo venu, elle (Mélanie) dit (à ses
ad sanctam Bethlehem occur- compagnes): «Je veux aller à
rere et ibi celebrare natalem la sainte Bethléem, pour y cé-
Domini mei. Nescio enim an lébrer la fête de mon Seigneur.
124

vivam et occurrente anno hoc Car, je ne sais pas, si, l'année


videam»." prochaine, je vivrai et je la ver-
rai »."
„Vadit itaque et cum nepte „ Elle s'y rendit donc avec
sua Paula, virgine Domini, et sainte Paule, sa nièce, vierge
célébrât sanctas Vigilias et com- consacrée à Dieu, et, après
municat." avoir célébré les saintes Vigiles,
elle communia."
„ Deinde, quasi jam sciens se „ Puis, sachant bien qu'elle
celerius migrare a saeculo vale- allait quitter ce monde, en peu
fecit nepti dicens: «Ora pro me, de jours, elle dit adieu à sa
dulcissima. Jam amodo solae nièce en disant: «Priez pour moi,
absque me celebrabitis natalitia ma chère, bientôt vous célébre-
Domini »." rez sans moi la fête de Noël»."
„Quem sermonem audientes, „En entendant ces paroles,
omnes qui aderant flere coepe- tous ceux qui étaient présents,
runt, Reversa vero, ingressa commencèrent à pleurer, tandis
est in sanctam speluncam et qu'elle-même, après les avoir
oravit." — quitté, entra dans la Sainte-
Grotte et y pria." —
„ [LXIV] Altéra vero die, cum „ Le jour suivant (fête de
esset in « coliecta » beati Ste- saint Etienne) étant descendue
phani, protomartyris, cum non dans le « martyrium » du bien-
procederet ad vigilias, diluculo heureux Etienne, du premier
vadens in eodem « martyrio », des martyrs, de grand matin,
praecepit « oblationem » de mo- parce qu'elle n'assistait pas aux
nasterio suo fieri. Non enim vigiles (à Bethléem), elle or-
habebat consuetudinem com- donna que l'on fit venir l'«obla-
municare, nisi et ipsa «oblatio- tion» de son monastère: car
nem» obtulisset." elle avait l'habitude de ne pas
communier sans avoir fait, elle'
même, l'« oblation»."
„Igitur, revertens de «mar- „ Puis, de retour du « marty-
tyrio», vigilat cum suis virgi- rium » de saint Etienne, elle
nibus, quas jam, praecipiente assista, dans le monastère (sur
Domino, etsi non spiritu, tamen le Mont des Oliviers), aux «Vi-
corpore incipiebat relinquere giles» de ses religieuses que,
orphanos. Erat enim et mea sur les ordres du Seigneur, elle
humilitas ibidem cum ipsa: et commençait de les laisser orphe-
dixit, ut ego primum legerem lines en les quittant non pas
125

inventionem reliquiarum beati d'esprit, mais de corps. Ma


Stephani. Legerunt autem et pauvreté étant présente, elle
très aliae sorores. Postea vero me dit de lire la première leçon
et ipsa legit de Actibus Aposto- qui relate l'«invention des reli-
lorum passionem sancti Ste- ques de saint Etienne. Puis trois
phani, quia consuetudo erat ei, des Soeurs firent des «lectures».
per vigilias sanctorum quinque Enfin Mélanie, elle-même, lut la
« passion de saint Etienne » se-
légère lectiones ... Et dixit ad
me : « Eamus ut orem in mar- lon les Actes des Apôtres: parce
tyrio in monasterio virorum, qu'elle avait la coutume de lire
quia et ibi positae sunt reli- cinq « leçons » pendant les «Vi-
quiae beati Stephani»." giles » des Saints . . . Après
cela, elle me dit: «Allons, afin
que Je fasse ma prière dans
le « martyrium » du couvent
des hommes: car, là-aussi il
y a des reliques de saint
Etienne»."
On le voit bien: la «Vie de sainte Mélanie», rédigée par
un contemporain des événements, ne connaît qu'une seule dé-
dicace qui a eu lieu à Jérusalem pendant le séjour de l'impéra-
trice, de 438 à 439: celle du «petit sanctuaire» (parvum marty-
rium), bâti par sainte Mélanie dans le monastère des hommes
sur le Mont des Oliviers; où l'impératrice se foula le pied.
Plus tard, l'impératrice assista à l'«anniversaire» de la dé-
dicace de l'église du Saint-Sépulcre (14 Septembre 439).
Enfin, la même «Vie de sainte Mélanie » nous apprend qu'il
y avait, à Jérusalem, en 439, un « martyrium de saint Etienne »
(Collecta beati Stephani protomartyris) où sainte Mélanie se
rendit le « lendemain de la fête de la Nativité de N. Seigneur »
(26 Décembre 439), pour y assister à la messe et pour y com-
munier « après avoir fait venir l'offrande de son couvent » : mais,
elle se garde bien de dire: qu'il avait été bâti par Eudocie et
dédié par saint Cyrille d'Alexandrie.
Or, comme nous savons que Juvénal, évêque de Jérusalem,
dès les premières années de son épiscopat, semble-t-il, bâtit un
« très beau martyrium » en l'honneur de saint Etienne, « sur le
lieu de la lapidation » du saint protomartyr, « devant les murs
de Jérusalem », où, d'après Florence, on fit la déposition de ses
reliques, — il nous paraît non seulement «très possible», mais
— 126 —

« très probable » : que ce fut justement ce martyrium que sainte


Mélanie visita le « lendemain de Noël de l'an 439 », six jours
avant sa mort qui eut lieu le 31 Décembre de la même année.

V. Un texte tiré de la « Vie de saint Euthyme » écrite par


saint Cyrille de Scythopolis, dit: que Gabrielos, premier higou-
mène du couvent d'Eudocie près de la basilique de Saint-Etienne
au Nord de Jérusalem, — construisit un «petit monastère à
l'Est de la vallée du temple de l'Ascension, pour y faire le
Carême».
C'est là-dessus que certains auteurs modernes ont tablé
pour expliquer l'origine du sanctuaire de saint Etienne qui se trou-
vait, d'après le « Commemoratorium de Casis Dei », au début du
IXe siècle, dans la vallée de Josaphat.
Le P. Lagrange en parle (Saint Etienne etc., 1894, p. 75)
en ces termes:
„ Gabriel était Capadocien. Son amour pour la vie ana-
chorétique lui rendait pesant le gouvernement d'un grand
monastère (de femmes) comme celui de Saint-Etienne. —
Après avoir été higoumène pendant vingt-quatre ans, il se
construisit un petit monastère dans la vallée du temple auguste
de l'Ascension, à l'Orient, où, à l'imitation d'Euthyme, il se
retirait après l'octave des saintes Théophanies pour y de-
meurer jusqu'à la fête des Palmes. "
„On peut se demander," — dit le P.
Lagrange en note
sous texte (1. c. p. 76), — s'il s'agit de l'orient par rapport à
la ville ou pour rapport à l'église de l'Ascension; cependant
le texte grec indique plutôt le premier sens, il s'agit de la
vallée orientale de la ville qui est aussi la « vallée de l'Ascen-
sion » : êv xfj ngbç xoiXâèi xov osfiaojuiov vaov, ôg ânb âylaç
ojvôjuaaxo âvaXfjyjEoeg(Vie de s. Euthyme, N° 103)."
Le P. Siméon Vailhé se croit obligé de combattre cette opi-
nion, en écrivant dans les Echos d'Orient (1905, p. 82):
„ J'ose à peine relever ce qu'une pareille traduction offre
d'inattendu. Il nous faut, en effet, pour avoir la pensée du
Révérend Père (Lagrange), traduire ainsi le membre de la
phrase de Phagiographe:
« A l'est, dans la vallée de l'auguste temple qui porte
le nom de la sainte Ascension»."
— 127 —

„ Aussi ne sera-t-on pas étonné si, à cette traduction,


je préfère celle-ci, qui me paraît à la fois la plus littérale et
la plus littéraire, tout en étant plus compréhensible: «Gabriel
se construisit un petit eremitage dans la vallée, qui est à l'est
du temple auguste de la sainte Ascension»."
„ La discussion qui précède porte sur le texte de Méta-
phraste, dont s'est servi le R. P. Lagrange; si nous prenons
celui de Cyrille de Scythopolis, nous arriverons à la même
conclusion. Le voici: « êv xfj e| âvaxoXoev xodâôi xov oE^aofxîov
POVIJLOV xfjç âyiaç âvaXfjyiEoeç» (Vita S. Euthymii, p. 76). C'est-à-
dire: «dans la vallée qui est à l'est de l'auguste colline de
la sainte Ascension ». "
„Dès lors, ce n'est plus la vallée de Josaphat qui est
signalée, mais la vallée située à l'est du Mont des Oliviers et
de l'église de l'Ascension. Et, j'ajoute que le contexte semble
réclamer cette interprétation."
„ Que cherche Gabriel en quittant le monastère de Saint-
Etienne dans les premiers jours de l'année?"
„Il cherche, à l'exemple d'Euthyme, son maître et son
modèle, la solitude et la retraite pour y passer ce que nous
appellerions le temps du Carême. Est-ce que la vallée de Jo-
saphat, lieu de passage s'il en fut, à deux pas de la Ville-
Sainte, se prêtait à ses désirs? — Mais il n'y aurait pas joui
d'une aussi grande tranquillité que dans sa cellule de Saint-
Etienne, tandis que, dans une des vallées qui descendent du
Mont des Oliviers vers le Jourdain, il se trouvait dans un vrai
désert." —
„ Du reste, même si on acceptait la traduction du R. P. La-
grange, le texte de Cyrille de Scythopolis ne mentionne pas
le moindre sanctuaire, si petit soit-il, dédié à saint Etienne;
il parle seulement d'un petit « monastère » que Gabriel avait
construit pour lui, c'est-à-dire d'une simple cellule mise à sa
disposition. En conséquence, on ne saurait tabler là-dessus,
pour expliquer l'origine de l'église de saint Etienne, qui s'éle-
vait, d'après le « Commemoratorium de Casis Dei», dans la
vallée de Josaphat, au début du IXe siècle." —
Sapienti sat! *
*
*
VI. M. l'abbé Nau a versé au débat deux autres textes: dans
l'un, tiré des Plérophories, il est question, avant 451, de deux
— 128 —

églises de saint Etienne et de saint Jean (Revue de l'Orient


chrétien, 1906, p. 211), sans qu'on marque autrement leur situa-
tion; mais cette situation est fixée par un second texte qui se
trouve dans les «Vies et Récits d'Anachorètes, IVe—VIIe siècles»
qu'ont édités ou résumés de concert M. l'abbé Nau et M. Léon
Clugnet, dans la «Revue d'Orient chrétien» (tome VII, 1902,
p. 604-617, et tome VIII, 1903, p. 91—100), d'après un manu-
scrit de Paris, du IXe siècle."
„Dans un chapitre de ce Géronticon (1. c. 1903, p. 93), on
rapporte une anecdote sur Amos, patriarche de Jérusalem, mort
à la fin du VIe siècle, en 599 ou en 600 (Le Quien, Oriens
christianus, t. III, col. 246 sequ.). Ce patriarche, pour expier une
très sotte plaisanterie, — il avait habillé un porc en moine —,
fit bâtir une église à saint Jean-Baptiste: &o%EzaixxlÇsiv vabv xov
âyiov 'Ioeâvvov xov JIQOÔQOJUOV Êi;oe xfjç nôXsoeç, xaxévavxi xov vaov
xov âgiov SxEcpâvov xaxà âvaxoXâç, c'est-à-dire: « Amos commence
à construire l'église Saint-Jean-Baptiste, hors de la ville, vis-à-vis
de l'église de Saint-Etienne, à l'est»."
„Le texte" — dit le P. Vailhé (Echos d'Orient, tome VIII,
1905, p. 83) — „ est clair, sauf peut être les derniers mots:
xaxà âvaxoXâç. A l'orient de quoi? — De la ville ou de l'église
Saint-Etienne?"
„ Pour quelqu'un qui ne connaît pas la discussion roulant
au sujet de Saint-Etienne, le sens obvie de ces deux mots pa-
raît être: «à l'est de la ville», et désigner, par conséquent la
vallée de Josaphat. J'ajoute même que le narrateur monastique
semble avoir voulu distinguer les deux églises de Saint-Etienne
tout aussi bien que le Commemoratorium de Casis Dei. Les
termes « hors de la ville, en face de l'église Saint-Etienne »
auraient suffi partout ailleurs pour localiser l'église Saint-Jean-
Baptiste, mais comme il y avait deux églises Saint-Etienne, l'une
au nord, l'autre à l'est, et toutes les deux « hors de Jérusalem »,
le narrateur a dû ajouter: «à l'est», pour bien montrer de quel
Saint-Etienne il voulait parler. C'est, du moins, ainsi que je com-
prends ce texte, tout en reconnaissant qu'on pourrait traduire
à la rigueur: «l'église Saint-Jean-Baptiste, qui se trouve hors de
la ville, en face et à l'Est de Saint-Etienne»."
„ Si la première interprétation est adoptée, il y aurait donc
eu, vers la fin du VIe siècle, dans la vallée de Josaphat, une
église Saint-Etienne, sur l'origine de. la quelle nous n'avons
— 129 —

aucun renseignement, mais qui doit évidemment s'identifier avec


celle du IXe siècle."
„Je me trompe peut-être en disant que nous n'avons aucun
autre renseignement sur les origines de cette église Saint-
Etienne. En effet, dans les Plérophories de Jean, évêque de Na-
jouma, traduites du syriaque par M. l'abbé Nau, et qui furent
écrites sous le patriarchat de Sévère d'Antioche (512—518), nous
lisons l'anecdote suivante:
«Le bienheureux Etienne, prêtre, qui avait été archidiacre
à Jérusalem, orthodoxe zélé, avait une sainte soeur qui, durant
les jours bénis du Carême, sortait tous les samedis et allait
veiller à l'« église de Saint-Etienne et de Saint-Jean-Baptiste ».
Elle en arriva à un tel degré de perfection et de pureté qu'elle
vit face à face saint Etienne et saint Jean. — Ils venaient près
d'elle, lui parlaient et la bénissaient. Après le concile de Chai-
cédoine, elle se demanda si elle devait encore, selon son habi-
tude, se rendre à l'église et prier avec les oppresseurs et sur-
tout avec le renégat Juvénal qui dirigeait alors l'église (de Jé-
rusalem)."
„Elle souffrait surtout de devoir se séparer de la compagnie
des saints."
„Alors saint Etienne lui apparut et lui dit: «Va, demeure
dans ta cellule, et tu ne perdras pas ton héritage. Ne souffre
pas d'être séparée de nous, car où tu seras nous serons et
nous demeurerons avec toi » (F. Nau, Les Pléropharies de Jean,
évêque de Majouma, Paris, 1899, cap. 79, p. 73 du tirage à
part)." —
„ Laissant de côté tout ce qui a trait aux révélations assez
fréquentes dans cet écrit d'un monophysite, nous retiendrons
seulement la donnée topographique qui se rapporte à notre sujet.
// existait à Jérusalem, et cela dès avant le concile de Chal-
cédoine, avant 451 par conséquent, une église dédiée à saint
Etienne et à saint Jean-Baptiste."
„ Qu'il n'y ait eu qu'une église dédiée à la fois à saint
Etienne et à saint Jean-Baptiste, cela ressort clairement du récit
de l'anecdote et, en particulier, des passages que j'ai soulignés,
et que cette église existait dès avant 451, cela est encore évi-
dent, puisque la soeur du prêtre Etienne se demande si elle doit
continuer sa pieuse pratique, une fois que le concile de Chal-
cédoine a été tenu."

SaintEtienne.
Momuiert, Q
- 130 -

„Ceci une fois admis, je crois que notre église Saint-


Etienne et Saint-Jean-Baptiste ne diffère pas de l'église Saint-
Etienne, qui a été signalée dans le récit du patriarche Amos." —
Ainsi le P. Vailhé.
Quoiqu'il en soit, les savants les plus compétents inter-
prètent ces textes du martyrium de saint Etienne à l'Est de
Jérusalem.
Le P. Vailhé écrit dans les Echos d'Orient (VIII, 1905,
p. 84): ,, L'église Saint-Etienne des « Plérophories » et du
« Récit relatif au patriarche Amos » est la plus ancienne con-
nue jusqu'ici qu'on ait élevée à Jérusalem en l'honneur du
protomartyr. Elle ne se peut confondre avec la basilique d'Eu-
docie. En effet, d'une part, le «Récit du patriarche Amos»,
interprêté naturellement, place l'église Saint-Etienne «à l'Est
de la ville», alors que la basilique d'Eudocie se trouvait «au
Nord de Jérusalem». D'autre part, le récit des « Plérophories»
nous met en présence d'une église dédiée à saint Etienne et
à saint Jean-Baptiste, tandis que le souvenir de saint Etienne
«seul» était rattaché à la basilique d'Eudocie."
Puis, deux ans plus tard, le même P. Vailhé déclare dans la
«Revue de l'Orient chrétien» (1907, p. 88):
„ Avec le sanctuaire Saint-Etienne du Cédron, dont l'ex-
istence avant 451 est dûment constatée, tout s'explique."
„ Bâti par Juvénal «sur le lieu de la lapidation», dès les
premières années de son épiscopat, ce sanctuaire est visité
par sainte Mélanie, le 26 Décembre 439, et . . . par la soeur
de l'archidiacre Etienne, avant 451."
,, Il dût recevoir dès son ouverture au culte la plus grande
partie des reliques du saint, qui jusqu'alors reposaient dans
une chapelle du Cénacle; puis, au moment de la dédicace
de la basilique d'Eudocie en 460, les reliques furent transpor-
tées dans le «sanctuaire du Nord», dans le tombeau que l'im-
pératrice avait fait construire pour le premier diacre. A la
longue, ce souvenir fit oublier, du moins chez les pèlerins

occidentaux, l'église de la lapidation dans la vallée de l'Est."

En face de l'échec de sa cause, le P. Lagrange écrit dans


sa «Revue biblique» (1904, p. 465 sequ.):
„ On comprend aisément notre embarras et nos hésita-
— 131 —

tions. De quel droit occuper encore les lecteurs de la «Revue


biblique » de ces fastidieuses questions? Pourtant il y a là un
petit point d'histoire qui n'est pas tout à fait sans intérêt, et il
nous a paru que nous devions absolument une explication à ceux
qui ont reconnu l'authenticité du (nouveau) sanctuaire de Saint-
Etienne ... A nos bienfaiteurs, à ceux qui ont, par leurs lar-
gesses, relevé le sanctuaire, nous devons démontrer qu'ils ne
se sont pas trompés ..."
„ (p. 466) Enfin nous devons des éclaircissements au Saint-
Siège lui-même."
„Le rocher, dit traditionnel, de la lapidation, n'est pas un
sanctuaire, pour la raison très simple qu'on n'a jamais pu bâtir
aucune église sur ses pentes escarpées. Il n'est la propriété de
personne. Il s'agit donc ici d'une simple question'd'histoire (sic!),
sur laquelle on peut opiner diversement sans altérer de cordiales
relations (sic!) ..." —
„Nous ne pouvons songer à reprendre ici toute la question
du culte de saint Etienne à Jérusalem. Nous sommes obligés de
renvoyer à nos études antérieures: «Une tradition biblique à
Jérusalem» (Rev. bibl. 1894, p. 452 sequ.), et: «Saint-Etienne etc.»
(Paris, 1894)."
„Tout ce qui nous importe en ce moment, c'est le nouveau
système, fondé, pense-t-on, sur des faits nouveaux qui exige-
raient la révision complète de l'instruction précédente ..." —
,, (p. 467) Le nouveau système consiste à distinguer « deux
basiliques », l'une consacrée en 438 par saint Cyrille d'Alexandrie
et bâtie sur le lieu du martyre dans la vallée de Josaphat, —
l'autre commencée en 455 par l'impératrice Eudocie, «pour y
trouver sa sépulture». Ce vaste monument fut également dédié
à saint Etienne, après qu'on y eut déposé quelques reliques du
patron de prédilection d'Eudocie, qui «y fut enterrée peu de mois
après »."
,,Quel est ici le fait nouveau qui autorise la distinction?"
„ Le R. P. Barnabe d'Alsace (Le tombeau de la Sainte
Vierge à Jérusalem, 1903, p. 290) va nous le dire: «Le R. P. La-
grange connaît très bien la «Vie de Pierre libérien», ainsi
que celle de «Sainte Mélanie la Jeune», écrites l'une et l'autre
par des auteurs du Ve siècle, très familiers avec les sanctu-
aires de Jérusalem. I! ne peut donc ignorer que le 15 mai 438,
saint Cyrille d'Alexandrie consacra l'église construite par

9*
- 132 —

l'empereur Théodose II et l'impératrice Eudocie sur l'emplace-


ment de la lapidation de saint Etienne, et cela dans la vallée
de Josaphat»." —
„Le texte (tiré de la «Vie de Pierre libérien ») prouve seu-
lement qu'il existait à Jérusalem, dès l'an 439, un sanctuaire,
son emplacement étant laissé indéterminé par le biographe.
„ Je n'ai point au début cité ce texte parce que je ne l'avais
pas sous la main. S'il m'avait été connu plus tôt, je l'aurais sans
doute expliqué de la petite chapelle de l'église du Mont Sion
qui a contenu d'abord les reliques de saint Etienne."
„Cette petite chapelle (le «sacrarium», la «sacristie» de
l'église de la Sainte Sion) a été mentionnée par plusieurs pèle-
rins et même dessinée (?) par Arculfe.
„Je me serais trompé, car il est à-peu-près certain mainte-
nant, qu'il s'agissait dès lors de l'église de la lapidation."
„Ce point a été mis en lumière par un texte de la «Vie
de Pierre libérien »... (p. 469) le texte intéressant suggère à
M. Raabe cette simple réflexion: «Comme Eudocie ne doit
être venue en Palestine qu'en 444 et que Cyrille est mort cette
même année, la dédicace n'a pu avoir lieu qu'en 444. Mais
Mélanie n'a pu prendre part à ces solennités à cette date, si
sa mort a vraiment eu lieu en 439, comme nous l'avons indiqué
d'après Stadler»." —
„Raabe n'a pas tenu compte d'un premier voyage d'Eudocie
à Jérusalem qui à du avoir lieu en 438."
„Nous lisons en effet dans la « Chronique » du comte Mar-
cellin:
«Ind. VII. Theodosio XVII et Fest. coss. (439): Eudoxia,
uxor Theodosii principis, ex Hierosoîymis urbem regiam reme-
avit, beatissimi Stephani primi martyris reliquias, quae in ba-
silica sancti Laurentii posita venerantur, secum deferens». En
439, Eudocie, femme de l'empereur Théodose, retourna de Jé-
rusalem à Constantinople, emportant avec elle les reliques de
saint Etienne, qu'on déposa ensuite (du temps du pape Pelage I)
dans la basilique de saint Laurent (à Rome, où on les vénère
encore aujourd'hui. —
L'auteur)."
,, Eudocie, Mélanie et Cyrille ont donc pu se rencontrer
à Jérusalem en 438. Mais dans ce premier voyage, l'impéra-
trice n'a pas dû séjourner longtemps dans la Ville Sainte,
puisqu'elle n'y est allée qu'après le mariage de sa fille qui eut
- 133 —

lieu en 437. Comment a-t-elle eu le temps de bâtir une grande


église, sans parler du témoignage de Cyrille de Scythopolis?
La difficulté paraît insoluble, et il n'est peut-être pas sans
intérêt de remarquer que la « Vie de Pierre l'Ibère » ne dit
pas expressément que cette consécration a eu lieu: Cyrille
est invité à faire la « déposition » des reliques — et la « con-
sécration » de l'église: il ne fait que la «déposition». Où se
fit-elle?"
,, Peut-être commença-t-on les travaux par une « crypte »
qui fut en quelques mois prête à recevoir les reliques du mar-
tyr. Car elles étaient renfermées dans une sorte de «cavité».
C'est un renseignement précieux que nous devons encore au
document syriaque, et qui fait remonter aux origines de l'église
la construction de ce « magnum cavum » dont parlait Théodoric
au moyen-âge et dont on a retrouvé les traces (?) de nos jours."
„ Au moment où Pierre libère . . . allait quitter les environs
de la Ville Sainte . . . Parti d'un village situé au nord de la ville,
« il entra en premier lieu au martyrium de s. Etienne qu'il ren-
contra en premier lieu. Il descendit dans la « grotte » et pria
devant l'«urne» funéraire."
„ (p. 470) Que résulte-t-il donc pour nous du fait nouveau?"
,, A qui fera-t-on croire qu'Eudocie ait bâti au nord de Jéru-
salem « deux églises » complètement distinctes, dédiées toutes
deux au même martyr, toutes deux ornées de ses reliques, alors
que les pèlerins et les auteurs ecclésiastiques n'en mentionnent
jamais qu'une?"
,, Le principal titre d'honneur d'Eudocie dans ses construc-
tions à Jérusalem est la basilique de saint Etienne. Si on tient
absolument à mettre au nord deux bâtisses, il faudra donc dire
que la première, n'étant pas jugée assez belle, a été remplacée par
la seconde, et que c'est pour cela qu'on ne parle jamais de cette
dernière; mais n'est-il pas beaucoup plus simple de supposer que
la construction entreprise avec beaucoup d'entrain au premier
voyage d'Eudocie, est demeurée en suite en suspens?" —
„(p. 471) Nous ne songeons nullement à dissimuler ce
qui demeure obscur; nous tâtons (sic!) pour approcher le
plus possible de la vérité dans la question des origines de
la basilique Eudocienne, mais cette obscurité ne jette aucune
ombre sur le fait parfaitement clair (sic!) de l'unique ou des
deux basiliques en dehors des portes du nord. En nous
— 134 —

plaçant dans l'hypothèse de deux églises, dato non concesso,


nous entendions montrer que notre position tient en tout
état de cause (sic!). D'ailleurs l'unité nous paraît beaucoup

plus probable."
On admire chez le P. Lagrange l'art d'embrouiller la ques-
tion. Se voyant en face de l'impossibilité de rapporter tous les
textes qui parlent d'« églises Saint-Etienne» à Jérusalem, à la
« grande basilique d'Eudocie » au Nord de la ville, dont la con-
sécration n'eut lieu qu'en 460, — il élève l'hypothèse de « deux
basiliques » consécutives au Nord, dont pour l'une il réclame la
consécration par saint Cyrille d'Alexandrie, vers l'an 438.
Mais, c'est en vain que notre auteur cherche à échapper à
la lumière de la vérité qui a travers les ténèbres combattues
si vaillament, depuis le commencement de ce siècle surtout, par
les travaux du P. Vailhé, du P. Barnabe Meistermann, O. F. M.,
et d'autres qui distinguent entre l'«église Saint-Etienne de la
vallée du Cédron», visitée par sainte Mélanie en 439, et par la
sainte soeur du prêtre Etienne, avant le concile de Chalcédoine
(451), — et, la «grande basilique eudocienne», bâtie de 455 à
460, au nord de Jérusalem, visitée par Pierre l'Ibère et les pè-
lerins des siècles suivants jusqu'à l'invasion des Perses en 614.

VII. En 1905, un nouvel adversaire de la théorie du P. Lagrange


relative à l'identité du «martyrium» érigé par Juvénal, avant
l'an 439 sur le lieu de la lapidation de saint Etienne, et, la
«basilique» d'Eudocie au Nord de la ville, consacrée en 460
seulement, s'éleva en la personne de Son Eminence le Cardinal
Rampolla.
Dans son ouvrage « Santa Melania giuniore senatrice ro-
mana » (Roma, 1905, p. 272—273) le savant Cardinal, en citant
la brochure «Saint Etienne etc.» du P. Lagrange (p. 61), écrit:
,,L' opinione invalsa ai giorni ,, L'opinion courante, de nos
nostri retiene che le reliquie dei j jours, veut: qu'on ait conservé
protomartire sieno rimaste nella | les reliques du protomartyr dans
chiesa di Sion, la cattedrale | l'église de Sion, cathédrale de
gerosolimitana, fino a tanto che ! Jérusalem, jusqu'au jour où Eu-
la impératrice Eudocia, moglie j docie, épouse de Théodose II,
di Teodosio II, non avessegli ! lui ayant érigé une somptueuse
erretta, nel luogo stesso dei mar- \ basilique, sur le lieu même de
135

tirio o délia lapidazione, una son martyre ou de la lapidation,


sontuosa basilica ed ivi riposte y déposa ses os vénérables
le venerate ossa in nobile se- dans un noble tombeau près
polcro, presso il quale ella al- duquel elle voulut aussi avoir
tresi voile avère la propria le sien." —
tomba."
„Ora la biografia di S. Me- ,, Or, la biographie de sainte
lania ne forza a partirci da taie Mélanie nous oblige à aban-
opinione, chiaramente mostran- donner cette opinion, en nous
doci che ancora prima che montrant que S. Etienne eut,
l'augusta donna si accingesse à Jérusalem, son « martyrium »,
a quella impresa, S. Stefano c'est-à-dire, son église à lui où,
aveva in gerusalemme il suo chaque année, au retour de sa
martyrium, o chiesa propria fête, les fidèles accoururent
ove nell' annua ricorrenza dei pour prier auprès de son tom-
natalizio il populo accorreva beau, et cela avant que l'impé-
devoto apregare presso il sacro ratrice eût pensé à son oeuvre."
suo avello."
,, Per la nostra dimostrazione ,, Comme point de départ de
prendiamo corne punto di par- notre argumentation nous nous
tenza la data certa délia costru- servirons de la date bien con-
zione délia basilica eudociana nue de la construction et de la
e délia inaugurazione di essa dédicace de la basilique eudo-
a! culto ... Il genuino ed inte- cienne ... Le texte véritable et in-
gro testo, che è quello dato-ci tègre que Pouget vientde publier,
dal Pouget nelle « Analecta dans ses « Analecta Graeca »,
Graeca », ne ha conservato la nous a conservé la date précise
data précisa e délia dedica délia de la dédicace de la basilique eu-
basilica eudociana, la quale ebbe docienne qui a eu lieu le 15 Juin,
— et, de la mort de l'impéra-
luogo ai 15 di Giugno, e délia
morte dell' impératrice, avenuta trice qui a eu lieu quatre mois
dopo quatro mesi ai 20 di Ottobre plus tard, le 20 Octobre de l'an
dell' anno 460, sugli inizi dell' 460, au commencement de la
indizione XIVa, precisamente XIVe indiction, juste avant le
inanzi la stagione invernale." commencement de l'hiver."
„ Da tutto ciô è facile dedurre ,,De tout cela, on déduit
che prima dei giorno 15 Giugno sans peine, qu'avant le 15 Juin
dei 460, nessun atto di culto 460, aucun acte de culte ne
potè essere esercitato nella put s'exercer dans la nou-
nuova basilica di S. Stefano velle basilique de S. Etienne,
136

eretta dalla impératrice Eu- érigée par l'impératrice Eu-


docia. " docie. "
„ Ora da entrambi i testi (la- „ Or, il résulte, avec évidence,
tino e greco) délia biografia di de l'un et de l'autre des deux
Melania risulta, con ogni evi- textes (latin et grec) de la bio-
denza, che l'anno 439, prima graphie de Mélanie, qu'en 439,
ancora che l'impératrice Eudo- avant que l'impératrice Eudocie
cia pensasse di edificare un eût conçu la pensée d'ériger en
tempio in Gerusalemme in onore l'honneur du protomartyr un
dell' illustre protomartire, esiste- temple à Jérusalem, il y avait
va già in questa città una chiesa déjà, en cette ville, une église
eretta in onore o col nome di bâtie en son honneur et sous
lui, dal quale intitulovasi « Mar- son vocable, connue sous la
tyrium sancti Stephani proto- dénomination de « martyrium
martyris», dove la mattina dei sancti Stephani protomartyris»,
26 di Dicembre, cinque giorni où, accompagnée de son bio-
inanzi la sua morte, si era re- graphe, la sainte matrone se
cata la santa matrona in com- rendit dans la matinée du 26 Dé-
pagnia dell'autore délia sua cembre, cinq jours avant sa
biografia, per assistere e par- mort, afin d'y assister et d'y
ticipare ai divini misteri." participer aux saints mystères."
„ Che in questa stessa chiesa „ Il semble hors de doute
si venerassero allora le sacre qu'on vénérait, alors, dans cette
reliquie dei primo martire dei même église, les reliques du
cristianesimo, rinvenute nel 415 premier martyr du christianis-
e depositate provvisoriamente me, retrouvées, en 415, et dé-
nella basilica di Sion, non sem- posées provisoirement dans la
bra potersi porre in dubbio; basilique de Sion; puisque le
poichè il « Martyrium » o tempio « martyrium », c'est-à-dire le
dedicato al martire ove recossi temple dédié au martyr, où Mé-
Melania, era il luogo, ove, il lanie se rendit, était le lieu où,
giorno appresso alla Natività le lendemain de la Nativité du
dei Signore, la Chiesa geroso- Seigneur, l'Eglise de Jérusalem
limitana festiggiava il solenne célébrait solennellement la fête
natalizio di S. Stefano con la de S. Etienne avec «station»,
stazione, convocandovi il populo en y convoquant les fidèles aux
alla veglia notturna ed alla sin- vigiles nocturnes etàlasynaxe:
assi : « Altéra vero die cum « Altéra vero die etc. »
esset collecta beati Stephani
protomartyris, cum non proce-
137

deret ad vigilias, diluculo va-


dens in eodem martyrio prae-
cepit oblationem de monasterio
suo deferri. "
„Nè puô mai supporsi che ! „I1 est impossible de suppo-
questa solenne adunanza dei j ser que cette assemblée solen-
fideli, collecta, abbia potuto ce- \ nelle des fidèles, «collecta»
lebrarsi altrove che nel tempio ait pu être célébrée ailleurs que
o presso la tomba che custo- ! dans le temple et auprès du
divano le reliquie dei martyre tombeau qui contenait les reli-
'
insigne." ques de l'insigne martyr."
„La ipotesi poi che ciô possa ,, L'hypothèse, de penser à
intendersi délia chiesa di Sion, l'église de Sion où on avait
ove da principio erano state d'abord transféré, de Caphar-
trasferite da Cafergamala le re- gamala, les reliquesdeS.Etienne,
liquie, non puô ammettersi in ne peut être admise: parce que
nessun modo; poichè questa cette église insigne conserva
chiesa insigne, corne risulta da constamment, comme cela ré-
tutti i monumenti délia antichi- sulte de tous les monuments
tà, conservé constantemente la de l'antiquité, sa dénomination
sua spéciale e propria denomi- spéciale d'«église apostolique»
nazione di «chiesa apostolica» •par excellence, de «première
per eccellenza, di «chiesa pri- église», d'« église mère de tou-
ma», di «chiesa madré di tutte tes les autres églises », et,
le altre chiese» e giammai fu qu'elle ne fut jamais dite «Mar-
detta «Martyrium» e molto me- tyrium » et moins encore « mar-
no « martyrium sancti Stepha- tyrium de saint Etienne.»"
ni »."
„ Per la quai cosa è forza ,, C'est pourquoi la nouvelle
conchiudere che la nuova bio- biographie de «Mélanie la Jeune»
grafia di Melania giuniore ci nous oblige d'admettre, à Jéru-
constringe ad ammettere in Ge- salem, l'existence d'une église
rusalemme l'essistenza di una | primitive, érigée en l'honneur
chiesa primitiva inalzata in ono- | du protomartyr saint Etienne,
re dei protomartire S. Ste*ano ; après l'invention de ses saintes
dopo la invenzione délie sacre reliques, église où on les véné-
Reliquie, nella quale queste eb- rait, avant l'érection (en 460)
bero venerazione prima che sor- de la basilique eudocienne."
gesse (l'anno 460) la basilica
eudociana."
— 138

„ Questa conclusione mentre i „ Tout en éclairant d'un jour


reca nuova luce per la retta i nouveau l'interprétation d'un
interpretazione di un passo di j passage de Basile de Séleucie (li-
Basilio di Seleucia, fin qui non : sez: Florence de Jérusalem),
bene cornpreso e maie appli- mal compris et mal appliqué jus-
cato, ne riceve in pari tempo qu'ici, cette conclusion en reçoit
autorevole conferma. In una un puissant appui: Après avoir
orazione encomiastica, che ha raconté l'invention du tombeau
per oggetto le lodi di S. Ste- | primitif du protomartyr, dans
fano ed il ritrovamento délie | un sermon pronocé pour cé-
sue Reliquie, Basilio vescovo | lébrer saint Etienne et l'inven-
di Seleucia, che fiorî nella prima | tion de ses reliques, Basile évê-
meta dei V. secolo, contempo- | que de Séleucie (lisez: Florence,
raneo quindi e délia nostra Me- i prêtre de Jérusalem), qui floris-
lania e délia impératrice Eudo- ! sait dans la première moitié du
cia, dopo aver narrato lo sco- Ve siècle, et, qui pour cela était
primento dei primitivo sepolcro contemporain de notre Mélanie
dei protomartire, prosegue in et de l'impératrice Eudocie, con-
questi termini: I resti dei beato, tinue en ces termes: » Nous
secondo il volere dello stesso venons de déposer les reliques
Stefano, sono deposti innanzi ; du bienheureux, selon la propre
le mura di Gerusalemme, nei I volonté d'Etienne, devant les
luogo, ove lapidato, dopo avère murs de Jérusalem, au lieu où,
gloriosamente affrontata inclita lapidé et souffrant une mort
morte per tutto l'universo cele- célébrée dans tout l'univers par
brata, veniva cinto délia splen- I d'illustres louanges, /'/ fut cou-
dida corona dei martirio, essen- \ ronné de la brillante couronne
do stata edificata degna délia \ du martyre, Juvénal, qui orne
memoria di lui e dei suoi tra- i maintenant le trône glorieux et
vagli, degli illustri certami, una fameux de Jacques, lui ayant
chiesa da Giovenale, il quale è \ bâti une église digne de sa
oggidi ornamento délia gloriosa 1 mémoire, de ses travaux et de
e cospicua cattedra di Gia- I ses combats admirables. »
como»."
„Questo testo è stato con i „ C'est avec un anachronis-
manifesta incoerenza ed ana- me et une incohérence mani-
cronismo riferito alla basilica feste que ce texte a été cité
eretta délia impératrice Eudo- en faveur de la basilique eudo-
cia." cienne, ce qui se voit facile-
„ Il che puô leggeri scorgersi, ment, si l'on considère: que la
139

qualora si ponga mente che la dédicace de la basilique eudo-


basilica eudociana, non ancora cienne, même avant achèvement
dei tutto compita, fu dedicata complet, n'eut pas lieu avant
non prima dei 15 Giugno dei le 15 Juin 460, et du temps de
460, essendo vescovo di Geru- l'évêque Anastase; et, que non
salemme Anastasio, nella quale seulement le rite, mais aussi
circostanza, corne non meno il la convenance exigeaient qu'à
rito, che la convenienza richie- cette occasion se fît la trans-
devano, avrebbero dovuto tras- lation des saintes reliques du
ferirsi le sacre ceneri dei Pro- Protomartyr, pour y être véné-
tomartire per ricevervi culto, rées; car: on ne peut pas sup-
non potendosi supporre che poser que cette translation ait
questo avvenisse mentre era in eu lieu pendant que l'édifice
costruzione l'edificio. Per con- était encore en construction.
verso, Basilio parla di una D'autre part, Basile (lisez: Flo-
chiesa già edificata, mentre era rence) parle d'une église con-
in vita il vescovo di Gerusa- struite déjà du vivant de l'évê-
lemme Giovenale, predecessore que Juvénal qui précéda Anas-
di Anastasio, e perô non più tase: et, avant l'an 457—458,
tardi dell' anno 457—458, nella où les reliques du Protomartyr
quale erano stati già deposti e étaient déjà déposées et expo-
veneravansi i resti de! Proto- sées à la vénération."
martire."
,,Basilio dunque non poteva „Basile (lisez: Florence) ne
parlare délia basilica eudo- put donc parler de la basili-
ciana." que eudocienne."
„ Di più, Basilio ne attribui „ Plus encore, Basile (Flo-
la costruzione ecclusivamente rence) attribue la construction
à Giovenale; iaddove tutti gii de cette église exclusivement
storici ed i visitatori attribui- à Juvénal, — tandis que tous
rono esclusivamente ail' impé- les historiens et tous les visi-
ratrice la fabbrica délia basilica teurs attribuent l'érection de la
dedicata 1' anno 460." basilique, consacrée en 460,
exclusivement à l'impératrice."
,,Onde émerge chiarissima la „ Il en résulte, avec évidence,
confusione fattasi délia chiesa qu'on a confondu l'église bâtie
eretta a S. Stefano dal vescovo à S. Etienne par Juvénal, celle-
Giovenale, nella quale 1' anno là où notre Mélanie assista à
439, ai 26 di dicembre, giorno l'office divin de la fête du mar-
natalizio dei martire, intervenne — et,
tyr, le 26 Décembre 439,
- 140 -

la nostra Melania ai divini uf- : la basilique d'Eudocie, érigée et


fici, colla basilica eudociana j ouverte au cuit beaucoup plus
molto più tardi edificata ed ! tard." —
aperta al culto." — i
A cette suite d'énumérations exposés par son Eminence le
Cardinal Rampolla, le P. Lagrange répond dans la Revue biblique
(1906, p. 301) dans ces termes:
„La manière de l'auteur (Son Eminence le Cardinal Ram-
polla) est tellement objective, il est si fort élevé au-dessus des
querelles topographiques, ne prenant le parti de personne, et
ne polémisant contre personne, qu'il y a, semble-t-il, quel-
que impertinence à verser une si haute autorité dans nos
débats."
„Mais comment ne pas dire que les conclusions, si solide-
ment appuyées sur les textes, établissent que saint Etienne a
été lapidé au Nord de la ville, et que c'est en cet endroit
qu'a été bâtie la basilique eudocienne, retrouvée par les Pères
Dominicains? "
„ On sait (cf. Rev. bibl. 1904, p. 465 ss.) que la «Vie de
sainte Mélanie » a introduit dans le débat un élément nou-
veau: le «martyrium» où la sainte pria peu de jours avant
sa mort (31 déc. 439), le jour même de la fête du saint, le
lendemain de Noël."
„ Le Cardinal Rampolla n'hésite pas à appliquer à cette
église la phrase souvent citée de Basile de Séleucie (lisez:
Florence de Jérusalem), et à la distinguer de la basilique
eudocienne, mais il la place au même lieu, et finalement il
semble bien que ce soit le même sanctuaire, agrandi et em-
belli. . . . Tout cela est capital et décisif pour l'unité morale
du sanctuaire." —
On admire l'aplomb du P. Lagrange.
Son Eminence le Cardinal Rampolla déclare avec une pré-
cision et une clarté admirables et avec preuves à l'appui : que
la biographie de Mélanie nous oblige à abandonner, absolument,
l'opinion (du P. Lagrange): que les reliques du protomartyr
saint Etienne fussent conservées dans l'église de Sion jusqu'au
moment où Eudocie, lui ayant érigé une somptueuse basilique,
y déposa ses os vénérables (qui ne se trouvaient plus, en 460,
à Jérusalem. L'auteur), parce que cette biographie montre: que
saint Etienne eut, à Jérusalem, son «martyrium» à lui, avant
- 141 —

qu'Eudocie eût pensé à son oeuvre; Son Eminence déclare, sans


fard, que c'est avec un «anachronisme» et une «incohérence»
manifeste que le texte de Basile de Séleucie (Florence de Jéru-
salem) a été appliqué à la «basilique eudocienne»; Son Emi-
nence combat donc la « cohérence du martyrium de Juvénal »
(que, par erreur, il croit situé au nord de la ville. L'auteur)
avec la basilique d'Eudocie. Malgré tout cela, le P. Lagrange
persiste à voir dans ces déclarations une preuve que Son Emi-
nence partage la même opinion, — et, dans un article publié
en 1908, dans la Revue de l'Orient chrétien, sous le titre «Le
sanctuaire de la lapidation de saint Etienne à Jérusalem » (I. c.
p. 12; p. 26 du tirage à part), il lui donne le développement
suivant:
„ Au fond tout revient à ceci: Si le sanctuaire du Nord
existait dès 438, comment se fait-il qu'il n'était pas encore
achevé, lorsqu'Eudocie en fit la dédicace le 15 Juin 460,
d'autant plus que, d'après le biographe de « Pierre libérien »,
S. Cyrille l'avait déjà consacré par la déposition des reliques,
en 438?"
„ Deux solutions sont possibles. "
A. „ Première solution: il y a eu deux églises consécu-
tives. C'est bien ce qu'admet le R. P. Vailhé, seulement il
suppose que celle de Juvénal était à l'Est, et celle d'Eudocie
au Nord."
„Nous demandons: Est-il vraisemblable qu'on ait transféré
les reliques hors du lieu du martyre, alors que d'après le pseudo
Basile (Florence), saint Etienne lui-même avait voulu qu'elles y
fussent déposées? Est-il vraisemblable que l'impératrice, qui
voulait reposer auprès du saint, ait commencé par l'enlever du
lieu qu'il avait choisi, plutôt que de fixer sa sépulture au lieu
de la lapidation où étaient déjà des reliques? ... Le P. Vailhé
me rappelle que j'ai dit (Revue biblique, 1906, p. 301): «Les
fouilles exécutées avec soin et relevées par un homme du
métier n'ont permis de constater aucune dualité dans l'édi-
fice, sauf l'addition de la « petite église » de beaucoup posté-
rieure ». — Mais d'abord il serait exagéré de conclure que
« les fouilles s'inscrivent en faux » contre la supposition de
deux églises, parce que ce serait transformer un argument
négatif en preuve positive. Nous n'avons pas non plus re-
trouvé le couvent dont Gabriélos était higoumène, avant même
— 142 —

la dédicace de léglise ... Je me garderai bien de dire,


c'est ceci ou c'est cela: mais je réserve la «possibilité» de
deux églises."
„ Cette «possibilité », personne ne peut la contester (?!?),
et, dès lors il nous est bien possible d'appliquer à la pre-
mière église, bâtie par Juvénal, le texte du pseudo-Basile,
surtout si, comme le prétend le R. P. Vailhé, cette homélie
doit être placée plutôt au début qu'à la fin de l'épiscopat de
juvénal. Que le panégyriste la déclare « digne du premier
martyr», c'est une affirmation de style: une impératrice a
faire mieux. "
pu
„Et cette solution est, croyons-nous, pleinement suffi-
sante (?)." —
B. „Nous en avons promis une deuxième: la voici. La dis-
cussion est plus délicate. Il n'y a eu peut-être au Nord qu'une
seule église, consacrée d'abord par la déposition des reliques en
438, puis dédiée par Eudocie en 460. Voici comment on pourrait
concevoir les faits."
„ Juvénal aurait entrepris la construction de l'église du Nord
en même temps que sainte Mélanie bâtissait l'église de saint
Etienne au Mont des Oliviers. "
„ L'impératrice étant venue une première fois à Jérusalem
en 438, et s. Cyrille y ayant été mandé par l'empereur pour lui
faire honneur, en profita de cette circonstance pour consacrer
les églises, déjà bâties, ou sur le point d'être terminées, par la
déposition des reliques. Les troubles religieux éclatèrent. Eudocie
revint à Jérusalem (vers l'an 444 à 445) et prit parti pour les
monophysites ... Au moment des troubles religieux, quand
Eudocie était hérétique et en disgrâce, on a pu faire honneur
de l'église à Juvénal; plus tard la tradition n'a retenu que le
nom de l'impératrice."
Quelques pages plus loin notre auteur continue:
„(l. c. p. 17; p. 31 du tirage à part) Au surplus je n'en-
tends pas imposer la solution d'«une seule église» . . . (p. 32)
Peu nous importe qu'il y ait eu avant 451 à l'Est de Jéru-
salem, outre l'église de Saint-Etienne du mont des Oliviers
une autre église située dans le Cédron ... il y avait aussi
une église au Nord, où on avait déposé les reliques du saint."
„ C'est à cette église que peut s'appliquer, de 438 à 457,
peu nous importe la date (sic!), le panégyrique du pseudo-
— 143 —

Basile, et c'est à cette église qu'il doit s'appliquer, puisque


la déposition des reliques a été faite au Nord (Pierre libé-
rien) et au lieu du martyre (le pseudo-Basile), qui d'après
Lucien et Théodose était au nord; c'est aussi dans cette
église que Mélanie est venue prier en 439, quelques jours
avant sa mort." —
„ Pour affirmer que Juvénal a construit son église dans
la vallée du Cédron, il faut, sans parler des difficultés de la
construction, rejetter le texte de Lucien, le texte de Thé-
odose, le texte de la «Vie de Pierre», et supposer que les
reliques, d'abord déposées «au lieu du martyre» selon la
volonté du saint, ont été transportées «au nord» sans sa
volonté." —
Constatons d'abord que cette longue déclamation n'apporte
rien de nouveau.
Pour démontrer, au lecteur, que son opinion l'emporte sur
celle de ses contradicteurs, le P. Lagrange cite plusieurs témoins:
a) La Vie de Pierre libérien doit prouver que la déposition
des reliques de saint Etienne qui, d'après Florence (Basile), se
fit « sur lé lieu de la lapidation», a eu lieu au nord. — Le lec-
teur, pense-t-il, ne sait pas que la Vie de Pierre, écrite vers
l'an 600, ne dit rien de cette déposition. En effet, la Vie de
Pierre ne parle, en racontant la visite de l'évêque monophysite,
dans la basilique du Nord, que d'une «urne» avec des reliques:
car, depuis de longues années, le saint corps avait été transféré
à Constantinople, soit par Julienne, avant 438, — soit par Eudocie,
en 439.
b) C'est par distraction, sans doute, que le P. Lagrange
cite, comme témoin du « lieu de la lapidation au Nord », le pa-
négyrique du pseudo-Basile (Florence) dont il avait écrit plus
haut (Revue de l'Orient chrétien, 1908, p. 6): «On le voit, ce
texte ne parle ni de l'Est, ni du Nord».
c) Enfin, pour cumuler ses preuves de la lapidation au Nord,
le P. Lagrange réclame le témoignage de Lucien et de Thé-
odose. Nous répondons:
1° Pour le texte de Lucien, nous avons montré au chap. IIIe,
que les mots « ad aquilonem » ne se rapportent pas à la porte
de la ville, — et que « extra portam » indique simplement que
la lapidation eut lieu hors de Jérusalem, la mention «route de
Cédar » montrant qu'il s'agit de l'Est.
— 144 —

2° Pour Théodose, nous avons fait voir avec preuves que


son texte ne conclut aucunement en faveur de la prétendue
« tradition du nord » (Voir chap. Ier).
3° Quant à l'auteur anonyme de la Vie de Pierre libérien,
il parle en effet de la basilique eudocienne du Nord, mais il ne
donne pas à entendre que cette église se trouvait sur le lieu
de la lapidation du saint protomartyr.
Mais pourquoi, au lieu de reconnaître franchement que la
thèse de la lapidation de saint Etienne au Nord n'est plus soute-
nable, au-jourd'hui, le P. Lagrange continue-t-il d'embrouiller la
question?
Pour celui qui est familier à la cause en question, la ré-
ponse est fort simple: Il plaide «pro domo ».
Afin de s'établir à Jérusalem et pour suffire aux frais de la
construction de leur Ecole biblique au Nord de la ville, les
FF. Prêcheurs avaient besoin d'argent. Le P. Lagrange ne le
dissimule pas. C'est pourquoi il dit dans la brochure Saint
Etienne etc. (1894, p. 171):
„ Que manque-t-il donc pour commencer les travaux?
Rien si ce n'est une chose que je laisse au lecteur le soin
de deviner. Les faits que j'ai exposés parlent assez haut; je
rougirais d'atténuer leur éloquence par un banal appel de
fonds!" —
Depuis 1904 cependant, notre auteur prépare l'évacuation
de sa position. Il commence à reconnaître et à avouer la faiblesse
de ses arguments.
„ Nous ne songeons nullement — écrit-il dans la Revue
biblique (1904, p. 471) — à dissimuler ce qu'il y a d'obscur;
nous «tâtons» (sic!) pour approcher le plus possible de la
vérité dans la question des origines de la basilique d'Eu-
docie, — mais cette « obscurité » ne jette aucune ombre sur
le fait parfaitement clair de l'unique ou des deux basiliques
en dehors des portes du nord."
,,En nous plaçant dans l'hypothèse de «deux églises»,
dato non concesso, nous entendions montrer que notre posi-
tion tient en tout état de cause (sic!). D'ailleurs l'unité nous

paraît beaucoup plus probable."
Plus tard, le P. Lagrange juge bon d'abandonner cette posi-
tion à son tour.
Il ne soutient plus, depuis 1908, l'identité de l'emplacement
- 145 —

de son sanctuaire Saint-Etienne au nord de Jérusalem avec celui


de la lapidation du saint protomartyr. Ce n'est que la seule
« possibilité » qu'il se contente de réclamer maintenant.
"
„ Le R. P. Vailhé — dit-il, dans l'article « Le sanctuaire
de la lapidation de saint Etienne à Jérusalem » (Revue de
l'Orient chrétien, 1908, p. 13; p. 26 du tirage à part), —
„me rapelle que j'ai dit (Revue biblique, 1906, p. 301): «Les
fouilles exécutées avec soin et relevées par un homme du
métier n'ont permis de constater aucune dualité dans l'édi-
fice, sauf l'addition de la « petite église » de beaucoup posté-
rieure ». — Mais d'abord il serait exagéré de conclure que
«les fouilles s'inscrivent en faux» contre la supposition de
deux églises, parce que ce serait transformer un argument
négatif en preuve positive. Nous n'avons pas non plus re-
trouvé le couvent dont Gabriélos était higoumène, avant même
la dédicace de l'église." —
Enfin, quelques lignes plus loin (1. c. p. 14) le P. Lagrange
précise sa position en écrivant:
«Je me garderai bien de dire c'est ceci ou c'est cela:
mais je réserve la «possibilité» de deux églises». —

En Janvier 1910, notre auteur recule encore d'un pas, en


renonçant à toute la ligne des « arguments » qu'il avait avancés
jusque-là au sujet de l'authenticité de sa «véritable basilique
d'Eudocie ».
C'est en répondant à la brochure anonyme du R. P. Nunzio,
O. F. M., du Couvent du Saint-Sépulcre à Jérusalem, publiée à
Padoue, en 1909, sous le titre « Il luogo dei martirio di S. Ste-
fano e le sue Chiese in Gerusalemme », citée déjà plus haut,
et qui s'appuie sur notre passage de Son Eminence le Car-
dinal Rampolla, que le P. Lagrange, dans sa brochure «Le
sanctuaire de la lapidation de saint Etienne » (Jérusalem, 5 Janvier
1907, p. 3) dit:
„ Passons au chapitre IIIe «L'église du martyrium n'est pas
la basilique d'Eudocie».' 1
„ Il s'agit du « martyrium » où a prié sainte Mélanie. "
,, Et pourquoi l'église d'Eudocie ne serait-elle pas ce même
martyrium agrandi?"

