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- Z & KT/

E V A N G E LI Q VE S -ET
A P O S T OLIQV E S S VR
|- les Dimenches & Feltes folennel-
| - les de toụte l'annee:
où font contenues pluſieurs belles/entences,tirees -

de la fainéře E/Criture,G anciens Do- **


· čteurs de l'Eglife.
Par Leonard Ianier, Curé de S. Eftienne de Furan en
Forests:Diligemment augmentez & enrichis.
P R E M I E R T O Az E.
- - Deſpuis l'Aduent iustues à la Pentecoſte.

- c_4 L 7° O N,
P A R B E N O I S T R I G A V D.
M. D. x c I I 1. - *f
* - * ,
$ *
/
:- i
*
|
-*
*
|
-
1
-
-
*--
;** |
A T R E S-E X C E L L E N T
ET R E V E R E N D I S S I M E SEI

gneur, & Prelat, Monſeigneur


Anthoine d'Albon, Archeuef
que & Comte de Lyon, & Pri
mat de France, Lêonard Ianier
Curé de Sainét Eftienne de Fu-
ran en Foreſts, falut & perpe
tuelle obeiflance,

E O vs lifons aux liures


$ || || des Roys , tres-illustre
}N\ feigneur, que les Phili
W|| | sthiins affemblerët leurs
KEBS SAX armees pour faire guer-
recontre les enfans d'Iſrael, & vn höme
/ ducamp des Philisthiins nommé Goliath
de Geth, geant effouuentables crioit aux
armees d'Iſrael: prouoquant quelqu’vn
(1 2
E P I S T R E.

à venir combatre contre luy. Saul &>


tout Iffaeloyäs les paroles du Philisthiin,
furent fortestonnez. Lors le pasteur Da
uid, qui fouloit paistre les brebis de fon
pereen Bethleem,s'en vint dedans le cäp.
Quand donc tous les hommes d'Iſrael
eurent veu Goliath le geant, ils s'enfuy
rent de deuant luy, & eurët grand peur.
Lors Dauidparla au Roy, luy expofant
qu'il auoittué vn Lyon @* vn Ours, G
* qu'il eſperoit que Dieu le deliureroit de ce
Payen, tellement qu'ilprint vn baston en . '
fa main, & choißt du Torrent cinq pier
res bien vnies, & les meit en fa malette
pastoralle, & auoit fa fonde en fa main,
&> f'approcha du Philisthiin,ů)pour dire
en vn mot, il luy planta vne pierre au
front, dont il l'abatit, & luy couppa la
teste du cousteau meſme du geant: döt les
Philisthiinss’ëfuyrët tous eſperdus,& les
Iſraelites coururent & pourſuyuirent les
- Phi
E P I S T R E.
Philisthiins, leſquels cheurent naurez zºs
defĉöfits. Et Dauidprint la teste du Phi
listhiin, & l'apporta en Hieruſalem, «>
les femmes de toutes les villes d'Iſraelen
menerët grand ioye. Or c'est vnehistoire
par laquelle nous verrons que les chofes
iadis aduenues aux hommes d'Iffael, söt
tombees für noz testes en ce lamentable
tëps,& ce principalement à cauſe denoz.
vices & pechez, Voicy le fiecle predit
par le prophete de Dieu Hieremie: Duo
mala fecit populus meus.Me dere
liquerunt fontem aquæ viuæ, &
foderuntfibiciſternas diffipatas.
EMonpeuple afaiếž deux mauxils m’ont
delaiſſé qui fuis la fontaine d'eau viue,
&> ont caué pour eux descisternes rom
pues & diffipees , leſquelles ne peuuent
contenir eaux. Le premiermalest: Ils
m’ont delaiffể par leur malice, moy qui

fuủla fontaine d'eau viue, laquelle pre


(1 ?
E P Is T R e.
mieremëtpurifiee felö que dić7 TDieu par
*vrºs fon Prophete: Ierefþandray für vous de
l'eau nette, & ferez nettoyez de toutes
voz ordures. Secondement ceste eau viue
fai67germer, comme ilest dit du iuste par
le Pſalmiste: Le iuste qui fera arroufe de
ceste eau viuesfera comme l'arbre qui est
planté aupres des ruiffeaux des eaux, qui
donnera fon fuićž en fa faufan. Tierce
Hoan. 4.
ment ceste eau viue estaint la foif: -Qui
boira de l'eau que ieluy döneray, il n’au
ra iamais fof. Quartement ceste eau e
faint lefeu de concupiſcence charnelle.
2uintement qui boira de ceste eau viue,
fera faiếže deluy vne fontaine d'eau vi |
ue, faillante en vie eternelle : carilaura
la veine qui reiettera fes fources, affa
uoir de peché en grace, de damnation en
falut, de mort en vie, de la terre au ciel.
Puis donc que ceste eau estoit ß neceffai
re , voila le premier mal que le peuple
- -- - - - - - - Chre
v

N
E P I S T R E. M

Chreffien a fait affauoir,ila delaiffếla


mour de fon fouuerain Dieu, (9 la cha
rité des enfans de Dieu. Le fecond mal
est, que foderunt ſibi cifternas diffi
atas: ils ont caué pour eux des ciffer
nes rompues (9 diffipees. Tarles ciffer
nes eſquelles l'eau de la pluye est recueil-
lie , faut entendre l'amour defoy-meſmes
«» du monde,leſquels amours ne peuuent
contenir aucune vertu, ne les comman
demens de Dieu. C’est la folle (9 damna
ble amour, qui en ces temps calamiteux
a prouoqué l'ire de Dieu à l'encontre de
nour. Et pourreprendre l'histoire, voylà
le grädgeät Goliath és les Philisthiins,
c’est à dire , Sathan auec fes ſuppots «9°
fatellites, à fauoir ceux de la fanguinai
re religion,defloyaux perfecuteurs de leur
loyalle mere l'Eglife, qui ont affemblé
leurs armees pour faire guerre contre les
hämes d'Iſraël,c'està dire, cötre les Chre
4 4
E P I S T R E.

stieni Catholiques,G auec les perfuastons


diaboliques ont defié l'armee de Dieu.
Ils ontdemoly les farrezautels de Dieu,
des chafubles ữ) chappes de fon Eglife,
ils ont fait des chauffes & capperspires
en cela que Iuif & Gentils, leſquels ont
feulement vnefois eſpandule fang de le
fier Christ:mais les Sacramentairesiour
nellement respandent le digne fang de
Ieſus Christ,apres qu'iceluya effécouron
né d'honneur c> de gloire, conffitué Ć9
ordonné tugedes vif & des morts. C'er
mal-heureux nous ont voulu auffi pri
uer de l'höneur & inuocation des Sainéir
&> Sainfíes de Paradis,&9 generalement
ils ont perſecuté la Chreffienté:mais ſpe
cialement nostrepauurecité de Lyon &’
fon dioceſe,cöme l'experience amplemenz
le te/moigne. Toutefois noffre bon Dieu.
Perede toute cöf0lation &> plein de toute
mifericorde vous a fleu pour paiffre ce
*
ffe
e r i srr E.
fe Eglife(Möfeigneur)& à vostre nou-
| ueau facre G dignité eArchiepiſcopalle
auex veu que les Lyons heretiques par
leur puante nouuelle doćirine effoyëten
trezen la bergerie de l'Egliſe Lyonnoife.
JMaủ le fouuerain & principal paffeur,
vous a armécötre tels Philisthiins, Lyös,
& Ours,d'vne armure diuine, ữ) comme
bon «9 fidelpaffeur des brebis de voffre
Pere celeffe, comme vn autre G fecond
Dauid auex deliurévoffre trouppeau de
la gueule des Lyons , & Ours quand
T20 ft f att êZCfufoqué leurs fraudes, rufes,
fallaces @*fauffes allegations. Vous leur
auez couppé la teffe, cöme Dauid à Go
liath, ie dử de leurpropreglaiue: quand
parvoffrepure & 6ncerestauoir,les ef:
critures par eux fauffement alleguees,
ont effé declairees par vraye & claire
expoſition.Et comme les dames de Hieru
falem donnoyent loüange à Dauid, auffi
A f
E P I S T R F.

: aurezimmortalité degloirepar vo:faits :


i en delaiffant memoire eternelle d'iceux.
Lefquelles choſes par moy diligemment :
conſiderees, cõbien que iene foye eloquent |

cº que maparollefit contemptibles tou- :

tefois la lumiere de verité que Dieu par


l'inspiration du S.Efhrit m’a donné,ie me :
l'ay point voulu cacher foubs le muid, |

mais la mettre fu le chandelier, depeur, :


qu’auec le feruiteur pareffeux, mauuazử {
G inutile pour femblable cauſe ie ne fôzử
affligé des peines eternelles. Auec la pau
ure vefue i’ay offert deux petites (> me–
nues pieces, a|ffauoir, le traité de l'appro–
bation des fainéis Sacremens de l'Eglife
Catholique és Romaine, Č> maintenazzz
(parla grace de Dieu)les Sermös Euan
geliques für les Dimenches feffes folënel–
les G mobiles de toute l'annee aufquels
font inferex quatre vingts fermons, par
lefuels ie donnele laićFde/imple doćžri
72 €
E P I S T R E,

ne en langage vulgaire, à fin que les pa


feurs & Curez qui nefont beaucoup exer
cez aux lettres fainéžes, puiffent prefĉher
leursparoistens catholiquemët: encesfer
mös i’ay colligé & amaffèles beaux diffs
desfacrez Doffeurs, tant Grecs que La
tins. En apres nous n'auons pas en noz.
fermös affeffélafuperbe &'elegante vei
ne,en cherchätnostre gloire:Maử celle de
Dieu,cömeilffait, voite> cognoist. Car
nous fommes cötens d'ouurirla portec”
fenestre pour monstrer la voye aux fim
ples, nouueaux (9. rudes prefcheurs, qui
par vostre cömandement feveulent pre
parer par la predication du S. & ſacré
Euägile.Finablement nostre labeurpour
ra profiterà la commune vtilité des pref:
| cheurs qui n'ont pas abödäceoupuiſſance
d'auoirpluſieurs «» diuers liures. Ievous
| prie donc, Monſeigneurč9 tres-excellent
Prelat, receuoirle petit labeur devostre
#7'e
E P I S T R E.

tres-obeyffantferuiteur. Ie n'ignorespar
que vostre heroyque & vertueuſe gene
rofité ne doyue estre decoreeparplus am
ples (9 magnifiques honneurs: mais voi
cyqui mecöfôle. Car comme nostregrand
Dieu n'a point en deſdain ne en horreur
les petits dons des pauures. e Ainstvostre
dignité & grandeurfinguliere, qu’auez.
acquife parhaults & rememorables faits
ne mešþrifera les deux petits liures de-
diez cº conſacrezà vostres tres-venera
ble feigneurie. ‘Receuez les doncques
Monfeigneur,d'auffi bonne volonté,com
me de tres-humble caur ils vous font
*preſentez, De fainéž Estienne de Furan,
lepremieriour de Iuin. 157 1.
Viuez heureuſement en la
garde de Dieu.
ELo Qv ENTIS S IMO ECCLE
A T Q_y =
S I A S T A E, P E R S P I C A C I
venerabili viro, domino Leonardo Ianier, in
fignis Eccleſiæ parrochialis S. Stephani Fura
nei Pastori vigilantiſſimo , Matthæi Catini
Epigramma Encomiasticum.

ccipe Matthei Pastor noua metra Catini


A Verstbus his etenim te celebrare cupit.
Te Deus eternus miro est complexus amore,
Ac toto nomen fþargitur orbe tuum.
Alta politenero qui liminapandis ouili
Captum ne linquas (mi Leonarde)precor.
Non tibi fed cunőfå genitusprebere leuamen
Ipſe foles,patrie fios,honor,atque decus.
Peruigil obſeruas benè,ne tua teža fubintret
.Qui folet orefremens triste vorare pecus,
0mnibus vtplaceas,placet extantlare dolores
Wä perferre fitim, vả tolerare famem.
| Teſaluum Christus terre,celíque monarcha
Seruet:ć optatả non neget ille frui.

Dyſtichum Extemporaneum.
Diuină/ophiă docethicliber, & tamen ornat:
Ornari voluit fophia haud contenta doceri,
|- S. T. T. - - .
W
H V G V E S C H A R R E T” O AV CO N
feiller du Roy & threforierancien des cent Gen-
tils hommes de fa malfonfous la charge de Mon
feigneur le Comte de Retz, à l'Autheur.
E L E G I E.
C choſe memorable,&qu’vn aćte diuin
Surpaſſant de beaucoup l'entendement
humain, -

Et digne d'admirer partoute noſtre vie,


Veoir l'eloquenceioinćte à la Theologie
Illustrer vneſprit:&cil qui eſt doüé.
De ces deux vertus là à bon droićt eſt loué.
Ne vous eſmerueillez , Monfieur, donc d’vne !
choſe, -

Si prendre à vous louer la hardieffe i'ofe.


Car ces deux vertus là,ces deux luyfãs flãbeaux
Eſclairans noſtre vie,& ces aſtres iumeaux,
Qui nous guident par tout vous font fi fami- i
liers:
Cőme au royal dauphin les ondes marinieres.
La preuue en eſt dốnee en ce liure amplemét,
Qui de Theologie est remply doćtement
Et de mielleux parler, que meſmeie ne doute
Que la France fertille auide ne l'eſcoute,
Le cheriffe & le prife,& d'vn braue renom
Voſtre vertu efleue & voſtre illuſtre nom.
Or Mőfieur, ie defire & humblemét fupplie
Le Seigneur eternel & par voeu iele prie
Vostre los & renom eternifer toufiours:
Et en tous voz deſfeins vous donnerső fecours,
V o us
\

Vous donneraccomply le Nestorien aage


D'vn heur accompaigné,& auſſi d'auantage,
Apres vostre decez vous donner és hauts cieux
Vn repos eternel auec les bien-heureux.

R O C H DV B OYS A
L'autheurfon venerable Curé.
E tien effrit est ſubtiló diuin
Außi est-il à bonté tout enclin,
Ton eloquence est de grande efficace
Et estremply de vertus & de grace:
Tu esrećřeurở diligent berger
A garantirton troupeau de danger,
Depeur que là ne s'en vienne en farage
Leloup cruel & y face dommage.
Lefainéž Eſprit du Seigneurfouuerain
Toufours conduičřton loüable deffain,
Heureux Furan,heureux & fans doutance
D'auoir pasteur de fi grande prudence,
Pourfaire fin ó direpour le mieux,
Partes labeurs tu merite les cieux.

L'IM
/

L’ I M P R I M E V R A V.
L E C T E v R, s a L v T. -

rant receu peu au parauant le decez de


Afeu bonne memoire, c_Maištre Leonard
Ianier, que Dieu abſolue quelques memoires
»
:
de luy, pour l'augmentation de ces prefens Ser
mons, ie les ay communiquez à vn venerable
Dočteur en Theologie , qui les a adaptez en
leurs lieux, auec le meilleur ordre qu'il a peu,
n'ayant tant de loyfir, qu'il eust bien destré
pour les rendre entierement parfaifís, restr
uant à faire mieux, auecplus de loiſir,à la der
miere edition. Quest tu trouues quelque aug
mentation qui te foit aggreable,prie Dieu pour
ceux qui en font cau/G_. * •
*
* **
. .
* '.
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- * -
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*, , , * *

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- ***
-
- * * *
Y :

S E R M O N S EVAN
G E L I Q_V E S, E T
| A P O S T O L I Q_V E S S V R.
les Dimenches de toute
l'annee.

Premier Dimenche de l'Aduent.


| R A T R E s, Scientes quia hora est, Rom.rs,
iam nos de ſomno furgere, &c. Mes
amis & freres Chreſtiens, Mon
fieur fainćt Bernard au fermon
fecond furles Cantiques,fe com
plaignant de nostre deuotion par trop refroidie
en ce fainét temps de l'Aduent, vſe d'vń pro
pos, duquelie puis biếvfer en voſtre endroićt:
Ardorem deſiderij Patrum fuśpirantium Christiin
carnepreſentiamfrequentifimè cogitans, compun
gor & confundorin memetipfº, & nunc vix conti
* neo lachrymas : itapudet teporis torporiſque miſe
rabilium temporum horum. Cui nanque nostrům
tantum ingerit gaudium gratie huius exhibitio,
quantum veteribus fanttis accenderat deſiderium
promifio : Toutefois & quantes que le penfe
aux foufpirs que iettoyent les Patriarches &
Prophetes anciens du grand defir qu'ils auoyết
*
2. P R E M I E R D I M E N C H E
de la venue du Meſſias,ie fuis confus,& ne me
puis contenir de plorer, tantie fuishonteux de
voir la deuotion des Chreſtiens fi fort refroidie
en ce miferable temps. Car lequel eſt-ce d'en
tre nous qui fe refiouyfle autant de ceſte grace
à luy preſentee, comme faifoyent les Peres an
ciens de la ſeule promeſſe , laquelle leur en
auoit eſté faicte ? Ce n’eſt donc fans iuſte oc
caſion que nostre mere faincte Egliſe voulant
refueiller fes enfans, & los exciter à plus gran
de deuotion qu'ils n'auoyent,nous all

iourd'huy vne leçon de Monfieur S. Paul fort


propre à cela, & conuenable à ce commence
s. Paul nou ment de l'Aduent, en laquelle il dit: Fratres,
erreu.f feientesquia hora estiam nos defonno fargere. Le
digne Apostre Monſieur Sainét Paul ,vaisteau
per u., es d'honneur & d'elećtion, pour l'exaltation de la
pourquoy. gloire & honneur de Dieu,en l'Epiſtre du iour
d’huy,comme en pluſieurs autres,nous appelle
- freres, & non fans cauſe: car fi nous voulons
"":"" confiderer la natiuité du corps, nous fommes
tous freres par natiuité,vie,mort, & iugement:
le plus noble,puiſſant,riche,& fçauant n'a rien
apporté faiſant fon entree en ce monde, d'a
uantage que le moindre homme de tous. Et fi
maintenant il eſt poſleffeur de pluſieurs gran
des & amples richeffes, toutefois elles ne font
“º”“ pas fiennes, ains de Dieu: Quid enim habes quod
non accepisti? Si accepišti, quid gloriaris quaſi non
-

acceperis? Qu'eſt-ce que tu as que tu n'ayes


receu? Et fi tu l’as receu,pourquoy te glorifies
- tll»
-
------- " - ----

, D E . L’ A D v E N T. , , 3.
tu, comme ſi tu ne l'auois point receu: Donc,
fi nous conſideronslą natiuité du corps, nous,
fommes tous freres: pource que nous naiſ
fons nuds, trempez,& motiiliez de fang,com- :
me dit le Sage : Nemo ex regibus ali ans.
natiuitatis initium : vnua introitiu est omnibus ad
vitam : & ſimilis exitus. Nul des Koys n'a eu
autre commencement de natiuité: vnc meſme , ,,
entree eſt à tous à la vie & vne meſme --

blable iſſue, Seçondement , quant à la vie,


nous ſommes eſgaux, & freress pource que
nous ſommes tous obligez & ſubiećts à plu-
fieurs miferes en ceſte preſente vie, & aucu
nefois plus les grands que les petits: Homo na- "º" ".
tus de muliere , breni viuens tempore s repletur
multis mistrijs. L'homme nay de femmé, vi
uant peu de temps, eſt remply de pluſieurs mi
feres. Tiercement, quant à la fin, car nous -, , ,' . " z * -

ſommestous ſubiećts à la mort : Quis est homo P t. i


qui viuit, & non videbit mortem? Qui est l'hom- att. :
me qui vit, & ne verra point la mort Commer.. , v
diſant,nul:Statutum est hominibus femel mori, Il "“” :
eft ordonné aux hommes , de mourirvni ! ois.
Etle Poëte: , , , ... . . . . . . , .
Est commune mori,mors nulli parcit honori; .
Diues c-fortis veniunt ad funera mortis.
C'est choſe commune à tous de mourir,la mort „... -

- -- . ' ' - - - Puiffance ime


n'eſpargne point leshốneurs: le riche & le fort
viennent au cóuoy & obſeques de la mort. Au mort.
pres de la mort : les plus hardis font occis: fes
mieux aprins y font ſurprins: lesplus huppez y
2.
*
4 P RE M1E R D1M EN c HE
font happez:les mieux montez y font mandez:
& les plus forts n’eſchappent fon effort, & ne
- fçait-on l'heare:leiour,ny letếps d'icelle.Fina
blement quant au iugemét de Dieu.nous fom
mes tous freres efgaux:car il nous y faudra tous
comparoistre:Omnes nos manifestari oportet ante
tribunal Christi, &c. Il nous faut tous preſenter
z carr deuant le fiege iudiciaire,àfin qu’vn chacũrap
orte felon qu'il aura fait durant fa vie , foit
| mal:Omnes.Tousieunes,& vieux:pau
ures,& riches:foibles,&forts:eſtrangers,& do
meſtiques bons,& mauuais:honorez,& meſpri
fez : , & ignorans: triftes; & ioyeux,
fols & fages:hommes & femmes: feigneurs &
feruiteurs:maiſtres,& vallets: dames, & cham
brieres: Omnes nos. Il nous faudra tous compa
s. Paul „en, roiſtre deuant la face du luge, qui est iuſte en
appeus freres fes iugemens. Voyla les raiſons par leſquelles
à raiſºnde “ nous ſommes tous freres quant à la natiuité
zatiuiti sti- corporelle.Item fi nous confiderons la natiuité
rit uelle £5’ -

Tourquºy . ſpirituelle,nous
p trouueronsqu'à bon droit, &
à bonne cauſe S.Paul nous appelle freres, pour
pluſieurs raiſons. -

Premieremét,nous ſommes tous conceus &


rfalso, nais en peché, & pour eſtre lauez de la foüil
lure de peché, nous auons tous beſoing de la
grace de Dieu, & d'estre portez au lauoir de
bapteſme, pour este renouuellez de la grace
du S. Eſprit, par le merite & effufion du fang
"*"* de nostre Seigneur Ieſus Christ : ce que nostre
Seigneur diſoit à Nicodeme: Nist quis renatus
fuerit
DE L’ A D v E N r. $
fuerit ex aqua & ſpiritu fanito,nöpotest introire in
regnum Dei', C'eſtà dire: fi l'homme n’est rege
neré d'eau,& du S.Eſprit,il ne peut aller en pa
radis.Nous auons tous vn meſine Dieu, qui est
nostre pere celeste. Nous auons tous vne mere
fpirituelle, qui eſt l'Egliſe Catholique. Nous
auons tous vn meſme bapteſme, vne meſme
foy,& vna meſme eſperáce.Nous ſommestous
participans de meſmes Sacremens; & capables
d'vne meſme gloire. Le tout conſideré, à bon
droit mốfieur S.Paul nous appelle freres,diſant:
Scientes quia hora est iam nosde /omno furgere.
Nousfçauons qu'il eſt temps(Iam) Maintenất:
fans delay:carnous ne fçauonspas le tempsau- -

quel noſtre Seigneur viendra (Nos) nous: Iuue-T/at.tet,


nes & virgines fenes că iunioribus: Reges terre, é: -

omnespopuli principes & omnes iudices terre.Ieu


nes,& pucelles:vieux,aueclesieunes: les Roys
de la terre.Nous fçauốs qu'il eſt temps mainte
nant(de fomno furgere)nous leuer du fornme de
peché:car comme dit S. Ambroiſe au chap. 45.
de fon Commentaire ſur ce paſſage : De fòmno
furgere,est operari bonữ,quastin est palã Il
licita enim in notte,id est,in abſconditofiunt. Se le
uer dufomme, c'est faire de bonnes ceuures,
comme en plein iour:car on fait de nuict, c'est
à dire,en cachettes,les æuures mauuaifes,&il
licites.Icy faut noter que le benoist S.Paul fait .. d
conparaiſon de l'estat de peché, au fomme, & i
dormir, pourpluſieursraifons. Premierement, f ,
à cauſe de la deception, ou illuſion: car c'est v pouraav.
- - - A 3
6 p R EM I = R DiM ENc h e
chofe commune , que l'homme en fongeant,
naturellentoñt est deceu : pource que les fens -ı
----

humains alors font liez,& aucunefoy il est ad


juis à ceux quifongét.qu'ils font habillez pom
peufement, & richement, qui efueillez font
* deceus: cat ils ſe trouuent en chemife , ou tous
vnuds. Les autres ſongent qu'ilsboiuent, man
*gent, & font gand chere, qui efueillez font de
celiz:carils ont le ventre vuide,& font alterez,
! coilínie vieux Pantagtuels. Et quelques vns
fongent quihiinanientbeaucoup d'argent, qui
refusillez gleinement apperçoiuent qu'ilsfont
"/"7":decetis, cofntne difie Pfalmiste : Dormierunt
fomha» hah», & nihil inuenerunt ºmnes viridiai
..»" N -tiarum in manibus filis. its ortt dormi leur form s
ine,& totis lès hommes n’ont poirt prouữé des
siehelfs en leurs tourpecheurett
dećeu.Exemplifions icy du ſuperbe & arrogant
- s'estime beaucoup, & a grande opinión de
foyñiếfine,& toutefois il n'est rien,finon terre,
cendre;&pöurriture. Ainſi de l'auaricieux qui
grandenent apprecie les biensterrestres prín
cipalementFor; & l'argent. Et toutefois tout
cela n'est que vilc & pữante terre.Item du pail
- - lard võluptueux qui iuge la fouucrainc dele
-* ... ćtation cônſister en lubricité&fenſualité char
* nelle. Ain est il du gourmand, & yurongne,
Greg. : Nyff. quantà la delectatió, laquelle confiste au boi
'orat.y. de re- re;&'âu rhanger. Voylà comment tout pecheur
-

eſt deceu. Secondement l'estat du peché eft


sti. . . . - comparé au fomme pour la femblance, formře
i . &
DE L' A d v e n t. 7
& image: car le fomme est l'image de la mort,
de forte que le dormant ne fernble point estre
different d'vn mort, finon d'vn petit d'haleine:
comme dićt treſbien le Poëte:
Stulte, quid estfomnus, gelidenist mortis imago? ouid.lib.a.
C'est à dire : ô pauure homme, que penfes-tu Fles.
que ſoit le ſomme finon que l'ombre de la
mort? Dont , ainfi comme le dormant est pri
ué des actions de tous les ſens corporels, ain
fi le pecheur eſt priué de fens ſpirituels. Car
tel n'entend point par prompte diligence : il
Ime point par diuine loüange : par con
festion de fes pechez & pour l'edification de
fon prochain : voylà comment peché eſt
comparé aux fommes. Pource Sainćt Paul
diſoit : Mes freres il eſt temps de nous leuer
du fomme de peché, à fin que Ieſus Chriſt
( qui fait illuminer ſon foleil fus la terre
nous eſclairer corporellement , par la clarté
de fon fainét Eſprit ) vueille i 11OS,

coeurs & entendemens à la droite voye de fes,


fainćts & diuins commandemens : Car c'eſt
celuy , Qui illuminat omnem hominem venien- Ioan.t.
tem in hunc mundum. Malheur à ceux qui plus
ayment les tenebres de vice, que la lumiere
de vertu. Mais ie vous demande , qu’eſt-ce
fe leuer
Eſaie du Dauid
, & fomme,aufinon ce trentetroifieſme."
Pſalme que nous difent . mme::"quoy,"
Declina à malo & fac bonum, laitſe le mal, &
fuis le bien: nettoye ton coeur de l'ordure de
peché, & le purifie du vieil d'hypocri
- 4
8 P R E M I E R D I M E N C H E

- , fie : deſlie-toy les liens de peché & de Sathan:


Ii/º fut fais fruićts dignes de penitence:Laue ton coeur
de toute malice : prepare toy à la venuë de ton
G createur: carcela est choſe iuste, digne, & rai
pourquoy. fonnable. Icy faut noter,que comme pluſieurs
choſes font leuer quelqu’vn legierement quất
) au corps: ainſi pluſieurs choſes doyuent pro
uoquer à bon droićt le pecheur à fe leuer ſpi
rituellement quant à l'ame. Premierement fi
quelqu’vn eſt tombé en la bouë,foudainement
il fe leue , à fin qu’il ne foit foüillé, & qu’il
me foit veu par les paſlans, pour ceſte cauſe le
echeur fe doit leuer tres-foudainement de la
de peché:parce qu'il n'y a aucune immű
dicité plus immunde i peché.Car le miferable
pecheur par peché foüille foname, faićte à l'i
mage de Dieu. Secondement, s'il aduient que
quelque maiſon ſouffre de nuićt le feu bruflát,
tantost apres ceux qui font couchez au lit fou 't
dainement fe lieuent, de peur que le feu ne les
conſume: ainfile pecheur fe doit leuer de pe
ché. Car le peché est comme le feu,qui deuore
& cőfume tout le merite,la grace, & les vertus
qu'iltreuue en l'ame.Nücenimpropior est nostra
falu, quàm cum credidimus, adiouſte S.Paul,car
maintenant nostre falut eſt plus prochain que
nous ne l'auốs creu. Maintenant s'est approché
nő ſeulement le royaume des Cieux,mais auſſi
le Roy des cieux, le Roy des roys, le Seigneur
des feigneurs, le Prince des Roys de la terre:
N. quia toute puiſſance : c'est nostre falut,falutai
***f-, . - TC.»
D E L’ A d v e N r. 9

re,faluateur,& fauueur. Qui falui fecit populum


fuữ à peccatis eorã. Il s'enfuit au texte:Novpra
cefit La nuićteſt paſſee,àfçauoir des vmbres &
figures du vieiltestament,la nuićt d'ignorance,
d'infidelité, de peché, de mort, & de dănation.
Carpar la precieuſe & treſſacree mort de Ieſus
Christ,omnia conſummata funt,toutes les figures
anciennes ont prins fin, la mort eſt morte, pe
ché depefché, enfer enferré,Satan destruići &
ruiné.Dies autē appropinquauit: La nuićteſt paſ
fee & leiour eſt approché, c’est le vrayiour , , ?
':--, * •

de grace & de vraye lumiere & Euangelique


doćtrine, qui nous enſeigne la voye de Dieu
en verité, vray foleilde iuſtice, qui par la pro
fonde humilité de fa douloreuſe mort nous
a merité le iour de la gloire eternelle. Voyci
7
les iours qui font approchez : car le iour de
grace eſt à tous preſenté, l'Euangile à toute
creature prefché, gloire preparee à tous fidel
les & operateurs de bonnes oeuures & fainćtes
operations. La nuićt doncques de l'ancienne
loy eſt paſlee, & le iour degrace s'eſt appro
ché. Abijciamus ergo opera
doncques les oeuures de tenebres. C’eſt à dire
les pechez, & æuures mauuaifes:comme a fort
bien remarqué ce doćteurancien Origene, ex
pliquant ce paſſage au liure 9. fur l'Epistre aux
;;
Romains:Icy nous faut fçauoir que fainét Paul
les pechez ceuures de tenebres, pour
| ufieurs raiſons. Premierement, à cauſe que
es pechez procedent des tenebres de malice
- - f

s 3.
IO p REM1ER D1M ENCHÉ
Fahrtºn & d'impieté.Secondement, pource que lespe
bres, de tene- chez font commis par la fuggestion des malins
seres - - - -

eſprits,ou des meſchans hommes, qui font ap


í...
qnoy. s. pellez tenebres. Tiercement, d'autant que les
Iob 3. . pechez font perpetrcz par les ennemis de lu
***** miere entenebres à fin qu'eux & leurs mauuai
ſes æuures
tement ne foyết
pource taxées & blafmcęs.
que lespechez Quar
aucugléts& ob
fcurciffent les operateurs d'iceux de fort; que,
comme dit le Prophete de Dieu:Les Pecheurs»
*/" - dicunt bonum malum, & malum bonum, & pºnant
tenebras pro luce,ils difentle mal estre bien.&le
bien estre mal : & mettent tenebres pour lu
miere, & lumiere pour tenebres: amertume
pour douceur , & douceur pour amertume
Cinquiefmement à cauſe que les pechez con
uertiilent les enfans de lumiere en tenebrçs. Et
finalement
pource qu'ilslesconduiſent
pechez fontleurs
appellez tenebres,
operateurs és
tenebres exterieures & eternelles, les pieds &
mains liez, là où iamais ils ne verrőt la lumiere
Matth:22. , de la gloire diuine. Et induamur arma lucis : Et
Les æuures de foyons veſtus des armures de lumiere:c'eſtà di
vertu font * -

r- re de vertus, cóme dit S.I.ean Chryſoſtome en


„ure, d. in- l'homelie 24. ſur l'Epiſtre aux Romains: Radijs
miere,cöment enim folaribus illustriorem te faciunt, atque in fotº
,trº etiam optimè munitum constituunt: Icy nous faut
entendre que pour pluſieurs raiſons les ceuures
de vertu font nommees armures de lunie
re. Premierement pource que ceux qui font
yestus des æuures de vertu, font appellez lu
miere,
- t e l’A d v e N r. 17
miere, & enfans de lumiere. Secondement, à
cauſe que les oeuures de vertu font forts & |

puiſſants les Cheualiers Chrestiens : de forte


qu'il n'y a puiſſance humaine, ou diabolique,
qui les puille vaincre, ou furmonter, felon que |
diſoit Ieſus Christ: Confidite, quia ego vici mun. Iºan.rº.
dum. Ayez bon eſpoir, car i’ay vaincu le mon
de. Tiercement, d'autant que celuy qui faićt Rom, 1 ár.
la verité, vient à la lumiere, à fin que fes ceu
ures foyent manifestees, car elles font faićtes
en Dieu. Quartement , pource qu'elles por-Iºani.
tent la lumiere de bon exemple deuant les
hommes, entre leſquels ils reluifent, comme
trefteſplendistantes lumieres au monde: com
me il est eſcrit: Luceat lux vestra coram homini-
bus, vt videant opera vestra bona. Que voſtre lu- i.e.
miere luife,à fin qu'on voye vos bonnes ocu
ures. Finablement les æuures de vertu font
appellees armures de lumiere, pource qu’elles
conduiſent ceux qui en font vestus, au lieu de
Ítaniere eternelle: Quia qui bona egerunt,ibuntin Iºan.s.
vitam eiernam. Cár ceux qui auront bien fait,
ironten la vie etethelle, illuminez par la clar
té & reſplendeur de nostre Dieu & createur. .
Refettons doncques les æuures de tenebres, * -

&foyons vestus des armures de lumiere : Sicut *.

in die honeĦè ambulemus. Tellement que nous


cheminíons honnestement comme de iour, &
comine au four de grace:Si Christus in cordeno
strofit (dit Origene au lieu preallegué) diem no
*
bifacit. Si ignorantias nostras stientieratiofuget,

T2. P R E M 1 E R D 1 M E N.
C- indignos aćtus declinantes, pia queá, G- honesta
fećłemur,in luce fumus poſiti, & quast in die hone
ffè ambulamus. Celuy chemine honneſtement
comme au iour de grace , qui chemine en la
crainte de Dieu, attendant tout fon bien, &
proſperité, de la benedićtion d'iceluy : de la
quelle honeſteté en vn autre lieu S. Paul fait
mention, diſant: Ie vous admoneſte moy pri
Epheſ.,. fonnier en noſtre Seigneur : Vt dignè ambuletis
- vocatione qua vocati estis cum omni humilitate 6°
manſuetudine,& c. Que vous cheminiez comme
il appartient à la vocation à laquelle vous estes
appellez,auec toute humilité,& douceur,auec
patience , ſupportant l'vn l'autre en charité,
eſtans foigneux de garder l'vnité de l'eſprit,par
le lien de paix. Cheminons doncques honne
stement & dignement comme au iour de gra
ce: Non in comeſſationibus cớ ebrietatibus, dit le
meſme.Non point en gourmandifes,&yuron
gneries. Sainct Ambroiſe expoſant ce paſſa
ge dit, que Comeſſation c'eſt vn conuiue ex
ceſſif, & proprement de la viande prinſe apres
le foupper par excez, & diſſolution (Kćues) en
L Grec ſignifie le Dieu d'yurongnerie, comme
qui#""“.les
procedent es Poëtes
oetes feignent.Dit
teig donc fainét Paul,» che
*
che
á gurmadi- minons honnestement , non point en gour
fe gyaren- mandiſes, & yurongneries. Car par tel peché
*"":,,,,. Dieu est griefnement offenſé, qu'il eft
*“”” eſcrit en l’Exode:Seditpopulus manducare c- bi
bere, & furrexerunt ludere. Le peuple s'affeit
pour boire, & manger, & ſe leua pour P :
rg
- D E L’ A D v E N r. : 13
dre fes plaiſirs. La franchiſe & gourmandife Genfr.
de nos premiers pere & mere en rendent fuffi
famment teſmoignage : car elle fut cauſe que
la porte de paradis nous fut fermee. Les en
fans de Iob beuuans & mangeans, furentac-
cablez par la ruyne d'vne maiſon. Aman ef
prins de vin, fut tué par ſon frere Abſalon. 2.Rfg.rs.
Eſaü par gourmandife vendit ſon droit de pri-c.,,.,,.
mogeniture à ſon frere Iacob. Iadis le peuple e .
s'estaſſis pour boire & manger, & s'eſt leué
pour ioüer: mais ceſte ioye fut bien toſt con
uertie entristeſſe: carpour ceste offence, vingt
& trois mille hommes furent frappez de glai Matt, 24,
tie. Deuant le deluge, les hommes & femmes
beuuoyent,mangeoyent,& fe marioyent:mais
ce forfait fut vengé par vn deluge vniuerfel, r. Petri.3,
qui feit defloger tous les habitans de la terre,
excepté huićt perſonnes qui furent fauuez en
l'arche de Noé. Et ce meſme Noé estant fur- ceas/ro.
prins de vin, monstra fes parties honteuſes, &
fut mocqué de fon fils Cham: dont s'en en
fuiuit maledićtion. Loth yure, viola fes deux genestº.
filles. Les Sodomites auec les citez circonuoi-º"/"º"
fines, par le peché d'orgueil, & gourmandife,
furent fouldroyees par le feu quideſcendit du
ciel. Ce grand Prophete fainét Iean Baptiſte, 4?"g, (f,
apres que le cruel tyran & inhumain Herode
eut bien banqueté & gourmandé, fut cruelle- Luc.ro
ment occis & decollé. Le mauuais riche pour ""
gourmandife est damné: carilest dit expreſſe
ment au texte : Qui epulabatur quotidie plendi
6’y
I4 P R E M I E R D I M E N C H E

, ! dè. Qu'il faiſoit tous lesiours grand chere : il


mourut, & fut enfeuely aux par l'appe
titinfatiable de boire ou de máger, qui ne ceſ
fe de cercher continuellement nouuelles vian
des,auec varieté de fauſles & falures,pour don
ncr faueur,& pour plus amplement eſmouuoir
&inciter l'appetit,pour plus ardemmét boire,
& manger:&les ayant trouué à ſongoust,il ne
peut qu’auec grande difficulté, s'abſtenir d'en
prendre plus qu'il n'en faut: dont prouiennent
& s'enfuyuent gouttes, & diuerfes maladies,
tant corporelles,que ſpirituelles:lefquelles fi
nablement conduiſent l'homme à perdition,&
damnation. Et comme on dit communement:
Plures interficit gula,quàm gladius. Gourmandife
en faićt plus glaiuc.
Maladie ter , Or confiderons premierement les maladies
corporelles,leſquelles prouiennét de glouton
nie, voracité, & yurongnerie. Commerheu
ritë e mes, cathares,peſanteur, tournement de teſte,
yurengnerie eſtourdiſſement de cerueau, troublement des
******* yeux,tréblement des mains,grauelle aux reins,
gouttes aux iambes , douleurs aux fie
ures chaudes: & puis s'enfuyt vne breueté de
vie. Outre les fufdićtes maladies corporelles,
s'enfuyuent auſſi par gourmãdife& yurongne
rie,maladies ſpirituelles à l'ame.Cőme concu
piſcences, appetits defordonnez, paillardifes,
& toutes voluptez charnelles. Et toutefois
auiourd'huy les Chrestiens fans confideration
de tels vices en font vertus, pluſtoſt fuyuant
la
D E L’ A D v E N T. If
| la doctrine de Baal, qui enſeigne à gourman
der, boire , manger, paillarder, & vſer de vo
lupté charnelle , que la doćtrine de noſtre Sei
gneur Ieſus Chriſt, de fes fainćts Apoſtres,
(comme dit fainćt Paul,qui dit: Caſtigo corpus r.cor.».
meum & in feruitutem redigo, ne cum alijs prædi
cauera, ipſe reprobus efficiar, Ie chaſtie ma chair
& la reduićts en feruitude , de peur qu'ayant
preſché, ie ne foye du nombre des reprouuez)
& la doćtrine des fainćts Doćteurs de noſtre
mere l'Egliſe , qui tous nous enfeignent &
prefchent viure ſobrement, matter & mace
rer noſtre chair, à fin qu’elle ne foit rebelle à
l'eſprit,& qu'elle ne renonce à l'obeiflance des
commandemens de Dieu, & pour plus facil
lement impetrer la grace de Ieſus Chriſt. Car
l'eſprit de Dieu par ſon Prophete Ifaye s'ef
crie & profere malediction contre tels gour
mands & yurongnes , qui font leur Dieu de
leur ventre,difant: Ve qui potentes eftir ad biben- vai.
dum vinum,C#-virifortes ad mistendam ebrietatem, *

c'eſt à dire : Maledićtion fur vous qui vous le


uez du matin pour fuyure l'yurongnerie , &
pour boire iuſques au veſpre : à fin que le vin
vous efchauffe.Doncques à bon droićt le digne
Apoſtre fainét Paul nous preſche & enfeigne
de ne cheminer en gourmandife & yurongne
rie: car par tels pechez Dieu eſt griefuement
offencé: & pource que le malin eſprit ayant similitude
vn poultre,
de petit feſtu,
& illà leoùfaićt croistre
il trouue vneenpetite
vne gran- eſprit."""
CC 11C
I6 P R E M I E R D I M E N C H E
f, celle de feu, il la fouffle auec ſon haleine,& la
- fait allumer en vn grand embraſement de feu:
. ainſi quandil voit quelque perſonnage qui eſt
addonné à voracité & yurongnerie, il procure
& employe toutes fes forces pour le faire tref
bucher en autres vices & pechez, contre leſ
uels l'Apostre nous donne aduertiſſement,di
: Non in cubilibus & impudicitijs, Non point
f. en couches & luxures. Car fi la racine de gour
mandife n'est foudainement arrachee, elle en
* * gendre oyſiueté, negligence , & pareſſe : Car
'. quand les gourmands & yurongnes font en
gorgez, ils deſirent à dormir pour les
vins & viandes qu'ils ont prins ſuperfluëment
& exceſſiuement. Ce que fainét Paul appelle
Cubilia,Couches: c'eſtà dire, oyſiueté & paref
fe, laquelle enſeigne grande malice : car c’eſt
la mere nourriſſe de beaucoup de maux, meſ
me que d'elle la concupiſcence de la chair préd
fa naiſlance, pource que leventre plein deva
2044 #4.V. peurs chaudes à cauſe du vin ſuperflu, facille
* ment trefbuche en paillardiſe. Et à ceſte cau
fe diſoit fainćt Paul:Nolite inebriari vine, in quo
Les "4"* est luxuria. Et quand fainét Paul dit, non en
? " oyſiueté, ou en trop long dormir, foudain il
“”“ adiouste,aut impudicitis: Et en luxure, laquelle
coustumierement enfuit gourmandiſe, yuron
gnerie & oyſiueté : pource que , comme dit
Hierony fainćt Hierofme,venter & genitalia membra funt
proxima.Le ventre & les parties honteufes font
membres prochains, fe donnans vigueur
*~ à l’au
D E L’ A D v E N T. C r7
à l'autre. Quand le Roy Dauid eſtoit oyfeux,
& en repos, & qu'il ne batailloit plus contre
les aduerſaires de la loy du grand Dieu d'If
raël, il a eſté lié &enueloppé entre les rets, la
cets, & filets du diable, tresbuchant au peché
d'orgueil, d'adultere, & d’homicidē. Quand
Salomon en repos, & que toutes les
choſes que ſes yeux voyoyent,& que fori coeủr
defiroit, ne luy manquoit : lors il s'addonna à
paillarder, & meit telle macule & rache en fa
gloire, qu’aucune oubliance iamais n'effacera.
S’enfuyt:Non in contentione & æmulatione. Non 2.Tim.2.
point en noiſe,& en enuie:Per contentionếenim
intelligit Apoštolus indignationem & excandefĉen
tiam : per emulationem verò inuidiam,comme dit.
Oecumenius fur ce paſlage: car il ne faut pas
que les feruiteurs de Dieu foyent noiſeux, &
contentieux. Noife eſt vne mauuaife mere, Noiſe engen
laquelle engendrevne trefmauuaife fille,àfça-*******
uoir , enuie. Les contentieux & enuieux font
charnels,& charnellement viuans.Ils font pri
uez desgraces du fainét Eſprit. Et pour la fin
de nostre Epistre, fainét Paul nous admõneste,...
difant: Sed induimini dominum Ieſum Christum.
Mais foyez vestus de noſtre Seigneur Ieſus.
Chriſt. Frequenter diximus (dit Origene furce
pastage) Christum ſapientiam effe,& iuffitiam;&*
fanttificationem, & veritatem, & omnesfîmul vir
tutes:quas vtique qui affümpferit, Christumdicitur
induiffè. Autant en dit fainét Iean Chryſoſto
me au lieu preallegué. Et fainćt Hierofme ex
18 P R E M I E R D I M E N C H E
poſant ce paſlage. Veu qu'en Ieſus Chriſt font
toutes vertus: celuy qui les a toutes, eſt veſtu
r, Cor. 6.
de Ieſus Christ. Induimini dominum Ieſum Chri
ftum. Veſtiſſez le benoiſt fruićt du ventre de
la vierge Marie, comme vn veſtement duquel
vous ferez toufiours veſtus & couuerts:& cốme
Galat.s.
luy-meſme dit en vn autre paſlage: Quicunque
in Christobaptizati estis,Christum induistis.Qui
Similitude.
cốques eſtes baptiſezen Ieſus Christ,vous auez
veſtus Ieſus Chriſt. Car comme la robbe cou
ure la macule & tache du corps: & quand elle
eſt oftee, ladite tache ou macule eſt veuë , &
s'apparoiſt. Ainſi eſt de Ieſus Chriſt, qui cou
ure en nous les macules de peché,& non ſeule
ment les couure : mais auſſi les efface & ofte.
Mais quand Ieſus Christ par nostre peché fe re
Efe.o4. tire de nous, nous ſommes lors comme le drap
de la femme menſtrueuſe, plein de macules,&
ordures. Pource dit S.Paul: Induimini dominum
Iefim Christum. Soyez vestus de nostre Sei
gneur Ieſus Chriſt. Hic induit Christum (dit S.
Ambroife, interpretant ce lieu) qui fe ab omni
errore & turpitudine ſeparauerit,ne in conuiuio nu
ptiarumfine veste eius inuentus, turpiter, tenebris
mancipetur.Evuiftis enim veterem hominem,in no
Orai/an.
uitate vite manendum est. Or pour faire la fin,
nous ſupplierons auec toute humilité & reue
r,?'ins. r.
rence noſtre Dieu,nous dőner la grace,le coeur,
& la puiſſance , de faire toutes nos ceuures &
operations, en pureté de coeur, en bonne con
fcience , & en foy non feinćte , & que nous
puiſſions
D E L’ A D v E N r. - " 19.
puiſſiósleuer du ſomme de peché. Carla nuićt
de peché, de mort, & de damnation eſt paſſee:
& le iour de grace , de mifericorde , de vraye
Euangelique doćtrine , de vraye lumiere du.
monde s'eſt approchee: que nous puiſionspar:
cómunication de tellesgraces dechaller du mi-,
lieu de nous les pechez qui font oeuures de te
nebres,prouenantes de malice & impiete,com
mis parla fubreption des malins eſprits, enne
mis de lumiere : & que finablement condui
fent les operateurs d'icelles aux tenebres infer
nalles,où ils ne verront iamais la lumiere de la
gloire diuine.Mais que nous foyons veſtus des
armures de lumiere,c'eſtà dire , des ceuures de
vertu,à fin que nousſoyons enfans de lumiere,
forts & puiſſans pour vaillamment batailler
contre les affauts du monde,de la chair,du pe
ché, & du diable, & en rapporter la victoire
pour l'exaltation & gloire de nostre bon Dieu
& pere,pour l'edificatió de nos prochains, à fin
u’eux auec nous,& nous auec eux,foyons en
conduits au lieu de lumiere eternelle,
au Royaume de paradis,Amen. . :i i:

SE C O N D D I M EN CHE
- D E L’ A D v E N T.
R v N T figna in fole, & luna, &
|stellis. Noſtre Dieu cognoiſſant le
naturel des hommes estre diffe
}| rent , & qu'aucuns d’entr'eux font
li ayiez à gouuerner, que l'on a d'eux ce que
- B 2
go S E C O N D D I M E N C H E

l’on veut , & font ce qu’on leur commande,


fans ſe faire tirer l'oreille ny menacer, & ſuy
uent vertu fans aucune contrainte : Les autres
fontſimal complexionnez , & fi enclins à mal
faire, qu'ils ne fe foucieroyent aucunement de
bien faire, & garder ce qui leur eſt comman
dé,fi on ne les tenoit de court, & s'ils n'eſtoyết
retenus par menaces, & bridez d’vne crainte
de la peine propoſee aux tranſgreffeurs de la
loy,& contempteurs des commandemens (ode
runt enim peccare boni virtutis amore,oderuntpec
care ali formidine pæne,dit Horace.) Pour ceſte
cauſe luy, qui defire par tous moyens attirer
l'homme à bien faire,quelquefois en l'Eſcritu
re fainćte (comme en Exode, au Leuitique, &
au Pſal. 131.) nous propoſe, comme vn bon pe
re & fage, la grande recompenſe,qu'il donne
ra à ceux qui gardent fes commandemens : &
quelquefois il nous remet deuant les yeux,
(Pſal.88.Exod.& Leuit.) la punition qu'il fe
ra de ceux qui les & n’en tien
nent compte. A fon imitation l'Eglife Catho
lique, ſon eſpouſe ( comme vne bonne mere,
tafchant par tous moyens à attirerfes enfans à
vne faincte conuerſation, & en faire des gens
de bien jvfe maintenant de paroles douces &
gratieuſes, maintenant de paroles de rigueur
& de menaces. C’eſt l'occafion pour laquel
le Dimenche dernier elle nous remettoit en
memoire le gracieux, humble, & premier ad
uenement de nostre Seigneur en ce menii: C
- D E L’ A D V E N T. żí
lequel est ja faićt & accomply: Et auiourd'huy
elle nous remet deuant les yeux fon rigoureux,
terrible, & fecond adưenement ( lequel nous
attendons, & ne ſçauonsquand ce }era) au-
quel il viendra iuger tout le monde, comme
nous ſommes affeurez par vn article contenu
au ſymbole des Apoſtres. Par la memoire du
remier, l'Egliſe nous a inuitez à bien faire, à
uyure la loy de Dieu, & à nous garderde trăſ
greffer les commandemens à nous baillez par
Îefus Christ, & à recognoistre les grands biens
que nous auons receus de luy.Car quand nous
venons à confiderer qu'à ſon premier adue
nement il s’eſt faićt homme pour l'amour de
nous,luy qui eſtoit Dieu, immortel & impaſ
fible, a voulu porter nos infirmitez, & endu
rer pour nostre redemption vne mort
minieufe, pour nous faire participans quelque
iour de la vie eternelle, & qu'en cela ila bien
monstré le grand amour qu'il nous portoit:
c'eſt donc bien raiſon que nous luy obeïffións,
& gardions, fes commandemens. Mais noſtre
mere fainéte Egliſe cognoiffant par experien- .
ce, & confiderãt que bien fouuếtnous ſommes
ingrats enuersluy, & que les grands & infinis
biens receus de Iuy ne nous eſmouuent & fti
mulent à garder faloy & fes commandemens:
auiourd'huy elletafche à nousretirer de peché
parvnautre moyen, c'est par la crainte dů def
nier iugement & de damnation eternelle,cóm
ine voulant dire: Mes enfans fine voulez vous
*
22 sE coN D D1MEN cHE
garder peur d'eſtre ingrats, à tout
le moins foyez-en deterrez par la crainte du
dernier iugement. Et à la verité , il n'y a rien
qui puille & doiue plus nous deterrer & retirer
de peché » que quand nous confiderons qu’il
nous faut mourir.(Nihil enim morte certius,quã
aus hora mortis,nihilft incertius,teste August.tom.
3.lib. 1. fermon.domini in monte, & tom. i o. lub, de
compunët feu contrit.cordis, cap. 1.& lib. deſpiritu
& anima, cap. 31. Quàmfit autem vtilis meditatio
mortis,docet idem August. tom. 2. lib. 2. de Genef?
contra Man.c. 28.č tom, 10. c. 4. & s.libri de fþe
cula peccatorum.) & apres la mort comparoiſtre
deuant Dieu pour eſtre iugez eſtroićtemét fe
.Cor. f.
lon que nous aurons bien veſcu ou mal.Omnes
nos manifestari oportet ante tribunal Christi, &c.
qu'eſt-ce à dire manifestari? il n'y aura pechez,
tant foyent ils ſecrets,quine foyent manifeſtez
ce iour là.C'eſt pourquoy le Sage a tresbié có
Eccl.7.
feillé chacun de nous de fouủent penfer à la
mort & auiugement, Memorarenoufima, & in
æternum non peccabis.Penfe quelle fera ta fin,&
Matt. I 6. tu ne pecheras point.' Quid enim proderit homini
fi vniuerſum mundum lucretur,animaverà fire de
trimētum patiatur?S.Auguſtin meſme confeſſe,
tom, 4.lib.6.confeff cap. 16. que la crainte du fu
tur iugement l'a retiré de beaucoup de vices,&
ſpecialement l'a empefché de fuyure fes me
nus plaiſirs. Et pourtant, a fort bien dit fainét
Bafi |e , homilia o. in Pfal, 33. Cùm ad peccatum
aliquodprogredi voles, cogita mihi horrēdumillud,
(
! Þ E : L’ A D v E N T. 23
& nonferendum Christiiudicium. Comme fi tu
eſtois preſent au iugement dernier , propoſe
toy deuant les yeux ton accuſateur le diable,
ton Iuge incorruptible, & inflexible, parelo
quence , par preſens, & par faueur: propoſe
toy vn abyfme, & enfer , prest de t'engloutir
pour y eſtre tourmenté à iamais. Etie m’affeu
re qu'en te propoſant cela, fi tu n’es du tout
reprouué, tu te garderas bien d'offenfer Dieu,
comme remonſtre le meſme autheur, en vne
homelie qu'il a faićte ad diuites auaros: Alio i
qui fi grauiora illate nonterrent, ego verba facio ad
vor lapideum. Si par ceste confideration tu n’es
excité à changer de vie, ie voy bien que tu as
vn coeur de pierre, & que c'eſt faićt de toy.
Ce n’eſt donc fans iuſte occaſion que les che
ueux dreſſoyent à la teſte de fainćt Hieroſme,
toutefois & quantes qu'il penſoit à ce iour du
iugement: car comme dit le Prophete Sopho
nie, Est dies amara, dies ire, dies tribulationisé soph.r.
anguštiæ, dies calamitatis & miferiæ, &c. Et Hoel: Ioel 2o.
Dies magnus & terribilis, quis fustinebit illum. Ce
n’eſt donc pas merueilles fi la pauure Sybille
Erithree preuoyant ce iour là, s'eſcrie (vt le
gimus libro fecundo oraculorum ) & dit entrem
blant: *, ** : , .

Eheu me miferam, quid me illo temporefiet?


Quz demens omnespeccatis exuperarim.
Tūmeferuatortortoribus eripe diris,
.uamlibet infamem, confþurcaliá, pudoris,
Car s'il est ainfi que le iuste à grande dif
B 4
24 s E co N D D I MENcHE
ficulté fera fauué, & que les plus afleurez tré
1.°et.* bleront,çomme dit S.Pierre en ſa Canonique:
Commếteſt-ce que ceſtuy-là ofera comparoi
stre, qui aura irrité ce grand Iuge & commis
iniquité; Çe que conſiderant le bon Iob diſoit:
Iob re. Quis mihi hoc tribuat, vt in inferno abſcondas me,
donec pertranfeat furor tuus & Tunc enim dicent
multi montibus & petris: Cadite ſuper nos, & ab
Apoc. 6.fondite nos à facie fedentis ſuper thronum & ab
ira agni,quoniam venit dies magnus iræ, &c. Et le
Prophete Royal Dauid regardant à ce futur iu
Pfal.1 # 2. gement,dit:
Non intres Domine, in iudicium cum
Pſalm.".feruotuo. Et en vn autre lieu: Domine ne infurore
tuoanguas me, neq, in ira tua carripias me. Lequel
paſlage expoſant fainct Gregoire, chapitre dix
huictiefmè, liure vingtquatrieſme des Mora
les, & deuant luy fainét Ican Chryſoſtome,
fur le Pſalme dixſeptiefmc , dit: Si Dauid qui
fçauoit bien que fon peché luy eſtoit pardon
, , , né , & qu'il eſtoit felon le coeur de Dieu,
--. A craint tant ce futur iugement, & a peur d'e
stre puny à la rigueur : combien deuons nous
craindre que Dieu n'entre en iugement auec
nous? mais principalement , ſi nous confide
rons quel Iuge c'eſt , & qu'en ce iugement
qui fe fera en dernier reffort, il n’y aura moyen
de trọuuer des excuſes , ny d'eſchapper. Ce
Pſal.ijs. que confiderant Dauid, diſoit: Quò ibo à fþi
ritu tuo, & quò à facie tua figiam ? Par ces paf
fages, tant de l'Eſcriture faincte, que des An
ciens, yous pouuez aiſčment seseistes:
D E L’ A D v E N r. 2í
le dernieriugement eftvne chofe fort à crain
dre, & que la confideration & crainte d'iceluy,
eſt grandement vtile aux Chreſtiens, pour les
retirer de peché, & les contenir en l'obſeruan
ce des commandemens de Dieu. Parquoy ce
*
luy qui enfeigne publiquemét le cốtraire, mố
ftre bien que fa doćtrine , non ſeulement eſt
repugnante à l'expreſſe parole de Dieu, cy de
uant alleguee, & à la doćtrine des Sainćts Do
ćteurs de l'Eglife:mais auſſi pernicieuſe,& for
gee en la boutique de Sathan, lequel cerchant
par tous moyens la damnation de l'hommesluy
faićt perſuader par fes Ministres, qu'il ne doit
pas craindre le dernieriugement,à fin qu'il pe
che librement, & qu'à bride auallee, il coure
apres fes menusplaiſirs,& affections defordon
nees. Puis donc que la doćtrine de Caluin eft
telle en ſon petit Catechiſme, quandil expoſe
l'article du Symbole, qui concerne le dernier
iugement,& dit apertement,qu'il :
craindre le dernieriugement, il n'y a perſonne
de bon iugement, quine confeſſe qu'il eſt mi
nistre de Sathan,& que fa doćtrine est diaboli
que : mais dira quelqu'vn : Ie voudroy bien
fçauoir, quand ce ce iugement dernier?
Česte question est trop curieuſe. Toutefois
pour rembarrer la temetité de Carion en fes
Chroniques, & de Ofiander en ſon liure inti
tulé:De quatuor mundi conietturis,& de quelque |

Astrologue follaſtre , qui ont esté temeraires


iuſques là, de determiner quand fera la fin dit ~
B 5
26 , second d1M EN cH e
monde, & le iugement (ce que toutefois, ný
les Anges, ny les Prophetes, ny les Apoſtres
n'ont iamais ofé entreprendre ) il faut noter
que quand nostre Seigneur a eſté interrogué
du iour & temps determiné, auquel fe fera fon
fecond aduenement, & dernier iugement, il
n'a point voulu reueler ce fecret, comme a do
ćtement remarqué fainét Auguſtin epiſt.8o. ad
Eficiam: mais a reſpondu , qu'il n'appartenoit
pas aux creatures de fçauoir cela , & que fon
Pere s'eſtoit referué cela, cốme il eſt eſcrit aux
*** Actes: Non est vestrum noffe tempora,&c.H s’eſt
contenté de ſpecifier les ſignes qui deuoyent
Luc 22.
precederce iugement,cốme nous lifonsen PE
uangile d'auiourd’huy, enregiſtree par S.Luc.
Auquel quatre chofes nous remonſtrees.
Matth. 24. Premierement, les fignes qui precederőt leiu
***** gement, Secondement,l'aduenement du Iuge
en foniugement.Tiercement,la cőſolation des
iuſtes, quand il eſt dit: Venez beneiſts de mon
Pere. Finalement la defolation des iniustes,
Signes „ and il eſt dit: Allez maudićtsau feu eternel.
, . Premierement: Erunt ſigna infole. Il y aura des
ingement. ſignes au Soleil, & en la Lune, & aux Eſtoil
Matth.** les:voylà vne obſcurité horrible:Nam folobstu
rabitur,& luna non dabit lucem fuam, & stella ca
dent de calo. Le Soleil deuiendra obſcur,c'eſt à
dire,il perdra falueur,à cauſe de la grãde ſplen
deur de Chriſt, quand il viendra au
comme interprete, fainét Iean Chryſostome:
« car comme difent les Philoſophes: Maiuslu
· | 772 eft
D E . L’ A D v E N T. 27
men obsturat minus. Autant en aduiendra-il à la
lune, laquellene donnera pas ſa lumiere, & les
eſtoilles cherront'du ciel: horribles & efpou
uentables fignes precederont le terrible & re
doutable iugement de Dieu, qui demonſtre
ront l’ire diuine implacable,ſelon le Pſalmiſte, -

qui dit de ce iugement:Ignis anteipfumpracedet Pfahºº


& inflāmabit in circuitu inimicos eius, c'eſtà dire: *

le feu ira deuant le iuge, & bruſlera les enne *

mis d'iceluy: Par leſquelles parolles nous eſt


fignifié combien ce iugement fera terrible &
eſpouuentable:c'eſtà dire,qu’on ne pourra ap
paifer ce iuge. Car celuy qui a eſté doux cốme ,

vn agneau en fon premier aduenement,il vien- e


dra comme vn lyon bruyant & rugiflant en fon
fecond aduenement. On dit communément
i qu’vne brebis entre deux loups, vn nauire en
e deux gouffres,ne font pas fans grãd frayeur
& paour: Ainſi eſt-il de nous autres viuans fur deux inge
ka terre:car nous ſommes entre deux iugemens, "e";
à fçauoir des Anges,lequel eſt paſſé: & des hő- ;:: :
mes,lequel eſt à aduenir. Auant lequel nostre .
Dieu monstrera ſon ire griefuement indignee signes auf:
cốtre nous par le troublemét des creatures:Sol leil. /
obſcurabitur, Le foleil deuiendra
dra falueur.Premierement diui- Z.
obſcur,&per-
pour l'offence ::ge.
ne, laquelle par deſſus toutes choſes est eſpou- pourquoy.
uentable & redoutable. Secondement le foleil
deuiendra obſcur pour la coulpe de l'homme,
laquelle par deſſus route estimation est dete
i stable & abominable. Tiercementle ſoleildc
i , - U11Cft
28 , sE coND D 1M E N c H E
uiendra obſcur pour ſignifier la peine des dams
nez, laquelle par deſſus & auant toutes chofes
cſt terrible & horrible. Et luna non dabit lucem
filam.Lalune ne donnera pas ſa lumiere,en la
- uelle feront pluſieurs ſignes. Le premier figne
førse, laquel- est obſcurciſſement:car veu que la lune préd fa
- - - - - -

lueur & lumiere du foleil,le foleil eſtãt obſcur


fa, f. tumis-cy,neceſſairement la lune deuiendra obſcure.
re, e fºur-Secondemếtil
quoy.
y aura d'autres fignes en la lu
ne:à fçauoir mutation & changement de cou
Apoc. r. leur,ainſi que teſmoigne S.Iean, Luna tota fa
čia est vt/anguis : La lune deuint toute comme
signe, aux fang. Et stellis.Pluſieurs ſignes feront aux eſtoil
eſisiles, les qui precederont le iugement:car elles cher
ront,& tomberont du ciel, non pas quất à leur
fuſtance: carcela eſt impoſſible, pource que
Dieu a fondé la lune & les estoilles au firma
ment,vn chacunayấtfon ciel particulier, & les
-: - Cieux font fermes,ſtables,en leur folidité & in
stailles tegrité.Les estoilles cherront,c'eſtà dire , pre
’ º mierement quant à la foustraction & priuation
" de lumiere, comme fi elles estoyent tombees.
- Secondement pour la cheute d'aucunes va

z. **
. peurs & exalations
fcendront enflambees,
fus la terre leſquelles
en fi grand nombrede&
tant horribles qu’il femblera aduis à ceux qui
les verront, que les estoilles cherront du ciel,
S.Hieroſme ſur le chapitre 24. de S. Matthieu
dit,que cecy ſignifie feulement,que les eſtoil
les feront obſcurcies par la ſplendeur de l'ad
tienement de nostre Seigneur. Mais qui en
*, , , - VoUi
D E L' A D v E N r. . . . 29
voudra voir d'autres interpretations, qu'il life
le meſme Doćteur ſur le 34. chapitre d'Efaye.
Et in terris præffura gentiữ.Et en la terre angoiſ- signes en la
fe des gens pour la rencontre de pluſieurs, qui “”“
fuiront l'vn deçà, l'autre delà , à caufe des ter
ribles & eſpouuentables tremblemens de la
E/a. 13.
terre. Tunc vlulabunt homines:quia propè est dies
domini. Alors les hommes crieront & vrleront:
car le iour du Seigneur eſt prochain,lequel viế
dra du tout-puiſſant,comme le foudroyeur:Væ, Apes.s.
ve, ve, tunc habitantibus füper terram: Maledi
ćtion, maledićtion, maledićtion aux habitãs de
la terre:car il y aura angoiſſe des gens, & pour
quoy? Præconfuſione/onitus maris & fluttuữ.Pour Signes en la
la confufion du bruit de la mer & des ondes. „ ..
Car la mer fera merueilleuſement eſleuee: cő- " ** **

me a predit le S. Roy & ſacré Prophere Da


uid, Mirabiles elationes maris.Leseleuations des Pfalº2.
flots & vagues de la mer feront admirables. Signes aux
Areſcentibus hominibus pretimore & expectatione hommes.
quæfi peruenient zniuerſoorbi, Les hommes fe
cheront de paour pour l'attente des chofes
qui foudainement viendront furtout le mon
de:Les hommesfecheront,Sicut terra fine aqua, pſal.,2.
comme la terre fanseau : & leurs os deuien
dront fecs, comme vn tifon de bois : lefquels
aparoiſtront paſles, fans fang au vifage pour la
crainte des maux, deſquels ils feront coulpa
bles, & pour l'attente desmaux qui foudaine
ment viendront fur tout le méde. Il ne dit pas
en vne partie du monde,mais à tout le monde:
pour
3O S E C O N D : D I M E N C H E

pource il n'y aura aucune ouuerture par la


quelle on puiſſe fuir & efchapper. Et pource
* * S.Hieroſme dit tresbien, Semper videturauri
bus meis infonare voxilla, Venite mortui ad iudi
cium. Soit que ie boiue,foit que ie mange,foit
que ie foy en mon lict, dit ce bon Ancien, il
me femble que i'entends toufiours aupres de
mes oreilles ceſte horrible voix : ô morts ve
nez comparoistre en iugement. Et ce ne fera
point de merueilles fi les hommes fecheront |

signes, aus de paour. Nam virtutes celorum mouebuntur. Car


4ng“*****
Hebr. 1.
lesvertus du ciel feront efmeuës, C’est à dire
- •

Loza les Anges,la cheualerie celeſte, les eſprits ad


of enz.com- ministrateurs enuoyez en adminiſtration pour
mët e peur- ceux qui receuront l'heritage de falut, Mouebiz
quºy. tur,Ils feront efmeus. Premierement pour vn
mouuement de reuerence, & pour le regard
*
du iuge. Secondement pour vn mouuement
Matt. 13. de vengeance,pour le regard des damnez. Car
à la fin du monde:Mittet angelosſuos,& colligent
deregno eius omnia standala,& eos qui faciunt ini
quitatem: & eos mittent in caminum ignis. Ibi erit
fletus c ffridor dentium. Il enuoyera fes Anges,
qui cueilliront de fon royaume tous empeſche
mens & ſcandales, & ceux qui font iniquité,
& les iećteront en la fournaiſe du feu , là où il
y aura pleurs,& grincemens de dents. Tierce
ment ils feront efmeus du mouuement d’o
beïſſance,pour le regard des choſes leſquelles
similitude appartiennent au iugemét. Car fi le camp d’vn
Roy terrien allant à la guerre,est eſmeu, toute .
la
D E L’ A d v E N T. 3I
la cité eſt efchauffee: à plus forte raiſon,le Roy
des Roys, le Seigneur des Seigneurs, voulant
prendre vengeance de fes ennemis , qui n’ont
pas voulu qu'il ait regné fureux ains audacieu
fement le prouoquent à ire contre-eux, rebel
les à fes inſpirations diuiņes,fera terrible,& re
doutable à ſes ennemis. Alors les vertus des
cieux feront eſmeües:terribles feront les mini
stres,forts, & puistants: Adfàciendam vindičiam „
in nationibus,& increpationes in populis.Pour fai- ofe des An
re vengeance des nations, & pour chastierles
peuples: pour lier les Roys en ceps,& les No- phi .
bles d'iceux en liens de fer, à fin qu'ils facent
en iceux le iugement estroićt. Donc les Anges
terribles precederont le iugement du Iuge ter
rible. Tunc videbuntfilium hominis. Lors ils ver
ront, tant iuſtes qu’iniuſtes, le fils de l'homme,
c'eſt à dire, de Marie, qui en forme humaine Hér * , .
iugera, pourpluſieurs raiſons. La premiere, à„ : :
fin que ceux qui feront iugez le puiſſent voir, : humaine,
felon qu’il eſt dit en l'Eſcriture : Videbunt in e pourquoy.
quem transfixerunt. Ils verront celuy qu'ils ont
bleſſé, & offenfé:car la diuinité eſt tellemét de
lećtable , que nul fans ioye ne la peut voir:
pourtant nul damné ne la verra:car en la voyất,
il prendroit plaifir : de forte que fi les damnez
qui fouffrent indicibles peines , & incompa
rables tourmens pouuoyent voir la diuinité,
ils auroyent ioye & delećtation fi grande, que
leur peine ne feroit pas peine:leurshelas feroit
conuerty en foulas: cris,en ris:leur uit :
C
32 S E C O N D D I M E N C H E

fe en lieſſe: car rien triste ne peut eſtre veu en


celuy qui eſt le fouuerain bien, la fontaine de
lieffe,le verger des delices, & le torrent de tout
plaifir,& cóſolation. Dốcques le fils de l'hom
me fe monstrera en forme humaine, à fin qu'il
foit de tous veu: aux bons, doux & amiable:
aux mauuais,terrible,& eſpouuentable. Et de
Ioan.3,
cecy eſt eſcrit en Monfieur Sainćt Iean: Pater
non iudicat quemquă,fed omne iudicium dedit filio.
Le Pere ne iuge perſonne: mais ila donné tout
le iugement à ſon Fils. S. Auguſtin tratt. 21. in
Ioannem:expoſe fort bien ce lieu icy, & dit que
le Pere ne iugera manifestement: mais la Tri
nité ordonnera ſecrertement la fentence, la
quelle Ieſus Chriſt, entant qu'homme, pro
noncera: tellement que celuy qui fera le iuge
ment en public,ce fera le fils de l'homme: Quia
paternon feconde,d'autất qu’il
a merité ceſt office cóme homme, c’eſt bien rai
fon puis qu'il s'eſt humilié ſous le iuge mon
dain,& a acquieſcé à la fentếce de Pilate, non
obſtant qu’elle fuſt iniuste, que luy regnant au
ciel,Roy,& Seigneur de tout le monde, ait au
thorité iudiciaire fustoute creature. La tierce,
pource qu'il a oſté aux hommes toute occafion
& matiere de defeſpoir : car fi Dieu feul nous
iugeoit, on pourroit prendre matiere d'eſpou
uentement, & trop grande terreur. O grande
eſperance,noſtre Iuge eſt noſtre frere: In nube.
Ils verront venir le fils de l'homme en nuë, la
quelle enuironnera le Iuge , & laquelle
Of
) -

D E . L’ A D v E N, T. , z 33
formee par vertu diuine. Car(cőme dit Orige
ne) ainſi qu'en fon aſcếfion il eſt monté dedans
vne nuee,pareillement pour monſtrer ſa ſuper-
eminence, il retournera en vne nuee. Et de ce -

eſt eſcritaụx Aétes:Siczeniet quemadmodum vi- 4ä.r. .


diffiseum euntem in cælum. Il viendra tout ainſi *

que l'auez veu mõterau ciel, diſoit l'Ange aux , .


Galileens: il viendra donc en nuë, Et potestate Matthar.
magna,auec grande puistance,pour puitiammết ““:”:
punir les mauủais, vt, qui cantempferunt eum in *****
humilitate cognostanteum inpotes are: Et qui/ei
re noluerunt quam dulcisest mistricordia eius sfen
tiant quàm grauis estira ipſius, comine dit lainét
Iean Chryfest, hom.f5, in Matthæum. Afin que
CEUX l'ont meſprité en fon humilités le co
gnoi ent: carilingeratous les Roys, Princes,
Seigneurs, & Dames, jeunes & vieux, pasures
& riches, forts & foibles, eſtrangers & dome
ftiques, bons & mauuais, honorez & meſpri- -

fez,fçauans & ignorans, ioyeux,&rristes.gtãds * * * *v.


