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THECA S. J.
Saint-Augustin
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L I O T .
BIB s n t a iSnes LY
L
Le Fo T I
60 - CHAN
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RE
יני ovit " יס 83
A S14 / २०५
DE
LA VÉRITABLE
DÉVOTION ;
Traité traduit de Italien de
DE L. A. MURATORI ,
VET
BIBLIOTHÈQUE S. J.
Pri Fontaines
A PARIS , 60 SHANTILLY
Chez LAMBERT , Imprimeur , rue de la Harpe.
Veuve MEQUIGNON , rue de la Juiverie.
LOTTIN , le jeune , rue Saint Jacques.
Veuve DESAINT , rue du Foin .
MORIN , Imprimeur , rue Saint Jacques.
BRADEL, rue d'Écoſſe, près Saint Hilaire.
M. DCC. LXXVIII
7
ij
ALL'IMMORTALE
G A N G A N E LLI ,
Pontefice illuminato , gran Principe,
dotto e pio Religioſo.
LA morte per il Criſtiano , per il
vero Filoſofo non è che un paſſaggio fe
lice all’immortalità . Eh come potrebbe
mai morire un Pontefice tal che fù Gan
ganelli ? Ei vive per tutti coloro che
amano la religione, la virtù , le lettere ,
e quella prezioſa ilarità che naſce dalla
pace dell'anima , e che la calma del
chioſtro unqua non puote alterare. Si ,
Santiſimo' Padre la rimembranza di
quelle bonià onde piacquevi d'onorarmi
non ſi cancllerà mai in me , mi ſarà più
preſente , più cara ſempre mi farà di
quella dei teſori infiniti , che Roma ano
tica , e moderna offre dei curiofi allo
Sguardo. Fautore zelante delle buona
>
iij
)
A L'IMMORTEL
GANG ANELLI,
Pontife éclairé , grand Prince , pieux
& fayant Religieux.
Pour le Chrétien , pour le vrai
Philoſophe , la mort n'eſt que le pré
lude de l'immortalité. Eh ! comment
un Pontife tel que GANGANELLI pour
roit-il ceſſer d'être ? Il vit à jamais
pour ceux qui aiment la Religion , les
lettres , la vertu , & cette gaieté pré
cieuſe qui naît de la paix de l’aine ,
& que le calme du cloître ne pût
jamais altérer. Oui , T. S. P. le ſou
venir de vos bontés me fera toujours
plus préſent & plus cher , que celui
des tréſors fans nombre que Rome
ancienne & moderne peut offrir à la
curioſité. Partifan zélé des bons ou
a ij
iv
opere, voi tenevate in gran pregio queſto
trattato del Muratori : non cellavate di
conſigliarne la lettura ; ho creduto dun
que non potervi preſentare un omaggio
più ſicuro del profondo mio offequio ,
e della mia riconoſcenza che con farvelo
comparire davanti tradotto nel mio lin
guaggio. Degnatevi, Santiſſimo Padre ,
digradirlo , e di ottenere in prò d'una
nazione ( dicui facevate voſtra delizia
il chiamaryi particolarmente il Pa
dre * ) , l'amore , e la praticà di
quelle virtù , di cui ſieteſtato tutta la
vita vofira il modello.
G * * *
.
vrages , vous eſtimiez ce traité de
Muratori ; vous ne ceſſiez d'en con
ſeiller la lecture; & j'ai cru ne pou
voir vous offrir un hommage plus ſûr
de mon profond reſpect & de ma
reconnoiſſance , qu'en le traduiſant.
Daignez , T. S. P. l'agréer , & obtenir
à une nation dont vous aimiez à vous
dire particulièrement le Père ( 1 ) , l'a
mour & la pratique des vertus , dont
vous avez été toute votre vie le
modèle.
G * * *
P R É F A C E.
Qu'il eft confolant de voir un
des hommes le plus ſavant & qui
connoiſſoit le mieux l'antiquité ,
prendre en main la défenſe de la
Religion, arracher le bandeau de la
ſuperſtition , & faire paroître dans
tout ſon éclat la véritable piété !
Le nom ſeul de Muratori ſuffiroit
pour faire l'éloge du livre dont
je donne aujourd'hui la traduc
tion , s'il ne réuniſſoit encore les
ſuffrages des deux Pontifes les plus
éclairés , & les plus reſpectables
qu'on ait vu ſur la chaire de S.
Pierre. Lambertini & Ganganelli ne
tariſſoient point en éloges du livre
de Muratori , & c'étoit l'ouvrage
que Benoît XIV indiquoit à une
Princeſſe célèbre , dont l'Europe
admire les vertus , & devenue
PR É F A C E. vij
preſque auſſi chère à la France
qu'à ſes ſujets, depuis qu'elle en
a reçu ſa Souveraine. Il eſt vrai
que dans un ſiécle auſſi diſlipé
que le nôtre , le ſujet eſt un peu
ſombre pour quiconque ne s'oc
cupe que de frivolités ou de ſpec
tacles ; mais ſans la préſomption
la plus folle , pouvons-nous né
gliger une étude qui n'a jamais
ceffé d'être celle des meilleurs
eſprits , & qui dans le fond eſt la
ſeule vraimentintéreſſante ? La pre
mière condition pour juger , eft de
le faire avec connoiſſance de cauſe ;
& le peut- on ſans s'inſtruire ? J'ofe
aſſurer que ſi on lit Muratori ſans
prévention , on trouvera fes preu
ves fi claires , ſes raiſonnemens
ſi juſtes , ſes réflexions ſi naturel
les , qu'on ne pourra manquer
d'être ébranlé , & peut-être con
duit à une façon de penſer nou
!
viij PRÉ F A C E.
velle & plus vraie. Son livre eſt à la
portée de tout le monde , & fait
pour les ignorans comme pour les
ſavans. Il cât aiſément pu faire
étalage d'érudition ; ( qui , ſur cet
article , étoit plus en fond que
lui ? ) mais peu jaloux de briller ,
pourvu qu'il fût utile , il n'a pen
ſé qu'à montrer la vérité & à la
faire aimer : j'aurois deſiré que
ſon ouvrage eût été moins char
gé de répétitions ; j'ai même été
tenté d'en élaguer quelques -unes ;
mais j'ai mieux aimé , dans un
ouvrage de dogme & de morale ,
courir le riſque d'être moins con
cis & être plus clair ; d'ailleurs ,
le copiſte d'un grand peintre eſt
il fait pour corriger les défauts
de ſon maître ! J'ai donc traduit
Muratori tel qu'il exiſte dans ſon
idiôme , & je ne doute point qu'il
ne ſoit accueilli , malgré la quan
PRÉ F À CE. ix
tité de bons livres que nous
avons en France ; je le crois eni
core très- capable de diſſiper la pré
vention où nous ſommes , qu'on
ne s'attache en Italie qu'à l'écorce
」
de la Religion; je puis certifier que
les lumières , les livres ſolides ,
les bons exemples n'y manquent
pas plus que dans le reſte de l’Eu
rope ; & là , comme ailleurs , la
ſuperſtition n'eſt que le partage
des ignorans , ou des gens qui
veulent ſe tromper .
La vie d'un homme tel que
Muratori, ne peut offrir beaucoup
de faits capables de piquer la cu
rioſité ; le cabinet d'un ſavant eſt
un ſéjour tranquille, où règnent
le ſilence & la paix ; cependant
je vais indiquer quelques traits
de ſa vie pour ceux qui ſeroient
jaloux de le connoître.
Muratori naquit de parens ob
P R É F A C E.
ſcurs dans le Duché de Modène , à
la fin d'O &tobre 1672. D'excellen
tes études , l'amour de la retraite ,
& le goût pour toutes lesſciences,
ſervi par une mémoire prodigieu
ſe , le portèrent à embraſſer l'état
Eccléſiaſtique; il s'étoit d'abord
deſtiné à la juriſprudence , mais
il s'en dégoûta bientôt , & fut
nommé Bibliothécaire à Milan.
C'eſt dans la bibliothèque ambroi
ſienne, le dépôt de toutes les
ſciences, & pendant le cours d'une
vie longue & laborieuſe , que
Muratori a puiſé ces grandes con
noiſſances , dont il a donné des
preuves dans tous les genres : lit
térature , philoſophie , morale ,
hiſtoire , religion ,politique , tout
a été de ſon reffort. Rappelé de
puis à Modène par ſon ſouverain ,
il fut fon Bibliothécaire , & nom
mé à la Cure de Sainte Marie de
P R É F A C E. xi
Pompoſa. Il y remplit la fonction
de Paſteur pendant 17 ans , & le
fruit de ſes inſtructions dure en
core , ainſi que les établiſſemens
utiles qu'il y fit pour le ſoulage
ment des pauvres. Une incom
modité , ſurvenue à Muratori , l'o
bligea de quitter ſa Cure , & le
temps qu'il recouvra par ſa dé
miſſion , fut employé à cette foule
d'ouvrages qu'il donna ſucceſſive
ment ; leur nombre eſt incroyable ,
puiſqu'il ne monte pas à moins de
120 vol. preſque tous in - 4º. ſans
compter une grande quantité de
lettres & de diſſertations , ſoit
manuſcrites , ſoit imprimées dans
des recueils. Muratori étoit trop
jaloux de ſon temps pour l'em.
ployer à répondre à des critiques
dictées par la jalouſie ou l'eſprit de
parti. Telle fut celle du livre dont
je donne la traduction , & qui ne
xij PR É F A CE,
pouvoit partir que de caſuiſtes re
lâchés , dont les principes étoient
directement contraires aux fiens.
Après avoir joui long-tempsd'une
ſanté conſervée par la ſobriété ,
Muratori mourut en 1750 , âgé de
77 ans , dans les ſentimens de pié
té & de réſignation qu'il avoit
pratiqués toute ſa vie. Il fut en
terré à Sainte Marie de Pompoſa , &
les louanges ſi ſouvent prodiguées
dans les épitaphes , ne ſont dans
la ſienne que l'expreſſion de la vé.
rité. Elle porte qu'il fut conſtam
ment l'ami des pauvres , auſſi mo
deſte que favant, & qu'il édifia
plus encore par ſes vertus , qu'il
n'éclaira par ſes ouvrages .
DE
IDADIN PORTU
D E
LA VÉRITABLE
DÉVOTION.
CHAPITRE PREMIER .
1
DÉVOTION.
le moyen du Baptême , nous ſommes
admis dans l'Egliſe de Dieu , & dans
l'affemblée des fidèles. Il en eſt des
Chrétiens comme des Soldats , qui ,
en s'engageant fous l'étendard d'un
Prince , s'obligent non -ſeulement à exé
cuter tous ſes ordres , mais même à fa
acifier leur vie pour ſon ſervice : ils ont
renoncé à tout attachement inondain ,
à toute action vicieuſe , ou condamna
ble , pour ne connoître d'autre maître
que Dieu , la ſource & le principe de
la vertu & de la ſainteté. Le Chré.
dien a promis d'obſerver fes Comman
demens , de l'aimer par -deſſus tout , &
ſon prochain comme lui-même; enfin ,
de ne s'écarter jamais en rien de ſon
ſervice. Dieu , de ſon côté , bien dif
férent des Princes de la terre , qui ſa
vent fi mal récompenſer ceux qui les fer
vent , s'engage de l'affifter dans ſesten
tations ; & ſi, par une ſuite de l'huma
nité , il ſuccombe aux aſſauts de la con
Ai
DE LA VÉRITABLE
cupiſcence , & tranſgreſſe la loi qu'il lui
a impoſée , il a promis de recevoir tou
jours avec miféricorde celui qu’un re
pentir ſincère lui ramène , & a inſtitué ,
à cet effet, le tribunal de la Penitence .
La bonté de Dieu ne s'arrête pas là ;
elle a encore préparé à quiconque le
ſert avec fidélité , une récompenſe d'un
prix immenſe , ou , pour mieux dire ,
infinie , puiſque le fidèle jouira dans
le Paradis , de la vue de Dieu : bonheur
vraiment infini, puiſqu'il n'aura d'au
tres bornes que celles de l'éternité.
Il exiſte donc dans le Baptême une
convention mutuelle entre Dieu &
l'homme. Celui - ci s'engage à aimec
fon Créateur , & à ne connoître d'au
tres loix & d'autre volonté que la fien
ne. Cette obligation s'appelle en latin
devovere se , ſe dévouer ; & de ce mot
dérive celui de dévotion , qui exprime
cette affection , cette obéiſſance à la
quelle s'engage tout homme qui ſe con :
1
DEVOTION. 5
facrant au ſervice de Dieu dans le Bap
tême , contracte toutes les obligations
du Chriſtianiſme : aufli l'Ange de l'é
cole dit-il , „ la dévotion vient de dé
» vouement : c'eſt pourquoi l'on nom
» me dévots ceux qui s'abandonnent tel
» lement à Dieu , qu'ils ne ſont occu
9
pés que de le ſervir; ( & il ajoute )
» ce qui prouve que la dévotion n'eft
Th. 24.
» autre choſe qu'une volonté décidée de, s.la ſeconde
Queſt,i . 82.Ar
» de faire tout ce qu'ordonne la loi ticle
» divine » . La dévotion eſt conſéquem
ment un acte de Religion néceſſaire à
quiconque profeſſe le Chriſtianiſme,
& du plus grand mérite pour tout Chré
tien. Ainſi qu'un vrai ſoldat , il doit
être toujours prêt à prouver , par ſes
actions, la fidélité & ſon exactitude.
Quoique la piété ſoit réellement diſtin
guée de la dévotion , la première
n'ayant pour objet que l'amour de Dieu
conſidéré comme père , & la ſeconde
embraſſanttous ſes attributs , on eſt ce
A iij
6 DE LA VÉRITABLE
pendant accoutumé à les confondre, & ;
dans le fond , elles ſont la même choſes
lorſque , par homme dévot ou pieux, on
veut déſigner ce ſentiment de l'ame
qui s'élève à Dieu comme ſon mal
tre & ſon père. Il eſt de la néceflité la
plus importante de nous rappeler & de
bien peſer toutes les conditions de cer
accord entre l'homme & Dieu . Admis
au Baptême dans un âge où la raiſon
f
ne jouit d'aucun de ſes droits , notre
devoir le plus eſſentiel, lorſqu'elle nous
éclaire , n'eſt -il pas de connoître certe
dévotion proprement dite , qui renfer
me tous les devoirs du Chrétien , c'eſt
à - dire , de quiconque eſt admis à être
enfant de Dieu ?Pareille obligation , il
faut l'avouer , ne peut manquer de pa
roître dure , & même infupportable à
bien des Chrétiens , principalement à
ceux qui ſont plongés dans les plai
firs, parce que nous portons dans nous
un maître impérieux, preſque toujours.
DÉ V OTION. 7
en contradiction avec Dieu & la Reli
gion. D'ailleurs, ſans ceſſe en burte a
l'attrait & à la ſource des tentations
nous ſommes dans un combat perpé
tuel , & dans un péril toujours pro
chain , de ne pas tenir à Dieu ce que
nous lui avons promis. Il eſt cepen
dant très - certain que Dieu n'exige
pas de nous des choſes impoſſibles , &
que le ſecours de ſa grâce , qui ne
manque jamais à perſonne , nous fera
toujours obſerver ce qu'il nous com
mande; ainſi, n'accuſons dans nos
fautes que notre lâcheté , & l'oubli
que nous aurons fait de recourir á lui
dans l'aſſaut le plus vif, la criſe la plus
forte de la tentation .