Hommert,Saint-Etienne. 10
— 146 —

„ Il est un argument que je n'ai point proposé encore, mais


qui paraîtra « solide » à tous les habitants de Jérusalem. "
„Nous avons vu bâtir au nord de Jérusalem une église
anglicane. Elle a été consacrée solennellement par l'évêque de
Salisbury, venu tout exprès d'Angleterre. Aujourd'hui nous voyons
cette église allongée d'un transept, par conséquent doublée.
Quant les travaux seront achevés, elle sera, sans doute, con-
sacrée de nouveau. "
„Pourquoi un «martyrium», bâti par Juvénal, consacré par
saint Cyrille d'Alexandrie, n'aurait-il pas été agrandi par Eudocie
et consacré par ses soins?"
„Ce n'est, dira-t-on, qu'une hypothèse. Mais elle a l'avan-
tage de concilier tous les textes." —
Le R. P. Directeur de l'Ecole biblique paraît être à bout
de ressources pour sa défense, puisque son dernier refuge est
une hypothèse que lui même ne croit «solide» que pour les
habitants de Jérusalem. Et encore pour ceux-ci vaudrait-il mieux
les restreindre aux seuls habitants de l'Ecole biblique.
La comparaison du martyrium bâti par Juvénal, avec l'église
anglicane" du Nord, nous semble aussi mal choisie. Cette église
a été allongée d'un transept; tout le monde y voit un agran-
dissement de l'édifice. Mais pensez-vous qu'il se rencontrera
beaucoup de pèlerins ou de touristes doués d'une assez forte
dose de naïveté pour indiquer là l'existence de deux églises
anglicanes au même endroit!
Eudocie éleva un très grand sanctuaire, remarquable par
ses proportions et sa beauté, à Etienne, —dit Evagre; — Elle
construisit la basilique et le tombeau de saint Etienne — dit
Antonin, l'anonyme de Plaisance. Aucun des anciens auteurs
ne parle d'un « agrandissement » du « martyrium de Juvénal » par
Eudocie.
On ne voit donc nullement, comment l'« hypothèse » du P. La-
grange a l'avantage de « concilier tous les textes ».
Pour notre auteur, les textes, paraît-il, ne sont que des té-
moins gênant sa cause. Aussi se plaint-il énergiquement de
l'anonyme italien (le R. P. Nunzio, O. F. M.) :
„En général" — dit-il («Le sanctuaire de la lapidation
de saint Etienne» du 5 Janvier 1910, p. 9), — l'auteur s'ap-
puie beaucoup sur mes textes. Il affecte citer (p. 45) « mes
principaux arguments » en français ... et ces « arguments »
- 147 —

c'est le récit où j'ai exposé fort simplement les « tâtonne-


ments » par lesquels on a passé pour arriver à la lumière."
„Nos arguments les voici, ou plutôt il n'y en qu'a « un »
que je crois solide."
„ L'église actuelle avec son cloître est bâtie exactement
sur l'emplacement d'une église et d'un cloître de Ve siècle." —

Nous remercions le R. P. Directeur de l'Ecole biblique de


Saint-Etienne de cet acte de loyauté.
Sans aucun doute, il ne tardera pas de le porter à la con-
naissance des lecteurs de sa Revue biblique qui, en faveur de
sa franchise, lui pardonneront volontiers, de les avoir égaré,
pendant des années, en donnant ses « tâtonnements » pour des
arguments peremptoires.
* *
*
Mais l'unique argument du P. Lagrange, qu'il croit solide,
et, qui seul doit, maintenant, prouver l'identité du sanctuaire
Saint-Etienne des FF. Prêcheurs du Nord, et du « lieu de la
lapidation de saint Etienne », — est-il vraiment solide?
Nous ne le croyons pas.
En écrivant que l'église actuelle avec son cloître est bâtie
« exactement » sur l'emplacement d'une église et d'un cloître du
Ve siècle», le P. Lagrange a-t-il oublié qu'en 1908 il avait dé-
claré, comme nous l'avons vu plus haut, que: «le cloître dont
Gabriélos était higoumène avant même la dédicace de l'église
(d'Eudocie en 460)», n'a pas été retrouvé à l'occasion des
fouilles « exécutées avec soin » et relevées par un homme du
métier». — Or, comment fut-il possible de bâtir l'église et le
cloître actuel «exactement» sur un sanctuaire dont on n'a pas
retrouvé les traces? Et, comment cela prouve-t-il la «lapidation
au Nord»?
Dans les chapitres XII et XIII, nous nous occuperons de
ces fouilles, lesquelles nous montreront qu'il est fort invraisem-
blable qu'il y ait eu là autrefois une église chrétienne.

10*
Chapitre septième.

La basilique de Saint-Etienne bâtie par Eudocie


au Nord de Jérusalem (455—460).

L'oratoire de Saint-Etienne, construit par Alexandre le sé-


nateur (415—417) au Sud de la ville, près du Cénacle, — et le
martyrium du saint protomartyr, bâti par l'évêque Juvénal (avant
438) à l'Est de Jérusalem, sur le « lieu de la lapidation », n'étaient,
sans doute, que des temples d'assez modestes dimensions. L'em-
pressement avec lequel on avait érigé le premier, dans le bref
délai de deux années seulement (415 à 417), n'avait pas permis
de lui donner de vastes proportions; tandis que, dans la vallée
du Cédron, les dificultés du terrain s'étaient opposées à l'érec-
tion d'un vaste édifice. Aujourd'hui encore, le sanctuaire Saint-
Etienne des Grecs, reconstruit en 1902, tout près et au sud
du lieu traditionnel de la lapidation, ne représente qu'une cha-
pelle assez modeste.
Le panégyrique du prêtre Florence de Jérusalem (le Basile
de Séleucie de Migne P. Gr. t. LXXXV, col. 461—474), disant:
que l'église, bâtie sur le lieu de la lapidation par Juvénal, était
«digne de la mémoire, des travaux et des luttes admirables»
du saint, ne représenterait donc qu'une fleur oratoire, — ou,
ne se rapporterait qu'à l'élégance des formes et des ornements
de cette église. Cette phrase n'est, comme le P. Lagrange (Rev.
bibl. 1908) s'exprime, qu'une «affirmation de style».
Quoiqu'il en soit, les églises de Saint-Etienne au Sud et à
l'Est de Jérusalem furent bientôt éclipsées par un nouveau sanc-
tuaire du même premier martyr au Nord de la ville, tout près
et en face de l'ancienne Porte de Naplouse, aujourd'hui Porte
de Damas, bâti par l'impératrice Eudocie, de 455 à 460, après
son retour à l'orthodoxie.
— 149 -

Egaré par quelques textes mal interprétés, M. l'Abbé L. Hey-


det prétend: que les ruines de la «petite église» trouvées en
1881, à 360 mètres au nord de la Porte de Damas, seraient
celles de la « grande basilique eudocienne » de l'an 455 à 460,
qui d'après Antonin n'en était distante que d'« un jet de flèche »,
soit environ 150 mètres.
Dans sa brochure intitulée « Etude critique et topographi-
que etc.» (Jérusalem, 1887, p. 5) notre auteur déclare:
„En Mars et Juin de l'année 1883, le P. Alphonse-M. Ra-
tisbonne inséra dans les Annales de Sion un petit travail
intitulé Ruines de l'église S. Etienne à Jérusalem. L'article
était mis sous mon nom. J'en étais en effet l'auteur ... Il
tendait à établir que la «petite église», découverte en 1881,
à Jérusalem, à trois cent cinquante pas (mètres) environ en
face de la porte de Damas, était les restes de l'antique église
S. Etienne; que c'était là qu'il fallait voir le lieu désigné par
les plus anciennes, les vraies traditions, pour la lapidation
du saint Diacre." —
Egaré à son tour par M. l'Abbé Heydet, le P. Lagrange se
fait le champion de la même erreur. Mais, vu l'impossibilité
d'identifier la « petite chapelle » de l'époque des croisades avec
la «grande basilique eudocienne», il transféra les soi-disant
« anciennes et vraies traditions » de M. l'Abbé Heydet sur un
autre terrain qui se trouvait dans le voisinage, et qui, selon notre
opinion, se prêtait mieux à cet honneur.
Dans sa brochure «Saint Etienne etc.» (1894, p. 140) il
écrivit: ,,Nous n'insistons pas sur la «petite église»; elle ren-
ferme des éléments en apparence contradictoires " —
Et, dans un autre passage de la même brochure, parlant
de cette «petite église», it déclare avec précision (1. c. p. 105):
« Ce n'était pas l'église bâtie par Eudocie. ».
Puis notre auteur procède à la translation de la prétendue
«la plus ancienne tradition» sur l'emplacement des ruines dé-
blayées par les FF. Prêcheurs à l'Est de cette «petite église»,
en écrivant (1. c. p. 139):
„ Avant de solliciter la charité chrétienne pour le relève-
ment du sanctuaire de la lapidation de saint Etienne, nous
avons le strict devoir de nous assurer de son authenticité,
et le public a le droit de nous demander de preuves."
,, Les ruines retrouvées par le P. Matthieu (sur remplace-
— 150 —

ment de l'ancien abattoir de la Municipalité de Jérusalem)


sont-elles celles du sanctuaire de la lapidation?"
,,On ne peut répondre à cette question d'une manière
satisfaisante que par l'accord des documents es des monu-
ments."
„ Cet accord résulte de la vérité des deux propositions
suivantes: 1° l'église d'Eudocie était bâtie au lieu de la la-
pidation, voilà ce qu'affirment les documents; 2° les ruines
en question sont celles de la basilique d'Eudocie, voilà ce
qu'affirment les monuments et les documents."
„ Nous avons établi le premier point dans un travail spé-
cial (Revue biblique, juillet 1894) où nous avons passé en
revue tous les témoins de la tradition chrétienne à nous
connus jusqu'au XIVe siècle. Nous avons produit ici les textes
principaux en parlant des destinées de la basilique d'Eudocie.
Nous croyons qu'ils suffisent et qu'il n'y a plus lieu d'in-
sister davantage. Phénomène remarquable! On a placé en
des endroits différents le lieu de la lapidation, mais on n'a
d'Eudocie en la " —
jamais nié que l'église marquât place.

Pour prouver la vérité de l'affirmation: «les ruines retrou-


vées par le P. Matthieu (sur l'emplacement de l'ancien abattoir
de la Municipalité de Jérusalem) sont celles du sanctuaire de la
lapidation», le P. Lagrange s'appuie sur les deux propositions
suivantes :
1° «l'église d'Eudocie était bâtie au lieu de la lapida-
tion » ;
2° « les ruines en question sont celles de la basilique
d'Eudocie».
La vérité de la 1° proposition serait prouvée, d'après notre
auteur, par les anciens textes qu'il a passés en revue dans la
Revue biblique de l'an 1894.
Ayant vérifié ces textes de nôtre côté (chap. Ier) nous avons
constaté: qu'ils ne se prêtent point aux prétentions du P. La-
grange, et: qu'ils n'affirment nullement que «l'église d'Eudocie
était bâtie au lieu de la lapidation».
La 1° proposition du P. Lagrange ne peut donc pas passer
pour prouvée.
Quant à la 2° proposition qui porte : « les ruines en question
- 151 -

(de l'ancien abattoir) sont celles de la basilique d'Eudocie», notre


auteur réclame le témoignage des « documents » et des « monu-
ments» (fouilles). Ce ne sera donc que plus loin, au chap. XIIIe,
consacré à ces fouilles, que nous montrerons que cette 2e pro-
position elle-aussi, ne peut passer pour prouvée.
Le P. Lagrange, informé là-dessus aussi bien que nous, crie
donc «au phénomène», en écrivant:
,,Phénomène remarquable! On a placé en des endroits
différents le lieu de la lapidation, mais on n'a jamais nié
(lisez»: affirmé. L'auteur.) que l'église d'Eudocie en marquât
la place».
En effet, personne n'ayant jamais affirmé, dans toute l'épo-
que avant les croisades, que « l'église d'Eudocie marquât la place
de la lapidation», — personne n'a eu l'occasion de protester
contre cette erreur. D'autre côté, aussitôt que des étrangers
mal informés ou intéressés commencèrent, d'abord, à l'époque
des croisades, puis, dépuis l'an 1881, à réclamer le nord de
Jérusalem comme lieu de la lapidation de saint Etienne, les con-
tradicteurs ne se firent pas attendre, comme nous le montrerons
au cours de cette étude et, surtout, au chapitre Xe ou nous
traiterons de la « Joute littéraire pour et contre l'identité de
l'église des Dominicains avec la basilique d'Eudocie».
Enfin, dans la Revue biblique (1894, p. 477) le P. Lagrange
formule les thèses suivantes:
1. Saint Etienne a été lapidé en dehors de la ville, du
côté du Nord.
2. Le lieu de la lapidation a été consigné en 455 par
une basilique où on a transporté les restes de saint Etienne:
cette église se trouvait à près d'un stade (Evagre), à un jet
de flèche (Antonin) de la porte du nord; celle qui l'a rem-
placée à trois portées d'arbalète (Saewulf)."
3. Cette situation a été confirmée par le nom donné à
la porte du nord de porte de saint Etienne.
4. L'église bâtie pour remplacer l'ancienne, soit par les
Grecs, soit par les Croisés, était à gauche (Daniel), ou a
droite (Cité) du chemin, selon la porte par laquelle on en-
trait." —
La Ie thèse: «Saint Etienne a été lapidé en dehors de la
ville, du côté du Nord» s'appuie, comme nous avons montré
- 152 -

plus haut (chap. Ier) sur une erreur. Cette thèse quitte donc
l'arène.
Quant aux thèses 2e, 3e et 4e, nous allons consulter les
témoins qui en parlent, depuis la fondation de la basilique eudo-
cienne en question jusqu'à sa destruction définitive en 614.
Quant aux opinions des Occidentaux de l'époque des Croi-
sades, elles ne méritent aucune réfutation, parce qu'elles ne re-
flètent que des erreurs médiéviales; nous en parlerons cependant
en passant, dans les chapitres suivants.
Après ce prélude nous abordons la thèse 2e qui s'occupe
de la basilique eudocienne.
Plusieurs anciens auteurs nous ont laissé, dans leurs ouvrages,
des renseignements précieux au sujet de cette basilique.
I. L'auteur anonyme de la Vie de Pierre libérien (Ve au
VIe siècle), traduit du syriaque par M. Richard Raabe (Leipzig,
1895), raconte, d'après le P. Lagrange (Revue biblique, 1896,
p. 457, et 1904, p. 469):
,,Au moment où Pierre libère, parvenu à un âge avancé,
allait quitter les environs de la Ville-Sainte, un de ses disciples
crut le voir en songe accomplissant un dernier pèlerinage aux
Saints-Lieux. Parti d'un village situé au nord de la ville, «il
entra d'abord au martyrium de s. Etienne qu'il rencontra en
premier lieu». Il descendit dans la grotte et pria devant l'« urne
funéraire»." —
Pierre ne visite pas le « martyrium » dans la vallée du Cé-
dron, attribué à Juvénal, ce qui se comprend aisément, si l'on
sait que notre pèlerin appartient à la secte des monophysites,
et, que Juvénal en avait été l'adversaire le plus implacable.
Dans la basilique du nord le pèlerin trouva une « crypte »
(grotte) où l'on vénérait, dans une « urne funéraire » (Reliquien-
Urne), des reliques de saint Etienne, comme il y en avait dans
toutes les églises érigées en l'honneur du saint protomartyr, et
qu'on rencontrait, à cette époque, dans toutes les provinces de
l'empire romain: — mais, il n'est
pas dit: qu'on y vénérât le
« corps » de saint Etienne.
Nous sommes toutefois sans information sur la provenance
de ces reliques. Les avait-on tirées du sarcophage du sénateur
Alexandre, resté dans la crypte du martyrium de saint Etienne
après le rapt du sarcophage du protomartyr effectué par Ju-
lienne? L'impératrice les avait-elle apportées de Constantinople
— 153 —

avec les autres reliques du même saint martyr dont elle avait
enrichi les nombreuses églises qu'elle lui avait bâties dans plu-
sieurs villes d'Orient? Qui nous informera de ces détails?
Quoiqu'il en soit, l'auteur de la Vie de Pierre libérien
n'indique en aucune façon: que la basilique d'Eudocie occu-
pât le « lieu de la lapidation».

II. D'autres nouvelles relatives à la basilique eudocienne se


trouvent dans l'Itinéraire d'un pèlerin latin du nom de Théodose
qui visita la Sainte-Cité vers 530. Cet Itinéraire attribué par
M. le Docteur Titus Tobler, en 1865, à Théodericus, en 1869 à
Théodorus, en 1879 enfin à Théodose, fut publié par M. le Pro-
fesseur Gildemeister, en 1882, et par M. Paulus Geyer, en 1898
(Itinera Hierosolymitana etc.) sous le titre de « Theodosius de
situ terrae Sanctae».
Nous y lisons (Paulus Geyer, Itinera etc., 1898, p. 141):
'
„ Sanctus Stephanus foras „ Saint Etienne a été lapidé
'
porta Galilaeae lapidatus est; en dehors de la porte de Gali-
ibi et ecclesia ejus est, quam lée; là se trouve son église
fabricavit domna Eudocia, uxor bâtie par dame Eudocie, femme
Theodosii imperatoris." — ! de l'empereur Théodose." —

Déjà plus haut (chap. Ier), nous avons vu que les savants
ont constaté que l'ouvrage de Théodose a subi des « interpola-
tions et des modifications ultérieurs » assez nombreuses, et, que
le chapitre où se trouve notre passage est un de ceux qui ont
le plus souffert sous la main des copistes. Théodose ne nous
offre donc point de base solide pour notre question.
Mais que les mots du texte cité, telles que nous les possé-
dons, appartiennent vraiment à Théodose, — dato non con-
cesso —, l'indication que « saint Etienne a été lapidé en dehors
de la porte de Galilée» nous conduirait, comme nous l'avons
montré plus haut, non point au côté Nord, mais bien au côté
Est de la Sainte Cité.
C'est donc par une erreur manifeste qu'on donne le texte
de Théodose comme affirmation de la lapidation au Nord.

III. Un écrivain anonyme, connu sous le nom d'Antonin de


Plaisance (Antoninus Placentinus) ou d'Antonin le Martyr (Anto-
- 154 —

ninus martyr), qui visita Jérusalem vers 570, parle de la basi-


lique eudocienne au Nord de la ville, dans les termes suivants
(P. Geyer, op. cit. p. 207):
„lpsa (cudocia) munivit se- j „ Elle (Eudocie) construisit le
pulchrum et basilicam sancti i sépulcre et la basilique de saint
Stephani, et ipsa suum habet Etienne. Elle a son propre sé-
sepulchrum juxta sepulchrum pulcre près du sien; ils ne sont
sancti Stephani. Et infra se- qu'à vingt-six pas l'un de l'autre.
pulchra sunt gressus XXVI, et Or saint Etienne repose à «un
beatus Stephanus requiescit fo- jet de flèche» de la porte qui
ris portam sagittae jactum (alias : a maintenant son nom, sur la
jactum unum). Unoque modo route qui regarde l'Occident et
porta ex nomine ipsius martyris mène à Joppe." —
vocatur. Et est ad via, quae
respicit Occidentem, quae des-
cendit ad Joppen." — ;
Ces renseignements sont précis. Mais en vain y cherche-
t-on la moindre indication que la basilique en question se
trouvât sur le «lieu de la lapidation».

* *
*

IV. Le témoin le plus important de la cause qui nous oc-


cupe est Evagre, historien ecclésiastique du VIe siècle (536—600).
Tandis que la Vie de Pierre libérien et l'Itinéraire d'Antonin de
Plaisance n'ont pour auteurs que des Anonymes, l'Histoire ec-
clésiastique d'Evagre est l'oeuvre d'un auteur dont le nom est
une garantie de l'authenticité des renseignements qu'il nous
fournit. El pendant que Théodose et Antonin ne sont que des
« pèlerins occidentaux », Evagre est originaire de la Palestine.
De là l'importance de ce témoin dans la question qui nous oc-
cupe. Aussi tous les auteurs qui se sont occupés de la basilique
eudocienne, ont-ils appuie leurs opinions de son autorité.
M. l'Abbé L. Heydet (Annales de Sion, 1883, p. 9) le cite
pour prouver que le lieu du martyre de saint Etienne se trou-
vait sur l'emplacement de la «petite église» trouvée en 1881.
Il y dit (1. c. p. 9):
„ Lucien écrivait sous le règne de l'empereur Honorius,
c'est-à-dire de 395 à 423."
„ C'est vers cette même époque que l'impératrice Eudocie
— 155 -

vint à Jérusalem et éleva une vaste et magnifique basilique


en l'honneur de saint Etienne, sur la place que la tradition
désignait pour le lieu de la lapidation du saint."
,, « Eudocie — dit Evagre, historien du Ve siècle — étant
venue à Jérusalem, fit construire un temple remarquable par
sa splendeur à la mémoire de saint Etienne, premier Diacre
et martyr. Ce temple est à « moins d'un stade » de distance
de la ville de Jérusalem. C'est dans ce même temple qu'après
sa mort l'impératrice fut ensevelie»." —
L'erreur chronologique qui attribue la construction de la
célèbre basilique eudocienne au nord de Jérusalem à l'époque
de 395 à 423, tandis qu'elle ne date que de 455 à 460, peut
passer pour irrélevante: mais, citer notre passage d'Evagre pour
prouver: que ce fut « sur le lieu de la lapidation de saint Etienne»
que l'impératrice fit ériger la basilique en son honneur, — c'est
abuser de la crédulité du lecteur: car tout le monde voit, à
première vue, qu'il n'y est point du tont question de l'« endroit
du martyre » de saint Etienne.

L'article de M. l'Abbée L. Heydet ayant ainsi frayé le che-


min à l'erreur, le P. Lagrange s'empressa de le suivre, en ci-
tant, dans sa brochure «Saint Etienne etc.» (1894, p. 81—82)
le même passage d'Evagre comme témoin en faveur de son
opinion: que le lieu de la lapidation de saint Etienne se trouvait
dans l'emplacement de la soi-disant « véritable basilique d'Eu-
docie » des FF. Prêcheurs.
Voici ses termes (1. c. p. 81—82):
„ Avant l'invasion des Perses tout le monde à Jérusalem
connaissait la basilique d'Eudocie — et savait qu'elle était
bâtie au lieu du martyre de saint Etienne, pour conserver
ses reliques . . . Evagre, dans son Histoire d'Eglise: «Eudocie
éleva un très grand sanctuaire, remarquable par ses propor-
tions et sa beauté, à Etienne, le premier des diacres et des
martyrs: il est distant de Jérusalem de «moins d'un stade»:
elle y fut déposée lorsqu'elle passa à la vie immortelle »." —
C'est en vain qu'on cherche dans ce passage la moindre
allusion au « lieu de la lapidation » ; l'édifice ne fut qu'un su-
perbe et vaste « mausolée de l'impératrice » : — mais pour le
P. Lagrange ce passage prouve qu'« avant l'invasion des Perses,
— 156 —

tout le monde à Jérusalem connaissait la basilique d'Eudocie,


— et savait qu'elle était bâtie au lieu du martyre de saint
Etienne».
* *
*

L'importance des renseignements fournis par Evagre au sujet


de la basilique eudocienne nous oblige de reproduire pour ceux
qui désirent se faire une juste idée de la question, le passage
capital en entier d'après l'original (Histoire ecclésiastique d'Eva-
gre, lib. I, cap. XXII; ed. Migne, P. Gr. tome 86, col. 2484):
„"Ooa lèeifiaxo y fiaoû.ïç Evàô- ,, Des bâtisses de la reine
y.ia xaxà IlaXawxivijv xal TIEQIxov Eudocie en Palestine et du
« vaov » xov nomxo fiâgxvgoç 2xe- «temple» du protomartyr Eti-
cpâvov, è'v&a xal ôaioeç hâcpij. "Exi enne, où elle fut pieusement
ÔÉ xal negl xfjç xEXevxfjçxov fia- déposée après sa mort: ainsi
otXêoeç Oeoôoaiov." que de la fin de l'empereur
„ UoXXoïç xoivvv xoiavxotç èvrv- Théodose."
yovoa Oeoôoaiov ovjufiioç, noXXà, ! „ Ayant profité des renseig-
oeç JLIOIXéXsxTat, xoiavra cpgovxio- j nements de plusieurs saints
xijgia èeifiajuévrj, xal [ir\v rà xeiyj) ! anachorètes du désert, la femme
ngbç xb xgÊixov 'iegooolvfioev âva- de Théodose construisit, selon
vEoeoa/iévt], xal « XÉ/UEVOÇ ixéyioxov» ce qu'on m'a narré, plusieurs
àvloxrj, èÇoyjj xs xal xâXlei ngovyov, | monastères; et après avoir re-
xoî) Tigdjxov ôiaxôvoev xs xal fxag- stauré les murailles de Jérusa-
xvg(ûvSxeq}âvov,«ovxLaxâèiov Usgo- lem, elle y éleva un « très grand
ooXvjuoev èiEOxoeç», èv cô X'LÛEXUIsanctuaire » remarquable par
ïigbç xov âyijga) u£xayoeg>)oaoa ses proportions et sa beauté, à
fnov." — Etienne, le premier des diacres
et des martyrs, distant de Jé-
j
rusalem de «moins d'un stade»,
où elle fut déposée après sa
i —
I mort."
Les « titres » qui se trouvent à la tête des « chapitres »
sont, sans aucun doute, postérieurs à Evagre; mais, s'y trou-
vant déjà dans les plus anciens manuscrits, ils reflètent le
sens des termes d'Evagre comme il se présenta à l'auteur du
«titre ».
Si donc le titre du chapitre rend le vocable «xéfievoç» par
«vaôç», cela prouve qu'à l'époque où l'on ajouta ce titre, on inter-
prétait ainsi le mot « xé/uevoç» du passage d'Evagre.
— 157 —

Quoiqu'il en soit, et de quelque façon que l'on prenne le


terme « temenos », Evagre ne dit pas d'avantage que la basilique
d'Eudocie occupât le «lieu de la lapidation ».

V. Cyrille de Scythopolis, dans sa Vie de saint Sabas, au


VIIe siècle, célèbre les vastes dimensions de la basilique eudo-
cienne qui, étant plus grande que celle du Saint-Sépulcre, vit,
en 518, dans ses vastes nefs, une assemblée de dix mille moines,
sans compter la masse du peuple accouru de la ville et des
environs. Il en parle cependant de ce spectacle grandiose sans
faire la moindre allusion qui fasse supposer que cette basilique
occupât le « lieu de la lapidation » de saint Etienne.
Voici les détails donnés par Cyrille d'après M. Couret, dans
son ouvrage « La Palestine sous les empereurs grecs » (Gre-
noble, 1869), cité par le P. Lagrange (Saint Etienne etc. 1894,
p. 77—81):
„ Sabas fait appel aux moines et les convoque dans sa
laure. Ils accourent de tous côtés. Théodose amène ses quatre
cents religieux; Siméon arrive avec le couvent de saint Euthyme;
Longin avec celui de Théoctiste; Euthale avec les monastères
de l'évêque Hélias; Alexandre avec celui du patriarche Martyre;
la laure de Pharan, celle de Succa, conduite par saint Cyriaque;
les monastères de Bethléem, de Scythopolis, d'Entenaneth et de
Jéricho, de Sapras, de Gérasime et de Chuziba; l'abbé Mammas
et ses moines, les anachorètes du Jourdain; les onze laures ou
monastères fondés par saint Sabas, se réunirent, au nombre de
plus de dix mille, dans la gorge du Cédron. Sabas se met à leur
tête, part au milieu de la nuit et arrive avant le lever du jour
à la basilique de saint Etienne, hors des portes de Jérusalem."
„ C'est là que devait se tenir l'assemblée, parce que l'im-
mense « vaisseau » bâti par Eudocie pouvait seul contenir, dans
ses «proportions gigantesques», la foule des moines et du peuple.
Les couvents de Jérusalem sortent de la ville et viennent secrè-
tement les rejoindre; une partie se détache pour aller au devant
d'un neveu de l'empereur, Hypatius, qui, vaincu et fait prison-
nier par le rebelle Vitalien, venait à Jérusalem rendre grâce de sa
délivrance; et, quelques heures après, tous étaient réunis dans
la basilique. Au fond de l'abside, les abbés et les chefs des
monastères, devant la galerie qui séparait la nef de l'abside, Hy-
— 158 —

patius, le neveu de l'empereur, entouré du gouverneur de Pa-


lestine, du Consulaire de Césarée, Zacharie, et de leurs officiers;
et enfin, « dans les cinq nefs », le peuple et les dix mille moines
qui débordaient de toutes parts et réclamaient à grands cris
l'apparition de l'évêque et la condamnation de Sévère."
„ (p. 79) Les trépignements et les cris de la foule faisaient
frémir l'immense basilique: l'évêque se montre enfin; il s'avance,
du fond de l'abside, vers le jubé; il monte les degrés avec saint
Théodose et saint Sabas, et tous les trois apparaissent au milieu
de la galerie, d'où leurs regards plongeaient sur la foule exal-
tée. A leur vue, mille cris s'élèvent; l'évêque fait un gesoe: un
silence frémissant règne dans toute la basilique et, au milieu de
l'attente générale, les trois dignitaires laissent tomber sur le
peuple ces paroles solennelles: « Anathème àNestorius, àEtyches,
à Sévère, à Sotéric de Capadocie; anathème à qui ne se soumet
pas au Concile de Chalcédoine »."
„Une immense acclamation leur répond, l'évêque et ses
acolytes descendent du jubé et se retirent au fond de l'abside;
mais l'abbé Théodose remonte aussitôt: «Si quelqu'un, — s'écrie-
t-il, — ne reçoit pas les quatre conciles comme les quatre évan-
giles, qu'il soit anathème»."
„Le gouverneur, stupéfait, se voit entouré de la foule me-
naçante des moines, il se glisse épouvanté, dans le « monastère
de Saint-Etienne», attenant à la basilique et s'enfuit jusqu' à
Césarée: Hypatius, le neveu de l'empereur, assailli parles moines,
jure qu'il est partisan fidèle des conciles et distribue aux mo-
nastères les plus larges aumônes." —
Nous voyons, par ce récit, que Cyrille est rempli d'admi-
ration pour la grandeur et la majesté des vastes nefs de la ba-
silique eudocienne: mais encore une fois: il ne nous dit pas que
cet édifice fut bâti «sur le lieu de la lapidation».

Les «cinq nefs» attribués, par M. Couret, à la basilique


eudocienne furent retractées, sur la prière du P. Lagrange, par
l'auteur lui-même, qui, dans un volume intitulé «En Terre-Promise»
(Paris, 1892, p. 205), n'admet que «trois nefs» seulement.
En effet, aucun des textes connus ne mentionne le nombre
des nefs de cette basilique.
Et cependant, il est bien certain que la célèbre basilique
— 159 —

d'Eudocie au nord de Jérusalem avait cinq nefs; ce fut, dans ce


temps-là, la règle pour toutes les grandes basiliques, comme
M. le comte Melchior de Vogiié, dans son ouvrage « Les églises
de la Terre-Sainte » (1860, p. 138) le soutient de cette dernière,
en ces termes:
„ En se laissant guider par la comparaison avec les ba-
siliques de Rome, et surtout de Bethléem, on connaît facile-
ment que: le plan se composait d'une large nef centrale, et
de quatre nefs latérales."
Pour de plus amples information le lecteur pourra consulter
notre ouvrage « Die Heilige Grabeskirche zu Jérusalem » (Leipzig,
E. Haberland, 1898, 256 pages 8° avec plusieurs planches).
* *
*
Dans un passage de la Vie de saint Euthyme (ed. Cotelier
« Ecclesiae graecae monumenta», Paris, 1692, IV, p. 73), le même
Cyrille de Scythopolis nous a laissé, au sujet de la dédicace de
la basilique d'Eudocie, les renseignements suivants:
„ Eudocie ayant été avertie, — à l'occasion d'une entre-
vue avec saint Euthyme —, que: selon son opinion, elle allait
mourir «avant l'hiver», retourna à Jérusalem, et:
« anM]goexov ovxa xov vaov xov « ordonna que la « consécra-
âylov Sxecpâvov xov ngoexo/.iâgxvgog, tion » du temple de saint Etienne
b/xaivwdfjvai nagExéXEvaexfj nevxs- qu'elle construisait «au nord de
xaiÔExâxrj xov 'lovviov /xrjvoç . . . la ville », se fit le « quinze juin »,
TEoaâgcuv ôè fxrjvoevn/.tjgoj&êvxoev \ quoiqu'il ne fût pas encore
fiexà xov êyxaiviojubv, Evoefioeçxal achevé . . . Quatre mois après
'deaqoÉoxoeçôia&E/uévrj, elç yeîgaç cette dédicace elle remit son
&£0Î> xb jzvEv/iia nagéêETO, [iijvi âme pieusement entre les mains
'Oxzwflgîq), EÎxâôt, xfjç xeooagaxai- de Dieu, le vingt du mois d'Oc-
ôsxârrjç Ivàixxioevoç». tobre de l'indiction quatorzième
(= 460) ».
Il n'est pas question ici de l'intervention de Cyrille d'Ale-
xandrie, mort, du reste, depuis quelques années.
Quant à l'emplacement où se trouvait la basilique, l'auteur
affirme qu'elle était au nord de la ville: mais il ne dit point
qu'elle occupât le « lieu de la lapidation » du saint martyr, dé-
tail qu'il ne devait pas taire, si la basilique se trouvait sur cet
endroit sacré.
Pour ce qui est de l'intervention de saint Cyrille, patriarche
— 160 —

d'Alexandrie, réclamée, pour cette dédicace, par l'auteur ano-


nyme de la Vie de Pierre libérien, sur laquelle le P. Lagrange
s'appuie, dans la Revue biblique (1904, p. 468), nous y lisons:
„ Cyrille avait été invité par la fidèle et orthodoxe reine
Eudocie à venir pour la « déposition des os vénérés de l'illustre
et très glorieux saint Etienne, le premier des martyrs et le pre-
mier des diacres », — et pour « accomplir la dédicace » du beau
temple qu'elle avait bâti « en dehors des portes septentrionales
de la ville», et il accepta volontiers cet appel. Et lorsqu'il fut
arrivé avec une foule d'évêques de toute l'Egypte et qu'il eut
accompli avec honneur la « déposition des saints os du premier
des martyrs», le quinzième jour du mois d'Ijar (mai), il fit le
16 du même mois, sur l'invitation de sainte Mélanie, la déposi-
tion des saints martyrs perses, des quarante martyrs avec eux,
au Mont des Oliviers, dans le vénérable temple, qui avait été
aussi élevé brillament par la reine Eudocie, elle même, comme
il est attesté et écrit dans une inscription sur la paroi." —
Le R. P. Siméon Vailhé, ayant étudié les difficultés de ce
texte, nous*lui donnons la parole. Il dit (Revue de l'Orient chré-
tien, 1907, p. 78):
„Tout d'abord, il suffit de relire le texte du biographe
de Pierre libérien pour voir qu'il s'agit réellement de la dé-
dicace en 438 ou 439: « Cyrille avait été invité par la fi-
dèle . . . Eudocie à venir pour la « déposition des os vénérés
de l'illustre et très glorieux Etienne» ... et, pour «accom-
plir la dédicace du beau temple qu'elle avait bâti»."
„Que veut-on de plus clair?"
„ Or, si l'église Saint-Etienne du Nord de la ville a été
dédiée le 15 mai 438 ou 439, elle ne peut pas avoir été dé-
diée encore le 15 juin 460, et alors avant son complet achè-
vement."
„ Prétendre le contraire, en disant que l'invitation à célébrer
la dédicace a été faite, mais que, d'après le texte, elle n'a pas
eu nécessairement lieu, et, que saint Cyrille a présidé seulement
à la déposition des reliques, c'est à ce qu'il me semble, soulever
une mauvaise chicane; car la déposition des reliques était pré-
cisément une des principales cérémonies de la dédicace."
„ D'ailleurs, si la dédicace de cette église ne devait pas avoir
lieu, pourquoi l'impératrice avait-elle invité saint Cyrille à venir
la présider? Et comment se fait-il qu'une église, prête à être
— 161 —

dédiée en 438 ou 439, n'ait été dédiée que le 15 juin 460, avant
même d'être achevée? ..."
„Nous sommes tout simplement en présence d'un ana-
chronisme, bien explicable chez un auteur qui ne vivait pas
à Jérusalem et qui écrivait une cinquantaine d'années après
les événements ..."
„(p. 80) Des lors, on n'est pas obligé de supposer deux
églises Saint-Etienne bâties par Eudocie au Nord de la ville, en
deux endroits différents, on ne saît trop pour quels motifs, et
dont l'une aurait disparu subitement sans laisser aucune trace.
On ne doit pas davantage recourir à l'hypothèse de deux églises
Saint-Etienne, bâties au même lieu par la même personne, et
cela en moins de vingt-cinq ans. Enfin, l'on ne se heurte pas
contre la bizarrerie d'une même église, dédiée le 15 mai 438
ou 439, laquelle est encore dédiée le 15 juin 460, et qui pour-
tant reste toujours inachevée. Surtout si l'on songe que cette
basilique est l'oeuvre d'une impératrice, assez prodigue d'argent
pour les constructions et qui resta à Jérusalem les dix dernières
années de sa vie."
„ Il suit de cette interprétation que le troisième passage de
la «Vie de Pierre libérien», comme les deux autres, vise la
basilique d'Eudocie, située au Nord de Jérusalem et dédiée le
15 juin 460. Mais il en suit également: qu'il ne nous apprend
rien sur le « lieu de la lapidation » de saint Etienne. "

VI. Jean de Nikiou, chroniqueur égyptien du VIIe siècle, (ed.


Zotemberg, Notices et extraits des manuscrits, Paris, tome XXIV,
IIe partie, p. 470 sequ., cité par le P. Siméon Vailhé dans la
«Revue de l'Orient chrétien», 1907, p. 74 sequ.) parle des fon-
dations d'Eudocie à Jérusalem de la manière suivante:
,, Eudocie arriva à Jérusalem, restaura les églises et les
habitations, et fit construire un couvent pour les vierges et
un hospice pour les pèlerins et leur attribua de grands biens;
elle fit aussi relever les murs de Jérusalem . . . Après avoir
accompli ces choses, Eudocie mourut, et l'on déposa son
corps avec honneur, avec des panégyriques, dans le tombeau
qu'elle avait construit de son vivant." —
Après avoir cité ce texte, le P. Vailhé ajoute, dans «Les
Echos d'Orient» (1905, p. 78):

Hommert,Saint-Etienne. 11
— 162 —

„I1 n'est pas dit explicitement dans ces lignes du chroni-


queur égyptien qu'il est question du monastère Saint-Etienne et,
par conséquent, qu'il y avait à Jérusalem un monastère de fem-
mes sous ce vocable. Toutefois, les érudits qui sont . . . fami-
liarisés avec les écrivains de la période monophysite savent quel
retentissement eut dans tout l'Orient chrétien l'entreprise d'Eu-
docie en l'honneur du premier martyr. Ils savent aussi que,
lorsqu'on parle d'un monastère bâti par cette impératrice dans
la Ville Sainte, c'est celui de Saint-Etienne qui se présente
naturellement à l'esprit. Dès lors, ils m'autoriseront à voir dans
ce passage de Jean de Nikiou une allusion au couvent de Saint-
Etienne."
„ Il y a pourtant une difficulté à cette explication, c'est que
Cyrille de Scythopolis, qui nous a laissé des renseignements
sur la fondation de ce couvent, ne fait pas la moindre allusion
à des religieuses."
„I1 nous dit que l'impératrice Eudocie bâtit auprès de la
basilique un monastère considérable. Elle mit à sa tête le moine
prêtre Gabriel, qui avait été élevé dans la solitude par saint
Euthyme et qui en fut le premier higoumène (Vita s. Euthymii,
dans les « Ecclesiae graecae monumenta » ed. Cotelerius, Paris,
1692, tome IV, p. 67 et 76)." —
„Rien ne trahit ici la présence de religieuses; tout semble-
rait même laisser supposer le contraire. Cependant, des exem-
ples analogues nous permettront de nous arrêter à l'idée que,
en dehors du monastère d'hommes, Saint-Etienne pouvait égale-
ment renfermer un monastère de femmes et qu'il n'y a, par
conséquent, aucune contradiction entre le texte de Jean de Nikiou
et celui de Cyrille de Scythopolis (1. c. p. 80). La législation by-
zantine atteste d'ailleurs, l'existence de cas similaires, et des
lois de Justinien (Nouvelle 123, 36; 130, 3 et 5) fixent à l'égard
de ces monastères doubles certaines précautions à prendre par
les ministres du culte et les apocrisiaires chargés des intérêts
matériels ... (p. 81). En résumé, du texte de Jean de Nikiou,
corrigé par celui de Cyrille de Scythopolis ... il ressort que
Saint-Etienne de Jérusalem était surtout un monastère de fem-
mes. Et cela se conçoit d'autant plus aisément qu'Eudocie ayant
choisi le sanctuaire de Saint-Etienne pour le lieu de sa sépul-
ture, comme l'affirme le chroniqueur égyptien, elle devait en
— 163 —

quelque sorte, y installer des personnes de son sexe pour veiller


et prier sur son tombeau." —
On voit que Jean de Nikiou ne sait absolument rien de la
prétendue «tradition du Nord».
Sur les « six » auteurs antérieurs aux croisades qui donnent
des renseignements sur notre question, le seul Théodose pour-
rait avec énormément de bonne volonté et beaucoup plus de
parti pris, — se laisser soupçonner .de vouloir indiquer le mar-
tyre de saint Etienne au nord: mais tout le monde sait que le
texte de ce pèlerin a subi de nombreuses interpolations, de façon
qu'il est impossible de faire grand cas d'un passage si mal ac-
crédité de son Itinéraire —, sous la circonstance aggravante sur-
tout: que son témoignage est contredit par tous les autres
auteurs connus, du pemier milénaire, qui ont touché la question.

Quant à la «distance de la basilique eudocienne de la ville»,


nous possédons deux renseignements qui peuvent mutuellement
se servir de contrôle.
Evagre, dans son Histoire d'Eglise, citée plus haut, dit que
le « temple (temenos) » du protomartyr saint Etienne, élevé par
Eudocie au nord de Jérusalem, se trouvait distant de la ville
de «moins d'un stade» (ovxi oxâôcov'iEgoooXv/xoevÔIEOXCÔÇ), — tandis
que Antonin (l'Anonyme de Plaisance) précise ce renseignement
en écrivant, dans le passage cité plus haut:
«Or, saint Etienne repose à «un jet de flèche» de la
porte qui maintenant a son nom, sur la route qui regarde
l'Occident et mène à Joppe». —
Pour se faire une juste idée de la distance donnée par ces
aucurs, il faut préciser: a) leurs points de départ; b) leurs lieux
d'arrivée; c) la valeur de leurs mesures.
Entrons dans ces détails.
a) Le « point de départ » de la distance donnée par Evagre
c'est la «ville» ÇIegooo?.v/Liovôieoxoeç), c'est-a-dire la «porte».
L'Antonin précise cette « porte » en nommant comme point
de départ de son jet de flèche la « porte du nord » de Jérusalem.
Le P. Lagrange avance cependant quelques objections en
écrivant (Saint-Etienne etc., 1894, p. 48: „Le point de départ
c'est la porte. — Etait-elle précisément au même endroit qu'au-

11*
— 164 —

jourd'hui? — On sait par Philon de Byzance que les villes fortes


du temps étaient défendues par un double mur. L'avant-mur,
moins haut que l'autre, ne gênait pas la défense, et ne per-
mettait pas à l'ennemi . . . d'attaquer de plain pied . . . Une ville
aussi importante qu'Aelia, n'avait-elle pas une première ligne de
défense? ... On ne connaît donc pas exactement le point de
départ." —
Nous ne pouvons admettre la conclusion du P. Lagrange.
Aelia avait son avant-mur, il n'y a pas de doute. L'Ecriture
de l'Ancien Testament déjà parle des « antemuralia » (avant-murs)
de Jérusalem: mais aussi bien qu'il ne gênait pas la défense, il
ne gênait pas l'estimation des points hors de l'avant-mur. Le
point de départ de notre mesure est donc exactement connu:
c'est la Porte du Nord, connue aujourd'hui sous le nom de Porte
de Damas.
b) Pour ce qui est du «point d'arrivée», M. l'Abbe Heydet
(1. c, 1887, p. 11) écrit:
„ Le texte d'Evagre est assez formel, il porte «temenos»;
c'est ce mot que l'on traduit par Temple."
„ Les hellénistes nous apprennent que le mot signifiant ri-
goureusement «Temple», dans notre sens, de « sanctuaire »v
c'est Naôç, NEWÇ; « Temenos » a un sens plus étendu, plus gé-
néral: c'est un bois sacré, . . . une enceinte sacrée ... un
« Moustier» du moyen-âge comprenant: église, couvent et dépen-
dances."
,,Un traducteur d'Evagre justifie cette interprétation; il rend
le mot « Temple » par Phrontisterium . . . Evagre nous apprend
lui-même que le « Phrontisterium » désigne, par opposition aux
« Laures», des monastères où les moines vivaient de la vie com-
mune (Hist. eccl. I, 21)."
,,C'est donc bien d'un monastère qu'Evagre parle; la tra-
duction juste est donc:
«Eudocie bâtit un immense monastère à la distance d'en-
viron un stade de Jérusalem»." —
Le P. Lagrange, sans indiquer cependant la source, s'est
approprié cette idée qu'il résume, en écrivant dans son « Saint
Etienne etc.» (1894, p. 148):
„Pour Evagre qui donne la mesure la plus précise, «moins
d'un stade», c'est l'enceinte du sanctuaire, quelque chose
comme le mur du clos actuel." —
- 165 —

Il nous est impossible de partager l'opinion qui identifie le


«temenos» d'Evagre et l'«enceinte» de ce sanctuaire.
Le détail d'Evagre, disant que: l'impératrice Eudocie a été
déposée, après sa mort, dans le «temenos» qu'elle avait bâti
en l'honneur de saint Etienne, démontre que ce «temenos» ne
désigne pas «l'enceinte» du sanctuaire, mais bien «l'église»
elle-même.
Il y a plus.
Antonin (l'Anonyme de Plaisance) nomme comme «point
d'arrivée » de son « jet de flèche » le tombeau de saint Etienne.
«Saint Etienne, — dit-il —, repose un «jet de flèche»
en dehors de la porte qui a son nom ».
Ce « tombeau » se trouvant à l'intérieur de la basilique eudo-
cienne, le « point d'arrivée » d'Antonin concorde avec celui
d'Evagre, de manière toutefois qu'il précise le point d'arrivée de
ce dernier, en restringeant le sens du terme «temenos» (temple),
de façon qu'il ne peut signifier le «mur du clos», comme le
veut le P. Lagrange, mais bien le «sanctuaire», c'est-à-dire la
«basilique» elle-même.
c) D'après Evagre, la distance entre le «temenos» (temple)
de saint Etienne et la «ville de Jérusalem» est: de «moins d'un
stade» (TÉ/J,EVOÇ . . . Zxscpâvov, «oï'xi oxâôiov 'I.EgoooXvfioevèisoxoeç).
D'après Antonin, cette distance mesure «un jet de flèche»
(sanctus Stephanus requiescit foris portam «sagittae jactum
unum»).
Or, en parlant du «stade» d'Evagre, M. l'Abbé L. Heydet,
dans son «Etude critique et topographique etc. (1887, p. 10),
émet l'opinion qu'« on pourrait donner au stade jusqu'à 300 mètres»,
mais que «pour lui, il accepte le «stade» de 187 mètres». —
Le P. Lagrange, sans toutefois nommer cet auteur, se moque
de cette évaluation, en écrivant, dans son « Saint Etienne etc. »
(p. 148):
,,La distance d'un stade ou jet de flèche n'équivaut pas
à 300 mètres, mais à 185 mètres pour le stade et à environ
150 mètres pour le jet de flèche." —
Nous sommes heureux de pouvoir, cette fois, approuver
les données du savant Directeur de l'Ecole biblique de Saint-
Etienne. C'est la mesure généralement acceptée par la science.
Si cependant notre auteur (Saint Etienne etc., 1894, p. 148)
prétend qu': Evagre donne la «mesure la plus précise» fixant
- 166 -

la distance à «moins d'un stade», — il se trompe apparem-


ment.
La mesure de distance la plus précise est, sans aucun
doute, celle d'Antonin (Anonyme de Plaisance) qui la donne par
«un jet de flèche», soit environ 150 mètres: car cette mesure
est indiquée d'une manière absolue, tandis que la mesure
d'Evagre: «moins d'un stade» est plus vague, parce qu'il ne
nous dit pas de « combien » cette distance est inférieure à un
stade, — ni lequel est le stade en question, ne nous disant
pas si c'est le «stade romain» ou plutôt un des différents «stades
grecs».
La basilique eudocienne était donc assez proche de la Porte
de Damas. Elle n'en était distante que d'environ 150 mètres,
— et, pour en trouver l'emplacement, il ne faut pas chercher
sur l'ancien abattoir de la Municipalité de Jérusalem, distant de
365 mètres de la porte, mais bien dans la distance de 150 mètres
de la même porte. On comprend donc, sans peine, qu'on na
pas réussi de trouver, sur le terrain de l'Ecole biblique de
Saint-Etienne, les restes «du cloître» dont Gabriélos a été le
premier higoumène, ni celles de son couvent qui se trouvait tout
près de la basilique d'Eudocie.

