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LES
DISC
OVRS
REGIA
DE NIC MACCHI
A
MONACENSIS.
VEL SECRETAIRE CI
TOYEN DE FLORENCE ,
Sur la premiere decade de Tite Liue , dez
l'edification de la ville.
B
BANNE E
N
CORIOCES
E
D
BD
NE
RAL
M
PSAL 6 4
IN
NE
APARIS,
Pour Robe rt le Mangnier , ruë neufue noftre
Dame,à l'image S.Iehan Baptifte , & en fa
boutique au Palais en la gallerie par
où on va en la Chancellerie.
1571 .
AVIC PRIVILEGE DV ROY.
Sú Ioh. Georgy à Werdenstein , 1574.
4
3
Extrait du Priuilege du Roy.
Par le confeil
Signé DE COVRLAY.
Bayerische
Staatsbibliothek
0000000
AV MAGNIFIQVE SEI
G.NEVR IAN FRANCIS QVE
DELLI AFFAYTADI, CONTE
de Ghiſtelle, Marquis de Sorrefine ,
Prince de Hilft & du S. Empire ,
Seigneur de Lanikenfacher , Olfauo,
Montibano , & du pays de Grade
riick.
Onfeigneur , ayant eu le
bon heur de votre voifi
a uy
EPISTRE.
Voftreferuiable Voyfin
Idq.Gohory.
>
PREFACE DV TRADVCTEVR
AVX LECTE VRS.
aages.
Acuerdo Oliuido.
SONETO DI M. GIO
uanni Meſmio al Lettore.
DIS
DISCOVRS DE NICO
LAS MACCHIAVEL SECRE
taire & citoyen Florentin fur la premiere >>
Decade de Tite Liue , des l'edifica
tion de la Ville.
PREFACE DE L'AVTEVR.
:
QVEL A ESTE LE COM
1
MENCEMENT DES VIL
LES, ET DE ROME ENTRE
A V TRE S.
:
Chapitre Premier.
Chapitre 11.
Chapitre 111.
Chapitre 1111.
Seditions
1
cauſe de E voudrois bien icy en paſſant tou
bien à Ro cher vn mot ou deux des emeutes
me. qui aduindrent à Rome depuis la
Banne con mort des Tarquins, iufques à la crea
dure, & tion des Tribuns : pour en dire ce qu'il m'en
vaillance femble , contre l'auis de plufieurs qui dient de
des Ro Rome que c'eftoit vne ville noifiue , riotcu
mains. fe , toufiours en troubles & contentions. Tant
Fortune que fans fa bonne conduite , & vaillance en
des R guerre , & fans fortune qui fuppleoit les fautes
mains. & defectuofitez , elle eftoit pour eftre ( à leur
SVR LA I. DECA. DE TIT. LI. II
dire) la plus pauure & chetiue ville qui fut on
ques. le ne veux pas niet que ces deux chofes
n'aient efté cauſe de fon grand Empire. Mais
telles gens ne confiderent pas , que le faict des
armes ne fe peut conduire fans bon ordre &
police : & la police communément eft celle
qui amene la bonne fortune.Or venons vn peu
a particularizer : Ie dy que ceux qui blafment
fifort les feditions de Rome,reprennent à mon
auis ce qui a efté cauſe de ſa liberté , & regar
dent plus au bruit , tempefte & crieries qui le
font en rel cas , qu'au fingulier proufit qui en
vient. Auffi ne confiderent ils qu'és Republi
ques y a deux humeurs contraires. Celuy des
Seigneurs , & celuy du commun : & que tou
tes les loix qui fordonnent en faueur de liber
té, prennent naiffance de leur diffenfion & de
bat: ainfi qu'on void clairement qu'il en eft a
uenu à Rome. Car depuis les Tarquins iufques
aux Gracches ( qui font plus de trois cent ans)
en tous les tumultes de Rome n'y en eut gue
res de bannis , beaucoup moins d'executez à
mort. Parquoy n'y a taifon d'eftimer fes emeu
tes fi horribles & dangereuſes., & d'en appel
ler Rome ville de diuifion , veu que par long
temps elle n'a pas exillé plus de neuf ou dix de
fes citoiens , en a fait mourir bien peu , & peu
en a condamné en amende. D'auantage n'y a
aucune apparence de iuger vne telle Republi
que defordonnee : laquelle nous a produit tant
d'exemples loüables de toute forte de vertu ,
Bij
DISC. DE NIC. MACCHIA .
Car les bons exemples procedent de bonne rei
gle & nourriture , la bonne reigle des bonnes
loix , & la mere de telles loix n'eft autre que ce
fte diffenfion & contrarieré que tant de gens
blafment à lavolee. Confiderez moy de pres
ces emeutes , vous verrez qu'elles n'ont en elles
force ne violence preiudiciable au bien com
mun. Au contraire, que c'eft ce qui contraint
de faire nouuelles loix & ordonnáces au prou
fit & auantage de la liberté publique : voire
mais (repliquent aucuns) telle mode eftoit trop
enragee & extraordinaire de veoir le peuple
crier ainfi apres la iuftice , & elle apres luy , de
veoir les gens de toute qualité courir les rues
commefols & incenfez , fermer les boutiques:
brief, que tout alloit deffus deſſoubs , tant que
aucunesfois la commune en laiffoit la ville , &
tenoit les champs nomplus ne moins qu'vn
vray oft d'ennemis. Ie dy que chacune ville
doit bailler au peuple quelques moyens pour
decharger fa colere , & contenter vn peu fon
ambition:mefmement celles entre autres qui fe
veulent aider & feruir de leur peuple és affai
res d'importance. En quoy celuy de Rome v
foit de cefte façon de faire , que quand il auoit
defir de quelque loy,il fe mutinoit ( comme dit
eft) ou refufoit d'eftre enrollé & prendre les ar
mes : tellement qu'il faloit à toute force pour
l'appaifer , qu'on luy octroiaft partie de ce qu'il
demandoit. Ce qui ne redondoit volontiers au
dommage de la liberté, pourtant que ces fanta
SVR LA 1. DECA. DE TIT. LI. 12
fies ne luy prennent que d'eftre foullé & greué,
ou de crainte & foulpeçon qu'il ne le foit . Et
fi d'aduenture fon opinion cftoit mauuaife , les
concions & harangues publicques y mettoient
remede : car à l'heure toufiours quelque hom
me de bien fe leuoit qui leur remonftroit leut
folie. Et cobien que le peuple (ce dit Cicero )
foit rude & ignorant, fi៤ cft il capable de veri
té, & facile à tourner & eftre retiré de fon er
reur, quand quelque perfonnage d'autorité &
d'honneur luy preiche ce qui en eft.Il faut donc
mieux regarder à reprendre la policede Rome,
& penfer que tant d'effects finguliers & admi
rables , qui iadis en fortirent , ne peurent_nai
ftre que de trefbonnes caufes. Parquoy fi ces
emeutes furent occafion de la creation des Tri
buns , on les doit prifer & louer grandement:
veu que par ce moyen le peuple eut part au gou
vernement, & de là en auant la liberté Romai
ne fut miſe en meilleure garde , en la main de
ces officiers nouueaux.
chapitre Ꮴ .
Bij
DISC . DE NIC . MACCHIA .
E plus grand poinct à conſide
rer en l'ordonnance d'vne Re-.
publique , c'eft de mettre fa li
berté en feure garde. Car felon
que fera la garde ,l'eftat de fa fran
chife durera . Or pource que chacune ville a
des grands Seigneurs , & du menu peuple : il
n'eft pas fans difficulté auquel des deux il vau
droit mieux la bailler , & fen fier. Iadis les La
cedemoniens , & auiourd'huy les Venitiens
l'ont miſe en la main de leur nobleffe. Au con
traire les Romains en firent leur peuple gar
dien . Parquoy feroit bon d'examiner lequel
d'entre eux fe monftra plus fage au choix. Or
fil cft queſtion de fe fonder en raiſon nous
trouuerons affez que dire des deux coftez . Mais
qui iugera le fait par l'iffue , fans doute il tien
dra le parti des gentils hommes : à cause que
sparte. Sparte & Venife ont beaucoup plus duré en
Venife. leur liberté que Rome. Pour doncques en dif
purer ie dy ( prenant premierement la caufe
des Romains) qu'il femble bien le meilleur de
bailler vne chofe en garde à celuy qui moins.
en voudroit abufer, comme il eft en ce cas de la
de n'eftre
baffe gent , laquelle ne fe foucie que
point maiftrifee & gourmandee , & de fe main- .
tenir en liberté : où la nobleffe tafche toufiours
à dominer & vfurper feigneurie, qui luy eft auf
fi plus aifee à conquerit qu'à l'autre. Parquoy
l'on diroit que fi le commun en eftoit gardien,
& quafi depofitaire , il la defendroit & veilleroit
>
I
SVR LA I. DECA. DE TIT. LI. 13
plus foigneufement.Et fi ne la laifferoit volon
tiershapper aux autres, en defpit de ce qu'il n'y
auroitpeu aduenir. D'autrepart on pourroit di
re pour Sparte & Venife , qu'en la mettant es
mainsdes gentils homes l'on feroit deux gráds
biens :I'vn que l'on affouuiroit leur ambition
en leur baillant le principal pouuoir & aucto
rité en la Republicque, l'autre qu'en ce faifant
l'on ne doneroit cefte qualité demaiſtriſe à des
teftes mutines de Populaire , lequel eft fans ar
reft ,fans confeil & prudence, & quand il tient
le bafton en main , l'on ne voit autre chose que
noyfes , feditions & combatz . Auffi lors n'eft
merueille fi la gentilleffe depaffionne, felle fe
defefpere de veoir les vilains les maiftres, & ne
faut point (apres en auoir vn temps enduré) de
faire de terribles efclandres . Dont à bon droit
eft reproché à Rome qu'au moyen de l'auctori
té qu'elle permit aux Tribuns, le Peuple obtint
vn Conful de fon corps,puis non content de ce confulpo
demanda que les deux enfuffent , & ( pour vn pulaire.
pied donné en prenát trois)voulut auoir la cé
fure , la grand preftrife & les autres degrez du
gouuernement . Cela n'eftoit rien, il commen
ça depuis tout d'vne fureur à adorer ceux qu'il
voyoitpropices pour affaillir & batre la noblef
fe:& de là vint la puiffance de Marius,dont en- Marius.
fuyuit la ruyne de Rome .Quand tour eſt dict,
il n'eftpas fans doubre(à regarder de pres à l'vn
& l'autre) lequel des deux feroit plus propre &
plus feur pour garder ceſte liberté d'autant que
11 DISC. DE NIC MACHIA,
il n'eft ayfé à iuger , qui eft plus dangereux en
vne Republique de celuy qui tafche à auoir ce
qu'il n'a pas ou celuy qui ne quiert qu'à fauuer
ce qu'il a . Briefqui aura bien tout examiné , ie
Conclufion croy qu'il conclura en cefte forte . Ou vous me
de l'affen- parlez d'vne ville qui tend à coqueſte d'Empi
rancede lire, ou d'vne qui ne penfe qu'à entretenir fon e
berté. ftat tel qu'il eft : quant à la premiere, il fault que
elle prenne patron fus Rome , la feconde doibt
tenir le chemin de Sparte & Venife ,tant pour
les raifons ia deduictes que celles qui fe deduy
font au premier chapitre . Mais pour reuenir à
mon propos, qui vaut pis en vne ville celuy qui
vetit aquerir ou qui craint feulement de perdre
ce qu'il a aquis?le dis pour toute refponce, que
Menenius quand Mare . Menenius fut fait dictateur , &
Dictateur. Marc . Follius fon conneſtable ou chef de gen.
darmerie ,pour cognoiftre des coniurations qui
auoient efté braffees à Capue contre Rome: par
mefme moyen leur fut donné pouuoir & char
ge d'enquerir de ceux qui tafchoient, par voyes
indeues de venir au Confulat & autres offices
& honneurs: dont indignee la nobleffe ( quafi
que cefte commiffion cuft efté decernee en hai
ne d'elle ) Se print à murmurer & faire courir
le bruit que ce n'eftoient pas les Senateurs qui
tendoient là où l'on difoit par corruptions, fa
ueurs & moyens extr'ordinaires:ains feulement
gens de vile códition , aufquelz eftoit force d'y
aller par telz chemins obliques & deraifonna
bles,puis que le noble fang & la vertu leur def
SVR LA I. DECA . DE TIT. LI. 14
failloit : & vinton en ces murmures à nommer
Menenius mefme , & la chofe proceda fiauant
qu'il fut contraint tout dictateur qu'il eftoit de
fe demettre de fa dignité & fe foumettre au iu
gement du Peuple . Par lequel ( apres auoir oy
les plaintes & deffences)fut enuoyé abfouz de
l'accufation contre luy formee. Alors fut difpu
té amplement lequel eftoit plus conuoiteux, ce
luy qui ne vouloit que garder le fien ou qui en
defiroit acquerir d'autre car l'vn & l'autre nous
peur induire à grands differents & debatz .
Toutesfois me femble que pluftoft il en vien
droit par ceux qui ont l'accópliffement de leurs
defirs que par ceux qui font encores apres pour
l'auoir : d'autant que crainte de perdre ce que
on a,cauſe en nous les mefmes volontez & paf
fions qui tranfportent ceux qui font fur les a
quetz,& ne nous eft pas aduis que puiffiós bien
garder ce que nous auons, fi nous n'en amaſſons
toufiours de nouueau. Et d'auatage , qui a le dié
tout acquitz , eft plus fort & mieux fondé pour
liurer vn affault à la liberté,& le liurera plus roi
de que les pauures & foibles aquerans.Oultre y
a la gloire & outrageufe morgue que tiennent
les riches, qui faict creuer de defpit le commun,
& luy caufe enuie de pourchaffer biens & hon
neurs tant pour en defpouiller par vengeance
ceux qui en ioiffent, que pourfen veftir & iair
en telle felicité qu'il voit les autres.
DISC. DE NIC. MACCHIA .
Afauoirfil eftoitpossible d'establir à Rome un
eftat qui empefchaft les inimiciez du
Peuple du Senat.
Chapitre VI.
Et telparty tenirpourplusperfect
Cardetoutnet
-·Sans aucunfi,
N'yaicy
1
SVR LA I. DECA. DE TIT. LI. 19
que peu f'en fault qu'il ne l'affomma à la fortie
du Senat: Et l'euft faict certainement fans les
Tribuns qui fe meirent entre deux , & appai
ferent la noiſe , en decernant fur l'heure contre
luy adiournement perfonnel au premier iour
pour venir dire fes defenfes . En quoy fe peut
noter combie valut lors à Rome d'auoir moyen
ainfi ordonné pour degorger la colere du Peu
ple , lequel eft caufe d'empefcher les defordres
que violéce ameine & toute voye extraordinai
re. Car qu'vn homme(quel qu'il foit ) vienne à
eftre executé droict & par ordre, voire à tort,il
n'en enfuyt iamais trouble n'inconuenient e
ftrange . La raifon eft qu'il n'y a point en celà
de force de dedans ou dehors , lefquelles font
maladies peftilentieufes de la vie ciuile & fran
che : l'on n'y vfe que de force & ordre public
reiglé & compaffé en maniere, que iamais il ne
fe defborde que la Republique en puiſſe dan
ger encourir . Or quant aux exemples anciens
celuy de Coriolan nous doibt fuffire pour tous,
Sur lequel penfons vn peu la grand playe que
Rome euft receue fi ce perfonnage euft efté fi
vilainemét meurdry & mis en pieces par la fu
reur du peuple. Car par fa mort fe fuflent com
batuz les particuliers contre particuliers,les pa
rents de l'occis contre ceux de l'homicide,de ce
fuffent tombez en perpetuelle deffiance les vns
des autres , & pour faffeurer fe fuflent garniz
de partifans & amys:De là cuft efté toute la vil
le partie & bandee , finablement deftruicte &
Ciij
DISC . DE NIC . MACCHIA.
defolee. Mais en canduifant l'affaire par auto
rité publique , on obuia à tous les maux qui
fuffent enfuyuiz fi la commune incenſee ſe fuft
faict droit par fes mains , Venos à noftre teps,
F.Valor qu'en aduint il à Florence lors que Françoys
'go
goun Valor y gouuernoit , il faifoit tout en Prince, &
neur de tant en feit qu'il acquift la malle grace des grás
Florence. & des petits , & donna occafion de penfer de
luy qu'il vouloit en effect eftre feigneur de la
ville; de rompre fes deffeings &aller au deuant)
de fa malheureufe entreprinfe , la loy du pays
n'en dōnoit nul moyen . Ce qu'il conneut bien
& qu'o ne le pourroit empefcher que par voyes.
extraordinaires . Si fe pouruçut d'amys de bon
ne heure tant qu'il n'auoit caufe de plus crain
dre fes aduerfaires . Quant à eux ils n'en feirent
pas moins ,voyans que par juftice il ne luy pou
uoient refifter, coururent aux armes les vns &
les autres , & où la mort d'vn ou deux cuft mis
fin à la noife fi la loy y euft doné ordre, la guer
re ciuile qui en fourdity feit vne trefcruelle &
horrible boucherie.Vn pareil cas aduint à Flo
Pierre Se- tence mcíme par le Seigneur Pierre Soderin,le
derin. quel feftoit cleué fi hault fur les autres & tant ,
entreprenoit qu'on n'en pouuoit plus endurer, 1
1
Mais quel remedeton n'auoit point la loy ne de
couftume pour dreffer vne bonne accufation
contre homme d'auctorité & de credit : Il y a
uoit en la ville en tout dix iuges de compte fait,
ce n'eft pas affez pour tenir rigueur de droict &
roide & ferme iuftice contre tous. Il faut qu'en
¦
1
SVR LA I. DECA , DE TIT. LI. 20
bonne ville les iuges foient en nombre , car t'ils
font peu,ils feront comme peu petite befongne
& feront plus ayfez à gaigner & corrompre
que fils eftoient beaucoup.Or fi à Florence ce
fte loy d'accufation cuft regné , ceux de la villo
voyans fon mauuais gouuernement l'euffent in
continent accufé & rengé à la raiſon , fans faire
venir les Espagnolz qui gafferent tout . Ainfi
euffent dechargé leur cueur contre luy , & au
cas qu'il n'euft mefpris n'y offencé , nul n'cuſt
efté fi hardy de l'accufer de paour d'eftre ac
cufé & reprins luy mefmes . Parquoy nous
pouuons conclure que quand vne cité diui
fee , eft contraincte de recourir aux eftrangers
& à leurs armes pour le fecours & fouftien d'v
ne des parties, ce n'eft que faulte de bonne or
donnáce qui leur ayderoit à vuyder leurs mau
uaifes humeurs faucunes en auoient , fans qui
leur falut chercher remede ailleurs . C'eſt, fom
nie toute,faulte d'accufation,faulte de nombre,
competant de iuges , faulte de iuftice bien re
commandce . Parquoy cecy eftoit à Rome pra
tiqué & gardé au poffible, &fut caufe que quel
que defordre & debat qu'il y cuft entre le peu
ple & le Senat , ou quelque citoyen mutin , 1a
mais on ne fe mefla d'appeller gens de dehors
au fecours, pour ce qu'o auoit les remedes tous
quiz en la ville . Tite Liue qui nous l'a apriz par
l'hiftoire de Coriolan le remet en memoire en
la fortune de Chiufe ( qui lors eftoit la princi- Chinfe.
palle ville d'Hetruric. ) En laquelle Lucumon
Cij
DISC. DE NIC. MACCHIA.
perfonnage puiffant d'auoir & d'amys força la
foeur d'Aruns, & fut contraint Aruns comme le
plus foyble & depourueu en ce de tout reme
de de iuftice,de reclamer les Gaulois à fon ay
de , lefquelz tenoient alors le païs que l'on ap
pelle à prefent Lombardie : & tant feit qu'il les
pratiqua & induict fous efperance de gros bu
tin à venir à Chiufe à main armee , pour le ven
ger du tort &outrage qu'on luy auoit faict.Qui
en fut caufe finon le mauuais ordre de celle ci
té , où l'on n'auoit aucun moyen de garder fon
bon droict fil eftoit foullé, ou il falloit amener
la force des Barbares & eftrangers .
chapitre IX.
Chapitre X.
Dij
DISC. DE NIC. MACCHIA .
quelque grand & magnifique Royaume, ſe ſont
adonnez à tyrannie , perdans honneur & gloi
re perpetuelle , perdans repos affeuré , perdans,
vn contentement d'efprit ineftimable,pour gai
gner honte, reproche, infamie , peril & mefaife
fans fin.le croy que les Princes & les priuez qui
liroient diligemment les anciennes hiftoires, &
en feroient eftat,en y voyant le loyer de la bon
ne vie , auroient plus cher filz eftoient priuez
de viure en leurs païs comme Scipions, que có
Bons prin- mé Celars: & filz eftoient Princes,mieux aime
ces . roient reffembler Agefilaus, Timoleon, Dion:
I
SVR IA I. DECA. DE TIT. 11. 28
&orité,les officiers en leurs honneurs, les riches
citoyens à melmes leurs richeffes , la nobleffe
& vertu haut exaucee, aiſe par tout,bien & re
pos, toute rancune, licence, corruption, anibi
tion chaffee & eftainte , liberté à chacun de te
nir telle opinion qu'il vouloit. Brief, il verra
l'aage doré reuenu , le monde triompher plein
de toute bonté & reuerence ,le Monarque de
gloire, fes peuples d'amour & obeillance . Et fil
Farrefte à regarder vn peu le temps des pervers
Empereurs ,il ne lira qu'inhumanitez de guer.
res , feditions & troubles en paix , iniuftices &
cruautez en tous les deux, tant de Princes mis à
Pefpee, tát de difcordes ciuiles & domeftiques,
tant de foraines , l'Italie exillee & defolee par
fortunes fur fortunes , fes villes rafees & facca
gees.Lors il verra (fil a le cucur) Rome , Rome
Bruflee & arfe, le noble Capitole demoli par les
fiens mefmes , les Eglifes abbatues , les cerimo
nies abolies , les villes remplies d'adulteres , la
mer de banniffemens , les durs rochers rouges
de fang humain : brief, il verra Rome non plus
Rome, ains vne efpouuentable boucherie de
pauures citoyens innocens , aufquelz nobleffe,
richeffes , honneurs , & fur tout vertu & bonté
eftoit comptee pour cas pendable. Il contem
plera les gros falaires des accufateurs , les ferfz
traiftres à leurs maiftres , les libertz à leurs pa
trons,ceux qui n'auoient point d'ennemis eftre
perfecutez par leurs propres amis. Par tel dif
cours il entendra combien Rome, l'Italie, & le
Dij
DISC. DE NIC, MACCHIA.
monde vniuerfel eft tenu à ce gentil Cefar de
quil'on parle tant : & lors,fil eft homme,fuir à
l'exemple de luy & de fes femblables , & fen
3 flambera d'vn ardent defir d'enfuiure la trace
des bons, & au cas qu'vne ville luy efcheut à re
former & remettre en ordre, il en prendra l'oc
cafion comme enuoiee du ciel pour fon immor
telle loüange , & ne l'acheuera pas de paindro
comme Cefar , mais la releuera & r'habillera
comme Romulus , confiderant en fomme qu'il
a à prendre par neceffité de deux voyes I'vne:
ou celle qui tient les Princes heureux en leur
vie, & apres la mort les rend renommez & ca
nonizez en eternelle memoire , ou celle qui ne
leur liure que peine, angoiffe, mifere, & la hay
ne du monde tant qu'il eft grand & durable.
Quant eft des capitaines, fimples foudars, gens
de lettre , menuz artifans , filz hantoient auffi 1
& vifitoient fongneufement l'hiftoire , chacun I
d'eux y trouueroit affez à qui parler , & fur qui
fe reigler & conformer à bien faire.
chapitre XI.
I
1
Ombien que Rome cuft eu Romu •
b
lus pour fondateur , à qui elle doit P
comme à pere la vie & fa premie
re nourriture , le ciel iugea que co
n'eftoit pa
pas allez pour elle qu'il deftinoit au
SVR LA I. DECA. DE TIT. LI. 29
titre imperial du monde , & qu'il falloit que
comme fortant du lait & de la mammelle, elle
fuft baillee à feurer à vn autre . Parquoy meist
en fantafie au Senat d'elire Numa Pompilius
pour fon fucceffeur , lequel acheueroit ce que
l'autre auoit commencé. Numa qui veid qu'il
auoit affaire àvn peuple rude & rebarbatif, que
il conuenoit adoucir & reduire à ciuilité & hu
manité,& amolir fa tefte dure & martiale: à ce
ſte fin ſe iecta fur la religion , fans laquelle il
luy fembla impoffible de maintenir police en- Entendez
tre les hommes : & y befongna fibien que longgrande en
temps depuis on ne veid republique où l'a- obferuatio
mour &crainte des Dieux fuft fi grande. Ce qui exterieure,
valut beaucoup à Rome pour luy rendre fon
Peuple obeyflant en toutes fes hautes, entre
prinfes . Regardez moy les geftes d'elle , puis
en particulier les faicts de fes citoyens, vous co
gnoiftrez qu'ilz faifoient plus grand confcien
ce la moitié de faucer leur ferment que de con
treuenir à la loy , d'autant qu'ils jugeoient l'of
fenfe de Dieu plus griefue que celle des hom
mes , croyans que fa puiflance paffoit toutes les
puiffances humaines . Confiderez vn peu com
me Scipion & Torquatus fen aiderent apres la
iournee de Cannes , où Annibal defconfit les
Romains : plufieurs des plus gros de Rome e
ftans eftonnez de cefte deffaicte , feftoient af
femblez en certain logis pour deliberer de la
fuitte , & eftoit leur intention d'abandonner
l'Italie , & tranſpotter eux & leurs bagues en
DISC. DE NIC, MACCHIA.
Sicile , dequoy aduerty Scipio , alla ſoubdain
où ils eftoient , entre l'efpee au poing, & leur
faict iurer , voufiffent ou non que pour chofe
qui fuft ils ne laifferoient la ville . Lucius Man
lius le pere de Titus, qui fut depuis par la proëf
fe furnommé Torquatus , auoit eſté adiourné
en cas de crime par Marcus Pomponius tribun
du peuple mais auant que l'affignation ef
cheuft' & le iour du iugement, Titus vint trou
uer Marcus le Tribun , & le poingnart fur la
gorge le coniura par tous fes Dieux qu'il luy
cuft à promettre qu'il fe departiroit de l'accu
fation de fonpere : ce qu'il fift . Ainfi voyons
nous que ceux qui pour l'amour du païs , pour
les defences de iuftice ne vouloient demourer
à Rome, la reuerence de leur ferment (combien
qu'il fuft forcé & contraint ) les y fift tenir.Et le
Tribun pour cefte mefme caufe rompit fon
cueur , ofta la haine qu'il portoit au pere , par
donna au filz l'iniure qu'il luy auoit faire en le
1 menalfant de mort , & ( qui plus eft ) oublia fon
honneur . Le tout pour tenir la foy à Dieu pro
mife ,felon que la religion de Numa leur com
mandoit . Certainement qui bien confiderera
l'hiftoire Romaine , il connoiftra combien fer
uoitcette religion à donner cucur & efperan
ce aux gend'armes , à les renger en bataille, à les
tenir coys au camp , à appailer & accorder le
Peuple, à fouftenir les gens de bien & battre
les mefchans : tellement que fi i'auois à eftre iu
ge lequel de Romulus ou Numa auroit faict
SVR LA I. DECA . DE TIT. LI. 30
plus de bien à Rome,Numa l'emporteroir. Car
où la religion eft bien plantee,l'on met ayſe.
ment les armes : mais où elles font feules re
ceuës,religion ne peut bonnement trouuer ac
cés .Or Romulus pour ordonner fa police mi.
litaire & ciuile n'eut que faire de controuuer
vn faux Dieu qui luy donnaft auctorité , ce qui
fut neceffaire à Numa , d'autant qu'il entrepre
noit euure plus difficile que l'autre . Ainfi alla
il faindre qu'il hantoit fecretement auec vne
Nymphe , laquelle luy confeilloit entierement
ce qu'il auoit à faire & à commander àfon peu
ple . Autrement il n'euft iamais feeu de fon au
&
torité feule faire receuoir telle fainteté nou
uelle & inconneuë : & generalement tous ceux
qui ont amené en vn païs fecte & loy extraor
dinaire , ils ont toufiours vfé de cefte couuertu
re diuine , pour rendre leur cas plus venerable
& authentique . Car beaucoup de bonnes cho.
fes qu'vn homme fage connoift eftre relles, tou
tesfois ne les fçauroit il fouuent donner à en.
tědre aux autres par raifons euidentes:parquoy
au lieu de fy empefcher , ils ont leur recours
à Dieu, comme fift Solon, comme Lygurge, co
me plufieurs autres qui tédoient à inefmes fins.