Il faudroit, en outre , avoir toujours
bien préſente une vérité importante ,
& à laquelle cependant les Chrétiens
font très - peu d'attention : c'eſt que
Dieu ne nous commande jamais rien
que pour notre plus grand bien ; de
A iv
& DE LA VÉRITABLE
façon qne quand les préceptes ne fc
roient pas un devoir , nous devrions
toujours les ſuivre , pour peu que nous
fuſſions réellement jaloux de notre
bonheur même temporel. En obſer
vant exactement tous les préceptes du
Décalogue, que deviennent tous les
vices capitaux , tels que l'orgueil , l'a
varice , l'impureté, & c ? Rien de ce qui
y eſt commandé , ne l'eſt que pour notre
propre utilité , puiſque toute action ou
toute omiſſion condainnable , ne peut
que nuire au public ou au particulier.
Le tort même que nous faiſons aux
autres rejaillit toujours ſur nous , ſoit
en nous faiſant encourir les peines im
poſées par les loix , ſoit par la perte de
l'eſtime & de la répuration , qui eſt un
des biens dont nous devons être le
plus jaloux ; ſoit enfin par celle
des biens , de la ſanté , & du calme de
la conſcience , qui eſt le tréſor le plus
précieux ſur la terre. Dieu veut que
DEVOTION. 2
nous réſiftions aux fouffles empoiſon
nés de l'impureté , à la colère , à la
gourmandiſe , à la vengeance : n'eſt
ce pas nous ordonner notre bonheur ?
La Philofophie payenne ne connut que
trop l'importance de cette morale , ou
plutôt fa néceſſité : elle ſentoit bien
que c'étoit le ſeul moyen de nous épar
gner des maux , & de nous conduire
au vrai bonheur. Dieu nous commande
l'humilité , la charité , c'eſt - à -dire , un
amour mutuel pour nos ſemblables
qui ſont nos frères, l'horreur de la fauf
feté, de la fourberie , la tempérance ,
la juſtice , &c. tout ſe réduit à n'or
donner que ce que la nature elle-même
nous indique pour notre félicité , &
dont l'oubli , ou le mépris ne peut que
faire notre tourment , ou diminuer au
moins le bonheur dont nous jouiſſons.
C'eſt donc une folie de ne pas re
parr ſes Com
connoître que Dieu , pa
mandemens , ne veut que notre bier:
Av .
JO DE LA VÉRITABLE
quelle eſt alors notre injuſtice & notre
ingratitude , fi, au lieu de le remercier ,
nous nous plaignons de la rigueur de
fes loix ? Elles ne tendent toutes qu’à
nous rendre heureux dans cette vie ,
& à nous procurer un bonheur éter
nel dans l'autre .
L'étude la plus ſérieuſe pour nous ,
eſt de bien connoître en quoi con
fifte cette vraie dévotion qui caracté
riſe le Chrétien ; l'amour de la nou
veauté , qui cherche autant à s'exercer
dans le monde fpirituel que dans le
politique , n'a pas manqué d'introdui
re pluſieurs eſpèces de dévotions , qu'on
nomme communément dévotions par
ticulières , & que nous ne diſcuterons
pas pour le moment. La nouveauté
peut certainement inventer des cultes
nouveaux très-légitimes, & fournir de
nouveaux moye is très - louables pour
honorer Dieu , & ranimer l'amour que
nous lui devons : d'un autre côté , elle
DEVOTION. 11
CHAPITRE I I.
AINSI
INSI que nous l'avons dit , nous:
entendons par le mot dévotion , ce
mouvement de reſpect & d'amour
qui s'élève dans notre cæur pour l'Etre:
dont nous dépendons , & dont tous
les attributs font aimables, Sûrs du
pouvoir qu'il a de nous récompenſer ,
nous nous engageons à fon ſervice ,
& nos actions ne tendent qu'à lui
plaire , & à mériter ſes bontés : nous
avons ſur la terre des Rois , des Maî
tres des Supérieurs; l'intérêt nous.
porte toujours à nous attacher à quel
qu'un d'eux , nous lui faiſons notre
cour avec afliduité , dans l'eſpoir d'en
obtenir quelque grace , & notre atta-,
16 DE LA VÉRITABLE
chement , ainſi que notre reſpect , aug.
mentent toujours en raiſon des fa
veurs qu'il nous accorde , ou des
qualités que nous découvrons en lui.
Mais , quel Prince peut-on comparer
à Dieu ? Aimable en lui-même , c'eſt
de lui que nous tenons notre être ,
notre conſervation , tous les biens dont
nous jouiſſons, ſans parler de ceux
qu'il nous promet , & qui ne peuvent
jamais être comparés aux premiers. La
raiſon & la nature s'accordent donc
pour nous apprendre que notre pre
mier hommage doit être pour le Maî
tre tout-puiſſant que nous connoiſſons;
c'eſt ce que dit formellement Saint
S. Ambr. Ambroiſe : ce ſentiment , ſelon lui ,
1.
de. Abr
mo .
aha -eſt le premier dans l'ordre , & le fon
dement de toute vertu ; auſi, Dieu
l'exige-t-il de nous.... Le S. Docteur
conclud de-là , qu'il faut être telle
ment ſerviteur de Dieu , que nous ne
connoillion plus d'autre volonté que
DEVOTION. 17
18 DE LA VÉRITABLE
de la croix , elles n'attachent cependant
aucun ſens à ce qu'elles prononcent ;
Contentes de rapporter toute leur ado
ration à J. C. qui certainement eſt
Dieu ; mais , ſans donner à leurs pen
ſées tout l'eſſor qu'elles devroient
avoir , elles n'ont pas la plus légère
idée de l'enſeignement de l'Egliſe , fur
ce qui concerne proprement Dieu. C'eſt
à cette eſpèce de gens , & même à
ceux chargés , par état, de les inſtruire ,
que je conſacre cette inſtruction fa
milière. Eh ! plût à Dieu qu'on ne
bornât pas ce genre de leçons aux en
fans ſeuls , mais qu'on l'étendît même
aux hommes parvenus à l'âge de
raiſon : dans l'enfance , les plus im
portantes vérités s'apprennent ma
chinalement , & c'eſt préciſément pour
les bien comprendre & en profiter ,
qu'on auroit beſoin de toute la force
de l'âge & de la raiſon. Qu'on me
permette donc de rapporter ici ces
DEVOTION TO
28 DE LA VÉRITABLE
que forme le Chrétien , du cæur & de
la bouche , ne ſuffit pas encore , s'il
n'eſt accompagné d'un ſentiment inté
rieur , qui fait déçeſter les fautes avec
répentir ſincère d'avoir outragé un
Maître fi redourable , li bon , îi digne
de notre amour , & d'une promeſſe
ſtable de ne plus lui déſobéir ni l'of
fenſer. La droiture du cậur n'exige
pas beaucoup de paroles : ces mots ,
mon Dieu je vous demande miſéricorde ,
daignez , ô mon Dieu , ſecourir un mal
heureux pécheur , ſuffiſent pour expri
mer une douleur réelle , qui doit être
le ſentiment habituel de tout pécheur.
Le moyen le plus ſûr encore , eſt
d'employer celui que nous indique
la Doctrine chrétienne , qui nous rap
pelle ſans ceſſe que le vrai principe
du repentir eſt l'amour de Dieu , qui
nous fait déteſter nos fautes & non
pas l'amour propre, qui nous fait crain
dre le châtiment. On doit enſuite être
DE VOTION . 29
B iv
32 DE LA VÉRITABLE
CHAPITRE II I.
1
De la déyotion envers N. S. J. C.
CHAPITRE I V.
1
Dé v OTION. 53
core directement nos prières au Saine
Amour , pour qu'il allume en nous
ce feu céleſte qui a créé 'tant de
Saints , & fans lequel on ſe flatte en
vain de partager leur gloire. Nous l'a
vons déjà reçu dans le Baptême &
la Confirmation ; mais qu'avons-nous
fait pour le conſerver ? Nous avons
mis le comble à nos fautes, en l'ou
bliant , ainſi que le bien immenſe
qu'il peut nous faire : nous n'avons ja
mais penſé à réclamer un fi bon Maî
tre ; quoique J. C. nous ait aſſuré lui
même que ſon Père nous le donneroit
avec la même facilité qu'un homme
donne du pain à ſes enfans. Je ne peux
mieux finir cet article , que par la belle
prière que l'Egliſe met dans la bou
che des Fidèles , le jour de la Pente
côre , d'autant qu'elle contient toutes
les demandes qu'on peut faire à ce
divin Conſolateur.
Cüj
34 DE LA VÉRITABLE
1
CH A P I TRE V.
Première condition de la Dévotion : elle
conſiſte dans les bonnes @uvies.
COMMENT
OMMENT prouver notre dévotion
& les ſentimens de crainte & d'amour
que nous avons pour Dieu ? Dans le
commerce de la vie , ce ſont les fairs
plutôt que les paroles , qui font con
noître notre reſpect & notre tendreſſe
pour nos Maîtres & nos Bienfaiteurs.
La véritable pierre de touche pour
juger de notre dévotion , eſt d'exa
miner ſi, dans l'ordre de nos devoirs ,
nos actions ſont conformes à la Loi
Civ
36 DE LA VÉRITABLE
de Dieu , c'eſt- à-dire , bonnes , vér
tueuſes & réglées par la Loi fainte
qui nous fait pratiquer tout ce qu'il
pous ordonne , & fuir ce qu'il réprou
ve. Voilà le ſeul moyen de diſtinguer
fi l'amour que nous avons pour Dieu
eft réel ou imaginaire; notre divin Maî
tre nous en avertit lui-même, quand'
il nous dit : Qui fait mes Commande
mens & les obſerve, c'eſt-là celui que
mon Pere & moi aimons véritablement ,
Jean.ch.14.& je me ferai connoître à lui. Coin
1. 11.
ment , ſi nous reconnoiſſons Dieu pour
Maître , avons- nous la hardieſſe de
l'irriter & de l'offenſer ? Et , s'il eft
notre Père , quelle eſpèce d'enfans
fommes-nous , lorſque nous lui refu-.
fons notre amour & notre reconnoif
fance ? Pareils ſentimens ne font-ils pas
dus à un Dieu fi bon , & l'Auteur
de tout bien ? Il eſt par eſſence le
principe de la ſainteté , de la juſtice
& de toutes les perfections ; comment
DEVOTIO -N .
CHAPITRE V I.
35
Pères & les pieux Ecrivains , qui nous
ont tracé le tableau d'un vrai Chrétien .
Ces actes de vertus ſe partagent en
. deux claſſes, dont l'une eſt obligatoire ,
l'autre purement de conſeil. Un Chré
tien ne doit jamais perdre de vue les
uns & les autres , mais toujours fe
reſſouvenir qu'il n'exiſte ici – bas que
pour un inſtant , & que chaque pas
qu'il fait le mène à une demeure dont
il ne pourra jamais fortir. Heureux
celui qui ſe fera conduit dans ſon pé
lerinage de façon à mériter d'être à
jamais heureux. Il eſt très-aiſé de faire ,
ainſi que les Théologiens, de longs
traités fur ces vertus , & d'élever des
queſtions qui ne ſervent qu'à piquer
I la curioſité : mais toute la Théologie
fe réduit , pour les ſavans & les igno
rans , à un point eſſentiel , qui con
fiſte à faire des actions agréables à
Dieu. La ſcience certainement ne nous
ſauvera pas ; l'on doit s'attendre , au
7 DE LA VÉRITABLL
contraire , à rendre un compte plus con
ſidérable, lorſque des connoiſſances
acquiſes, au lieu d'être pour nous un
moyen de ſalut, n'auront ſervi qu'à conf
tater notre vanité. Le titre de vrai
ſavant n'eſt dû qu'à celui qui , quoi
que peu verſé dans la littérature , con
noît la vérité que l'Egliſe lui enſei
gne , la met en pratique , & rejette
toute action que Dieu réprouve.
Il s'agit maintenant de découvrir la
fource d'où découlent ces actions qui
nous rendent agréables à Dieu: elle
nous eſt indiquée par la doctrine de
J. C. & renfermée dans les trois ver
tus nommées Theologales : la foi, l'ef
pérance & la charité. Vertus ſurnatu
relles & divines, que toutes les forces
de la nature ne peuvent jamais nous
procurer , mais que Dieu lui-même
crée en nous. Elles ſont véritablement
la mine où l'on trouve l'or des bonnes
@uvres & des vertus morales; de fa
DEVOTION, 73
OM
çon qu’un Chrétien ne plaît jamais à
이
Dieu , qu'en raiſon du degré de force
avec lequel elles règnent dans ſon
cæur. Si elles ſont languiſſantes &
comme mortes, non -ſeulement nous
devenons inhabiles au bien , mais la
nature corrompue s'emparanț de toutes
nos facultés, les fait obéir en efcla
yes , au mépris de nos devoirs & de
la volonté de Dieu . Ainſi , la " pre
mière choſe à laquelle nous devons
ſérieuſement nous appliquer , eſt d'exa
miner , avec attention & ſans nous flat
ter , l'influence qu'ont ſur nous ces
yerrus de première néceſſité ; puiſqu'on
ne ſauroit trop le répéter , c'eſt d'elles
que dépend noţre fort pendant l'é
fernice. Il eſt très- facile , ainſi que
. l'obſerve l'Apôtre S. Jacques , de dire Ep. 6. I.S
à Dieu , le front dans la pouſſière ,
qu'on a lą foi pour tous les dogmes
qu'il a révélés , & qu'on eſt prêt de
donner la vie pour les acceſter, Il cu
DE LA VÉRITABLE
eſt de même de l'eſpérance : on eſt
dupe de ſon propre cæur , on s'appuie
ſur la miſéricorde de Dieu , & l'on
penſe qu'elle ne peut manquer de nous
pardonner nos égaremens ; mais il n'en
eft pas ainſi de la charité , qui eſt
l'amour de Dieu & du prochain : pour
peu que nous nous étudions , nous
découvrons bien -tôt qu'il eſt très-foible
en nous , & que ſouvent il nous man
que tout-à - fait. Tel qui s'imagine le
poſſéder au degré le plus éminent ,
s'il ſe replie ſur lui-même , s’apperçoit
de ſon illuſion , & qu'il ne doit ſa
prétendue perfection qu'à ſon orgueil .