Parmi les savants qui se sont occupés de notre question


M. le Chanoine Docteur Riess est un des plus remarquables.
Nous possédons de sa plume un article fort intéressant, publié
dans la revue allemande « Zeitschrift des Deutschen Palâstina-
Vereins» (Leipzig, 1885, p. 163 sequ.) où nous lisons:
„Avant tout, nous sommes d'avis, qu'il faut attacher, dans
la question qui nous occupe, une importance plus grande et
même décisive aux rapports des anciens auteurs relatifs à la
distance de la basilique d'Eudocie — et à l'église Saint-Etienne
des Croisés Francs."
„Antonin, Evagre et Nicéphore-Calliste qui, sans aucun
doute, ne pouvaient parler que de la basilique d'Eudocie, en
précisant la distance à «un jet de flèche», à « moins d'un stade»;
tandis que Saewulf (1102—1103) qui s'occupe des ruines regar-
dées par les Croisés Francs comme «lieu de la lapidation de
saint Etienne», leur donne la distance de «deux ou trois jets
d'arbalète», c'est-à-dire: une distance plus grande, et qui répond
— 167 —

bien à la distance des ruines mises à jour par les fouilles (de
la « petite église ») des FF. Prêcheurs. "
„ Quoique ce ne soient que des évaluations approxima-
tives qui nous occupent, ces évaluations nous offrent une
différence si grande, qu'elles n'admettent pas d'être appli-
quées à la même localité (Haben wir es auch hier nur mit
ungefâhren Schâtzungen zu tun, so enthalten doch dièse An-
gaben einen bedeutenden positiven und genugend groBen
Unterschied, daB derselbe die Deutung auf einen und den-
selben Ort nicht zulaBt)" ... (p. 164—165): ,, Les questions
cependant, de savoir: pourquoi la basilique d'Eudocie n'a pas
été reconstruite, plus tard, «sur le lieu primitif», si même
dans des dimensions plus modestes; de savoir: de quelle
époque date la construction de la « petite église » trouvée
par les Croisés en ruines, et, en «plus grande distance» de
la porte de la ville, ces questions restent ouvertes aux con-
jectures, parce que nous manquons de renseignements histo-
riques là-dessus." —

Comme le passage de l'article cité de M. le Docteur Riess


vient de nous l'indiquer, le grand sanctuaire de saint Etienne,
bâti par Eudocie au Nord de Jérusalem, a été remplacé, dans
la suite, par d'autres églises plus modestes, — et, plus éloignées
de ia ville.
En effet, en 614 déjà, la célèbre basilique eudocienne eut
le triste sort d'être saccagée et brûlée par les Perses, sans ja-
mais se relever de ses ruines. Le voisinage de la ville lui a été
funeste, sans aucun doute. Quand on restaura l'enceinte de Jé-
rusalem, ce qui a eu lieu à diverses reprises, au cours des
siècles, on lui emprunta ses belles pierres de taille, l'une après
l'autre: c'est, au moins, l'explication la plus simple du fait con-
staté par des fouilles, qu'il est impossible d'en retrouver les
restes.
* *
*
Thèses.
I. L'opinion du P. Lagrange: que le «lieu de la lapida-
tion de saint Etienne a été consigné, en 455, par une basi-
lique où on a transporté les restes du saint protomartyr»,
n'est pas soutenable.
— 168 —

II. Le nom de «Porte de Saint-Etienne» donné à la porte


du nord (Porte de Damas actuelle) ne date que de l'époque
de la construction de la basilique eudocienne, et, il s'expli-
que assez par la renommée de cette église et des établisse-
ments de bienfaisance qui en dépendaient, sans affirmer, en
aucune façon, le «lieu de la lapidation».
III. Le «temenos» d'Evagre désigne la «basilique eudo-
cienne» elle-même qui contenait le tombeau de l'impératrice,
et, dans une « grotte » (crypte) une « urne funéraire » avec
des reliques du saint protomartyr.
IV. La basilique eudocienne était distante de la porte du
nord (Porte de Damas actuelle) d'«un jet de flèche» soit
environ 150 mètres.
Chapitre huitième.

L'oratoire de saint Sophrone (638—1113) et l'église


des Croisés en l'honneur de saint Etienne
(1113—1187).
La « Passion des soixante martyrs », publiée par les Bollan-
distes, d'après un manuscrit du XIe siècle, contient, parmi quan-
tité de renseignements intéressants le trait suivant:
« Iratus Ammiras ejecit sanc- « S'étant mis en colère, Am-
tos foras civitatem, ante por- miras donna l'ordre de traîner
tas, et jussit decollari . . . Quos les saints hors des portes de
et tollens sanctissimus patriar- la ville, et de leur trancher la
cha Sophronius, sepelivit eos in tête . . . Mais le saint Patriarche
unum locum, ubi et condidit Sophrone enleva les saints corps
oratorium sancti Stephani primi et les ensevelit dans un lieu où
martyris (i. c. p. 302)». — il érigea aussi un « oratoire »
en l'honneur de saint Etienne
premier martyr». —
Quel est le lieu en dehors de la ville de Jérusalem, où saint
Sophrone bâtit cet « oratoire » en l'honneur du saint proto-
martyr?
L'auteur de la « Passion » l'indique par la remarque « in
suburbiis», dans le «faubourg» (de la Sainte-Cité).
Ce détail est cependant suffisant pour nous faire savoir
que ce fut du côté nord de Jérusalem: car là seulement se trou-
vaient des faubourgs; et cette indication nous conduit précisé-
ment du côté de la ville où s'était élevée la basilique eudocienne.
L'auteur de la « Passion » ne dit cependant pas que ce fut
l'emplacement des ruines de cette basilique que saint Sophrone
— 170 -

choisit pour sa nouvelle construction, ancore moins que ce fut


le «lieu de la lapidation du saint protomartyr».
Le silence d'Arculfe (c. 670), de saint Willibalde (722), du
Commemoratorium de casis Dei (808) et de Bernard le Moine
(c. 870) qui ne mentionnent pas cet «oratoire», a été interprêté
comme une preuve que, de leur temps, on ne le connaissait
pas: mais cet argument «ex silentio » ne conclut rien, attendu
que l'« oratoire» de Sophrone pouvait n'être qu'une simple et
modeste chapelle commemorative, et dépourvue de reliques, les-
quelles étaient profanées et dispersées par les Perses. Dans ce
cas, n'étant pas un Lieu saint ou «sanctuaire» les pèlerins
pouvaient aussi y passer sans s'en occuper d'avantage.
Mais le fait qu'on ne peut contester, c'est qu'en 1099, à
leur arrivée devant les murs de la Sainte-Cité, les Croisés latins
rencontrèrent, au nord de Jérusalem, un «oratoire de Saint-
Etienne», distant de la ville de «deux ou trois jets d'arbalète»,
soit 300 à 450 mètres.
Albert d'Aix (1095—1120), dans son « Historia Hierosoly-
mitanae expeditionis » (Migne, P. L. tome 164, col. 389—728;
et: Bongars, Gesta Dei per Francos, I, 184—308) en parle dans
les termes suivants:
„Rotbertus vero Normanno- ! „ Robert, prince de Norman-
rum princeps et Conans Bri- die et Conans de Bretagne dres-
tannus, juxta muros, ubi est sèrent leurs tentes . . . près
« oratorium protomartyris Ste- des murs où se trouve l'«ora-
phani »... tabernacula exten- . toire du protomartyr Etienne». —
derunt." —
Raymond d'Aguilers (1095—1099) indique la situation de cet
oratoire plus précisément encore. Il nous apprend quel'«église
de Saint-Etienne » en question se trouvait presqu'au point cen-
tral du mur septentrional de la ville. Voici ses termes (Migne,
P. L. 155 col. 591; et: Bongars, 1. c. 1, 139—183):
„ Obsederunt autem civitatem ,, Le duc de Flandre et le
a septentrione dux et cornes comte normand assiégeaient la
Flandrensis et cornes Norman- ville du côté du nord. Leurs
nus; obsederunt vero eam ab ; travaux d'attaque s'étendirent
« ecclesia s. Stephani », quae de l'« église S.-Etienne» qui se
est quasi ad « médium civita- j trouve presqu'au point central
tis » a septentrione, usque ad de l'enceinte du nord, jusqu'à
171 —

angularem turrim, quae proxi- la tour de l'angle proche de la


ma est turri David." — tour de David." —
Le P. Lagrange parle de cet « oratoire » dans son « Saint
Etienne etc.» (1894, p. 83) en écrivant:
„ Il est du moins certain qu'une petite église ou « ora-
toire » se trouvait au nord au moment du siège de Jérusalem
par les Croisés: nous avons sur ce point les témoignages
d'Albert d'Aix, de Raymond d'Aguiliers, de Guillaume de Tyr,
de Robert le Moine, des Gesta Francorum, de Robert de
Nogent. Tous ces chroniqueurs placent le camp du comte
de Flandre et de Robert de Normandie au nord près de
l'église de Saint-Etienne, au lieu où il a été lapidé. Souvent
pendant le siège, on abandonnait les armes pour recourir à
la prière: avant l'assaut, une procession solennelle se dé-
roula le long des murs: elle fit une station à l'église Saint-
Etienne."
,, C'est aussi de là que partit le signal de la victoire.
On comprit que la ville ne pouvait être prise que du côté
du nord; pendant la nuit qui précéda la dernière attaque,
les autres chefs croisés transportèrent toutes leurs machines
vers le propre lieu de l'« oratoire de saint Etienne », et c'est
de en effet, la brèche fut ouverte." —
près là, que

Le rôle que les auteurs de l'époque des croisades font jouer


à l'« oratoire de Saint-Etienne » au nord de Jérusalem, durant le
siège de la ville, en 1099, rappelé celui que le « fer de la sainte
lance du Seigneur» avait joué, quelques semaines auparavant,
dans une bataille livrée aux infidèles sous les murs d'Antioche.
Les Croisés y étaient enfermés, peu de jours après la prise de
cette ville, par un nombre supérieur d'ennemis, accourus de
tous côtés, pour les combattre. Ils se trouvaient en grand
danger d'être anéantis. Pour comble de malheur, ils manquaient
de vivres.
Dans cette détresse, l'invention miraculeuse du «fer de la
sainte lance » intervint à-propos. Ce miracle ranime le courage
des soldats. Pleins de confiance dans le secours céleste, garanti
par ce «saint fer», ils se précipitent sur l'ennemi, et, la vic-
toire est aux chrétiens.
Oserait-on présumer qu'à Jérusalem, les chefs des Croisés
- 172 —

entourèrent l'« oratoire de Saint-Etienne », trouvé au nord de la


ville, de l'auréole du « lieu de la lapidation », afin d'exciter leurs
soldats à imiter ce grand saint et à donner, comme lui, leur
sang pour Jésus, pour délivrer la Sainte-Cité des mains des in-
fidèles?
Quoiqu'il en soit, les auteurs de l'époque des croisades
sont les premiers à indiquer le « lieu du martyre de saint
Etienne au nord de Jérusalem.
* *
*
A l'arrivée des Croisés, en 1099, l'« oratoire de Saint-Eti-
enne» d'Albert d'Aix, l'« église Saint-Etienne» de Raymond
d'Aguiliers, se trouvait dans l'état de la plus grande désolation.
Les «païens», c'est-à-dire les Sarrasins, avaient saccagé et
brûlé ce sanctuaire à l'approche des Chrétiens.
Saewulf (1102—1103) nous en informe dans ces termes:
'
,, Lapidatio sancti Stephani „ Le lieu de la lapidation de
fuit extra murum, quantum ar- ! saint Etienne se trouvait en de-
eus balista « bis vel ter » jac- '\
hors du mur, à « deux ou trois »
tare '
potest, ubi ecclesia pulcher-
jets d'arbalète. Il s'y trouvait
rimaconstruebaturexparteaqui- j jadis, au nord de la ville, une
lonis; « illa ecclesia omnino est I fort belle église: mais elle a
a paganis destructa. " — j été complètement détruite par
les païens." —
Saewulf rapporte donc que l'« oratoire Saint-Etienne» qu'il
vit, deux ans après la conquête de la Sainte-Cité, détruit par
les païens, se trouvait « en dehors du mur à deux ou trois jets
d'arbalète », soit 300 à 450 mètres, — tandis que la célèbre ba-
silique eudocienne n'en avait été distante que d'«un jet de flèche»,
soit 150 mètres environ: preuve évidente que la basilique et
"l'oratoire n'ont pas occupé le même emplacement.
* *
*

L'higoumène russe Daniel parle, en 1106, d'une nouvelle


construction érigée, par les Croisés, sur les ruines de l'« ora-
toire».
Voici ses termes («Itinéraires russes» traduits par Mrae Khi-
trowo, ed. Fick, Genève, 1889, p. 11):
„ Tous (après avoir aperçu la Sainte-Cité du haut du
— 173 —

Scopus) se dirigèrent vers Jérusalem avec une grande allé-


gresse."
„ A gauche, près de la route, se trouve l'« église de saint
Etienne», premier martyr; c'est là qu'il fut lapidé par les
Juifs, et on y voit son tombeau."
,, Ensuite tous les pèlerins entrent, pleins de joie, dans
la Sainte-Cité de Jérusalem «par la porte voisine de la maison

(tour) de David»."
* * *

Théodoricus qui visita Jérusalem vers 1172, nous a laissé


une description fort intéressante de l'« église Saint-Etienne » des
Croisés.
Il y parle du « tombeau de saint Etienne » de la manière
suivante (ed. Tobler, St. Gallen, 1865, p. 65):
„ Est autem in ipsa ecclesia | ,, Il y a, au milieu de l'église
(sancti Stephani) média «locus (de saint Etienne) un « lieu éle-
gradibus elevatus», pariete fer- vé avec des dégrés », entouré
reo septus, in cujus medio ai- ; d'une barrière de fer, et, au
tare venerandum et « cavum » | milieu de cette enceinte, un
habetur, ubi locus lapidationis autel vénérable «à ciel ouvert »,
ejus fuit, et coeli « super eum » pour rappeler qu'à cet endroit
— même les cieux s'étaient ouverts
apertionis."
«au-dessus » du martyr." —
Ce texte a trouvé différentes interprétations.
Le P. Lagrange le cite comme un témoignage à l'appui de
son opinion: que le sanctuaire Saint-Etienne des FF. Prêcheurs
de l'Ecole biblique au nord de Jérusalem, occupe le «lieu de la
lapidation » du saint protomartyr.
Parlant du « plan des (prétendues) ruines de la basilique
d'Eudocie», reproduit dans son Saint Etienne etc. (1894, p. 131)
il écrit (1. c. p. 130):
,, Rien n'a été indiqué sur le plan qui ne se trouve dans
les ruines, le plan n'est pas une restauration, c'est le relevé
exact des lieux. Le trou carré figure dans son état actuel. On a
vu dans le récit des fouilles qu'il y avait là probablement une
« confession»: un texte de Théodorie, pèlerin du XIIe siècle, con-
firme cette hypothèse: «Il y a, au milieu de l'église elle-même (de
s. Etienne premier martyr), un lieu élevé avec des dégrés, en-
touré d'une barrière de fer, et, au milieu de cette enceinte, un
— 174 —

autel vénérable et un « grand trou », où fut le lieu de sa lapi-


dation et où s'ouvrirent les deux." —
Puis en note sous texte (I. c. p. 132) le P. Lagrange donne
le passage en question en latin, d'après l'édition de M. Tobler
(St. Gallen, 1865, p. 65) en ajoutant l'adjectif «magnum » (grand)
au nom «cavum» (trou), écrivant «magnum cavum » (grand
trou) au lieu de « cavum » (trou) tout simplement. C'est ce qu'on
appelle «falsification de texte».
Puis, pour faire croire à ses lecteurs que le «trou» en
question n'indique pas une « ouverture dans le toit », mais
— et: qu'il représente
qu'il se trouve «en bas», dans le pavé,
la «crypte» ou la «confession» de l'église, le P. Lagrange
ose une deuxiè « altération » du même texte, en supprimant,
dans sa traduction française, au passage « locus . . . coeli
« super eum » apertionis » (lieu ... où les cieux s'étaient ouvert
« au-dessus » du saint martyr) les mots « super eum » (au-dessus
de lui). C'est ainsi qu'il réussit à appliquer le texte de Théo-
doric qui parle de l'« oratoire Saint-Etienne des Croisés », c'est-
à-dire de la « petite église » du cordonnier grec, — à l'emplace-
ment occupé par le sanctuaire Saint-Etienne de l'Ecole biblique
des FF. Prêcheurs, érigé sur l'ancien abattoir de la Municipalité
de Jérusalem, où, en effet, à l'occasion des fouilles, on a trouvé
en bas, dans le sol, le «trou d'une citerne», profonde de 7 à
8 mètres, que M. le docteur Schick, en y voyant une «ancienne
priscine» attribua à l'époque juive (Voir plus loin le chapitre
qui s'occupe du récit des fouilles).
Ce terrible désastre scientifique, ce véritable débâcle litté-
raire pouvait être évité, si le savant Directeur de l'Ecole bibli-
que Saint-Etienne avait voulu prendre connaissance du passage
suivant de M. le Chanoine docteur Riess, publié dans la revue
allemande « Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins » (Leip-
zig, 1885, p. 162—170) où nous lisons (p. 166):
,,11 est fort probable que c'était l'«église Saint-Etienne»
du « Commemoratorium », ruinée par les Sarrasins où cam-
pèrent les Croisés francs, ... et, les renseignements relatifs
aux ruines d'une «église Saint-Etienne», datant de l'époque
du règne latin de Jérusalem, parlent tous de l'église posté-
rieure (à la basilique d'Eudocie), plus éloignée de la ville
vers le nord-est."
- 175 -

„Les relations de cette époque, celles d'Albert d'Aix,


par exemple, qui parle d'un « oratoire » au milieu des ruines
d'une « magnifique grande église », s'expliquent par l'erreur,
que ce fut sur le même emplacement que se trouvait la ba-
silique d'Eudocie (so ist dièses erklârlich durch die irrige
Annahme, daB eben an dieser Stelle auch die Eudokia-
(Stephans-)r\irche gestanden habe)."
„ D'après ce qui précède, il paraît non seulement témé-
raire, mais aussi mal à propos et contraire aux renseigne-
ments fournis par l'histoire et par les fouilles, d'identifier
les ruines en question (celles de la « petite église ») avec
la basilique d'Eudocie, tandis que, d'autre côté, il paraît
permis de regarder comme certain et bien prouvé: que
ces ruines sont identiques avec V«oratoire Saint-Etienne»
du VIIIe siècle, remplacé, plus tard, par F «église des
Croisés»." —
Puis M. le docteur Riess continue (1. c. p. 168):
,, L'espace, accessible par plusieurs dégrés que nous
avons désigné du nom de « nef transversale », paraît assez
remarquable. Nous sommes d'avis que cela ne représente
pas une « nef transversale » dans le sens architectonique
usuel, mais un espace réservé pour un but particulier, qui
portait le nom de «oyxoç» (sepes) et qui se trouve dans les
anciennes églises grecques à cet endroit, entouré, d'un gril-
lage et réservé à une image de Dieu ou à un tombeau." . . .
,,Sans renseignements relatifs à l'intérieur de l'« église Saint-
Etienne » de l'époque des Croisés, la supposition que la partie
rehaussée des ruines de la «petite église» en question, re-
présente un «orjxoç» (tumulus septus), resterait pure hypo-
thèse: mais Théodoric (de locis sanctis, 1172) nous fournit
les renseignements qui suivent: «Après avoir quitté la ville
par la « porte de la tour de David », le pèlerin passe le coin
nord-ouest de l'enceinte . . . puis la grande citerne des Che-
valiers de l'Hôpital, laisse à droite la porte du nord de la
ville et, se trouve en face de l'« église Saint-Etienne», située
sur une hauteur» . . . « Au milieu de l'église elle-même, il y
a un « lieu élevé avec des dégrés, entouré d'une barrière de
fer», — et, «au milieu de cette enceinte, un autel vénérable
et un «trou» (au-dessus), où fut le «lieu de la lapidation »,
et, où s'ouvrirent les cieux «au-dessus de lui-*. — «Il est
— 176 —

impossible de méconnaître que ce texte nous fournit l'expli-


cation désirée à l'égard de la hauteur remarquable de la «nef
transversale » de la ruine. "
„ Les Francs y vénérèrent le « lieu de la lapidation de
saint Etienne »; et, il nous est permis de présumer: que cette
partie de l'église n'a pas été entièrement couverte par la voûte,
mais qu'elle a été, comme «lieu où les deux s'ouvrirent»,
sans toit, — semblable à l'église de l'Ascension sur le Mont
des Oliviers." —

Quinze ans après le pèlerinage de Théodoric, l'église Saint-


Etienne des Croisés, au nord de Jérusalem, fut abattue par la
main des Chrétiens qui l'avaient construite. A la nouvelle de
l'approche de Saladin, après la désastreuse défaite de Hattin,
en 1187, les Chrétiens craignant que cette église ne permît aux
Sarrasins de s'abriter, la détruisirent eux-mêmes avant le siège.
Nous empruntons ce détail à la célèbre description de Jé-
rusalem, écrite avant 1187 et remaniée, en partie, par Ernoul
dans son «Estât de la cité de Jérusalem », vers l'an 1231.
Nous y lisons, d'après la publication de MM. Michelant et
Reynaud (Itinéraires à Jérusalem, Genève, 1882, p. 41 sequ.):
„ Or vous dirai des autres portes dont l'une est endroit de l'autre.
Celle deviers aquilon, a à non porte saint Estevene. Par celle
porte entroient li pèlerin en la cité, et tout cil qui par deviers
Acre venoient en Ihérusalem, et de par toute la tiere dusques
al flun, desci que à le mer d'Escalone."
,, Dehors celle porte, ains c'on i entre, à main destre, avoit
un moustier de monseigneur Saint Estevenes. Là dist on que
Saint Estevenes fu lapidés."
„ Devant cel moustier, à main seniestre, avoit une grant
maison c'on apeloit l'Asnerie. Là soloient gésir li asne et li som-
mier de l'ospital; pour çou avoit à nom l'Asnerie."
„ Cel moustier de saint Estevenes abatirent li crestien
de Ihérusalem devant chou il fuscent asségié, pour che que
li moustier estoit près des murs."
„ L'Asnerie ne fu pas abatue; ains ot puis grant mestier as
pèlerins qui par treuage venoient en Ihérusalem, quant elle
estoit as Sarrasins, c'on nés laissoit mie herbegier dedans le
cité. Pour çou lor ot li maison de l'Asnerie grant mestier."
— 177 —

,,A main destre de le porte Saint Estevene estoit li mala-


derie de Ihérusalem, tenant as murs. Tenant à le maladerie
avoit une posterne c'on apeloit le Posterne Saint Ladre. Par là
metoient li Sarrasins les crestiiens en le cité pour aler couver-
tement al Sépulcre, que li Sarrasin ne voloient mie euz par le
posterne qui est en le vue le Patriarce et moustier dei Sépulcre.
Ne les metoient l'en mie par le maistre porte."

Cette description du site de l'« église Saint-Etienne des


Croisés » a trouvé les interprétations les plus divergentes.
Ernoul distingue l'« église» (moustier) et l'«asnerie».
Toutes les deux étaient « en dehors » de la grande porte
du Nord de la ville, c'est-à-dire, de la porte qui, dans ce temps-
là, s'appelait «Porte Saint-Etienne», identique avec la «Porte
de Damas actuelle».
La route par laquelle les pèlerins s'approchaient, était celle
de Naplouse.
L'« église Saint-Etienne» d'Ernoul se trouvait:
«Dehors de celle porte (de saint Etienne), ains c'on y
entre, à main destre», —tandis que l'« asnerie » était: «De-
vant cel moustier à main seniestre».
Les interprètes expliquent que l'«église» (le moustier) se
trouvait «à droite» du pèlerin qui entrait en ville, —tandis que
l'« asnerie» était à sa «gauche», justement «en face» du
moustier, d'où il suit que l'« église Saint-Etienne» était située
à l'« ouest» de la route de Naplouse, et l'«asnerie» à l'«est»
de cette même route.
Or, d'après ce texte, il est absolument impossible que le
sanctuaire Saint-Etienne des FF. Prêcheurs au Nord de Jérusa-
lem, occupe l'emplacement du «moustier» d'Ernoul: car il se
trouve à l'« Est » de la route de Naplouse, — tandis que l'« église
Saint-Etienne » d'Ernoul et des autres auteurs de la même époque
était située à l'« ouest» de la même route.
Le P. Lagrange propose une autre interprétation écrivant
dans la Revue biblique (1894, p. 460):
,, Pour comprendre le témoignage des pèlerins, quelques
préliminaires sont nécessaires ... On passait ordinairement
par la porte de l'ouest (près de la tour de David, la porte
de Jaffa d'aujourd'hui), soit par une porte secondaire, située

Saint-Etienne.
Mommert, 12
— 178 —

au bout de la rue chrétienne du patriarcat, au-dessus (à


l'ouest) du Saint-Sépulcre, et ce dernier fait se produisit sur-
tout pour les chrétiens après la prise de Jérusalem par Sa-
ladin. La route venant du nord se partageait donc comme
aujourd'hui ... en deux tronçons, dont l'un se dirigeait vers
la porte du nord (Porte de Damas), l'autre vers la « poterne »
et la porte de l'ouest (de Jaffa)." —
Et quelques pages plus bas (1. c. p. 477) notre auteur ajoute:
,, L'église bâtie pour remplacer l'ancienne, soit par les
Grecs, soit par les Croisés, était «à gauche» (Daniel), ou
« à droite » (Cité) du chemin, selon la porte par laquelle on
entrait." —
Cette interprétation est, à notre avis, tout à fait propre à
égarer le lecteur: car Ernoul, dans le passage cité plus haut,
dit expressément: qu'il s'agit ici, non de la porte de l'ouest
(porte de Jaffa), ni de la porte secondaire (poterne) au bout de
la rue chrétienne, — mais bien de la
«porte du nord» (porte
saint Estevenes = porte de Damas).
Il y a plus.
Ernoul et tous les auteurs de son époque racontent: qu'¬
après la prise de Jérusalem par Saladin (1187) les Sarrasins
tinrent les pèlerins, qui venaient visiter la Sainte-Cité, enfermés
dans l'« asnerie » jusqu'au jour de leur admission à la visite des
sanctuaires. Il était donc, indifférent pour ces pèlerins par quelle
porte ils faisaient leur entrée. Les eût-on introduit par la porte
de l'ouest (porte de Jaffa): ils partaient de l'«asnerie» par la
route de Naplouse. Ernoul nous informe cependant, que ce fut
par la « poterne » près de la porte du nord (porte de saint
Estevene) que les pèlerins furent admis à entrer dans la
Sainte-Cité.
La bifurcation de la route de Naplouse qui conduit vers la
porte de l'ouest (porte de Jaffa) et qui se trouve assez éloignée
de l'«asnerie», dans la direction du Scopus, ne pouvait donc
servir à l'entrée des pèlerins qui, depuis la prise de Jérusalem
par Saladin, devaient suivre, de l'«asnerie» à la «poterne», la
route de Naplouse, soit le « bivium » de saint Etienne.
— 179 —

On demandera, pourquoi les chrétiens qui, à la nouvelle de


l'approche de Saladin (en 1187) avaient abattu l'église Saint
Etienne, laissèrent subsister l'« asnerie»?
Il y peut avoir deux raisons: ou, l'asnerie a échappé à la
ruine complète, parce que les chrétiens ont été surpris par l'ar-
rivée de l'ennemi; — ou, cette partie de l'établissement fut jugée
sans importance, tandis que l'église, à cause de sa hauteur,
offrait aux infidèles un poste d'observation.
Quoiqu'il en soit, il est du moins certain que l'«asnerie»
échappa à la ruine complète et servit, dans la suite, à loger les
« ânes du Sultan » ainsi que les « pèlerins » chrétiens qui conti-
nuèrent à visiter la Sainte-Cité.
Willebrand d'Oldembourg qui fit le pèlerinage en 1211, écrit
(Laurent, Peregrinationes medii aevi quatuor, Lipsiae, 1864 et
1873):
„ Quand nous fûmes arrivés près de Jérusalem, on nous
força d'entrer dans une cour située près des murailles de la
ville, c'est en ce lieu que fut martyrisé le bienheureux Etienne,
en l'honneur duquel nos fidèles ont fondé une église et un
« archiépiscopal », comme il apparaît encore. Aujourd'hui on
y pousse les « ânes du Soudan ». Quant à l'enceinte de
l'église et au lieu des reliques on en a fait un lieu d'immon-
dices." —
Thietmar (en 1217) confirme le récit de Willebrand en écri-
vant (Laurent, 1. c):
„ Je fus pris et emmené par les Sarrasins à Jérusalem.
On me retint deux jours et une nuit prisonnier, hors de la
porte de la ville, au lieu où saint Etienne, le premier martyr,
fut lapidé. Une église avait été autrefois construite en cet
endroit, mais aujourd'hui les Sarrasins l'ont renversée. Puisse
Dieu la restaurer." —

Nous avons vu déjà qu'à l'époque des Croisades, il y a eu


des auteurs occidentaux qui émirent l'opinion que le lieu de la
lapidation de saint Etienne se trouvait au Nord de Jérusalem.
On comprend donc que le P. Lagrange en profite pour réclamer
leur témoignage en faveur de sa thèse. C'est ce qu'il fait dans
la Revue biblique (1894, p. 460) où il dit de l'époque des Croi-
sades :

12*
- 180 —

„Ici les documents abondent. Je ne puis citer tous les té-


moignages. Encore, ce qui augmente leur valeur, c'est la variété
des sources. Nous interrogerons successivement les historiens,
les pèlerins latins et orientaux, les descriptions et plans de la
ville et les chartes." —
Commençant par les historiens, le P. Lagrange cite des
auteurs que nous avons allégués plus haut Albert d'Aix et Ray-
mond d'Aguiliers et continue (Revue blibl. 1894, p. 460):
„ Nous pourrions citer encore Guillaume de Tyr, Robert
le Moine, Beaudry de Dole, les Gesta Francorum, Guibert
de Nogent. Tudeboeuf (Tudebodus) 1101—1111, est particu-
lièrement intéressant. Lorsqu'il parle de l'église, on ne peut
interprêter: les Croisés s'établirent près du lieu où fut plus
tard une église, puisqu'on y fait une station avant la prise
de la ville: Robertus quoque Normannus obsedit a septen-
trione, juxta sancti proto-protomaris ecclesiam, ubi gaudenter
pro nomine Christi recepit lapides . . . (XIV, 1) . . . Christianis
pervenientibus ad ecclesiam sancti Stephani, ibique stationem
facientibus (Recueil des historiens des Croisades, tome III,
cap. XIV, 4)." —
Ensuite le P. Lagrange nomme Daniel et Saewulf que
nous avons également cités plus haut, et poursuit: „Un ano-
nyme reproduit par M. de Vogué (Les églises de Terre-Sainte,
p. 412) et qu'il place à la date 1130, nous apprend que la porte
Saint-Etienne s'ouvrait rarement: «Ab aquilone est porta, quae
vocatur s. Stephani eo quod sit de foris lapidatus, et raro ape-
ritur»." —
Suivent des passages cités de Jean de Wûrzbourg, une
«Chanson (anonyme) de Charlemagne, composée vers 1075, et
d'Ernoul qui nous occuperont immédiatement.
Jean de Wûrzbourg (1165) combattit l'erreur relative au
« tombeau de saint Etienne » que l'on montrait, à cette époque,
dans l'église Saint-Etienne des Croisés.
Voici ses termes (ed. Tobler, Leipzig, 1874, p. 105):
„ Ante portam Jérusalem, quae „ Saint Etienne fut lapidé en
respicit ad occasum, qua parte dehors de la porte de Jérusalem
liberata fuit urbs sub secundo qui regarde l'occident, c'est-à-
Israël, saxis obrutus beatus dire, le côté par lequel la ville
Stephanus, protomartyr, occu- fut délivrée par le second Is-
buit; inde translatus in Sion et raël; transféré de là à la Sainte-
sepultus inter Nicodemum et Sion, il y trouva sa sépulture
Gamalielem et Abibon, postea entre Nicodème, Gamaliél et
Constantinopoli, et ultimum Ro- Abibas; plus tard on transféra
mae beato Laurentio tumulatus. son saint corps à Constanti-
Unde in tumulo: «quem Sion nople et de là à Rome, où il
occidit,nobisBisanciamisit»."— repose dans l'église de S. Lau-
rent, sous l'épitaphe: «Sion
le tua, Bysance nous l'envo-
ya»." —
Effrayé par ce passage de Jean de Wûrzbourg le P. La-
grange s'empressa de lui opposer la «Chanson de Charlemagne»,
composée par un anonyme, vers l'an 1175.
Voici ses termes (Revue biblique, 1894, p. 462):
„ Ce pèlerin (Jean de Wûrzbourg) n'indique donc pas la
présence à Jérusalem des reliques de saint Etienne: il y est
plutôt contraire."
„ Cependant la Chanson de Charlemagne, composée vers
1175, qui, d'après Gaston de Paris, reflète exactement les
rapports des pèlerins contemporains, suppose que le grand
empereur demande des reliques au Patriarche de Jérusalem
(itinéraires à Jérusalem, éd. Fick, Genève, 1882, p. 5):
« Respond li patriarches: « A plantet en avrez;
« Le brez saint Siméon aparmaines avrez;
« E le chief saint Lazare vus ferai aporter,
« E dei sanc saint Estefne ki martyr fu pur Deu »." —
Ce passage de la « Chanson de Charlemagne » serait selon
le P. Lagrange une preuve que la translation du corps de saint
Etienne de Jérusalem à Constantinople, et, de là à Rome serait
apocryphe, et que, du temps de Charlemagne, le corps du saint
protomartyr se trouvait encore à Jérusalem.
Quant à nous, nous tirons du passage de la Chanson de
Charlemagne des conclusions absolument opposées à celles-ci.
Le fait, rapporté par cette Chanson, que, vers l'an 808, le
Patriarche de Jérusalem avait envoyé à Charlemagne « du sang
de saint Etienne», c'est-à-dire, de la «poussière» ou de la
« pierre » extraites du rocher traditionnel de la lapidation de la
vallée de Josaphat, où on montrait au XVIe siècle encore les
«taches de sang» provenant de cette lapidation, — est une
preuve qu'à l'époque du grand empereur on ne possédait à Je-
— 182 —

rusalem d'autre relique du saint protomartyr que le « rocher


traditionnel de sa lapidation».
Le « corps » de saint Etienne ne se trouvait donc plus à
Jérusalem à l'époque de Charlemagne.

Le «sang de Saint Etienne» n'est du reste qu'une relique


assez commune.
Dans le récit d'un pèlerin russe du XVIe siècle, Basile Pos-
niakov (1558—1561), nous lisons (Itinéraires russes, Genève,
1889, p. 329; conf. Revue biblique, 1894, p. 474):
„En sortant de la ville par la route qui conduit vers
Géthsémani, on voit une pierre sur le versant de la mon-
tagne: c'est là que les Juifs tuèrent le premier martyr
Etienne." — Et, sur la même page, en note sous texte: « On
voit en témoignage, jusqu'à ce jour, des traces de «sang»
sur cette pierre; les orthodoxes en emportent des morceaux
comme relique et bénédiction».

La mention du «sang de saint Etienne», dans la Chan-


son de Charlemagne serait donc un témoin de la vénération
du « lieu de la lapidation » sur le rocher traditionnel de la
vallée de Josaphat, — et, cette mention prouverait que: déjà
vers l'an 808, la tradition de la vallée de Josaphat était ac-
ceptée non seulement par le vulgaire, mais aussi par l'Eglise
de Jérusalem.
Dire que le Patriarche est allé chercher ce « sang de saint
Etienne » au Nord de Jérusalem, sur !e terrain de l'Ecole biblique
du P. Lagrange, serait une sottise de première force, — et, pas
même les Professeurs, partisans de la tradition du nord, n'ont
osé, jusqu'à ce jour, de l'émettre.
Le P. Lagrange se trompe donc en réclamant le « sang de
saint Etienne» de la Chanson de Charlemagne comme témoin
que le saint corps en question se trouvait à Jérusalem, à l'époque
du grand empereur, rendant témoignage à l'authenticité du
sanctuaire du Nord, comme «lieu de la lapidation»; de même
qu'il se trompe en niant l'existance de la tradition de la vallée
du Cédron avant le XIIe siècle, écrivant (Saint Etienne etc. 1894,
p. 152):
— 183 -

„Nous avons cherché ses vestiges dans le passé, nous


sommes remontés plus haut de deux siècles que ceux qui
nous avaient précédé dans cette étude (M. l'Abbé L. Heydet) ;
nous en avons trouvé la mention dans Raoul de Caen
(1112-1118)." —
* «. *
*
Quant aux «plans de la ville de Jérusalem » qui doivent
prouver la thèse du P. Lagrange, notre auteur en cite sept, dans
sa Revue biblique (1894, p. 466 sequ.):
„ 1. Le plan de Bruxelles (1150). — Au bout de la rue droite,
qui mène du mont Sion à la porte du Nord, se trouve l'inscrip-
tion: «Porta s. Stephani septentrionalis». Au dessus., l'église de
s. Etienne avec inscription placée précisément en droit de la
porte, en dehors de la ville."
„ 2. Plan d'une origine incertaine (Florence?). — Sur la rue
droite, du sud au nord: «Vicus porte sancti Stephani», et, en
dehors, en droite perpendiculaire: «Hic beatus Stephanus a Ju-
daeis lapidatus est»."
„3. Plan de Copenhague (vers 1180). — Il y a seulement:
,,Vicus porta Stephani»."
„ 4. Plan de Haag (vers 1170). — « Vicus porte sancti Ste-
phani », au nord. — En dehors de la porte, du côté oriental,
on a dessiné des personages dont l'un tient une énorme pierre
pour frapper; au dessous d'eux, du côté occidental de la
porte, un personage à genoux, priant et couronné d'une auréole.
Entre saint Etienne, car c'est évidemment lui, et son église,
« ecclesia beati Stephani », on a représenté une montagne, mons
gaudii, avec une route qui aboutit à la porte de David, «vicus
ad civitatem »."
,,5. Plan de Stuttgard (vers 1180). — «Vicus porte s. Ste-
phani, Porta s. Stephani», au nord. Au dehors en droite ligne:
«Ecclesia s. Stephani», et, immédiatement commence la vallée
de Josaphat, en forme de boudin qui passe à l'est de l'église."
„6. Plan de Paris (vers 1160). — «Vicus porte s. Stephani»
du nord au sud."
,,7. Le plan annexé aux Gesta Francorum. — «Vicus porte
s. Stephani» du nord au sud."
„Tous les plans de cette époque (1150—1180) sont donc
d'accord pour placer l'église de la lapidation au nord de la
ville." —
— 184 —

Le lecteur qui se donne la peine de contrôler ces plans re-


marque que des 7 plans cités par le P. Lagrange, un seul, celui
d'une origine incertaine (N° 2), place la lapidation de saint Etienne
au nord; les six autres plans mentionnent simplement une «église
de s. Etienne » ou une « rue de la porte Saint-Etienne » (Vicus
— sans parler ni de la lapidation ni d'une
porte s. Stephani),
« église de la lapidation » au nord de Jérusalem. Quoiqu'il en soit,
il n'y a pas de doute que, pendant l'époque des Croisades, des
Occidentaux plaçaient la lapidation de saint Etienne au Nord;
cela ne prouve toutefois point: que le lieu s'y trouvât réellement.

Quant au témoigagne des «Chartes» le P. Lagrange écrit


dans la Revue biblique (1894, p. 467j:
„ Chartes. Le droit public du temps supposait la même si-
tuation pour l'église de Saint-Etienne. Une bulle d'Alexandre III.
(8 mars 1173) confirme à l'abbé de,Sainte-Marie-Latine: «Sta-
tiones, quae sunt Latine contigue, furnum, palatium juxta portam
s. Stephani a plaga australi, quasdam domos post illud palatium,
domos supra murum urbis juxta ibidem, usque ad secundam
turrim murorum; et altéra parte, ecclesiam s. Stephani, juxta
viam quae ab Hierusalem ducit Neapolim; hospitale juxta eandem
viam; hortum inter eamdem ecclesiam et Hierusalem; alios hor-
tos et vineas quas habetis in territorio Hierusalem cum decimis
eorum» (Bulla Religionis votis, Palermo, arch. civico, Qg. H. 10)." —
On se demande pourquoi notre auteur fait intervenir ici ces
Chartes, puisqu'aucune d'elles ne parle ni du lieu de la lapida-
tion, ni d'une église destinée à perpétuer la mémoire de l'endroit
de la lapidation, de façon que ces Chartes pourraient servir de
témoins de la cause de la prétendue tradition du nord?
Nous les avons reproduit en mesure qu'elles paraissaient
s'occuper de Saint-Etienne du Nord, pour montrer jusqu'où le
P. Lagrange abuse de la patience du lecteur.

L'erreur des Occidentaux relative au lieu de la lapidation


du saint protomartyr disparut avec ses promoteurs, en 1187.
Mais la réaction de la part des Indigènes contre l'inovation fran-
que était si violente qu'on ne se contentait pas de la ruine du
faux-Sanctuaire-Saint-Etienne du Nord, — mais qu'on allait même
— 185 —

jusqu'à dépouiller la porte du nord de sa dénomination de « Porte


de saint Etienne », pour la conférer à la porte de l'est, située au-
dessus du rocher traditionnel de la lapidation dans la vallée du
Cédron (porte de la vierge Marie, bab-sitti-marjam actuelle).

Thèses.
I. L'«oratoire» de Saint-Etienne que les Croisés trou-
vèrent à « deux ou trois jets d'arbalète», soit 300 à 450 mètres
au nord du mur de Jérusalem, paraît avoir été l'« oratoire de
Sophrone» de l'an 638; mais il est absolument certain que
cet « oratoire » n'occupait pas l'emplacement de la basilique
eudocienne, qui s'était élevée à «un jet de flèche» soit
150 mètres seulement de la Porte de Damas.
II. Cet « oratoire de Saint-Etienne » joue dans l'histoire de
la conquête de la Sainte-Cité un rôle analogue à celui de la
« Sainte-Lance » à Antioche. Il paraît hors de doute qu'on
décora cet oratoire de l'auréole du lieu de la lapidation pour
des raisons d'utilité publique.
III. Il est absolument avéré que les Indigènes de Jérusa-
lem, ainsi que les Eglises orientales n'ont jamais adopté l'in-
novation franque relative au lieu de la lapidation de saint
Etienne, et qu'ils continuèrent à vénérer ce lieu sur le rocher
traditionnel dans la vallée du Cédron, comme ils l'avaient
fait « ab antiquo », — et, comme le firent toujours les FF. Mi-
neurs de saint François, gardiens officiels des sanctuaires de
la Sainte-Cité, depuis leur arrivée en Terre-Sainte, en 1219.
Chapitre neuvième.

Histoire de la fondation du Couvent de Saint-


Etienne des FF. Prêcheurs au Nord de Jérusalem.
Dans les chapitres précédents, nous avons vu qu'au Ve siècle
de notre ère on avait élevé à Jérusalem plusieurs sanctuaires
en l'honneur du saint Etienne. Le premier, construit par l'évêque
Jean de Jérusalem et le sénateur Alexandre, vers 415—417, se
trouvait au sud de la ville, sur la pente orientale du mont Sion;
le second fut bâti par Juvénal évêque de Jérusalem, à l'est de la
ville, dans la vallée de Josaphat, sur le lieu traditionnel de la
lapidation, vers 422 à 437; le troisième, élevé par sainte Mé-
lanie, vers la même époque, était situé sur le sommet du mont
des Oliviers; le quatrième enfin, une magnifique basilique de
très grandes dimensions, fut bâti par l'impératrice Eudocie, après
son retour à l'orthodoxie, vers 455 à 460, à « un trait de flèche »
soit 150 mètres environ, au nord de la ville.
Ces quatre sanctuaires furent détruits par les Perses, en
614, et n'ont jamais été réédifiés.
Vers l'an 638, saint Sophrone bâtit au nord de Jérusalem
un modeste oratoire en l'honneur de saint Etienne, mais cet
édifice ne se trouvait pas, paraît-il, sur l'emplacement de la basi-
lique eudocienne.
L'église Saint-Etienne des Croisés n'était, sans doute, qu'une
restauration ou reconstruction de l'oratoire de S. Sophrone,
comme les PP. Dominicains le mentionnent sur la « petite feuille »
qu'ils distribuent aux pèlerins, depuis quelques années.
Elle se trouvait, d'après Saewulf, à la distance de «deux
ou trois jets d'arbalète», soit 300 à 450 mètres du mur septen-
trional de la ville, et, les Croisés qui l'avaient construite, la
— 187 -

détruisirent eux-mêmes, à la nouvelle de l'approche de Saladin,


après la désastreuse bataille de Hattin,'en 1187, comme nous
l'avons dit plus haut (chap. VIIIe),
Puis des siècles s'écoulèrent avant que Jérusalem vit surgir
un nouveau sanctuaire dédié en l'honneur du saint premier Diacre.
On se contenta de vénérer l'endroit de la lapidation du saint sur
le rocher traditionnel dans la vallée de Josaphat.
Près des ruines de l'église des Croisés on vit, pendant des
siècles, l'«Asnerie» que les Indigènes continuèrent à appeler
Khan-el-frendj, c'est-à-dire: L'auberge des Francs.
Ce ne fut que vers la fin du XIXe siècle que la sainte Cité
fut de nouveau enrichie d'un sanctuaire Saint-Etienne.
L'histoire de cette fondation se rattache à celle du Couvent
Saint-Etienne des FF. Prêcheurs au Nord de Jérusalem, et, se
fit sous les circonstances suivantes:
En 1877, un cordonnier grec schismatique acheta pour la
somme de 800 francs (40 napoléons) une partie du terrain de
l'Asnerie du moyen-âge, connue sous le nom de Khan-el-frendj,
mise en vente depuis plusieurs années. Les fouilles lui firent dé-
couvrir, en 1881, à quelques pas à l'est de la route de Naplouse,
et, à 360 mètres de la Porte de Damas, les ruines d'une « pe-
tite église », qu'on s'empressa d'identifier avec les restes de la
«grande basilique» d'Eudocie, bâtie de 455 à 460, à 150 mètres
environ (un trait de flèche) en dehors de la porte du nord de
la ville.
La coïncidence du pèlerinage du R. P. Matthieu Lecomte,
des FF. Prêcheurs, en 1882, avec la découverte des ruines en
question, fit la fortune du cordonnier. Le P. Matthieu Lecomte
ajouta foi à l'identification des ruines de la « petite église » avec
celles de la «grande basilique» d'Eudocie, et, en choisit l'em-
placement pour y établir son ordre sous le patronage du saint
Etienne.
Par l'entremise du R. P. Marie-Alphonse Ratisbonne et de
M. Langlais, consul de France, le P. Matthieu acheta le terrain
avec les ruines, un demi-hectare, pour la somme de 45.500 francs,
dont le cordonnier grec toucha 40.000 francs soit 2.000 napoléons.
M. Selah Merril, consul d'Amérique, parle de cette acquisi-
tion dans la Revue anglaise « Palestine Exploration Fund » (Quar-
terly Statement, 1883, p. 238) en ces termes:
188 -

« It may be of interest to state « Il serait peut-être intéres-


that this pièce of land was of- sant de savoir que ce morceau
fered for sale a few years since, de terre fut mis en vente il y
and for a long time went a-be- a quelques années, et que jus-
ginning for purchase; at last it qu'à présent, aucun acheteur
was passed into the hands of ne s'était présenté; enfin le ter-
the French for 2.000 napolions». rain vient d'être acquis par les
Français pour 2.000 napoléons ».

Une plume des plus compétentes dans cette affaire, celle


du R. P. Marie-Alphonse Ratisbonne (Annales de la mission de
N.-D. de Sion, Marseille, Société anonyme d'imprimerie Marseil-
laise, 1883, p. 3—7) en donne les détails suivants:
„ Ruines de l'Eglise Saint-Etienne à Jérusalem.
„1. Découverte et acquisition de ces ruines.
„I1 y a environ dix-huit mois, un pauvre cordonnier grec
achetait, de ses modestes économies, un petit terrain situé à
quelques centaines de pas en dehors des murs de la ville, afin
d'y construire une humble maisonnette pour lui et pour sa fa-
mille."
,,Dans ses moments de loisir, il se rendait à l'emplacement
acquis, une pioche à la main, pour constater par lui-même à
quelle profondeur il rencontrerait le rocher."
,,Au lieu du roc, la pioche de notre cordonnier se heurta
à des ruines; et à mesure que le déblaiement se poursuivait,
ces ruines prenaient un caractère de plus en plus important;
elles finirent par attirer l'attention générale."
„En effet, on venait de mettre à jour une partie de l'an-
tique église Saint-Etienne, élevée au Ve siècle, par l'impéra-
trice Eudoxie, et rebâtie au XIe (lisez XIIe) par les Croisés
à l'endroit même où fut lapidé le premier martyr de la foi
chrétienne."
„ Cette découverte, dont l'authenticité ne laissait de doute à
personne, produisit une émotion profonde dans tout Jérusa-
lem, mais surtout parmi les communautés religieuses des diffé-
rents rites."
„ Latins, Grecs, Russes, Arméniens, Abyssins et autres se
regardaient du coin de l'oeil, s'observant et se demandant quel
— 189 —

pourrait bien être le dernier enchérisseur de ce nouveau et in-


signe sanctuaire."
„ Chacun le convoitait ardemment, tout en feignant l'indiffé-
rence la plus complète et un dédain parfaitement diplomatique."
„ Le bienheureux cordonnier, entrevoyant une fortune co-
lossale, se frottait les mains, souriant à tous, et continuait les
fouilles."
„ Elles mirent à nu, jusqu'à un mètre de hauteur, les bases
d'une gracieuse église de l'époque des Croisades, dont le pavé
était encore intact. D'autres ruines, dont l'orientation n'était pas
la même que celle des premières, apparurent successivement:
les restes de vastes bâtisses et d'immenses citernes, ayant dû
être celles d'un grand monastère et d'une hôtellerie; des tronçons
de colonnes d'un fort diamètre, plusieurs tombeaux, des pavés
en mosaïque d'un très beau dessin, des chapiteaux, etc."
„On trouva également dans l'église, et fort bien conservé,
un rétable d'autel d'une seule pierre, aux plus larges proportions,
avec l'image des douze apôtres dont les couleurs avaient gardé
une étonnante vivacité et une netteté extraordinaire. Mais comme
ces peintures révélaient une oeuvre de l'école latine, elles contra-
riaient extrêmement l'Archimandrite russe. Cet estimable digni-
taire de l'église orthodoxe n'eut rien plus à coeur que de les
faire disparaître."
., Le vandale moscovite se présenta un jour aux ruines avec
un liquide corrosif dont il frotta et lava ce précieux rétable sous
prétexte, a-t-il dit au propriétaire, de qui nous tenons le fait,
sous prétexte de rendre à ces images leur première fraîcheur."
„ Chaque jour les prétentions du cordonnier prenaient des
proportions plus fabuleuses, de sorte que toutes les offres ayant
été repoussées, chacun avait cessé des négociations entamées
à l'effet d'acquérir l'inestimable sanctuaire de Saint-Etienne."
„Les choses en étaient là lorsque le T. R. P. Matthieu
Lecomte, religieux Dominicain, m'écrivit de Paris, me priant dans
les termes les plus pressants et les plus formels, de m'employer
à lui acheter les ruines sacrées, dont il avait pu apprécier l'im-
portance pendant son séjour à Jérusalem, en qualité de membre
de la grande caravane de pénitence."
„Les fonds étaient déposés à N.-D. de Sion à Paris; je n'en
avais qu'à signer les traites au banquier de Jérusalem."
,, Cest là à quoi s'est borné toute ma coopération dans une
— 190 —

affaire qui devait assurer aux Latins la possession de l'église


Saint-Etienne. Le véritable et habile négociateur, ce fut M. le
Comte Amâdée de Piéllat, aidé par les sages conseils et la pré-
cieuse expérience de notre Consul protecteur, le très-honorable
M. Langlais."
„ Jamais affaire plus compliquée et plus difficile ne fut plus
maîtrement enlevée; en 24 heures tout était fini; les titres de
propriété étaient entre nos mains, après avoir passé, contraire-
ment aux lenteurs habituelles de l'Orient, par toutes les forma-
lités possibles et impossibles; nous étions victorieux. "
„ Cette victoire fit sur les schismatiques et sur d'autres
prétendants l'effet de l'explosion d'une poudrière. Le bruit s'en
répendit immédiatement aux quatre coins de Jérusalem. M. de
Piéllat, disait-on, vient d'acquérir les ruines de Saint-Etienne pour
le compte du Père Ratisbonne."
„Mais en vérité, je n'en ai eu, dans cette admirable trans-
action, que l'honneur et la consolation d'y servir, comme instru-
ment inerte et indigne, à la gloire de l'église catholique en
Terre-Sainte." — Tels sont les termes du P.
Marie-Alphonse
Ratisbonne.
Le P. Lagrange à son tour (Saint Etienne etc., 1894, p. 91)
raconte l'acquisition des ruines de la « petite église » de la ma-
nière suivante:
„ L'événement archéologique de l'année 1882 (lisez 1881) à
Jérusalem avait été la découverte d'une petite église, située au
nord de la ville, le long de la route de Naplouse. L'heureux
propriétaire était un cordonnier grec schismatique. Plusieurs
personnes des plus éclairées voyaient là l'emplacement de la
lapidation de saint Etienne. Le Père Matthieu, quoique on lui
eût proposé divers terrains, éprouva dès le premier jour un
attrait singulier pour celui-là. L'affaire était difficile. Le Père
rentré en France ne pouvait agir. Mais il y avait à Jérusalem
un homme habitué à l'Orient qui, seul peut-être, était en état
de tout conduire, le Père Marie-Alphonse Ratisbonne, le con-
vertit miraculeux de Marie. Passionnément dévoué à la Terre-
Sainte, patrie terrestre de ses ancêtres, il ne songeait pas un
instant à en fermer les portes à de nouveaux venus. Aussitôt
qu'il connut le Père Matthieu, il l'aima et se fit son auxiliaire . . .
(1. c. p. 94). Heureusement la France était représentée à Jérusa-
lem par un homme d'un mérite exceptionnel. Très-intelligent en
— 191 —

affaires, d'une loyauté parfaite, catholique pratiquant, M. Langlais,


consul de France, sut montrer ce que peut un agent français en
Orient quand il sait s'inspirer des traditions catholiques de notre
pays. Le Père Ratisbonne demanda la permission de s'ouvrir à
lui. Dès lors les négociations se poursuivirent avec un succès
inespéré. Saint Etienne lui-même entra en lice, car c'est le 26
décembre 1882 que fut porté le coup décisif. Le 27 décembre,
M. Langlais écrivait au Père Ratisbonne: « L'affaire Saint-Etienne
marche. Elle a même fait aujourd'hui un grand pas. Le propri-
étaire a signé par devant son Consul une promesse de vente et
a touché 2.000 francs à titre d'arrhes (je les ai avancés). J'aurai
besoin pour demain, à la première heure, de 18.000 francs. Vous
seriez bien aimable de dire à votre banquier de me les procurer
dans la matinée, afin que nous puissions enlever les choses à
la baïonette, comme vous le désirez»."
„Du 28 décembre, a 2 heures:
« N'ayant point à notre disposition les 24.000 francs néces-
saires pour achever de payer le prix principal soit 40.000 francs,
nous allons essayer de nous retourner autrement sous le feu de
l'ennemi, car le combat étant engagé ne doit pas être perdu et
ne le sera pas».
„ Du même jour: «Vous connaissez sans doute le résultat
de la bataille. Saint-Etienne à passé aux Français»."
. . . „ La victoire était chèrement achetée. On avait acquis
un demi-hectare pour 45.000 francs . . . Pour ce prix, le Père
Matthieu aurait pu acquérir un terrain vaste et fertile; il aima
mieux quelques pieds de terre et des ruines. Qu'il soit béni
d'avoir préféré à l'avantage temporel de son ordre la gloire du
premier martyr dont il rendait le sanctuaire à l'Eglise!"
„ Tout n'était pas fini cependant, et il fallut entamer de
nouvelles négociations et faire des frais beaucoup plus con-
sidérables pour acquérir la «véritable basilique» d'Eudocie.
Nous n'en dirons rien pour ne pas prolonger outre mesure
ce récit. " — Ainsi le R. P. Lagrange.