& petits, maistres & vallets, fols & fages,hom-
mes & femmes. In poteſtate : lors il viendra en -
puiſſance. Et pourrantil n'y aura alors aucune . . . . .
puiſſance pour refifter, ne faculté ou ayfance : sv
de fuir, ny angletou coing pour fe cacher, ne
lieu de penitence, ny efficace de priere ou o
étroy de requeste, ne temps de bien operer ou .
fatisfaire. Superius erit iudex iratus (dit S.Gre- chef fou
goire) ſubtus horrendum chaos inferni; &c. Au
deſſus fera le iuge courroucé, terrible, infu- "**
perable,inflexiblesindeceuable,tres-eſpouuen
, - C
!
34 S E C O N D - D I M E N C H E. -

table & redoutable : au deſſous fera la gueulle


& fournaife du feu ardent ouuerte:au derriere
la vie dereſtable qu'on a mené le temps paffé:
au deuant iugement fans mifericorde:a la dex
tre,les pechez qui accuſeront: à la feneſtre,vne
infinité de monſtres diaboliques, pour auec
eux en grande furie & felonnie fathanique ra
uir & abiſmer au profond lac d'enfer les re
**** prouuez : au dedans , la conſcience deſpitant,
accuſant, & reprouuant: au-dehors, le monde
ardant & bruſlant. Er par ainſi le paaurepe
cheur apprehendé, & de tous coſtez enuełop
pé,ne pourra fuir ny eſchapper: ;
Tenons nous dốcques furnos gardes Chre
ſtiens, & mettons peine , à fin que ne foyons
comprins fous l'arreſt & fentence de
la plus grande mifere de toutes les miferes du
monde : & au regard de laquelle toutes lés
calamitez humaines ne font que voluptez &
Arrest fºrdelices. L'arrest & fentence de laquelleie pre
: , tends parler, c'est celle qui est recitee en fainét
Matthieu,où il est dit: Itemaledičtiin ignem eter
Matth.2s. num : Ailez maudićts au feu d'enfer, où il n'y a
Apoc. 9. que pleurs, grincement & ferrement de dents,
preparé au diable , & à ſes anges: où ils
feront tourmentez par tous les fiecles des fie
cles, où ils demanderont & cercheront la mort,
saar- & ne la troửuerốt point, ils defireront mourir,
::::--- & la mort s’en fuira d'eux.Lasllas!combien fe
«-ra dure celle departie,du fouuerain biếau fou
uerain mal:de toute felicité,à toute mifere: du
.* Pals
A
4D E : L’ A d v E N r. ? ! 35:
paisdelectable à confufion eternelle: Oire de Exclamatii.
Dieu!ô fentence deDieu!ô iugement de Dieu!;
ne cheez point furnous: car nous n'auons rien
qui vous puiste ſouſtenir.Eſueille toy, efueille
miferable creature, eſcoute à oreilles eftếdues
letonnerre de ceſte fentence: regarde à yeux : ***
ouuers la façón de ce iugement, tropesendor- -

mie, trop fourde, &atieuglee, fitu n'apperçois


telouurage,& fi tu nefenstelle mifereşti aigre
& afpre punitionCe n’est icy fable,forige, moc
querie,ou menſonge. Nefoyons pas dońcques
de ceux defquelson dit communément, folne
croit,iuſqu'à tant qu'il reçoit. Tels furent les “
gendres de Loth, quand il leur conſeilloit & 89 des '
aduiſoit de la punition que Dieu vouloit en-i mondains au
uoyer fur Sodome, Ettels furent les mon-tit: “ Nºé
dains, quand Noé prefchoit le deluge aduenir, -, aº
qui n’en faifoyent compte. Pource nous con- -3 \
uient fouuent penſer & repenfer à ce terrible º
iugement,&l'appliquerà la veuë de noſtreen- '
tendement,à fin de nous retirer de mal,& faire
penitéce feló que nouscrie le Sage, difantre-e,l.7.
cordarenouifimatua, & in aternum non peccabis.
Ayes fouuenãce de ce qu'il t'aduiendra à la fin,
& iamaistune pecheras. Non fans caufe il eſt .
dit, que le fils de l'hốnueviếdra en Majeſté:car,
In multitudinepopali dignitas regis.La d’vn
Roy confifte en multitude de peuple. Ainſi
quand noſtre Seigneur viendraauiour du iu
gement, fe fera en puiſſance ; pour puiſlam
A
«*

ment punir ceux qui font puistans, à puiſiain


LA

- i A 2.
36 S E C O N D . D I M E N C H E

ment pecher: & en Majeſté, & gloire,pour re


munerer les bons, accompaigné de pluſieurs
milliers de Sainćts: tousfes Anges, Archanges,
Cherubins, Seraphins, puiſſances, vertus, do
minations, & ordres, feront auec luy. Alors:
Pan-7. AMillia millium ministrabunt ei, & decies centenaz
millia astabunt ei, dit Daniel: Mille de milliers
luy ſeruiront, & dix fois centaine de milliers
luy aſſisteront.Le loüable nombre des Sainéts
Patriarches fera auec luy : le coeur de l'affem
blee esteuë des Prophetes fera auec luy: le Se
nat & college des Apoſtres: le triomphất exer
cite des Martyrs,& Martyres:le facré ordre des
Pontifes, & Preſtres: lapurité & integrité des
pucelles & vierges, & les bien-heurees ames
„... , abbreuuees du torrent devolupté,&ioye infi
p„ nie,aſſiſteront auec huy. Ibunt hi in/uppliciğ eter
/applice des nŭ. Les iniuſtes s'en iront au fupplice eternel,
4amnes e pour receuoir le loyer de leurs fauſſes oeuures,
"*"“K: & pour endürer en enfer tourmens & peines,
fans iamais finir.Enfer fera leur eternelle habi
tation, où ils auront Lucifer pour leur patron,
qui auec ſes miniſtres les tourmenteront, fans
aucun abry de confolation, où ils maudiront
. l’heure en laquelle iamais ils furent nais, & le
Job.3. iour auquel ils furent baptizez, & diront auec
Iob.Pereat dies in qua natus/am,& nox in qua di
tłum est,matus est vir. Que le iour auquel ie naſ
quis n’eust iamais eſté,& la nuićt en laquelleie
fus cőceu,& la vie qu'ils auront mence,oyans
continuellement d'horribles cris des diables:
...? leur
DE L’ A D v E N T. 37
leur ris fera conuerty en cris : leurs foulas en
helas:leurs faueurs en fureurs : leurs valeurs en
malheurs:leur doux vin,en venin:mille poing
tures,& nulles oingtures, plus leur conuiendra
le maudire,que le rire:le pleurer, que le parler,
quand par leurs demerites, ils feront priuez de
toute felicité,&ioye:& feront plongez au puất
& afpre goulfre, & feu d'enfererernellement.
Iusti autem ibunt in vitam æternam. Mais les iu- Dons 9 de
ftes iront en la vie eternelle, enrichis des dons *****“:/“
& doüaires de reſplendiſſante clairté, furmon- i ap
* • P • 1 K:
tans en lumiere la clairté du Soleil, de la lune,
& des lumineuſes eſtoilles, auec le dốt de ſub
tilité.Selon qu'il eſt eſcrit:Iusti fulgebunt in per dan.rz.
petuas eternitates.Lesiuſtes reſplědiront en per
peruelles eternitez. Le rayố du Soleil eſt mer
ueilleuſement ſubtil,qui parfa fubtilité entre
dedans la maiſon par la vitre fans faire fraćtu
re:mais fans comparaiſon,le corps glorieuxpe
netrera & percera faire aucu- •

ne fracture, ou rompure. Comme Ieſus Chriſt "****


seſfuſcité, entra à fes Diſciples les portes fer *

mees.Et comme dit le Pſalmiſte: In nomine tuo P/al.r7.


tranſgrediar murum.En ton nom,ie paſſeray ou
tre le mur.Ils ferontauffi doüez du don d'agili
té.Les cheuaux courent legierement fus later
re:les oyſeaux volent viſtement &promptemét
en l'air:la fiefche paſſe foudainernét: mais plus ... .
legierement, vistement, & foudainement, paf- es
fera le corps glorieux d'vn lieu en vn autre:
sar en vn inſtất là où il voudra aller,ily
- - w C 3 fera en
3ổ S E CO N D C D ÍM E N C H E
vn moment: il pailera & fautera d'Orient en
Occident,car là où voudra estre l'eſprit,là fou
dainement fera le corps,par le don d'agilité. Ils
feront auſſi impaſſibles,de forte que fi vn corps
glorieux eſtoit dans vne fournaiſe embrafee
d'vn grãd feu ardent, l'ardéte chaleur ne pour
roit endommager le corps du bien-heureux. Et
tout cecy a eſté declaré par Efaie, & repeté
v -- - - parfainct Paul: Oculus non vidit,nec auris audi

*******'uit, necin cor hominis aftenderunt, quæ præpara


' uit Deus diligentibus fe,C'eſt à dire,iamaison n’a
* veu iamais on n'ouyt,&iamais on n'a penſé ce
quc Dieu a auxbié-heureux.D'auātage
, , e tous les ſens feront purifiez. Premierement la
veuë:car en voyát le Roy de gloire,elle fera du
tout purifiee.Secődement l'ouye:car en oyant
le doux & amiable chant des citoyens de para
dis, elle fera purifiee. O homme mortel , fi la
diuerſité des chants melodieux, comme des
orgues, ciſtres, violons, pſalterions, eſpinet
** ** tes,regalles , & autres inſtrumens de Mufi
que, delectent & refiouyſſent ton ouye, d'au
, tant plus te refiouyra la douce melodie de pa
** radis. Tiercement le fentement & flairement
fera purifié, tant bon odeur procedera du pre
cieux & glorieux corps de Ieſus Chriſt. In odo
rem vnguentorum tuorum curremus. Nous cour
c„...rons en l'odeur de tesoignemens. Quartement
sap.r2.legouſt ſera purifié : O quam ſuauis est ſpiritus
tuum domine. O Seigneur , comme ton Eſprit
eſt doux,& ſuaue. Quintement le touchement
- '. -> fera
D E . L’ a d v e N r. 39
fera purifié en touchant la glorieuſe chair de
Ieſus Christ. Ostuletur me ofểulo oris fui, diſoit cant.t.
l'eſpouſe de Ieſus Chriſt , que mon eſpoux me
baife du baifer de fa treſſacree & diuine bou
che. Iusti autem in vitam æternam. Les iuſtes iront
en la vie eternelle:ils iront de labeur temporel
au repos eternel: de tenebres obſcures, en lu
miere reſplendiſfante: du peril redoutable, en
affeuranceineſtimable;de feruitude en liberté,
de mifere en felicité,de corruption en incorru
ption, de l'abiſme du mõde au ſommet du ciel,
du lieu d’horreur au lieu d'honneur,d'ignoran
ce en pleine ſciéce,de triſteſſe en lielle,de trou
ble en paix,de pauureté en richeffe,de maladie
en fanté, de mort corporelle à la vie eternelle,
en laquelle ils verront le Roy de gloire en fon
triomphe & maieſté Royalle,aſſis en ſon throf
ne & noble pourpris, auec fa cour & nobles
fenateurs, & autres citoyés & bourgeois de pa
radis. Mais pour obtenir tous ces dons, il nous
faut tenir la reigle que nous donne S.Paul par
lăt de ceſte matiere:Hoc dicofratres, quia caro & t.cor.is.
fanguis regnum Dei non pofidebunt. Vne chofe ie
vous dy, mes freres, c'eſt que la chair & le fang
neiouyront point du royaume de paradis: en
tendant les hommes charnels, & addonnez à
leurs plaifirs: & partant il faut laister tous ap
petits defordonnez, pour paruenir à ce but.
Doncques, mes amys & freres Chrestiens, vn oraistº.
chacun de vous preſentemét ſe mettra en bon
ne deuotion » en priant Dieu auec toute reue
4
, sEco ND d1M E N eHE
rence & humilité de coeur, en difant: O nostre
tres-doux, gracieux & mifericordieux fauueur,
vous estes noſtre Pere, nous fommes vos en
fans-vous eſtes noſtre Redempteur, nous fom
mes le peuple que vous auez racheté vous eſtes
noſtrc Createur, & nous fommes les creatures,
les eeuures & faćtures de vos mains: vous eftes |
noſtre Paſteur, nous fommes les brebis de vo
ftre parc: vous eſtes noltre Dieu, & nous fom
mes voſtre heritage, qui porte vostre enſeigne
& marque, & fur leſquels voſtre tres-ſainét
nom eſt inuóqué, il vous plaiſe, ô noſtre bon
Dieu & pere tres-benin & debonnaire, au nom
de voltre fils noſtre Seigneur Ieſus Christ par
la grace de vostre S.Eſprit, & par les dignes in
terceſſions des glorieux eſprits de tous les
Sainćts & Sainċtes de Paradis nous donner la
grace qu'au iour de voſtre iugement final, vni
uerfel, & general, nous puiſſions tous eſtre à
voſtre glorieuſe dextre, pour ouïr ceſte tant
doứce & faluifiante voix, procedante de la fa
cree & diuine bouche de nostre Seigneur lefus
Chriſt,difant:Venite benediĉiipatris meipofidete
regnumparatum vobis à constitutione mundi. Ve
nez beneiſts de Dieu mon pere, poffedez le
royaume qui vous est preparé deuant la fonda
tion du monde , à fin qu’eternellement nous
uiſſions donner honneur, loüange,& gloire à
treilainéte & glorieuſe Trinité, Pere & Fils
& fainét Eſprit,vn feul & vray Dieu,au Royau
me de Paradis,Amen. 7 -

TR OT
. S- 41
T R O I SI E S M E D IM E N C H E ..
D E L’ A D v E N r.
F || V m vidiſſet Ioannes in vinculis opera Matthrt.
Christi. Quand Iean euft ouy en la
); } priſon les oeuures de Ieſus Chriſt, il
Elenuoya deux de fes diſciples, difans:
Es-tu celụy quidoit venir, ou finous en arren
dons vn autre? Il n'y a dignité,puiſſance,ou au
thorité concedee aux hőmes,qui ſoit plus gráde
que la prophetique & apoſtolique, c'est à dire,
l'authorité & puiſſance de preſcher & annon
cer la parole de Dieu. Quand Dieu enuoya Ie
remie pour preſcher fa parole au peuple d'Iſ- ..
raël,illuy dit: Ecce constitui te hodie ſupergentes Fire"."
& ſuper regna,vt euellas,& destruas, & plantes &
edifices, &c. Ieremie ie t'ay faićt auiourd'huy
grand perſonnage ſur mon peuple: va, couppe
& taille,fay comme tu l'entendras: arrache &
lante: edifie, & deſtruis ainſi que bon te fem
lera. Si vous voulez confiderer au Chriſtia
niſme la puistance de ceux qui font estat de la
predication,voyez que leur dit l'Apoſtre fainét
Paul, parlant à eux en la perſonne de fon difci- _
pleTimothee: Predicaverbum opportunè & im- ****
portunè,argue obſecra,increpa Et eſcriuất à Tite Tir.2.
fon diſciple, luy dit: Ie veux que tu ayes ceste
liberté de reprendre toute perſonne. Et com
ment? argue cum omni imperio. Et nous voyons
cela auoiresté practiquéparlesanciens qui ont
esté constituez Pasteurs ou Predicateurs. Voy
C 5
42 T R o 1 s 1 e s M e d 1 M E N c H E.
la comme parle Elie au Roy Achab, qui luy
i Reg is. difoit:Tune fais que troubler rout mő Royau
me. Reſpond Elie: Ce n’est pas moy qui met
les troubles: mais pluftoft toy & tes predecef
feursauez tout gasté. Voylà vne grande liber
té, de parler ainſi à vn Roy. Voire-mais qtti
rend ceſte parole du Prophete à l'endroit de
fon Roy excuſable? L'authorité & dignité de
preſcher la parole de Dieu. Qui a dőné ſi gran
de liberté à fainét lean Baptiste contre Hero
de ? c’eſt qu'il eſtoit conſtitué de Dieu pour an
-

Matth.rz. noncer la verité. Et pourrant il luy dit fran


- - - - - -

chement:Non licet tibi vxorem fratris habere ipſo


viuente. Autrefois les Pontifes ont appellé les
Apoſtres, & ont voulu empeſcher ceſte liber
té, leur defendant tres-expreſſément de preſ
cher. Mais ils n'ont peu. Carayans receu de
leur maiſtre Chriſt ceste authorité & comman
“.” dement de preſcher, leur dirent trefbien qu'ils
n'en feroyent rien pour eux, & qu'il n'estoit
pas raiſonnable d'obeïr aux hommes pluſtoſt
qu'à Dieu. Par cecy nous voyons combien eft
grande la liberté des predicateurs , iuſques à
ne pardonner aux plus grands de la terre. C’eſt
- .: _vne charge fort honnorable, auſſieſt-elle bien
onereuſe & dangereuſe pour la conſcience,
fi vn predicateur ne faict bien fon deuơir
comme il appartient : comme il appert par ce
Ezech.s. qui eſt eſcrit en Ezechiel : Si dicente me ad im
pium , morte morieris, non annunciaueris ei, ne
que loquutus fueris, vt auertatur à via ſua im *

pia 3
D E L’ A D V E N T. . r 43
pia,ipſe impius in impietate fua morietar,fanguinẽ
autem eius de manu tua requiram , dit Dieu par
fon Prophete, à ceux qui ont commiſſion de
preſcher: Si tu n'aduertis le meſchant qu'ilfe
retire de fa meſchanceté, & il meurt en icelle,
ilfera damné:mais fon peché & damnation re
tournera fur toy : car tu es cauſe de fa perdi
tion: mais ſi tu l'aduertis, & il n’en veut rien
faire, Liberasti animam tuam , Tuen feras def-
chargé,& ne reſpondraspoint pour luy. Ce que
confiderant Origene en l'homelie vingtiefme
fur les Nombres, quandilexpoſe le comman
dement que Dieu feiſt à Moyſe de faire pen- . .
dreau gibet,Verfafolem, les Chefs, & gouuer-*****
neurs du peuple:parce qu’ils n'auoyent pasem
peſché les enfans d'Iſraël de tomber en forni
cation auec les Madianites, vient à dire : Ce
n'est pas peu de cas auoir charge en l'Egliſe:
Sufficit mihi promeisproprijs argui delittis, ſufficit
mihi pro memetipſo , & pro peccatis meis reddere
rationem. Quid mihi necefe est pro populipeccatis
ostentari contra/olem? circ. Si ceux defquels i’ay
la charge font mal, & ie ne les argue, i'en fe
ray puny pour eux. Parquoy i'ayme beaucoup
mieux n'auoir charge de perſonne, fçachant
bien quei'auray aflez à faire à reſpondre pour
moy, fans rendre compte, & estre puny pour
les fautes d'autruy. Il est donc bon à voir que
c'est vne charge bien dangereuſe que d'eſtre
predicateur, & Paſteur du peuple. Car c'est
vne choſe rare, que voir vn Paſteur, & predi
CatCllt
44 T R o I s 13E s M E D I M E N .
cateur quifoit fi libre, qu'il dife & prefche la
verité à vous, parce que la, vie y pend le plus
fouuent. Auez-vous veu beaucoup de Pro
phetes,ou d'Apostres, qui ayent libre
ment, fans endurer la mort ? Ils font bien clair
femez. Et pource quand noſtre Seigneur ap
pelle aucun en l'eſtat de predication, il le mer
Matth.re. comme la brebis en la gueule desloups: Ecce
ego mitto vosſicut ouesin medio luporū.Ceſte char
ge donc eſt accompaignee de grandes fafche
ries, & perfecutions. Comme ont experimen
té les Apoſtres , qui ont eſté mis en priſon,
foüettez, lapidez, & en fin mis à mort. Ouy
mais,dira quelqu’vn,pourquoy Dieu ne les de
liure-il,& ne leur donne la domination ſur les
Tyrans: Ie reſponds que c'eſt pour-autant qu’il
ne veut pas vaincre par armes , & violence,
comme faićt le monde: mais par patience,
manſuetude, & humilité. Regardez quand le
fainct Eſprit a armé les Apoſtres pour aller
conqueſter tout le monde, quelles armes leur
a-il baillé la langue ſeulement,& non pas vne
pistolle, ou vne eſpee. Et les ſucceſſeurs des
Apoſtres comme ils armez? de la langue
feulement, ainfi comme les Apoſtres. Voylà
les vrayes armes des Apoſtres & de leurs ſuc
Luc 2 r.
ceffeurs. C’est ce que noſtre Seigneur auoit
promis donner à fes Apoſtres, vobis os cá
fapientiam cui nonpoterunt refistere & contradice
re omnes aduerfarij vestri. Allez, ne craignez
point: ie feray que vous ferez plus forts que
tout
: D E ; L’ A D v E N r. 4 ;
)
tout le monde: car ie vous armeray. bien. :le
vous donneray fageffe pour mediter, & bou
che pour parler. Ouy-mais, on nous mettra en
i priſon, & fera-on mille maux. Ne vous fou
ciez: c'eſt tout vn. Nonobſtant toutes perfe
cutions, afilićtions, & tourmens,vous gaigne
rez contre les perſecuteurs & Tyrans, Carve- *Estrs.
rité est toufiours la plus forte. A ceſte cauſe -

les Apoſtres & Sainéts perſonnages ancien


nement quand ils ont eſté expofez en diuers
tourmens,ils onttenu peu de compre des affli
ćtions corporelles, ains au contraire fe font
conſolez, & ont plus manifesté leur vertu,&
constance en captiuité & perſecution , que
quand ils estoyent en pleine liberté. Voyez
fainét Iean Baptiste eſtant en prifon pour auoir Luts.
dit la verité au Roy Herodes, a-il perdu cou
rage? luya-il faićtpreſenter requeste pour luy
pardonner? a-il dit,Sire, i’ay eſté indiſcret: il
ne m'aduiendraplus? Non, non i mais il eſt de
meuré ferme & plus immobile qu’vn rocher,
felon le teſmoignage qu’en a donné nostre Sei
gneur, ainſi que plus à plain est contenu en no
fire Euangile,où il dit aux Iuifs, Quid existis in
defertum videre ? arandinem vento agitatam? Hier.ro.
Nous lifons du Prophete Hieremie qu'il a esté
mis en priſon pour auoir dit la verité. Mais
pour cela a-illaiſſé à predire la captiuité du
peuple d'Iſraël:Non. Et c'est ce que dit l'Apo
stre S.Paul. Vous m’auez beau mettre en pri
fon, cependant: Verbum Dei non est * .
- -; . : Liſez
46 r R o 1 s 1 E s M E D 1 M E N. -

Lifez toutes les Epiſtres de fainét Paul : vous


trouuerez que celles qu'il a eſcrites en prifon,
ont plus grande energie que les autres. Voyez
PEpistre aux Ephefiếs,laquelle il a eſcrite estất
en prifon, il dit: Nous apprenons aux Anges
vn mystere qu'ils ne fçauoyent pas , à fçauoir
de la vocation des Gentils. Et au quatriefme
chapitre, regardez comment il parle: Obſecro
vos ego vinčius in Domino.Il n'a pas dit:Moy qui
ay eſté rauy iufques au troifieſme ciel: mais la
plus grande gloire qu'il s'est peu donner,a eſté:
Moy qui fuis priſonnier pour la querelle de
mon Dieu, comme a doćtement remarqué S.
Iean Chryſoftome,en l'homelie huićtiefmefur
celte Épistre, ad Ephestos, CCS Imots:

º Ego vinčius in Domino. Laquelle ie puis verita


blemerit dite eſtrevne des plus belles homelies
qu'il feiſt ramais, & eſtre ſuffifante pour per
fuader à tout Chreſtien d'endurer conſtam
ment, & ioyeuſement pérſecution pour Chriſt.
Là S. Chryſoſtome admire beaucoup plus les
chaifnes & liens de S.Paul,que fon Apostolat,
& tous fes miracles, & defire fort d'aller à Ro
me pour viſirer la priſon de fainét Paul,& bai
fer chaiſnes deſquelles il a esté lié pour la
de Ieſus Chrift : & dit que fi on luy
onnoit option d’eflire la puiſſance de faire les
miracles de S. Paul, oú eſtreien prifon auec
Huy, qu'il efliroit la priſon,moyếnant que Dieu
luy donnaſt conſtance. Orainfi comme fainét
Paul eſtant en prifon, a defcouuert quelques
' : ; fecrets
- de I’ A d v e N r. 47
fecrets qu'il n'auoit pasau paranāt; auffi fainct
Iean Baptiſte ne s'eſt point tant declaré à fes
diſciples qu'il n'estoit point le Meſſias, com
me il a faict eſtant en priſon comme ſeditieux
& perturbateur du repos public. Il leur auoit
defia dit pluſieurs fois: mais ils penfoyent que
ce fuſt par humilité qu'il diſt cela. Et pour les
ofter de ce doubte, il les enuoye auiourd'huỷ
à Ieſus Christ vray Meſias, & fait l'office d'vň
bon precepteur & docteur : il a foin que fes
diſciples entendent la verité de laquelle ils * *
estoyent ignorans au parauant. Voylà le pro
fit que fait l'homme fidelle cependant qu'il
est en perſecution. Sainćt Jean Baptiste eſtant
en liberté auoit beau dire à ſes diſciples que
Ieſus Chriſt estoit le vray Meſſias:ils n’en vou
loyent rien croire.Mais,dit fainét Matthieu ën
nostre Euangile, Cùm effet in vinculis & addiffet
Christi,ïla etifoin d'ehủoyer deux defes
iſciples vers nostre Seignetit pour estre in
fruičts de la verité. Maispetirquoy fainét Iean
a-il attendu à enuoyer fes diſciples à nostre
Seigneur,iuſques à ce qu'on ayt rapporté en la .
prifon les æuires admirables qu'il faiſoit? La
reſponſe estayſee. Pouraurantque les miracles
font teſmoignage deverité (& pourceste cau
fe diſoit nostre Sauueur aux Juifs: Opera que Iºan.rº.
ego fàcio, ipſa testimonium perhibent de me. Si mi
hi non vultis credere,operibus credite.)SainćtÎean
penſoit : quand mes diſciples auront veu les
miracles que fait Ieſus Chriſt, & d'autre coſté
- confi
| 48 TRo 18 1 Es M E D I M E N cH E
- confidereront que ie n'en fay point(car cela eft
i
| tout
aucuncertain que fainćt
miracle) Iean en ſa
ils admirerent fesvie n'a faićt
oeuures, &
| croiront qu'il eſt le vray Meſfias. Or ces difci
ples viennent à nostre Seigneur , & luy ont
propoſé ce que fainćt Iean leur auoit donné
charge luy demander, Tu es qui venturus es, an
. alium expettamus ? Estes-vous celuy qui a eſté
Af - predit par les Prophetes deuoir venir pour
| Meſſias, ou bien ſi nous en attendrons vn au
| ouestiš dau- tre ? Ce lieu eſt vn peu difficile. Car icy quel
| teufe. qu’vn pourroit tõber en admiration ou doubte,
à fçauoir comment Monſieur Sainét Iean à la
| mort ayt doubté de Ieſus Chriſt, veu que pre
'', mierement fi franchement & manifeſtementil
l'auoit confesté? Reſponfe:Sainćt Iean n'a pas
| . enuoyé fes diſciples à Ieſus Christ comme s'il
| doubtoit qu'il ne fust le Meſſias & grand Em
i manuel promis en la loy , ainſi que remonſtre
{ Sainét Iean Chryſostome fur ce paſlage , &
- Sainét Hieroſme reſpődant à la premiere que
| ſtion d'Algafia : Et comment euſt-il doubté
de Ieſus Christ estant prochain à la mort, veu
Luc.r. que luy encores estant au ventre maternell'a
cogneu? Comme il est dit en Sainćt Luc : Il
aduint quand Elizabeth ouyt la falutation de
. . . Marie, Exultauit infans in vtero eius,é repleta est
Spiritu/antio Elizabeth,& dixit:benedictatu inter
mulieres & benedičius fructus ventris tui, l'enfant
treſlaillit en fon ventre, & fut Elizabeth rem
plie du Sainćt Eſprit, & s'eſcria à haute voix,
... : *** & dit:
- D E L”A D v E N r. " . 49
& dit: Tu es beneifte entre les femmés, & be
neiſt eſt le fruićt de ron ventre. Et d'où me
vient cecy,que la mere de mon S eigneur vien
ne à moy ; Čar voicy incontinent que la voix
de ta falutation eſt venuë en mes oreilles,l'en
fant a treſlailly de ioye en mon ventre. Et fus
lequel en fon bapteſme il a veu les cieux ou
uerts, le fainét Eſprit en eſpece de colombe,
deſcendre ſur luy, & ouyt la voix du Pere, di
fant: Hic est filius meusdilečius,in quo mihi bene cã- Matth.3.
placui ipſum audite. Ceſtuy eſt mő Fils bien-ay
mé,auquel ie me plais,oyez-le. Cőment donc
ques maintenant voudroit il reuoquer les tef
moignages par leſquels rant manifestement &
excellémentilauoitteſmoigné de Ieſus Christ,
duquel il auoit dit: Celuy vous baptifera au -

fainét Eſprit. Ie ne fuis digne de deſlier la "*""·


courroye de fon foulier. Er lequel preſente
ment il auoit demonſtré, difant: Iean voit ve
nir Ieſus à luy,& dit:Voyci l'aigneau de Dieu,
qui ofte les pechez du monde. Eſcoutez donc
la cauſe pourquoy fainét Iean faićt interro
guer Ieſus Christ. Premierement, c'eſt pour
enſeigner la ruſticité & ignorance de fes Diſci
ples. C'eſt ce que dit fainét Hilaire, canone 11.
in Matthæum. Taliexemplo non fue feddistipulo
rum ignorantie conſalebat Ioannes. Vt enimfcirent
non alium àfe prædicatum, adopera eius intuenda
miſit illos, vt authoritatem distis stiis operaillius cã
ferrent, neque Christus alius expettaretur, quàm
cui testimonium opera prestitiffent. Secondement
jo . TRo1s1es M E DIMENcHE
pour l'emulatió de leur maistre, & enuie qu'ils
auoyent contre Ieſus Chriſt , par lequel ils
voyoyent la gloire de leur maiſtre eſtre dimi
Vøm. I r.
nuee, aymans plus la gloire & loüange de leur
maiſtre, que l'vtilité des hommes. Ainſi au
tếps paſſé, Iofué eſtoit marry de ce que Eldad
& Medad prophetifoyent en l'oſt, & pource il
diſoit: Dominemi Moyſes prohibe eos. Mon Sei
Et Moyſe luy re
põd:Quid emularis pro me? Pourquoy es-tu en
uieux pour moy ? A la mienne volonté que
tout le peuple du Seigneur fuſt Prophete, &
Marc 9.
que le Seigneur donnaſt fur eux fon Eſprit.
Luc 9.
Ainſi les Apoſtres à Ieſus Chriſt: Nous auons
veu vn qui en ton nom chafloit
les diables, & nous luy auons deffendu : car
il ne nous fuyt pas. Et en ceſte maniere les
Diſciples de S.lean luy diſoyent ( Rabi) Mai
ftre: celuy qui eſtoit auec toy outre le fleu
ue de Iourdain, duquel tu as rendu teſmoi
gnage, voylà il bapti & tous viennent à luy,
Luc 7.
& d’vne meſme enuie, comme recite S. Luc,
ils annonçoyent les oeuures de Ieſus Chriſt à
leur maiſtre eſtant en prifon: & pour ofter de
leurs coeurs ceſte emulation, & enuie, il les
enuoye à Ieſus Chriſt, lequel il fçauoit que
trop mieux il remedieroit à telle infirmité &
foy. Tiercement cela mouuoit
fainćt Iean à enuoyer ſes Diſciples à noſtre
Seigneur, pource qu'il fçauoit qu'il eſtoit pro
çhain de | mort , & qu'il eſtoit venu pour
ioindre
DE L’ A D v E N r. . 51
ioindre fes diſciples non à luy, mais à Ieſus
Chriſt: comme le pere de famille bien pre- similitude
uoyant à fes affaires, & fe fentant prochain à "fre de
la mort, il recommande fes enfanså vn fidel-/"“
le tuteur. En apres fi le pere mourant voit
fes enfans aornez de bonnes moeurs, il meurt
plus affeurément, ne doubtant de fes enfans
pour le temps aduenir : Ainſi ce fainćt hom
me defiroit auant que mourir voir la parfai=
ćte foy de fes diſciples, pour la confirmation ·
de laquelle il les a enuoyez à ce grandDocteur
celeſte & diuin noſtre Seigneur Ieſus Chriſt.
A l'exemple de monſieur 1ean, le Pfef aan, id.,
cheur Euangelique doit tafcher à dreſſer fes Chr .
diſciples & auditeurs de fa doćtrine à Ieſus
Chriſt, & les enſeignerà tellement croire, ef.
erer,aymer Dieu, & leurs prochains, que par
onnes oeuures,fainćtes operations, & par de
uors ſuffrages d'oraiſons, ils puiſſent paruenir
à la pleine conionćtion de noſtre Seigneur Ie
fus Chriſt, en ſon paradis celeste. Seconde
ment, nous autres Chreſtiens, nous apprenons
tous icy à l'exemple de monfieur fainct lean,
que nous deuons dreffer la loüange & gloire
de ceux qui nous loüent, non pasà nous, mais
à Ieſus Chriſt, comme luy meſme nous en-t,,,.,,.
feigne : Ie te glorifie ſur la terre. Tiercement l'heritage
les peres & meres apprendront icy quels heri- tre les peres
tages ils dơiuent procurerà leurs enfans. Car
leshommesmondainspremierement, & prin- :
cipalement tafchent à employer routes leurs enfans.
* , D 2
52 r R o 1 s 1 e s M e D 1 M E N.
forces pour laiſfer à leurs enfans amples richef
fes, poffeſſions & heritages terreſtres , pour la
choſe faire ils labourent nuićt & iour.
Mais peu de peres font trouuez, quiayent foin,
& qui mettent peine que Dieu foit propice
& fauorable à leurs enfans. Et par ce moyen
ils ſe perdent eux meſmes,& leurs enfans. Cer
tes l'Eſcriture fainćte enfeigne autrement
auoir foin & folicitude des enfans. Eſcoutez
eres & meres que dit fainćt Paul: Educate illos
Frhºfs in diſciplina & correptione Domini. Nourriffez
vos enfans en la doćtrine & crainte de Dieu,
Deut.rr.
Et Moyſe: Mettez ſes paroles en vos coeurs, &
les enfeignez à vos enfans: par ceste nourritu
re & doćtrine tu laiſſes à tes enfans Dieu pour
heritage, qui mieux leur aydera & pouruoye
ra, que tous les threfors de richeffes mondai
nes: ainficę grand threforier de patience , Iob,
fe leuant du matin, il offroit ſacrifice pour fes
Job.i, enfans:Nefortepeccauerintfili mei:& benedixe
rint Deo, à l’auenture (difoit-il) que mes enfans
pechent. Iſaac preſt à mourir donna fa benedi
Genr.*7. čtion à ſon fils Iacob, & lacob eut Dieu pro
pice. Et ce meſme Iacob defiroit & prioit
"***** Dieu pour ſes enfans. Et Dieu fut propice &
3. Reg. r2.
fecourable à fes enfans, Au contraire Salo
mon delaiſſa à ſon fils Roboam vn ample & ri
che Royaume, mais pource que Roboã n'euſt
pas Dieu propice, incontinent , & au com
mencement de fon regne,il perdit dix lignees,
Ie te demande Chreſtien, qui eſt la caufe
Oll
- DE L’A D v E N r. - f3
fouuent nous voyons les enfans des riches & coustamierei
grands qui font fols, & prodigallement deſpế- z / en
dent ce que leurs peres 3 all CC grands labeurs, / ki.
douleurs, & fueurs, leurs auoyent acqueſté: erpreague.
pource
fe de la que Dieu ne
negligẽce desleur estoit
peres quipropice, à cau-frog
n'auoyent pas
zalemit ce

nourry leurs enfans en l'amour & crainte de :


Dieu. Et au lieu d'eſtre leurs correćteurs, ont féin i,
eſté leurs corrupteurs : & les meres qui ont labeurs e
esté les nourriffes des corps de leurs enfans, el-/"“
les ont eſté les marastres de leurs ames.Et pour
ce viendra le temps que telsperes & mieres eri
maudiront l'heure. Euntes, renunciate Ioanni
qua audištis & vidistis ; ceci,vident, claudi ambu
lant,leprostmundantur,fardi audiunt,mortuirefur
gunt , pauperes euangelizantur: Ø- beatus est qui
non fuerit standalizatus in me. Et Ieſus reſpori
dit, & leur dit: Allez & annoncez à Iean les
choſes que vousauez ouyes & veuës:les auett
gles voyent, les boyteux cheminent, les ladres
font nettoyez, les fourds oyent: les morts font
refuſcitez,
bien-heureuxles pauures reçoiuent
fera celuy l'Euangile.
qui ne fera Et
point ſcã- * *
,,
* *v

dalizé en moy. Noſtre Seigneur par paroles . .|


manifeſtes ne s'eſt point declaré estre le Meſ- :
fias promis en la loy. Il n'eſtoit pas encores imanife
temps: car il falloit deuant planter l'Euangile stein, '%
. & faire les ceuures , pour nous confirmer en point declaré
-

la foy: leſquelles faiçtes,non ſeulementil a dit Aa, premi, {en


. : ) • • - - - - *

qu'il eſtoit le Meſſias,maisila depuis commá- i oy , G’


dé à ſes Apoſtres de le dire. Meſmes le iour de pourquºy. .
D 3
: 54 TRO IS I ES M E D I M E N. -

*** Paſques flories qu'il fut receu de la troupe en


Hieruſalem comme le Roy d'Iſraël, & que les
Mat. at enfans crioyent au temple,& difoyent:Oſanna
Iran. 12. filio Dauid:benedičius qui venitin nomine Domini,
*: < ô fils de Dauid,nous te prions que tu nous don
nes falut. Les Phariſiens furent indignez, &
difoyent : Oys-tu ce que ceux là diſent? pour

| , quoy ne le leurs defends-tu?Il reſpond:lė vous


: * dis en verité, que fi ceux-cy fe raifoyent, les
pierres crieroyent. Cơmme s'il vouloit dire:
voyci le temps auquelle fils de l'homme doit
reſtre glorifié:an coinniencement de fa predica
tion, il n'eſtoit pas conuenable foy confeſfèr
-eſtre le Meſſias, iuſques à tant qu’il euft de
monſtré par effect, & par ceuủres miraculeu
\fes : autrement quieuit donné foy à ſes paro
-les? Carle teſmoignage eſt plus certain, qui
procede par effects plus que par paroles. A ce
ste cauſe il reſpond aux diſciplesde fainét Iean
*** 7. par deuures. Et pource dit fainct Luc, en ceſte
imefine heure, il guerit pluſieurs de maladies
ainsition & de playés , & de mauuais eſprits, & ren
, ditla veies pluſieurs aueugles. Nous fom
u mesicyenſeignez que fi nous auons quelque
instruitis,que doubte de noſtre Dieu, il nous faut addreffer
f aux Eſcritures fainćtes,& aux oeuures de Dieu:
i car nous ne fçaurions auoir plus certain tef
fui iuri, moignage de Ieſus Chriſt ; que par les Eſeri
aus Èstritu- tures, & par fes æuures. Pource homme pe
* * chtur, fi ra conſciense te met en doubte,à fça
b ::" uoir fi Ieſus Christ te peut-ou veut pardonner
: - t( S
D e I’ A D v E N r. ; 55
tes pechez, Ieſus Christ te renuoye à ſes æu
ures,comme il a faićt les Diſciples de S.Iean.
Penfe en toy-meſme,& repenfe,cómenoſtre
Seigneur a tất benignemět receu les pecheurs:
comme vn fainćt Matthieu iadis monnoyeur,
& chấgeur. Vn fainćt Pierre qui l'auoit defad
uoüé. Vn S. Paul perſecuteur de lefus Christ,
& de fon Eglife. Vn Zachee chef * *

des Publicains. Le bon larron pendāt à la croix


aupres de luy. Vne Magdaleine grande peche
reffe. Telles æuures & eſcriturest'enſeignerőt
que tu ne dois doubter de la grace, mercy, fa-
ueur, & mifericorde de ton createur. Seconde
mết,nous voyons icy que noſtre Seigneur faićt . . .
feulement les miracles,parleſquels les pauures
& affligez font aydez, & fecourus: pour nous
donner à entendre de ne point nous defefpe
rer, veu que Ieſus Chriſt eſt venu en ce mon
de pour fubuenir & fecourir les pauures. Tier
cement par les miracles exterieurs que no
ftre Seigneur a faićt. Il a repreſenté ſes vrayes '
ceuures,leſquelles font,illuminer les ignorans,
nettoyer les immundes, donner ſa vie pour les
morts. Quartement & entre les ceuures de le
fus Chriſt, l'oeuure des oeuures, c'eſt que les
pauures font euangelizez, c'eſtà dire, u’ils re
çoyuent l'Euangile. Et pour ceſte cauſe,noſtre
Šeigneur rendoit gracesà fon Pere, ſpecialle
mết difant:Cöfteortihipater, quia abſcõdisti hæc Enero.
àfapientibus,& reuelasti ea paruulis.Tu as caché Matth. tr.
ces choſes aux prudents, & les as reuelees aux
D 4
f6 T R O I S 1 E S M E D IM E N C H E
petits. Et fainct Paul dit:le myſtere nous a esté
cºlº/r. reuelé ; Quod abſconditum fuit à faculis, Lequel.
de tous temps auoit eſté caché. Les pauures

w,
|
|
aufquels l'Euangile de Dieu eſt annoncé, font
les humbles d'eſprit , & qui craignent Dieu.
Finablement par les parolles de Ieſus Chriſt,
nous pouuons qu'iceluy veut eſtre
similitude cogneu par fes bonnes ocuures. Ainſi que le

Matth.2 r
bon arbre n'eſt cogneu par les fueilles: mais par
les fruicts. Aufii Ieſus Chriſt est cogneu en
nous, non par parolles,ains par bonnes ceuures.
* En figure dequoy noſtre Seigneur maudit le
figuier n'ayant que les fueilles.C'est ce que re
Matth. r. proghoir noſtre Sauueur aux Pharifiens: Popu

| lus hic labys me honorat, cor autêm eorum longè est.


à me.Ce peuple me honnore de la bouche:mais
leur corur eſt loing de moy. Et pource nous
voyons quc bốnes æuures font lestefmoigna
ges & certifications de noſtre foy: que fi elles
. . dcfailient,la foy eſt morte. Et pource dit fainćt
laques : Fides fine operibas,mortua est. La foy eſt
p, le fondement des choſes qu'on eſpere, & cer
de la fy. tification des choſes qu'on ne voit point, c'eſt
à dire , la foy eſt vne ferme & indubitable co
gnoiſſance, ou creance, par laquelle nous co
gnoiſſons certainement, & comprenons affeu
rément les chofes inuiſibles, & qu'on eſpere,
c'eſtà dire,diuines,& eternelles,à fçauoir Dieu
. . . meſine, fa puiſſance infinie, fa mifericorde,fa
pience, iuſtice, verité, fainćteté, ayde, & falut:
& parlaquelle nous croyons auſſi fermement,
&
D E L’ A D. V E N T . } - 57
& auons noſtre fiance efdićtes choſes inuiſi
bles,& qu'on doit eſperer,comme fi les voyons
elles meſmes preſentement des yeux corporels,
fi nous les maniós ou attouchiős de nos mains,
& fi en auions vrayement poſſeſſion & plaine
iouyſlance. S’enfuyt: Beatus qui nõ fueritstanda
lizatu in me. Parces parolles, noltre Seigneur
predićt que pluſieurs (apres que Ieſus Chriſt
feroit prefché)feroyent ſcandalizez: comme il tº:
apper par les Eſcritures : à peine Ieſus Christ
eſtoit encore nay, incontinent qu'Herode eut st. -
ouy parler de fon nom, il fut fcandalizé, & le datké en Is
perſecutoit.Les Pharifiens
& offenfez, pource estoyent
que nostre ſcãdalizez,/
Seigneur preſ- Fsfsä

choit la vraye iustice proceder de la foy, & non“


pas des oeuures ſeules, ignorans la iuſtice de
Dieu, pour vouloir eſtablir la leur. Les Princes Princes esa
& Sacrificateursestoyent fcandalizez, pource :
que Ieſus Christ enſeignoit choſes contratiesa “
leurs affections. Les Diſciples de fainćł Iean .
eſtoyent ſcandalizez pour l'enuie qu'ils auoyết distiples de
pour leur maistre,contre Ieſus Christ,la troupe : /****
a : fl. a -1 .|----- l.-- & humili- ;
estoit ſcandaliſee, pour la pauureté
r - -
;
pe fean
té de Ieſus Christ, difans:Nónne hic est filius fa- aal .
bri ? hunc stimus vnde fit, tớc. Ceſtuy-cy n'eſt
il pas fils d'vn charpentier, nous fçauons d'où
est ceſtuy-cy, quand le Meſſias viendra, nul ne
fçaura d'où il viendra. Les Apoſtres ont eſté Matth.ao.”
fcandalizez au temps de la , cőme leur Apºffres fºr
auoit predit noſtre Seigneur:Omnes vosstädali- dal zvez».
Rahimini in me haenoite. Vous endurerez tous
D s
58 TR o1s1 EsMB D1 M E NcHE
fcandalle ceste nuićt en moy. Mais quelqu’vn
me pourra dire:les hőmes de cetếps là eſtoyent
bien fols, & defpourueus de bon fens, qui tant
facilemét eſtoyết ſcãdalizez, & offenfez en Ie
fus Chriſt, lequel ils voyoyent faire tant & de
fi grands miracles:Sii’euffe eſté de ce temps là,
i'eufle creu facilement aux parolles & oeuures
d'iceluy,ſans me ſcandalizer de fa pauureté,ou
humilité.Ainſi le perſuade la pen humaine.
l'humilité Maisie te demande,cốment ne t'euſt offenféla
:: puur ou humilité de Ieſus Chriſt ? com
j nent l'eulle tu cogneu en pauure & humble
forme de feruiteur, lequel maintenant tu ne
cognois pas en fes pauures membres ? Cecy
*/** eften Efaic: Vidimuseum, & non erata þettur
& deſiderauimus eã defectum, & nouiſimum vi
*** , rorum. Nous l'auons veu, & il n'y auoit point
de regard, & l'auốs veu mefpriſé,& le dernier
du Si veritablemét tule cognoiſſòis,tu
- ne feroispas fi rude & afpre à ſes pauures mem
* * bres: Illis autem abeuntibus cæpit Iestu dicere de
Ioanneadturbas.Et quand les Diſciples s'en al
loyent: Ieſus cómença aux tour
bes. Nostre Seigneur louëfainét Iean en l'ab
Adulation efence de fes Diſciples · à finqu'on ne penſat
faterie doit H" il voulust gaigner ſa bonne , par adu
carefuye,de-lation,& flaterie.Cela nous enfeigne que nous
chaffee, er deuốs diligemment fuyr adulation, & flaterie,
*******' laquelle cauſe à l'auditeur inflation, & orgueil
Fettfz. de coeur. Car, comme dit le Sage : Melius est à
fapiente corripi, quàm stultorum adulatione det
- * * * 1
. ĐE L’A D v E N r. :
il eſt meilleur d'estré corrigé d'vn fage,que d’e
ftre loué par la bouche de pluſieurs fols. Parce
que celuy que tu flate ou , ou il eſt fa
ge ou il eſt fol:s'il eſt fage,pourquoy le loüe-tu
en fa face?C'eſtà dire en prefence.Car il fe- f *
ragrandement marry: pource que tu luy attri
bue ce qui appartient à Dieu: pourquoy donc gern .
ques donnes tu à ceſt homme de bien ennuy
& faſcherie ? S'il est fol, il fe glorifiera, & -

pourquoy luy augmếte tu fon orgueil & folie? Pºstrise


C'eſt vne choſe Chrestienne #y a quelque Cºrfi“
choſe digne de loiiange en ton prochain de le -
*

loüer, non pas en ſa prefence, mais deuant les


autres:& au contraire,s'il y a quelque chofe vi
cieuſe en ton prochain, c’eſt choſe Chrestien- - ,v
nele corriger:Interte & ipſum,entre toy & luy: Matt“. .
& deuant les autres non le diffamer, ains le · · · ***
couurir & excufer à l'exemple de Ieſus Christ,
qui deuant les hommes excuſoit fes Diſciples,
& loüoit faiućt Iean deuant les hommes; &
en fon abſence : contre vn tas de flateurs plus
traistres que Iudas, qui t'osteront le bonnet,
& toutefois ils te voudroyent auoit ofté la te
fte de deſfas les eſpaulles: ils ployeront fe ge
* v

noil deuant toy, pour te faire la reuerence, \ ,

qui ſe voudroyent estre rompus la iambe à te


porter en terre:tel te dira le boniourde bou
che, qui de faićt voudroit auoir mangé ton . . . bri
cæur , cela est contre la doćtrine de Hefus :
Christ,& de fon fainét Euangile. Il faut necef- # Iran.
fairement qu'il yayt quelqué genes
3Ill
: 83' pear4 woj.
6o T R o I s 1 E 5 M E D I M E N.
faind Lean, lequel noſtre Seigneur fi grande
ment & excellemment louë & Car
2.cer tº, comme dićt fainct Paul: Non qui felpfum com
s e dire,queest,
mendat illeprobatus
dat,C'eſtà ſedqui
celuy quem Deusfoy-meſ:
ſe prife commen
me n'est pas approuué , mais celuy que Dieų
priſe. Noſtre eigneur doncques prife & lonë
fainét Iean, pource que fidellement il a execu
té fon office.Carcela eſt plaifant à Dieu, qu’vn
chacun execute les choſes appartenantes à la
*** - ’ vocation, en laquelle il est appellé. Or l'office
Ioan. r. de fainét Iean eſtoit pour rendre teſmoignage
de la lumiere, c'eſt à dire, d’euangelizer & an
noncer Ieſus Chriſt: lequel auſſi il louë de fer
z. „/.../-me conſtance,diſant:Qui eſtes vous allez voir,
rouſeau
gnife plu- :all defert?arundinem vento agitatam?vn
Fear chofa, agité & demené du vent? Le rouſeau lequel fa
cilement eſt agité du vent, ſignifie inconstan
ce, veu que le rouſeau eſt vuide dedans, & ne
peut ſouſtenir celuy qui s'appuye fur luy, con
uenablement, fignifię les biens terrestres qui
font labiles, tranfitoires & fluxibles, & toutes
autres chofes mondaines, ſur leſquelles il ne
P/al. r4 r.
fe faut appuyer ne mettre ſa confiance. Car
comme dit le Pſalmiſte:Nolite confidere in prin
cipibusnerin flys heminum in quibus non estfalus,
ne vous fiez point aux Princes, ne aux enfans
c„...„... des hommes aufquels n'y a point de falut.
* monſieur Sainét Iean,nous
Par ceſt exemple de
çhrestien fommes enſeignez, quelle doit eſtre la con
-,- e ſtance du Chreſtien, à fçauoir qu'il doit
: : :: ' GII
- D E L’ A D V E N T. " -- 6 p.
fon eſprit folide & ferme,& lequelaucune de
traction ne doit troubler n’eſmouuoir à cour
roux ou indignation , ne faueur encliner & in
duire à quelque lafcheté & forfait, ne les cho
fes proſperes glorifier, ne les chofes aduerfes
troubler, ne brouiller: mais principalement
faut que le Chrestien ſoit ferme & entier en la
foy, & ne circumferatur omni vento dofirine, dit Ephe.s.
S.Paul, qu’il ne foit feduit par quelque vent
defauffe doćtrine. C'est vne marque pour co
gnoiltre le fidelle Catholique d’auec l'Hereti:
que. Car l'heretique n’eſt ferme en fa foy, ny
conſtant en fa doćtrine,eſtant maintenant Lu=
therien, maintenant Caluiniſte, & toſt apres
Anabaptiste, changeant de foy preſque auſſi
fouuent que de chemiſe. Mais lesCatholiques
ſemperea de iſdem dicunt, comme dit fainćt
Irenee, liure deuxieſme contre les Valenti
niens. Secondement noſtre Seigneur louë
fainct Iean de l'auſterité de vie, quand il dit:
Mais qui eſtes vous allez voir au defert? Ho
minem mollibus vestitum ? Ecce qui mollibus ve
fiuntur in domibus regum funt, Eſtes vous al
lez voir au defert vn homme veſtu de pre
cieux vestemens? voyci ceux qui font veſtus
de precieux veſtemens, font és maiſons des
Roys,aufquels plaiſent les accouſtremens pre
cieux, & les delices à ceux qui defirent la fa
ueur des Princes. Telle maniere de gens peut
tomber en ſoupçon de fentence corrompuë,
d'inconstance, d'adulation & flaterie, du nom
- r bre

|
61 T R O I S I E S M E D I M E N•

bre defquels n'eſtoit pas fainćt Iean. Car il a


referé & plus eſtimé les deferts,que les triom
phans Palais , & falles Royalles: il a plus eſti
méles poils des chameaux, que les veſtemens
precieux & Royaux. La priſon rend teſmoi
comme il n'eſt pas flateur, ,&
agorneur : car ceux qui fçauent flater ne font
pas aux priſons : ains aux magnifiques mai
fons des grands » c’eſt à dire en leur grace.
Mais fainét Iean porteur de verité, n'a autre
lieu en la falle du Roy Herode que la prifon.
Puis noſtre Seigneur louëfainćt Iean de la ve
rité de doćtrine, pour nous donner exemple
de mortifier noſtre chair, à fin qu’elle ne
rebelle à l'eſprit, difant:mais qui estes vous al
ler voir ? vń Prophete ? Certainement ie vous
dy plus que prophete. Sainét Iean eſtoit ve
ritablement Prophete, qui comme les autres
a predićt pluſieurs choſes à aduenir, comme
Matt. 3. quand il dit de Ieſus Chriſt: Ille vos baptizabit

in fhiritu fantto, Iceluy vous baptizera aŭ fainćt


Eſprit. Et pource fainét Iean eſtoit non feu
lement Prophete , mais plus que Prophete.
falut plus preſentement que
Malach.3.
les autres.Et pour confirmer eeſte fentence,eſt
icy amené le teſmoignage des Prophetes: Ecce
ego mitto angelum meum antefaciem tuã, qui pra
parabit viam tuam antete. Voycii'enuoye mon
Ange deuant ta face , qui preparera la voye
deuant toy. Et par ceſte parolle prophetique
nous font donnez à entendre choſes
11 Ota,
,, D E L’ A D v E N T. , - 63
notables.Premieremét,quãd il dit: Ecce,yoyci,
Ce mot nous cfueille, & faićt efmouuoir nos
eſprits Voyci comme grãde & admirable choſe
qu'il veut dire, & laquelle il conuient fçaủoir:
Ego mitto. I'enuoye. Et cela, dit-il,à fin que la
predication de fainct lean foit plus loiice, &
priſee : & pour monſtrer qu'il n'eſt pas des
faux Propheres deſquels parle le Prophete:
Ipst currebant & non mittebam eos, dicit Dominus. Hiere.re.
Ils couroyent,& ie ne lesenuoyoy pas.Ce n'eſt slea" esta
f.
pas lans ftere que fainćt
my1rere la Iean foi
ean 19 umé mé Ange» &
nomme,,,,,,.
Ange , non ſeulement pour la purité de vie'
Angelique:rnais principalement pour fon offi
ce. Ce mot d'Ange, mellager : com- Expoſition de
bien que ce mot eft aux mot de Ange.
ques eſprits , toutefois il n’eſt pas ſeulement
approprié à eux , ains communément à tous
ceux qui font annonciateurs de la volonté &
commandement de Dieu, comme il eſt efcrit
parle Prophete Malachie:Labiafacerdotis custo-Malºrº:
diunt fapientiam , &- legemde ore eius requirent,
quia angelus Domini exercituŭ est. Les leures du
Sacrificateur garderőt la ſcience, & de fa bou
che on demandera la loy, pourtant qu'il eft
meſlager du Seigneur. Ainſi fainét Iean eft
nommé Ange, c’eſt à dire, meſſager de no
lireSeigneur: Qupreparabit viam tuam antete. Preparer la
C'est l'office de ſaínét tean,de preparer la voye yeye à Ieſu
de nostre Seigneur. Celuy prepare la voye qui
oste les choſes leſquelles peuuent empeſcher :
teluy qui veut paſſer par quelque lieu , &
- - voye,
64 T RoIs1E s M E D 1M ENc H E
voye, pour aller à Ieſus Chriſt, c'eſt humilité
de foy-meſme, retournant à fon bon fens, auec
meſpris,c'est à dire, à la penitence des biếster
reſtres, & deſirs des biens celeſtes. Les empeſ
chermés de falut,c'eſt vne iuſtice preſumptueu
fe, & defeſpoir de la bonté diuine. Monſieur
S.Iean ofte ces deux chofes. La premiere quãd
il dit:Paenitentiamagite. Faićtes penitếce.La fe
conde,à fçauoir defeſpoir, quand il dit:Appro
pinquanii enim regnum celorum.Le Royaume des
cieux s'eſtapproché.Parces parolles,il nousen
feigne crainte & eſperance,il nous prefche pe
nitence,& nous demóſtre la grace:il nous mon
ſtre peché, & auec le doigt,il nous monstre Ie
fus Christ. Certainemết cela s'appelle preparer
la voye de noſtre Seigneur.Et pource mes amys
Oraiſon. & freres Chreſtiếs,prions noſtre bon Dieu tref.
benin & debonnaire,pour tous Paſteurs de l'E
glife;qui ont la cure des ames.l'administration
des fainéts Sacremés de l'Egliſe de Dieu,& de
fa fainćteparolle,qu'à l'exemple de mőfieur S.
Ieã Baptiſte, ils foyết cốduićts par le S.Eſprit,
à fin qu'ils foyếttrouuez fidelles & loyaux Mi
nistres de la gloire de Dieu,ayất toustours ceſte
intérion que les brebis efgarees foyết recueil
lies à Ieſus Chriſt, principal Paſteur, qui par
leur falutaire doćtrine,bốne vie,fainéte,& exé
plaire conuerſation,eux & nous,puiſſions par
uenir au Royaume celeste, & nous faire ceste
grace, à l'exemple de monſieur S.Iean Bapti
fte,quãd quelqu’vn nous loüera,que nous refe
I1O11S
D E L’ A d v e N r. - tay
rions ceſte loüange, honneur & gloire à noſtre
Seigneur Ieſus Chriſt, auquel elle appartient
& non pas à nous. Tiercement que les peres
& meres procurent à leurs enfans par leurs
prieres fainćtes & exemplaires conuerſations
des heritages& poſſeſſions eternelles: & que à
l'exemple de S.Îean nous ſoyons constans, fo
lides,& fermes en la foy, ne vacillans çà ne là
par infidelité, & que nostre confiance ne ſoit
aux choſes terriennes & mondaines, maisen
Dieu,par la grace duquel nous puiſſions morti
fier noſtre chair, à fin qu’elle ne foit rebelle à
l'eſprit, & que ne foyons corrőpus par la fauſſe
doctrine des Hereriques, aduerſaires de nostre
faincte foy Catholique ; mais que tous d'vn
cæur & d'vne bouche, nous le puiſſions glori
fier,donner honneur, loitange, & gloiresque fi- ,
nablement nous puiſſions eſtre tous fauuez en
fon paradis celeſte.Amen. :
, , ::, :, : i - ! -- - - -.. .. . .

Qv AT RIES ME D I MENCH e
p + ' a b v = N r. ;
Is e Rv NT Iudei ab Hieroſolymis ft van.".
V cerdotes & Leuitas ad Ioannem, vt in
y terrogarent eum; tu qui es ? Les Juifs
*RA*A enuoyerent de Hieruſalem des Pre
stres & Leuites à fainét Iean pour l'interro
guer, difans: Quies tu? Laćtance Firmian au
premier chapitre du 3. liure de fes Inſtitutions
diuines, diſputant de la cognoiſſance de veri
1 E -
č36 o yA T R1Es Me p1M ENcH e
té, dit que Deus naturam humanam veri adipi
fiendi cupientifimam fecit, Le naturel de l'hom
me eſt tél, qu'il defire fort cognoiſtre la verité.
Et de faićt l’eſprit de l'hőme ne fgauroit auoir
plus grand tourment, que quand il a des dou
tes & difficultez. Et voyons cela tous lesiours
ar experience, que l'homme ne veut point e
ſtre abuſé ny trompé, s'il luy est poſſible. Mais
c'eſtvne choſe bien difficile que d'acquerir co
gnoistance de la verité,tefmoing S.Baſile au li
ure De Spiritu Sančio,ad Amphilochium, chapi
tre premier. C’eſt vn treſor que verité, qui eſt
bien difficile à trouuer, in obſcuro latere existi
matar (dit Laćtance au lieu preallegué) il eſt
bien caché, & n'y a que Dieu qui l'enſeigne
& reuele par l’Eſcriture, comme monſtre do
ĉtement , au premier chapitre du
premier liure de fes Inſtitutions Diuines. Or
n'eſt-ce pas aflez de fçauoir cela : mais outre
il faut cognoiſtre le lieu où c'eſt qu'on trouue
la verité. Elle ne ſe trouue pas en l'eſcholle
des Philoſophes(comme diſpute La
ćtance, contre eux au commencement de fon
premier & troifieſme liure) mais en l'Eſcritu
re fainéte, comme dit Sainćt Bafile en la pre
miere de fes Epistres. La verité premiere
ment couchee par eſcrit aux liures de l'ancien
Teſtament, & puis du nouueau a eſté declaree
au peuple de Dieu. Voylà les liures où c’est
qu'on trouue la verité. Mais toutefois elle ne
laille pas pour cela de demeurer en fon obſcu • /

. Il tC,
D E . L' A d v E N r. , 67
rité, & eſtre difficileà cognoistre:carlaloy de
Moyſe, qu’est-ce autre chofe qu’vn ombre?
Ceux qui gardoyentladićteloy, auoyent biếla
verité:mais tous ne cognoiſfoyent pas la verité
cachee deſfous l'efcorce de la loy. Pareillemét,
combien que la predication de l'Euãgile foit la
manifestation de verité, ce n’eſt pastoutefois à
dire que les liures du nouueau Testamếtfoyết
fifaciles,qu'en les liſant,chacun les puiſſe en
tendre:autrement S.Pierre parlant des Epistres***.”
S. Paul, à tort fe complaindroit de quelques
gens ignares , & inconſtans; qui abuſoyent
temerairement, & à leur damnation, des Epi
fires de S.Paul qu'ils n'entendoyent pas. A tort
pareillement feplaindroitS. Hierofine en l'E
pitread Paulinum, de pluſieurs de ſon temps,
:l'Eſcriture fainéte pouủoirai
ément eſtre entendue de tous ceux qui met
toyent le nez dedans. Et pourtant ditle meſme
Docteurfur le premier chapitre de l'Epistre S.
Paulaux Galates (ce qu'il auoit aprins defon
maiſtre Gregoire Nazianzene, furla fin d'yne
Epistre qui est la 32. parmy les Epistres S. Baſi
le) qu'il ne faut pas eſtimer Euangelium effeia
verbis Scripturarum, ſed in fenfa: non in ſuperfi
cie,fedin medulla: non infermonumfolijsfèd in ra
dice charitatis;Quel'Euangile&veriré de l'Ef
crirurene conſiſte aux paroilesimais au fensiny
en l'ap arence,maisấu dedans.Mais pourquoy
que l' Eſcriture fain
- ' , E 2
68 o y A T R 1 E s M e d 1 M E N.
ćte en laquelle ſe trouue la verité,fuſt tant ob
fcurcie? S.Auguſtin auliure premier de la do
ćtrine Chreſtienne. Et S, Chryſoſtome en fon
homelie 34.fur S. Matthieu, en donnent plu
fieurs raiſons : Obſcurata est notitia veritatis, ne
non tam vtilis inueniatur,quàm contemptibilis. Cā
temptibilis enim est, fab illis intelligatur, à quibus
nec amatur,nec custoditur. Vne raiſon eſt, à fin
qu’on tienne grand compte de l'Eſcriture
faincte,laquelle eſt contéptible, fi ceux là l'en
pendent, deſquels elle n'eſt aymee, ny gardee.
L'autre raiſon eſt:|Quia effet Deusalios voluit effe
dottores, alios diſcipulos. Nā ad illos quid ſic Deus
dicit per Efaiam: Loquimini facerdotes in cordibus
populi. Ad hos autem quos voluit diſcendo cogno
steremyfteria veritatis,fic dicit in Cantico: Inter
rogapatrem tuum,& dicet tibi, presbyteros tuos có:
annuntiabunt tibi.Dieu a voulu que les vnsfuſ- ,
fent Doéteurs,les autres Diſciples, Car fi tous
eſtoyent fqauans en l'Eſcriture fainéte, il ne
feroit point neceſſaire d'auoir des Docteurs, &
pource l'ordre feroit confusen l'Eglife. C’eſt
auſſi, addamandam hominis ſuperbiam,dit S.Au-
guftin.Pourautant quefcientia inflat,pour t'hu
milier, Dieu permet que bien fouuent tuliras
l'Eſcriture fainéte, & n'y entendras rien, non
plus que ceſt Eunuque duqueleſt faićte men ;
tion aux Actes huictiefme. Car pour auoir
l'intelligence des lettres Sainćtes,en toute hu
milité ; il y faut trauailler continuellement
- a UICC
- DE L’A D v E N r. &9
åuec prieres , & ieufnes, demandant à Ieſus
Chriſt l'intelligence d'icelles: Qui habet clauem
Dauid, qui aperit ý nemo claudit, comme dit S.
Iean en l'Apocalypſe: & fainét Hieroſme en
l'Epiſtre ad Paulinum. Orya-il pluſieurs per
fonnes auiourd'huyaux troubles qui font en la
religion, qui difent qu'ils veulent fçauoir la
verité, & pourla cognoiſtre, ils veulent la cer
cher,par ce qu'il est eſcrit: Querite & inuenie- **"*/
tis.Et pourtant vontlire les liūres de Caluin,&
autres Heretiques,pour voir s'ils y trouueront
la verité, ou pour le moins voudront mettre le
nez à l'Eſcriture pour là cercher la verité, ne
fçachansà qui ils doiuent croire , pource que
tout le monde ſe vante d'auoir la verité de fon
Ioan, fe
coſté. Ioinćt qu'il eſt dit : Scrutamini ſcriptu
ras. Ipf enim funt que testimonium perhibent de .
me. Aufquels ie reſponds premierement que
c'est bien fait de defirer la cognoiſſance deve
rité:mais il faut diligemment regarder où c'eſt
que tu la trouueras, Car il y a eu beaucoup
qui l'ont autrefois cerchee, leſquels ne l'ont
pas trouuee : Quia non modo quid effet verum
ipſum,fed etiam quomodo; aut vbi, aut qua men
te querendum effet nestiebant. Comme dit La
ćtance, chapitre premier, liure trơiſiefine de
fes Inſtitutions. Ils ne cerchoyent pas la verité,
où, ny ainſi comme ils deuoyent. Et ne fai
foyent pas comme les Iuifs, deſquelsil est faićt
mention en noſtre Euangile : lefquels ſtu
| . E 3
7o Q v A T R 1 E s M e D 1 M E N.
dieux de cognoiſtre la verité, l'ont cerchee où
il falloit (car ils l'ont demandee aux Prophetes
de Dieu) & pource ils l’ont trouuee. Mais
apres l'audirtrouuee, ils ne l'ont pas fuyuie ni
embraſlee: ains font demeurez obſtinez , &
n'ont pas voulu recognoiſtre & receuoir le
vray Meſſias promis en la loy.
Aufſi quiconque voudra trouuer la veri
té, s'il ne veut perdre fa peine, il la doit cer
cher en l'Egliſe Catholique, & non pas en la
Synagogue & conuenticule des Heretiques,
ny en leurs eſcrits , comme a tresbien remar
qué Vincentius Lirinenſis , en vn liure qu’il a
faićt il y a plus d'vnze cens ans, Aduerfaspro
phanas vocum nouitates. Secondement, ie ref
pond auec Tertulian, au liure depreſcript.ad
iuerſus hareticos, capite 8, 1o. 11. & 12. que plu
fieurs errent lourdement, qui fe fondent fur
Matth.7. ce que diſoitnoſtre Seigneur en fainćt Mat
thieu : inuenietis. Et ne confiderent
à quel propos cela eſt dit: carà qui parloit
ors noſtre Seigneur ? Aux Iuifs qui atten
doyent encores le Meſſias : Qui habebant vbi
quærerent Christum. Vnde ait illis : Scrutamini
Scripturas, in quibus falutem ſperatis. Illa enim
de me loquuntur. Hoc erat, Querite & inue
nietis : Namque & fequentia optimè in Iudeos
competere manifestum est, pulſate & aperietur
vobis. Allez, lifez vos Prophetes , & vo
ſtre Moyſe, & vous trouuerez que ie ſuis le
Meſſias
D E L’ A d v e N r. . 7r.
Meſſias duquel ils ont tant parlé. Or estoit
il expedient que les doćtes en la loy exami
naffent fi c'eſtoit luy que Moyſe auoit promis.
Et pour le fçauoir, falloit confiderer s'il fai
foit les miracles qu'auoyent predit les Prophe
tes , que le Meſſias deuoit faire. Et pour
tant c'eſtoit aux luifs qu'il eſtoit dit : Čher
chez & vous trouuerez la verité. Mais à
nous il n’y a plus de querite. La verité eft
trouuee & cogneuë il y a long temps. - Et
comment apres tant d'approbations de la ve
rité , la voulez-vous encores chercher ? D'a
uantage quand ainſi feroit que cela fust dit
de nous auſſi bien comme des Iuifs » Que
rite cớ inuenietis , voudriez vous toufiours
chercher ? Si vous y amufiez fans celle, & ne
vouliez vous refouldre à ce que l'Egliſe en
a determinee, & à ce que les anciens en ont
creu & laiffé par eſcrit , Vbi erit quarendi fi
nis ? vbi statio credendi? vbi expunctio inuenien
di? apud Marcionem, & cætera. Si fans ceſſe
vous cherchez, iamais vostre eſprit n'aura re
pos. En fin conclud Tertullian, Nemo quæ
rit, nist qui aut non habuit, aut perdidit. Per
fonne ne cherche la verité , finon celuy qui
ne l’a iamais trouuee, & par conſequent n'a
iamais esté Chrestien : ou qui l'a perdue,
& par confequent ſe declare deferteur de la
verité, & apoſtat : Car tous les Chreſtiens ont
trouué la verité en l'Eglife Catholique, quand
- E 4
7z , Q v A T R 1 E s M. E ni M E N c H E
ils font venus au Chriſtianiſme. Et s'ils n’euf
fent estimé que la verité eſtoit du coſté des
Catholiques, ils ne fe fustent iamais rengez
de ce cotté la. Et puis qu'en l'Egliſe Catho
lique vous auez trouué la verité, pourquoy
l'allez vous chercher aux liures de Caluin,
ou d'autres Heretiques ? Vbi omnia extranea,
cr aduerfaria veritati , & ad quos vetamur ac
cedere, dit Tertullian chapitre douzieſme. Si
doncil eſt queſtion de chercher la verité, que
ramus in nostro, & à noširis, ó de nostro, cher
chons là où il faut , ainſi comme ont faićt les
Huifs, defquels il eſt parlé en l'Euangile du
iourd’huy, recitee par monſieur Sainćt Iean,
difant : Les Iuifs n’ont pas enuoyé inconti-
nent des aniballadeurs à Sainct Iean , mais
que le bruit & la renommee d'iceluy
estoit publice & diuulguec partoute Iudee: &
que tous fçauoyent qu'vn admirable perſon
nage s'eſtoit apparu au defert, lequel manife
ftement diſoit que le Meſſias promis en la loy,
& lequel par fi long temps auoit eſté defiré,
eſtoit venu. Tunc,alors ils ontenuoyé des am
baſſadeurs & meſlagiers à Sainćt Iean. Ladi
ćte ambaſſade eſt de tous coſtez excellente &
honorable : de la part de ceux qui enuoyent,
font les principaux du popülaire, par leſquels
ledićt populaire eſt gouuerné : du d’où ils
enuoyent,c'eſt de Hieruſalé cité Royale & Sa
cerdotale, ville metropolitaine & capitalle de
| Iudee,
D E L’ A D v E N r. |- 73
Iudee, où floriſſoit la loy. De la part de ceux -
qui font enuoyez, ce ne font pas gens idiots
ou fimples, ains c'eſtoyent gens folennels, de
grand fçauoir, & litterature: car c'eſtoyent les
grands Preſtres facrificateurs de la loy. Celuy
auquelles ambaſſadeurs font enuoyez, la bou
che de verité rend tefmoignage de fa gran
deur, quand il diſoit: Inter natos mulierum, non Matth.r.
furrexit maior Ioanne Baptista, &c. Ie vous dis
en verité qu'il n'eſt pas iſſu entre ceux qui
font naiz de femmes, vn plus grand que Iean
Baptiſte (lequel paflage eſt doćtement expo
féparfainćt Ambroife, fermo. 64.& fainćt Gre
goire Nazianzene : Oratione funebri in Athana
fium, fainét Cyrille Alexandrin libro 2.in Ioan
nem,cap.34.& libro 2.theſauri,cap.4.fainćt Iean
homil. 38. in Mattheum, & homil.
27. peris imperfetti, in Mattheum, Sainćt Cyril
le Hieroſolymitain catechest tertia ad illumina
toi,S.Auguſtin in Pſalm. 29.& 141.6 ferm.4.de
natiuit.Ioannis Baptistæ, & cap.f.lib.2.contra ad
uerflegis & Prophetæ, & per Eufèb.Emiff homil.
1. de Ioanne , Chryfologuefermone 174. AMaximus
fermone defančio Ioanne Baptista.S.Bernardyſer
monede excellentia Ioannis Baptiste, & Alphon
fu Abulensts in cap. 3. Matthai, voyÎà l'ambaſſa
de de toutes parties excellenre & folennelle.
Les Iuifs fçauoyent le temps du Meſfias estre
prochain, à cauſe que le ſceptre Royal leur
quoit esté oſté, felon la prophetie de Iacob: ~

Non auferetur ſceptrum de Îuda, Neque duw defe- Genef, º.