Orle peuple Romain adoroit ce Numa , &
pour la finguliere bonté & prudence luy obeïf
foit en tout ce qu'il vouloit. Il eft bien vray que
il rencontra le temps propre à fes deffeings,
auquel infinies fectes & religions auoient cours
par le monde , & fi trouua gens telz qu'il luy
DISC. DE NIC. MACCHIA.
falloit , gros , lourdz & fimples , efquelz eftoit
1
SVR LA I. DECA. DE TIT. LI. 32
de,& tenoient en merueilleufe deuotion. Si toft
qu'il vint à faillir & que la tromperie & fauce
téfut defcouuerte , & qu'on conneut qu'ils ref
pondoient à l'appetit des grans feigneurs & de
quiconquefourniffoit à l'apoinctement, lors on
les laiffa là & vint on à ne croire ne Dieu ne dia
ble , en tel eftat que les gens ne faifoient plus
confcience de rien , eftoient prefts à tout rom
pre,brifer,gafter, commeferfz dechenez . Qu'il
vifite donc le Roy qui aura defir de fauuer fon
Royaume, qu'il vifite (dis ie) les fondemens de
fa religion & prenne bien garde qu'il n'envien
De faulte ,lors fans peine il tiendra fes fubiects
en deuotion & laineteté. Or par cefte bride les
rengera à la raifon & fera d'eux ce qu'il voudra:
voire fil faruient quelque chofe faulce ou non
(c'esttout vn mais qu'elle tourne en la faueur
&aduatage d'icelle qu'il y confente, qu'il y bail
le la main . Il le fera fil eftfage & fil entend rai
fon .C'eft d'où font venus tant de miracles au
mondeție parle des religions peruerfes ) les prin
ces prudens les fouftenoient & confermoient
par quelque moyen qu'ils fuffent faicts & for
gez ,apres eux nul ne faifoit difficulté de le croi
re:à Rome il y en auoit à reuendre , le meilleur
fut,dot il me fouuient,quand les Romains fouz
la conduite de Camille prindrent la maiftreffe
ville des Veiens : les plus deuotz des foldatz
encores tous bouillans de fureur , entrerent en
la grande Eglife , & comme fils euffent laiffé
à la porte leur ire , quoys & raffis faluerent
DISC, DE NIC. MACCHIA .
humblement Iuno la Deeffe, f'approcherét d'el
le,& luy demanderent en leur langage.
chapitre XIII.
Chapitre X1111.
Chapitre XV.
Chapitre XVI.
peſché
SVR LA I. DECA. DE TIT. II.
41
peché ce fut Clearchus , lequel auoit à regir &
manier deux parties nomplus compatibles en
femble que le feu & l'eau. Les grands Seigneurs
faifoient des compagnons auec luy comme le
fentans leur oblige , pour le Royaume qu'il a
uoir recouuré par leur moyen , le pauure peu
ple enrageoit de fe veoirhors de lavie heureuſe
qu'il auoit commencé à goufter , & defia remis
en la prifon qu'il cognoiffoit trop. Se voyant
donc en telle perplexité aduifa come il fè pour
roit demefler à vn coup de l'vn & l'autre .Ce fut
qu'à la premiere occafion qui foffrit , il feift
mettre en pieces tous les Seigneurs comme en
treprenans fur fon auctorité Royalle , dont le
peuple receut vn merueilleux contentement,
d'eftre fi bien vengé de ceux qui luy auoient
pourchaffé fon dommage. Or quant au fecond
point auquel le Prince ne fcauroit entieremét
remedier,fil ne veut tout quitter & fe demet
tre de fa dignité , il faut qu'il vienne à confide
rer , qui fait que les gens defirent fi affectueuſe
ment cefte liberté. Lors connoiftra qu'il n'y en
gueres qui la fouhaittent par conuoitife de
gouvernement, & que tout le demeurant né
fen foucie , que pour viure à fon aife & n'auoir
perfonne à craindre. Car en tous Royaumes &
Republiques il n'y a d'honneurs & d'offices,
qué pour quarante ou cinquante hommes, del
quelz il eft facile à vn Roy de fe garder en les
faifant mourir fi befoing eft , oules obligeant
& rendant fiens par biensfaictz & gracieufes
F
DISC. DE NIC. MACCHIA.
tez fpeciales qu'il departira à chacun felon fon
eftoffe. Pour contenter les autres, il ne luy faut
que faire bonnes loix & ordonnances , rendre
droict & iuftice autant au grand qu'au petit,
affeurer & guarentir vn chacun de toute iniu
re , tort & violence. Quand le peuple verra ce
train , & que le Prince tiendra fa promeffe fans
iamais venir au contraire du contenu en la loy:
Lors il ne tardera point à faffeurer & demeu
Du Royau- rer content. Ainfi va du Royaume de France,
me de Fra auquel l'on ne vit en repos & feureté, finon au
fe. moyen des loix qui y font , lefquelles les Roys
font tenus de garder & gardent fainctement,
Celuy qui premier fonda celle monarchie , don
na au Roy la connoiffance totale du faict de la
guerre & des deniers , qu'il en difpofaſt à fon
vouloir , mais que du furplus il laiffaſt faire à la
iuftice. C'est doncques la refolution en ceft en
droit, qu'il faut fonder fon eftat fur toutes cho
fes, & du commencement f'il eft poffible,finon
à la premiere opportunité qui ſe preſentera , có
me faifoient les Romains , qui la refufe apres
mufe , & à tard fen repent. Or à eux ne fut
impoffible de le faire , quand ils meirent hors
les Tarquins , & occirent les enfans de Brutus,
ils n'eurent qu'à vfer des moyens & remedes
que nous auons deffus declarez . Car leur matie
re n'eftoit pas encores toute corrompue : mais
c'euft bien efté autre befongne , fi lors Rome
n'eut cu partie faine de fon corps.
SYR LA I. DECA. DE TIT. LI. 42
Qu'unpays corrompu & deprané ,f'ilfort de
Subiection nepeut durer en ceft eftat.
chapitre XVII.
Chapitre XVIII
SVR LA I. DECA. DE TIT. LI. 44
L me femble qu'il ne fera pas du
tour hors de propos de difcourir
en ceft endroit fil eft poffible de
maintenir vne cité ia corrompue,
en eftat de liberté qu'elle a , ou fi
elle ne l'a , de l'y mettre. A ma fantafie l'vn &
l'autre eft trop difficile , & fi eft quafi impoffi
ble d'en donner reigle certaine ,à caufe qu'il
faudroit deſchiffrer par le menu tous les degrez
de corruption. Neantmoins pource qu'il fait
bon diuifer de toutes chofes par raifon, cefte cy
ne demeurera pas derriere. Or ie pofe le cas que
la cité dequoy nous parlons ,foit corrompue
tant que cité peut eftre , le cas eftant tel , vous
ne fçauriez plus en forte quelconque augmen
ter la difficulté de la matiere. Car depuis que le
mal eft epidimique & court & fefpád par tout,
il n'y a iuftice ny police qui y fceut remedier:
veu que les bonnes meurs des gens ne font
moins requifes pour obferuer les loix , que les
loix pour entretenir les bonnes meurs : Voire
les loix & le bon ordre qui a efté mis en la cité
dés fa naiffance , ne vaut plus rien depuis que
les hommes ont laiffé la vertu , & menent vie
defordonnee . On a beau felon les accidens fai
re loix nouuelles , l'ordre & la police demeu
re toufiours , laquelle en deffait autant qu'el
les en font . Et pour plus clairement deduire ce
qui en eft , il faut entendre qu'à Rome y auoit
l'ordre de l'eftat & gouuernement de la ville,
& fily auoit des loix pour chaftier en iugement
F iiij
DIS C. DE NIC. MACCHIA,
les fautes & infolences des citoiens. L'autori
té du peuple , du Senat , des Tribuns, la puif
fance des Confulz , la façon de pourfuiure of
fices , & d'eflire officiers , la maniere de confti
tuer vne loy , le tout concernoit l'ordre de Ro
me, & ne fe changeoit pour fortune qui vint.
Les loix qui puniffoient les malfaicteurs & cor
rigeoient les abuz , paffoient legerement, com
me la loy d'adultere , celle d'ambition , la fum
ptuaire, & plufieurs autres fans nombre, f'en e
ftoit fait fitoft que le vice qu'elles chaftioient
auoit pris racine : l'ordre de l'eftat qui ne val
loit plus rien à telles gens , ne fe muoit & ne
bougeoit pour vent qu'il peut venter. le ne dy
pas que fil cuft efté changé ou reffraichy quant
& les loix , que cela n'euft grandement ferui à
l'amendement du peuple:mais vn feul des deux
n'a nulle force ny efficace. Or pourrez vous co
gnoiftre que la vicille police ne leur duit plus
ne fert, combien qu'elle foit bonne de foy , à
deux chofes principalement : en la creation des
dignitez & offices , & en la façon des loix. Le
peuple Romain ne donnoit iamais le Confu
lat , ne les autres premiers eftatz de la cité , fi
non à ceux qui les demandoient. Au commen
cement celà eftoit trefbon , au moyen que nul
ne fy ingeroit qui ne f'en penfaft digne & ca
pable , & craignoit chacun la honte d'eftre re
pouffé & tondu en fa brigue. Pour doncques
y paruenir chacun fefforçoit & trauailloit de
le meriter & de bien faire. Alafin quand ver
SVR LA I. DECA. DE TIT. LI. 45
tu n'eut plus de regne celà fut trefmauuais ,
pourtant que les plus gens de bien ne ſe mef
loient de pourfuiure de paour des concurrans,
ce n'eftoit que pour les plusforts & les plus ri
ches . Le mal ne creut tout à vn coup, mais par
moyens comme tous autres inconueniens. Car
apres que les Romains eurent fubiugué l'Afri
que & l'Afie, & conquis prefque la Grece en
tiere ,il leur fembla que leur cas eftoit ſeur &
qu'ils n'auoient plus que craindre . Parquoy ne
fe foucierent gueres de pourucoir les preud'ho
mes des fouuerains offices , comme ils faifoient
auparauant quand ils auoient affaire d'eux.
Čeluy les emportoit qui eftoit meilleur cour
tifan , ou qui auoit le plus de credit . Apres vint
on à les bailler aux plus puiffans , fi bien qu'à
raifon de tel ordre les gens de bien en demeu
rerent forcluz . Quant au fecond chef il eftoit
loyfible àvn Tribun & à tout autre de la ville
S
de mettre en quant quelque loy qu'il penfaft
eftre neceffaire ou proufitable , & eftoit permis
à chacun d'en dire fon aduis pour ou contre.
Celà eftoit louable tandis que vertu fut en
pris,& n'en pouuoit venir que bien , d'ouurir
ainfi l'huis à qui viendroit propofer chofe con
cernant l'vtilité publicque, & de prefter l'oreil
le à ceux qui voudroient approuuer ou reprou
uer la loy , à fin que le peuple fuft plus ample
ment informé des matieres,& euft le iugement
mieux inftruit pour ordonner ce qui feroit de
faire.Lors q la corruption poffeda Rome, cefte
DISC. DE NIC. MACCHIA.
faculté ne fut commune qu'aux grans feigneurs,
& (qui pis eft) ne l'employoient qu'à leur prou
fit. Les petits compagnons ou moindres qu'eux
ne leur ofoient contredire , ainfi demeuroit le
pauure Peuple deceu & abufé , ou forcé & con
traint de confentir à fa propre mort & deftru
&tion. En effect fi Rome auoit enuye de fentre
tenir en liberté , il falloit qu'elle renouuellaſt
auffi bien fa police que fa iuftice . Car il eſt trop
certain qu'il fault autre regime & maniere de
viure à vn corps malade & indifpos qu'àvn bó
& fain , & qu'eftoffe diuerfe ne reçoit pareille
façon . Or quant à reformer la police , il y con
uient befongner à vn coup , fi toft qu'on vient
à en apperceuoir la faultè , ou peu àpeu deuát
qu'elle foit venuë en connoiffance de tous . Ie
dy que l'vn & l'autre eft prefque hors de la puif
fance des hommes pour le premier il fault
qu'il fe face par quelque fage perfonne qui
voye le peril long temps auant qu'il foit arri
ué . C'eft vne drogue precieufe que l'on ne re
couure pas comme l'on veult . Si ce perfonna
ge l'entend , ce n'eft pas tout , encores fault il
qu'il le mette en la tefte du peuple : lequel ne
fe laiffera ainfimener & perfuader : Il ne lafche
pas volontiers vne forme de viure qu'il a acou
ftumee, mefmement quand il ne touche à doigt
& à l'œil le danger de la vieille & le profit de
la nouuelle , & qu'il n'en voit rien que par ce
qu'on luy en dit & declare par raifons & ar
gumens. Quant eft de changer la police àvn
SVR LA I. DECA . DE TIT. LI. 46
coup fitoft qu'on la void empirer , ie dy que le
vice en eft aylé à connoiftre & mal ayſé à´amé
der. Au moyen que ce feroit folie d'vfer de ter
mes ordinaires qui n'y vallent plus rien , dont
fault recourir aux extraordinaires , c'eſt à fça
uoir aux armes & violences , & par icelles fe
faire Prince de la cité , pour apres en difpofer à
fa guife . Qui par telles voyes y paruiendra, ce
ne fera pas vn homme de bien. Car iamais il ne
voudroit ( deuft il gaigner vn Royaume ) pro
ceder par moyens indeuz & deshonneftes , en
cores qu'ils tendiffent à bonne fin. Puis ce n'eft
pas l'office d'vn autre de reduyre vne ville ga
fee à vraye police . Au contraire cuidez vous
qu'il cheuft au cueur d'vn homme peruers ( qui
par chemins efgarez & iniuftes feroit venu à
1
principauté ) de bien vfer de la puiffance qu'il
auroit mal acquife . Voyla pourquoy ie trouue
fi dificile ou impoffible de loger liberté en lieu
depraué, ou de l'y maintenir quand elle y eft.
Toutesfois fil y auoit moyen de le faire,ce le
roit en tirant l'eftat plus vers le Royal que vers
le Populaire , à ce que ceux qu'on n'auroit peu
corriger par loy ,fuffent redreſſez par main for
te,comme d'vn Roy . D'y vouloir proceder au
trement, l'entreprinfe feroit vaine & temeraire,
ou trop cruëlle & exorbitante . Vous mepour
riez dire q Cleomenes,de qui a efté parlé , maf- cleomenes.
facra tous les Ephores pour eftre feul , & que
Romulus pour mefme cauſe en fit autát de fon
frere,puis de Titus Tatius Sabinus,ncantmoins
DISC. DE NIC, MACCHIA.FO
ils regnerent tous deux en bons Roys . Il y a
grand' difference entre eux & les autres , pource
que ceux cy eurent à befongner en matiere qui
n'eftoit pourrie ny entachee , comme celle de
quoy nous parlons,dont n'eft merueille fils eu
rent volonté de bien faire , & fils peurent cou→
lourer & remplir leurs deffeings .
Chapitre XIX.
chapitre XX.
SVR LA I. DEĈA. DE TIT. LI. 48
Andis que Rome vefquit foubz
Roys,elle fut toufiours en danger
de perir par l'iniuſtice ou laſcheté
de quelqu'vn : depuis qu'elle les
cut chaffez,la paour & le perilen
fut dehors,au moyen que l'Empire totaltomba
es mains des Confulz , lefquelz ne l'auoient ne
par heritage,ne par dol , ne par force ou ambi.
tion:mais quiconque en eftoit pourucu, l'eftoit
de franche elite. Les voix & fuffrages y estoient
libres & volontaires , ce qui a efté caufe de tant
d'excellens perfonnages qui y font paruenuz.
De la vertu defquelz & felicité, Rome a ioy fi
longuement, qu'elle eftmontee iufques au der
nier degré de fon Empire , en autant d'annees
qu'elle auoit efté foubz les Roys. Par là voyons
nous que peuuent faire deux Princes de valeur,
manians fucceffiuement vnfceptre , veu que la
fuytte de Philippes de Macedonne, & d'Alexá
dre le grand a cfté affez pour conquerir le mó
de .Mais Rome & toute feigneurie reiglee &
ordonnee comme elle,a le moyen(par election
de fes gouuerneurs qui luy appartient ) d'en ac
coupler vn millier de telz qui l'a conduiront.au
bout de perfection mortelle.
chapitre XXI.
DISC. DE NIC. MACCHIA.
Es Monarques d'auiourd'huy de
uroient auoir grád honte, pareil
lemét les feigneuries qui ne duy
fent leurs fubiects aux armes
pour fen feruir au befoing , en af
faillant ou en deffendant: Et ne fault qu'ils f'ex
cufent que le païs n'y eft pas né, & que leurs gés
n'yferoient iamais propres.
L'exemple de Tullus les en peut rendre
fçauans , lequel venant à la coronne , ne trou
ua cheualier ne foldat qui euft onques porté
armes à caufe de la longue paix qui auoit res
gné à Rome l'espace de quarante ans, toutesfois
voyoit qu'il luy falloit mener la guerre . Par
quoy ces raisons ne luy fceurent mettte en tefte
qu'il deuft appeller à fon ayde les Samnites &
Tufchans , lefquelz auoient lors bruit d'eftre
bons combatans . Son aduis fut de fe feruir des
fiens , comme il feit, & fi bien les ſtilla & apriſt
en peu de temps , qu'ils furmonterent en force
& addreffe tous les Peuples circonuoifins , &
ne fe trouuerent depuis gens tant vaillans fuf
fent ils qui en plain camp les ofaffent attendre.
Ilne fault doncques fe fonder fur la nature du
ciel ou de la terre , ne leur en imputer la faulte
fi vos gens ne font aguerriz : elle ne vient de
autre que de celluy qui les a en gouuernement.
A ce propos chafcun fçait la defcente que fei
rent les Anglois en France de fraiche memoi
re . Le Roy d'Angleterre n'y mena autre gent
que de fon païs (fi n'auoient ils de trente ans
eu
SVR LA Í. DECA. DE TIT. LI. 49
eu guerre ) ce nonobftant fans capitaine qui fe
1. fuft iamais trouué en bataille, fans foldat qui
cuft onques gaignè foulde , il entra en ce roy
aume garny de bons chefz & de vieux routiers.
Celà procedoit de la prudence de ce Roy, & de
la bonne police de fon Royaume, auquel pour·
pais qu'il y cult on ne laiffoit l'exercice des ar
mes. Semblablement Pelopidas & Epaminon.
das apres qu'ils curent mis Thebe hors de la
feruitude & fubiection des Lacedemoniens, ils
drefferent de telle forte ce Peuple afferuy , (qui
ſembloit du tout inatile ) qu'ils allerent auecq '.
5 telz nouueaux gendarmes trouuer les Lacede
moniés en pleine campagne , & pourleur coup
d'efflay & apprentiffage , deffirent vaillamment
leurs ennemys , iadis leurs maiftres . Surquoy
dient les hiftoriens ,qu'en tous lieux où naiſſent
gens, naiffent foldatz :mais qu'il y ait qui les dui
fe cóme Tullus fift les Romains, duquel efcript
Virgile.
Virgile.
Refidéſque mouebit.
Tullus in arma viros.
Tullus n'aura peuple negent qui vaille,
Et la feramarcherfiere en bataille.
Chapitre XXII.
G
DISC. DE NIC, MACCHIA.
Vilus Roy des Romains, & Me
tius Roy d'Albe conuindrent en
femble, pour cuiter l'horrible ef
fufion de fang qui cuft peu ca
fuyuir fils fe fuffent donnez ba
taille, que celluy des deux demoureroit maiftre,
lequel auroit l'honneur du combat particulier
qu'entreprendroient trois cheualiers d'vne part
& autant d'autre.
La fortune fut pour Rome , car tous les
Curiaces y furent mis à mort , & vn des Hora-.
ces en efchappa vif. Par ce moyen eftoit le Roy
Metius & les Albanois rendus fubiects & tri
butaires aux Romains fuyuant leur traicté. Ce
Buy Horace retournát à Rome fier & glorieux.
de fon aduenture , rencontra en fon chemin fa
fceur,femme de l'vn des Curiaces , qui luy vint
au deuant , fondant en larmes & iectant piteux
cris de la mort de fon mary . Le vainqueur ne
peut fouffrir telz pleurs & regretz , & cour
roucé de la veoir en plaignát le vaincu fe plain
dre du vainqueur & de la victoire , fift vn coup
de fa main, encores agitee de fureur bellique, &
l'enuoya tenir compagnie à fon mary & à fes
deux beaux freres . Dequoy foubdain il fut ac
cufe, en grand danger de paffer le pas, fi la prie
re de fon pere n'euft plus vallu que les merites.
Enquoy ie trouue trois chofes dignes de noter.
L'vne qu'il n'eft iamais bon de mettre tout fon
bien au hazard fans mettre toutes les forces,
l'autre qu'il n'y a iamais compenfation de for
SVR LA I. DECA. DE TIT. LI. so
faicts & biens faicts en ville bien reglee, le der
nier poiact , que c'ett fotye & imprudence de
faire traicter qu'il n'eft pas croyable qu'on vou
fift tenir & acomplir, comme en cas.Qui feroit
celluy qui fi peu eftimeroit la vie & le bien de
tout vn païs , qui le liuraft de bon cucur es
mains de fon ennemy foubs vmbre de trois
hommes , lefquelz par fortune ou faute de ver
tu en auroient faict mauuaife garde? Metius en
monftra ce qui en eft,quand fur l'heure de la vi
atoire il confella la debre , & feit au Roy Tul
lus foy & hommage de toute Albanic.
Mais à la premiere occafion qui foffit pour
faire efpreuue de fa loyauté, lors que les Veiens
felleuerent contre les Romains. Il feift femblát
de venir à leur fecours & cuyda bien iouer vn
faux bond à celuy qui ne fen doubtoit pas, & y
eftoit alié trop à la bonne foy . Or auons nous
affez parlé de ce point , reste à depefcher les
deux autres.
Chapitre XXIII.
Gy
DISC , DE NIC. MACCHIA.
Amais ne fut attribué à fageffe de
hazarder tout ce qu'on a au mon
de , fans expofer au mefme hazard
toute fa force. Cefte faute fe com
met en plufieurs manieres . Aucu
nesfois en faifant comme Tullus & Metius qui
meirent en la main de trois de leurs gens feule
ment toute la fortune & vertu de quarante ou
cinquante mille combatans,la quantiefme par
tie eftoit ce de leur puiffance que trois hōmes?
penferent ils & I'vn & l'autre qu'ils faifoient
de mettre leur querelle en trois bras , en trois
coups , & leur Royaume qui tant auoit coufté
à leurs maiftres à dreffer & affeurer en liberté,
à peupler & pourueoir de bons citoyens pour
fa defenfe quand befoing en viendroit , vraye
ment ils n'euffent fceu de leur vie pis faire . Pa
reillement faillent en ceft endroit ceux qui ad
uertis de la venue de leurs ennemys , vont gai
1
SVR LA I. DECA. DE TIT. LI. 52
S dre,& quandils fceurent ce qui en eftoit, & có
me ils auoient au dos celluy qu'ils efperoient
enbarbe,tous efperduz fe retirerent à Millan la
queue entre les iambes.
XXIIII
Chapitre
Chapitre XXV.
Chapitre XXVI.
Chapitre XXVII.
Chapitre XXXIII.
DISC. DE NIC. MACCHIA.
Vi lira les hiftoires des feigneu
ries & Republicques , qui iadis
ont efté , il les trouuera toutes
entierement tachées d'ingratitu→
de:mais Rome moins qu'Athe
nes , voire parauenture que nulle autre. Celà
ne procedoit à le faire court) que de foufpeçon
qu'auoit Athenes fur fes gens par raifon plus
que Rome. Car à parler d'elle depuis la fin des
Roys iufques au temps de Sylla & Marius , fa
liberté ne fut affubiectie par nyl des fiens. Par
quoy elle n'auoit occafion d'entrer en fanta
fie d'eux , ne confequemment de les perfecu
ter & outrager fans caufe. D'Athenes il alloit
bien autrement : Car en la fleur de fon regne
Pifftratus. Piliftratus y occupa tyrannie , & ce foubz elpe
ce & couleur de bien : quand elle felveir depuis
hors de feruitude , deuint fi vmbragenfe qu'el
-le n'euft pas laiffe paffer ne pardonné aux fiens
ovne feule offenfe , voire ny vnc apparence de
faute. Voilà pourquoy y furent bannis & mou
At -rurent tant de grands & excellens perfonna
oftracisme ges. Voilà dont vint l'oftracifife & autres ri
gueurs & violences qu'elle exerça contre les
plus gens de bien. A ce propos dient bien vray
lesPoliticiens , qu'vn peuple qui vicar à recou
urer liberté eft plus dangereux de la dent , que
ceux qui l'ont toufiours gardee fans perdre.
Conclufion , Rome n'en eft point plus à louer,
ny Athenes à blafmer , tout depend de fortu
ne & des accidens diuers,lefquelz font pluftoft
SVR LA I. DECA. DE TIT. LI. 56
aduenuz à l'vne qu'à l'autre. Et croyez certai
nement que Rome n'en cuft pas moins fait fi
elle cuft efté mife par les citoyens en auffi pi
teux eftat qu'Athenes. Bien l'a monftré en Col- Collatin .
latinus & Publius Valerius apres la ruine des
Roys , dont le premier qui auoit tant aydé en
tre autres à fa deliurance , elle le bannit ,feu
lement pource qu'il portoit le nom des Tar
quins , & le fecond à caufe qu'il auoit baſti vn
beau logis au mont Celius.
Chapitre XXIX.
Cornelius
Procliuius eft iniuria , quam beneficio vicem exol
Tacitus.
uere,quiagratiaoneri, vltio in quaftu habetur.
Nous fommes trop plus promptz à rendre
la pareille en iniure qu'en plaifir , d'autant que
nous tenons comme à charge la recognoiſſan
ce des biensfaictz , & la vengeance à gain &
auantage .
Chapitre XXX.
Chapitre XXXI..
Chapitre XXXIII,
Chapitre XXXIIII.
DISC. DE NIC. MACCHIA.
cu des gens qui ont voulut
L y a eu
dire que le Dictateur ne fut ia
mais creé à Rome, que pour fa
緊 deſtinec & defolation , & qu'il
foit ainfi , que le premier Tyrant
qui y vint depuis, n'y entra que fouz ce tiltre, &
que Cefar n'euft fceu à autre couleur honnefte
faire ce qu'il feift.
Ceux qui tiennent ce propos, n'entendent
gueres bien les matieres , & ne font dignes d'en
cftre creuz. Car ce ne fut pas le nom de Dicta
teur ny le degré qui rendit Rome ferue , ce fut
l'auctorité qu'il eftoit ayſé d'acquerir à vn per
fonnage de cueur en ce merueilleux Empire. Et
Cefar Di fil n'y euftpoint eu à Rome de Dictateur, Cefar
dateur. fe fuft pourueu d'vne autre dignité pour parue
nir à fes fins . Car depuis qu'il y a de la puiſſance
l'on a des noms tant qu'on veult, mais les noms
ne la font pas venir. La dictature tant qu'elle fut
donnee par voix & fuffrages publicques feit de
grands biens à Rome , ceux en ont abuſé qui
yfont paruenuz par voyes extraordinaires, des
autres on n'en trouuera pas vn qui iamais ayt
faict tort à la Republique tant qu'elle a duré .