En déclarant ouvertement:
« Tout n'était pas fini cependant, et il fallut entamer de
nouvelles négociations et faire des frais beaucoup plus con-
sidérables pour acquérir la « véritable basilique » d'Eudocie,
— 192 —

notre auteur convient que pour la «petite église» le P. Mat-


thieu avait été victime de sa crédulité.
En effet, il ne se trouva qu'une seule plume, celle de
M. l'Abbé L. Heydet, alors à l'institut du Père Ratisbonne à Jé-
rusalem, qui, en écrivant « pro domo», eut le courage de dé-
fendre l'identité des ruines de la « petite église » du cordonnier
grec avec celles de la «grande basilique» d'Eudocie, — et,
l'identité de ces dernières avec le « lieu de la lapidation » de
saint Etienne.
En Mars et Juin 1883, M. l'Abbé L. Heydet inséra dans les
Annales de la Mission du N.-D. de Sion en Terre-Sainte (1. c.
p. 8—19) un article auquel le Père Ratisbonne ajouta un «Cro-
quis de l'église St.-Etienne», dessiné par M. le capitaine J. B. Guille-
mot, « architecte désintéressé et consciencieux de toutes les oeu-
vres catholiques de la Terre-Sainte» (paroles du Père Ratis-
bonne, 1. c. p. 19), croquis qui représente une basilique à trois
nefs, dont la « petite église » est la nef latérale du sud : combi-
naison impossible, parce que les quatre grandes salles voûtées
au nord de la « petite église », montrant les mêmes dimensions
de celle-ci, forment avec elle un seul corps de bâtiment.
L'article de M. l'Abbé L. Heydet n'eut pas de succès. Ses
amis même refusèrent d'adopter son opinion. C'est ainsi qu'il
se vit obligé de reprendre la plume afin de renforcer sa thèse
par un nouveau travail, publié en 1887, sous le titre «Etude
critique et topographique: ou se trouve à Jérusalem le lieu
de la lapidation de saint Etienne» (Jérusalem, Imprimerie des
Franciscains).
Nous y lisons (1. c. p. 5):
„En Mars et Juin de l'année 1883 le P. Alphonse-Marie
Ratisbonne inséra dans les Annales de Sion un petit travail in-
titulé:
Ruines de l'Eglise St.-Etienne à Jérusalem. L'article était
mis sous mon nom. ... Il tendait à établir que la « petite
église» découverte en 1881, à Jérusalem, . . . était des restes
de l'« antique église de saint Etienne»."
„ Des amis un peu timides craignaient que je ne me sois
fourvoyé dans le désert des égarements."
„ Le but de cet opuscule est, de les rassurer; de leur
montrer que l'opinion défendue par moi n'est nullement une
vaine et ridicule»." —
«opinion
- 193 -

Plus bas (1. c. p. 7) notre auteur entre dans les détails de


la question.
En discutant la thèse: «S'/7 est vrai qu'il est absurde et
téméraire de placer le martyre de saint Etienne dans l'enclos
des PP. Dominicains», il écrit (1. c. p. 7):
„On dit: Vous identifiez le «lieu du martyre de saint
Etienne » avec celui où Eudocie bâtit une église en son hon-
neur ... (p. 8). Je ne suis ni un savant, ni un archéologue.
Je ne suis pas docteur, pas même bachelier en quoi que ce
soit: j'en conviens. Mais, omnis homo mendax, les hommes
les plus habiles peuvent faillir quelque fois ... (p. 9). La cé-
lébrité d'un nom ne modifie pas les choses. Le gros bon sens
d'un paysan peut tomber quelque fois plus juste que l'esprit
subtil et raffiné des sages." —
On admira le courage du jeune prêtre de l'institut du Père
Ratisbonne, mais on ne partagea pas son avis. La cause de la
« petite église » était définitivement perdue. Les FF. Prêcheurs
eux-mêmes, durent bientôt le reconnaître et l'avouer fran-
chement.
Plus on fouillait, plus les PP. Dominicains se voyaient dé-
sabusés; — et, quand, en 1894, le P. Lagrange écrivit la brochure
«Saint Etienne et son sanctuaire à Jérusalem», il se vit obligé
d'exposer ses déceptions, disant (1. c. p. 94):
„ La victoire était chèrement achetée. On avait acquis un
demi-hectare pour 45.000 francs. Pour ce prix, le Père Matthieu
aurait pu acquérir un terrain vaste et fertile ... (p. 105). Il était
en possession d'un petit oratoire long de 21 mètres dans l'oeuvre,
sur 7,40 m de large. Il ne restait guère que le pavé; néanmoins
il y en avait assez pour qu'on reconnût la main des croisés:
« ce n'était pas l'église bâtie par Eudocie y." —

Puis, notre auteur continue (1. c. p. 105):


„ Etait-ce du moins une restauration de l'ancienne basi-
lique? Pas davantage, car les propoitions exiguës ne ré-
pondaient pas à ce que disent les documents de la magni-
ficence du sanctuaire impérial." —
Cette déclaration formelle de la part du P. Lagrange, faite
au nom des propriétaires de la «petite église», nous dispense
de réfuter les arguments apportés par M. l'Abbé L. Heydet en

SaintEtienne.
Mommert, 13
— 194 —

faveur de l'identité de la « petite église » et de la « grande basi-


lique d'Eudocie».
* *

On comprend l'embarras où se trouvaient les FF. Prê-


cheurs en face de cette mésaventure. Ouvrir leur Ecole bibli-
que dans une «Asnerie» sans souvenir consolant, leur parût
de mauvais augure. Aussi aurait-il été difficile de trouver les
aumônes nécessaires à leur entreprise, s'il ne s'agissait que
de la reconstruction d'une «Asnerie». Pour toutes ces raisons,
et pour d'autres encore, il leur fallait absolument un sanctu-
aire. Les FF. Prêcheurs résolurent donc de chercher la fortune
sur l'«ancien abattoir de la ville», contigu du côté de l'orient
à la « petite église » et qu'on leur offrit sous la dénomination
éblouissante de «ruines de la véritable basilique d'Eudocie».
C'est le P. Lagrange qui nous informe de cette nouvelle
acquisition, en écrivant dans son «Saint Etienne etc.» (1894,
p. 95—96):
„ Tout n'était pas fini cependant, et i! fallut entamer de
nouvelles négociations et faire des frais beaucoup plus con-
sidérables pour acquérir la «véritable basilique d'Eudocie».
Nous n'en dirons rien pour ne pas prolonger outre mesure
le récit." —
Nous regrettons vivement que le P. Lagrange ici soit si
bref. Quelques mots de plus sur cette nouvelle péripétie n'au-
raient certes pas fatigué le lecteur. L'auteur aurait-il jugé, par
hasard, qu'il y a des cas où le silence est d'or?

Les ruines de la « petite église » ayant passé aux Français,


par l'acte officiel du 26 et 28 Décembre 1882, le R. P. Matthieu
Lecomte souhaitait surtout d'obtenir la bénédiction du Vicaire
de Jésus Christ.
Il se présenta, le 27 Janvier 1883, en audience au Saint-
Père Léon XIII.
Au sortir de l'audience, il écrivit une «note» qui en con-
tenait le récit. Le P. Lagrange publia cette « note » dans la
brochure « Saint Etienne etc. » (1894, p. 97—101). Nous y lisons
(1. c. p. 90):
— 195 -

,, Sa Sainteté me demanda ensuite en quel lieu serait établi


le couvent, et je répondis que le terrain était déjà acheté, c'est
selon les plus anciennes traditions celui de la lapidation de saint
Etienne."
„Est-il grand?"
"
,, A peu près un hectare.
„Sera-ce suffisant pourque vous ayez un jardin? car il en
faut un, dans lequel vous aurez à créer des ombrages, sans quoi
vous serez brûlé par le soleil. Où est-il situé? "
,,Hors de la ville."
„A quelle distance?"
,, Environ à 300 pas."
,, Faut-il beaucoup fatiguer pour y arriver?"
„ Non, car cela eût éloigné de nous les prêtres désireux de
faire une retraite."
,,Et cela vous coûte cher?"
,,Très Saint-Père, tant de mille francs, mais il s'en faut que
j'aie tout payé."
„Ah! mais il se trouvera des âmes de foi pour cette ré-
demption du sanctuaire de saint Etienne." —

S'il me faut dire mon opinion au sujet des inexactitudes


commises par le R. P. Matthieu envers le Vicaire de Jésus-
Christ, dans cette audience, — je crois qu'elles étaient fort mal
placées.
Le R. P. Matthieu savait que le terrain en question ne
mesurait qu'un «demi-hectare ». Pourquoi en fait-il: «à peu près
un hectare».
Le R- P. Matthieu savait que ce terrain était exactement
à 360 mètres soit « 500 pas » de la ville. Pourquoi en fait-il :
« Environ 300 pas » ?
Le R. P. Matthieu savait que ce terrain coûtait justement
45.500 francs. Pourquoi ne pas l'avouer franchement?
Apparemment, le Pape, informé d'autre part de l'état des
choses, a été fort peu édifié de ce manque de sincérité envers
le «Vicaire de Jesus-Christ », — et, sans aucun doute, c'est
pour cela qu'au lieu de couvrir par un subside de la part
de la caisse pontificale le déficit indiqué par les termes « il

13*
— 196 —

s'en faut que j'aie tout payé », Sa Sainteté se contente de ren-


voyer le P. Matthieu à la bourse des «âmes de foi».
Du reste: Dieu est vérité! L'amour et la pratique de la
vérité caractérisent ses serviteurs, — et, la base inébranlable
des oevres de Dieu, c'est la vérité. Toute oeuvre qui s'appuie
sur le mensonge et qu'on fait marcher à l'aide de mensonges
nous paraît suspecte.
Chapitre dixième.

Protestes motivés de la part des Franciscains, des


Jésuites et des Augustins contre les prétentions
du sanctuaire Saint-Etienne du Nord de Jérusalem.

La thèse de M. l'Abbé L. Heydet relative à l'identité de la


«petite église» et de la «grande basilique d'Eudocie» d'un
côté, — et, de la « lapidation de saint Etienne sur l'emplacement
de cette basilique » de l'autre, perdit très vite son crédit. Le P. La-
grange ayant renoncé à cette soi-disant « la plus ancienne tradi-
tion », en déclarant franchement, au sujet de cette « petite église » :
« Ce n'était pas l'église bâtie par Eudocie » (Saint Etienne etc.
p. 94), — personne n'en parla plus: car, une autre erreur, pire
de la première, était venue préoccuper les esprits.
Se voyant obligés à renoncer au beau rêve de l'identité de
la «petite église» et de la «grande basilique d'Eudocie», les
FF. Prêcheurs s'étaient mis à l'oeuvre de transférer les pré-
tendues « les plus anciennes traditions » de M. l'Abbé L. Heydet,
sur leur nouvelle acquisition, {'«ancien abattoir de la munici-
palité de Jérusalem », en prétendant que ce fut là que saint
Etienne fut martyrisé, — et, que l'impératrice Eudocie y avait
érigé la célèbre basilique en son honneur.
Ce fut dans le but de prouver cette nouvelle thèse — et, afin
de trouver les aumônes nécessaires pour s'établir convenablement
à Jérusalem, que le P. Lagrange publia en 1894 les deux travaux,
mentionnés déjà plus haut: la brochure «Saint Etienne et son
sanctuaire à Jérusalem», et, l'article «Une tradition biblique à
Jérusalem» (Revue biblique, 1894, p. 452—481), où il hasarda
d'émettre l'affirmation (1. c. p. 466) :
— 198 —

«Les savants français, anglais, allemands ont donné,


sans hésiter, leur adhésion».

Pour nous faire une juste idée de l'état des choses, nous
avons jugé bon, de suivre, pas à pas, les débats qui s'élevèrent
immédiatement après l'apparition des deux publications sus-men-
tionnées du P. Lagrange.
Ce furent d'abord les Fils de saint François, les Gardiens
officiels des sanctuaires de Palestine, qui, assistés par les Jé-
suites (le R. P. Fiorowich), prirent les armes pour combattre
les prétentions des Dominicains de l'Ecole biblique de Saint-
Etienne à Jérusalem.
Dans le périodique « Saint François et la Terre-Sainte »
(1894, p. 418 sequ.) le P. Fiorowich, S. J., publia la réplique
suivante :
„La critique moderne, trop vantée, aime à se baser sur la
seule tradition écrite, et, dans son inconsciente fatuité, en réalité
rejette la tradition orale. Fille légitime des écoles rationalistes
et matérialistes, elle est très défectueuse, en opposition avec les
renseignements de saint Paul. Le grand apôtre, en effet, or-
donne de conserver la double tradition, orale et écrite. Ce sont
les deux yeux de la saine critique."
„Bien plus, sans la tradition locale et orale, la tradition
écrite ne peut pas même exister. Les premiers auteurs, en effet,
pères de la tradition écrite, pour fixer l'emplacement des sanc-
tuaires de Terre-Sainte, ont dû se rendre sur les lieux, inter-
roger, consulter la tradition locale. Leur tâche s'est bornée à
consigner les réponses et les renseignements reçus. Ces ren-
seignements font foi en pareille matière. Et de fait, c'est de
cette manière que les choses se sont passées. De tout temps
les chrétiens ont habité la Terre-Sainte, et, les traditions se
sont transmises de père en fils, tandis que d'un autre côté, les
fidèles à tous les âges ont visité les sanctuaires dont les noms
se répètent dans leurs écrits à tout instant et dans des cir-
constances différentes. Or, quand une tradition est générale,
elle est certaine et immuable."
„ La tradition écrite a sa valeur, mais elle peut être dé-
fectueuse. Pour apprécier l'importance des autorités que l'on
invoque, il faut distinguer entre les auteurs qui ont habité long-
- 199 -

temps la Terre-Sainte, qui connaissent la langue du pays, et


ceux qui n'ont fait qu'y passer. Les premiers méritent évidem-
ment une créance plus grande."
„ Les pèlerins de passage, particulièrement dans les temps
anciens, écrivaient sous la dictée d'un « cicérone», souvent peu
au courant de la langue du visiteur. De là l'erreur. Ces auteurs en
outre consultent leurs devanciers dont les sources d'information
ont péché, et, par là ils perpétuent le malentendu. Pour con-
naître la vérité dans ces questions il faut consulter la tradition
locale."
„ Entre la tradition écrite et la tradition locale la différence
est celle-ci: c'est que la première n'est basée que sur le témoignage
d'un seul homme, le guide qui accompagne le pèlerin, tandis
que la seconde repose sur le témoignage de tous les habitants
du lieu."
Plus bas le R. P. Fiorowich continue (1. c. p. 455) :
„Le corps de saint Etienne découvert à Caphargamala, en
415, fut d'abord transporté à Jérusalem où il fut déposé dans
la sacristie de la Sainte-Sion jusqu'à ce qu'Alexandre le séna-
teur et l'évêque Jean de Jérusalem achevèrent l'« oratoire» du
saint près de cette église, vers l'an 417. Quelques années plus
tard, le saint corps fut transféré à Constantinople, et, l'évêque
Juvénal, ... lui érigea un «martyrium» sur le lieu traditionnel de
sa lapidation, qui fut consacré en 438). Enfin, vers 455—460,
Eudocie bâtit en l'honneur du saint, en dehors de la porte du
Nord de Jérusalem, un couvent et une grande église où elle
fit placer son tombeau et ses reliques, et où elle se fit ériger
pour elle-même un tombeau dans lequel elle fut ensevelie après
sa mort."
„ On affirme que cette église fut bâtie sur le lieu-même où
saint Etienne fut lapidé et que la porte du Nord de la ville
qui conduisait à l'église Saint-Etienne, s'appelait «Porte Saint-
Etienne»."
„ Mais alors comment expliquer que les Religieux de
Saint-François et tous les chrétiens de Jérusalem appellent
de ce même nom la porte orientale, et, placent la lapidation
de saint Etienne à une petite distance de cette porte sur un
roc près le torrent Cédron?"
„D'aucuns répondent rondement: «Ce sont les Francis-
cains qui se sont trompés et qui ont changé la tradition!"
- 200 —

„ C'est là une grosse accusation et qui manque de preuves."


„Les Religieux de Saint-François sont arrivés en Terre-
Sainte vers l'an 1219. Or, à leur arrivée, ces Religieux étaient
en petit nombre, sans influence, ne connaissant pas la langue
du pays, pas plus que ses sanctuaires. Ils ont donc été obligés
de consulter la tradition locale.
Or, si d'après la tradition locale de cette époque, tous
les chrétiens avaient placé la lapidation à un stade au Nord
de la ville, et avaient donné le nom de « Porte de Saint-
Etienne» à la porte du Nord, — comment, et, pour quelle
raison les Franciscains auraient-ils pu transporter si subite-
ment le lieu de la lapidation et permuter les noms des deux
portes?"
„Dans ce cas assurément, les catholiques, par esprit
religieux, auraient été les premiers à protester. Et, ce qui
est plus difficile, comment ces Franciscains prévaricateurs
auraient-ils pu faire accepter ce changement par les Grecs,
par les Arméniens, par les Géorgiens, par les Syriens, par
les Cophtes et par les Abyssins qui sont unanimes à placer
le lieu de la lapidation à l'Orient de la ville, à l'endroit même
où la placent les Latins?" —
„Ici, je fais appel aux hommes qui connaissent la Terre-
Sainte et qui sont au courant des animosités qui existent entre
les Eglises séparées: qui croira jamais que ces Eglises séparées,
et particulièrement l'Eglise grecque et l'Eglise arménienne aient
consenti au changement de l'ancienne tradition, étant donné, sur-
tout que ce changement sacrilège aurait eu les Latins pour pro-
moteurs?"
„ De cet accord unanime de toutes les Eglises orientales
du pays avec les Latins, il faut donc conclure à l'ancienneté
de la tradition." —
„A l'époque de la découverte du tombeau de saint Etienne,
les Grecs étaient unis à l'Eglise romaine, et leur clergé prédo-
minait à Jérusalem. Ce fut même lui qui reçut la révélation du
lieu où se trouvait le corps saint. Si la révélation dont Lucien
fut favorisé, mettait la lapidation au Nord, auraient-ils suivi les
Latins pour la vénérer à l'Est de la ville?"
„Bien plus; c'était une impératrice grecque qui avait fait
bâtir au Nord une grande basilique. Si cette basilique avait
recouvert le lieu du martyre, ne fut-ce que par esprit national,
— 201 —

ils n'eussent pas manqué de relever avec un juste orgueil


cette particularité, et, ils se fussent opposés au changement
avec une énergie indignée." —
,, Si l'on y réfléchit, on verra bien vite l'impossibilité devant
laquelle on se trouve, que toutes les Eglises séparées et enne-
mies entre elles se soient entendues pour commettre une pareille
substitution."
„ Cette impossibilité prouve que la tradition a toujours placé
la lapidation à l'Orient, et, que la révélation faite à Lucien, n'a
pas parlé de la porte du Nord. C'est une particularité qui a été

ajoutée plus tard (par des Occidentaux) à titre d'explication."
Ainsi le R. P. Fiorowich.
La même Revue continue dans son numéro de Juin 1895, p. 92:
,,Une Revue a publié, vers le milieu de l'année dernière
(1894) une étude sur cette question « Saint Etienne a-t-il été
lapidé sur l'emplacement de la basilique bâtie par l'impéra-
trice Eudocie au Nord de Jérusalem, ou à l'Est de la ville
sur le roc qui se trouve à la descente de la vallée de Gethsé-
mani près du torrent Cédron. « — L'auteur (le P. Lagrange)
a cité un grand nombre de textes des historiens des croisades,
ou des pèlerins. Mais ces textes ne concordent pas. Les uns,
en effet, fixent le lieu de la lapidation au Nord, les autres
à l'Est. D'ailleurs un bon nombre de ces textes sont obscurs
et ne se prêtent ni à l'une, ni à l'autre de ces deux inter-
prétations. Il est à propos de rappeler ici ce qui a été très
justement dit dans un autre travail, à savoir: qu'on ne doit
pas se fier au témoignage des auteurs qui ne s'accordent
pas avec la tradition locale, sûr garant de l'authenticité."
„ Ce n'est pas sans regret que je contredis l'auteur de
cette étude. Mais, la question est trop importante: il s'agit
de l'authenticité ou du déplacement d'un sanctuaire, et, il
faut souhaiter que la vérité se fasse jour. Je dirai donc ce
que je pense de la thèse de l'auteur: selon lui, la lapidation
aurait eu lieu au Nord."
„Cet écrivain relève les textes qui lui sont favorables:
quand à ceux d'après lesquels la lapidation aurait eu lieu à
l'Est, il les taît, ou les explique de telle sorte qu'ils finis-
sent par avoir une signification contraire à leur sens primitif,
ou bien il les place dans un faux jour, comme pour les
masquer. Les textes obscurs ou ambigus, il les interprête
— 202 —

hardiment en faveur de sa thèse. Il oublie de citer les textes


qui lui sont contraires."
,,Mais ce qu'il faut surtout remarquer de cette étude
(du R. P. Lagrange, des FF. Prêcheurs) ce sont les affirma-
tions et les suppositions purement gratuites qui. dans la suite,
deviennent des preuves évidentes."
„ Cette étude est écrite avec beaucoup d'art, l'art de
pressurer les textes pour en faire sortir ce qu'on veut: Ce
n'est pas un examen impartial de la question, c'est un plai-
doyer en faveur de sa propre paroisse."
„Ceux qui ne connaissent pas les Lieux-Saints pourront
approuver cette étude. Mais ceux qui ont pu étudier la question
à Jérusalem remarqueront dans ce travail les défauts que j'ai
signalés."
„Je ne prétends pas que mon appréciation soit infaillible;
au lecteur la décision."
„Pour prouver ce que j'ai avancé, je commence par le
premier texte cité par l'auteur."
„ A la page 454 de la Revue*), je trouve un texte de saint
Astérius. C'est le plus ancien qui existe puisqu'il date de l'an
400. I! porte: «Ayant placé le trois fois Bienheureux sur un
terrain égal, ils l'accablèrent de pierres ». — L'auteur s'écrie
là-dessus: « Evidemment il ne s'agit pas du Cédron »! — Et dans
la suite, il affirme que ce texte s'entend du Nord." —
„ C'est aller un peu vite en déductions."
„Je demande à tout lecteur impartial et sensé si, d'après
ce texte plus qu'obscur, il est possible de trancher la question . . .
Mais l'auteur n'a pas de ces scrupules. Il affirme carrément que
l'emplacement était au Nord. Ensuite il parle de cette affirma-
tion comme de la preuve la plus convaincante par cette raison
que ce texte est le plus ancien. N'est-ce point là, je le demande
au lecteur, transformer en preuves de gratuites hypothèses?"
,,Examinons ce texte de saint Astérius: il fait supposer que
saint Etienne n'a pas marché sur un terrain plat, puisque dans
ce texte il est dit: «Placé sur un terrain plat, il fut lapidé ». Si
le saint avait été supplicié au Nord, depuis l'enceinte du temple

*) f^evue biblique trimestrielle, publiée sous la direction des professeurs


de l'Ecole pratique d'Etudes bibliques établie au Couvent dominicain Saint-
Etienne à Jérusalem. Paris, 1894, P. Lethielteux, libraire-Editeur.
— 203 —

jusqu'à la distance d'un stade, il se serait trouvé sur un terrain


plat. Quant au petit bout de terrain qui conduit jusqu'à la ba-
silique, il est en pente très douce. Si donc le saint avait marché
sur un terrain toujours plan, l'expression du texte: «Ayant placé
le trois fois Bienheureux en un terrain égal »... n'aurait plus
de sens. Le texte suppose, en effet, que le saint a marché sur
un terrain escarpé, rocailleux, ce qui s'accorde avec la tradition
locale, d'après laquelle il fut poussé sur cette pente raide, ro-
cailleuse, qui descend du temple dans la vallée de Gethsémani.
Une fois arrivé au bas de la pente, et, placé sur un sol plus
égal, où il y avait un rocher, il fut accablé de pierres. Cette
pente et ce rocher, on ne manque pas jusqu'à présent de les faire
voir aux pèlerins. Je laisse au lecteur le soin de tirer la con-
clusion de ce texte de saint Astérius."
„ Nous allons maintenant examiner un groupe de textes très
importants pour établir quelle tradition trouvèrent les Croisés
sur la question qui nous occupe. Bien que quelques auteurs,
ignorant la langue du pays aient pu se tromper, frappés par la
célébrité de la grande basilique eudocienne et par l'étendue de
ses ruines, il est encore possible de retrouver la vraie tradi-
tion." — Ainsi le R. P. Fiorowich.
Il serait trop long de suivre jusqu'au bout la réfutation de
l'étude dominicaine publiée par le savant Père Jésuite. Nous
l'interrompons donc ici pour donner la parole aux RR. PP. Do-
minicains qui ne tardèrent pas à y répondre.
Ce fut sous la date du 30 mai que la rédaction de la Revue
« Saint François et la Terre-Sainte » reçut la lettre suivante, afin
de la publier dans son numéro prochain (1. c. p. 110):

„ Couvent des Dominicains de Saint-Etienne.


.Jérusalem, 16 mai 1895.
„ Mon Révérend Père!
„ Veuillez me permettre quelques observations toutes frater-
nelles, et au nom de notre Père Supérieur (Marie-Joseph Lagrange),
à propos d'une série d'articles concernant notre sanctuaire de
Saint-Etienne de Jérusalem, qui ont paru dans votre publication
Saint François et la Terre-Sainte."
„Les intentions droites de votre honorable collaborateur,
son zèle à l'endroit des saines traditions ne l'ont pas garanti
de nombreuses méprises, et il lui échappe des insinuations dont
- 204 —

il n'a pas mesuré toute la portée. Nous sommes accusés de


créer de nouveaux sanctuaires, de mépriser les traditions, voire
même de rationalisme!"
„ Si l'auteur était plus au courant des choses dont il parle, il
n'ignorerait pas que dans les controverses soulevées ces derniers
temps, par d'autres que par nous, sur le Saint-Sépulcre, le lieu
de la Visitation etc., nous avons dans des conférences publiques
et dans notre Revue biblique, pris fait et cause pour les tradi-
tions justement chères aux Fils de Saint-François. "
„ Ceux de vos lecteurs qui ont étudié plus à fond, de visu,
et sans autre préoccupation que celle de la vérité, la question
de saint Etienne, sauront à quoi s'en tenir sur les assertions de
l'auteur de ces articles; mais il n'en est peut-être pas ainsi du
nombre. "
plus grand
,, Notre contradicteur semble oublier que dans la Lapidation
du premier martyr nous sommes revenus, après quantité de
savants et de chercheurs sérieux, dont quelques-uns de votre
ordre, aux anciennes traditions des douze premiers siècles que
nous opposons à une tradition apocryphe, postérieure. Nous
avons pour nous, durant cette période, une série de témoignages
historiques ininterrompue, sans compter les concordances topo-
graphiques et ces « restes imposants de la basilique » (?) que
l'impératrice Eudocie éleva sur le lieu de la Lapidation; son
emplacement, ses proportions, ses débris, ses inscriptions (?), etc.,
crient à tous ceux qui veulent entendre. Après M. Victor Guérin,
l'éminent palestinologue, qui atteste notre possession dans son
dernier ouvrage sur Jérusalem, le R. P. Lagrange, dans son écrit
récent Saint-Etienne et son sanctuaire à Jérusalem, a fait sur
ce point la pleine lumière."
„ Votre collaborateur oublie trop aussi le Bref pontifical,
affiché, à notre porte, par lequel Léon XIII concède à notre
sanctuaire l'indulgence plénière et la messe votive de saint
Etienne, comme aux sanctuaires de premier ordre, et cela après
avoir affirmé que nous sommes sur le lieu où le premier martyr
a souffert. Ce Bref nous fut accordé après avis de Mgr. Bracco,
alors patriarche de Jérusalem, prélat très compétent dans ces
matières et qui ne fut jamais taxé de préoccupation. Encore que
l'infallibiiité pontificale ne soit pas engagée dans ces sortes de
questions, il semble qu'une déclaration venue de si haut mérite-
rait plus d'égards."
— 205 —

,, Puisque nous en sommes aux rectifications, permettez-moi


d'ajouter qu'il échappe grand nombre d'inexactitudes aux auteurs
de vos comptes rendus de nos conférences de Saint-Etienne.
Celle surtout qu'a donnée le P. Lagrange à l'appui des 60 stades
entre Jérusalem et Emmaûs a été étrangement défigurée."
„Je ne doute pas que votre loyauté ne vous fasse insérer
cette lettre dans votre prochain numéro de Juin."
„Veuillez agréer, mon Révérend Père, l'assurance de mes
sentiments fraternels et respectueux."
„Fr. Paul Meunier, des Fr. Pr.
„Ancien supérieur du Couvent de Saint-Etienne."

La rédaction de la Revue « Saint-François en Terre-Sainte »


y fit la réponse suivante:
„. . . Les Révérends Pères Dominicains usent largement dans
leurs écrits du droit de discussion; est-ce qu'ils seraient exclusifs
au point d'exclamer:
«Nul n'aura de l'esprit que nous et nos amis»!
„Mais non; ils ont «dans les conférences publiques et dans
leur Revue biblique, pris fait et cause pour des traditions juste-
ment chères aux Fils de S. François». Ils l'ont fait d'abord
parce qu'ils n'ont pas «d'autre réoccupation que celle de la vérité»,
et ils l'ont fait avec bonheur parce qu'ils sont nos frères."
„ Nous les en remercions sincèrement, et nous nous refusons
à croire qu'en agissant ainsi, ils aient voulu nous imposer silence
sur les points où nous sommes avec eux en divergence de
sentiments."
„ En arrivant en Terre-Sainte, il y a sept siècles, nous avons
trouvé des traditions établies. Nous les avons soutenues, nous
les soutenons encore, parce que nous les croyons justes. Nous
ne voulons en cela ne faire de peine à personne. Nous estimons
seulement remplir ici notre mandat de gardiens des sanctuaires."
„ Les Révérends Pères croient avoir pour eux « une série
de témoignages historiques inintérompue». L'étude dont nous
avons commencé la publication prouve, qu'à notre grand regret,
nous ne sommes pas ici absolument d'accord avec eux."
,,Ils nous objectent «les concordances topographiques, et
ces restes imposants de la basilique que l'impératrice Eudocie
éleva sur le lieu de la Lapidation, son emplacement, ses pro-
portions, ses débris, etc. ... ». Ce serait ici le lieu de rappeler
— 206 -

que, de l'aveu des R. P. Dominicains, «la tradition écrite ou mo-


numentale est le plus capricieux des appareils enregistreurs
(Revue biblique, 1895, p. 138)»."
„Nous avons déjà étudié tous les détails sur lesquels
est appelée notre attention, et, pour nous, ainsi que nous
l'avons déjà publié, ils «crient à tous ceux qui veulent
entendre, « que si l'impératrice Eudocie a . . . élevé au Nord
de Jérusalem un monument « imposant » à la mémoire du
saint diacre, il n'en résulte aucunement que ce monument soit
élevé «sur le lieu de la Lapidation».
„ Notre vénérable correspondant regrette que l'auteur de
nos études « oublie trop aussi le Bref par lequel Léon XIII con-
cède au sanctuaire (de Saint-Etienne) l'indulgence plénière et la
messe votive du saint, comme aux sanctuaires de premier ordre»,
et, à cette occasion, il nous rappelle aux «égards» dûs à la
parole pontificale . . . Mais, ainsi que le remarque fort bien
le R. Père (Meunier, des Fr. Pr.), «l'infallibiiité pontificale n'est
nullement engagée dans ces sortes de questions » ; plusieurs
sanctuaires contestés par l'école moderne jouissent des mêmes
avantages que le couvent dominicain. Le rocher que nous esti-
mons être le vrai lieu de la Lapidation est lui-même enrichi
d'indulgences, et la Cour Romaine, en en accordant de nouvelles
au lieu de la (présumée) basilique eudocienne, n'a nullement
dépouillé le vieux roc de ses trésors spirituels. Elle ne s'oppose
donc aucunement à ce que des voix s'élèvent pour en défendre
les gloires antiques. "
„ En résumé, le R. Père (Meunier, des Fr. Pr.) nous per-
mettra de lui dire que si pour lui a été faite « sur ce point pleine
lumière», elle l'a été également pour nous, mais que cette lu-
mière n'éclaire pas le même lieu."
„ Nous continuerons donc à soutenir ce que chacun de nous
estimons être la vérité, et si nos esprits sont ici divisés, nos
coeurs seront toujours unis dans le baiser fraternel de saint
Dominique et de saint François." —

Pour se faire une juste idée de la sincérité des RR. FF. Prê-
cheurs et de la «métode scientifique » employée par eux pour
prouver l'authenticité de leur « véritable basilique d'Eudocie », il
suffirait d'entrer dans les détails de la réfutation des « études »
— 207 —

du R. P. Fiorowich, S. J., adressée par le R. P. Meunier, des


Fr. Pr., sous la date du 16 mai (1895), à la rédaction de la
Revue «Saint François et la Terre-Sainte», citée plus haut.
Au lieu d'entrer dans la discussion des textes incriminés
par l'«étude» du R. P. Jésuite, le texte de saint Astérius, par
exemple, — ils ne font que répéter les phrases banales:
« Nous avons pour nous . . . une série de témoignages
historiques ininterrompue, sans compter les concordances
topographiques et ces « restes imposants » de la basilique
que l'impératrice Eudocie éleva sur le lieu de la Lapidation;
son emplacement, ses proportions, ses débris, ses « inscrip-
tions», etc., crient à tous ceux qui veulent entendre».—
Quels sont ces « témoignages historiques » dont la « série
ininterrompue» parle pour les RR. FF. Prêcheurs?
Les « études » du R. P. Fiorowich ont montré que bon nombre
des textes en question sont obscurs, et, que d'autres prouveraient
« contre » la thèse des RR. FF. Prêcheurs.
Quels sont ces « restes imposants » de la basilique présumée
d'Eudocie?
Quelles sont ces « inscriptions » ?
Quant à ces « restes de la basilique présumée», le R. P. La-
grange lui-même contredit l'attribut «imposants», en écrivant
(Saint Etienne etc., p. 108—109):
„ La basilique. Elle se termine à l'intérieur par une abside
sémicirculaire dont il ne reste qu'« une portée», et, à l'extérieur,
par un « mur » de forme polygonale. Les trois côtés de ce
«mur», ainsi que celui qui forme les deux nefs latérales, sont
faciles à reconnaître; et c'est merveille, car la basilique a été
non seulement détruite, mais livrée au pillage pendant plusieurs
siècles. Tout ce qu'il a été possible d'enlever à disparu. Mais
tandis qu'on arrachait les pierres des « murs » l'une après l'autre,
l'enduit épais et solide qui les recouvrait au dehors, soutenu
par l'amoncellement de terre qui s'était formé autour, a résisté
jusqu'à une hauteur de deux mètres . . . C'est peu de chose, mais
cela du moins nous donne une idée exacte des dimensions et de
la forme de la basilique.
Le P. Lagrange ne voit donc pas que dans ces lignes il se
contredit plusieurs fois, en même temps qu'il oppose un démenti
formel à l'attribut « imposant » de son collègue P. Meunier.
— 208 —

L'abside du P. Lagrange se termine à l'extérieur par un


« mur » de forme polygonale dont les trois côtés sont faciles
à reconnaître; — «tout ce qu'il a été possible d'enlever a dis-
paru » ; — « les pierres des murs » ont été « arrachées une
— et, —il ne reste plus que P« enduit épais
après l'autre»,
et solide » qui avait recouvert le « mur » qui n'existe plus.
«C'estpeu de chose», en effet, ajoutons-nous avec le P. La-
grange, — mais, nous ne comprenons pas comment ce «peu
de chose » puisse donner une idée exacte des « dimensions » et
de la « forme » de la basilique.
Quant aux «inscriptions» invoquées par le P. Meunier, elles
sont logées à la même enseigne que les «restes imposants» du
mur de la prétendue basilique. Il n'en a pas été trouvé une seule
qui parle, soit de la basilique d'Eudocie en particulier, soit d'une
église chrétienne en général.
Les «restes imposants» du mur de la basilique, et les «in-
scriptions» du P. Meunier «crient» en effet «à tous ceux qui
veulent entendre», — mais ils ne crient pas en faveur des
prétentions des FF. Prêcheurs. Et, pour ce qui est du »Bref
pontifical» exhibé par le P. Paul Meunier comme «affiché à
la porte» de Saint-Etienne, nous en avons apporté plus haut
(p. 41 sequ.) les preuves qu'il n'existe pas.
* * *
La joute littéraire « pour et contre l'autenticité du sanctuaire
Saint-Etienne des Dominicains au Nord de Jérusalem » continue
toujours. Seuls, les Augustins de l'Assomption ayant acheté un
jardin sur la pente orientale du Mont Sion, pour y établir un
sanctuaire en l'honneur de saint Pierre pleurant sa faute, ont
jugé bon de déposer les armes et de faire la paix aux Domini-
cains, en écrivant (Rev. de l'Orient chret, 1908, p. 22):
„ Aujourd'hui que le débat semble clos et que toutes les
explications ont été données, il nous semble opportun de ré-
sumer brièvement les résultats acquis après la précédente
controverse:
„1° D'après le R. P. Vailhé, il y avait anciennement, dans
la vallée du Cédron, un sanctuaire dédié à saint Etienne.
L'existence de ce sanctuaire est confirmée par un témoignage
de l'année 808, par un texte parlant d'un fait arrivé à la fin
du VIe siècle, enfin par un texte de Jean de Maïouma dans
les premières années du VIe siècle . . . aucun de ces trois
- 209 —

textes n'identifie l'église de l'Est avec celle de la lapidation,


et le R. P. Vailhé ne l'a jamais prétendu (voir ROC, 1907,
72 "
p. sequ.).
„2° Pour placer le lieu de la lapidation dans la vallée
de l'Est, le R. P. Vailhé s'est appuyé . . . sur les difficultés
que présente la conciliation de certaines textes avec la tra-
dition du Nord" ... „La difficulté de concilier les textes
avec la tradition du Nord provient surtout de Cyrille de
Scythopolis. Celui-ci, historien bien informé généralement,
assure que l'église du Nord, celle d'Eudocie, fut dédiée le
15 juin 460, avant d'être achevée. Or, deux autres contem-
porains: le pseudo-Basile de Séleucie (Florence) et le bio-
graphe de sainte Mélanie, nous disent que l'église de la
lapidation existait sûrement, d'après l'un avant l'année 458,
d'après l'autre en l'année 439 au plus tard. Comme le
R. P. Lagrange avait affirmé que « ies fouilles exécutées avec
soin et relevées par un homme du métier n'avaient permis
de constater aucune dualité dans l'édifice» du Nord, force
était bien de distinguer le sanctuaire de la lapidation de la
basilique eudocienne."
„ L'article du R. P. Lagrange écarte cette difficulté capi-
tale en apportant deux explications:
„ Première explication. 11 y a eu deux églises au Nord,
bâties sur le même lieu en moins de trente ans et dédiées
l'une vers 438, l'autre vers 460 ..."
„ Seconde explication. Il n'y a eu au Nord qu'une seule
église, consacrée d'abord par la déposition des reliques en
438 et dédiée par Eudocie en 460 . . . Ainsi l'église Saint-
Etienne du Nord serait bien le sanctuaire de la lapidation,
mais la date de son érection devrait être vieillie de vingt à
trente ans ... On pourrait également l'attribuer soit à l'évêque
Juvénal, comme dit le pseudo-Basile (Florence), soit, d'après
les autres sources [qui parlent d'une autre église], à l'impé-
ratrice Eudocie, qui avait, sans doute, avancé de Constanti-
nople les fonds nécessaires à la construction [dont cependant
il n'est nulle part question]. Avec cette interprétation, tous
les textes concordent parfaitement ..."
„3° Le R. P. Vailhé a de nouveau attiré l'attention sur les
recensions latines de la lettre du prêtre Lucien. Il a constaté
avec raison que la recension que l'on est convenu d'appeler

SaintEtienne.
Mommert, iA
- 210 —

la seconde [BJ correspond dans l'ensemble aux textes grecs


et syriaques de cette lettre, textes dont deux au moins, un
grec et un syriaque, ont des attestations sérieuses dès le
VIe siècle. D'où la conclusion tirée par lui: que cette seconde
recension doit correspondre au texte original du prêtre Lucien.
Or, cette seconde recension latine [B], comme d'ailleurs tous
les documents grecs et syriaques, omet le passage décisif
« foris portam quae est ad aquilonem » qui se trouve dans
la première recension latine [A]."
„ A cette objection le R. P. Lagrange a longuement ré-
pondu par des raisons de critique interne, arme délicate s'il
en fut. En usuant du même procédé, on montrerait peut-être
que le premier récit [A], tout comme le second [B], est
«embelli jusqu'au ridicule»."
„A quoi bon?"
„ Il suffit de retenir que la seconde recension [B] est,
jusqu'ici, la seule connue en Orient."
„ D'ailleurs, M. l'abbé Nau a montré (ROC, 1907, p. 441
sequ.) d'après les seuls manuscrits latins de Paris, que le
problème soulevé autour de la phrase incriminée était fort
complexe. Il serait intéressant de montrer que tous les textes
peuvent dériver de la première recension latine [A], auquel
cas « Césarée » (pour Cédar) ne ferait pas de difficulté. "
„Le débat reste encore ouvert, sur ce point tout au
moins." —

Ce n'est pas ici le lieu de discuter les motifs qui ont amené
la Rédaction de la Revue augustinienne à embraser l'opinion du
P. Lagrange relative à la prétendue tradition du Nord. Du reste,
cette discussion serait superflue pour ceux qui sont familiers
aux projets d'un nouveau sanctuaire que les Augustins de
l'Assomption verraient avec bonheur se dresser dans leur
« Jardin-Saint-Pierre » sur le mont Sion.
Nous nous contenterons donc de résumer ici notre opinion
au sujet des 3 points signalés, par la Rédaction de l'Orient
chrétien, dans les pages précédentes, en renvoyant, pour nos
arguments plus haut (Chap. VIer et sequ.).
1° Il y avait anciennement, dans la vallée du Cédron,
un sanctuaire dédié à saint Etienne.
— 211 —

Ce sanctuaire était bien diffèrent de la basilique eudocienne


au nord de Jérusalem.
Qui en a été l'auteur?
Ce sanctuaire ne serait-il pas celui que, d'après le pseudo-
Basile (Florence de Jérusalem), Juvénal construisit «sur le lieu
de la lapidation »?
La circonstance que les trois textes de la Rédaction de la
Revue de l'Orient chrétien ne mentionnent pas le lieu de la
— et que le « R. P. Vailhé ne l'a jamais prétendu»,
lapidation,
n'y contredit pas.
2° Pour éliminer la difficulté qui résulte de l'impossibilité
de concilier le texte de Cyrille de Scythopolis affirmant que
l'église du nord fut dédiée le 15 juin 460, avec le texte de Basile
(Florence) et du biographe de Mélanie, nous disant que l'église
de la lapidation existait sûrement, avant 458, année de la mort
de Juvénal, l'autre, en 439, date de la mort de Mélanie, — le
P. Lagrange donne deux explications qui ne peuvent, ni l'une,
ni l'autre être admises (voir les raisons que nous avons exposées
au Chapitre VIe).
3° Quant au texte décisif de Lucien, nous avons montré
déjà plus haut (Chap. IIIe), qu'il fallait suivre la recension B du
récit en question, — et, que la leçon «Césarée» (pour Cédar)
ne se trouve que dans trois manuscrits latins de Paris, sur seize
de la collection, tous du moyen-âge.

La Providence ne voulut cependant pas que la Joute litté-


raire pour et contre l'authenticité de la prétendue « véritable
basilique d'Eudocie» des Dominicains se terminât ainsi. Immé-
diatement après la retraite des Augustins de l'Assomption, un
nouveau champion, le R. P. Nunzio, O. F. M., du couvent du
Saint-Sépulcre à Jérusalem, entra en lice avec une brochure
anonyme en italien sous le titre: « Il luogo dei martirio di s. Ste-
fano e le sue chiese in Gerusalemme » (Padova, 1909. Tip. dei
Seminario, 57 pages in 8°).
Ce travail eut pour but de démontrer que « la basilique
dominicaine n'est pas élevée au lieu du martyre de saint
Etienne, et de suggérer très clairement que les ruines qu'elle
recouvre n'ont jamais été celles d'une église, mais celles d'un
. établissement de bains».

14*
— 212 —

Le P. Lagrange fut, paraît-il, fortement impressioné par


cet ouvrage auquel il répondit par une petite brochure de neuf
(9) pages in 8°, sous le titre « Le sanctuaire de la lapidation
de saint Etienne», avec Imprimatur de Jérusalem du 5 Janvier
1910, — mais sans lettre de recommandation de la part de Son
Excellence le Patriarche ou d'un autre prélat.
Quels sont les arguments que le P. Lagrange oppose aux
raisons et aux faits présentés par son adversaire?
Les voici.
D'abord notre auteur se plaint (1. c. p. 1) que ce n'est pas
seulement sa personne, assez vivement prise à partie, mais que
c'est aussi l'autorité ecclésiastique de Jérusalem et de Rome
qu'on y attaque.
„ Nous avons des devoirs vis-à-vis de l'autorité ecclé-
" — écrit-il
siastique (1. c. p. 1)—. „ C'est le siège patriarcal
(de Jérusalem), en la personne de Mgr Bracco, de très
pieuse mémoire, qui a présenté au Saint-Siège l'exposé de
nos titres à vénérer le protomartyr au lieu de sa lapidation.
Ce sont deux Congrégations romaines qui ont enrichi le
sanctuaire des plus précieuses faveurs spirituelles. Loin de
moi la pensée de m'armer de ces faveurs pour déclarer
toute discussion close. Je veux dire seulement que notre
église est devenue le «sanctuaire autorisé» du lieu de la
lapidation. En demandant ces grâces à l'autorité, nous
avons engagé en quelque manière, si modeste qu'elle soit,
sa responsabilité." —
A la dernière page de sa réplique (1. c. p. 9) le P. Lagrange
nous donne une des preuves les plus frappantes de sa perplexité
et de son embarras, en écrivant:
„ En général l'auteur (de la brochure italienne) s'appuie
beaucoup sur mes textes. Il affecte de citer (p. 45) « mes
principaux arguments» en français, quel français, per Bacco,
que celui que m'ont prêté les protes de Padoue! — de façon
que personne ne puisse mettre en doute sa parfaite sincé-
rité, et ces principaux arguments, c'est le récit où j'ai exposé
fort simplement les tâtonnements par lesquels on a passé
pour arriver à la lumière!"
,,/Yos arguments les voici, ou plutôt il n'y en a qu'un
que je crois solide: •
- 213 -

«L'église actuelle avec son cloître est bâtie exacte-


ment sur l'emplacement d'une église et d'un cloître du
Ve siècle»." —
* *
*
Il paraît, en effet, que les pauvres protes de l'imprimerie
de Padoue auraient commis huit errata dans les quatre pages
(45—48) contenant le texte français en question. D'ordinaire, on
ne parle pas de ces petites erreurs, c'est chose insignifiante.
Mais fâcher les protes n'est pas sage de la part d'un auteur:
car, remarquez, qu'on risque de blesser la susceptibilité de ces
humbles travailleurs. Aussi les protes de Jérusalem ont-ils vengé,
tout de suite, leurs confrères de Padoue, en parsemant la ré-
plique du P. Lagrange, sous les yeux de l'auteur lui-même,
d'erratas de la même espèce.

La petite brochure du P. Lagrange: «Le sanctuaire de la


lapidation de saint Etienne» marque cependant une nouvelle
phase dans la Joute littéraire pour et contre l'authenticité de la
prétendue «véritable basilique d'Eudocie des FF. Prêcheurs.
Le P. Lagrange y renonce à tout son arsenal scientifique,
et abandonne tous les arguments qu'il a entassés depuis 1894;
il n'en retient qu'«un seul».
« Nos arguments — dit-il (1. c. p. 9) — les voici, ou
plutôt il n'y en a qu'«un» que je crois solide:
« L'église actuelle avec son cloître est bâtie exactement
sur l'emplacement d'une église et d'un cloître du Vesiècle »...
C'est cet argument qui a paru assez sérieux à deux congré-
gations romaines pour qu'elles concédassent des indulgences
et la messe votive comme dans les sanctuaires de première
classe. " —
Puis, notre auteur finit son travail par les mots:
„Et que dirait-on, ou que ne dirait-on pas, si nous at-
taquions un sanctuaire en exercice avec de semblables ar-
guments?" —
* *
*
Nous regrettons voir le P. Lagrange recourir à de telles
menaces.
Est-ce que par de semblables moyens il a acheté la paix
de la part des Augustins?
— 214 —

Le fait existe que celui qui a un toit de vitres doit s'abstenir


de jeter des pierres sur le toit autrui.

Pour pouvoir juger de la force de l'unique et seul argument


que le P. Lagrange croit « solide », il faut étudier les rapports
et les plans des fouilles de la prétendue «véritable basilique
d'Eudocie», et de la «petite église». Voici notre tâche à ré-
soudre dans les chapitres suivants.
Chapitre onzième.

Les fouilles de la «petite église».