Tant que nous ſerons fermement
attachés aux vérités que Dieu nous à
révélées , & que fes Miniſtres ne cel
fent de nous prêcher; tant que notre
cæur embraſé d'amour , ne verra de
bonheur qu'en Dieu , & d'autres rè
gles que fes préceptes , il eſt certain
que le péché n'aura aucun empire fur
nous
1
1 DEVOTION. 73
hous ', ou que nousne tarderons pas à
74
JB nous relever des chûtes qu’occafionne
ra notre fragilité. Une ame vraiement
pénétrée des grands principes de la Re
ligion , doit fuir le mal ayec plaiſir ,
3 80 faire le bien avec facilité.Si nous
He ſentosa pas en nous ces diſpoſit
3 tions : c'eſt que ces vertus céleftes
font afſoupies, & trop ſouvent'étein
tes. Notre étude principale doit donc
être de leur donner une nouvelle vie& ... CC
1
un nouvel élan fans, quoi nous ne
1 fèrvirons jamais Dieu dans la ſainteté
&i la juſtice , & nous coutons : le riſ
quede -perdie pour toujours les biens
que nous attendons de lui dans l'aut
rre vie.. Soyons donc fèrinetent per
f ſuadés que ces actes de foi, d'eſpéran ?
te& d'amour de Dieu , font non - ſeule +
ment utiles , mais même indiſpenſa
bles pour créer & nourrir en nous une :
véritable piété. Nous devons former
ces actes , lupn pas une fois le jour ,
D
74 DE LA VÉRITABLE
mais preſqu'à chaque inſtant de notre
vie , ſur-tout dans les tentations & la
fréquentation des Sacremens : nous ne
devons jamais ceſſer de prier Dieu ,
de inous donner & d'augmenter en
noas ees précieuſes vertus, qui font
le gerine de toutes les autres . Les Apô
tres , quoique témoins des miracles de
leur divin Maître , quoique nourris
continuellement du pain de vie , le
Luc. cap. 17. fupplioient toujours d'augmenter en eux
la foi. S. Paul , en écrivantl aux Ro
Roin . 150 mains , demandoit à Dieu qu'il le
13 .
comblât de paix & de joie dans la foi ,
& que ſon eſpérance ( c'eſt-à-dire la
charité ) s'accrût toujours de plus en plus
par la vertu & la puiſſance du S. Eſprit.
Dans l'Epître aux Theſſaloniciens', il
redouble ſes prières , pour obtenir que
Dieu dirige leurs æuvres dans l'amour
Theff. c. 3 : de Dieu & la patience de J. C. L'idée
• que je donne de ces trois ſublimes &
importantes vertus,eſttrop légère pour
DÉ VOTION . 75 .
€ ne pas faire deſirer que les Maîtres
. de la doctrine chrétienne les traitent
3 dans l'étendue qu'elles méritent , &
les faſſent connoître aux fidèles dans
. tout leur détail ; cependant , je vais
en donner une explication fuccinte
dans les chapitres ſuivans.
CHAPITRE VI I.
De la Foi.
DEVOTION. 77
je crois que le moyen le plus court
de diſliper l'orage , eſt de réciter cou
3 rageuſement le Symbole des Apôtres ,
& de former un Acte de foi con
traire à la tentation qu'ils éprouvent.
Ils peuvent aiſément encore trouver
une nouvelle force dans la réfle
xion , s'ils penfent au nombre prodi
gieux de Saints & d'Eſprits ſublimes
qui , quoique verfés dans toutes les
ſciences humaines , ont cru ces mê
mes dogmes qu'ils ſeroient tentés de
rejeter , & en ont toujours fait, juſqu'à
5 nos jours , la règle invariable de leur
vie. Comment un ignorant pourroic
CÊ il douter de vérités que des gens
5
n'eût point en effet accordé à l'Egliſe
le droit de décider les controverſes ,
& de fixer le vrai ſens des Ecritures ;
il n'exiſteroit plus aucun ſigne''carac
sèriſtique de la vraie Egliſe , & de la
Dv
82 DE LA VÉRITABLE
Doctrine de J. C. Il n'eſt point de ſecte
qui n'eût alors le droit de ſe vanter de
ſuivre la Doctrine de l'Evangile dans
ſa pureté ; ce qui eſt une abſurdité
inſoutenable , puiſque, ſuivant les pro
meſles mêmes de Jeſus- Chriſt , il ne
doit jamais abandonner l'Egliſe qu'il a
fondée.
Le premier ſentiment d'un Catholi
que Romain , doit être celui de la re
connoiſſance envers Dieu , pour l'avoir
fait naître & renaître dans une Egli
ſe qui date de l'origine du Chriſtia
niſme , & dont la croyance ne peut
jamais être ternie par aucune erreur .
Il ſeroit certainement bien à defirer
que chaque Fidèle fût pleinement info
truit de tous les dogmes de fa Reli
gion ; mais , il faut en convenir , le
peu de capacité des enfans, la légéreté
de leur caractère ne leur permettent
pas ſouvent de retirer des inſtructions,
tout le fruit qui en pourroit réfylter,
{ {
DEVOTION. 83
Dans quelques Egliſes , on explique la
Doctrine chrétienne aux jeunes gens
3
qui paroiſſent l'écouter avec plaiſir, &
ſouvent en profiter ; mais pareil uſage
n'eſt pas auſſi commun qu'il devroit l'ê
e tre ; & les Paſteurs , faits par état pour
éclairer les Fidèles , ne peuvent trop
s'appliquer à ſe procurer toutes les lu
mières néceſſaires , afin de les com
muniquer. Quant à la dernière claſſe
du peuple, condamnée par étae au tra->
vail & à l'ignorance , il eſt indiſpen
fable qu'elle fache au moins le Sym,
bole des Apôtres , & qu'on le lui ap
prenne en langue vulgaire , afin que
l'eſprit & le cæut puiſſent acquieſcer
à ce que la boucheprononce. J'ai, dans
les Chapitres précédens , détaillé les pre
mières vérités de la Religion , qu'il eſt
€ néceffaire de connoître : telle que l'exif
tence d'un feul Dieu en trois Perſon
nes, les peines & lesrécompenſesré
fervées au crime & à la vettu , la miſe
D vj
84 DELA VÉRITABLE
fion du Fils de Dieu , ſon Sacrifice ,
qui nous a mérité de rentrer en grâce ,
ſa préſence réelle dans le Sacrement
de l’Euchariſtie , qui eſt le chef- d'æu
vre de ſon amour pour nous ; enfin
tous lesSacreinensde l'Egliſe. A l'égard
des dogmes ſpéculatifs de la Religion ,
il ſuffit aux gens ſimples d'avoir leur
cæur diſpoſé à croire tout ce que reçoit
l’Egliſe , & à rejeter tout ce qu'elle
condamne. Quant aux dogmes moraux ,
c'eſt- à -dire , ceux dont l'inobſervance
conſtitue le péché, & nous fait per
dre la grâce , tout Chrétien doit con
noître les Commandemens de Dieu
& de l'Egliſe , ainfi. que les péchés
capitaux. Avec ces premiers principes ,
& le flambeau de la raiſon , l'homme
le plus borné, ſur -tout s'il aſſiſte à quel
que inſtruction ; & s'il écoute de temps
en temps l'explication des Ecritures :
peiit aiſément diſtinguer ce qu'il doit
fuir ; dans les eas douteux ou embar
0
DEVOTION. 85
raſſans, il aura recours aux lumières
de ſon Paſteur , ou de Directeurs
éclairés.
: Voilà un tableau , en raccourci, de ce
que nous nommons la foi , c'eſt - à
1
dire la première des vertus théologa
les : vertu qui eſt un don de Dieu ,
que nous recevons de lui par le Bap
tême ; vertu qui eſt la baſe de tou
tes les autres , & qui mérite à l'hom
me le nom de Chrétien ; mais , comme
dit l'Apôtre S. Jacques , d'accord en
te point avec l'Evangile , il ne ſuffit
pas d'avoir la foi ; c'eſt un état
au contraire mille fois pire que le
premier, dielle 'n'eft pas prouvée par
nos actions"; nous croyons devoit
honorer Dieus & inous le blafphê
mons à chaque inſtant ; nous con
venons'qu'il eſt la vérité même , &
nous le prenons à témoin de nos men
fonges, nous ſommes convaincus qu'il
abhorfe & pufina les orgueilleux , les
86 DE LA VÉRIT A BLE
impudiques, les voleurs, & nos ac
cions démentent à chaque inſtant nos
ſentimens, La vraie foi, fans laquelle
perſonne ne mérite le titre de Chré
cien , eſt celle , ſelon l'Apôtre , qui
opère par la charité , par l'amour de
Dieu , & cet amour ſe connoît par
les euvres. Ne ceſſons donc point de
le répéter ; nous devons toujours prier
Dieu , qu'il augmente . & vivifie en
nous cette foi , qui eſt le plus fou
vent languiſſante ou affoupie ; qu'il
nous faſſe véritablement ſentir la pré
ſence en tous lieux , ſon intelligence
infinie , qui pénètre juſqu'aux replis les
plus cachés de notre cœur , ſon infi
nie ſainteté , qui ne peut qu'abhorrer
toute eſpèce d'iniquité , & la juſtice
ſouveraine pour punir quiconque en
freint ſes Loix ſaintes , & ſe refuſe à
ſes divines inſpirations. Alors le Chré
tien qui fe diſpoſe, à prier , ſoit dans
l'Egliſe, ſoit ailleurs ,une fois perluas
DE VOTION. $7
3
dé qu'il eſt devant Dieu, qu'il l'écoute,
& connoît les ſentimens de ſon ceur ,
ne ſera plus diſtrait par des affaires
domeſtiques , par un procès inquiétant,
par le tort qu'il peut craindre de ſon
voiſin ; ſes regards ne ſe porteront
plus de côté & d'autre , pour exami
ner ceux qui ſont dans l'Egliſe, pour
en conſidérer les ornemens , & moins
encore pour cauſer avec ceux qui ſont
à ſes côtés. On ne peut pas de même
ſe glorifier de poſſéder un véritable
amour de Dieu , toutes les fois que
dans l'occaſion prochaine de pécher ,
une foi vive & animée ne nous re
préſentera pas avec force ce Dieu ter
rible & tout-puiſſant, prêt à punir
les infracteurs de la loi. Peut-on ſe
.vanter de l'aimer , lorſque l'excès de
la témérité & de l'ingratitude nous
porte à irriter le Maître de tout ce
qui exiſte , & qui ne nous fait ſen
sir ſa puiſſance que par des bienfaits ?
88 DE LA VÉRITABLE
Prions-le donc que par ſon infinie
bonté , il veuille bien nous fonder
Coloff. c. & nous enraciner dans la foi , comme
1. 23 . le diſoit ſon Apôtre , afin qu'avec le
fecours de ſa grâce , elle produiſe des
fruits qui répondent à la ſainteté de
notre croyance.
C'eſt une vérité qu'on ne peut trop
inculquer , que plus notre foi ſera
vive , plus nous aurons préſentes les
vérités de la Religion , plus nous trouve
rons de reſſources dans les tentations, &
plus nous ménerons une vie chrétienne .
Le point principal , & qu'il eſt le plus
utile de ſe rappeler , eſt celui-ci : je
crois la vie éternelle . Voilà le terme ,
le but de l'humanité : après cette vie ,
qui ne durera qu’un inſtant, duit en
còminencer une autre qui ne finira ja
mais . Dieu va me rappeler pour me
demander compte de mes actions ,
pour me récompenſer en Dieu , ſi elles
ont été conformes à ſes préceptes , &
DEVOTION. 89
me punir fi j'oſe me préſenter devant
Er
lui chargé de péchés, ou ſans en avoir
€
obtenu le pardon , lorſque le temps
m'étoit encore donné de le mériter.
e
Cette grande vérité , profondément
gravée dans le cæur , ſuffit pour nous
faire marcher dans le chemin de la
juſtice, ou nous y ramener bien -tôt,
fi nous avons eu le malheur de nous en
écarter . Enfin , il faut rappeler aux gens
de lettres , à ces eſprits ſublimes &
pénétrans, qui , enflés de leur ſavoir
& de leurs talens , s’imaginent être faits
pour tout ſubjuguer , que les doutes
qui s'élèvent dans leur eſprit , ne ſont
que l'effet de leurs paſſions, & qu'on
mérite de trouver faux ce que la Re
ligion nous enſeigne, quand on defire
donner un libre cours aux deſirs &
aux actions qu'elle réprouve. Rien de
plus aiſé que d'élever des doutes con
tre les vérités de la Religion les plus
{acrées; & l'on ne manque pas d'ar
A BLE
go DE LA VÉRIT
river au dernier terme de la dépra
vation , quand on cherche & qu'on
eſt aſſez malheureux pour trouver des
Jivres dans ce genre , qui achevent de
nous corrompre. Les héréſies des der
niers temps , à raiſon des faux princi
pes ſur leſquels elles ſont établies ,
ne peuvent que nous conduire au à
l'incrédulité, & l'on ne manque pas ſur
ces matières , d'ouvrages déteſtables
qu’ont vu éclore les infortunés pays ou
règne l'erreur. Mais quiconque s'aime
oi-même, ou pour mieux dire, quicon
que fait que pour s'aimer ſoi-même
avec ſagelſe , il faut préférer Dieu à
tour , bien loin de rechercher pareils
livres, ( ce qui eſt une faute très
grave ) n'eſt véritablement curieux que
de ceux qui peuvent fortifier ſon cæuc
& ſon eſprit dans la croyance de la
vérité chrétienne & catholique. Grand
nombre d'Auteurs ont conſacré leurs
plumes à prouver la Religion naturelle
DE VOTION. 91
EP & révélée ; nous avons même ſur ces
objets beaucoup de livres utiles, com
d poſés par des Proteſtans. L'on ne man
IC que pas d'ailleurs d'ouvrages pour éta
de blir la vérité de notre doctrine con
ECH
tre les Hérétiques. C'eſt là qu'il faut
puiſer l'antidote contre les doutes qui
peuvent nous fatiguer, & non pas boire
le poiſon dans la coupe que nous pré
ſentent nos ennemis , & les ennemis de
2
toute Religion. Des paſſions fougueu
ſes peuvent obſcurcir notre raiſon ;
mais le mal le plus cruel qu'elles puif
fent nous caufer , eſt d'éteindre cette
foi que tant de glorieux Martyrs ont
: regardée comme ſi inconteſtable, qu'ils
n'ont pas craint de lui facrifier leur
vie. Mais qui néglige Dieu , doit s'at
tendre à en être abandonné , & à
n'éprouver, à l'heure de la mort , que
la terreur , & des remords ſouvent in
fructueux. Heureux pendant ſa vie ,
& plus heureux encore à ſa fin , celui
92 DE LA VÉRITABLE
qui , ſans voir , aura cru & fidelle
ment pratiqué ce qu'il croyoit. Peut
on craindre de ſe repentir d'avoir été
hoinme de bien pour plaire à Dieu
& le vice doit-il ſe flatter d'être aſſis
un jour ſur le même trône que la
vertu ?
CHAPITRE VII I.
De l'Eſpérance.
UEL fruit tirerions -nous d'une
foi vive , qui nous feroit croire un
Paradis , ſéjour de bonheur & de dé
lices , s'il n'étoit deſtiné qu'aux ſeuls
Anges, & que nous ne puiſſions ja
mais nous flatter de l'obtenir ? Il eſt
très -certainement fait pour nous , & ,
ſur cet objet , la foi ne doit jamais
marcher fans l'eſpérance , vertu ſur
naturelle , qui , ainſi que les autres ,
nous vient de Dieu , & eſt créée par
lui dans nos caurs. Sous le nom d'ef
DE VOTION . 93
عر
104 DE LA VÉRITABLI
de ce divin attribut , que d'y pen
ſer pour s'encourager dans le vice ,
& continuer d'être impénitent , par
de que Dieu eſt bon & clément ?