La raifony eft bonne , car il faut beaucoup de
grandz poincts & qualitez à vn homme, auant
qu'il puiffe vfurper auctorité plus que commu
ne . Il luy conuient eftre riche à oultrance , a
uoir la grace de gaigner les gens , auoir ſuytte
d'adherens & complices , ce qu'on ne faict pas
comme l'on veult en ville de pollice : Et quand
ainfi
SVR LA 1. DEGA . DE TIT . LI. 83
ainfi feroit , le commun qui les craindroit ne
auroit garde de leur donnet få voix pour eftre
dictateurs. D'auantage le Dictateur n'eftoit per
peruel , ains feulement tant que duroit l'affaire
pour lequel il eftoit creé, & fi eftoit la puiffance
limitee de forte qu'il auoit regard que fur le
peril prefent duquel il pouuoit difpofer ſeul
à fon plaifir,& punir le cas qui en dependoient
fans qu'on en peuft appeller : Au demeurant il
n'auoit que veoir fur l'eftat , & n'euft fceu dimi
nuer l'auctorité du Senat & du Peuple , ne def
faire l'ordre & les couftumes anciennes de la
ville ou en mettre de nouuelles. Ce frein & ce
fte restraincte , la briefueté du temps qu'il auoit
àl'eftre , la bonne difpofition de Rome le gar
doient de fortir des gonds & de faire aucun
dómage . Auffi voyez vous qu'il n'en ont point
faict . Selon qu'il m'en ſemble c'eſt l'ordre de
Rome qui fait le plus à confiderer, & qui a ay
dé autant que nul autre à la tendre chef& prin
ceffe du monde . Car fans celà elle n'euft iamais
obuié aux dangers extraordinaires qui luyfur
uenoient de jour en iour , efquelz les moyens
accouftumez & ordinaires ne font de mife có
me trop longs & tardifs , & qu'vn feul ne peut
depefcher,mais l'vn attend apres l'autre , ce pen
dant le temps fen va:briefc'eft vn remede tref
petilleux quand la chofe eft preffee . Parquoy ie
juge que toute Republique doibt auoir vn tel
eftat,qui luy ferue feulement en cas de neceifi
té vrgente, comme la feigneurie de Venife ( la
1
DISC. DE NIC. MACCHIA.
quelle eft pour le iourd'huy la mieux reiglee
de toutes ) elle a efleu deux ou trois de ces gen
tils hommes , lefquelz peuuent au befoing fai
re tout ce que bon leur femble fans y appeller
les autres Senateurs . Sans celà elle fe perdroit
en gardant fon ordre accouftumé , ou pour fe
fauuer feroit contrainte de le violer & enfrain .
dre . Qui eft vn trefmauuais poinct en vne ville
quand il faut proceder en quelque affaire par
moyens exorbitans & extraordinaires . Car en
cores qu'ils feruiffent pour ce coup , fi feroitce
vn dangereux exemple de rompre l'ordre poli
tique pour bien,de paour qu'apres on nele vint
à rompre pour mal foubs couleur honnefte . A
tort fe dira la Republique parfaicte, laquelle ne
aura par fes loix pourueu à tous les inconue
niens qui iamais luy fçauroient aduenit , & or
donné en quelle maniere elle fy deburoit gou
uerner : il ne luy faudra qu'vn feul peril vrgent ,
pour l'acabler par faute de Dictateur ou d'autre
dignité femblable . Mais la façon de le creer e
ftoit fagement pourpenfee : l'onaduifa que c'e
ftoit quelque honte aux confulz de fe veoir re
duicts au reng des autres , eux qui cftoient les
chefz fouuerains de la ville, & qu'il en pourroit
vn iour naiftre du fcandale , Pour y obuier, Ro
me meit en la main des Confulz l'electió du Di
&ateur , à fin que quand il en feroit meſtier
ils le feiffent volontiers & n'en euffent pas fi
grand ducil . La chofe cft naturelle qu'vne blef
leure qu'o fe faict foymefme, n'eft point fi gric
SVR LA 1. DECA . DE TIT, LI. 66
ue à porter que celle qu'on reçoit d'autruy .
Vray eftque Rome fur la fin pour mieux có
tenter les Confulz leur bailla telle puiffance en
cas deneceffité qu'au parauant auoit le Dicta
teur, & leur prononceoit ces mots.
Chapitre XXXV.
Chapitre XXXVI.
chapitre XXX VI I.
SVR LA I DECA . DE TIT. LI . 68
'Eft la fentence des anciés
Philofophes que l'homme
foublie en la profperité, &
en l'aduerfité perd le cu
cur, & que des deux paffiós
de douleur & ioye fortent
femblables effects. Oftez à
l'home la neceflité de cóbatre , il combatra par
ambitio,qui eft vne qualité fi tenant en l'efprit
humain , qu'elle ne l'habádonne pour eftat qui
luy puiffe venir . Car noftre naturel eft de vou
loir tout, & de n'en pouuoir la moytić , & au
moyé que le defir paffe trop la puiffance, iamais
on n'eft cótent de bié qu'on puiffe auoir. De là
vient la rouë de fortune, par ce que les vns ten
dent à toufiours amaffer,les autres veulét garder
ce qu'ils ont.Parquoy vienent aux coufteaux, &
ne fe departgueres le ieu que l'vn ne gaigne ou
l'autre pert,& fouuentesfois vne ville eft baftie
des ruynes de l'autre . Ce qui me faict dire cecy
& le prendre fi loing , c'eft que ie confidere que
il ne luffit pas àla commune de Rome d'auoir
obtenu les Tribuns pour fa protection & fau
ucgarde à l'encontre des nobles(ce que neceffi
té luy feift faire ) incontinent qu'elle eut ce que
elle demandoit,voulut par ambition paffer ou
tre,& meiſt en auant qu'il falloit partir efgalle
ment entre eux les bies & les honcurs tant qu'il
y en auoit,come les deux fouueraines chofes du
mode.De là tégedra la peftiléticufe maladie de
la loy terrouaire ditte Agraire,laqlle finablemét
I iiij
>
DISC. DE NIC . MACCHIA.
a deftruit la Republique de Rome . Il fault
dire que Rome defailloit en ce cas qu'elle ne fe
tenoit toufiours riche & opulente en public , &
fes citoyens pauures ou ayfez feulement : Ou
elle n'y pourueut fi bien du commencement
qu'il n'y falut retourner tant de foys : Ou elle
attendit à y pourucoir à l'heure qu'il eftoit dan
gereux de regarder fi fort derriere : Oufi tout à
temps elle en ordonna , la loy fut abolic à la ló
gue par cótraire vfance . Quoy qu'il en foit ia
mais on n'en vint à parler à Rome qu'inconti
nent tout n'allaft pefle mefle . Or contenoit ce +
fte loy en effect deux chefz principaulx .
L'vn,que nul ne peuft tenir que tant d'arpens
de terre , l'autre que les terres ., qui feroient pri
fes fur les ennemys fuffent diuifees par portions
egalles à tout le peuple. En ce faifant les nobles
fouffroient double perte, car ils leur falloit qui
ter leurs biens ( dont ils auoient plus que les au+
tres ) pour venir à cgallité, & leur eftoir ofté le
moyen de deuenir iamais riches puis que la do
1 pouille eftoit ainfi partie : A celte cauſe y refi
toient de tout leur pouuoir,penfans auffi faire
le bien public. D'autre part le commun tenoie
bon contre eux , voylà come la ville eftoit trou
blee, qu'à chacun coup il fembloit que fen fuft
faict , & l'euft cfté certainement fans la pruden
ce du Senat qui le battoit froid, en diftrayoit le
Peuple , l'enuoyant dehors en quelque guerre
apoftee, on mettoit en barbe au Tribú qui pro
pofoit la loy , vn autre Tribun contraire , quel
fi
SVR LA I. DECA . DE TIT. LI. 69
quefois accordoit partie de la loy , ou donnoit
la place conquife à ceux qui y voudroient aller
demourer , comme il feit de la contrec d'An
tium, pour laquelle la noife eftoit renouuellee.
Sur quoy dit Tite Liue vn mot qui eft à poiler,
qu'il ne fe trouua lors homme qui voulut bail
ler fon nom, qu'à touteforce ,pour eftre enre
giftré au papier de la colonie , de tant aymoit
mieux ce peuple defirer & demander vn bien
eftant à Rome,que d'en iouyr & le poffeder fur
les lieux. Vn temps fut que l'humeur de cefte
mefchante loy fe debattoit & agitoit bien fort,
il fappaifa lors que Rome commença à mener
guerre és fins dernieres d'Italie & par delà. Ce =
qui aduint à caufe de la longue diſtance qui fai
foir le païs conquiz eftre moins de requeſte, &
que l'on ne fen foucioit pas tant, que fil euft
efté plus pres : auffi que les Confulz bien adui
fez ne fe meirent plus à en confifquer tant que
ils fouloient , & quand ils lefaifoient y enuoy
oient des colonies remplir & tenir les lieux.
Dont commença à dormir la loy iufques à ce
qu'elle fut refucillee par les Gracches , voire en Gracches.
telle forte que la liberté de Rome y eſt demeu
ree. Ce que les autres auoient fait au parauant
àvray dire, n'eftoit que ieu au pris : ils furent fi
roides & chaudz en la pourfuitte , & allume
rent le feu fi terrible entre le peuple & le Senat,
qu'il en falut mettre la main aux armes , & ef
pandre le fang des citoyens nomplus ne moins
que d'ennemis mortelz. Il n'y auoir plus lors
DISC. DE NIC. MACCHIA.
de refource à la police publ icque pour vne part
ny autre , chacune penfa de fe pourucoir d'vn
chef qui maintiendroit fa querelle. Le peuple
Marim. fe donna à Marius , lequel en figne de ce il feit
quatre fois Conful , & fi pres I'vne de l'autre,
que comme par vne continuation de feigneu
rie il deuint affez grand pour ſe faire Conful de
luy mefme trois autres fois encores. La nobleffe
qui n'y voyoit aucun remede legitime fe meit
de fon cofté à en faire tout autat à Sylla ,le print
pourfon capitaine , & par fa conduite apres lon
gue & cruelle guerre demeura maiftreffe. Cela
Cefar. fe paffa iufques au temps de Cefar , lequel fut
Pomper. fait chef du party de Marius, & Pompee de ce.
syllä. luy de Sylla : fi vindrent à ioindre , & le com
mun que Cefar fouftenoit fut vainqueur, & luy
premier tyrant de Rome: depuis lequel la liber
té Romaine ne vefquit ne refpira iamais vne
heure. Voilà le commencement & la fin de la
löy Agrarie, qui femblent grandement contrai
res à ce que i'ay tenu cy deuant , que les inimi
tiez d'entre le peuple & le Senat auoient eſté
caufe du bié de Rome pour les loix qui en naif
foient toufiours à la fin , au grand aчantage de
la liberté publicque. Sur quoy ie vous dy que
l'ambition des grands feigneurs d'vne ville eft
fi merueilleufe , que qui ne la rengera & dom
ptera par diuers moyens , elle mettra en peu de
temps vn eftat en ruine . De forte qu'on ne
doibt blafmer le debat de la loy Agrarie , pour
lequel Rome ne laiffa à viure encores trois cens
SVR LA T. DECA. DE TIT. LI, 70
ans enfon entier, & parauenture f'il n'euft efté,
& fipar là le peuple n'euft refrené les appetitz
defordonnez de la nobleffe , leur Republicque
n'euft tant duré & profperé. Le dernier poinct
notable en ceft endroict , c'est le iugement du
peuple Romain touchant les biens & les hon
neurs Car quand il fut question de la commu
nication des magiftratz de la ville,les nobles ne
fe féirent pas tant tirer l'oreille,qu'il faluft pour
celà venir à fcandales, & manieres trop extraor
dinaires iufques à feu & à fang.Mais quand on
voulut toucher aux biens , la guerre fut ouuerte
entre les grands & le menu,comme fi c'cuft efté
pour la vie. Les Gracches en furent motifz,def
quelz fi l'intention fut bonne, au fort le moyen
de proceder ne valut rien . Car ce fut pauuremét
confideré à eux, de vouloir ofter & arracher va
mal tant enraciné en la cité par vne loy refor
matiue du paffé , laquelle defpouilloir les gens
de ce qu'ils auoient acquis à bon tiltre & pof
fedé par temps immemorial. Celà ne feruit (co
me i'ay difcouru ailleurs ) que pour auancer le
defordre qui en deuoir naiftre , lequel fans celà
cuft efté plus tardif, ou paraduenture la cauſe
fen fuft eftainte d'elle meline.
Chapitre XXXVIII.
DISC. DE NIC. MACCHIA.
Vand les Volfces & les Eques fu
rent aduertis de la pefte qui cou-.
roit à Rome , ils penferent que
l'heure eftoit venue qu'ils la met
troient foubz le pied. Si leuerent
en diligence vne tres groffe & tres puiffante ar
mee,& entrerent és païs des Latins & des Her
niques , bruflans & fouldroyans tout par où ils
paffoient. Incontinent en furent mandees les.
nouuelles à Rome par les Latins, requerans fe
cours & ayde pour repoulfer les ennemis hors
de leurs terres. Pour refponce ils eurent qu'ils
fe meiffent en armes & en deffence eux mef
mes , qu'il n'eftoit lors poffible de les fecourir,
veu la maladie oultrageufe dont le peuple eftoit
tourmenté & affligé. En celà fe monftra bien
le grand cueur & la prudence du Senat Ro
main , lequel pour fortune qui luy aduint ne
relafcha oncques vn feul poinct de fa grauité
& maiefté accouftumee : ains voulut en tout
temps difpofer comme maiftre des affaires de
fes fubiectz , & quand la neceffité le requift ne
feit difficulté de deliberer vne chofe au con
traire de fes meurs & de fon ordonnance pre
miere. Ie le dy pourtant qu'autresfois le Senat
leur auoit fait inhibitions & deffences de ne fe
armer, quelque befoing qui leur en vint, & eut
femblé à vn autre confeil qu'il eut derogé à fa
dignité , fil eut permis ce qu'il auoit prohibé
& denié. Mais ceftuy eftoit plein de merueil
leufe prudence , qui fcauoit prendre les cho
SVR LA 1. DECA . De tit . li . 71
fe's par le bon bout, & choifir toufiours de deux
maux le moindre , comme en ceft endroit , il
trouuoit mauuais de ne fecourir les ficus qui en
auoient meſtier , femblablement qu'eux mef
mes fans leur princeffe fe meiffent en deffence.
Neantmoins cognoiffant qu'en tout euenemét
il falloit qu'ils le feiffent,ayans l'ennemy à leurs
portes qui ne les affeuroit que de mort , en gar
dant toufiours fon auctorité , & faifant de ne
ceffité vertu , leur manda qu'ils fe monftraffent
vertueux , & feiffent entr'eux le mieux qu'ils
pourroient.Il femble de prime face que ce con
feil foit commun , & qu'il n'y ait Republicque
au monde qui n'en feiſt bien autant .Mais ie dy
que les petites feigneuries ne le fcauroient pas
faire. Quand le Duc Valentin cut prins Faenfe, Le Duc va
puis rendue Boulongne fienne, il demanda pal- lentin.
fage aux Florentins pour aller à Rome.Le con
feil de Florence fut affemblé, où il ne f'en trou
ua pas vn qui fut d'aduis qu'on le luy octroyaſt.
Ce ne fut pas befongné à la Romaine, veu que
lors le Duc auoit groffe puiffance , & Floren
ce nulle. C'euſt efté beaucoup plus leur hon
neur de luy auoir accordé ce qu'ils ne pouuoiét
refufer, en tournant la contrainte en liberalité.
Mais il n'y a remede , c'eft le propre des foi
bles Republicques d'eftre mal refoluës , & ne
faire iamais bien fi ce n'eft par force. De pru
dence là , il n'eft point de mention : Florence
mefme l'a verifié en deux autres cas. L'an mil Du Roy
cinq cens apres que le Roy Louys douzieme Louys xij.
DISC . DE NIC. MACCHIA.
eut reprins Millan , il luy vint enuie de rendre
Pife aux Florentins , car ils luy en prefentoient
cinquante mille ducatz. Il y enuoya fon armee
foubz la conduite de monfieur de Beaumont,
auquel combien qu'il fuft François les Floren
tins fe fioient affez. Or il mena ſon oft entre
Cafcine & Pife, & fe campa en lieu propice à
battre la ville: apres qu'il y eut efté deux ou trois
iours ordonnant de l'affaut , vindrent vers luy
les ambaffadeurs de Pife , offrant la ville aux
François , fils promettoient fur la foy du Roy
de ne la líurer aux Florentins de quatre mois.
Les Florentins n'y voulurent entendre , & en
fin tant y gaignerent , qu'ils eurent l'aller pour
le venir. La caufe de leurs reffus n'eftoit au
tre, que la deffiance qu'ils auoient du Roy , cux
qui feftoient mis en fa main. Ils ne voyoient
pas qu'il leur eftoit beaucoup meilleur que le
Roy leur peut rendre Pife eftant dedans , &
au cas qu'il ne le feit , qu'ils cogneuffent quel
eftoit fon vouloir , que de leur promettre fans
l'auoir , & eftre contrain&z neantmoins d'en
acheter cherement la promeffe nue. Deux ans
apres Atezze fereuolta , & fur enuoyé de par
le Roy le feigneur Iubalt au fecours des Floren
tins, lequel meit le fiege deuant la ville, & bien
toft luy fut faire pareille offre que celle de Pi
fe , mais ceux de Florence en feirent pareil ref
fus. Ce voyant le feigneur Iubalt , & fapperce
uant de leur lourderie manifefte , pratiqua l'ac
cord auec les Aretins , fans plus y appeller les
SVR LA I. DECA. DE TIT. Lir. 72
commiffaires. Si fut arrefté entre luy & eux, &
en vertu d'iceluy entra fans delay auecq' quel
ques gens en la ville , remonftrant aux Floren
tins qu'ils n'eftoient que beftes , & n'enten
doient rien des affaires du monde .Que fi donc
ques ils vouloient auoir Arezze , qu'ils le feil
fent fçauoir au Roy , que lors il pourroit mieux
fatisfaire à leur demande la tenant & poffedát,
que fil en eftoit dehors. Dieu fcait fi lubalt fur
maudit & defchiqueté menu à Florence, & fils
finerent de dire mal de luy , tant qu'ils eurent
cogneu que fi Beaumont euft reflemblé à lu
balt,ils euffent Pife auffi bien qu'Arezze. Voilà
doncques comme il va des petites Republic
ques , faute de force les tient en fufpend & les
garde de pouuoir deliberer à plain , d'autant
que le plus fouuent elles ont à faire à plus forts
qu'elles, où le meilleur ne leur eft pas toufiours
le plus feur.
Chapitre XXXIX.
:
Car Appius ne meit gueres à fe demafquer
3
& à jouer fon propre perfonnage , en defcou
urant quelle trahyfon il leur auoit couuee ſouz
Kiij
DISC, DI NIC. MACCHIA.
cefte faufe hypocrific. Ses compagnons il feit
incontinent à la main , & pour faire paour d'en..
Tree au Senat & au peuple, il multiplia le nom
bre des licteurs qui n'auoient accouftumé d'e
ftre que douze en tout, & en feit prendre à cha-.
1
cun autant , fi furent cent & vingt à diuifer à
eux dix. La frayeur au commencement fut.com
mune , mais apres ils vindrent à entretenir le
Senat & feruer fur le pauure peuple . Si quel
qu'vn appelloit de l'vn d'eux à l'autre , il n'a
inendoir iamais fon marché , pluſtoſt l'empi
roit, & trouuoit plus de rigueur au ſecond iu
ge qu'au premier. Et lors la commune de tour
ner les yeux en pitié vers la nobleſſe,pour veoir
fi quelqu'vn oferoit rien entreprendre pour la
mifere & defolation publicque.
Inge and the
Et inde libertatis captare auram vndeferuitutem
timendo in cumftatum Rempub adduxerant,
:
** Et la bailloient au doux vent de liberté , & la
cherchoient d'où ils craignoient au parauant
Chapitre XLI.
DISC. DE NIC. MACCHIA.
Ntre les autres faultes faictes par
Appius àla conduite du train de
faTyrannie,fe peult nombrer l'in
difcretion de changer en vn in
ftant vne qualité en autre.
L'aftuce dont il vfa à deceuoir le com
mun , faifant femblant d'en eftre amateur &
protecteur à la mort & à la vie , elle ne fut
que bonne: Le moyen qu'il trouua pour in
duire Rome à remettre les dix hommes luy
partit de bon efperit . Semblablement la har
dieffe de fe nommer luy mefmes entre les dix
contre l'opinion de toute la nobleffe, & la pru
dence d'y mettre neufcompagnons à fa pofte.
Mais il ne fe fçauroit excufer qu'il n'ait grande
ment failly , de changer fi toft de poil & d'amy
du Peuple fe declarer ennemy,le doux & hum
ble qu'il fut vn temps , fe monftrer ſoubdai
nement fier , de communicatif & acceffible,
difficile & fafcheux : voire de tourner fi lege
rement fa robbe & paffer du noir au blanc. Ce
qu'il ne pouuoit faire que l'on ne conneuſt au
doigt & à l'œil fon hypocrifie & malice pour
penfee de loing . Car qui veult deuenir mau
uais pour caufe , & à toufiours porté vifage de
homme de bien , il le doibt faire par moyens
& chercher au parauat les occafions en fe pour
ueoiant ce pendant de tant d'amys nouueaux,
que quand le changementde fa premiere natu
re eftrangera de luy fes vieilles connoiffances,
il puiffe par les derniers acquiz tenir bon con
SVR LA 1. DECA. DE TIT. LI. 79
tre tous venans , autrement il fen yra com
me Appius.
Chapitre x ill.
Chapitre XLIII
Chapitre 1 .
· XLIIII.
puis
1
SVR LA I. DECA. DE TIT, LE 81
puison fera cequ'on en voudra. Penfez qu'il fe
roitbo vcoir vn home qui viendroit demander
2 vn autre fon efpee pour l'en tuer luy mefmet
Chapitre XLV.
Chapitre XLVI.
Pres
que le Peuple Romain eut
recouuert liberté & fut remis en
fon premier lieu , voyre miculx
qu'il n'auoit iamais efté pour les
bonnes loix qui nafquirent à l'oc
cafion de ces troubles, chalcun euft dir que Ro
me n'auoir plus qu'à fe repoſer & ioyr en paix
de la maiefté de fon Empire . Mais il en aduint
bien au contraire : car elle fut plus que deuant
tourmentée & brouillee de nouuelles difcordes
& efmeuttes.
La raifon qu'en dit Tite Liue en ce paffage ie
la nicttray icy mot à mot , pour ce qu'elle le
vault .Ce fut (dit il) à canfe que quand le Peuple
fhumilioit , la nobleffe fefleuoit , & felle baif
foit la tefte, il dreffoit fes cornes . Quand donc
ques les nobles apperceurent que le commun
SYR LA I. DECA. DE TIT, LI. 83
Le tenoit quoy fans mor dire, ils fe meirent à l'a
gacer & inquieter.Les Tribuns lors ne ferpoiét
de rien : Car fils fen penfoient mefler, on leur
enfaifoit autant . Le Senat ne trouuoit pas bon
cedefordre,mais il aymoit mieux (fil falloit paf
fer par là) que les fiens le feiffent que les autres.
Par ainfi defir immoderé de garder la liberté e
koit caufe que celluy qui deuenoit le plus fort
faifoit la guerre à l'autre.C'est l'ordonnance des
hommes, veulent ils fe deffendre & munir que
onne leur face mal? Ils comencentles premiers
àmal faire,bleffer,iniurier,outrager, ou en rece
uant le coup ils le deftournent d'où il vient, có
mefil eftoit toufiours neceffaire de liurer ou
fouffrir guerre. Par là void on comme lesRepu
blicques entre autres manieres fe pequent re
fouldre,& cóme les gens paffent fans fin d'vne
ambitioàl'autre . Dont fe conoift la verité d'vn
mot que Salufte met en la bouche à Gefar.
terior ཀ , ; ,!
1
Quod omnia mala.exempla bonis initiis ortafunt.
tibi.
SVR LA I. DECA. DE TIT. LI. 84
Ous auons cy deffus racompté
comme le Peuple de Rome auoit
priz le nom de Conful en hayne
& levouloit dutout abolyr , ou fi
il demeuroit , que fa puiflance fut
rongnee à fon appetit. La nobleffe pour obuier
à ces deux inconueniés extremes tint le milieu,
declarant qu'elle faccordoit à ce que l'on feiſt
quatre Tribuns de puiffance Confulaire qui
pourroient eftre eflcuz indifferément du corps
du Peuple ou du Senat.De ce fut le Peuple tref
.
E content, &luy fembla que par tel moyen le Co
3 fulat eftoit eftainct , & qu'en la dignité fubrogce
il auoit la part comme les autres. En ce cas ad
vint vae chofe fort cftrange: Car quand on vint
à la creation des quatre nouveaux Tribuns,deſ
quelz par l'accord chacun pouuoit estre,le Peu
ple neantmoins n'y en meift lors pas vn que
Noble,dont vient Tite Liue à dire.
.
SVR LA I. DECA. DE TIT. LI. 87
qui pourfuiuoient,Ou fubornoit quelque hom
me mecanique , ou defcrié par les mauuaifes
meurs, qui fe mefloit auec les autres, & deman
doit l'office. Ce dernier poinct faifoit que le
peuple auoit honte de leurbailler , le premier
NC
luy donnoit vn remord de confcience d'efcon
duire gens qui tant le meritoient. C'eſt touf
= iours pour venir à mon propos , que la com
mune fe deçoit affez és generalitez , & quand
5 on vient à particularizer à trefbonne veuë.
chapitre XLIX.
Chapitre L.
Titus
SVR LA I. DECA . DE TIT. 11. 89
Itus Quintius , Cincinnatus , & Cincinna
G.Iulius Mento furent enfemble rus.
Confulz de Rome , & touliours Mento.
contraires , tant que par leur ini
mitié priuce demeuroient les af
faires de la Republicque. Le Senat pour y re
medier les enhorta de créer vn Dictateur : mais
ceux qui difcordoient en tout , faccorderent
trefbien en ce cas , & dirent qu'ils n'en feroient
rien. Adoncfe retira le Senatvers les Tribuns, Tribuns.
auec l'aide defquelz il contraignit les Confulz
de cefaire.Par là connoift on dequoy feruoient
les Tribuns , lefquelz refrenoient l'ambition de
la nobleffe contre le peuple , voire appaifoient
les differens qui fe mouuoint entre les nobles
mefmes. Vn autre poinct à noter en ceft en
droit, c'eft qu'on ne doit pas mettre en la main
de peu de gens la difpofition des actes ordinai
rement neceffaires à vne ville. Comme fi vous
voulez donner à vne court ou Confeil l'autori
tédediftribuer les offices & honneurs , ou à tel
& teleftat l'adminiſtration de certain affaire : il
leur faut impofer neceffité d'y pourueoir , ou
ordonner autres , aufquelz en deffault d'eux le
droict en fera deuolu. Autrement il en vien
droit fouuent de tres gros inconueniens : com
me fià Rome il n'y euft eu des Tribuns pour
rompre l'obftination des Confulz . Vn temps.
fut que le grand Confeil diftribuoit les eftatz
& dignitez à Venife :aucunefois par defdaing
ou par faux rapport ils laiffoient à pourucoir
M
3 DISC. DEN.IC. MACCHIA.
defucceffeurs aux officiers de la ville & à ceut
"S de dehors, qui eſtoit vn dangereux cas, veu que
COV en mefme inftant les terres de la feigneurie , &
qui plus eft leur ville demeuroit defpourueue
de iuges & gouuerneurs accouftumez , en for
te que l'il furuenoir quelque befoing on n'en
pouuoit auoir la depefche , finon en corrom
pant ou abufant cefte compagnie entiere. Cer
tes Venife fen fut mal trouuce à la longue , fi
A
quelques citoyens des mieux aduiſez n'y eul.
fent mis ordre en faifant vne loy que nul office
fans mort ne fut cenfé vaquant , fi le fucceffeur
n'eftoit creé . Ainfi tur oftee à ce Confeil la
puillance d'empelcher comme il voudroit , &
d'arrefter les actes publicques .
f..
1. Xva 6
Comme un Prince & one seigneurie doitfaire
de neceßité vertu.