Après avoir consacré, plus haut, plusieurs chapitres à
l'étude des documents (textes) s'occupant du lieu de la lapida-
tion de saint Etienne et des sanctuaires érigés en son honneur,
dès Tinvention des reliques du saint, en 415, sur plusieurs en-
droits dans la banlieue de la Sainte-Cité, il nous reste mainte-
nant à examiner et à discuter la valeur des « monuments » in-
voqués, par le P. Lagrange, en faveur de sa thèse.
Nous commençons par les fouilles de la «petite église »
dont plusieurs auteurs nous ont laissé des relations fort in-
téressantes.
Le R. P. Marie-Alphonse Ratisbonne, un des auteurs les plus
compétents en cette matière, nous fournit d'abord les renseigne-
ments suivants (Annales de la Mission de N.-D. de Sion etc.,
Marseille, 1883, p. 5):
„Elles (les fouilles) mirent à nu, jusqu'à un mètre de
hauteur les bases d'une gracieuse église de l'époque des
Croisades, dont le pavé était encore intact."
,, D'autres ruines, dont l'orientation n'était pas la même
que celle des premières, apparurent successivement: les restes
de vastes bâtisses et d'immenses citernes, ayant dû être
celles d'un grand monastère et d'une « hôtellerie » (l'Asnerie
du moyen-âge); des tronçons de colonnes d'un fort diamètre,
plusieurs tombeaux, des pavés en mosaïque d'un très beau
dessin, des chapiteaux etc., etc." —
„On trouva également dans l'église, et fort bien con-
servé, un rétable d'autel d'une seule pierre, aux plus larges
proportions, avec l'image (du Christ) et des douze apôtres
— 216 —

dont les couleurs avaient gardé une étonnante vivacité et une


netteté extraordinaire." —

Dans un article publié dans la Revue allemande « Zeitschrift


des Deutschen Palâstina-Vereins » (Leipzig, 1885, p. 50), sous le
titre «Die neu entdeckte Stephanskirche bei Jérusalem», le curé
suisse M. A. Frey se plaint des difficultés de la part de la direc-
tion des fouilles dominicaines que rencontrent les savants étrangers
qui voudraient visiter le champ de ces fouilles. Ce ne fut qu'après
avoir glissé un « bakschisch » (Trinkgeld) dans la main de l'in-
specteur des travaux qu'il fut admis à regarder d'un peu plus
près (« Ich mufke froh sein, von dem standigen Aufseher die
etwas genauere Besichtigung mit einem Trinkgeld erkaufen zu
kônnen». 1. c. p. 50, en note, sous texte.)." —
M. Frey précise ainsi les résultats de sa visite et, de ses
études de la question (1. c. p. 56):
„Tout porte à croire que les ruines qui se trouvent
proches de la route de Naplouse, représentent celles d'un
monastère (Kloster), tandis que l'église, déblayée par les
fouilles, représenterait la chappelle de ce monastère (die
Klosterkirche). En effet, les «salles voûtées» qui se trouvent
derrière (au nord) de celle-ci, peuvent, à coup sûr, avoir
servi à cette destination (In der Tat môgen die hinter (im
Norden) der letzteren liegenden Raume jene Bestimmung ge-
habt haben)." —
Puis M. Frey ajoute (1. c. p. 58):
,, Ici i! se présente une question difficile à résoudre, celle
de l'origine de ces salles voûtées. La solidité de leurs murs de
soutènement fait présumer qu'elles appartiennent à une époque
antérieure aux Croisés (Ihre soliden Stùtzmauern weisen auf
altère Zeit). Etant trop vastes pour avoir été renfermées dans
la première église (celle d'Eudocie), elles doivent avoir fait partie
du couvent, mais là aussi on les trouverait assez étranges à
cause de leur forme et de leur disposition (ihrer Form und Be-
schaffenheit wegen, etwas auffallig). On préférerait les prendre
pour des caves ou des étables."
„ La construction inégale de leurs voûtes fait présumer,
qu'après leur destruction, on les a restaurées à la hâte, afin d'y
— 217 —

loger les bestiaux, peu importe de savoir si cela fut fait par les
Francs, après leur retour dans la ville, ou par les Sarrasins."
„Les auges trouvées au fond des souterrains, nous l'indi-
quent (Die im Hintergrund gefundenen Troge sprechen dafûr).
De cette manière le récit de Willebrand (1212) se comprend,
quand il se plaint (II, 5) que la Maison de Dieu a été convertie
en étable où on loge les ânes du Sultan (ein Stall . . ., wo die
Esel des Sultans zusammengetrieben werden)."
„ On ne pourra donc plus présumer avec Tobler (Topo-
graphie de Jérusalem, II, 187), que ce fut par erreur que Wille-
brand a placé l'ancienne étable des Chevaliers de saint Jean
dans les édifices ecclésiastiques, dont les ruines étaient encore
visibles de son temps (als habe er irrtûmlich den ehemaligen
Stall der Johanniter an Stelle der kirchlichen Gebâude gesetzt,
um so weniger, als ja ihre Trùmmer ihm vor Augen lagen)."
„Puis le récit de Willebrand nous fait savoir qu'à cette
époque, on força les pèlerins chrétiens de s'y loger. C'est pour-
quoi l'endroit s'appelait jusqu'à nos jours dans la bouche du
peuple: «Khan el Frendj » (Trefflich stimmt hierzu der Name
des Platzes, welcher bei dem Volke bis in die neueste Zeit
« Chan el Frendj» hieft)." —
D'autres renseignements relatifs à la «petite église» achetée
par le R. P. Matthieu Lecomte, nous viennent de la part de
Mgr. le Chanoine Dr Riess, qui dans la Revue allemande « Zeit-
schrift des Deutschen Palâstina-Vereins » (Leipzig, 1885, p. 162
sequ.), sous le titre «Ûber die angebliche AufdeckungderEudokia-
(Stephans-)Kirche» écrivit ce qui suit:
„Aux renseignements donnés dans la Revue allemande
«Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins» (Leipzig, 1885,
p. 50 sequ.) par M. le curé A. Frey, je me permets d'ajouter
quelques observations qui serviront, d'un côté, à confirmer, par
de nouveaux arguments, l'opinion de M. Frey, qui établit: qu'il
faut reconnaître dans ces ruines l'église de saint Etienne de
l'époque du règne latin, ou plutôt l'«oratoire du monastère» de
ce temps-là; tandisque, d'autre part, il n'y a pas de raison d'y
chercher les restes de la basilique bâtie par Eudocie au Ve
siècle (daB wir in jenen Resten [der neu entdeckten Stephans'
kirche] allerdings die zur Zeit der frânkischen Herrschaft existie-
rende Kirche ad S. Stephanum, oder vielmehr Oratorium nebst
Klostergebâulichkeiten erkennen mussen, daB aber anderseits
— 218 —

ein Grund nicht vorliegt, die seinerzeit von Eudokia errichtete


Kirche an dieselbe Stelle zu versetzen)."
„ Quant à ce dernier point, il est tout à fait impossible de
trouver dans les plans publiés des fondements déblayés, des
raisons favorables à la conjecture de M. Guillemot, qui établit,
que l'oratoire déblayé représente la nef latérale du Sud de la
magnifique basilique d'Eudocie. Du reste, les fondements trouvés
près de l'oratoire, de même que ceux des salles voîtées au Nord
de celui-ci, font supposer qu'il s'agit d'une construction primitive,
et, que ce ne sont point les fondations d'une grande basilique,
accommodés à une autre destination (Was zunachst den letzteren
Punkt betrifft, so lâfit sich die Vermutung des Herrn Guillemot,
dafs das bisher aufgedeckte Oratorium etwa das sùdliche Seiten-
schiff der vormaligen grofien und prâchtigen Kirche der Eudokia
sei, aus den ùber die ausgegrabenen Grundmauern bisher ver-
ôffentlichten Skizzen (die beste in « Survey of Western Palestine,
1884, p. 387) in keiner Weise begrûnden, und deuten sowohl die
in der Umgebung des Oratoriums gefundenen Reste, als auch
die Fundamente der im Norden derselben sich von Westen nach
Osten erstreckenden Gewôlbe auf eine ursprûnglich freie Anlage,
und nicht auf die Verwendung altérer Grundmauern einer vor-
maligen groBartig angelegten Kirche hin)." —
Plus loin (1. c. p. 167) le même auteur écrit:
„ D'après ce qui précède, il paraît non seulement téméraire,
mais aussi mal à propos et contraire aux renseignements fournis
tant par l'histoire que par les fouilles, d'identifier les ruines en
question avec la basilique d'Eudocie, tandis que, d'un autre côté,
il paraît permis de regarder comme certain et bien prouvé, que
ces ruines sont identiques avec avec l'oratoire de saint Etienne
du VIIIe siècle, occupé plus tard par les Croisés (so darf der
Nachweis ûber die Identitât der Ruinenstelle mit der wohl aus
dem 8. Jahrhundert stammenden und von den Kreuzfahrern in
Besitz genommenen Ecclesia oder Oratorium S. Stephani als
gesichert erachtet werden). Nous nous contenterons donc de
et de renforcer les M. "
compléter arguments apportés par Frey.
„ Nous apprenons du plan et des explications données par
M. Frey (1. c. p. 52), de même que du plan d'après nature et
publié dans la Revue anglaise « Surwey of Western Palestine »
(Jérusalem, 1884, p. 387) qu'un mur transversal séparaît la nef,
longue d'à peu près 13 m sur 7,4 m de large, de l'espace der-
- 219 -

rière la nef. Dans ce mur transversal, épais d'à peu près 0 m 50,
il y avait, d'après le plan de M. Frey, une ouverture au milieu,
tandis que, d'après le plan du « Surwey of Western Palestine»,
il s'y trouvait en outre une ouverture des deux côtés, par où
l'on montait dans un espace plus élevé, occupant toute la largeur
de l'église sur à peu près 2,74 m de longueur, qui représentait
une nef transversale, d'où l'on montait de nouveau, par quelques
marches, dans l'abside qui formait un demi-cercle aplati (Dièse
Quermauer von zirka 0,5 m Stârke hatte nach Frey's Plan in
der Mitte, nach dem Plan von «Surwey of Western Palestine»
aufierdem auch auf beiden Seiten Lûcken (offene Stellen), durch
die man auf einigen Stufen in einen hôher gelegenen, mit dem
Kirchenschiff gleichbreiten und zirka 2,74 m tiefen Raum gelangt,
welcher die Stelle eines Querschiffes einnimmt, an den die wieder
ein paar Stufen hohcr gelegene Apsis, einen etwas gedrûckten
Halbkreis bildend, anschliefit)."
„ L'espace, accessible par plusieurs degrés, que nous avons
désigné du nom de nef transversale, paraît assez remarquable.
Nous sommes d'avis que cela ne représente pas une nef trans-
versale dans le sens architectonique usuel, mais un espace ré-
servé pour un but particulier, qui portait le nom de orjxoç (sepes)
et qui se trouve dans les anciennes églises grecques à cet en-
droit, entouré d'un grillage et réservé à une image de Dieu ou
à un tombeau ... (p. 169). C'est justement cet endroit que les
Francs (Theodoricus, De locis sanctis) vénérèrent comme le lieu
de la Lapidation du saint protomartyr (Derselbe [Raum] wurde
von den Franken [vgl. Theodoricus] als Ort der Steinigung des
Erzmartyrers verehrt). Nous supposons que cette partie de
l'oratoire n'a pas été entièrement couverte par la voûte, mais
qu'on la laissa découverte, comme «locus apertionis coeli »,
comme on l'avait fait à l'oratoire de l'Ascension sur le Mont
des Oliviers (und dûrfen wir sicher annehmen, dafi dieser Teil
nicht vollstàndig eingewôlbt gewesen, sondern als « locus aper-
tionis coeli » in âhnlicher Weise, wie bei der Himmelfahrtskirche
auf dem Olberge offen gelassen wurde)."
„En résumant les déductions précédentes, il nous semble
que les ruines achetées et déblayées par les Français représentent
une église jointe à un monastère, bâtie par les Grecs, apparte-
nant à une époque ultérieure à l'an 614, et, érigée vraisemblable-
ment dès le VIIIe siècle (eine ursprûnglich von den Griechen er-
— 220 —

richtete Kirche mit einer damit verbundenen Klosteranlage, welche


aus der Zeit nach 614, etwa aus dem 8. Jahrhundert stammte) . . .
Il paraît que ces bâtiments, détruits par les chrétiens eux-mêmes,
(en 1187), ne furent pas, dans la suite, rendus à leur première
destination, mais utilisés comme étables des ânes du Sultan, et
comme pied-à-terre des pèlerins chrétiens, dont parlent Wille-
brand et Thietmar, en 1212 et 1217."
„ Depuis ce temps-là nous ne possédons plus de ren-
seignements relatifs à ce lieu. Il s'en suit donc, tant des
documents que des monuments, mis à jour par les fouilles,
que les ruines en question n'ont jamais fait partie de la
célèbre basilique d'Eudocie, mais qu'elles représentent un ré-
tablissement de l'«oratoire» greco-franc de saint Etienne
(nur eine Wiederherstellung der griechisch-frankischen Ste-
phanskirche, nicht aber der vormaligen —
Eudokiakirche)."

En considération du haut intérêt archéologique des fouilles


en question, on s'attendait que les Dominicains prendraient à
tâche de compléter les renseignements publiés par des étrangers
sur les belles voûtes au nord de la «petite église». Pas du
tout. Pour se tirer d'embarras, le P. Lagrange, dans le chapitre
du «Résultat des fouilles» (Saint Etienne etc. 1894, p. 105) se
rappelle tout-à-coup que le silence est d'or, et il y écrit:
„Je ne me propose pas d'écrire le récit complet des
fouilles . . . J'en indiquerai cependant la marche générale." —
En effet, bien qu'à trois reprises différentes, dans son
«Saint Etienne et son sanctuaire à Jérusalem», le P. Lagrange
se fut engagé à traiter cette question importante, il ne nous en
a laissé que ce qui suit (Saint Etienne etc. 1894, p. 105):
„ Le Père Matthieu avait pour point de départ les fouilles
commencées (de la «petite église»): il était en possession
d'un « petit oratoire » long de 21 m dans oeuvre, sur 7 m 40
de large."
„// ne restait guère que le pavé; néanmoins il y en avait
assez pour qu'on reconnût la main des Croisés: ce n'était
pas l'église bâtie par Eudocie."
„ Etait-ce du moins une restauration de l'ancienne basi-
lique? — Pas davantage, car les proportions exiguës ne
— 221 —

répondaient pas à ce que disaient les documents de la magni-


ficence du sanctuaire impérial." —
Plus loin (I. c. p. 121) notre auteur donne le croquis de cette
«petite église» dans son «Plan général comprenant les deux
églises et l'atrium», en écrivant (1. c. p. 122):
„II y a peu de chose à ajouter à ce qu'indique le
plan."
„La disposition, avec le nartex en avant et une icono-
stase devant le choeur, est plutôt grecque."
„ Plusieurs pierres ont été taillées par les Croisés. On
constate sur l'une d'elles une marque de tâcheron en forme
de clef ou d'étendard."
„ Quelques degrés sont en calcaire rouge très dur; c'est
la fameuse pierre couleur de flamme dont parle Procope.
Les degrés, soigneusement polis, en tout semblables à ceux
de la basilique, ont évidemment été empruntés aux ruines
de celle-ci. Les dimensions, 21 m de long dans oeuvre, sur
7,40 m de large, sont modestes, mais appropriées à la desti-
nation présumée de cette chapelle, de conserver le souvenir
du sanctuaire. Rien ne prouve que les Croisés ou les Grecs
aient élevé là un grand édifice. Nous avons vu, en suivant
les destinées du sanctuaire, que les Croisés trouvèrent au
lieu de la lapidation un «oratoire»." —
Enfin (1. c. p. 140) notre auteur dit:
„Nous n'insistons pas sur la «petite église»; elle ren-
ferme des éléments en apparence contradictoires. On y re-
marque la taille en diagonale, que M. Clermont-Ganneau a
reconnue pour caractéristique du temps des croisades et
que nous retrouvons en France dans les églises romanes du
XIIe siècle. Une marque de tâcheron conforme à celle des
ouvriers de l'Occident confirme cette origine. C'est donc
l'oeuvre des Croisés."
„ D'autre part il y a des traces d'une iconostase, sépa-
rant le choeur de la nef, ce qui est du style grec."
„La «petite église» a donc été l'oeuvre des Latins et
des Orientaux. D'après la qualité grossière des matériaux
formant l'iconostase et des peintures des bords de l'abside,
je serais porté à conclure qu'après la destruction qui suivit
le départ des Croisés, il y eut, de la part des Grecs, une
tentative de restauration."
Planche1.^

Légende.
i. Abside. 11.Citernes.
2.Placedumaître-autel. 12.Entréesà destombeaux
3.Pilier avecrevêtement voûtés.
demarbre. 13.Entréed'unlongcaveau
4. Rocher tailléservantde souterrain.
mur. 14.S oupiraux.
5.Divers r estesde mosaï- 15.Entréesà destombeaux
ques. creusésdansleroc.
6.Excavationsverticales16.Entréed'unegrotte.
durocher. 17.Eglisedes Croisés.
7.Incisionsrectangulaires18.PPlacede l'autel.
dansle rocher. 19. etitseuilde porte.
8. Seuilsde porte de la 20.Grandseuilde porte.
basilique. 21.Ecolebibliquerécem-
9. Annexedela basilique. mentconstruite sur le
10.Placedescolonnes. côté sud del'atrium.

Remarque:
Les No. 17, 18, 19 ren-
dent la «petiteéglise».

Plan général comprenant les deux églises et l'atrium


Reproductiond'après p. 121 de la brochure« SaintEtienneetc.» du P. Lagrange,
— 223 —

,,Mais soit que ses premiers architectes aient été des


occidentaux ou des indigènes, cette église a été bâtie là pour
conserver le souvenir du grand sanctuaire, à une époque où
sa ruine était déjà complète, puisqu'on a employé quelques-
uns des anciens matériaux, et qu'on l'a assise dans l'atrium (?)
de la basilique sans même se conformer exactement à son
orientation." —

Ce rapport sur les fouilles de la «petite église» du R. P. Di-


recteur de l'Ecole biblique Saint-Etienne à Jérusalem, pèche
autant par les choses qui y sont dites que par les détails qui
sont omis.
D'abord, le rapport pèche par les choses dites.
Le récit du P. Lagrange que nous venons de lire, nous fait
croire, que les ruines de la «petite église» étaient tout-à-fait
insignifiantes.
«Il ne restait guère que le pavé», — dit-il —, tandis que
d'après le rapport du R. P. Ratisbonne, cité plus haut, — ces
fouilles «mirent à nu» les murs de la «petite église» jusqu'à
«un mètre de hauteur».
Quant aux murs de l'abside: ils s'élevaient plus haut en-
core — et, le P. Lagrange (1. c. p. 141) parle lui-même des «pein-
tures des bords de l'abside».

Le rapport du P. Lagrange pèche également par les détails


qu'il omet.
Le R. P. Ratisbonne, dans son récit des fouilles, affirme
qu'on y mit à jour «d'autres ruines encore: «les restes de
vastes bâtises et d'immenses citernes », ayant dû être celles d'un
« grand monastère » et d'une « hôtellerie »... des pavés en mo-
saïque d'un très beau dessin, des chapiteaux etc. etc.». —
M. Frey, dans son article cité plus haut, écrit des mêmes
fouilles:
„Tout porte à croire que les ruines qui se trouvent
proche de la route de Naplouse, représentent celles d'un
«monastère», tandis que l'église représente l'église du mo-
nastère (die r\losterkirche). En effet, les «salles voûtées»
— 224 —

qui se trouvent derrière (au Nord) de celle-ci, ont, à coup


sûr, servi à cette destination."
Et M. Frey ajoute à l'égard de l'« origine de ces salles
voûtées »:
„ La solidité de leurs murs de soutennement fait pré-
sumer qu'elles sont l'oeuvre d'une époque « antérieure aux
Croisades »... « La construction inégale de leurs voûtes
montre qu', après leur destruction, on les a restaurées», . . .
afin d'y loger des bestiaux . . . Les auges trouvées au fond
des salles souterraines l'indiquent." —
Enfin M. le Chanoine Dr Riess, dans son travail cité plus
haut, écrit à l'égard des ruines en question:
« Il paraît permis de regarder comme certain et bien
prouvé que ces ruines sont identiques avec l'« oratoire Saint-
Etienne » du VIIe siècle, occupé plus tard par les Croisés».
Pourquoi le R. P. Lagrange ne parle-t-il pas de ces « salles
voûtées»? Pourquoi les supprime-t-il dans son «Plan»?
Pourquoi ne mentionne-t-il pas les « immenses citernes » et
les « aqueducs et canaux » qu'on y a mis à jour?
Pourquoi, enfin, les RR. FF. Prêcheurs se sont ils hâtés de
faire disparaître les ruines de la «petite église» et des quatre
grandes «salles voûtées» qui y étaient attenantes au nord, en
les rasant jusqu'aux fondements?
Pourquoi a-t-on fait cela?
Le R. P. Lagrange lève le voile en écrivant, dans son «Saint-
Etienne etc.» (1894, p. 107): que «des esprits inventifs », après
le déblaiement des belles mosaïques à l'Est de la « petite église »,
en 1885, y voyaient les restes d'un «ancien bain romain» (sic!),
tandisque d'autres dans les «salles voûtées» voyaient {'«Asnerie»
du moyen-âge.
Par conséquent, il était rigoureusement nécessaire de faire
disparaître des vestiges qui rappelaient les souvenirs du «bain»
et de l'« Asnerie».
Quoiqu'il en soit, il nous semble que les Dominicains ont
été un peu trop pressés dans cette besogne: les ruines de la
«petite église» avec les grandes «salles voûtées « adjacentes et
formant un seul corps de bâtiment, dont les assises apparte-
naient à une époque «antérieure aux Croisades», — devaient
être conservées comme objets d'étude, tant pour les archéologues
étrangers que pour les étudiants de l'Ecole biblique, — pour
- 225 -

exciter la dévotion des pèlerins, et, — pour embellir le jardin


que ces antiquités auraient rendu fort intéressant.

Les Perses, eux, saccagèrent et brûlèrent les édifices publiques


et les églises de la Sainte-Cité; les Musulmans en conservèrent
consciencieusement les ruines, alors même qu'elles n'étaient plus
bonnes qu'à servir d'« Asnerie >!
La destruction complète et radicale des restes vénérables
de la « petite église » et de ses annexes était réservée aux
Dominicains, Professeurs de l'Ecole biblique de Saint-Etienne
à Jérusalem dont le programme principal était: l'Etude de la
topographie et de l'archéologie biblique de la Ville — et
de la Terre-Sainte!
Le R. P. Lagrange, Directeur de cette même Ecole biblique,
auquel je demandai un jour (16 Octobre 1909) les raisons de ce
procédé barbare, ne me les révéla pas. Il se contenta d'affirmer
que ce ne fut pas lui l'auteur de ce « vandalisme » (ce sont ses
propres paroles), mais le R. P. Levigoureux, Prieur à cette époque.

La possibilité de vérifier les différents rapports des fouilles


de la «petite église» n'existe donc plus. — Quant à l'identité
des ruines, le P. Lagrange a déclaré (Saint Etienne etc. 1894,
p. 105):
« Ce n'était pas l'église bâtie par Eudocie».

SaintEtienne.
Mommert, 15
Chapitre douzième.

Fouilles de la prétendue «véritable basilique


d'Eudocie».

Au chapitre précédent nous avons vu, et le P. Directeur


de l'Ecole biblique Saint-Etienne à Jérusalem a reconnu: que la
«petite église» n'est pas identique avec la «grande basilique
d'Eudocie». Mais peut-être les Pères Dominicains ont-ils mieux
réussi quand ils « entamèrent de nouvelles négociations » et qu'ils
firent « des frais beaucoup plus considérables » pour acquérir
les ruines de la prétendue «véritable basilique d'Eudocie»?
Nous allons le voir.
Quant aux « documents » (textes) exhibés par le P. La-
grange, dans ses publications de 1894, pour prouver l'authen-
ticité de sa «véritable basilique d'Eudocie», nous les avons exa-
minés, discutés et démolis pièce par pièce déjà plus haut, dans
les chapitres I, VI, VII et VIIIer. Nous n'y reviendrons plus.
Nous allons maintenant examiner les arguments du P. La-
grange tirés des «monuments», c'est-à-dire des fouilles dont i!
parle dans sa brochure Saint Etienne etc. (p. 105 — 138).
Nous passerons en revue:
I. Les tombeaux.
II. Les canaux, conduits et réservoirs d'eau.
III. Les fragments de mosaïques.
IV. Deux dégrés de marbre rouge trouvés «in situ».
V. Trois seuils de porte.
VI. La soi-disant « crypte sépulcrale d'Eudocie. »
VII. La soi-disant « crypte sépulcrale de saint Etienne. »
VIII. L'abside semi-circulaire à l'intérieur et de forme po-
lygonale à l'extérieur.
— 227 —

IX. L'autel trouvé «in situ».


X. Un morceau de stèle avec l'image de Set et une
inscription hiéroglyphique.
XL Les chapiteaux de colonne de style égyptien.
XII. Un prétendu « reliquiaire » en pierre.
XIII. Deux moules pour la Sainte-Eucharistie.

I. Les tombeaux.
Les fouilles mirent à jour des « tombeaux » de l'époque by-
zantine avec des inscriptions en langue grecque.
Un seul de ces tombeaux a été trouvé intact.
Le P. Lagrange en parle en reproduisant quelques passages
d'un article publié là-dessus par le R. P. Germer-Durand, des
Augustins de l'Assomption, en ces termes (Saint Etienne etc.,
1894, p. 126 sequ.):
„ Parmi les tombeaux creusés dans l'atrium de la basilique
un seul a été retrouvé intact. Un mur bâti sur la dalle qui en
fermait l'entrée l'avait préservé. Cette précieuse découverte
nous a donné un spécimen fort intéressant des sépulcres du
Ve siècle."
„ Cette dalle une fois enlevée, dit le R. P. Dubourg (I. c. p. 126),
nous descendons par un escalier de trois dégrés assez hauts,
et, nous nous trouvons en face d'une porte de pierre parfaite-
ment conservée et qui tourne sur ses gonds de fer."
„ La serrure existe encore en partie. Un degré donne accès
à l'intérieur: à gauche (nord) il se trouve un lit de pierre sur
lequel reposent plusieurs squelettes; au pied était placé une
fiole de verre."
„Du côte droit (sud) il se présente un arcosolium fermé
par trois pierres ornées chacune d'une croix pattée. On descelle
une de ces dalles et l'on se trouve en présence d'un squelette
bien conservé à l'exception de la tête tombée en poussière; aux
pieds, nous trouvons aussi une fiole plus grande que la première
en verre très fin. Il est facile de se convaincre que ce tombeau
n'avait jamais été ouvert."
„ La grande dalle qui le fermait a î m 30 cm de long sur
80 cm de large."

15*
— 228 —

„ Elle porte une inscription dont l'interprétation n'est pas


sans difficulté . . . Les nombreuses abréviations de ce texte
en rendant l'explication incertaine." —
D'après le R. P. Germer-Durand (Revue biblique, 1894, p. 127;
1892, p. 576) on y lirait:
« dr\x(r\) ôia — cpEg(ovoa) Nov — vov ôia — x(ovov) Ovt)o(i/uov)
— xrjç ay(iaç) x — ov X(giaxo)v A(va)ox(aoeoeg) x(ai) — xrjç Mo(vrjç)
avxrjç ».
Cela signifierait d'après le R. P. Germer-Durand (Rev. biblique,
1894, p. 127; 1892, p. 576):
« Tombeau particulier du diacre Nonnus Onésime, de la
sainte Résurrection du Christ et de ce Monastère ».
Mais, le signe x(ai) qui signifierait «et» ne se trouve pas
sur l'inscription grecque en question. Ce signe, peu lisible du
reste, que le R. P. Germer-Durand a interprété par x (kappa),
représente plutôt un «ç» (sigma), et appartient apparemment
au mot précédent qui alors se lirait « A(va)ox(aasoe)ç » (de la
Résurrection).
Plus encore, les mots « z-rjçMo(vrjç) avxrjç » ne signifient pas
«de ce monastère», mais « de son monastère », c'est-à-dire «de
la Sainte-Résurrection du Christ».
Il s'agirait donc du « tombeau » d'un diacre qui était moine
du «Couvent de la Sainte-Résurrection du Christ», c'est-à-dire
de l'« église du Saint-Sépulcre».
Mais ce n'est pas tout.
Des tombeaux se trouvent un peu partout dans les alen-
tours de Jérusalem, sans qu'il en résulte qu'il y avait là jadis une
église, et que cette église fût celle qu'Eudocie érigea, vers 455
à 460, en l'honneur de saint Etienne, au nord de la Sainte-Cité.

Dans la Revue biblique (1894, p. 28) le Fr. Paul Séjourné,


des FF. Prêcheurs raconte: qu'à 100 mètres du Couvent de
S.-Etienne, et à l'ouest de la route de Naplouse, on avait mis
à jour une mosaïque représentant le pavé d'une chapelle
mortuaire, et, « tout autour et au-dessous des tombeaux, des
ossements, des lampes, des verreries, puis un fragment
d'inscription grecque ».
Il en tire la conclusion: «C'est donc bien réellement un
— 229 —

cimetière, peut-être même celui de Saint-Etienne qui s'éten-


dait jusque-là ».
Nous ne pouvons partager cette opinion.
Sachant que le « moustier Saint-Etienne » du moyen-âge se
trouvait à l'ouest de la route de Naplouse, tandis qu'à l'est, sur
le terrain occupé aujourd'hui par l'Ecole biblique des FF. Prê-
cheurs, il n'y avait que P«Asnerie», le «cimetière» retrouvé à
l'ouest et mentionné par le P. Séjourné, serait plutôt un témoi-
gnage contre la thèse des Dominicains, cherchant le «moustier
Saint-Etienne» à l'est, sur l'emplacement de l'«Asnerie».
Quoiqu'il en soit, les «tombeaux», mis à jour sur le terrain
à l'est et à l'ouest de la route de Naplouse, ne prouvent abso-
lument rien en faveur de la thèse domincaine de la lapidation
de saint Etienne au nord de Jérusalem.
Que le P. Lagrange fasse surgir, autour de son Ecole biblique,
une vaste nécropole de sarcophages, de tumulus et de tombes
antiques, qu'il prépare, pour la Résurrection finale, un ost for-
midable qui se joindra à la «grande, grande armée» du pro-
phète Ezéchiel et du R. P. Monsabré, — steteruntque superpedes
suos exercitus grandis ni mis valde! —; il n'aura absolument rien
prouvé au sujet du « lieu de la lapidation du saint Protomartyr »
ou de l'emplacement de la « basilique d'Eudocie » !
Ces tombeaux, invoqués par le P. Lagrange (1. c. p. 126—129)
n'étant nullement gênants dans la question de l'authenticité de
la soi-disant «véritable basilique d'Eudocie », on les a conservés,
et, on peut les examiner encore aujourd'hui.

II. Les canaux, conduits et réservoirs d'eau.


Les FF. Prêcheurs ne disent à peu près rien des canaux,
conduits et réservoirs d'eau qu'ils ont trouvés sur l'emplacement
de leurs fouilles.
Le P. Lagrange en fait entrevoir la raison en écrivant dans
son Saint Etienne etc. (p. 107): que «des esprits inventifs avaient
imaginé » que les mosaïques trouvées à l'occasion des fouilles
en 1885, et réclamées par les FF. Prêcheurs comme témoins de
l'authenticité de leur «véritable basilique d'Eudocie », —avaient
dû servir «à l'ornementation . . . d'une salle de bain».
- 230 -

Nous en sommes donc, à l'égard des « canaux, conduits et


réservoirs d'eau « en question, réduits aux renseignements fournis
par des étrangers.
M. le Docteur Schick, ingénieur de la municipalité de Jé-
rusalem, en parle dans la Revue allemande Zeitschrift des
Deutschen Palâstina-Vereins (Leipzig, 1888, p. 252):
„Le rocher montrait des traces de travail, entre autres de
«canaux creusés dans le roc» ... (p. 254). En continuant le
déblaiement vers l'ouest, on mit à jour un «trou» formant un
carré irrégulier, taillé dans le roc qui représentait une «piscine»
longue de 11 mètres sur 8 m de largeur, et 7—8 m de profon-
deur. Elle se trouve au sud de la tranchée (canal) décrite plus
haut . . . L'incision pratiquée dans la paroi de l'ouest de cette
piscine, fait supposer qu'on a eu l'intention de la relier, moyen-
nant un canal, à la tranchée mentionnée plus haut." —
Plus loin (1. c. p. 255) M. le Docteur Schick continue:
„On a l'intention de déblayer toute la place à l'ouest . . .
Vers le nord, taillé dans le roc, il se trouve un canal profond
de 65 cm (Nach Norden zu ist ein 0 m 65 tiefer Kanal in den
Felsen eingehauen)." —
Ces canaux, conduit et réservoirs d'eau se trouvent re-
présentés sur un Plan dessiné par M. Schick sur la Planche IIIe
de la Revue allemande Zeitschrift des Deutschen Palâstina-
Vereins (Leipzig, 1888). Ne se prêtant pas à servir de témoins
de l'authenticité de leur prétendue « véritable basilique d'Eudocie»,
et, indiquant, au contraire, le voisinage d'un établissement de
bains, les Dominicains les ont fait disparaître, dans la suite, à
l'exception de quelques citernes insignifiantes.

III. Les fragments de mosaïques.


Dans son Saint Etienne etc. (1894, p. 106) le P. Lagrange
écrit:
„ Après l'été de 1883, les fouilles sont forcément inter-
rompues . . . Mais, en 1885, elles sont reprises, cette fois du
côté sud. On voit apparaître de nouveaux fragments de
mosaïques, semblables aux premières par le dessin et la
couleur. Celles-ci (1. c. p. 107) couvrent une plus grande
étendue de terrain et sont mieux conservées. Leur richesse
— 231 —

et leur caractère indiquent qu'elles avaient dû servir, non à


l'ornementation d'une maison particulière, voire même d'une
« salle de bains », comme des esprits inventifs l'avaient ima-
giné, mais d'une église."
„ Sur ce point aucune objection n'était plus possible."
„ Ceux qui refusent de croire encore à l'existence de la
basilique d'Eudocie étaient bien obligés de convenir que l'on
se trouvait en présence des ruines d'une église."
„ C'est en 1887 que le plein jour se fait. Cette fois les
fouilles sont pratiquées au nord. Les mosaïques que l'on dé'
couvre de nouveau, et sur une plus vaste étendue, sont
semblables aux précédentes." —
Sur une feuille, intercalée entre les pages 104 et 105 de
la brochure Saint Etienne etc., nous trouvons reproduit un spé-
cimen colorié d'une de ces mosaïques, sous le titre de «Mosaïques
de la basilique d'Eudocie». Que représente-t-elle?
M. le Docteur Schick (Zeitschrift des Deutschen Palâstina-
Vereins, Leipzig, 1888, p. 253) écrit à ce sujet:
„Ein Mosaïkboden aus alt- „Une mosaïque datant des
christlicher Zeit mit schônen premiers siècles de l'ère chré-
Farben und geometrischen Fi- tienne qui montre des figures
guren, jedoch ohne Inschrift." — géométriques joliment coloriées :
mais sans inscription." —
Les Dominicains et leurs partisans affirment: que l'on
distingue de «petites croix» formées par cinq cubes noirs, au
centre de ces « figures géométriques », — et, que ces « croix »
prouvent que les mosaïques en question ont servi à l'ornemen-
tation d'une église.
Nous ne pouvons partager cet avis.
Beaucoup de mosaïques, provenant certainement d'établisse-
ments profanes montrent des figures géométriques où se trouvent
des «croix». Aujourd'hui même, les bandes entrelacées et leurs
cubes coloriés, dans le dessin d'un tapis, forment des «croix»,
sans que le dessinateur ait eu la moindre idée de représenter
un emblème chrétien.
Avant de réclamer le témoignage des mosaïques aux «petites
croix», en faveur de leur thèse de la lapidation de saint Etienne
au nord de Jérusalem et de la basilique d'Eudocie sur l'emplace-
ment de P«Asnerie» du moyen-âge, les Dominicains devaient
— 232 —

prouver: que les mosaïques aux «petites croix» caractérisent


les églises chrétiennes du Ve siècle, que le pavé de la basilique
d'Eudocie montrait ces «petites croix», — et: que cette église
se trouvait sur le lieu de la lapidation de saint Etienne. Ils ne
l'ont pas fait jusqu'à présent.
Quant à nous, nous n'oserions pas même supposer qu'un
pavé parsemé de « croix » indiquerait qu'il s'y trouvait jadis une
église: car nous ne connaissons pas d'exemple que dans les
premiers siècles du christianisme, les églises chrétiennes aient
été pavées de «croix».
La «croix», signe de la rédemption, était, dans ce temps-là,
l'objet de la vénération de la plus profonde de la part des fidèles,
— et, marcher sur un dallage sème de «croix» eut été «fouler
aux pieds» ce signe sacré de la Rédemption.

Ces lignes étaient déjà écrites lorsque nous appr.îmes que


les FF. Prêcheurs de l'Ecole biblique de Saint-Etienne à Jéru-
salem, eux-mêmes, ont cessé de réclamer les «mosaïques aux
croix» comme preuve qu'il s'y trouvait jadis une église.
En effet, le R. P. H.-Vincent, Professeur de l'Ecole biblique
du P. Lagrange, vient de publier, dans la Revue biblique (1910,
p. 418—420) un article sous le titre «Vestiges Hérodiennes près
de la Citadelle », où il traite d'une mosaïque trouvée récemment
à l'orient de la Citadelle (el-kala'a) à Jérusalem, sur le terrain
de l'Ecole de la Mission anglaise. Et dans cet article justement,
le R. P. H. Vincent combat avec les armes de la science, la
prétention que: les «petites croix» qui se trouvent représen-
tées dans ce mosaïque, prouvent qu'il y avait jadis un «monu-
ment chrétien».
Voici ses termes (1. c. p. 419):
„ La difficulté est fameuse de dater les mosaïques par
le seul examen intrinsèque (Voy. Gaukler, « Mussivum opus»,
dans le Diction, des antiq. gr. et rom., III, 2089). A consi-
dérer uniquement le panneau à décor géométrique et floral,
on songerait à un monument chrétien et d'aucuns seront
tentés peut-être de relever en ce sens le motif très net de
la «croix»."
- 233 -

,,0n sait toutefois que ce motif résulte de combinaisons


accidentelles et se retrouve dans des mosaïques païennes par
leur composition et leur date." —
Puis il ajoute (1. c. p. 419, en note 3 sous texte):
,, Aux exemples qu'on trouvera dans les figures publiées
par M. Gaukler (op. cit.), on peut ajouter v. g. le «pavement
de caldarium du Musée Alaoui » (Catal. des Mus. d'Alg., supl,
1907, p. 27 et pi. XVIII, 2). Les «croisettes» y reviennent
avec fréquence dans les panneaux qui séparent les médaillons
à sujets mythologiques. Cf. ibid, N° 289, p. XII; N° 292, pi. XVI;
N°299, pi. XVIII, 2." -
Des citations précédentes nous pourrons facilement tirer les
conclusions:
1° Si les «croisettes» des mosaïques de l'Ecole de la
Mission anglaise ne prouvent pas, d'après le R. P. H.-Vincent, qu'il
y ait eu là un « monument chrétien », les « croisettes » des mo-
saïques de l'Ecole biblique des FF. Prêcheurs ne prouvent pas,
elles-aussi, qu'il y ait eu jadis une « église ».
2° Si le pavement du « caldarium » conservé au Musée
d'Alaoui présente de «petites croix», — pourquoi la mosaïque
aux «petites croix» trouvée sur l'emplacement de l'Ecole biblique
des FF. Prêcheurs, où les «canaux, conduits et réservoirs d'eau»
trouvés à l'occasion des fouilles indiquaient déjà un ancien
«établissement de bains», ne pouvait-elle pas avoir servi, elle-
aussi, de « pavement de caldarium » ?

Attendez! — nous dira-t-on, —dans une grotte sépulcrale,


au sud de la basilique Saint-Etienne des FF. Prêcheurs, le
R. P. Séjourné a mis à jour, le 26 Septembre 1891, une belle
mosaïque dont le P. Lagrange (Saint-Etienne etc., 1894, p. 120)
a donné le croquis sous la dénomination de «Mosaïque d'agneau».
Voilà un signe chrétien!
Voilà un témoin digne de foi qui affirme l'authenticité du
nouveau sanctuaire Saint-Etienne des FF. Prêcheurs!
Que cette mosaïque représente un « agneau » comme le
veut le P. Lagrange, ou qu'elle représente un « loup », emblème
de l'ancienne Rome, comme le veulent les autres, — peu nous
importe. Cette mosaïque ne prouve en aucune façon qu'à vingt
— 234 —

mètres au nord il y avait une église, ni que cette église fut la


basilique d'Eudocie, ni même que saint Etienne y fut lapidé.
* *
*
IV. Deux dégrés de marbre rouge trouvés «in situ».
Parmi les trouvailles les plus intéressantes, faites à l'oc-
casion des fouilles, figurent deux dégrés de marbre rouge trouvés
« in situ».
M. le Docteur Schick en écrit (Zeitschrift des Deutschen
Palâstina-Vereins, Leipzig, 1888, p. 254):
„Au nord (de la mosaïque) s'élevait un rocher taillé à
pic; à l'Est se trouvait un mur fait de belles pierres de
taille de l'époque byzantine, formant un angle droit avec
le rocher; au sud deux longs dégrés de marbre rougeâtre
poli monteaient au choeur. Le degré supérieur, étant plus
large que l'inférieur, montrait une rainure qui jadis, peut-
être, supportait une balustrade en bois (Im Suden fuhrten
zwei lange Stufen von rôtlichem poliertem Marmor aufwârts,
deren obère die breitere war und eine eingehauene Nute trug,
in der vielleicht einst ein hôlzernes Gelânder gestanden hat)."
Quelques lignes plus bas, même page, M. Schick nous
apprend que le niveau du choeur de la basilique présumée, où
l'on montait par ces deux dégrés, s'élevait de 50 cm au-dessus
du niveau des mosaïques (Ihr Boden lag 0 m 50 oder zwei
Stufen hôher als die kleinen nach Norden und Sûden anstofienden
Râume).
* * *

M. le Professeur Hayter-Lewis (Palestine Exploration Fund,


London, 1891, p. 214) nous a laissé un rapport accompagné

Planche II.

A REDPOLISHED STONE
Les degrés du choeur avec la rainure destinée à porter
la balustrade.
Reproductionphotographiquetirée de la Revue anglaise PalestineExplorationFund»,
1891, p. 214 X" 5.
— 235 —

d'un croquis de ces deux dégrés et de la rainure destinée à


porter la balustrade (Notre PI. II.), en marquant la hauteur des
deux dégrés en pouces anglais 5"+ 15" = 20" ce qui équivaut
à 50 centimètre, mesure donnée par M. le Docteur Schick. Puis
le Professeur anglais ajoute (1. c. p. 214): „Les dégrés qui mon-
tent du niveau des mosaïques à celui du choeur (chancel) sont
«in situ».
Voici ce crocquis avec l'explication anglaise (1. c. p. 214):
„Still more interesting are „Plus intéressants encore
the distinct remains of the chan- sont les restes, bien conservés,
cel rails (V. N° 5) schowing the de la balustrade qui entourait
outlines of the choir and the le sanctuaire (V. N° 5), dessi-
steps leading to it." ! nant les contours du choeur, et
„The north and south sides ; où l'on voit les dégrés qui y
of thèse are evidently «in situ», j conduisaient."
but the western end was for- j „Les côtés nord et sud de
merly further to the west than cette balustrade sont certaine-
at présent, as is clearly schown ment «en place»; mais l'extré-
by the marks on the stills at mité ouest était autrefois plus
each side." — reculée dans cette direction
qu'elle ne l'est maintenant,
comme le montrent clairement
les marques que l'on voit de
chaque côté." —
* *
*

Le P. Lagrange, dans son rapport sur les fouilles (Saint-


Etienne etc., 1894, p. 107) supprime cette différence entre le
niveau des mosaïques et celui du choeur qui, d'après M. M. Schick
et Hayter-Lewis, mesure 50 centimètres. Enfin, il ne parle que
à'«un seul degré» avec un «soubassement».
Voici ses paroles (Saint Etienne etc., p. 107):
„Sur la droite (côté sud de la mosaïque qui se trouve
au nord du choeur présumé), un «soubassement de marbre
rouge» accompagné d'un «degré» qui termine la place oc-
cupée par le choeur de la basilique et qui devait être sur-
monté d'un cancel en marbre blanc; cette balustrade servait
à séparer le choeur de la nef latérale."
- 236 —

En effet, le nouveau sanctuaire Saint-Etienne des FF. Prê-


cheurs ne possède qu'un seul degré haut de 22 centimètres, qui
ne montre pas de rainure pour le chancel en marbre blanc du
P. Lagrange, ou la balustrade en bois de M. le Docteur Schick.
Ce degré est précédé d'un soubassement de 8 centimètres
de hauteur.
La différence entre le choeur actuel et le niveau des mo-
saïques ne mesure donc que 30 centimètres, au lieu de 50.
Pourquoi les «deux dégrés» en marbre rouge trouvés «in
situ» ont-ils été enlevés?
Gênaient-ils la cause de l'authenticité de nouveau sanctuaire?
Le Rapport du P. Lagrange (Saint Etienne etc., p. 107), qui
ne parle que d'un seul degré accompagné d'un soubassement,
semblerait combiné à préparer le visitateur au nouvel état de
choses qui ne donne au choeur que «trente centimètres» d'élé-
vation au-dessus du niveau de la basilique, au lieu de «cin-
quante » de l'ancienne bâtisse.
Chose curieuse! ni les «deux dégrés» des M. M. Schick et
Hayter-Lewis, ni le «soubassement» de marbre rouge accom-
pagné A'«un degré» du P. Lagrange ne figurent sur les plans
de la basilique dressés, sur les ordres des Dominicains, par
M. l'architecte Sandel et publiés par le P. Lagrange, dans son
Saint Etienne etc. (1894, pp. 121 et 131) où, en revanche, on
voit dessiné, et mentionné dans la légende (1. c. p. 131, N° 9) un
«seuil présumé du choeur» justement dans l'axe centrale de ses
prétendues « Ruines de la basilique d'Eudocie », tandis que
M. l'architecte Boutaud, dans son « Plan de la basilique projettée,
dressé d'après les ruines» (1. c. p. 143), supprime les «deux
dégrés de marbre rouge » sans en donner revanche.
Nous en tirons la conclusion que: les FF. Prêcheurs ont
cessé de regarder les « deux dégrés » trouvés « in situ »
comme des témoins de l'autenticité de leur «véritable basi-
lique d'Eudocie ».

V. Trois seuils de porte.


A l'occasion des fouilles qui nous occupent, on a mis à
jour entre autres trouvailles « trois seuils de porte » jugés « in
situ».
— 237 —

M. le Docteur Schick les décrit en ces termes (Zeitschrift


des Deutschen Palâstina-Vereins, Leipzig, 1888, p. 255):
„Tout près (des tombeaux du côté nord de l'atrium) se
trouve encore « in situ » une pierre très bien travaillée re-
présentant un « seuil de porte » (eine sehr fein gehauene,
aus einem einzigen Stein bestehende Turschwelle [Tafel III, f],
et a 8 mètres vers l'est de celui-ci, on à mis à jour «un
second seuil de porte » semblable au premier [Tafel III, g],
mais dont la direction forme avec celui-ci un angle droit
(eine zweite âhnliche Schwelle (g) . . . deren Lage . . . mit
der ersten einen rechten Winkel bildet) . . . Enfin, plus loin
vers l'est (de la citerne de l'angle sud-ouest de la présumée
basilique) on a trouvé, sur le même niveau, encore une
« espèce de seuil » (eine Art von Turschwelle [Tafel III, h]),
et, devant celui-ci, vers le nord, une mosaïque byzantine
(einen Mosaïkboden von byzantinischer Arbeit)." —

Le P. Lagrange paraît faire peu de cas de ces « trois seuils


de porte » trouvés « in situ » et dans une si curieuse position.
Il les mentionne cependant à trois occasions différentes:
1° D'abord (Saint Etienne etc., p. 121), il les indique dans
la Légende du Plan général sous N° 8 : « Seuils de porte de
la basilique».
2° Puis (1. c. p. 131), il les cite dans la Légende du «Plan
des ruines de la basilique d'Eudocie», sous N° 10: «Seuils
de la basilique in situ».
3° Enfin, il les mentionne dans le texte de son Saint
Etienne etc. (p. 130) en écrivant: „Les éléments qui on permis
à M. l'architecte Sandel de dresser ce plan sont: « Les seuils,
à l'entrée, à droite et à gauche»." —
Nous remarquons que ce n'est que dans l'un de ces trois
passages que l'auteur affirme la circonstance «in situ».
Pourquoi ne la mantient-il pas dans les deux autres pas-
sages?
Si ces trois seuils trouvés « in situ » rangent parmi les
« éléments » qui ont permis à M. l'architecte Sandel à dresser
le plan de l'ancienne basilique, — pourquoi M. l'architecte
Boutand ne les a-t-il pas respectées, lui-aussi, dans son plan
de la basilique projettée?
— 238 ~

Pourquoi, à l'occasion de la restauration, n'a-t-on pas con-


servé ces trois seuils à leurs places respectives, comme témoins
de l'ancienne bâtisse?
C'est en vain qu'on les y cherche, ces vénérables témoins
de l'antiquité.
Nous en tirons la conclusion: qu'ils gênaient, soit par leur
qualité, soit par la place qu'ils occupaient, la cause de l'authen-
ticité du nouveau sanctuaire: — et, que les Dominicains, Pro-
fesseurs de l'Ecole biblique Saint Etienne, ont cessé de les
regarder comme témoins en faveur de leur thèse de la lapidation
de saint Etienne au nord.

VI. La soi-disant crypte sépulcrale d'Eudocie.


Ce n'est qu'en hésitant, dirai-je, que le P. Lagrange réclame
pour témoin de sa cause la « soi-disant crypte sépulcrale
d'Eudocie».
Après avoir énuméré plusieurs anciens tombeaux qui se
trouvent dans l'emplacement attribué par lui à l'Atrium de l'an-
cienne bâtisse (Saint Etienne etc., p. 124—129), notre auteur
continue (p. 129):
„Ainsi les deux côtés de l'Atrium, au sud et au nord,
étaient garnis de tombeaux. N'y en avait-il point devant la
basilique (présumée) elle-même, regardant l'Orient? On le
concluerait par simple analogie, et ce soupçon devient une
certitude si l'on observe que, sur presque toute la largeur
de l'atrium (présumé), le rocher est taillé à pic à une pro-
fondeur de 3 (8?) mètres, dans la direction du nord au sud."
,,11 y avait donc là une crypte plus grande que les autres
tombeaux, c'était d'ailleurs la place d'honneur."
„Au centre de la cavité, on voit encore deux voûtes en
arête: elles paraissent (et sont en effet) modernes, mais leur
emplacement conviendrait bien (sic!) pour le tombeau d'Eu-
docie et de sa petite-fille."
„ Entre ce point et le « trou » situé devant l'autel où,
selon toute probabilité, furent renfermés les restes du premier
martyr, il y a juste vingt-six pas, distance assignée par An-
tonin à l'intervalle qui séparait le corps d'Eudocie des reliques
de saint Etienne." —
- 239 -

On admire ici autant la hardiesse des conclusions que la


méthode scientifique de l'auteur qui dit d'abord:
« Le rocher est taillé à pic sur une profondeur de 3
(lisez 8) mètres, dans la direction du nord au sud. 11 y avait
donc là une crypte plus grande que les autres tombeaux».
Puis: «Au centre de la cavité on voit encore deux voûtes
en arête. Elles paraissent (et sont en effet) modernes, mais
leur emplacement conviendrait bien pour le tombeau d'Eudocie
et de sa petite-fille ».
Il n'est pas encore démontré que le « trou » devant l'autel
(présumé) représente la « crypte de saint Etienne », — mais,
c'est égal, — la distance de ce « trou » et de la « grande cavité »
de l'atrium prouve: que cette «cavité» représente la «crypte
d'Eudocie et de sa petite-fille».
Du reste, le P. Lagrange ne dit pas expressément que la
«grande cavité» qui traverse l'atrium présumé de sa «véritable
basilique d'Eudocie » est identique avec la crypte sépulcrale des
deux Eudocie; il proteste même énergiquement contre cette
identification. Et un jour — ce fut le 16 Octobre 1909, —
que certain visitateur lui soumettait cette observation, il le
renvoya à la Légende du «Plan des ruines de la basilique
d'Eudocie», publié dans son Saint Etienne etc. (p. 131), — où,
sous N° 18, il avait qualifié le caveau en question de «Place
présumée des tombeaux des deux Eudocie ».
Le P. Lagrange n'affirme pas, non plus, expressément: que
le «trou» situé devant l'autel . . . renferme les restes du premier
martyr, — mais il laisse entendre que l'une et l'autre des deux
cavités sont authentiques ce qui s'appelle égarer les lecteurs.