E F
74 Q vATR1EsME D1 M ENcHE
more eius, quouſque veniat qui mittendus est, &
erit expettatio gētium. (Lequel paſſage toutefois
a esté depuis corrompu par les Iuifs incredu
les) c'eſtà dire: Le ſceptre ne fera point oſté
de luda, & le Capitaine de fa cuiſſe, iuſques à
tant que celuy qui doit estre enuoyé , vienne.
Et le ſceptre leur eſtoit oſté, car ils eſtoyent
gouuernez par gens barbares & eſtrangiers.
D’auantage les fepmaines de Daniel eſtoyent
accomplies. Cependant voicy deux grands
perſonnages qui fe preſentent, à fçauoir Ieſus
Chriſt,& fainét Iean,entre leſquels ils conuer
foyent & auoyent opinion que l'vn des deux
eſtoit le Meffias promis par les Prophetes.
Toutefois ils aymoyent mieux donner l'hon
neur de Meſſias à S.Iean qu’à Ieſus Christ. Et
pource ils enuoyent à S. Iean, & non à Ieſus
Chriſt. Car par le premier iugemét de leur pro
pre raiſon, ils eſtimoyent fainct Iean eſtre plus
digne de ceſt honneur que noſtre Seigneur:
parce que la natiuité de S. Iean eſtoit celebre
& magnifique entre les Iuifs : & lequel eſtoit
eſleué par la nobleſſe de fon fang, par fainćte
té de vie, parvne nouuelle maniere de viure
és deferts, fes veſtemens , le bapteſme , la
grande affemblee des diſciples, tout celaioinćt
enſemble , auoyent prouoqué les eſprits du
peuple en tres grande admiration. Car Sainćt
ZRp.m. ?. Paul dit tres-bien: Qui fecundum carnem funt,
carnis funt, fapiunt. Ceux qui font fe
on la chair , n'apprehendent rien finon ce
que
d e I’ A d v E N r. 75
que leur dit la chair. Ainfi eſt la nature de la
chair, laquelle feulement reçoit remede, &
iuge dignes d'honneur ceux qu’on voit ex
cellens aux chofes exterieures, comme par no
bleſſe de fang, par richeſſes , par faueur des
hommes, par dignitez, ou offices. Iceux font
honorez du peuple, combien qu'ils foyent in
dignes. Ainſi ceux qui ont pouuoir par no
bleſſe, richeste, & honneur populaire, font
eſleuez aux grands honneurs, combien qu’ils
foyent endormis, gros fots, fols, & fans enten
dement. Tous ces propos font de fainćtIean
Chryſoſtome, en l'homelie 15. fur fainét Iean
Item ils enuoyent à fainćt Iean, & nonà Ieſus
Christ. Car l'humilité & pauureté de Ieſus
Chriſt les offençoit, & ſcandalizoit, & iugeoyết
leſus Christ indigne de fi grand honneur, à
cauſe de fa pauureté: toutefois cela leur eftoit
yne grande fortife, & extreme folie. Ils veu
lent auoir S.Iean pourMeſſias,preferant le fer
uiteur au Seigneur, le foldat au Roy , l'hom
me à Dieu; la creature au Createur, le foible stuu.,,.
aupuiſſant, le pauure auriche. Voyla le natu
iel du monde , qui a toufiours en horreur la
croix, qui a honte de pauureté, & qui eſtime
que c'est chofe deshonneſte & laide, de con
uerferenuersceux qui font affligez en ce mon
de,combien qu'ils foyent gens de bien, & en
fins de Dieu , comme ilappert du mauuais ri- Luc.re.
che, & du pauure Lazare: & iugent ceux qui
font pauures, indignes de tout honneur,
, - ICII
76- q v A T R 1 E s M E D 1 M E N.
Matt.n. bien qu'ils foyent doctes,& fçauans. Et pour
ce diſoit noſtre Seigneur : Beatus qui non fuerit
fcandalizatus in me. Bienheureux qui ne fera
fcandalizé en moy. D'auantage,ils regardoyết
à leurs commoditez , & aduantages : car ils
voyent Ieſus Chriſt eſtre diſſemblable & con
traire à leurs oeuures.Et c'eſt ce que chante le
, sapien.2. Sage,en la perſonne des mefchans:Circũuenia
mus iustum, quia inutilis est nobis, & contrarius est
operibusnostris. Sus,faiſons quelque malau iu
fte: car il nous eſt inutile , & contraire à nos
ceuures. Et commençoyent de craindre que Ie
fus Chriſtne preſchaft CO Intrc

leurs ambitions, orgueil, auarice & preſum


ption:& pource ils veulent porter ceſt honneur
à S.Iean,eſperansqu’ıl aduiendroit que S.Iean
(combien qu'il ne fuſt le Meſſias) cognoiſtroit
le nom tant honorable , lequel fans en eſtre
requis, on luy auroit attribué : & ainſi feroit
en leur puiſſance,que celuy qui auroit acquis
vn fi grand honneur par leur faueür , n'ofe-
roit ouurir la bouche, pour parler contre eux,
& par cela, ils vouloyent aſſubiećtir le Mef
fias à leurs cupiditez , deſirans auoir vn Mef
fias, qui leur fuſt lié , & obligé, par crainte
eſpouuenté, ne diſtchofe qui ne leur fuſt ag
greable. Ainfi eft-il de pluſieurs Chreſtiens,
qui font de femblable defirons
auoir des Prelats, Rećteurs, & Preſcheurs,qui
s'accommodent & rencontrent à nos affe
ctions. Et ſommes femblables aux meſchans
- Îuifs,
DE L’ A D v E N r. 77 *

Íuifs, qui diſoyent à Efaie : Dis nous quelque Efeso.


chofe de & gaillard. Et comme imi
țateurs Iudaiques, en meſpriſant Ieſus Christ:
pource que fa parolle nous eſt contraire, nous
demandons vn Iean,c'eſtà dire, vn Prefcheur,
duquel nous eſperons chofes douces , & plai
fantes,& non contraires à nos affećtions char
nelles, pour nous deliurer de la charge de la .
loy , & nous faire viure en liberté charnelle,
Comme de ne ieufner, manger chair en tous
temps » fe marier, & autres licences, & liber
tez, contre Dieu,fon Eglife, & les ordonnan
ces des anciens Peres de noſtre fainćte foy.
Finablement, ils enuayent à fainét Iean, non
pour l'amour de luy : car ils le voyent aduer-
faire à leurs affećtions: mais parhaine & en
uie qu’ils auoyent contre Ieſus Chriſt, que fi
fainĊt Iean euft receu & accepté ceſt honneur,
ils auroyent iuſte occaſion de fe courroucer
cruellement contre Ieſus Chriſt , & de con
damner ſa doćtrine, & machiner fa mort. Par
les chofesſuſdićtes,nousest affez donné à en
tendre la nature du monde. S'enfuyt: Et con
feffies est,& non negauit: & confeffus est, quia non
Jim ego Christus. Et ilcốfeſſe,& ne le nie point:
& il confeſſe auſſi, ie ne ſuis point le Christ,
c'eſt à dire, le Meſſias promis par les Prophe
tes,c'eſt à dire, il ne s'eſt pas deſdit, & retraćté
du tefmoignage , lequel au parauant il auoit
donné de Ieſus Chriſt.Ainș de rechef, & fran
chement il a affermé, & acçrtené fon authori
* tc
78 o y A'r R1 e s M e D 1 M E N. . .
té à Ieſus Chriſt. S. Chryſoſtome dit trefbien å
ce propos, homil. 13. in Ioan. Frugiferui efficium
est non folum domini fui gloriam non aucupari, fèå
cr à multitudine tributam C’eſt vne
chofe fort feante d'vn bon feruiteur, de n’en
treprendre point fur l’honneur de fon maistre,
& reierter le populaire qui le voudroit faire.
Autant en dit fainét Gregoire, au commen
cement de l'homelie qu’il faićt fur ceſt Euan
gile: Cum tante virtutis effet Ioannes, vt Chri
ftus credi potuiffet, elegit folidè ſubſistere in fe:
ne humana opinione inaniter raperetur fi per fe.
Le maturel
Item ila confeffé non estre celuy qu'il n’eſtoit
desmefchans. pas: & n'a pas nié ce qu'il eſtoit. Les iniu
ftes, & mefchans; font au contraire, quinient
& refuſent estre ce qu'ils font, c'eſt à dire: Ils
ne veulent pas eſtre veus pecheurs, & s’attri
buent ce qu'ils ne font pas, c’eſtà dire: Ils con
trefontles fainétesgens, & gens de bien. Con
feffus est. Par trois fois il reitere ceste mefine
fentence: il a confeffé, il n’a pas nié, il a con
feffé ce qu'il faut. Premierement, pour repro
cher aux Iuifs leur incredulité: car ils le reue
royent comme vn fainét homme de Dieu. Et
toutefois quand il rendoitteſmoignage de fe
ſus Chriſtilsne levouloyent pas croire.Secon
dement cela , il nous veut propofer en
exemple,la ferme constãce demonsteur fainét
Iean:car c'eſt vne chofe bien neceſſaire à ce
luy qui veut egalement meſpriſer la faueur
populaire, & la häíne des hommes, qu'il ait vn
COU Ia
-
i D E L’ A D v E N r. 79

courage fort & ferme, à fin que ny par douce


prometie, ny par rigoureuſe menace, il ne foit
deſtourné de la vraye & fincere verité. Tier
cement , par ceſte ferme conſtance de Sainćt
Iean en affirmant la verité, nous fommes en
feignez comment nous deuons eſtre fermes
& conſtans cn nos paroles. Ainſi nous en
feigne nostre Doćteur celeſte Ieſus Chriſt: Sit Matth.,
fermo vester est est,non, nő:ậuad enim amplius his
eff,à malo est. Voltre parole foit ouy, oùy, non
non. Car cela qui eſt dićt outre ces chofes, eſt
du mauuais: car il n’y a chofe qui mieux mon
stre la legiereté de l'eſprit que l'inconstance
de paroles. Er pour cela fe glorifie fainét Paul, .
principalement que fa predication n'a pas eſté, 2.Cor.r.
ouy & non, c’eſt à dire, inconſtante, comme
la predication de ceux qui enſeignent deuant
le peuple vne chofe, vne autre deuant les fu
perieures puiſſances, vne en public, & vne au
tre en particulier. Non film ego Christus. He ne
fuis pas le ſacré. Comme s'il vouloit dire : Ie
ne fuis pasla lumiere: maisie fuis le meſlager
de la lumiere : laquelle bien toſt s'efleuera &
luira. Ie ne fuis pas le Medecin qui puiſſe gue
rir, mais ie monſtre feulement la maladie. Ie
ne fuis pas Peſpoux, mais ie fuis le precurfeur
&auant-coureur de l'eſpoux. Ie ne fuis pas la *
parole, maisie ſuis la voix de la parole. Ie ne
fuis pas le Verbe diuin, lequel eſtoit au com- , , *.

mencement auec Dieu, par lequel Verbe les tant; e»

cieux font creez , & par lequel toutes


- , * - Ont
26 o v Ar R 1 E s M E D I M E N c H E -

Efa.i, font faičtes. Ie ne fuis pas le grand Emma


nuel, ny le grand Iuge , ny le Sauueur, ny le
fils du Dieu vnique, neque expectatio gentium,
nequeradix Ieffe, ne l'attente des Gens,ne la ra
cine de Ieſſe:maisie fuis le miniſtre du Meſſias,
le feruiteur du fils de Dieu, membre du corps
du Sauueur, qui parfagrace appella bien heu
reuſe l'eſperance & l'aduenement de la fain
Galat,* ćte gloire celeſte. Et interrogauerunt eum, quid
ergo? Helias estu ? non. Et ils l'interroguerent,
Quoy doncques ? es-tu Helie? & il dit, ie ne le
fuis point. L'occaſion de ceſte opinion eſtoit,
pource que Malachie le Prophete auoit pro
mis en fes oracles prophetiques que le Pro
phere Helie precederoit & viendroit auant le
iour du vray Meſſias.D'auantage cela augmen
toit leur fauſle opinion, pource que fainćt Iean
menoit vne vie auſtere, folitaire, habillé de
veſtemens afpres, auec vn zele & ferueur de
iuſtice contre Herode Anripas , & il dit, non
fam. Ie ne fuis point Helic, c'eſtà dire, en per
fonne de laquelle vous m'interroguez, com
me dit Origene furce paſſage, & fur le ſeizeſ
me chapirre de fainét Matthieu, & fainét. Au
gustin tratt, 4. in Ioan. Toutesfois il estoit He
lie, duquel Malachie auoit parlé : auffi Ieſus
*"*" Chriſtauoit dit de luy, fivuliis recipere, ipſe est
Elias, qui venturus est. Si vous le voulez rece
h.rz. uoir,. c'eſt Helie, lequel deuoit venir. Item
* 3
*“#":'7' en vn autre paſlage: Ie vous dy qu’Helie est
-

venu, & ils ne l'ont pas cogneu. Et pourtant


: * fainćt
D E L’ A D v E N r. - 8r
fainét Iean est appellé, & du Prophete Mala
chie, & de Ieſus Chriſt, Helie. Car en verité,
en office, & en eſprit d'Helie, il a precedé. Ie
fus Christ. En tous deux le fainét Eſprit a faićł
des oeuures de grande efficace, & vertu, deſ
quels la parolle ardoit comme vn flambeau, & Feel f***
feu ardent. Tous deux habitoyent aux deferts.
Tous deux auoyent ferueur, & zele de la gloi
re de Dieu , & du falut des ames. Tous deux
s'eſleuerent contre les vices des Roys. Helie
contre le Roy Achab. Sainét Iean cốtre le Roy
Herode. Tous deux ont enduré perſecution
pour iuſtice,c'est à dire,pour choſe iuſte. (Pro
pheta es tu ? ) Es tu Prophete? & il reſpondit, s. Iran nie
Non. S. Iean nie icy qu'il n’eſt pas Prophete pas
comme Helie, Hieremie, ou comme U1ES ete E9"
HuoJ.
-

vns des autres Prophetes de l'ancienne


pour pluſieurs raiſons. Premierement, pource
i:
qu'autre eſtoit l'office de fainćt Iean, & autre
l'office des Prophetes. Les Prophetes tiennent
au viel Testament, fainét Iean au nouueau.
Tous les Propheres & la loy, ont duré iufques
à fainét Iean, & de cecy difoit nostre Seigneur
en S.Matthieu : Lex & Prophete vfậue ad Ioan
nem, à temporibus autem Ioannisregnum celorum
vimpatitur. La loy & les Prophetes ont duré
iuſques à fainét Iean: mais fainćt Iean,
le Royaume des cieux endure force. Seconde
ment, l'office des Prophetes eſtoit monſtré par
fignes & figures, que le Verbe diuin deuoit
Prendre chair humaine:mais S.I.ean,non pas vn
82 Q_v A T R 1 E s M E D 1 M E N c H e
ombres des choſes à aduenir:mais en verité des
choſes paffees , & preſentes , & auec le doigt :
eftendu, a monftré que le vray Soleil de iuſtice :
eſtoit leué. Et pour ceste cauſe, le fouuerain
Seigneur l'a appellé plus á Prophete. Quis ergo
es tu?vt reſponſum demus ijs qui miferät nos. Ils luy -
dirent doncques, Qui es tu?à fin que nous don
nions reſponſe à ceux qui nous ont enuoyez,
Que dis-tu de toy meſme?Maintenãtils diuul
guent & deſcouurét leur feintife & fimulation .
d'hypocrifie,parvne question remplie de'cour
roux,& indignation, auec menaces. Et toute-/, , ,
fois ils le deuoyết grấdemét louër,pource qu’il
ne fe vouloit attribuer & approprier la gloi-
re de fon Seigneur, & maiſtre. Mais quọy?
ils ſe parforçoyent d'induire & tirer fainćt Iean
à conſentir & s'accorder à eux , ou par mi- -
gnotifes gracieuſes , & amadoüemens adula
toires, ou par menaces. Mais pour cela il n’eſt
point eſmeu, ains il cỗfeffe la verité,difant: Ego
/
me voix CD’n o
vox clamantis in deferto. Ie fuis la voix du criant
* 1 ! - - - -

parolle, pour- au-


defert. Chacune parolle porte fon Empha- .
* - * - - / -

guay. fe, c'eſt à dire, qu'elle fignifie plus qu’elle ne


Emphaſe, dict.Premierement,il ſe nomme voix.En quoy
quoy, il fe declare trop mieux quel il eſtoit, que par
autre tiltre qu’il euft ſceu fe bailler & attri
buer, comme ont doćtement remarqué Cle- .
mens Alexādri.inadhort in orat.ad Gētes. Et Epi-
phanius hærest 69. in Ariomanitas. Car tout ain
fi que la voix precede & va deuant la parolle:
auſſi fainét Iean a precedé Ieſus Chriſten plu-
fieurs
DE L’A D v E N r. - 83
fieurschofes,en naiſſant & prefchant,en bapti
zant,en mourant,en deſcendant aux enfers,cő
me auoit predit fon pere Zacharie : Et tu puer zue.r.
Propheta alțißimivocaberis praibis enim ante faciã
Dominiparare viam eius. Et toy enfant tu feras
' , appellé Prophete du Souuerain : cartu iras de
uant la face du Seigneur pour preparer fes
voyes.Secondement, tout ainſi que la voix de
clare la parole: ainſi S. Iean a declaré Ieſus
Chriſt,difant: Ecce agnus Dei,ecce qui tollit pec
cata mundi. Voycil'agneau de Dieu qui efface „.,
les pechez du monde. Tiercemét tout ainfique .
la voix deffaut, & la parole ouye demeure &
perfifte,ainfidit S.Jean,il faut qu'icelle croiſſe:
mais moy que ie foye amoindry. Finablement,
tout ainſi que la voix eſt inutile fans la parole:
auffi la predication de S.Lean eſtoitinutile fans
. Ieſus Chriſt. Et pource il dit: Ie fuis la voix:
mais la voix du criant au defert.Il ne dit pas, Ie
fuis ma voix, mais la voix de celuy qui crie. Et
, S.Iean eſtoit la voix de celuy criant, à la confu- }
fion de ceux qui fe difent Paſteurs & Prelats, enffoad',
qui ont la ſuperintendence du troupeau de Ie- Prelats.
fus Chriſt:& qui doiuent faire le guet, & auoir
l'oeil ouuert fur le gouuernement de leurs bre
bis. Ce font ceux cốtre leſquels crie le Prophe- e et - f0,

te Efaye:Sunt canes muti,non valentes latrare,vi


dentes vana,G amantes fomnia,Sőt chiếs muets,
aueưgles, & endormis: qui nefçauent rien , &
n’oſent abbayer: & font bien curieux d'auoir
des pallefreniers pour leurs : faucon
2.
84 Q_v A T R I e s M E D I M E N.
niers,pour leurs oyſeaux, cuifiniers, pour leut
pance:& ne fe foucient de mettre des Paſteurs
pour enſeigner le pauure troupeau de Ieſus
. Christ, lequel leur fera vniour rendre compte
des brebis qui font peries par leur faute, &
Ezech ** fanguinem de eorum manu requiret,& les requer
ra de leurs mains,c'eſtà dire, qu'ils en rendrőt
compte iuſques au dernier point, veu que leur
office principalement confifte de preſcher &
annoncer le Euangile:car ainfi a eſté cő
***** mandé aux Apoſtres: Allez partout le monde,
&prefchez l'Euangile à toute creature. Diri
gite viam Domini. Faictes droićte la voye du
Šeigneur,c'eſtà dire, receuez le Meſſias adue
nir,donnez lieu au S,Eſprit,repentez-vous,co
gnoiſfez vos pechez, fuyez le mal , fuyuez le
bien,accompliffez la loy, faićtes fruićts dignes
de penitence:humiliez vous.S. Gregoire expo
fant ce paſſage en l'homelie duiourd’huy, Via
Domini (dit-il) ad cor dirigitur,cum veritatisfer
mo humiliter auditur, & adpreceptum vitaprapa
ratur, Quiſquis ergo infuperbiã mếtem eleuat,quif:
quis auaritie estibus anhelat,quiſquis fèluxurie in
quinationibuspoluit, cordis ostium contra veritatế
claudit,& ne ad fe dominus veniat','claušira animi
feris vitiorum damnat. Signamment fainćt Iean
dit:faićtes droićte la voye du Seigneur, & non
Ef fr. les voſtres: car il eſt dit en Efaye: Non funt vie
mee vie vestre,dicit Dominus: quia ſicut exaltātur
cali àterra,fic exaltate funt vie mee à vijs vestris,
dicit Dominua:Mes voyes ne font pas vos voyes, W
dit
de L’ A D v E N r. 8;
dit nostre Seigneur : car les voyes des hom
mes fontorgueil, ambition, auarice, preſum
ption, hypocrifie, & fićtion, oeuures exterieu
res fans foy, ce ne font pas les voyes par lef
quelles noſtre Seigneur viết à nous,mais vraye
foy, ferme eſperance, & charité ardante. Età
fin qu'on ne penſe qu'il ne fe foit approprié
cest office d'authorité de Meſſias, il appelle en
teſmoignage le Prophete Eſaïe,où(parparoles
manifeſtes) il predit qu'il aduiendra auất l'ad
uenement du Melfias vne voix laquelle feroit
ouye au defert. Et quimisti fuerant,erant ex Pha
ristis.Et ceux qui auoyent eſté enuoyez,eſtoyết
de Pharifiens,& l'interoguerent, & luy dirent:
Pourquoy baptize-tu doncques,fi tu n'espoint
le Meſſias,ny Helie, ny Prophete? S. Iean leur
reſpond en difant: Ego baptiko in aqua. Ie , «

ze en eau:ilrefpond modestement, fans eſmo- |

tion ou troublement,diſant:Ie baptize en eau: . - *


c'eſt à dire, ie laue les corps feulement & exte
rieurement, ie ne purge point l'ame interieu- -
rement: Ie baptize en repentance : à fin hapti
vous foyez mortifiez, & que vous cognoiſfiez :
auoir beſoin d'vnlauement. Maisiene remets –
pas les pechez: car tout ainſi que ma predica
tion n’eſt pas parfaićte, mais ſeulement prepa
ratoire:ainfimon bapteſme ſeulement monſtre -

vn autresqui commeie baptize en eau,ilbapti· Trei thºsts


fera au fainct Eſprit. Iebaille en monbaptef
me ſeulement l'eau, qui eſt bien peu de ci -

Car trois choſes font neceſſaires au parfaićti.ńa.s.


F 3
86 Q_v A T R I E S M E D 1 M E N.
bapteſme:à fçauoir, tres funt quitestimoniŭ dant
in celo,ſpiritus,aqua,& fanguis. Il y a trois choſes
qui rendent teſmoignagė en la terre, le fainct
Éſprit, l'eau, & le fang Sainćt Iean ne pouuoit
as donner le fainct Eſprit: car le Sauueur n’e
itoit encore glorifié : il ne pouuoit donner le
fang, pource qu'il n'estoit pas encores reſpan
4ä.r. e. 19. du: Et pource il est dités Aćtes des Apoſtres:
Ioan a baptizé en eau,mais vous ferez baptizez
au Sainét Eſprit. Monfieur fainćt Paul dere
chefa baptiżé ceux qui estoyent baptizez du
bapteſme de fainct Iean. Et par là nous voyős,
contre la doćtrine de Caluin, qu'il y a grande
* , wn difference entre le baptefmede Ieſus Chriſt,&
..."

le bapteſme de S.Iean, comme il a esté der


nieremeňt determiné parle S. Cốcile de Tren
christ & de te,Seffz.canon.1. de baptistno, & anciennement
/ ** par Tertullian lib.debaptiſmo,Origen. lib. y.com.
**"* in cap.6.ad Roma. s.Optatua lib.j in Parm. Am
bref in prafat.P/al.37: Hieronym. contra Łucifer.
Chryſoštom.homil.to.in Matt & in opere imperf.
* ' ’ homil.3.in Matth. & fainét Auguſtin lib.z. con
, tralitt Petil cap.37,& lib.3.cap.36. & lib. 3, con
tea Donast.cap.9.ế to:& tr.ö tract.4. in Ioan
nem;cr.Gyrillus Hieroſolymita.catechest3.& Baff.
homilia 13än exhort. ad Bar & fainét Gregoire
- homil.in Euangel.hodiernum. Cyrillus Alexandri:
* * ** cap. 26 lika in Ioan.& lib.2. cap.37. Theoph. &*
Beda inc:3:Luce,& Anſelmusin ca. 3. Matthai,
. Lebapreſine de Sainét Ieanidónne ſeulement
l'eau, maisle nostre quieſtle bapteſine de le
z 3 fus
D e 1° A d v e N r. 87
fus Chriſt,il donne l'eau, & le fang,c'est à dire,
le merite & paſſion de Ieſus Chriſt. Et en outre
le S.Eſprit, pour nous purger de nos pechez:
AMedius autem vestrum stetit quem vos nestitis.
Mais au milieu de vous a esté vn, lequel vous , Iste Christ
ne cognoiſfez:Medius. Car c’eſt le milieu d'en- ; ,: pour.
- * |- •

tre Dieu & nous, à fçauoir le Mediateur de quoy.


Dieu, & des hommes: Ipſe qui post me venturus ioan.r.
est.C'eſt celuy qui viendra apres moy,lequel est
premier que moy.Il viendra apres moy en naiſ
fant,en baptizant, preſchãt,en montant, & de
fcédãt aux enfers, lequel eſt premier que moy:
à fçauoir preferé à S.Lean,vt exponit Epiphanius
herefî 69. & Aug traći. 3. & 4 in Ioannem, & D.
Gregorihomil.2 o in Euang.i.Par eternité: car au
commencement eſtoit le Verbe. Secondement
par dignité:carle Verbe eſtoit Dieu. Tiercemết
par grace : car il eſtoit Dieu,auquel appartient
de fa propre vertu,donner grace,& gloire: Cu
ius non fam dignus, vt foluam corrigiam eius calcea- -

menti.Duquel ie ne ſuis digne de deſlier la cor- a ff?


roye de fon foulier, c’est à dire:ie ne fuis pasdi-| .
gne de luy faire le moindre feruice des plus vils cara ,
de fes feruiteurs, ainſi comme expoſe Lyranus
apres S.Chryſoſtome,homil.is. in Ioan, où il dit
que/oluere calceamenta,vilfimiferui officium est.
Par ceste parolle,il cốfelle premierement la di
uinité de Ieſus Chriſt:car s'il euft eſté feulėmét .
hőme, certainement fainét Iean eſtoit digne de
deſlier la corroye de fes fouliers:car l'hőme est
digne de faire ſeruice à l'homme, pource que
- 4
88 oy A T R 1 E s M E D 1 M E N c H E
nous fommes tous creez pour faire feruice
les vns aux autres: les riches, pour fecourir &
fubuenir aux pauures : les pauures, pour faire
les oeuures des riches: les vieux, pour instruire
les ieunes: & les ieunes, pour feruir & obeyr
aux vieux. Secondement,outre ce par ceſte pa
rolle, fainét Iean confond noſtre arrogance, &
orgueil:qui cerchons la gloire mondaine,& fa
ueur populaire en nos oeuures. Comme a fort
bien remarqué fainét Chryſoſtome, en ladićte
homelie 15. fur fainćt Iean: Si Ioannes indignus
est qui corrigiam/olueret,Ioannes (inquam)quo ma
iorinternatos mulierum non furrexit, quo nos loco
ponemus ? Siis qui terrarum orbi equiparatur, imo
qui maiorest(non enim erat ijs dignus mundus, in
quit Scriptura Hebreo.11.)neinter vltimos quidem
ministros cõnumerari fe dignum dicit,quid nos f2e
lerum innumerorum pleni dicemusiquitantò fumus
inferiores Ioanne, quantò terra minor est celo ? Si
S.Iean le plus homme de bien qui iamais naf
quit de ventre de mere, ſe iuge indigne ferui
reur de Ieſus Chriſt, pourquoy te glorifie-tu?
toy qui es autant & moindre que
fainćt Iean, comme la terre eſt inferieure au
ciel.Et pourtant (dit le meſme Doćteur, homil.
33.adpopul. Antioche.& homil.3, in Mattheum.)
Caueamus gloriofà de nobis dicere.Hoc enim có ho
. minibus odiofos,& Deo reddit abominabiles. Pro
pterea quantò maiora praštitimus, tantò minora de
nobis dicamus. Sic enim gloriam affequemur maxi
mam & apud homines, & apud Deum quinimò &
\- - mer
D E L’ A d v E N r. - 89
imercedếmagnãapud Deum. Quaresttumagnavis
reddere merita tua,ea ne magna effe putes, & ma
gnatunc erunt.Sic Ioãnes dicebat:Nomfum dignus
foluere corrigiãcalceamenti eius,& ideo amicus fuit
fþonst. Etmană quã effe dixit calceamētoindignam,
hãc/aper caput ſuum Christu attraxit. Sic & Pe
trus dicebat. Exià me Domine,quia homo peccator
fum: & idcirco fistus est Eccleste fundamentum.
Nihil enim Deo tam grată est, quàm cum extremis
peccatoribu/emetipfim cõnumerare.Hoc est totius
Japientieprincipium. Et en l'homelie 66 in Mat
theum:Hac rationefančios viros maximè admira
mur,qui quò cateris erāt excellētiores, eò humiliores
feipfos ducebant,quiad hunc vfậue diếin stafuhli
mitateperfeuerant.Voyez le meſme autheur,ho
melie 39, ad popul. où il monſtre par pluſieurs
exemples, que ceux qui fe font humiliez, ont
eſté honorez des hommes, & exaltez de Dieu,
Et S. Gregoire à la fin de l'homelie du iour
d'huy:Hec in Bethania fatta funt.Ces chofes fu
rent faiétes en Bethanie, outre le Iourdain , là
où Iean eſtoit baptizant. Toutefois S:Chryfo
stome, & Theophilacte, liſent in Bethabara, à
cauſe que Bethanie n'est pas de là le Iourdain:
mais il n'y a pas grande vtilité à examinerce
fte difficulté: notons qu'il nomme le lieu,à fin
que le teſnoignage de fainct lean ſoir plus
valide,& receuable, voylà pour l'Euangile du
iourd’huy, par lequel nous ſommes enfei
gnez de fuyure l'admonition; & aduertifismét
que l'eſprit de Dieu nous pe par fon Pro- “
-- - f -
9o LE :1 o v R
phete monſieur S.Jean Baptiſte : à fçauoir de
dreſſerles voyes de noſtreSeigneur, lequel nous
viếdra voir & viſiter à fes prochaines feſtes de
Oraifon.
Noel. Prions-le auec humilité de coeur, parla
grace de fon S.Eſprit, qu'il luy plaife preparer
nos coeurs à dignemét lereceugir par vraye foy,
& penitếce, que nous puiſliós recognoiſtre nos
pechez,fuyr le mal,fuyure lebiế, & accốplir fa
faincteloy,faire fruićts dignes de penitéce:que
toutenostrevie ſoit à ſon hốneur, & gloire,edi
ficatiốde nos prochains,falut de nos ames,que
finablemétnous puiſſionsparuenirà la fruition
de la vie eternellesau Royaume celeſte.Amen.
* * ! -, **
- *i * 1,3

- L E I O V R. D E N O E L *
m- »
* **
* -

\ ) E n’est pas fans cauſe que l'Egliſe


celebre la natiuité de noſtre Sei
| gneur , tant folennellement entre
| les autres feſtes : c'est parce que ce
ft le plus, excellent de tous ceux
de nostre Religion. De là vient, que non ſeu:
lement ceux quien ont ouy parler depuis qu’il
a eſté accomply : mais auffi, ceux qui la
temps au parauant ont eu quelque cognoiſ,
fance vrnbratique ſeulement,qu'ynioafde:Fils
de Dieu prendroit chair humaine, s'en ſont
restouys. Et fans aller plus loing; ie m’en rap
porte ảzpoſtre Saụueurs duquel le tefmoi
gnage doit ſuffire yn feul pour tous , lequel
"“”“, dit Akraham exultauit vt videret diem meumizi
dit,
d e N o e L. 9fs
dit,ė gauistisest. Abraham a defiré fçauoir le
iour de ma natiuité : il l'a preueu , & l ayant
cognoiſſance de mon incarnation , il s’en eſt
grandement refiouy. Semblablement tous les
Prophetes, quand ils ont voulu annoncer &
predire à tous fidelles ceſte fainéte natiuité &:
venuë du Meffias en ce monde, non ſeulemiết
fe font refiouys: mais austi ont excité les auffes.
àmenerioye, comme Zacharie, quand il dit:
Exultafatis filia Sion : eccerex tuus venit. Efaye zacharº.
au chap.62. & les autres Prophetes n’en difent
as moins. Ce qu'afort bien obſerué Chry--
, hom. 1. Aduentus, alleguant la fen
tence d'vn Prophete , Gaude & latare Sion.
Pourquoy me doy-ie refiouyr?parce que tu au
ras vn Meffie, c'est à dire, vn Prestre ſacré,
qui te deliurera de tous tes ennemis en pre
nant chair humaine. Et ne dit pas ſeulement, , !
Gaude:mais il adiouste, letare: comme voulant
dire, Conçoy en ton coeur vne grandé ioye.
Apres que le temps de Dieu prefix & òrdon-;
né a eſté accomply , les Anges qui ont enfen
du ce myſtere que noſtre Seigneur estoit nay
de la ſacree Vierge;ơnt commencé à seſiouyr ...: .
& chanter melờdieửfement; Gloria in excelfis
Deo: Et l'vn d'iceux s'addreſſant aux Paſteurs, s*,*\*
leurdit: Ecce vobis enangelizo gaudium magnii,
quod erit omnipopulo, quaſ dicat : Dequoyauez
vous paour? affeurezvoüs. Carie vous antion-i
cechoſe de laquellevous deuez estregrande
inent confolez & refiouys, vqiretout le inődësi
, - Or
92 L E I o V R.
Or çà s'il est ainfi,que ceux qui ont feulement
ouy parler de la natiuité de Jeſus Chriſt, long
temps au parauant que les chofesfuſſent adue
nues, s'en font refiouys, comme Abraham &
les Prophetes: & que les Anges en ont conçeu
ioye fi grande, qu'ils ont declaré aux pasteurs
ceſte ioyeuſe nouuelle: nous qui en reffentons
le profit, & pour leſquels il eſt venu, principa
lement auiourd'huy ayans entendu que Ieſus
Christ est nay, ferons-nous tant ingrats & mal
recognoiſſans le bien qu'il nousa apporté, que
nous ne demenions grande ioye ? Ie dy cecy
apres Leo magnus ferm.de natiuit. Domini, où il
vſe de cestermes:De hoc diuinepietatis opereine
narrabili quantă letari debet humilitas homină, că
tantum gaudeatfublimitas angelorum? Il faut dốc
auiourd'huy bien nousrefiouyr,Nõ rifuoriss/ed.
# cordis,ait Chry/Chom.8.in Efaiã, nec latitia
uius mundi/ed Dei,ait Leo magnus ferm.de nati
uitate Domini. C’eſt biếla raiſon que nous pre
nions ioye & conſolation ſpirituelle, puisque
les Anges s'en restouyſſent : & toutefois cela
ne leur attouche pas de fi pres comme à nous.
H.t.2. Nam Angelos nufậuam apprehendit, fed femen
, Abraha. Il eſt nay: pour qui? pour nous, com
Eſaie º. me dit Efaye: Puernatus est nobis, ó filius datus
est nobis. Puis qu'il a prins noſtre nature, nous
auons bien plus grande occaſion de ioye que
les Anges: parce que nous voyons nature hu
maine ioinćte à nature diuine en vn meſme
fuppost. Voila qui nous doit bien inciter à
; : - - nou$
D E N O E L. 9

nous refiouyr de la natiuité de nostre Sau


ueur, voire plus que de tous les autres myſte
res de noſtre Religion. Et qu'il ſoit ainfi, re
gardez,fi vous lifez, qu’vne grande multitude
d'Anges ont eſté ouys chantans & donnans
loüange à Dieu en la reſurrećtion & aſcenſion?
Vous lifez bien que les Anges en ont apporté
les nouuelles : mais ils n'eſtoyent que deux.
Mais qu'ily ait eu multitudo militie celestis,com
me en la natiuité, il n'en est rien couché par .
eſcrit.Ioinćt combien qu'ils ayentapporté aux
hommes ioyeuſes nouuelles,fine trouuez vous
pas qu'ils ayent chanté comme en ceſte fainćte
natiuité. C’est pourquoy les Doćteurs anciens
eſtimans ceſte eſtre la plus grande de tou
tes,l'ont appellee festorum omnium,
comme S. Iean Chryſoſtome en l'homelie de
B.Philogonio, Ce qu'il n'a pas dit fans estre fon
dé en raiſon,Carie vous demande,ſi vous vous
refiouyriez de la Circoncifion,Reſurrećtion &
Aſcenſion de nostre Seigneur, s'il n'auoit esté
nay ? Non. Parquoy il ne faut point doubter
que ce ne foiticy la principalle feste de toutes
les autres qu’on celebre en l'Egliſe à l’honneur
de noſtre Sauueur. Laquelle a esté ancienne
ment celebree en grande ioye & folennité,
comme on peut voir parl'oraiſon qu'a faićte à .
Conſtantinople fainổt Gregoire Nazianzene
infančiam Christinatiuitatế. & par le premier &
fecond fermő de Leo il a faićts
de natiuit.Domini,& par S.Augustin au fermon
C1In
L E I o v R.
cinquieſme & dixneufiefmede tempore, & par
le fermon qu'a faićt B. Maximus de la feſte
d'auiourd'huy. Et non fans cauſe ceſte feſte eft
grande. Car le myſtere repreſenté en icelle eft
grand. Et ne trouuerez point que l'Eſcriture
fainćte ait parlé des autres myſteres de noſtre
Religion en tels termes & auec telle dignité,
qu’elle parle de ceſtuy-cy. Car elle l'appelle
Ethefs aux Ephefiens ſacramentum magnum,où Sainćt
. Paul parle de ce myſtere ſous la figure de la
conionćtion matrimonialle & amour recipro
que qui est entre le mary & fon eſpouſe: vou
lant dire que ceſte conionćtion matrimonialle
eſt vne repreſentation de l'vnion de Ieſus
Chriſt,auec fon Eglife. Et en la premiere à Ti
r. zim.g. mothee , Manifestè magnum est pietatis fàcra
mentum, quod manifestatum est in carne. Voyci
vn grand myſtere & fecret caché. Noſtre Dieu
pouuoit-il mieux monſtrer fa bonté & amour
enuers nousqu’en s'aneantiffant,luy qui eſtoir
eſgal à Dieu fon pere, prenant l'habit de l'ef
claue, il s’eſt faict ferfpour nous mettre en li
berté: eſtant riche infiniement, il s’eſt faićt
pauure pour nous enrichir, il s’eſt faićt mortel
pour nous rendre immortels: brefil s'eſt faićt
homme; & s’eſt humilié, à fin de nous exalter
& faire Dieux. Ce n'eſt donc fans iuſte cauſe
que l'Egliſe faićt feste & folennité fi grande de
la faincte natiuité de noſtre Sauueur. Orapres
auoir faićt ce preambule entrons en l'expoſi
tion de l'Euangile leu en la Meffe de minuićt,
prins
D E: "N "O E L. 95
prins de fainćt Luc , difant : Exijt editium à Luc.z.
Ceſare Augusto, vt destriberetur vniuersta orbis.
L'hiſtoriographe de Ieſus Chriſt monfieur S.
Luc , en l'Euangile d'auiourd'huy nous de
monſtre trois choſes. Premierement, il recite
comme noſtre Sauueur eſt nay. Secondement,
il manifeſte comme ceſte tant ioyeuſe & falu
taire natiuité eſt annoncee aux paſteurs. Fi
hablement il nous declare comme la verité
faićte, eſt informee, & viſitee par les paſteurs.
Exit editium à Ceſare Auguſto.Monſieur fainét
Luc nous enſeigne en l'hiſtoire de la natiuité
de noſtre Seigneur,qu'il aduint en ćesiours là,
àfçauoir incốtinent apres la natiuité de fainćt
Jean Baptiste, il fe feit vn Edićt de par Ce
far Auguſte, que tout le monde,c'eſtà dire,de
Iudee,& de Syrie,fust mis par eſcrit. Ceſte de
fcription fut faićte lors que Cyrenus auoit le
gouuernement de Syrie, où fainét Ambroife
note:Vt quast confulem quendă gratia Euan
gelista astripfiffe videatur. De forte, dit-il, que
S. Luc ſemble auoir cotté le nom d'vn Con
ful pour teſmoignage du temps,cốme on auoit
accoustumé faire. Et ibāt omnes. Ettous alloyết
pour eſtre mis par eſcrit vn chacun en ſa Cité.
Ceſt Empereur ſe nommoit. par: fon : propre : : de
nom (comme dit Orofe) Octaủian Auguste:& ““
fut le fecond Empereur des Romains, auquel
le Senat Romain donna le furnom d’Auguſté,
non ſeulement pour auoir augmenté le bien
de la republique, apres qu'il fut retourné des
- - parties
96 L E I O V R.

parties Orientales,& qu'il feit fon entree dans


Rome, auec triple triomphe: mais austi il est
appellé Auguſte: Ab augurio, ou pluſtoſt, Ab
augendo pource que de luy dit Suetone : Late
ritiam vrbem inueni, marmoream relinquo. I'ay
trouué la ville de Rome toute battie de plaſtre,
ie la laiſſe bastie de marbre : pource qu'il au
gmenta l'Empire Romain , & qu'il fuſt tres
heureux, & fortuné, & de tous honoré,comme
vne puiſſance enuoyee du ciel. Et de luy tous
les Empereurs Romains iuſques auiourd'huy
font furnommez Augustes. Sous ceſt Empe
reur eſtoit paix vniuerfelle, quand Ieſus Chriſt
Pfal.7 r. eſt nay ( ce qu'auoit predit Dauid : Orietur in
diebus eius iuštitia & a pacis.Comme a
bien remarqué Eufebe , cap.7.lib.7.demonstrat.
Euangel.) Et quand il poſſedoit fon Empire pa
cifique, feit yn Edićt, comme deſſus, que tout
le monde fust mis par eſcrit,pour fçauoir com
bien de prouinces il auoit à fon Em
pire , & combien d'hommes il auoit en ſa
puiſſance. Partant il commande qu'il foit faićt
registre des Citez , Prouinces , & des hom
mes, leſquels deuoyent retourner à leur pro
pre pais, & Citez, & là faire profeſſion d'ho
mage à l'Empereur, en payant le denier pour
tribut & recognoiſſance de la Ceſaree Maje
fté. Aftendit autem Ioſeph à Galilea de ciuitate
Nazarethin Iudeam,ciuitatem Dauid,qua dicitur
Bethleem, eo quod effet de domo & familia Dauid,
vtprofiteretur cũ Maria deſponſatafbivxorepræ
- gnante,
D E - N O E L» -

gnante,Et Ioſeph monta en la cité de Nazareth


en Iudee, cité de Dauid, qui eſtappellee Beth
leem,à cauſe qu'il eſtoit de la maiſon & parété
de Dauid, pour eſtre mis en eſcrit auec Marie,
qui luy auoiteſté baillee à femme, laquelle e- . . . .
ftoit enceinte. Voylà,ce bő Patriarche Ioſeph, s.
eſpoux de la Vierge, est monté en Bethleem, ** **
nous enfeignant qu'en toute crainte nous de
uons obeyraux ſuperieures puiſſances: nőfeu
lement aux bons & modestes,mais auſſi aux ri
goureux & prophanes. De Galilee, en laquel- * :/:e',
le eſt fituee la citê de Nazareth , & en laquelle :
Verbum carofattum est, & habitauit in nobis. Le obeyr à
Verbe diuin a eſté faićt chair & homme, & a nos maieurs
habité auec nous en Iudee cité de Dauid,nom- */"?*******
mee Bethleem. Or il nous faut noter que Beth- - cité
leem,eft nốmee cité de Dauid. Car en elle fut d. pania, er
nay Dauid, & par Samuel Prophete de Dieu pourques:
oina & ſacré Roy de Hieruſalem,ou Syon qui ;
estauffiappellee cité de Dauid. Carenicelleil :
edifia la maiſon du Roy, & pource qu'il y ha- 1
bitoit,& y mourut,& y fut enfeuely. Dont Io- : * *
feph est mõté en Bethleem, pource qu'il eſtoit
de la maiſon & parenté de Dauid, lequel eſt . . . .
monté en Bethleem: non pas feul, mais auec
Marie fille du fouuerain pere, & mere du fils
de Dieu,vif& vray temple du fainét Eſprit par
le confeil diuin & eternel, vraye & legitime
eſpouſe de Ioſeph , prochaine à enfanter. Le
bon Ioſeph est monté en la noble cité de Beth
leem , laquelle noſtre Seigneur auoit efleuë,
- - - G
98 L E I O V R.

: - pour fa natiuité, non pas la grande ville de


: Rome ou de Hieruſalem, repudiant & dete
la ftant toute mondaine, orgueil & va
de/on fl., s nité, a voulu naiſtre en la petite ville de Beth
reºrgºgy leem. Et c'est ce qu'a dit le Prophete Michce:
atth.2. Et tu Bethleem nequaquam minima es in principi
': r. - - - -

bus Iuda: ex te enim egredietur qui regat populum


meum Iſrael : Refiouys toy Bethleem, dićt le
Prophete, cartu n'es plus petite entre les vil
- -
."-
les, a cauſe que dedans toy naistra celuy qui
, reduira d'Iſrael. O Bethleem que
. . . tu es heureuſe d'eſtre tant honoree. Il n’y a
* * * * , ville ny cité tant foit elle magnifique , qui
n'aye eñuie fur toy & ne voullitt auoir de toy
ceſt honneur! O Bethleem tu es petite, mais
». «... . . . celuy qui en toy a eſté faićt petit, te magni
: *** - fie &agrandit merueilleufement, & te contti
' tue plus celebre que les Palais royaux & cha
, ' ſteaux de plaiſance des Roys du mõde, refiouys
, - , toy,& chante par toutes les rues & carrefours,
Noé, Noé. Cartu es la ville & la cité du Roy
des Roys.
font celeérees „... N En la natiuité de noſtre Seigneur
- - - A

trois Meſſes font celebrees, la premiere à la


d. „o se, minuićt en laquelle folennellement nous chã
zneur, er tős ce beau Hymne angelique:Gloria in excelſis
*"*"1"v: Deo. En memoire & pour aćtion de graces, car
Ieſus Chriſt en la minuićt eſt nay en Bethleem.
La ſeconde Meffe eſt celebree à l’aube du iour,
en memoire qu'à telle heure les paſteurs font
venus en Bethleếadorer le nouueau Roy nou
uellement nay. La troifieſme eſt celebree en
- plein
--
D E , N O E L. - 99
plein iour:car par la natiuité de Ieſus Christ, le
iour de redemption & verité nous eſt apparu.
Et ſi quelqu’vn demãde cőbien cecy, eſtancié:
ie que le Pape Teleſphore l'a institué,
qui fut des premiers ſucceſfeurs de S. Pierre:
Fuit enim ſeptimusà Petro.Comme recitent Da
mafia, & Platine,en la vie d'iceluy, & pluſieurs
autres. Leſquelles trois Meſſes ſignifient auſſi
que la natiuité de Ieſus Chriſt a apporté cớfo
lation & falut,à tous les fidelles viuảs en la loy.
de nature, de Moyſe, & de grace« Car lefus
Chriſt, qui fut hier, auſſi auiourd’huy, iceluy.
meſme fera eternellement. O Chreitiens,n’a - * * ** ** **
uez-vous point appetit de mãger de ce pain ce
lique ? Car pour vous fairevenir l'appetit, les
Prestres mangent trois fois deuant vous, ainſi
qu'on fait aux malades,certainement celuy eſt
dágereufemét malade,qui n'a gouſt & affećtiő
d'vſer aumoins vne fois de tel pain Sacramen
tel.S’enfuit au texte de l'Euấgile de S.Luc tou
chất ceſte ioyeuſe natiuité:Faċium est autế cum
effent ibi,impletifunt dies Marie, vt pareretó: pe
perit filii füüprimogenită. Oraduint comme ils
estoyết là, c’eſtà fçauoir en Bethleem,
& noſtre Dame, que fesiours furét accomplis
pour enfanterle Sauueur du mốde,la fontaine,
racine,doćtrine,autorité,dominateur,cốferua- La Vierge a
teur de tous biếs.Car tous biếs font de luy,par "f" fans / ""
luy, & en luy:Et enfanta premieremét fans tri tristeffe,
douleur, 85'
| fteffe,laquelle les autresont quãd l'heure d'é-/ „
fấter s'approche,& leſquelles cóçoiućt en ini-ptien.
G 2
IOO - L E I o v R
quité, & nourriſſent en peché leurs fruićts en
leur vếtre.La raiſon de cecy eſt,qu’Eue la pre
miere femme parfon peché auoit porté ce fup
plice:&partantil eſtoit expediết celle qui
porteroit le Redempteur de ce peché,enfantaſt
fans peine,ce qu'a noté S. Irenee, liure 5. où il
la vierge Marie aduocate d'Eue.Secő
dementelle a enfanté fans la douleur, laquel
le les autres femmes ont à l'enfantement: mais
auec grand ioye en Dieu,&lieffe en fon eſprit.
Tiercement, elle a enfanté fans corruption de.
purité virginalle.Car ceſte porte, combien que
r., tid,,,, noſtre Seigneur ait paſſe par icelle: toutefois
eternellement eſt fermee: parce qu'il n’estoit
pas decent que celuy qui eſtoit venu pour re
ſtaurer toutes choſes violees & corrőpues,vio
last l'honneur de fa trefdigne & facree mere,
comme le petit arbriſſeau fe lieue de la terre
fans endommager la terre : mais auec vn tref
grand honneur & ornement de la terre. Ainfila
gloire de la mere Marie eſt vn tel fils, qui eſt la
meſme fapience & vertu du Pere: le Soleil de
iustice Cổme le rayon du Soleilpenetre & ou
trepaffe le verre : & tout ainfi que la fleur ne
bleste point, & ne fait tort ny offence la racine
& verge d'où elle procede : ains la decore,em
bellit, & baillegrace,& la fait loüable:Ainſi Ie
fus Christ pure & odorante fleur,nay de la raci
- ne de Ieffě, ne fait point de tort ny offenſe à la
vierge Marie:ains la decore,embellit,baille gra ·
ce,la fait & rend treflouable. Et pource que les
C
D e n o E 1. IoÍ –

heretiques d'auiourd'huy blaſphement fur ce


propos. Voy le teſmoignage de ce que ie vien
de dire en S.Ambroiſe en l'Epistre 81.en fainét
Aug.au liure des herefies,chap.82. (où ils con
damnent l'heretique Iouinian,qui oſoit díre le
contraire)& en l'Epiſtre3.ad Volustanum, Et au
fermon 17.defanttis.Et au 156. de tempore: Et au
fermon 4.de Annuntiatione. Voy auſſi la deter
mination du Concile Romain, fuh Martino 1.
Finablemét elle a enfantéauec fouueraine ex
pećtation,ioye,congratulatiố,loüange,& exal
tation de toutes les choſes qui font tant aux
cieux qu'en la terre. Doncques Marie Vierge,
& meresa enfanté, ioyeuſe, & fertille: Filium
fuum primogenitum, Son fils premier nay, non
pas vne fille,dont la ioye en eſt plus grande:no
tamment il eſt dit fuum. Singulierement fien.
Carfi les autres femmes engendrent leurs en
fans,& qu'ils les aiment:toutefois nulle mere
ne peut ainfi appeller fon fils, comme Marie diference 4e
vierge & mere. Carles autres meres, quant au * *
corps de leurs enfans, ne font pas ſeules meres f .
des corps: parce qu'elles ont conceu par & de rei.
la femence desperes pourtant les meresdifent
à leurs marys,voyans leurs enfans, Cestuyscy
eſt nostre fils:Mais Marie laquelle a conceu le r.Tetriz, .
Fils de Dieu en ſon ventre,de fon trefpur fang, F/*****
par l'operation celeſte du S. Eſprit, & non par ,
femence virile,elle ſeule,& non autre peut di- . . .
re & nommer Ieſus Chriſt fon fils. Car en elle Admiration,
feule,& nő en autre,il a prins ſon corps,auquel ,: -
G 3
15. L E- 1 o v R
il a porté nos pechez furle boys, auquel & par
lequel il a racheté Iſraël de tous fes pechez,
nommé: Primogenitum, Premier nay. Que di
ćtes-vous fainċt Luc? auez-vous opinion que
Marie ayt eu & engendré des autres enfans,
pource que vous appellez Ieſus Christ premier
nay: Pluſieurs à l'occaſion de ce mot, à fçauoir
premiernay , ont nié la perpetuelle virginité
de Mariejeſtimans qu’elle auoit enfanté Ieſus
Christ en virginité : mais qu'elle euſt eu apres
d'autres enfans de Ioſeph,& ont tafché de prou
uer ceſte fentence par pluſieurs autres lieux de
la fainćte Eſcriture,comme en S.Matthieu:Io
feph ne l'a point cogneuë,iufques à tất qu’elle
ayt enfanté fon fils premier nay. L'entiere re
futation de ce blaſpheme eften S. Hierofine;
au liure expres cốpoſé de cecy;contra Heluidiữ:
Etie reſpons que primogenitu s'entend auffi de
celuy quinaist le premier,encores qu'il ne s’é
* » T. c. fuyue point d'autres enfans. Et quant aur lieu
de S. Matthieu, nousoste le doute quequel
qu'vn eust peu auoir,difant que Ioſeph ne l'a
... uoit point cogneuë deuát l'enfantemēt:& par
tant beaucoup moins apres; cőme tresbien de
duit S.Hieroſme au lieu fufdit.Et S:Chryſoſto
r.o., christ me en l'homelie 5 fur S.Matthieu. Ieſus Christ
á zobmi le conuenablemét eſt appellé le fils nay.
is fremier
say,ť5 pour-
Premieremết pource qu'il·luy a pleu naistre de
la chair,à fin que par la rege
fuºj. - *-- - - -" " :. . - º- ---- -------11----2 -

sa neratiő ſpirituelle,& renouuellemết du S. Èf


Rom.s. pritził acqueſte pluſieurs freres à cauſe
3 2 ainćt
*
*
d e N o e L. Io3
fainét Paul l'appelle, Primogenitum in multis
fatribus, premier nay entre pluſieurs freres.
C'eſt le premier nay du pere, lequel dés le
commencement,& deuant tous les fiecles, il a
engendré en foy meſme eternellement, ſans
commencement & ſans fin, & en la pleniru
de du temps par ſa ſeule mifericorde l'a in
throniſé dans le circuit de la terre: Seconde
ment,il eſt auſſile premier nay d'vne mere per
etuellement vierge, deuant l'enfantement, à
apres l'enfantement. Tierce
ment ; il est auſſile premier nay des mortspri- "ººr"”
mitia dormientium : car il eſt le premier de tous
refuſcité des morts par fa propre vertu. Et
pannis eum inuoluit, & de bandelet
tes , pource que nudil est iſſu du ventre desſa
mere , giſant ſur la terre froyde , affligé par
* la grande froidure de l'aſpre & rigoureux
uer, la bonne dame contre la malice & aufte
rité de l'hyuer , l'enueloppa de bandeletres:
faiſant fon entree en ce fiecle, tout incontinét
il a commencé de porter la croix, & endurer
ce que la chair & le monde a en horreur : pour
nous endoćtriner. Premierement par æuure,
& apres par doćtrine,que la voye laquelle con Matth. 7,
à la vie eternelle, eſt estroićte: & que le
Royaume des cieux endure violence, & les
violans le rauiſſent. Auffi il nous a enfeigné, uani.,,.
que non feulement il eſt bon de porter le ioug -

de nostre Seigneur dés fon & ieu


ne aage : mais auſſi dés fon , voire dés
4
Iơ4 L E º 1% O V R

l'iſſue du ventre maternel. Mais notons icy ce


que dit fainét Ambroife furce lieu : Ille inuolu
tus inpannis, vt tu mortis laqueis abſolutusfis:Ice
luy a esté bandé & enueloppé des linges &
drappeaux, à fin qu'il te defliaſt des liens de la
mort. Et nous viuons en delices, vanitez & vo
luptez de la chair:& puis nous croyős & crions
que nous fồmmes Euangeliques,nous en mau
dirons vne fois l'heure, fi ne faifons penitence,
& fi Dieu ne nous faićt mifericorde. Et reclina
wit eữ in prefepio.Et l'a couché en la crecheinon
as en vnlićt doré ou de molle plume, enue
oppé de diuerſité de couleursstendu & couuert
de tappis de pourpre & de foyetains en vne cre
che,fus le foin,laquelle depuisa eſté en grande
veneratiố:rellemết que les Chreſtiens de tou
tes pars alloyent en Hieruſalem en-pelerinage
pour viſiter & baifer ladite creche, comme on ·
peut voir par S. Hieroſme en l'epistread Mar
cellam,6 in epitaphio Paule. D’auantage la froi
dure đė l'hyuer, la couche rude , les pauures
drappeaux (deſquels paraduenture les riches
du monde à grande peine s'en fuffent feruis
à torcher leursfouliers,) & le pauure logis:tout
cela nous enfeigne de fuir la concupiſcen
ce de la chair, tout orgueil de vie, & exemple
# de toutes bonnes æuures & fainćtes opera
tions. S'enfuit en l'Euấgile,que la Vierge estát
en Bethleem auec ſon eſpoux, Ioſeph ne trou
uant qui la voulust heberger, eſt accouchee en
vne eſtable. Quianonerateislocusindiuerſºrio.A
* - cauſe
D E N o E L. ro5
cauſe qu'il n’y auoit point de lieu pour eux en
l'hostellerie. Les logis eſtoyent prins pour les
nobles,riches,& puiſſans, & pour ceux qui ont
la bourſe ferree:car ceux qui ont les eſcus,font
toufiours maintenus : & ceux qui n’ent point
d'argent,font toufiours en refus. La Vierge dốc,
entree en l'estable, ſentant vne merueilleuſe
douceur & conſolation, à la minuićt faićt fon
enfant premier nay & le dernier, & le mettant
en la creche, à deux genoulx humblement l'a
dore, ainſi que chante l'Eglife: Virgo quem ge
nuit, adorauit. La vierge a adoré celuy qu’elle Miracle des
a enfanté. Voyci (Chrestiens) le miracle des miracles.
miracles. Premierement celuy qui est eternel
est faićt temporel. Secondement l'immortel
est faićt mortel. Tiercement l'impaſſible paf
fible. Quartement le maiſtre des Anges, & le
Seigneur de tous, a prins la forme de ferui
teur. Quintement le Sainét des Sainćts a prins
la fimilitude de pecheur quant à nature.Sixief
mement le Dieu tout puiſſant eſt faićt hom
me foible & impuiſſant. Septiefmement la fa
pience & eloquence du Pere eſt faićte auiour
d'huy enfant n'ayant vſage deparler.Huićtief
mement le tres-riche eſt faićt de tous le plus
pauure. Neufiefmement le pain des Anges,eft
faićt le pain famelicque. Dixiefmement celuy
qui vests les oyſeaux du ciel, est toutnud. Vn
zieſmemét, celuy quele ciel & laterre ne peu
uent comprendre, est comprins en vne petite
logette: & de ce auoit eſcrit le Sage en parlant
. Io6 L E I O V R.
****er*.*. de la ſapience diuine,difant:Delitie mee effe cum
filijs hominum: Mes delices font d'eſtre auec les
hommes. O admirable condition de telle ma
jeſté ! O indicible manſuetude ! O incompa
rable douceur ! O prodigieuſe deiećtion » &
Di
merueilleux aneantiſſement de telle druinité
* -

la"natiuité & hauteste ! Premierement les Roys de ce


2. , hu monde font nays des Roynes puitlantes , &
Christ, e de l'Empereur du ciel & de la terre, eſt nay d'vne
““ tres-pauure pucelle. Secondement les autres
*** Roys font nàys en Royal Palais , & le Roy
Ieſus en vne tres-vile hoſtellerie. Tiercement
* * * les autres Roys font nays és citez Metropoli
taines,& Villes celebres. Et le Roy de tout le
monde est nay en vn village. Quatriefmement
les autres Roys quand ils font nays, font cou
chez en lićts dorez & de molle plume, & no
ftre Roy eſt nay en vne creche afpre & rude.
Cinquiefmemét les autres Roys couuerts

de drap d'or & d'argent, & il est enueloppé


de petits drappeaux. Sixieſmement les aurres
Roysont grande aſſiſtence de Princes,Nobles,
Ducs, Barons, Comtes, ſeruiteurs & feruantes
qui leur aſſiſtent, & Ieſus n'a compagnie que
de fa pauure mere, & Ioſeph ſon pere nutri
tif. Septiefmement les autres Roys ont grand
nombre de cheuaux en leur efcuirie, & le Roy
des Roys pour toute efcuirie il a le beuf &
l'aſne. Et apres que la Vierge des Vierges a
adoré fon fils en l'embraſſant & baiſant dou
cement, diſoit, commeil est vray-ſemblable:
/
-
d e N o e L. 1ο7
O benoists yeux qui par tout voyez & con
templez bons & mauuais!O douces mains, qui
auez produićt le ciel & la terre ! O admi
tables pieds qu'on doit baifer & adorer , qui
tout fous vous affubiećtiſſez : tu es mon Dieu,
monfils,& Sauueur, tant deſiré, & attendu de
toutlepeuple. Tu es ma vie; mon eſperance, Mysteres ad
ma confolation, & felicité! O ioye des Anges!
O douceur de paradis ! O repos des ames la natinité
bien-heurees! O gloire des hommes, biếfoyez de Ife
venuen ce monde, Redempteur des humains. º*""·
En ceste forte a este faićte | natiuité de Ieſus
Christ, nay de la vierge, à la minuićt de Noel. -

0nouueauté admirable! Premierement noſtre * *

Dieu est faićt noſtrefrere.Secődement la vier


gea enfanté & engendrévn fils.Tiercement la
chambriere a engendré fon maistre. Quarte
tement la creature a engendré fon Createur.
Quintement la mere a engendré fon pere. O
inenarrable charité de nostre Dieu, qui pour
sogueilleux s'est humilié pour nous char- „simal.
nels,est vestu de noſtre chair humaine: & pour a,
nous malheureux,en tourment & peine avou- i fa chrif.
luprendre les miferes de nostre corps humain,
endurant auiourd'huy pour nous le froid , qui
finablement pour nousendura la mort. Oine
stimable & grande humilité de nostre Dieu.
Premierement, il s'est faićt auiourd'huy hom-,
me, à fin que l'homme fust Dieu : non par
nature , mais par grace : non par eſſence,”
mais par adoption. Secondement, noſtre
- Dieu
i o8 L E - I o V R

Dieu eſt deſcendu du ciel fusterre, à fin que


l'homme de la terre montaſt és cieux. Tierce
ment le Fls de Dieu eſt faićt fils de l'homme, à
fin que le fils de l'hőme fust Fils de Dieu.Quar
tement,noſtre Dieu immortel,eſt faićt homme
mortel,à fin que l'homme mortel, fuſt immor
tel, Qujntement,noſtre Dieu impaſſible,s'eſt
faićt homme paſſible,à fin que l'hỏmme paſſi
ble,fust impaſſible. Sixiefmement, le Roy eſt
faićt feruiteur, à fin que le feruiteur fuſt faićt
Roy.Septiefmement, le Fils de Dieu riche, eft
faićt pauure, à fin que le pauure fuſt enrichi.
Auirrete, aa. Huictiefmement,auiourd'huy il s'eſt faićt petit
*irables pour nous agrandir. Voicy de grands miracles.
Premierement noſtre Dieu & pere Sauueur,au
iourd'huy eſt nay temporellemententerre,qui
eternellement eſt nay au ciel.Secondement en
terre il eſt nay de mere, fans pere : & au ciel de
pere,ſans mere. Tiercemếtau ciel fans cốmen
cement,& en terre prend commencement,non
pas d'eſtre: mais de naiſtre: car il eſt toustours.
- Quartementà ce iour celuy-là eſt faićt homme
.. . . . obeyſſant, à qui toas doiuent obeyr. Quinte
tement celuy-là s'est obligé à la mort, qui par
fa mort, deſtruira la mort. Il a faićt tout cecy,
pour l'abondance de fa charité,& humilité:Et
pastores erantinregione eadem vigilantes & custo
dientes vigilias ſupergregēſuum. Et en ceste meſ
me contree les paſteurs eſtoyết demeurans aux
champs,&gardás les veillesde la nuićt fus leur :
troupeau.En premier lieu, il nous faut icy no-.
i ter
D E N o E L. Io9
ter que quand le Fils de l'homme est venu en 4 natiniti
ce monde, au commencement il n'a pas eſté
cognu du monde:car fa venue a eſtéocculte,& í
faićte de nuićt, lors que les hommes estoyent à .
en leurs lićts dormans:contre ceux qui pargrã
de impudence ſe veulent monſtrer, & defirent
eſtre veus, & prifez. Afon exemple, il ne faut
pas euenter n'expoſer noſtre marchandife au
vent de vaine gloire:quivoudra fe cacher,il fe
ra veu: & qui ne voudra fa vertu eſtre veuë, el
le fera publiee. Secondement ceux qui en fça
uent les premieres nomuelles,font pauuresber
ers, & paſteurs,comme recite noſtre Euange
iſte:Et ecce.Et voyci chofe admirable,nouuel
le,inaudite,pleine de ioye,& de falut : Angelus
dominiastitit iuxtaillos. Et l’Ange du Seigneur) .
s'arreſta aupres d'eux. Notons icy que l'Ange
apres que Ieſus Chriſt est nay, est le premier ..
frefcheur de l'Euangile de Ieſus Chriſt, Car
Ange paranymphe celeſte, reuele la natiuité
*
s
de Ieſus Chriſt, & la preſche , non 'pas à l'Em- nangile.
pereur Romain,nő pasau RoyHerodes,ny aux
Pontifes, & Sacrificateurs Hieroſolymitains,
ny aux Scribes, & Pharifiens, qui ſe glorifient
de leur iustice, & fainćteté charnelle , & qui
s'appuyent furleurs obſeruanceslegalles:mais
pource que Ieſus Christ estoit nay en vn vile
diuerſoire: auſſi il est premierement annőcé,&
euangelizé à gens rudes, de vile condition, à
fçauoir aux pauures pasteurs & bergiers fim
ples:pour nous dőnerà entếdre qu’enuers Dieu
- OI)
1 1o L E I O V R
* - on n'eſt pas en estime pour les honneurs,digni
* . tez,& richeffes de ce preſent fiecle : Non enim
Remas est perſonarum acceptio apud Deum, dit fouuent
# . l'Eſcriture,Il n'y a point de chois és perſonnes
enuers Dieu. Les mondains donnent les hon
Ł. natiuité neurs,& premiers lieux à Meſſieurs les grands,
de lesta les riches, & puiſſans. Quant aux pauures, on
Christf "“
remēt est an-
n'en tient compte, on les met fous les degrez,
N 1» - - -

" ou coucher à l'eſtable. Mais Dieu qui plus ap


papeurs, er precie le dedans que le dehors, faićt tout au
pourquay- contraire.Comme il eſt dit au premier liure des
Roys:Homo videt queforis funt, Deus autem cor
N '***'intuetur. L'homme feulement voit le dehors:
mais Dieu voit l'interieur des hommes. Les
bonnes nouuelles font premierement ſceuës
és cours des Roys, & apportees aux Princes.
Mais l'Euangile, c'eſt à dire, les bonnes nou
uelles de Dieu,eſt premierement apportee aux
xat.n. pauures, felon ce que diſoit nostre Seigneur:
Pauperes euangelizantur. Les pauures reçoiuent
l'Euangile. En monſtrant que le pauure boi
teux, & contrefaićt, eſt plus aymé de Dieu en
fa fimplicité, que le riche auec ſa belle robbe.
Dieu ne regarde point fi on eſt bien veſtu: mais
s'il y a au cteur de la vertu : Angelus domini
aštitit iuxta illos. L'Ange de Dieu s'eſt arreſté
aupres d'eux, en image de corps humain, en
forte que les pasteurs l'ont veu, & ouy : Et cla
ritas Dei circunfulfitillos.La clarté de Dieu gran
de & miraculeufe, reſplendit autour des pa
ftcurs, parlaquelle clarté celle nuićt fut enlu
- II l'1
D E, N G E L. ' III.

minee & reſplendiſſante comme le beau &


clair iour. Pour nous fignifier que le vray So
leil de iuſtice eſtoit nay. Mais à qui s'eſt appa
fu l'Ange du ciel ? Non aux gourmands &
yurongnes, paillards & ioüeurs, non aux laf
ches & pareſſeux, fongeurs , reſueurs & non
challans: mais il s'eſt apparu à ceux qui vieil
loyent & gardoyết la veille de la nuićt fur leur
, à fin que leurs brebis n'enduraſſent
quelque mal ou peril par les loups. Dont fainćt
Ambroife dit de la perſonne des paſteurs, quò
vilioradprudentiam,eò precioſior adfidem:de tant
plus que la perſonne des paſteurs té ſemble vi
le, de tant plus elle eſtoit precieuſe à la foy.
Par laquelle apparition les veilles & labeurs
que le Chreſtien faićt en la vocation en la
quelle il eſt appellé, font conſacrees comme Weilles confa
crees.

bonnes æuures, & fainétes operations , plai


fantes & aggreables à noſtre Seigneur. Mais -,
auiourd'huy qui est fort à deplorer, pluſieurs :
Paſteurs ne font pas la veille ſur leur trou-fastique.
peau, dont les brebis de Ieſus Chriſt ſe trou
pent fort endommagees par les loups rauiſ
fans ſoit diable,ou heretique,qui les deuorent.
Ilspaiſſent eux meſmes, & fans donner pastu
te à leurs brebis, deſquelles ils tirent toute
leur ſubstance. A tels Pasteurs n'apparoist ze ben Ange
point l'Ange du Seigneur, mais aux Paſteurs
vigilans fur leurs brebiettes. Timuerunt timore ::::::::
magno. Leſquels craignirent pour ceste non confite.
accoustumee lumiere : pource | Sainćt Ange
- qui
*II2. L E I O V R.
qui au commencementeſpouuente, & à la fin
confole, leur dit : Nolite timere , ne craignez
point. Car ie ne fuis pas l'Ange de Sathan,
qui pour deceuoir aucunefois, transfigurat fe in
2.Cor. p. Angelum lucis, fe transfigure en Ange de lu
miere. N’ayez donc peur ou crainte, la rai
fon: Ecce, voicy. Maisie vous prie eſcoutons
icy la harangue du prefcheur : voicy le
premier fermon de l'Euangile, apres que Ieſus
Christ eſt nay, plein de toute ioye : Euangelizo
vobis gaudium magnum, quod erit omnipopulo. Ie
vousannonce grande ioye,laquelle fera à tout
le peuple:la raiſon de fi grande ioye: Quia na
tua est vobisfaluator. Car le Sauueur vous eft
nay, pour vostre ioye, conſolation, & falut.
Łue.r.
Voylà la bonté cordialle, charité ineffable de
noſtre bon Dieu & pere & Sauueur. Qui est
Christus: Car le Sauueur vous eſt nay qui eft
Chriſt, c'eſtà dire, oingt & ſacré des dons &
graces du fainćt Eſprit, plenus gratie & verita
Moa M. F.
tis,plein de grace & de vérité. Et fubitofatta est
cum Angelo multitudo celestis militie laudantium
Deum,có dicentium:Gloria in altiſſimis Deo, ó in
terrapax hominibus bone voluntatis,Incontinent,
auec l'Ange, fut vne multitude de cheuallerie
celeſte loüant Dieu , & difant: Gloire foit à
Dieu és lieux tres-haults, & en terre paix aux
hommes de bonne volonté : ou, comme lifent
aucuns, en terre paix, & aux hommes bonne
volonté. Voylà legasteau party par les Anges:
la premiere part du gasteau est pour Dieu , à
qui
D -E - N O E L, - II$
qui appartienthốneur & gloire aux fiecles des
fiecles:&aux hommes paix de bonne volonté.
Ainfi ſe doyuent commencer & finir nos dan
tiques & chanfons ſpirituelles par loüange di
uine. C’eſt à Dieu à qui conuient donner
honneur, & gloire, comme au fouuerain Sei
gneur fur tous. Tout doit eſtre referé à ſon
honneur. Gloire eſt le morceau friand pour la
bouche de Mófieur,& ne faut pas eſtre fi hardy
de le vouloir prendre pour nous : à Diea foir
l'honneur, & à nousle proffit. Si Luc dit apres:
Aduint que quand les Anges s'enfurentallet
au ciel, les paſteurs difoyent entre-eux:Tranf
ramus in Bethleem, & videamus het verhum quod
fatium est, & vidimus, & offendit nobis, Paſſons
maintenant iufques en Bethleem , & voyons
ceſte choſe qui eſtaduenue, que le Seigneur
nous a notifiee. Et venerunt festinantescó inae
nerunt Mariamd Ioſeph Leſquels vindrentha
lliuement, & trouuerent Marie, & Ioſeph. Ils
font venus en ardeur de courage , plus les
portoit amour,que les pieds.Ils vollent, tantils
fontaiſes. Les riches & puistants ont cher
ché Ieſus pour le tuer, & les ſimples le cher
choyent pour l'adorer. Videntes autem rognoue * „. “,
runt de verbo quod diffum eratilis depuero hoc. Et
ºmnes qui audierant,miratifunt de his que à pasto
ribu dičia erant ad ipſos. Quấd ils l'eurent veu,
ils donnerent à cognoistre la parolle qui leur
auoit esté dicte de ceſt enfant. Et tous ceux
qui en oyoyent parler, s'efmerueilloyent des
H
I I4 L E I O V R.

choſes qui leur auoyent eſté dićtes par les pa


fteurs. O nobles paſteurs, dictes nous des nou
uelles s'il vous plaiſt ! qu'auez vous veu de
nouueau ? Reſponſe. Ils ont veu vne maiſon
fordide, à tous vents, où n'y auoit ne
latte, ne cheuron, ne feu, ne flamme, ne pot au
feu, n'eſcuelle lauee: & toutefois le Dauphin
de Paradis, Ieſus Chriſt, faiſoit nopces auec
noſtre pauure fæur nature humaine.Et les An
ges comme meneſtriers, chantoyent en grande
melodie.D’auantage vne mere & vierge,fim
plement vestue,non point enaornement & pa
rure mondaine : mais en honnesteté admira
ble, auec Ioſeph fon eſpoux. Pour toute efcui
rie, ont veule boeuf&l'aſne: & pourtoute la
cour du Roy de gloire, estoyent Ioſeph,& Ma
rie. Et reuerffantpaffores glorificantes & laudan
tes Deum in omnibus que audierant & viderant,
ficat dittum est ad illos. Leſquels apres auoir
tout veu, retournerét glorifians & loüans Dieu
de toutes les choſes qu'ils auoyent ouyes &
veuës,ainſi qu'il leur auoit eſté dit.O que heu
reux auez eſté nobles Pasteurs,& que bien for
tunee vous a eſté la nuićt en laquelle vous auez
Oraiſon,
veu vn tel enfant,& telle mere ! . -- ' '
. O doux Sauueur,& enfant beneist,appellez
nous à voſtre creche » pour estre refiouys de
vostre preſence , obtenant grace , à fin que
auec les Anges tous d'vn coeur, & d'vne bou
che, nous vous puiſſions adorer, donner hon
neur, loüange, & gloire. Nous vous ſupplions
* \ , nduS
D E N o E L. - 115
nous vouloir faire part & communication dú
merite & efficace de vostre tres-ſacree natiüî,
té pour la reuerence de laquelle vostre peuple
Chreſtien auiourd'huy est icy aſſemblé, & faiét
ioye & feſte folennelle. Nos coeurs defireht
auoir participation pour ſe refiouyr en voữs,&
ue toute triſteſſe feculiere , & vaine occupa
tion s'euanouyſſe.ODieu & pere eternel, tour
puiifant & immortel, ſoustenez nous, que ne
tresbuchiős en offence contre voſtre honneur,
imprimez voſtre faincte loy en nos coeurs,don
nez-nous grace de l'accõplir & tout ainſi qu'au
jourd'huy vous estes nay en ce monde tếporel
lemét,nous puiſſions auéc
vous naistre en ce preſent fiecle ſpirituellemét
pargrace,tellement qu'en l'autre nous puiſfiős
nailtre par gloire en vie eternelle , pour vous
eternellement glorifier auec Dieu le Pere & le
S.Eſprit,au pays de paradis celeſte.Amen. -ºf
D IM E N C H E E S O C T A V ES
' , - D E N o E L. .
=Fīl Rant Ioſeph & Maria mater Ieſu,mi- Luc. 2.
R | 7"zz72tes his que dicebantur de illo, '/' ’
AS
|-
| & Marie mere de Ieſus merueuuoyens
*

}| eſtoyent efmerueillez des choſes i


quiestoyent dićtes de luy : non pas d'vn esba- lefu , er
hiſſement de chofe cachee & doubteufe: mais ?"1").
d'vn esbahiſſement de ioye , ils s'eſmerueil
loyent pour pluſieurs raiſons. Premiere
* * * H 2
#16 D I M E N C H E E S -

ment,à cauſe des ioyeuſes nouuelles que le pa


ranymphe celeſte auoit apporté de paradis, à
la Vierge fans pair,luy dıſant: Concipies in vte
ro, & paries filium, & vocabis nomen eius Ieſum,
tu conceuras & enfanteras vn fils,que tu nom
meras Ieſus. Secondement de la falutation ap
portee par fainćte Elizabeth , à fa coufine la
vierge Marie en fa viſitation. Tiercement, ils
s'eſmerueilloyết des oracles prophetiques an
noncez de Ieſus Christ par le grand facrifica
teur Zacharie en la circonciſion de fainét Iean
Baptiste, lors qu'il feit le beau Cantique que
l'Egliſe chante à matines,à fçauoir: Benedičinu
Dominus Deus Iſrael, quia vifitauit & fecit re
demptionemplebis file.Quartement, ils s'eſmer
ueilloyent des ioyeuſes paroles que le meſſa
ger celeste auoitapporté à Ioſeph fon pere pu
tatif & nutritif: à fçauoir de fon nom , lequel
feroit nommé Ieſus,c'eſtà dire, Sauueur. Car
il fauueroit fon peuple de leurs pechez, Cin
quiefmement,ils s'eſmerueilloyent de la che
ualerie celeſte par grande melodie chantant en
fa natiuité, Gloria in altiſſimis, &c. Gloire aux
tres-hauts lieux, & en la terre paix aux hom
mes de bonne volonté. Sixiefmement ils s’ef
merueilloyent des fages Roys venus d'Orient
chercher, trouuer & adorer le nouueau Roy
nouuellement nay en Bethleem, pour luy fay
re hommage & prester le ferment de fidelité. :
Septiefmement, ils s'eſmerueilloyent des pa
steurs leſquels admonnestez par l'Ange luy
- font
o c T A v = s d e n o e L. 117
font venus faire la reuerence. Huićtiefinemết
ils s'eſmerueilloyent des paroles qu'ils oyoyết
dire de luypar le iuſte Simeon, qui en ſa pre
fentation, en grande ioye & reuerence l’em
braſſa,diſant:Lumen adreuelationem gentium, ở
|- plebistua Iſrael, & confeſſant que le fa
lutaire de Dieu, le Mestias, le falut de tout le
monde,& la gloire de fon peuple d'Iſraël estoit
venu. Neufiefmement, s'eſmerueilloyent toe.,,
d'Anne Prophete,laquelle à ceſte meſine heu
re estoit venue au temple & rendoit loüan- -
geåDieu, & parloit d'iceluy à tous ceux qui
attendoyent la redemption d'Iſraël. Et benedi
xit illir. Et Symeon le iuste qui estoit venu au
temple parleſainét Eſprit les beneist,àfçauoir
Ioſeph,Marie, & le Fils. Et combien que Sy
meonfuſt moindre en grace & merite , toute
fois il estoit plus grand que Ioſeph & Matie
en office facerdotal. Et ceste estoit vne bene
diction de loüange,d'aćtion de graces, de prie
ies&de falut. Ainſitoutes les æuures de no- palu;
stre Seigneur beneiffent, loüent , magnifient
Dieu, & le glorifient par deſſus tous les fie
cles. Semblablement nous deuons beneistre contre les he
Dieu en tout temps,Sa loüange doit toustours tit" 1
esticà nostrebouche contre ceux qui ſe fone ? .
feparez d'auec nous, qui auecques letit eiro- i .
nee & nouuelle doćtrinefe parforcent fermer
la bouche de ceux qui beneiffent Dieu. Au
temps paſſé la benediction des Peres, des Pre
stres, & des iustes estoit demandee auecques
- H 3
118 . : D I M E NC H E , E S . )
Gene 14. toute affećtion & defir de coeur. Ainſi Iacob
gº obrint la benedićtion defon pere. Iceluy mef
. me Iacob prochain à la mort, donna fa benedi
ćtion à ſes enfans. Samuelbeneist le ſacrifice.
Moyſe donna benediction aux enfans d'Iſraël.
Iofué beneist les deux lignees. Dauid beneiſt
au nom de noſtre Seigneur Salomon:&iceluy
Salomon beneist toute l'Egliſe d'Iſraël. Mel
chiſedech beneist Abraham. . . . . . ..
-: Nous liſons auſſi que nostreSeigneur a trois
fois beneist le pain: en la refećtion de la troup
pe,en l'institution du fainét Sacrement,au lo
gis auec fes'diſciples: pource il eſt neceſſaire
de ſanctifier & beneiſtre les choſes corporel
les par la parole de Dieu par oraiſon, & par le
facré ſigne de la faincte croix, à fin que tous
empechemensdommageables & diaboliques
foyent dechaſſez; & que telles choſes corpo
rellesainſi beneistes, faičtes & rendues
falutaires à ceux qui les reçoyuent. Voilà cố
4 * ment les ſuperieurs ontbeny les moindres, &
2. Kfg 3 pareillement les moindres ont beny les fupe
rieurs. Les enfans d'Iſraël donnoyent benedi
sa Noms, étion au Roy Salomon, & Dieu a faićt eſcrire
ss : , par Moyſevne ſpecialle benediction , par la
, quelle les Prestres beneistroyétles enfans d'If
" ", raël. Nous ſommes appellez pour poffeder la
benedićtion parl'heritage. D'auantage Dieu
beneist & pere de nostre Seigneur lefus Christ
nous a beneiſten toute benedićtion ſpirituel
le aux biens celestes, pour les posteder aux
. . . ! ; IT12A
o c r a v e s d e no e t. 119
maiſons eternelles en Ieſus Chriſt, c'eſt à dire,
par le merite de Ieſus Chriſt noſtre Seigneur
& Sauueur. Et au contraire , la maledićtion deux male
des Sainéts a esté toufiours en grand horreur *****
auxhőmes,tát au vieil que nouueau teſtament:
'combien que les enfans de perdition,à fçauoir
ceux de la nouuelle loy, par vn deſdaing, &
orgueil, l'ont en meſpris. Noé maudit fon fils geneſ.,.
Cham, & il fut maudit. Dauid maudit Ioab, s.rsg.re.
& toute fa maiſon, pour le meurtre commis
en la perſonne du bon Abner , & vengean
ce a enfuyui la maledićtion. Eliſee maudit
ceux qui ſe mocquoyết de luy, & foudain deux
Ourſes fortirét de la foreſt, & deſchirerết qua
rấte & deux enfans, qui auoyent faićt iniure à
l'homme de Dieu. Ce meſme Eliſee maudit e.Reg.2.
fon feruiteur Giezi, & ſubitement la lepre de * Rix s :
Naaman vint audit Giezi , & il fortit de de
uant luy ladre,blấc comme neige. Sainét Pier- Aa.s.
re maudit Ananie, & Saphire, & foudain ils
moururent aux pieds dudir fainét Pierre. Il 4á.is.
maudit auſſi Simon le Magicien, que depuis il
feit mourir à Rome. Sainćt Paul maudit Ely- t.cers.
mas enchanteur, & incontinentil fut aueuglé **“/”
fans voir le Soleil. Sainćt Paul maudit l'hőme
fornicateur, & ſubitement il fut faifi & prins
d'aſſaut par le maling eſprit.D'auantage,oyons
la ſapience de Ieſus Ë de Sirach:Benedictiopa- wanas,
tris firmat domos filiorum, maledičtio autem ma
tris eradicat fundamenta. La benedićtion du
pererend les maiſons des enfans fermes: mais
H 4
12o . D I M E N C H E E S

la maledićtion de la mere , demolit les fon


demens. Balaca preſſé Balaam, pour maudire
Către les He
le peuple de Dieu.Partant deteſmoignages des
retiques.
fainétes, nous voyons que les Here
tiques font pires, & plus obſtinez en leur dam
nable opinion,que le cruel tyră Pharao, lequel :

cőbien qu’il fust rude & afpre aux enfans d’If


Exod.12. rael,neantmoins illes pria,diſant: Abeuntesbe
nedicite mihi. Allez, & me benillez. S'enfuit:
Et dixit ad Mariam matrem eius. Et Symeon
dit à Marie mere d'iceluy : Ecce hic postus est
in ruinam & reſurreëtionem multarum, & in f2
Ieſus Christ
mis en ruinegnum cui contradicetur. Voicy ceſtuy-cy eſt mis
85’ refurre pour la ruine & pour la refurrećtion de plu
étion, CF com fieurs en Iſrael, & pour ſigne auquel on con
Zhenf,
tredira, & le glaiue percera ta propre ame, à
| fin que lespếfees de pluſieurs foyent reuelecs.
Ceſte prophetie de fainct Symeon predićt ce
qui deuoitaduenir au fils,& à la mere. Quant
eft du fils, il dit qu'il fera en ruine pour les
orgueilleux, & reſurrećtion des humbles. Se
condement, en ruine des vices, & reſurrećtion
des vertus. Car fainćt Ambroiſe dit ſur ce
lieu. Symeon dit que Ieſus est venu à la rui
ne & reſurrećtion de pluſieurs : Vt iustorum
iniquorúmque merita differnat , & pro nofirorum
qualitate fattorum aut ſupplicia decernat aut præ
mia. A fin dit-il, qu'il diſcerne le merite des
bons & des mauuais, pour les punir & recom
penſer felon la qualité de leurs æuures. Tier
cements en ruine du vieil homme, & refurre
- - ćtion
o c T A v E s D E N o e L. I2 R