Chapitre LI.
de luyal
Ous auez veu par le difcours pres minuant
cedent le grand credit & faueur.
quieftoi
du peuple , que la nobleffe acquit
les delit
par la grace qu'elle luy feit de la spublica
foulde publicque , & encores par
la mode de l'exaction tant iufte & equitable.. danger
attreen
Vrayement fi le Senat eut continué fes coups,
& entretenu toufiours par moyens l'amitié du cer.L'
commun , il n'y eut pas eu à Rome tant de fe tofaut
ditions & efmeuttes , & les Tribuns ( qui le quepare
plus fouuent en eftoient cauſe ) euffent perdu Compule
rencie
lout regne & auctorité. Auffi eft ce le plus ex r
Pieroeft
pedient pour empefcher vn perfonnage han
rain de deuenir feigneur de luy rongner les ail 12 vne
les quand elles croiffent encores , ou diuertie pand
con CC
fon cours par trenchees deuant qu'il foit trop
violent & impetueux. Si l'on eut ainfi befon วิทย์เพาะ
ame
gne contre Cofme de Medicis, c'eut efté beau ,
coup mieux fait que de le chaffer de Florences :
Ceux qui auoient entreprins d'en venir à bout lanc
devoient mettre toute leur entente à capter la
beneuolence du peuple , c'euft efté luy faucher 皮に
l'herbe fouz le pied , quand par tel moyen on
luy cut arraché des poingz fans bruit & noife ,
SVR YA Y DECA. DE TIT. LI. 91
fes armes dont il faydoit le plus . Piero Sode Pierre So
rini eftoit paruenu en reputation & grandeut derin .
par le ftillequ'il auoit de defrobber le cucur des
gens,&de le faire aymer, fouz couleur de fin
guliere affection & zele qu'il monftroit auoit
au bien & liberté commune. N'eftoit ce pas
bien lemeilleur de luy aller au deuant par der
tiere,en luy diminuant peu à peu cefte faueur
A
vniuerfelle ? ce qui eftoit aifé à faire foppofant
fubtillement à fes deliberations & entreprifes
:
Bouuentesfois lepeupledemandefapertepenfant que
fost fon bien, & le paift de haute effer.an
ce & de braues promesses.
Chapitre LIII...
Dante. 21
il populo moltevolte grida:
Vina la morte, muoia la vita.
10
Chapitre LIIII.
Chapitre LK
fansqueper
Jed fonne de dehors ou dedans foit fi d'Alem
a
hardy day rien prete
ndre . le vous en allegue - 8ne,
ay un exemp fembl
Ya le able à celuy desRomain ,.
dont nous parlon . L'vfa s
s nce du pais eft telle,
que quand il eft befoi de recou d
COM pour les affa ng urer eniers
ires , ceux à qui la charge apartien
impofe fur chacu chef d'hof t
nt n tel vn ou deux
Diat pour cent qu'i auro val
l it ant : au iour & licu af
DISC. DE NIC. MACCHIA.+
figné , chacun compare & porte fon argent .La
ils iurent preallablement qu'en leur confcien
ce ils fourniffent la fomme commandee felon
leur faculté . Puis la iectent en vne layette qui
elt là fans qu'autre fçache combien ils y opt
mis . Toutesfois eft il à croire qu'ils y vont de
bonne foy & fans aucun dol , autrement nefe
recueilleront la foimme accouftumee, & feroit la
fraude defcouuerte . S'ils le fauoient ils vfe
roient à prefent d'autre moyen . Vrayement
c'eft chole digne de grande admiration en no
ftre temps que vertu eft firare & clair femee.
La caufe pourquoy cefte nation eft demeuree
fi entiere & conftante en fa foy & loy, vient de
ce qu'ils n'ont eu iamais grande trafique auec
leurs voyfins, n'ont efté fort curieux d'aller en
païs d'autruy ,ne de receuoir estrangers en leurs
terres : Toufiours fe font conténtez des biens ,
de la nourriture & ſubſtance , du veftement que
la contree leur apportoit . Voylà comme ils
ont cuité la frequentation des autres qui cft
caufe de toute corruption , & n'ont point apriz
3eNations les couftumes des Efpaignolz , Françoys & Ita
Lespas liens , les trois nations du monde les plus vi
cienfes , cieufes . D'auantage ils ont gardé egualité en
tre eux , & n'ont fouffert qu'il y cuft des gen
tils hommes au païs , & fi peu qu'il y en a, ils
les hayffent tellement que quand ils tombent
d'auenture en . leurs mains , ils les mettent à
mort fans en prendre nul à mercy , difans que
font cuix qui gaftent tout & tiennent l'efcole
de
5 VR LA˜I. DEČA: DETIT 97
de mefchanceté . Gentils hommes i'appelle,
gens qui viuent de leur reuenu , fans fadonner
à peine ne meftier lucratif pour gaigner fa vie.
Ce font gens fort dangereux en vne ville &
contree , & fur tous les haultz iufticiers , lef
quelztiennent chasteaux & fortereffes , & ont
nombredevaffaux & fubiects qui leur doiuent
foy & hommage . De ces deux manieres de
gens le Royaume de Naples eft plein jila terre
de Rome, la Romagne & Lombardie, partant
nya iamais peu entrer eftat politique, à caufe
de ces gentils hommes , ennemys formelz du
train ciuil des Repúbliques : tant que qui vous
droitles remettre en forme, perdroitfes peines
d'y penforfaire vne Rome ou vine Venife tout
eequity pourroir fonder feroit vn Royaume.
Car puisque la matiere eft fi cortopue , que les
loix ne feruent plus de rien , ilfault mettre co
nanc
Qu'un Peuple affemble eftfort , àpart eft
TOLICVI moins querien,
ailtre
Outpa Chapitre : LVII. 97
Sod
por Eux qui auoient perdu le
de for leur à la paffee des Fráçoys
tom prindrent complot de qui
r
clai Eter Rome , & tranfporter .
me n t
à Veie fi peu qu'ils auoient
de Ti de refte & faller tenir là.
t
alen De Veie (fil vous en fou
N iij
DISC. DE NIC, MACCHIA.
nient ) autresfoys auons nous fait mention. Or
accomplirent ils leur volonté , & y furent non
obftant l'edict publique emané du Senat,au có
traire portant inhibitions & deffences à tous ci
toyens Romains de ne conftituer domicille en
icelle ville foubs groffes peines inferees pour
les contreuenans qui ne retourneroiér à Rome
dedans certain iour qui leur fut prefix . De ceft
edict quand les nouuelles en vindrent à Veie,
l'on ne f'en faifoit que rire, mais quand le terme
du retour commença à approcher,il n'y cut ce
luy qui ne troufaft les hardes de bonne heure &
ne tint fa male prefte pour eftre des premiers
au logis . Sur quoy dit Tite Liue vn mot fort à
poiler.
Chapitre LIX.
A, SVR IA 1. DECA . DE TIT. LI, 104
lefel
Ource qu'il aduient fouuent que
Ficile
vn Prince prend l'alliance d'vn
Coard
Prince , & vne Republicque de
de
l'autre, & qu'aucunesfois les deux
helen
f'entremeflent , & vn Roy & vne
ger communauté paffent accord & ligue enfem
LIQUEF
ble. le veux icy mettre en confideration à la
Laci quelleyaplus de fiance,& me femble tout cal
apaai culé & rabbatu , qu'en aucun cas l'vn vaut l'au
corca
tredes
ee ,maistelfe trouue
deux,ie croy où y a grande differen
bien
ar par que les traictez où la
forceaefté
JUY
res mieux gardez
pour confentement, ne feront, gue
par les communautez que
de cequ
par lesPrinces, & qu'ils ne faudront à faulcer
Trude
& dan leurfoy ,fi neceffité leur eft de l'enfraindre ou
quepa perdre, regard comme il en printà
Demetriu s (qu'on appelezloit l'expugnate de Demetri
auke ur
onpa villes ) il auoit fait de fingulier plaifirs aux
At heniens,mai vn i s
car E s our il fut defconfi ppar fes
t
lon ennemis , fi penfa de fe retire à Athen , &
r es
ne qu'il y feroit le bien venu,en memoi d e s bons
re
aca :tt Fours qu'il leur auoit faitz. Le pauure Roy fut
train. bien trompé car ils luy fermeren les portes
t
au nez ,l'aduertiffa qu'il cherchaf fa franchi
nt t
fe ailleurs . Dequoy le cucur luy cuyda creuer,
& certaineme plus griefue luy fut telle in.
nt
gratitude , que n'auoit efté fa honte preced
en
te & la perte de fes gens . Quand Pompec
a- Pompee.
pres la deffaicte (qui fut en Theffali ) f'enfuyt
e
en Egypte vers Ptolomc , quel recueil luy feit
e
Roy qu'il auoit au parauan remis en fon
t
O DISC. DE NIC . MACCHIAT ALDEC
Royaume ? en recompenfe il le tua mefcham
ment.En ces deux exemples y auoit pareille rai peu
fon , qui induifoit Athenes & l'Egyptien à ce Swamy
faire. Toutesfois la feigneurie y ouura plus dou
cetqu
cement & humainement que le Prince. Mais
quelque part que la paour tombe il en aduien
50 72m
dra de mefme , & filfe trouue que l'vn ou l'au ler
P
tre encoure danger de ruyne , pour vous tenip
dep
loyauté , cela leur peut venir de pareille cauſed no
Caril eft aifé qu'vn Roy ait prins l'amitié d'vn. ammu
plus grand que luy , duquel ita efperance que sil
fil n'en peut alors eftre deffenda , encores auec Ther
le temps pourra il par luy eftre remis en fon fic
acc
ge. D'auantage il penfe,que l'ayantfuiuy com Care
da
me partilan , il ne fera nomplus que luy affeu atequ
ré de fon ennemy. Ainfi en ont fait les Roys
y de Naples , lefquels le prindrent , & entre les
Sagunte. Republiques Sagunte : laquelle pour l'amour. mho
de Rome fouftint l'effort de Carthage iufques Conne
Florence. fa deftruction,comme Florence pour les Fran
peur
çois l'an mil cinq cens & douze, le croy à bien
regarder qu'on trouaera en telle neceffité vi
200
peu plus de fermeté & conftance és Republi apre
ques Car fuppofé que tout fuft egal entre els iscut
les & les Princes , fi ont elles le mouuement COCCI
plus long en leurs affaires, qui les rend plus tar²
dues à le refoudre , & confequemment à vio
ler leur foy. Voilà quant à la contrainte , maiš
fi pour gain & proufit il eft queftion de tom
pre alliance , les Seigneuries n'y faudront pas
communément que les Roys & monarques
Prenez
SVR LA I. DECA. DE TIT, LI. 105
Prenezgarde à l'hiftoire , vous verrez fouuent
qu'vnPrince pour peu de chofe cómettra def
loyauté,qu'vne communauté ne voudroit faire
pour quelque acqueft que ce fut.Lifez les geftes
de Themistocles , il declara vn iour aux Athe- Themifto
niensqu'il fcauoit vn moyen pour leur liurer en cles.
leursmains vne belle proye, mais que de la def
couurir il n'ofoit,de paour que l'entreprinse ne
en fut deftournee ou empefchee . Lors fur or
31
donné qu'il la communiqueroit à Ariftides feu
6631400
lement,& qu'apres il executaft ce qu'ils auroiet
aduife enfemble.Themiftocles luy expofa , com
VIA"
metoute la puiffance de Grece eftoit en certain
lieu fouz la fiance du peuple d'Athenes , & qu'il
n'eftoit rien fi aifé que de les deffaire . Ce faict,
qu'Athenes demeuroit fans doubte princeffe de
tout le païs.Ariftides feit fon rapport que le def
feing de Themistocles eftoit trefproufitable,
maistres deshonnefte : au moyen dequoy il fut
rompu par le peuple.Ie refpóds pour Philippes Philippes
Macedonien qu'il n'en eut pas fait ainsi, ne plu- Macedo
fieurs autres
grands feigneurs, lefquelz ont plus nien.
gaigné à rompre leur foy à propos , qu'à autre
TCO
moyenqu'ils cuffent. En ce difcours ie n'entéds
parlerdes conditions & exceptions inferees en
leurconuenans,efquelles
loifible il feroit
à vn chacun de faillir ordinairemét
de promeffe .Ie ne
ཀ།ལྒ
722 difpute que des moyens extraordinaires , & dy
que les Republiques
Princes y 'faillent moins que les
, & que d'autant y a plus d'arreft & af
feurance enleur confederation .
O
DISC. DE NIC. MACCHIA.
, de Romefe
Comme le Confulat & les autrès eftatz
donnoient,fans auoir egard à l'aage.
Chapitre LX.
Eratpremium virtutis,nonfanguinis.
Eftoit loyer de vertu, & non de race.
LE SECOND LIVRE
DES DISCOVRS DE NICO
LAS MACCHIA VEL CITOYEN 04A
l'edification de Rome.
PREFACE DE L'AVTE VR .
O iij
DISC. DE NIC. MACCHIA .
noz ancestres , tellement illuftrees & efclarcies,
• qu'il n'eft demeuré en la puiffance du temps de
pouuoir rien adioufter, ou diminuer à leur fou
ucraine clarté & lumiere. Seulement touche
mon deuis ce qui concerne les meurs & la vie
commune des hommes, laquelle n'eft de beau
coup reduite à fi certaine & parfaicte cognoif
fance. Qui doucques m'en demanderoit mon
aduis, ie dirois que telle couftume d'vniuerfelle
louange & blafime n'eft en foy toufiours faulle
ne veritable : car poffible n'eft que telz loüeurs
ne rencontrét quelquefois ,à caufe du perpetuel
mouuemét, auquel confifte le cours des œuures
& affaires humaines , qui fans ceffe mantent ou
defcendent, comme l'on void qu'vne prouince
ou cité inftituce & eftablie par quelque excel
lent perfonnage , profpere vn temps par la vertu
de fon gouuernement , & va de bien en mieux ,
tirant de droict fil vers le milieu , ou le fefte de
fon vray coars politique. Ceux qui naiffent a
lors qu'elle eft en tel eftat , fi plus ils priſent &
eftiment le pallé que le prefent , certainement
ils fabulent , & ne trouuerez autre caufe qui
lear depraue le iugement , que celle que iĉ vous
vien de deduire. Mais bien pourroict dire vray
ceux qui leur viennent à fucceder , lors que l'e
ftat decline du haut en bas , ou du milie en ex
Coclufian . tremité . Somme , apres y auoir bien penſé , i̇'en
fuis là que i'eftime le mõde auoir efté tousiours
remply de pareille quantité de vices & vertus .
Vray eft qu'elles ont toufiours paffè & paffent
SVR LA I. DECA . DE TIT. LI. • 108
d'vn païs en autre , comme l'on peut veoir clai
rement par l'hiftoire de tous les Royaumes, ef
quelz la bonté a cu fon regne , & levice en fon
tour. Pourtant ne fe changeoit pas le monde,
ains demouroit tout vn,finon que vertu,du pre
mier fiege qu'elle tenoit en Affirie fe tran por
taen Medie : de là, paffa en Perfe : finablement
tant fe pourmena , qu'elle vint feiourner à Ro
me. Et hi depuis la ruyne de l'Empire Romain,
il nef'en trouue point qui ait duré longuement ,.
ny où le monde ait tenu la vertu aſſemblee &
vnie , en recompenfe il l'a efpandue en diuers
heux : comme iadis au Royaume de France , &
•
en l'Empire des Turcz & du Soudan. Auiour
#
d'huy en Germanie, & long temps a en Sarrazi. SarraZins,
nefme,dont les Roys acheuerent tant de hautes
conqueftes , affuiettirent tant de regions à leur
obeïffance, & en fin miret en deftruction l'Em
pire oriental de Rome.Voilà les païs où vertu a
efté femee depuis l'euerfio des Romains Enco
res tient elle bon en aucuns lieux , les autres a du
four quittez & delaiſſez. Maintenant ceux que
fortune fait naiftre en region , où vertu regne &
comande,f'ils entrent en regret du téps paffé &
plainte du prefent, leur imprudéce eft trop cui
dente:mais celuy qui naift auiourd'huy en Italie
fans eftre vltramontain , ou en Grece , fans eftre
Turc,biépeut à bon droit crier cotre fon ficcle
& regretter le paffé , Car fil trouue en l'vn affez
de faictz & geftes dignes d'admiration, en l'au
tre il ne voit rien qui ne fente fa pauureté , mi
O j
DISC . DE NIC . MACCHIA.
fere , & infamic extreme , nulle religion , nulle
loy,ou difcipline ciuile, ne militaire, Tout y eft.
plein d'impurité,laſcheté,brutalité : & fur tous
en ceux qui fefeient és chaires & thrones d'au
thorité & d'honneur. Lefquelz n'ont autre rai→
fon de commander , & fe faire adorer de tous,
finon comme plus enormes & deteftables que
tous. Mais pour reuenir à mon propos , ie dy
qu'encores le iugement humain fe trouue faux
.& corrompu, quant à l'antiquité des ficcles ,dor
il ne peut auoir que telle quelle connoiffance :
Toutesfois ne fe fcauroit couurir de pareille
excufe en l'opinion ordinaire , que tiennent les
Des vieil- vieillardz en l'honneur de leur ieune aage , & .
lesgensqui melpris du temps de leur vieilleffe . Au moyen
loüet le teps qu'ils ont veu & conneu tant l'vn que l'autre:
de leur ieu- auffi ne leur en prendroit ainfi,fiés deux diuer
neffe. fes faifons le fens , l'entendement & les appe
titz leur demouroient femblables . Mais ils fe
changent, & le temps ne change point. Ce qui
lear y fait trouuer cefte difference , c'eft à fca
uoir la diuerfité & alteration de nature, qui leur
furuient au decours de leur vie. Car alors d'au
tant que la force & vigueur decline la pruden
ce & connoiffance leur croift . Voilà pour
quoy en leur vieilleffe ils condamnent & blaf
ment ce qu'ils approuuoient en ieuneſſe : don
nans de ce la faute au temps , qui ne vient de
autres , que d'eux mefmes. Et pource que les
defirs des hommes font infatiables , tant que
de leur nature ils veulent & defirent tout , &
SVR LA I. DECA. DE TIT. LI. 109
pufortune ils n'en peuuent que gueres auoir,
de là fourd vn certain mal contentement de .
tout ce qu'on a , qui fe fourre entre les cauſes
de louer fans propos le paffé & l'aduenir , &
ret blafmer, & mefprifer le prefent. De ma part ie
ne fçay defquelz ie feray portant tel teſmoi
gnage d'honneur en mes difcours des anciens
Romains,& vfant de fi aygre reprehenfion có
eta tre mes gens . Et vrayement fi la vertu qui re
gnoit lors, & les vices qui ores nous dominent,
4
n'eftoient auffi clairs & apparens que le iour,
1803
je regarderois vn peu mieux à ce que i'aurois à
Dris dire & en parlerois plus fobrement , de paour
e.k de ne choir en la foffe,que ie me mefle de mon
OND frer aux autres, mais la matiere eft fi claire, que
UNC iene doubteray de dire & declarer hardiment
ceque ie fçay du cours des deux aages , à fin
que ceux qui viendront à lire mes efcripts ( ſe
aucuns y en a ) voyans deuant leurs yeux l'y
mage des deux fiecles exprimee & reprefentee
au naturel felon mon peu de pouuoir, prennent
peine d'euiter les maux & dangers du temps où
nous fommes & fe difpofent à enfuyure & pra
tiquer ( quand l'occaſion foffrira ) les verruz &
perfections de cefte facree &venerable antiqui
té . Car vn homme de bien fon office l'oblige
àmonftrer & enfeigner aux autres le bien qu'il
fçait , lequel par mefchefde temps & de fortu
ne , il n'a peu mettre en effet , à fin qu'en le
femant par tout il puiffe tomber en lieu plus fa
uorifé du ciel , où il prendra racine qui fructi
DISC. DE NIC. MACCHIA.
fiera en fa faifon .
Sommaire. Parquoy , apres auoir traitté au premier li
du premier ure de mes difcours l'ordre du confcil de Ro
Lure. me,fur l'eftat des affaires politiques de dedans :
en ce fecond fera parlé de ce qu'elle fit dehors,
pour l'augmentation & accroiilement de fon
Empire.
A. 110
micr
de Ro
dedans
deb LAQVELLE FVT PLVS
t dei CAVSE DE L'EMPIRE DES
Romains,bu Vertu, ou Fortune.
Chapitre Premier.
Chapitre II.
P
DISC. DE NIC. MACCHIA.
DECA. C
gue deliberation , ils conclurent de ne prendre andremalo
les armes pour les Veiens, tandis qu'ils viuroiét baleplus
foubs1 vn Roy: iugeans n'eftre raisonnable fe
eccelles:
courir & deffendre le païs ce ceux qui f'eftoient
EulentC
eux mefmes fubmis à la fubiection d'autruy. Or
vouloit
eft il ayfé d'entendre d'où peult naiſtre es hom
mes vne telle affection à l'eftat de franchiſe,veu par
ta fei
que l'on void par experience , que les habitans
roittou
& citoyens ne faugmentent grandement en
dommaines , terres & richeffes , finon tandis aucur
qu'il viuent en liberté . Et à la verité c'eft mer droith
ueilles de confiderer à quelle grandeur par bore &
Athenes . uint Athenes , en cent ans apres qu'elle fut de occafio
liuree de la tyrannie du Pififtrate. Mais celle de nepe
Rome qu'elle acquift depuis qu'elle fut hors es citez
de la fubiection des Roys , excede routes les
Tac anut
merueilles du monde: de laquelle l'occafion eft it, e
Piiij
DISC . DE NIC. MACCHIA.
tee: & alors y auoit tel ordre & tel fond de puif
fance qu'elle eftoit inuincible à toute autre
vertu que la Romaine . Or eft facile à confeil
ler d'où leur procedoit ce bon ordre, & qui eſt
cauſe de noftre prefent defordre : car tout co
dependoit alors de l'eftat de liberté, & auiour
d'huy de noftre feruice . Au moyen que toutes
les terres & contrees viuants en liberté ( com
meie difoys ) faugmentent & enrichiffent de
jour en jour: car en tel lieu le Peuple y afflue &
abonde y voyant les mariages plus libres , &
plus fouhaitables aux hommes , veu que cha
cun procree & engendre volontiers les enfans
qu'il efpere pouuoir bien nourrir & entreteni
fans qu'il craigne que leur patrimoine lear foit
tollu . Auecq' ce qu'il connoift non feulement
qu'ils naiffent libres & non efclaues : mais que .
ils peuuent par moyen de leur vertu deuenir
Princes . Là void on les richeffes multiplier en
plus grand nombre , tant celles qui procedent
du labeur de la terre, que celles que l'on amaffe
pour inuentoire & artifice : pour ce que nous
mettons volontiers peine d'acquerir des biens,
defquelz nous efperons feure & paisible iouïf
fance . Dequoy auient que les hommes veillent
à l'enuy au proufict priué & public , & l'vn
& l'autre monte en merueilleufe augmentation.
Le contraire de toutes ces commoditez fuyt les
païs qui viuent en feruitude , & plus elle leur
dure,plus font priuez de leur profperité & feli
cité accoustumee . Et de toutes les fortes de fer
SVR LA I. DECA. DE TIT. LI. 117
uitude , qui font dures à porter , celle eft la plus
intolerable , qui nous tient fubmis à vne Repu
blique,d'autant qu'elle eft plus longue & moin
dre, eft l'espoir de l'yffue, & que la fin d'vne Re
publique n'eft autre que d'eneruet toufiours &
iffoiblir tous autres corps , pour accroiftre &
Enforcer le fien. Ce que ne fait pas vn Prince
qui te reduit à fa fubiection , fil n'eft quelque
eigneur Barbare, pilleur & deftructeur de païs
diffipateur de toutesles ciuilitez des hom
nes,comme font les Princes orientaux : Mais
i c'eftquelqu'vn qui garde les droitz d'huma
ité ordinaires , le plus fouuent ayme efgalle
nent les citez de fon obeïffance , & leur laiffe
Tousles artz & ordres anciens , tellement que
Gi
es, ne peuuent du tout croistre comme li
brelles
au moins ne vont elles en ruyne comme
ferues. Ce qu'il faut entendre de la feruirude
qui les tient fubiettes à quelque eſtranger : car
de cellesde l'vn de leurs propres citoyens a esté
parlé cy deuant. Qui donc prendra garde à tout
Ce quiaeftéde
leragueres deduit on ce propos, ne fefmerueil
la puiflance qu'auoient les Sam
nites eftans en liberté,& auffi p
de la feruitu
de ,dequoy
droitz Tire Liue fait foy en plufieurs en
, mefmement à laguerre d'Annibal , où
monftre
il qu'eftans les Samnites pillez & op
Chapitre 1116
Chapitre 1111.
Q ij
DISC. DE NIC. MACGHIA.
des Romains fembleroit difficile , au moins ne
Puiffance deuroit elle fembler à celle des anciens Tofcás,
antique des mefmement aux prefens Tofcans : car fils ne
Tofcans. peurent pour les caufes declarees eriger vn tel
Empire que Rome , fi eft ce qu'ils ont peu ac
querir vne puiffance en Italie, que ce moyen de
proceder leur y donna , laquelle leur fut long
temps affeurce, auec vn grand honneur d'armes
& gouuernemét, & pareille reputation de leurs
meurs & religion. Ce qui leur fut premieremét
diminué par les François , apres eftaint du tout
par les Romains , voire tellement eftaint , que
de cefte puiffance , qui eftoit grande y a deux
mille ans , à peine endure maintenant la feule
memoire. Ce qui m'a fait penfer d'où procede
l'oubliance des chofes, dequoy fera diſcouru au
chapitre enfuyuant.
Chapitre Y.
chapitre VII.
C Vill.
chapitre
ril
SVR LA I. DECA . DE TIT. LÍ. 129
il , abondant de gens & defpourueu de viures
pour les nourrir, dont plufieurs incommoditez
les dechaffent, & nul bien les y retient . Et fi de
puis cinq cens ans en ça n'eſt auenu aucun de
luge, ou inondatió de telles gés, celà fe fait pour
plufieurs raifons.L'vne eft la grande euacuation
qui en fut faite fur le declin de l'Empire Ro
main :car adonc en y ffit plus de trente peuples:
l'autre,que l'Alemaigne & l'Angleterre, dont fe
debordoit auffi telle vermine , ont à prefent a
médé & melioré leur païs, en forte qu'ils y peu
uentviure riches & aifes , fans que befoingleur
foit de plus habandonner la terre . D'auantage
eftans ceux cy tres belliqueux, nous feruent co
me bouleuert contre les Sithes, qui les confinét
& leur oftent le cucur & la prefumption d'en
treprendre de paffer par eux , & de les pouuoir
vaincre voire fouuent fefleuent de tres gros
mouuemens des Tartares, qui font fouſtenus &
repouffez en Hongrie,& en Poulaine . Auffi fe
vantent ils &glorifiét,que fans eux & leur puif
fance , l'Italie , & l'Eglife auroit plufieurs foys
fenty la charge & inuafion des Tartares.
Quelles caufesfontcommunémentfourdreguerre .
entre les Potentarz, & grans Seigneurs.
chapitre 1 X.
R
DISC. DE NIC. MACCHIA.
E motifde la guerre meue
entre les Romains & les
Samnites, qui fi longtéps 11.06
auoient efté enligue , fut
l'occafio comune qui met
1 tous Princes puiffans en
cótentio . Laquelle cauſe,
ou aduient de cas fortuit, ou du mouvement de
celuy qui ne demade que guerre. Celle qui four
dit entre les Romains & les Samnites fut par
fortune , d'autant que l'intention des Samnites
n'eftoit d'adreffer leurs armes contre le peuple
Romain,quand ils allerent cóbatre les Sidicins,
& apres les Campanois , lefquclz fe voyans op
primez & pienans leur refuge à Rome , hors de
l'opinió tant des Romains,que des Sanites ,fu
rent contraints les Romains defendre comme
leur propre ceux qui fe dónoiet à eux, & ouurir
la
guerre, que(leur hōneur fauf) ils ne pouuoiét
fuir,ny cuiter.Il eft bien vray qu'il leur fembloit
raisonnable ne ſouftenir les Campanois , combić
que fuffent leurs amys, contre les Samnites, qui
leur touchoict en pareille amitié . Auffi tenoiet
ils à trop grande honte ne defendre ceux qui fe
rendoient leurs fubietz ou recomandoient leur
party à leur bonne grace , iugeans , au cas qu'ils
euffent refufé telle defence , d'auoir trenché le
chemin à tous ceux qui euffent eu volōté de foy
renger fous leur puiffance . Puys ayant Rome
pour fon but l'Empire,la gloire, & no le repos,
ne pouuoit bonnement refufer cefte entreprise.