On se serait attendu ici à une description détaillée de la


prétendue «crypte impériale», comme notre auteur l'a fait pour
d'autres tombeaux tout à fait anonymes, mais il n'en est rien.
Le P. Lagrange a sans doute jugé plus avantageux, pour sa
cause, de sevrer les lecteurs de cette description.
Toutefois, cette « cavité » a son histoire.
Le R. P. Dubourg, des FF. Prêcheurs, en parle dans les notes
qu'il a rédigées pendant sa direction des fouilles. Nous y lisons
(Saint Etienne etc., p. 106):
— 240 —

„On commença donc, en 1883, dans la direction de


l'ouest à l'est, c'est-à-dire à l'extrémité de la «petite église».
,,Dès le début, les fouilles amenèrent plusieurs décou-
vertes intéressantes. D'abord celle d'un vaste corridor voûté
de 18 m 50 de long, appuyé sur le roc taillé qui forme mur.
Dans la paroi est, s'ouvrent deux alcôves, surmontées d'une
arcade qui se rapproche à l'ogive. Puis, un peu à gauche
(sud), on découvrit un seuil de porte resté à sa place, un
caveau contenent quatre tombeaux taillés dans le roc en
forme d'auge, enfin quelques fragments d'un pavé en mo-
saïques admirablement conservées."
,,M. Victor Guérin . . . qui se trouvait en ce moment à
Jérusalem, réconnaît dans ces mosaïques ... un caractère
évidemment chrétien, et il émet dès ce moment l'opinion que
l'on se trouve sur l'emplacement de la basilique." —
* *
*
Un autre savant, M. le Docteur Konrad Schick, écrit dans
la Revue allemande «Zeitschrift des Deutschen Palastina-Vereins»
(Leipzig, 1888, p. 255):
,,Vers le sud (des tombeaux côté nord de l'atrium) on
a trouvé une excavation du sol rocheux toute semblable, qui,
vers le sud, se prolonge dans un long couloir aboutissant à
l'ouverture d'une porte. Le tout est couvert d'une voûte
percée de plusieurs ouvertures. A l'époque du règne latin
i! s'y trouvait des lieux d'aisance (de l'Asnerie. L'auteur.)
avec des cloaques au-dessous. A l'origine, à coup sûr, la
destination était autre. Quant à moi, j'y vois l'entrée des
cryptes au-dessous de l'église. La citerne dessinée à côté,
vers l'est, se trouve au milieu de décombres et date de
l'époque des Croisés." 3)

Pour ceux qui connaissent les belles cryptes sépulcrales


des alentours de Jérusalem, ou, qui ont vu un mausolée impérial
de l'époque romaine, il résulte des descriptions faites par M.
le Docteur Schick et par le R. P. Dubourg, Professeur de
l'Ecole biblique Saint-Etienne à Jérusalem, qu'il est tout à fait
*) L'espoir de M. Schick, au sujet des « cryptes au-dessous de l'église >
ne s'est pas réalisé, par la simple raison qu'il n'y a jamais eu d'église.
— 241 —

impossible de loger la « crypte impériale d'Eudocie » dans le


« corridor voûté » du P. Dubourg, avec le «caveau contenant
quatre tombeaux», soit le «long couloir» que M. le Docteur
Schick croit représenter «l'entrée des cryptes au-dessous de
l'église ». —
Du reste on ne connaît aucun monument funèbre de cette
époque où l'on ait déposé les restes du fondateur ou de la fon-
datrice, dans l'atrium.
C'est au centre de son Mausolée à Rome que Hadrien avait
pratiqué sa chambre mortuaire; c'est à l'intérieur du Mausolée
près de l'enceinte de la ville que Constance, fille du grand
Constantin fut placée. Le sénateur Alexandre qui vers l'an 417
bâtit l'oratoire Saint-Etienne près de la Sainte-Sion, eut son
tombeau à l'intérieur de cet «oratoire». L'impératrice Eudocie,
ayant construit une église en l'honneur de saint Etienne au nord
de la ville de Jérusalem, pour y être ensevelie elle-même, après
sa mort, a donc, sans aucun doute, suivi l'usage de son époque
et de tous les temps, et, c'est à l'intérieur de cette église, non
pas dans l'atrium, qu'elle fut déposée comme des témoins auto-
risés nous l'apprennent.
Evagre, historien presque contemporain de la mort d'Eudocie
en écrit (Migne, P. Gr. tome 81, col. 2484):
„Elle (Eudocie) érigea un très grand temple en l'honneur
du premier des diacres et des martyrs Etienne ... et ce
fut « dans » ce temple (iv oe) qu'elle fut déposée après sa
mort."
Le P. Lagrange, lui-même, place les tombeaux d'Eudocie et
de sa petite-fille à l'intérieur de l'église.
Parlant de la destruction de la basilique, en 614, il cite
(Saint Etienne etc. p. 81) les paroles de Couret:
«Les couvents . . . sont renversés, les tombeaux des
deux Eudocie, «dans la basilique » de Saint-Etienne hors
des portes, sont détruits, et, l'immense église s'écroule «sur
la tombe violée de ses bienfaitrices». —
Si donc, d'après le P. Lagrange lui-même, les tombes des
deux Eudocie se trouvaient dans l'« intérieur» de la basilique,
comment peut-il les chercher dans un corridor souterrain qui
traverse l'atrium présumé de la présumée basilique?
Du reste, après avoir déblayé, à grands frais, ce souter-
rain — les FF. Prêcheurs le comblèrent de nouveau, à plus

Hommert,Saint-Etienne. \6
— 242 —

grands frais encore, en y établissant les fondations de la façade


de leur nouveau sanctuaire.
Pourquoi ne respectèrent-ils pas la «place présumée des
tombeaux de deux Eudocie »? — comme le P. Lagrange l'appelle
dans la Légende de son « Plan des ruines de la basilique d'Eudocie »
(N° 18) que nous reproduissons ici (Planche N° VII) d'après sa
publication «Saint Etienne etc.» (1894, p. 131).
Ce souterrain cachait-il des secrets qu'on croyait néces-
saire d'ensevelir pour toujours pour les dérober à l'étude des
savants?
Cette crypte rendait-elle témoignage contre l'authenticité du
nouveau sanctuaire?
Assurément ce ne fut pas le hasard, mais la préméditation
et le calcul qui perpétrèrent l'acte de « vandalisme » que nous
signalons. Ce souterrain devait disparaître parce qu'il combattait
les prétentions des Dominicains.

VII. La soit-disant crypte sépulcrale de saint Etienne.


Une autre excavation trouvée sur le terrain des fouilles de
la prétendue « véritable basilique d'Eudocie » fut interprétée par
les FF. Prêcheurs comme «crypte sépulcrale de saint Etienne».
Le P. Lagrange en écrit (Saint Etienne etc., 1894, p. 107): „Tout
près de cet endroit, le rocher qui forme le fond de la basilique
présente une arête vive: on creuse et l'on découvre une vaste
excavation remplie de décombres."
„ Après de longues semaines elle est vidée. C'est une
crypte entièrement taillée dans le roc; elle forme un rec-
tangle à peu près régulier de onze mètres environ de longueur
sur huit de largeur et une profondeur de cinq mètres (Schick,
7—8 m). Le ciment qui en couvre les parois indique qu'elle
a servi de citerne; mais sa situation à l'intersection du tran-
sept et au sommet de la nef principale, l'absence de com-
munication avec l'extérieur, un reste d'escalier, et, dans un
angle, une ouverture en forme de cheminée, destinée sans
aucun doute à l'aération, démontrent que primitivement ce
n'était pas une citerne, mais une crypte funéraire."
„I1 ne reste (1. c. p. 108) pas, à vrai dire, d'autres indices
de cette destination première, mais tout porte à croire que
PlancheVU.

2.3)4J5J6.Mosaïques.
IJPierre
7. à la placedu
maître-autel.
8.Pilieravecrevêtement
de marbre.
9. Seuil présumé du
choeur.
10.Seuilsde la basilique
nn situ).
11.Rochertaillémarquant
la finde l'absideet
desmurs.
12.Ancien crépissagever-
tical extérieurdes
murs.
1.3.Rochertaillémarquant
la limitedel'annexe.
14.Excavationsverticales.
ancienne cryptepré-
sumée,changéeen
carrièreset en ci-
ternes.
15.Rocher taillépourles
basesdescolonnes.
16.Citernes,
17.Entrée d'un caveau
voûté avec quatre
tombeaux.
1S.Long"caveauvoûté:
placeprésumée des
tombeauxdesdeux
Eudocie.
19.Entrée.
20.Soupirauxmodernes.
21.Tombeaux creusés
dansle roc.

Plan des ruines de la Basiliqued'Eudocie.


D'après la brochure «Saint Etienne etc.» 1894. p. 131.
— 244 —

cette crypte a été remaniée dans les temps qui ont suivi,
qu'on a brisé les cloissons qui séparaient les chambres sé-
pulcrales et isolaient les tombeaux ..."
„Mais quels tombeaux renfermait cette crypte? Sa place
dans la basilique, en face de l'autel et tout proche du sanc-
tuaire, indique que ce devait être la «confession du saint
martyr», et que là ses restes précieux avaient été dé-
posés." —

Dans la Revue « Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins »


(Leipzig, 1888), p. 254—255) M. le docteur Conrad Schick,
architecte de la municipalité de Jérusalem, donne les renseigne-
ments suivants:
„En continuant le déblaiement ... on trouva une excava-
tion à peu près carrée, taillée dans le roc, et représentant
une ancienne piscine (ein einstiger Teich) longue d'à peu
près onze mètres sur huit mètres de largeur et une pro-
fondeur de 7 à 8 mètres ... A l'extrémité orientale d'une
cloison (qui la sépare d'une autre ancienne piscine située
vers le nord de la première) il se trouve un escalier étroit,
taillé dans le roc, qui, à l'aide d'un complément de maçon-
nerie, descendait du côté oriental dans la piscine. Celle-ci doit
être antérieure à l'église (cherchée par les moines), et, l'église
elle-même doit appartenir aux premiers siècles chrétiens
(455—460). La piscine (Teich) et les autres excavations du
roc appartiennent donc à l'époque juive, antérieure à la de-
struction de Jérusalem." — Ainsi M. Schick.
le me permettrai d'ajouter que, comme les plans des fouilles
le montrent, les parois de cette «vaste excavation» qui se trouve
non pas dans le choeur, mais dans la nef principale devant le
choeur de la prétendue «véritable basilique d'Eudocie», ne sui-
vent ni l'orientation ni l'axe de cette basilique, mais bien celles
d'un autre édifice dont les gros murs se voient indiqués sur le
plan de M. Schick publié dans la Revue «Zeitschrift des
Deutschen Palâstina-Vereins» (Leipzig, 1888. Notre PI. X).
Le R. P. Lagrange suppose, il est vrai, que dans la crypte
bâtie, selon lui, par Eudocie pour servir de sépulture au saint
protomartyr, il y avait «plusieurs chambies sépulcrales» avec
des tombeaux, et, que dans les temps qui ont suivi, « on a brisé
— 245 —

les cloisons qui séparaient ces chambres et isolaient les tom-


beaux », — mais, ces remaniements ne sont qu'une simple sup-
position du R. P. Directeur de l'Ecole biblique.
Au contraire, il n'y en avait toujours qu'une.
Quant à la crypte de saint Etienne, nous savons qu'Eudocie
même n'avait pas prétendu avoir sa chambre sépulcrale dans
la crypte du saint, mais qu'elle s'était fait faire un tombeau
distant de vingt-six pas de celle-ci.
Pour qui aurait-elle donc construit ces <plusieurs autres
chambres sépulcrales» à côté de celle de saint Etienne?

La difficulté la plus insurmontable qui s'oppose à la thèse


du P. Lagrange, vient cependant d'un autre côté.
D'abord iï n'a jamais eu, dans les églises orientales, pendant
plusieurs siècles, qu'un seul autel (Voir: Cabrol, Diction, d'arch.
et de lit.).
Ensuite, la crypte était toujours au-dessous de l'autel, et,
quand il n'y avait pas de reliques insignes à y déposer, la crypte
était supprimée: et on scellait des reliques dans l'autel même,
dans une cavité que l'on appelle «sepulcrum», c'est-à-dire: le
tombeau.
Or, le P. Lagrange, en sa qualité de Directeur de l'Ecole
biblique de Sâint-Etienne à Jérusalem, est au courant de ces lois
et usages de l'Eglise primitive. Comment se fait-il qu'il ait pu
supposer un instant, qu'une excavation de rocher, sans orienta-
tion, puisse représenter la crypte sépulcrale du saint Proto-
martyr! Et, si malgré tout cela, telle était sa conviction, il devait
conserver cette crypte telle qu'il l'avait trouvée.
Pourquoi ne l'a-t-il pas fait?
Pourquoi a-t-il fait disparaître cette excavation souterraine,
en la comblant de nouveau jusqu'à une profondeur d'un mètre
et demi, et, en modifiant, en même temps, son orientation et
ses dimensions?
En agissant ainsi le P. Lagrange montre qu'il a cessé de
regarder cette « excavation » comme témoin de l'authenticité
de sa «véritable basilique d'Eudocie».
- 246 —

VIII. L'abside sémicirculaire à l'intérieur et de forme


polygonale à l'extérieur.
Pour prouver que les mosaïques, trouvées sur le champ des
fouilles, les trois «seuils de porte», les «deux dégrés de marbre
rouge», trouvés «in situ», et surtout les deux prétendues cryptes
sépulcrales représentent, en effet, les restes de la «véritable
basilique d'Eudocie», il fallait encore trouver là l'abside d'une
église chrétienne de l'époque byzantine.
La chose était difficile, impossible même, selon toutes les
apparences. Mais, avec un peu de bonne volonté et encore plus
de parti pris, on réussit enfin à rencontrer, en un endroit
convenable, quelque chose qui pouvait faire naître l'idée d'une
abside.
Le P. Lagrange nous en informe (1. c. p. 108) en ces termes:
„Quelques jours plus tard, en effet (après avoir trouvé
l'autel « in situ » dont nous parlerons plus bas), on atteignit
l'extrémité de la basilique. Elle se termine à l'intérieur par
une abside semi-circulaire dont il ne reste qu'une portée, et,
à l'extérieur par un mur de forme polygonale Les trois
côtés de ce mur, ainsi que celui qui termine les deux nefs
latérales, sont faciles à reconnaître; et c'est merveille, car
la basilique a été non seulement détruite, mais livrée au
pillage pendant plusieurs siècles. Tout ce qu'il a été possible
d'enlever a disparu. Mais tandis qu'on arrachait les pierres
des murs l'une après l'autre, l'enduit épais et solide qui
les couvrait au dehors, soutenu par l'amoncellement de
terre qui s'était formé autour, a résisté jusqu'à une hau-
teur de deux mètres, et a conservé très nettement l'em-
preinte des pierres sur lesquelles il était appliqué."
„ C'est peu de chose, mais cela du moins nous donne
une idée exacte des dimensions et de la forme de la ba-
silique." —
M. le docteur Schick, nous fournit, de son côté les ren-
seignements suivants (Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins,
Leipzig, 1888, p. 254):
„ A l'Est on rencontra «une grande pierre ronde» assez
mal taillée, qui rappelait l'idée d'un autel. Plus loin, dans la
même direction, on rencontra de «belles pierres de taille»
de l'époque byzantine, dispersées çà et là (zerstreut liegende,
— 247 . —

schôn behauene byzantinische Steine), — puis un «enduit


de chaux et de ciment » épais de quelques centimètres seule-
ment, et, derrière celui-ci, de la «maçonnerie» (un mur) de qualité
inférieure (eine nur wenige Zentimeter starke Wand aus Kalk
und Zement, und hinter dieser wieder Mauerwerk von anderer
und zwar geringerer Art). Le même « enduit » de ciment se
montrait en diagonale, comme le plan (a, b, c, d, e) l'indique,
au Nord et au Sud (Dieselben Zementwânde zeigten sich in
der Diagonale anstofiend im N. und S., wie der Plan sie
unter a, b, c, d und e veranschaulicht). Le milieu de la «pierre
ronde », mentionnée plus haut, me servit de point de repère
pour les mesures, et, la figure représentée sur ce plan
(Notre PL X) ne laisse pas de doute que nous nous trouvons
ici en présence de l'abside d'une église d'asser vastes di-
mensions." —
Il n'est pas difficile de constater que le rapport de M. le
docteur Schick ne concorde pas avec celui du P. Lagrange.
Examinons 1° l'abside semi-circulaire à l'intérieur; 2° le
soi-disant « mur polygonal » à l'extérieur.
I. Pour ce qui est du premier point, le P. Lagrange
affirme qu'on a trouvé «peu de chose».
„La basilique — dit-il — a été non seulement détruite,
mais livrée au pillage pendant plusieurs siècles. Tout ce qu'il
a été possible d'enlever a disparu ... on arrachait les pierres
des murs l'une après l'autre." —
Des pierres de l'ancien mur présumé, il ne reste, selon lui,
à l'intérieur de l'abside présumée, qu'«une portée».
D'après M. le docteur Schick, on rencontra à l'Est» de
belles pierres de taille de l'époque byzantine, dispersées ça
et là».
Or, Ces pierres de M. le docteur Schick ne sont plus «in
situ». Elles ne montrent pas, par leur travail, qu'elles ont servi
jadis à former un «mur semi-circulaire». Personne, ni le P. La-
grange, ni M. le docteur, n'ont fait cette observation.
Aussi le P. Lagrange ne dit-il pas qu'on a trouvé un «mur
semi-circulaire» qui aurait pu représenter le mur intérieur de
l'abside présumée, — il dit seulement: que la «basilique se ter-
mine â l'intérieur par un abside semi-circulair ».
M. le Docteur Schick constate Yabsence de ce « mur » semi-
circulaire » à l'intérieur de l'abside présumée; il n'y trouve que :
248 —

de « belles pierres de taille de l'époque byzantine dispersées


ça et là».
Pour se faire une idée du vrai état de chose, il faut con-
sulter le Plan des fouilles et de la reconstruction de la prétendue
basilique d'Eudocie, publié par M. le Docteur Schick sous la
dénomination «NeueEntdeckungen nordwestlich von der Jeremias-
grotte bei Jérusalem », dans la Revue allemande «Zeitschrift des
Deutschen Palàstina-Vereins » (Leipzig, 1888, pi. IIIe) dont nous
donnons ici la reproduction.

Planche X.

Reconstructioncle la basilique du Dr. Schick avec plan des fouilles


ZDPV. Leipzig. 1888. pi. III.

II. Quant au polygone extérieur, le P. Lagrange expose qu'on


a trouvé un « enduit épais et solide . . . soutenu par l'amon-
cellement de terre qui s'était formé autour». Il ne dit point:
de forme polygonale»; — il
qu'on a trouvé le «mur extérieur
affirme seulement: que la «basilique se termine ... à l'extérieur
par un mur de forme polygonale».
M. le Docteur Schick constate, comme le P. Lagrange, à
l'est de la basilique présumée, un «enduit de chaux et de ci-
ment épais de quelques centimètres seulement», — mais, der-
— 249 —

rière celui-ci il voit, non pas un «amoncellement de terre», mais


« une maçonnerie » (un mur) de qualité inférieure.
Aussi M. le Docteur Schick ne dit-il pas: qu'il a rencontré
le mur extérieur de l'abside présumée, — il affirme seulement:
que la «figure» qu'il a représenté sur son plan ne laisse pas de
doute que l'on s'y trouve en présence d'une église d'assez vastes
dimensions.
On pourrait donc résumer la question de la manière sui-
vante: M. le docteur Schick dit qu'on a trouvé, sur le lieu
réclamé pour l'« abside semicirculaire » de la présumée basilique
«plusieurs belles pierres de taille de l'époque byzantine dis-
persées çà et là (zerstreut liegende, schôn behauene byzanti-
nische Steine), mais: point d'abside; le R. P. Lagrange prétend
que: la basilique se termine à l'intérieur par une «abside semi-
circulaire » formée par « une portée » de pierres de taille.
Le rapport du R. P. Lagrange montre cependant un petit
faible. Il parle d'une «abside semi-circulaire à l'intérieur» formée
par «une portée» de pierres de taille, tandis que d'une même
haleine il affirme que la «basilique a été, non seulement détruite,
mais livrée au pillage pendant plusieurs siècles», que les «pierres
des murs» ont été arrachées «l'une après l'autre», et, que
«tout ce qu'il a été possible d'enlever a disparu». Son abside
se compose donc à.'«une portée» de pierres de taille qui ont
été arrachées «l'une après l'autre», qui ont été «enlevées», qui
enfin ont «disparu».
Voici le faible du rapport du R. P. Lagrange auquel s'oppose
le rapport de l'architecte M. le docteur Schick qui n'y voit point
d'abside, mais bien « quelques belles pierres de taille l'époque
byzantine, dispersées ça et là (zerstreut liegende, schôn be-
hauene byzantinische Steine).
Quant à la « forme polygonale à l'extérieur » de cette ab-
side, les rapports de M. Schick et du R. P. Lagrange ne sont
pas moins divergents.
L'auteur français dit (Saint Etienne etc., p. 109) que
«l'enduit épais et solide» . . . soutenu par l'amoncelement
de «terre» qui s'était formé autour, a résisté jusqu'à une
hauteur de deux mètres, et a conservé très nettement l'em-
preinte des pierres sur lesquelles il était appliqué», — tandis
que M. le docteur Schick (Zeitschrift des Deutschen Palâstina-
Vereins», Leipzig, 1888, p. 254), qui ne voit rien de cette
- 250 -

«empreinte», constate que: «derrière cet «enduit de chaux


et de ciment» épais de quelques centimètres», il ne se trou-
vait pas de «terre», mais bien «une maçonnerie de qualité
inférieure » (Mauerwerk von geringerer Art).
Enfin, dans son «Saint Etienne etc.» (1894, p. 131) le
R. P. Lagrange affirme: que ce fut le «rocher taillé» qui mar-
quait «la fin de l'abside». Voici ses paroles (1. c. p. 131, Légende
du «Plan des ruines de la basilique d'Eudocie», N° 11): «Rocher
taillé marquant la fin de l'abside et des murs» (V. notre PI. VII).
Nous voilà donc en face d'une apparente contradiction.
Comment y trouverons-nous la solution? La voici:
Le R. P. Lagrange n'est qu'homme de lettres. L'homme de
lettres peut se tromper en matière d'architecture.
Plus encore: Le R. P.Lagrange, dans son «Saint Etienne etc.»,
n'avait point l'intention d'écrire une étude scientifique. En écri-
vant cette brochure son but n'était que de faire de la propagande
pour le nouveau sanctuaire afin de trouver les aumônes né-
cessaires pour la fondation d'une maison de son Ordre. Il écrit
donc «pro domo».
M. Schick, au contraire, est architecte, il n'a d'autre pré-
occupation que celle de l'architecte, de l'archéologue, de l'histo-
rien. Son rapport relatif à notre question d'architecture me
paraît donc préférable à celui du R. P. Lagrange.
Enfin ce n'était pas l'abside d'une basilique construite de
«belles pierres de taille» qui avait besoin d'un «enduit épais et
solide » haut de « deux mètres », mais bien la « maçonnerie
de qualité inférieure » constatée par l'architecte M. le docteur
Schick.
Il nous paraît donc que les arguments avancés par le
P. Lagrange, pour prouver, que les fouilles ont abouti à mettre
à jour des restes d'une « abside semi-circulaire à l'intérieur et
de forme polygonale à l'extérieur» ne concluent pas.
Mais dira-t-on: MM. Hayter-Lewis, Schick et Sandel parlent
d'une abside ou la dessinent au moins. Comment expliquerez-
vous cela, si, en effet, il ne s'y trouvaient pas de traces d'une
telle abside?
La solution n'est pas trop difficile. Tous ces messieurs étaient
favorables à Gordon, et tenaient autant que les Dominicains à y
voir le lieu de la lapidation — et, tous ces Messieurs eurent
des Dominicains pour «Cicérone». Ceux-ci leur parlèrent de
a
n

deSaint-Etienne.
duSanstuaire
Ruines
Au delapetite
l'abside
premier
plan l'atrium
église,
puis ses
avec etlabasilique
tombeaux, Dans
le
d'Eudocie.
actuel
lecouvent
fond, avec
lachapelle «Saint
provisoire.
D'après Etienne
etc. enface
, 1894, dutitre.
— 252 —

basilique, de choeur, d'abside; et, les visiteurs adoptèrent, faute


de mieux, ces dénominations, et les reproduisirent par des dessins
plus ou moins adaptés à la localité.
Ils parlèrent donc, dans leurs rapports, d'une abside, parce
que leur « Cicérone» leur en avait parlé, et, sur leurs plans, ils
la reproduisirent, chacun selon son goût.
Pour se faire une juste idée de l'état des choses, il sera
utile de consulter la vue photographique des « Ruines du sanc-
tuaire de saint Etienne », publié par le P. Lagrange en face du
titre de son «Saint Etienne etc.» (1894), dont nous donnons ici,
sur notre PI. XI, une reproduction.

IX. L'autel trouvé «in situ».


Le professeur anglais M. Hayter-Lewis écrit dans la Revue
«Palestine Exploration Fund » (Londres, 1891, p. 214):
„ Les degrés qui montent du niveau des mosaïques à
celui du choeur (chancel) sont «in situ», de même que,
comme il paraît, une intéressante «dalle de pierre» qui se
trouve au centre de l'abside (the curious slab in the centre
of the apse)."
„ Il n'y a point d'autres indices relatifs au niveau origi-
naire du choeur (chancel), mais, à l'est de la dalle en question,
on a trouvé une « grande pierre» taillée d'une manière brute
« en forme circulaire » de 5,2 pieds de diamètre sur 2,7 pieds
hauteur (V. notre PI. III), ayant les deux surfaces, la supérieure
et l'inférieure, entièrement plates et unies (Both its upper
and lovver surfaces were quite flat and even)."
„La curieuse dalle (the curious slab) reproduite par le
dessin N° 6 (V. notre PI. IV), fut trouvée à un niveau un peu
«inférieur» à celui du choeur (of the chancel floor)."
„ La forme de cette dalle (slab) avec sa « lèvre intéres-
sante » (with its curious lip) et ses « rigoles » (channels) faites
évidemment pour l'écoulement de liquides, a attiré l'attention
de tous ceux qui sont familiers avec les antiquités égyp-
tiennes, parce qu'elle ressemble beaucoup aux «tables
d'offrandes » (tables of offering) dont on voit plusieurs spé-
cimens au Musée de Gizéh au Caire, ainsi qu'à ceux de Turin
et de Paris."
Planche III.

Plan de la basilique Saint Etienne.


D'après la Revue anglaise «Palestine Exploration Fund», 1891, p.212.

Pianche IV.

Dalle d'autel trouvée «in situ» au choeur de la soi-disantvéritable basilique


d'Eudocie des Frères Prêcheurs —
D'après la Revue «Palestine Exploration Fund», 1891, p. 214
Dessin N° 6.
— 254 —

„Dans notre British-Musee il y a plusieurs tables de


cette espèce (several such tables) dont beaucoup sont pour-
vues de courtes jambes aux quatre coins (many of which hâve
a short leg at each angle). Mais cette particularité n'est pas
sans exception (generally) et la table a Jérusalem n'en a pas
(and the slab at Jérusalem does not hâve it)."
„Nous donnons ici- le dessin (N° 7) d'une de ces tables
égyptiennes qui toutes appartiennent au culte païen (ail of
which were connected with Pagan worship) que j'ai dessiné
au Musée de Gizéh au Caire (V. notre PI. V)."
Planche V
Ouest

Dalle d'autel d'offrandeségyptienne.


D'après la Revue «PalestineExplorationFund;>,1891, p. 215. No

,,'Le dessin montre la «saillie caractéristique» (the pe-


culiar lip) dont toutes ces tables sont pourvues, de même
que les «rigoles» (the channels) destinées à la réception et
à l'écoulement des liquides."
„M. Buttler, dans son ouvrage bien connu, traitant des
églises Cophtes en Egypte, donne la description de plusieurs
tables d'autel (altar slabs) avec des rigoles destinées à rece-
voir l'eau des lavages (with channels for washing) en parti-
culier de l'une qui se trouve dans l'église de sainte Pudence
à Rome, datant du IVe siècle. Et l'« Encyclopédie méthodique
des Antiquités etc.» (Vol. I, p. 377) remarque aussi: «Quel-
ques autels antiques sont creusés en dessus . . . pour re-
cueillir et laisser écouler ensuite les libations»."
„Mais la «saillie caractéristique» ne s'y trouve pas (But
the peculiar lip is absent), et: sur la table à Jérusalem il n'y
a point de croix comme on s'attendrait à la voir sur une
— 255 -

pierre d'autel de toute église chrétienne, excepté de quelques


églises Cophtes (and there are no crosses in the Jérusalem
stab, such as one vould expect to find in an altar stone, in

any but a Coptic Church)."
Le Professeur anglais a donc constaté, dans le choeur pré-
sumé des FF. Prêcheurs, justement au centre de l'abside, deux
choses fort intéressantes « in situ » :
1° une «large pierre ronde» ayant à peu près 1 m 50
(5,2 pieds anglais) de diamètre sur 0 m 65 (2,7 pieds) de hauteur,
représentant apparemment la base d'un piédestal;
2° immédiatement devant (ouest) de cette « large pierre
ronde», une «table de marbre blanc» de forme rectangulaire
longue de 1 m 10, dans la direction du nord au sud, et, large
de 0 m 65, dans la direction de l'est à l'ouest: avec une «saillie»
(lip) du côté de l'est, ayant des « rigoles » (channels) à sa sur-
face, et semblable, tout à fait, aux autels païens de l'Egypte,
servant aux libations.
* *
*
On comprend bien que le P. Lagrange ne parle qu'avec
une extrême réserve des choses qui pourraient compromettre
sa thèse. Voyons cependant ce qu'il dit des trouvailles qui nous
occupent.
Après avoir narré, dans son «Saint Etienne etc.» (1894,
p. 107—108), le déblaiement de la «vaste excavation» qu'il
identifie avec la «confession» ou «crypte sépulcrale» de saint
Etienne, il ajoute (I. c. p. 108):
„ Cette crypte déblayée, suivons les fouilles qui se con-
tinuent toujours vers l'est. Au bout de peu de temps, on
découvre une « dalle de marbre blanc» longue de 1 m 10
sur 0 m 65 de largeur, sillonnée par plusieurs petites rigoles
qui communiquaient les uns avec les autres jusqu'à une der-
nière plus large qui aboutit à un pavé de marbre."
„Qu'était-ce que cette pierre? Faisait-elle partie de la
basilique?
„Un usage des premiers siècles nous aide à trouver la
réponse."
,, Comme on ne célébrait la messe sur l'autel principal
qu'à certains jours déterminés, chaque fois l'autel était lavé
et l'eau s'écoulait au dessous pour se perdre dans la terre.
Les découvertes postérieures n'ont fait que nous confirmer
— 256 —

dans cette supposition, car «cette pierre est bien à sa place»


(in situ), juste au milieu du sanctuaire (choeur) et orientée
avec la plus grande exactitude." —
Plus loin (1. c. p. 136) notre auteur donne, sous la dénomi-
nation «pierre de dessous de l'autel», une reproduction de la
dalle en question, d'après une photographie. Le côté oriental de
cette dalle s'y voit enbas, et, la «saillie caractéristique» (lip)
qui, d'après le rapport et le dessin de M. Hayter-Lewis, se trou-
vait sur ce côté, a disparu.
Par hasard (?) la reproduction du P. Lagrange présente une
bordure noirâtre très régulière et en partie marbrée, qui n'ap-
partient pas à la dalle, mais bien au fond contre lequel elle
était appliquée.
Cette bordure a trompé beaucoup de personnes, même des
savants qui, n'ayant pas eu l'occasion d'examiner sur place, ont
pensé qu'elle faisait partie de la dalle elle-même.
Nous donnons donc (Planche VI) la photographie de la dalle
sans cette bordure, c'est-à-dire; la dalle seule, et, nous invitons
le lecteur de vouloir bien comparer l'image de la dalle actuelle
avec le dessin anglais (N. PI. IV.) qui la rend sous une forme
tout à fait différente.
Planche VI.
Ouest

Dalle d'autel trouvée du situ» an choeur de la soi-disant basilique


d'Eudocie, dans l'état actuel, en 1910.
D'après une Photographie.

Afin d'obtenir des éclaircissements au sujet de cette diver-


gence, j'allai chercher M. l'Abbé L. Heydet qui, étant, à l'époque
— 257 —

dont il s'agit, professeur à l'Ecole biblique du P. Lagrange,


assista au déblaiement de notre dalle.
Il m'assura, en effet, qu'il se souvenait de la dalle en
question, et, qu'elle fut trouvée telle qu'elle a été reproduite
par le P. Lagrange, c'est-à-dire: sans la «saillie caracté-
ristique» (lip) de M. Hayter-Lewis et de l'architecte M. Sandel.
Cette déposition en faveur de la cause du P. Lagrange
serait fort précieuse, si le témoin n'était pas intéressé à la
cause.
Or, la «saillie» (lip) en question fut constatée: 1° par des
«hors de cause»; — 2° à
personnes l'époque où la dalle se
trouvait «in situ»; — et: 3° sans qu'il y ait eu aucune contra-
diction soit contre le dessin de M. l'architecte Sandel et celui
de M. le Professeur Hayter-Lewis, soit contre le rapport de ce
dernier, publie dans une Revue qui se trouve et qui se trouvait,
à l'époque en question, dans la main de tous les savants et sur-
tout de tous les palestinologues.
Ces circonstances connues, il nous semble évident que le
jury devrait incliner en faveur de la cause défendue par M. le
Professeur Hayter-Lewis et M. l'architecte Sandel contre le
R. P. Lagrange et son ancien Professeur M. l'Abbé L. Heydet,
qui semblent parler «pro domo».

Désireux de pénétrer au fond de la question je me rendis


un jour (16 Octobre 1909) à l'Ecole biblique de Saint-Etienne —
et priais le R. Père Directeur de vouloir bien me fournir quel-
ques explications au sujet de la publication anglaise relative à
la « saillie caractéristique » de la célèbre dalle d'autel.
Le R. P. Lagrange eut la bonté de m'écouter.
Voici le résumé de sa réponse.
„Les Anglais — fit-il — sont fantasques; ils ont le talent
de voir, de dessiner et de discuter des choses qui n'existent
"
pas.
„Mais — répliquai-je — vous avez vous-même, sur les plans
de la basilique que vous avez publiés aux pages 121 et 131 de
votre «Saint Etienne etc», reproduit l'autel en question avec la
«saillie caractéristique» dessinée et discutée par M. le Professeur
dans la Revue anglaise." —
Hayter-Lewis,
„Impossible! — reprit-il — je vais chercher les plans."

Saint.Etienne.
Mommert, 17
— 258 -

Il se rendit, à la hâte, dans sa cellule et, revint au bout


d'un instant, la brochure « Saint-Etienne etc. » à la main. Il avait
déjà trouvé les plans en question où, en effet, on voit dessiné
l'autel avec la « saillie » (lip) mentionnée par le professeur
anglais. — Mais le R. Père savait, avec un air triomphant, se
tirer d'affaire.
„Les plans de la basilique — fit-il — ont été dressés
par M. Sandel. Il l'a fait d'après l'apparence. Sous l'autel,
du côté de l'est, il y avait «deux petits carreaux de pierre
blanche» qui pouvaient faire naître l'idée d'une «saillie».
Cette explication suffira." —
Je n'osai pas observer que M. l'architecte Sandel a dressé
le plan des ruines et de la reconstruction de la prétendue ba-
silique d'Eudocie, non «une fois», mais «deux fois», et, sur de
diverses échelles; je n'osai pas observer que, dans l'un et dans
l'autre des deux plans, M. Sandel a donné l'échelle en mètres,
ce qui permet d'examiner l'exactitude de son travail; je n'osai
pas dire que les dimensions de l'autel en question concordent
avec celles des autres objets reproduits sur les mêmes plans,
et que tout cela fait présumer que l'architecte les a dressés
non pas « d'après l'apparence», mais bien, comme c'est la règle,
d'après des mesures soigneusement prises; je n'osai pas dire
qu'en matière d'architecture l'oeil de l'architecte voit plus juste
que celui de l'homme de lettres; je n'osai pas répliquer: «mais
vous-même avez déclaré, en 1894, dans votre «Saint Etienne etc.»
(p. 130): que le plan dressé par M. l'architecte Sandel est le
«relevé exact» des lieux», — et: que rien n'a été indiqué sur
le plan qui ne se trouve dans les ruines». Je me permis ce-
pendant de soumettre au R. Père la réflexion suivante:
„Mais pourquoi, au lieu de rectifier l'erreur de M. Hayter-
Lewis, avez-vous gardé le silence? — Qui tacet consentire
videtur!"
„Nous avons gardé le silence, — fit-il — parce que nous
ne savions rien de l'article anglais. En 1894, notre biblio-
thèque était encore très modeste. La Revue anglaise ne s'y
trouvait pas encore." —
„Du reste, nous ne voulions pas faire la querelle aux
Anglais." —
Quoique je ne pouvais comprendre, ni la possibilité: que les
Professeurs de l'Ecole biblique de Saint-Etienne, en 1894, soit
— 259 —

«onze ans» après leur arrivée à Jérusalem, en 1883, ont pu


s'occuper d'archéologie et de topographie palestinienne sans
connaître le périodique le plus grand et le plus indispensable
pour de telles études, — ni l'art de prévoir une « querelle avec
les Anglais» sans avoir connaissance de l'article en question,
— je n'osai plus insister sur ce point.
Je remerciai donc le
R. P. Directeur de sa bienveillance et de ses éclaircissements, et,
sans même attendre le café, je me hâtai de rentrer chez moi
confier à mes manuscrits les précieuses renseignements que je
venais de recueillir.

Dans sa brochure Saint Etienne etc. (1894, p. 136) le P. La-


grange interprétant l'autel trouvé « in situ » comme « pierre in-
férieure de l'ancien autel », écrit:
„Les trois endroits où l'on voit des trous dans cette pierre,
conservent la trace de scellement des colonnes supportant
la table (mensa)."
Examinons donc d'un peu plus près la dalle en question.
D'abord le «nombre» des «trous» en question, puis l'«aspect»
de la dalle montrent qu'il ne s'agit pas ici de « scellement » de
colonnes».
Les trous sont au nombre de trois.
Supposé qu'ils aient servi au « scellement de colonnes de
support de la table, cette table avait été portée par «trois colonnes».
La possibilité d'avoir des tables à trois pieds existe, en effet.
Mais ce n'est pas l'usage pour les tables d'autel des églises
chrétiennes, — et, il n'y a pas d'exemple que jamais on en avait
eu dans la chrétienté.
Il y a plus.
L'aspect de notre dalle elle-même montre qu'il est tout à
fait impossible de se servir des trois trous en question pour le
« scellement de colonnes » destinées à supporter une table.
L'aspect de notre dalle montre qu'elle n'offre point de sur-
face plate et unie, — mais convexe ou bombée.
Si l'on avait voulu y fixer au-dessus de colonnes destinées à
supporter une «table», il aurait fallu d'abord applanir la surface
bombée là où les colonnes de support devaient être scellées. Les
traces d'un tel travail n'existant pas, il est évident que les trous

17*
— 260 —

en question n'ont jamais eu la destination que leur prête le


P. Lagrange.
Selon notre opinion, notre dalle ne représente pas la «pierre
inférieure d'un autel; mais: l'autel lui-même, un «autel de
libation égiptien. »
* *
*

Quant à la «large pierre rougeâtre de forme circulaire»,


trouvée «in situ» tout près, à l'est de la «table d'autel» dont
nous venons de parler, et qui représentait la « base d'un
piédestal», destiné, apparemment, à porter la statue de la divi-
nité à laquelle on faisait les offrandes sur cet « autel de libation
», — elle a été enlevée par les Dominicains, sans que
égyptien
personne sache où elle se trouve aujourd'hui.
M. l'Abbé L. Heydet se souvient encore de l'avoir vue à sa
place primitive, mais: pas plus «in situ». Le Professeur anglais,
lui-aussi, ne l'a pas vue «in situ»: car il a vu sa face supérieure
non seulement, mais aussi la face inférieure. Les Dominicains
la passent complètement sous silence, et, le P. Lagrange ne
l'indique non plus sur les plans des fouilles publiés dans son
«Saint Etienne» etc. (p. 12 et 131). Quand j'osai lui en demander
des nouvelles, le 16 Octobre 1909, il me répondit «qu'il n'en
savait rien».
La seule nouvelle que j'ai réussi en avoir est: que les Do-
minicains l'ont jettée dans les fondements de leur nouvelle basi-
lique, après l'avoir travaillée. C'est ainsi qu'elle paie maintenant
sa faute d'avoir porté le piédestal d'une divinité païenne.
En résumé, il nous paraît hors de doute que l'autel en
question avec la «large pierre circulaire», représentant la «base
d'un piédestal » appartenaient, tous les deux, à un ancien temple
païen ou à une niche sacrée à une divinité païenne protectrice
d'un établissement de bains romain de l'époque de l'empereur
Hadrien, — et, il nous semble que ce fut la statue de «Set» qu'on
y a vénéré. C'est pour quoi cette pierre devait disparaître.

L'empereur Hadrien ayant construit, sur les ruines de l'an-


cienne Jérusalem, son Aelia, en fit une ville païenne. Parmi les
dieux protecteurs de l'empereur il se trouvait Set, divinité égyp-
tienne. Et, M. le Professeur Hayter-Lewis a, en effet, constaté
— 261 —

que: l'autel trouvé «in situ» par les FF. Prêcheurs, sur l'empla-
cement de leur «véritable basilique d'Eudocie», soit sur l'ancien
abattoir de la municipalité de Jérusalem, est tout à fait semblable
aux autels de Set dont il a vu plusieurs exemplaires au Musée
du Caire et dans d'autres musées.
Puis: sur le même champ des fouilles on a mis à jour
des « chapiteaux de style égyptien » et surtout « un fragment
de stèle avec l'image de *Set» accompagné d'une inscription
hiéroglyphique » dont nous parlerons plus bas.
Il nous paraît donc permis de présumer que l'autel en
question a été consacré à «Set».
Plus encore: les résultats des fouilles qui nous occupent,
surtout les canaux, conduits et réservoirs d'eau et d'autres
détails, ont, dès le commencement éveillé l'idée qu'on se trouvait
en présence des ruines d'un ancien établissement de bains.
En effet, le « Chronicon paschale seu alexandrinum » raconte
que Hadrien bâtit dans son Aelia « deux thermes » (exzioe zà ôvo
ôiyuôoia), et, plusieurs indices portent à croire que, comme l'un
de ces deux se trouvait en dehors de la ville, du côté du sud
(Fouilles des Augustins de l'Assomption sui* la pente orientale
du mont Sion), — l'autre était situé, très probablement, au côté
opposé de la ville, en face de la porte de Damas, justement
sur l'emplacement des fouilles de l'Ecole biblique de Saint-
Etienne.
Les anciens aqueducs du sud et du nord, existant, en partie,
encore aujourd'hui (El-biréh à la piscine des Soeurs de Sion),
avaient certainement décidé le choix des emplacements.
Les nombreux conduits d'eau qui, d'après M. le Docteur
Schick (Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins, Leipzig,
1888, p. 252, cfr. Tafel III) et d'autres auteurs, sillonnaient le
champ des fouilles dominicaines; l'hypocauste, trouvé au centre
de ces fouilles, et, présenté bravement par le P. Lagrange (Saint
Etienne etc., p. 129) comme «tombeau d'Eudocie et de sa petite-
fille»; les piscines taillées dans le roc, en somme nombre de
faits, accusent sur le champ de fouilles de l'Ecole biblique de
Saint-Etienne un < ancien établissement de bains » qu'on peut
même préciser en disant: «bains romains».
Le nom de Hadrien y est mêlé par deux inscriptions ro-
maines de proportions monumentales, trouvées à l'ouest et en
face de l'emplacement de l'Ecole biblique de Saint-Etienne à
— 262 —

Jérusalem. M. Clermont-Ganneau les a reproduites et interprétées


dans l'« Académie des Inscriptions et Belles-Lettres» (Compte
rendu de l'an 1903, p. 486 sequ.) sous les N° 10 et 11.
La première porte sur quatre lignes, d'après les restitutions
faites par M. Clermont-Ganneau:
Imp(eratori) Cae(sari, divi Trajani)
Parthic(i) f(ilio), divi Nervae nep(oti)
Trajano (Hadriano Augusto)
pont(ifici) ma[x(imo) tr(ibuniciae) pot(estatis) . . ., co(n)s(uli)
. . . p(atri) p(atriae)].
M. Clermont-Ganneau ajoute (1. c. p. 488):
„On est bien tenté de la rapporter à la fondation d'Aelia
Capitolina par l'empereur Hadrien, après la répression de
l'insurrection juive de Barcochebas. Il est infiniment regret-
table que la mutilation qu'elle a subie, ne nous permet pas
de déterminer par qui, et peut-être même à quelle occasion
elle a été faite. Notre curiosité sur ce point serait à peu
près satisfaite si l'on pouvait considérer le second fragment
comme faisant partie de la même inscription." —
La lecture de ce second fragment 1 est très incertaine.
M. Clermont-Ganneau propose (I. c. p. 490) la suivante:
. . . [imjperatori . . . [optijmo ... [et conj(ugi) at]q(ue)
lib(eris) ejus, [vex(illationes) legionum (Decimae) Fr(etensis) et
(secundae) [Trajanae Fortis et] (duodecimae) Fulm(inatae).
Notre auteur ajoute (1. c. p. 491):
„Le plus probable est donc que nous avons affaire ici
à une dédicace distincte de la prédedente, en l'honneur de
quelque autre empereur. Cet empereur, d'ailleurs, ne doit pas
être chronologiquement bien loin de Hadrien . . . elles peuvent
avoir appartenu à quelque édifice grandiose de la Jérusalem
nouvelle fondée sous le nom d'Aelia Capitolina ... Je dois
faire remarquer, toutefois, qu'au dire des personnes qui ont
vu les blocs (portant ces inscriptions) au moment de la dé-
couverte, ces blocs semblaient être « in situ » et en relation
avec le grand pavement en mosaïque adjacent. En tout cas,
l'existence, à côté d'une dédicace à Hadrien, d'une autre dé-
dicace à Antonin serait d'autant moins pour nous surprendre
que nous connaissons déjà depuis longtemps une dédicace
romaine à ce dernier empereur, de proportions plus modestes,
— 263 -

il est vrai, encastrée après coup dans le mur sud de Jéru-


salem." —

Quoiqu'il en soit, abstraction faite de ces inscriptions trou-


vées tout près et en face de l'emplacement des fouilles de
l'Ecole biblique de Saint-Etienne; abstraction faite de l'établisse-
ment de bains présumé sur cet emplacement: l'autel paien trouvé
«in situ», avec la base du piédestal, qui portait la statue ou
l'image de la divinité païenne, en face, montre clairement que
l'on se trouve sur l'emplacement d'un établissement païen, non
pas sur celui d'une église chrétienne!

X. Un fragment de stèle avec l'image de Set accompagnée


d'une inscription hiéroglyphique.
Une autre découverte fort intéressante faite sur le champ
des fouilles des FF. Prêcheurs au Nord de Jérusalem fut celle
d'un «fragment de stèle avec l'image de Set accompagnée
d'une inscription hiéroglyphique», dont le R. P. V. Scheil, des
Fr. Pr., nous a laissé la description suivante (Revue biblique,
1892, p. 116—117):
..Trouver des documents palestiniens cunéiformes en
Egypte a pour pendant de trouver des documents égyptiens
en Palestine. C'est ce qui arriva au R. P. Lagrange, qui re-
cueillit, dans les débris des fouilles de la basilique de Saint-
Etienne, un fragment de pierre en beau calcaire de Jérusalem
couvert d'hiéroglyphes . . . Cela est d'autant moins étonnant
dans le cas particulier, que le P. Lagrange a mis à jour, au
même endroit, des «chapiteaux de style égyptien» (loti-
forme)."
„ Le fragment de Saint-Etienne faisait partie d'une stèle
funéraire. On y distingue très bien plusieurs fleurs de lotus,
enfilées l'une dans l'autre, à la manière des bouquets égyp-
tiens. Elles sont placées devant une image du dieu Set."
„ L'oreille du dieu est sous le dernier signe de la colonne
du milieu. Le museau s'avance sous la première colonne. Le
cou et l'épaule de gauche sont nettement perceptibles ....
Au-dessus de l'image de Set se trouve une inscription hiéro-
— 264 —

glyphique écrite sur trois colonnes perpendiculaires, de 2 cen-


timètres de largeur chacune et mutilées par le haut."
„Avec les restitutions suggérées par des textes analogues,
on établit le sens de la prière suivante:
. ... la force, la vieillesse d'(Osiris)
.... à l'occident du ciel
. ... au défunct N. Juste de voix!"
Apparement, il ne s'agit pas ici d'un monument chrétien.

XI. Des chapiteaux de colonne dont quelques uns de style


égyptien.
Dans son «Saint Etienne etc.» (p. 133) le R. P. Lagrange
mentionne plusieurs « chapiteaux et têtes de pilastre » trouvés à
l'occasion des fouilles. Il y dit (1. c. p. 133):
„Les chapiteaux et têtes de pilastre sont en général de
l'ordre corinthien: l'un d'eux porte une croix gravée parmi
les feuilles d'acanthe."
„ Un autre chapiteau semble une interprétation des
chapiteaux des fameuses colonnes du temple de Salcmon." --

Pourquoi notre auteur, en traitant cette question, n'a-t-il pas


également mentionné les « chapiteaux de style égyptien » trouvés
à l'occasion de mêmes fouilles? — Pourquoi n'en donne-t-il pas,
dans son «Saint Etienne etc.», le dessin comme il l'a fait des
autres chapiteaux (1. c. p. 132, 133, 135)?
Désirant savoir ce qu'étaient devenus ces chapiteaux de
style égyptien, je m'adressai au R. P. Lagrange lui-même, le
16 octobre 1909, lors de ma visite à Saint-Etienne.
Le R. P. Directeur me répondit: qu'il ne savait rien de
chapiteaux de style égyptien, et, qu'il n'avait jamais vu d'autres
que celles qui se trouvent reproduits dans sa brochure.
Apparemment, dans ce moment, il ne se rappelait pas que,
dans sa Revue biblique (1892, p. 116—117), il avait publié l'ar-
ticle signé par le R. P. Scheil qui affirme: que ce fut le R. P. La-
grange lui-même qui a trouvé les « chapiteaux de style égyp-
tien » comme nous venons de voir quelques lignes plus haut.
Tout commentaire est inutile. Mais apparemment, ici encore
on ne trouvera point de témoin qu'il y avait jadis, sur cet em-
— 265 —

placement, une église chrétienne appartenante au Ve siècle de


notre ère.
* *
*

XII. Un soi-disant reliquiaire en pierre.


Parmi les différents objets trouvés sur le champ des fouilles
des FF. Prêcheurs de l'Ecole biblique de Saint-Etienne à Jéru-
salem, et qu'on exposa dans la suite sous les arcades de l'atrium
du nouveau sanctuaire, on remarque un soi-disant « reliquiaire
en pierre».
Le P. Lagrange me le montra lui-même (16 octobre 1909) en
ajoutant: que certaines gens le prenaient pour un autel d'of-
frande païen.
Chose curieuse! A « serâblt-el-hadem », sur la péninsule du
Sinaï, M. Flinders Pétrie (Researches in Sinaï. London, 1906.
p. 64) a trouvé un « autel d'offrande » avec une « stèle », tous
les deux «in situ». Il en publie la photographie dans cet ouvrage
sous N° 80, et M. Gressmann (Altorientalische Texte und Bilder
zum Alten Testament, Tùbingen, éd. Moler, 1909) reproduit cette
photographie (II, 7) sous N° 8 avec la légende: „Grabstele mit
Libationsaltar auf dem Sinaï."
M. Gressmann l'interprète comme « stèle funèbre », mais il
ajoute que l'interprétation en est encore incertaine. La stèle en
question contient une « formule d'offrande avec prière à Hathor,
maîtresse de la malachite», à laquelle on recommande deux
Egyptiens dont l'inscription contient les noms.
Devant cette stèle il se trouve par terre une plaque de
pierre représentant un autel d'offrande avec deux cavités carrées,
tout à fait semblable au prétendu «reliquiaire en pierre» de
l'Ecole biblique Saint-Etienne à Jérusalem, — et, il n'y a pas
de doute que celui-ci aussi n'est qu'un «autel d'offrande païen».
Tout bien considéré, il paraît certain : que notre prétendu
« reliquiaire en pierre » ne prouve — ni l'authenticité de la
«véritable basilique d'Eudocie», — ni la lapidation de saint
Etienne au nord de Jérusalem — ni la présence d'une église
chrétienne du Ve siècle sur cet emplacement.
— 266 —

XIII. Deux moules pour la sainte Eucharistie.


„Mais, — nous fera-t-on — vous oubliez de parler du
témoin le plus important et le plus compétent de l'authen-
ticité de la «véritable basilique d'Eudocie» des FF. Prêcheurs!" —
Nous y voilà!
Nous reproduissons d'abord ce que le P. Lagrange en écrit
dans son Saint Etienne etc. (1894, p. 135):
„ Comme intérêt religieux, rien ne surpasse deux pierres
taillées en forme de tampon: ce sont deux moules pour la
sainte Eucharistie. L'un est conforme au rite grec, l'autre au
rite syrien. Au congrès eucharistique de Jérusalem, ils ont
été reconnus sans difficulté par les évêques de ces rites pour
conformes à leurs usages actuels." —
Le R. P. Directeur de l'Ecole biblique n'insiste pas davantage
sur cette trouvaille. Il ne mentionne pas même l'endroit où ces
deux pierres taillées ont été trouvées, ni l'époque à laquelle
elles appartiennent: il se contente de dire: qu'au Congrès Eucha-
ristique à Jérusalem (en 1888), les évêques du rite grec et syrien
les ont reconnues « pour être conformes à leurs usages actuels».
Nous nous croyons donc autorisés de suivre son exemple,
et, de nous contenter de dire que les deux pierres taillées en
question ne prouvent rien pour l'authenticité de la soi-disant
«véritable basilique d'Eudocie» des FF. Prêcheurs; elles n'attestent
pas même qu'à l'endroit où on les a trouvées, il y avait jamais
une église: la possibilité existe qu'elles y ont été apportées
d'ailleurs.
* *
*

Nous voilà donc à la fin du chapitre des fouilles de la soi-


disant «véritable basilique d'Eudocie». La série des «monu-
ments» que nous venons de discuter, prouve-t-elle l'authenticité
du nouveau sanctuaire? — Prouve-t-elle la thèse de la lapida-
tion de saint Etienne au Nord de Jérusalem? — Prouve-t-elle
l'existence d'une église chrétienne du Ve siècle sur cet empla-
cement?
La réponse est négative pour l'authenticité du nouveau
sanctuaire, — négative pour la lapidation au Nord, — néga-
tive pour l'église du Ve siècle du P. Lagrange.
Chapitre treizième.