étion du nouueau homme. Quartement, en


ruine de l'homme exterieur, & reſurrećtion
de l'interieur. Quintement,en ruine des Iuifs,
par leur deffaut, & reſurrećtion des Gentils
parleur vertu. Sixieſmement, en ruine desin
credules,& reſurrećtion des fidelles. La ruine
tombera en Iſrael parfon grand deffaut.Le So
leil vient pour lesilluminer:mais ilsluy ferme
ront la feneſtre. La pierre angulaire vient pour
fouſtenir leur edifice, & les conioindre auec
ques les Chrestiens : mais les malings Iuifs
reiećteront ceſte pierre angulaire : pource tom
/
bera leur edifice , & tout ira en ruine. D'a
uantage ; il fera le figne à qui on contredira.
Ieſus est le figne de falut, où faut tous ten- the fi t.
dre pour estre fauuez : comme les archiers »ray Égne de
tendent au ſigne qui eſt le blanc à la butte,/****
c'eſt leur fin & intention que d'aduenir à ce
figne. Ainfi Ieſus est nostre figne, & nostre
fin où nous deuons tendre, felon que dit fainét
Paul:Finis legis Christus in falutem omnicredenti. Rºm.“
La fin de la loy est Ieſus, pour la iustice de
tout fidelle qui croyoit en luy. Ce figne a eſté
mis à la haute montaigne de Caluaire, à qui
les ingrats Iuifs ont contredićt, le defaduoüant
pour leur Roy, & Seigneur,difans:Nõ habemus
regem nist Cafarem.Nousn'auons point de Roy,
finon Ceſar. Ils n'auoyent garde d'y frapper:
car ils n'y viſoyent pas bien. Ces archiers
n'ont pas frappé à la burre : car ils en detour
uoyent leurs yeux. Ce n'eſt pas de merueilles
- H 5
12.21 , D I M E N C H E E S

s'ils font damnez, qui ont contredit au Mede


cin: s'ils font perdus, qui ont laiſlé la vraye
voye. Voycila premiere partie de la prophe
tie de Symeon,touchant nostre Seigneur Ieſus
Christ. S'enfuyt la feconde partie d'icelle, ad
dreſſee à la mere: Et gladius,tuam ipſius animam
pertranfibit,vtreuelentureæ multis cordibus cogita
tiones. Et le glaiue percerata propre ame, à fin
que les penfees de pluſieurs coeurs foyent re
uelees. Ce glaiue icy n'eſt pas materiel: Nec lit
tera nec historia docet ex hac vita Mariam corpo
ralis necis pafione migraffe. Dit monfieur fainét
Ambroiſe fur ce c'eſtà dire,nous ne li
fons point que nostre Darne ait eſté martyri
fee , ne frappee de glaiue, ou de couſteau au
- corps. Parquoy faut entendre par ce glaiue.
Premierement la douleur laquelle a nauré &
percé fon coeur. Comme fi Symeon diſoit : La
peine de la paſſion qui fera envostre fils en fon
corps, fera en vostre ame par compaſſion. Car
les douleurs que n’auez pas endurees en l'en
fantement de vostre fils, pour ſentir que fuffiez
mere, vous les porterez auec vſure en la mort
de vostre fils. Alors fentirez que c'est d'affe
ćtion de mere, c'eſtà dire, que vos peines &
trauaux excederont celles de la femme qui en
fante. Le glaiue percera,non pasle corps:mais
le coeur : Vt reuelentur ex multorum cordibus co
gitationes. A ce que les penfees de pluſieurs
coeurs foyent reuelees. Alors on cognoistra
quelles penfees de Ieſus Christ aurőt les hom
* 1TlCS»
O C T A V E S D E - N O E L, 123
mes. Lesbonnes feront cogneües en la con
festion de foy, & les malignes en la contradi
ćtion de la foy. , : , .
Ceſfez doncques heretiques vos grandes
audaces, cestez de publier vos vilaines pen- heretiques.
fees,ceſfez de mefdire de la vierge Marie mere
denostre fauueur&redempteur; estant para
cheué le prophetique & parfaićt teſmoigna
gede Symeon.Le texte maintenát est ſubstitué
du teſmoignage d'Anne vefue & Prophete.
Çar Ieſus Christ preuoyant qu'il auroit plu
fieurs contredifans, auſſiila voulu auoir plu
fieurs teſmoings:où ſainét Ambroiſe dict : Sy
meon auoit vne femme mariee &
vierge atuoit auffi prophetizé: Debuitetiã vidua , \

prophetare,ne qua aut profeſiodeeffet,aut ſexus: il -


estoitdonc bien feant qu'auffi vne veufue pro
phetizast, à fin qu'aucun fexe ny aucune forte
de vie ne manquaſt à prophetizer de nostre
neſoit plusEtà fin quepremiereme
croyable, nteſte d'An-
le teſmoignag faicte “pro
re

mention de fa loüange, & apres la confeſſion


defon refmoignage. Premierementprophetif:
fi propheriffe: voyla vne grace gratuitement
donnee.Secondement, Filia Phanuel, non feu
lement felon la chair, mais par imitation de
meurs & de vertus. Phanuel vaut autant à
dire, comme la face de Dieu. Certainement
ceste veufue a veu la face de nostre Seigneur,
laquelle pluſieurs Roys & Propheres ont de
firévoir & ne l'ont pas veuë,diſant:Ostende
ff
124 D I M E N C H E - E S

bisfaciemtuã,ớc. Monſtre nous ta face & nous


ferons fauuez. De Tribu Azar. De la lignee
d'Azar, lequel a le huićtiefme lieu en l'ordre
des douze Patriarches. Ceſte Anne eſtoit no
ble de fang, mais plus noble de vertu. Voyci
vne vraye inage des nobles,laquelle leur pref
che qu'ils doyuent estre foigneux que toutain
fi qu'ils precedent les autres en nobleſſe de
fang: auſſi ils doyuent procurer qu'ils foyent
plus excellens en grauité de moeurs,en la crain
| Y fait
Snobleffe.
le
te de Dieu, en la grace de Dieu & en biens ſpi
rituels. Car la haute
asl'homme,mais vertu:laquelle n'annoblist
lignee & racerend & faićk
f aggreable à Dieu & aux hommes.
„au... Mais auiourd'huy la nobleſſe. (Iene parle pas
i ti... contre l'eſtat, mais contre le vice) c'est vn
, , empeſchement de falut, retargement de bien,
incitation à mal, flambe enflambant l'amour
de ce monde , laquelle eſt ennemie de Dieu.
Car S.Iaques dit trefbien:quicunque voluerit ami
Iae.*, cus effe/eculi huius,inimicns dei constituitur: qui
conque voudra eſtreamy de ce monde,il fe fe
ra ennemy de Ieſus Chriſt. La nobleſſe de la
chair meſpriſe humilité, refuſe porter la croix,
ayme vanité,cherche menfonge, theſaurize en
auarice, en la terre, defire s'enrichir du bien
d'autruy, a le coeur hautain, La nobleffene
tient conte de fes ſubiects, prend les dons &
preſents desinnocens, accable les pauures par
iniuſtice, pille les vefues, rauiſt les biens des
pupilles. Ils font vestus pompeufement,nour
T1S
o c T A V E s D E N O E L. 125
ris delicatement & delicieuſement. Ils don
nent largement aux cheuaux,chiếs & oyſeaux,
ruffiens, paillardes & maquereaux: mais aux
pauures Lazares qui font tous defcharnez &
qu'ils voyent parmy les ruës aux portes des
Egliſes, plustoſt
que de leur les laifferont
donner vn morceaumourir de faim,
de pain. Mais •

le temps viendra, comme dit Dauid, Ad fa- Tfal.,,,.


ciendam vindittamin nationibus, increpationesin
populis,ad alligandorreges,& r.Dieu fera vengeấ
ce des nations,& chaſtiera le peuple, pour lier
les Roys aux enfers & les nobles, pour lier
leurs mains en chaifnes de fer. Car comme dit
le Prophete : Principes facüfurum,omnes diligunt Eſa.r.
munera,/equuntur retributiones. Les Princes ſont */**
infidelles, compaignons des larrons, qui ay
ment les preſens, qui iustifient les meſchans
pardons & preſens, & oſtent la iuſtice à ceux
qui font iuftes. Parquoy ainfique le flambeau
de feu confume le chaume & la flamme bruf
lelapaille: ainfi fera la racine d'iceux, comme
nourriture, & leur germe montera comme la
pouffiere:carils ont reietté la loy du Seigneur » *

des batailles, & ont blaſphemé la parolle du


fainćt d'Iſraël. S'enfuit de ceſte noble Anne,
laquelle estoit plus excellente de vertu que de
iace de fang,de la lignee d'Azar,lequel a le hui E. generale
étiefme lieu en l'ordre des douze Patriarches. rest,
Signifiant la generalle refurrećtiő, laquelle fe- frafailie au
rafaićte au húictiefme aage. En laquelle ceux :
- - * * - |- ég az 2°6’e
/*
qui auront bien fait iront en la reſurrećtion de ***
. V1C
116 D 12M E N C H E - E S

vie & toufiours feront auec noſtre Seigneur.


Hec procefferat in diebus multis. Et ceſte Anne
auoit paſſé pluſieurs de fesiours, ainſi comme
?"e/mei parle nombre desans, auſſi par augmentation
::::::::: de grace & de vertu:Et vixerat cum virofo. Er
, , auoit veſcu auec ſon mary. Icy font recitez les
prophete est teſmoignages de ceste tant vertueuſe dame, au
; · regard de tous les estats eſquels elle a eſté ap
Marc.7. prouuee : ce qui eſt demonſtré : Premiere
ment quant à l'eſtat de mariage, auquel elle a
veſcu pacifiquement. Le mary & la femme qui
bien s'accordent font approuuez deuant. Dieu
& les hommes.Car fi paix n'est entre eux, il fe
roit meilleur demeurer auec vn Lyon ou Dra
gon.Secondement elle est loüee, quant à la fi
delité du liét matrimonial, car elle a veſcu fi
dellement & loyaumết auec ſon mary en tou
te dignité & honneur,& non pas auec vn autre
homme : comme Herodias, laquelle laiſſà fon
mary Philippe pour paillarder auec Herodes.
Tiercement elle est loüee d'vn traićté de paix
r. cor. 7. & alliance perpetuelle. Mulier enim quanto tem
pore viuit vir eius,alligata est legi: & viuente vira
vocabitur adultera,ffuerit cum alio viro. Car la
femme est liee à la loy durant le temps de la vie
de fon mary : de maniere qu'elle fera appellee
adultere, fi durant la vie de fon mary eſt
auec vn autre homme. Et vixit cum viro fito an
- - nis ſeptem à virginitate/sta.Elle aveſcu auec ſon
mary fept ans. Quartement elle eſt louee
pour l'integrité & purité de la chair. Car elle
eſtoit
O C T A V E S .D E N O E L. 127
eſtoit vierge, quãd elle contraćta mariage auec
fon mary , pource qu’elle auoit veſcu auec ſon
mary ſept ans, depuis fa virginité. En apres e 4“
la faincteté de ceste Dame est loüce, quant"“
à l'eſtat de viduité, en pluſieurs chofes que les
vefues auoir ; qui les ornent & ren
dent plaifantes à Dieu,& aggteables aux hom
mes,à fin qu’elles foyent lábonne odeur de le
fus Chriſt. Et pource dit nostre Euangeliste:Et
hec vidua erat. Et icelle estoit vefue. Il faut
que les vefues boyuent au calice de noſtre Sei
gneur, pour patiemment endurer beaucoup de
choſes: Et transtre per ignem & aquam vt edu
canturin refrigerium. Et paſſer par | feu, & par s
l'eau , pour paruenir à la de la
beatitude eternelle. Et ce qui est tres-grief à 2. Cor.r.
porter, comme dit fainét Paul: Per gloriam &
ignobilitatemperinfamiam & bonamfamam.C'est
à dire, par honneur, & deshonneur, par diffa
me , & bonne renommee, portant leur croix s
apres Ieſus Christ. Et comme dit ſainét Paul: "Ti" f'
ở verè vidua est & defolata, ſperet in Deum, . '
& inšřet obſecrationibus. Celle qui eſt vrayemết
vefue, & defolee, ait eſperance en Dieu. Se
condement, elle eſt loüee par le long temps
auquel elle a esté vefue:V/que ad annos očtogin
ta quatuor. Et ceſte fuſt vefue iuſques à qua
tre vingts & quatre ans. Tiercement, elle eſt
loiiee pour la frequentation des Egliſes, Car
nostre Euấgeliſte dit: Que non diftedebat detem
plo.Laquelle ne ſe partoit point du temple, non
pas
Ix8 D I M EN C H E E S

pas qu'elle dormiſt,mangeaſt,beust,ou feiſtau


tres neceſſitez du corps au temple : leſquelles
choſes fe font aux maiſons : comme dit fainćt
r. Cor. I 1.
Paul. Mais tout ainſi que d'vn homme deuot
qui longtếps demeure en l'Egliſe,nous difons,
il est toufiours en l'Eglife. Et c'est vne maniere
familiere de parler. Quartement, à fin qu'elle
ne trebuchaft entre les lacs du diable,elle a fuy
les delices charnelles, en reduifant fa chair en
l'obeyſſance de l'eſprit,parieufnes,& abſtinen
Efficace des ces.Car il eſt dit:Seruiens domino,Seruãrà Dieu.
ieufnes.
Le feruice duquel eſt fouueraine liberté: Nam
fruire Deo regnare est, vt ait D.Gregor. Nazianz:
orat. 2.de pace. Car feruir à Dieu,c'eſt reğner.
Elle a feruy à Dieu, non pasau monde, à pe
ché, à ſon ventre, non pas à auarice. Mais par
quels moyens a elle feruy à Dieu? In ieiunijs.
En ieufnes , par leſquels elle a euité les alle
chemens de | chair, elle a eſtainćt les flambes
de luxure, en fe rendant preste & appareillee à
2. Petr. r.
T1m0t.f.
toute bonne æuure: Nam que in delicijs est, vi
Iud. 9.
uens mortua est, dit fainćt Paul. Car la vefue vi
uant en delices, viuant elle eſt morte & enfe
uelie en ſes plaiſirs,& voluptez. En cela elle a
eu la bonne Dame Iudith pour exemple, la
quelle estoit vestue d’vne haire , & ieufnoit
tous lesiours.Finablement elle eſt loüée d'vne
conionćtion d'oraiſon auecieufne,caril eſt dit:
Et obſecrationibus. Elle feruoit en ieufnes,& o
raiſons, elle ieufnoit contre les vices de la
chair. Elle prioit Dieu contre les vices de la
penſee.
o cTA V E s D E N O E L. . 129
penfee. Car fainét Auguſtin dićt tres-bien que Effeace d'o
qui veut faire voller vne oraiſon au ciel, il luyr"/"".
faut donner deux eſles, ieufnes & aumoſnes.
Ces deux choſes, ieufne & oraiſon, chaffent
les diables.Par le premier eſt chaffé Aſmodeus
tentant par les alleſchement de la chair : par le
ſecond l'enflé eſprit d'orgueil Roy des en
fans d'orgueil eſt quand par orai
fon l'eſprit s’humilie ſous la puiſſante main de -
Dieu.Et pource noſtre Seigneur diſoit:Hoc ge- Matth.rz.
nu demoniorum nõ eijcitur nistoratione & ieiunio.
Ce genre de diable ne fort pas hors finon par
oraiſon & ieufne.Die ac nočte,c'eſtà dire,qu'el
le feruoit à Dieu en ieufnes & oraifons tout
letemps de fa vie , felon la maniere vfitee de
parler d'vn homme ſtudieux : duquel nous di
fon, illit, eſtudie, & eſcrit nuićt & iour. Par
là nous ſignifions que les principaux affaires
de ceſt homme, c’eſt de lire, eſtudier & eſcri
re , Ainſi nous difons de ceſte dame , elle
feruoit nuićt & iour en ieufnes & oraiſons:
c'eſtà dire, que la principale oeuure, labeur,
artifice,ou exercice de ceſte femme estoyent de
feruirenieufnes & oraiſons. Laquelle est pre
fentee aux vrayes vefues pour yne forme &
image viue de plaire à Dieu,qui eſt beneist par
tous les fiecles des fiecles. Et fainét Ambroife
en celieu,& en fon liure de viduis,veut qu’elle /
ferue aux vefues de patron & de miroüer en
tous leurs faits. S'enfuit: Et hæcipfahora fi perue
miřicāfitebatur Domino,& en ceſte meſme heure
- I
„”
13ð İ) I M E N C H E E S
que Simeon auoit prins l'enfant entre fes bras,
elle furuint au temple par l'inſpiration du S.
Eſprit,& oyans les loüanges du iuſte Symeon,
& voyant de ſes yeux corporels le vray Ema
nuel deſiré de toutes gés. Loquebaturde ipfo.Elle
rédoit loüange à Dieu,& parloit d'iceluy Mef
fias: Sacramētum enim regis abstondere bonum est.
Car c’eſt chofe bonne de cacher les ſecrets des
Roys de ce monde: mais c’eſt chofe honora
- ble & fainćte de reueler les ceuures & magni
ficence de Dieu. Et pource s'enfuit: Omnibus
qui expectabant redemptionem Iſrael. Elle parloit
du Meſfias à tous ceux qui attendoyent la re
za redittien demption d’Iſrael. Ceſte redemption est plus
de Ifachrist fpirituelle que temporelle: à fçauoir de la fer
plus ſpirituel-
4e que , :
tempo- uitude de Sathan » de peché, de la mort, & des
/ 3 -

rel/e. enfers: elle parloit non pas à vn , ſed omnibus,


mais à tous. Car Ieſus Chriſt eſt venu en ce
monde pour fauuertous quant à luy:Et vt per
fecerunt. Et quand ils eurent tout parfait, c’eſt
à dire, toutes les choſes qui appartiennent à la
purification felon la loy du Seigneur Dieu , &
comme il eſtoit ordonné & commandé en la
loy : en laquelle eſtoyent ſpecialement com
mandees trois chofes. La premiere , la pre
- fentation de l’enfant au temple. La feconde,la
Trois cho/es
redemption dudit enfant. Car le premier nay
- /- - - - -

eſtoit racheté par cinq ficles. La tierce, eſtoit


en la to, de l'oblation de deux tourterelles, ou deux petis
purifcation, de columbes. Combien que la Vierge ne fuſt
liee ou obligee à la loy de purification, comme
plus
- d ct A. D E N o e L. - 131
plus amplement nous dirons quelquefois ay
dant le fouuerain Dieu, pource qu'elle auoit :
conceu , non par femence virile, ains parin
fluence celeſte, & operation du fainćt Eſprit.
Toutefois elle a voulu conformément à fon fils
accomplir la loy: Reuerffunt in Galileam,Ils re
tournerent en Galilee,en Nazaret leur cité, où
il auoit eſté conceu, & nourry. Nazareth vaut
autant à dire, comme fleur , ou floriffans. Par
cela eſtoit ſignifié que fa conception eſtoit
munde, fans peche originel, & que fa conuer
fation eſtoit floriifante, fans peché aćtuel; ou
mortel. C’eſt l’aigneau fans macule,où Sathan
n'a rien à cognoiſtre.Car Ieſus dit de foy-meſ Ioan. 14.
me: Venit ad me princeps huius mundi , & in me
non habet quicquam. Le Prince de ce monde, à
fauoir Sathan , eſt venu à moy, & il n'a rien à
moy: Puer autem crefcebat. Et l’enfant croiſ
ſoit corporellement comme vray homme: Et
confertabatur ſpiritu. Et eſtoit fortifié d'eſprit en
foname par le S.Eſprit. Non pas paraugmen
tation ou proffit de grace,de vertu,ou de dons: , .
mais quantà ostentation:Plenus/apientia Plein c.l.ſ.,.
defapience, quant à l'entendemết:Omnes enim
theſauristientiæ & ſapientiæ Dei abſconditi erant
inilo.Pource que tous les threfors de fapience,
&fcience de Dieu estoyent cachez en luy.
Comme s'il vouloit dire, il agrandement pro- , .*
fité en augmentation , & vigueur de corps:
mais en l'ame , il eſtoit plein de fapience,
dés l'instant de fa conception , par les diſtri
I 2
I 32. D I M E N C H E E S

butions & vertus du S.Eſprit. Et gratia Dei erat :


lean. 1. in illo.Et la grace de Dieu estoit en luy quant à
°*** Taffećtion:comme dit monſeigneur S. lean, Il
estoit plain de grace,& de verité. Et S.Paul : In
illo habitat omnisplenitudo diuinitatis corporaliter.
ðraiſon, En luy toute plenitude de diuinité abonde cor
porellement,c'eſt à dire, reallement, & parfai
čtement.Prions nostre Dieu & pere immortel,
nous donner la grace, à l'exemple de monſieur
S. Symeon, & de ceſte tant vertueuſe Dame "
Anne vefue Prophete , fille de Phanuel, que
tous d'vn coeur & d’vne bouche, nous le puiſ
fions adorer,donnerhonneur,loüange, & gloi
re,par l'illumination de fon S.Eſprit,par la pre
dication de fon fainét & ſacré Euangile. Et fi
nablement nous puiſſions tous paruenir là fus
en la gloire qu'il nous a promife,parfon fils Ie
fus Chriſt au Royaume de Paradis, Amen.

D IM E N C H E E S O CT A V E S
D E S R O Y S.

Wm effet Ieſus annorum duodecim,


astendētibus illis Hieroſolymam. L’hi
i
| ſtoire de noſtre fainét Euangile d’a
lò è iourd'huy eſt enregiſtree aux Euan
gilgs de monſieur ſainét Luc, ſecond chapitre.
Laquelle nous faićt mention premierēment de
z- la perte de l'enfant, pleine de trifteffe. Secon
dement de fon inuention,pleine de lieffe. Et fi
3- nablement de ſon retour auec ſes pere, & me
IC2
o c r. D E s R o y s. 133
re,plein d'humilité: Cùm effet Iestuannorä duo
decim. Et quand Ieſus eut douze ans felon l'hu
manité,nay d'vne Vierge, par l'operation cele
fte du S.Eſprit.Comme ils montoyếtenHieru
falem,à fçauoir Ioſeph, la Vierge, & l'Enfant:
ource que Galilee estoit fituee en lieu plus
Hieruſalem en lieu plus haut: Secundum
conſuetudinem diei festi. la couſtume du
idur de la feſte.Certainement la bonne & loüa
ble couſtume a force & vertu de la loy, felon
qu’on dit communément:Conſuetudo legis habet
vigorem.Pource elle ne doit point eſtre obmife,
ne delaiſſee,ſans grande neceſſité, & euidente z., bonnes
vtilité.Voyci Ioſeph,& Marie,montét en Hie- confirm „
ruſalem, felon la couſtume duiour de la feſte, doynent estre
Ainſi premierement felon la coustume de la :
loy,ils auoyent faićt les oblatiốs pour l'enfant, .
quandilsle preſenterent à nostre Seigneur au i i. i,.
temple. Item Ieſus felon la coustume alloit au tae.a.
montallegue
Paul des Oliues pour prier.
la coustume de Ainfil
l'EgliſeApostre S. Corint. II.
, comme
la femme doit estre couuerte quandelle prie au
temple. Et fi quelqu’vn veut eſtre opiniaſtre,il uate.az,
n’allegue pour toute raiſon que ceſte-cy : Nos
talem confitetudinem non habemus, neque Eccleſia
Dei. Nous n'auons point telle couſtume, ny
l’Egliſe de Dieu. Semblablement Pilate pour
la deliurance de Ieſus innocết, nomme la cou
ftume des Iuifs, qui auoyết couſtume à la feſte
de Paſques,qu'vn prifonnier fust lafché, D'a
uấtage:Festu Tribunu allegue la coustume des
I 3
134 D I M E N C H E E S

Romains contre les Iuifs, qui procuroyent la


mort de S. Paul. Aufquels il reſpond, ce n’est
4ä.24. point la couſtume aux Romains,de donner par
faueur vn homme pour le faire mourir, deuant
que celuyqui eſt accuſé ait fesaccuſateurs pre
fens, & qu'il prenne lieu fe defendre du
crime.Zacharie grád Sacrificateur deuoit exer- - -
cer la Sacrificature deuant noſtre Seigneur, fe
lon la couſtume de l'office de Sacrificature , le
fort luy efcheut de faire encenſement.Et voicy
Luc. I.
la bóne couſtume raiſonnable,fainćte, deuote,
& hőneſte, que le Fils de Dieu noſtre vray for
mulaire de vertua obſerué, & que ſes peres & :
mere par deſſus tous les autres hőmes les plus -
** * - aymezde Dieu,ontgardé,& que les fainćts A- ,
* poſtres & Diſciples de Dieu, les Sainćts Peres
c„ır,tab.- de noſtrefoy,& noſtre fainćte mere l'Egliſe Ca
rigue, evne tholique partant des fieclesa obſerué.Mainte
mys des besº nant lesheretiques,enfans de perdition, femế
. anar- ce mcfchante,plante baftarde,generatiố de vi
- peres;renuerfeurs de tout bon ordre,perturba-
teurs de paix, de bonnes & pacifiques voyes de
... Dieu , & de fon Egliſe , ne tafchent finon de- .
ftruire & abolir les fainćtes & bonnes coustu
mes. Contre leſquels eſcrit fainét Paul,admo-
nestãt ſon diſciple Timothee:O Timothee depo-
tum custodi, deuitansprofanas vocă nouitates , &
, zim.a. oppoſitione falst nominis stientie. Garde foigneu- .
- fement le depoſt & le talét de la foy Catholi-
que, & la doćtrine faine & falutaire que tu as
receuë,qu'elle nete ſoittollue,& rauie par les
- - lar
o c T A v E s d e s R o y s. 13$
larrons heretiques & ennemis de la foy. Les
prophanes nouuelletez de voix que Sainćt
Paul commande à fon diſciple d'euiter, font
les doćtrines & fentences nouuelles, qui font
totallement contraires à l'antiquité de l'Egli
fe:leſquelles fi elles font receuës,il faut neceſ
fairement que la foy des anciens & fainćts Pe
res ſoit annichilee, & (comme remonſtre fort
bien Tertullian au liure de Prestriptionibus ad
uerftes hereticos)que les Sainćts & tous les Chre
ftiens du temps paſſé,tant de Roys,Royaumes,
Nations, Prouinces, tát de mille Martyrs, Con
feſſeurs, Vierges, tant de fainćts Doćteurs:tant
de peuples par tout le monde ayent eſté touſ
iours par tant de temps paſſé en ignorance, er
reur & blaſpheme: & conſequemment alie
nez de Dieu & de la voye de falut , ce qui
Nature pro
n'est pas vray. Veux-tu fçauoir le naturel de pre de l'herr
l'heretique ? C’eſt ſe refiouyr en prophanes fie.
nouuelletez,& reietter les antiques & authen
tiques couſtumes, felon que dit Epiphane,
hareſes quotidie/eipfaspolluŭt, les herefies ſe pol
luent tous les iours. Et au contraire,c'est le pro- Naturepre
pre des bons Catholiques de garder la foy & la pre des cathe
doćtrine des fainéts Peres anciens, de condam-"“
ner les prophanes & nouuelles doćtrines des ,
heretiques, felon ce que dićt Sainét Paul: Si
quis vobis euangeliKauerit , preter id quod acce- Galat.r,
pištis; anathema fit. Quiconque vous aura an
noncé contre la doćtrine de la foy qu’auez
receuë » qu’il ſoit miem Retournonş
4 /
- 136 D I M E N C H E E S

en noſtre fainct Euấgile, Confummatisq, diebus.


Et les iours accomplis, Ioſeph & Marie s'en :
retournent de Hieruſalem en Galilee. Les Iuifs :
deuất la feſte folennelle de Paſques, venoyent :
en Hieruſalem; pour offrir ſacrifice pour leurs :
pechèz » C1l perfeuerant en oraiſon, en loüant :
& magnifiant Dieu , exerceant les oeuures de i
charité & de pieté, comme il eſt eſcrit en
F***** Exode. Les Iuifs celebroyent pluſieurs festes,
comme la Paſque en recordation & la deli- ,
urance de leur dure & miferable feruitude de :
hai Pharao.2. Ils celebroyent la feſte de la Pente
I t., i coſte, qui vaut autant à dire, comme la cin
troyent plu- quantaine : car au cinquantiefme iour apres
fe"r" f'"“ leur deliurance, ils receurent la loy du decalo
gue, c'eſt à dire , des dix Commandemens au :
****** mont Sinay. 3. La feste des nouueaux fruićts
pour memoire du benefice que Dieu leur a-
uoit donné les fruićts de la terre. Et en celle
folennité ils offroyent les pains des nouueaux :
*"*" fruićts. 4. Auffi la feſte destabernacles, qu’on
appelle communément d'vn nom Grec, axeve
ryta à aklaóí, quod est tabernaculum, ó anyvv-
ut, quod est netto iungo : En memoire que par
le benefice de Dieu,ils auoyent habité l’eſpace
de quarante ans aux tabernacles, pauillons, &
tentes:lefquelles folennitez estoyent celebrees
en memoire des benefices de Dieu,pour aćtion
de graces, exhibitions de loüanges, prieres &
oraiſons. 5. Auffi ils celebroyent la feſte de la
***** dedicace du temple par l'eſpaca de huictiours:
. laquelle
----

*
**
o c T A v e s d E s R o y s. 137
feſte Ieſus Chriſt a obſeruee comme
te11m
oigne fainét Iean l'Euangeliste. Sixieſme- Ioan.ie.
ment les feſtes qu'ils appelloyent d'vn mot
Greç, veounvías, c'eſtà dire, les iours de nou
uelle lune, pour le benefice du diuin gouuer
nement, pource qu'aux iours de nouuelle lu
nela mutation de temps s'apparoiſt & mani
felte. Et dicitur à víos quod est noua, & uivi lu
na: quia tunc renouabaturlumen lune, quod extin
tium erat. Septiefmement leurs Sabbats, qui
ſignifient les iours de repos , par vn mot He
breu, Sabbath, qui eſt autant à dire, qu'il a re
poſé: & ce en memoire du benefice de crea
tion. Finablement la ſynagogưe Iudaïque fai
foit feſte & memoire de la grace de Dieu
faićte à Hefter, Iudith & au Capitaine Ma
chabee, comme il eſt dans leurs hiſtoires:com
bien que ces festes ne fustent pas fi folennel
les. Ainſi nous autres Chrestiens faiſons feſte
aux folennitez de la Vierge, des Sainćts, &
Sainćtes de Paradis. Veu que nous auons re
ceu de Dieu de plus grands & plus excellens
benefices que les Iuifs , pourquoy n'aurons
nous pas pluſieurs iours rendre graces à
Dieu, pour nous fanćtifier par l'audition de
la parole de Dieu, par la communication du
corps de Ieſus Chriſt & des autres facremens,
la participation des oraiſons tant particu
ieres que generalles, faićtes en l'Egliſe de
Dieu ; par la diſtribution charitable des au
moſnes faićtes aux pauures de Dieu ? où il
I 5
138 D1MENcHE es
nous faut fçauoir que les faincts Peres de no
ftre fainćte foy , ont institué les feſtes pour
pluſieurs raiſons. Premierement à l'exemple
de l'Egliſe,en laquelle continuellement eſt ce
lebree la feſte des Sainéts, de la folennité def.
quels, Gaudent Angeli, & collaudant filium Dei.
Secondemét, ad excitandam imitationem (com
me dit fainćt Bafile, homilia in Gordium marty
rem,& fainét Auguſtin cap.z o.libro contra Fau
stum Manicheum) à raifon de leur imitation , à
fin que chacun tafche felon fon pouuoir à en
fuyure la foy, eſperance, charité, humilité, pa
tience des Sainćts : à l'exemple du Capitaine
r. Mach.z.
Machabee, qui diſoit à ſes foldats: Mementote
qualiterfalui fatti fant patres nofiri in mari rubro,
cùm fequeretur eos Pharao. Ayez memoire com
me nos peres ont eſté fauuez quand Pharao
les pourfuyuit auec fon oſt. Car la fouue
raine religion eſt d'enfuyure celuy duquel tu
celebre la feſte. Tiercement à caufe de noſtre
neceſſité. Car nous auons neceſſairement be
foing des interceſſions des Sainćts. Et c'eſt ce
que remonſtre fainét Auguſtin au lieu prealle
gué, nous celebrons, dit-il, les memoires des
Martyrs, Vt & meritis eorum confociemur di pre
cibus adiuuemur, pour eſtre participans de leurs
merites, & de leurs interceſſions. Car comme
les grands Seigneurs ont des grandes cauſes
aux grandes cours & grands parlements qui
font plaidoyees deuant le grand Prefident,
aufquels facillement & iournellement on ne
- peut
- o c r A. D e s R ơ vs. I39.
peutaller; ils ont des procureurs ; & aduocats: *
pour eux.Pareillement eft-il de nous, qui auốs
en cesté grande cour celeſte , les Sainéts qui
font nosmediateurs,aduocats, & interceſſeurs,
enuers Dieu pour nous. Quartement , pour
donner honneur & loüange au Seigneur des
Sainéts, à fçauoir à Dieu, qui par fa fainćteré,
afanćtifié les Sainćts, cốme qui honorele fer
uiteur du Roy, il honore le Roy en fon fer
tement Laudate
uiteur: dominumque
, pour l'eſpoir infančias
nous eius,
auonsQuin-, 4 rro.
aux '/al.
Sainćts d'estre exaucez de Dieu, par leurs di
gnes interceſſions. Car fermement nous de
uós eſperer qu'en celebrár la feſte des Sainćts,
ilsprieront pour nous : carils ne font pas in
giats,& inciuils:ainsliberaux,& magnificques
enuers leurs deuots feruiteurs.Car fi eux eſtans
viateurs en ceſte preſente vie, ils ont prié pour
leurs ennemys, & perſecuteurs (commeil eſt
commandé en fainćt Matthieu cinquieſme.
chapitre) à plus forte raiſon prieront-ils pour
leurs deuots & beneuoles feruiteurs. Laquel
le raiſon eſt fi preignante, que fainót Hie
roſme n'en a point voulu vfer d'autre, diſpu
tant contre Vigilantius Heretique.Et combien '
que tous lesiours quant à leur nature & crea-
tion,foyent egaux:toutefois à raiſon du com
mandement de Dieu, &de fon Egliſe, ils ne
ont pas tous egaux. Car le Sabbath en
l'ancienne loy eſtoit vn iour comme vn au
tre, auquel le Soleil luyſoit comme en vn
allt IC,
/
140 - n1 M en cH E:Es
Exod. 29. autre. Et toutefois Dieu a commandé ce iour.
*** ** principallement là estre celebré. Ainſi l'arbre.
de ſcience du biế& du mal,à raiſon de la crea
tion eſtoit egal aux autres: mais pource qu'en
ceſtarbre là,outre les autres , y auoit comman
dement de Dieu,pour ceste cauſe,il n'eſtoit pas
egal aux autres arbres.. Ainfi la chair du pour
ceau, des lieures , & autres animaux, eſtoit
Genef. 2.
Leuit. rr. viande comme les autres. Et toutefois pour
ce qu'il y auoit commandement de Dieu, ce
n’eſtoit pas vne viande egale auec les autres:
ainfi les iours, à raiſon de la creation font
egaux: mais par l'ordonnance du commande
ment de la celebration outre les au
celetration tresiours,ils ne font pas egaux. Ainfi l'Egliſe
de iour du a institué le iour du Dimenche,par la tradition
****** des Apostres: Premierement, F cauſe que le
Sabbath n'eſtoit en partie que figure du repos
que Ieſus a apporté par ſa ſaincte reſurrection,
il a eſté bien raiſonnable de changer la figure,
en ce qui eſtoit la verité meſme.Secondement,
pour la ioye de la reſurrećtion , & pour la
miſſion du fainét Eſprit, lequel au four du
A fainét - Dimenche fut enuoyé aux benoiſts
Acostres, & parfa venue, il a conſacré le iour :
du Dimenche. Tiercement,elle a mué le Sab
bath auiour du Dimenche , à fin qu'enco-
\res ne fuſſions pas veus Iudaiſer. Ce qui a
/ *
*
*

A,..... eſté faićt au temps des Apostres. Comme il


appert en l'Apocalypſe de fainét Iean: Fui in
fpiritu in Dominica die. I'ay eſté en eſprit auiour
du.
O C T A. . D E S R O Y, S. I41 *

du Dimenche.Et pource que le iour du Dimé.


che eſt nommé en ce lieu là, il eſt notoire que
* le Sabbath a eſté mué par l'ordonnance des
Apoſtres au iour de Dimenche. Et lequeliour
toute l'Egliſe celebre au lieu du iour du Sab
bath. D’auantage, le repos corporel,fignifie le
repos ſpirituel, à fin qu'on ceste,& qu’on s'ab
ftiennne des mauuaiſes penfees,mauuaifes pa
rolles,mauuaifesceuures,& operation,leſquel
les empeſchent les æuures ſpirituelles,& à fin
de s’emanciper au diuin feruice. Et ceſte cou
ftume eſt de toute antiquite , comme appert
par le 65. canon des Apoſtres , & par fainćt
Clement Pape, & martyr,auliure 5,chapitre 21.
&liure 7. chapitre 36. des Apoſtoliques con
stitutions. Et parfainét Ignace, en l'Epiſtre ad
Magnestanos.Tertullian en l'Apologie , chapit.
16. Origene en l'homelie7, fur Exode. Chry
foſtome 6.homil.dereſurrectio. Clemens Alexan
dri.lib.7.stromatum. Et fainét Athanafe,au liure
où il expoſe ces parolles : Omnia mihi tradita
funt, &c. Et par S.Auguſtin, au fermon 251. Et
par Iustin le Martyr, en la feconde Apologie,
fur la fin.Item les aornemếs & paremens deve- res accenstre
ítemens au jour du repos fignifient les bonnes
- - –––3 - - u Dimëche,
ceuures, fainćtes operations qu'on doit faire: . les
comme ouyr le fainét & falutaire ſacrifice de la suures.
la Meffe, les commandemens de Dieu, prier
Dieu, donner l'aufmone, & faire autres oeu
ures de pieté, & mifericorde. En outre le vi
ure plus honorable & honneste au iour du
repos,
I42 D1MENcHE Es
z honorable repos, ſignifie reduire en memoire les grands
****** "*" benefices de Dieu, comme le myfte
du repos , ß
gnifie reduire rede la mort & paſſion qu'il a enduré en la
in memoire
les benefices
croix pour noſtre redemption » luy en rendre
de Dieu.
graces,l'aymant fur tout,en deteſtant tout pe
ché. Autrement qui feulement faićt la feste en
ces trois chofes, en oyfiueté, en aornemens de
veſtemens,& en viure magnifiquement, & mi
gnonnement, au iour du repos, fans faire leur
intelligếce mystique &fpirituelle fignificatiố:
telfaićt les feſtes non autrement que les Huifs.
Car il fabbatiſe. Et aucunefois par plus grand
crime. Car telle choſe peuuent faire les
Turcs, & Gentils, larrons,meurtriers,vfuriers,
blaſphemateurs,paillards,gourmands, yuron
gnes, faux tefmoings, pecheurs,& pechereffes:
& pluſieurs font qui ieufnenten pain, & en
eau, au iour de la vigile, & au iour de la feſte,
ils font addonnez à gourmander,& yurongner.
Et par ce moyen la vigile eſt mieux celebree
que non pas le meſme iour de la feste. Auf
quels feroit meilleur au iour de feſte labou
rer, que mortellement offenfer. Car ce font
les iours aufquels les Chreſtiens ſe doyuent
pacifier auec Dieu, & reconcilier auec leurs
prochains. Nous deuons delaiſfer toute malice,
& de tout noſtre coeur retourner à Dieu no
ftre Createur. Plus nous departons de luy
fans penſer que: Qui elongant/? ab eo, peribunt.
Ceux qui s'eſloignent de Dieu periront,& leur
nom fera effacé du liure de vie. Et pource
Dieu
/

ocTAv ES DEs R o Y s. I 43
Dieu a en haine nos feſtes, & elles luy font abo
minables. Et Dieu reprochoit cecy par Efaye: E/2.r.
Incenſum abominatio est mihi,iniqui funt catus ve
fri. Vos facrifices me font en abomination,
vos aſſemblees font mefchantes , & dit Amos: Amos s.
0dic proiecifestiuitates vestras.I'ay hay & reiet
té vos feſtes. Car vos aflemblees font meſ- -

chantes, & nos aduerſaires à fçauoir les dia


bles, nous voyamt, ont en deriſion & grande
mocquerie nos feſtes & folennitez. Et par
ainſi nous viuons comme ſi nos feſtes eſtoyent
ſeulement instituees pour le plaifir de la chair.
Et toutefois elles font inſtituees pour prier,
louër, & magnifier Dieu, pour l'exaltation de
fon nom : pour la confolation de nòs pro
chains, & pour le falut de nos ames. Item les ! g
peres & meres peuuent icy recueillir vn ad-
uertillement falutaire, cóme ils doyuent nour-instruireleur,
tir & enfeigner leurs enfans,à l'exemple de Io-enfans, &
fph & Marie,
Ieſusau temple.quiAufquels
meinent enfansils
leur ieunedoyuent
enfant (07/07% erat, º
ſpecialement trois choſes : A fçauoir nourri
ture corporelle , doćtrine de falut, & bonne
vie exemplaire. Premierement nourriture , &
les choſes neceſſaires à la vie corporelle, com- ,
medit Ieſus Chriſt. Nostis bona data dare filijs Luc.rr.
vefiris. Vous fçauez donner les bonnes cho Hebr.rz.
ſes à vos enfans. Ce que l'Apostre appelle
theſaurizer aux enfans. Secondement les pe
res doyuent à leurs enfans doćtrine de falut,
leur enſeigner ou faire enfeigner la loy de
Dieu,
I44 D 1 M E N C H E E Z

Dieu, la foy Catholique,l'amour & crainte de


Dieu dés leur enfance comme feit l'ancien
rok.r. Tobie,& abſtenir de tout peché. Wide in li pro
bationis ſacramentorum primo lib. Finablement
exemple de bonne vie,de vertus,de faincte cő
uerſation & charité , laquelle eſt vtile à toute
Erhºf“ choſe. Carce qu'ils voyent faire aux peres &
meres, ils ont opinió qu'illeur eſt licite de fai
re,& facillement le reçoyuent en exemple. Et
2.Tim.“. que les peres & meres fachent, qu'ils font au
tant dignes de mort: comme ils ont faićt de
fcandalles, & æuures de perdition, en la pre
fence de leurs enfans. Mais que diray-ie des
peres, qui voyent leurs enfans pecher & offen
cer Dieu mortellemét, & auec eux doucement
arlent, ou bien excuſer leurs excez & diffo
, & qui pis eſt, fe refiouyr auec eux de
leurs pechez, iuſques à nourrir des paillardes
en leurs maiſons pour leurs propres enfans,
non contens de leur damnation , mais auec
eux meinent à perpetuelle confuſion & eter
*****' nelle damnation leurs propres enfans. Si Heli
a eſté puny pour n'auoir corrigé fes enfans,
comme teſmoigne l'Eſcriture, que fera-ce de
ces meſchans peres? veu que Ieſus Chriſt pro
Matth. 1s.teste qu'il vaudroit mieux eſtre ietté en la
mer,que de ſcandalizer yn enfant ? quiconque
foit celuy qui le fcandalize. Ils en maudiront
vne fois l'heure s'ils ne font penitence,& Dieu
ne leur faićł mifericorde. Cars'ils voyent leurs
enfans humbles,deuots,amateurs des pauures,
/ paci
o c r a v E s d e s R o vs. 145
acifiques, debonnaires, meſpriſans le mon
de , & les chofes qui font au monde, feruans à
Dieưen toute fimplicité de coeur: viure ſobre
ment,iuſtement, & deuotement: fuyr la com
aignie desperuers,frequenter les Egliſes,fuyr , ,
occaſions des lacs, & liens de peché, ils font
triſtes,& les accuſent:difant qu’ils font deshon
neur à leur lignee, & qu’ils ne valent rien, &
fouuent les maudiilent, en defirant leur mort,
plus aymant vn meurtrier Cain , qu'vn iufte
Abel: vn Iſmaël bastard, qu’vn legitime Iſaac:
estimans plus vn mefchant & prophane Eſaü,
qu’vn bening & bon Iacob. Ils ayment mieux
vn Iudas traiſtre & defloyal,qu’vn fainćt Iean
fidelle,& loyal.Ainſi les venimeux ferpens en-
gendrent autres ferpens venimeux à eux fem
blables. Et comme dit le prouerbe Latin : Ex
malo coruo, malum ouum. De mauuais corbeau,
vient toufiours mauuais oeuf.Les loups,engen
drent les loups:les regnards,desregnards:& les
noirs corbeaux, engendrent des autres noirs
corbeaux. Et tout ainſi que fi la racine eſt bon
ne, auſſi font les rameaux. Car vn chacun ar
bre felon fon eſpece produit fruićt à luy fem
blable, felon que dit Ieſus Chriſt: Non potest Matth. 7.
arbor mala bonos fructus facere. Ainſi commu Les bös peres
nément des bons, iuſtes, fainćts peres,& me aucunefois
res, fontengendrez bons enfans,iuſtes,fainćts, engendritdes
mauuais en
& craignans Dieu : ie dis communément. fans , G au
Car quelques fruićts d'vn bon arbre pour contraire.
riffent : les autres font rongez par les vers,
146 D I M E N C H E E S

& font faićts inutiles : & les roſes rouges &


vermeilles comme fang , ou bien blanches
comme neige, naiflent des eſpines,& des ron
fes poignantes. Ainfi Adam a eu vn bon &
deuot Abel:auffi vn mauuais & meurtrier fan
Gene/.2 r.” Cain. Le iuſte Noé a eu de bons en
ans,& vn mefchant & maudit Cham. Le bon
Abraham a engendré vnbon Iſaac, & vn meſ
chant Iſmaël. Le bon Iſaac a receu de fa fem
me & d’vne ventree,vn fainćt Iacob,& vn pro
phane Eſaü. Iacob entre douze enfans maſles,
a plus aymé fon fils innocent Ioſeph , que les
autres. Les enfans du Prophete Samuel com
me fruićts aigres, & pourris,
font fortis d'vn
r. Rfg.2. bon & bien-heureux arbre. Le bon Ezechias
d’vnpere cruel, & mefchant Roy , comme
2. Reg.rs. Achab. Le bon Roy Iofias qui feift bruſler
les foreſts où estoyent exercez les idolatries,
& remeiſt la loy de Dieu en fa premie
4. Reg.2 r. re eur, & naïfue vigueur: toutefois il eſtoit
nay d'vn meſchant pere, nommé Amon. Le
Iudicum ir bon Iephté fut nay d’vne meſchấte mere,& vi
laine paillarde. Et par là nous voyons qu'au
les bons peres,& meres, engendrent
enfans inutiles,& meſchans. Et au contraire,
les mauuais peres & meres,en engendrent des
iuſtes & craignans Dieu. Reuenons maintenát
à l'histoire de nostre Euangile : Conſummatis
diebus. Lesiours accomplis qu'ils retournoyent
en Nazareth : Remanfit puer Iesta, L’enfant Ie
fus eſt demeuré en Hieruſalem , non par cas
fortuit
O C T A. D E S R O Y S. 147
fortuit, ou parignorance, mais par propre deſ
fein, & de fa treſſainćte volonté & prouiden
ce diuine. Ethon cognoueruntparentes eius,Et fes reste est de
ere & mere ne s'en apperceurentpoint.L'en
/ - B

Ieſus eſt demeuré en Hieruſalem, pour ,


pluſieurs raiſons. La premiere pour commen- *

cerà demonſtrer fa fapience, pour l'exaltation


de la gloire defon pere celeſte. Secondement
pour enſeigner & donner exemple à tous les
enfans des hommes, de frequenter le temple
de Dieu, exercer le diuin feruice & les ceu-
ures de Dieu. Tiercement pour enfeigner aux
enfans, que la chofe eſt licite, pour l'amour
d'vn profit ſpirituel, de laiffer les parens char
nels,ſelon que dit l'Euangile : Nifiquis odio ha- Matt.ro.
buerit patrem & matrem propter me, non est me
dignus,Si quelqu’vn ne hait fon pere & fa mere
pour l'amour de moy, il n'eſt pas digne de
moy. Et pour demonſtrer que ceſte dureté
& afpreté enuers les peres & meres, eſt gran
de vertu enuers Dieu: & telle inobedience en
uers les hommes, eſt grande obedience enuers
Dieu. Or que loſeph & Marie ne s'apperceu
rent pas que l'enfant Ieſus fuſt demeuré en
Hieruſalem , n'est pas fans myſtere. Car ceux
quialloyent à la follennité de Paſques en Hie
ruſalem, leshommes eſtoyent à part, & ſepa
rez des femmes. Semblablement les femmes ·
alloyent & reuenoyent enfemble,ſeparees des
hommes,pour plus religieuſement, honneſte
ment , & deuotement celebrer la feſte. Mais
K 2
148 D I M E N C H E E S -

les enfans indifferemment pouuoyent aller en


la compagnie des hommes ou des femmes.
Ioſeph penſoit que l'enfant Ieſus eſtoit en la
compagnie des femmes, & Marie penſoit que
l'enfant eſtoit en la compagnie des hommes:
ainfi s’en retournerent à la maifon.Et par ceſte
occaſion il eſtaduenu que Ioſeph & Marie ne
s'apperceurent pas que Ieſus fuſt demeuré en
Hieruſalem. Existimantes illum effe in comitatu.
Eſtimans qu'il eſtoit en la compagnie, ils alle
rent le chemin d’vne iournee, & le cherchoyết
entre les parens & cogneus. Et non inuenientes
regrefi /int in Hieruſalem,requirētes eum. Et quãd
ils ne le trouuerent point , ils retournerent en
Hieruſalem le cherchất. Et faſium est post triduā
inuenerunt illum in templo fedentë in medio dočto
rum , &c. Et aduint trois iours apres qu’ils le
trouuerent au temple , affisau milieu des do
ćteurs, les eſcourant & interrogant. Et tous
ceux qui l’oyoyent s'eſbahiſſoyent de fon in
telligence, & de fes reſponſes. Et quand ils le
veirent,ils s'eſmerueillerent, & fa mere luy dit:
Mon enfant pourquoy nous as tu faićt ainfi?
voyciton pere & moy dolens,te cherchions. Et
il leur dit:quid est quod me querebatis?nefciebatis,
quia in his que patris mei funt, oportet me effe?
Pourquoy eſt-ce que vous me cherchezène fça
uez vous pas qu'il me faut eſtre és choſes qui
font de mon pere ? Et ils n'entendirent pas la
parole qu'il leur dift,& deſcếdit auecques eux,
& vint en Nazareth, & eſtoit ſubiećt à eux.
Par
o c r. D e s R o y s. 149
Par le narré fufdićt, nous auons deux choſes à
confiderer : à fçauoir la douleur de noſtre Da
me, quand elle a perdu fon ènfant : & fa con-
folation quand elle l'a trouué au temple. Pre- ,
mierement nous faut confiderer la douleuri, Vierge.
de noſtre Dame estre grande pour l'abſence
de fon fils, pour trois raiſons. La premiere, La douleur
pour raiſon du petit enfant fus lequel elle “erºst“
auoit compaſion pour l'indigence & neceſ
fité qu'il pouuoit fouffrir & endurer quant à .
l'humanité. Alors diſoit la Vierge,ſelon ſainćt
Bernard, regretant fon fils: O bon Ieſus du
rant ces trois iours que ie ne vous ay veu, où
eſtiez-vous,oùhabitiez vous? qui vous a admi
niſtré à boire & à manger? Ie penſe, mon en
fant; que pour vous conformer à vos freres
qui font les humains quant à pauureté & ne
ceſſité, que viuiez comme par maniere d'au
moſne , & de ce que vous eſtoit donné. O ad
mirable humilité de noſtre Dieu ! Celuy qui
nourrist vn million d'Anges & d’hommes, de
la cuiſine duquel font refećtiốnez les oyſeaux
en l'air,& poiſſons en la mer,& animaux ſur la
terre, n'eſt nourry finon de ce qui luy eſt ad
miniſtré paraumoſne. La ſeconderaiſon de la
douleur de noſtre Dame, pouuoit eſtre pour
foy-meſme, partant qu'on voit volontiers ce
qu'on ayme:& l'on vit en deſplaifance, quand --
on est fruſtré de la viſion de ce qu'on ayme. En ::
telle façon eſtoit nostre Dame, qui tant ay-
moit fon cher enfant, qu’à maniere de par
3
\
15o . . . D 1 M E NcH E Es
lerne le voit pas à demi. Et quand elle l'a per
du trois iours,elle auoit crainćte que plus ne re
couuraft la veuë de fon enfant tát defiré,eſtant
priuee de la viſion de fon fils, dont le regard
eſtoit fi gracieux & delećtable. Quant à ce que
noſtre Seigneur fut trouué apres trois iours,
fainćt Ambroife penfe que cela fignifiaſt que
apres auoir eſté caché en terre troisiours, il re
fuſciteroit.Vt effet indicio, dit-il, quia post triduữ
triumphalis illiupaſionisfideinostrafe reſurrečiu
rum estenderet. O Vierge des vierges, fi telle eft
voſtre douleur pour ne voir vostre enfant trois
iours, que ſera-ce le iour du vendredy beneiſt,
quand le verrez pendu en vn gibet à la haute
montaigne de Caluaire, reſpandất ſon fang de
toutes parts?& puis quandil fera mis au ſepul
chre, que ferez trois iours fans le voir?La tier-
ce raiſon de la douleur de la Vierge,estoit pour
ła crainćte qu'elle auoit des enfans d'Herode,
entre leſquels eſtoit Archelaus qui regnoit,de
peur qui ne fuſt faićt à fon fils ce que luyauoit
machiné le cruel Herode, à fçauoir de le faire
mourir. En ces peines & douleurs eſtant la
Vierge ne prend ny repos,ny n'a bő iour,
ny bonne nuićt,iuſquesà tant qu’elle ayt trou
ué Ieſus ſon cher enfant, vray eſpoux & amy.
Nous enſeignans par ceft exemple que nous
On doit eher
cherchions Ieſus noſtre falut, quand nous l'a
cher Ieſus
pour le trou uons perdu par noſtre demerite & peché. Et
se er, G’ com la maniere de le chercher pour le trouuer à la
zm ehf,
fin, c'est le chercher en pleurs & larmes & dou
* - - leurs
o c r A v E s d E s R o Y s. 15 i
leurs de coeur, le chercher auec toute diligen
ce,& promptitude de noſtre cốuerſation.Com- similitude de
me celuy qui cherche quelque bague,ouaneau % bague per
3 • - i s * ue, G’ de la
qu'ila perdu, ilapplique ſon oilà regarder, la
main & le pied à remuer ce qui eſt en la place dien.
où il estime qu'il a perdu ſa bague, & n'eſt pas
muet qu'il ne s'enqueſte à ceux qu'il rencon
tre s’ils en fçauent des nouuelles. En telle fa
çon doit le pecheur faire, qui a perdu la gra
ce de Dieu, la cherchant en toute diligence
auec l'oeil, regardant la vie des Sainćts qu’ils
ont menee, pour aller en Paradis: & comment
ils ont faict penitence apresleurs pechez. Ain
fi nous admonneſte le Sage, difant: Fili fpec
casti, ne tardes conuertiad dominum. As-tu pe
ché, mon enfant , ne tardes à te conuertir à *

Dieu. Comme Dauid, SainćtPierre, la Mag


daleine, Auec l'oeil, il faut la main de bon
ne oeuure, & fainćte operation, & le pied de , !
bonne affećtion, & argner fa parolle pour -

demander conſeil falut, à ceux dont


on penſe en fçauoir des nouuelles. Voylà la
maniere de chercher la grace de noſtre Sei
gneur, enfuyuant la Vierge & mere de Dieu
Marie. Voyons maintenant de la ioye & con
folation qu'elle a eu quand elle l'a trouué,
non au marché, ny aux ſpectacles des mon
dains:mais au Temple, au milieu desDoćteurs,
Dit donc la Vierge à nostre Seigneur : Fili
mi. Mon fils, pourquoy nous as tu faićt ain
fi? Eccepater tuus,& ego dolentes quarebamu te,
K 4
151 D1M eN cH e es
Voyci ton pere & moy dolens, te cherchions.
---- -
La Vierge avfé d'authorité maternelle, quand
elle a appellé le Fils de Dieu fon fils felon l'hu
manité, qui felon la diuinité eſt le Fils du Pere
eternel, qui toutefois n'eſt qu’vn Fils de Dieu,
& de la Vierge: Qui fecisti nobisfic? Pourquoy
nous as-tu faict ainfi? La Vierge ne tance pas
fon fils, & n’eſt point ceſte parolle increpatoi
re:mais interrogatoire. Elle demande fçauoir la
cauſe pourquoy trois iours il s’eſt foubſtrait
d'elle. Et faiſant honneur à fon mary Ioſephs
le nomme premier, fous le titre de pere sà fin
que les Iuifs n’estimaffent fon fils eſtre illegi
time. Combien que Ioſeph ne fuſt que pere
putatif,& nutritif: ton pere & moy dolens, te
La Vierge cherchions. Nous ne liſons point aux Euangi
n'appella onc les que la Vierge iamaisait appellé Ieſus
ques Ieſus fon
fils qu’à ceste , quandadres fa douleur a
fils , que vne
fois. esté confolee au temple, à
fin que noſtre eſpe
rance foit plus ferme en Dieu , & en la Vier
ge Marie. Car de fon enfant ne peut eſtre de
laistee, ou eſconduite. Il eſt toufiours fils, &
elle eſt toufiours mere. Or oyons maintenant
la reſponſe de Ieſus à fa mere: Quid est quod
me querebatis ? nestiebatis quia in his que patris
mei funt, oportet me effe ? Pourquoy eſt-ce que
vous me cherchez? Ne fçauez-vous pas qu'il
rne faut eſtre és oeuures de mon Pere ? Com
me diſant : Ioſeph n'est pas mon pere , s'il
euſt esté mon pere, ie fuiſſe demeuré en fa
maiſon:mais Dieu mon Pere est eternel, pour
. . ' ta Ilt

V
o c T A v E s D E s R o Y s. 153
tant fuis-ie demeuré en fa maiſon. Nous mon
ftrant toutefois exemple d'eſtre obeyſſans à
nos peres & meres, eſt deſcendu en Nazareth,
& s'eſt rendu obeyſſant à eux. Quidni magifter
virtutis officium pietatis impleret ? & miramurf?
atri defert,qui fubditus est matri? dit fainćt Am
fur ce lieu:Comment euſt-il eſté le mai
ſtre de vertu, s'il n'euft donné exemple depie
té ? Et nous eſmerueillons-nous s'il defere à
fon pere, puis qu'il obeyst à fa mere ? Ce qu’il
dit contre les Arriens. Vovlà la Vierge à qui d obefines
eſt ſubiećt & obeystant , celuy qui eſt le Sei- :
gneur de tous, à qui toute creature eſt ſubie-mere, reze
čte. Et fa mere conferuoit toutes ces parolles ple de Ife.
en fon coeur, comme vn threfor precieux,& de
prix
state,ineſtimable. Et Deum
& gratia apud Ieſus proficiebat
& homines.ſapientia,ớ-
Et Ieſus :p -
profitoit en ſapience,non pas quantà foy-meſ
me (car dés l'inſtant de fa conception, il a esté en er dien.
réply
& desdeſept
l'eſprit
donsdedufapience,&
S. Eſprit) d’entendement, e lecomment.
mais il a profité E9" hänet,
CI1 aux autres.Tout ainſi que nous di- similitudedu
fons,le maiſtre fait grand profit aux eſcholles, "aire /
cholle, G’ de
quand fes eſcholiers profitent fous luy, en do- l'ëfant Ieſus.
ćtrine, & erudition. Secondement,pource que
de plus en plusila enſeigné , & demonſtré, a
uecques augmentation de ſon corps, la fapien
ce de laquelle il eſtoit toufiours plein. Et par
ce moyen il fembloitaux hommes profiterpar
continuelle augmentation de fapience. Tier
cement, il profitoit par maniere d'experien
F
134 : D I M E N C H E E S

ce. Et pource il s'exerçoit continuellement aux


aćtes de fapiếce.Il profitoit auſſi en aage vraye
ment, & reallement,en augmentation de corps.
Il eſtoit auſſi dés l'inſtant de fa conception
plein de grace : & en icelle il n'a point profi
té quant a foy-meſme: mais il a profité en fes
( membres, pource que de plus en plus eſtoit
grande , & abondante la communication de
es graces felon ſa volonté, de laquelle il pro
fitoit, Apud Deum & homines. Enuers Dieu,
& les hommes, c'eſt à dire, pour la gloire de
Dieu, & pour le falut des hommes. Voylà
º"/"pour l'Euangile d'auiourd’huy. Prions noſtre
“ bon Dieu & Pere tout puiſſant, nous donner la
grace que nous puiſſions obſeruer les bonnes
& fainćtes couſtumes, leſquelles ont force &
vigueur de la loy,que le Fils de Dieu,les fainćts
Apoſtres; noſtre fainéte mere l'Eglife, les an
ciens & fainćts Peres de nostre foy partans de
ces fiecles ont obſerué : & que nous puiſſions
auffi deuotement & reueremment celebrer les
feſtes & folénitez, à l'exemple de Ieſus Chriſt,
, de fa mere Marie, & de Ioſeph fon pere nutri
, tif, pour nous pacifierauec noſtre Seigneur, &
nous reconcilier auec nos prochains,en delaiſ
fant toute malice, de tout noſtre coeur retour
nerà Dieu, & Createur, frequenter les Tem
ples de Dieu, auec confeſſion de loüange,en a
ction de graces,& exhibition de loüange,ouyr
la fainćte parolle de Dieu, la retenir , hono
rer, & mettre en effećt, ouyr le fainćt & falu
- ta1IC
o c r A. D E s R o ys. 155
taire ſacrifice de la Meſſe, ſacrifier nos coeurs,
.'
nos corps,nos ames,& nos biés à noſtre Dieu&
createur:& que les peres & meres à l'exếple de
S.Ioſeph&la Vierge,puiſſent nourrir & enfei
gner leurs enfans à la doćtrine defalut,amour,
& crainćte de Dieu,&s'abſtenir de tout peché,
en leur dốnant exemple de vertu,de bonnevie,
fainćte cốuerſation & charité:& qu'à l'exếple
de Ioſeph & de Marie nous puiſſions chercher
& trouuer Ieſus Chriſt quãd nous l'aurós per
du par peché,en pleurs &larmes, & douleur de
cæur,auec toute diligence & prőptitude de no
ftre conuerfion, auec l'oeil regarder la vie des
fainćts,laquelle ils ont mené pour aller en pa
radis,auec la main des bőnes oeuures,lepied de
bonne affećtiő, & laparolle pour demấder cő
feil ſur noſtre falut à ceux d'où nous penſons
en fçauoir des nouuelles:& que nouspuiſſions.
en fapience & graces vers Dieu & les
hőmes:c'eſtà dire,pour l'exaltation de la gloire
de Dieu,pour l'edification de nos prochains, &
pour le falut de nos ames. Nostre Dieu parfa. - * * * .:

bonté nous en donne à tous la grace.Amen. 4.

PR E MI E R D IM EN CHE A PRE s
1. E s o c T a v e s d e s R o ys. . . '
Vptie fatte/unt in Cana Galilee, eộ Ioan.2.
erat mater Iefà ibi : vocatus estau
tem Iesta & diſcipuli eius ad nuptias.
Nopces furent faićtes en Cana de .
- Galilee
156 1. d 1 M E N c H E A P R E s
Galilee, & la mere de Ieſus y eſtoit. Et Ieſus
fut auſſi appellé aux nopces & fes diſciples.
Notire sei Ieſus Chriſt a voulu affifter aux nopces, pour
u affisteraux pluſieurs raiſons, que vous trouuerez en no
* - - / - - -

ître liure intitulé, Probation des faincts Sacre


quoy. mens, au chapitre difeptieſme du Sainćt ma
riage. Et quand il a eſté inſtitué, & comment
il doit eſtre celebré, comment les mariez fe
doyuent gouuerner en leurs mariages. Lequel
est repreſentatif de l'vnion de Ieſus Chriſt, &
de ſon eſpouſe l'Eglife , les biens qui pro
cedent du mariage : defquelles fuſdićtes cho
fes m'estudiant à brefueté, ie m’en deporte
ray, & pourſuiuray le fil de noſtre Euangile.
Et erat mater Ieſu ibi. Et la mere de Ieſus y
eſtoit. . Icy nous voyons que les anciens &
)
fainćts Peres de noſtre foy celebroyent les ma
riages , auec folennité : & en preſence de plu
Mariages ſieurs tefmoins. Car fouuent il aduient que
fins les mariages clandestins, ſecrets , & cachez
“”“”“-
„, , „ , ne paruiennent
paruie point
int à bonne fin. Item no UlS
, , , , voyons icy que les anciens auoyent ceſte bon
yffur. ne couſtume que les honneſtes matrones fem
mes honorables eſtoyent inuitees aux nopces,
à fin que leur reſpećt & exemple les ef
pouſes fustent façonnees & inſtruićtes à l'hon
neſteté de vertu : entre leſquelles le vray mi
rouër & vraye image de vertu reluiſoit:à fça
uoir la trellacree & trefdigne mere de .
Ieſus fut appellé & fes diſciples aux nopces.
Et deficiente vino, & quand le vin defaillit:
ee : ... icy
L E S O C T. , D E S R O Y S. 157
icy clairement nous voyons que ces nopces
eſtoyent
Chriſt y adevoulu
pauures gens,
aſſiſter. Ce&qu'il
toutefois
a faićt Ieſus
pour í -

ffer

donner exemple aux riches, qu'ils ne deſdai- .


gnent ou mefpriſent les pauures. Vous co-urés à revem
gnoiſfez la grace de Ieſus Christ qui s’est faićt ple de Ieſia.
pauure pour vous, combien qu'il fuſt riche, à
fin que par ſa pauureté vous fuffiez enrichis. ""“
Mestrefchers freres, Dieu a efleu les pauures
de ce monde , qui font riches en foy , & heri
tiers du Royaume , lequel il a promis à ceux
qui l'ayment. Dixit mater Iest ad eum , zinum
non habent. Et la mere de Ieſus luy dit : ils
n'ont point de vin. Nous lifons en l'Euangile
que Ieſus a proferé ſept parolles en la croix. Et
à ſon , nous lifons és faincts Euangi
les, que la Vierge a proferé parolles fäín- sept parate,
des & de grande edification, leſquelles fontà aque la rierze
Dieu, aux Anges, & aux hommes plaiſantes proferé.
à ouyr: deſquelles il y en a trois qu’elle a di
ćtesà Dieu, deux à l'Ange,& deux à l'homme:
pour nous donner exemple de plus parler à
Dieu en oraiſon , en loüange de fon fainét
nom , que nous amufer de parler ou de babil
lerau monde. La premiere parolle qu'elle a di
(te à Dieu,a esté pleine de graces & loüanges,
comme nous lifons en fainét Luc. C’eſtoit tue.r.
quand fa coufine Elizabeth l'exaltoit & loüoit,
elle reſpond : Magnificat anima mea dominum,
Moname magnifie Dieu. Auquel cantique la
vierge affigne & attribue à Dieu loüanges
C
158 I. D I M E N C H E E S

le remerciant des dons & graces que Elizabeth


prefchoit eſtre en elle.Cela nous enfeigne que
s'ıl y a quelque chofe de bon en nous, nous le
deuons referer à Dieu,qui en eſt l'autheur,col
lateur & distributeur. La feconde parolle que
nous liſons en l'Euangile, que noſtre Dame a
dićte à Dieu, a eſté de lamentation, quand en
l'aage de douze ans fon fils fut perdu l'eſpace
de troisiours, & trouué au temple : durant le
quel temps en douleur le cherchoit, & apres
l'auoir trouué,luy dit : Fili mi,quid fecisti nobis?
Mon fils pourquoy nous as tu faićt ainfi? ego &
pater dolentes quærebamuste,ton pere & moy do
lents te cherchions.Par laquelle parolle il nous
est donné exếple de chercher Dieu en douleur
de coeur, quand l'auons perdu par noſtre pe
ché:Et ainſi nous le trouuerons. La troifieſme
parolle a eſté pleine de grande compaſſion,
quand elle veit aux nopces la grande pauure
té & defaillance de vin , lors elle dit à ſon
fils:Vinum non habent.lls n'ont point de vin. De
ceſte parole nous pouuons retirer pluſieurs ad
48*ertiff- uertiffemens Chrêſtiens & falutaires. Premie
ment aux ri
ches. rement la Vierge non priee elle prie fon fils
vouloir fecourir & fubuenir à la pauureté des
pauures eſpoux & eſpoufee, à fin qu'ils ne fuſ
fent confus pour la defaillance du vin. A fon
exemple doyuent les riches de ce monde, qui
Aduertiffe poſſedent les richeffes & cheuances terrien
373 ezz f a te.x: nes, combien qu'ils ne foyent priez, fubuenir
suures. & fecourir à l'indigence des P
-
pauures. Autre
d
3.
O C T A V E S D E S R O Y S. Iý9
aduertiſſement pour les pauures, qui font def- /
poüillez des biens de ce monde,& qui ne peu
uent fecourirà la neceſſité de leurs prochains,à
l'exếple de la vierge Marie,ils doyuết implorer
l'ayde des riches , pour confoler les pauures.
Autre aduertiſſement aux meres de famille,leſ Aduertiffe
mēt aux me
quelles doyuent prier leurs marys eſtre miferi res de famille,
cordieux aux pauures, & leur declarer la neceſ
fité d'iceux,iuſques à tất qu'il foit par leurſdits
marys pourueu & fecouru à l'indigécedes pau
ures. A l'exếple de la Vierge,laquelle humble
ment ſupplie ſon eſpoux Ieſus Chriſt vouloir
fubuenir à l'indigéce des pauures maryez. Voy
là les trois parolles que nous lifons en l'Euấgile
įla Vierge a dit à Dieu. La quatrieſme parolle
qui eſt la premiere dićte à l'Ange , eſt pleine
d'honnesteté, & pudicité virginale : à fçauoir Luc. r.
quand elle dit: Quomodo fiet istud, quoniā virum
non cognoſco? Cőment fe pourra faire ce que tu
m'annonce,ô Archange Gabriel? ie ne cognoy
point l'homme, & n'ay point vouloir de le co
gnoiſtre. Nouslaiſſant exếple d'vfer de parolles
pudiques & hőneſtes en noſtre langage.La cin
quieſme parolle a esté fondee en humilité, quãd
exprimant fon confentement elle dit à l'Ange: Luc.r.
Ecce ancilla Domini fiat mihi fecundă verbii tuum,
Voycila feruấte du Seigneur, me foit faićt felő
ta parolle.Eſquelles parolles s'appellát chãbrie
re, qui eſtoit eſpouſe de Dieu le Pere, & efleuë
pour eſtre la mere du fils de Dieu,& le facraire
du S.Eſprit, & cőſequemmết Royne des cieux,
Dame
16o - I. D I M E N C H E A P R E S

Dame,& Regente du monde, Imperatrice des


Anges,nousa laiſſé vn bel exemple d'humilité.
La fixieſme parolle qui eſt la premiere qu’elle
a dićte à l'homme,est pleine de charité, & dile
ćtion,quand elle entra en la maiſon de Zacha
rie,& falua Elizabeth. L'Euấgeliſte n’exprime
point quelle a eſté ceſte parolle de falutation:
feulement il dit qu'à la voix de fa falutation
l’enfant treffaillit de ioye au ventre.Nous laiſ
fant exếple de faluër l'vn l'autre du falut Chre
ftien.Car Dieu a donné telle vertu & efficace à
t la falutation Chreſtienne,qu'elle reconcilie les
parties differentes,& regaigne l'amour,& paix,
|| |
au parauant perduë. La ſeptieſme & derniere
parolle dićte à l'hőme, eine d'obeyſſance,
& inſtruction , quand en l'Euangile d'auiour
d'huy , il eſt dićt q la Vierge dit aux feruiteurs:
Quodcunque dixerit vobis,feruate & facite. Tout
ce que vous dira mon fils Ieſus,gardez-le,& le
faićtes par oeuure. Or combien eſtfalutaire ce
fte doćtrine ! O que nous fommes biế-heureux
fi nous l'obſeruons bien:c'eſtà fçauoir gardans
les commandemens de Dieu en noſtre memoi
re, & les obſeruans par ceuures exterieures. A
fon exemple,nous deuons donner à noſtre pro
chain bonnes & falutaires inſtrućtions, & in
formations de bien viure, & obeyr à Dieu.Re
tournons au texte de noſtre Euangile, où il
eſt dit , quand noſtre Dame manifeſte à fon
Ha“ fi**** fils la deffaillance du vin, difant:Vinum non ha
“"“ bent. İls n'ont point de vin, Ieſus fontaine de
* - bonté,
L E S O c T. ; B E S R O Y Sr 161
bonté, abyſme de miſericorde , benignité in
deficiente , fleur laquelle ne fleſtrit iamais,
mer & plenitude de toute douceur , fur
montant toute conſolation , n'est pas offen
fé de la priere de fa mere, laquelle redar
gue point , ains appreuue ſon affećtionnee
compaſſion. De forte qui nous ne fçaurions
nous efmerueiller aflez de certains hereti
ques d'auiourd'huy , que diſent que la Vier
ge prouoquoit fon fils à faire miracle, com
me vne femme glorieuſe ; å fin qu'elle fust
loüee d'eſtre mere d’vn tel fils. Car la charité,
au contraire, la contraignoit à faire requeſte
à noſtre Seigneur. Ieſus reſpond : quid mihi & ' ? "
tibi mulier? nondum venit hora mea. Qu'en eſt-il |e "g/
à moy & à toy femme ; mon heure n'est point -
encore venuë. Pourquoy appelle-il ſa mere re pourquºy.
femme , & non Vierge, ou mere? Reſponſe: Gregor.