SVR LA. DECA. DE TIT. LI. 130
Cefte caufe mefme donna commencement à la
premiere guerre qu'ils eurent contre les Carta
ginoys , à raifon de la defenfe qu'ils entreprin
drent des Meffinefiens en Sicile , laquelle en
cores auint par fortune : mais non la feconde
guerre . Car Hannibal Capitaine Cartaginois
affaillit les Saguntins amys des Romains en Ef
paigne , non tant pour les offendre, que pour e
mouuoir & irriter les armes Romaines & auoir
occafion de les combatre & paffer en Italic. Ce
moyen de faire ouverture de nouuelle guerre, a
toufiours efté pratiqué par les grans Seigneurs,
qui auoient quelque refpect de la foy & d'autre
chofe .Car fi ie veux mouuoir guerre à vn Prin
ce, entre lequel & moy foient quelques capi
tulations & articles , qui ayent efté long temps
Stables & entiers entre nous, i'auray titre & cou
leur plus iufte de m'adreffer à fon amy , qu'à luy
mefme , fçachant que de l'affault que le liure
rayà fon confederé il fe fentira, & i'auray la fin
de mon defir , qui eft de luy mener guerre. Ou,
fil nemonftre de le fentir , il defcouvrira fa de
bilité & impuiffance, ou fon infidelité de ne de
fendre celuy qui luy doit eftre pour recomman
. dé.Et l'vn & l'autre de ces deux poincts eft pour
luy tollir reputation & rendre mes deffeins plus
faciles . Il est donques à noter par la dedition
des Campanois, ce qui a efté deffus difcouru du
moyen de mouuoir guerre , & d'auantage quel
remede peult auoir vne cité , qui par elle ne fe
pcult defendre, & voudroit fe mettre en defen
Rij
DISC. DE NIC. MACCHIA.
fe en quelque maniere que ce fuft . Qui eft foy
doner librement à telle quelle eftime , qui puif
fe repouffer ou fouftenir l'effort de fon enne
my:comme firent les Capuains aux Romains, &
les Florentins au Roy Robert de Naples,lequel
ne les voulant defendre en qualité d'amys , les
defendit comme fubietz contre Caftrucio, de
Luques, qui les opprimoit.
Chapitre XI.
XII.
Chapitre
Chapitre XIII.
1
SVR LA I. DECA . DE TIT. LI. 139
Chapitre XIIII.
Chapitre XV.
Chapitre XVII.
pats
, ils
fenir l'effort
font perduz,
de leur& ne leur, eft
ennemy quipoffible fou
vcult entrer.
fin
34 tillerie
par la brefche du mur.Et rien neleur vault l'ar-
,eftantvne maxime , que là où les hom→
mes
peuuent entrer en foulle & furie , le canon
nele peult foutenir. Par ce moyen la fureur
Vltramontaine
n'eft foutenable en defence de
Tiiij
DISC. DE NIC. MACCHIA.
le fiege comme anciennement. Et à celles qui fe
prennent d'affault,les perils ne font gueres plus
grans qu'ils eftoient : & ceux qui gardoient les
places auoiet affez dequoy bie traiter ceux qui
les venoient voir de fi pres, & fil n'eftoiét gar
nis de traits tant furieux , fi eftoient ils de fem
blables efait pour la mort & tuerie.Quát à l'oc
cifio des Capitaines,l'on trouuera qu'il en a esté
moins d'occis en xxiiij.ans que les guerres ont
duré en Italic, qu'é dix ans du temps paffe . Car
Capitaines hors mis le Comte Ludouic de la Mirádole, le
aceis par quel fut tué à Ferrare n'agueres que les Veni
artillerie. tiens y amenerent leur puiffance, & hors mis le
Duc de Nemours, qui fut occis à Cirignole , il
n'eft auenu fortune de canon à aucun chef de
guerre : car monfieur de Foix prit mort à Raue
ne par fer & non par feu . Tellement que files
homes ne font plus moftre particuliere de leur
vertu,il ne tiet à l'artillerie:mais au mauuais or
dre & debilité des armees,defquelles le tout de
faillant de bonté & valeur n'en peult rien faire
aparoiftre en partie.Quant au tiers point où il
dient que l'on ne peult plus venir aux mains, &
que la guerre fe reduira toute à l'artillerie.Ie d
que cefte opinion du tout eft faulfe, & que poir
telle fera tenue par ceux qui voudront condu.re
le tait des armes à la mode antique. Car qui vou
dra dreffer vne bõne armee,il fault qu'il la ftile
par exercices vrays ou faints, & l'acouftume à a
procher fon ennemy & à manier l'efpee, à le fa
fir au corps, & fe doit plus fonder für les fante
SVR LA I. DECA. DE TIT. LI. 149
ries,que fur la caualerie,pour les raifons que de
clareray cy apres. Ce que faifant & fuiuant les
moyens ia deduitz , l'artillerie deuient du tout
inutile, de laquelle les gens de pied peuuet plus
aifément euiter la fureur , qu'ilz ne pouuoient
adis les Elephans,les chariotzfalquez, & autres Elephans.
telles rencōtres,que les fanteries Romaines ont Chariotz
fouftenu:& pluftoft cuffent trouué remede con falquez.
trela canonnerie,veu que le temps eft plus brief
qu'elle peut nuire, que des chariotz & Elephas.
Cat au milieu de la bataille ilz venoient rom
pre tout & mettre en defordre.Et cecy ne peut
empefcher,que deuant la meflee dequoy les fan
teries fe fauuent bien en marchant , couuertes
de la nature du lieu, où febaiffant en terre quád
vient le coup.Ce qu'encores on a trouué n'eftre
pasneceffaire , & mefmement pour foy deffen
dre de la groffe artillerie , laquelle ne fe peut
bracquer en forte , que fouuent elle ne te perde
de coup,eftant la mire haute: & fi elle baiffe, elle
nedonne iufques à toy. Et apres que l'on entre
en la meflee , il est plus clair que le iour , que la
groffe & la menuë ne te peuuent plus faire of
fenfe.Car fi celuy qui a l'artillerie eft au deuant,
il deuient ton prifonnier : f'il eft derriere, il en
dommage premier les efpaplles des fiens, que le
front de fon ennemy: & encores ne te peut ferir
enforte,que ne les puiffes aller trouuer, & qu'il
n'en enfuyue tel effect que ie difois. Brief, cecy
requiert longue difpute , veu l'exemple que les suiffes à
Suyffes en donnerent à Nouarre l'an mil cinq Noarre,
DISC . DE NIC. MACCHIA.
cens treize , où fans caualerie aucune ilz furent
. rompre l'oft des François dedans fon fort , qui
en eftoit bien muny , fans qu'elle leur donnaſt
empeſchement ne deftourbier quelconque. ¡La
raifon eft (outre ce que i'ay defia dit ) parce que
l'artillerie ( qui voudra qu'elle ferue ) doit eftre
gardee de muraille,foffez, ou leuces de terre : &
quand vne de ces gardes luy defaut , elle vient
incontinent és mains des ennemis, ou demeure
inutile, comme quad elle n'a autre deffenfe que
des hommes. Ce qui luy auient en bataille qui
fe donne en plaine campagne. Es flans elle ne
peut feruir , finon ainfi que les anciens vfoient
de leurs inftrumés à trait, qu'ilz mettoient hors
de l'armee, & toutes & quatesfois qu'ils fe trou
uoient enfoncez & repouffez par la caualerie
ennemie , ou autre effort , leur refuge eftoit au
dedans de leurs legions. Quiconque en fait au
tre conte ne l'entend pas , & fe fie en vne choſe
qui le peut facilement deceuoir. Et fi le Turc
par le moyen de l'artillerie a eu victoire contre
Sophi & le Soudan, celà n'auient par autre ver
tu, que par l'efpouuantement inacoutumé, que
le bruit de l'artillerie mit parmy leurs cheuaux.
Dont ie conclud pour la fin de ce difcours, que
l'artillerie eft vtile, quand elle eft meflee en vne
armee auecques l'antique vertu , fans quoy elle
eft du tout inutile contre vn oft puiffant & ver
tueux,
SVR LA I. DECA . DE TIT. LI. 150
Commepar l'autorité des Romains, par les exem
ples de l'antique vfance deguerre,l'on doit plus
eftimer lesfanteries & gens depied,
que la caualerie.
chapitre XVIII.
V
DISC. DE NIC . MACCHIA.
Que les acqueftz en Republique mal ordonnee, &
qui neprocedefelon la vertu Romaine ,luy
tournent à ruyne plustoft qu'à ac
croiffement & auantage.
chapitre XIX.
Es opinions contraires à la
verité, fondees fur les mau
uais exéples introduitz par
ce fiecle corrópu, font que
les homes ne pensent à laiſ
fer leur maniere & train ac
couftumé. Qui eft ce qui
cuft peu perfuader à vn Italien , tréte ans y a,que
dix mil hommes de pied euffent peu affaillit dix
mil cheuaux en pleine campagne?voire accom
pagnez d'autant de gens de pied , & non feule
ment auoir combattu ,mais vaincu : comme il fe
void par l'exemple de Nouare , par nous main
tesfois allegué ? Et combien que les hiftoires en
foient pleines ilz n'y euffent iamais preſté foy,
& fi foy euffent prefté , encores cuffent ilz dit
que l'on farme trop mieux en ce temps cy , &
qu'vn efcadron d'homes armez eftoit pour hur
ter vn rocher , non pas vne fanterie feulement.
Voila les faufes excufes , par lefquelles ilz fe cor
rompent & deprauent le iugemét. Et n'auroiét
pas confideré que Lucullus auecques petit nom
bre de gens de pied rompit cent cinquante mil
cheuaux de Tigranes , & qu'en cefte armee de
SVR LA I. DECA. DE TIT. LI 154
cheuaux y auoit vne forte de caualerie toute
femblable à noftre gédarmerie. Et ainfi cefte o
pinion abufiue a efté defcouuerte par l'exemple
dessgens delà les monts. Et comme l'on void en
Cescómunautez
autresne par enuie fur leur puiffance.
le veulétdonéques
peuuent viure con
tentesdeleurpetit domaine,n'ayas caufe (pour
le regard de l'autorité imperiale ) de le defirer
V iij
J
Chapitre XX.
Chapitre XXI.
DISC . DE NIC. MACCHIA .
Ombien les Romains en leur ma
niere de proceder en cas de coque
L ftes ayent efté differets de ceux qui
en ce temps eftendent & amplifient
leur iurifdiction , cy deffus a efté difcouru , &
comme ils laiffoient les terres ( qu'ils ne defai
foient)viuires en leurs loix, voire non feulement
les peuples de facieté : mais qui feftoient ren
duz à leur fubicction, en icelles ils ne laiffoient もの
aucun figne d'Empire pour le peuple Romain:
ains l'obligeoient à certaines conditions , lef 1
quelles obferuans eftoient maintenus en leur e
ftat & dignité. Et fe void qu'ils ont gardé cefte
maniere de faire iufques au temps qu'ils forti
rent d'Italie & commencerent à reduyre les
Royaumes & feigneuries en Prouinces . De
quoy nous eft pour exemple euident,que le pre
mier Preteur qu'ils enuoyerent en lieu du mo
de fut à Capue. Ce qu'ils ne firent par leur am
bition:mais à la requeſte des Capuains meſmes,
lefquelz pour les feditions qui femouvoient en
tre eux,iugerent leur eftre neceffaire d'auoir en
leur cité vn Citoyen Romain , qui les conduift
& reftablift en ordre. A leur imitation les Anta.
les incitez & contrains de pareille neceffité, de
manderent auffi vn Prefect ou Preuoft , dont
Tite Liue dit fur ceft accident & nouuelle mo
de de commander.
Chacun
fieurs fçait
foys comme ayant efté Gennes plu- Gennesgou
occupee par les Françoys , toufiours uernee par
chapitre XXIII.
X iij
DISC. DE NIC. MACCHIA. LA !
Le mieux fera doncques(tandis qu'ils font eftó
nez de cefte attente ) aller faifir & preoccuper
leurs cucurs par punition ou clemence.
Sur ce propos enfuyuit la deliberation du Se
9471^^^
nat conforme aux paroles du Conful , tellement 44
BA1
qu'en toutes les places ne demeura pierre fur
pierre:Tous ceux qui estoient de quelque appa
rence ou ils les traiterent humainement , ou les
feparerent & efpandirent en diuers lieux . Ceux
à qui ils voulurent bien faire , ils leur donne. El,pou
rent exemptios ,priuileges, en la cité, les mettát
en eftat de feureté . De l'autre gent vile & des
peu, ils vuyderent le païs , y enuoyerent Colo YOF
nies les retirerent à Rome . Brief tellement les here
diffiperent, que ne par armes , ne par confeil ils
neleur pouuoient plus porter aucune nuyfan
ce . Et en ceux qui eftoient de quelque refpect,
iamais(comme vous ay dit) n'vferent de la voye
neutre. Tel iugement les Princes doyuent imi.
ter , & le deuoient fuyure les Florentins , l'an
mil v. c. ii. quand Arezze fe reuolta & toutle
val de Chiane , Et fils l'euffent fait en affeurant
lepreftat, & augmentant de beaucoup leur cité
euffent acquis celle campagne, qui leur cuſt ché
vn bon grenier de prouifion ; mais ils tindrent
en ce cas la moyenne voye , qui cft trefincom
mode à faire iugemens des hommes & confine
rent partie des Aretins , partic ils condanerent ,
à tous tollirent les honneurs & degrez antiques
qu'ils tenoient en leur cité , & l'aifferent la cité
enfon entier . Et fi aucun des citoyens en leurs
SVR LA 1. DECA . DE TIT. II. 164
A
fontt deliberatios confeilloit qu'Arezze fuft ruynce
reocc & demolye , ceux qui eftoient tenuz au reng
desplus fages difoient, que ce feroit peu d'hon
fon day neur à leur Republique de la deffaire , & qu'i
,tellems fembleroit que ce fuft par deffiance de force af
raifons du nombre
pin fez pour la tenir .Qui font
e r a de cellesqui femble nt vrayes , & ne le font pas.
Elqu
O
C, A Car parmefme confid eratio n il faudroit efpar
eur.Cnetvnmeurdrier de fon pere,vn mefchant &
fcandaleux ,
urdoen pour la honte que feroit au Prince
Itsmet de monftrer luy deffaillir le pouuoir pour tenir
vick tellesgens foubs bride . Ceux qui font de ccfte
rentCo Opinion ne voyent pas qu'aucunesfois les hom
meatl mes particulierement ou vne cité tout enfem
l
confei ble commettra telle faulte au preiudice d'vne
ne Day fat, que le Prince foit pour fa feureté, foit pour
donner exemple aux autres , ne pourroitfaire
querele
reparer par autre remede
dela que par deftruction
a t dudelinquant. Et quant àl'honneur , il confi
c
pu a
rentins fteà fçauoir & pouuoir chantier & corriger, non
a & tou pas à maintenirauecques mil perilz & dangers.
Car leSeigneur eft reputé ignorant , ou lafche
enalles
puplewa & pufillanime , qui ne chaftie les delinquans en
telle forte qu'ils ne puiffent iamais remettre
"
Quegeneralement lesfortereffespartentplus
de dommage que deprafis.
Chapitre XXIIII.
SVR LA I. DECA. DE TIT. II. 166
L femblera (peut eftre) aux fages cer
ueaux de noftre temps , que foit efté
mal confideré aux Romains fe vou
lans affeurer des peuples Latins & de
la ville de Priuernate, qu'ilz ne penferent d'y e
difier quelque fortereffe , pour leur feruir de
frain à les tenir en foy & obeillance. Mefme
ment eftant vn commun dire à Florence ordi
Daire en la bouche de noz difcretz , que Pife &
les autres femblables villes fe doiacnt tenir par
chafteaux. Et vrayement fi les Romains cuffent
efté relz qu'eux,ilz euffent péfé à en baftir:mais
eftans d'autre vertu qu'eux , d'autre iugement,
d'autre puiffance , ilz n'en voulurent oncques
faire. Et tant que Rome fut libre & qu'elle fuy
uit fes ordonnances & vertueufes conftitutiós,
mal
iamais elle n'en edifia pour tenir villes ou con
trees : Bien entretint quelques fortifications
defia faites. Parquoy voyant la maniere de pro
ceder des Romains en ceft endroit , & celles
des Princes de noftre aage , me feruble cftre à
mettre en confideration fil eft bon cdifier for
tereffe , & felles feruent ou nuyfent à qui
les edific. En quoy faut auifer , qu'elles fe font
pour foy deffendre , ou des ennemis , ou des
propres fubietz. Au premier cas elles font ne
cellaires,aufecond dangereufes. Or pour com
mencer à rendre raifon pourquoy elles por
tent dommage au fecond poinct , ie dy , que le .
Prince ou la Republique,qui a doute de fes vaf
faux & de leur rebellion, premierement couient
DISC . DE NIC . MACCHIA.
que telle paour naiffe de hayne & malueuilláce
qu'ilz portent à leur ſeigneur. La hayne vient de
fon mauuais gouuernemét , le mauuais gouuer
nement vient d'opinion de les pouuoir tenir
par force, ou de faute de prudence en celuy qui
gouuerne. Et vne des chofes qui induit perfua
fion de pouuoir forcer les fubietz, eft de les voir
bridez parfortereffes :car le mauuais traitement VOS
qui eft caufe de hayne , ne procede le plus fou Em
uent, que de ce qu'vn Prince ou Republique fe Mast
fent auoir fortereffes , lefquelles ( eftant ce pro out
pos vray) de beaucoup portent plus de nuyfan ONYC
ce que de profit: Parce qu'en premier lieu (com ART
me a efté dit) elles te rendent plus audacieux &
plus violent enuers tes fubierz , & apres elles te
forment vne certaine opinion d'affeurance : car par
toutes les forces , toutes les violences dont on
lep
voudroit vfer pour tenir vn peuple fouz bride CTO
ne font rien, deux exceptees:C'eft que tu ayes le Ters
moyen de mettre toufiours vne bonne armee
aux champs , comme auoient les Romains , ou Caul
que tu les diffipes, eftaignes, fepares, defempa Mora
res en telle forte qu'ilz ne puiffent conuenir &
coniurer contre toy : car de les reduire en pau
com
Areté & fouffrette:
Tic
Spoliatis armafuperfunt. MA
Aux defpouillez reftent encor' les armes.
Auffi de les defarmer,
Furer arma ministrat. 1041
Lafureurfournit affez d'armes.
De trencher les chefz principaux en traitant les
SVR LA I. DECA . DE TIT. LI. 167
autres outrageufemét, les teftes renaiffent com
me celle d'Hydra. Si tu fais fortereffes elles te
1968
peuuent eftre vtiles durant la paix à te donner
plus de courage de leur mal faire. Auffi en téps
de guerre elles te nuyfent grandement, n'eftans
affiegees moins par tes fubietz , que par tes en
nemis , & n'eftant poffible qu'elles facent refi
fance auxvns & aux autres.Et fi iamais elles fu
rent incommodes , elles le font en ce temps cy
pour le regard de l'artillerie,la fureur de laquel
lerompt toutes les deffenfes qu'on pourroit a
oir en lieux eftroitz , où l'on ne fe peut retirer
00 & remparer comme nous auons difcouru cy
"ן
DISC. DE NIC . MACCHIA.
Mais de tous les autres exemples le plus recent
& plus notable en toutes fortes , & plus conue
nable à monftrer l'inutilité de telz edifices , &
I'vtilité de les ruyner & abbatre , c'est celuy de
Gennes aucnu puis peu de temps. Chacun fcait
comme l'an mil cinq cens & fept Gennes fe re
bella contre Loys douziefme Roy de France,
lequel vint en perfonne auecques toute la puif
fance pour la recouurer. Et l'ayant reconquiſe y
Chasteau fit vn chefteau plus fort que tous ceux dont on
de Gennes, eut lors cognoiffance : car ſoit pour l'affiette,
foit pour autre circonftance , il eftoit inexpu
gnable , affis fur vne pointe de montagne , qui
feftend en la mer, nommee par les Geneuois,
Codefa . Et de ce fort il battoit tout le port &
grande partie de la ville. Or auint en l'an mil
cinq cens & douze, qu'eftans les François chaf
fez de l'Italie, Gennes alors,nonobftant la forte
reffe,fe reuolta, & l'vfurpa Octauian Fregofe,le
quel en feize mois employa tout fon induſtrie à
la gaigner, & au bout du terme l'emporta pat
famine. Combien qu'il fut affez confeillé de
la garder pour fon refuge en fortune contraire.
Mais cognoiffant, comme homme prudent, que
l'eftat du Prince depend plus de la loyauté a
miable des fubietz , que d'aucune force, la fit ra
fer.Qui luy a cfté moyen de conquerir cefte fei
gncurie , laquelle il tient encores à prefent , l'a
yant fondee non fur les fortereffes : mais fur la
vertu & prudence de l'eftat de Gennes, que mil
hommes de pied tournoient à tous vens,depuis
a efté
SYR LA 1. DEÇA. DE TIT. LI. 169
a efté affaillie par dix mille , fans qu'ilz l'ayent
peu offendre. Parquoy l'on void que la forte.
relleruynee n'a porté aucune nuyfance à Octa
uian , & l'autre edifice n'a ferui de grande def
fenle au Roy de France. Somme , quand vous
pouuez venir en Italic auecques armee , vous
pouuez recouurer Gennes fans y auoir tour, ne
chafteau: Mais fi vous n'aucz pouuoir d'y venir
en main forte, vous ne la fcauriez tenir aucċ
ques toutes voz fortereffes . Ce fut au Roy gran
de defpenfe pour la baftir , & pareille honte de
la perdre. A Octauian fut honorable de la re
Couurer,& vtile de la ruyner. Mais venons aux
Republiques qui crigent chateaux, non pas fut
leurs
terres, mais en païs de conqueſte, Et pour
mieux defcouurir cefte erreur , fi ceft exemple
deFrance & de Gennes ne fuffit , I &
Pife fatisfera, là où les Florentins firent vne for
tereffepour tenir la cité fouz bride , & ne cor
gneurent pasqu'
vne ville , qui toufiours auoit
efte ennemie du nom Florentin , ayantveſcuen
plusde
foy ceu
gra qui les gardoient , ou par crainte de
ndxmal : là où fil n'y en eut point eu,
les Florentins n'euffent fondé leur affeurance
fur elles depouuoir tenir Pife , & le Roy n'cut 、
Y
HIA
B DISC . DE NIC . MACC .:
peu par telle voye les priuer de cefte ville : auffi
les moyens par lefquelz elle feftoir maintenue
jufques à l'heure, par auanture cuffent esté fuf
fifans pour la conferuer. le conclud doncques ,
que pourtenir fon pais propre la fortereffe eft
dangereufe : pour terres de conquefte , elles ne
valent gueres mieux. En quoy ie ne m'appuye
que fur l'autorité des Romains , lefquelz tant
fen faloit qu'ilz eminuraffent les villes qu'ilz
vouloient tenir par violence , que pluftoft met
toient les murs rez pied rez terre. Et qui me
voudroit alleguer au contraire de cefte opinion
Tarante au temps paffe , & de prefent Brefce,
lefquelz lieux furent moyennans les fortereffes
reconquis fur la rebellion des fubietz , ie refponś
Recouure qu'au recouurement de Tarante au bout de l'an
mentde Ta fut enuoyé Fabius Maximus auecques vne ar
rente. mee,laquelle feule eftoit affez fans autre forte
reffe: Et fily vfa de ce moyen quand il ne l'eut
point eu il eut pratiqué autre voye, qui cut peu
conduirefon deffein à femblable effect . Tout
confideré,ic ne fcay de quelle vtilité eft vne for
tereffe qui ne te peut rendre ta terre , ou place,
fans vn oft Confulaire , & fans vn Fabius pour
Capitaine . Et que les Romains l'euffent peu re
prendre fans celà, on le void à l'exemple de Ca
puc,là où n'y auoit aucune forterelle, & par ver
tu de leur armee la reconquirent . Mais venons
Reprinfe à Brefce. Ie dy que peu fouuent auient ce qui
de Brefce ferencontra en cefte rebellion , c'eft que le chi
fteau , cftant la ville rebellee , ait vne groffe &
SVR LA 1. DECA. DE TIT. LI. 170
prochaine armee, comme eftoit celle des Fran
çois:car eftant lors monfieur de Foix lieutenant
pourle Roy રે à Bologne auecques vn armee , fi
toft qu'il fut aduerty de la perte de Brefce,fans.
delay tira celle part en telle diligence que de
dans trois iours arriuant fur le lieu , par le mo
yen de la fortereffe , il recouura la place. Ainfi
le chateau de Brefce , pour ayder à ce recou
d'vne cut befoing d'vn monfieur de Foix &
urement,
armee Françoiſe , qui le vint fecourir au
troifiefme jour : tellement que ceft exemple ne
milite contre les autres contraires : car de no
ftretempsaffez de fortereffes ont efté priſes &
steptiles auecques pareille fortune l'a eflé
r la
po campagne , non feulement en Lombardic:
el maisen la Romagne au Royaume de Naples, &
ne. par toutes les praties d'Italie : Mais quant à edi
fortereffes
For fier pour foy deffendre des ennemis
qu'elles ne font neceffaires aux
1745 de dehors , ie dy
peuplesny
ceux aux Roys qui ont bonne armee, & à
qui n'ont ce pouuoir elles font inutiles:
T d'autant
quele bon oft te peut deffendre fans
forteref
fe,
ce que ne peut la fortereffe fans l'oft.
Ce quife void par l'experi d ce q o
ence e ux ui nt
eftétenus excellens , tant en fa ict de gouuerne.
Y ij
DISC. DE NIC. MACCHIA.
me,fans autre espece de deffence. Dont eſtant
vn iour demandé à vn Spartain par vn Athe
nien,fi les murs d'Athenes luy fembloiét beaux:
refpondit filz eftoient habitez de dames. Le
Prince doncques qui peut mettre aux champs
vneforte & puiffante armee , quand il auroit
fur la cofte de la marine en fa frontiere quelque
fort pour fouftenir & arrefter vn iour fon en
nemy , ce pendant qu'il affemble fa force , il ſe
roit aucunesfois vtile, non pas neceffaires:Mais
quand le Prince n'a cefte puiſſance,les forteref
fes, foit dedans fes païs , ou fur les limites , elles
luy font dommageables, ou inutiles. Domma
geables, parce qu'il les perd incontinent, & les
ayant perdues elles melmes luy font la guerre,
ou fi elles font fi fortes que l'ennemy ne les
puiffe gaigner , il paffe outre les laiffant derrie
re, & ainfi feruent moins que rien: Car vne bon.
ne armee(à qui vne pareille ne va au deuant fai
re tefte) elle entre en païs fans efgard de ville ne
chafteau qui luy demeure derriere,comme l'on
void és anciennes hiftoires:auffi come fit Fran
cifque Marie , lequel n'a pas long temps pour
aller affaillir Vrbin , laiffa derriere dix citez en
nemies fans aucun refpect . Le Prince doncques
qui peut dreffer vne bonne armee peut faire
fans edifier aucune fortereffe. Celuy qui ne la
peur auoir n'en doit pas conftruire , bien doit il
fortifier la ville de fon feiour , & la tenir munie
& fes citoiens difpos à pouuoir fouftenir l'ef
fort de fon ennemy, tant qu'il puiffe par accord
1
SVR LA I. DECA. DE TIT. LI.
171
ou parfecours eftrange la deliurer. Tous autres
defleins font de defpenfe en temps de paix , &
inutiles à la guerre. Ainfi , qui confiderera tout
cequi a efté dit cognoiftra les Romains com
meen toutes autres chofes , auffi au cas des La
tins& des Priuernates, auoir efté de prudent iu
gement,feftans affeurez d'eux par autres mo
fo14r0m
Jens fages & vertueux que par fortereffes.
Chapitre XXVII.
Chapitre XXVIII.
SVR LA 1. DECA. DE TIT. LI. 176
E que l'ire & le defpit induyfent
les hommes à faire , eft facile à co
noiftre parce qui auint aux Ro
mains quand ils enuoyerent les
trois Fabies Embaffadeurs vers les
Françoys,qui eftoient entrez en la Toscane, &
auoient mis le fiege deuant la ville de Chiufc.
Car ayant le peuple affiegé enuoya à Rome re
querir fecours , les Romains manderent aux
Françoys , qu'ils cullent ou nom du peuple de
Rome à fabftenir & retirer de la Tofcane: mais
ceux à qui la commitlion fut donnee , ſe trou
uans fur les lieux, gens trop plus adroitz à bien
21
faire,qu'à bien dire , voyant les deux oftz ren
Bl gezenbataille , fe meirent es premiers rengs à
combatre contre les Françoys, qui les recónoif
fans,tournerent contre les Romains tout le
mal talent qu'ils auoient contre les Toſcans :le
quelfut beaucoup augmenté & irrité apres que
ils curent
enuoyé leurs Embaffadeurs à Rome,
en former la complainte , requerans que ceux
qui auoient commis la faute, leur fuffent liurez
& rendus en fatisfaction de l'outrage:Mais tant dist
fenfalut qu'ils leur faffent accordez , où cha
fticzen autre maniere,que auenans les comices
XXIX.
Chapitre
Zij
DISC. DE NIC. MACCHIA.