Le nouveau sanctuaire de Saint-Etienne des


Dominicains.

Plus haut, au chapitre IXe, nous avons vu que les FF. Prê-
cheurs, en achetant les ruines de la «petite église» du cor-
donnier grec, ont été victimes d'une grosse erreur; nous avons
vu (chap. XII) qu'ils n'ont pas mieux réussi en achetant un
terrain, contigu à l'Est, qu'on leur offrit sous la dénomination
de «ruines de la véritable basilique d'Eudocie; ils réussirent
cependant à élever, sur ce dernier emplacement, un beau cou-
vent et une très belle église en l'honneur de saint Etienne.
La première pierre de ce nouveau sanctuaire fut posée le
Mardi 10 Décembre 1895. La consécration solennelle eut lieu le
Dimanche 13 Mai 1900. Sa Béatitude le Patriarche de Jérusalem,
Mgr Piavi, devait présider la cérémonie assisté de Mgr Duval,
archevêque de Pétra et délégué de Syrie, et de Mgr Appodia,
évêque de Capitolias et coadjuteur de son Excellence le Pa-
triarche. Mais une longue et pénible indisposition ne permettant
pas à Mgr le Patriarche d'exécuter une fonction aussi laborieuse,
Mgr Duval et Mgr Appodia s'en partagèrent les offices.
Maintenant nous entrons dans la discussion de la question:
« L'église actuelle avec son cloître occupe-t-elle exactement
l'emplacement réclamé par le P. Lagrange pour celui des ruines
de sa « véritable basilique d'Eudocie » ?
Nous avons montré au chapitre précèdent (XIIe) que les
« éléments » qui ont permis à M. l'architecte Sandel de dresser
son « plan des ruines de la basilique d'Eudocie » ne prouvent
pas ce qu'ils devaient prouver: l'authenticité de la soi-disant
« véritable basilique d'Eudocie » des FF. Prêcheurs.
— 268 —

Ces «éléments» ne prouvent même pas: qu'il s'y trouvât


jadis une « église chrétienne ».
En examinant le plan de ces ruines publié par le P. La-
grange dans son «Saint Etienne etc.» (p. 131) et reproduit ici
comme planche VIIe (p. 243), on remarque que ce plan ne répond
pas assez fidèlement au rapport des fouilles fait parle P. Lagrange
lui-même, dans l'ouvrage cité (Saint Etienne etc., 1894, p. 105
à 138). D'un côté il supprime des trouvailles mentionnées dans
ce rapport, de l'autre côté il repoduit des objets dont le rapport
ne dit rien.
Le plan en question supprime les « deux degrés de marbre
rougeâtre» trouvés «in situ» au Nord du choeur présumé, —
tandis que le N° 9. indique un «seuil présumé du choeur» que
le rapport des fouilles ne mentionne pas.
De plus, le plan représente N° 11, un «rocher taillé mar-
quant la fin de l'abside et des murs» qui suit, non seulement le
côté Nord-Est et le côté Sud-Est des deux nefs latérales, mais
aussi tout le côté de l'abside de la nef centrale, c'est-à-dire:
l'« abside semi-circulaire à l'intérieur et de forme polygonale à
l'extérieur» que le P. Lagrange décrit (Saint Etienne etc., 1894,
p. 109) comme étant un «enduit épais et solide . . . soutenu

par l'amoncellement de terre qui s'était formé autour»,
tandis que M. l'architecte Schick (Zeitschrift des Deutschen
Palâstina-Vereins, Leipzig, 1888, p. 254) y constate un « enduit
de chaux et de ciment soutenu par une paroi construite de
pierres ».
Apparemment M. Saudel, en dressant ce plan sur les ordres
des FF. Prêcheurs, s'est moqué des prétentions d'authenticité
des ruines qu'il se voyait obligé de faire entrer dans le cadre
d'une basilique chrétienne de l'époque byzantine. Cela n'empêche
cependant pas le P. Lagrange de confirmer, de son autorité de
Directeur de l'Ecole biblique, les erreurs émises par le plan en
question, et, d'écrire (Saint Etienne etc., 1894, p. 130): « Rien
n'a été indiqué sur ce plan qui ne se trouve dans les ruines,
le plan n'est pas une restauration, c'est le relevé exact des
lieux», et, en 1910, dans la petite brochure citée plus haut (p. 9):
«L'église actuelle avec son cloître est bâtie exactement sur
l'emplacement d'une église et d'un cloître du Ve siècle».
Par malheur, en écrivant ces derniers mots, le P. Lagrange
avait oublié qu'il avait écrit, deux ans auparavant, dans son
— 269 —

article « Le sanctuaire de la lapidation de saint Etienne à Jéru-


salem» (Revue de l'Orient chrétien, 1908, p. 13—14; edit. en
brochure p. 26):
„Le R. P. Vailhé me rappelle que j'ai dit (Rev. biblique,
1906, p. 301), «Les fouilles exécutées avec soin et relevées
par un homme du métier, n'ont permis de constater aucune
dualité dans l'édifice, sauf l'addition de la «petite église»
de beaucoup postérieure». — Mais d'abord il serait exagéré
de conclure que «les fouilles s'inscrivent en faux» contre
la supposition de deux églises, parce que ce serait trans-
former un argument négatif en preuve positive. Nous n'avons
pas non plus retrouvé le couvent dont Gabrielos était hi-
avant même la dédicace de l'église." —
goumène,
Dans ces circonstances, il devait être difficile de bâtir le
nouveau sanctuaire avec son cloître «exactement» sur l'em-
placement d'une église et d'un cloître du Ve siècle, et cela à
plus forte raison, parce qu'à l'occasion de la construction de la
nouvelle église, on s'occupa très peu des « éléments » qui avaient
permis à M. l'architecte Sandel de dresser le « Plan des Ruines
de la soi-disant basilique d'Eudocie».
Il n'y a donc pas de doute que le R. P. Lagrange, en écrivant
(brochure du 5 Jan. 1910, p. 9): «L'église actuelle avec son
cloître est bâtie exactement sur l'emplacement d'une église et
d'un cloître du Ve siècle», lui-aussi, s'est moqué des prétentions
d'authenticité du nouveau sanctuaire de Saint-Etienne au Nord
de Jérusalem, et, de la crédulité du monde qui veut être trompé.

Le «grand trou» du R. P. Lagrange.


Immédiatement après les mots: «Rien n'a été indiqué sur
le plan qui ne se trouve dans les ruines; le plan n'est pas
une restauration, c'est le relevé exact des lieux», le P. La-
grange ajoute (Saint Etienne etc., 1894, p. 130):
„ Le trou carré figure dans son état actuel. On a vu dans
le récit des fouilles qu'il y avait là probablement une « con-
fession » : un texte de Théodoric, pèlerin du XIIe siècle, con-
firme cette hypothèse: «Il y a, au milieu de l'église elle-même
(de saint Etienne, premier martyr), un lieu élevé avec des dégrés,
entouré d'une barrière de fer, et, au milieu de cette enceinte,
— 270 —

un autel vénérable et un «grand trou», où fut le lieu de sa


lapidation et où s'ouvrirent les deux»." —
En note sous texte (1. c. p. 132) le P. Lagrange reproduit le
texte latin de ce passage d'après l'édition de M. Tobler (Theo-
dorici libellus de locis sanctis, editus circa A. D. 1172, S. Gallen,
1865, p. 65), — mais, si l'on y regarde de plus près et si on le
compare avec l'édition citée, on remarque que la reproduction du
P. Lagrange n'est pas exacte. L'édition de M. Tobler (S. Gallen,
1865) porte: «a/tare venerandum et cavum», tandis que le
P. Lagrange reproduit: altare venerandum et magnum cavum
(un grand trou)» (voir chap. VIIIe).
Vu l'intention d'en tirer profit pour sa thèse, cette altéra-
tion du texte en question pourrait être qualifiée de «falsifica-
tion». Il nous est cependant pénible de croire à une falsification
intentionelle. Admettons plutôt une distraction de la part de
l'auteur. Les hommes les plus honnêtes se trompent facilement
en parlant «pro domo».

Pire encore, citant le passage de Théodoric comme expli-


cation de son «Plan des Ruines de la basilique d'Eudocie», le
P. Lagrange, fait croire à ses lecteurs: que ce fut dans la «basi-
lique d'Eudocie» que Théodoric entra vers l'an 1172, et, que ce
fut là qu'il vit ce «lieu élevé avec des degrés, entouré d'une
barrière de fer, et, au milieu de cette enceinte, un autel vé-
nérable et un «grand trou». Mais il est certain qu'en 1172,
cette basilique n'existait plus, et, que ce fut, très probablement,
dans la «petite église», dans F« oratoire des Croisés», que les
Occidentaux, du temps des Croisades, vénérèrent le souvenir de
la lapidation de saint Etienne.
Au milieu de cette «petite église», en effet, les fouilles ont
mis à jour «un lieu élevé avec des degrés» qui, du temps de
Théodoric, vers l'an 1172, pouvait être «entouré d'une barrière
de fer», et montrer, « au milieu de cette enceinte, un autel
vénérable (où fut le lieu présumé de la lapidation) et un «trou»
(dans le toit) par où on pouvait regarder le ciel, qui s'ouvrit à
l'occasion de cette lapidation.
Ce qui nous porte à croire que le trou en question se
trouvait non pas dans le pavé, où le P. Lagrange le cherche,
mais bien dans le toit, c'est le fait connu de tout le monde:
— 271 —

qu'on avait laissé jadis < sans toit » la coupole de la Rotonde


de l'église de la Résurrection et celle de l'Ascension de N.-Seig-
neur sur le mont des Oliviers, — tandis qu'il n'existe pas
d'exemple que, pour rappeler une ouverture miraculeuse du ciel,
on ait pratiqué un « trou dans le pavé » d'une église.
Il est donc fort à regretter que les ruines de cette intéres-
sante «petite église » aient disparu, arrachées non pas par les
Perses ou d'autres barbares, mais par les PP. Dominicains,
Professeurs de l'Ecole biblique de Saint-Etienne à Jérusalem
dont le R. P. Lagrange est le Directeur.
Naturellement, le «grand trou» du P. Lagrange ne prouve,
ni l'authenticité de sa «véritable basilique d'Eudocie», ni celle
de son «nouveau sanctuaire». Au contraire, pour ceux qui
sont au courant de notre question, ce «grand trou», lui-seul,
suffirait pour ensevelir l'authenticité du sanctuaire de Saint-
Etienne du Nord de Jérusalem, sans fifre ni flûte.
*
Pour juger de la valeur du « Plan des Ruines de la soi-
disant basilique d'Eudocie» comme argument en faveur de
l'authenticité du nouveau sanctuaire Saint-Etienne, il faut le
confronter avec le plan des mêmes ruines dressé par M. C. Schick
(Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins, Leipzig, 1888, pi. III),
reproduit plus haut (chap. XII, pi. X); avec le «Plan de la basi-
lique projettée» dressé par M. Boutaud (notre pi. VIII); — et
enfin, avec la «Vue photographique des Ruines du sanctuaire
Saint-Etienne» (notre PL XIe p. 251).
PlancheVin.

Plan de la basiliqueprojettéedresséd'après les ruines,par M. Boutaud,architecte.


(«Saint Etienne etc.» p. 143)
— 272 -

Cette comparaison montre que les «monuments» invoqués


par le P. Lagrange comme « témoins » en faveur de l'authen-
ticité de sa «véritable basilique d'Eudocie», se contredisent l'un
l'autre. Ces « monuments » ne prouvent donc rien.
C'est, nous semble-t-il, sous l'impression de cette situation
que le P. Lagrange a commencé à sonner la retraite, en écrivant
(Revue biblique, 1904, p. 467):
«Il est vraisemblable (sic!) que saint Etienne a été lapidé
au lieu ordinaire des exécutions, et il est fort possible (sic!)
qu'un lieu semblable ait été reconnu au Ve siècle . . . Aussi
bien sommes-nous loin de prétendre une certitude absolue
(sic!)». —
Il semble que la seule préoccupation qui a dirigé le choix
des lignes de la nouvelle construction aît été: de faire dispa-
raître les prétendus « éléments » qui, étudiés avec soin, pouvaient
compromettre l'authenticité du nouveau sanctuaire.
Au lieu de donner à cette construction la longueur de
36 mètres, trouvée par M. l'architecte Boutard, ou celle de 37
à 38 mètres constatée par MM. Schick et Sandel, on lui donna
la longueur de 40 mètres.
C'est ainsi que les FF. Prêcheurs réussirent à faire entrer
{'«abside» de la «petite église» dans Y«atrium» de leur nou-
velle construction, ce qui leur fournissait un prétexte de faire
disparaître les ruines si intéressantes de la «petite église».
Puis, en donnant au nouveau sanctuaire la longueur de
40 mètres, la «façade» de ce sanctuaire passait par la soi-
disant «crypte sépulcrale des deux Eudocie». Cela augmenta
les frais de la construction: mais, ainsi on réussit à faire dis-
paraître ce témoin redoutable qui rappelait l'idée d'un «ancien
établissement de bains».
Enfin, en donnant au nouveau sanctuaire la longueur de
40 mètres, les FF. Prêcheurs trouvaient un prétexte d'arracher
le « seuil de porte» trouvé «in situ» qu'on avait fait passer
comme «seuil d'une église du Ve siècle», et, ainsi on évita le
danger qu'un beau jour, ce seuil, étudié par des archéologues,
rendit témoignage contre la thèse de l'authenticité du nouveau
sanctuaire dominicain.
Quant aux « deux degrés de marbre rougeâtre > qui iso-
laient le « choeur » présumé du côté du nord, trouvés également
— 273 —

« in situ », on en arracha la marche supérieure montrant les


rainures destinées à porter le « chancel » du choeur. —
Quant à la « dalle de marbre blanc » qui, d'après le P. La-
grange représentait la «pierre qui supportait l'autel du sanc-
tuaire, tandis que, d'après M. le Professeur Hayter-Lewis, elle
représente un «autel de libation égyptien», trouvée elle-aussi,
« in situ», les FF. Prêcheurs l'arrachèrent, parce que, disent-ils,
elle se trouvait à un niveau inférieur à celui du choeur moderne.
Le «grand trou» du P. Lagrange, réclamé par cet auteur
(Saint Etienne etc., 1894. p. 108) pour la «confession de saint
Etienne », et dessiné sur le « Plan des ruines de la basilique
d'Eudocie» (1. c. p. 131) N° 14, avec la légende «ancienne crypte
présumée» (de saint Etienne), ce trou fut plus de la moitié

Planche TX.

Plan de la basiliqueactuelledes FF. Prècheurs'au Nord de Jérusalem.


Dessiné par le P. MauritiusGiessler,O. S. B.

comblé, rajeuni et, dans son orientation, adapté à la nouvelle


construction où on lui assigna, en effet, le rôle de « confession
de saint Etienne».
Ainsi, à l'occasion de la soi-disant «reconstruction» de la
prétendue «basilique d'Eudocie», la plupart des «éléments»

SaintEtienne.
Nommert, 18
- 274 -

qui avaient permis à M. l'architecte Sandel à dresser son « Plan


des Ruines de la basilique » furent éliminés.
D'autre côté, on y ajouta des éléments dont les rapports
des fouilles ne disent rien.
Tout en réclamant pour l'ancienne basilique une seule ab-
side, et en disant d'avoir trouvé les deux nefs latérales de cette
basilique sans absides: aboutissant à l'est par un mur droit,
— on donna au nouveau sanctuaire trois absides comme le
montre notre planche N° IX.
Les deux absides latérales ont été ajoutées, dit-on, pour
assimiler ce sanctuaire à une ancienne église de Saint Etienne
bâtie, d'après Grisar (Geschichte Roms und der Papste im
Mittelalter, Freiburg, 1901, I, p. 331), vers l'an 468—483, à Rome,
près de la basilique de saint Laurent hors-des-murs.
Quoiqu'il en soit, nous en concluons:
1° que les FF. Prêcheurs ont cessé de faire grand cas des
soi-disant «monuments» trouvés sur leur terrain en 1882—1895;
2° que Y«église actuelle» n'occupe pas exactement l'em-
placement réclamé par le P. Lagrange pour celui à'«une église
du Ve siècle ».

Mais, peut-être, que le «cloître» de la nouvelle église Saint-


Etienne occupe «exactement l'emplacement d'un cloître du Ve
siècle»?
Le récit des fouilles du P. Lagrange (Saint Etienne etc., 1894,
p. 105—138) ne mentionne aucunement qu'on ait découvert les
restes d'un « ancien cloître », — et, jamais personne l'a affirmé.
Comment a-t-on pu alors, à l'occasion de la nouvelle bâtisse,
en suivre les traces?
Mais, il y a plus encore. On peut constater que la moitié
nord-ouest du cloître actuel occupe justement la place du
choeur de la «petite église» qu'on fut obligé de raser pour y
installer ce cloître.
Tout cela se passait sous les yeux du P. Lagrange qui
assista, non seulement aux fouilles, mais aussi au rasement de
la « petite église » et, à l'érection du « cloître » actuel sur l'em-
placement du choeur de celle-ci. Ce ne fut donc, apparemment,
que par distraction que le P. Lagrange écrivit, en 1910, dans
sa petite brochure de 9 pages (I. c. p. 9):
— 275 —

«L'église actuelle avec son cloître est bâtie exactement


sur l'emplacement d'une église et d'un cloître du Ve siècle». —
Quant à nous, il nous semble que la victoire remportée de
cette façon ressemble à la victoire qui faisait dire à Pyrrhus:
« Encore une telle victoire, et nous sommes perdus » ! —
* ** *
C'est en vain que le R. P. Adolf Dunkel de YHospice alle-
mand de Saint-Paul à Jérusalem court à l'aide des FF. Prêcheurs
de l'Ecole biblique de Saint-Etienne en écrivant, dans la revue
allemande «Das heilige Land» (Cologne, 1908, p. 118—120):
,,La nouvelle église de Saint-Etienne s'élève au même endroit
qu'occupait jadis la basilique d'Eudocie (? ! ?). La circonstance
qu'on a retrouvé les fondements de l'ancienne basilique (?!?)
a permis de donner à la nouvelle construction les mêmes
dimensions (Da man die alten Fundamente noch auffand, war
es leicht, der neuen Kirche die nâmliche Grôfie zu geben) . . .
On y entre par trois portes pratiquées dans la façade qui re-
garde l'ouest. La porte de gauche (nord) occupe, aujourd'hui
encore, la même place qu'elle occupait dans la basilique
d'Eudocie, dont elle faisait partie (Es sei auf merksam gemacht,
dafi die Turschwelle links, aus der Basilika der Eudokia stam-
mend, an dieser Stelle gefunden wurde) . . . Les dégrés infé-
rieurs de droite et de gauche, par lesquels on monte au choeut
(Presbyterium), ayant fait partie de l'ancienne basilique, se
trouvent encore « in situ » ... Le seuil de gauche par lequel
on entre dans la sacristie, et celui de droite, eux-aussl, fai-
saient partie de l'ancienne basilique, mais l'un ne se trouve
plus à sa place (nur liegt eine derselben [Tùrschwellen] nicht
mehr an der alten Stelle)." —
On se demanderait comment le P. Dunkel a pu risquer
ainsi sa renommée de savant, si l'on ne savait pas que l'« Hospice
allemand Saint-Paul » est voisin du sanctuaire Saint-Etienne des
Dominicains, et — que les Religieux allemands aspirent à l'hon-
neur de se trouver sur la «place de saint Paul gardant les
habits des témoins ».
L'authenticité du sanctuaire Saint-Etienne des Dominicains
entraîne celle d'un sanctuaire à ériger en l'honneur de saint
Paul sur le terrain de P«Hospice allemand».
Voici la clef du mystère!

18*
- 276 -

L'examen attentif des « monuments » et des « documents »


invoqués par le P. Lagrange, dans les articles publiés par lui
pour la cause de l'authenticité du sanctuaire Saint-Etienne au
Nord de Jérusalem, démontre que ses arguments ne concluent pas.
Le R. Père nous permettra donc de ne pas partager son opinion,
mais de suivre la tradition constante qui montre le «lieu delà
lapidation de saint Etienne» dans la vallée du Cédron (Josaphat).
Le P. Lagrange, lui-aussi, s'y montre tout disposé.
Déjà en 1904, connaissant, mieux que tout autre, le faible
de la cause que, bon gré mal gré, il s'est vu obligé de défendre,
il a protesté de sa probité et de sa loyauté litéraire en écrivant
dans sa «Revue biblique» (1904, p. 165):
« Nous tenons avant tout à notre réputation de travailleurs
honnêtes . . . Nous apprécions à sa valeur l'honneur de con-
tribuer au culte du premier martyr au lieu même de son sup-
plice, mais nous y renoncerions volontiers, si notre probité
était le moins du monde en jeu ». —
Espérons que le R. Père se souviendra de ces paroles —
et qu'il en tiendra comte!
Chapitre quatorzième.

Résumé des résultats obtenus dans cette étude.


I. Le P. Lagrange, dans son «Saint Etienne etc.» (p. 139),
établit l'authenticité du sanctuaire de Saint-Etienne des FF. Prê-
cheurs au Nord de la ville de Jérusalem sur la vérité des deux
propositions suivantes:
« 1° l'église d'Eudocie était bâtie au lieu de la lapidation,
voilà ce qu'affirment les documents (textes);
2° les ruines en question sont celles de la basilique
d'Eudocie, voilà ce qu'affirment les monuments (fouilles) et les
documents (textes) ».
Dans les chapitres précédents nous avons passé en revue,
d'abord, tous les «documents» (textes) réclamés par notre
contradicteur en faveur de sa cause; puis, nous avons examiné
ses «monuments», c'est-à-dire les résultas des fouilles en
question.
Quant aux « documents » (textes) nous avons constaté qu'ils
ne prouvent pas ce qu'ils devaient prouver. Aussi, le P. Lagrange
y renonce-t-il depuis 1910, et, de tout les arguments de son
arsenal de « documents » entassés dans ses travaux relatifs à
notre question depuis 1894, il ne maintient plus aucun. Ce sont,
depuis 1910, les seuls «monuments» (fouilles) sur lesquels il
base sa thèse.
„Nos arguments" — dit-il (brochure de 1910, p. 9) — les
voici, ou plutôt il n'y en a qu'«un» que je crois solide:
«L'église actuelle avec son cloître est bâtie exactement
sur /emplacement d'une église et d'un cloître du Ve siècle »." —
Cet argument est-il vraiment solide?
L'église actuelle avec son cloître (atrium) est-elle, en effet,
- 278 —

bâtie exactement sur l'emplacement d'une « église et d'un cloître


du Ve siècle»?
Les fouilles faites sur le terrain en question ne nous en
ont apporté aucune preuve en faveur de la thèse du P. Lagrange.
Au contraire, les résultats de ces fouilles, examinés avec tout
le soin possible, dans les chapitres précédents (XIe et XIIe),
nous ont montré qu'encore cette fois notre contradicteur s'est
abîmé dans l'erreur la plus grosse.

II. Abordons, d'abord, la question du «cloître».


Il est bien vrai, le P. Lagrange dit dans son «Saint Etienne etc.»
(p. 124 sequ.):
„ L'atrium. Il est carré et mesure 26 m 50 de côté. Il
était soigneusement dallé. Sur les bords, le pavé est plus
élevé de 0 m 10 sur une largeur de 3 m 25, ce qui indique
que les côtés étaient occupés par un portique. Cette vérifi-
cation ne peut d'ailleurs se faire qu'à l'est et au nord». —
Le « cloître » (atrium) actuel occupe, en effet, un carré de
26 m 50 de côté: mais en applicant le plan de l'église et du
cloître actuel au plan du terrain des fouilles (voir notre PI. XII),
on trouve que l'angle nord-ouest du cloître actuel entre (10 mètres,
à-peu-près, dans l'emplacement occupé jadis- par les ruines de
la «petite église» qu'il a fallu faire disparaître, pour y pouvoir loger
ce cloître. Le P. Lagrange se trompe donc en déclarant que: le
«cloître actuel» occupe «exactement» l'emplacement d'un «cloître
du Ve siècle». L'erreur, où il se trouve, est d'autant plus grosse
que l'inexactitude, qui saute aux yeux de tout le monde, est des
plus grosses, et, que le «cloître actuel» englobe, à peu près,
la moitié de l'ancienne «petite église».

III. Mais, peut-être, la seconde partie de la thèse de notre


auteur a-t-elle des chances de l'emporter? Peut-être, Y« église
actuelle» occupe-t-elle, même si cela ne fût pas «exactement»,
l'emplacement d'une «église du Ve siècle»?
Le plaidoyer du P. Lagrange en dit («Saint Etienne etc.»,
p. 107):
„ C'est en 1887 que le plein jour se fait. Cette fois les
fouilles sont pratiquées au Nord. Les mosaïques que l'on
— 279 —

découvre de nouveau, et sur une plus vaste étendue, sont


semblables aux précédentes. Puis on voit apparaître ... un
soubassement de marbre rouge accompagné d'un degré qui
termine la place occupée par le choeur de la basilique et qui
devait être surmonté d'un cancel en marbre blanc; cette
balustrade servait à séparer le choeur de la nef latérale.
Tout près de cet endroit, le rocher qui forme le fond de la
basilique présente une arête vive: on creuse et l'on découvre
une « vaste excavation » . . . C'est une «crypte» entièrement
taillée dans le roc . . . une «crypte funéraire». . . . Mais
quels tombeaux renfermait cette crypte? Sa place dans la
basilique, en face de l'autel et tout proche du sanctuaire
(choeur), indique que ce devait être la « confession du saint
martyr » (Etienne) et que là ses restes avaient été déposés . ..
A bout de peu de temps, on découvre une «dalle de marbre
blanc» longue de 1 m 10 sur 65 centimètres de largeur . . .
Quelques jours plus tard, en effet, on atteignit l'extrémité
de la basilique. Elle se termine à l'intérieur par une abside
semi-circulaire dont il ne reste qu'« une portée», et, à l'ex-
térieur, d'un mur de forme polygonale. Les trois côtés de ce
mur ainsi que celui qui termine les deux nefs latérales, sont
faciles à reconnaître; et c'est «merveille», car la basilique
a été non seulement détruite, mais livrée au pillage pendant
plusieurs siècles. Tout ce qu'il a été possible d'enlever a
disparu. Mais tandis qu'on arrachait les pierres des murs
l'une après l'autre, l'enduit épais et solide qui les recouvrait
au dehors, soutenu par l'amoncellement de terre qui s'était
formé autour, a résisté jusqu'à une hauteur de deux mètres,
et a conservé très nettement l'empreinte des pierres sur les-
quelles il était appliqué. C'est «peu de chose», mais cela du
moins nous donne une idée exacte des dimensions et de la
forme de la basilique." —
Quelques pages plus loin (1. c. p. 131) notre auteur donne
son « Plan des ruines de la basilique d'Eudocie » (voir notre
PI. VII) accompagné des explications suivantes:
„ Rien n'a été indique sur le plan qui ne se trouve dans
les ruines. Le plan n'est pas une restauration, c'est le relevé
exact des lieux. Le « trou carré » figure dans son état actuel.
On a vu dans le récit des fouilles qu'il y avait là probable-
ment une «confession »: un texte de Théodoric, pèlerin du
— 280 —

XIIe siècle, confirme cette hypothèse: «Il y a, au milieu de


l'église elle-même (de saint Etienne premier martyr), un lieu
élevé avec des degrés, entouré d'une barrière de fer, et, au
milieu de cette enceinte, un autel vénérable et un «grand
trou», où fut le «lieu de sa lapidation» et où s'« ouvrirent
les deux»." —
Déjà plus haut, en nous occupant des fouilles en détail
(chap. XIe et XIIe), nous avons constaté chez les Dominicains
de l'Ecole biblique de Saint-Etienne à Jérusalem une double
pratique à l'égard des trouvailles dont le P. Lagrange réclame
le témoignage en faveur de l'authenticité de son nouveau sanc-
tuaire de Saint-Etienne du Nord.
Quant aux «tombeaux» et aux «fragments de mosaïque»,
trouvés sur le champ des fouilles, — on les a laissés subsister,
et, on les conserve aujourd'hui encore consciencieusement: mais,
leur valeur comme témoins de l'authenticité du nouveau sanc-
tuaire Saint-Etienne du Nord de Jérusalem — est à peu près
« nu/le». Les Professeurs de l'Ecole biblique eux-mêmes en sont
parfaitement pénétrés. La preuve en est l'article du P. H.-Vincent:
«Vestiges Hérodiennes près de la Citadelle» (Revue biblique etc.,
1910, p. 418—420), où il combat, avec les armes de la science,
la prétention des Anglais que: les «petites croix» qui se trouvent
représentées dans ce mosaïque, prouvent: qu'il y avait jadis un
« monument chrétien » (voir plus haut p. 232—233).
Nous en concluons que c'est la même chose pour les
«mosaïques» des Dominicains, trouvées sur l'ancien abattoir
de la ville.
Quant aux « canaux », conduits et réservoirs d'eau », aux
« seuils de porte » trouvés « in situ », à la soidisant « crypte
sépulcrale de saint Etienne», à la «dalle d'autel» de marbre
blanc, trouvée «in situ», à Y«abside semi-circulaire» dont il ne
restait qu'«une portée», aux «chapitaux de colonne de style
égyptien» et à d'autres choses fort intéressantes que le P. La-
grange réclame comme « témoins » de l'authenticité en question,
— on les a fait
disparaître (chapitaux de style égyptien) on les
a rendu inaccessibles (crypte funéraire des deux Eudocie, et,
de s. Etienne), on les a mutile (degrés de marbre), on les a
arraché de la place où on les avait trouvé (plaque d'autel
et seuils de porte) comme nous l'avons montré plus haut
(chap. XIIe).
— 281 —

Nous en concluons que les Professeurs de l'Ecole biblique


ont cessé de regarder ces choses comme « témoins » de l'authen-
ticité de leur sanctuaire de Saint-Etienne du Nord.
La seconde partie de la thèse du P. Lagrange qui porte que:
« L'église actuelle . . . est bâtie exactement sur l'emplacement
d'une église . . . du Ve siècle», nous paraît donc insoutenable
comme l'est la première qui affirme l'authenticité du «cloître»
de cette église.

IV. Enfin, dato non concesso que le nouveau sanctuaire


dominicain occupe, en effet, l'emplacement d'une «église et d'un
cloître du Ve siècle », et, que cette « église » était le remplaçant
de la célèbre «basilique d'Eudocie», — cela ne prouverait ce-
pendant point: que l'on se trouve sur le « lieu de la lapidation »
de saint Etienne, comme le veulent les Dominicains.
Déjà plushaut (chap. XIe) nous avons vu que l'identité des
ruines de la «petite église» avec celles de ['«oratoire» des
Croisés est généralement reconnue par les savants, et, que le
P. Lagrange, lui-même, n'y contredit pas. Cette identité est d'un
grand poids dans la question de l'authenticité du noveau sanc-
tuaire dominicain; car: les auteurs de l'époque des croisades
qui indiquent le « lieu de la lapidation » au Nord de Jérusalem,
le montrent qans Y«intérieur» de cet «oratoire» («petite église»),
non point à l'« extérieur» de celle-ci, sur le terrain de Y«ancien
abattoir de la ville» où se trouve le « nouveau sanctuaires» de
Dominicains.
Aussi: c'est à Y«intérieur» du même «oratoire» des Croisés
(«petite église») où Théodoric vit (en 1172) le «lieu élevé avec
des degrés entouré d'une barrière de fer, et, au milieu de cette
enceinte, le «trou» (cavum) qui indiquait, selon lui, Y«endroit
de la lapidation » où les cieux s'ouvrirent « au-dessus du saint
martyr».
Le P. Lagrange, par distraction, sans aucun doute, montre
ce « trou » à l'intérieur du « nouveau sanctuaire » de Saint-Etienne,
identifiant le «trou» (cavum) qui se trouvait: au-dessus de
l'autel vénérable de P«oratoire des Croisés» («petite église»),
avec le «grand trou» de la «piscine», mise à jour par les
fouilles de Y«ancien abattoir».
Déjà plus haut (chap. VIIIe, p. 173) nous avons mis le doigt
- 282 —

sur la faiblesse de ce passage du P. Lagrange qui, au besoin,


risque même une petite falsification («magnum cavum» où le
texte porte «cavum»), et une petite «distraction», afin défaire
marcher sa thèse.

V. C'est la même chose, à-peu-près du « Bref pontifical»


sur lequel les Dominicains de l'Ecole biblique de Saint-Etienne
à Jérusalem aiment s'appuyer, et, dont nous avons montré plus
haut (chap. Ier, p. 41 sequ.) qu'il n'existe pas.
Voici la méthode scientifique des Professeurs de l'Ecole
biblique qui sait emporter tous les suffrages et se faire une ré-
putation européenne.
*
* *

VI. Tout cela prouve l'état désespéré de la cause de l'authen-


ticité du nouveau sanctuaire de Saint-Etienne du Nord. Les
discussions «pour» et «contre» qui ont durées, depuis 1894,
ont apporté de la lumière, et, au jour de cette lumière tout le
monde voit que: le nouveau sanctuaire n'est qu'un pseudo-
sanctuaire. Tout le monde voit que le « lieu de la lapidation »
de saint Etienne se trouve, en effet, à YEst de Jérusalem, dans
la vallée du Cédron: où il a été montré et vénéré «ab antiquo»
et « sans interruption » par les chrétiens de tous les rites et
de toutes les nations, — où, à leur arrivée en Terre-Sainte, en
1219, les Fils de saint François l'ont trouvé — et, où ils le
montrent et le vénèrent encore aujourd'hui: sur le «rocher
traditionnel ».
* *

VII. Sous de telles enseignes tout le monde applaudira


l'Eglise grecque de Jérusalem qui, elle-aussi, a jugé à-propos
de préciser sa position vis-à-vis du nouveau sanctuaire de
Saint-Etienne du Nord. Elle l'a fait en publiant, dans les
« 'AvâXey.xa TÏJÇ'IeQoooÀv/uiny.fjç Xzayyoloyiaç y.zl.» de M. Papado-
poulos-Kéraméus (Saint-Pétersbourg, 1898, V) plusieurs anciens
textes grecs relatifs à notre question:
a) le texte grec du récit de Lucien qui montre le « lieu de
la lapidation» de saint Etienne: en dehors de la porte de la
ville (sur le chemin où nous passons) quand nous nous rendons
en «Cédar» (Chap. Ier, p. 16);
— 283 —

b) le texte de l'Anonyme grec qui relate la construction du


« martyrium » (oratoire) de saint Etienne érigé par Alexandre
le Sénateur et l'évêque Jean de Jérusalem tout près et à l'Est
de la Sainte-Sion, vers l'an 417, de même que la translation du
saint dans ce martyrium, du vivant de Jean, mort vers la fin
de cette année (Chap. IVe, p. 85 sequ.);
c) le texte grec de Florence de Jérusalem (Basile du P. La-
grange) qui nous fournit le détail que l'église, bâtie par Juvénal,
avant 438, sur le « lieu même de la lapidation de saint Etienne »
et dédiée par la «déposition de ses saints os», en présence
d'une assistance qui se composait des témoins de la translation
de ces reliques de Caphargamala à la Sainte-Sion, qui avait eu
lieu en 415 (Chap. Ier, p. 18).
Elle l'a fait par la construction d'un petit «couvent» et
d'un «oratoire» en l'honneur de saint Etienne qu'elle a érigé,
depuis le commencement de ce siècle, justement en face et au
sud du « rocher traditionnel » de la lapidation dans la vallée du
Cédron où, dernièrement, elle a placé, sur la porte d'entrée,
l'inscription grecque dans le sens: «Et, l'ayant entraîné hors
de la ville, ils lapidèrent Etienne » (Actes, VII, 58).
Le P. Lagrange se trompe donc s'il croit que les accidents
du terrain n'avaient pas permis à Juvénal la construction d'une
«église» sur la pente rapide de la vallée.
Nous finissons donc notre travail par les considérations
assez justes du R. P. Fiorowich, S. J. (Saint François et la Terre-
Sainte, tome Ve, p. 56, Juin 1895):
,,Des considérations qui précèdent, il ressort que dans
le cas présent, ia tradition écrite est divisée et en désaccord
avec elle-même. Cette divergence ne saurait nous surprendre;
ainsi que nous l'avons déjà remarqué, en effet, la tradition
écrite ne peut être uniforme."
„ Selon l'impression qu'il a ressentie, un auteur étranger
se fait sa conviction personelle et la formule. Mais il n'en
est pas de même de l'indigène; témoin permanent de la tradition
locale, il ne se soucie nullement de ces discussions et n'y
comprend rien. Ses pères lui ont appris que tel lieu a été
théâtre de tel fait, et il transmet cet enseignement à ses
enfants. Arrive-t-il que l'accord soit unanime entre disciples
d'Eglises différentes et ennemies; cet accord constitue un
- 284 —

argument d'une force que ne saurait ébranler la voix dis-


sonante d'un voyageur de passage."
„ Or, ce concert parfait entre catholiques et dissidents,
nous le constatons ici; tous affirment sans hésitation que
la lapidation de saint ttienne eut lieu à l'Orient de la
ville."
„ A elle seule cette preuve me paraît décisive, et quiconque
n'est pas aveuglé par un intérêt quelconque, la saisira, je
crois."
„ Louons à ce sujet la sagesse des Fils de saint François.
Ces zélés gardiens des Lieux-Saints ont pris, depuis leur entrée
en Terre-Sainte, cette règle inviolable de leur conduite: garder
intactes les anciennes traditions et rien innover." —
Chapitre quinzième.

Qu'est-ce qu'en diront les Dominicains.

Le lecteur sera curieux de savoir comment les Dominicains,


Professeurs de l'Ecole biblique de Saint-Etienne à Jérusalem, se
tireront de l'affaire.
Ils s'en moqueront, sans aucun doute.
Ils se débarrasseront du nouveau adversaire de leur cause
de la même façon qu'ils se sont débarrassés de l'auteur de la
brochure «Il luogo del marlirio di s. Stefano e le sue chiese
a Gerusalemme » (Padova, 1909, Tip. del Seminario, 57 pages 8°)
où le P. Lagrange répondit par une petite brochure de neuf (9)
pages in 8°, sous le titre « Le sanctuaire de la lapidation de
saint Etienne», avec Imprimatur de Jérusalem, du 5 Janvier
1910, citée plus haut (p. 212).
Le P. Lagrange se plaindra d'abord que ce n'est pas seule-
ment sa personne, assez vivement prise à partie, mais que c'est
aussi l'autorité ecclésiastique de Jérusalem et de Rome qu'on y
attaque. Il écrira, comme il a écrit en 1910 (1. c. p. 1):
„Nous avons des devoirs vis-à-vis de l'autorité ecclé-
siastique. C'est le siège patriarcal (de Jérusalem), en la
personne de Mgr Bracco, de très pieuse mémoire, qui a
présenté au Saint-Siège l'exposé de nos titres à vénérer le
protomartyr au lieu de sa lapidation. Ce sont deux Congré-
gations romaines qui ont enrichi le sanctuaire des plus pré-
cieuses faveurs spirituelles. Loin de moi la pensée à m'armer
de ces faveurs pour déclarer toute discussion close. Je veux
dire seulement que notre église est devenue la «sanctuaire
autorisé» du lieu de la lapidation. En demandant ces grâces
à l'autorité, nous avons engagé en quelque manière, si mo-
deste qu'elle soit, sa responsabilité." —
- 286 -

Puis, afin d'écarter le témoignage des « textes » qui déposent


contre sa cause, notre auteur s'attaquera aux «proies de Leipzig»,
comme il s'est attaque aux «protes de Padoue» en 1910, en
écrivant (1. c. p. 9):
„En général l'auteur (de la brochure italienne) s'appuie
beaucoup sur mes textes. Il affecte de citer (p. 45) « mes
principaux arguments» en français, quel français, per Bacco,
que celui que m'ont prêté les protes de Padoue! — de façon
que personne ne puisse mettre en doute sa parfaite sincérité,
et ces principaux arguments, c'est le récit où j'ai exposé fort
simplement les tâtonnements par lesquels on a passé pour
arriver à la lumière!"
„Nos arguments les voici, on plutôt il n'y en a qu'un
que je crois solide:
„L'église actuelle avec son cloître est bâtie exactement
sur l'emplacement d'une église et d'un cloître du Vesiècle." —

Pour se débarrasser de l'ennemi dû plus terrible de sa


cause, de notre chapitre traitant des «foui/les» (XIIe) et de
celui qui traite du « nouveau sanctuaire de Saint-Etienne» (XIIIe),
le P. Lagrange dira: qu'il refuse de répondre à un exposé où
«sa personne est prise à partie» avec tant d'injustice. C'est
ainsi que, plein d'une noble fierté, il nous tournera dédaigneuse-
ment le dos, sans nous donner la moindre explication sur les
motifs qui ont fait disparaître les ruines de la «petite église»,
les « cryptes sépulcrales des deux Eudocie », et de saint Etienne,
et beaucoup d'autres choses fort intéressantes mentionnées plus
haut dans le chapitre des fouilles, sans même nous donner la
moindre explication au sujet de son «grand trou». Il dira: que
l'ouvrage du Docteur Mommert, travaillé d'un bout à l'autre à
l'aide des ciseaux et ressemblant, tout à fait, à un corbeau paré
du plumage d'autres oiseaux, a déjà trouvé toutes les réponses
désirables dans des répliques écrites par lui pour éliminer les
difficultés élevées, contre sa thèse, par le R. P. Fiorowich, par
le R. P. Vailhé et par d'autres auteurs dont le livre du savant
Chanoine du Saint-Sépulcre à Jérusalem n'est qu'un misérable
« plagiat ».
— 287 —

Pourque le lecteur puisse se faire une idée de l'audace


avec laquelle les Professeurs de l'Ecole biblique de Saint-Etienne
à Jérusalem abusent de la crédulité de leurs lecteurs, j'en citerai
un exemple.
En 1907 la « Revue biblique» publia un article au sujet des
fouilles coptes à l'est de l'église du Saint-Sépulcre à Jérusalem.
L'article est signé par le R. P. H.-Vincent, des FF. Prêcheurs.
L'auteur y écrit, au pied d'un diagramme représentant la
«Coupe transversale sur les propylées et l'atrium oriental»
(1. c. p. 587):
« 1 m, 20 de dénivellement du roc entre la rue du Khan ez-
Zeit et le sol de l'atrium de la basilique de Constantin, au
lieu des 2 m et 2 m, 60 qu'inscrivent les plans du Survey,
de Kuemmel, de Schick et de Mommert etc. ». —
Et quelques pages plus loin (1. c. p. 593) le R. P. H.-Vincent
ajoute:
„En 1898 M. l'abbé Mommert, Die helllge Grabes-
kirche etc., publia un plan « rectifié » de tout le quartier . . .
Il a voulu préciser ses «rectifications» concernant le relief
du roc dans une coupe longitudinale (pi. II) prise sur l'axe
du S.-Sépulcre d'ouest à l'est, jusque à la rue du t\han ez
Zeit. En ce dernier point le rocher est coté 752 mètres; il
est levé brusquement à 754 m, 60 à l'occident d'un vieux
mur dans l'Hospice Alexandre, et à 756 m, 50 à l'extrémité
orientale de la cour des Abyssins ... Je ne sais pas m'ex-
pliquer comment M. Schick, ZDPV., VIII, 260 s., a pu se
contenter lui-même d'une évaluation aussi floue et aussi in-
exacte que celle-ci, au sujet des niveaux de roc dans l'Hospice
Alexandre: « hors du vieux mur le rocher est 2 mètres en-
viron plus haut qu'à l'/'ntérleur», et il est taillé en es-
carpe. — Au lieu d'un tel « à peu près » il était facile de
fournir en ce point des cotes assez exactes, diminuant d'un
tiers au moins le chiffre allégué." —
En effet, il n'y a rien de plus facile que de constater la
cote exacte dont il s'agit.
S'étant rendu dans l'intérieur de l'Hospice Alexandre (russe),
on trouve, à l'est du «rocher taille en escarpe» en question,
un escalier moderne de «treize» (13) degrés, en pierre rouge-
âtre, qui monte du niveau du r\han ez-Zeit (que nous avions
coté 752 m) à celui de Yatrium constantinien. Chaque degré
— 288 —

mesure 0 m, 20 de hauteur. Treize fois 20 centimètres fait


2 m, 60. Le niveau de Y«atrium» s'élève donc de 2 m, 60 au
dessus de la «colonnade des propylées» (Khan ez-Zeit), non
point de 1 m, 20 seulement, comme le R. P. H.-Vincent fait croire
à ses lecteurs.
Le R. P. H.-Vincent connaît l'escalier en question. Dans son
diagramme de la « Façade de l'atrium constantinien d'après
l'état actuel des fouilles» (Revue biblique, 1907, p. 587) il le re-
présente sous la dénomination «Grand escalier moderne». Il
ne lui donne que «dix» (10) degrés ce qui donnerait une diffé-
rence de niveau de (10 fois 20 centimètres =) 2 mètres, non
point 1 m, 20 comme le veut le savant Professeur.
Le R. P. H.-Vincent ne s'est donc pas donné la peine de
prendre la mesure de la hauteur de ces degrés, comme il s'est
abstenu d'en constater le nombre exact.
Personne n'ayant jugé nécessaire de vérifier, sur les lieux,
les données dissonantes des auteurs qui ont traité la question,
les erreurs émises par le R. P. Professeur, dans l'article que je
viens de citer, passent, aujourd'hui encore, pour un triomphe
de la science dominicaine. La Rédaction de la revue allemande
« Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins » que j'avais avertie
(novembre 1907) de l'état des choses, n'osa pas même publier
ma lettre. Aussi, n'y a-t-il pas de doute que, par amour du
Calvaire de Gordon, les Protestants anglais et allemands se
rangeront du côté du nouveau sanctuaire de Saint-Etienne des
Dominicains: que les flèches d'enfant ne sauraient atteindre —
et, qui attend toujours de ferme pied le «Samson», seul capable
à l'ébranler. Enfin, les Dominicains continueront à montrer dans
leur sanctuaire du Nord: le «tombeau de saint Etienne», à
faire y dire la « messe votive » — et, à faire gagner les « indul-
gences » des sanctuaires de premier ordre. Pourquoi donc faire
grand cas d'un ouvrage que personne n'achètera et qu'on
oubliera plus vite qu'il n'a été composé.
Soit!
Si j'ai réussi à apporter, par mon livre, de la lumière sur
la question de notre Saint-Etienne, j'ai rendu un service à la
science non seulement, mais aussi à saint Etienne dont la gloire
n'a pas besoin d'un sanctuaire postiche.
Chapitre seizième.

Supplément contenant des détails au sujet de l'abside


présumée de la «véritable basilique d'Eudocie».