Perſonne ne pouuoi croire qu'elle fust Vier :


ge & mere : pourtant il l'appelle femme par Apostoli räe
yn mot general, auquel eſt comprins tout etii ipfflinº
le ſexe feminin, tantieune que vieux. Mais/"*"*"
pourquoy l'appelle-il femme & non mere:
veu que tous fçauoyent bien que c'eſtoit ſa
mere? Auoit-il honte de l'appeller mere,coma
me s'il ne luy vouloit porter cest honneur de
mere ? Reſponſe : C'eſtoit pour obuier, aux
heretiques à aduenir » qui voudroyent dira
qu'il n'auoit pas esté deuant Marie fa mere; ***
& qn’il, auoit, commencé d'eſtre quand il
commença de naiſtre : wisſ:
noſtre:foỳ
1.5 t
J62 I. DIM E N C HE AP R Es |

nous enfeigne qu'il eſt eternellement Dieu


fans commencement & fans fin. Et quand il
dit: Quidmihi & tibi mulier ? qu'en eſt-il à moy
{ & à toy femme ? Il nous donne à entendre
qu'il auoit quelque choſe en foy qu'il n'auoit
pas de fa mere & conſequemment que
il eſtoit plus grand qu'homme. Secondement
pour nous donner à entendre qu'il y a gran
de difference entre Dieu, & les peres naturels.
Ieſus Chriſt en tout & par tout a recogneu la
Vierge pour fa mere , finon quand il falloit
faire les oeuures & charges de Dieu fon pe
*
re:lors il ne cognoiſſoit aucun homme ne fem
me. Et comme voulant dire : Auant que i’aye .
commencé les oeuures de mon pere celeſte,
ie t'ay toufiours obey : mais maintenant que
i'ay commencé leſdićtes oeuures,il me faut en
fuyure fon auctorité, & non celle des hommes.
En toutes autres chofes tu es ma mere, tu me
peux commander : mais quand ie fuis occu
é aux affaires de mon pere celeste, il me faut
pluſtoſt faire fa volonté que celle des hom
mes. Ainſi nous faut-il faire, aymer & obeyrà
:
Dieu par deſſus toutes choſes : en apres obeyr
à nos pere & mere. Mais quand nous parlons
de la foy & des commandernens de Dieu, en
ceſt endroićt nous ne deuons cognoiſtre ne pe
Ast.f.
re ne mere,ſelon que diſoyent les Apostres aux
Iuifs:Oportet magis obedire Deo,quàm hominibus.
Il faut pluſtost obeyr à Dieu, qu'aux hommes.
Tout ainfi que c'eſt choſe certaine que tu of
-- fences
L Es o c r A. D E s R o Y s. 1ố3
fences Dieu mortellemét, en delaiſſantton pe
re, quand l'office de charité & de fubuention ſe
preſente.Ainſi tu offences Dieu mortellement,
fi pour l'amour de tes pere & mere tu meſpriſe
Ieſus Chriſt,& fes commandemés,comme luy
meſme l’a dit en S. Luc: Si quis venit ad me, és kue.re.
non odit patrem, &c. Si aucun vient à moy , & .
ne haiſtion pere & fa mere, fa femme & fes
enfans, fes freres & fæurs, & encores mef
mes foname , il ne peut eſtre mon diſciple: -

Par ceſte reſponſe appellant fa mere femme, il


Il OuS a enſeigner que nul don corpo
rel,nulle prerogatiưe & auantage de la chair, aggreati i
ne nous rend pas meilleurs,ou plus aggreables ? e ſans les
à Dieu,s'ils ne font accompaignez des dős ſpi-***"*""·
rituels, & iustificatifs. C’eſt vn grand don de
Dieu gue prophetie: toutefois Balaam Pº Na»,,.
phetifé, & pour cela il n’a pas eſté meilleur, i
ne plus aggreable à Dieu. Cayphe a prophe- Matth.z.
- tifé. C'eſtauffi vn grand don de pouuoir faire "tatth.2s.
des miracles , & toutefois pluſieurs auec ce
don,oyront au dernier iour du iugement : Non
noui vos. Ie ne vous cognoy point. Virginité
de la chair eſt vn don admirable, & excellent:
toutefois les vierges folles & fottes font enfer
mees dehors.C'eſtoitvn grãd dő que les enfans
de Zebedee furent parens prochains à lefus
Christ parfang,& felon la chair:& toutefois ils
ont ouy:Sedere ad dexteram meă velfinistram, nõ
est meã dare vobis,ſed quib”paratã estàpatre meo.
Ce n’eſt pas à moy de vous donnerce priuilege
2.
164 I. D. I M E N C H E - A P R E S
d'estre affisà ma dextre,ou feneſtre: mais ceux
l'auront, aufquels il eſt appareillé de mon Pe
re. Mais entre les dons corporels, le don des
dons,qui eſt le plus grand, & qui plus grand ne
pourroit estre, c'eſt eſtre mere de Dieu:& tou
tefois ce don corporel n'a rien profité à la Vier
ge, fans les dons iuſtificatifs, & ſpirituels, tef
****' moignát ſa coufine Elizabeth: Beata es que cre
didišři,&c.Tu es bien-heureuſe, non ſeulemết
Foy, speran- P H la mere corporelle de Ieſus
Chriſt:mais pource que tu as creu.Les dons iu:
á in stificatifs,font vraye & viue foy en Ieſus Christ
A featif. ferme eſperance,& ample confiance en fabon
té,& mifericorde, charité ardente. A fçauoir,
aymer Dieu fur toutes choſes pour l'amour &
honneur de luy, & ſon prochain comme foy
meſmes, pour l'amour & honneur de Dieu.
S'enfuyt en nostre Euangile; Nondum venit ho
ramea,Monheure n'eſt pas encores venue. Par
ceſte fentence,les Mathematiciens & Aſtrolo
gues qui font , & encommencent touteschofes
ar l'elećtion des heures, fe font parfocez de
& corroborer leur erreur,comme fi Ie
fus Chriſt ne pouuoit faire-miracle, finon en
certaine heure,& comme ils diſent, par le bon
aſpećt des conſtellations & ſignesdes planettes
& eſtoilles : qui eſt vni abus & erreur, &
Abu des en ce ſe fouruoyent de la verité:car Ieſus Chriſt
Mathem" n'est pas gouuerné par les planettes, ou eſtoil
. les. Ioinćt qu'il eſt leurrećteur,moderateur, &
Az i.a. gouuerneur. Cóme il est eſcrit en S. Matthieu:
: -- Data
r r s o c r A. D E s R o Y s. 16;
Data est mihi omnis potestas in celo ó in terra.
Toute puistance m’est dőnee,tant au ciel, qu’é
la terre. Le temps de faire miracle eſt quand la Tempsopper
gloire de Dieu le commande, la neceſſité des : -
hommes ſe preſente, & la charité le demande. "
Maisla neceſſité encores ne ſepreſentoit,pour
ce que les inuitezaux nopces ne fçauoyent pas
la defaillance du vin. Et pource Ieſus Chriſt a
differé& dilayé le miracle, iuſqu'à tant que
ladićte defaillancë fust à tous plus manifestee, *:
& par conſequét le miracle plūs notoire:Quod
cunque dixerit vobis,facite & feruate.Sa mere dit
aux ministres & feruiteurs, faićtes tout ce qu'il
vous dira,& le gardez fans doubte, retarde
ment,delay,& contradićtion.Certainement la
Vierge mere fçauoit que fon fils gracieux, be- .
neiſt, & mifericordieux, par fapience, vouloit ' , ,
parfa bonté,&pouuoit par fa puiſſance fatisfai
re à ſes defirs & prieres.Cartoufiours luy audit
eſté ſubiećt, & óbeyffant. Ce que nous declare,
fainćt Luc quând il dit : Erat fubditus illis, If Luc.2.
estoir ſubiect à Ioſeph, & à Marie fa mere.Icy ·
penſe auectoy, & repenfe, comme la mere de . .
pitié, aduocare des pauures, ayant compaſſion des
des pauures eſpoux, & eſpouſes , reputant laA
pauữreté des autres eſtre fienne, & propre, a“
prié fon fils vouloir ſubuenir à la paủureté
d'autruy. O Vierge des Vierges fi fu asesté"
d'vn rel courage tant affectionnee pour re-
parer le defaut du vin, fans estre pries: main
tenant quand tu feras pouſſeef" les prie
f; , s ft . - 3
166 1. d1M E N cHE A P R E s
res de tes fidelles & deuots feruiteurs, ne prie
ras-tu point ton trefnifericordieux fils pour
. . . eux? Nous fauons bien que tu as mué &
* * changé de lieu , & de temps : mais auſſi nous
' fauons certainement & aileurément que tu
n'as pas changé d'affection pour prier. Ains
nous fçauons que d'autant plus tu es incli
nee à prier pour nous , que maintenant tu es:
plus heureuſe, plus puiſſante , plus parfaite en
1.cor.is.charité (laquelle ne deſchet iamais) & plusi
prochaine à ton fils pour le ptier pour nous, ,
qui iournellement humblement te fupplions, *
en difant: Sančia Maria mater Dei orapro nobis :
Mart 7. peccatoribus, nunc & in hera mortis. Marie mere,
de Dieu, prie pour nous pauures pecheurs» :
maintenant , & à l'article de la mort. Erant;
Coustume des
Iulfs. autem ibi few hydric,&e. Et fix crushes de pier- i
re eſtoyent miſes là , fclon la purification des ,
Iuifs: leſquelles contenoyent chacune deux i
ou trois meſures, Pharifai enim & Iudai non .
manducantenist crebrò laterint manus tenētes trz-
ditionem feniorum. La couſtume des Iuifs estoit
(teſmoignant monficur Sainćt Marc) que les ,
*: » Phariſiens & les Iuifs ne inangcoyent point,
** * que fouuent ils ne lauallent leurs mains , te-t
nans l'ordonnance des anciens : & retour- ,
nant du marché,s'ils ne font lauez,ilsne inan- :
gent point. Et Ieſus leur dit : Implete hydrias',
aqua, Empliflez les cruches d'eau : & ils lesi,
cmplirentiuſques au haut. Et Ieſus leur dir: -
Hzwrite nunc , g ferte Architricliro, Verfoz ;
- - 1I) al IR
1. E s o c r. d e s R o y s. 167
maintenant, & portez au maistre d'hostel : &
ils luy porterent, Vt autem gušžauit Architricli
nus aquam vinum factam, &c. & quand le mai
ftre d'hoſtel eust gouſté l'eau muee en vin, &
ne fçauoit d'où venoit cela , mais les ferui
teurs le fçauoyent bien, leſquels auoyent puiſé
l'eau : le maiſtre d'hoſtel appelle l'eſpoux &
luy dit: Omnis homoprimùm ponit bonum vinum,
crc. Tout homme, c’eſt à dire, qui veut faire
bonne & ioyeufe chere aux inuitez , il met *

premier le bon vin, & apres qu'ils font en **

yurez, il met lors le pire : mais tu as gardé le Miracle veri,


bon iuſques à ceste heure. , Icy nous faut
confiderer combien ce miracle est defand,
: /ans
* ,
« »

foy, fans ſoupçon de vanité ou de fraude.


Premierement Ieſus Chriſt n'a point faićt ce
miracle fecrettement ou ſeparément deuant
fes diſciples : mais publiquement & en pre
fence de tous les inuitez. Secondementil ne
faićt point ce miracle en vaiſſeaux apparte
nans à vſage de vin, mais en vailleaux appar
tenans à l'vfage d'eau, partant ils s'appellent
Hydries, ab ögar, quod est aqua. Tiercement
il n'y a point vn f : grande abon
dance d'eau qu'il mue en vn , à fin que per
fonne ne ſoupçonnaſt aucune falace estre en
ce miracle. Quartement fes diſciples nerem
plillent point les cruches : mais il comman
de telle charge aux feruiteurs du banquet. ,
Cinquiefmement ny luy, ny fes diſciples, ne
touchent point leſdićtes au . Sixieſme
A 4
168 I. D I M E N C'H ET A P R E SI

ment il commande qu’elles foyent remplies,


vfậue adfùmmum,tant qu'il est poſſible, & que
aucun ne puiſſe douter ou ſoupçonner trom
perie, fineffe, ou caurelle. Septiefmement il
n’affirme point que ce foit vinimais par le tef
moignage du maiſtre d'hoſtel il a voulu que la
verité du miracle paruinſt à la cognoiſſance
des autres : lequeł n’affirme point ce vin eſtre
vulgaire ou commun : ains dit eſtre, Optimum,
Aamirall. ; treſbon. Et qui maintenant pourra calonnier
uerston entre ce tant & excellent miracle, & le rendre ſoup
teE9" Sacrameh
geni çontieux
, , ,
ou doubteux ? Certainement perfon
ta tres. " ne s'il eſt ainfi que la pouldre de la terre, la
Gen. 2. - bouë & fange dont le premier homme a eſté
formé,à eſté conuerty en fang, chair, & os d'A
daní. Vous trouucrez les admirables conuer
fions coritte les Ceniſtes & Sacramentaires en
nostre liure de la Probation des Sacremens, au
chapitre 16.de l'Eucharistie. S'enfuit:Hoc fecit.
initiumfignorum Isfàs. Et tëfus feir ce commen
eement de ſignes en Cana de Galilee, & ma
nifesta fa gloire, & creurent fes diſciples en
hry. A l'exemple deſquels tous vrais & fidel
les Chrestiens doyuent croire fermement en
Đieți,en fa fainćte parole. Et ainfi comme il a
voulu affifter aux nopces pour demonſtrer la
gloire de fa diuinité par le miracle qu'il feit
aufdićtes nopces, pour approuuer, confirmer,
cońfacrer, & farićtificf lê fainćt Sacrement de
ºr"/": mariage,par le moyen de fa prefence: Nous le
prierons qu'il vueille
-i
faite proſperer tous ceux: -

* qui
/
1 e s o c T A. D E s R o y s:
qui font liez & ioinćts en ceſte fainéte allian
ce de mariage, par la grace du Sainćt Eſprit, &
qu’ils puiſſent viure enſemble:non feủlement
d'vn meſme pain & d’vne mefitie viande,mais
auſſi qu'ilsayent enſemble vn meſme coeur, &
meſme volonté, d'vne mutuelle amour, vraye
vnion & concorde, par le moyen de fa fainéte
benedićtion, auec toute purité, & integrité, &
loyauté, & que les parties ne facent aucun tort
l'vn à l'autre: Et par ce moyen vouloir remplir
leurs maiſons, leurs iuſtes entreprinſes & la
beurs de fes fainćtes benedićtions. Et tout ainſi
qu'il a aſſiſté aux nopces,luy plaife inſpirer tou
tes leurs negoces à ſon honneur & gloire, &
qu'à l'exemple de la Vierge laquelle a priéfon
fils de vouloir fecourir & ſubuenirà
ce & neceſſité des pauures efpoux & eſpouſe,
qu’ils ne fustent confus : ainſi les riches de ce
monde qui poſledent les richestes terriennes
vueillent fecourir à l'indigence des pauures
membres de Ieſus Christ:& que par l'intercef
fion de la ſacrée Vierge & mere,nous puiſſions
accomplir le cómandement qu'elle enfeignoit
aux feruiteurs desnopces, difant : Quodcunque
dixerit vobis, fàcire të struate. Tout ce que mon
fils vous dira, gardez-le, & le faićtes. Lequel
eommandement nous puiſſions garder en no
ftre memoire, & le faire par oeuure exterieure,
& que nous puiſſions donner les vns aux autres
bonnes & falutaires inſtructions & reforma
tions de bien viure, pour à perpetuité obeyrà
: , :» L 5
*
4 -

17o 11. d 1 M E N c H E A P R E s
Dieu & fon S.Euangile,& à noſtre fainćte me
re l'Eglife Catholique, accompagnez des dons
fpirituels & iuſtificatifs,à fçauoir vraye foy en
Dieu, ferme eſperance en ſa fainéte mifericor
de & charité ardente,en aymant Dieu pour l'a
mour de luy & nostreprochain,pour l'amour de
Dieu : & que finablement il vueille conuertir
l'eau de triſteſſe en vin de lieffe en fon pais &
paradis celeſte, pour le louer à tout iamais au
fiecle des fiecles, c'est à dire, eternellement.
Amen. . - , , *1 : * " _ ·

S E C ON D D IMENCHE APR E S
L E s o c T A v E s D E s R o Y s. : ?
' '/ i, i “ :- - *- * *
Matth.s.
Mfarc.r. V M defendiffet lestade
J.n.e.r. funt eum turbæ multæ. Quãd Ieſus fut
deſcendu de la mótaigne où ilauoit
* - enſeigné fes Apoſtres les huićt bea
titudes, il deſcend en la vallee pour enfeigner *.

la tourbe & guarir les malades. Cela nous en


feigne que ce n'est pas aſſez à l'homme Chre
ſtien monter par contéplation & oraiſon:il faut
auſſi deſcendre pour oeuures de charité.
Comme bien falutairement nous enfeigne la
Eccle.rz. fapience de Sirach: Vnicuiquemandauit Deus de
proximo/uo. Dieu a donné commandement à vn
chacun de fon prochain. C’eſt choſe bonne &
fainćtede monterpar oraiſon, faincte medita
tion,& celeſte contemplation:maisil faut auſſi
feruirà l'vtilité de ſon prochain.Eſcoute donc
* ques
, , , , i es o cr oss n o Y s. 17r.
ques,ô hőme Chrestien, à l'exếple de ton Chef
Ieſus Chriſt,tu montes quãd tu pries, tu defcés
quand tu fais charité à ton prochain , & quand
auec larmes, pleurs, & douleurs de coeur, tu
plains & pleures la perdition de ton prochain:
& quand tu employe tes forces pour le recueil
lir en la congregation des fidelles, & leredui
re à la cognoillance de Dieu,de la verité, & de
font falut:Cum defcendiffet Iestu demonte. Quád
Ieſus fut deſcendu de la montaigne, pluſieurs
hőmes ſuyuirent,qui l'attendoyent en la defcé
te de la mótaigne.Entre leſquelsestoitvn pau
ure ladre.Et comme dir S.Luc.plein de ladre- ***.r.
rie,& beaucoup de turbes Pre
mierement, les vns pour eſtre gueris de leurs
playes,langueurs,& naladies.Secondemét,les
autres cõme pigeons amiellez & allechez pour pourquoy.
ouyr la douceur de fa faluifiấte doćtrine:Tier
cement,les autres par curiofite,pourvoirles fi
gnes,& miracles. Quartement, autres pour
receuoir les profits de nourriture, & pour mã
ger les pains leſquels parvertu diuine il multi
plioit, Quintement,les autres par enuie, cốme
contradićteurs » pour calomnier ſa doćtrine, & ,
machiner ſa mort.Sixieſinemét,les autres pour
luy adminiſtrer les offices de charité,& les fer
uices d'humanité:Et ecceleprosta veniës, &c.Et
vọicy vn ladre venir qui l'adora. Il fçauoit que
la ladrerie enuers les hommes, & pár voye de
nature estoit incurable:mais enuers Dieu tou
tes chofes ſont poſſibles, comme il est dit en
, f. S.Luc
17z 11. d 1 M E N c'H E A'r R E s
**** S.Luc, Non erit impostibile apud Deum omne ver
bum.Aucune chofe ne fera impoſſible à Dieu.
Ce ladre eſt donc venu auec vne plenitude de
la foy: Accedentem enim ad Deum oportet crede
Heb. 1 r. re; quia est,Ở quod diligentibus fe remunerator fit.
Car il faut que celuy qui vient à Dieu, croye
que Dieu & qu'il eſt remunerateur à ceux
qui l'ayment. Mais ie vous demande par quel
moyen ce ladre pouuoit-il auoirfoy, & confiá
ce que IeſusChriſt le pourroit ou voudroit gua
le.
**"ir“- rireReſponſe.Premierement
eſtoir admirable, & infuſe parlalefoy
dondeducedadre
S. Ef--
prit.Secondemét concèuë & corroboree par la
renommee de la doćtrine de Heſus-Chriſt. Tier-t
cement la confideration de fa propre mifere.
, Quartement l'amour de fa propre ſanté. Quin :
tement la benignité de Ieſus Christ experimé
|
tee.Sexrement les exếples de pluſieurs qui s’en
; retouriioyent fains & guarisien leurs maiſons: , .
le tout conſideré, & ioinćt enſemble, il prend :
xararea, i, fon cours,& refuge à nostréSeigneur Icy nous i
foy. voyons la nature de la foy;laquelle s'appuye & :
fetient ferme en la bonté diuine, & non en fa i
propre iuſtice,ou à ſes merites: mais refere tout
à la mifericorde de Dieu ; comme dit S. Paul: ;
*** Nonpropter opera quafecimus nos,fed per niferi- i |
cordiam/aam faluos mðsfecit II nousa fautiez pâr i *
Luc. / ° frmifericorde,& non par les ættures que nõus : vl

| pourrions auoir faictes. Le Pharifien feiếerifiåt "

à ſa bonté, & comme digne recitoir fes břētis-- |


faićts & merites, Ila cité reietté de Đieư, & |
| & - & au
L E S O c T. . . D E S -, R O YS, 173
au contraire, le Publicain frappant ſon esto
mach, cốme indigne de voir les cieux, prefche,
non fes merites,ains fespechez. Et implorát la
mifericorde de Dieu,il a trouué grace, & mer
cy enuers luy. Ainſi ce ladre
croyoit que IeſusChriſt par ſa ſapience fçauoit,
& par ſa puillance pouuoit, & par ſa bonté
vouloit donner fanté au pauure miferable, & .
languiſſant ladre. Secondemét il eſt venu auec . . . . . .
humilité de coeur,car il eſt dit : Adorabat eum, . . . . . .
Il l'adoroit.Tiercementil est venu auecoraiſon
de bouche,difant:Dominestvis potes me munda
re. Seigneur,fitu veux, tu me peux nettoyer,
Il adore Ieſus Chriſt comme Dieu. Il le prie
comme Pere de toute mifericorde , & con
folation, en vraye foy. Il dit, Seigneur , en la
puiſſance duquel font toutes choſes, qui fait h.f.,,,.
toutes choſes,tant au ciel,qu'en la terre Fen la pſát .
mer, & en tous les abyſines, qui frappe, & gua- Deuterº. 12.
rit,bleffe,& medecine,mortifie, & viuifie, qui *******
as la puiſſance,l'Empire, & les clefs de la mort,
& de la vie:Domine,Seigneur.Premierement il
allegue l'equité de IeſusChriſt,l'appellant Sei
gneur : car au Seigneur appartient fecourir &
à ſes ſubiećts: Domine. Pource que tu
es le Seigneur de tous,& que tu te fais obeyr à
toussen commandant.Secondement il allegue
fa bonté,quand il dit:Sivis.Si tu veux, duquel
la volonté, non feulement eſt bonne:mais auf
fi eſt
& ad lacognitionem
meſme bonté: Qui vult
veritatis omnesfaluosferi,
peruenire. Qui veut ’. Z im. 2.
que
174 i 1. d 1 M E N e H e a p R e s
- que tous les hommes foyét fauuez,&qu’ils par,
uiennent à la cognoiſſance de la verité.Tierce.
ment,il confeſſe fa puiſſance,quand il dit:Potes
memundare.Tu me peux nettoyer.O Dieu eter
nel, tout puiſſant, & immortel, combien ceſte
oraiſon eſt brieue en parolle,& toutefois gran
de,& frućtueuſe en ſubſtance ſpirituelle. No
z. f., „',/ strefoy n'abonde pas en parolles vaines, inuti
point a pá- les,& ſuperflues. Ce preſent miracle nous en
4e/ter- courir
fine.
feigne au
cốment en nosneceſſitezil nous faut re
Pere celeſte, au nom de fon Fils Ieſus
Christ,auquelle Pere a donné toute puiſſance,
arlequelil nous donne toutes chofes, & fans
il ne nous donne rien. Et apresil nous
enfeigne cốme nous deuons demander les cho
fes corporelles,& temporelles:àfçauoir, que tu
ne doubtes point de fa bonté, & puiſſance : &
toutefois commettre & referer toutes choſes à
„... „. fa faincte & bonne volonté. Ainſi Ieſus Chriſt
. au temps de fa paffion dit : Pater fi poſſibile est
tranfeat à me calixiste, tamen non mea voluntas,
/ed tua fiat.Mon Pere,s'il eſt poſſible que ce ca
lice paſſe outre de moy , & toutefois non point
comme ie veux:mais comme tu veux. Ainfi le.
ladre premierement a prié que la volonté de
Dieu faićte: voire combien que fa propre
fanté ne fe fust iamais enfuyuie.Semblablemết
**“-“ en l'oraiſon que nostre Seigneur nous a ap
prins,il ne commande point incontinét demã
der le pain quotidien: mais premierement fan
ćtifié ſoittő nom. Donc ce lepreux nous enfei
- gnc
1

L E s o c r. d E s R o y s. . . 175
feigne par quel moyen noustrouuerons le falut
& du corps & de l'ame enuers Ieſus Chriſt: à
fçauoir,par la foy,par la cognoiſſance,& cőfeſ
fió de nos pechez, & par deuot ſuffrage de prie
res & oraifons:Cőme nous lifons ailleurs de la
Chananee, qui diſoit: Fili Dauid miferere mei. Matth.rs.
Marc.7.
Fils de Dauid,ayespitié de moy.Carpar ces pa
roles elle monstroit ſa foy, & prioit. Apres que
nous auốs ouy la foy,l'accez,l'oraiſon du ladre,
oyons & retenons ce que s'en eſt enfuyuy, &
quelle choſe ceſte foy & oraiſon ont obtenu de
Ieſus Chriſt.Cőme nous enſeigne S.Matthieu,
difant: Et extendens Ieſus manum tetigit eum, di
cens:Vole,mundare.Et Ieſus eſtendit fa main,&
le toucha,difant:Ie le veux,fois net.O admira
ble bonté de Dieu ! Noſtre Seigneur monstre Nostre sri
l'affection de famifericorde,non ſeulement par
auffipar fignes & effects.Il eſtend
a main,il le touche: maisie vous prie,que fe- le,/g , er
roiricy le Pharifien? certainement il euſt crié, «uures.
difant: Chaffez, chaffez ce ladre deteſtable &
abominable qu'il ne nous infećte. Il deſtour
neroit fes yeux & fa face pour ne le voir. Il
eust demandé de l'eau pour fe lauer les mains,
s'il euft ſeulement touché les veſtemens du la
dre: tant estoyent-ils affećtionnez en leur per
uerfe religion & apres l'obſeruãce de leurstra
ditionshumaines,fans estretouchez d'affećtion
mifericordieufe enuers les pauures:comme no
stre Seigneur monstra fort bien en la parabole
du Sarnaritain. Mais nostre bon Dieu & pere
- II CS
176 I 1. D I M E N C H E A P R E s
tres-debonnaire, qui ſeul eſtoit pur & fans ma
cule,ne chaffe point ce pauure de fa pre
fence,ains eſtend fa main & le touche: & en e
ftendãt la main,cela ſignifie qu'il luy veut don
ner ayde : & en le touchant, cela fignifie & re
trait preſente argument de myſtere. La loy defen
doit le touche doit que Pperſonne ne touchast la lepre
p ou le
i - lepreux , & ce n'eſt pas de merueilles. Car la
pre, e pour- loy ne pouuoit faire que la lepre ne foüillaſt,
quoy. ou infectaſt celuy qui la touchoit.A ceſte cau
fe elle defendoit letouchement de la lepre,non
asà fin que les lepreux ne fullent guaris: mais
à fin que ceux qui les touchoyết ne fuſſent ma
culez & foüillez. Mais Ieſus Chriſt touchant la
lepre n'a pas eſté fouillé par la lepre : ains au
cốtraire la lepre a eſté nettoyee. Extendens Ieſus
-

“”“”“
Diete.
manŭ.Ieſus
Celle qui a eſtendãt
forgé & lacreé
main.Mais
les cieux,quelle main?
& laquelle

Tfal. 144.
quand il ouure , remplit de benedićtion tout
animát, comme dit Dauid:Aperis manum tuam,
& reples omne animal benedictione. C’est à dire,
toute ehofe viuante, ayant corps fenſible. Il
eſtend la main vraye organe de la Deité, & par
, laquelle la diuinité operoit aux ceuures mira
: culeuſes.Il atouché pour nous enſeigner qu'en
arr, G peur- ce cº Ps plenitude de la diuinité habitoit cor
7uoy. , porellement,c'eſtà dire,reallemét & parfaićte
ment. Pour nous austi enfeigner que ſon corps
eſtoit vn corps de vie , & la chair du fils de
Dieu tout puiſſant, instrumét de la diuinité de
laquelle elle a vertu. Car tout ainſi que le fer
~
- enflam
1. E s o cT. - D E s R o Y s.: 177 i
enflambé du feu ardent, adioinćt auec le feu, similitudedu
i|faiaa l'operation
chair eſté vnie au du feu.diuin,&
Verbe que le ver:
Ainſi apresque la " e Ie
|
be diuin a eſté faićt chair,& homme,ceſte tref
facree chair,comme le Verbe diuin,chafle tou-
tes langueurs, playes, maladies, & meſmes la |
,

|
|
|
|
# mortirenouuelle & viuifie toutes choſes:& par
i
i
ceſt attouchement & eftendue de la main,font
entendues les richeſſes de la bonté de Dieu, &
| |
-

| |
liberalle largeſſe de fes dons & benefices:con
tre l’auarice infatiable des riches chiches, qui
au temps de cherté ferment leurs greniers aux || | |

de lefus Chriſt: Ieſus tetigit eum. Et le-


us Chriſt toucha le lepreux : pour nous enfei-
| ||
gner fa douceur, & humilité, Contre les ſuper-
bes, & arrogans, qui ont en abomination les
pauures de Dieu, deſquels parle fainét Iac
ques, introduiſant le riche, parlant au pauure
-
|

|
| | |
de ceste façon : Tu staillic, aut/defab/tabello Iacºbi .
edum meorum. Demeure là, ou bien fieds toy
fur l'eſcabeau de mes pieds. Et encores apres: - , , , ,
Vos exhonorastis pauperem. Vous auez deſpriſé
le pauure. Car à iceux ils ſe monstrent | ru
des, rigoureux, & auſteres, qu'ils ne daigne |

royent les voir, encores moins les ouyr, & par-


ler à eux. Mais pourquoy noſtre Seigneur a-il Nostre ºei
touché le ladre? Ce n'a pas eſtéfans grand my-$ché "le"ledrs,
. * - - - - - -

stere. Premierement, pour demonſtrer que la , |


loy anciéne prenoit fin, & à icelle ſuccedoit la raiſ . |
loy , & de grace. Secondement, pour
demonſtrer qu’il eſtoit le seg
de la loy,
178 , 1 1. d 1 M E N c H E A P R E s
& qu'il n'estoit point ſubiećt, ou lié à la loy.
- - Tiercement, à fin que parfon touchement, il
guariſt la lepre du corps: qui repreſentoit que
bien toſt il deuoit guarir la lepre des ames de
ceux lefquels feroyent touchez au bapteſme
par le merite de l'effufion de ſon precieux &
digne fang. S’enfuyt: Volo. Ie le veux: Aſun
dare. Sois net. O parolle pleine de toute ioye
& conſolation. Volo, le veux. Il monftre &
promet qu'il nous aydera en toutes nos neceſ
firez, tant corporelles & temporelles que ſpiri
tuelles. Et tout ce qu'il veut,indubitablement
fera faićt. Comme il appert du lepreux,duquel
il eſt dit:Statim mundata est lepra eius. Et incon
tinent fa lepre fut nettoyee. Le ladre ne diffe
re point de croire : & Ieſus Chriſt ne delaye
point à le guarir. La parolle de confestion n'a
pas plustoſt esté proferee par le ladre , qu'il a
obtenu le benefice de ſanté,ë: de guarifon. Et
ait illi Iestu. Et Ieſus luy dist, en luy impofant
7roi trois commandemens. Apres qu'il a impetré
***““
dre. guariſon,
:ɔ “ » il ne luva
y ppas demandé ppluſieurs ta
lens d'or, ou d'argent, ou vestement pompeux,
, ou loüange mondaine : ains luy a commandé:
Jef"º"#* Vide nemini dixeris. Garde que tu ne le die à
defendu au ,, fönne. Ce qu’il mafidé plufie
i ., „. l. a, perionne. Ce qu'il a commande pour pluſieurs
„,2 perfazer, cauſes. Premierement, pour nous inſtruire par
c fourteo. fon exemple , à fin que ne cetehions en nos .
º bonnes æuures la faueur populaire, ou la gloi
re mondaine ; ains la gloire de Dieu, à fin que
Dieu en elles, & pour elles foit glorifié. Še
conde
- L E 8 O C3T« -D E S: R, a Y.IS. Į79
condement d'autătqu'il n'estoit paslicite qu'il . "
declaraſt par parole ce qu'il demóſtroir en ſon
corps par ceuure apparente & exterieure.Tier
cemét ou bien il n’a point commandé de ngle
dire ſimplement mais alrāt que le dire, ilạcố
mandé qu’il ſe monstraſt aux prestres & fagri,
ficateurs sy ſ peut drevnesucition a s
qu'il eſt eſcrit:Faisice que je te commande,dócreffenſ2.
lelepreux a peché en n'obeiſſant à la yoix &
comra indement de Dieu,Reſponſe. Ily a trois
fortes de commandcinens de Dieu : le prcinier
est d'obligation, auquel eſt lavolonté de Dieu
pour l'accomplir,comme le decalogue:Hoºfse Luc.ro.
& viues,fais cela,& tuviuras.Le ſecon dcomã
dement est d'approbation, auquelest lavọlon
té de Dieu,pour le reſpeẾt de la preparation de *. , * --

noſtre volonté à l'executảọn de l'ceuure; çọim- - :e.


1TlC2. il dit à Abraham qu'il immolast fon "*""/****
fils. Le troiſiefine eſt commandement d'instru- *a*

ćtion, auquel eſt la volonté; de Dicu, non


point quant à l'execution de l'oeuure, mais en
partie de quelque choſe quant à l'acte, comme
icy où il enfeigne que nous ne publions nos ,
ceuures pour eſtre veus du peuple, en deſirant
la gloiremondaine. Pource le ladre n'a point
peché en elleuát Ieſus Christ parlotianges, Car
il a accomply la volongé de Dieu & de Ieſus
Chriſt, eſtantinſtruiçt par la fecrette gnétion
du S.Eſprit. Et toutefois lesbốnes asuures peu
uent estrę faićtes publiquement pour la gloi
te de Dieu , & pour la prouocation des au
*
- -
-,
-
M 2
183 o 1 1. D 1 M E N c H E AP R=s
**** 1. tres, eomme dir noſtre Seigneur : Sic luceat
lux vefira coram hominibus, vt videant opera ve
fra bona , & glorificent patrem qui est in calis:
à fin qu'ils voyent vos bonnes oeuures , &
qu'ils en glorifient Dieu le pere. Le fecond
commandement que nostre Seigneur a impo
, fé au ladre, eſt quand illuy dit : Vade,& osten
de te facerdoti. Va, & te preſente au Prestre.
Auquel appartient de diſcerner entre la le
pre & non ſepre. S'il te ſemble que nostre Sei
# pour neant, & en vain a enuoyé le
adre aux Preſtres, veủ qu'il estoit le Seigneur
& maiſtre de la loy, & que le lepreux estoit
Ieſus Christ a | guary sie reſpoids que ç'a esté pour lu;
fieurs cauſes qu'il l'a enuoyé apres la fanté
are aux pre- obtenue. Premierement pour approuuer la
Ares,e fºur- loy, cofhme luy-meſme a dit: Non veni foluere
7 , legemiſed adimplere. Ie ne fuis pas venu pour
““ aẾolir la loy:áins pour l'accomplir. Seconde
ment pour manifesterfa puiſſance.Car par ceu
ure & effeét, il pouuoit cé que la loy ny les
Prestres,ny les Leuites ne pouùoyent
uoir, pár ſon touchement guarir la lepre. Le
Prestrepouuoit bien iuger que le ladre estoit
nettoyé,rhais il ne le pouuoitiiettoyer.Tierce
ment pour la confirmation du miracle. Carles
Prestres font faićtstefnoings de ce miracle: &
là ils feront contraints le loüer, quand ils
v. / eiugeront eſtre mundé & nettoyé, veu qu’ils
l'audyent cogneu & veu ladre. Car iamais ne
fut veu, ny ouy, que l'homme par ſon tou
- che
L e s o c r #. D E s, R o Y s. 18r |
|||||
chement, ou de fa ſeule parole guariſtles la
dres, pource que c'eſt vne maladie incurable
ar voye de nature. Quartement pour leur vti
|| ||
fin qu'envoyant ce miracle ils creuſſent,
& en croyant, ils obtinſſent falut. Et au con | || ||
| | | || | | |
traire,s'ils ne croyoyết,ils n’euſſent aucune ex
cuſe de leurs pechez, & par conſequét delęụr | ||
iuſte iugement , equitable condamnation &
raiſonnable damnation.Quintement pour nor -- nv y a .1: *.* * ·s*
**. \ , t ... \:.*
ftre inſtrućtion & information, pour appren y “

dre la vertu d'humilité , & honorer ceux qui - \,' , .*\va'.vv., , ,, , - vv

/
ont authorité de commander , gouuerner & r. Petr.2, v, *
,!
.
iuger, voire obeir etiam diſcolis aux rigoureux ** : « n * * **

& prophanes, Le troifieſme commandement -

que nostre : Seigneúr a impoſe & enchargé |


au lepreux,est: Offermunu tuum, quod precepit Leuit.14e
Moyſes, Offre ton don Moyſe a com
mandé : à ſçauoir deux paſſereaux vifs. In te
fimonium illä, En teſmoignage à eux, c'està
dire , contre eux, s'ils ne croyent apres auoir ***
4

|
yeu le miracle: mais s'ils croyent, en teſmoi
gnage de falut pour eux, ou bien en teſmoi
gnageà eux, c'eſtà dire, que par leur teſmoi
gnage il fut receu comme pur , fain & net.
Gue fi apres en hayne de moy ils te vouloyent
chaffer de la compagnie des hommes purs,
fains, & nets,tu leur diras:Vous auez receu de
moy les dons comme d'vn pur & munde: &
comment me voulez vous maintenant de
chaffer, comme fi i'estoy immunde ? Partant
Jeſus Chriſtcommande que le l “ fe pre
3
|
181 , 1 1. d 1 M E n ç fi è A p R E s
fehte aix Prestres: cớinbłen qu’il foit gúary.
Pouřlious enfeigtier, que combien que Èhom
meghreitien foit purgé parla gracd de Dieu;
paredistrition de cede; de la lepre de l'ame,
qiH est péché : toutefois if est teầu & obligé,
fila contihodité & Faiſancefe preſente,femő
ftter & preſenter aux Preſtres de la nouửelle
löy;föufiłäy ouurir ſøn eeçứr parvraye confeſi F
confefið . fieri;laquelle est faefanientalie, rieceſſaire, &
7e

eeftirr/aera f'rithiré ; & de Díeti commi lindeek comme


znentalle, fit
lutaire » C - áititi H*3 votis poúrrez lite en riostre liure de
la lå tidsfaire Sact the auchari
frést feitifiħejdeł coffeffioli&diffinition d'i
dee.
gella Recordigentiestis Girifiest l'auther &
èờhiëéfặteŘr ås čợħfef törp: & comment il ſe
*, i, strº, fiut confeller au Prestre, & \croût tuy dééla
rer: et ergoķostendere keeriisii. Va ;\&ère
Prestre; T&löitre fondón lequel
4òyfe a centinähdé etí refiữoignage à icếux,
"” Muśarmsprionsnsârsbör Die spere crea
regr; de fous vouloir conduire parfon Sainét
Effít ; & netts fedreſſer par vraye peaiten
cc , contrition de cæur; confeffon debôü
chs, fatisfèĜiòn de faić:, păr deubtfutfrage
d'or.fifön vers Dieu & les Sainéts, par chari
tét; estafgition d'aurmofiip vers nostre p D
eháín, parilieufne & inaceration de nöftre
chair, à fin qu’elle ne ſoit rebelle à l'eſprit ,ſi
que nous puistions totiseltre gtiặris de la le
pre ſpirituslle; à fqatigif dépêchéy&que iious
paiſſions viure en l'àrạơir, grace, & faueardd
; } ', · - nostre
}
183
, L E s ; o'c r. D E s R o Y s.
nostre Dieu en ce preſent fiecle, & en l'autre,
viure de vie eternelle en la gloire celeſte, pour
loüer,remercier, & glorifier Dieu le Pere,auec
Ieſus Chriſt en l'vnité du S.Eprit.Amen.
-
|
-, ; ; ; , / ; ' ' ;

T R O I S I E S M E D I M EN CHE
a p R r s 1 es o c r. d E s-, -:4;
R o3 vs.
|
,, * , , * r: , ,

N T R e les raiſons & argumés qu'ap


|porte Euſebe,cap.7.lib.s.demonštrat. |
|| Euang pourmonſtrer que la religion
- - P|| Chreſtienne eſt celeſte,& diuine, &
faire cófeſſer aux ennemis des Chreſtiếs,& meſ
mes aux Payens, que ladićte religiốeſt la vraye
religió, & pour attirer les infidelles à noſtre foy
Chreſtienne & Catholique,i'entrouue vn bien
grand, c'eſtà fçaụoir, que les Apoſtres qui ont
annoncé ceſte foy, & prefché ceſte religion par
tout le móde, eſtoyentgensignares, & nonin
ftruićts en la philoſophie & eloquence humai
nespauures peſcheurs,gés qui n'estoyent pas en
authorité, ny en reputation, leſquels ſe font fe
parez pour aller preſcher, l'vn en Afie, l'autre
|
en Afrique, l'autre en Europe, en diuerſes vil
les & contrees, où eſtoyent les Philoſophes, &
gens doćtes,les Roys,& Potentats. Eſt-il credi
ble que ces pauures gens là imaginastent que
tous les Roys,& Potentats fe ſubmettroyent à :
leur doćtrine nouuelle,& y obeyroyent,ſi ceſte
doćtrine n’euſt eſté celeſte? Eſt-il vray-ſembla
ble qu’vn hőmeidiotentrát ſeulen vne ville où
- z - M 4
184 | 1 i 1. d i M e N c H E A P R E s
font les Philoſophes, & prefchant aux doćtes
gés que lefus Chriſt qui a esté pendu en croix,
estoit le vray Fils de Dieu , fe feiſt croire, &
*
leur perſuadast ceste doćtrine nouuelle, fi elle
n’eſtoit de Dieu ? Il n'y a aucune verifimilitu
de ny apparéce.Parquoy il faut bien dire qu'ils
|--|
eſtoyết bié alleurez que la doćtrine qu'ils pref
choyent estoit celeſte & diuine, puis qu'ils fe
font ainſi ſeparez pour aller preſcher ceſte nou
uelle doćtrine, & qu'ils fe font faićts croire, &
||| l'ont faićt receuoir aux Roys & Philoſophes.
*|

h
Ce que nous cognoiſtrős plus apertemét fi nous
voulons encores confiderer la recompenfe la
|| quelle leur estoit promife.Et quelle? Et pource
la mort,& les tourmẽs:car leur maiſtre les auoit
aduertis de cela:Quãd vous irez preſcher mon
Euangile,tants’en faut que vous foyez lesbien
V enU15 vers ceux aufquels vous annoncerez ces
|
bonnes nouuelles,qu'ils vous perſecuteront,&
feront mourir. Qui eſt celuy quivoulustenfei
gner vne chofe friuolle ſeulement pour fe fai
re tuerà credit? Et l'vne des chofes qui cốfirme
|||
plus nostre foy Chrestiếne,est celle là, que ceux
qui l'ont preſchee, fe propofoyent d'endurer la
mort,apresautres grādes afflictions, pour leurs
gages, & recompenſes.- Vray eſt qu'ils eſpe
royent vne autre recốpenfe, non pas tếporelle:
mais ſpirituelle. Et de faićt;nostre Seigneur au
dernier fermon qu'il feità fes Apoſtres en fa
Cene,il leur diſoit: In mundo prefiram habebi
tử.Et au parauant que leurauoit-il dit? Ecce egº
- - mitta
1 e s o c r. p r s R o vs. 18;
mitto vos ſicut oues in medie luporum.Sçauez vous
bien auec quelle eſperanceie vous enuoye. Er
quoy,Seigneur,viurős-nous long temps? Non:
mais ie vous enuoye comme moutons en la
boucherie. Vous en la mifericorde des
loups. Ie ne vous promets que toute afilićtion,
& peine. Cecy l'ancien
Testament:comme a tres-bien remarqué fain&"*""·
- -

Iean Chryſoſtome en l'homelie devoto Iephta.


Il eſt dit là que Iephté voulant aller combat
tre les Ammonites, feit veu à Dieu s'il luy
donnoit vićtoire contre iceux, qu'à ſon retour
la premiere choſe qui fortiroit de fa maiſon,
il la preſenteroit & immoletoit à Dieu. Et s'en
allant contre-eux, ilgaignavingt cirez,&em
portala victoire. Or retournant en fa maiſon
en Maſphat, la premiere choſe qui fortoirde fa
maifon, ce fut vne fienne fille vnique,laquel
le venoit pour luy faire la reuerence. Et luy
fe foüuenant de fon voeu , va dire en rompánt
fes vestemens: Heu me; quia decepišti mefilia,
& decepta es. I'ay voüé vne chofe qu'il faut
que j'accompliffe, c'est de facrifier la
chofs animée qui fortiroit de ma maiſon apres
mon retour.Et bien dist elle,il n'y a remede, il
faut que ie m'y accorde: Hoc ſolum mihi prafia
quod deprecor:dimitte me, vt duobus mēßbni circi -
eam montes,é plangam virginitatem meam. Puis
les deux mois accomplis, elle s'en retourna à
fon pere, pour estre immolee à Dieu le Crea
| teur, comme il auoit promis. Et que fignifie
|
|
|
186 I I I« . D I M B N C H E A P R E S -

cela Voylàvne choſe estrấge, qu’vn perſonna


ge immole à Dieu fa fille vuique. Ne deuoitil
pas pluſtoſt rempre ſon vcev, & pardonner à fa
ille:O Chrestici,siknya vicg faict fans myſte-
re: toutefois & quãres que l'on trouue en l'an
cien Teſtament quelque choſe eſtrange, S-Au
gustin au chapitre 19. liure 3. Dedoärina Chri
stiana, nous apprend que c'estvne chofe figu
ree. Celuy donc qui a faistovou à Dieu d'im
maler fa fille, s'il gaignoit la victoire, c'est Ie
fus Chriſt qui a promis qu'il immoleroit l'E
gliſcs s'il auoit viétoire contre le diable. Et
pource elle eſt tous lesiouts immolee en ſes
| Coloff.r.
membres, & de tqt temps l'a esté, comme dit
fainét Raul : Adimpleo ea que defintpastienum
:Christi in carne mee pro corpore eius quod est Ec
cleft, I'endure beaucoup: mais c'eſt pour fon
corps qui est l'Egliſe, Eilefus Chriſta beau
& endure encores en ce téps,non
en ſa perſonne: mais en fes membręs,& Diſci
|| ples.Car quãdles Huguenots tiennent vn Pre
stre,& le perſecutent, c'est Ieſus Christ quien
dure, & est perſecuté, & misà mortderechef.
Et pourrant quand S.; Paul alloit en Damas
|pourperſecuterles Chreſtiens, Ieſus Christ luy
Ast. p.
s dit: Saule quid meperf&queris? Et toutefois il, ne
perſecutoit pas Ieſus Christ en fa, perſonne:
zmais en fes mébres.Cartout Chrestien est mé
brede nostre Sauueur, &defon Egliſe.Et pour
tantily a quelque choſe qui deffaut encores à
la paſſion de Ieſus Christ, qui endure tous les
/ - iours,
1 e s o c r A. D e s R o vs. 187
lours parce que luy&fon Egliſe(laquelle-en
dure tous
bres de lesiours) qui
IeſusChrist ne ſont qu’vn. Et lesHifint
fontperſecutez, mem 4?“ o.

qui veniüt eæ magnátribulatione indutifolis albis,


comme il est dit en l'Apocalipſe. C’est auſſi cé
que le meſme Chryſoſtome a remarqué,homil.
33. in Asia Apost. L’Eglife eſt appellee pour ........
endurer affliction & perſecution. Mais com- *****
bien qüe les perfecurions qu'ellè endủre par ***
les tyrans & Payens foyểnt bien grandes:fieſt
ce toutefois que les plus grandes qu'elleen
dure, font celles queday font & braffentinos
freres qui estoyent ſesenfans,& dedans l'Egli
fe, comme font les heretiques & hypocrires.
Et partant ils ont eſté anciennement punis
plus rigoureuſement que les autres : comme
vous auez de Simon Magus & Ananias, qui
estoit hypocrite, & feigeoirestrelvray Ghre
ftien: Vine autre perfecution est aduenuëde- , * As *

dans l’Egliſe, quand les 'Gentils ont murmuré


que les vefaesdc leurnation n'eſtoyent admi>
fes en l'administration anffi biế que celles des
Iuifs. Lequel trouble & murmure a estéautant
grand qu’il y en eut iamais en l'Eglife, combiế
qu'ils faffent peu & tous nouucaux. Parquoy
cen’est pas de merugillest nous ( quine fome
nies pas fi parfaićts comme euxiquiquoyent
receứ le S.Eſprit de nouueaui, & qüiformmes
en ſigrandnámbre)oendurons contention, &
murmurq,& affliction das nostresimefines puis 4á.tr.
qu'iłyacumuqnirelcontri S.Pierre mafines;
- ***
, \t\ \
pour g4
||
188: I. t 1, P 1 M E N c H E A P R E s
pour auoir receu Cornille le centenier. C’eſt
nostre Seigneur qui veut exercer fon Egliſe à
patience. De cecy nousen auons vn exemple
en nostre Euangile, où il eſt dit que la nacelle.
des Apostres eſtant fur la mer a eſté fort agi
tee de latempeste. Eſpluchons & confiderons
Matt.s. par le menu noſtre texte:Aſcendente Hefu inna
Mare.4. uiculamferutifunt eum diſcipuli eius. Noſtre Sei
****: gneur Ieſus Christ apres auoir faićł pluſieurs
miracles en la terre, il estimonté en la nacelle
pour monstrer la gloire & puiſſance de fa ver
tu diuine en la mer & aux eaux, & pour ap
prouuer que routes choſes ſont ſubiectes fous
fes pieds. En l'Euangile d'auiourd'huy nous
font remarquees trois choſes par ordre. La
premiere, est la perturbation & perilleuſe ef
motion de la mer. La feconde; l'affećtueuſe
oraiſon des diſciples.Latroifieſme,l'affećtueu
Exemple de fe operation de Ieſus Christ. Aſcendente Iefie in
h ili . nauiculam. Et comme Ieſus fut entré en la na
celle,fes diſciples le ſuyuirent: où il nous faut
noter que moſtre. Seigneur nous donne icy
vn exemple d'humilité; quand il dir, Ieſuseſt
entréia nauiculam,c'eſtà dire,en vne petite na
celle.Car le vray humble est content des hum
bles & petites choſes pour ſon vſage, pource
il n’est pas dit que Ieſus foit monté dans vne
grande & haute nauire pompeufement & ri
chementornee. Iamais on n’aileu que nostre
· · Seigneur foit entré dans vne nauire pompeu
feoüriche: mais humble &
, ,n - fant
- L E S O C T A. , D E S R O Y S. 189
fant eum diſcipuli eius. Ses diſciples le ſuyuirét,
comme les eſtoilles le ſoleil, les apprentifs &
diſciples le maistre,les enfans le pere,les aueu
gles ' lumiere,les malades le medecin, -

darmes le capitaine, les feruiteurs leur fei-


ur,les pauures le riche,quand il est tres-li
beral distributeur defes biés. Et ecte motus ma
gnus factus est in mari. Et voicy choſe merueil
leufe & admirable qu’on doit ouyr, fçauoir &
retenir. Naturellement les mouuemens de la
mer fontengédrez par les vapeurs inferieures
des eaux montant en haut, & par le vent fouf
flant & courant en l'air.Vn grand mouuement
fut fait en la mer Ita vt nauicula operireturflutti Impugnation
bugtellement que les ondes couuroyent la na- e
celle:& tres-bien il dit,tellement que la nacel- desheretiques
le eſtoit couuerte,&non pas ſubmergee,ou en- ********
foncee.Carfluttuat at nunquam mergitur illa ra-"
tis,la nacelle de Heſus Chriſt peut eſtre eſbran- ,
lee& non pasenfoncee:Combien qu'elle fouf
fre pluſieurs tribulations,aduerfitez& perſecu
tions par l'impugnation des heretiques: de la
contrarieté & deſquels elle ſe com-
plaint par le Prophete de Dieu,diſant:Sepe e*- Pfaliss.
pugnaueruntme à iuuentutemea,etenim nav potue- .
runt mihi: Ils m’ont fouuent, non pas tant feu
lement vne fois,mais pluſieurs fois, tourmen
té dés ma ieuneſſe : C'eſt à dire,dés mon com
mencement ils m’ont fouuentefois trauaillé
dés ma ieuneſſe, par pluſieurs moyens: toute
fois ils n'ont point eu puiſſance fus moy com
- Ime
19o 1 1 1. D 1 M E N c H E A p R E s
me ils vouloyent. Ils auoyent le vouloir , maís
non le pouuoir:pource que Dieu eſt mon pro
tećteur.Eten vn autre lieu, le Pfalmiſte Royal
Dauid en la perſonne de l'Egliſe, par grande
Pſal.i. admitation diſoit: Domine quid multiplicatifunt
qui tribulant me?multi infargảt aduerfùm me?Sei
gneur,combien font multipliez mes aduerſai
res? Et que de gens s’efleuent contre moy? plu
fieurs difent de mon ame, il n'y a point de fa
lut pour elle en Dieu: comme difent les here
tiques tyrans,faux freres, & les diables, Dieu
ne pourra defendre fon Eglife contre nous:
mais ils mentiront. Et pource l'Egliſe dit en
„....-..... apres,recourant à l'aide diuine:Tu autem domi
* a * : nefasteptor meuses.Maistoy haut Seigneur, tu
* * * * es mon fuſcepteur & protecteur, ma gloire, &
” " celuy qui efleue non chef.Speciallement l'E
glife fe complaint à Dicu de la griefue & lon
perſecution destyrans, qu'elle a enduré fi
ong remps:comme de Nero, Decius, Domi
tianus;łulianus, Datianus,Porphyrianus,& au
tres femblables, difant:Supra dorſum meum fa
bricauerunt peccatorer: Les pecheurs ont forgé
les Apºstr“ ſus mon dos Où il faut nöter que le dos de
de l'Egliſe font les Apostres, & les premiers Pon

tifes, & autres paſteurs', qui ont eſté les pre-


miers à ſouſtenir perſecution pour le nom de
Ieſus Christ,& ce par les pecheurs, c'est à dire,
par les Tyrás, Roys,Princes & Empereurs. La
quelle perſecution n'a pas eſté de petite duree.
Carils ont allongé leur iniquité : pource que
- - Iul
L-E s o c r. D E s* R e y s. : 19t
iufques au temps de l'Ethpereur Gốſtantin,l'E-i
gliſe à grand'peine a eu paix vne annee: com
me on peut voir en l'hiſtoire d'Etifebe, depuisi
le troiſieſme liure iuſques au dernier : mais à:
fçauoit-mon fi tels impugnateurs &perſeeu-:
teurs de l'Egliſe,ent euadě& eſchappé le iuſte;
iugenent de Dieu:Certainement nonjainsàu
cuns d’iceux ont esté leurs propres beurreaux:
& meurtriers, en ſe tuant eux-mefines, voyant
qu’ils ne pouuoyerit furmonter le dos de l'E
glife : & tous perſecuteurs de l'Eglife malheu
reuſement periront, comme il eſt eſcrit en ce
meſme Pfalme: Dominis iustus concidet ceruices
peccatorum. Le Seigneur qui est iuſte,brifera &
froiſſera les teſtes de tels pecheurs, c'est à dire,
qu'il cốfondra l'arrogance ſuperbe,& les fauf
fes entreprinſes deſdićts Heretiques, & deſ
loyaux pêrſecuteurs de leựr loyalle mere l'É
glife. Er icy fe peut pareillement appliquerce
que noſtre Seigneur diſoit à fainét Pierre, par Matth.ro.
lant de fa future Egliſe: Porte inferi non preuale
bunt aduersta eam. Les portes d'enfer,c'eſtà di
re : Tous les Tyrans ministres du diable, ne la
pourront eſteindre. Ce que nous auons veu &
experimenté n'agueres en ce preſent fiecle de
plorable. Comme les Heretiques ontemployé
toutes leurs forces , eſtendu tous leurs nerfs
ruyner & deſtruire l'Eglife, demolir les
Téples,renuerfer les Autéls,ſacrileger,& piller
les calices, qui font les vaiſféaux conſacrez pour
l'exercice du diuin ſeruice.' Ont defrobé-leš
· bicns,
192. 1 I 1. p 1 M E N c H E , A P R E s
biens, droićtures , & fondations de l'Eglife,
dont Dieu eſt feruy , loüé, & honoré : tué &
meurtty les Miniſtres de l’Egliſe de Dieu , &
autresinfinitez de tyrannies, cruautez,& inhu
maines perſecutions qu'ils ont faićt contre l’E
gliſe de fes feruiteurs,& tafchent tous lesiours
de faire : mais ils s'abuſent pour neant,ils tra
uaillent en vain. Car ceſte nacelle , combien
qu'elle foit enueloppee & couuerte des flots &
vagues de perſecutions, & tyrannies, deſquel
les elle eſt eſbranlee ; toutefois elle ne fera ia
mais enfoncee , par ce que noſtre Seigneur eſt
fon protećteur,fon Chef, & ſon eſpoux, qui ia
mais ne l'abandőnera.Il ne fe fautefbahir com .
me d'vne choſe eſtrange,& non plus ouye,fi de
nos propres yeux nous voyons de toutes pars :
la nacelle de noſtre foy, & religion Chreſtiếne ;
estre aſſaillie de tant fauuages & diuerfes opi-
nions,reuoltes,& herefies. Du temps de l'Egli
fe primitiue,ou bien toſt apres,la nauire de l'E-
. . ' fut affaillie par pluſieurs Heretiques,per
ecuteurs deſlovaux de leur loyalle mere l'E-
glife, comme les Apostoliques. Ainſi ſe nom
moyent quelques Heretiques en ce temps-là,
comme auiourd'huy les Euấgeliques, Arriens,
Baſilidiens, Cerinthiens, Encratites , Gnoſti- :
ques, Montaniſtes, Marcionites, Manicheens,
Nouatiens,Pelagiens, Pſychiques,Valentiniãs, : *

Vbiquiſtes. (D'iceux faut voir Irenee au pre


mier liure, Epiphane en fon Panaire, Theodo
rir aux liures des nuair - Et fainćt
Augu
i is o era di : R O Y S» I39
Auguſtin au liure de herestbus, ad Quod vult
Deŭ) que tous ont eftếdu leurs nerfs, employez
toutes leurs forces,pour enfoncer la nacelle de
Ieſus Chriſt:mais ça eſté en vain,& pour neant.
Auiourd'huy nous auons Luther, Bucer, Zuin
gle, Martyr,Brance,Galuin,Beze, Viret, & plu
fieurs autres de leur farine,ayans les yeux ban- ,
dez & aueuglez, ont faićt & font la guerre à la
nacelle de Ieſus Chriſt:mais ils s'abuſent. Car
par leur malice & apoſtafie elle ne fera iamais
abbatue ou renuerfee. Vray eſt que par leur fu
rie & rage , ils ont eſbranlé ladićte nacelle, de
forte que celuy a eſté biế-heureux qui a eu en
ce téps-là le priuilege d'eſtre caché en la pierre
viue , pendant que la fureur & rage impe
tueuſe des fanguinaires dogmatiſtes a eu la
vogue.Mais maintenant Dieu leur a couppé le ,
de leur folles demandes & queſtions
pour furprendre ou deſgouſter : de forte que
maintenant ils ne fçauent là où ils en font: &
les gens de bien & bons Chreſtiens font de
meurez, (cốme encores ils font) fermes & ſta
bles en la nacelle de Ieſus Chriſt, & de fon ef
pouſe l'Egliſe. Maisie vous prie,eſt-il poſſible
que la longueur du temps ait tellement trou
blé les affaires, que la lumiere foit changee en
tenebres, & que Luther, Caluin,Bucere & au
tres ayent les yeux clairs : & que les Sainćts,
cốme fainct Ignace diſciple de fainćt Iean l'E
uấgeliſte,fainct Denys diſciple de fainct Paul,
fainćt Clement diſciple de S.Pierre,les fainćts
N
I 94 I I I. D I M F N C H E A P R E S

Irenee, Cyprian, Athanafe, Baſile, Gregoire


Naziãzene,Hierofme, Ambroife, & Auguſtin,
foyent aueuglez? C’eſt l'argumết de fainćt Au
guſtin contre les Pelagiens, cap. 1. lib. 2. contra
Iulianum. Certes ce ne font pas Baſteleurs, For
geurs, Cordonniers , Sauetiers , Couſturiers,
Charpentiers, Barbiers, Tauerniers, Bouchers,
, Cuiſiniers , ieunes Moynes defro
quez, qui ont renoncé leur habit, en faueur
de leur ordre & des-honneſte incontinence.
Non certainement. Mais nous les recognoiſ
fons tous pour , graues , honneſtes , doćtes,
& vertueux perſonnages , & qui voire aụ iu
gement des renuerfez, font appellez Sainćts:
que s'ils ont enfeigné idolatrie, comme vous
L'Egliſe a
ešte perfecu dićtes,commết peuuent-ils eſtre Sainćts ? C’eſt
tee de long abus, & pource vous vous abufez, pour neant
täps,parç y, vous vous rompez la teſte.Jamais ceſte nacelle
comment, e ne fera enfonfſee ou perie : car ſon protećteur
pourquoy.
la garentira à perpetuité. Retournons en no
ftre Euangile : voicy vn grand mouuement
fut faićt en la mer, tellement que les ondes
Perils de la
couuroyent la nacelle. Voylà les perils de la
271 er.
mer. Premierement les aſtres, c’eſt à dire, les
fignes au ciel ne font veus. Secondement,
quand on ignore le port. Tiercement, quand
on ne peủt auoir aucune ayde des hommes.
Quartement, quand il n'y a point de recours
ou ouuerture pour fuir, & efchapper.Ceux qui
nauigent fur la mer fçauent trop mieux ra
compter les perils d'icelle, felon que dit
- Ul1
L E s o c r A. D E s R o y s. I95
uid:lpst viderunt opera Domini , & mirabilia eius Pſal.teo.
in profundo.Ceux qui vótfur la mer,ont cogneu
les aeuures de Dieu à ſes faićts admirables fur
la mer.Cinquiefmement, car ils eſtoyent en la
mer,laquelle de foy-metme fans autre accidét,
apporte aflez de peril à l'animant terreſtre,có
me eſt l’homme. Car fans peril, nous ne pou
uons verfer ou frequenter vn eſtranger ele- 1

ment, comme eſt la mer. Sixiefmement, la :

tempeſte s'eſleue, voylà vn autre & plus grand


peril.Septiefmement,IeſusChriſt auqueleſtoit
tout leur confiance dormoit: voyla vn tref,
grand peril, mefines quand le patron des Gal
leres dort en peril eminent. Et toutefois le
Dieu de toute mifericorde , & perc de tou * *

te confolation les a en telle & fi grande ne Mouuemene


ceſſité ſecouru, & ſubuenu. Ce mouuement de tempeste
tempeſtueux, a eſté faićt pour pluſieurs cau /ius la mer,
fes. Premierement, pour la frayeur, & eſpou-pourpluſieur,
uentement des Diſciples, à fin qu'eitãs eſpou- "fans.
uentez, ils criaſſent à noſtre Seigneur, & apres
auoir veu le miracle, ils fuſſent plus confir
mez , & corroborez en la foy, comme chante
Dauid: Ad Dominum cum tribularer clamaui, & "/*l-"º
exaudiuit me. Quand i'eſtoy en tribulation,i'ay Ioan. I :r.
crié à noſtre Seigneur,& il m'a exaucé.Secon- za
dement, pour manifeſter la S
gloire de Dieu,qui uient qque les
pour fa vertu trouble la profondite des abyf hea / "free
mes de la mer, mirigue, adoucit & appaife les
mouuemens des flors & vagues de la mer. A 4ais, C9 atz
eeste cauſe l'enfant eſt nay aucugle , à fin que contraire.
- N 2.
2.
196 1 1 I. d 1 M E N c H E A P R E s
en fon illumination,la gloire de Dieu fuſt rna
nifeſtee. Auffi le Lazare est mort,à fin qu’en fa
fuſcitation, la gloire de Dieu fuſt manifeſtee.
Tiercement, pour la correćtion du traiſtre Iu
das, qui eſtoit auec les bons.Car fouuent il ad
uient que les bons font troublez pour les pe
- chez des mefchans,pour la focieté& cõpaignie
des iniuſtes,les iuſtes font affligez. Tout ainfi
que Dieu pardonne à pluſieurs mauuais , pour
la bonté d’vn, ou de pluſieurs bons : ainſi pour
l'amour defdićts bons & iuſtes, s'ils fe fuffent
genestrs, trouuez en Sodome, & aux citez voyfines , &
Hiere.s. prochaines, Dieu vouloit pardonner à tous. Et
fi l'homme faiſant iugement, & cherchant la
foy, fut trouué en Hieruſalem, Dieu leur vou
É u La loit eſtre propice,& fauorable. Auffi Dieu don
que les na à lApoſtre fainćt Paul, deux cens feptante
bons föufrët fix ames (comme recite S. Hieroſme, contra Vi
t “ “ gilantium ) leſquelles eſtoyent auec luy en la
nacelle, quand ils fouffroyent la tempeſte de la
mer l'eſpace de quatorze iours, Austi il aduient
fouuent que pluſieurs bons fouffrent pour le
I./, z. peché dvn ſeul meſchant. Acham en rendteſ
moignage auec fon larrecin , & maledićtion.
2.Reg. 2r. Item Saul qui iniuſtement affligeoit les Ga
- baonites, il a deferuy par ſon peché & deme
* Kfs */ rité en tout le peuple d'Iſraël, la cherté & fte.
rilité l'eſpace de trois ans. A cauſe de l'a
***** dultere de Dauid ſous Abfalon fon fils , tout
4. Kfg. 20. Iſrael eſt troublé. Et pour auoir faićt nom
brer le peuple, tout Iſrael fuſt affligé du fleau
de
* L e s o c T A. D e s R o y s. 197
de peſte. Pour l'inobedience de Ionas, la mer ionas r.
alloit & fouffloit fur tous ceux qui eſtoyent en
la nauire. Et fut faićte grande tépeſte en la mer,
& la nauire en grand peril d'eſtre enfoncee.
Quartement,pour repreſenter le myſtere de la
paſſion de noſtre Seigneur Ieſus Chriſt & Sau
ueur,àfçauoir que luy dormant en la croix,vne
trefcruelle tempesteaduiédroit auxDiſciples,à Ioan.se.
fçauoir de negation,doubte, tribulatiố,& fcấ
dalle.Car en ce tếps là, tous les Diſciples apres
tous. Quintemét, pour
demonſtrer la generalle tribulation & aduerfi
té de ce temps preſent. Car comme deduit fort
biế S.Paul:Omnesquipiè volunt viuereinChristo, , , ... :
execrationempatientur.Tous ceux qui veulết vi-
ure fidellementen Ieſus Chriſt,ſouffriront per
fecutiố:Permultastribulationes oportet nos introi
rein regnum Dei. Par beaucoup de tribulations
il nous faut entrerau Royaume des cieux:mais
fi la verge de correćtion commence par les
efleus & amys de Dieu. Quelle fin fera-ce de
ceux qui ne croyết pas en l'Euấgile de Dieu? Si
les Apoſtres en la nacelle font troublez auec
leſquels estoit Dieu, & leſquels il appelloit fes
amys, qu'eſt-ce qu'il aduiendra aux reprou
uez, qui ne veulent que Dieu regne fur eux:
ains audacieuſement ils le prouoquent à ire
& courroux contre-eux , comme monopo
leurs & rebelles à fes diuines inſpirations? Ef
coute ! ô homme mortel. Ieſus Chriſt com
mande à ſes Diſciples de monter en la nacelle
N 3 ,
198 1 1 1. D 1 M E N c H E A P R E s
laquelle feroit en perilde naufrage, par la term
peſte de la mer, & par l'impetuoſité des vens,
& luy premier y eſt monté, & fes Diſciples
l'ont enfuyui.Penfezvous que cela ait eſté fait
fans myitere ? Certainement non : car par ce
faićt noſtre Seigneur a voulu monſtrer que
l'hornme Chreſtien doit porter fa croix a Pres
fon Chef Ieſus Chriſt, & pariemment endu
rer ce que la chair & le monde a en horreur,
& abomination. Pluſieurs veulent enfuyure
Ieſus Chriſt quand toutes chofes leur font
proſperes, & à fouhait. Quand ils entendent
que Ieſus Christa fatisfaićt pour nous, & qu’il
nous a reconcilié auec le Pere celeſte, & qu'il
nous a reſtitué en liberté. Lors ils defirent
enfuyure lefus Christ, & prononcent de bou
che qu'ils ayment l'Euangile , ils croyent &
difent qu'ils font Euangeliques: toutefois no
fire Seigneur appelle les fiens à la mer. C’eſt
a dire, à la croix d'aduerſité. Et fi tu es vray
Euangelique, par ceſte voye il te faut enfuy
ure Ieſus Christ , paſſer outre la mer de ce
preſent fiecle, & par grands tourmens & tem
Peſtes, aduerſitez , tribulations , maladies, &
Perſecutions, tafcher d'aller au païs promis:
& lequel Dieu a preparé aux vrays patiens:
'/***** Ipſe autem dorwiebat Voyci choſe admira
ble» celuy dort , duquel il est eſcrit : Ecce
nºn dormiet qui caffodit Iſrael. Voyci celuy
qui garde Iſraël , ne fommeillera point , &
ne s’endormira point. Et il eſt dit mainte
Ilallt

|
. . . 1 E s o c r. d e s R o y s. 199
nant , il dormoit à fçauoir de corps , mais il
veilloit d'eſprit & de diuinité. Comme il eſt ef
crit aux Caņtiques:ego dormio,corautē meum vi- gant f.
gilat. Ie dors & mon coeur veille. Il dormoit :
pour nous donner à entendre”“”“”“
a verité de fon humanité. Carle Verbe diuin
eſt faićt chair & hőme. Ce n’eſtoit pas vn dor
mir fainćt ou fimulé. Car comme vray hom- |

me vrayement il dormoit, à cauſe qu’il eſtoit


laſſé par labeurs,par veilles en oraiſons à Dieu
fon pere: par inſtance & continuelle diligence t: -

de predication : & par perfeuerance de ieufne # &=

& abstinence. Finablement Dieu dort quand


les paſteurs & moderateurs des Egliſes ama
doüez & allechez par les plaifances corporel
les, vanitez mondaines & voluptez charnel
les, font endormis au profond ſomme de la
chair & peché:tellemét que quelque cris qu’on
face ils ne fe vueillent eſueiller, fi profonde-
ment ils dorment fans foucy du troupeau qui
leur eſt commis, & fans memoire de leur pro
pre falut, fans penſer:i'ay en garde la berge
rie de Ieſus Chriſt: vn iour & pluſtoſt que ie
ne penſe il me faut comparoiſtre deuant la fa
ce de Dieu,qui eſtiufte en fes iugemens & au
quel on ne peut rien cacher ou celer , & qui
pour la redemption de fes brebis a reſpandu
& eſpanché ſon precieux & digne fang,qu'eſt
ce que ie luy reſpődray? Ie deuois paiſtre com
me paſteur
paſture. les brebis
Affauoir de fon parc
reueremment de la vraye
adminiſtrer 2 Feurs.***
les’a
N 4
2.OO I I I. D I M E N c H E A P R E s
fainćts Sacremens, fidellement & vtilement
diſpenſer & declarer la parolle du fainćt & fa
cré Euangile, donner exemple de bonne vie
& fainćte conuerſation : & voicy ie ne les ay
pas nourri de la doćtrine de falut , ains par
mauuais exemple & par ma ſcãdaleuſe vie,i'ay
eſté leur condućteur, pour les conduire auec
ques moy au feu de la geine infernalle.O Chre
ftiens, Chreſtiens, ce n'eſt pas de merueilles fi
les tempeſtes des herefies font auiourd’huy
efleuees en noſtre Chriſtianiſme , là où Ieſus
Wief ****** Chriſt ainfi dort en fes paſteurs. Car auiour
feurs eccle- d’h - - * - * -

fastiques. -
uy , funt canes muti hon valentes latrare : ne
- - - * A * *

Efa.s. fcierunt faturitatem,ignorauerunt intelligẽtiam.Ce


FR:eh.s* font chiens muets, aueuglez & endormis, qui
ne fçauent rien : & n’oſent abbayer , ils font
bien curieux d'auoir des palefreniers pour
leurs cheuaux , faulconniers pour leurs oy
feaux, cuiſiniers pour nourrir leur pance , &
engreffer leur pareſſeux ventre : & ne fe fou
cient du pauure troupeau de Ieſus Chriſt, le
quel leur fera vn iour rendre compte des bre
bis qui font peries par leur faute signerance,
mauuaife vie & nonchalance, & les requerra
de leurs mains.
Et que ferons nous en tel affaire & en tel
defaſtre , finon ce qu'ont faićt les Apoſtres:
auecques leſquels nous dirons : Domine falua
nos perimus: Et fes diſciples vindrent à luy &
l'efueillerent, difant : O Seigneur fauue nous,
nous periffons. Les Apostres eſtans en telle
* - - deſtrefle
zr–

1 e s o c r. d e s R o Y s. zor
destreffe & extreme neceſſité, ne fçauoyent
qu'ils deuoyét faire, finő auecques le bon Roy
Ioſaphat leuer les yeux à Dieu,en implorant la "**°.
grace & beneuolence de Ieſus Chriſt: penfans “*”
que toute perſonne qui inuoquera le nom de
Dieu, fera fauué:& aủecques Ieremie: Domine "*""·
frtitudo mea & robur meum, & refugium meum
in dietribulationis. O Seigneur tu es ma force & #
ma puiſſance, & mon refuge au temps de tri- .
bulation. Les Apoſtres font icy trois chofes. christ, e ci
Premierement ils s’en vont à luy auecques affe- ment.
ćtion. Secődement ils l'eſueillét auecques cla
meurs & cris.Tiercemét ils le prient auecques
fupplication. Et pource dit noſtre Euangeliſte,
Accefferunt. Ils font venus auecques vne ple
nitude de foy. Accedentem enim ad Deum, opor
tet credere. Car il faut que celuy qui vient à .
Dieu, qu’il croye. Auffi ils font venus auec- *

ques confiance au throfne de grace, pour obte


nir mifericorde au temps conuenable & op
portun. Ils l'ont eſueillé auecques clameurs &
cris, difant auecques Dauid: Exurge Domine
quare obdormis? Exurge Domine, adiuua nos pro
pternomenfanttä tuum.O Seigneur efueille toy,
pourquoy dors-tu ? O Seigneur lieue toy & ***
nous ayde,& nous deliure par ton nom. Dicen- m.
tes Domine. En difant auecques ſupplications
& prieres,Domine in cuius ditione cuntta funtpost
ta, & non est quipostit tuæ reſistere voluntati: Sei
gneur en la puistance duquel toutes chofes
font miſes, qui fais toutes choſes que tu veux,
** N 5
2 C2. I 11. d 1 M E N c H E A P R es
tãt au ciel qu'en la terre, & en tous les abyfmes,
comme le Roy des Roys, le Seigneur des Sei
gneurs, le Prince & Monarque de toutes crea
tures qui frappe & guarit, bleile & medecine,
qui meine au ſepulchre & rameine , qui mor-
tifie & viuifie, quias les clefs & l’empire de la
mort & de la vie en tes mains & puiſſances:En
ceſte oraiſon ils alleguent & mgttent en auant
la puiſſance de Dieu,diſans : Seigneur. Ils de
clarent leurindigence & neceſité,difans:nous
periffons ſi tu ne nous donnc fecours.Carcom
Ofeer.
me dit le Prophete Oſee : Perditio tua ex te If:
rael,eæ me tantummodo auxilii tuum.Noſtre per
dition eſt de nous, & ſeulement de toy nous
Pfal. 62. vient ayde. Puis ils implorent fa mifericorde,
difans: Salua nos.Sauues nous, qui fauues ceux
qui ont eſperance en toy. O bien-heureux di
fciples de Ieſus Chriſt, vous auez le Sauueur
auecques vous,& vous craignez le peril ? vous
auez la vie auecques vous, & vous craignez la
mort. S'enfuyt l'increpatió de Ieſus Christ,leur
difant: Quid timidi estis modice fidei? Que crai
gnez vous gens de petite foy ? Il les reprend de
deux chofes,toutefois benignement:A fçauoir
Pfalas. de la pufillanimité & foibleſſe de penfee.Caril
eſt eſcrit:6 stambulauero in medio vznbræ mortis,
non timebo mala,quoniam tu mecum es. Et fi ie che
mine au milieu de l'ombre de la mort , ie ne
craindray point les choſes mauuaifes:Cartu es
auec moy. Secondement il reprend la petiteſ
fe de leurfoy. Ce qui estoit reprehenſible aux
diſci
. ' L E s o c r. D e s R o y s. aos
Diſciples: car ils craignent par crainćte, où il
n'y auoit point de craincte : pource qu'ils
croyoiết que Ieſus Chriſten veillát les pouuoit Puiffance de
la parolle di
fecourir,& non pas en dormant. Mais voyons uiwe.
ievous prie comme en eſprit de douceur il in
fruićt les foibles en la foy, & les corrige en
mifericorde, nous laifiant exếple comme nous
deuons eſtre doux & debonnaires en la corre
ćtion de nos freres. Noſtre Seigneur monſtre
icy la puiſſance de fa parolle:Tücfirgens.Alors
feleua fans delay,apres les prieres de fes Diſci
ples:Imperauit ventis & mari. Il commanda à la
mer,& aux vents.Et apres la tépeſte, eſt faićte
traſgrāde tráquillité: apres tristeſſe,lieste:apres
labeuf,falaire:apres la guerre, & bataille,il dő
nevićtoire,il donne la couronne de gloire.Car
il eſt eſcrit de luy: Tu dominarispotestati maris: pſal is.
fonum fluctuum eius tu mitigas. Tu domines la
puiſlance de la mer: tu appaiſele mouuement
de ſes flots,& vagues: Porrò homines illi mirati
funt.Lors les hommes, à fçauoir tant les Diſci
Ples, que ceux qui eſtoyent en la nacelle auec
Ieſus Chriſt,apres auoir
veu ce grand miracle,
s'eſmerueilloyết,& non fans cauſe.Car parfon
ſeul commandement la mera Exod.rz.