Adeooccacatanimosfortuna , cùm vim fuam in
gruentem refringinon vult.
chapitre XXX.
#
2
quelque temps quelque repos ,eft caufe par fuc
ceffion de temps de neceffité de pertes & ruy
nes fans remedes . Il feroit trop long à raconter
quantesfois les Florentins , les Venitiens , & ce
Royaume,fe font rachetez fur la guerre, & quá
tesfois fe font fubmis à vne honte, au danger de teat
laquelle les Romains iamais ne furent qu'vne Sele
feule fois .. Long feroit à deduire,combien de Ce
terres les Florentins & Venitiens ont achetees
à beaux deniers contens : dequoy eft depuysa
paru le defordre , & comme les chofes qui fac Hap
quierent par or,ne fe peuuent par fer defendre .
Les Romains garderent ce point d'honneur &
cefte maniere de viure tant qu'ils vefquirent li
bres: mais depuis qu'ils entrerent foubs les Em TETE
percurs commencerent à empirer & à aymer &
preferer l'ombre au Soleil . Commencerent à ang
foy racheter ores des Parthes , ores des Ger
mains, ores des autres peuples circonuoyfins : ce
qui fut commencement de la ruyne de ce grand
Empire . Auffi procedoient telz inconueniens
d'auoir defarmé les peuples , dequoy en refulte
vn autre plus grad , c'eft que tant plus que l'enr
nemy t'aproche , plus il te trouuc foyble & de
bile . Car celuy qui vit en la maniere deffufdite
traite mal les fubietz qu'il a dedans fon empire,
fentant auoir gens bien appareillez à tenir fon
ennemy loing de luy . De cecy vient que pour
ainfil'eflongner il fait penfion à ces Seigneurs
& peuples prochains de fes frontieres . Dont
auient que telz eftats ainfi ordonnez font quel
SVR LA I. DECA. DE TIT. LI. 181
que peu de refiftance fur leurs confins & limi
tes:mais depuis que l'ennemy les a paffez, ilz ne
trouuent plus de remede , & ne fauifent que ce
moyen de proceder eft contre tout bon ordre:
carle cueur & les parties vitales d'vn corps fe
doiuent tenir armees & non pas les extremitez,
fans lesquelles il peut viure, & l'autre blecé il fe
meurt. Et ces eftatz que ie dy tiennent leurs
cucurs nudz & defarmez , & leurs mains &
piedz armez . Le dommage que ce defordre a
fait à Floréce a efté veu & fe void chacun iour,
que fi toft qu'vne armee paffe fes fins, & luy en
te pres du cucur, c'eftfaict d'elle. Pareille expe
rience n'a pas long temps efté veuë des Veni
mtiens ,voire telle,que fi leur ville n'eut efté ban
dee & enuclopee d'eau, on en eut veu la fin.Ce
te preuue n'a efté veuë en France fi fouuent , e
ftantceRoyaume fi grand,qu'il n'a gueres d'en
nemisfuperieurs. Toutesfois l'an mil cinq cens Du Royau
& treize que les Anglois y vindrent, tout le païs me de Fra
rembla; & le Roy mefme & tout autre iugeoit ce.
qu'vne feule route luy pouuoit tollir fon eftat.
Aux Romains aduenoit tout autrement , que
tant plus l'ennemy approchoit pres de Rome,
tant voidtrouuoit
Etfeplus la cité puiffante à luy refifter.
à l'arriuee d'Annibal en Italie , qu'a
9
Chapitre XxxI. :
Chapitre XXXII.
SVR LA I. DECA . DE TIT. LI. 183
Stans les Romains du tout fur
les armes , ilz les ont toufiours
manices auecques tout l'auanta
ge tant des fraiz que du refte, qui'
f'eft peu trouuer. A cefte caufe
nefe font amufez à affieger villes , iugeans cefte
maniere de conquefte eftre de fi grande def
pence,que le couft pafferoit trop le proufit qui
fenpourroit efperer. Dont ilz penferent que
mieuxleur valoit acquerir terres par tout autre
moyenque par fiege. Auffi voyez vous par fi
long cours de temps & par tant de guerres bien
peu d'exemples de places par eux affiegees:mais
elesmoyens dont ilz vfoient à gaigner terre , ou
Parprife & expugnation , ou par crainte de foy
eur rendre. Le premier, fr pratiquee , ou de pleine
Polence, ou parforce & fraude meflee. La vio
Cours
lenceouuerte eftoit ou par affaut , fans batterie
JOTE demurs >
ce qu'ilz appelloient , Aggredi vrbems
Corona.C'eft à dire , affaillir la ville en couronne
on ceinture :car ilz enuironnoient & ceignoiét
COC la villeauecques tout leur oft , & luy liuroient
l'allaut de toutes parts: & fouuent leur adue
Fuss
-:
1 {
.2 202.1
187
Co
S HA
C
0625
5, LE TROISIEME LIVRE
DES DISCOVRS DE NI
COLAS MACCHIAVEL CI
toyen & Secretaire de Florence,
fur la premiere decade
de Tite Liue.
Chapitre 1.
1.
Gachus
res pauurem
cofeffion ent, & ayant tant de credit en leurs des Pre
sauec
Ste les peuples, & en leurs fermons /
latz. H
簡
& predications qu'ils leur font entendre , que
c'eft mal fait de dire mal du mal, & que c'eſt bié
PARDIC faitdeviure foubs leur obeïffance , & fils pe
endix chent ,en laiffer les chaftimens à Dieu . Etainfi
seils font le pis qu'ils peuuent : d'autant qu'ils ne
chapitre 11.
CCHIA SVR LA I. DECA . DE TIT . LI. 191
dre, ouqu Amais homme n'aquift telle re
Cef putation de fageffe & prudence,
accel par la grandeur de fes actes , qu'a
C, ouRov merité Iunius Brutus par fa fi- Iunius Bru
drela mulation de folic. tus contre
entdeli Et combien que Tite Liue n'en exprime au- faifant le
boneraifon quil'ayt induit à ce faire , finon pourfol.
centpa auerfa vie & patrimoine : fi eft ce que con
le fair.Ce a fideree maniere
fa de proceder , il eft croya
vnares ble qu'il prit ce faux vifage , à fin que l'on ne
elleet priftgarde à la vie,pour auoirplus grande com
forregad modité d'opprimer
toutesfoys & deliurer
les Roys , luy pa
fadō
combine the, que l'occafion en feroit
Chapitre III
.
chapitre n
253
Yant Tarquin le fier mis à mort Tarquin le
Seruins Tallus , duquel il n'eftoitfier.
demeuré aucun heritier , le Roy
aume tomboit en fa main feure
ment,fans qu'il cuſtà craindre au
cunedes chofes qui auoient efté contraires à fes
predeceffeurs.
Et combien que le moyen d'occuper la
CS
coronne fuft extraordinaire & odieux , fi eft ce
que quand il euft obferué les ordres antiques
des autres Roy il euft efté comporté , & ne fe
fuft efmeu contre luy le Senat ne la commu
de pour luy tollir l'eftat . Ce ne fut doncques
pourla force que sextus fon fils fic à Lucrece, Lucretefor
qu'il fut chaffe : mais par ce qu'il auoit rompu cee.
les loix du Royaume & gouuerné rytannique
ment ayant ofté au Senat toute auctorité,qu'il
auoit à foy reduite iufques à reuoquèt des affai
senfon palays,aur mal contentement de tous,
lefquelz auoient accouftumé d'eftre traitez es
lieux publiques;airecques la fatisfaction du Se
nat Romain Tellement qu'en peo de temps, il
defpouilla Rome detoute la liberté qu'elle a
noit maintenue foubs les autres Roys .Voyre ne
Lay fuffit l'inimitié des peres ,fil n'irritoit enco
fes contre luy le commun peuple, le trauailfane
BB ij
DISC. DE NIC. MACCHIAT
en chofes viles & mecaniques , & toutes autres
que celles en quoy fes predeceffeurs l'auoient
employé: En forte qu'ayant réply Rome d'exé
ples cruelz & fuperbes , defia auoir difpofe les
cueurs de tous les Romains à rebellion,fi toft
l'occafion fen offriroit . Et fi l'accident de
que
Lucrece ne fut auenu le premier, autre cuft pro
duit pareil effait.Car fi Tarquin cuft vefcu.com
me les autres Roys j & que sextus fon filz cuft
commis cefte faute, Brutus & Collatinus cuffent
eu recours à Tarquin pour en auoir vengeance
contre Sextus ,non au peuple Romain.Scachent
doncques lesPrinces,qu'ils commençent à per
dre leur eftat à l'heure qu'ils viennent à rompre
les loix & les manieres,& couftumes anciennes,
foubs lefquelles les hommes ont log temps vef-.
cu.Et fi apres quils font priucz de leur eftat , ils
deuenoient fiprudens , qu'ils conneuffentla fa
cilité qu'il y a å tenir vne feigneurie par bon &
fage confeil , leur perte leur feroit plus gricue à
porter, &eux mefmes fe condamneroient à plus
grande punition qu'ils ne feroient condamnez
par autres. Car il eft plus ayfé fe faire aymer des
bons,que des mefchans, & obeïr aux loix , que
leur commander' . Et pour entendre le moyen
qu'à cefte fin leur fault tenir: ils n'ont autre pei
ne à porter,qu'à prendre pour miroër la vie des
bons Princes , comme de Thimeleon Corin
thien, D'Aratus Sicionien, & d'autres, en la vie
defquelz ils ont trouué tant de repos, & telle fa
tisfaction de celuy qui gouuerne,& de ceux qui
SVR LA T. DECA. DE TIT. LI. 195
fontgouuernez , que l'enuie leur deuroit venir
de lesimiter:eftant fi facile de le faire pour les
raifons deuant dites . Car quand les homme's
font bien gouuernez, ils ne cherchent ne demá
dent autre liberté, non plus que les peuples re
giz parles deux fufnommez , qu'ils contraigni
rent à demeurer Princes , tant qu'ils vefquirent
contrele defir qu'ils auoient (dont ils les tente
rent fouuent) de fe remettre en leur eftat priué.
Orpource qu'en ce chapitre & es deux prece
dens aefté deuifé des humeurs concitez contre
lesPrinces, & des coniurations faites par les fils
deBrutus contre la patrie: auffi de celles qui fu
rent faites contre Tarquinius Prifcus , & contre
nes, Seruius Tullus: il ne me femble hors de propos
sref:
den traiter amplemét au chapitre fuyuat, com
i
me de matiere digne d'eftre notee , tant par les
lati
Princesque perfonnes priuces ,
Con&
TITLE
Desconiurations.
Chapitre 71.
1,3
mo
L ne m'a femblé raifonnable de
laiffer derriere le propos des coniu
Cofile rations,eftant chofe perilleufe, tant
aux Princes,que aux perfonnes pri
uces :Car
Princes l'on void par elles trop plus de
auoir
rele perdu la vie &l'eftat, que parguer
2117
reouuerte .Par ce qu'il n'eft poffible à peu de
BB iij
DISC. DE NIC. MACCHIA,
gens de mener guerre contre vn Prince : mais
chacun a pouuoir de coniurer contre luy.D'au
tre part les perfonnes priuces ne font entre
prife qui foit plus dangereufe , ne plus temerai
re: eftant difficile en toutes les parties,dont il a
uient que plufieurs l'attentent , & peu en vien
nent à bonneyfluc. Afin donques que les Prin
cès aprennent à foy garder de telz dangers , &
queles gens priucz fy fourront auecques plus
grande difcretion , voire à ce qu'ils fe tiennent
contens de viure foubs le gouuernemet , auquel
Fortune lcs a foufmis,i'ay deliberé en traiter au
long,fans laiffer aucun cas notable qui ferue à
l'inftruction de l'vn ou l'autre . Et certes la fen
tence de Cornelius Tacitus eft finguliere , qui
Cornelius
dit , que les hommes ont à honorer les choles
Tacitus.
paffees , & à obeyr aux prefentes, & qu'ils doy
uent defirer les bons Princes , & quelz qu'ils
foient les tolerer & comporter . Auffi ,à la ve
rité,qui fait autrement, le plus fouuent ruïne foy
& fa patrie.
Nous deuons doncques(pour entrer en ma
tiere ) premier confiderer contre qui fefont les
coniurations , & trouuerons que c'eft contre la
patrie, au catre le Prince.Or de toutes les deux
difcourons maintenant;car de celles qui fe me
nent pour lirer vne place aux ennemy's qui
lafliegent , ou de telles autres , deffus en a efté
parlé fuffifamment.En premier lieu nous traite
rons de celles qui fe font contre le Prince, & a
want toute œuure examinerons les caufes d'i
II SVR.LA 1. DECA . DE TIT. LI, 196
celles,quifont maintes : mais vne y a plus im
portante que toutes les autres , qui eft eftre haï
Ifbow detousen commun. Car le Prince qui a elmeu Coniuratio
contre luy cefte hayne vniuerfelle , il fault cfti- contre le
mer par raifon qu'il a offencé quelques per- Prince.
$
fonnes particulieres plus que les autres , qui en
G
defirent vengeance de laquelle le defir leur eft
celuy
de qui aefté menacé qui fe void contraint
neceffité , ou defaire , ou de fouffrir, deuient
bommedagereux pour le Prince, comme nous
BB iiij
DISC. DE NIC, MACCHIA, LAL
dirons en fon lieu fpecialement. Apres ceſte ne
ceffité,les biens & l'honneur font les deux cho Cerer
fes qui plus offenfent les hommes , & defquel RegesC
les le Prince fe doit garder . Car il nefçauroit
rann
defpouiller homme fi au nud qu'il ne luy re lan
g
fte vn cousteau pour fe venger , ne tant le def enz
qu
2 i
honorer , qu'il n'ayt encores vn courage obfti on, sfon
né a en pourchaffer la raifon . Or entre les hon inletemp
neurs que l'on ofte, celuy des Dames eft le plus enco
important,& apres le contemnemet & melpris Bouilz
Paufanias. de la perfonne. Ce qui arma Paufanias contre le
,ne
Roy Philippe de Macedone , & a faict prendre asbien
les armes à maints autres contre plufieurs Prin c lon
Giulia Be- ces : Etde noftre temps Giulia Belants ne fut in
lanti. des
cité contre Pandalfo Tytan de Siene , que par
aaut
Pandalf . ce qu'il luy ofta fa fille , qu'il luy auoit donnee dan
a g
à femme,come nous dirons en fon propre lieu. Hoon
La plus grande caufe qui fit coniurer les Pazzi,
про
contre les Medici , fut l'heredité de Giouanni Bou aint
romei, qui leur fut tollu par leur ordonnance. elqu
Vne autre caule y a, & trefgrande, qui induit les 31
1GT
gens à coniurer contre leur Prince , c'eſt à ſça C
ar
uoir le defir de deliurer la patrie , qui par luy a
efté occupee & afferuie :laquelle incita Brutu
Brutus & Cassius contre Cefar , & a meu plufieurs autres
Caius contre les Phalares , Dionifies , & femblables v PROCT
furpateurs de leur propre patrie. Et n'y a moyen
pour les Tyrans à eux preferuer de ce danger,
fors qu'en depofant leur tyranie; Et comme peu
fe trouuent qui le vueillent faire , auffi peu y en
a qui ne finent mal . Dont eft forty ces versde
SVR LA I. DECA, DE TIT. LI. 197
Iuuenal,
Paufanias
& qui peut parler, peut defcharger cueur, Couration
fonPhilip-
(de qui i'ay defia parlé) occit
quedeux
tantde perfonnes
tous leurs ne fcautoient conue
nir propos.Quád il n'en ya qu'vn
prisqui
auoirbon foit homme de cueur , il pourra bien
bec, & tenir les autres fecretz. Auffi
OU conuientque
drecouragque les copagnons ne foient de moin
e que luy ,fans faire fembl de rien ,
152 d e c adnt
fans fe lare pa fui . Aut
r r te rem
e p ui que
ecue fau à cel étu au asu
ur t uy qui eft pris , o x tres
qui ne le font,tout eft defc . Or eft l'e
ou xe
ple de Tite Liue fort rare deuelr a tcoiur faitm
atio e
n
DISC. DE NIC. MACCHIA. LAL.DEC
contre Hieronymus Roy de Siracufe, de laquelle
I'vn des confors Theodorus eftans prins, cela tous entendit
les coniurateurs par vne grande vertu, & accusa
fa les amis du Roy. D'autre cofté tous les con montrant
iurans curent telle confiance en fa vertu , que nicdece
nul ne deflogea de Siracufe , ne monftra conte
quleeforceiou
nance d'aucune crainte. Voilà les perilz ,
Chapitre VII
Chapitre. VIII.
"!
Chapitre IX .
DISC. DE NIC. MACCHIA.
Ouuentesfois ay confideré que la
caufe de la bonne & mauuaife for W
tune des hommes gift en ce que
les moyens de proceder fe ren
contrent auecques le temps . Car
1
SVR LA 1. DECA. DE TIT. LI. 215
Chapitre X.
Chapitre XI.
SVR LA I. DECA. DE TIT. LE 218
E pouuoir des Tribuns de la com
A mune fut grand en la cité de Ro
me,& fifut neceffaire come nous
auons fouuetesfois difcouru :par,
ce qu'autrement eut efté impof
fible de tenir fouz bride l'ambition de la no
bleffe,laquelle cut corrompu celle Republique
long temps deuant qu'elle ait efté .Neantmoins
partant qu'en toutes chofes ( comme autresfois
ຄ efté dit) eft caché quelque mal propre & per
calier,qui caufe maints accidens nouveaux,auf
fi eft if neceffaire d'y aprouuoir par nouuelles
Ordonnances. Eftant doncques l'autorité des
Tribuns deuenue trop infolente, & fort à crain
dre à la nobleffe , & à Rometoute ,en fut aue
u quelque inconuenient dangereux pour la li
berté Romaine,fi le moyen neuft efte monftré
Chapitre X11.5
Chapitre. XIII.
Chapitre XIIII.
--
grande place, alors que le bruit eftoit leué à lar
me,celuyquirompoitfut fi ferré de la foulle du
peuple
bras y acourant , qu'il ne pouuoit haucer le
pour donner coup ne foy manier . A ceſte
caule luy fut crié : Retire , arriere , arriere . La
quellevoix
arriere paffant de degré en degré arriere,
,commença à faire fuyr les derniers , &
demainen main les autres,auecques telle furie,
qu'ils
ta rompirent
vainfele d'eux
deffein des mefmes
Oddes . Ainfi
par vn demeu
fi debile ac
cident .Enquoy eft à confiderer, que l'ordon
nance d'vn oft n'eft pas feulement neceffaire
pour cobatre en bon ordre, mais auffi de p
quelemoindreaccident furuenant ne le paour mette
en defordre . Qui eft la caufe
multitude rquoy vnc
populaire cft inutile pou
à laguerre, par
DISC. DE NIC. MACCHIA.
ce que tout bruit , toute voix, tout mouuement
l'eftonne, l'altere , & met en fuyte.Pource doit
lebon Capitaine ordonner, entre autres chofes,
qui feront ceux qui deüront receuoir la parolle
& la paffer aux autres , & acoustumer fes gens à
ne croyre qu'à leurs chefz , lefquelz ne portent
parolle que celle qui leur eft commife . A fau
te de ce faire, maintesfoys font auenuz maints
grans defordres.
Quant eft de voir chofes nouuelles,tout Ca
pitaine fe doit eftudier a enfaire quelqu'vne a
paroiftre fur le point & chaleur de meflce , la
quelleferue à croiftre le courage desſiens & a
mortir celuy de fes ennemys . Car entre autres
accidens ceftuy eft de grade efficace pour la vi
Incoueniet
ctoire . Dequoy fe peult alleguer en tefmoigna
par veie
ge C. Sulpitius Dictateur Romain , lequel ves
de chofe nant à la bataille2 contre les Françoys , arma
nouvelle.
tous les pionniers & autre vile gent du camp,
qu'il fir monterfur muletz &. autres fommiers.
auecques telles armes qu'il les fit fembler gens
de cheual : les mit derriere vne montaigne a
uecques commandemet de ne faillir à vn fignal
que leur feroit donné fur le fort de l'eftour , de
fe defcouurir &monftrer aux ennemys. Ce qu'e
ftant executé comme il eftoit ordonné , efpou
uenta tellement les Françoys , qu'ils perdirent
la bataille.Pourtant doit le bon Capitaine faire
deux chofes :l'vne d'auifer à troubler & efton
ner fon ennemy par telles inuentions nouucl
les:l'autre, d'eftre pourueu de remede à les def
couurir
SVR LA I. DECA . DE TIT. LI. 225
couurir quand fon ennemy en vferoit , & à les
luy rendre vaines , comme le Roy d'Inde fit à
Semiramis
Semiramis , laquelle voyant ce Roy venir con
tre elle auecques grand nombre d'Elephans ,
pour l'efpouuenter & luy monftrer qu'elle en
eftoitgarnie, en forme de cuyr de Bufles & de
Vaches,qu'elle mit fur des Chameaux &fit mar
cher deuant : Ce que le Roy connoiffant , tour
na fon intétion à fon dommage . Eftant Mamer- Mamercus,
Dictateur contre les Fidenates , pout efton
uerlesRomains , auiferent faire fortir de la vil
le furl'ardeur du conflit vn nombre de Soldatz
portant du feu au bout de leurs lances, afin que
les Romains occupez de ceſte nouueauté rom
piffent leurs rengs . Sur quoy eft à noter , que
quand telles inuentions ont plus du vray que
du feint, àlors fe peuuent prefenter aux hom
FF
DISC. DE NIC. MACCHIA
fent vifage,leur difant :
chapitre XV.
chapitre XVI.
Chapitre XVII.
Chapitre XVIII.
SVR LA I. DECA. DE TIT. LI. 230
Paminondas de Thebes difoit
rien n'eftre plus vtile & plus ne
ccffaire à vn Capitaine , que co
E gnoiftre les deliberations & par
tiz de fon ennemy. Et d'autant
que telle cognoiffance eft difficile , plus merite
de loüange, qui fait fi bien qu'il les coniecture.
Or n'eft pas de telle difficulté entendre ſes def
feins,qu'il eft quelquefois d'entendre les actiós.
Auffi moins eft quelquefois fentir les fiennes &
celles qui fe font par luy en lieu loingtain , que
les prefentes & les prochaines. Car fouuent eft
auenu,qu'ayant la bataille duré iufqu'à la nuict,
levaincueur penfoit auoir perdu , & le perdant
auoir vaincu. Ce qui a fait deliberer des chofes
contraires au bien du deliberant, comme auint
à Brutus Caßius , lefquelz par cefte faute fu
rent deffaitz, au moyen que Brutus ayat vaincu
defon costé , Caßius creut qu'il auoit perdu, &
quetoute l'armée fut en route, dequoy tombat Mort de
en defefpoir , foccit luy mefme. De noftre téps Caßim .
en la iournee de François Roy de France corre
lesSuiffes à fainte Cecile, qui eft en la Lombar
die ,la nuict furuenát le nombre des Suiffes, qui
eftoit demeuré entier,penfa auoir la victoire,ne
fcachant rien de ceux qui auoient efté rompuz
& occis. Lequel erreur empefcha qu'eux mes
mes fe fauuaffent , pour l'attente qu'ilz auoient
de combattre derechef le matin auecques leur
figrand auantage: Et firent encores errer,& par
tel erreur prefque ruyner l'armee du Pape , &
DISC . DE NIC . MACCHIA.
d'Efpaigne, laquelle fur cefte faufe nouuelle de
וויג
la victoire paffa le Pau, & felle eut marché plus ***
1 Af** t
auant , f'en alloit prifonnier des François victo
rieux.Semblable erreur efcheut au camp des Ro
Sepronius mains, & en celuy des Eques, là où eſtant sem.
contre les pronius Conful à l'encontre des ennemys , ve
Eques. nant aux mains dura la bataille iufques au foir
en diuerfes fortunes pour l'vn & pour l'autre:
& la nuict venue , eftans les deux armees demy
ropues , nul ne retourna des deux parts en leurs
logemens , ains chacun fe retira és monts pro
chains , où ilz eftimoient eftre en plus grande
fenreté, & l'armee Romaine ſe diuifa en deux
parties , dont l'vne fuiuit le Conful , l'autre vn
Tempanius Centurion , par la vertu duquel les
Romains ce iour n'auoiét efté du tout deffaitz.
Au matin le Conful Romain (fans entendre au
tre chofe de fes ennemis ) tira vers Rome, & au
tant en fit l'armee des Eques , eftimant chacun
que fon ennemy eut vaincu. Partant les vns &
les autres fe retirerent , fans fe foucier de laiffer
leur camp à piller. Auint que Tempanius , qui e
ftoit auecques le refte de l'armee Romaine , fe
voulant auffi retirer , fut auerty par aucuns des
Eques naurez , que leurs Capitaines eftoiér par
tis & auoient abandonné leur camp : Parquoy
fur cefte nouuelle entra au camp des Romains,
qu'il fauua , & apres faccagea celuy des Eques,
retournant par apres victorieux à Rome. La
quelle victoire (comme l'on void) conſiſte ſeu
lement à qui le premier d'eux aura entendu le
SVR LA I. DECA . DE TIT. LI. 237
defordre de fon ennemy. En quoy fe doit con
fiderer comme fouuent peut auenir que deux
armees eftans à front l'vne de l'autre ,foient en
mefme defordre , & fouffrent pareilles neceffi
tez, & que celuy demeure vaincueur , qui pre
mier aura fceu les neceffitez de l'autre. Ie vous
veux donner de cecy vn exemple domestique
& recent. L'an mil quatre cens nonantehuict,
quand les Florentins auoient vne groffe armee
deuant Pife , & la ferroient de bien pres : de la
quelle les Venitiens ayans prins la protection,
& nevoyans autre moyen de la fauuer, delibe
rent diuertir celle guerre en affaillant d'autre
cofté, & affemblerent vne puiffante armee , en
trerent par le val de Lamona , & occuperent le
bourg de Marradi, & affiegerent la Roccha di Ca
filione , qui eft fur la montaigne. Ce que fenty
par les Florentins delibererent fecourir Marra
di , fans diminuer les forces qu'ilz auoient de
uant Pife. Ainfi leuent gens de pied nouueaux,
& caualerie nouuelle , qu'ilz enuoyent en ceſte
part , defquelz furent chefz Iacobo quarto d'Ap
piano, feigneur de Piombino , & le Comte Rimic
cio da Martiano.Eftant doncques cefte gent con
duite fur la montaigne, qui eft au deffus de Mar
radi, les ennemis leuerent le fiege de deuant Ca
filione , & fe retroauerent tous au bourg. Or a
yans efté ces deux armees quelques iours à frót
I'vne de l'autre , chacune auoit grande faute de
viures, & de toute autre munition neceffaire, &
n'auoit l'vne la hardieffe d'affaillir ny affronter
DISC. DE NIC. MACCHIA.
l'autre , n'eftans les defordres cogneuz ne deça
ne delà , fe delibererent toutes deux vn mefme
foir de leuer leur camp le matin enfuyuant , &
faire retraite le Venitien vers Berzighella &
Faenza:le Florentin vers Cazaglia & il Mugello.
Venu doncques le matin, que chacun auoit co
mencé à trouffer bagage , de fortune fortit vne
dame du bourg de Marradi, qui vint vers le cap
des Florentins,affeuree,à caufe de fa vicilleffe &
fa pauureté, defirant fort voir aucuns de fes pa
rens qui eftoiét en ce cap , par laquelle les chefz
de l'armee Florentine auertis que le camp des
Venitiens deflogeoit,prindrent cucur par cefte
nouuelle , & leur confeil changé marcherent
contre leurs ennemis , comme filz les euffent
deflogez, & efcriuirent à Florence, qu'ilz les a
uoient chaffez & la guerre gaignee, laquelle vi
&toire ne leur vint que d'auoir premier entendu
que leurs ennemis fen alloient : En forte que fi
cefte cognoiffance fut deuant venue aux autres,
ilz en euffent autant fait contre nous.
chapitre XIX.
SVR LA T. DECA. DE TIT. LI. 232
A Republique Romaine
D eftoit troublee par les ini
mitiez dela nobleffe & de
la commune:neantmoins,
leur furuenant guerre , y
enuoyerent Quintius , &
Appins Claudius.Appins,à
caufe de la cruauté & rudeffe,fut mal obey des
fiens ,tellement que demy rompu f'enfuit hors
defa prouince. Quintime qui eftoit de benigne
& humaine nature cut fes foldatz obcïffans , &
remporta la victoire. Parquoy femble qu'à gou
uerner vne multitude foit meilleur eftre hu
main,que fuperbe,& piteux,que cruel. Toutes
fois Cornelius Tacitus ( auquel plufieurs autres Cornelin
confentent) conclud le contraire en vne fienne Tacitus.
fentence , difant:
>
In multitudine regenda , pluspœna , quàm obſe
quium, valet.