Le chapitre XIIIe traitant des «Fouilles de la prétendue


véritable basilique d'Eudocie» étant très riche en éléments
intéressants, nous y avons retranché, contre coeur, nombre de
détails, afin de ne pas fatiguer nos lecteurs. Croyant cependant
que tous ceux qui aiment entrer dans le fond de la cause, ne
demanderont pas mieux que d'en apprendre encore maintenant,
après la clôture de la session, nous avons jugé à propos de
contenter leur curiosité, sur quelques points, en écrivant ce
«Supplément».
I. En parlant de Y«abside semi-circulaire à l'intérieur»
(p. 240), nous avons montré que le rapport des fouilles du
P. Lagrange ne concorde pas avec celui de M. le Docteur Schick,
— et que ce dernier ne rencontra et ne dessina sur son «plan»
(p. 248) que de «belles pierres de taille de l'époque byzantine
dispersées ça et là», tandis que le premier dit que: «la basi-
lique se termine à l'intérieur par une abside semi-circulaire»
dont il ne reste qu'«une portée».
Cette contradiction nous a paru mettre en doute l'existence
réelle de cette «abside» elle-même dont le récit de ces deux
auteurs s'occupe.
Mais, peut-être, nous sommes-nous trompés dans notre
appréciation de l'état des choses! Peut-être y avait-il, en effet,
jadis une «abside» dont l'existence ne fut rendue douteuse que
par le peu de talent des deux auteurs qui nous en ont laissé
la description. L'existence réelle de cette «abside» prouverait-
elle que la construction dont elle faisait partie, était celle de la

Saint-Etienne.
Mommert, 19
— 290 —

«célèbre basilique d'Eudocie» — ou, d'une autre église chrétienne


du Ve siècle?
Y voyons un peu de plus près.
Un «mur de forme semi-circulaire à l'intérieur», par lui
seul, ne prouve rien au sujet de la question de savoir: si cette
«abside» appartenait à une basilique dédiée au culte chrétien
— on à une basilique consacrée à une autre destination.
Par bonne chance, dans notre cas, les Dominicains ont mis
à jour, à l'intérieur de cette «abside», plusieurs témoins, dignes
de foi, qui nous informent de son ancienne destination.
On y a trouvé, comme nous avons vu plus haut (p. 252 et
260): une «grande pierre taillée d'une manière brute «en forme
circulaire » ;
on y constata un «autel» encore «in situ» (p. 252 sequ.);
on y a mis à jour des «chapiteaux de colonne de style
égyptien» (p. 264);
on y a trouve un «morceau de stèle avec l'image de Set
et une inscription hiéroglyphique (p. 263);
on y a trouvé un prétendu « reliquiaire en pierre » qui
n'est autre chose qu'encore un « autel de libation païen »
(p. 265).
La circonstance que les Professeurs de l'Ecole biblique de
Saint-Etienne ne veulent pas nous informer de la place précise
où ils ont trouvé les trois derniers objets, ne parle point en
faveur de leur cause: quant à Y«autel» trouvé «in situ» et
quant à la «grande pierre de forme circulaire» on les a mis
à jour justement à l'endroit réservé pour l'autel et l'image de
la divinité, à laquelle cette «niche» était dédiée.
Comme nous avons montré plus haut (p. 260) la grande
pierre taillée d'une manière brute «en forme circulaire» re-
présentait la « base d'un piédestal » destiné à porter une
« statue ».
Quelle statue?
Vautel trouvé «in situ», immédiatement devant cette «base
de piédestal», nous en informe.
Le P. Lagrange interprête cet «autel» (p. 255), comme
de dessous d'un autel chrétien», — mais l'argumenta-
«pierre
tion du R. Père ne conclue pas. Aussi n'explique-t-elle point la
— 291 —

présence de la «grande pierre de forme circulaire». Nous pré-


férons donc l'interprétation anglaise qui y voit un «autel de
libation païen» consacré à la divinité dont la statue se trouvait
sur le «piédestal» supporté par la «grande pierre de forme
circulaire».
Plus encore, abstraction faite des «chapiteaux de colonne
de style égyptien» et du prétendu «reliquiaire en pierre» qui
n'est autre chose qu'encore un autel païen, c'est le «morceau
de stèle avec l'image de Set accompagné d'une inscription
hiéroglyphique» (p. 263), qui nous porte le plein jour sur le
caractère de cette «niche» sacrée. C'est à un «sanctuaire de
Set», divinité égyptienne que nous avons affaire.
II. Comment la présence d'un sanctuaire de Set s'explique-t-
elle en cet endroit?
Nous savons que Set était un des dieux protecteurs de
Hadrien (p. 260). Nous savons que cet empereur dota son
«Aelia» de deux bains publics (p. 261). Nous savons que les
bains romains offraient aux personnes qui y venaient l'occa-
sion de faire leurs prières et leurs libations au dieu protecteur
de l'établissement: c'est pourquoi tous les anciens bains ro-
mains de cette époque contenaient une ou plusieurs «niches
sacrées» (absides), comme cela se voit, par exemple, sur le
«plan des Thermes de Trajan» à Rome. Ainsi, on comprendra
que: les «belles pierres de taille de l'époque byzantine», trou-
vées par les Dominicains à l'intérieur de leur «abside semi-
circulaire », — la « grande pierre de forme circulaire » et
Y«autel de libation égyptien» trouvé «in situ» immédiatement
devant cette «grande pierre ronde», — la «stèle avec l'image
de Set accompagné d'une inscription hiéroglyphique» et les
autres antiquités égyptiennes, trouvées par les Dominicains, à
l'occasion des fouilles de leur «véritable basilique d'Eudocie»,
ont fait partie d'un sanctuaire thermal de Set dont, sans aucun
doute, Hadrien a été le fondateur.
III. Constantin le Grand, après sa conversion au Christia-
nisme, ordonna de fermer les temples des faux dieux ou de
les convertir en églises chrétiennes. Sainte Hélène, dotant la
Sainte-Cité de belles églises, le sanctuaire thermal de Set au
nord de Jérusalem eut le sort d'être mis sous serrure — et il

l'est resté jusque à sa destruction par les Perses, en 614:
sans cela, si quelqu'un, Eudocie par exemple, l'eut converti en

19*
— 292 —

église, tout ce qui appartenait au culte païen aurait été enlevé,


afin d'être remplacé par des objets du culte chrétien. Le seul
fait, qu'on a pu trouver, sous les décombres du sanctuaire
thermal de Set, non seulement l'«autel de libation» in situ,
mais aussi un fragment de la «stèle de Set» et d'autres restes
•indiquant la présence d'un sanctuaire égyptien, — prouve que:
les Perses y ont eu affaire, non point à une église chrétienne,
mais à un sanctuaire païen, dédié à une divinité égyptienne.
Table alphabétique.

Abattoir (ancien) de la municipalité de Jérusalem: acheté par les Do-


minicains (p. 2).
Abel, P., des FF. Prêcheurs: affirme que le mot arabe de «Kikkar»
désigne la basse vallée du Jourdain y compris le partour de la mer
Morte (p. 76).
Abside semi-circulaire à l'intérieure et de forme polygonale à l'extérieur
(p. 246).
Adrichomius: place la lapidation dans la vallée du Cédron (p. 45).
Agneau (loup?): mosaïque réclamée, par le P. Lagrange, en faveur de
sa thèse (p. 233).
Albert d'Aix: place le camp du comte de Flandre au Nord de Jéru-
salem près de l'église de Saint-Etienne (p. 4).
Alexandre le Sénateur: construit le «martyrium» de s. Etienne près
de l'église de la Sainte-Sion (p. 85), — il y dépose le sarcophage
contenant les reliques de ce saint martyr (p. 85), — il trouve sa
propre sépulture dans la même crypte à côté de s. Etienne (p. 85)
Anonymus (L'Anonyme de Plaisance, Antonio): parle de l'ancien es-
calier taillé dans le roc qui, descendant de la ville et conduisant à
Géthsémani, passe devant le «rocher traditionnel de la lapidation
(p. 25); - il avertit que dans la basilique de la Sainte-Sion on
conserve « plusieurs pierres » qui ont servi à la lapidation de saint
Etienne (p. 26).
Antonin (l'Anonyme de Plaisance): invoqué par Lagrange en faveur
de sa thèse (p. 4, 7 à 8); — notre interprétation de ce texte
(p. 23 à 24).
Arculfe: raconte que, dans l'église de la Sainte-Sion, on conserve
«plusieurs pierres qui ont servi à la lapidation» de s. Etienne (p. 26).
Asterius: cité par Lagrange (p. 6); notre interprétation du texte
(p. 13, 14, 15).
— 294 —

Autel trouvé «in situ» au choeur présumé de la basilique présumée


(p. 252); — Hayter-Lewis admire sa «lèvre intéressante» (p. 252)
et la dessine (p. 253); — le professeur anglais dit qu'il ressemble
beaucoup à un « autel de libation égyptien » (p. 252) ; — le P. La-
grange le décrit comme «dalle de marbre blanc» qu'il fait passer
pour la «pierre de dessous» d'un autel chrétien (p. 255 à 256) et
en publie une photographie (p. 256) qui ne montre plus la «lèvre
caractéristique» vue et dessinée par Hayter-Lewin en 1891, — qu'on
voit aussi sur le «Plan Général des fouilles» et sur le «Plan des
ruines de la basilique d'Eudocie» dessinés par M. l'architecte
Sandel et publiés par Lagrange dans son « Saint Etienne etc. » en
1894 (p. 222 et 243); — M. l'abbé Heydet dit que la dalle fut
trouvée comme le P. Lagrange la montre (p. 257); — notre solu-
tion de la difficulté (p. 257); — les Dominicains l'ont arrachée de
sa place primitive et on voit cette dalle maintenant (1911) sous
l'arcade gauche (nord) de l'atrium moderne, exposée aux attaques
des gamins que deux pierres, qui se trouvent à ses côtés, invitent
à la briser.
Basile de Séleucie (pseudo-Basile) voire Florence, prêtre de Jérusalem.
Basile Posniakov: a vu, sur le rocher traditionnel de la lapidation,
les «traces du sang» de saint Etienne (p. 28).
Basilique de Saint-Etienne au Nord, bâtie par Eudocie: visitée par
Pierre l'Ibérien (p. 152); — mentionnée par Théodose (p. 153), et
par Antonin (l'Anonyme de Plaisance) vers 570 (p. 154); — Evagre
raconte que l'impératrice y fut ensevelie (p. 155 et 156); Cyrille de
Scythopolis nous informe qu'en 518 elle vit une grande assemblée
de dix mille moines (p. 157 à 158); — la consécration de cette
basilique eut lieu le 15 Juin 460, avant même d'être achevée
(p. 159); — cette basilique se trouvait, d'après Evagre, au Nord
de Jérusalem, distante de la ville de «moins d'un stade » (p. 163),
tandis que l'Anonyme de Plaisance (Antonin) donne «un jet de
flèche» pour mesure de cette distance (p. 163), valeurs que nous
apprécions (p. 163 à 167). Cette basilique périt, en 614, sans jamais
se relever de ses ruines (p 167).
Beda Venerabilis (Bède): répète le récit d'Arculfe disant: que dans
l'église de la Sainte-Sion on montre «le bloc de rocher» au-dessus
duquel le protomartyr Etienne a été lapidé (p. 26).
Bernard le Moine: localise l'église de s. Etienne à l'Orient de la
Sainte-Cité (p. 29).
— 295 —

Bref pontifical: invoqué par Lagrange, en faveur de sa thèse (p. 41)


et, sur lequel le R. P. Meunier s'appui (p. 204) — ce Bref n'existe
pas (p. 41 à 44).
Breviarius de Hierosolyma: mentionne la «pierre sur laquelle saint
Etienne a été lapidé» (p. 24).
Le Camus: est mal informé (p. 45).
Canaux, conduits et réservoirs d'eau: trouvés à l'occasion des fouilles
dominicaines (p. 229).
Cédar: discussion de l'interprétation de ce terme, introduit par Lucien
dans la topographie du lieu de la lapidation (p. 70 à 76); le
P. Lagrange admet que «tous les textes portent Cédar (p. 72);
pour affirmer plus tard qu': il ne doute pas que «ad Caesaream»
soit la vraie leçon, parce que, trois manuscrit du moyen-âge la
portent (p. 73); — le Chanoine Jean Martha interprête «Kédar»
par le mot syriaque «K'kkar» qui signifia la plaine du Jourdain
(p. 76); — le P. Abel, des FF.-Prêcheurs, lui-aussi, admet que le
nom de r\ikkar signifie la «basse vallée du Jourdain et le par-
tour de la mer morte» (p. 76).
Chapiteaux de style égyptien: trouvés par le P. Lagrange (p. 263);
— le P. Lagrange n'en sait rien (p. 264).
Chaplin et son collège M. Hanauer: ont recueilli la tradition juive du
«lieu des exécutions ordinaires pour les Juifs» sur la colline de
Jérémie (p. 12); notre réfutation (p. 35).
Chant de Charlemagne: mentionnant du «sang de s. Etienne»
(p. 28); — le P. Lagrange le cite en faveur de sa thèse (p. 181),
erreur que nous redressons (p. 181).
Chronicon paschale seu alexandrinum : Hadrien bâtit dans son Aelia
« deux thermes » (p. 261).
Clermont-Ganneau: interprète l'inscription grecque du tombeau de
Nonnus (p. 228); — nous le rectifions (p. 228); — deux inscrip-
tions latines (p. 262).
Commemoratorium de Casis Dei cité par Lagrange (p. 4, 9); — notre
interprétation de ce texte (p. 29).
Crypte sépulcrale (présumée) de s. Etienne: fouilles (p. 242 à 245);
— l'opinion du P. Lagrange (p. 242 à 244); — M. le Docteur Schick
y reconnaît une «piscine» de l'époque juive (p. 244); — nous
démontrons que ce n'est pas la crypte sépulcrale de saint Etienne
(p. 245); — les Dominicains ont fait disparaître cette grande ex-
cavation en ne laissant subsister qu'un «petit trou carré» (p. 273)
qu'ils montrent comme «confession» de s. Etienne (p. 273).
— 296 —

Crypte sépulcrale (présumée) d'Eudocie: ses fouilles (p. 238); —


opinion de Guérin (p. 240) ; — opinion de Schick (p. 240) ; — nous
démontrons que ce ne fut pas la «crypte présumée d'Eudocie»
(p. 240 à 242); —les Dominicains la rendent inaccessible (p. 272).
Cyrille d'Alexandrie: invité, d'après la «Vie de Pierre l'ibérien», par
Eudocie pour la «déposition» des os vénérés de l'illustre saint
Etienne (p. 160), tandis que, d'après Jean de Nikiou, l'«empereur»
fit accompagner l'impératrice, dans son pèlerinage, par Cyrille
«pour qu'il la bénît et la dirigeât dans l'accomplissements de ses
bonnes oeuvres (p. 113).
Cyrille de Scythopolis: parle d'une grande assemblée de dix mille
moines qui en 518 eut lieu dans la basilique d'Eudocie (p. 157).
Degrés (deux) de marbre rouge: trouvés «in situ» (p. 234 à 236);
— celui de dessus a été arraché par les Dominicains (p. 272 à 273).

Dubourg, P., des FF. Prêcheurs: met a jour le «vaste corridor voûté»
réputé la «crypte sépulcrale de l'impératrice Eudocie (p. 239).
Dunkel, P. Adolf, se range du côté de la thèse du P. Lagrange
(p. 275).
Escalier taillé dans le roc qui, descendant de la ville da Jérusalem
dans la vallée du Cédron, passe devant le «rocher traditionnel»
(P- 25).
Evagre: invoqué, par le P. Lagrange, en faveur de sa thèse (p. 4, 7);
— notre interprétation du texte en question (p. 20).

Exopyla: terme discuté (p. 69 à 71).


Fiorowich, S. )., interprête le récit des Actes des Apôtres au sujet de
la lapidation de s. Etienne (p. 37 à 38); — il apporte les raisons
pourquoi la tradition écrite relative au lieu de la lapidation du
protomartyr ne peut être uniforme (p. 51); — il constate que:
catholiques et dissidents, tous affirment, sans hésitation la lapida-
tion à l'Orient de la ville (p. 51); — il loue la sagesse des Fran-
ciscains de garder intactes les anciennes traditions (p. 51); — il
soutient la défense de la tradition de l'Est (p. 198 à 203).
Flinders Pétrie: son «autel de libation» accompagné d'une «stèle
funéraire» (p. 265).
Florence, prêtre de l'Eglise de Jérusalem, le pseudo-Basile du P. La-
grange, nous informe de la construction de l'église bâtie par Juvénal
sur le «lieu de la lapidation de s. Etienne (p. 18 à 19).
«Foris portam, quae est ad Aquilonem», mots qui se trouvent dans
— 297 —

la recension A du récit de Lucien: discussion de ce texte (p. 76 à 79);


— ces mots manquent dans la traduction syriaque et dans l'ori-
ginal grec du récit de Lucien, et constituent, d'après le P. Vailhé une
«addition postérieure» (p. 77); — le P. Lagrange affirme que «ce
seul texte (plaçant le lieu du martyre de s. Etienne si nettement
au Nord de la ville) suffirait à trancher la controverse» (p. 80).
Fouilles: de la «petite église» (p. 215 à 225).
Fouilles: de la prétendue « véritable basilique d'Eudocie (p. 226 à 266) ;
— tombeaux (p. 227); — canaux, conduits et réservoirs d'eau
(p. 229 et 261); — mosaïques (p. 230); — deux degrés de
marbre rouge trouvés « in situ » (p. 234) et supprimés dans la suite
(p. 268); — «trois seuils de porte» trouvés «in situ» (p. 236);
éliminés à l'occasion de la nouvelle bâtisse (p. 238 et 272); —
la soi-disant crypte sépulcrale d'Eudocie (p. 238 à 242), dont les
mosaïques font à M. V. Guérin émettre l'opinion qu'on se trouve
sur l'emplacement de la basilique (p. 240), ne représente, selon
M. l'architecte Dr. Schick, que les «lieux d'aisance» du règne
latin (p. 240), et fut rendue inaccessible par la nouvelle construc-
tion (p. 272) ; — nous démontrons que ce ne fut point une crypte
impériale (p. 240 à 242): — la soi-disant «crypte sépulcrale de
s. Etienne (p. 242 à 245); — Y«abside semi-circulaire à l'intérieur
et de forme polygonale à l'extérieur» (p. 240 à 252); — V«autel
trouvé in sitw» (252 à 260); — la «large pierre rougeâtre de
forme circulaire» (p. 252, 260); — «fragment de stèle avec
l'image de Set accompagné d'une inscription hiéroglyphique»
(p. 263 à 264); — chapiteaux de colonne de style égyptien»
(p. 264); — «reliquiaire en pierre» (p. 265); — «deux moules
pour la sainte Eucharistie» (p. 266).
Frey, M. A., curé suisse, se plaint des difficultés que rencontrent les
savants étrangers qui voudraient visiter le champ des fouilles do-
dominicaines (p. 216); — il précise les résultats de sa visite
(p. 216 à 217).
Genadius de Marseille: connaît la traduction latine du «récit de
Lucien» (p. 62).
Génier, P. Raymond, des FF. Prêcheurs: son opinion erronée au
sujet de l'église bâtie par Juvénal (p. 116); — notre rectification
de cette erreur (p. 116).
Gesta Francorum: le camp du comte de Flandre au nord de Jérusalem,
près de l'église de Saint-Etienne (p. 5).
— 298 —

Gissler, P. Mauritius, O. S. B., a dessiné notre PI. XIIe (en face du


titre).
Guérin, Victor; interprête les fouilles dominicaines (p. 240).
Guillaume de Tyr: place le camp du comte de Flandre près de l'église
de Saint-Etienne (p. 5).
Hadrien: bâtit, dans son Aelia, «deux thermes» (p. 261).
Hanauer a recueilli la tradition juive du «lieu des exécutions» sur la
colline de Jéremie (p. 12); notre réfutation (p. 35).
Hayter-Lewis, Professeur anglais: mentionne les «deux degrés de
de marbre rouge» trouvés «in situ» (p. 234 et 252); — il men-
tionne et dessine, comme M. le Docteur Schick, une «grande
pierre» en forme «circulaire», trouvée «in situ» (p. 252 et 253).
— la curieuse « dalle avec la lèvre intéressante, trouvée
également
«in situ» occupait un niveau un peu inférieur à celui du choeur
(p. 252); elle ressemble aux «tables d'offrande égyptiennes»
(p. 252 à 255).
L'abbé L. Heydet identifie les ruines de la « petite église » avec celles
de la «grande basilique d'Eudocie» où, selon lui, il se trouvait le
«lieu de la lapidation» de saint Etienne (p. 2); — il se souvient
d'avoir vu la «grande pierre de forme circulaire» à sa place
primitive, mais pas plus «in situ» (p. 260); — il dit que: la
«dalle d'autel de marbre blanc» trouvée «in situ» était, quand
il l'a vue, sans la «lèvre intéressante» (p. 257).
Hugues-Vincent: voire «Vincent».
Invention des reliques de s. Etienne: d'après le «récit de Lucien»
(p. 53 à 60).
I(han el-frendj: ruines de la «petite église» (p. 1), achetées par les
Dominicains (p. 2); ce n'était pas l'«église bâtie par Eudocie»
(p. 2).
Lagrange admet: qu'il y a à Jérusalem des traditions fausses, aux
quelles il faut! renoncer courageusement (Introduct. p. Vil); — il
admet: que pour le lieu de la lapidation de saint Etienne la dua-
lité ne date que de l'époque des Croisades (p. 1); — il développe
ses preuves en faveur de sa thèse de l'authenticité de son Saint-
Etienne du Nord (p. 3 à 13); il se plaint de la «prodigieuse cré-
dulité de nos ancêtres» et du «désaccord des guides officiels»
(p. 5, 6); — il réclame en faveur de sa thèse: «un lieu des lapi-
dations ordinaires» sur la colline de Jérémie (p. 11) qui, selon lui,
existe encore aujourd'hui (p. 12); — il affirme que le texte du
«pseudo-Basile» (Florence) ne parle ni de l'Est ni du Nord»
— 299 -

(p. 20); — il approuve la possibilité: qu'on ait mis à la Sainte-


Sion la «pierre sur laquelle s. Etienne a été lapidé (p. 26). —
il combat l'opinion des Grecs disant que: l'incision faite dans
le rocher traditionnel de la lapidation montre «la forme de son
corps» (p. 27); — il réclame le Talmud comme témoin qu'il
y avait chez les anciens Juifs un «lieu de supplice déterminé»
(p. 30 à 31); — il réclame le témoignage de M. le ministre pro-
testant Chaplin en faveur de sa thèse du « lieu de supplice
déterminé» sur la colline de Jérémie (p. 31); notre réfutation (p. 30
à 35); — il ne rejette pas en principe la tradition de la vallée
du Cédron qu'il admet pensant que sa «lapidation au Nord» et
le rocher traditionnel à l'Est de Jérusalem, pourraient «coexister»
sans se nuire (p. 36); — il veut que: les «pierres du torrent en
question &rappèlent les cinq pierres du torrent (lapides de torrente)
ramassées par David pour combattre Goliath (p. 40); — il invoque
en faveur de sa thèse un : « Bref pontifical » affiché à sa porte
(p. 41) dont je démontre qu'il n'existe pas (p. 41 à 44). — il pro-
teste contre les attaques de Mgr le Camus dirigées, très mal-à-
propos, contre les « gardiens de la Terre-Sainte » (p. 46) ; — il dit
que: les «hommes pieux» qui ensevelirent saint Etienne ne sont
pas les apôtres, ni même, semble-t-il des membres reconnus de la
communauté chrétienne (p. 46); — nous réfutons cette erreur
(p. 46 à 47); — il dit que: le corps d'Etienne fut transporté dans un
lieu éloigné de Jérusalem, pour «empêcher les chrétiens de Jéru-
salem de vénérer ces saintes reliques» (p. 47); erreur que nous
combattons (p. 48); — il affirme que «tous les textes portent
Cédar» (p. 72), mais que, pour sa part, il ne doute pas que «ad
Caesaream» soit la vraie leçon, parce que trois manuscrits du
moyen-âge la portent (p. 73); — il opine que «le seul texte (de
la recension A qui a les mots «foris portam, quae est ad aqui-
lonem») suffirait à trancher la controverse» (p. 80); — il qua-
lifie la « lettre d'Anastase à Landuleus » de soi-disant traduite du
grec et de «pièce apocryphe» (p. 92), erreur que nous combattons
— il raconte la translation des reliques de s. Etienne
(p. 92 à 94);
de Constantinople à Rome (p. 96), disant qu'il ne s'agissait que
d'une «partie» de ces reliques (p. 96), erreur que nous combattons
(p. 96 à 98); — il opine que le panégyrique de Florence, fausse-
ment attribué, par Combéfis, à Basile de Séleucie, ne parle ni de
l'Est, ni du Nord (p. 118) et trouve «très peu de génie et d'esprit
dans cette pièce (p. 119), erreur que nous redressons (p. 119); —
- 300 —

il interprête un texte tiré de la «Vie de s. Euthyme» de façon


que le P. Vailhé se croit obligé de le rectifier (p. 126 à 127); — il
déclare: «Le rocher, dit traditionnel, de la lapidation, n'est pas un
sanctuaire, pour la raison très simple qu'on n'a jamais pu bâtir
aucune église sur ses pentes escarpées» (p. 131), erreur que les
Grecs ont redressé, depuis le commencement de ce siècle, par la
construction d'un couvent et d'un «oratoire» en l'honneur de saint
Etienne, justement en face (sud) de ce rocher traditionnel (p. 283);
— il réclame en faveur de sa thèse la « Chanson de Charlemagne »
disant que le grand empereur reçut du « Sang de s. Etienne » de
la part du patriarche (p. 181), erreur que nous redressons (p. 181 à 182) ;
— il raconte l'histoire de l'aquisition des ruines de la «petite
église» (p. 190 à 191) dont il avoue plus tard: »ce n'était pas
l'église bâtie par Eudocie (p. 193); — il est fort sobre au sujet
du résultat des fouilles de la « petite église (p. 220—223) et pèche
autant par les détails qu'il fournit que par ceux qu'il supprime
(p. 223 à 224); — il affirme que: des esprits inventifs avaient
imagine que les mosaïques trouvées a l'occasion des fouilles en
1885, avaient dû servir à Y«ornementation . . . d'une salle de
bain» (p. 229); — il supprime les «deux degrés de marbre rouge»
trouvés «in situ» et ne parle que d'«un seul degré» accompagné
d'un soubassement» (p. 235), erreur que nous redressons (p. 236);
— il présume que le « tombeau d'Eudocie et de sa petite fille » se
trouvait dans le long «corridor voûté» où Schick loge les «lieux
d'aisance» de l'époque du règne latin (p. 238), erreur du P. La-
grange que nous redressons (p. 240 à 242); — son «abside semi-
circulaire à l'intérieur» dont il ne reste qu'«une portée» ne se
compose que de quelques «belles pierres de taille» dispersées ça
et là (p. 246); — derrière l'«enduit épais et solide» de ciment qui
couvrait les «pierres» qui avaient disparu, il mentionne un «amon-
cellement de terre» (p. 246), tandis que M. le Docteur Schick y
constate un «mur» de qualité inférieure (p. 247), difficulté dont
nous apportons la solution (p. 248 à 252) ; — il interprête la « dalle
d'autel» de marbre blanc, trouvée « in situ » comme dalle inférieure
d'un «autel chrétien» (p. 255), erreur que nous redressons (p. 257
à 260); — interpellé au sujet de la «grande pierre de forme
circulaire» qu'il supprime autant dans le texte de ses ouvrages
que dans ses plans (nos PI. Ie et VIIe), il me répondit qu': «il
n'en savait rien» (p. 260); — il affirme de « ne savoir rien » des
chapiteaux de style égyptien (p. 264), tandis que son collègue
— 301 -

P. Scheil dit que c'est justement lui qui les a trouvés (p. 264);
— il me montra le «reliquiaire en pierre» (p. 265); — déjà
depuis 1904, il déclare qu'i «il est loin de prétendre à une certi-
tude absolue» (p. 272), et proteste de sa probité et de sa loyauté
litéraire (p. 276); — depuis 1910, il retire tous les arguments de
son arsenal de «documents» entassés dans ses travaux et, qui
devaient prouver l'authenticité du sanctuaire de Saint-Etienne du
Nord (p. 272) et n'en retient qu'un seul, dont nous avons vu plus
haut (chap. XII e XIIIe) que lui-aussi ne conclue pas.

Lapides torrentis de la liturgie de la fête de s. Etienne (p. 15);
trouvables non point sur la «colline de Jérémie» ni chez les Domi-
nicains, mais bien dans la vallée du Cédron (p. 27 à 28); — le
Cardinal Rampolla démontre que la phrase liturgique «Lapides
torrentis dulces ci fuerunt» n'est pas une «assertion purement
gratuite» (p. 39); — le P. Lagrange veut que: les pierres en
question « rappèlent les cinq pierres du torrent (lapides de torrente)
ramassées par David pour combattre Goliath (p. 40).
Lecomte, P. Matthieu, des FF. Prêcheurs, achète les ruines de la
«petite église» (p. 2, 189, 190); —son audience au Vatican (p. 194);
ses inexactitudes fort mal placées (p. 195).
«Lieu de supplice déterminé» ou «des lapidations ordinaires» chez
les anciens Juifs: réclamé, en faveur de sa thèse, par le P. La-
grange (p. 11 à 12); — «le souvenir de ce lieu funèbre existe en-
core aujourd'hui (p. 12); — on le montre sur la collier de Jérémie
(p. 12); — Lagrange réclame le témoignage du Talmud et des
ministres protestants Chaplin et Hanauer en faveur de son opinion
(p. 30 à 31) ; — nous démontrons que les dépositions de ces témoins
ne concluent pas (p. 31 à 35); — témoignage du rabbin Berlin (35).
Lucien, prêtre de Caphargamala: indique le lieu de la lapidation de
s. Etienne, a) Texte grec (p. 16), b) texte syriaque traduit par Nau
— il con-
(p. 17), c) texte latin B (p. 17), d) texte latin A (p. 17);
serve, après la traslation des saints os d'Etienne à la Sainte-Sion,
de la «terre» et de la «poussière» de l'endroit où toute la
chair de son corps s'était consommée (p. 60); — il envoie de
«cette terre», par le prêtre Avitus de Braga, en Espagne (p. 84).
Marcellin: l'Occident demande à partager les reliques de s. Etienne
(p. 83); — la translation des reliques de Constantinople à Rome
(p. 96).
Marino Sanuto: la lapidation de s. Etienne dans la vallée du Cédron
(p. 45).
— 302 —

Martha, Jean, Chanoine: étude au sujet des recensions A et B du


«récit de Lucien» (p. 65).
Martyrium de s. Etienne bâti par Juvénal sur le lieu de la lapida-
tion (p. 109 à 147). A l'occasion de sa dédicace, Florence, prêtre
de l'église de Jérusalem, pononce un panégyrique qui nous informe
sur plusieurs détails fort intéressants de son site, de son auteur
et de l'époque de sa construction (p. 109 à 110); — le R. P. Génier,
des FF. Prêcheurs, attribue la construction à Eudocie et la dédicace
à s. Cyrille d'Alexandrie (p. 114 à 116), erreur que nous redressons
(p. 116 k 118); — Mélanie la Jeune visite ce «martyrium» en 439
(p. 123 à 125); — le P. Vailhé interprête l'« église Saint-Etienne des
Plérophories» et du «récit relatif au patriarche Amos» en faveur
du martyrium de s. Etienne à l'Est de Jérusalem disant que: bâti
par Juvénal «sur le lieu de la lapidation», dès les premières années
de son épiscopat, ce sanctuaire est visité par sainte Mélanie, le
26 Décembre 439, et, ... par la soeur de l'archidiacre Etienne,
avant 451 (p. 130); — le P. Lagrange nie la possibilité de la
construction d'une «église sur les pentes escarpées» de la vallée
du Cédron (p. 131), erreur que les Grecs ont éliminée, en y con-
struisant, depuis le commencement de ce siècle, un couvent et un
« oratoire » en l'honneur de s. Etienne justement en face (sud) du
rocher traditionnel, (p. 283); — le Cardinal Rompolla avertit que
la biographie de sainte Mélanie montre que: Saint Etienne eut, à
Jérusalem, son «martyrium», c'est-à-dire, son église à lui où, chaque
année, au retour de sa fête, les fidèles accoururent pour prier
auprès de son tombeau, et cela avant que l'impératrice eût pensé
à son oeuvre (p. 135 et 137); — Pierre l'Ibérien ne visite pas le
«martyrium» bâti par Juvénal, parce qu'il était mophysite (p. 152).
Mosaïques: les «petites croix» du dessin ne prouvent point qu'il s'y
trouvait jadis un « monument chrétien (p. 232) ; — le « mosaïque
de l'agneau» (loup?) n'affirme pas l'authenticité de la basilique Saint-
Etienne du Nord (p. 233).
Moules (deux) pour la sainte Eucharistie: trouvées par les Domini-
cains (p. 266).
Nau: traduction du texte syriaque du récit de Lucien (p. 17); — il
donne une analyse du texte grec du récit de Lucien, et, fait la
comparaison de ce texte grec avec la traduction syriaque, susmen-
tionnée (p. 64); — il en conclut que le texte grec est l'«original» de
la version syriaque qui est conservée dans un manuscrit du VIe au VII
siècle (p. 64); — il apporte un texte des «Plérophories» (p. 127).
— 303 —

Nunzio, P. du couvent du Saint-Sépulcre à Jérusalem, O. F. M., publia


la brochure «II luogo del martirio di s. Stefano e le sue chiese
in Gerusalemme» (Padova, 1909, Tip. del Seminario, 57 p. in 8°)
qui eut pour suite que le P. Lagrange renonça, dans sa réponse
du 5 Janvier 1910, à tous ces arguments entassés jusque là en
faveur de sa thèse et qu'il n'en retient dès lors qu'un seul qu'il
croit solide (p. 212 à 213).
Oratoire moderne de Saint-Etienne: en face du «rocher traditionnel»
dans la vallée du Cédron avec inscription grecque au-dessus de la
porte d'entrée (p. 283).
Oratoire de saint Etienne: érigé au Mont-Sion par l'évêque Jean et
Alexandre le Sénateur (p. 102 à 108); — il est promis par l'évêque
Jean (p. 103), et construit par Alexandre (p. 103); l'évêque Jean y
dépose le corps de saint Etienne (p. 104); Alexandre y est déposé
plus tard à côté du saint protomartyr (p. 105). Notre localisation
de cet «oratoire» (p. 106 à 108).
Oratoire de saint Sophrone en l'honneur de s. Etienne au Nord de
Jérusalem (p. 169à 171). Il s'élevait, d'après la «Passion des soixante
martyrs» in suburbiis (dans le faubourg) de la Sainte-Cité (p. 169),
ce qui indique qu'il se trouvait au Nord de la ville (p. 169); — les
Croisés y ont trouvé, à leur arrivé en 1099, un «oratoire» distant,
d'après Saewulf (p. 172), de «deux ou trois jets d'arbalète»
(= 300 à 450 mètres) dont nous lisons dans les ouvrages d'Albert
d'Abc, et de Raymond d'Aguillers (p. 170 à 171), oratoire, que Daniel
désigne du nom d'église de saint Etienne, premier martyr (p. 173).
Theodoricus nous en a laissé quelques détails fort intéressants
(p. 173). Les Croisés croyaient que cet «oratoire» occupait le
lieu de la lapidation de s. Etienne (p. 172), c'est pourquoi ils
avaient laissé un « trou » (cavum) dans le toit justement au-dessus
de l'autel (p. 173). Le P. Lagrange rapporte ce passage de Théodoric
au «grand trou» dans le sol, mis à jour par les fouilles sur l'ancien
abattoir de la ville, où les Dominicains cherchèrent les ruines de
leur «véritable basilique de Eudocie (p. 173), erreur que nous re-
dressons (p. 174 à 176). L'église «Saint-Etienne des Croisés» abattue
par les chrétiens eux-mêmes (p. 176). Le «moustier» etUAsnerie»
de l'époque après les croisades (p. 176 à 179).
Orosius: transmet la lettre d'Avitus à Palchonius évêque de Braga
(p. 82).
«Petite église»: ruines, trouvées en 1881 (p. 1); — description des
fouilles par Frey, Ries et Lagrange (p. 215 à 225); — la destruc-
— 304 —

tion complète des restes vénérables de cette «petite église» est l'oeuvre
des Dominicains (p. 225); — le R. P. Lagrange décline la respon-
sabilité de cet acte de «vandalisme» en la détournant sur les
épaules du R. P. Levigoureux, Prieur à cette époque (p. 225).
Phokas: invoqué, par Lagrange, en faveur de sa thèse (p. 44), —
tandis que nous démontrons le contraire (p. 44).
Pierre l'Ibérien, évêque monophysite: il entra au martyrium de saint
Etienne qui se trouvait dans la basilique du Nord (p. 152); — il
descendit dans la grotte et pria devant l'«urne funéraire (p. 152);
— il ne visite point le «
martyrium » bâti par Juvénal, qui se trou-
vait sur le lieu de la lapidation pour la fort simple raison qu'il
appartenait, lui, à la secte des monophysites dont Juvénal avait été
l'adversaire le plus implacable.
Pierre rougeâtre de forme circulaire: décrite par Hayter-Lewis (p. 252);
— représentée sur le plan anglais (p. 253) et sur le
plan du
Docteur Schick (p. 248); — l'abbé Heydet l'a vue sur sa place
primitive, mais point plus «in situ» (p. 260); — le P. Lagrange,
qui la supprime dans ses publications, répond, sur mon inter-
pellation qu'«// n'en savait rien» (p. 260); — les Dominicains,
après l'avoir travaillée, l'ont jetée dans les fondements de leur
nouvelle basilique (p. 260).
Pierres du torrent de la liturgie de la fête de s. Etienne: trouvables
dans la vallée du Cédron, non point sur la «colline de Jérémie
(p. 27 à 28) ; — le Cardinal Rampolla démontre que la phrase
liturgique «lapides torrentis dulces ei fuerunt» n'est pas une
«assertion purement gratuite» (p. 39 à40); — le P. Lagrange veut
que: les pierres en question «rappelent les cinq pierres du torrent
(lapides de torrente) ramassées par David pour combattre Goliath
(p. 40).
Rampolla (Cardinal): démontre que la phrase liturgique de la fête de
s. Etienne «Lapides torrentis dulces ei fuerunt» n'est pas une
«assertion purement gratuite» (p. 39); — il fait descendre Mélanie
la Jeune, en 439, dans le «martyrium» de s. Etienne (p. 124); il
affirme que la biographie de sainte Mélanie montre que: saint
Etienne eut, à Jérusalem, son «martyrium», c'est-à-dire, son église
à lui où, chaque année, au retour de sa fête, les fidèles accou-
rurent pour prier auprès de son tombeau, et cela avant que l'im-
pératrice Eudocie eût pensé à son oeuvre (p. 135 et 137).
Raymond d'Aguillers: place le camp du comte de Flandre près de
l'église Saint-Etienne (p. 4).
— 305 -

Ratisbonne, Marie-Alphonse: invention de la «petite église» et acqui-


sition de ses ruines par les Français (p. 188); — fouilles de la
«petite église» (p. 215).
Récit de Lucien: voire Lucien, et (p. 16).
Reliques de s. Etienne: dispersion dans le monde romain (p. 82 sequ.);
— la «poussière» et la «terre» de l'endroit où toute la chair de son
corps s'était consommée resta à Caphargamala (p. 60), d'où Avitus
en obtint et l'envoie à Palchonius, évêque de Braga (p. 84) ; — les
«ossements» prennant le chemin de Jérusalem (p. 60, 85), s'en
vont à Bysance (p. 91, 95), et enfin à Rome (p. 96); — des
deux «crânes», l'un se vénère à Vienne, l'autre à Lisbonne (p. 99);
—la «main droite» est envoyée à Pulchérie (p. 99); — le «piea
gauche » s'achemine à Théodoroupolis (p. 99) ; — une « vertèbre »
retourne de la France à Jérusalem (p. 101); d'autres reliques se
vénèrent en Italie, en France, en Afrique etc. (p. 100 à 101).
Reliquiaire en pierre (soi-disant): qui représente en effet un «autel de
libation païen» (p. 265); — en 1911, on le voyait sous les colon-
nades de l'«atrium» des Dominicains, à droite de l'entrée, côté
ouest.
Revue de l'Orient chrétien: la Direction s'arrange à l'aimable avec
les Dominicains (p. 208).
Rico/do da Monte Croce: place la lapidation dans la vallée du Cédron
(p. 45).
Riess, Chanoine: son rapport au sujet des fouilles de la «petite église»
(p. 217 à 220).
Robert de Nogent: le camp du comte de Flandre (p. 5).
R)bert de Normandie: le camp du comte de Flandre (p. 5).
Robert le Moine: le camp du comte de Flandre (p. 5).
Rocher traditionnel dans la vallée du Cédron: on en a enlevé un
large morceau (p. 25).
Ruines de la «petite église» trouvées en 1881 (p. 1); achetées par
les FF. Prêcheurs en 1882 (p. 2); identifiées avec les «ruines de
la grande basilique d'Eudocie» par Heidet qui y cherche la lapida-
tion de saint Etienne (p. 2); Lagrange déclare que «ce n'était pas
l'église bâtie par Eudocie» (p. 2).
Ruines de la (présumée) «véritable basilique d'Eudocie»: l'ancien
abattoir de la municipalité de Jérusalem (p. 2).
Saewu/f: les ruines de l'église de Saint-Etienne au Nord de Jérusalem
(p. 5).

Saint-Etienne.
Mommert, 20
— 306 —

Saint François et la Terre Sainte: le R. P. Fiorowich, S. )., inter-


prète le récit de la lapidation de s. Etienne qui se trouve dans
les Actes (p. 37 à 38); — le même Père apporte les raisons pour
lesquelles la «tradition écrite ne peut être uniforme» (p. 51); — il
constate que: catholiques et dissidents, tous affirment sans hérita-
tion que la lapidation de s. Etienne eut lieu à l'Orient de la ville
(p. 51); — il loue la sagesse des Fils de saint François de garder
intactes les anciennes traditions (p. 51) ; — le P. Fiorowich soutient
la défense de la tradition de l'Est (p. 198 à 203): — réplique du
R. P. Meunier (203 à 205); — réponse de la rédaction (p. 205
à 206).
Sandel, architecte: dresse, sur les ordres des FF. Prêcheurs, le «Plan
des ruines de la basilique d'Eudocie», où il supprime les «deux
degrés de marbre rougeâtre» trouves «in situ» qui montent au
choeur présumé de la basilique présumée, de même que la grande
«pierre de forme circulaire» trouvée «in situ», en y introduisant
d'autres éléments dont le récit de fouiiles ne sait rien, comme
nous le portons à la connaissance du lecteur (p. 268).
Sang de saint Etienne: mentionné dans le «Chant de Charlemagne»
(p. 28); — on le montrait, d'après un pèlerin russe, au XVI siècle
encore, sur le « rocher traditionnel » de la lapidation de s. Etienne
(p. 28); — les orthodoxes en emportent des morceaux (p. 28);
— le P. Lagrange le réclame en faveur de sa cause (p. 181), erreur
que nous redressons (p. 181 à 182); — ce «sang de s. Etienne»
n'est qu'une relique assez commune (p. 182); — c'est un témoin
en faveur de la tradition de l'Est (p. 182).
Scheil, P. des FF. Prêcheurs, relate la mise à jour des « chapiteaux
de style égyptien» par le P. Lagrange (p. 263).
Schick, Dr. Konrad, architecte de la municipalité de Jérusalem: son rap-
port au sujet des canaux creusés dans le roc (p. 230) ; — sa de-
scription des «deux degrés de marbre rouge» trouvés «in situ» (p. 234) ;
— il identifie le long couloir souterrain où les Dominicains placent le
tombeau d'Eudocie avec les « lieu d'aisance » de l'époque du règne
latin (p. 240); — il voit dans l'excavation, où Lagrange place le
«tombeau de s. Etienne», une «piscine» de de l'époque juive
(p. 244); —il mentionne une «grande pierre ronde» trouvée «in
situ» dans l'abside présumée (p. 246) qu'il représente sur son
plan, notre PI. Xe (p. 248); — Y«abside semi-circulaire» du P. La-
grange, dont il ne restait qu'«une portée», ce sont quelques
«belles pierres de taille» de l'époque byzantine, dispersées ça
- 307 —

et là (p. 240); — derrière Y«enduit de chaux et de ciment»


épais de quelques centimètres il se trouve un «mur» de qualité
inférieure, non point un «amoncellement de terre» comme le veut
le P. Lagrange (p. 246 et 247).
Sepp: indique «la place où on lapidait les criminels à 2,000 coudées
du Temple (p. 13); valeur de cette notice (p. 35 à 36).
Seuils de porte (trois): trouvés «in situ» (p. 236); — les Domini-
cains les ont arrachés (p. 272).
Sévère: circulaire sur les miracles opérés par les reliques de s. Etienne
dans l'île de Minorque (p. 82).
Stèle avec l'image de Set accompagne d'une inscription hiéroglyphique
(p. 263).
Theodosius: cité, par Lagrange, en faveur de sa thèse (p. 4, 7); —
notre interprétation (p. 21 à 23).
Tombeaux chrétiens du Ve siècle, réclamés par le P. Lagrange en
faveur de sa thèse (p. 227).
Translation des reliques de s. Etienne du lieu de sa lapidation dans
son Tombeau à Caphargamala (p. 55); — de Caphargamala à
l'église de la Sainte-Sion à Jérusalem (p. 60 et 85); — de la sa-
cristie de la Sainte-Sion à la crypte du «martyrium», construit
en son honneur à l'est et tout près de celle-ci, par Alexandre le
sénateur (p. 85); — du «martyrium» d'Alexandre à Bysance
(p. 87 à 91); — où on lui érigea un «oratoire» au lieu appelé
«in Constantinis» (p. 91 et 95), tandis que le «martyrium» pré-
paré par Au réliane, pour recevoir le corps sacré, reçut celui du
bienheureux Isaak (p. 94); — la translation de Bysance (Constanti-
nople) à Rome (p. 96) où on déposa ces saintes reliques, à côté
du corps de s. Laurent, dans l'église de Saint-Laurent-hors-les-murs
(p. 96).
Trou: le «grand trou» du P. Lagrange (p. 269).
Tudeboeuf (Tudebodas): la procession des Croisés avant l'assaut de
la Sainte-Cité (p. 5).
Vailbé, P. Simeon, des Augustiniens de l'Assomption : discute la question
de savoir: laquelle des deux recensions du récit de Lucien, A et B,
que nous possédions, est préférable (p. 61 à 65); — il en tire les
résultats (p. 61); — et arrive à la conclusion que; le texte grec
du récit de Lucien édité par M. Papadopoulos-iXéraméus « a beau-
coup de chances d'être le «texte original même du prêtre Lu-
cien» (p. 65); — il ne voit aucune raison de lui refuser ce pri-
vilège (p. 65); — il interprête le panégyrique de Florence en faveur
— 308 —

de la tradition de l'Est et cherche à fixer l'époque de sa rédaction


(p. 119 à 121); — il opine que: ce fut le sanctuaire du Cédron
«bâti par Juvénal sur le lieu de la lapidation, dès les premières
années de son épiscopat, qui fut visité par s. Mélanie, le 26 Dé-
cembre 439, et, . . . par la soeur de l'archidiacre Etienne, avant
451 (p. 130).
Vincent, P. H., des FF. Prêcheurs: les «petites croix» qui se trouvent
représentées, dans un mosaïque, ne prouvent point qu'il y avait
jadis un monument chrétien (p. 232); — il abuse de la crédulité
des lecteurs de la «Revue biblique» en dounant au dépjyellement
de roc entre le sol du Khan ez-Zeit et celui de l'atrium coiïStan-
tinien, dans l'Hospice Alexandre, 1 m 20 seulement au lieu ;.àe
2 m 60 (p. 287). ;3 ,-, 1/' '<~-\

ImpriméchezE. Haberland,Leïpzig-R.
Planche I.
Légende.
i. Abside. 11.Citernes.
2.Place du maître-autel. 12.Entréesà destombeaux
.3.Pilieravec revêtement Evoûtés.
de marbre. ! 13. ntréed'unlongcaveau
4. Rochertailléservantde I souterrain.
mur. I 14.Soupiraux.
5. Diversrestesde mosaï-I 15.Entrées à destombeaux
creusésdansle roc.
ques. I 16.Entréed'une
(>.Excavationsverticales\ grotte.
du rocher. 17.Eglisedes Croisés.
7. Incisionsrectangulaires
' 18.Placede l'autel.
dansle rocher. 19.Petitseuilde porte.
8.Seuilsde porte de la 20.Grandseuilde porte.
basilique. 21.Ecole bibliquerécem-
9. Annexede la basilique. mentconstruite sur le
o. Placedes colonnes. côté sud de l'atrium.

Plan général des fouilles.


Reproductionphotographique
de l'original qui se trouve
dans «Saint Etienne etc.»
p. 121.
Planche H.

STONE
A REOPOUSHfD

Les degrés du choeur avec la rainure destinée à porter


la balustrade.
Reproduction photographiquetirée de la Revue anglaise PalestineExplorationFuiid»,
1891, p. 214.

PlancheIII.

Plan de la basilique Saint Etienne.


D'après la Revue anglaise «PalestineExploration Fund», 1891, p.212.
PlancheIV.
Ouest

Dalle d'autel trouvée «in situ» au choeur de la soi-disantvéritable basilique


d'Eudociedes Frères Prêcheurs —
D'après la Revtie «PalestineExplorationFund»; [891, p. 214

PlancheV.

Dalle d'autel d'offrandeségyptienne.


D'après la Revue «PalestineExplorationFund», 1891, p. 215.
Planche VI.

Ouest

Dalle d'autel trouvée «in situ> an choeur de la soi-disantbasifltjuc


d'Eudocie, dans l'état actuel, en 1910.
D'après une Photographie.
Planche VII.

i, 2,3,4,5,6.Mosaïques.
7. Pierreà la placedu
n maître-autel.
t: S.Pilieravecrevêtement
p de marbre,
j 9. Seuil présumé du
choeur.
10.Seuilsde la basilique
{insitu).
11.Rochertaillé marquant
la finde l'absideet
desmurs.
i 12.Atical
ncien ver-
crépissage
;[f murs.extérieurdes
( Rochertaillé
13. marquant
lalimitedel'annexe.
14.Eancienne
xcavationsverticales,
cryptepré-
sumée, hangée
c en
carrièreset en ci-
ternes.
aillépourles
15.Rochertdes"
bases colonnes.
16.Citernes.
d'un caveau
17.Entrée avec
voûté quatre
tombeaux.
18.Long caveauvoûté:
placeprésumée des
tombeauxdesdeux
Eudocie.
19.Entrée. modernes.
2c.Soupiraux
2i.Tombeaux creusés
dansle roc.

Plan des ruines de la Basiliqued'Eudocie. %/»- :


)'après la brochure «Saint Etienne etc.» 1894. p. 131.
PlancheVIII.

Plan de la basiliqueprojetée.
Dressé d'après les ruines, par M. Boutaud, architecte.
(«Saint Etienne etc.» p. 143)

Planche IX.

Plan de la basilique actuelledes FF. Prêcheurs au Nord de Jérusalem.


Dessiné par le P. Mauritius Giessler, O. S. B.
Planche X.

Reconstructionde la basiliquedu Dr. Schick avec plan des fouilles.


2DPV. Leipzig. 1888.
2ET
P
ci
tr
CD
deSaint-Etienne.
duSanctuaire
Ruines
Au delapetite
l'abside
premier
plan puis
église, ses
avec
l'atrium tombeaux, d'Eudocie.
etlabasilique
Dans lecouvent
lefond, avec
actuellachapelle
provisoire.
Librairie A. PICARD, 82, Rue Bonaparte, PARAIS

Manuel d'Art Musulman. Tome Ier- L'architecture, par H Salad*!»,


tecte D P. L G. Membre de la commission archéologique' de l*Afaq».&4aK ar«hi»|^
Nord- 1 vol. 420 pi. § îig. t^TSi
T. il. Les arts plastiques t) industriels par Gaston Migeon, conserva- '
teur des objets d'art du Moyen-Age au Musée du Louvre, professeur *i jj
l'Ecole du Lou\re. 1 vol. 376 pî. î|
Manuel d'Art Byzantin, par Charles Dichl, membre de l'inst'tut, professeur -*
à la Faculté des Lettres de Paris. 1 vol. (420grav.)
Chaque \ oî. 8". br. 15fr. relié toile 17 fi. d. mar. amataeur 22 fr.
Belin (A), Histoire de la latinité de Constantinople. 2e édition préparée par
l'auteur, revue, augmentée S; continuée jusqu' à notre temps par 'e R.
P. Arsène de Chatel, ex-provincial des Capucins de Paris, ex-préfet apo-
stolique de la mission de Constantinople, avec deux plans § des gra- -l
vures. 1894, 1vol. 8°. pi. § grav *v . 10K
Chalandon (F), Les Comnène. Etudes sur l'Empire Byzantin aux XIe §Xllc
siècles T. II.Jean II Comnène (t 18—1-143) # Manuel I Comnène (1143-1180).
1vol.gr.8°. pi ;.,... 30îr.
Le tome Ier-: Alexis Comnène (1081—1108)est épuisé..
Deiavilîe-Le Roulx (J), Mélanges sur l'Ordre de Jérusalem. 1911,1 vol 4°,*~ "
pi !5fr.
Encyclopédie de l'Islam, dictionnaire géographique, ethnographique 5 bio
graphique des peuples musulmans, publié avec le concours des princi-
paux orientalistes, par M, Th. Houtsma, professeur à l'Université À'Ut-_
recht (Ouvrage patronné par l'Association internationale des Académies) ~ *
douze livraisons sont-déjà parues. (Aaron-Bornu)...;' __""
Cette édition française formera trois gros volumes grand 8° corrpre- '
nant chacun 15livraisons de 64 pages. Le prix de ia livraison .est fixé
à 4 fr. 30 § à 3.75 pour iês . acheteurs qui verseraient d'avance le prix
total de l'ouvrage, soit . . . . .... . . ... .168.75fr.' - -
11paraîtra environ 4 livraisons par an.
Hesseling (D. C), Essai sur la civilisation byzantine..£2Q7',i vol 12î).3.50fr.
Meistermann (Le Père Barnabe), Nouveau Guide de Terre-Sainte. Î9Q7,
1 vol. 12?.càrt. cartesgjpî 7fr.
Guide du Nil au Jourdain par le Sinaï &,Pétra sur les traces d'Israël. -
1908, 1vol. 12°. cart.pl. S cartes' . 7 fr,
Rabbaih (Le P. Antoine) S. ]., Documents inédits pour servir à l'histoire
du Christianisme en Orient. (XVIe—XIXe sièles.) Tome Ier- fascicules 3,
Tome II fasc. 1 et 2 chaque fascicule ,.;; . . . . . . ... 7.50fr.,<
Tournebize (Fr.), Historié politique fy religieuse de l'Arménie, .depuis les
origines des Arméniens jusqu'à la mort de^Jeur rgi..(l!an 1398),avec '-
une table alphabétique
" des noms § des matiè~res«§trôis^cartes; 1910,1vol- ~_
8°. ....... V:^'..-.-.'. .'.:.:, . -. . lOfr/"
Viaud (R. P.Prosper) O.F. M., Nazareth 8;ses deux églises de l'Annonciation
§ de Saint-Joseph d'après les fouilles récentes pratiquées sous ia direc-
tion du R; P. Viaud. 1910, 1 vol. 8°. 94 grav. ... . . .';';'-,., . -. . 6fr.

Vous aimerez peut-être aussi