L'infinie miſéricorde de Dieu ne peut
enchaîner la juſtice , & nous devons
adorer en lui ces deux attributs , en
faiſant de l'un l'objet de notre crain
te , de l'autre celui de notre con
ſolation ; & reſtant toujours perſuadés
que fi le repentir attire ſur nous la
miſéricorde de Dieu , l'endurciſſement
ne peut manquer de nous mériter fa
colère. Cependant, fi un pécheur , par
un retour ſur lui-même , effrayé du
péril où il ſe trouve de ſe perdre
pour toujours, diſoit qu'il eſpère que
Dieu briſera les liens qui l'attachent
au péché; pareil propos , qui , dans le
fond, n'eſt qu'un acte d'eſpérance ,
ne ſeroit pas à condamner. Il naîtroit ,
au contraire , d'un bon principe , c'eſt
à-dire , d'un deſir imparfait à la vé
DÉ V OTION . IOS
106 DE LA VÉRITABLE
Dieu déſormais les regarde , non pas
comme ſes ennemis , mais comme les
plus chers enfans. Le Créateur de l'hom
me n'eſt point , ainſi que lui , vindi
catif , ou inexorable. Ses penſées ſont
des penſées de paix & de pardon. Il
parle lui-même par une voix intérieure
à ceux qui ſe révoltent contre lui;
& pourvu qu'il les voie repentans ,
il ne tarde pas à leur pardonner ,
ſans jamais leur reprocher leurs pre
mières offenſes. Auffi fuis- je étonné
que des Chrétiens , qui ont fait tout
ce qui dépendoit d'eux pour rentrer en
grâce, ſe laiſſent toujours effrayer par
des doutes afligeans , & s'imaginent
que le Paradis leur eſt à jamais fer
mé. Cette eſpèce de Chrétiens croit
elle , ou ne croit-elle pas à l'Evangile ?
Dans ce faint Livre , notre Seigneur
nous indique , à chaque inſtant, ſous
Luc, 15. 12. l'emblême d'une parabole , le traite
ment que les pécheurs convertis éprou
DEVOTION. 107
CHAPITRE I X.
DEVOTION. 129
CHAPITRE X.
De la Prière.
1
DE VOTION. 145
eut pu les faire naître dans la claſſe
des pauvres , defireroient trouver dans
leurs ſemblables la même libéralité
qu'ils éprouvent de la part de Dieu .
Mais enfin , la maiſon de Dieu n'eſt
pas le lieu deſtiné à faire l'aumône.
S. Grégoire de Naziance, S. Jean Chri
ſoſtome , & d'autres Pères , nous ap
prennent qu'anciennement il n'étoit 1
CHAPITRE X I.
covi
E ' TOUTES les créatures qui exif
tent , l'homme eſt le ſeul à qui Dieu
ait donné la raiſon en partage , & dont
l'intelligence doive l'élever à la con
noiſſance de ſon Créateur . C'eſt une
vérité que la Religion naturelle nous
découvre ſans le ſecours de la foi. Si
donc nous connoiſſons , quoiqu'impar
faitement , notre principe & notre fin ,
c'eſt-à -dire , tout ce que Dieu a créé
Giv
152 DE LA VÉRITABLE
dans le monde , & ce qu'il y conſer
ve par un effet de ſa bonté ; c'eſt une
fource d'obligation toujours renaiſſan
te , de lui faire connoître notre dépen
dance comme à notre Souverain , &
notre reconnoiſſance coinme à notre
Bienfaiteur. Il n'eſt pas d'inſtant dans
la journée , que nous n'ayons des preu
ves de fa bonté , dans les dangers:
dont il nous défend , dans la ſanté qu'il
nous conſerve , enfin , dans toutes les
grâces fpirituelles & temporelles dont
il nous comble. C'eſt donc pour nous
le plus grand des devoirs , de for
mer , le plus que nous pourrons , des
actes de réconnoiſſance; telle étoit
l'intention de ceux qui nous ont éle
vés , lorſqué , dans le plus bas âges
ils nous ont appris à commencer la jour
née par la prière , & fur-tout par 10
raiſon Dominicale , qui contient en
ſubſtance toutes les demandes que nous
pouvons faire. Si les enfans fe font
DE VOTION. IS 3
uhe habitude de la réciter avec dif
traction , les hommes raiſonnables ſe
roient très-coupables de ne pas ren
dre à Dieu un pareil hommage avec
la réflexion & le recueillement qu'il
exige. Nous devons donc tous les ma
tins , ſoit dans un lieu retiré de la
maiſon , ſoit dans l'Egliſe , nous prof
terner devant Dieu , cette Trinité fainte
& adorable , qui remplit tout de ſa
majeſté: là , pénétrés vivement de la
préſence , & débarraſſés de toutes les
penſées terreſtres , nous lui proteſterons
de l'adorer , del’aimner , de le bénir , de
travailler pour ſa gloite , nous lui ren
drons grâcesdes bienfaits reçus, & lui en
demanderons de nouveaux avec confian
če. Nous devons nous humilier profon
dément aux pieds du Maître de la
nature , par l'aveu de notre réant ,
de notre foibleſſe , du beſoin conti.
nuel que nous avons de lui ; enſuite
nous élever juſqu'à la majeſté de ce
Gv
IS 4 DE LA VÉRITABLE
Roi des Rois , à ſa ſainteré , ſa clé
mence , fa bonté, pour en eſpérer
tous les biens, qui nous ſont néceſſai
res pour régler nos incurs, & notre
conduite,
La même prière doit avoir lieu à la
fin du jour, principalement pour remer
cierDieu desgrâces reçues dans la jour
née : nous ne devons craindre que de
pas reconnoître la millième partie.
n'en
Comment, par exemple, excuſer l'ingra
titude d'un homme qui , ayant reçu en
partage l’eſprit, les dignités, la ſanté, les
biens temporels , une femme vertueu
ſe & des enfans ſoumis , non- ſeule
ment ne remercieroit pas Dieu de ſon
bonheur , mais n'y penſeroit même pas ?
Ce feroit un ſentiment bien plus cone
damnable encore , s'il s'imaginoit de
voir pareils avantages, à ſa naiſſance , à
fon mérite, ou à ce qu'on déſigne ſous
le vain, nom de fortune ; un ore
gueil & une ingratitude auflimarqués .
DEVOTION. ISS
mériteroient que Dieu l'en dépouillât
dans l'inſtant. Il faut donc bien peu
de réflexion à quiconque eſt pourvu de
raiſon , & principalement à un Chré
tien , pour éclater à chaque inſtant en
actions de grâces & de louanges. Un
Chrétien éclairé , doit également cha
que jour ſe rappeler ſon Sauveur ,
puiſqu'il eſt l'auteur de tous ces biens.
Il doit l'adorer , lui offrir ſon amour
fa gratitude , & les plus grand deſir
de régler ſes actions ſur cet amour .
Eh ! que peut-il manquer à notre bon
heur, fi nous avons pour nous Jefus
Chriſt ?
· Un des moyens les plus ſûrs de
nourrir notre piété , eſt la pfalmodie ; & ,,
fous ce nom, nous comprenons le chant:
ou la récitation des pſeaumes & des
hymnnes en l'honneur de Dieu ( 1 ). Rien
CHAPITRE X I I.
D É Y OTION. 183
pas de défauts peut-être plus marqués
que ceux des perſonnes qu'il mépri
ſe ? Qu'il oſe ſoutenir n'avoir jamais
commis de fautes dans le cours de fa
vie , & n'être pas dans le cas d'en
faire chaque jour de nouvelles ? Qu'il
ait le front de ſe prétendre au -deſſus
de la colère des Princes, du fléau
des guerres & des maladies , enfin
de toutes les diſgrâces auxquelles on
eſt ſans ceſſe expoſé dans ce monde ?
Quelle raiſon a -t-il donc de marcher
avec une têre ſi altière , & de s’imagi
ner devoir concentrer dans lui tous les
biens? Certainement, ſi Dieu regarde un
pareil homme dans ſa miſéricorde ,
il ne manquera pas de lui envoyer
quelque diſgrâce ſalutaire , qui le fera
rentrer en lui-même ; & malheur à
lui ſi la mort l'inftruit de ce qu'il
eſt , ſans lui laiſſer le temps de pro
fiter de l'inſtruction.
Un ſujet auſſi vaſte , a été traité dans
184 DE LA VÉRITABLE
le plus grand détail , par les Maîtres
de la vie ſpirituelle ; & je me borne
à féliciter ceux qui ſont aſſez heureux
pour pofTeder l'humilité , vertu aufli
chère à Dieu qu'eſtimée dans les au
tres , par ceux mêmes que l'orgueil do
mine le plus. Examinons un inſtant
les perſonnes humbles ; leur état peur
changer par les dignités , les biens ,
les honneurs ; mais , avec l'idée juſte
qu'elles ontd'elles-mêmes , leurs mæurs
ne changeront point. On ne les verra
jamais ſe gonfler , leurs converſations
& leurs actions ne ſe reſſentiront ja
mais de leur p :o'périté , parce qu'el
les regardent tout ce qui leur arrive
comme une faveur gratuite de Dieu ,
qui peut la faire ce Ter quand il
lui plaît ; en un mot , que les biens
temporels font un prêt , & jamais un
don. Que les adverſités viennent en
ſuite ; avec un bon fond d'humilité
& de patience , on ne murmure point,
DEVOTION. 185
on neréſiſte point à la volonté & à
la permiſſion de Dieu ; mais con
vaincu qu'on n'a aucun droit d'être
traités avec prédilection , & que Dieu
ne nous éprouve que pour nous puri
fier, on fe difpofe à ſouffrir en paix touis
les châtiinens d'un auſſi bon Père. En
ſupportant tout pour l'amoir de Dieu ,
on ſe répète les paroles de l'Apôtre :
Que les châtimens de cette vie ne font Rom.c.5,
point à comparer avec l'immenſité de
la gloire qui nous eſt préparée & con
fervée dans l'autre. Enfin , l'humilité
fait s'accommoder à toute eſpèce de
malheurs , aux infirmités, aux contra
dictions , à la perte des biens; &
lorſque la dernière heure ſe fera en
tendre , comme elle nous apprend que
nous ne ſommes dans ce monde
qu'en paſſant, & obligés de le quit
ter lorſque notre Maître l'ordonnera
la réſignation nous fait accepter tout
ce qu'il nous impoſe ; cet acte même
186 DE LA VÉRITABLE
en devient un de plaiſir , parce que
l'humilité nous découvre toute l'éten
due de la miſéricorde de Dieu , &
que notre mort eſt la fin de nos ſouf
frances , & le commencement d'une
joie éternelle. Plus un Chrétien mor
tifiera ſon corps & plus encore ſon
cæur & ſon eſprit , plus on peut dire
de lui qu'il marche à grands pas à la
perfection ; cependant la mortification
du corps a beſoin d'être réglée encore
par la prudence. Un jeûne modéré eft
une pénitence que l'Egliſe approuve ,
& qu'elle nous ordonne. Il eſt encore
d'autres mortifications corporelles qu'on
peut permettre ; mais quant à ces re
cherches de pénitence , pour maltrai
ter ſon corps & lui déclarer la guerre ,
j'ai déjà remarqué qu'elles ſont dan
gereuſes , ſur- tout aux jeunes perſonnes
du ſexe. On lit dans la vie de S.
Philippe de Néry , ce grand maître de
la vie fpirituelle , qu'il faiſoit plus
DEVOTION. 187
xo de cas de ceux qui , châtiant leur
» corps avec modération, s'appliquoient
principalement à mortifier leur ef
9
prit & leur volonté , plutôt que de
» donner dans des pénitences & des
» auſtérités corporelles
CHAPITRE XI I I.
Du Sacrement de la Pénitence , de ſa
néceſſité , de ſon utilité, & de la
patience.
Ivj
104 DE LA VÉRITABLE
CHAPITRE X I V.
De la ſainte Mele..
ILN'EST
L N'EST aucun Chrétien catholique
qui , avec la ceinture la plus légère.
de la Religion , & un peu de crainte
de Dieu , ne ſoit plein de reſpect pour:
le Sacrifice de la Meffe : ſur cet ar
ticle , la façon de penſer eſt la même.
pour le ſavant & l'ignorant. Quoique
l'obligation d'y aflſter n'ait lieu que
les jours de Fêtes , bien des perſonnes.
ne manquent pas de l'entendre tous ,
les autres jours de la ſemaine. C'eſt
aſſurément pour un Chrétien l'action :
la plus ſanctifiante, & la plus méritoire ;
nous y ſommes accoutumés dès l'en
fince, mais ſans, nous douter de
l'importance d'une pareille fonction.
Les Miniſtres de la Religion ont cou-
tume , dans leurs inſtructions , d'ex
DEVOTION 205
pliquer un ſujet auſli intéreſſant; mais:
leurs diſcours ne s'adreſſant ordinai
rement qu'à des enfans , il arrive que:
le grain qui tombe dans une terre:
aride , fe defléche & ne rapporte point
de fruit. Il n'en eſt pas de même de
ceux qui conſacrent quelques-uns de
leurs, ſermons à traiter en détail ce
füjet. On voit ordinairement l'audi
toire plein du plaiſir que lui donne
l'explication d'une aufli ſainte inſtruc
tion , de fón objet , du fruit qu'on en
peut retirer , enſuite de tout ce que la
liturgie de la Meſſe renferme d'admi
rable . Le peuple fait bien en -gros que:
la Melle eſt une dévotion du plus
grand prix ; mais il s'en faut bien
qu'il la connoille en entier. aufli quand
il acquiert ſur ce ſujer: des connoif
fances qu'il n'avoit pas , il eſt enchan
té d'avoir pratiqué, ſans s'en douter, la
plus ſublime des démotions. Il recon.
noît alors que le Chrétien n'a pas de
206 DE LA VÉRITABLE
moyen plus propre & plus efficace de
rendre à Dieu un culte qui lui con
vienne , & d'obtenir des grâces de
ſa miſéricorde .
Pour ſentir toute l'excellence de la
Meſſe, il eſt bon d'obſerver qué plu
ſieurs eſpèces de dévotions, établies par
de bons ferviteurs de Dieu , peuvent
être très-utiles ; mais qu'il n'en eſt
aucune à comparer à celles que Dieu
lui-même a inſtituées , & dont il nous
recommande la pratique. La Melle
n'eſt autre choſe qu'un renouvellement
de la dernière Cène qu'a fait notre divin
Sauveur J. C. lorſqu'il conſacra lui
même le pain & le vin , & diftribua
ſon corps & ſon ſang à ſes Apôtres ſous
les eſpèces ſacramentales. C'eſt ce mê.
me corps qu'il abandonnoit aux tortures
des Juifs , & ce même ſang qu'il
devoit répandre pour la rémiſſion de
nos péchés. Il recommanda alors à
fes Diſciples de renouveler entre eux la
Đ : v oToN. 207
mémoire de cette fainte Cène , en leur
diſant : faites ceci en mémoire de moi.
Nous ne devons pas douter que cette
pratique n'ait été fidélement ſuivie par
les Apôtres , lorſque nous liſons l'E
pître de S. Paul aux Corinthiens, où il Ep . Ière. ch .
parle de la dévotion & de la pureté que 11. v. 20.
tout Chrétien doit apporter à la Cène
ou à la Table de notre Seigneur . Les
actes des Apôtres ne nous permettent
pas encore de douter qu'on ne s'en
approchậr avec les actions de grâces
les plus touchantes . Voilà une des Ch. 11. 42.
premières réflexions que doit faire
tout Chrétien lorſqu'il va à la Mef
ſe. Que toute perſonne qui a l'a
mour de la Religion dans le cœur ,
penſe aux faints tranſports qu'il eût
éprouvés , s'il eût eu le bonheur d'af
ſiſter à ce céleſte banquet , & de re
cevoir , des mains de fon Rédempteur ,
ſon divin corps & fon précieux ſang.