Point par vne verge, comme Moyſe: non point


Parvn manteau, comme Helie, qui auecques 4.TR/g.2.
lon manteau,frappales eaues du Iordain , lef
quelles fe diuiferent çà & là:& Helie, & Heli f

ſe paſſerent à fecinonpar priere,comme Heli


Requipastale lourdain àfec nốpoint parvne
Arche
2o4 i 1 1. D 1 M e N c H E A P R E s
Arche de l'alliance,quand les eaues de Iordairi
fe deſtouperent, & les eaues de deſſus s'arre
//***: sterent, & celles de deſſous deſcendirent:& Io
fué paſſa outre vers Hierico: Dicentes qualis est
hic. Difant,quel eſt ceſtuy-ci: Car le ſomme &
dormir le demonſtre homme,& comme vray &
pur homme vrayement il dort. La tranquillité
faićte en la mer à ſon commandement,le pref
che eſtre Dieu. Et pource en s'eſmerueillant,ils
diſent,quel eſt ceſtuy-cy? Il dort comme hom
me,& faićt miracles comme Dieu. Ils s'eſmer
ueilloyent de l'homme dormant, & de Dieu
commandant comme Createur, & les creatures
luy obeyffent : Quia venti & mare obediunt ei.
Carles vents & la mer luy obeyflent.Icy gran
dement eſt taxee & blafmee nostre peruerſité
humaine, laquelle ſeule eſt à Dieu rebelle.
Meſmes que les choſes infenfibles obeyffent à
Dieu. Le feul homme ingrat,ſuperbe, arrogất,
Ingratitude & obſtiné, donné en fens reprouué, oyant la
* "***" voix de nostre Seigneur, cognoiſſant fa volon
té,ferme fon coeur, fesoreilles, fes yeux, & fa
bouche, ne voulant cheminer en la voye des
fainćts & diuins commandemés: mais leue ſes
cornescontre fon Seigneur, & Createur, che
minant apres fes concupiſcences O ingratitu
delô malice!ô peruerfité damnable,qui meſpri
fe les commandemens de Dieu,fes confeils fa
lutaires. Ne craignez vous pas les eſpoụuen
tables iugemens de Dieu? Voy ci toute creatu
re obeyt aux commandemens de Dieu,
-
# Cull:
L E § o c T. D E S R OYs 2O5
feul homme auec le diable,refuſe d'obeyrà fon
Createur. Et toutefois l'homme fans compa L’hommedoit
obeyr à Dieu
raiſon eſt obligé d'obeyr à Dieu, plus que tou plus que les
tes autres creatures,pour pluſieurs raiſons. Pre As Affres creatte

mierement,pour le benefice de creation: car il res, G’pour


t'a creé,figné,& marqué du feau de fon image, quoy.
Secondement , pour le don & benefice de re
creation gratuite. Tiercement , pour la garde
Angelique. Quartement, pour le don de la loy
Euangelique. Quintement, pour l'adoption de
la gloire celeſte qu'il a promis & preparé à ſes
enfans,obeyffans à ſes fainćts & diuins cóman E/a. r4.
demens, qui eſt vn fi grand bien,que Oculus non r. Cor. 2.
vidit,nec auris audiuit,nec in cor hominis aftende
runt que preparauit Deus diligentibus fè. Qu’oeil
n'a pas veu,nyoreille ouy, & n'eſt pas mõté au
coeur de l'homme,ce que Dieu a preparé à ceux
qui l'ayment.Certainement vne chofe t'eſt ne
ceffaire laquelle il te demande,recommãde, &
commande. Si tu la fais, tu viuras eternelle
ment.Et quelle eſt ceſte choſe? obeys à la voix Pfal.r27,
de noſtre Seigneur, fais fon commandement,
tu feras bien-heureux,& il te fera bien. Alors: P/al.20.
Accipies benedictionem à domino & mifèricordiam
à Deo falutari tuo. Tu receuras benedićtion du
Seigneur, & miſericorde de Dieu tonSauueur.
Alors noſtre Seigneur te donnera benedićtion
au fiecle des fiecles.Il te refiouyra en lieffe de
uant ta face. Noſtre bon Dieu & Pere redem Oraifon.
pteur, auquel toute creature obeyt, vueille par
la clarté de fon fainét Eſprit , illuminer nos
COCU IS
2o6 I I I I. D I M E N c H E A P RE S
coeurs & entendemés,pour les dreſſer à la droi.
ćte voye de fes faincts & diuins commande
mens, à fin qu'apres le nauigage en la mer de
ceſte preſente vie , nous puiſſions paruenir au
port de falut perpetuel,de reposeternel,de paix
continuelle,& de ioye qui toufiours dure, pour
adorer le Pere, le Fils, & le fainét Eſprit , vn
feul & vray Dieu, auquel ſoit loüange, hon
neur, & gloire à tout iamais.Amen.

ov ATRIES ME DIM EN CHE


A P R E S L E S O C T. D E S R O Y S.

rs. If, È #
Matt. | Imile fatium est regnum cælorum ho
Marc. 4. | mini qui feminauit bonă femen in agro
AY || fito. Au S. Euangile d'auiourd'huy
čij (Chreſtiens) nous auons à confide
Böté de Diete
rer principallement deux choſes : fçauoir eſt la
G’ malice du
bonté de noſtte Dicu , & la malice du diable,
diable. infidiateur de nos ames. La bonté de Dieu,
quand il eſt dit (le Royaume des cieux ) c'eſtà
dire , l'Eglife militante, la congregation des
Chreſtiens,& la foy Catholique (eſt faićt fem
blable à vn homme) à fçauoit Ieſus Christ (qui
a femébonne femence) c'eſt à fçauoir,la parol
le de la foy &de l'Euangile (en fon champ) c’eſt
à dire, en fon Eglife. Auquel lieu nous faut
noter que le Royaume des cieux n’eſt pas prins
pour le Royaume triumphant, auquel main
tenant regnent les eſleus auec Ieſus Chriſt, &
font heureuſement aſſis auec Abraham, Iſaac,
1. E s o c r. D E s R o y s. , 2o7 | |

& Iacob, duquel lieu a eſté dechaſſé le grand |


dragon Lucifer auec ſes complices & | || | | | |
tes: ains faut entendre par ce Royaume, com- - || |
me nous auons ia dićt, la congregation & af- | |
femblee, ou bien la multitude des bős & mau
uais, comme en l'aire la paille eſt auec le fro
ment, & comme les rets & filets attirent des
poiſſons bons & mauuais, & auquel les vier
ges fottes & folles ſont auec les fages & pru i
-, - * - - | |
dentes. C'eſt donc noſtre Egliſe militante, où | |||| | ||| | ,,
les bons & mauuais font meflez enſemble. *
| || || || || || ,
En paradis il n'y a que desbons,en enfer que | | i | ||
,
des mauuais: en ce monde bons & mauuais. * | | |
Voylà la bonté de Ieſus Chriſt noſtre Seigneur i

& Sauueur qui a femé bonne femence en fon |


|
champ, à fçauoir la parole de la loy & de fon
fainét Euangile qu’il a femé au champ de fon
Egliſe. S’enfuit la malice du diable : Cùm au
tem dormirent homines : Et quand les hommes
dormoyent, c'eſtà dire, ceux qui estoyentor
donnez pour faire le guet, pour auoir l'oeil ou
|
|
uert & faire la veille ſur letroupeau: à fçauoir
les Paſteurs de l'Egliſe,aufquels le digne Apo
ftre Sainćt Paul faiſoit exhortation ,
Attendite vobis & vniuerſo gregi,in quo vos ſpiritus ****
fančius pofuit Epistopos regere Ecclestä Dei, quam ',
acquistuit fanguine fuo. Prenez garde à vous,& à -

tout le troupeau, auquel le fainct Eſprit vous


a mis Eueſques pour gouuerner l'Egliſe de
Dieu,laquelle il a acquiſe parfon fang: & auf: Ezech, s. er
quels il eſt dit par l'eſprit de Dieu : Speculato-ss. |

| ?'^//2
2ο8 I 1 I I. D I M E N c H E A P R E s
rem dedi te domui Iſrael.& audies de ore meo ver
bum & annunciabis eis ex me. Ie t'ay mis pour
guetteur ſur la maiſon d'Iſrael, tu eſcouteras
la parole de ma bouche, & les admonneſteras .
de par moy. En figure dequoy il eſt dit que,
erant pastores vigilantes & custodientes vigilias
Luc.2.
notiis ſupergregem filum.Les Paſteurs veilloyent
gardant les veilles de la nuićt ſur le troupeau.
r. Petr. J.
Aufquels ſemblablementil eſt dit:Sobry eštote,
& vigilate: quia aduerfarius vester, &c. Soyez
fobres,& veillez,pourtant que voſtre aduerſai
re le diable chemine comme vn Lyon bruyant
à l'entour de vous,cerchất quelqu’vn pour de
Les ‘T’affeurs uorer, auquel reſiſtez fermes en foy. Les Pre
de l'Egliſe lats dorment en trois manieres. Premierement
dorment en
trois manie quand ils font abbeſtis & endormis en pareffe,
7"efe negligence, & laſcheté. Contre leſquels crie
Prouerb.or. ce grãdoracle de fapience Salomon : Diſcurre,
festina.fi/cita amicũ tuum:nedederis ſomnum ocu
lis tuis, nec dormitent palpebre tuæ. Va, marche &
follicite ton prochain, ne donne point fom
me à tes yeux, & que tes paupieres ne fom
meillent point. Mais helas? Dormiunt in letiis
Am 0s 6.
eburneis, & laſciuiunt in stratis fuis. Ils dorment
en leurs licts d'iuoire , & follaſtrent en leurs
Ioan. I 3.
couches:Vident lupum venientem, &c. Ils voyent
le loup venir qui matte,perd, eſpard,deſtrouste
& brigande les brebis Chreſtiennes: & neant
moins ils ſe taifent. Quia non pertinet ad eos de
ouibus. Ils ne ſe foucient point des brebis. Se
Philip.2. condement les Paſteurs dorment, Quando que
fua
|
- L E S O C T, D E S R O Y S, 2ο9
fta funt querunt , & non que funt Ieſu Christi.
Quand ils cherchent les choſes qui font à eux
meſmes, nőpoint celles qui font à Ieſus Chriſt.
Tiercement,ilsdorment:Quandopaſcunt femet: *Richa".
ipſos,& non pafcuntgregē domini. Quand ils paif N

ent eux-meſmes, & non pas le trouppeau du


Seigneur : lequel dit ainfi: Va pastoribus Iſrael.
Maledićtion ſur les Paſteurs d'Iſrael, qui paiſ
fent eux-meſmes, & ne paiſlent pas le trou
au du Seigneur. Toutefois ils doyuết paiſtre
es brebis de nostre Seigneur. Premierement, Pafur dela
de la paſture de la parolle de Dieu, & faine fleurs 'doyuết
doćtrine, laquelle est felon l'Euangile, de la patstre les bre
gloire de Dieu beneiſt. Secondement, de la bis du parc de
paſture de la grace de Dieu, par l'adminiſtra- nestre sei
tion des fainćts ſacremens de l'Egliſe de Dieu,*****
lefquels font les vaiſleaux contenans la grace
de Dieu. Tiercement, de la paſture de fain
ćte vie,& exemplaire conuerſation. Et pour la
pasture corporelle , fubuenir des biens de leur
Egliſe , à l'indigence & neceſſité des pauures.
S'enfuyten l'Euăgile:Venitinimicus homo. L'en-
némy d'iceluy vint , non appellé,ſans licence,
& commiſſion impetree de Dieu. O nonchal
lance des Prelats! O maudićt ſommelvous dor
mez: mais l'aduerſaire auecques fes miniſtres
qui font les Heretiques,ne dorment pas. L'ad- mé
Le diehlen
uerſaire combien qu'il ne foit homme, toute höme, C3’ -
fois pource qu'il a vaincu l'homme en paradis A

terrestre ab euentu, il est appellé homme: Et


/perfeminauit KRania. Eta f; deflus zi
-
2IO I I I I. D I M EN C H E A P R E S
zanies au milieu du froment, & s'en alla.Par les
zizanies, nous entendons erreurs, maux,& vi
ces, & tous pechez , leſquels font commis par
la Ảmnasie fuggestion du diable.
Noſtre bon
Dieu & pere trefbening, & debonnaire, auoit
femé au champ de fon Eglife, les parolles de
vie eternelle , de verité, honneste
té, de bonnes moeurs, beauté de vertus, abon
dance de grace, par l'administration des fainćts
Sacremés de l'Egliſe de Dieu.L'ennemy de no
ftre falut, enuieux d'vn fi grãd biếeſt venu,qui
par le moyen de fes Apostres & officiers,à fça
uoir des Heretiques ennemys de noſtre fain
ćte foy Catholique, a entremeſlé fes mortife
res venins entre le froment de la doćtrine de
la foy, entre le pain de la parolle de Dieu, &
entre l'eau de fapience falutaire:lequela adul
teré la fainćte parolle de Dieu , foüillé les
fainéts Sacremens de fon Eglife. Le champ de
noſtre Egliſe a eſté acheté par le prix du pre
cieux fang de Ieſus Chriſt, auquell'aduerfaire
a femé erreurs dommageables, fauſſes doćtri
nes, hereſiès damnables, diuifions pleines de
troubles, douleurs, iniquitez,iniustices, & im
pietez,fans moyen, & nombre. Veillons donc
mes amys,& freres Chrestiens, à fin que Sathan
. **
Les viaux ad
ne trouue en nous aucun lieu pour femer fa fe
34 e77 146 44.47
mence damnable. Le Roy Saül dormant a eſté
dormans. deſpoüillé de fes armes: les cheueux ont eſté
3. Reg.2 r. couppez à Samſon dormant, aufquels confi
Iudie.19. force,) & lequel fuſt prins, lić, garrotté,
& .
s L e s o c r A. D es R o Y s. 21r
& finablement on luy a osté & eftainċt lesdeux
ardantes chandelles de fes yeux, en luy cre
uant & arrachant les deux yeux de la teſte. Lå
femme dormant a fuffoqué ſon enfant:L'aron- 3 Rezs,
delle
ila eſtéa fianté
aueuglé.Lesdiſciplesdornásfoht en- 2.ii.--
furles yeux de Tobie dormãt,dőt “ t/7, 26 e

trez en tentation, öntſbuffert fcandalle en Ie


fus Chriſt, & pour la craincte de la mort ils Matth.,,.
ont defauoüé & renoncé la vraye vie. Ainſi
les vierges dormant & ſommeillant,la porte du
Royaume leur a eſté ferinee: & pource veila
-
- |
lons en operation de bonnes oeuures, car nous
fomrnes les enfans de lumiere. La zizanie pro- Zizsenie fr
prement ſignifie la multitude des pechez:Þre- tepe- ,
mierement
tueuſe:voilaelle avneSecondement
orgủeil. puistànce inflatiue
elle a&puiſ-
vã rquey"
fance ſubtile & ague: voila auarice, Car Faủa- *

ricieux comme le rafoüerbien affilé faićt dol;


finelle,cautelle, & tromperie. Tiercement el- „s.
le a puiſſance perturbatiue de teſte, detaiſon
& entendemetit : qui ſignifie ire & courroux:
duquel il eſt efcrit: Conturbatus est in ira oculus Pſal.so.
meus.Mon ceil eſt troublé en ire. Quartement
elle mortifie : qui ſignifie entrie,de laquelle il
eſt eſcrit: Virumstultum interficit iracundia, G.
paruulum occidit inuidia Courroux occit l'hom
me fol, & enuic metà mort le conuỏiteux. " '
Quintement elle avne puiſſance inebriatiue:
voylà yurongnerie, pour laquelle les hommes
fonrtroublez & efmeus. Sixiemement elle eſt *

venimęufe : qui fignifie luxure, laquelle com


· · · ·) - / O 2.

s)
2I 2 I I I I. D I M E N G H E . A P R E S -

bien qu'elle femble eſtre douce, toutefois elle


apporte la mort, & est amere comme l'aluine,
&affilee comme vn glaiue à deux trenchans,
Septiefmement elle müe la faueur du pain,
elle le rend noir & fans faueur : qui ſignifie
pareſſe. Car oraiſon, ieufnes, veilles, aumof
nes , ouyr la parole de Dieu & fon diuin fer
uice , toutes & telles choſes font aux pareſſeux,
fans gouſt & faueur. Cùm dormirent homines,
Quand les hommes dormoyent. Voyla la non
challance des Prelats, l'ennemy vint, & fema
par destus zizanie au milieu du froment,&s'en
e.n.m, in alla. Où il nous faut entendre que noſtre en
f. rnal n'a nemy n'a aucun chamip qui luy ſoit propre:
point de chip
Mais il eſpart fes mefchantes ſemences au chấp
prepre.
----
d'autruy, à fçauoir de Dieu, Car le ciel, para
dis, le monde, l'Egliſe, le coeur de l'homme,
toutes ces choſes font les eruures de Dieu: &
Matth, f. pourtantil mentoit: quand il promettoit à Ie
fus Chriſt tous les Royaumes du monde & la
gloire d'iceux, difant: Hæc omnia tibi dabo,crc.
Ie te donneray toute ceſte puiſſance & leur
gloire: car ils me font donnez, & iela donne à
qujie veux. Parquoy fi tu te veux ietter de
uant moy,& m'adorer,tout fera tien. Ce n'est
pas de merueille s'il m’ent, Car Mendax est &
Ioan. 8. pater Mendacij:Car il ett menteur, & le pere de
menſonge: & lequel n'est pas appellé le Prin
ce du monde par creation ou par proprieté:
mais par le nom du monde »font fignifiez les
mondains & amateurs du monde, deſquels le
* diable
- L. E s o c T A.: D E s R o Y s. --213
diable eſt Roy & Prince excellent de malice,
impieté, & vice: & pource au monde il n'a
rien qui luy ſoit propre. Semblablement en
l'Egliſe de Dieu & au coeur de l'homme il n'y
a aucun droićt ne puiſſance, finon autant que |
# noſtre negligence luypermet. D’auantage il
# nous faut noter que les femences de Dieu & “
-

|

de Ieſus
: font Christ, & du diable & de l'antschrift ."
|
contraires. Dieu feme bonne femence,
& le diable mauuaife: Dieu feme grace, & le res.
diable coulpe: Dieu femie vertus, & le diable
vices. contre humilité de Dieu cherie,
le diable feme orgueil de Dieu hay : Contre, , , , ,
charité,rancune contre douceur, fureur: con- -
ai
| !

tre diligence de labeur, pareste: & parrauarice


il met hors la liberalle communica
tion des biens: Il ſurmonte attrempance: qui
eſt la maistreffe de vertu ſur l'appetit defor
donné, par immoderance ee & deſme
furee: & par luxure il fo uillela faincte & honi
neſte chafteté. . . . . ::: . '; i - į oli 1: :
-

Retournons à l'ordre de nostre fainét Euan-ra»y vº


gile: Et abijt. Cartoufiours il chemine & cir- 1. Petr.s.
cuit querens quem deuoret.Enuiróne laterre, cerr . . ., ...
- -

chant quelqu'vn pour deủorer. Par là nous -

- *

vovons que Dieu n’est pas autheuride peché, Pie" n'est


comme ſe teſmoigne ſe diuin Prophete:Ba- itear
uid: Quoniam non Deus volens iniquitatem tu es. p. :
Dieu ne veut pointiniquité: Perditio tua Iſraél osté.
exte : tantum modo in me auxilium tuum: Tu t’es
perdu Iſraël , nuano, etomayde. Et
. 3
;214 14 11. d 1 M e N c H E A P R e s
pource quandon demande dont vient que ton
champ a des zizanies,promptement on reſpőd,
l'ennemy & non pas Dieu a femé par deſſus
les zizanies. Il n'y a choſeque Satan n'ayt at
tenté contre l'Egliſe de Dieư & les fainćts Sa
!cremens, meſmesideila faincte Eucharistie.
S'enfuit:Càm autem creui/etherba. Et quandle
* froinent fust creu en herbe, par le proufit de
w *** la foyi: carà la predicariou des. Apoſtres, la
a.s multitude des croyats estoit plus augrneritee
én nostre Seigneur. Etfrutiifafeeiffet : & eust
faićt fruict par opciation de bonnes oeuures,
Iacobi 2. Carola foy fans borines. oruures eſt morte.
Tiencappainerunt & zizania. Adoncques s'ap
parurentiauſit leszizanies par manifeſtation
des erreurs & ordures dei peché. Car d'au
tant plus que l'homme croist en gracei& fa
pience, & qu’il prouffite eni vertus, par pure
illuminee & exerciteet, d'autant plus
esoviées, imposturës, & rufes des heretiques,
perils de l'Egliſe, & falut des ames, eſt veu &
similitude apprdhondé. Tout ainſi qu'en la maiſon illu
...a, a minee pardes rayons du Soleil font veuz les
atomes, c'eſt à dire, les petites chofes qu'on
zvoit és rayons du Soleil,qui ne ſe peuuent par
*****" tidleſquelles estoyent cachees és tenehres &
v “ váibres de la nuićt : Ainſi le Soleil dc iusti
. . An* * * a - • ,

a ce qui eſt leſus Christ, vraye lumiere du mon


. No Be illuaninant la maiſon de noſtre penſee par
la foy, par la parole der Dieu, par la grace &
vertü, alors s'apparoiſtront, abstondita tanehr4
: , z“1477?
1. E s o c r. d e s R o v s. 215
rum có manifestabuntur conſilia cordium. Les fe
crets des tenebres,& feront manifeſtez les con
feils des coeurs. Cependant nous auốsicy à no
ter cốme les vices & vertus croiſſent en l'hom
meenſemble,cốme la zizanie auec le froment.
Ainfile loup räuistant ſe couure de la robbe de est de dia
la brebis, comme faux & meſchant marchand.“
| Il vend le cuyure pour fin or, l'eſtaing pour
argent, le verre verd, pour emeraude : les poi
fons mortiferes , pour medecines falutaires:
: amertume pour douceur,& pour myrrhe:Com
me amy fardé & maſqué vſe des parolles d'vn
vray amy. Ainſi.orgueil fe cache fous le man
teau d'humilité: auarice fous la robbe, de li
beralité:ire contrefaiót iuſtice:enuie faićt fem- ' ’
blant d'eſtre charitable: gourmãdife,& yuron
gnerie s'excuſe par neceſſité : luxure fe couure
de chafteré, pour luy faire vmbre : & parelle
veut bailler de diſcretioni: Acce
dentes autem ferui patris familia). Et les ſerui
teurs du pere de famille vindrent & luy di
rent:Domine,nónnebonumfemenfeminasti
l- i :- –’-------- * * -
:
in agroi Les Anges
tuo? Seigneur,n'astupas femé bonhe feměn-, , ;
ce en ton champ? Les feruiteurs de Dieu, à rei, host, de
fçauoir les faincts Anges : Qui funt administra grande admi
;r ffinie in mini im gruper qui
hareditatem capiunt falutis. Qui font leseſprits
{
* **

administrateurs enitoyez en administration


pour ceux qui receuront l'heritage de falut,
propoſent trois chofes; par leſquelles adinita
tion &efbahiſſementeſt augmenté : à ſçaudit,
, : , : ; O 4
216 I I I I. D I M E N CIH E A P R. E S
Premierement,la bonté du femeur. Seconde
ment,labonté de la femence. Troiſiefmement,
la bőté du champ. Toutes ces chofes font bon
nes. Ils l'appellent ( Damine) Seigneur. Par là
ils ſuppoſent qu'il peut toutes chofes. Tu es
bon , & ſeul bon par naturé. Ta femence eſt
bonne , ſemblablement tontchamp eſt bon.
Quia eſtéſi audacieux,obſtiné, impudết,plein
d'enuie, fans reuerence de ta puiſlance, fans
honneur de ta ſapience, en bon
té,fans craincte de res iugemens. Qui s'eſt par
forcé de fouiller,& maculer, corrompre, & de
struirelles choſes par toy bien faićtes: meſmes
Efa.6 6.
en ta preſence, qui tout fçais, vois, & cognois?
Celum enim & terram tuimples. Car tu remplis
le ciel, & Ia terre. Quj eſt-ce qui a meſpriſé
les richelles de ta boňté,patience,& longue at
tente? Vnde erga hahat Rižania ? Dont y font
doncques vennes les zizaries: Et il leur dit:
Inimicus humo hoc fecit. L’homme ennemy a ce
faićt, Par ceſte reſponſe noſtre Seigneur fer
a
me la bauche aux Heretiques: à fçauoir que
* * * Dieu n'eſt pas autheur de poché, & du mal de
‘... . . A
coulpe: Serui autem dixerunt, & vis imus & col,
** ** *,
--
** * ·
ligemut ea? Les feruiteurs bons & fidelles luy
- z- *
ont dit, veux tu doncques que nous y allions
fans retardement, ou delay,&les cueillons? Et
ait,non:ne fortè colligentes Ričenia,eradicetisſimul
& triticũ, Etil dit nőtà fin qu'il n'aduiếne qu'en
cueillant leszizanies, vous arrachez auſſi auec
elles le froment. Penſons icy Chreſtiens, & re
- - - penſons,
.

|
1 e s o c r d e s R o ys.
penſons,combien nostre Seigneur ayme le fro
2r7
|
ment.Car il ſouffre la mauuaiſe feméce en ſon
champ, nő pour autre cauſe que le froment ne
foit arraché. Et pource toutes choſes font fai
F
||||
|
ćtes pour le profit des efleus,à fin qu'ils obtien
nent falut: Sic Deus volens aftendereiram crno- R?” ?
tam facere potentiam faam fieftinuit in multa pa
| tientia vafaire aptain interitã,vt oftenderet diui
|
sr
»v
tias gloria fue in vafa mifericordie, que preparauit
in gloriam. Ainſi Dieu voulant monſtrer fonire,
& bailler à cognoistre ſa puiſſance , a enduré
en grãde patićce les vaiſſeaux d'ire,appareillez
|
à perdition, pour monstrer les richelles de fa
gloire, & vaiſſeaux de mifericorde; leſquels il
a preparé à fa gloire. Et pource difoit-il:Oal-*""·
titudo diuitiarum fapientiæ & ſcientiæ Dei, quàm
incomprehenſibilia funt iudicia eius, & inuestiga
biler via eiu. O profondeur des richeffes de la
|
fapience & cognoiſſance de Dieu! Que fesiu
gemens font incomprehenfibles: &fes voyes
impoſſibles à trouuer. Veritablement les iuge
mens de Dieu fònt vngrand abyfme,& pource
il eſt dit:Sinite vtraque creſcere. Laiffez croiſtre
enſemble l'vn & i'autre, bons, & mauuáis, ap
prouwez;& repronuez. Çar fi toutevne cómu
nauté eſtoit arrachee, alors les iuſtes en icelle
feroyent perdus auec les mauuais & iniustes.
Car auiourd'huy Saul lapide fainét Estienne, Aå,z.
: & bataille cốtre la foy, quidemain eſt changé,
non par nature, ains par grace, en autre hom
me,& faićt la fidelle & claire trompette de l'E
. - O j
218 111 1.o D 1 M E N c H en A P R E s -

-uangile de Ieſus Christ. Laiſſez donc croistre


renſemble l’vn & l'autre: Vfque ad meffem. Iuf
ques à la moillon, c'està dire, iuſques au der
-nieriour du grādiugemết. Ce qu'il fantemten
-dre de ceux qui ne fönt pas notoires ny obſti
* * -nez, ny conuaincus, ny defquels ne procede
le general dommage de l’Egliſe." Gar on ne
******- doit permettre:Maleficos viuere. Que les mal
faiéteurs notoires viuent fils la terre. Comme
faux Prophctes, Heretiques, qui doyuent eſtre
punis de mortimais les pechez ſecrets doyuent
estre delaiſfez, pour eſtre punis aux ſecrets iu
ZR?m,2.
* , opera eius.de Çar
gemens Dieu: Quireddit
il rendra à vnvnicuique
chacun fecundum
fclon fes
" deuures:Mihi vindičiam & ezoretribuam.A moy |
aeſt lavengeắce, & i'en feray remuneratiő:Et in
tempore mefis,dicam mefforibus. Et quandil fera
i temps de moillonnerde finalleretribution; ie
-diray aux moiſlonneurs, c’eſt à dire, aux An-
2 ges : Colligiteprimumzizania. Cueillez premier
leszizanies, pour les feparer perpetuellement
ode la compagnie des iuſtes. Et ce quant à la
ºpeine du dommage, & du fens: Alligate. Et les
afal.rzo. liezsà fin qu'ils ne puiſſentfuyrouleuader:Ad
faciendam vindittäin nationibus,increpationes eo
rum inpopulistad alligandorreges eorum in căpedi
bus cárnobiles eorum in manicis ferreis, vtfaciant in
.v...... eis iudiciă constriptum Pour faire vengeance des
, nations, & pour chastier les peuples, pour lier
les Roys de chaiſnes, & les Nobles en liens de
-fet,pour faire en eux le iugement efcrit.
; (" -
ai ils


1 e s o c r d r s R o vis. i 219.
ils ne pourront fortir desenfers. Comme il eſt
notoire du mauuais riche. Et pource il prioit
: que le Lazare fuſt enuoyé à ſes freres. Et par Luc.ro. **
ainſi, Ligatis manibus & pedibus mittếturin tene- ******* *
bras eæteriores, Les pieds & mains liez feront .
plongez és tenebres infernalles. Alligate ergo ,
faſciculos ad comburendum, Liez les donc- Lierinfizet•
Fø4 472

ques en fagots & bourrees pour bruſler. Lier ** * * *, **

en fagots,c'eſt conioindre & accompaigner les ,


& femblables auecques leurs pareils & - , , , , ,
emblablesià fin que ceux que femblable coul- or
pe a maculé & fouillé, ſemblable peine les ***
fengle,liez
contraigne
les Roys&iniustes,
# ferre. AuPrinces
premier fagot Au premier
feront impies, feront
* – ** * - iez, les Roys

Ducs iniques, Comtes, Barons, Gentils hom


mes & tous ceux qui ont le regime de iuſtice, Magistrati.
tousles magiſtrats, iuges qui ont eu puiſſance *.

de gouuerner, iuger & commander, & n'ont **


pasiustementingé ſelon la volonté du iusteiu: ,
ge. Alligate ea in fasticulos ad comburendum. Il . . .
dira aux executeurs de la iuſtice diuine,liez les
en fagots & bourrees pour les bruſler. Au fe- Austrandf
cond fagot feront liez les prelats & paſteurs
... 3 * * * - v f /les Pre
. liez,
qui n’ont point eu de foucy du troupeau à eux lats G Pa
commis: ains ont cerché les choſes à eux pro- i r.
:es:eneſtudiant en auarice,en faifantſeanda- * .

e,& qui n'auront pašinourry les brebis Chre: \ \


stiennes de la pasture des fainéts Sacremens,
de la parolle diuine,de bonne,fainéte & exem- -
- **\
Plaire conuerſation.devie. Alligataea, Celuy
quiest iuste en ce: iugement dira aux execu
, "it", : - teurs
J
22o 1 1 1 1. D 1 M E N c H E A P R E s
teurs de laiuſtice diuine, liez les enſemble en
fagots pour bruſler. - - - -

4 : f : Au tiers fagot feront liez les Religieux irre


# . : guliers & Preſtres Apoſtats & reuoltez qui
irreguliers , en leurs habits & tontures portent ſignifica
Prestres apo tion de foy,charité & deuotion. Mais en leurs
|
f º r* faicts, vie , & conuerſation font loups råuif
7 m.:/- fans. Parquoy dira le iuſte iuge , Alligate ea.
- Liez les en fagots & bourrees pour bruſler.
ront les ma- Au quatrieſme fagot feront lież les mariez for
K.ſ nicateurs,adulteres,& inceſtueux, qui ont vio
lé lesvierges paillardé auec leurs parentes,vio
Huen. lé& prophant le lict de leurs prochains, non
* ,
- contens du vaiſſeau que Dieu leur auoit don
né en honneur & fanétification. Alligate ea,
Celuy qui eſt iuſte en fes iugemens dira aux
Au cinquief executeurs de la iuſtice diuine,liez les enfem
. | ble en fagots pour bruſler. Au cinquieſme fa
chans.
got feront liez les marchans mefchans, tous
auaricieux,vfuriers,rapineurs, qui ontvendu à
faux poix & fauffes meſures, en trompant &
* deceuant ceux qui achetoyent de leurs mar
* . chandifes. Alligateea. Celuy qui eſt iuste en
... , fes iugemens dira aux executeurs de la iuſtice
diuine,licz les enſemble en fagots pour bruf
4“ fferont
f:: / briques
ler.Au fixieſme fagot
ſenfuelles feront liez liez
& paillardes, les vefues
les en lu
fa
iez, les vef- -- : - * r- r * a – -*

i gots & bourrees poureſtre bruſlez. Et en l'au


ques. tre fagot ferőt liez enfemble les vierges fuper
bes,hăutaines & cốtrefaictes:fils&filles à leurs
peres & meres inobediens: cruels &
o ! ; CIUll
*
*
L E s o c T A. D E S R o Y, s. 22 I
feruiteurs & chambrieres,larrons & larronneſ
fes. Et pour le faire brefles ſuperbes&hautains
de courage, auec les ſuperbes & hautains de
courage:les riches chiches, auec les riches chi- ,
ches,les mutins & detraćteurs qui à tous pro
pos fe courrouſſent, deſpitent, detraćtent &
diffament le bon bruit & renom de leurs pro
chains,tous blaſphemateurs du nom de Dieu,
qui en derifion & moquerie du pitoyablemy-
ſtere de la douloreuſe mort & angoiſſeuſe
paſſion de Ieſus Christ nostre Seigneur & fau
ueur par execrables blaſphemes blaſphement
les precieux membres de noſtre bon Dieu &
pere, redempteur, feront liezenfemble auec
ques leurs ſemblables en fagots & bourrees
pour enfermble øſtre bruſlez: les enuieux auec
ques les ennieux:gourmans& yurongnes auec
ques les gourmans & yurognes: les paillards
& paillardes,auec les paillards & paillardes:les
parelleux & negligens auecques les pareſ
leux & negligens : tous nouueaux perturba
teurs de fainćteté, ennemis de l'Euangile, ad
uerſaires deverité,corrupteurs de la fainćte ef
criture, traistres de la vraye foy Chreſtienne,
larrons & ſacrileges des fainćts vaiſſeaux & ca
lices conſacrez pour l'exercice du diuin office:
rćuerfeurs des autels, meurtriers & ſanguinai
res des Chreſtiens Catholiques & fidelles, he
retiques ſacramentaires & ſchiſmatiques par
le iuſte iugement de Dieu feront conioinćte
ment & enſemblement liez, pour enſemble
- eſtre

/*
i22 I I I I. D I M E N C H E A B R E S

eſtre compagnons & participans en peine &


tourment, comme ils ont eſté en coulpe com
muniquãt pour eſtre bruſlez. S’enfuit mainte
Free/ne de nant le proëſme des eſleuz:Triticum autem con
-- gregate in horream meum. Mais affemblez le fro
p. ment en mon grenier. Par le froment fonten
gnifie les f. tendus premierement les eſleus.Car comme le
le cºnment fromét est blanc par dedãs,ainli font les efleus
G'Pºur4uºy blancs par pureté de conſcience & mundicité
de coeur. Secondement le froment par dehors
eſt rouge:ainfi les eſleuz font rouges par patiế
ce, qui patiemment portent les aduerſitez,attế
dant la mifericorde de Dieu.Congregate ea,Af
femblez-les.Car leur recompenfe fera augmé
Similitude.
tee par la commune focieté des bons & iu
ftes: tout ainſi que la peine des reprouuez eſt
augmentee par la multitude des damnez.Ain
fi la gloire & beatitude des eſleuz fera multi
pliee par l'abondance des bien-heureux : tout
ainſi que l'ardeur du feu est augmentee & ac
croiſt par la multitude des damnez. Mais au
cốtraire,la gloire des eſleuz fuccroiſt & s'aug
mente de ioye parla multitude des fauuez.La

| quelle ioye fera auſſi multipliee par la dou


similitud... ceur du lieu. In horreum meum, en mon grenier:
C'eſt à dire, au royaume des cieux & Paradis
celeſte.Ibūt iusti in vitam aternam,les iustes irőt
en la vie eternelle.Car comme le frornét apres
qu'il eſt femé produit fruićt, & apres eft
moillonné ; il est bartu par les fleaux, brifé &
tompu en la meule du moulin , paiſtry & cuit
CIR

*
1. E s o c r d E s R o Y s. 223
en la fournaiſe du feu ardant, & puis il est in---
corporé au corps de l’homme pour l'entretene
ment de ſa vie. Ainfiest-il desbons Chrestiens
que Dieu ayme.Car comme le froment,ils font
fruiét de bonnes æuures, & fainétes operatiós.
Ils font battus,& viſitez'de steaux, & verges de
noſtre Seigneur en ce rnortel monde.. Ils
•• • /* * * . font
* „ Tit. I.***
cuits en la fournaiſe du feu d'amour diuin. Et ,.,,.
toute leur vie est profitable & vtile à tous, en Luc.rs.
parolle,en cốuerſation,en foy,& charité,en do
ctrine; & chafteté, en grauité de bőnes moeurs.
Finablement: Recipiuntur in eterna tabernacula.
Ils font recueillis aux eternels tabernacles ; &
celestes manſions: pour nostre
defquelles estre poſſeſ-a...
feurs, nous ſupplierons bon Dieu & Pe- Oraiſon.
re Sauueur, de dechaſſer du milieu de nöustou-,
te zizanie. A fçauoir,tous fcandalles de peché,
& d'herefie, à fin qu'apresle diffinement de ce
monde , & au grand iugement general, nous
pui ffions eſtre recueillis, commele pur grain de
froment, au haut & celeſte grenier de Paradis,
pour loüer celuy qui vit eternellement auec
ques le Pere, & le S.Eſprit,auquel ſoit gloire,
& loüange eternellement.Amen. -
D IM E N C H E D E L-A
s E P T V A G E s 1 M E.

I M i 1 e est regnum celorum homini


patrifamilias qui exijt primo mane con
ducere operarios in vineam ſuam. A
Ŝi l'hőneur de la fainćte Trinité, trois
chofes
224 - D I M E N C H E D E

Matth.-º-choſes font touchees au fainét Euangile d'au-,


iourd'huy , à fçauoir la diuerſe vocation des
ouuriers.Secondement,la remuneration du la
beur.Tiercement,la propre cốuenance de la fi
militude, en affirmant que les derniers feront
les premiers,& les premiers feront les derniers:
' .
Simile est regnum calorum, &c. Le Royaume des
cieux eſt ſemblable à vn homme pere de fa
mille , lequel eſt yflu au poinćt du iour, pour
louer des ouuriers pour ouurer & trauailler
en fa vigne. Pour auoir la vraye intelligence de
noſtre ſainćt Euangile, il faut d’vne profonde
penfee,confiderer pluſieurs chofes. Premiere
ment ce pere de famille c'eſt Dieu, duquel tou
Pſal.23. te creature est fa famille : Domini est terra &
plenitudo eius orbisterrarum & vniuerst qui habi
tant in eo. La terre eſt au Seigneur, & le conte
nu d'icelle, la rondeur de la terre, & tous ceux
qui habitent en icelle. Les ouuriers font tous
ceux qui veulent viure fidellement en Ieſus
Chriſt. Le denier,la vie eternelle.Lavigne,l'E
glife & congregation Chreſtienne.Les heures,
les aages du monde, & de l'hőme. Le premier,
Ieſus Chriſt felon l'humanité : car felon la di
uinité, il eſt le pere de famille enſemblement
L'Eglif Ale auec le pere:Simile estregnă calorum. Le Royau
Fayt"
cieux, e pour
me des cieux est ſemblable, c'eſtà dire, l'Égli
4aoy.
fe militante, ou la vie des iustes. Car Dieu re
git & gouuerne fon Eglife. Et fi l'Egliſe eſt en
PEuangile nommee le Royaume des cieux. Et
veu que le Royaume des cieux eſt le Royau
-, - im C
1. A s E R T v A G E S I M E. 22f
me de verité, comment doncques éncé Roy
aume euſt regné erreur & faufleté quinzeicens
ans : comme faustement ont fongé & forgé les
fchiſmatiques & heretiques ? 2. L’Egliſe eſt Ł'Églist º'er
nommee le Royaume des cieux: cartout'ainſi
- • • / ; : mēt, C9 pour
- -

que le Dieu de gloire habite és cieux, ainſi


il habite auecques les fiens iuſques à la fin du Matth.rs.
monde. 3. Nostre seigneur ett veu és cieux fa- ,
ce à face:ainfi en l'Egliſe il eſt veu par les yeux
de la foy, par mundicité de conſcience, & pu
reté de coeur. 4. Noſtre Seigneur és cieux eſt
continuellement glorifié par les bien-heureux
auec loüanges & actions de graces, auecques .
voix de ioye,&lieſſeaux fiecles des fiecles,c'est
à dire, à tout iamais. Ainſi les iustes & fidel
les Chrestiens remplis du fainét Eſprit,auec le
fainét & diuin Prophete Dauid, diſent:Benedi- efalu,
cam Dominum in omni tempore,femperlau eius in
ore meo , Ie loüeray le Seigneur en tous temps,
fa loiiange fera toufiours en ma bouche. Quin
tement, tout ainſi qu'au Royaume des cieux
il y a paix & repos eternel: ainſi paix & vraye
concorde eſt entre les hommes de bonnevo
lonté, Noſtre grand Dieu & pere eternel, fei
gneurie au ciel & en la terre par fa puiſſance
inuincible, il gouuerne par fa infalli-
ws
ble, il ayme par charité inflexible, il distribue te º
les threfors de ſa bonté, grace & gloire abon- '
damment, il remplit toutes choſes par fa be:
nedićtion. Suyuons l'ordre de noſtre Euangilet
Le Royaume des cieux est femblable, c'està
- P
226 D I M F N C H E D E *

dire l'Egliſe Catholique, Hemini patrifamilias,


|
à vn homme pere de famille: c'eſtà dire Dieu,
à l'image duquel l'hône est pri
mo mane conducere operarios in vineam fram, Qui
eſt illu au poinct du iour pour louer des ou
uriers , à ouurer en ſa vigne, Il eſt yſlu, non
Hi pas en changement de lieu : car il remplit le
ciel & la terre. Ainfi dit le Seigneur: Calum
mihi fedes est, & terra stabellum pedum meorum,
le ciel eſt mon fiege, & la terre eſt l'eſcabel
"/**"* le de mes pieds. Si aftendero in calum , ta illic
es : fî deſcendero in infernam, ades, Si ie monte
au ciel, tuy es: f - ''(cens aux enfers,tuy es:
mais faiſant quelque chofe de nouueau en ef
pandant & deſployant la grace & les rayons de
facharité ardante: Secondement, Erijt, Il eſt
yflu en manifestant foy-tneſme en fa parole & .
en fes oeuures. Car quand il n'eſt cogneu, il
eſten fecret:mais quấd il eſt cogneu de fecret,
il procede & marche outre , en fe faifant co
gnoiſtre, tant plus il est yffu, tant plus il mani
feſte foy-meſme. Primo mane, Âu poinét du
iour: c'eſtà dire,au premier aage du monde,où
il nous faut noter qu'en ceste parabole Euan
gelique, nous liſons que le pere de famille en
zien est iffu vniour eſt yffu cinq fois, non pour autre cauſe
f que pour louer des ouutiers à ouurer en ſa vi
l e no: Hre fa- gne.
tº : Premierement
***, de grand matin,quãd apres
* - - * - -

lut. auoir creć toutes choſes,il dit : Faciamus homi


Genestr. , nemad imaginem nostram, Faifons l'hőme à no
Rre image: voylà la premiere yſluë de nostre
*i pere
L A „S" E P T V: A GU E. 327
pere de famille, en laquelle il a dënionstródà
fouueraine charité qu'il'auoit à I’hommơ, em
le creant à fon irnage,lny donnant Seigneurie "- ,
& domination de routes creatures, & luy dont "'
nant fa fainéte benediction. Mais pourquoy
a-ił faict cela ? pour auoir des ouuriers pour
ouurer en fa vigne, à fin que la terre fuſt peu
plee des hommes qui cogneuflent Dieu , l'ay
maiſent, & adorafient. En apras que les hom
mes furent
malice multipliez fuslaterre,
& deprauation de l'huihain&lignäge,
voyant lail coagºa.
J

fe repentit qu’ilauoit faíċt l'homme en later


re, & fait dolent en fon coeur. L’Eſcriture fain
ćte nous parle par parolles vfitees, & accouſtu
mees,à fin que par les citoſes cogneuës, tous .
paruenions a la cognoiſſance des chofesà nous
incogneuës.Carrepentance,douleur, & autres
pastions me font pas en Dieu.Alors il eſt fecon
dement yifu, c’eſtà dire, il s'est manifeſté au
monde, quandila demonstré fon eſpouuétable
ire aux mcfchans: alors qu'il enuoya vn delu
ge vniuerfel; quia fait defloger tout le monde
de deſſus la face de la terre, & fa mifericorde
aux bons,à fçauoir à Noé,& aux fiens.Et pointi
quoy cela? pour louër des ouuriers en fa vigne,
à fin que Noé, fa posterité ; & fes ſucceſieurs
qui viendroyent apresluys par ce redoutable
iugement, ils apprinflent à craindre Dieu ; &
en rendantclaire ſa mifericorde, ils aymallent
Dieu apres ces choſes. Et pource qu'apresle
deluge, ils accommencerent à foy deſtourner,
* P 2.
| ||
f |

228 D 1 M E NC H E D E |
W foruoyer, & aller hors le droićt chemin. Tier
- cement il eſt yffu, c'eſtà dire,il s'eſt manifeſté,
geneſ '°' non à tous:mais à Abraham, difant: Num celare
Genef: rº. potero Abraham que gesturu fum:cum futuru fit
in gentem magnam & robustifimam, cớ benedi
| | | | || cendefint in illo omnes nationes terræ ? Scio enim
quod præcepturufit filijsfilis & domuistiepost fe vt
|| |
4 " | | | | tt |

ir || || ||
custodiant viam domini,& faciant iudicium cớ iu
ffitiam. Celeray-ie à Abraham ce que ie fais,
veu que de luy doit venir yn peuple grand, &
| | || fort, & qu'en luy feront beneistes toutes les
1 | | | nations de la terre? Carie fçay qu'il comman
dera à fes enfans & à fa maiſon apres luy, que
ils gardent lavoye du Seigneur, pour faire iu
ftice & iugement. Et apresque les enfans d'If.
raël furent detenus en Egypte, meflez auec
ques les Gentils,& qu'ils eurent aprins à faire
leurs oeuures, ayans mis en oubly qu'ils fuf
fent les enfansd'Abraham,& la fainéte femen
ce.Quartementilestyſlu,c'eſtà dire,il a mani
feſté ſon courroux aux mefchans, & famiferi
corde aux bons,en deliurant les Iſraëlites de la
dure feruitude d'Egypte. Pharao oppreſſeur
inhumain auec ſon armee,cheuaux,& cheuau
cheurs,furét ruez jus en la mer,noyez, & abyſ
mez,tellemét qu'il n’en demeura d'eux iuſqu'à
vn ſeul : enfans d'Iſraël cheminerent
par le fecau milieu de la mer, & les eaux leurs
estoyent comme murailles à leur dextre, & à
leur feneſtre. Et en ce iour là,le Seigneur fauua
Iſraël de la main des Egyptiés,& Iſraël veit les
Egy
- - LA S E P T V A G E. 2.29
Égyptiens morts ſur le riuage de la mer. Iſraël
donc veit la grande puistance que le Seigneur
auoit exercé contre le peuple
craignoit le Seigneur , & creuſt en luys & en
Moyſe fon feruiteur. Finablement quand le
veſpre du monde s'approchoit, & qu'encore
pluſieurs eſtoyentoyfeux, à fçauoir le peuple
Gentil. Il est yffu,c'eſtà dire, il s'est manifeſté
en fon fils: Qui est imago & figura ſubstantia eius. Heb.t.
Quj est fon image,& la figure de fa ſubstance: ""“.
maispourquoy Vt conduceret. Pour loijer des
ouuriersà ouuter en ſa vigne. Notammétil dit
(ouuriers) & non ſeulement auditeurs,ou par
leurs,qui ne font que parler,& caqueter, con
tempteurs,gabeurs,& corrupteurs de la parolle
de Dieu, deprauateurs desŠainćtes eſcritures.
Cőme auiourd'huy lesnouueaux dogmatiſtes.
Et quand il euſt fait conuenance auec les ou
uriers:Ewdenario diurno.D'vn denier pouriour,
c'està dire, de la vie eternelle, de la couronne
de vie ; & de gloire. Le denier ſignifie la vie Denier, vir
eternelle, pour pluſieurs raiſons: car la ron eternelle.
deur du denier qui n’a ne commencement , ne
fin,repreſente labeatitude eternelle: Quia re
gnieius non erit finis. Secondement, le denier
a l'image du Roy imprimee. Ainfi ils verront
le Roy en fagloire faceà face. Tiercement, la
clarté du denier fignifie que:Aliquid coinquina- Apoc.21s
tum non intrabitin regnum celorum.Rien fouillé
n'entrera au Royaume des cieux. Et que tous
les corps des bien-heureux feront conformes c-'

- P 3 #*
*jê B I M’E N C II E C D E .

hu cérps de la clairé de Ieſus Christ. Quar


temerit,il å vne eſctiture à l'entour. Cela porte
tignification que les noins des efleus font ef
crită au liure de vie és cieux. Quintement, le
denierancien valloit dix liures d’argent. Cela
nous fignific que tel pris eſt acqueſté par l'ob
feruánce des dix commandemens de la loy.
Sixiefinement, le denier eſt forgé auec grand
***“ labeur. Auffi les iustes: Per multas tribulationes
intrabunt in regnum Dei. Entreront au Royau
* .*', me des cieux par pluſieurs labeurs, & tribula

tións:Finablement,le denier a vnernatiere pre


cieuſe,caril eſt d'argent. Et quelle chofe peut
eſtre meilleure plus deſirable, & plus heureu
fe que la felicité & beatitude etermelle? Car
ceil n'as pas veu,n'oreille ouy,& n’eſt pas mő
té au coeur de l'homme, combien grāds font les
biens quc Dieu a preparé à ceux qui l'ayment.
Et quand il eut conucnu auec lesouuriers d’vn
denier pour iour. Car aux enfans de lumiere
faiſans les fruicts du iour de lumiere, eſt pro
inis le prix eternel. Et lequel denier, c'est à di
re, la gloire eternelle eſt. rendue au iour de
*/**** gloire,duquel ileſt eſcrit: Meliorest dies zna in
atrys turs/aper millia. Mieux vaut vn iouren tes
falles,que mille autres. Item la gloire eternelle
eſt nommee denier d'vn iour: car pour l'obte
nir, iournellement on laboure en la vigne de
Ieſus Chriſt, & pour lequel impetrer , on la
boure au iour de grace, & est receu au iour de
gloire: Et mift eos in vine im fitam. Et quand
il
A L A s e p r v A G es i M e. 231
il fut yſfu enuiron l’heure de tierce, c'eſt à di- -

re,en l'aage de ieuneſſe.Il en veit des autresqui


estoyent oyfeux au marché:Et ait illis,Ite & vos e º
in vineam meam. Il leur dit: Allez vous en auſſi
en ma vigne, & ie vous donneray ce qu'il fera
de raiſon. Et iceux s'en allerết. Car il eſt eſcrit, P/at.rrr.
grand loyer est en l'obſeruãce des commande-****
més de Dieu: Reddetvnicuique/ecnndă operafia.
Il rendra à vn chacun felon ſes oeuures: Iterum
exit. Derechef,il est yfluenuirőfix & neufheu
res, & feiſt ſemblablement. La fixieſme heure
fignifie l'aage viril,lequel córnence en l'an tré
tieſme,& dureiuſques en l'an cinquáriefme:&
laneufiefime heure ſignifie vieilleife, laquelle
dure iuſques au ſeptantiefmean:Circa horävn
decimam. Enuiron vnze heures, il fortiſt, & en
trouua encores d'autres là. Et illeur dit: Quid
hic statis tota die otiost? Pourquoy eſtes vous icy
toute la iournee oyſeux? c’eſt à dire,au dernier
temps,en la derniere heure,en la fin des fiecles,
en la plenitude du temps,au iour de lumiere &
grace Euangelique : auquel la vraye lumiere
luit, auquel Dieu a enuoyé fon fils. Ila trouué
des Iuifs & Gentils oyſeux: Et dixit illis. Et il
leur dit, pourquoy eſtes vous oyſeux ? veu que
vous auez des condućteurs & loueurs, ce la
beur est petit,voſtre vie est briefue,la mort vous
attent, Sathan vous eſpie , le temps fe paste,
leiugement s'approche. Vous auez l'ayde du
fainét Eſprit qui ſe preſente à vous. L’Éuấgile
vous eſt prefché, le iuge est droićturier, vous
- P 4
131 ,: ' D I M E N C H E3 D E.

auec certification de loyer , Qaid hic fatà?


Pourquoy vous arreſtez vousicy? Ie dis icy au
lieu de labeur, au lieu de penitence,au lieu de
grace, au temps de bataille, en ce pelerina
ge , où vous n'auez pas cité permanente, où
vous auez continuelle luičte, non ſeulement
contre la chair & le fang: mais contre les ma
lices ſpirituelles aux hauts lieux, Statis, droićts
irrecordables & fans fouuenance de voſtre vo
cation,ſans memoire de mes commandemens,
enueloppez és lacs de concupiſcence, liez &
fanglez par les liens du monde & d'amour
damnable, aueuglez de coeur, priſonniers
du diable : tota die , toute la iournee, toure
voſtre vie : ne vous fustift-il pas pauures vieil
lards auoir perdu & reſpandu la fleur de vostre
ieuneſle & de voſtre force virile au feruice du
diable ? & maintenant aux veſpres & foir de
voſtre vie apprehendez les fentiers de vie &
dreffez vos pieds en la voye de paix: etiost, oy
feux fansferuir Dieu , fans profiterne à vous
ne à vos prochains, fans refister à vos ennemis.
O gent fans prudence, & confeil, qui ne fa
uoürez pas les chofes qui font de Dieu, & de
fon S.Eſprit.Dicunt ei, Ils huy difent en foy ex
cuſant: Quia nemo nos conduxit,Pource que per
fonne ne nous a loüez. O homme pecheur
que reſponds-tu pour excufer tes fautes, n'as
tu pas cogneu Dieułas tuignoré la loy de Dieu
pour l'obſeruer ? vous ne m'auez pas aduer
ty par vos meſſagers, qui font les inſpirations
• diui

------------
1. A s E p r v A G E s 1 M E. - 233
diuines, pour fuyr le mal & faire le bien: veux
tu alleguer que Dieu ne t'a pas donné diſcre
tion pour diſcerner entre le bien & le mal? ou
qu'il ne t'apas donné liberal arbitre,pour choi
firle meilleur & delaiffer le pire ? toutes telles
allegations font friuolles. Car le contraire eft
verité.Toutefois nostre Seigneur:Pater mistri- **"*"
cordiarum & Deus totius confolationis.Le pere de
toute mifericorde , le Dieu de toute conſola
tion ne leur reproche point leur menſonge ou
mauuaiſe vie, pour ne les vouloir confondre,
ains doucement leur dit: Ite & vos in vineam .
meam. Allez vous en auſſi en ma vigne (Corde Re”.”
creditur ad iuštitiam:ore autem fit confestio ad falu
tem)en croyant de coeur pour estre iuſtifiez, en
confeſſans de bouche pour eſtre fauuez. S'en
fuit maintenất la remuneration.Cumferò autem
fatium effet. Et quand le foir fut venu,c'eſtà di
re la fin du monde, ou le temps du iugement
lequel fera à la fin du monde.Dixit Dominusvi
nee procuratorifio.Le Seigneur de la vigne dità
fon procureur, à fçauoir Ieſus Chriſt, qui eſt le
de Dieu le Pere & de l’homme en
'æuure de noſtre redemption contre peché,
la mort & Sathan. Carila appaiféle pere, le- ':
quel griefuement eſtoit indigné à l'encontre ::
de nous: à la cour Celeste il est à la dextre de """""
Dieu, & faićt requeſte pour noustoufiours vi
uãs pour interceder pour nous. Et ſi quis pecca
uerit aduocată habemus apud patrem Ieſum Chri
fumiufřum : & ipſe est propitiatiopropeccatis no
234 d 1 M E N e ti e d E :
fris. Et fi aucun a peché, nous auonsvn Aduơ
catenuers le Pere, Ieſus Chriſt le iuſte. Et ce
luy eſt fatisfaction pour nos pechez: Voca ope
rarios. Appelle les ouuriers. Il ne dit pas, appel
le les oyſeux, ou les auditeurs de la parolle, &
non facteurs:Et redde illis mercedě filam. Et leur
payc leur loyer, cominençant aux derniers qui
font venus à vnze heuresiuſques aux premiers
qui font venus au poinćt du iour. C'eſtoit iuſti
r
ce rendre à tous: mais rendre aux derniers pre
mierement, n'eſtoit pas contraire à iuſtice, ains
oſtenſion,& indice de mifericorde,quãd toute
fois on a rendu aux autres ce qu’eſtoit raiſon
| nable. Car aucunefois les derniers en labeur,
font les premiers en loyer. Comme le bon lar
ron eſtentré premierement an repos de paradis
que fainét Pierre : combien que ledićt S. Pier
| re a precedé le bon larron en labeur, & à ſuy
ure Îefus Chriſt auecques les autres Apostres:
Cùm veniffent.Et quãd ceux qui eſtoyent venus
enuiron vnze heures: Acceperunt fingulos dena
Glºirº“ºr rios. Ils receurết vn chacũ d’eux vn derier,c’eſt
zn elle à tous eſ v , . - / - -

zale en plu. “ dire,le loyer proportionné,qui eſt la vie eter


},ar, ... ncile,laquelle eſt eſgalle à tous. Premierement
droids. quant à la duration:car elle n'eſt pas plus lon
- gue ou plus brefue à l'vn qu'à l'autre. Secon
dement quant à la vifion & cognoistance de
Dieu. Tiercemét,quất au raffafiemét de plaifir:
z„nua, a carils font tous eſgallement contensaurant les
vns que les autres. Et en ces trois choſes con
wofès. fiste la beatitude.A fçauoir premierement la
* C 121IC
1. A s e p r v A G E. 235
claire vifion de Dieu,le voir face à facé.Secon
dement au delećtable goust,iouyſſance,& frui
tion de la diuine bonté, par laquelle Dieu eſt
tout à tous. Et finablement en l'affeuree poſſef E/e, 32,
fion de la beatitude eternelle: Et/edebit populus
zneus inpulchritudine pacis & in tabernaculis fidu
cia & in requie opulenta. Mon peuple habitera *

en habitation de paix,& és tabernacles de feu


reté,& en trefriche repos. Toutefois la gloire clair, a.
de Dieu eſtinegalle , & non pareille, pour le dien ine
reſpećt des bien-heureux,àcaufe de la diuerſitét4":
desmerites,car In domo patris mei multe/unt mã Ioane, r4. - « * * *

fiones.Il y a pluſieurs demeurances en la maiſon 1. Cor. J.J.


de Dieu mon pere: Stella differt à stella in cla
ritate. Vne eſtoille eſt differente à vne autre ,
estoille en clarté. Ainſi fera la reſurrećtion des
morts. Toutefois tous feront contens: com- similitude
mele petit enfant eſtauffi content de fa petite du petit e
robbe,comme fongrandfrereaiſné. Et la bou-/*********
teille eſt auſſipleine comme le grand tonneau:
Yenientes autem & primi arbitrati fant quod plus
effent accepturi.Et quand les premiers vindrent,
iis cuydoyent qu'ils deuffent plus receuoir, & -

ils receurét auſſi chacũ vn denier. En cela nous' "


fommes inſtruićts comme nous deuons touſ
iours fentir humblement de nous-meſmes,
croyans que les autres font plus grands, meil
leurs, plus riches en grace & dons ſpirituels,
plus prochains à Dieu ; & plus aggreables que
no”:qui fe glorific,qu'il ſe glorifie auSeigneur, .cer.ro.
car:Non qui feipfim commendat, illeprobatue est,
\
fed
236 . :D I M E N c H E D E
féd quem Deus commendat.Celuy quifepriſe ſuy
metiite, n'eſt pas approuué : mais celuy que le
Scigneur priſe: Et accipientes murmurabant con
trapatremfamilias. Et en le receuantils murmư
royent contre le pere de famille,diſans.ces der
niers n'ont labouré qu’vne heure, & tu les fais
egaux à nous qui auonsporté le fais, & la cha
leur du iour Cecy eſt vne figure nommee an
... , thitefe,c'eſtà dire,comparaiſon des chofes cő
" traires.Car ceux qui font au ciel, ne murmurét
, point contre les oeuures de mifericorde de
rei-r. Dieu: mais fi aucun penſoitou eroyoit en foy
meſme qu'au cielily ait cauſe ou occafion de
murmurer contre la mifericorde de Dieu, il y
a conuenable reſponſe , ie ne te fais point de
tort: At ille reſpondens vni eorum, amice. Mon
'<a 4 sem- amy,premierement par reception de la foy , &
:::en. non par exhibition de charité. Secondement
- amyspar obligation, & non par folution. Tier
cement amy , par foy, & non par operation.
Quartementamy,par nom,& non par effećt, &
verité:Non facio tibi iniuriam.Ie ne te fais point
de tort: Nónne ex denario diurno conuenisti mecii?
N'as-tu pas conuenu auecques moy par vn de
nier pour iour?Prens ce qui eſtà toy, & t’en va:
Ie veux autant donner à ce dernier comme à
toy:An non licet mihifacere quod volo? Ne m'est
il point licite de faire ce que ie veux? An ecu
lui tutunequam est,quia ego bonus fum? Ton ocil
eſtil mauuais, pourtant que ie fuis bon? tu as
douleur du bien de ton prochain,& tu t’en de
UI IOYS
L A i s E P T v A G E. 237
urois refiouyr:Sic erunt nouistimi primi, cé primi
noußimi. Ainſi ferontles derniers premiers , &
les premiers derniers. En ceſte parabole on
voitque nous auons tousvn meſme pere de fa-º ;
mille,vn meſme procureur ſon fils Ieſus Chriſt •> « .
nostre Seigneur&Sauueur,& vn meſme loyer,
qui eſt la vie eternelle: mais finous confide
rons le temps, tous ne viennent en vn meſ
me temps en la vigne. Carles Iuifsfont venus,
premiers que les Gentils. Si nous arreſtons au
-
ne font pas tous en cela egaux.Plus Luc.rs.
• r • •• • • - *

auoit labouré le Pharifien qui diſoit : Ieiuno his


infabbato. Ie ieufne deux fois la ſepmaine, que
le Publicain : plus auoyent labouré les Phari
fiens qui fouuentieufnoyent & prioyent, que
Matthieu pecheursle Publicain,&que Zacher, Ingement de
chef & Capitaine
pechereffe, & quedes meſchans:que
le larron. :Si nouslaconſider
femme Die", e dº A

ionsle iugement du monde plus grand loyer pour

fera aſſigné & approprié à celuy qui premiere


ment & plus longtemps aura labouré, que à
celuy quimoins aura labouré, & fera plus tard
venu : toutefois le iugement de Dieu eſt tout E/2.o,
autre:Non funt cogitationes mee, cogitationes ve
fire neque via vestra via mee, dicit dominus, Mes
voyes ne font pas vos voyes,dit le Seigneur. Il
a eſté plus dốné aux Gentils que aux luifs plus Les premier,
au Publicain, qu'au Pharifien: plus au larron, qui n'ft" |
qu'à tous les Pharifiens. Mais dont vient cela?
- * - - - • - *
cu:
abouré font
Cela n’eſt pas chofe maunaiſe:mais treſbonne, , ,
t
entrer en la vigne Eccleſiastique de grand ma- s tourquo,
-
- t1Il;
4

238 D 1M E N c H E :D e
tin:Bonum est homini quiportauerit iugum domini
à iuuenturefna. C'eſt choſe bône porter le ioug
de noſtre Seigneur,dés le commencement de ſa
Esel“.º. ieuneſſe.Ce n’est pas chote mauuaiſe de beau
1. Cor. IJ.
coup labourer;trauailler continuellement,tant
que ta main peut. S. Paul fe glorifie, pource
u'ilalabouré plus que les autres.ll admoneste
2.Timo. 2 . ſon difciple:Labora ficut banus miles Christi. La
Galat. s. boure comme vn gendarme. En vn autre lieu:
Bonum faciemtesnő deficiamus. En faiſant biế,ne
deffaillonspas. Et dont vient que fouuếtil ad
uient qủe ceux qui premierement & plus lon
guement labourent, toutefois ils font faićts les
derniers: & ſi encourent l'indignation du pere
de famille#Reſponſe.Il n’y a autre caufe finon
-- «
* Y
qu'ils ne labourent pas comme enfans:mais cő
- ''
: * me feruiteurs. Ils ne cherchent pas la gloire de
- *** nostre Seigneur: mais leur particuliergaing &
' prouffit, ils feruent pour le loyer, lequel s’ils
n'eſperoyent,ou s'ils ne craignoyết la peine, ils
ng s'approcheroyét pas de la vigne. En leur la
beur, ils ne conſiderent finom le falaire, en di
fant en loeurcoeur:nous auons fait ce que nous
deuions,pource le ciel nous appartiết. Et quãd
ils entendent que nous ſommes tous pecheurs,
& que:Omnes egemusgrana Dei.Nous auốs tous
os beſoing de la grace de Dieu.Ils ſont marris d’e
stre comptez au nombre des pęcheurs. Ainſi ils
pechent premierement.Secondement,quấd ils
voyết que pardó n'eſt pas refuſe aux pecheurs,
- ils en font enuieux. Finablemét,ils murmurent
...! ' COIl
*

L A S E P r v A G E S I M E. 239
contre le Seigneur & pere de famille, en l'ac
cuſant d'iniuſtice. Et par ce moyen ils perdent
la grace & faueur du pere, & font toutes leurs ***
ceuures inutiles. Et par ce moyen ils ne meri
tent autre choſe que malueuilláce & indigna
tion. Ce que iadis Moyſe auoit predićt adue- v * *

nir. Aduena qui tecum verſaturin terra, astendet Peat.**.


fperte,erir4/ublimior: tu autem defendes & eris
inferior. . L'eſtranger qui eſt au milieu de toy,
montera fur toy bien haut, & tu deſcendras - , '.w\
en bas en la queüe. Au contraire, il en ya des ' "
autres au temps qu'ils labotirent en la vigiſe,
ils s'eſtiment feruiteurs inutiles, feulement ils
font attentifs en la bonté de Dieu. Ils confeſ
fent franchement qu'ils n’ont pas merité le
loyer, ne la faueur ou grace du Seigneur de . .
famille, di fant auecques vn Iacob : Deøpatrả Genefs2.
mei Abrahã, minor film cunftừ miferationibtu tuis. .
O Dieu de mon pere Abraham ! O Dieu de
mon pere Iſaac, ie fuis moindre que toutes tes
mifericordes:Ains s'eſmerueillansauecques vn
Dauid, Quis sữego?&c. qui fuis-ie moy?& quel- * Resz.
leest la maiſonde mőpere:Ceux-là retiennent
la grace & faneur de Dieu, & auec la grace ils
obtiennent le loyer celeſte. Et combien qư’ils
foyentestimez les derniers, neantmoinsilsfe
ront les premiers. Maintenant il conclúd fon
par vn mot terrible,diſant:Multifunt
vºtati pauci verò eletii. Beaucoup font appelleż
à la vigne de l'Egliſe,à la foy Catholique, aux
allemblees Chrestiennes,& aux nopces Royal
: i les,
24O D I M E N C H E D E

les, mais peu font eſleus. La bonté de Dieu


eſt grandesmais peu la cognoillent: il nous ap
Iºan 3. pelle, mais pluſieurs font l'oreille fourde: Lux
venit in mundum: & dilexerunt homines magiste
nebras quàm lucem. La lumiere eſt venue au
monde , mais les hommes ont plus aymé les
Toan. I.
tenebres que la lumiere. In propria venit & fui
eum nonreceperunt. La lumiere eſt venue és cho
fes qui estoyent fiennes,& les fiens ne l'ont pas
receu. Et pource peu font efleus. Ainſi auec
Iudith 7.
ques Gedeon de trente deux mille feulement
trois cens entrerent en la bataille:beaucoup de
gens viuoyent auant le deluge , mais il n'y a
eu que huićt perſonnages fàuuez en l'arche de
Noé. Pluſieurs fortirent d'Egypte: mais deux
feulement entrerent en la terre de promiſſion.
Genef.o.
Pluſieurs habitoyent eń Sodome & Gomorre,
& aux autres trois citez, deſquels quatre per
Lwr, f.
fonnages ſeulement furét fauuez. La quatrief
me partie de la bonne femence a apporté fruićt
en patience. Ainfi lesfruićts des arbres,les au
. ; cũsperiffent en fleur, les autres font rongez par
les vers, les autres font corrompus & pourris
par les inondations des eaux,les autres abbatus
par l'impetuoſité des vents. A grand difficulté
:

peu en demeurent. -

Nous pourrons icy propoſer & mettre en


auant la police humaine, en laquelle ily a plu
ſieurs Princes & Regens, Seigneurs,Barons,&
Gentils-hommes qui font appellez à la foy
Catholique ; mais ils ne font pas eſleus à la
- gloire
LA S E P T V A G E s 1 M E. 24I
gloire celeſte: pource qu'ils ne cheminent pas
fidellemét ou iuſtement felon la vocatiõ en la -
quelle ils font appellez.Il y a pluſieurs Prelats,
Paſteurs, & Rećteurs des Egliſes. Pluſieurs
Preſtres, Moynes, Religieux,& perſonnes Ec
cleſiaſtiques qui font appellez à la foy Catho
lique: mais peu font efleusà la gloire celeſte,
pource qu'ils ne cheminent pas fidellement
ou iuſtement felon la vocation en laquelle ils .
font appellez. Il y a pluſieurs Magiſtrats,Preſi
dens,Confeillers,Iuges, Aduocats,Procureurs,
Officiers,& Miniſtres de iuſtice,Marchands,la
boureurs, mechaniques, artifans, mariez, vef
ues,ieunes,& vieux,pauures,& riches,qui font
appellez à la foy Catholique,pour labourer en
la vigne de Dieu: mais peu font efleus pour e
stre poſſeffeurs de l'heritage celeste. La raiſon
eſt peremptoire.Car ils ne cheminent pas fidel-
lement quant à Dieu, iuſtement quant à leur
prochain,ne purement quant à eux-meſmes,en
la vocation en laquelle ils ſont appellez, Pour
ce doncques mes amys, prions notrebon Dieu oraiſºn,
& pere, Redempteur, nous vouloir donner la
grace,le coeur, & la puiſſance de pouuoir labou
rerfainétement & purement en ſa vigne Chre
stienne, auecques foy viue, & conſcience pu
re, à fin qu’en la compaignie des efleus, nous
foyons ordonnez & affis à la glorieuſe dextre
de Iefus Chriſt, qui vit & regne auecques le
Pere, & le Sainct Eſprit, vn Dieu mifericor
dieux, & debonnaire, auquel ſoit honneur, &
Q–
242. D I M E N C H E D E

loüange,& gloire eternellement. Amen.