Au gouuernement d'vne multitude mieux
Vaut la rudeffe,que la douceur.
Or à confiderer comme fe peut fauuer l'vne
& l'autre de ces deux opinions , ie dy que où tu
as à manier gens & regir , qui te font ordinaire
ment compagnós, ou gens, qui oufiours tefont
fubietz . Enuers ceux qui fontcompagnos il n'y
aordre d'vfer de la feuerité dequoy parle Cor
nelius. Et d'autant que le commun peuple auoit
à Rome pouuoir egal à celuy de la nobleffe,
quiconque deuenoit Prince pour vn temps ne
DISC. DE NIC. MACCHIA.
le pouuoit manier par cruauté & rudeffe . Auffi
fe void en plufieurs , que les Capitaines Ro
mains , qui le faifoient aymer des foldatz , ont
fait meilleur faict , que ceux qui le faifoiet crain
dre extraordinairement, f'ilz n'eftoient accom
pagnez d'vne vertu excefliuc , comine Manlius
Torquatus. Mais qui commanderoit à fes fubierz
(defquelz parle Cornelius ) de peur qu'ilz deuien
nent infolens, & que par ta facilité rrop grande
ilz ne t'encheucftrent ,il doit pluftoft le tourner
à la rigueur qu'à la douceur:mais encores cefte
rigueur doit eftre moderee, en forte que la hay
ne f'cuite:car de le faire hayr iamais ne prit bien
à Prince. Le moyen de fen exempter eft de ne
toucher aux biens de fes fubierz. Car du fang
(fil n'y a deffous quelque pillerie cachee) n'y a
Prince qui enfoit friand , f'il n'eft contraint , &
cefte neceffité ne vient gueres. Mais fi la pille
rie y eft meflee elle vient toufiours , & iamais
n'y a faute de caufes ny de defir de l'efpandre:
comme a efté amplement difcouru en vn autre
Traité du traité,qui eft de cefte matiere.Ainfi merite plus
d'honneur Quentius qu'Appius , & la fentence
Prince de de Cornelius doit eftre obfernce en les termes,
Macchia
uel. non pas au cas d'Appius . Or pource que nous
auons parlé du doux & rigoureux traitement, il
ne me femble fuperflu de monftrer comme vn
exemple d'humanité cut plus de pouuoit fur les
Falifques, que les armes.
Va
SVR LA I. DECA . DE TIT . LI. 233
Inexemple d'humanité eut plus depouuoir enuers
les Falifques,quente laforce Romaine.
Chapitre xx.
GG
DISC. DE NIC. MACCHIA.
Pyrrhus. uoient chaffer Pyrrhus hors d'Italie , & la libe
ralité de Fabricius l'en mit hors , quand il luy
defcouurit l'ouverture, que l'vn de les domefti
ques auoit fait aux Romains de l'empoifonner .
Vous voyez comme la prife de Cartage neuue
ne donna à Scipion tant de reputation , que fit
fon acte de chafteté, d'auoir rédu vne belle ieu
ne dame à fon mary , fans luy toucher , lequel
bruit luy gaigna l'affection de toute l'Eſpagne.
Vous voyez d'auantage combien cefte bonne
partie eft defiree par les peuples és grans per
fonnages, & combien elle eft loüee par les Hi
ftoriens, & par ceux qui efcriuet la vie des Prin
ces, & par ceux qui ordonnent comme ilz doi
uent viure. Entre lefquelz Xenophon fe trauail
le fort à declarer, quel honneur,quantes victoi
res ,quelle renommee acquit à Cyrus fon huma
nité & gracieufeté, & de ne donner aucune co
gnoiffance en luy de fiereté,ne cruauté, ne de lu
xure,ou autre vice qui fouille & tache la vie de
l'homme . Toutesfois, voyant Annibal par mo
yens contraires auoir gaigné tel loz & bruit, &
fi grandes victoires,mon vouloir cft de difcou
rir au chapitre enfuyuant d'où cela procede.
chapitre XXI.
Chapitre XXII
SVR LA I. DECA. DE TIT. LI. 236
Rome furent deux Capitaines ex
cellens en mefme temps , Man
lius Torquatus , & Valerius Corui
nus , lefquelz vefquirent en fem
blable reputation de vertu ,fem
blables de triumphe & de gloire: & l'vn & l'au
tre (quant à ce qui concernoit l'ennemy ) par
pareille proüeffe le conquirent ; Mais quant à
ce qui touchoit les armees & l'entretien des
foldatz , ilz y procederent diuerfement . Car
Manlius leur commandoit auecques toute for
tede feuerité , fans leur donner repos ne rela
fche de peine & trauail : Valerius d'autre part
les entretenoit par toute douceur & humani
té , & priuauté familiere. Auffi l'on void pour
gaigner l'obeïffance des foldatz , l'vn occit,
l'autre n'y offenfa iamais homme. Neantmoins
en telle diuerfité de mœurs tous deux firent
pareil fruit tant contre les ennemis , qu'en
faueur de la Republique , & le fien . Telle
ment que iamais foldat ne refufa la bataille , ne
ferebella contre eux , ne contreuint en aucu
ne chofe à leur vouloir, combien que les com
mandemens de Manlius fuffent fi afpres & fi
durs que tous autres commandemens qui ex
cedoient mefure , eftoient nommez Manlia
imperia. En quoy eft premier à confiderer
d'où vint , que Manliusfut contraint de proce
der fi rigoureuſement : l'autre comme Valerius
peut proceder fi humainement ,puis qui eft cau
que ces deux moyens diuers produifent mel
GG j
DISC. DE NIC. MACCHIA .
me effect , le dernier lequel des deux eft meil
leur & plus vtile à imiter. Si quelqu'vn confi
dere bien la nature de Manlius , de l'heure que
Tite Liue commence à en faire mention, le ver
ra homme fort & vaillant , piteux vers fon pe.
re , & vers la patrie , & trefreuerend à fes ma
ieurs.Ces parties cognoiffent en luy par la mort
du François , par la deffenſe de fon pere contre
le Tribun , & comme auant qu'entrer au com
bat contre les François alla au Conful auecques
telles parolles :
Chapitre. XXIII,
1
SVR LA 1 . DECA. DE TIT. LI. 240
I.
2930 Ous auons cóclud cy deffus, qu'en
procedat comme valerius , on fait
dommage à la patrie & à foy mef
me,& procedant comme Manlius,
ou fait bien à la patrie, & aucunes
foison fe fait tord : Ce qui fe prouue bien par
l'exemple de Camille , lequel en fa maniere de
proceder tiroit plus fur Manlius que fur Valerius
dont dit Tite Liuc de luy:
Chapitre • XXIIII.
Chapitre XXV.
quesà
te cccc.anfgrand
y regnatre
, s,depuys que Rome fut conftrui
e pauure té . Et n'eft o
ble croya
ordre
que effait
ceftde
,que proced aft d'autre
ce que l'on void la plus
pauure tégrand
n'y
pertes de
recour cefte armee : tellement qu'elle cut
à la creation du Dictateur leur dernier
remedeen l'extremité
de leurs affaires . Et cree
rentL.Quintus Cincinatus ,lequel eftoit en fa pe- Cincinatu
tite maifon des champs , qui labouroit de fap
main :Ce que Tite Liue recommande en motz`
pauure.
dorcz,difant:
HH ij
DISC. DE NIC. MACCHIA .
Operepretium eft audire qui omnia pra diuitii hu
mana fpernunt,neque honori magno locum,neque vir
tutiputant effe,nifi effuſe affluant opes:
HH iij
DISC. DE NIC. MACCHIA .
guetre,lequel fur le premier argent qui iamais 77
cuft entré en fa maiſon . L'on pourroit icy de
duyre vn long propos , combien pauureté pro
duit de meilleurs fruits, que richeffe , & com
me elle a mis en honneur,Citez, Prouinces, Se
ctes, que l'autre a ruïné : mais ceſte matiere a
efté affez traitee par autres gens.
Chapitre XXVII
Chapitre XXVIII.
DISC . DE NIC . MACCHIA .
A Cité de Rome eftát ve w
xee de famine, tant que les
prouifions publicques ne W
fuffifoient à l'appailer.spu
rius Melius citoyen tres ri
che ( par le temps ) fe mit
à faire prouifion de for
meat en les greniers , dont il fuftentoit la com
mune, qui luy en fçauoit gré. Par ce moyen eut
telle affluence de peuple en fa faueur, que le Se
nat preuoyant l'inconuenient, qui de ceſte libe
ralité pouuoit fortir,pour l'eftaindre, auát qu'il
prit plus grande force, crea vn Dictateur, qui le
fit mourir. En quoy eft à noter comme fouuen
tesfois les œuures qui portent apparence d'hon
nefteté, que par raifon on ne pourroit repren
dre ,tournent en cruauté , & font dangereuſes
en vne Republique, fi à temps elles ne font cor
rigecs. Or pour plus particulierement diſcourir
ce poinct , ie dy qu'vne Republique ne peut e
ftre,ne fi bien gouuernee en aucune forte,fi elle
n'a citoyens de reputation. D'autre part cefte
reputation eft caufe de la tyrannie des Repu
bliques , & pour reigler cefte chofe y conuient
mettre tel ordre, que les citoyens foient estimez
de reputation qui profite , non pas nuife à la ci
té, & à fa liberté. Pource fe doiuent examiner
les moyens , par lefquelz elles facquierent , qui
font deux en effect , publiques , & priuez . Les
publiques font, quád celuy qui donne bon con
feil, & l'execute encores mieux pour le bien có
SVR LA J. DECA. DE TIT. LI. 247
mun,vient en reputation . A tel honneur fe doit
ouurir la voye aux citoyens , & propoſer ſalai
res & loyers,tant au bon confeil, qu'à l'œuure,
& honnorer & fatisfaire ceux qui en font au
teurs : Vous affeurans que les reputations gai
gnees par telz moyens eftans coys & fimples,
ne porteront nul dommage. Mais quand elles
font acquifes par voyes priuées (qui eft l'autre
maniere alleguee) font du tout perilleuſes. Les
voyes priuees font, faire plaifir à tel & à tel, en
leurpreftant argent,mariant leurs filles, les def
fendant contre les Magiftratz, & vfant de fem
blables faueurs particulieres accouftumees en
tre gens partifans , lefquelles donnent cucur à
ceux qui font ainfi fauorifez de pouuoir cor
rompre le publique, & forcer les loix. Docques
vne Republique bien ordonnee doit ( comme
a efté dit ) ouurir la voye à ceux qui pourchal
fent leurs faueurs , par voyes publiques , & les
clorre à ceux qui y tendent par les priuees.Co
mefevoid que Rome fit, laquelle pour recom
penfe de ceux qui bien faifoient pour le publi
que,ordonna les triomphes & autres honneurs,
qu'elle donnoit à fes citoyens , & en punition
de ceux qui fous diuerfes couleurs tendoiét par
voyespriuces à foy faire grans, eftablit les accu
fations.Et au cas qu'elles ne fuffiffent lors que le
peuple eftoit aueuglé d'vne efpece de bien faux,
ordona le Dictateur, lequel auecques bras royal
fit r'entrer dedans les bornes celuy qui en feroit
forty,
comme elle fit punit Spurim Melius. Et
DISC. DE NYC. MACCHIA .
vne de telles.fautes fe laiffant impunie eft fuf
fifante à ruyner vne Republique : d'autant que 3.
"
difficilement auecques tel exemple , fe reduit a
pres à la vraye vic.
Chapitre XXIX.
Chapitre XXX.
11
DISC . DE NIC. MACCHIA .
faire , ne leur permettant l'autorité qui eft nc
Deux ma-ceffaire és cas d'importáce . Cefte enuie feftaint
nieres d'e- par deux manieres , ou par quelque gros acci
ftaindre dent & difficile, auquel chacun ,voyant fon pc
ril,mife arriere toute ambition , court volontai
enuie.
rement fous l'obeïffance de celuy , qu'il eftime
auoir en luy vertu de le deliurer , comme il auint
de Camille: lequel ayant defia donné tant de fi
gnes de fon excellence , ayant efté trois fois Di
ctateur,adminiftrant toufiours ceft eftat à l'vti
lité publique,non à la fienne, plus on n'auoit fa
grandeur fufpecte : auffi ne tenoient à honte de
fe voir fous la main de fi grand & tant eſtimé
perfonnage . Pource a dit Tite Liue fi fagement,
Nec quicquam,& c.
En autre forte feftaint l'enuie,quand par vio
lence ou par ordre naturel ceux viennét à mou
rir , qui vous eftoient concurrens en quelque
degré de reputation & grandeur. Lefquelz fe
voyans par vous deuancez , eft impoffible que
iamais fe tiennent coys & en patience , mefme
ment quand ce font gens accouftumez à viure
en vne cité corrompue , là où la nourriture ne
ait femé en eux aucune bonté, ny accident, tant
grand foit il, qui les peuft reduire : ains,pour fa
tisfaire à leur volonté peruerfe, feroiét contens
de voir la ruyne de leur patrie. Pour vaincre ce
fte enule n'y a autre remede, que la mort des en
uieux. Et quand la fortune eft tant fauorable à
l'hommevertueux , qu'ilz viennent à mourir,il
monte en gloire fans fcandale, lors que fans of
SVR LA I. DECA. DE TIT. LI. 250
fenfe & empeſchement il peut mettre la vertu
en cuidence. Mais quand ceſte bonne auentu
rene les fuit , luy conuient pourpenfer par tous
moyens de f'en depefcher , & de vaincre cefte
difficulté auant que d'entreprendre autre cho
fe.Et qui lira la Bible auecques fens & confide
ration, verra que Moyfefut contraint, pour efta
blit & confirmer fes loix & ordonnances , tuer
hommes infinis, qui par enuie feule foppofoiet
à fes deffeins . Cefte neceffité bien cognoiffoit
frere Hierofme Savonarola , auffi faifoit Pierre Sauona
Soderin porte cornette de Florence. L'vn ne la rola..
3
peut vaincre n'ayant autorité pour le pouuoir
÷
faire,c'eſt à fcauoir le religieux, & par faute d'e
ftrebien entendu par ceux qui le fuyuoient, qui
euffent bien eu l'autorité.Neantmoins à luy ne
tint, & fes fermons font pleins d'accufations &
inuectiues contre les fages du monde. Ainfi nó.
moit fes enuieux qui refiftoient à fes ordon
nances. L'autre cuidoit auecques le temps par
bonté & par fa fortune , en gaignant quelqu'vn
par liberalité, eftaindre cefte enuie,fe voyant en
fleur d'aage , & auecques tant de faueurs nou
uelles, que fa maniere de proceder luy attiroit,
qu'il efperoit auoir la raifon de ceux qui par en
uic luy contredifoient , & ce fans fcandale, vio
lence ,ne tumulte. Mais il ne fcauoit pas que le
tepsne lepeut bien attendre,la bonté ne fuffit,
fortunevarie
la ,& mefcháceté ne trouue,biéfait
II ij
DISC. DE NIC. MACCHIA.
fceu,ou peu vaincre.cefte enuic .
L'ordreque L'autre poinct notable de ceſte hiſtoire ek
mit Camil l'ordre que mit Camille dedans & dehors,pour
le pour la le falut de Rome. Et vrayement non fans cauſe
deffenfe de les bons Hiftoriens (comme eft le noftre) met
Rome. tent par efcrit particulierement & diftinétemét
certains cas,à ce que la pofterité appreuue com
me elle fe doit deffendre en femblables accidés.
Auffi eft à noter de ce pas , qu'il n'eft point de
plus inutile deffenfe, que celle qui fe fait tumul
tuairement & fans ordre.Ce qui fe monftre par
la tierce armee, que Camille fit enroller pour la
garde de Rome , que plufieurs auroient iugé &
iugeroient fuperflue , eftant ce peuple ordinai.
rement armé & belliqueux , comme fil ne l'eut
fallu autrement enroler:mais que ce fut affez de
les mettre en armes quand le befoin viendroit.
Mais Camille & quiconque fera fage comme
luy,le iugera autrement:parce qu'on ne doit ia
mais permettre à vne multitude de prendre les
armes , finon droit & par ordre. Par ceft exem
ple ceux qui ont la garde d'vne cité doiuet fuyr
comme vn rocher les armes tumultuaires : mais
doiuent auoir auant enrollé & choifi ceux que
ilz veulent eftre armez , ceux qui leur deuront
obeïr, où ilz fe trouueront & affembleront , &
commander aux autres de foy tenir en la garde
de leurs maiſons Ceux qui tiendront ceft ordre
en vne ville affiegee fe pourront ailément def
fendre . Qui autrement fera n'enfuyura pas Ca
mille, & mal fe deffendra.
SVR LA I. DECA. DE TIT. LI . 251
Les Republiques fortes , & lesperfonnages
excellens, entoutefortune tiennent un
cueurpareil, leur digni
té mesme.
Chapitre XXXI.
Chapitre. XXXII.
SVR LA I. DECA. DE TIT. LI. 254
Es Circees , & les Velitres, deux Circees.
colonies.eftans rebellees contre Velitres.
le peuple Romain, foubs efpera
ce d'eftre defendues par les La
tins , depuis eftans les Latins
vaincuz, & cefte efperance faillie, plufieurs des
Citoyens confeilloient que l'on deuft enuoyer
Embaffadeur à Rome pour fe recommander
au Sehat. Lequel party fut troublé par ceux qui
auoient efté auteurs de la rebellion , crai
gnans que toute la punition retombaft fur leurs
teftes.
Chapitre XXXIII.
chapitre XXXIIII.
KK iij
J. DISC. DE NIC. MACCHIA.
Combien eft dangereux fe porter chef de confeil
de quelque entreprinfe , & commed'autant
plusqu'ily a d'extraordinaire ,plus
grandy eft leperil
Chapirre XXXV.
3:31
Ombien y a de danger à foy faire
chef d'vne , chofe nouuelle qui
concerne plufieurs , & quelle diffi
culté y a à la manier & à là con,
duire, & conduite l'entretenir, fe
roit trop longue & haute matiere à difcourir.
Pourtant la referuant à lieu plus conuenable,
feulement parleray du peril où le mettent les
Citoyens , ou ceux du conseil d'vn Prince , fe
faifans chefz d'une deliberation graue &impor
tante, enforte qu'on en remette fur luy tourle
fucces . Par ce que les hommes iugent les affai
res par la fin, laquelle eftant contraire , tout huy
eft imputé. Vray eft quefuccedant bonne,l'au
teut y a quelque honneur : mais trop fen fault
que la recompenfe, vienne au contrepoix du
dommage . Sultant Saly regnant à preſent , dit
le grand Turc, eftent preft & appareillé ( felon
que nous raportent aucuns qui viennent de ces
païs ) de faire l'entrepriſe de Sirie, & d'Egypte ,
fut confeillé par vn de fés Bachaz , lequel tenoit
les confins de Perfe , d'aller contre Sophi . Suy
pant lequel il y alla en groffe puiffance , & arri
uant au païs , qui eft de grande eftendue , où
SVR LA I. DECA. DE TIT. LI. 260
font force defertz & peu de riuieres , fe trou
uant es difficultez qui iadis ont ruïné mainte ar
mee Romaine , en fut tellement opprimé, que,
combien qu'il cuft le meilleur des armes , il y
perdit grand' partie de fes gens par pefte & fa
mine: dont il conceut tel courroux contre l'au
teur de ce confeil, qu'il luy coufta la vie.
On lit de plufieurs Citoyens , qui, comme
autheurs d'entreprise de manuaife y fue , ont e
té enuoyé en exil . A Rome aucuns Citoyens.
Romains furent d'auis, que l'on creaft vn Con
fulextrait de la commune , & auint que le pre
mier qui fortit dehors en armes fut deffait. Dót
cuft mal pris à telz Confeillers , fi la partie, en
l'honneur de laquelle la deliberation auoit efte
faite , n'euft eu lors grand pouuoir. C'est donc
ques chofe certaine que ceux qui donnent con
feil à vneRepublique , ou à va Prince , font en
cefte perplexité , que fils ne leur confeillent
chofes qui femblent eftre à l'vtilité de la Cité,
ou du Prince , fans refpca , ils ne font leur de
uoir: S'ils les leur confeillent,ils entrent en pe
ril de leur vie ; & eftat : par ce que tous les hu
mains font queugles en ce qu'ils jugent tout
confeil bon ou mauuais , par fon yffue . Or pour
confiderer en quelle maniere on pourroit cuiter
cefte infamie ,ou ce dager : ie n'y voy autre voye
que de prendre les chofes moderément , fans
porter le faiz de l'entrepriſe & dire fon opinió,
fans foy paffionner , & auecques pareille mode
ticla fouftenir & defendre. En forte q fi la cité
KK ij
DISC. DE NIC . MACCHIA.
ou le Prince la fuit, qu'il la fuiue de fon gré,
fans qu'il femble y eftre tiré par ton importuni
té . Car il ne feroit raisonnable qu'vn Prince,
ou vn peuple , te voufiffent mal pour ton con
feil,qui auroit efté pris du cofentement de plu
fieurs.Mais le danger eft en celuy, quia eftéfort
debatu , duquel apres la fin mal fortunee rend
les contredifans concurrens à ta ruïne . Et fi en
ce cas ſe perd la gloire que celuy aquiert qui
tient feul vne opinion cotre tous, laquelle vient
à bonne fin, auffi en recompenfe y a deux biens:
Le premier d'eftre hors de danger : le ſecond,
que fitu conſeilles vne chofe modeftement, &
que par contredit ton confeil ne foit fuiay , &
qu'il en auienne quelque dommage,il t'en vient
grand honneur . Et combien que la gloire , qui
fort des maux de la Cité, ou de ton Prince,ne te
donne de foy grand' iouïffance , fi en doit on
tenir quelque conte . Ie croy que l'on ne fçau
roit donner à homme autre confeil en ce cas:
Entant que qui feroit d'auis qu'ils fe teuffent,
fans dire leur opinion , feroit contre l'utilité de
la Republique , ou de leurs Princes , & fi ne ſe
mettoient hors de peril : par ce qu'en peu de
temps ils deuiendroient fufpectz , voire leur en
pourroit auenir come aux amys de Perles Roy
de Macedone.Lequel ayant efté defait par Pan
lus Emilius , & eftat en fuite accompagné d'au
cus de fes amys,auint à l'vn d'eux en remébrant
les chofes paffees de remettre à Perfes deuant
les yeux plufieurs fautes par luy commiſes , qui
SVR LA I. DECA. DE TIT. LI. 261
auoient efté cauſe de fa ruyne. Auquel dit Per- Exeple de
fes fe retournant vers lay:Ha traiftre ! me l'as tu n'auoir do
gardé à dire maintenant qu'il n'y a plus de re- né confeil.
mede ? Et fur ce le tua de fa propre main. Ainfi en temps.
porta il la peine de feftre tenu coy , lors qu'il
deuoit parler,& d'auoir parlé quand il ſe deuoit
taire,& n'euita pas le danger pour n'auoir don
né confeil : Parce croy ie que ce diſcours eft
bien à garder & obferuer,
: Chapitre xxxvi.
A fierté de ce François, le
quel aupres de la riuiere
d'Anien appelloit au com
bat les plus braues des Ro
mains , apres le cobat paf
fé entre luy & Titus Man- Nature du
lius , meremet en memoi- Fraçois an
re ce que Tite Liue a dit plufieurs fois : que les combat.
Gaulois à l'entree du combat font trop plus que
hommes , & fur la fin deuiennent moins que
femmes. Et penfant d'où ce peut proceder, plu
fieurs croyent que leur nature foit telle , ce que
i'eftime eftrevray. Mais celà n'emporte que ces
fte nature qui les tient fi fiers au commence→
DISC. DE NIC. MACCHIA.
ment,ne fe puiffe par art dreffer & façonner,en
forte qu'elle les maintienne en leur fierté iuf
Trois ma- ques à la fin, Et pour le pronuer ie dy , qu'il y
nieres on a trois manieres d'armees : L'vne , où y a fureur
qualitez & ordre (car de l'ordre fort la fureur & vertu)
darmees. comme eftoit celle des Romains , en laquelle
Lapremie- on void en toutes les hiftoires qu'il y auoit vn
re. bon ordre , qui de longue main y auoit.mis &
introduit vne difcipline militaire : Car en vn
oft bien ordonné nul ne doit rien faire que par "
reigle. Auffi fe trouuera qu'au camp des Ro
mains ( defquelz comme vaincueurs du mon
de tous autres doiuent prendre exemple) on ne
mangeoit, on ne dormoit, on ne marchandoit:
brief, nulle action militaire ne domestique ne
fy faifoit , fans ordonnance du Conful : car les
armees qui en yffent autrement ne font vrayes
arinees , & fil cri fort quelque acte de preuue,
c'eft par fureur & impetuofité qu'elles le font,
non par vettu : Mais où la vertu eft ordonnee,
elle exerce fa fureur par moyens & auecques le
temps. Et ne peut fourdre difficulté aucune qui
Fabatte & luy face perdre le cueur , à caufe du
Th bon ordre qui leur rafraifchift & renforce le
Jasescourage nourry d'efperance de vaincre laquelle
ne faut jamais tant que les ordres font entiers.
La feconde Au contraire auient és armees où la fureur do
maniere. mine & non l'ordre, comme eftoient celles des
François,lefquelz toufiours defailloiét au com
bat: Au moyen que ne leur fuccedant la victoi
reen leur premier effort, & la fureur, en laquel
SVR LA I. DECA. DE TIT. LI. 262
le gifoit leur efpoir , n'eftant fouftenue de verru
ordonnee, auenoit que n'ayans hors d'icelle au
cune autre confidence , fi toft qu'ilz eftoient
refroidiz, c'eftoit fait d'eux. Au contraire les Ro
mains redoutans moins les perilz , à caufe de
leur bon ordre , fans auoir deffiance de la vi
ctoire , de mefme cueur & mefme vertu com
battoient fermes & obftinez , autant en la fin
qu'au commencement : voire tant plus eſtoient
ilzagitez des armes ,plus ilz f'enflammbient.La
tierce qualité des armees eft celle , où n'y a fu- La iÿ.ma
reurnaturelle,ny ordre accidental, comme cel- niere.
les de noz Italiens , lefquelz font du tout inuti
les, & ne vaincront iamais,fi elles ne fembatent
fur vne autre , que quelque accident mette en
faire.Dequoy , fans en amener autres exemples,
l'on void affez chacun iour quelle preuue ilz
font de vertu. Orà fin que par le temoignage
de Tite Liue chacun entende quelle eft la bon
nedifcipline de guerre , & quelle eft la mauuai
fegie veux alleguer le propos de Papirius Curfor Papirim
alors qu'il vouloir punir Fabius maistre de la Curfors
Caualerie, quand il dit: Honu lai
1 Jel tiol :
Nemo hominum, nemo deorum verecundiam ha
bear, non edifta Imperatorum, non aufpicia obferuen
tur,fine commeatu vagimilites in pacato , er in how
ftico errent , immemores facramenti licentiafola ubi
velint exauctorentur , infrequentia deferantur fi –
gna, neque conueniatur ad edictum , nec difcernatur
inter diu, nocte, aquo , in que loco , iniuſſu imperato
DISC. DE NIC, MACCHIA.
rispugnent, nonfigna , non ordinesferuent , latrocini
modo caca , &fortuita , pro folenni & facrata mi
litia fit.
chapitre XXXVII.
Chapitre XXXV111
viii..
2
27. Alerius Coruinus eftoit ( comme Valerius
deffus auons dit ) campé contre Corninus
les Samnites ennemis nouueaux
du peuple Romain : là où pour
affeurer fes foldatz & leur don
ner à cognoiftre leurs ennemis , leur fit faire
quelques legieres efcarmouches. Ce ne luy fuf
fit , ains voulut bien auant la bataillé parler à
2 eux ,leur monftrant par grande efficace com
me ilz deuoient faire peu de conte de telles
gens, alleguant la vertu des fiens, fans y oublier
LL
DISC. DE NIC. MACCHIA.
Chapitre XXXIX.