Eft -il beaucoup de perſonnes ( dit Saint
208 DE LA VÉRITABL !
j
DEVOTION. zog
C'eſt une vérité ſur laquelle l'Apôtre
appuie fortement dans ſon Epître
aux Corinthiens. Toutes les fois que
Ch . 11. 7. 26
yous mangerez ce pain & boirez ce
calice , vous annoncerez la mort, du.
Seigneur , juſqu'à ce qu'il vienne
nous juger. Aulli toutes les fois que
le Chrétien aſſiſte à la Meſſe , il doit
avoir fous les yeux le grand ſpecta
cle du Calvaire , voir fon Sauveur ex
pirer ſur la croix , & fon ſang couler
pour nous racheter . Conféquemment,
la Meſle renferme les deux princi
pales actions. du Fils de Dieu : l'une
comme Euchariſtie , en ce que c'eſt
un pain céleſte pour alimenter nos:
ames , & les ſoutenir dans le chemin
de la vertu ; l'autre comme Sacrifice ,
pour effacer tous les péchés. que no
tre fragilité nous fait commettre , en
nous appliquant les mérites de la pal
hon de notre Sauveur , ſi nous ſom
mes bien diſpoſés à les recevoir .. En
210 DE LA VÉRITABLE
voilà plus qu'il n'en faut pour dé
montrer que la Meſſe eſt la plus au
gufte , la plus importante & la plus
profitable des dévorions , tant pour
adorer Dieu de la façon la plus par
faite , que pour recevoir un furcroît
de grâces , qui nous empêché de l'of
fenfer par la ſuite , & nous obtienne ,
en tout ou en partie , la rémiſlion de
nos anciennes fautes. Enfin , cette
fonction eſt pour nous le moyen le
plus efficace de remercier Dieu de
ſes bienfaits , tant par rapport au Sa
crifice , qu'en conſidération du Sacre
ment , nommé à cet effet , Eucha
riſtie , c'eſt- à -dire , action de grâces.
Pour comprendre tout le fruit qu'un
Chrétien bien diſpoſé peut retirer de
la fainte Meſſe , il ſuffit de réfléchir
à ce qui en fait le principal mérite.
Elle eſt le véritable & unique facri
fice des Chrétiens ; & , comme nous
l'avons dit , un renouvellement de ce
DÍ V OTION . 2II
CHAPITRE X V.
3
K vi
228 DE LA VÉRITABLE
CHAPITRE X V I..
Quelle pare a le peuple à la ſainte:
Melle: quand il y alyſte.
L.B SAINT SACRIFICE de la Meffe eft
compoſé de trois parties. principales :
l'Oblation , la Conſécration & la Com
munion. Par la première on offre à
Dieu le pain: & le vin ; mais il eſt une:
autre Oblacion plus importante., qui ſe.
fait tacitement dans la Confécration :
même, & expreſſément aprèsla Conſe
cration; parce qu'alors le Fils deDieu eft :
offert à fon Père comme une hoftie &
une victime non ſånglånte , pour la
rédemption du genre humain . De la :
part, des aſſiſtans , cette oblation ſe fait
par des ſentimens d'amour , non pas "
en leur nom , mais en celui de J; C..
La Conſécration a lieu lorſque le Prên.
we prononçant les paroles mêines de:
notre Sauveur,, la ſubſtànce, du , pain.
a du: vin, le change au vrai corps &
DEVOTION: ΣΣΟΣ
CHAPITRE XVI I.
Commencement ou Introït de la Mefe
juſqu'au Canon .
基
Il commence enſuite la partie de
DEVOTION. 245
mencée ( 1 ).
( 1 ) Il eſt à remarquer que Muratoti parle
relativement aux uſages Italiens.
254 DE LA VÉRITABLE
Après l'Évangile , les jours de Di
manches ou de Fêtes, & même à cer
tains jours marqués , le Prêtre récite
le Credo , c'eſt - à -dire, le Symbole du
premier Concile général de Conſtan
tinople. C'eſt vraiment un acte de foi ,
qui renferme les dogmes principaux de
notre croyance , & que le Prêtre &
le peuple font de concert ; le voiti
dans ſon entier :
Je crois en un ſeul Dieu , Père tout -puiſſant,
qui a fait le ciel & la terre , toutes les choſes
viſibles & inviſibles , & en un ſeul Seigneur ,
J. C. Fils unique de Dieu , & né du Père avant
tous les ſiècles. Dieu deDieu, lumière de lumière,
vrai Dieu du vrai Dieu ; qui n'a pas été fait ,
mais engendré : qui n'a qu'une même ſubſtan
ce avec le Père : par qui toutes choſes ont
été faites: qui eſt deſcendu des cieux pour
nous hommes miſérables & pour notre ſalut :
& ayant pris chair de la Vierge Marie par l'o
pération du S. Eſprit ; A ÉTÉ FAIT HOMME :
qui a auſſi été crucifié pour nous : qui a ſouffert
fous Ponce-Pilate : quia été mis dans le tom
beau ; qui eſt reſſuſcité le troiſième jour ,
felon les Ecrirures : qui eſt moncé au ciel ; qui
DEVOTION. 235 .
eſt aſſis à la droite du Père : qui viendra de
nouveau , plein de gloire , pour juger les vi
vans & les morts , & dont le règne n'aura pas
de fin. Je crois au S. Eſprit, qui eſt auſſi
Seigneur , & qui donne la vie : qui procede
du Père & du Fils : qui eſt adoré & glorifié
conjointement avec le Père & le Fils : qui a
parlé par les Prophètes. Je crois l'Egliſe qui
eſt Une , Sainte , Catholique & Apoftolique.
Je confeſſe un Baptême pour la rémiſſion des
péchés. Et j'attends la Réſurrection des morts.
Et la vie du ſiècle à venir. Ainſi ſoit -il.
Après le Symbole , le Prêtre ſe
retourne vers le peuple & lui dit :
Le Seigneur ſoit avec vous. ( le Clerc lui
répond .) Etavec votre eſprit.
Le Prêtre ajoute , 'Oremus ou Prions,
& récite l'Offertoire, compoſé de ces
paroles du pſeaume:
Du profond de mon cæur j'élève à vous
mes cris , ô mon Seigneur ; exaucez ma priè
re , ô mon Dieu ; du profond de mon cæur
j'élève à vous mes cris.
Dans les premiers ſiècles, l'Offertoi.
re ſe chantoit par le chąur avec un
plus grand nombre de verſers, que
256 DE LA VÉRITABI, E
l'on répétoit pour donues le temps au
peuple d'apporter ſon of.rande à l’Au
tel. Pour entendre ceci , il faut ſavoir
qu'autrefois quiconque affiſtoit à la
fainte Meſſe avec intention de parti
ciper à la ſainte Table , s'approchoit
du chœur , & là , remettoit aux Mi
niſtres de l'Autel un petit pain ( avec
levain ou ſans levain ) & un peu de
vin , afin que l'un & l'autre fuſſent con
facrés par le Prêtre , & lui ſerviſſent pour
communier. Avec le temps , il en eſt
tant réſulté d’abus, que les Prêtres &
les Curés ſe font chargés de fournir
l'Autel de tout le pain ( ou des hof
ties , ainſi que nous le diſons aujour
d'hui ) - & du vin néceſſaire. Les Laïcs
communioient autrefois ſous les eſpès
ces du pain & du vin , uſage que l'Égliſea
anéanti pour des raiſons très-légitimes ;
puiſqu'il eſt ſûr que dans le ſeul pain
conſacré, & devenu le corps du Sei
gneur , le Fidèle reçoit aulli fon pré
DE VOTION 257
cieux fang. Il eſt des Pays où l’u
ſage ſubliſte encore parmi le peu
ple , de faire l'Offrande en argent ,
& cela je crois pour dédommager le
Prêtre de la dépenſe qu'occaſionne l'a
chat des hofties pour les Communions.
Les pains que les Prêtres Abylins bé
niſſent avec certaines prières , eſt une
dévotion qui leur eſt particulière. Les au
tres offrandes qu'apportoit le peuple à
l'Autel, avoient encore le nom de Sacri
fice , étant deſtinées à devenir un Sa
crifice à Dieu lorſqu'elles avoient été
conſacrées. Tertullien donne le nom
de Prêtres aux Laïcs qui aſſiſtoient
à la ſainte Table , faiſant entendre ,
ainſi que nous l'avons expliquéplus haut,
qu'ils ſacrifioient avec le Prêtre , puiſ
qu'ils offroient avec lui le Sacrifice
quoique la fonction la plus élevée , qui
eſt le pouvoir de conſacrer, n'appartienne
qu'au Prêtre ſeul. Cette forme d'Obla
tion n'a plus lieu , mais l'eſprit en ſub
BLE
258 DE LA VÉRITA
ſiſte toujours , ainſi que nous le ver
rons bien-tôt.
Le Miniſtre de Dieu prenant la gran
de hoftie & les petites , qui ſont cenſées
préſentées par ceux qui veulent com
munier , les place ſur la parène , &
l'élevant avec les mains , il dit :
Recevez , ô Père ſaint , Dieu éternel & tout
puiſſant, cette Hoſtie ſans tache , ( c'eſt - à- dire ,
ce pain qui vous eſt offert pour le Sacrifice )
que , tout indigne que je ſuis d'être du nom
bre de vos ſerviteurs , j'oſe vous offrir à vous
qui êtes mon Dieu vivant & véritable , pour
mes péchés, mes offenſes & mes négligences
qui ſont ſans nombre , pour les aſſiſtans & pour
tous les fideles Chrétiens vivans & morts ,afin
qu'elle profite à eux & à moi pour le ſalut
& la vie éternelle . Ainſi ſoit-il.
Le Prêtre va verſer enſuite dans le
calice du vin & de l'eau ; & béniſſant
l'eau il dit :
O Dieu , qui par une merveille de votre
puiſſance, avez créé & élevé la nature humai
ne à un'état fi noble & fi excellent ; & qui ,
par une merveille encore plus grande , l'avez
DEVOTION . 259
rétablie dans la dignité ; faites-nous la grâce ,
par le myſtère que cette eau & ce vin repré
ſentent, d'avoir part à la divinité de celui
qui n'a pas dédaigné de ſe revêtir de notre hu
manité , J. C. votre Fils , N. S. qui vit & rè
gne avec vous dans tous les fiècles. Ainſi
ſoit - il.
Il retourne enſuite au milieu de
l'Autel ; & en élevant le calice il dit ,
en ſon nom & celui de tout le peu
ple :
Nous vous offrons , Seigneur, ce calice de
notre falut , en ſuppliant votre clémence de
le faire monter en préſence de votre divine
Majeſté , & de le recevoir en odeur de ſua
vité pour notre ſalut & celui de tout le mon
de. Ainſi ſoit -il.
1
DEVOTION. 263
peuple. ) Et avec votre eſprit. ( le Prêtre. )
Elevez vos cæurs. ( le -Clerc. ) Nous lęs avons
élevés vers le Seigneur. ( le Prêtre. ) Rendons
grâces au Seigneur notre Dieu. ( le Clerc. ) Ce
la eſt juſte & raiſonnable.
· CHAPITRE X V I I I.
Continuation de la Meſle juſqu'à la fin.
E PRÊTRE élevant les yeux &
les abaiſſant enſuite , en s'inclinant
profondément , commence à prier à
voix baſſe , en ſon nom & celui des
aſſiſtans , & dit :
Nous vous prions donc en route humilité ,
ô Père très -miſéricordieux , & nous vous de
mandons que vous ayez agréable ces dons',
ces préfens , ( c'eſt- à-dire , le pain & le vin ;
deſtinés pour le Sacrifice ) ces Sacrifices faints
&
DE VOTION . 265
& ſans tache , que nous vous offrons en pre
mier lieu pour votre ſainte Egliſe. Catho
lique , afin qu'il vous plaiſe de lui donner
la paix , de la garder , de la maintenir dans
l'union , & de la gouverner par toute la terre ,
avec votre ſerviteur notre S. Père le Pape , ( on
le nomme ici ) notre Evéque, ( dont on dit auf
fi le nom ) & tous les fidèles Orthodoxes qui
ſont dans le culte de la foi Catholique & Apof
tolique.
Le Prêtre paſſe enſuite à la com
mémoration des perſonnes vivantes :
& dir :
Souvenez-vous, Seigneur de vos ferviteurs
& de vos ſervantes,
+
Nous vous prions donc , o Seigneur, de re
cevoir favorablement cette offrande de notre
ſervitude , qui eſt auſſi celle de toute votre fa.
'mille ; de nous faire jouir de votre paix pen
dant nos jours , & de faire qu'étant préſervés de
la damnation éternelle , nous ſoyons comptés
!!
au nombre de vos élus. Par J. C. N. S. AinG
foit - il.
16D
274 DE LA VÉRITABLI
afin qu'étant aſſiſtés du ſecours de votre miſé
ricorde, nous ſoyons toujours affranchis de
l'eſclavage du péché , & de toute crainte d'au
cun trouble. Nous vous en prions par J. C.
N. S. votre Fils ,
II rompt ici l'Hoftie en trois parts.
Qui étant Dieu , vit & règne avec vous en
l'unité du ſaint Eſprit.
Il ajoute : en élévant la voix :
Dans tous les ſiècles des ſiècles. ( le Clerc. )
Ainfi- Coit- il. ( le Prêtre, ) La paix de N. S. ſoit
toujours avecvous. (le Clerc. h Et avec votre
eſprit.
Le Prêtre mettant une parcelle de
l'Hoftie dans le Calice , ajoute la priè
re ſuivante :
Que ce mélange & cette conſécration du
corps & du ſang de notre Seigneur Jeſus-Chriſt ,
ſoient faits pour la vie éternelle de nous qui les
allons recevoir. Ainſi ſoit -il.
1
278 DE LA VÉRITABLL
Prenant enſuite de la main gau
che la Sainte Hoſtie , il dit ces paroles
du Pleaume:
Je prendrai le pain. céleſte , & j'invoquerai
le nom du Seigneur.
Après quoi il s'incline profondé
ment , & dit trois fois ces paroles de
l'Évangile , en ſe frappant la poitrine :
Seigneur , je ne ſuis pas digne que vous en
triez dans ma maiſon ; mais dites ſeulement
une parole & mon ame ſera guérie.
( Il ajoute ) : Que le Corps de notre Seigneur
J. C. garde mon ame pour la vie éternelle .
Ainſi ſoit -il.
Cela fait , il ſe nourrit du pain
céleſte , c'eſt-à-dire , du vrai Corps de
N. S. Il ſe recueille après pendant un
court intervalle de temps , & ramaſſe
les fragmens avec la patène , en diſant
ces mots du Pſeaume :
Que rendrai-je au Seigneur pour tous les
biens qu'il m'a faits ? Je prendrai le Calice du
ſalut, & j'invoquerai le nom du Seigneur. J'in
voquerai le Seigneur en chantant ſes louan
ges : je ſerai délivré de mes ennemis,
DEVOTION. 279
Prenant enſuite le Calice de la main
droite , avant que de boire le précieux
Sang , il dir la prière qui fuir :
1
Que le Sang de notre Seigneur Jeſus- Chriſt
garde mon ame pour la vie éternelle. Ainſi
ſoit - il.