DI MEN C H E D E L A
S E X A G E S I M E. r"

Matth.rs. Xijt quifeminatfeminarefemenfüü.En


C. & •
. l'Euãgile d'auiourd’huy,IeſusChriſt
-

Christ a premierement nous propoſe vne pa


vfé de para- "= | rabole: Secondement,l'intelligence
kates,e pour-d'icelle eſt demấdee par les Diſciples. Finable
quoy. mét par Ieſus Christ veritablemét declaree.No
ftre Doćteur celeſte & diuin, humble de coeur,
s'accốmodant à la portee & capacité des audi
teurs, coustumieremēt propoſoit la falutaire do
citre les profctrine en paraboles & ſimples parolles:l'humi
che ini lité duquel en fes fermons Euangeliques, con
fond l'orgueil & arrogance de pluſieurs predi
fºe,
cateurs,qui en leurspredicatiós preſchent eux
meſmes,en cherchant leur propre gloire,& non
celle de Ieſus Chriſt,quienueloppent couurét,
& pindarifent leur fentence,par parolles inufi
tees,& incogneuës aux auditeurs, où il n'y a au
cune compunćtion de coeur, confirmation de
foy,perſonne n’est dreffé ou efleué en eſperan
ce, ou enflámé cn charité, & ne s'enfuyt aucun
fruićt de falut. Telle predication n’eſt que va
nité au coeur,ſi elle ne cherche l'exaltatió de la
de Dieu,& fi elle n’opere l'edification &
alut des auditeurs : car la medecine eſt vaine,
inutile,&infrućtueuſe,fi elle n'oſte la maladie:
mais l'augmente. I'aymeroy mieux vne viande
CO1IllIlll
L A S E X A G E S I. 243
cốmune toutefois bonne & faine,dans vn plat
deboyssou de terre,qu’vne viande friãde, tou
tefois mal cuite & mal aſſaiſonnee, & qui n'o
pere point ou n’augmente point la fanté, dans
Vn plat d'or ou d'argent, & qui engédre diuer
fes maladies,endiminuant les forces corporel
les.Ainſi i’ayme mieux ouyr vne doćtrine fai
ne, laquelle m'edifie ſous ſimples paroles, & à
la bonne foy, que les belles fentences,paroles
fardees par grande Rhetorique & eloquence:
Comme diſoit l'Apoltre S.Paul, vray & hum
bleimitateur de Ieſus Chriſt, qui n'a pointan
noncé le teſmoignage de noſtre Seigneur, In ºº“s
fublimitate/ermonis aut fapientie,en ſublimité &
hauteſle de parole,ny en la vaine fapiếce de ce
monde,laquelle perit. Et fa predication n'a pas
cité en paroles ſubtilizees par humaine fapiế
ce,mais en manifeſtation des (euures & fruits
du S.Eſprit:Placuit Deo perstultitiam predicatio- i.c.,,.,,
ni faluosfacere credentessila pleu à Dieu par la
folie de la predication,c'eſtà dire, que le mon
de repute folie,ſauuer ceux qui croyent.
Diſcourons maintenant noſtre S. Euangile:
Cum turbaplurima conueniret. Et comme tref.
grande compagnie s'aſlembloit,mariez,&vier
ges,vieux auec les ieunes:il dit par expres,tur
ba,c'eſtà dire,le ſimple peuple, & de -
uot, Car comme dit Sainćt Iaques & Sainćt
Pierre, Deus fuperbis refistit: humilibus autem dat
gratiam. Dieu reſiſte aux ſuperbes, mais il don
negrace aux hűbles. Et de ciuitatibus properară.
Q– 2
244 D I M E N C H E D E
|
ad Ieſum. Et accouroyent à luy des citez. Icy
nous fommes enfeignez que ceux qui voudrốt
fuyure Ieſus Chriſt,doyuent fortir hors les ci
tez, c'eſt à dire , fuyr la familiarité & ſocieté
des malings : à fin qu'ils ne foyent enueloppez
& liez auec eux en leurs vices & pechez: Car -
pfal.17. comme dit le fainćt Roy Dauid: Cumperuerfo
peruerteris, auec les peruers tu feras peruerty.
Accourons donc mes armys auec ceſte com
pagnie apres Ieſus Chriſt : ne delayons plus,
noſtre fin est doubteufe, nostre vie briefue,Sa
than nous eſpie, la mort nous attend, le temps
fe paſſe, le iugement s'approche : Ieſus Chriſt
Il OllS appelle pour nous faire mifericorde , &
nous recueillir pour demeurer,viure, & regner
auec luy eternellement.Parquoy il ne faut pas
tarder,à fin que nous entrions en ce repos eter-
nel, où les Sainćts & Ieſus Chriſt nous atten
dent. Dixit per ſimilitudinem : Exit qui feminat
feminare/emen fuum. Celuy qui feme eſt party
f femer fa femence : & quandil eut femé,
'vne partie cheut pres de la voye , & fut foul
lee,& les oyſeaux du ciel la mangerent;&l'au-
tre partie cheut ſur la pierre,& incontinết qu'el
le fuſt leuee elle feicha,à cauſe qu’elle n’auoit
point d'humeur: & l'autre cheut entre les ef
pines,& les eſpines qui feleuerent enſemble,
Î'estoufferent, & l'autre partie cheut en bonne
terre,& quãd elle fut leuee, elle feiſt fruićt cết
fois au double. Ce difant il crioit. Premiere
ment pour rendre attentifs les auditeurs. Caril
par
- 1. A s ex A G E s 1. 245
parloit de grãdes choſes. Secondement il crioit Iste eris.*
aux fourds,à fin qu'ils ouyſſent. Tiercement il 1 ° ****
erioit aux dormans, pour les refueiller. Quar- ***
tementaux ignorans,pour les enfeigner.Quin
tCIIìCİlt allX paſſans,pour les arreſter. Sixieſme

ment aux errans,pour les recueillir en ſon parc.


Septiefmementaux pecheurs, à fin qu'en de
laillant leur vice,ils feiffent fruićts de peniten-
ce,de tout leur coeur ils ſe conuertiffent à leur
Dieu & pere createur. Interrogabant autem eum
distipuli eius quæ effethecparabola,& fes diſciples
l'interrogeoyent quelle eſtoit ceſte parabole:
comme humbles difciples interrogeoyent leur
docteur & maiſtre regent.Ils demandoyent fa
pience à la fapience,verité à la verité, lumiere
à la lumiere. Voyla la forme de ceux qui veu-o, „, a,i,
lent fçauoir & apprendre, c'eſt n'auoir point point anoir
honte
ter: card'interroguer pourbeaucoup
nous ignorons apprendre de& chofes
profi- t:

que nous fçaurions, fi nostre orgueil permet- ;9.


toit les demander : pource il eſt eſcrit: Interroga
patres & annunciabunt tibi.Interrogue les peres,
& ilst'annonceront. Quibus ipſe dixit, vobis da
tum est noffe mysterium regni Dei. Aufquels il dit:
Il vous eſt donné permiſſion de cognoiſtre le
myſtere du Royaume de Dieu : c’eſt à dire,
l'intelligence de la faincte eſcriture, & pene
trer les ſens ſacrez & myſtiques. Vobis, à vous,
humbles de coeur,à vous,mes amys obeyffans,
à vous,efleus & chers, qui eſtes en meſpris au
monde: mais en grand pris deuant Dieu : le
Q_ 3
A

246 DI M E N C H E D E
monde a honte de vous, mais Dieu faićt com
pte de vous:carvous eftes aymez de Dieu mon
pere:Ceteris autem in parabolis vt videntes non vi
deant,có audientes non intelligant. Et aux autres
amateurs du monde, qui ont grande opinion ,

d'eux & s'estiment fages deuant leurs yeux, en


paraboles & obſcures fimilitudes, en propoſi
tions enigmatiques, à caufe de leur coulpe &
du
"r:orgueil, à fin qu'en voyant, ne voyent point.
monde, à D - -

cauf de leur Premierementen voyant corporellement,ilsnc


conipe, en voyent ſpirituellement.Secondemét àfin qu'en
voyantit, ne voyant l'humanité par dehors, ils ne voyết pas
"ven tº
c;" t la diuinité par dedans des»yeux de l'ame & de
- - * -

als m'entē dent la fov.Tiercement à fin qu'en voyant les mira


- - - -

cles exterieurs, ils ne voyent pas la vertu ope


e pourquos rante interieure. Quartement en voyất la lettre
lich tº: , laquellc occift & mortifie, ils ne voyent pas
Galat.s. , , , l'eſprit lequel viuifie. Quintement en voyant .
Kom.uo. - a . ,* - -

& lifant la loyancienne & les liures de Moyſe,


. . . v * *', ils ne voyent pas l'Euangile fermé & enclos
dans le vicil teſtament:& voyant les figures de
la loy & les vmbres des biens aduenir , ils ne
voyent pas la vcrité,& moy qui fuis la fin de la
loy: Et audientes non intelligant. Et en oyāt la pa
role extericure comme a faićt Iudas auec Cay
phe,Herode,Pilate,& ceux qui le vouloyết re
prendre en fa parole, en ſe moquant de fa do
ctrine & de fes conſeils ſpirituels, calomniant
fes faincts & diuins miracles,non intelligant, ils
n'entendent point interieurement l'eſprit la
tent. F't, Non accipitur cauſaliter fed confecutiuè.
- Car
I
1. A s ex A G E s 1 M e. 247
Car Ieſus Chriſt pas parabolique
ment, à fin qu'ils fuſſentaueuglez : mais à fa
predication , il eſt aduenu que par leur vice,
volonté obſtinee,& malice, s'en eſt enfuyuyvn
aueuglement de coeur. Car la lumiere de la
diuine parolle ne les a pas aueuglez, ains leur
vice, & malice , & par le iuſte iugement de
Dieu, l'intelligence ſpirituelle leura eſté deſ
niee, partant qu'ils ont esté rebelles à la lumie
re:Noluerunt intelligere vt beneagerent;dilexerunt Ioan-3.
Tfal.ss.
magistenebras quàm lucem. Ils n'ont pas voulu
entendre pour bien faire: ils ont plus aymé les
tenebres que la lumíere. Et comme enfans de
tenebres , ils cheminent és tenebres auecques
leurs entendemens obſcurcis par les tenebres
de peché, & d'ignorance. Parquoy au temps
aduenir, les pieds & mains liez, ils feronten
uoyez , & aux tenebres exterieures,
& infernales. S'enfuyt la declaration de la pre
fente parabole: Semen est verbum Dei. La fe deConntenance
la parole
mence est la parolle de Dieu. C'eſtà dire, par de Dieu, C3’de
le nom de femence , eſt entendu la predica la proprieté
tion, la doćtrine du Verbe celeſte, ou de la de la fimice.
faincte eſcriture: pour la conuenance de la pa
rolle de Dieu, auecques la proprieté de la fe
mence. Premierement la femence a vne cha
leur naturelle , par laquelle la plante, l'eſpi,
& le grain font nourris. Auffi la parolle de
Dieu a vne chaleur d'amour diuin , & dile
ćtion fraternelle, par laquelle l'ame ſpirituel
lement est nourrie. Dauid dit : Ignitum elo
Q– 4
248 D I M E N C H E D E .
P/al.rs. quium tuum vehementer. Ta parolle eſt grande
P/al. 38. mét enflãmee:Concaluit cor meum intra me:6 in
meditationemea exardestet ignis. Mon coeur s’eſt
Prouerb.so.
efchauffe dans moy,& en ma penſee le feu d'a
mour diuin s’eſt enflammé. Salomon: Omnủ
fermo Dei ignitus clipeus est omnibus ſperantibus in
fè. Toute parolle de Dieu eſt vn bouclier ar
dant , la loy de Dieu eſt enflammee de feu ar
dant. Secondement la femence a vertu nu
tritiue, & par la parolle de Dieu l'homme eſt
nourry. Et comme l'homme ne peut eſtre
nourry corporellement fans le pain. Aufſi il
ne peut eſtre nourry ſpirituellement fans la
viuifique femence,qui eſt la parolle diuine. Et
comme l'homme qui ne retient la viande eft
dangerễuſement malade iuſqu'à la mort. Ainſi
celuy qui oyt la parolle de Dieu, & ne lagarde
par ocuure, il eſt mort en fespechez: combien
que les enfans d'Adam,& de ce preſent fiecle,
iugent qu’il ait nom de viuant. Mais le bon
Chreſtien en oyant la parolle de Dieu pour la
retenir & mettre en effećt, en mourãt au mon
de il vit en Dieu , auec lequel il regnera eter
nellement. Tiercement, la femence engendre
fon femblable. Comme il appert du froment
qui engendre du froment: le feigle, du feigle:
l'orge & auoync,& autres femences engendrét
Iacobi r.
J. Petrt I.
leur ſemblable. Ainſi par la parolle de Dieu,
r. Cor. 4. les auditeurs,executeurs,faćteurs,&operateurs
d'icelle, font faićts femblables à Dieu, pour e
ftre bons,iuſtes,fainćts,benins, mifericordieux,
| , - pour
/
- -
.*; 1. A s e p r v A G E s 1 M E. 249
pour cheminer en l'amour de Dieu , & charité
de leurs prochains, pour porter l'image du fe
cond & celeſte Adam par conuerſation digne
de Dieu,& de fon fainćt Euangile. Quartemét
la femence a vertu penetratiue:car elle fort par
deſſous les pierres & cailloux, en
herbe, eſpy, & grain. Ainſi la parolle de Dieu
penetre les coeurs plus rudes & afpres que
pierre,ou marbre. Comme il appert d'vn Mat- Matth.“
thieu publicain,monnoyeur, & changeur. D’vn í :
Zachee chef & Capitaine des meſchans. D’vne *"*"
Magdaleine pechereſſe, au euglee de coeur, &
priſonniere du diable. De fainét Paul blaſphe
mateur du nom de Dieu , & perſecuteur de *

fon Eglife. Cinquiefmement,la femence rend


pluralité de fruićts, tu feme vngrain, & pour
vn tu en recueilliras plufieurs. Ainſi est de la
parolle de Dieu, comme il appert de ce grand
Apoſtre monfieur fainćt Pierre, qui en vn fer
mon conuertiſt deux mille perſonnes. Et en Aa.s.
vn autre cinq mille:Et dum feminat. Et quandil Att.4.
feme. Icy noſtre Seigneur diuife & faićt diffe
rence
ordres.des auditeurs dutout
Premierement S. Euangile
ainſi que en quatre
l’vne par- dre"Quatre or
des audi

tie de la femence
foulee,& cheut
les oyſeaux du pres demãgerent.
ciella la voye, &Ainſi
fuſt rolle *

le premier ordre des auditeurs de l'Euangile


font ceux qui oyent. Et puis apres vient le dia
ble, & ofte la parolle de leur coeur, à fin qu'ils
ne croyent & foyent fauuez. Car cõbien qu'ils
oyent l'Euangile,toutefois ils cheminent felon
Q_5
25o . D 1 M E N C H E D E

les anciennes couſtumes des pechez, & enfuy


uent la vieille voye des pecheurs.ll y a lőg tếps
qu'ils ſe font addőnez à gourmander, & yuron
gner: mais encores combien qu'ils oyent l'E
uágile, ils enfuyuết ceſte vieille voye de gour
mander,& yurongner. Ils ont paillardé, enco
res paillardent ils. Ils ont abuſé du nom de
Dieu, par maledićtions, execrations, blaſphe
mes,& detraćtions:encores ils en abuſent.Bref
ils enfuyuent les anciennes coustumes de pe
cher : combien que choſes treſſainćtes leurs
foyent preſchees. Ilsentendent:mais ils ne s'a
mendent pas.Cette femence:Cecidit/ecus viam.
Cheut pres de la voye, c'eſtà dire, au coeur ex
poſé à volupté, & vanité. Comme dit le Pro
phcte Efaye. Tu as mis ton coeur, comme ter-
re, & comme voye aux paſlans:partant ceſte fe
mence a eſté foulee par la frequence des mau
uaiſes pen fees,& affećtions charnelles: Et volu
cres celi comederunt illud. Et les oyſeaux du ciel
l'ont mangé,c'eſtà dire,les diables, qui comme
les oyſeaux habitent en l'air, ou par la ſubtilité
de leur nature, qui mangent la femence,quahd
par leurs fuggeſtions, ils deſtournent & em
peſchent les auditeurs de l'accompliſſement
de la parolle ouye. Le fecond ordre des audi
teurs de l'Euangile,& ceux qui font fur la pier
re, font ceux leſquels apres qu'ils ont ouy, re
çoyuent la parolle enioye,&iceux n’ont point
de racines: Ad tempus enim credunt & in tempo
re tentationis recedunt.Car pour vn petit de téps
i
1 A s e x A C E s 1. 25r
ils croyent, & en tếps de tentation fe departent
& deſtournent à leurs mefchancetez & vilen
nies de peché. Quelle choſe fera-il donc ? Ne
penſe point que ce foit aſſez d'ouyr l’Euangi
le,& croire en temps de proſperité: mais Qui Matt.ro,
perfeuerateeritz/que in finem faluus erit, qui per
feuerera iuſque à la fin, fera fauué. Et quelle
choſe doit-il perfeuerer:Il faut con
fermer ta foy pas frequente auditiố de la paro
le de Dieu,par pures prieres,par exercices de la
foy, à fin que par la foy nous fendions & de
franchions ceste dure pierre du coeur humain,
& que nous obtenions ce que noſtre Seigneur
nous a promis parfon prophete Ezechieł: Da Ezech.? r.
bo vobiscer nouum,& ſpiritií nouum ponam in me
dio vestric anferã cor lapideum de carnevestrac
dabo vobis cor carneũ, Ie vous dóneray vn coeur
nouueau & mertray vn eſprit nouueau au mi
lieu de vous: & osteray le coeur de pierre de
voſtre chair , & vous donneray vn coeur de
chair & feray que vous cheminerez en mes
Commandemés. S’enfuit le tiers ordre des au
diteurs de l'Euangile, & la femence qui cheut
entre les eſpines, ce font ceux qui ont ouy, &
eux partis font ſuffoquez des folicitudes & des
richestes & voluptez de ceste vie, & ne rap
portent point de fruićt.Notons que les grands
magiſtrats.grands offices,grãdshonneurs,gran
des richeffes & ioyeuſes voluptez, font appel
lez par la bouche de verité eſpines. Carce font
paquets,bagages & fardeaux plus domma
CS
25z D I M E N C H E D E

bles à falut que profitables:comme noſtre Sei


Matth.r.o.
gneur dit: Facilius est camelum perforamen acus
transtre quàm diuitem intrare in regnum cælorum.
Il eſt plus facile qu’vn chable paſſe par le per
tuis d'vne eſguille,qu’vn riche entre au Royau
me de Dieu.Par l'eſpine conuenablementauec
Ieſus Chriſt nous entendons la miferable con
L'estineaua- dition des auaricieux. Premierement l'eſpine
rieteenment produićt fleur odorante , toutesfois accompa
es Pourquoy.
gnee des aiguillons agus & pointu. Ainſi aua
rice apparoiſt belle:mais continuellement elle
picque & point le coeur de l'auaricieux par le
trenchant des folicitudes,labeurs,perils, crain
tes de perdre fes richeſſes, leſquelles font ac
quifes auec grands trauaux & labeurs, gardees
auec grãde crainte de ne les perdre, & finable
ment delaiſſees auec grand douleur & trifteffe.
Secondemét les eſpines font la viande & nour
riture du feu. Ainſi les riches chiches feront
ards & bruſlez par les flammes infernalles au
puant & acre feu infernal, comme il eſt eſcrit
Luc. 12. du riche en grains,& du riche gourmand.Tier
8o

Luc. i o. cement les araignees font leurs toiles foibles


aux eſpines, leſquelles toiles legerement font
rompues. Ainſi les richeffes font fluides, tran
fitoires & labiles. Finablement les ferpens &
autres beſtes venimeuſes font leurs demeuran-
ces aux eſpines: ainfile ferpent infernal fait fa
demeurance aux coeurs des rapineux, vfuriers,
& auaricieux,cóme il appert de Iudas, qui par
auarice,â la fuggeſtion du diable,liura fon bon
- - Sei
1. A s e x A G e. 253
Seigneur & maiſtre entre les mains de ſes en- Iebro.
nemis & aduerſaires, auſſi d'Ananias & de fa ***
femme Saphira, aufquels Sainét Pierre dićt:
Curtentauit fathanas corvestrum,& c pourquoy a
Satan remply vos coeurs pour mentir au fainét
Eſprit & retenir du pris du champ ? lefquels
cheurent à ſes pieds,& rendirent l'eſprit. S'en
fuit le quatrieſme ordre des auditeurs de l'E
uangile: Et aliud cecidit in terram bonam , Et ce
qui eſt cheut en bonne terre, ce font ceux qui
de tresbon coeur,par grace oyant la parolle, ils
la retiennent & rapportent fruićt en patience.
La parolle de Dieu defcend du ciel, comme la
roufee & vient de Dieu : mais le S.Eſprit parle
par eux en terre bonne,c'eſtà dire,au coeur mű--
de & pur, & rapporte fruićt en frućtifiant en
toute bonne oeuure : fe faiſans riches en toutes
bonnes oeuures,theſaurizans vn bonthrefor au
ciel, Inpatientia,En patiếce de leurs aduerſitez,
en attendant la mifericorde de Dieu. Voyla
l'interpretation de la parabole du Sauueur,qui
à femé fa femếce,en laquelle Iefus Christ nous
enfeigne que tout ainfi qu'il ne faut pas attri
buer faute à la femence fi elle eſt femee pres
la voye, ou fus la pierre, ou entre les eſpines,
& qu'elle ne porte point fruićt, ains faut refe- , :g, „t,
rer & attribuer aux oyſeaux, à la pierre & aux », a,i, ,
eſpines.Ainſi ne faut-il point blafmer l'Euan- estret afnee,
fi peu de gens par l’Euangile, ne s'amen- " "
dent: ains les homines doyuent estre blafmez :
qui par leurs vieux pechez, ou par leurs coeurs „a
, - 1udes
254 D I M E N C H E D E

rudes & durs comme pierre, ou par les eſpines


des richeſſes n'obeyflent pas à l'Euangile.D'a
uantage par ceſte parabole du femeur, Ieſus
Chriſt nous donne à entendre que: Multi fiunt
Beaucoup
font appelleR:
vocati,pauci verò electi,Il en y a beaucoup d'ap
mais bië pese pellez, maisil en y a bien peu d'efleus. Car en
d'esteus. vn fi grand nombre des auditeurs de l'Euan
ile,la quatriefmepartie ſeulementa frućtifié,
conter les deſpriſeurs & perſecuteurs du
dićt fainét Euangile, deſquels lc nombre eſt
infiny.Quelle choſe ferons nous puis que peu
font efleus? Reiećterons nous auec deſdain le
deuoir que nous deuons à Dieu , & à noſtre
próchain ? Certainement non. Ains pluſtoſt
ferons eſmeus & efueillez pour obtenir la
similitude. felicité d'election. Car tout ainſi qu'au pris
de la courſe ou de la fiefche , les coureurs ou
les archiers ne font pas deſtournez par eſpou
uantement du pris, combien qu'vn ſeulement
le reçoyuerains pluſtoſt & par plus grande di
ligence & folicitude ils y employent, trauail
lent, & exercent leurs ſciences, induſtries &
forces. Ainſi ceux qui enfuyucnt le pris de la
vie eternelle, ne doyuent pas eſtre deſtournez
de leurs propos & bonnes intentions, com
bien que peu obtiennent ledićt pris, mais plu
ftoft fe doiućt parforcer qu'ils foyent contez &
nőbrez entre ceſte paucité des cíleus : & qu'ils
recoyuent le pris de gloire eternelle. Finable
ment noſtre Seigneur nous demonſtre en ceſte
parabole combien que peu foyent cfleuz,tou
· - TCS
\

*
l a c_v 1 N Q y A G E s 1 M E. 2ý5
tefois l'Euấgile fructifie grãdement en ce petit
nőbre des efleus.Cardit S.Matthieu:Semẽ quod Matth.rs.
cecidit in terram bonam, dedit fruttum alius cente
fimum,alius ſexageſimum,aliustricefimum. Que la
femence laquelle cheut en bonne terre, rendit
fruićt. L’vne centiefme, l'autre foixantiefme,
l'autre trentiefme.Ce que nous referősaux ma
ricz, aux vefues, & aux vierges, que virginité
foit le fruićt centiefme:viduité le ſoixantiefme:
& mariage le trentiefme.Par là nous voyős que
la foy laquelle eſt conceuë par l'Euãgile, porte
à tous ceux qui croyent, riche & abondất
fruićt, pour la vocation & condition d'vn cha
cun.Prionsdonc noſtre bon Dieu & Pere Sau- ºr“i/”.
ueur, qu’illuy plaiſe nous faire ceſte grace,que
nous puiſſions ouyr fon S.Euangile, tellement
l'honorer & retenir, qu'il puille prendre ferme
racine en nos caurs, que le malin eſprit,ny les
vieux pechez, ny les cures & folicitudes mon
daines ne les puiſſent arracher: mais que fina
blement nous puiſſions produire fruicts en la
vie eternelle,par la grace de Ieſus Chriſt noſtre
Seigneur & Sauueur,qui doit estre loüé & ado
ré enſemblement, auec le Pere, & le S.Eſprit,
au ficcle des fiecles.Amen.

D I M E N C H E D E L A
Q_v I N Q v A G E s 1 M E.
S/umpſit Iesta duodecim diſcipulos dicens.
Deuot auditoire, le fainét Euangile d'au- La .
- iourd'huy
256 D I M E N C H E D E

iourd'huy nous faićt mention de la douloreu


fe mort & angoiſſeuſe paffion : enſemble de
fa glorieuſe , & d’vne miraculeuſe
illumination d'vn aueugle: Affumpſit Ieste. Le
Sauueur a prins les douze Diſciples, & leur
dit:Voicy nous mőtons en . Sainćt
Matthieu dit:Secreto. A part,& en ſecret. Pour
nous donner à entendre que le myſtere de la
Ioan. If.
croix estoit grand, lequel ſeulement est reue
lé aux amys:Iam non dicam vosferuosfed amicos:
quia nota feci vobis quæcunque audiui àpatremeo.
Ie vous dis mes amys: car ie vous ay faićt co
gnoiſtre toutes les choſes que i'ay ouyes de
Iustes G iniu mon Pere. Les mefchans & iniuſtes portent la
fies portēt la croix : mais ils ne fçauent pas les myſteres de la
croix : 20e aff

diferem mët.
croix. Carils ſe courroucent,ils murmurent,iu
rent, & blaſphement en leurs tribulations, &
aduerſitez. Mais les bons & fidelles Chreſtiens
cognoistent le mystere de la croix. Carils fça
uent que noſtre Seigneur mortifie noſtre chair
par fa croix, & par icelle il glorifie l'homme.
Et pource facilement & patiemment ils por
\
tent la croix fe glorifians en tribulation. Sça
Iacobi r. chans que : Tribulatio patientiam operatur, pa
tientia autem probationem probatio vero fpem:Íþes
ɔ

autem non confundit. Tribulation engendre pa


tience,& patiéce probation,& probation eſpe
Rçm. r. rance. Or eſperance ne confond point: Quia
Aatth. 12.
charitas diffuſa est in cordibus nostris perſpiritum
fanftum qui datus est nobis. Sainćt Marc dit:
que Ieſus montant en Hieruſalem, il alloit de
**. uant
1 A Q v 1 N Q v A G E s 1 M E. 257
uant eux. Et en autres lieux, les diſciples al
loyent deuant luy. Comme quand Ieſus alloit
par les bleds au iour du repos, & fes diſciples
auoyent faim, & commencerent à arracher les
eſpics,& manger. Et quandil ordonna feptan
te diſciples, & mist eos binos antefaciem ſuam in ***“
omnem ciuitatem, & locum quò erat ipſe ventu
ru, les enuoya deux à deux, deuant fa face en s
toute cité & lieu , où il deuoit venir : mais
en ce chemin ils ne pouuoyent aller deuant .. .
luy, ains falloit que Ieſus Christ allast de- *

uant eux. Comme celuy qui porte la croix ou


la banniere en la proceſſion va deuant , & les -
autres l'enfüyuent: ainfi lefus Christ va deuant *

pour leur monstrer le chemin de la celeste ci-


té de Hieruſalem , laquelle il nous a impetré
par le myſtere de la croix.Ecce aſcendimu,Voi- similitade.
cy nous montons comme l'oiſeleur qui a per- * -

dufon eſpreuier, monte fur vne montaigne,ou


fur vn arbre, & en appellant ſon oyſeau, il luy
monſtre vne piece de chair rouge: Ainſi nostre
Seigneur a monté en l'arbre de la croix, & en
nous appellant,
enfanglantee de ilfonnous monſtre
rouge fang,fadifant,Venite
chair rouge Matth.rr.
,
ad me omnes qui laboratis , & onerati estis, & ego
reficiam vos. Venez à moy tous qui labourez &
eſtes chargez,& ie vous Voi
cy nous montons. Nous trouuons fouuent au
commencement de l'Euangile que Ieſus Chriſt
monte ou il deſcend: pour nous enſeigner que
nous deuons roufiours faire quelque bonne
258 D 1M EN cHE DE
oeuure.Et conſummabuntur omnia questripta/ant
per Prophetas defilio hominis.Et routes les choſes
qui font eſcrites du fils de l'homme par les
Prophetes feront accomplies : c'eſtà dire, tou
les les chofes leſquelles font eſcrites en la loy
Matth.f.
de Moyſe,aux Pſalmes & Prophetes:tellement
qu’vn iota, ou vn traict ne faudra de la loy,
iufques à tant que toutes choſes foyent faićtes.
Tradetur.Il fera liuré par pluſieurs à la mort &
Ieſus Christ li pour pluſieurs raiſons. Premierement le pere
„or, celelte meu de miſericorde, l'a liuré à la mort.
parplasteurs, Secondement le fils s’eſt liuré luy meſme par
es pour plu l'abondance de fa charité à la mort. Nemo cha
feurs raiſons.
Ioan. 1 r. ritatem maiorem habet, &c. Perſonne n'a plus
Rom.s. grande dilection que celle-cy, Aflauoir,qu’au
cun mette ſa vie pour fes amis: Tradebat fe
iniuš#è iudicanti. if foy-meſme à celuy
qui le iugeoit iniuſtement. Tiercement le trai
ítre Iudas par auarice l'a liuré à la mort. Quar
temết les Scribes orgueilleux, les Preſtres aua
ricieux, les Pharifiens & Iuifs enuieux par en
uie l’ont liuré à la mort. Quintemét le iu
ge Pilate módain & prophane, par craincte hu
maine l'a liuré aux miniſtres & géldarmes Ro
mains pour le crucifier & inhumainement faire
mourir par le ſupplice de la croix. Sextement
nous meſmes pauures & miferables pecheurs
par nos pechez, malices & iniquitez, nous l’a
uons liuré à la mort: cőme il nous reproche par
E/a.4 r. fon prophete Efaye, difant: Seruire mefecišta in
Ff.s. peccatảtais, &c.iniquitates nostras dominusporta
*
uit,
1 A Q v 1 N Q v Ac E. 239
uit, &c. Eii qui non nouerat peccată pro nobispec-2.cor.s.
catum fecit. Tu m'asfaićt feruir en tes pechez
& m'asfaićt trauaillerentes iniquitez. Le Sei
gneur a mis en luy toutes nos iniquitez, il a *
b--- -

faict celuy qui n’a point cogneu peché , eſtre


oblation du peché pour nous, à fin que nous Thre. e.
feiffions laiuſtice de Dieu: par luy l'eſprit de P/al. 6 s.
noſtrebouche, le Chriſt du Seigneur eſt prins
en nos pechez , les opprobres & reproches
de ceux qui l'ont deshonnoré font cheuz fus
moy, i'ay rendu & payé, ce que ie ne deuoy.
pas, & que ie n'auoy pas rauy. Mais à qui fe
ra illiuré? Principibus facerdotum, ſcribis & fe
nioribus. Aux princes des aux ſcri
bes & aux anciens. Voylà grande iniuſtice,
Ieſus Chriſt a fouffert de ceux qui felon la rei
gle de la loy & l'ordre de iuſtice, le deuoyent
deffendre & deliurer l’innocent : comme
eſtoyent les Princes, les prestres, les ſcribes, |
\
& les anciens. Puiflance accuſe les Princes.
Car ils auoyent puiſſance de le deliurer: Com Ioan.19.
me difoit Pilate à lefus Chriſt, Nestis quiapo
testatem habeo, &c. Ne fçais tu pas que i'ay
puiſſance de toy crucifier , ou de toy laiffer? .
La fainćteté de l'office facerdotal reprend les
preſtres. Carils deuoyent eſtre fainéts, com
me leur Dieu eſt fainét : mais comme dićt
l'eſprit de Dieu , Sicut populus, ita & facerdos.
Ofee4. Comme eſt le peuple, ainfi eſt le pre- ·

fire. Les preſtres fe font departis de la loy, c„ır. t.,


& de la voye des commandemens de Dieu, prestres.
R. 2
)
26o D 1 M E NcH E D E
par leur mauuaiſe vie. Ils ſcandaliſent plu
fieurs, & font les premiers aux pechez , d i
ceux procede toute iniquité. La fcience ac
Maleh “ cuie les ſcribes. Car fçachant le bien & ne le
; : faifant, c'eſt pechéla àvolőté
loy,ils fçauoyent
s- vvv ·
eux. de
Carnoſtre
instruićts par la
Seigneur:
Tellement qu'ils ont esté la clef de ſcience : lls
ne font pas entrez, & empeſchoyent ceux qui
contre les entroyent. L'aage accuſe anciens, leſquels
yieux. fainćteté de vie deuoit en fuyure,mundicité de
I**** coeur, grauité de mæurs, prudence d'eſprit, &
fapience d'enhaut, deſcendant du pere des lu
Sap. 4.
mieres:l'aage de vieilleſſe eſt vie fans macule.
O/ee. 6 f, Mais les coeurs de cesvieillards eſtoyent depra
uez & corrompus en leur vieillelle. C’eſtoyent
lesenfans de cét ans maudits.Tradeturgentibus.
Il fera liuré aux Gentils, Comme à Pilate, aux
similitude miniſtres & gensdarmes Romains. Comme le
delofachrist preſtre quia commis quelque crime digne de
f
degrade. .
* mort, l’Egliſe luy oste les facrez ordres par
degradation, toutefois il n'eſt pas iugé à la
mort par l'Egliſe, ains delaillé à la iuſtice cri
minelle: Ainfi Ieſus Chriſt, non par les Iuifs
aufquels il n'eſtoit permis de tuer aucun : No
bis non licet interficere quemquam: Il ne nous eſt
pas licite de tuer aucun , mais par les Gen
tilsila ſouffert le ſupplice de la mort. Et illu
luciº. detur & flagellabitur & conſpuetur. Et fera moc
qué & flagellé & decraché. Premierement il
fera mocqué. Les ministres fe font mocquez
de luy en la maiſon de Caiphe. Et les hommes
qui
- d e L A Q v r n q v A. 2ổt
quitenoyent Ieſus fe mocquoyent de luy,& le ,
benderent & frapperent fa face & l'interro
quistepercufit deui- ***** -
ne Seigneur,qui eſt celuy qui t'a frappé? 2.He- I ~

rode aủec toute fa compagnie ſe mocquerent“


de luy, en le vestant d’vne robbe blanche, en
figne de derifion & mocquerie. 3. Au pretoire
de Pilate,en ployant le genoille ſaluoyent en
fe mocquant de luy,difans: Auerex Iudeorum,
bien te foit Roy des Iuifs.Finablement les géf
d'armes ſe mocquoyent de luy, luy preſentant
en la croix du vinaigre auec de la myrrhe & du
fiel. O cas pendablelle Roy demande à boire à
fon fommelier, & illuy donne à boire du vin
aigre,auec de la myrrhe & du fiel: Etflagellabi
tur,il ſera flagellé: premierement en la maiſon
d'Anne de celuy qui luy bailla vn fouflet.Se
condement au pretoire de Pilate quile feist liet
& flageller en vne colomne:de laquelle flagel
lation fon fang a diſtillé, & defcoulé de toutes
parts,de forte que à plantapedis adverticem non
eratin eo fanitas,dés la plante des pieds,iuſques
au fommet de la teste,en luy n'auoit lieu ne pla
ce de fanté : mais toute meurtriffeure, douleur
fus douleur, playe ſusplaye, & fang fus fang,
Tiercement ila esté flagellé en fes amiables
mains,en festreſprecieux pieds & en ſon ſacré
&glorieux costé. Voila, Chrestiés Ieſus Christ similitudes:
qui comme l'apoticaire
coétion,ilprend pluſieursquand il fait
herbes, vnde;il
leſquelles . -tu
faićt bouilliren vn grand vaiſſeau,la decoction
R 3
2.62 - D IM E N C H E -D E ;

d'icellesil met en petits vaiſſeaux: Ainſi nostre


Seigneur grand vaisteau, faićt la decoćtion de
fa paffion, laquelle il reſpand dans les petits
vailleaux des coeurs de ſes Apostres. Au prin
temps les ieunes filles font des bouquets de
„ , pluſieurs fleurs quelles mettent fur leur ſein:
- *"
des Chrestiës
Äinfi• .mes
. ;
amis & freres Chrestiens: ie vous
* * ,

, confeille de faire auiourd'huy vn bouquet de


filles. , douleurs playes,eſpines,eloux,lancesfangsver
ges, croix, lier tout cela enſemble & le porter
en voltre coeur, comme Ieſus Chriſt l'a porté
gn fon corps. Cela nous enflambera vn feu ,
d'athotir diuin pour vóſtre conſolation syioye
fpirituelle,& falut de voz annes. Ettertia die re
färget. Et au tiersioutil refuſcitérạilictourne
ra victorieux des enfers, il deliurera les fainćts,
percs en deflrtrifint l'empire de la mort s liant
Sathan'aux enfers, & gloricụfement de ſa pro *
pie vertuteſuſcitera, Et ipst nihil horkin intelle *,
*

rerunt. Et iceux n’entendoientrien de ces cho


fes: car ils estoient encores lourds en eſprit &
grostiers en la foy. Et ca ſecret ne leur eftoiť
pas encore reuelé , & ceste parole leur estoit
cachee, & n’entendoient point les choſes qui
eſtoient diétes. La cauſe pourquoy ils n'enten
Les Apostres doient point ce mistere eſt premieremét pour
„.»tehdyết ce qu'ils ne pouuoiết ouyr la mort de celuy,le
peint le my-, quel fi fouuerainemếtils aimoiết & defiroient .
Amortde Ieſus. tonfiours voir. Secondement pource qu’ils .
• , – I* * - * «*

3 " croioycnt que Ieſus Christ nó ſeulement estoit,


pourquoy. homme nosnemu
|- -
wypie =) 1 CUI
*

*
*
- 1 A Q v 1 N Q y A G E s 1 M e. 263
Dieu viuất. A peine pouuoyent-ils croire qu'il
deuft mourir, & que la vie mouruſt, & que
l'immortel fuſt mortel. Finablement ils pen
foyent que telles parolles eſtoyent paraboli
ques.Et pource ils cuidoyent qu'il falloit pren-
dre telles parolles autrement qu'elles ne fon
noyent. S'enfuit la feconde partie de nostre S.
Euangile, où il eſt faićt mention de l'illumina
tion d'vn aueugle.Fattum est autem cum appro
pinquaret Iestu Hierico,cecus quidam ſedebatfecus
viam mendicans.Et aduint quand Ieſus s'appro
cha de Hiericho,vnaueugle eſtoit astis pres de
la voye, & mendioit. En la premiere partie de
l'Euãgilenoſtre Seigneur predit à ſes diſciples
l'infirmité de fa chair en forme humaine: mais
à fin qu'ils ne fullent troublez & ſcandalizez,
ou que par trop grande triſteſſe ils ne fustent
engloutis ou abifniez, tout incontinentil de
monſtre la puiſſance de fa diuinité, en illumi
nant vnaueugle,auquelles deux chandelles de
lumiere eſtoyent eſteinćtes. Ainfi ceux qu'il a
eftonné par parolle,il les confirme par miracle.
Parle premier il monstre la verité de fon hu
manité,par laquelle il eſt moindre que le pere.
Par le ſecond il manifeſte la verité de fa diui
nité, laquelle il est vn auec le Pere. Vn
aueugle eſtoit affis, voyons icy la defolation
& conſolation de ceſt aueugle:duquel il est dit,
Cæcus,vn aueugle: voy là vne triſte calamité &
mifere, quelle ioye pouuoit-il auoir,eſtant af
fis aux tenebres, & ne pouuoit voir la lumie
264 d1 m enche D E

Apºcal.i. re du ciel ? malheureux & miferable pauure,


nud,& aueugle. Quidam, aucun. Sainct Marc
dićt que c’eſtoit vn aueugle dićt Barthimee,
constea fils de Thimee. Les Euangelistes n'ont pas de
***"g"“ coustume exprimer les noms de ceux aufquels
Ieſus Chriſt a faićt miracles, fi ce n'eſt pour rai
fons graues, de grande importance & confe
quence, finon qu’ils fuffent nobles (comme le
Lazare & Iayrus prince de la ſynaguogưe) ou
de grande renommee & ferme foy, comme
cest aueugle,duquel il eſt dit:Sedebat fecus viam .
mendicans. Il eſtoit affispres de la voye & men
dioit: le pauure aueugle eſtoit contrainct par
neceſſité mendier, car il n'auoit dequoy viure.
Voylavne rres-grãde calamité eſtre aueugle &
mendier. La charité estoit tant refroidie entre
les Iuifs, qu'ils ne fubuenoyent pas à la neceſ
fité des pauures felon l'ordonnance de la loy.
Laquelle commandoit que perſonne ne fust
Peater.", contrainét mendier, Omnis indigens & mendicus
non erit inter vos. L'aueugle n'offençoit pas
Dieu de mendier, veu qu'il ne pouuoit par
honneste labeur ſubstanter la pauureté de fa
vie , car la neceſſité de ſa pauureté le contrai
gnoit à mendier:mais le Magistrat des Iuifs pe
choit, de ce qu'il n'obſeruoit les ordonnances
de la loy, leſquelles estoyent instituees pour
nourrir les pauures fans publique mendicité,
c'eſtà dire, fans publiquement mendier. Caril
- eſt eſcrit en la loy, qu'il n'y ait entre vous au
cun pauure ou mendiant,c'eſtà dire, vostre re
publique
1 A Q y I N Q y A G E s 1 M. E. 265
publique foit tellementordonnee,que les pau- pest.rs.
ures ayent leur nourriture, & qu'ils ne foyent | f; | :
contrainćts publiquement mendier, à fin que } :
le Seigneurton Dieu te beniſſe en la terre , la- eestire des
quelle il te donnera en heritage pour poste- pasures. .
der. Et par telles ordonnances de la loy,le Ma- *******
gistrat Iudaïque pouuoit & deuoit fubuenir
& fecourir à la neceſſité des pauures. Mais par
la mendicité de ce pauure aủeugle, & de
fieurs autres, manifeſtement il apparoist que
les Iuifs n'ont pas eu foy aux promeſſes de
Dieu,ny obſerué ſes commandemens.Et pour
tant au lieu de benedićtion,laquelle leur eſtoit
promife, ils ont esté tellement maudićts que
non feulement de rage de faim, ils ont mangé
leurs propres enfans , mais auſſi ils ont
priuez & deſpouillez de leurs Magiſtrats, of
fices, iuriſdićtions, aućtoritez, gouuernemens,
commandemens, iugemens, regions, facultez,
propre vie,de tout falut. Et ce qui est aduenu
aux Iuifs aduiendra aux Chreſtiens chetifs, &
autất en deuốs nous attendre, fi ne nous amen-
dons, & ne nous retournons à noſtre bon fens,
en faifant penitence, & fi Dieu ne nous prend
à miſericorde. Car noſtre Dieu nous comman
de faire miſericorde,& ſubuenir à la neceſſité,
des pauures. Secondement, la charité du pro
chain le demande. Finablement,l'honneſtetê de
la police Chreſtienne le defire & le requiert.
Et cùm audiret turbam pretereuntem, interrogabat
quid hoc effet. Et quand il ºv; la trouppe qui
f
266 · · · d1M ENc HE: D E . :
pastoit,il interroguoit que c'eſtoit. Il n’eſt rien
plus vtile que de s'interroguer de Ieſus , com
- me les fages Roys, qui diſoyent : Où eſt celuy
******: qui eſt nay Roy des Iuifs : Pluſieurs Roys &
Prophetes ont voulu voir & ouyr ces choſes,
** " & ne les ont pas veu ny ouy. Dixerunt autem es
Tareth, quoy. quod Iestu
" .--
Nazarenu tranſiret. Etilsluy dirent
- -

que Ieſus de Ñazareth paſſoit. Ieſus est fon


propre nom , lequel fut nommé par l'Ange
deuất qu'il fust conceu au ventre:lequel inter
preté ſignifie Sauueur. Caril ſauuera fon peu
ple de leurs pechez. Nazarenu , furnommé
Nazarien,à cauſe de la cité de Nazareth, en la
quelle il auoit esté conceu & nourry. Ainſia
uoitil eſténommé parles oracles prophetiques.
Na Karena interpreté ſignifie fleur ou florif
fant, fainćt & innocent. Il eſtoit le Sainćt des
Pſal.2 s. Sainéts, Innocens manibus & mundo corde. Inno
cent desmains,& de coeur ner & pur, florifiant
en grace, donnant odeur de bonne & fainćte
• vie. Et clamauit dicens: Ieſu fili Dauid, miferere

*** fte
mei.oraiſon
Ieſus fils
eſtde Dauid,aye
brefue quant àmercy de moy. am
la lettre:mais Ce

ple & frućtifere en intelligence ſpirituelle:


pource qu'elle eſt en peu de propos parfaićte
ment complete. : . - -- ; *

Premierement il prefere & allegue la puiſ


fance de la diuinité, difant: Domine, ou Ieſus,
Seigneur Roy du ciel & de la terre, Roy des
Roys, Seigneur des Seigneurs: en la puiſſance
duquel toutes chofes font, qui faićt tout |

qu'i
* L A Q v 1 N Q v A G e. 267
qu'il veut au ćiel, en laterre, en la mer, & en Apºtal.rº
tous les abyſmes,fils de Dauid.Voila vne con- ’”
festion de douceur & de miſericorde humai-"“
ne quia eſté faićte de la femence dė Dauid fe
lon la chair. Nous fçauons que Dauid estoit xem...
debonnaire & en mifericorde il a obtenu le -

fiege de regne.Finablementil a demandé ceu


ure de mifericorde, quand il dit: aye mercy de
moy. Comme le pénitent Dauid qui diſoit:
Miferere mei Deus fecundum magnam mistricor- / sº.
diam tuam O Dieu aye mercy de moy., felon ta '*******
grande mifericorde: ou comme la fainćte &
vertueufendame Iudith, O Dieu des cieux,
createur des eauës, & Seigneur de toute crea
ture,exauce moy,qui fuispauure ſuppliante &
qui me en Celmiracle.
nous enſeigneitróis choſes neceſſaires à tous
* quel est Ieſús Christ.
Secondement quelle chofe nous deuonsatten- l'illuminatië
dre & de luy eſperer. Firiablement par quel 4° ***e*z“
moyen nous pouions paruenirà luy. Veux-tu
fçaụoir ô hőme Chreſtié quel eſt Ieſus Chriſt? Fils de Da
Fils de Dauid. Il ſemblera poſſible à quel uid, quoy.
qu’vn que ce n’est pas grande chofe estre fils de
Dauid. Carl’eſcriture faincte nomme pluſieurs
fils de Dauid,& qui nevalloyết pas beaucoup. -

Ammon estoit fils de Danid,qui viola fa foeur 2. Reg is.


Thamar. Abſalon eſtoit fils de Dauid, lequel 2. Reg.za.
cruellement a perſecuté fon propre pere , iuf-**4. "
ques à mettre & plonger le fer de falance dans
l'estomach paternel,s'il euſt eu le pouuoir, cố- '
* . : II) C
ž68 . D 1 M E N C H E D E - -

me eſtoit fondamnable vouloir. Adonias eſtoit


fils de Dauid:& toutefois fon pere viuant, il a
brigué le Royaume. Mais fi nous voulons re
garder de plus pres & plus diligemment nous
donner garde, outre les ſus nommez, vn autre
fils & vnique a eſté promis à Dauid, qui non
pour quelquetemps comme les autres fils char
P/al. 13 r.
nels,mais perpetuellemét feroit aſſis & regne
roit au fiege Royal de Dauid. Le Seigneura
iure verité à Dauid, & il ne s'en defdira point,
difant: Defruttu ventris tui ponam ſuperfedem
tuam. Ie mettray du fruićt de ton ventre furton
throfne. Noſtre meſſias donc eſt nommé fils
de Dauid. Secondement ce miracle nous en
feigne quelle chofe nous deuons attendre ou
eſperer de noſtre Seigneur, à fçauoir ce qu'il a
faićt& donné aux aueugles.Premierement il a
paſſé par la voye en laquelle les aueugles s'e
itoyent aſſis,leſquels nepouuøyent à luy:
mais il s'eſt approché d'eux, Ainſi nous ne
pouuons de nous meſmes aller à luy: mais il
s'approche de nous,en nous prenant par fagra
ce:à fin que nous aueuglez de coeur, nous ef
ueillons, croyons & crions, fils de Dauid, aye
mercy de nous. Secondement il s’eſt arreſté au
cry des aueuglez. Ainſi noſtre Seigneur entend
- nos cris & prieres,comme il est efcrit: Propè est,
r/.t.,,. dominu omnibus inuocantibus eum. Nostre Sei
gneur eſt pres de tous ceux qui l'inuoquent. Il
a crié à moy, & ie l'exauceray. Et derechef il
Pfal.oo. vous donneratout ce que vous luy demande
ICZ
LA Q v 1 N Q v A G E. 269
rez en mon nom. Tiercement, vocat eum adfe.
Ieſus l'appelle à foy, qui n'a pas en deſdaing
vn pauure aueugle mendiant,Âuffi noſtre Sei
gneur n'a pas en deteſtation,horreur, & abomi
nation le pauure,humble,& penitent
qui de tout fon coeur fe retourne à fon crea
teur. Quartement quand l'aueugle futamené à
luy, il luy dit: Quid vis vtfaciam tibi?Que veux
tuque ie te face? il ſe preſente pour faire le
deſir des demandeurs. ceſte forte quand tu
feras venu à lefus Chriſt, il s'offre foymeſme à
faire ton deſir.A ceste caufe diſoit fainćt Paul:
Adeamus ergo cum fiducia ad thronum gratie. Al- Heb. 4.

lons donc auec fiance au throſne de grace,à fin


que nous obtenions miſericorde, & trouuions
grace pour auoir ayde en temps conuenable.
Cinquiefmement il touche les yeux, il rend la -

veuë, non feulement pour voir le foleil de ce ----

fiecle: mais auſſi le vray foleil de iuſtice eter


nelle. Ainfi nostre Seigneur veut ouurir nos *

yeux, à fin que nous puiſſions voir Dieu & Ie- ”


fus Christ lequel il a enuoyé, encores que tu
nele voyes qu'en miroüer & figure: mais à la
fin parfaićtement ilte rédrala veüe pour le voir
face à face. Voila les choſes que nous deuons
attendre & eſperer de Dieu.Reste maintenant
Voir par quel moyen nous pourrons paruenir à
fi grands biens. Cela nous eſt fort bien demon
stré en cest aueugle. Caril nous fautainfi faire Moyens par
i finel, nou,
ce qu'il a faićt. Et par ce moyen nous acque- .
fterons la lumiere de celuy par le-tuuminé. B.
quel
./
27o -- D 1 M E N c H E . D E .
rituellemët, à
l'exemple des
quel il a receu la corporelle. Et pource il faut
.au euglesilla premierement cognoistre fa cecité, à Pexem
minez, corpº ple des aueugles, & demander la lumiere. Car
f'ellement. iamais tu n’obtiendras miſericorde parfaiéte
ment,ſi parfaićtement tu ne cognoy ta mifere.
Secondement tu entens la trouppe qui paſſe,
c'eſtà dire , quand quelque choſe t’admone
fte exterieurement , ſi tu ne peux voir Ieſus ]
Chriſtpartel moyen,interrogue que c'eſt, de
mande conſeil à ceux qui ontveu Ieſus Chriſt,
lis les eſcritures, entens la parole de Dieu , &
par là tu apprendras quelle choſe il te faut ef
perer de Ieſus Chriſt.Tiercement quand tu en
tendras Ieſus Chriſt, crie : C’eſt à dire, prie
comme les aueugles, & dis: Dominefili Dauid
mifererenostri.Seigneur fils de Dauid, aye mer
cy de nous. Quartement quand ta conſcience
murmure contre toy,diſant: quelle chofe as-tu
affaire auecques Ieſus Chriſt, toy qui es
tant de liens de peché, chargé de fi grands faix
d'iniquité,priſonnier du diable, pourneant &
en vain tu crie,ne vueille point ouyr la trouppe
tumultuãte,mutine,& ſeditieuſe, lors plus fort
tu crieras auecques les aueugles, & diras: Do
mine filiDauid miferere nostri.Quintement quãd
tu oyras quelque Chreſtien ou miniſtre & fer
uiteur de l'Egliſe de Dieu, qui te dira mon
amy,aye bon courage,lieue toy incontinent.Il
t'appelle comme l'aueugle, lequel iettant ius
fon máteau,il fe leua, & s’en vint à Ieſus. Ainſi
ne differe point à deſpouiller ce vieux, ord, &
fale
LA Q_v I N Q v A G ES I M E, 271
falle manteau,auecques lequel tu foulois men
dier le denier au monde, c'eſtà dire, ſuperbe,
auarice, ire, enuie,gourmandiſe, paillardife,&
negligenc.Veeritablement celuy eſt mendiant,
qui pour vne vile volupté & vanité mondaine
demande l’aumoſne au monde. Sixiefmement
quand tu feras venu à Ieſus Chriſt,que tu n'ou
blie pas luy demander ce qui t'eſt fouueraine
ment ncceffaire , à l'exemple des aueugles, qui
diſoyent: Domine vt aperiantur oculi noštri. Sei
gneur, que nos yeux foyentouuerts. Car cela
nousest grandement neceſſaire que nous voyős
que c'eſt que Dieu pour l'aymer, le móde pour
le hayr, & peché pour le fuyr. Septiefmement
quand tu feras illuminé à l'exemple des aueu
gles, donne ordre de l'enfuyure par aćtion de
graces, exhibition de pures prieres. Voylà les
choſes necellaires, conuenables & falutaires à
l'homme Chreſtien. Or prions noſtre bon Dieu Oraiſon.
& pere des lumieres, que tout ainſi qu’il a illu
miné corporellemét les aueugles,ainfiluy plai
fe par la clairté de fon fainćÈ Eſprit illuminer
ſpirituellement nos coeurs & entendemens,
pour les dreffer à la droićte voye de fes fainćts
& diuins commandemens, à fin que finable
ment nous puiſſions paruenir à la glorieufe &
eternelle lumiere, où Ieſus Christ regne & vit
auecques le Pere & le fainét Eſprit au Royau
me de Paradis.Amen. ' ,

LE
272

LE P R E M I E R D I M E N C H E
D E c A R E s M. E.

F P R E s que le diable par fon astuce


eut deceu nos premiers parens, &
-- # qu'il les euſt fait tóber en peché, &
cốſequemment que par le peché la
mort euit eſté introduićte au monde,pour don
ner cófolation à l'hőme & prendre vengeãce de
ceſte malice & enuie diabolique,Dieu le crea
teur ne s'eſt pas courroucé cőtre Adam & Eue,
mais cốtre le diable qui auoit deceu la femme,
& la premiere menace qu'il luya faićte, a eſté
ceſte-cy:Inimicitias ponā inter te & mulierem,/e
men tuum & femen illius. Sçais-tu qu’il y a,dia
ble, tu as faićt vn coup de ta main, en faiſant
pecher l'homme:mais i'en feray vn autre de la
mienne, en mettant diffenſion & perpetuelle
guerre, non ſeulement entre toy & la femme,
mais auſſi entreta femence & la fienne,laquel
le aura vićtoire par deſſus toy: Adam aura bien
fa reuenge. Or Dieu ne trouuant point homme
en la terre qui peuft brifer la teſté du diable,&
auοirvićtoire cốtre luy,il s'eſt aduifé d’enuoyer
fon Fils icy bas, pour prendre chair humaine,à
fin qu'il euſt vićtoire contre le diable,& le pri
uaſt de toute la puistance qu'il auoit.Et c’eſt ce
que S.Iean dit en fa premiere Canonique:cha
pitre troifieſme:In hoc apparuit Filius Dei, vt dif:
foluat opera diaboli. La fin pourquoy le Fils de
Dieu eſt venu en ce monde,c'est pour destruire
-

&
b * c a a es v r. 273
concluſion de l'Euangile du iourd'huy : Wade
retro fathana,comme s'il diſoit: Tu n’as plus de
uiſſance, retire toy arriere, tu as la teſtebri
Et non feulement luy a caffé la teſte, &l'a
vaincu, mais auſſi nous a enfeigné la maniere
de combattre fathan, & le ſurmonter: Reliquit
nobis exemplūsvt/equamur vestigia eius. 1.Petr.2,
Il a faićt comme yn bon maiſtre d'eſcrimes
qui ne dit pas ſeulement à ſon apprentifil faut
aínfi faire & bien tirer ſes coups, mais auſſi il
prend les armes,& s'en fert le premier,&mon
ftrecomme il faut faire. Ainſi Ieſus Christ qui
est nostre maiſtre pour nous apprendre à guer
royer & vaincre noſtre ennemy,ila voulutià
rer les premiers coups, & nous monſtrer com .
me ib combattre fathan, & luy reſiſter,
quandil nous affaut & tente en diuerſes mae
nieres. Or depuis qu'il faut faire vn combat,
la premiere choſe requiſe, est qu'il faut confi
derer & cognoiſtre les forces & rufes de fon
ennemy, pour ſe donner garde d'estre furprins.
L’ennemy de Ieſus Christ & le nostre, c’est le
diable, qụi non ſeulement eſt fin & canteleux
de fanature, mais austi eſt fort ennemy: voire
le plus puiſſant quiſoit deſſus la terre, le m'en
rapporte à Iob,qui le dit au chapitre 41. Non est
potestaa fi perterram, que comparetur ei,quifačius
est vt nullum timeret. Sainćt Paul n'en dit pas
moins en l'Epistre aux Epheſiens, chapitre fi
xieſme, où il nous aduertit que non est nobis col-,
luctatio aduerste carnem & fanguinem,/ed aduer
- S
2.74 -I . D I M E N C H E

fiu aërias poteſtates, &c. Ievous aduife (dit-il)


que vous auez forte partie. Car vous auez à
eombattre, non point contre aucune puiſſan
ce charnelle,mais ſpirituelle,& beaucoup plus
grande que de tous les hommes. Pour ceſte
caufe vous deuez apprehender ſes forces, &
toutefois pour cela ne perdre pas le courage.
mais en les apprehendant, il faut regarderà
vn qui eſt plus que luy, & vous ei armer?
quine peut estre autre que le fainét Eſprit. Et
pourtant à fin de reſiſter à la force du diable,
Ieſus Chriſt noſtre maiſtre & capitaine a eſté
conduit au defert , eſtant armé & muny du
fainćt Eſprit. Et c'eſt pourquoy en l'Euangi
le noſtre Seigneur nous admonneſte de prier
fouuent. Orate,ne intretis in tentationem, à
dire, Priez, & vous gardez d'eſtre ſurprins de
vostre ennemy. Que fi vous eſtes ſurmontez,
ce fera par vostre faute & negligence : quia
maior est qui in nobis, quàm qui in mundo. Nous
auons à noſtre commandenient vne puiſſan
ce qui est plus grande que celle du diable, fi
nous en voulons vſer. Et en l'oraifon Domi
nicale , il nous incite à faire ceſte demande à
Dicu. Ne nos inducas in tentationem:Noſtre pe
re nous vous prions qu'il vous plaiſe par vo
ftre mifericorde ne permettre que foyons fur
prins & furmontez de la tentation de noſtre
ennemy iuré. Car comme dit fainét Cyprian
in oratio, Dominic. Nilpotest cãtra nos aduerfarius:
nif Deus antè permiferit. La feconde chofe
t : allt
d e c A R E s M e. 27;
faut confiderer en nostre ennemy, ce font fes
ruzes & fineſſes pour nous en donner garde.
Car le diable eſt cauteleux & bien experi
menté aux ruzes de guerre. C'eſt de luy qu'il
eſt eſcrit en Geneſe chapitre 3.Erat ſerpens cal
lidior cunctis animalibus. Et non ſeulement luy
eſt fin & cauteleux , mais auſſi fes foldats &
miniſtres, deſquels parlant fainćt Paul 2. Co
rinthio. 11, il dit, que fant operari) fubdoli. Il faut
donc bien prendre garde à nous , & nous te
nir furnoz gardes,de peur d'eſtre ſurprins. Or
la premiere & principalle cauſe d'vn Capitai
ne eſt d'affaillir fon ennemy à l'improuiſte, &
ne luy donner pas loifir d'aſſembler fes for
ces : d'autant que le premier coup, dit-on , en
vaut deux. Le diable affez ſubtil & aduiſé en
cela premier &auant que nous y euffions pen
fè, nous a affaillis au paradis terreſtre & iar
din de delices, commeil appert par le troiſief
me chapitre de Geneſe. Laquelle ruze diabo
lique a eſté figuree par vn fien miniſtre Pha
raon,en Exode premier chapitre , qui voulant
finement opprimer le peuple de Dieu, & l’em
peſcher de multiplier qu'il ne fuſt le
plus fort, commanda à fes gens qu'ils meiſ
fent à mort tous les enfans maſles dudićt peu
ple incontinent qu'ils feroyent nais, comme a
bien remarqué Origene homi. 2. in Exodum, où
il monſtre que la ruze & malice du Diable eſt
grande, pour empeſcher que vertu & lagra
çe de Dicu ne prennent racine en l'homme.
- S 2
276 I. D I M E N C H E

Et pourtant de peur de furprinſe, il nous faut


de bonne heure dreffer nos efforts à l'encon
tre de luy. Ce que nous faiſons au bapteſme
où nous renonçons au diable, & à fes mini
ftres, à l'imitation & exemple de nostre Sei
gneur,lequel n'a pas esté plustoſt baptizé, qu'il
s'en eſt allé au defert pour refiſter au diable
qui eſt venu incontinent l'affaillir parfon faićt
nous enſeignant que nous ne ſommes pas
pluftoft en la grace de Dieu, que le diable ne
nous vienne affaillir pour nous deſbaucher &
f. Pe
faire tresbucher s'il peut. Et c'est pourquoyle
*** Sage conſeille à chacun de nous: Fili accedens
ad feruitutem Dei, animam tuam ad ten
tationem. Mon enfant, affeure toy d'vne chofe,
c'eſt qu'incontinent que tu te feras diſpoſé de
bien viure, le diable ne faillira de te liurer l’af
faut & tenter. Parquoy fitues fage, tu te pre
pareras luy refister, & te garderas bien
d'eſtre ſurprins. L'autre ruze d'vn Capitaine
experimenté en faićt de guerre, c'eſt qu'il a de
couſtume obſeruer deux chofes : & premiere
ment de quelle part la place qu'il veut pren
dre eſt la plus foible & debile: Secondement
la commodité qu'ila de la prendre. Or la foi
bleffe d'vne place & fortereſſe qu'on veut
affaillir, vient ou de nature (comme quand la
muraille eſt foible & ruineuſe) ou bien de l’oc
cafion preſente : qui faićt qu'on a moyen d'en
trer dedans par le lieu mefines qui est le plus
fort: comme quand il y a vn traiſtre à la por
* \ tC
/
D E C A R E S M E. 277
te du chafteau ou deſſus la muraille, qui don
nera entree fi on fe la part où il eſt.
Si vous regardez di igemment qui eſt la par-
tie de l'homme la plus ruineuſe & la vieille
muraille que le diable tafche toufiours mi
ner quand il veut entrer au chafteau de no
ftre conſcience,c'eſt la chair: Et toute la ruyne
de l’homme vient ex corruptione nature: & or
dinairement toute herefie a commencé par là,
& fauorife à la chair. Et pourtant nostre en
nemy iurévoyant & ayant ja experimenté au .
premier homme que noſtre place eſt foible
de ce costé là , ne faut iamais à nous affaillir
par la gueulle. Vray eſt qu'il ſurmonte aucu
nefois l’homme & entre chez luy, ex oblata oc
castone. Carle diable,qui ſemper circuit nos, que
rens quem deuoret,qui ne dort pas; & iamais ne
ceſſe de nous eſpier, obſerue diligemment &
prend garde à quel vice nous fommes enclins.
Et pource, es tu enclin à paillardiſe ou auari
ce garde toy de ce coſté là. Car le diable ne
failliraiamais de t'affaillir par là:fçachant bien
qu’il a chez toy des traiſtres qui te liureront
entre ſes mains, & l'aduertiront qu'il batte la
place par ce costélà. Inimici heminis domestici
eius. Matthei 11. Nos ennemys couchent auec
nous. Defquels parlant S. Iean en ſa premiere
canonique ſecond chapitre dit: Omne quod est
in mundo, aut est concupiſcentia carnis, aut ſuper
bia vite,aut concupiſcentiaoculorum.La chairpro
pre que nous auons est le peng traiſtre qui
- 2
*
(

27$ I. D I MÍ E N C H E ' - ·
nous veut liurer entre les mains de noſtre ca
pital ennemy. Caro concupiſcit aduersta ſpiritum.
Les autres traiſtres font auarice & orgueil,
conuoitife des biens & honneurs mondains.
De peur donc que ne foyons trahis par iceux
& furprins de nostre ennemy , il nous faut
fuir les occaſions de peché entrans au defert
apres noſtre Capitaine Ieſus Chriſt, & fuyans
les mauuaiſes compagnies : & puis prendre
«les armes ſpirituelles, qui font ieufne, oraifon,
&aumofne, pour combatre nos ennemys, à
l'imitation de noſtrė maistre, entreprenant le
combat, comme il eſt recité en noſtre Euan
Matth. 4. gile : où il est dit: Tunc duiius est Iosta in defèr
tum àſpiritu, vi tentareturà diabolo. Alors Ieſus
zue... fut mené de l'eſprit au defert pour estretenté
du diable : à fçauoir apres qu'il fut baptifé. Et
quand il eut ieufné quarante iours & qua
rante nuićts, apres il eut faim. Où il nous
faut noter, que les faićts & oeuures de Ieſus
Christ ne nous apportent pas tant feulement
conſolation : mais auſſi exemple de bonne
vie & de fainćte conuerſation. Car il ne fuf
fit pas de dire que Ieſus Chriſt a ieufné &
prié pour moy. Et pource ie ne feray rien:
Matth.rs. ains me repoſeray & feray oyſeux.Jeſus Chriſt
a porté fa croix, pour l'enfuyure comme il a
dit:Siquis vult venirepost me,abneget femetipfum
cớ tollat crucem filam & fequatur me. Si aucun
veut venir apres moy, qu'il renőce foy-meſme,
& porte fa croix, & m'enfuyue. Il a eſté hum
ble
D e c A R E s M. E. 279
ble pour l'enfuyure, distite à me quia mitis fum Matth.ri.
& humilis corde. Apprenez de moy que ie fuis
debonnaire & humble de coeur. Il a eſté chari
table, & tu dois faire à fon exemple charité à
ton prochain. Exemplum dedi vobis, vt quemad- Ioan.n.
modum feci vobis, ficcớ vos fàciatis. Ie vous ay
donné exemple, à fin que vous faciez comme
ie vous ay faićt. Les oeuures de Ieſus Chriſt
nous prouffiteront , fi auec les fiennes nous -

adiouſtions & accouplions les nostres. Tour similitude,


ainſi qu’vne goutte d'eau meflee dedans vn -

tonneau plein de vin, elle reçoit la faueur du - * **

vin : ainſi nos ceuures meflees & accouplees -, ,


au merite de Ieſus Chriſt, elles nous prouffi
tent. Autrement peu nous prouffiteront, fer
uiront ou ayderont. Dučtua est Ieſus à ſpiritu. Ie
fus fut mené de l'eſprit. A fçauoir du fainćt
Eſprit. Comme il est dit en fainét Luc : Iestu *****
plenus Spiritu fantto, egreffusest à Iordane,& age
batur à Spiritu in deferto. Ieſus plein du fainćt
Eſprit, fe partit du Iourdain, & fut mené de
l'Eſprit au defert. Ce qui donne grande confo- *

lation à tous ceux qui font tentez. Car tou-,procedent ":


• de
tes tentations & aduerſitez font & proce
dent de la volonté de Dieu. Car nulle puiſ- ionté.
fance diabolique ou humaine n’a aucun droićt
fur nous , finon que Dieu le vueille ou per
mette. Les cheueux de voſtre teſte ſont tous Matth.ro,
comptez. Dieu eſt nostre pere, tres-bening & “º””
debonnaire , qui permet toutes chofes pour
nostre bien & vtilité. Fidelis est Deus qui non
S .4
28o 1. d 1 M E N c H e
, , ** *
patietur vostëtarifupra id quod potestis,&c.Dieu
eſt fidelle, lequelne permettra point que vous
foyez tentez outre ce que vous pouuez: mais il
fera bonne yffue auec la tentation, à fin que
- ***, Y vous la puiſfiez ſouſtenir. Pource tu prendras
atiemment les tentations & aduerfitez com
me de Dieu, & non pas comme des hommes.
In defertum. Ieſus fut mené de l'eſprit au de
fert:& pourquoy? : - - , , , \ - -

Jeſus Christ . Premierement pour demőftrer qu’il vouloit


mené au de
fert, 69 pour remedier au peché du premier homme. Adam
quoy. a peché, & Ieſus Christ a fatisfaićt. Adam fu
Gene/T2. perbe au iardin pargloutonnie a peché. Ieſus
Christ humbleau defert parabſtinence a fatif
faićt. Dieu a colloqué le premier Adã terreſtre
en paradis terreſtre: mais le ſecond & celeſte
Adam, lequel il auoit formé par operation ce
leſteauvétre virginal, a eſté mis au defert pour
ieufner & offrir fon eſprit par oraiſon & con
templation à Dieu ſon pere pour nous. s -

Trois chofes eſtoyent au ieufne de Ieſus


Christ. La premiere, le defert folitaire contre
le iardin devolupté. La ſeconde, l'abstinence
- contre la friandife & gourmandiſe. La troifief
me, triomphe & victoire contre la prostration
& ruine du premier homme.
Secondement Ieſus Chriſt fut mené de l'e
fprit au defert; ſe retirant à part & à l'eſcard de
la trouppe, à laquelle il n'est retourné,
que premierement il n'aye ieufné, contemplé,
prié, & furmonté fon ennemy, non pour foy.
* Car
d e c A R B s m e. 281
Carla trouppe ne luy pouuoit cauſer aucun pe
ril: mais pour demonſtrer que la fuite du com
mun peuple eſt neceſſaire au nouueau Chre
stien , iufques à tant que la chair fera dom
ptee: le diable vaincu par deuote meditation
de la loy diuine : & que par pure priereilaye
recueilly & acqueſté force & puiſſance de l'e- ·
fprit. Car celuy qui encores n’eſt fort ou robu- -

fte, facillement il est ſeduit & trompé. Corrum- "cºr".


punt bonos mores colloquia praua.Mauuais propos
corrompent les bonnes moeurs. Modicum fer- reºr."
mentum totam maffam corrumpit, vn peu de le
uain fait leuer toute la paſte.C'eſt à dire,que la
conuerſation des mauuais gaste & corrompt la
bonté des bons. ... . . . . . . |

Vt tentaretur à diabolo, pour eſtre tenté du Nefire sei


diable. Nostre Seigneur a voulu estre tenté.
Premierement pour demonſtrer qu'il auoitre
.:CCll C.Il toutes nos pauuretez, miſe
res,& maledićtions. Car il a experimenté tou
tes nos pauuretez : comme faim, foif, chaud,
froid, labeur, trauail,laffeté,rentation, & mef
mes la mort.Pourcediſoit S.Paul:Non habemus He***
pontificem qui non pofit compati nofiris infirmita
tibus,crc. Nous n'auons pas vn fouuerain ſacri
ficateur qui ne puiſſe auoir compaſſion de nos
infirmitez. Caril a esté tenté en toutes choſes *

felon la fimilitude fans peché. 2. Il a voulu


estre tenté : pour nous demonstrer que nous
auons la bataille auec vn ennemy defloyal &
inhumain oppreſſeur, à fin que nous fuſſions
S -5

–– – –– –
182 1. d 1 M E N c H e
plus fages pour nous fçaủoir donner garde
de noffre aduerſaire, & par quelle maniere à
fon exemple il nous faut puistamment refifter
contre ſes tentationstafficientés in authorem fidei
& conſummatorem Ieſum, quipropostrofibi gaudio
- fustinuit crucēconfuſione contempta:en regardant,
comme dit fainét Paul,au chefde la foy & con
ſommateur Ieſus, ieguei
S’ tentatiös, pour laa iớve
que pour
-) 1oy aà lauy
e pourquoy propoſee , a enduré la croix, ayant contemné
honte. Dieu permet que nous foyons tentez:
Premierement à fin que nous foyons estayez
& approuuez. Car le patient n’eſt point co
gneu finon en aduerfité, & par tentation nous
fommes approuuez. Secondement à fin que
****** nous cognoiſſions nostre infirmité , laquelle
* * * iamais mieux ne pouuons cognoiſtre qu'en ad
|-""|
, uerfité & tribulation, cốme il appert de fainčt
|- • -- * : . . Pierre, defauoüant fon maistre. Ër pource no
*

ftre Seigneur nous enuoye des tentations,à fin


que par inflation de coeur ne foyons eſleuez:
ains que nous cognơiſſions que la grace de
Dieu nous eſt neceſſaire, & à fin que nous ayős
occafion de prier. Tiercement à fin que nous
foyons rendus & faits plus forts & plus puiſ
fans. Car l'exercitation fait l'homme fort. Fi
nablement noſtre, Seigneur nous enuoye des
aduerſitez,à fin que nous cognoiſſions le grand
threfor que nous auons receu. Car le diable ne
nous moleſteroit ou trauailleroit fi fort com
me il fait, finon qu'il voit que nous ferons en
richis de plusgrands honneurs que non pas luy.
. . Et
- . D e c A R es M. E. 28;
Et parenuie, laquelle eſt vne deſplaifance du
bien d'aütruy,il ne ceſſe de nous tenter. S’en
fuit au texre,à Diabolo, pour estre tenté du dia
ble. Le malin eſprit eſt nommé en l'Eſcriture
par pluſieurs & diuers noms.
Premierement il est nommé Sathan. Com- plasteerini,
me il appert en pluſieurs lieux du nouueau te- an áiable.
ftament. Secondement il eſt nommé diable. Apo. 12. 2o
C'eſtà dire, calomniateur, comme ence pre- +/*** N
fent lieu.Tiercement il eſt auſſi nommé ferpét
ancien. Et finablement grand dragon, par lef
quels noms l'eſcriture nous demonſtre les con
ditions du malin eſprit, il eſt appellé Sathan, Conditions
qui vautautantà dire comme aduerſaire. Car à
il a eſté aduerſaire & contraire à Dieu au ciel, estrit.
diſant:Exaltabofolium meum & ero fimilis altifi- : -

mo. Et i'efleueray mon ſiege, & feray fembla- Erhºf, *


ble au fouuerain. Il eſt appellé diable, c'est à
dire calomniateur. Car dit fauces & mali- :
cieuſes allegations contreDieu , diſant par le
ferpent à la femme, vous ne mourrez aucune Gene.s.
ment, mais Dieu fçait qu'auiour auquel vous
en mangerez vos yeux feront ouuerts & ferez
comme dieux, cognoiffans le bien & le mal. Il
est nommé ferpent pourfon aſtuce, fineſſe, ba
rat & tromperie : par laquelle il a deceu & trő
é le premier homme : Et de laquelle iournel
il vſe pour nous deceuoir & tromper.
Et finablement il eſt nommé & appellégrand
dragon, pour l'impetuoſité & qu'il fait
contre la parolle de Dieu & les Chrestiens.
« , - * Voylà |
-

284 1. d 1 M E N c H e -

Voyla lesconditions du diable: Afçauoir eſtre


aduerfaire & contrarier à Dieu & aux fiens:
mentir,feduire, tromper & perſecuter les bons
||'|
& fidelles Chreſtiens: & fes membres l'enfuy
Les conditiös
uent qui font contraires à Dieu, menteurs, fe
de Iefus Christ
dućteurs,& perſecuteurs des gens de bien.No
Joan, s. ftre Seigneur eſt de condition contraire. Car
il a cerché la gloire de Dieu ſon pere, Honorif
co Patrem meum & vos inhonorastis me. I’honore
**|1
|-
--||

mon pere,& vous me faićtes deshonneur. Se


||-|
condementil eſt veritable en fes promeſſes, &
qui enſeigne la voye de Dieu enverité.Tierce
/ ment il nousinduit & tire à tout bien. Il faict
* bien à tous, qui non ſeulement faićt leuer fon
foleil ſur & mauuais. Ainsappelle tous
. àfa grace,diſant:Venite ad me omnes quilaboratis

| d. & oneratiestis & ego reficiam vos, Venez à moy


la äiuinités vous qui trauaillez & eſtes chargez & ie vous
kºmanité de foulageray.Tous les fidelles & membres de Ie
"/* "'" fus Čhrift enfuyuent les conditions de leur
chefnoſtreSeigneur & fauueur.S’enfuit:Et cũ
| ieiunaffet quadraginta diebus & quadraginta no
čtibuspostea efurit.Et quád il eut ieufné quarấte
iours & quarante nuicts,apresil eut faim: que
noſtre Seigneuraytieufné filong temps, c'eſt
vn argument & certification de diuinité. Il
y a adiouſté quarante nuićts,à fin de ne croyre
qu'ilayt mangé de nuićt: mais qu'apres il a eu
faim, c'eſt vn argument de fon humanité. Et
ainfi manifeſtement il demonſtre qu'il estoit
vray Dieu & pur homme: Ieſus Chriſta ieufné
'. , ' ' pour

|
D E C A R E S M E. 285
pour pluſieurs raiſons (lefquelles font recitees Tourque,
en nostre liure intitulé. Probation des fainéts "/". Christ
Sacremens) mais principalement pour nous 1 :
dóner exemple,comme dit S. Ambroife epistre i .
8i. Etpostea furit.Apreseut faim, vtperestritio
nem fé adhumanã imbecillitatem ſubmittens, ten
tatori anſampreberet,comme dićt S.Bafile, hom.
1.deieiunio,& S.Chryſoſtome hom. f.ex varijs lo
cis in Matthæum. C’eſtoit pour attirer finement
ſon ennemy & le noſtre au combat.Voyons en
quelestat & pitoyable deſarroy nospechez ont
conduit & mené nostre Seigneur. Celuy qui eſat. 1,,.
donne viande à toute chair , qui ouure fa main
& remplit & raffafie tout animal de benedi
ćtion, de la cuiſine duquel infinité d'eſprits
celestes font nourris : celuy qui paiſt les oi
feaux du ciel,les animaux de la terre, lespoiſ-
- - • P72 c07°es ag
º
fons de la mer,& leshommes viuans fur later- faim.
re: toutefois a faim & defire le manger. Le *

tout pour nous & pour leſquels il s'eſt fait pau- 2.cer... .
ure,pour nous enrichir.Et encores Ieſus Chriſt * * * *

a faim en fes membres. Quantefois ton pro- - -*


chain a beſoin de l'aide corporelle ou i - *-

tuelle , & tu le nourris corporellement vraye


ment & fans feintiſe tu pais Ieſus Chriſt &
oyras au iugement, le Roy dira à ceux qui fe-
ront à fa dextre: Venite benedicii patris mei, Matth.as.
#c. Venez les beneis de mon pere, postedez - - .
le royaume qui vous est appreſté dés la fon- :
dation du monde : cari’ay eu faim & vous
m'auez donné à manger. Ie vous disen verité ment,
qu'en
A
286 I. ; D I M E N C H E. -

qu'entant que vous l'auez faićt à l'vn des plus


*
-

* * petits de mes freres qui font icy, vous me l'a


uez faićt. Et accedenstentator, dixit: fi filius Dei
es,dic vt lapides isti panes fiant. Et le tentateur
s'approchant luy dit fituesle filsde Dieu,com
mande que ces pierres foyent faićtes pain. Sa
|
than croyoit que le fils de Dieu par la vertu de
fa parole pouuoit conuertir les pierres en pain
quandil diſoit : dy que ces pierres foyent fai
ćtes pain.Et l'heretique plus incredule & pire
que # diable (comme dit Tertulian contra Pra
xeam,& S. Ambroiſe au fermon 99.) ne veut
croire que le fils de Dicu par fa puiſſance infi
nie & vertu diuine peut conuertir le pain en
chair,& le vin en fang.Iọinćt qu'il eſt dif
ficile de conuertir la pierre en pain, que non
le pain en chair. -

, Meſmes qu'il a faićt plus grandes choſes,


lº" "" - quand de rien il a tout creé, dixit & facia funt.
Pfal.148.ll a dit,& fon dire a eſté le faire.Et en
fa Cene il a dit aux Apoſtres:ce qu’il leur don
Matt. 24. noit en leur monſtrant le pain & le vin » qu’il
*"***" tenoit en fes mains eſtoit fon corps & fon fang,
Luc. r.
Et puis qu’il a dit, & que fon dire eſt fon faire,
-

AD rtet. F difant: cecy eſt mon corps, à la ſubſtance du


A fom-pain paſſe & ſuccede la ſubſtance de fon corps.
me ſubstan- Comme il eſt eſcrit, Non erit apud Deum impo/~
rolle de Dieu ſibile omne verbum. Aucune parolle ne fera r
v r~ . '
im- -

ſpirituellemët poſſible à Dieu:auquel noſtre Seigneur reſpő


g - dit il eſt eſcrit:Non infolopane viuit homo,fedin
53cnf . omni verbo quod procedit deoreDei.L'homme ne
- * - vit
D E ł : C A. R. R S ( AI E. 28z
vit point feulement dd pain, mais de toute pa
rolle qui procede de la bouche de Dieu.Par ce
fte parolle il nous enfeigne. . . . .
* * *
..
- Premierement, qu’il ne faut pas tant regar
derà la vib du corps, lequel doit mourir, com
nie à la vie de l'ame,laquelle toufiours vit.Que ***“h.rº.
profite-il à l'homme s'il gaigne tout le monde,
& qu'il face dommage à foname? ; .. "
feigne que pour la
neceſſité du corps, il ne faut pas conſentir aux
perfuaſions du diable: ' : ; ** ***
Tiercentemt, il nous enſeigne que la vie de
l'amé dít ſibstäree parla parolle de Dieu. Ieſus Celoft.
Christ est nostrevie, Egojim via veritas Grvita."***
He ſuis la vỏyd, la verité & la vie. Car en quel
que lieu que Hefus Chriſteſt, là mefmè l'hốníč
vit,voire en la mort. Et là où lefus Chriſt n'eſt,
l'homme viuant eſt morr. Ieſus Chriſt nous eft
diſtribùé par ſa parolle & parles ſignes ioincts
& annexez à la parolle: dont celuy qui reçoit
la parołle, il reçoit Ieſus Chriſt: & quia Ieſus
Christ, il a toutes choſes, & n’a point a craindre
peché, la rhort,fathan & les enfers. Cőme il eft
eſcrit, Amèn amendico vobis fiquảfermonẽmeum Iean.".
feruauerit,non videbit mortẽin æternum. En verité
en verité ie vous dy, que fi aucun garde ma pa
rolle, il ne verraialnais la mort. Finablement
nostre Seigneur nous enfeigne que nous viuős
auſſi felon ceste vie preſente, parla vertu de la
parolle de Dicu: Car le pain ne te peut nour
rir fans la parolle & benediction de Dieu. Ce
- n’eſt
288 I• D I M E N C H E -

n'est pas doncqueston labeur ne la viande qui


te nourrit, ains la parolle de Dieu , laquelle
pouruoit à tous, comme remonſtre Clement
Alexandrin lib.3.pædagogi,cap.7. & S.Athanafe
lib.de virginit.Voyons donc les grands miracles
que noſtre Seigneur Ieſus Chriſt fair iournel-
lement fous le commun cours de nature. Il
Hebr. r. maintient toutes chofes par fa puiſſante parol
le, & comme maintenant par ſa parolle ſous
la viande corporelle il te paist:auſſiil peut fans
telle viande parfa feule parolle te nourrir, com
me il appert de Moyſe & Helie: voylà que fi
gnifient les párolles de Ieſus Chriſt... L’hom
me ne vit point ſeulement de pain ; mais de ,
toute parolle qui de la bouche de
Dieu. Comme diſant:łe pain ne pourroit fer
uir fans la parolle de Dieu: Comine la faim ne
pourroit nuire ou empeſcher auec la parolle
de Dieu. Tunc affumpft eum diabolu in fantiam
ciuitatem,& statuitfuperpinnaculumtempli,& di
wit ei,fitu esfilius Dei, mittete deorſum. Adonc
ques le diable le tranſporta en la fainéte cité,
& le mit ſur le pinacle du temple,& luy dit: Si
tu es fils de Dieu,iette toy en bas. Voylà le fe
cond affaut de fathan contre Ieſus Christ. Ne
trouue point la choſe eſtrange, fi Ieſus Christ a
esté trãſporté par fathan fur f: pinacle du tem
ple: mais fouuiéne toy qu'il a prins la forme de
feruiteur, & a voulu estre femblable à fes fre-
res. Pourquoy ce n’eſt pas de merueilles s'il a
permis estre tenté du diable, veu qu'il ºve:
, ! U1
D E C A R E S M E. 289
lu estre crucifié & cloué en croix par fes mem- :
bres, comme dit fort bien Epiph.harest 42.com-
tra Marcionem, & S.Gregoire hom.16.expoſant
cest Euangile. Mais quãd le diable
Ieſus Chriſt foy ruer ou ietter du haut en bas,
ila contredićt, nous enfeignant d'endurer nos
aduerſaires patiemment, tăt de temps qu'ils ne
perſuadent tomber de la hauteur de verité &
de vertu pour defcendre au bas & profondi
té des vices & pechez:mittete deorſum:lette toy
en bas. Voyez comme il ne taſche finon d'in- sr. , *
*, , ,* i.
duire à ruine & perdition. Il ne dit pas, monte -* * * - .

en haut. Car chien efchaudé craint toute eau.