4102
Ntre autres chofes neceffaires à
vn chef d'armee , i'eftime la co
gnoiffance de l'affiette des païs :
fans laquelle & generale & par
ticuliere, il ne fcauroit bien con
duire vne entrepriſe. Et fi toutes ſciences re
quierent pratique à qui les veut acquerir par
faites,cefte cy la defire trefgrande. Et n'y a exer
cice qui donne cefte pratique ou cognoiffance
particuliere plus grade, que fait la chaffe. Pour
ce dient les anciens auteurs ,que les Heroës,qui
en leur temps gouuernoient le monde, auoient ,
A pris nourriture és foreftz & chaffes. Car, outre
cepoinct, la chaffe enfeigne maintes chofes tres
neceffaires en l'vfage de la guerre. Et Xeno
Cyrus. phon monftre en la vie de Cyrus, que fur le par
tement du voyage qu'il entreprenois contre le
Roy d'Armenie, comme il deuifoit,difoit à fes
gens , que cefte expedition n'eftoit qu'vne des
similitude chaffes qu'ilz auoient tant frequenté auecques
de la chaf- luy:& raméteuoit à ceux qu'il enuoyoit en em
Je dela bufches fur les montagnes, que leur office eftoit
guerre. femblable à ceux qui alloient tendre les retz fuc
SVR LA T. DECA. DE TIT. LI. 267
les petites collines , & à ceux qui couroient le
païs , qu'ilz eftoient comme ceux qui alloient
faire feuer la befte de fa bauge , pour la faire
donner dedans les retz.Ce que ie dy pour mon
ftrer que la chaffe ( felon l'opinion de Xeno
phon) eft vne image de guerre : partant exerci
ce honorable & neceffaire aux grans Seigneurs .
Auffi ne fe peut apprendre cognoiffance des
païs en maniere plus commode que par la chaf
le : d'autant que la chaffe fait entendre à celuy
qui en vfe, comme qui particulierement le païs
où ilz exercent. Et depuis qu'vn homme f'eft
fait vne entree familiere facilement apres peut
comprendre tout nouueau païs. Au moyen que
tous païs & toute portion & membre d'iceux,
..
ont quelque conformité enfemble , de forte
que par vn bien cogneu on paffe facilement en
la cognoiffance d'vn autre. Mais qui n'en au
roit nul pratiqué , à grande difficulté, voire ia
mais , finon par longue efpace de temps , n'en
pourroit aucun cognoiftre, & qui a cefte prati
que d'œil en tant comme gift cefte plaine,com
mefefleue ce mont iufques où defcend & fi
nift cefte vallee , & toutes autres chofes fem
blables , dequoy ila parauant fait habit de fer
me ſcience. Et qu'il foit vray,Tite Liue le mon
ftre par l'exemple de Publius Decius , lequel e- Publius
ftant Tribun des foldatz en l'armee que Corne- Decius.
lins Conful conduifoit contre les Samnites , &
eftant ce Conful reduit en vne vallee , où l'oft
des Romains pouuoit eftre enclos par les Sam-
LL j
DISC. DE NIC. MACCHIA,
nites,le voyant en tel peril, dit au Conful:
-LL iiij
DISC. DE NIC. MACCHIA .
Commelafraude aufait de laguerre
tourne àgloire.
Chapitre XL.
2.1.
Ombien que fraude en toute action
foit deteftable , toutesfois au mani,
ment des armes eft loüable & glo
rieuſe. Et ne merite moindre loiian
ge celuy qui furmonte fon ennemy par quel
que rufe , que qui l'auroit vaincu par force . Ce
qui fevoid par le jugement qu'en font ceux qui
defcriuent les vies des grans perfonnages , lef
quelz louent Annibal,& les autres qui ont efté
maistres de telles aftuces de guerre , dequoy ic
ne deduiray nul exemple , parce que les hiſtoi
res en font pleines.Seulement diray que ie n'en
tens les fraudes tourner à gloire , lefquelles te
font rompre la loy & les conuenances paffees:
Car combien que telles fraudes te feruent au
cunesfois à la conquefte d'vn eftat, ou Royau
nie (comme deflus a efté difcouru ) iamais ne
te porteront honneur : mais mon propos eft de
celles dont on vfe contre l'ennemy , qui ne fe
fie en toy lefquelles confiftent proprement au 1
maniment de la guerre.Comme fut celle d'An
nibal pres du lac de Perufe , quand il faignit la
fuite pour enclorre le Conful , & l'armee Ro
maine, & quand pour fortir hors des mains de
Fraude de Fabius Maximus , il mit le feu és armes defes
Annibal, beufz. Aufquelles fraudes fut ſemblable celle
SVR LA I. DECA . DE TIT. LI , • 269
dont vfa Pontius Capitaine des Samnites , pour
tenir en ferre l'oft des Romains dedás les four
chesCaudines : Lequel ayat retiré fon armée au
Couuert des montaignes, enuoya vn nombre de
fesgens en la pleine en habits de pafteurs, auec
ques quelques troupeaux,lefquelz eftas pris par
les Romains , & interrogez où eftoit l'oft des
Samnites , faccorderent tous en leur refponfe
ainfi quePontins leur auoit fait le bec . Et dirent
qu'il eftoit au fiege de Nocere: Ce que creurent
les Confulz , & fallerent enclorre dedans les
fourches , où ils n'entrerent fi toft qu'ils furent
affiegez par les Samnites . Et euft efté cefte vi
atoire honorable à Pontius ,fil euſt fuyuy le con
feil de fon pere,lequel eftoit d'auis que l'on laif
faft les Romains en pleine liberté , ou qu'on les
fift tous-paffer au fil de l'efpee,fans aucunement
tenir la voye moyenne.
Chapitre XLII.
7
1
SVR LA I. DECA . DE TIT. LE 271
CCBIK XLIII.
Chapitre
JUrLaIZyA
MK
Es hommes prudens ont acouſtu
བ་ བམ ?『
mé de dire (& non à tord) que qui
veult voir ce qui a à eftre,doit co
fiderer ce qui a efté . Pource que
toutes les chofes du mõde en tout
temps ont leur rencontre auecques les fiecles
paffez . Ce qui procede de ce qu'eftant œuures
des hommes , qui ont & toufiours auront mef
mes patrons ,fault de neceffité qu'ils fortiffent
mefmes effaitz . Vray eft que leurs actions font
ores en cefte prouince plus vertueufes qu'en vn
autre, & puis en l'autre font plus excellentes que
en cefte cy,felon la façon de la nourriture,en la
quelle tel ou tel peuple prend la forme de vis
ure . Encores ouure bien la connoiffance des
chofes à auenir par les paffees,de voir vne natio
par long cours de temps tenir pareilles meurs,
comme d'eftre ordinairement adonnee à l'aua
rice , ou d'eftre fine & malicieuſe , ou d'auoir
quelque autre femblable vice , ou vertu . Et qui
lira les chofes paffees de noftre Cité de Floren
ce, & confiderera auffi celles qui font auenues
de plus recente memoire , trouuera les peuples
Tudefques, & les Françoys, eftre pleins d'auari
ce,d'orgueil,de fierté & de defloyauté, qui font
leurs quatre vices , qui en diuers teps ont beau
coup offenfe noftre Cité . Et quant à la faute de
foy , chacun fçait quantesfoys ont efté deniers
nombrez au Roy Charles huictiefme pour la
DISC. DE NIC. MACCHIA,
promeffe qu'il faifoit de rédre les fortereffes de
Pife.Lefquelles il ne rendit iamais . En quoy
monftra affez peu de foy & beaucoup d'auari
cc.Mais laiffons ces chofes fi fraifches . Chacun
peult auoir entendu ce qui auint en la guerre
que fit le peuple Florentin contre les Vilcotins
Ducz de Milan , qu'eftant Florence priuee des
autres expédiés , penfa de conduire l'Empereur
en Italie , lequel auec fa reputation & les forces
Promeffeviendroit affaillir la Lombardie . L'Empereur y
nontenue promit venir à grande puiffance & mener cefte
par l'Em- guerre contre les Vifcontins , & defendre les
pereuraux Florentins contre eux,moyennant la fomme de
Florentins, c.mil ducatz , qu'ils luy donneroient auant que
fortir de fes païs, & c.mil autres quand il feroit
en Italic . Auxquelles pactions les Florentins
confentirent,& luy ayans payé la premierefom
me, & puis la feconde fi toft qu'il fut arriué à
Verone,fen retourna arriere fans aucune chofe
faire : allegant qu'ils auoient failly de quelques
conuentions paffees entre eux . En forte que fi
Florence n'euft efté ou cótrainte par neceffité ,
ou vaincue de paffions, & qu'elle cuft leu & có¬ 1
neu les meurs & couftumes anciennes des bar
bares,elle n'euft efté ce coup là ne plufieurs au
tresfoys ainfi trompee . Veu que toufiours elles
ont efté femblables vfans en tous lieux , & en
uers toutes gens de mefme terme , comme l'on
void qu'ils firent iadis aux Tofcans . Lefquelz
eftans opprimez pár les Romains , qui tant de
foys les auoyent mis en fuyte & rompuz , &
SVR LA I. DECA. DE TIT. LI. 272
LNIE voyans que de leur force ils n'eftoiét plus pour
refifter à leur effort, conuindrent auec les Gau
lois,qui deça les Alpes habitoient en Italic , de Promeffe
leurdonner vne fomme d'argent , moyennantfauce par
qu'ils fobligeaffent de ioindre leurs forces a les anciens
uec eux pour marcher enſemble contre les Ro- Gaulois
mains.Dont enfuyuit que les Françoys,l'argent Cifalpins.
receu, ne voulurent prendre les armes pour eux,
difans l'auoir eu , non pour faire guerre contre
leurs ennemys : mais feulement pour fabftenir
& n'entrer en leur païs de Tofcane . Ainfi ce
peuplepar l'auarice & infidelité des Gaulois,
demeura en vn coup priué de fes deniers , & du
fecoursque d'eux il efperoit. Tellemét que l'on
void par l'exemple tant des Tofcás anciens que
des Florentins, les Gaulois auoir tousiours vfé
de mefmes termes.Dequoy l'on peult affez cō
iecturer quelle fiance les Princes doiuent auoir
en telles gens .
Chapitre XLIIII.
DISC. DE NIC. MACCHÍA.
Stans les Samnites affailliz par l
puiffance de Rome , & ne pouuans
auec leur armee tenir campagne &
faire tefte aux Romains , delibere
rent (laiffans garniſon es villes de
Samnium)paffer auec toutes leurs forces en Tof
cane , laquelle auoit treues auecques les Ro-`
mains , pour voir par tel paffage fils pourroient
par la prefence de leur armee induire les Tof
cans à reprédre leurs armes . Combien que defia
ils l'euffent refufé à leurs Embaffadeurs . Et au
parlement que les Samnites tindrent auecques
lés Tofcans , en leur remonftrant mefmement
quelle caufe les auoit incitez à prendre leurs ar
mes,vferent d'vn propos notable,difans:
**
Rebellaffe,quodpaxferuientibus grauior , quàmli
beris bellum effet.
1
SVR LA I. DECA . DE TIT. LI. 273
noit,que du refus, ou delay, en peult fortir co
tre luy foudaine & perilleufe indignation , de
telz termes auons bien veu vfer de noftre temps
au Pape Iule contre les Françoys, & à monfieur Pape tule.
de Foix lieutenant pour le Roy de France, con- Foix lieute
tre le Marquis de Mantouë . Car le Pape , vou- nantpour
lant chaffer de Boulongne les Bentiuoles, & iu- le Royde
geant en ce cas auoir befoing de la force Fran- France.
çoyfe, & que les Venitiens demeuraffent neu
tres,& ayant pourchaffé l'vn & l'autre , fans en
pouuoir tirer refponfe, que douteufe & diuerfe,
delibera (en ne leur donnant loyfir d'y penfer)
contraindre l'vn & l'autre à condefcendre à fa
volonté.Puis partant de Rome aucq' telle puif
fancequ'il peut affembler marcha vers Boulon
gne,& manda auxVenitiés, qu'ils fe tinfent neu
tres, & au Roy de France, qu'il luy enuoyaſt ſe
Cours:Tellement que demeurans les deux com
me eſtrains & enferrez de peu d'efpace de téps,
voyans fils differoient ou refufoient , quelle ire
lePape conceueroit contre eux ,
cederent du
tout àfon vouloir.Auffi monfieur de Foix eſtát
en armes à Boulongne , où il entendit la rebel
lion de Brefce, voulant aller au recouuremét d'i
celle,y auoit deux chemins : L'vn par les terres
duRoy,qui eftoit lóg & ennuyeux: l'autre plus
courtpar le païs de Mantouë : mais pour paffer
MM
DISC. DE NIC. MACCHIA .
deliberé de tenir cefte voye, come la plus cour
te,pour vaincre toute difficulté & ne donner
temps au Marquis de deliberer,tout d'vne traite
fit marcher les gés par là ,luy fignifiant qu'il en
uoyaft les clefz de ce paffage. Ce que fit le Mar
quis furpris de cefte celerité: mais il ne l'cuft ia
mais fait fi le Seigneur de Foix fy fuft gouuer
né plus lentement & tiedemét, veu la ligue qu'il
auoit auec le Pape, & auec les Venitiés . Mefme
ment que l'vn de fes filz eftoit lors auecques le
Pape,qui eftoient honneftes excufes pour refu
fer telle demande . Mais cftát comme afficgé de
fi foudain party(pour les caufes deffus deduites)
il luy accorda le paffage . Ainfi firent les Tofcas
aux Samnites , ayans par la prefence de la force
de samnium repris les armes,qu'ils auoiét au par
auant refufees.
Chapitre XLV.
Chapitre XLVI.
MM ij
DISC. DE NIC. MACCHIA.
L femble que non ſeulement vne
Cite tienne certaines manieres &
couftumes diuerfes des autres, &
procrec les gens plus durs ou plus
efeminez:mais en vne mefme vil
le cefte difference fe void entre les maiſons &
familles . Ce qui fe trouue eftre vray en toutes
Citez, & en celle de Rome fen lifent maintes
exéples en laquelle l'on a veu les Manlies de dur
Publicoles . cerueau & obſtiné , les Publicoles humains , be
nings, & amys du peuple, les Appies ambitieux
& ennemys de la commune . Et ainfi plufieurs
autres maiſons auoir eu chacune de fes qualitez
feparees des autres . Ce qui ne peult naiſtre du
fang feulement, veu qu'il eft force qu'ils varient
quant & la varieté des mariages: mais eft necef
faire que procede de la norriture diuerfe qu'vne
maifon tient autre qu'vn autre . Car beaucoup
importe qu'vn ieune enfant de fon tendre aage
commence à fentir dire bien ou mal d'vne cho
fe: d'autant qu'il conuient que par neceffité il
en face impreffion , & apres par icelle regle fa
forme de proceder tout le temps de fa vie.Sans
celà cuft efté impoffible que tous lesAppies cul
fent eu mefme volonté, & euffent efté agitez de
femblables paffions , comme a noté Tite Liue
en plufieurs de leur race , & pour le dernier en
celuy qui fut creé Cenfeur . Et ayant fon com
pagnon à la fin des xviii.moys depofé fon Ma
giftrat ( comme la loy ordonnoit)Appius ne fen
voulut demettre : difant qu'il le pouuoit tenir
SVR LA I. DECA . DE TIT . LI. 275
cinq ans,felon la premiere loy ordonnee par les
Cenfeurs.Et combien que fur ce point fe fiffent
plufieurs concions & affemblees du peuple , &
qu'il en fourdift maints tumultes,fi eft ce que ia
mais n'y eut remede à luy faire depofer, fuyuant
la volonté du peuple , & de la plus grande part
du Senat.Et qui lira l'oraifon qu'il fit contre P.
SemproniusTribun de la commune il notera tou
tes les infolences Appianes, &toutes les bontez
& humanitez, dont infiniz Citoyens ont vfé
pour rendre l'obeïffance deuë aux loix , & aux
Aufpices de leur patric.
Chapitre XLVII.
Chapitre XLVIII,
Chapitre XLIX.
AVX LECTEVRS.
FIN.
.....
"
4
4x4
TABLE DES CHOSES SIN
GVLIERES CONTENVES ES
trois Liures des Difcours de
Nic.Macchiauel.
A Afdrubal.
254 Bonne conduitte & vail
Artillerie. 145 lance des Romains . 10
Alexandre .3. à Tyrus. Bons princes 26
174 Bons Empereurs. 27
Alexandrie. S Brutus 42. contrefait
Accidens en l'execution le fol 191.196
d'une coniuration 206 Bayfit Soudan . 47-197
Ariftocratie. Beliffar ius. 128
7
Agis. 24 Breffe prinfe par le fei
Affeurance deliberté 13 gneur de Foix. 146.169
dus.
Apollo 34 Blon 245
es
Aufpic . 255
Augures. 35 с
Annibal. 60.134.217.
269 Coniuration cotrele Prin
66.77 ce. 196
Appius.
Antipater Macedonien. Colonies. 3
131 Commune de Rome. 9
Chafteau de Milan. 168
Apophthegme. 131
Annins Preteur. 140 Chasteau de Gennes. 168
Aratus Sicionem . 184 Confulz deRome. 9
Charles
Charles Duc de Bourgon ce. 98
gre. 217 Confeil d'Hannon. 174
Conful populaire. 13 Confeil de Pericles. 132
Coniuration des femmes. 1
Confeil de Crefus. 134
276 Confeil d'Annibal. 134
Coriolan. 18 Caftruccio. 136
Craffuis . 152
Caßius. 230 D
chinfe. 20
Cleomenes. 25 46 Dante. 31
Carmignole Capitaine 153 Democrates architecte. S
Courtines de Delos. 31 Difference entre l'accufa
Charlemagne. 33 tion & calomme . 22
Comide Empereur. 202. Diuerfes cite de Republi
209 # ques.
S
Clearchus Tyran. 40 Dimocratie. 7
Caracalla. 205 Dommaine du Pape. 33
Collatin. 156 Dion. 42.210
Catilina. Duellius Tribun 82
208
Cornelius Tacitus . Demetrius. -104
56.
195.232 Diodore Sicilien. 123
Cefar dictateur. 27.69 . Deux efpeces de guerre.
222.241.
126
Confeil de Prelay. 88 Difcipline militaire. 262
Cyrus. .
137
Cincinnatus. 89. pan E
ure.
242
Chariot falque - Egyptiens. 4
lephans . Exem ple des Latin s . 158
Ciceron. 149
91 Eftat politic parfait des
Charles vii.Roy de Fran. trois. 8
NN
25 Gracches. 69.173.24
Ephores.
Executions des citoyens. Guerre de degorgement de
188 peuple. 127
Etholes contre Nabis, 201 Guerre de trois fortes des
Epicaris femme conftan- Gaulois contre les Ro
te. 202 mains. 127
Eques. 230 Gennes au Roy de Fran
Emilius pacyure. 243 ce. 159
Guidebauld Duc &Vr
F bin. 168
H
Françoisfeul contreplu
fieurs. 219. amateurs
de leurs Roys. 270 Hier.Sauanarole. `31.81.
Fable d'Antheus. 135 98.250
Florence. 3.72.81 Herdonius. 34
Factions. 95.104 Horace le begue. $2.76
Fortune de Rome. 9.10 Herodian. 205
, 144
Florentinsdeffait7 Hiftoire du maistre d'ef
F.Valor. 19 fcoledes Falifques. 233
F.Camille. 20.34.270
I
François premier Roy de
France. St
Fabius. 67.160.277 Iuftice. 6
Froideur. ciardin.
213.216 1.Guic 23
1.Pagol Baillon. 54
G Ingratitude de Rome. 102
Iournee de Rauenne, 144
Got 15 Iournee de Nouare. 152
Gaulois. 98. 99 Inconuenietpar une voix,
20.37.
Gabades Perfan. 172 224
t
uenie ar ne ene
685 Incon p o v . M
124
L Mammeluch 4
e
#l Marius. 13.69 . de gran
// Laurens de Medicis. 248 de reprefentation. 204
Lygurge legislateur. 5.15. Menenius. 13
24 Manlius. 21.100 . Tor
Loix bonnes font les gens quatus. 256.
de bien. TO Moyfe. 24
Ludouic Duc de Milan. Maifon de Medicis. 65
141 Manilius. 67. mort. 221
Loys xij. Roy de France. Mamercus. 87
33.71.228 Mutation des noms des
Zoy Terentille. 128
35 pays.
LoyTerrouaire. 67 Maurufiens. 128
Lucreceforcee. 194.244 Mauuaife vie des Pre
Louange des Catonsd'A latz. 190
lemagne. 96 M.Regulus padure. 243
L. Tarquinius pauure. Maniere d'eftaindre l'en
242 nie. 249
Louange du Royaume de
France. .101.190 N
Lucullus. 223
Louange du temps paſſé. Nouueautéaymable. 7
106 Numa . 30
blafme du temps pre Nations les plus vicien
fent. 106 Jes. 96
Liure du Prince de Mac- Nature d'une Commune.
chiauel. 112 99
Lombardie. 119 Numicius. 160
3
e ye
Ligu de Pifto , 244 Nicolas de Caftel. 168
NN y
Nature du François au Procopius. 128
combat. 261 P.Soderin. 19.91. 191.
214
Papyrius. 36.61
Pape lule. 55.168.214
Oracle d'Apollo . 191 Philippe de Macedoine.
Origine de Monarchie. 60.105.176.216
oligarchie. 7 Posthumius. 74
obferuation exterieure de Plutarque. 110
religion. 29 Pape Leon dixiefme. 160
oftracisme. SS
octauius. 91 e
Ordredes Suiffes. 145. à
Nouare. 149. contre le qualité de fondateurfe
Duc d'Auftriche. 155 lon raiſon humaine. 24
Quintius. 35.241
P
尺
Pompee. 69.104.106
Premier cas de baftir vil Rome. 2. libre enſa naif
lespar ceux du pays. 2 Jance. 5. en quoy defe
Plautianus prins parfa Etuenfe. 8
lettre. 202 Rançon aux Gaulois. 21.
Premier liure eft des cas enguerre continue. 110,
auenus par confeil pu iniufte contre les Gau
blic. S lois. 176
Pififtrate Tyran.8.55.298 Raghuſe. 4
Paouureté rel ingenieux. Remede à euiter bataille.
10 216
Pyrrhus. 233 Romulus tua Remusfen
Pelopidas. 17 frere. 23
Rubecius. 35 Sommaire du premier li
Remede contre les coniu ure.
19.08 199
rations. 200
Royaume de France. 41. T
47
auertiſſement. 180.181 Tufcane. 97.122
Riches vaincus. 131 Trou manieres de vray e
Richeffe caufe de destru ftatpolitic. 6
tion.
& 131 Trois efpeces de mauuais
6
Remonstrance d'Apolon eftat politic.
des. Thucidide.
141 227
Renouvellement de Rep. Tyrannie. 7
187 Tyrans. 26
Tarquins. 24. le fier.194
Tut.Tatius. 23
sylla. 69 Tribuns dupeuple. 10.89
Second cas de baftir villes Traintemporel de l'Egli
enpays eftrange. 3 fe. 33
SeruiusTullus. 193 Timoleon. 42
Saly. 4 Themistocles. 105.182
212 Selon legislateur. 8.24. Tarentins. 133. recou
131 urement. 160
Senat de Rome. 9
Semiramis. 225 V
Seditios caufes de bien. 10
Sedition pour une femme. Venise. 3.12 . fituation.
243 . 14.17. feule contreplu
sparte. 12.16 fieurs. 219. infolence.
Sagunte. 104 252
Scipion. 106.134.258 Virgile. 49.94
108 Varro. 61
Sarrafins.
NN ij
Valentin Duc. ༡་ fes. 151
Valerius. 76.105.193 Victoire de Fabius contre
Vieillesgens louans le teps les Tofcans.
de leur ieuneffe. 108 Vertu de neceßité. 219
Vengeancede la libertéfai
tea Corfou. 114 X
Fictoire du Roy François
premier contre les Suif
. Xenophon. 114.238.266
1
TABLE DES CHAPITRES
du premier Liure.
Fueillet 1
Reface.
Quel a efté le commencement des vil
les, & deRome entre autres. cha
pitre j. fueillet 2
Combien y ade manieres de Republi
bliques, & de laquelle eftoit Rome. cha.y. S
Par quelle aduenturefurent creeà Rome les Tribuns
dupeuplequi rendirent la Republique beaucoupplus
parfaite. chap.iy. 91
Que la contrarieté du Senat & du peuple de Rème a
efté caufe defa liberté & grandeur, chap.uy. *10
Entreles mains de qui liberté eftplusfeurement, ou du
peuple ou desgrandz Seigneurs : & lequel eftplus
enclin à efmeutte,celuy qui veut acquefter, ou qui ne
veutquegarder lefien. chap. 12.
ques. chap. l.
Comme un Prince& une Seigneurie doitfaire de ne
ceßité vertu. chap.li. 89
Le meilleur moyen & leplusfeurpour reprimer l'info
lenced'un grandfeigneur,c'eft deluy trencher le che
minparoù ilpretendparuenir àfesfins chap. lij. 90
Souuentesfoys le Peuple demandefaperte ,penfant que
foitfon bien, fepaift de haulte efperance & de
brauespromeffes, chap.liy. 92
Quelle vertu a ungrand perfonnage pour appaifer vne
feditionpopulaire. chap.Luy. 94
Comme les affaires fe portent volontiers bien en une
ville où la commune n'est corrompuë , & qu'il n'eft
1 poßible d'eriger Royaume en lieu où egalité regne,
fans laquelle au contraire on ne sçauroit fonder vno
Republique. chap lv. 91
Quand quelquegrandfortune doit auenir à vnpays,il
ya toufioursgens & fignes qui en aduertiſſent de
uant. chap lvi. 98
Qu'un Peuple affemblé eftfort , à part eft moins que
rien . chap.lvy. 99
Peuple eft plusfage & constantqu'vn Prince.
chap. lvuj. 100
Quelle ligue ou alliance eft plusfeure d'une commu
nauteou d'un Prince. chap. lix. 104
Comme le Confulat lesautres estarz de Rome fe
donnoient,fans auoir efgard à l'aage, cha. lx. 105
TABLE DV SECOND
Liure.
Fueillet 106
Rface.
Laquellefut plus cauſe de l'Empire des Romains,
ou Vertu ou Fortune. chap.i. 110
Contrequel peuples les Romains ont eu à combatre,
auecquelleobftination ils defendoret leur liberté.
chap.y. 112
Que Romefeft agrandie des ruynes de fes voyfins ,
par le recueil des eftranges, aufquel ellefaifoit part
defesbiens honneurs . chap.iy. 117
Comme les Republiques ont vfé de trois moyens ,pour
.
L'augmenter & agrandir. chap. ii . 119
Que le changementdesfectes & langues, l'accident
desdeluges & peftes ont effaint la memoire des cho
fespaffees. chap.v. 122
Commeles Romainsprocedoient aufait de laguerre.
chap.vi. 124
7
30513 Quelleportion de terre les Romains donnoientpour teſte
à chacuneperfonne de leur colonie. cha. vy. 126
Lacaufe qui meut les peuples àfortir de leur lieu na
.
E
TABLE DV TROISIESME
Liure.
!
¿ chapitre xvi. 227
Que l'on nedoit offenfer un homme , & puis l'enuoyer
"
en administration & gouvernement d'importance.
chapitre xvy. 229
In'y a rien plus digne d'vn Capitaine , que de fentir
les entreprises defon ennemy auant lecoup. chapi
tre xviy. 230
Aſeauoirfi àregir & gouuerner une multitude est
plus neceffaire le doux que le rigoureux traitement.
chapitre xix. 232
Vn exemple d'humanité ent plus de pouuoir enuers
les Falifques , que toute laforce Romaine. chapi
tre xx .
233
Commefe peut faire qu'Annibal par ce moyen de
•
procedertout cotrairefit en Italie les mefmes effectz
que Scipion en Efpagne. chap.xxj. 234
Comme la rudeffe de Manlius Torquatus , & l'huma
nité de Valerius Coruinus , leur ont acquis pareille
・gloire. chap.xxy. 236
Quelles caufes chafferent Camille de Rome. chapi
tre xxi . 240
La prolongation des commißions & charges des ar
mesa efté caufe de la feruitude de Rome. cha
pitre xxiiy . 240
De la pauureté de Cincinatus, & de plufieurs citoyens
1
Romains. chap.xxv. 242
Comme à l'occafion desfemmes un eftat eft ruyné.
7 chapitr
e xxvi. 243
Comme une citédiuifee fe doit vnir , & comme l'opi
nion eftfaufe, quepour tenir une cité il lafaille te
00
A
FIN DE LA TABLE
DES CHAPITRES.
33 andfas
£ 5
T
1
"