C'eſt dans ce moment que doivent
cominunier tous ceux qui ont aſſiſté
à la Mefle dans cette intention . Il eſt
à remarquer que , quoique la Commu
nion des fidèles ſuive immédiatement
celle du Prêtre, le Clerc cependant
dit le Confiteor au nom de tous ceux
qui ſe préſentent. Le Prêtre fe retourne
enſuite pour donner l'abſolution , avec
le Mifereatur & l'Indulgentiam , formu
E les qu'on a vues au commencement de
la Meffe. Prenant enſuite en main une
petite Hoftie , il dit : Voici l'Agneau
3 &c. Et après avoir prononcé trois fois :
Seigneur, je ne ſuis pas digne , &c. il
diſtribue aux fidèles le Corps de J. C.
en diſant à chacun d'eux en particu
280 DE LA VÉRITABLE
lier : Que le Corps de N. S. J. C. &c.
le peuple répondoit autrefois: Ainſi
ſoit-il, c'eſt à -dire , Je crois recevoir
le vrai Corps du Verbe de Dieu fait
homme. Quoique l'uſage en ſoit abo
li , il peut encore le ſuivre aujour
d'hui. Quant à la Confellion & Ab
ſolution générale dont je viens de
parler , elle n'avoit pas lieu dans l'an
cien rit de l'Egliſe pour ceux qui com
munioient à la Meſſe , parce que le
peuple avoit déjà fait cet acte de Con
trition avec le Prêtre au cominence
ment de la Meſle , & qu'il paroiſſoit
fuperflu de le répéter. Cet uſage, ſa
gement inſtitué pour ceux qui venoient
communier à la Meſle , ſans l'avoir
précédemment entendue , s'eſt intro
duir pour ceux mêmes qui communient
à la Meſle après y avoir affifté , à
moins qu'on ne l'ait établi pour les
fidèles en général, qui ne ſe font pas
trouvés au coinmencement du faint
DE VOTION. 28
CHAPITRE XI X.
Du fruit qu'on doit retirer de la Mefe
& de la Communion .
!
dant ou après la Meſſe. Je ne ſaurois
répondre rien de mieux à ce ſujer , que
ce qu'a dicté la prudence & le ſavoir
du faint Cardinal Querini , Evêque
de Breſce. Il recommande , dans deux
lettres paſtorales adreſſées à ſes fidéles ,
en 1742 , que la Communion du peu
ple ſe faſſe immédiatement après celle
du Prêtre, & il en donne pour rai
' fon les paroles ſuivantes du Concile
2
de Trente: » Le faint Concile defireroit
squ'à chaque Melle qu'entendent les
» fidèles, non -ſeulement ils y com
!
» muniaſſent ſpirituellement, mais qu'ils
i
» y reçuſſent réellement l’Euchariftie ,
puiſqu'ils retireroient le plus grand
» fruit de ce Saint Sacrifice : mais la
1
» Communion n'ayant pas toujours lieu
» de la part des aſſiſtans, le Concile eſt
„ bien loin de condamner , comme par
» ticulières & défendues, les Meſſes
dans leſquelles le Prêtre ſeul commu
» nie facramentellement; au contraire ,
Niv
196 DE LA VÉRITABLE
» .il les approuve & les recommande ( 1).
Le veu du Concile étant donc quà
chaque Meſle non-ſeulementle Minif
tre , mais que tous ceux qui l'enten
dent y communient , il s'enſuit que
le peuple devroit communier à la même
Melle. Les paroles du rituel , citées
à ce ſujet par le même Cardinal , ſont
encore plus préciſes. » La Communion
w du peuple à la Meſſe , ſe doit faire
» immédiatement après celle du Prêtre ,
và moins qu'il n'y ait quelque incone
» : vénient majeur, parce que les prières
CHAPITRE X X.
De la dévotion envers les Saints.
21
que , conformément aux traditions fa
buleuſes du Saint ; cette dévotion eſt
entièrement tombée, & plûc à Dieu
qu'il n'en exiſtât aucune de ce genre.
Ah ! ſi nous pouvions nous inftruire
avec les Saints du Paradis , & favoir
d'eux ce qui les touche le plus, tous
nous répondroient d'une voix, que leurs
deſirs ne rendent qu'à voir Dieu , no
tre Père commun , aimé & glorifié ;
qu'on ne peut plaire à ſes ferviteurs
1
3
mains qui en ſont le principe ; ils n'y
peuvent être ſenſibles que quand il en
réſulte une gloire véritable pour Dieu ,
0 iv
320 DE LA VÉRITABLE
par la réforme de notre vie , & l'i
mitation de leurs vertus. S'il ne nous
eſt pas pollible d'interroger les Saints
dans le Ciel , nous avons ſur terre les
ouvrages qu'ils nous ont laiſſés, & des
Saints qui exiſtent dans les Directeurs
inftruits & religieux. Ces derniers
approuveront la dévotion envers les
Saints ; nous exhorteront à les invo
quer ; mais ils nous inculqueront ſur
tout qu'il eſt indiſpenſable de nous
nourrir de cette dévotion ſolide & vé
ritable , qui ſeule nous peut conduire
au Ciel , & fans laquelle il eſt impoſ
fible d'arriver au port. S. François de
Sales nous recommande en peu de
mots la dévotion aux Saints , & ſur
tout à la ſainte Vierge , & tout ſon
ouvrage eſt conſacré à expliquer la vé
ritable dévotion , & les moyens de
l'acquérir. ( Introduction à la vie dé
vote. )
Il ſeroit à deſirer, en troiſièmelieu,
DIVOTION , 32 I
1
CHAPITRE X X I.
EC
béni par ſon Rédempteur. Telle eſt
ret
la façon de bien employer les Fêtes ;
CE
mais le plus grand des abus fera de
ve
deſtiner ces ſaints jours aux danſes ,
Pa
aux jeux , aux comédies , ou à d'au
tres divertiſſemens profanes , & lou
un
vent ſcandaleux. C'eſt aſſurément pen
COD
ſer bien peu à ſon ame , que de ne
hr
pas profiter du peu de Fêtes qui ſe
pre
trouvent dans l'année pour la ſancti
vat
fier; & c'eſt n'y pas penſer du tout ,
que de les faire ſervir à offenfer Dieu. de
Fêtes , mais je
J'ai dit du peu de Fêtes
dois ici me rétracter : il faut convenir
qu'elles ſont en trop grand nombre , 90
& qu'une réforme à ce ſujet ſeroit
bien néceſſaire. Elle eſt deſirée depuis C
CHAPITRE XXII.
De la dévotion envers la ſainte Vierge.
ON - S'E U'L É MENT la fainte Vier
gé , Mère de J. C. eſt au nombre
des Saints , mais elle eſt encore appe
lée à juſte titre la Reine des Saints.
Outre qu'elle l'emporte fur eux par
Féminence de fes vertus ; ſes préroga
tives font fi ſublimes , que tout l'é
clat des habitans des cieux diſparoît
vis- à -vis d'elle.. C'eſt un titre fi élevé
d'avoir été choiſie pour Mère du Fils
unique de Dieu , que notre eſprit ne
peut jamais atteindre au degré de vé
nération qui lui eſt dae ; ainſi , nous
lui devons un honneur au -deflus de
"
DEVOTION. -363
celui que nous rendons aux autres
Saints. Le ſentiment de l'Egliſe, eft que
dans nos befoins nous obtiendrons
d'elle des ſecours plus puiſſans que ·
des autres Bienheureux ; elle eſt par
excellence celle qui a été comblée
de grâces , celle pour qui celui qui
peut tout a fait de grandes choſes.
Favoriſée, tant qu'elle a vecu , des
dons furnaturels , élevée dans le Ciel
à des honneurs ineffables, & toujouts
pleine de miſéricorde, elle eſt ſur la
terre la protectrice des Chréciens &
le refuge des pécheurs. Auſfi tout
fidèle , jaloux de ſon ſalut, doit-il avoir
une dévotion particulière à la fainte
Vierge , la vénérer comme une Mère
tendre , & la regarder coinme une
Avocate puiſſance auprès de Dieu. La
3다 . ſainte Vierge , en outre , eſt le mo
dèle le plus parfait que nous puiſſions
choiſir , d'humilité , de pureté , de
patience , de charité , d'amourdeDieu
Qij
364 DE LA VÉRITABLE
& de coutes les vertus ; c'eſt ſur elle
que les Vierges ſacrées doivent toujours
fixer les yeux , elles у trouveront le
modèle le plus parfait de ce qu'exi
ge d'elles leur divin époux. Nous ne
pouvons cependant pas nous Alatter
d'avoir une véritable dévotion envers
la ſainte Vierge , ſi nous nous con
tentons d'étudier la vie & ſes actions.
La piété réelle & ſolide conſiſte dans
l'imitation de ſes vertus , autant que
nous le permet notre fragilité. Com
ment pourrions-nous ſonger à lui plai
re avec un cour ennemi de Dieu ,
avec des paſſions que nous ne réprimons
point , & une vie criminelle que nous
ne penſons point à changer ?
Voilà la doctrine répandue dans
une infinité de livres , qui font tous
retentir les louanges de la Mère de
notre Sauveur , & ne font compoſés
que dans la vue de donner un nou
vel effor à notre dévotion. Je n'ai
I ANI !
DEVOTION . 365
s ; cette pas beſoin d'appuyer ſur un ſujet qui
doivent a été ſi bien .traité , que je ne pour
y tronen rois У. rien ajouter ; ne ſeroit -il pas
de : plus utile de m'étendre ſur les excès
pou 1 & les différens abus dans leſquels
ES nos tombent les fidèles , faute de con
dévorio noître la véritable doctrine de l'Egliſe ?
OUS Les Hérériques nous inſultent , parce
e&li qu'ils mettent ſur le compte des Ca
de cont tholiques quelques propoſitions dépla
cées , concernant le culte de la ſainte.
fragiles Vierge ; mais les dogmes de l'Egliſe
gardles doivent fe puiſer dans les décrets des
mi de Souverains Pontifes, dans les Conci
5It les , les Catéchiſmes , & non dans
nelle gesig les écrits de quelque Auteur particulier ,
anger? qui n'aura pas ſu ſe préſerver de ces
pandue excès que l'Egliſe réprouve. Je fais.
qui fon : qu'il eſt nombre de perſonnes qui n'ai
la Media
ment point qu'on traite pareilles queſ
ont com tions, par la peur qu'elles ontqu'on ne re
er un I froidiſſe la vraie dévotion en en dévoi
on Je : lant les abus; mais ont-elles fait réflexion
Qiij
E
366 DE LA VÉRITABL
que ſi c'eſt une choſe louable de 'tra
vailler au culte de la ſainte Vierge &
des Saints , il n'eſt ni moins important,
ni moins néceſſaire d'empêcher que
l'ivraie ne ſe mêle avec le bon grain.
Leur faux zèle les empêche de voir
que c'eſt faire un tort réel à l'Egliſe ,
que de laiſſer la carrière ouverte à
une dévotion indiſcrette , ſurtout quand
il eſt évident que cette même dévo
tion eft nuiſible aux fidèles mêmes ,
en leur faifant rendre à la fainte Vier
ge un culte qui n'eſt dû qu'à Dieu
& à notre divin Médiateur. Comment
eſt - il poſſible de porter le titre de
Chrétien , & ne pas ſouhaiter qu'on
diſipe de pareilles ténèbres ? Affure
ient ce zèle n'eft pas ſelon la ſcien
ce ; auffi je ſuis bien ſûr que les gens
fages ne manqueront pas de m'ap
prouver , fi j'indique quelques-uns de
ces abus , afin que les perſonnes peu
inftruites , non - ſeulement honorent &
3 !! DEVOTION . 367
prient notre grande Avocate , mais
nie encore le faſſent d'une façon qui lui
plaiſe ; puiſqu'il eſt indubitable qu'elle
ampa
ne peut approuver un honneur & un
de best culte qui ne lui conviennent pas.
pêche i Je répéte donc que la dévotion en
vers la ſainte Vierge eſt au -deſſus de
cre de celle qu'on peut avoir pour tous les
aurres Saints , & qu'on ne ſauroit
Tin trop louer & trop rechercher tout ce
Geles qui peut l'augmenter & l'entretenir ;
mais ce qu'on ne doit pas moins fa
voir , c'eſt que la fainte Vierge n'eſt
ur. Come
ieu , comine nous en avertiffent
pas DDieu
S. Épiphane , & après lui Théodoreri
Nous devons la vénérer comme notre
inairer
TES? AREA Avocáte , mais ne jamais penſer qu'elle
ait le droit de nous fauver & de nous
hon hel
pardonner. Rien de plus commun que
queleso
de : d'entendre dire qu'elle commande dans
ques-uns i le Ciel ; mais pareille expreſſion, échap
clonnes pée à la ferveur de quelque Saint , ou
onere à la vivacité de l'éloquence d'un
Qiv
E
368 DE LA VÉRITABL
Prédicateur , doit être entendue avec
t
reſtriction , puiſque la faine & vraie
Théologie n'admet de toute-puiſſance q
qu'en Dieu , notre Maître , la fource P
de tout bien & de toute grâce. J. C. m
V
même comme homme, eſt encore notre
Maître , par la conceſſion que lui en a 1
faite ſon Père. L'office de Marie eft ſe
m
de prier & d'intercéder pour nous ,
mais non pas de commander. Sancta di
no
Maria , ora pro nobis. Sainte Marie,
priez pour nous. Voilà ce que l'Egliſe fe
nd
nous enſeigne, & c'eſt elle que nous
devons écouter , & non les hyperbo c.
QUE JE
recourir à ſon aide ; mais , ſelon l'in
tention de l'Egliſe , & ſans paſſer les
bornes qu'elle poſées elle-même
US does
autrement ces abus , ainſi que ceux qui
her 12
oferoient les propoſer , ſeront égale
Tour L
ment réprouvés par la ſainte Vierge
elle-même. Notre dévotion envers la
les er
UITO
la ſainte Vierge , dit un Auteur reſpec
table , doit nous conduire à l'honorer ,
s'ilspui
buie
mais non pas à la flateer ( 1 ). C'eſt un
des points les plus importans pour
it
ofertes
quiconque aime la Religion , de dé
couvrir les abus anciens ou nouveaux
rok
qui ſe gliſſent dans le culte des Saints ,
d'en avertir les Paſteurs auſſi bien que
jenis
le peuple , afin d'écarter tout ce qui
Deu eft contraire à la pureté de notre foi,
& de mettre des barrières à la fu
e ta ka
perſtition. Le grand S. Charles Boro.
urs, is
( 1 ) Domina noſtra beatiſſima Virginis Ma
euple ria obſequia venerationem poftulant , non adula
en lesz
rionem. Petrus abbas Cellenſis, lib . 9. Epit. 10.
Tiergesi
382 DE LA VÉRITABLE
mée , qui a fant travaillé pour faire
exécuter la diſcipline du Concile de
Trente , & pour purger ſon diocèſe
de ces pratiques abuſives , qu'y avoit
fait naître l'ignorance , écrivoit ainh
dans ſon quatrième Concile Přovin
cial:(« Autanton doit s'appliquer à éta
» blir tout ce qui peut augmenter la Re
ligion , ou lui donner un nouveau
» luſtre, autant on doit apporter de foin
» & d'attention pour déraciner la ſu
perſtition des cæurs ou elle s'eſt éta
blie ( 1 ). Que dans le culte de la fainte
Vierge , fi fagement établi, ſi recom
mandé dans l'Egliſe, il fe foit intro
duit des opinions fauffes , des prati
ques condamnables , c'eſt ce dont ne
doutoit pas M. Godeau , Evêque de
z:ibus eroulis
cdr
(1) Godeau. Hiſt. de l'Egliſe.
384 DE LA VÉRITABLE
» mais que , contens des vrais & ſolides
» hommages qui lui conviennent , ils
» laiſſent de côté toutes ces pieuſes fa
„ bles , qui ne ſont fondées ſur aucune
» autorité ; autrement ce feroit tomber
» dans cette eſpèce d'idolâtrie , que
Saint Auguſtin prétend être cachée
» & comme innée dans le ceur de tous
les hommes ; idolâtrie qu’abhorre la
» faine Théologie , ou plutôt la fagele
» céleſte, puiſqu'elle ne peut admettre
» & enſeigner que ce quieſt exactement
» conforme aux régles certaines de la
Raynald. » vérité ( 1 ) » . C'eſt encore le ſentiment
Dyptic. Ma-de M. Théophile Renaud , dont je ne
Punet. 1. nó.rapporterai point le paſſage pour abré
ger ; c'eſt également celui desplus fa
meux Théologiens, & ce ſera conſtam
ment celui de la fainte Egliſe Romaine
& de tous les bons Catholiques , qui,
CH A P I TRE X XI I I.
!
LE
396 DE LA VÉRITAB
XI. If ordonne que l'on couvre les
images & les ſtatues des Saints , &
qu'on ne mette ſur l'Autel aucunes
reliques dès le moment qu'on expo
fera le faint Sacreinent. Il feroit bien
à deſirer que de pareils Mandemens
fuſſent auſſi connus que ſtrictement
obſervés. On ne peut que rendre juf
tice à la piété du peuple , qui lui
fait placer dans l'es rues & les places.
publiques des images de la ſainte:
Vierge & des Saints ; cependant à voit
le peude reſpect qu'on a pour elles ,
& que fouvent elles ne font qu’oc
caſionner des ſcandales ou exciter lä
cupidité des voleurs , ne ſeroit-il pas
mieux qu'on ne les exposat que dans les
Egliſes publiques , plutôt que dans les
maifons particulières ? C'eſt de certe
multiplicité d'images dont ſe plaignoit
à fi juſte titre Ambroiſe Cartarin >
S 83
für ſous prétexte qu'il en peut réſulter
Danske
un mieux ? & quand cela ſèroit , écou
tons là -deſſus l’Apôtre : » (Et ce que je
mr lui demande, eſt que votre charité croiſ
» ſe de plus en plus en lumières , afin
UIN
que vous ſachiez difcerner ce qui eſt
ies, co „ le meilleur ( 1 ) ». Je n'étendrai pas plus
CURTO loin ces réflexions , & je conclus que
toute opinion particulière eſt ſubordon
née au jugement de la ſainte Egliſe no
quái rre Mère , & que nous devons nous
hilterna foumettre à rout ce qu'elle approuve ou
it ಇದರ
ument y (1 ) Ad Philippenfes, C. 1, V. 2
402 DE LA VÉRITABLE
le
ce qu'elle permet. N'oublions pas encore
pe
que cette même Egliſe , dans le faint
de
Concile de Trente , ordonne à tous les
eft
Supérieurs Eccléſiaſtiques , de veiller à
rit
ce qu'il ne ſe falſe point de Procellions
&
prophanes & théâtrales , qui , loin d'a
nimer la piété , n'excitent que le rire qu
ou le ſcandale. Que penſer, par exem gu
fac
ple, de ce qu'on voit dans certains pays d'u
éloignés de l'Italie & voiſins des Héré
dir
tiques , où règnent les abus les plus ne.
crians ſur l'article des images & des ſta bre
tues ! J'ai dit hors de l'Italie , quoiqu'à
de:
ce ſujet encore elle ne ſoit pas fans re
tei
proche , & qu'on voie dans certaines
m
villes , aux Proceſſions du S. Sacrement,
les folies les plus ſcandaleuſes , & les Sys
dos
maſcarades les plus indécentes. Pareils
lec
ſpectacles ſont-ils faits pour exciter la
un
dévotion ? Ils peuvent bien ſervir à la
و11
diſtraction & à l'amuſement du peuple,
a fe
mais il ne ſeront jainais goûtés des gens
>
ſenſés, qui n'aiment la décoration dans
TABU DÉ Y OIIO N. 403
Sonstezi le culte , qu'autant qu'elle ne fait point,
perdre le but eſſentiel de la piété. Le
Connen devoir le plus important des Paſteurs >
perkte
» lui faſſent comprendre qui il doit ado
» fer, connoître les Saints qu'il faut hono
Deforma » rer , & celui dont nous devons tout at
mah
» tendre.Voulant prévenirtouteſurperſti
ution , par haſard les Ordinaires des
que mai
lieux s'appercevoient qu'il y eût con
igenen
» cours à quelque image , & que par un
agDenn
e
» faux reſpect pour elle on lui attribuật
darse quelque pouvoir qui n'appartient qu'à
nie
» la Divinité ; en ce cas ( de l'avis des
ULET - Théologiens & de perſonnes pieuſes,
„ bien inftruites de l'ancienne & vraie
0152
» doctrine) nous leur ordonnons d'enle
erede
» ver cette image, ou de la changer en en
COM
» remettant une autre, abſolument diffé
malla
Hanski
» rente de la première, afin que le peuple
9 ignorant , & qui, vu ſa groſſiereté, eſt
Сола
„ fait pour s'élever aux choſes ſpirituelles
» par le moyen des corporelles , n'aille
iedes
» puint , contre l'intention de l'Egliſe,
placer ſon eſpérance dans une image
» quelconque;comme ſic'étoit une nécef
adorera
» fité d'y avoir recours ,& qu'on ne pât
squad
E
406 DE LA VÉRITABL
» que par elle obtenir de Dieu & des
» Saints ce qu'on leur demandent .
» Cette Ordonnance faire , comme on
„ l'a dit , de l'avis des Théologiens &
„ de perſonnes ſages , n’a lieu que pour
préſerver le peuple du péché de l'ido
lâtrie, aumoyen des précautions ſages
» que prendront les Ordinaires pour l'en
préſerver) » .
CHAPITRE XXIV .
TETŐ
ETÖns un coup d'æil ſur les autres
dévorións , qui font particulières au
peúple : je vois parmilui des chapelets ,
des médailles , des' fcapulaires , des
Agnus Dei , des Confrèries , &c. ( 1 ),
mulai
ment réglées , ne ſont qu'un
is die
moyen de plus d'honorer Dieu & fes
Saints,
Certainement l'Egliſe n'a jamais faic
confifter , la vraie dévotion dans ces
های کار
fignes extérieurs ; mais ils condui
S
410 DE LA VÉRITABLE
ſent ſouvent le peuple à ce qui fait
l'eſſence du Chriſtianiſme , & voilà
pourquoi l'Egliſe les ſouffre & les ap
prouve. Nous ne nierons pas qu'il peut
arriver que des gens ſimples en abuſent;
un homme , par exemple , dans l'ha
bitude du péché , peut croire ſe pré
ſerver des maux temporels , ou ne
jamais mourir dans la diſgrâce de
Dieu , au moyen de quelques prières
récitées dans certains temps ; mais ces
excès n'ont d'autre principe que l'aveu .
glement ou la dépravation de quicon.
que ignore ou ne veut point connoî
tre la doctrine pure de l'Egliſe Ca
tholique ; il eſt certain qu'elle abhor
re & rejette route eſpèce de ſuperſtition,
& que les abus dont je viens de parler ,
ſont ſpécialement condamnés. Je vais
rapporter à ce ſujet ce qu'on lit dans
le Concile Provincial tenu à Cam
brai en 1565. ( Art. 19. ) » ( On doit
enſeigner au peuple ( il faut peſer les
e
RITABI DEVOTION .
411
Dle ci paroles ſuivantes , pour juger ſi l'on
Euniſme, doit ſe ſcandaliſer de ce qu'on dévoile
au peuple les abus & les excès de la
cons pas dévotion ) » que c'eſt l'action la plus
amples utile de prier les Saints pour obtenir
emple, non -ſeulementlesbiens terreſtres,mais
CUT CTOR » encore les ſpirituels. On ne doit pas
mpored prêcher avec moins de ſoin que c'eſt
» ' une vanité & une ſuperſtition très
quelques » condamnables dans ceux qui oſent
temps » promettre qu'une dévotion particulière
Finck » à tel ou tel Saint , tiendra lieu de pé
ation: » nitence ou de Sacrement ; qu'on ne
ut pour
» peut alors manquer de réuſſir dans
dela » toutes les affaires qu'on entreprendra,
inqueks » & que moyennant un certain nombre
edelingerie w de Melles , on tirera infailliblement
viens depe » du Purgatoire un nombre déterminé
amines de d'ames) ». L'ignorance du peuple, ainſi
qu'on les que la mauvaiſe foi , peuvent également
TEN au
faire abuſer des pratiques anciennes
1991 (tó les plus reſpectables, ſoit en promet-,
faiten tant ce qu'on ne peut pas tenir , foit .
Sij
412 DE LA VÉRITABLE
en ne s'arrêtanţ pas au but qu'ont
marqué les pieux Inſtituteurs. Nous
ſavons que les Confrèries féculières fe
font établies fur le niodèle des Collé
giales Eccléfiaftiques ; qui oſeroit avan
cer que ce ne ſoit pas une ſage &
pieuſe coutume que de s'aſſembler les
jours de Fêtes pour chanter , ainſi que
les Eccléſiaſtiques , les louanges de
Dieu , de la ſainte Vierge & des Saints,
ou pour vaquer à tout autre exercice
de piété ? Cependant il exiſte dans ces
înêmes Confrèries , des abus & des
diſſenſions ; - faudra-t-il pour cela les an
néantir ? Non certainement , ce n'eſt
pas dans la Confrèrie même que ſont
les abus'; il ne naiſſent que des dé
fauts particuliers des perſonnes qui la
compoſent. Il en faut dire autant du
Roſaire & de tous les autres genres
de dévotion , où le peuple réuni em.
ploie ſon teinps utilement , en éle
vant ſon cæur à Dieu , en récitant
DÉ V OTION. 413
en commun certaines prières , & en
invoquant la protection de la ſainte
Vierge & des Saints. Pareilles Congré
gations ne ſeront que plus utiles , s'il
ſe trouve quelque Miniſtre inſtruit ,
. qui, dans des ſermons clairs & courts ,
explique les principaux points de la
doctrine chrétienne , & les devoirs qui
conviennent à chaque état. D'autres
->
exercices de piété peuvent encore être
I très-recommandables par eux- mêmes ;
mais ce qui ſeroit à deſirer , c'eſt que
la cupidité n'y entrât jamais pour rien ,
& qu'on n'eût d'autre but , en ' ex
hortant les fidèles, que de rendre les
méchans moins mauvais , & de con
duire les bons à la perfection.
Cette dernière réflexion pourroit pa:
roître tomber ſur les devoirs des fidé.
les envers les défunts , & l'obligation
où l'on eſt de les aider & de prier
pour eux ; je n'ai garde de mettre
cette dévotion au rang des dévotions
Sinj
414 De LA VÉRITABLE
populaires : elle eſt de devoir pour tout
Chrétien ; ce que je dis s'adreſſe à
ceux qui ne ſemblent occupés qu'à
inſpirer au peuple cette eſpèce de
piété. La doctrine de l'Egliſe con
fiſte à croire que les ames des dé
funts , retenues dans le Purgatoire ,
ſont foulagées par les prières des vi
yans , & que le temps de leur exil
peut être abrégé , ainſi que celui de
leurs ſouffrances. Quiconque aime les
ſiens, ne doit jamais les oublier , &
les aider le plus qu'il peut dans l'au
tre vie ; c'eſt un devoir d'autant plus
grand qu'on tient d'eux la vie , l'édu
cation , & tout ce dont on jouit. Pour
quelques-uns c'eſt un acte de juſtice ,
pour d'autres c'en eſt au moins un de
charité , qui conſéquemment ne peut
être que très-agréable à Dieu. Les
faints Pères & le Concile de Tren
te nous font connoître les différentes
manières de ſecourir les défunts
DEVOTION. 415
W
telles que le faint Sacrifice de la Meſſe ,
les prières , les aumônes , & d'autres
auvres de piété faites à leur intention.
L'Egliſe, dès les premiers ſiécles , a
toujours offert le faint Sacrifice pour
les fidèles morts dans la paix du Sei
-
gneur. Les Pères & les ſaintes Ecri
tures nous atteſtent également l'effica
cité des prières & de l'aumône, pour
obtenir de Dieu le repos des fidèles
trépaſſés : voilà tout ce que nous enz
ſeigne la doctrine chrétienne. Les au
tres queſtions ſur le Purgatoire , ſur
l'état des ames dans ce lieu , ſur le
temps de leurs ſouffrances, ſur la ya
leur du Sacrifice , en tant qu'il leur eſt
appliqué , ſont toutes du reſſort de
la Théologie , & les opinions peu
vent varier à ce ſujet , puiſque la ré
vélation ne nous apprend rien de'cer
tain . Quiconque propoſeroit au peuple
de pareilles queſtions, comme des
13
vérités inconteſtables , ne pourroit ja
Siv
416 DE LA VÉRITABLE
mais les prouver : auſſi le Concile de
Trente ordonne- t- il » ( qu'on ne traite
jamais devant le peuple ces queſtions
épineuſes & difficiles , qui ne con
» tribuent en rien à l'édification , &
» encore moinsà la piété des fidèles( 1) ».
Il enjoint enſuite aux Evêques » (dene
jamais permettre , fur une pareille ma
s tière , des diſcours indiſcrets , ou qui
» portent avec eux l'empreinte de la fauf
» fecé ; enfin , il défend tout ce qui
» eſt du reſſort de la curioſité , de la
3)
ſuperſtition ,de la cupidité , comme
» ne pouvant que ſcandaliſer les fidèles , .
Il ſeroit à ſouhaiter que chaque fi
dèle fût par cæur les décrets que je
viens de rapporter , & entrât bien
dans les vues du Concile. N'eſt -on
pas naturellement porté à croire que
ees exhortations , pour ſecourir les dé
funts avec de l'argent , n'ont pour
1
LE
418 DE LA VÉRITAB
paſſés fût plutôt une occaſion de plai
ſir pour les vivans , qu'une ſource de
confolation pour les défunts , ne fe
roit-il pas à defirer qu'on fît à ce ſu
jet une réforme ? Ceci au reſte eft
abandonné à la ſageſſe des Paſteurs ,
& à tous ceux en général qui defi
rent que la doctrine chrétienne ſe cons
ſerve dans toute fa pureté.
Cette méthode de tant infifter ſur
la néceſſité des Meſſes pour les dé
funts , ne peut que chagriner les pau
vres , qui ſe trouvent dans l'impuiſ
fance d'en faire dire , & voyent les
gens aiſés penſer à leur falut, finon
pendant leur vie , au moins à leur mort,
en ordonnant des milliers de Meſſes .
Les gens peu inſtruits s'imaginent que
leurs ames , ainſi que celles de leurs
parens & de leurs amis, ſeront condam
nées à un éternel oubli. Mais le peuple
doit ſavoir pour ſa conſolation , que l’E
gliſe applique toujours unepartie du prix
DEVOTION. 419
ER du S. Sacrifice à toutes les amies de ceux
qui ſont morts ſans péché grave. L'E
gliſe les recommande également, & leur
*
partage les indulgences & les prières. Il
peut arriver que de toutes les Meſles qui
ſe célèbrent journellement, la plus gran
de partie ne ſoit d'aucune utilité à ceux
pour qui elles ſe diſent , ſoit qu'ils
ne puitſent pas être aidés par des priè
res , ſoit qu'ils jouiſſent de la gloire ,
& conſéquemment qu'elles leur foient
inutiles; enſorte que toute la valeur
du Sacrifice retombe ſur ceux qui ont
beſoin de ſecours. On devroit encore
bien inculquer au pauvre peuple que
non - ſeulement les mérites du S. Sacri
fice s'appliquent aux défunts par le
Célébrant; mais que quiconque , ainſi
que je l'ai déjà dit , aſlifte dévotement
à la Melle, étant alors uni au Mi
niſtre de Dieu , peut appliquer lui.
même à ſes parens la valeur du ſaint
Sacrifice ; je dis du faint Sacrifice ,
Svj
420 DE LA VÉRITABLE
parce que pluſieurs Théologiens font
d'avis que la Communion n'eſt d'au
cun fecours aux trépaſſés ; le faint
Sacrement n'étant inſtitué que pour
alimenter & fortifier nos ames , &
non pour ceux qui ne peuvent pas
réellement y participet. Je ne crois
pas cependant qu'il ſoit poflible de
nier que les défunts puiſſent recueillir
le fruit d'une auſſi fainte action . It
faut en effet diſtinguer deux choſes
dans la Communion : le Sacrement
proprement dit , & les diſpoſitions ,
qui rendent l'action méritoire , fanc
tifiante & fatisfactoire . Ce font ces
dernières qualités qui , ainſi que tant
d'autres bonnes æuyres , peuvent êrre
profitables aux trépaſſés , & leur fer
vir de ſoulagement. C'eſt d'ailleurs un
dogme de foi que la Meſſe , en tant
que Sacrifice , eft inſtituée pour les
vivans & les morts. Auſſi tout Chré
tien , après l'élévation , ne doit pas
DEVOTION. 42 .
CHAPITRE X X .
V.
PERSONNE
ER SONNE n'ignore que la vraie
dévotion eſt intérieure , & réſide dans
le cæur vraiment attaché à Dieu , &
au prochain pour l'amour de lui ;
dans un caur toujours prêt à obéir
à ſes Commandemens , & à n'atten
dre que de lui fon ſecours & ſes mé
rites. Notre devoir cependant ne ſe
réduit pas à cette dévotion interieure ,
& les actes extérieurs doivent prouver
les ſentimens de l'ame. Nous avons
déjà traité ce ſujet ; il ſuffit d'ajou
ter que nous ſommes aſſujettis à ce
devoir , autant pour notre prochaiii
que pour Dieu. Quiconque nous verra
lui manquer de reſpect , ne peut que
ſe ſcandaliſer ou s'autoriſer de notre
424 DE LA VÉRITABLE
exemple pour en faire autant. Et voila
1
pourquoi l'on entend fi ſouvent les
Prédicateurs tonner dans les chaires con
tre le manque de reſpect dans les
Egliſes. Je ne m'arrêterai pas à prou-,
ver combien il eſt révoltant qu'un
Chrétien ſe tienne immodeſteinent
dans les Temples , y paſſe le temps à
cauſer , parler de nouvelles , & trop
fouvent de ſes déſordres; nous ne de
vrions nous y préſenter que dans l'atti
tude de pécheurs qui viennent lup
plier , & nous y paroiſſons avec l'air
diſſipé de gens qui vont à des affem
blées mondaines ou au théâtre. Tout
cela vient de n'être pas pénétrés de la
préſence de Dieu , de ne pas réfléchir
qu'on ne ya dans ſon Temple que
pour lui parler , & que ce même Dieu
exige de nous un redoublement de
ferveur & de reſpect dans toutes les
fonctions de l'Egliſe , & principale
ment dans le Sacrifice de la Meſle.
DEVOTION. 429
C'eſt un ſcandale révoltant que de
voir des Chrétiens dans des procef
lions , où ils ſont ſous les yeux & en
la préſence de leur Maître , ne pas
y paroître dans le ſilence & le ref
pect le plus profond ; ils ſemblent
n'y aſſiſter que pour promener leurs
regards de tous côtés , ſe faire voir
& être vus ; enfin , ne ſe mettre à
la ſuite de J. C. que pour l'inſulter ,
& braver le châtiment de leur im
piété. Quel ſpectacle au contraire plus
touchant que celui qu'offrent ces Chré
tiens , qui , le corps & le cæur dans
l'humiliation , prouvent les ſentimens
de leur ame par la modeſtie de leur
extérieur , & ſemblent voir des yeux
du corps tout ce que la foi leur
ordonne de croire .
C'eſt un devoir particulier pour les
Eccléſiaſtiques, de faire connoître à
l'extérieur les ſentimens de Religion
qui les animent. Ce n'eſt pas l'habit
426 DE LA VÉRITABLE
ſeul qui devroit les diſtinguer des ſécu
liers , mais une ſageſſe habituelle , & 1
CONCLUSION
.
DE L'OUVRA G E.
CHAPITRE XXV I.
hi de
ONN peut conclure de tout ce que
nous avons dit,que l'eſſence de la Reli
10 gion dans tout Chrétien , conſiſte prin
cipalement dans l'amour de Dieu & du
2
1
DE VOTION . 435
avoir entendu la Meſſe le matin , s'a !
442 DE LA VÉRITABLE
» mais particulières à certains lieux, fans
» qu'on puiſſe découvrir le motifdeleur
» inſtitution ; je penſe qu'on ne doit pas
„ héſiter de les abolir. Quoiqu'on ne
puiſſe pas prouver qu'elles ſoient con
» Traires à la foi , elles ſurchargent une
Religion que Dieu , dans ſa mi
ſéricorde , a établie fimple & pure ,
» en ordonnant peu de pratiques , mais
» claires & néceſſaires. Notre Religion
» eſt étouffée ſous le poids de tant d'obli
s>
gations, que la condition des Juifs ſe
» roit plus ſupportable; en effet,quoique
» ils ne connuſſent ni le temps de la grâce
ni de la liberté, au moins n'étoient-ils
» tenus que des préceptes & des obſer
» vances de la loi, fans être aſſervis par
» des imaginations oudes inventions hu
o maines » .
Ces paroles du S. Evêque font très
remarquables, & nous ne devons plus
être ſurpris que , depuis tant de fiécles
que la Religion de J. C. eſt établie , il
1
DE VOTION. 443
.
5
448
T: A B L E
en ce
Des Chapitres contenus
Liyre.
Fin de la Table.
A P P R O BA TI ON .
AI lu par ordre de Monſeigneur le
Garde des Sceaux un livre intitulé : De
la Véritable Dévotion ; je n'y ai rien
trouvé qui puiſſe en empêcher l'impreſ.
fion. A Montmorenci , ce 13 Janvier
1777 .
BRUTÉ , Cenſeur Royal.
PRIVILEGE DU ROI.
Louis, PAR LA GRACE DE DIEU , ROI DE FRANCE
ET DE NAVARRE : A nos amés & féaux Conſeillers ,
les Gens tenant nos Cours de Parlement , Maîtres des
Requêtes ordinaires de notre Hôtel , Grand -Conſeil,
· Pérvôt de Paris, Baillifs , Sénéchaux , leurs Lieutenans
Civils , & autres nos Juſticiers qu'il appartiendra :
SALUT : Notre amé le sieur G * * * Nous a fait
cxpofer qu'il deGreroit faire imprimer & donner au
Public un Ouvrage intitulé: De la véritable Dévorion ,
traduit de l'Italien de Muratori ; s'il nous plaiſoit
lui accorder nos Lettres de Privilège pour ce néceſ.
faires. A ces CAUSES , voulant favorablement trai
ter PExpoſant , Nous lui avons permis & permettons,
par ces Préſentes , de faire imprimer ledit Ouvrage
autant de fois que bon lui ſemblera , & de le vendre,
faire vendre.& débiter par tout notre Royaume ,
pendant le tems de fix années conſécutives, à compter
du jour de la date des Préſences. Faiſons défenſes &
tous Imprimeurs , Libraires, & autres perſonnes , de
quelque qualité & condition qu'elles ſoient, d'en
introduire d'impreſſion étrangère dans aucun lieu de
potre obéiſſance. Comme auſſi d'imprimer ou faire
imprimer , vendre , faire vendre, débiter ni contre.
faire ledit Ouvrage , ni d'en faire aucuns extraits ,
fous quelque prétexte que ce puiſſe être , ſans la per
million expreſſe & par écrit dudit Expoſant, ou de
ceux qui auront droit de lui , à peine de confiſcation
des Exemplaires contrefaits , de trois mille livres
d'amende contre chacun des contrevenans , donc un
tiers à Nous , un tiers à l'Hôtel- Dieu de Paris ,
& l'autre ciers audit Expoſant, ou à celui qui aura
droit de lui , & de tous dépens , dommages & intérêts,
àla charge que ces Préſentes ſeront enregiſtrées rout
au long ſur le Regiſtre de la Communauté des Impri
meurs & Libraires de Paris , dans trois mois de la
date d'icelles; que l'impreſion dadit Ouvrage ſera
faite dans notre Royaume, & non ailleurs , en beau
papier & beaux caractères , conformément aux Ré
glemens de la Librairie , & notamment à celui du
10 Avril 1725 , à peine de déchéance du préſene
Privilége; qu'avant de l'expoſer en vente , le Ma
nuſcrit qui aura ſervi de copie à l'impreſſion dudis
Ouvrage , ſera remis dans le même état où l’Appro .
bation y aura été donnée , ès-mains de notre très-cher
& féal Chevalier , Garde-des-Sceaux de France , le
Sieur HUE DE MIROMENIL ; qu'il en fera enſuite
remis deux Exemplaires dans notre Bibliothèque pu
blique , un dans celle de notre Château du Louvre ,
un dans celle de notre très-cher & féal Chevalier
Chancelier de France le sieur d& MAUPBOU , & up
dans celle dudit Sieur HEU DI MIROMENIL , le tou á
peine de nullité des Préſentes ; du contenu deſquelles
vous mandons & enjoignons de faire jouir le lit Ex
poſant & ſes ayans cauſes , pleinement & paiſible
ment , ſans ſouffrir qu'il leur ſoit faic aucun trouble
ou empêchement. Voulons que la copie des Préſentes,
qui ſera imprimée tout au long , au commencement
ou à la fin dudit Ouvrage , ſoit tenue pour duemenc
fignifiée , & qu'aux copies collationnées par l'un de
nos amés & féaux Conſeillers Secrétaires , foi ſoit
ajoutée comme à l'original. Commandons au pre
mier notre Huiſier ou Sergent ſur ce requis , de faire
pour l'exécution d'icelles tous a &tes requis & néceſſai
$
res , ſans demander autre permiflion , & nonobſtant
clameur de haro , Charte Normande , & Lettres à
ce contraires : CAR tel eſt notre plaiſir. Donné à
Paris le vingt-ſixième jour du mois de Mars , l'an de
grace mil ſeprcent ſoixante-dix-ſept, & de notre règne
le troiſième. Par le Roi eu ſon Conſeil.
L'E B E G U E.
Je transporte & cède à perpécuité le préſent Privilège
au Sieur Louis- PIERRE BRADEL, Libraire à
Paris , pour en jouir ſuivantles conventions faites en
sre nous. A Paris , ce vingt-ſept Mars mil ſept cent
ſoixante -dix -ſept.
G ***
3
Regiſtré le préſent Privilège , & enſemble la Ceſſion ,
1 Sir le Regiſtre XXde la ChambreRoyale & Syndicale
des Libraires & Imprimeurs de Paris , N° 914 fol.
386, conformément au Réglement de 1722 , qui fait dé
jenſes, art. 4 , à toutes perſonnes de quelque qualité &
condition qu'elles ſoient , autres queles Libraires & Im
primeurs , de vendre, debiter, faire afficher aucuns Li
vres pour les vendreen leurs noms ,ſoitqu'ils s'en diſent
les Auteurs ou autrement , & d la charge de fournir á
lá suſdire Chambre huit Exemplaires, preſcrits par l'art.
108 du mêmeRéglement. A Paris , ce 26 Mars 17776
LAMBERT , Adjoint.
CATALOGUE des Livres qui ſe trouvent
chez BRADEL , Libraire à Paris,
rue d'École, près S. Hilaire.
CARACTÉRES DE LA BRUYÈRE , 2 vol. petit
in - 12, rel. sli
Abrégé Hiſtorique & Chronologique des
Figures de la Bible , miſes en vers François
in - 12 . il. 101.
Hiſtoire deLouis XIV , par Reboulee, 9 vol.
in - 12 . 22 l. 101.
Le Bon Fermier , ou l'Ami des Laboureurs ,
in - 12. rel. 21.
La Boone Fermière , in - 12 . rel. 21.
Conſidérations ſur les cauſes phyſiques &
morales , de la diverſité du Génie, des Mæurs
& du gouvernement des Nations, par M.
Caſtilhon , 3 vol. in - 12. rel. 71. 1af.
Commentaires ſur ia Coutume du Bailliage
& Comté d'Auxerre , par M. de la Rochelle ,
Avocat au Parlement , in - 4 ', rel. .
Dictionnaire Philoſophico - Théologique
portatif , in - 8 °. rel. .
Guide du Fermier , ou Inſtructions pour
élever , nourrir , acheter & vendre les bêtes à
cornes , les brebis , les moutons , les agneaux
& les cochons , in - 12. rel. 3 l.
Guide de la Correſpondance , contenant
l'ordre général du départ & de l'arrivée des
Couriers des poſtes dans toutes les principales
villes de France & des pays étrangers , par
M. Guyot. vol. in-4. de 74 planches gravées
en taille- douce , rel . ISI .
Hiſtoire des Guerres Civiles de d'Avila ,
- 3 vol. in - 4 °. rel. 361.
Géographie Sacrée , à l'uſage des jeunes
gens , in - 12 . rel . il. 41.
Abrégé de la Géographie , à l'uſage des
jeones perſonnes, extrait de la Géographie
Moderne , in - 12. rel. 21 .
Hiſtoire de la Révolution de Siam , 2 vol.
in - 12. rel. 61 .
Hiſtoire Naturelle de l'Homme , conſidéré
dans l'état de maladie , 2 vol. in - 8°. rel. 81,
Hiſtoire de la Religion , par M. Mallemans ,
Prêtre , Chanoine de l'Egliſe Royale de Sainte
Opportune , 6 vol . in . 12. rel. 181 .
Hiſtoire du Droit Canon , par M. Durand
de Maillane , Avocat au Parlement d'Aix ,
10 vol. in - 12 , rel. 201.
Hiſtoire Militaire des Suiſſes , s vol. in - 12 .
rel. 12 l. 10
Hiſtoire Civile, Eccléſiaſtique & Littéraire
de Montdidier , in - 12 . rel. 2 l. 10 f.
Journal de Louis XIV , depuis 1684 juſqu'à
1715: avec des notesintéreſſantes, in-8 °r. 3 1.
Traité des Lélions de la tête par contre
.