Le diable toufiours mene les hommes aux cho
fes hautes par orgueil, pour finablement les
pouuoir precipiter aux a yfines infernaux par
eternelle damnation. Comme le corbeau,du
quel recite Pline,ſecretaire de nature, en la na-es *** a * v
* * * e

turelle hiſtoire,liu.io.cha.13.lequel apres auoir , , * :


prins la noix auec le bec, volant en haut, par * * * * * ·
pluſieurs fois,la iette fus les pierres, caillous & * * * * * * . '

rochers,iuſques à tất qu'elle foit caffee & rom · · **


-
* :
.

pue,à fin que par ce moyé il puiſſeauoir le cer-


neau de la noix pour le mánger. Ainfi le diable ,
procure que l'homme foit efleué aux dignitez . . . . .
& offices, à fin qu'il tombe plus griefuemét de . . .
ce preſent fiecle par coulpe & anxieté,à l'adue
nirpar peine eternelle: comme diſoit Dauid,
deiecišti eos dū alleuarētur,tu les as abbatus quãd
ils eſtoyent eſleuez en haut:defquels il eſtauffi
dit,quemadmodum fumua deficient; ils defaudrőt
29o I. D 1 M E N C H B

z cốme la fumee,laquelle tát plus haut elle mon


"*" te,tant plus elles'éfuanoüir. D'auấtage ces pa
rolles nous enſeignét que le diable ne peut rien
à l'encontre de nous, finon que nous meſmes
premierement ne luy domnions force fur nous.
Car le diable est plus debile qu’vne moufche,
fi on luy reſiſte : & plus fort qu’vn lyon , fi on
luy donne lieu. Les huguenots comme mem
bres du diable leur grand pere, font fauter de
haut en bas les Catholiques, comme remon
Matth.rº. ſtre Vincētius Lyrinenſis in libello aduerfie propha
'/aleº. nas vocum nouitates.Scriptum est enim,angelis ſuis
mandauit de te, vt custodiant te in omnibus vis
tuis,in manibus portabütte, nevnquam offendas ad
lapidem pedem tuum. Car il eſt que Dieu a
cốmandé à fes anges detoy, ils te porteront en
leurs mains,à fin qu'il n’auienne q tu bleſſe ton
ze diable co-pied en la pierre. Voyősicy cőme fathã vſe des
zaºi stri eſcritures ſacrees.Premieremếtil amene & ap
/ . plique les parolles de l'eſcriture pour maniere
les heretiques de cőſolation, & efquelles la ſomme & abbre
4f9773972 e 7730ZR- gé de noſtre falut cőfifte. Quelle choſe eſt plus
| ? "; digne de fçauoir aux Chrestiens, que la foy en
Ieſus Chriſt fauue ? Mais combien laboure no
2 t, ſtre aduerſaire, à fin que par ce dire il tire l’hő
nenfs, & s me en nóchalance & oyfiucté, pour luy faire à
: e croire que la foy nue fans les ocuures est ſuffi
""""""fante.Qu'est-il plusioyeux à l'ouye que ce que
°***** S.Paul efcrit:Vos in libertatem vocati estis, vous
eſtes appellez en liberté par Ieſus Chriſt: ne
foyez point derechef detenus du ioug de fer
» . uitude,
DE c A R E s M. E. 291
uitude,par lefquelles parolles pluſieurs hőmes
fe ſont perſuadez liberté de la chair au grand
dommage du corps & de l'ame. Ainſi de plu
fieurs lieux de l'Eſcriture. Secondemết Sathan
amene parolles veritables de l'Eſcriture: mais
non pas en vray fens.Carpremierement celieu
ne s'entendoit de Ieſus Chriſt, mais de l'hőme
iuſte,comme remonstre Origene ho.31.in Lucā.
D'auấtage cela n'eſtoit point dit,à fin que quel
qu'vn fe miſt en peril fans cauſe.Parquoy il ne
fuffit d'amener les parolles de l'eſcriture,finon
qu'elles foyent amenees en vray fens. Tierce
mentilprend de l'eſcriture ſeulemét les parol
les leſquelles font pour luy.Car incontinent en
ce meſme Pfeaume il est dit:Superaſpidēc bast Tſalºº.
listii ambulabis, & cõculcabis leonē & draconẽ.Tu -

marcheras fus l'aſpic & baſilic, & fouleras le


lyon & le dragon. Leſquelles parolles il ne dit
point:car elles estoyết cốtre luy,comme a bien
remarqué S.Greg. Nazianz. oratione infančtum
baptiſma. Ainſi rien plus pernicieux ou
dómageable, qu'obſeruer vn,ou autre lieu de
l'eſcriture,fans cốfiderer les chofes precedétes
&cốſequentes. Ce qui a deceu les heretiques Similitude
Arriens,& Manicheens: car c'eſt le propre des
heretiques, cóme les cuifiniers, qui à leur mai- ques e de,
stre ne defrobent point la teſte , ou la queüe du snifniers.
aucune partie du milieu,à fin que
eur larrecin ne foit aperceu. Ainfi font les he
retiques qui prennết quelque partie de l'eſcri
ture faincte,fans conſiderer les antecedens ou
T 2
292 I. D I M E N C H E

zes Anges confequens d'icelle. Icy nous faut noter com-


fat ser me les bons Anges par ordőnance diuine nous
“ gardent en pluſieurs manieres.Premieremét au
vếtre de la mere,àfin que par le diable ne foyős
fuffoquez ou eſtouffez. Secondement au fortir
du ventre,à fin que ne foyons empefchez de la
grace du bapteſme.Tiercement en la vie, à fin
que par le diable ne foyons attirez & trainez à
peché. Quartement en la mort, pour nous gar
der du defeſpoir de falut. Quintement apresla
mort, à fin que ne foyons empefchez de l'ěn
tree du ciel: ce qui eſt confirmé par pluſieurs
Pfal.3 r. de l'eſcriture facree : l'Ange du
Seigneur fera enuoyé à l'entour de ceux qui le
craignent, & les deliurera.LeursAnges és cieux
Me“*** voyent toufiours la face de mon pere, qui eſt
"*" és cieux. Tous eſprits font adminiſtrateurs en
uoyez en adminiſtration pour ceux qui rece
urőt l'heritage de falut.Ce qui eſt dit & reuelé
par parolles, eft confirmé par miracles. Deux
gene.ga, anges emmenerent Loth,fa femme & fes deux
filles dehors la cité, pource que Dieu luy par
donnoit,& qu’ils ne fuffent foudroyez en So
dome auecques les autres. En outre il eſt ef
crit. Les Anges vindrent au deuant de Iacob
pour le deffendre de la perſecution de fon fre
Essi.is. Efau.Et quand Iacob les veit il dit:En castra
Dei.Voicy l'oſt de Dieu. En Exode l'Ange du
Seigneur precedoit les Iſraëlites qui les garen
tiffoit, à fin que Pharao ne leur peuft faire au
,..Rg4, cun mal. Aux liures des Roys qu’and l’oſt des
gens
De c A R E s M. E. 293
gens de guerre du Roy de Syrie auoyentenui-
ronné le prophete Eliſee pour le apprehender,
les yeux de feruiteur furét ouuerts,& voi
cy vne montagne pleine de cheuaux & de cha
riots enflambez à l’entour d'Eliſee. Ainſi de
l'Ange Raphaël qui mena & ramena le petit -

Tobie fain & fauf en la cité de Rages. Tous 7 ºbie f.


les fuſdits miracles, font feaux & teſmoigna
gespubliques, que les Anges font ordonnez
comme gardes, officiers, miniſtres, & deffen
deurs de ceux qui cheminent en la vocation
de Dieu. Retournons à la lettre Euangelique. Deut. 6.
Ieſus luy dit derechef, il eſt eſcrit: Non tentabis
dominum Deum tuum. Tu ne tenteras point ton renter dieu
Seigneur Dieu. Premierement celuy tếte Dieu quoy.
qui s'expoſe au peril de la mort , foy recom
mandant à Dieu, quand il a moyen par humai
neraiſon, ou raiſonnable confeil de faire ce
qu'il doit faire. Donc veu que Ieſus Chriſt
pouuoit deſcendre du pinacle du temple , plu
ftoſt que pariaćtance, & vaine gloire ſe preci
piter du haut en bas, il n'a point voulu obeyr
à la perfuaſion du diable. Secondement celuy
tente Dieu, lequel combien qu'il peut autre
ment ſe iustifier ſur les obiećts & reproches a
accouſtumé de dire: Ie donne au diable mon
corps & moname: s'il eſt ainfi, ou s'il n'eſt pas
ainſi.Tiercement,ſemblablemét celuy qui dit:
ie veux mourir de malle mort , ou ce morceau
ſoit le dernier que ie mangeray. iamais, s'il eſt
ainfi. Quartement en outre celuy tente Dieu,
T 3
A
194 I. D I M E N C H E -

qui en meſpriſant les aides humaines & cốue


nables, il cerche les ſubſides & fecours fuper
| naturels,s'abandőnant &mettant à l'auanture,
aux perils fans raiſon & fans la contrainte, par
arole de Dieu. Ce qui eſt vn peché trefgrand
& grief.L'eſcriture nous enfeigne quãd les ne
cefiitez nousastaillent que nous deuons bié ef
erer, & nous faire forts de l'ayde diuine:mais
elle deffend de ne nous tenerairement & in
conſtamment precipiter en pour eſtre en
apres deliurez de Dieu.Car les miracles ne doi
uent eſtre faićts, finon que la gloire de Dieu
le commande & la charité du prochain le de
mande.Cinquiefmement celuy tente Dieu qui
ne vouldroit'vfer du labeur pour viure , mais
feulement baailler au ciel, & attendre fans au
cun fien labeur, iuſques à tất que Dieu le paiſ
fe, foy glorifiant & difant qu'ils font feurs &
affeurez que Dicune les abandonnera pas, tel
perfonnage tente Dieu. Sixiefmement celuy
auſſi tente Dieu qui en la faim ne veut vfer de
pain,& en la foifne veutvfer de l'eauë. Ains
veut attendre la viande & le breuuage du ciel.
Septiefmement celuy auffi tente Dieu,qui cő
tre la malice & froidure de l’hyuer ne veutvfer
de la robbe de laquelle iustement il peut faire
prouifion,acquerir & acheter.Outre plus celuy
tente Dieu qui au paſſage d’vne riuiere neveut
vſer du pont ou de la nacelle,mais en les meſ
prifant,s'efforce cheminer ſur les eauës. Telles“
; ; gens qui ainſi tentent Dieu s par iuſte caufe &
bon
D E c A R E s M. E. |- 29ý j
à bon droićt periront. Comme dit le Sage, qui
amatpericulum peribit in illo, celuy qui ayme le
peril, perira en iceluy. Derechef le diable le }
tranſporta fur vne montaigne fort haute,
pour luy liurer le troiſiefine affaut:Et ostendit ei
omnia regna mundi, & gloriam eorum, & dicit ei,
hec omnia dabo tibi,ßcadensadoraueris me.Et luy
monſtra tous les Royaumes du monde, & la
gloire d'iceux, & luy dit : Ie te donneray tou
tes ces choſes, ſi en toy proſternant comme
mon inferieur, tu m'adores comme ton ſupe
rieur.Sur quoy dit Chryſoſtome,le diable pro
met les royaumes du monde à celuy qui a
preparé les royaumes des cieux aux croyans.
Le diable promet la gloire de ce preſent fie
cle à celuy qui eſt le Seigneur de la gloire ce
leste. Le diable qui n'a rien, promet donner
toutes choſes à celuy qui poſlede tout. Da
uantage le diable veut estre adoré en terre de
celuy que les vertus angeliques adorent aux
cieux, & en la preſence duquel ils tremblent:
Affauoir d'vne crainte reuerentiale, & pource
que le diable eſt eſprit, & par conſequent de -

nature tres-ſubtile, il n’y a lieu fus la terre ha- že diaélete»


bitable, auquel le diable ne tente l'homme. “
Ce qui appert en ce qu’il a tenté Ieſus Christ ""
au defert. Pource facilement il peut penetrer
les cauernes, les deferts & foſſes terre, les
lieux facrez & non facrez , murez & non mu
rez, ouuerts & fermez. Secondement, il n'y a
temps, auquelle diable neef Car il nous
4 .*
296 I. D I M E N C H E

tente en hyuer & eſté, en proſperité & aduer


fité, quand nous veillons ou dormons, quand
nous mangeons ou beuuons, & en tous au
tres temps toufiours il procure nous faire -

treſbucher en peché contre l'honneur de


Dieu, & la charité de noſtre prochain. Tier
Tous les
cement, il n'y a eſtat tant , qu'il
estats.
ne tente ou trouble. Il eſt affez notoire que
iamais eſtat n’a eſté, ne fera en ceſte mortelle
vie, fi parfaićt que l'eſtat & college des Apo
ftres. Et toutesfois le diable l'a troublé, tant
en general qu'en particulier:en general, quand
Zachar. 13.
| Matth. 2 o.
le paſteur a eſté frappé , les brebis ont eſté
difperfees & efgarees: Aflauoir les Apoſtres,
comme il est dict: Au temps de la paffion les
|
Apoſtres s'en font fuys, & ontabandonné leur
|
Ioan, 13.
maiſtre: en particulier, aflauoir quant à Iudas
| | |
}
fathan a mis en fon coeur, à fin de liurer fon
i maiſtre entre les mains de fes ennemis. Et
|
pource il n’y a eſtat ny dignité que le diable ne
tente: il ne redoute point la mittre du prelat,
ne la croſſe paſtoralle , ne la tonfure clericale,
ne le blanc furplis, ou robbe longue du pre
ftre, ne l'habit monachal: il ne craint point le
diademe royal, ou le veſtement de drap d’or,
ou d'argent, de pourpre, de velours , ou de
foye, tant precieux foit-il. Il ne redoute point
la fapience mondaine, ny l'eloquence humai
ne,nela force du corps, ne la beauté du viſage,
ne l'aage,ne la vieilleſſe,ne la condition du fe
xe,foit pauure ou riche, noble ou innoble, pe
-

- -
tlt
D E C A R E S M E. 297
titou grấd,ignorant ou fçauất, honoré ou mef-
priſé: bref, il ne crainét perſonne de quelque
estat, dignité, office, ou condition qu'il foit,
qu'il ne le tente. Quartemết,il tente auſſi ceux
quiveulent faire penitence : car Dieu permet Les penitens.
que les plus forts,& vaillãts cheualiers endurét
glus grand aflaut, pour auoir plus grãde vićtoi
re,&cőſequemment plus grãde gloire.On voit
les Roys affaillir les forts chaſteaux , & non
point les petites villes ou villages, qu'ils peu
uent auoir facillement. Auffi le fort deſdaigne
batailler contre le foible, les Princes ne don
nent pas les aflauts contre les villes qu'ils tien
nent en leurs mains, mais contre les rebelles.
Ainſi bataillent les diablespar plus forte tenta
tion contre lesbons, & qui contredifent à leur
obeyr. En figure dequoy il eſt eſcrit en Ge
neſe: Que le Roy des Elamites leua vne groſ Genef. 14.
fearmee contre les Roys de Sodome & Go
morre, à raiſon que douze ansils auoyent eſté
leurs tributaires,&à l'an trezieſme ils s'eſtoyết
reuoltez de leur feruice, en defniant le tribut
accouſtumé. Ainſi eſt-il du pecheur qui rendoit
tribut au diable,quãd il eſtoit en l'eſtat de pe
ché, & payoit quatre deniers en recognoistan
ce d’hommage. C'eſt à fçauoir mauuaife pen
fee, mauuaife volonté, mauuaife parolle, &
mauuaife oeuure. Et quãd il a faićt penitếce,le
diable leue fon armee. Aflauoir grand nombre
de fes genfdarmes & miniſtres, infidiateurs de
nosames,qui noustentent en mille manieres,à
T 5
4 293 1. d 1 M E N c H É : - -

fin de recouurer ce qu'ils ont perdu, & qu'on


leur paye le tribut accouſtumé. Parquoy ce
n’eſt pas toufiours bon figne ne ſentir point
de tentation,& n'eſt pas mauuais ſigne fetrou
uer fort tenté. Noſtre Sauueur Ieſus Chriſt,
comme nous recite l'Euangile d'auiourd’huy,
apres auoir esté baptifé, eſt entré au defert, où
le diable l’a tenté. Où nous deuons bien dili
gemment noter, que puis que l'ennemy nous
bapteſme ou facrement de peni
tente apres le
tence, nous deuons coniećturer qu'il y a quel
que grand threfor en nous, que le larroninfer
nal veut defrober. -

Et pource,monamy,& frere Chreſtien,nete


trouble point,quãd tu te fentiras tenté apres la
penitence.Car tuas prins de Dieu & de fon E
gliſe lesarmures ſpirituelles,qui font les fainćts
facremés. Leſquels cốtiennent en eux la grace
de Ieſus Chriſt, & de fon fainét Eſprit, par la
vertu de laquelle puiſſamment tu batailleras,&
emporteras lavićtoire. Et finablement obtien
dras la coronne de gloire. Cinquiefmement il
Il tente eeux tente ceux qui font au trauail & angoiſſe de la
#angoiffe
| *. de mort. Voicy vn admirable ſpectacle de tous
* - -

" admirable,& terrible de tous les terribles: Af


fauoir quand la ſeparation de l'ame eſt faićte
speaaele ºf du corps. Mais quel ſpectacle voir l'homme
**********' malade au lict, qui est preſſé par l'angoiffe &
deſtreffe de la mort, quel tréblement, quelle hi
deur, quelle alteration, quelle mutation en tous
les lieux de nature, les yeux font cauez,la face
paſle,
- - de c A R E s M. E. 299
pafle,la bouche fade, lalangue noire,les dents
fe preſſent & fe diminue &
deffaut, le poux redouble , les pieds froids,
vne fueur froide s'apparoiſt pour la violence du
mal. Qui eſt vn ſigne & certain indice que na
ture eſt furmontee, & que tous les vaiſſeaux
& ligatures de nature font rompues & froiſ
fees.Finablement s'enfuyuết les furieux affaux
que les monſtres infernaux dreffent à l'encon
tre de celuy qui eſt àl'angoiſſe de la mort. Il n’y
a inuention,cautelle,machinatiő, ou pratique,
laquelle ne foit deſployee pour nous induire
en la preſumption d'auoir bien veſcu,à fin que
nostre eſperance foit affife furtelle fauſſe opi
nion,& non fus la mifericorde de Ieſus Chriſt:
ou en mettant deuant nos yeux vne infinité de
pechez que nous auons commisle temps paſſé,
pour nous induire à vn defeſpoir de noſtre fa
lut. Pource mes amys nous deuős humblemết
fupplier noſtre bon Dieu & pere Sauueur,ſpe
ciallement à celle heure là nous fortifier cốtre
les affaux & alarmes de noſtre aduerſaire , que
finablement nous en puiſſions rapporter la vi
ćtoire:carSinemenihilpotestis facere.Sans la gra- Ioan.is.
ce & bőté de Dieu,nous ne pouuons rien faire.
Tunc dixit ei Iefia, vade Sathana , fcriptum est P*****
enim,dominum Deum tuum adorabis,Crillifolifer
uies. Adonques Ieſus luy dit, va Sathan: car il
est eſcrit:tu adoreras le Seigneur ton Dieu,& à
celuy tu feruiras. Nous auonsveu par cy deuất
que Ieſus Chriſt patiemmenta enduré les ten
4/ | Tat1OI1S,
3oo 1. d1MENcH e
- - - / |- * - A
tations,mais quand il eſt tenté de faire iniure à
Dieu par idolatriè, alors plus durement il re
pouffe Sathan que pour les autres tentations:
nous enfeigner que ne deuons endurer
es choſes perſuadees ou faićtes contre la gloi
xume. re, re de Dieu. Ainſi Moyſe trefdoux & debon
Exed.sz. naire,qui toufiours auoit accouſtumé de prier
Dieu pour les pechez de fon peuple : toutefois
pour raiſon du peché d'idolatrie, il fift mourir
vingtrois mille hommes: Deum tuum adorabis,
Tu adorerasle Seigneur ton Dieu. Ceſte ado
ration ne confiſte pas ſeulement à ployer lesge
noux,à faire la reuerence & autres choſes fem
Ioan. z.
Adorer Dieu, blables.Mais principalemét in ſpiritu&veritate.
En eſprit & verité. Adorer Dieu, eſt croire en
quoy.
Dieu,ſe fier en Dieu,aymer Dieu , le craindre,
& l'inuoquer en fes neceſſitez.Dont ce que tu
feras fans les choſes fuſdićtes,tu es idolatre. Et
illi foli feruies. Et à celuy ſeultu feruiras.Ne fe
ra-il pas licite feruirà l'homme:Pourquoy dốc
eſt-il commandé au fils de feruirà fon pere,au
feruiteur d'obeyrà fon Seigneur,au ſubiećt au
magiſtrat , & generallement à tous il eſt com
mandé qu’vn chacun Chreſtien face feruice à
Seruir à fon prochain. Ceſte queſtion ne fera pas diffi
Dieu, 4ueJ. cile à expliquer & declarer, fi nous voulons
entendre que c’eſt feruir à Dieu feul. Cela
n'eſt autre chofe que obeyrà la ſeule parole de
noſtre Seigneur. Car le feruice de noſtre Sei
gneur eſt obeyrà fa parole:mais il est comman
dé par la parole de Dieu que le fils ferue au
pere,
- D E C A R E S M E. 3d 1
pere,le feruiteur au Seigneur, le fubiećt au ma
giſtrat, & le prochain au prochain. Et pource
le feruice fait à l'homme par la parole de Dieu
n’eſt point proprement feruice de l'homme,
mais tel feruice eſt cultiuement de Dieu.Com
me eſcrit S.Paul : Serui obedite dominis carnali Ephe. r.
bus cum timore & tremore,in fîmplicitate cordis ve
stri ſicut Christo non ad oculum feruientes quast ho
minibusplacentes,fedvtferui Christi, &c. Serui
teurs obeyſlez à vos maiſtres charnels auec
crainćte & tremblemét, en fimplicité de voſtre
coeur comme à Chriſt, non pas feruant à l'oeil,
comme voulant plaire aux hommes: mais cőme
feruiteurs de Chriſt,faiſant de courage la volő
té de Dieu, feruant auec bonne volonté com
me au Seigneur,& non point aux hommes. Pé
fons & diligemment repenfons comme fainćt
Paul fouuent redićt, que la feruitude faićte à
l’homme par la parole de Dieu, eſt pluſtoſt vn
diuin ſeruice que feruitude humaine : Obeiſ
fez comme à Chriſt, Et en apres il dit, comme
feruiteurs de Chriſt. C’eſt autre choſe fi les :
hommes commandoyent pecher contre Dieu:
car alors: Magis oportet Deo obedire, quàm homi- Aar.
nibus.Il vaut mieux obeyr à Dieu que aux hom
mes,mais s'ils ne commãdent pecher, combien ,
qu'ils commandent chofes griefues & diffici
les, alors le feruice lequel eſt faićt à l'homme
felon la parole de Dieu, tel feruice eſt faićt à
Dieu. Tunc reliquit eum diabolus, & accefferunt
angeli,& ministrabant ei. Alors le diable le
- -
h. al :
3O2 I. DI M E N C H E
fa:& voicy les Anges qui vindrent, & luy fai
it" foyent feruice.Lediablefaićt comme vnCapi
:::::::: taine de guerre, qui apres auoir tenu fort long
temps le deuant vne cité ou chafteau,
& qu'il n'est le plus fort, & que ceux qui font
dedans ne ceſſent nuićt & iour fe deffendre à
grand coup d'artillerie, il est contraint foy de
artir & leuer ſon camp en ſa grande confu
Jacobi *. fion.Ainſi eſt-il du diable, cốme dit S.Iacques:
Reſiſtez au diable, & il s'en fuira de vous : le
quel eſtant departy , les Anges qui pour quel
que temps s'eſtoyent departis de nous, comme
donnans lieu au diable pour nous tenter:toute
fois pour noſtre biế& prouffir, à fin qu'en leur
reſiſtãt;plus amplemět nous foyons couronnez
en la gloire celeſte. Et voicy les Anges vein
drết,ớ ministrabant ei, & luy faifoyent feruice.
Mais quoy? Ieſus Christ eft-il foible qu'il aye
beſoing du feruice & de l'aide des Anges ? Re
fponce. Ayons memoire que les fainćts An
ges font venus, non en fon aide , mais en fon
º*"/”: feruice. Prions donques nostre bon Dieu &
pere tout puiſſant, qu'il luy plaiſe eſtre touſ
iours noſtre protećteur, & felon le corps &
felon l'ame tellement occuper nos eſprits &
entendemés, que les aftuces,cautelles,& fineſ
\ • fes de noſtre aduerſaire,ne trouuent aucun lieu
en nous pour y faire feiour: Ains nous forti
fiercốtre les tentations de ce faux dragon Lu
| cifer , & de tous fes miniſtres infidiateurs de
nos ames, nous deliurer de tous les perils qui
| \ TAOUIS
DE c A R E s M. E. 3O3
nous pourroyent aduenir, nous reccuoir en fa
fainćte protection & fauuegarde, non ſeule
ment à ceſte heure,mais tout le temps de noſtre
'vie,&iuſques à tant que nous foyons paruenus
en la pleine conionćtion de Ieſus Chriſt en fon
celeſte Paradis.Lequel nous vueille donner le
Pere,le Fils,& le fainét Eſprit.Amen.
S E C O N D D I M E N C H E
D E C A R E S M E,

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I E v le createur par fa finguliere


bonté veut gratifier à l'homme, en
E == r;
|tant que ſa mifericordele requiert,
- quand l'hőme eſt en quelque neceſ
fité & afflićtion:maispar certains moyés il nous
veut fecourir,fçauoir eſt par oraiſon. Il veut e
ftreprié:non pas cóme s'il Car il
cognoit biế ce qui nous eſt neceſſaire. Scit enim
pater vefter quibus indigetis, Matth.6.Voſtre pe
re celeſte fçait bien ce qui vous faut.Mais ceſte
priere retourne à nostre bien & vtilité, non pas
au proffit de Dieu. Car lors nöus recognoiſſons
noſtre infirmité, & nous humilions, confiderãs
que de nous meſmes ne pouuons rien fans luy.
Et pource il veut que nous le priős,& que nous
luy demádions ce qui nous est neceſſaire, com
bien qu'il le fçache bien. Secondement,il veut
qu’on le prie, à fin que nous recognoiſliós qu'il
est autheur de tout bien,& q luy nous peut
detournier de tout mal,& deliurer de tous dan
- - gers.
3O4 1 1. d 1 M E N c H e |

gers. Et pourautant qu'il veut eſtre prié,il nous


inuite à demander, & faićt promefle de nous
donner ce que luy demanderons,difant:Siquid
petieritispatrem in nomine meo,ipſe dabit vobis. Ie
vous affeure que mő pere vous donnera ce que
luy demáderez en mon nő.Meſmes pour mon
ftrer qu'il eſt liberal, il nous contraint quafi,&
nous cőmande luy demander ce qui nous eſt
neceſſaire,difant: Petite & accipietis. Laquelle
fentence examinát S.Chryſoſtome, homilia de
AMoſe,dit: Regardez que Dieu a grand vouloir
de nous fecourir,quia qui iubet petere, cupit dare.
Celuy qui de bốne volőté dit à vn autre,ie vous
feray volontiers plaifir, demandez ce que vous
voudrez,c'eſt ſigne qu'il a enuie de nous ayder.
Or noſtre Dieu eſt grádement liberal, & pour
| ce il nous commande de luy demander ce qu'il
nous faut,& le prier. Et à la verité l'oraiſon eſt
de grãde vertu & efficace, nő feulement faićte
pour nous:mais auſſi pour autruy. Et pource no
ftre Seigneur a ordőné que nous prierons , non
feulemết pour nous , mais auſſi pour les autres.
C'eſt pourquoyila inſtitué les prieres general
les en l'Egliſe,& les ſacrifices meſmes tãt de la
loy anciéne que de la nouuelle.Car l'office du
prestre est de prier & offrir à Dieu facrifice pour
fes pechez,& en apres pour les pechez du peu
ple, comme dit fainét Paul ad Hebræos s. Omnis
pontifex ex hominibus affumptus, pro hominibus cõ
ftituitur in ijs quæſunt ad Deum, vt offerat dona &
facrificiaprofuis & populipeccatis.Et auſſi les
ICS

|
- D E c A R E s M. E. 3O
ftres offrent le corpus Domini a la Meſſe, & les
prieres pour le peuple : & le peuple reſpond,
Amen. Or les prieres faićtes pour autruy, ont
figrande efficace, que fi quelqu'vn priant pour
foy n'a eſté exaucé, par autruy il le fera: telle
ment que ceux qui font indignes d'impetrer
quelque chofe par eux meſmes, ils l'imperre
ront par autruy. Comme vous auez d'Helie le
prophete, lequel a impetré de la pluye pour le
peuple d'Iſrael, combien que ledićt peuple fust
indigne d'eſtre exaucé de Dieu, & auoir de la
pluye. Dieu veut eſtre prié par autruy, com
me Dieu monſtra bien au Roy Abimelech,qui
auoit offenſé en prenant la femme d'Abraham:
Dieu luy diſt: Tu as beau me prier, ie ne t'e
xauceraypoint. Mais va t'en à Abraham & luy
dis qu'il prie pour toy. S'il le faićtie l'exauce
ray. Car tu es indigne d'eſtre ouy. Semblable
ment nous auons des amis de Iob,leſquels s'e
ftoyent moquez de luy,quand ils demanderent
pardon à Dieu,il leur dit: Ite adferuum meă Iob,
é orabit pro vobis. Quant eſt de vous,ie ne vous
eſcouteray point, car vous en eſtes indignes.
Mais adreſſez vous à mon feruiteur Iob, & ie
l'exauceray. Vous voyez que les prieres des
gens de biếfont vallables pour autruy, meſmes
encores que ceux pour qui on prie n'y penſent
pas: comme nous voyons de fainét Paul, qui a
esté conuerty par les prieres de fainét Eftien
ne , comme dit fainćt Augustin en vn fermon
de beato Stephano:Si Stephanus nõoraffet, Eccleſia
V

* .
C6 I I. D I M E N C H E

Paulum non haberet. Et toutefois tant s’en faut


qu'il y penfast,& qu'il requist fainét Estiếne de
rier pour luy, que au contraire il eſtoit con
à fa mort, & euſt refuſé les prieres de
fainćł Eſtienne, s'il fe fuſt offert de prier pour
luy.Neantmoins fainét Estienne prie pour luy.
Va; ie prieray pour toy , iaçoit que tu aydes à
melapider. Et parce moyen fainét Paul a eſté
conuerty. Et tant eſt vallable l'oraifon des gés
de bien faićte pour autruy,qu'elle force & con
trainćt Dieu (par maniere de parler) de par
donner à vn meſchant, & nous donner ce que
nous demandons. Ie dy cecy auec l'Eſcriture.
Regardez ce qui eſt dićt en Exode 32. apres
-

que le peuple eut faićt vn veau d'or , & ido


latré, Dieu le createur diſt à Moyſe: Dimitte me,
vt ira/Catur furor meus : Laiſſe-moy faire, à fin
que ie depeſche ce peuple mefchant. Et com
ment, Seigneur, qui vous empeſche d’execu
tervostre arreſt? C’eſt Moyſe par fa priere, di
fant: Aut dele me de libro vite, aut parce populo
huic. Et en Hieremie 7.11.& 14.vous auez auf
fi vn tefmoignage que Dieu diſoit à Hieremie,
qui ſe preſentoit deuant luy en toute humilité,
pour faire pardonner au peuple : Tu ergo noli
orarepro populo isto, & ne affumas pro eis laudem
ch- orationem,quia non exaudiam in tempore clamo
ris eorum ad me. Et cap.7. Ne obſistas mihi,quia nã
exaudiam te. Ne me refiste point: car ie ne
t’exauceray point pour eux. V oylà donc quand
Dieu le createur a voulu punir vn peuple, il a
* prié
D E C A R E S M E. ' zo7.
prié les gens de bien de ne l'empeſcher point,
& leur adit: Ne me priez point pour cux: car
iene vous exauceray point. De cecynqus en
auons vn exemple en noſtre Euangile prins dư
quinzieſme chapitre de S. Matthieu, où il eſt
faićt mention que Egreffius Ieſus,feceſit in partes Matth. 13.
Tyri & Sidonis,& eece mulier Chananca,àfinibus *"*7
illis egreffà,clamauit, dicens: Miferere mei domine
fili Dauid,filia mea male à demonio veratur. Et Ie
fus fortit de la, & s’en alla és parties de Tyr &
de Sydon : & voicy vne femme Chananee, la
quelle eſtoit partie de ces cartiers là, crioit
apres luy, difant: OS eigneur fils de Dauid
aye pitié de moy , ma fille eſt miferablement
tourmentee du diable. En ce S. Euangile eft
faićt mention d'vne pure priere par vne fem
me Chananee:laquelle instamment ſupplie Ie
fus Chriſt, lequel differe l'oćtroy de fa reque-
fte,& finablement l'exauce & donne ce qu’elle
demande.Et ecce mulier Chananca. Nostre Sau
ueur a de couſtume en fon Euangile nous pro
poſer exemples qui nous font rougir: comme
du Centenier,de la Chananee,&autres infidel
les qui ne font instruiéts en noſtre religion, &
ne fçauent que c'eſt que deDieu. Et nonobſtát .
nous font nostre leçon , & nous monſtrent le
chemin de patience,perfeuerance, & humilité.
Et voicy vne femme Chananee laquelle eſtoit
artie des fins d'icelle de corps ( car elle eſt
fortie de fa maiſon pour cercher Ieſus Chriſt)
& d'ame:car elle a abandonné l'incredulité des
V 2.
3ο8 I I. D I M E N C H E

Chananéens pour croire en Ieſus Christ. Cla


mabat dicens, miferere mei. Elle crioit en difant,
aye mercy de moy ; ce n'eſt pas de merueilles
Troi, chosts fi elle crioit apres Ieſus Chriſt, Car trois cho
fre" ""“ fes l'efmouuoyent à crier. Premieremét neceſ
a crier,
fité,laquelle fait crier les pauures qui deman
dent l'aumoſne. Ainſi la Chananee crioit pour
ce qu'elle auoit beſoing de la mifericorde de
Ieſus Chriſt, non tant pour la fanté de fa fille,
comme pour fa conſolation. Pourtant elle di
foit:Domine miferere mei.O Seigneur aye mer
ey de moy. Secondement amour faićt crier,
comme il appert de ceux qui pleurent & lar
moyent la mort de leurs parens & amys bien
faićteurs. Et par ceſte elle crioit: car par
affećtion naturelle & maternelle, tendrement
elle aymoit le fruićt de fon ventre: à fçauoir ſa
fille. Tiercement douleur faićt crier , comme
il eſt manifeſté aux malades, leſquels crient à
cauſe du mal & de la douleur qu'ils fouffrent
aux membres de leur corps.Et pour ceſte cau
fe, la mere voyant ſa fille en miferable eſtat &
pitoyable defarroy, elle crioit: Filia mea malè
à demonio vexatur: Ma fille eſt miferablement
tourmentee du diable,laquelle par paroles eui
dentes exprime & declare fa foy, diſant: Do
Joan.
mine; Seigneur du ciel & de la terre, en la vo
“lonté duquel toutes chofes font ſubiectes: Ipſe
r. Reg. 2. vulnerat & medetur percutit & manus eius fana
c. a. bunt: cartu frappe & gueris,tu bleſſe & mede
cine,mortificas & viuificas, tu mortifie, & viui
fie»
** - d e c A R E s M e. 3O9
fie, comme celuy qui a l'empire de la mort, &
de la vie. Item l'appellant Seigneur, elle con
feſſe la puiſſance diuine, par laquelle il peut
toutes choſes. En difant, Fili Dauid, elle con
felfe l'humanité de Ieſus Chriſt, comme difant
parla nature diuine, tu as la puiſſance, & par
la nature humaine, tu as la : car main
tenant tu es noſtre chair, noſtre frere, noſtre
chef, & nous fommes les membres de ton
corps. Mais fi vn membre eſt malade & fe
trouue mal comme ma fille, les autres mem
bres en ont compaſſion : Mais à plus forte rai
fon,le chef,lequel tu es. Miferere mei.Aye mer
cy de moy. Ie n’allegue point mon merite:
car partropie fuis redeuable. Ie ne demande
point iugement: ains le benefice de ta miferi
corde: car ma fille, non pas vn feruiteur ou
chambriere, ou vne eſtrangiere: mais la fille
tres-aymee de mon ventre, miferablement eft
tourmentee: mais fçauez vous de qui c'eſt?
Du diable ennemy de nature humaine:quis'eſt
logé en ma maiſon , & incorporé le
corps de ma fille. Maledićtion aux peres &
meres qui voyent leurs enfans enflez par or
gueil, affligez parauarice,detraćteurs de la bő
ne renommee de leurs prochains, blaſphema
teurs du nom de Dieu, des Sainćts & Sainćtes
de paradis, impatiens, tourmentez par enuie:
greuez & chargez par gourmandife & yuron
gnerie:fouillez affoiblis
þarnonchallance & pareſſe, & ne prient point
- V 3
3IO I I. D I M E N C H E -

pour eux. Car comme dit S. Bafile homilia 13.


exhortatoria ad baptifnum, & pareillement S.
Chryſottome homilia 79. adpopulum Antioche
num, lotiants grandement ceite briefue oraiſon
de la Chananee, & incitans chacun de nous à
vfer de ceſte oraiſon.Toute perſonne estant en
pcché mortel,miferablement eſt tourmenté du
|
diablc,quand il ne fent pas les bleſſures & na
urcures de fes pechez.Et qui pis eſt,quand ilfe
complaiſt en fespechez,& fe glorifie en fa ma
Prouerb.2.
lice: Et exultat in rebus pestimis,& fe refiouyst en
choſes mauuaifes. S'enfuit: Qui non reſpondit ei
verbum. Leqüel ne luy reſpondit pas vn mot.
Ioan. 2.
Chofe admirable , la parole de laquelle il eſt
eſcrit:In principio erat verbă.Au commencemét
estoit la parole,& ceſte parole maintenát ne re
fpond point vne parole. Voicy la femme affli
gee,laquelle adore IefusChriſt,le prie,implore
-

& recife ſa neceſſité, inuoque famifericorde.


Toutefois l'amateur des hommes & desames,
cőbien qu’il foit prié de dóner aide cốtre le dia
ble fon grandennemy,il fetaist.La fontaine de
eau viue retiết fes eaux,diffimulát reſpandre &
eſpancher les eaux de fa diuine mifericorde &
bonté. Le medecin differe de guarir celuy le
quel il prouoque à prier. Maintenant quand il
eſt prić par la Chananee,il la chaffe. Tout cela
nous denote que fi aucunefois nostre Seigneur
differedőnerà noſtre premiere demáde : neãt
moins ne fe faut defeſperer, ne ceſſer de prier,
ains de plus en plus perfeuerer en oraiſon vers
-
*
Dieu,
. D E C A R E S M E. 3II
Dieu, pour nous donner les choſes neceſſai
respour le corps, & les choſes falutaires pour
l'ame. Car c'eſt vne des perfećtions d'oraiſon,
que perfeuerance. Ce que monſtre non feule
mét fainćt Iacques,chapitre cinquieſme, quãd
il dit, que, Afidua iusti deprecatio plurimum va
let apud Deum, mais auſſi noſtre Seigneur, Luc.
18.où il dit: Oportet ſemper orare,e non deficere.
Penfez-vous que ce foit affez de commencerà
prier qui ne perfeuere? Non. Parquoy ne ceffez
de prier Dieu humblement,tant que vous ayez
obtenu ce que demãdez. Ce qu'il confirme
deux ſimilitudes. La premiere d'vne veufue
laquelle par importunité eut d'vn mauuaisiu
ge audiếce. L’autre d'vn amy qui par importu
nité de prieresa contrainćt vn fien amy fe leuer
de nuićt, & luy bailler ce qu’il demandoit.Ain
fi est-il de Dieu, il veut estre importuné par
prieres, & forcé. Et hæc quidem vis Deo gratifi
maest,comme dit Tertullianinapolog.cap.39. Et
accedentes diſcipuli,rogabant eum;dicētes:Domine
dimitte eam : quia clamat post nos. Et fes difci
ples vindrent meus de mifericorde par les cris,
pleurs,plaintes,& prieres de la Chananee,& le
prioyent, en difant: donne luy congé en exau
çant fa priere, confole l'affligee,deliure fa fille
tres-aymee:car vous eſtes, Pater mifericordiarã,
& Deustotius confolationis,le Pere de mifericor
de, & le Dieu de toute confolation, qui eſtes
venu en ce monde pour confoler les pauures
deſolez. Icy nous introduirons contre les nou
V 4
siz 1 1. D I M E N C H E

_ ' ' ueaux dogmatiſtes, la reuerence & inuocatiori


Priere aux des glorieux eſprits : aflauoir des Sainćts &
****** Sainctes de paradis. Leſquels de par delà font
nos interceſieurs & implorateurs de la grace
& miſericorde de Dieu : comme amplement
vous verrez en noſtre liure de la probation
des facremens, fur l'oraiſon aux Sainčts. Et il
reſpondit, & dit: non fum miſia nistad oues que
perierunt domu Iſrael. Ie ne fuis enuoyé finon
aux brebis qui font peries de la maiſon d’If
rael,c'eſt à dire,aux Juifs qui font peris par in
fidelité. En cela il euite le fcaridale des Iuifs
quất à luy,& les rend inexcuſables:car comme
Iºan-ri. il dit:Si non veniffem & locutus eis nonfuffem pec
catum nã haberent. Si ie ne fuffe venu,& n’euffe
point parlé à eux, ils n'auroyết point de peché,
maintenant ils n’ont point d'excuſe de leur pe
geestion ché. Icy ſe pourra fourdre vne question : veu
que Ieſus Chriſt eſt venu pour le falut du gen
re humain, pourquoy, dit il, te ne fuis enuoyé
- finon aux brebis qui font peries de la maiſon
*"?”/“ d'Iſraël.Nous pouuons parler de l'aduenement
de lefus Christ doublemét.Premierement,quất
à la redéption vniuerfelle,Ieſus Chriſt eſt venu
racheter nő ſeulement les Iuifs, mais auſſi tous
les Gếtils pour tous leſquels il a payé le pris de
noſtre redemption. Secondement, nous pou
uons parler de l'aduenement de Ieſus Chriſt
quant à la corporelle viſitation, pour preſcher
& pour faire miracle: & ainfi il n'eſt pas venu
• finon aux brebis dela maiſon d'Iſraël: car feu
lement
d e c A R E s M. E. 313
lemétil deuoit venir en la terre de promiffion.
Et comme dit S. Hieroſme fur S. Matthieu : il
ne dit point qu'il ne foit enuoyé aux Gentils:
mais que principallement & premierement il
a eſté enuoyé aux enfans d’Iſraël. Et pource
bien peu a-il prefché en propre perſonne aux
Gentils,& bien peu fait des miracles. Et pour
tant,quand nostre Seigneur dit, Non fum mifus
nistad oues que perierunt domus Iſrael, il faut ad
iouster ce petit mot,Primò,premierement,com
medit fainét Auguſtin inpfal.71. où il remốſtre
qu'il faut bien regarder comment on traićte
l'Eſcriture faincte, & qu'aucunefois vn petit
mot donne la folution d'vne grande difficulté.
At illa venit, & adorauit eum,dicens:domine adiu
ua me. Mais icelle vint, & l'adora,diſant : Sei- e“/?"erance
* . - - - - - - -la Chana
gneur ayde moy: Sciebat Dominimiſericordiam, ,
& proinde magna fedulitate vtebatur, difant S. tai .
Chryſost.hom.38 in Genefim.Elle ne craint point -
d'importuner celuy qu'elle fçauoir estre mife
ricordieux.lcy eſt exprimee & declaree la con- *

tinuelle diligence & perfeuerãce de ceste fem


me en toute patience. Premierement, en faićt
d'approchement.Car elle est venue, z.En figne
d'adoratiố:car il est dir, Adorauit,elle l'adora.3.
En parolle d'oraiſon. Car il est dit, Seigneur
ayde moy. Pource dit l'Euangeliſte:mais icel
le vint en s'approchant de Dieu,qui
ment de loing en le ſuyuant crioit, elle l'adore
en vraye foy, ferme eſperance, & charité ar
dante, difant : ayde moy Seigneur, car tu es
V 5 -
314 I 1. . D I M E N c H E
puiſſant, & par là elle declare la puiſſance dể
Dieu , l'appellant Seigneur. Et quand elle dit,
ayde moy,elle expoſe fon impuistance. Etice=
luy reſpondit, Non est bonum filmerepanem filio
rum & mittere canibus. Il n’est pas bon:Carcela
eft contre l'ordre de raiſon, contre le droićt de
Gëtils appel-
nature, prendre le pain des enfans & le ietter
allX chiens :
lez, chiens,
pource qu'ils mangeoyent les
pourquoy.
° chairs immundes facrifiees aux idoles, & le
choyent le fang comme les chiens.O meſſieurs
les Prelats & Paſteurs qui abufez des biens ec
clefiaſtiques, qui fontles patrimoines des pau
ures membres de Ieſus Chriſt , efcoutez ie
vous prie à oreilles ouuertes la voix de no
ftre Doćteur celeſte & diuin, qui du ciel iour
nellement vous dit & prefche, Non est bonum
fumerepanem filiorum & mittere canibus. Il n’est
pas bon prendre le pain des enfans & leietter
aux chiens. Et vous defrobez le pain qui ap
partient aux enfans de Dieu, & à membres,
& le iettez aux chiens, aymant mieux nourrir
les chiens que les enfans de Dieu , qui font
les freres de Ieſus Chriſt. Et vous meffieurs les
Nobles & riches, qui auez multitude & grand
nombre de chiens, aufquels vous donnez le
pain à grande abondance , & laiſſez mourir
de faim les pauures membres de Ieſus Chriſt,
qui font vos freres Chreſtiens, vous en mau
direz vne fois l'heure, fi vous ne faićtes peni
tence , & Dieu ne vous faićt mifericorde. Il
n'eſt pas auſſi bon de donnerle pain facramen
- tel,
---- D E c A R E s M. E. 315
tel,lequel appartient aux enfans de Dieu, aux
chiếs,c'eſtà dire aux pecheurs publiques &no
toires heretiques,blaſphemateurs du fainét,di
gne & venerable ſacremết de l'autel. En figure
dequoy il est eſcrit que Achimelech grand fa- Rts *"
crificateur donna le fainćt pain, c'eſt à dire, à
Dieu conſacré à Dauid, & à ſes feruiteurs qui
auoyent faim,& defiroyent à manger du pain,
leur difant s'ils eſtoyentmundes & principale
ment des femmes,comme difant, qu'il n’eſtoit
pointlicite de manger des pains fainéts & deſ
diez à Dieu, finon qu'ils fustent nets, inundes,
&purs. Veu doncques que le pain,fous lequel
eſt contenu le corps de Ieſus Chriſt,est incom
parablement plus parfaićt, digne & excellent
que le pain de propoſition,lequel n'estoit licite
manger finon à ceux qui estoyent purs & mun
des : à plus forte raiſon ne doibt on manger le
fainét reſtaurant de plaine vie, finon en toute
purité,dignité,reuerence & fincerité:Car com- )

medit l'Apoſtre, Qui manducatindignè;iudicium 1.cerir,


fibi manducat, celuy qui le mange indignemét,
le mange à fondamnement. Parquoy il fe faut
diſpoſer deuant que receuoir le fainćt Sacre
ment, comme nous traićtős au liure des Sacre
mens ſur l’article de l’Euchariſtie, en l'exhor
tation de Curez , fueillet cent vingt-troifief.
me. Senfuit comme la Chananee reſpond à
Ieſus Chriſt:Vtique domine : nam & catelli edunt
demicis qua cadunt demenſàdominorum fuorii. Il
est vray fire,comme difant:ta parolle est verita
ble,
1

316 I I. D I M E N C H E

ble,ie ne ſuis pas fille, ie ne fuis pas digne à la


quelle tu doyues donner les grands benefices:
mais ie te prie parta grande mifericorde de ne
me vouloir faire felon mès pechez, cari’ay of
fencé contre le ciel, deuant toy Dieu fauueur
ayde nous pour la gloire de ton nom, deliure
nous du diable, & nous donne pardon de nos
pechez-Carcela eſt propre à ta bonté & miferi
corde,nam & catelli, car les petits chiens man
gent des miettes quicheent de la table de leurs
Seigneurs. C'eſtà dire, les Gentils immundes,
miferables & vils mangent des miettes qui
cheent de la table de leurs feigneurs , afçauoir
des Iuifs, qui abondent du pain de la parolle
de Dieu, de fes benefices, fignes & miracles.
Comme voulant dire ; ie ne demande point
pluſieurs, maisvn feul benefice: à fçauoir,de
liure ma fille de la puiſſance du diable. S. Iean
Chryſoſtome hom.is.in Genefîm,examinant ce
fte reſponſe de laChananee,la louë grandemết
non ſeulement de fa foy & cốſtance, mais auſſi
de ce que audito canis nomine non retrò cedit ob
verbi contumeliam, fed boni confulit,& fatetur fe
catellum vt à canum liberetur brutitate & infilio
rum allegatur ordinem.Confiderős icy la patiếce
de ceſte mere,& fa profonde humi
lité: ellenőme les Iuifs enfans de Dieu,les ho
Trei petitiis norant de grandes louanges, & les appellant
en faj e fe- feigneurs: voyons auſſi trois petitions de ceſte
"e" pie", femme,qu'elle faićt en la foy & felon Dieu.
En la premiere elle demande eſtre deliuree,
- 1 difant:
D E c A R E s M. E. 317
đifant: ô Seigneur fils de Dauid, aye mercy de
II lOV,
Ë. la feconde elle demande eſtre aydee,di
fant : O Seigneurayde moy.
En la troifieſme,elle prie estre fauuee, diſant:
petits chiens mangent les miet
mais auffi les
tes qui cheent de la table de leurs feigneurs,
comme difant, & fi ie fuis indigne de la table,
toutefoisie te prie ne me vouloir du tout en
fermer & mettre hors : ains que ie puiſſe rece
uoir vne miette de ta grace.En ce fainćt Euan
gile grandes choſes nous font preſchees de la Fơ de la
Chananee , leſquelles font neceſlaires à tous chazane.
ceux qui defirent eſtre de Dieu exaucez. Pre
mierement fa foy. Car fi elle n'euſt creu que
Ieſus Chriſt fuſt tout puiſſant pour deliurer
fa fille de la poſſeſſion du diable , elle ne
fust point allee à Ieſus Christ , meſmes que
Ieſus Chriſt l'a loué de la fublimité & excel
lence de fa foy, diſant: O mulier, magna est fi
destua. O femme, ta foy eſt grande. Laquelle
foy nous deuons auoir auecques nous quand
nous adreſſons
comme à lefus Chriſt pour leibile
dit l'Apoſtre, Prier: car H.t.,,
est pla- • • ••

cere Deo. Sans la foy il eft impollil le de plaire


à Dieu. Nous deuons doncques croire que
Dieu par ſa ſapience peut faire toutes choſes,
& qu’il a toute puiſſance tant au ciel qu’en la
terre,en la mer & en tous les abyſmes, & qu'il
fera de tous biens remuneration & de tous
maux punition.
Se
,--
«*»

318 I I. D I M E N C H E
Secondement la Chananee auoit vne ferme
Esterance, eſperance en la bonté de Dieu. Car en vain &
our neant elle euſt prié Dieu & fes Apostres,
} elle n’euſt eſperé eſtre exaucee. Semblable
ment tout pecheur doit auoir ferme confiance
que Dieu luy fera mifericorde,quand illuy de
(harité,
mande pardon.
Tiercement ceſte femme auoit vne fincere
charité & amour à fa fille, de laquelle elle a
uoit fi grande compaſſion qu'elle reputoit &
faiſoit la douleur de fa fille fienne & propre:
parquoy elle diſoit : Seigneur aye mercy de
moy. Laquelle charité vn chacun priant Dieu
doitauoir. Car il ne doit ſuffir à l'hőme de prier
Dieu feulement pour luy , ou procurer fon fa
lut propre, finon qu'auffi il prie Dieu pour fes
prochains & procure leur Cőme dit l'Ef
criture: Mandauit Deus vnicuique de proximo fuo.
Ecclef. 17. Dieu a donné commandementà vn chacun de
fon prochain.Et fainét Iaques:oratepro inuicem
Iacob. f. vt faluemini. Priez l'vn pour l'autre, à fin que
vous foyez fauuez. - -

Quartement il appert que la Chananee


Pati ence. auoit vne grande & profonde patience. Car
quand elle demandoit mifericorde à nostre Sei
*.
gneur Ieſus Chriſt, il ne luy reſpondit pas vn
mot, pour cela elle n’a pas esté troublee. La
quelle patience vn chacun bon Chreſtien doit
auoir en luy , quandil s'addreſſe à noſtre Sei
gneur,pour luy demander quelque chofe, fiin
continent il ne reſpond & exauce, fa priere.
Car
D e c A R E s M e. 319
Car fouuent il differe d'exaucer,à fin que nous.
appreniősà perfeuerer, ou pource qu'à l'auen
ture il n’eſt pas expedient alors pour nous, ce
que nous demandons, ou bien à fin que non fo
lumpetitionem nostram exaudiat,fed etiã beneficia
fuaacceptures fàciat clariores, comme dit fainct
Iean Chry foſtome,hom.38.in Genefim, expoſant
la requeſte de la Chananee. Noſtre Seigneur
eſt le bon & fouuerain medecin, auquel nous
deuons commettre & bailler en garde auec
toute cőfiance,nous & tous nos affairgs, & pa
tiemment endurer, s'il aduient autrement que
nous ne demandons. Quintement, ceſte fem
me auoit vne grande humilité : Car quand le
ſus Chriſt luy difoit : Non est bonum.Il n’est pas
bon de prendre le pain des enfans & le ietter
aux chiens: comme l'appellant chienne, & in
digne du benefice de la fanté qu'elle deman
doit pour fa fille: elle meſme s’humiliant &
aneantistant s'eſt appellee chienne, difant:Vti
que domine. Il eſt ainfi, Sire,toutefois les petits
chiens mangent des miettes qui tombent de la
table de leurs feigneurs. -

Cốme difant, ie ne merite point vn pain en


tier de voſtre grace: maisie feray contente des
petites miettes de voſtre grace , leſquelles les
iuifs ont en meſpris:laquelle receuất humble
ment de Dieu reproche & parolle iniurieuſe
dicte par outrage, elle a obtenu & impetré be
nefices de fanté: laquelle humilité vn chacun
qui prie Dieu pour eſtre exaucé , doit auoir
all CC
32o 1 1. d1 M E N cH E
auec luy. Carcóme dit l'homme felon le coeur
rfahrer. de Dieu Dauid:Deus respexit in orationem humi
lium,& non fþreuit preces eorum. Dieu regarde l'o
raiſon des humbles, & ne meſpriſe point leur
Ecclef.sr. priere. Et fon fils s humi
liantis fe,penetrat celos. Sixiefmemết & finable
ment, la Chananee fe dreſſant à Ieſus Chriſt
pour eſtre exaucee en fa requeſte,elle eſtoit ac
Perfeueräce.' cốpaignee d'vne autre vertu nốmee perfeuerấ
ce. Car c'eſt vn figne de grande perfeuerance,
qu'eſtant repouſſee par tant de fois de noſtre
Seigneur, & comme refuſee de ſon instante
demande pour cela ne laille à perfeuerer auec
vn coeur plus viril que feminin, difant; O Sei
gneur ayde moy. Et combien que noſtre Sei
gneur affez rudement luy reſpondiſt, il n'eſt
pas bon prendre le pain des enfans & leietter
aux chiens:elle a eu patience, quand elle a ouy
que nostre Seigneur l'appelloit chienne, ains
elle s'est appellee petite chienne. Telle perfe
uerance deuons nous auoir, quand nous prions
Dieu, comme noſtre Seigneur nous enfeigne
L tit. I I • par la parabole en Sainćt Luc, de l'homme
frappant à la porte de fon amyà la minuićt, luy
demandant troispains,&c. S'enfuit en l'Euan
gile.Lors Ieſus reſpődit, &łuy dit:O mulierma
ALouảge bref. gna est fidestua fiat tibi ſicut vis. O femme ta foy
as "par"; est grande par confeſſion, verité & probation.
gräde en fub Il te ſoit faićt ainſi que tu veux: ainfi que tu
stance. crois, ainſi que tu eſpere, & te confie. Sainćt
Auguſtin examinant ces parolles de noſtre
Seigneur,
D e c A R E s M. E. - 32 U .

Seigneur.lib.i.defide & operibu,cap.16.obferue


qu'il auoit appellé ceſte femme premierement *

chienne, mais maintenantil l'appelle femme.


D'où viết cela? Quando vidit mutatum afectum,
mutauit nomen. Noſtre Seigneur voyant qu'elle
n'estoit plus idolatre, il luy a changé ſon nom
& admiré fa foy. Dauantage voyons combien
vaut & profite la perfeuerance de l'oraiſon:
voicy vne loüange brefue en parolle , mais s- , **

grande en fentence, fi nous voulons confide- v .


rertrois choſes,à fçauoir celuy qui lolie,la per-
fonne qui est loüee, & la matiere de la loüăge. *
Celuy qui loüe c'est Ieſus Chriſt,qui ne loüe -

aucun finon qu'il foit digne de loüange:Com- . . . . . .


me dit fainct Paul: Non qui ſeipſum commendat, r.cer.« . .
illeprobatus est,/edquem Deus commendat.Carce
luy qui fe loüe n’est approuué, mais celuy que , s
Dieu loüe.Il eſt autrement des hőmes,qui fou- .. »
uét loüent ceux qui plustoſt font dignes de vi
tuperes que de loüanges. Itế laperſonne loüee
c'est vne femme humble,patiente, perfeueran- ;** *
te en oraiſon,foy,eſperance, charité, & patien- -

ce. Dauantage la matiere de la loüange eſt la


foy. Il eſt autrement de la mariere de la loüan
ge mondaine. Car c’eſt toufiours vne choſe
mondaine, comme richestes, honneurs, beau
té, nobleffe, & autres chofes ſemblables. No
ſtre Seigneur dit : Magna est fidestua.Erat enim
(dit Chryſoſtome en ceſte homelie 38. für Ge
nefe)re vera/upra natură magna:quòd cùm vide
ret femel atque iterum & fapius magumpas
| | || | 312 1 I. · D I M E N C H E

|||||| - nonfºgniorferitfaċła nequeretrocefferit fedperfe


|| uerantiafedula prouocauerit Dominum, ita vt voti
| composferet.Femme,ta foy eſt grãde. Il y a donc
vne petite foy & vne grande, & y a certains
degrez de la foy, comme remonſtre fainét Hie
| | roſme, tom. 2. aduerfils Luciferianos, & S.Iean
Damaſcene,libro quarto defide orthod.cap. 11. Et
veritablement elle eſt grande en ſes quatre di
Grandeur de menſions. Premierement elle eſt grande quant
le fy "" /'à ſa hauteur. Car elle eſt mốteeiuſques au ciel,
::::: " quand tu croy que ie ſuis vray Dieu & tout
puiſſant, pour donnerfanté & guerifon à ta fil
le.Secondement elle eſt grande quant à fa lar
zargeur de geur. Car ta foy fera recitee par tout le monde,
| foy. -- ſpeciallement où ſera prefché ceſt Euangile.
Tiercement, elle eſt grande quant à fa pro
i , Trofondité fondité. Car elle eſt tellement enracinee, que
i de foy. parparolles dures, afpres, & rudes elle n'a peu -

| eſtre arrachee ne deracinee de ton coeur.


|
*
- Quartement, ta foy est grande quant à fa
zorgueur de longueur. Cartu croiras iufques à la fin. Et
foy. pour la concluſion de l’Euangile, il eſt dit:Fiat
tibifcut vis. Il te foit faićt ainſi que tu veux.
S. lean Chryſostome en l'homelie prealleguee
l'expoſe ainſi: Quantumvis,quantum animo con
cipis,tantum præbeo.Tua enim tanta perfeuerantia
dignam te declarauit tua petitione. Or eſt-il ainſi
que elle vouloit la fanté de fa fille demoniacle.
Parquoy il eſt tres-bien conuenablement dit,
Et fanata est filia eius in illa hora. Et fa fille fut
guerie en ceſte meſme heure. Et tout inconti
Il C1lt.
D E c A R E s M. E. 323:
nent l'effećt a enfuyuyla parolle. Car la fille,
fut guerie en ceſte meſme heure: Et pourrant,
dit fort bien S.Ambroife lib.4.de ficr. cap.4. &.
lib.de ijs qui myfterijs initiantur cap. 9. que Sermo,
Christiest operatorius.Reste maintenāt à l'exếple oraiſon.
de la Chananee priernoſtre Dieu auec vne -

plicité de coeur, plenitude de foy auecques ef


perance en la multitude de la mifericorde diui
ne,enhumilité,patiéce,charité,&efperãce,per
feuerer en oraiſon , & dire auec la Chananee,
Miferere mei domine fili Dauid. O Seigneur fils
de Dauid,aye mercy de moy. Et tout ainſi qu'il
a deliuréfa fille de la poſſeſſion du diable, qu'il
luy plaiſe nous deliurer & nous fortifiercontre
les tentations de ce faux dragon Lucifer, & de
tous fes miniſtres infidiateurs de nos ames,nous
confirmer en bonne patience,nous deliurer de
tous perils tát du corps que de l'ame,à fin qu'a
pres les ennuis de ceſte mortelle vie nous puiſ
fions paruenir à la conſecution de la vie erer
nelle, pour en icelle eternellement glorifier
Dieu le Pere , Dieu le Fils , & le S. Èfrit » all
Royaume de Paradis:Ainſi ſoit-il. -

T R OISIE SME D IM EN C H E
.. . D E C A R E S M E.

Es Peres de l'Egliſe qui ont eſcrit có


tre la doćtrine des Payens , pour leur
2 < móſtrer q leur religió estoit fauste, &
que leursDieux n'eſtoyết pasvrays Dieux,entre
autres argumés ils les ont cőbatus cestuy-cy \
2.
224 I I I• DI M E N C H E

que le naturel de Dieu est de bien faire, & fi


gnamment de bien faire aux hommes. Or les
- dieux qu'adoroyent les Gentils eſtoyent cruels
- & contraires aux hommes. Parquoy il s'enfuit
qu'ils ne font pas les vrais Dieux. Ainſi ont ar
umenté Clemens Alexandrinus & Arnobius ad
iuerſus gentes,& Eufeb.lib.4.depreparat. euangel.
cap. 7. & 4. Et prouuent ainſi leur dire , parce
* , ,
qu'il falloit immoler à ces Dieux là des hom
mes, comme il eſt facile à prouuer non feule
ment par les hiſtoires des Payens , mais auſſi
|
par l'eſcriture fainéte. Car il eſt dit d’eux au
,, ! Pſal.Io5.Immolaueruntfilios fuos & filias fuas de
. \\
monijs : Ils ont facrifié leurs enfans aux diables
4
qui parloyent par les idoles. Il y a encores vn
autre argumết,qui monſtre euidemment qu'ils
|
' ! !
|
n’eſtoyent vrais Dieux: parce qu'ils ne fecou
royent pas les hommes en neceſſité. Ce qui fe
faiſoit neceſſairement pour l'vne de ces deux
|
| |
| cauſes: ou par faute de puiſſance, ou bien par
*'
mauuais vouloir. S'ils ne fecouroyent pas les
| |" ; !
hommes en neceſſité par faute de puiſſance, il
s'enfuit bien qu'ils n'eſtoyent pasvraysDieux,
Car Dieu eſt tout puiſſant. Si c'eſtoit par mau
'
| | | | | |
i .
|
| uais vouloir & haine qu'ils portoyét aux hom
i

; mes, il s'enfuit donc qu'il y auoit de la malice


en eux. Ce qui ne peut conuenir à Dieu , qui
|| | | eſt la bonté meſme. Parquoy il eſt manifeſte

| i
| ||
| 7
||

i
,!

|
que ce n'estoyent que faux Dieux qui fedui
foyent les hommes parvne fauffe religion. Et
pourtant dit fort bien Laćtance libro quarto in
4. -

| | |
| .ii fitu
*
D E c A R E s M. E. 325
ftitutio. diuin, cap. 27. Neceffèest veram effe hanc
religionem,que damonum astutiam intelligit, vim4
retundit , & eos ſpiritalibus armis domitos ac fuba
čtos,cedereſibi cogit. Et fi les Dieux des Payens
n'ont puiſſance de chaffer les diables hors des
corps des hommes,ils ne font pas vrays Dieux,
dit Laćtance. Et pource nous auons argumết &
marque manifeſte, que noſtre Egliſe & religió
est la vraye Eglife, & la vraye religion. Caren
icelle les diables font chaſſez par force: & non
pas en l'Egliſe des heretiques,ny en la religion
des Payens.Ce qu'il faut bien remarquer apres
Laćtance,& S. Auguſtin contre Petilian, où il
fait confeffer aux Donatiſtes que ceſte puiſ
fance de chaffer les diables par force n’estoit
feulement qu'en l'Egliſe Catholique. Et qui
cốque a voulu hors de l'Egliſe Catholique en
treprendre ceſte puiſſance, a perdu fa peine &
s'en est mal trouué.Ie m’é rapporte aux enfans
d'vn grấd Preſtre de la Synagogue,deſquels il
est fait mentiố aux Aćtes des Apoſtres chap.19.
qui furent bien frottez & furết contrainćts de
s'enfuir. Ie m'en rapporte auſſi à Luther, qui
voulut ſe meſler de chaffer vn malin eſprit,l'an
1545.L'histoire eſt recitee par FridericuStaphilus
in Prodromopa.404.qui pour lors estoit diſciple
de Luther,& afferme qu’il estoit preſent, quãd
cela fut faićt,& qu'il eut fa part de la paours&
dit ces mots. Anno 154 s. puella quadă demonia
ca è Mifîne ditione addutta est Vvitembergam ad
Lutherum ceutertium Heliä,ea fpe quod Luthern
3
326 i i, o 1 M e s c t e A-F

puellamilă à malo demone effet liberaturus. Quã


uis autem Lutherus ad hoc admirandum & magni
momenti opus initio non parum difficilem ſe osten
deret:attandem tameniußit puellam duci in/acra
rium Parothianæ ecclefie Vvitembergenfis,illiá, co
ramalijspleri/juedottoribus & eruditis viris ( in
ter quos ego tum quoque iuuents magisteraderam)
demonẽcapitadiurare & exorcizare, fedtd tamen
morestio, non eo qui apud Catholicos receptus est
& vſitatus. Cum autem dia multámque ille coniu
raffet demonē,cedereille nolitit,fed cas in angufficie,
fitzenia verbo, Luthericaligas redegit, vt is quäpri
mum è ſacrariofeproripere vellet. At quid accidit?
Malignus illedemü v/hueadeofresfàcrari obstru
xerat,zt nequefrinfecus neque intrinſecus aperiri
poffent. Quare Lutherum in maioresetiã angustias
adduxit;ita vt iam adfenestrā properaret ſperans
pereăfºpoffè effugere & exilire. Verum obstabant
ili cancelli ferrei : ficá, compulsta est vnà nobi
fram tantilherinclustu hærere infàcrario, donecper
cancellos ab edituo valida nobis effat oblata fecuris,
mihiq, ceuiuueni virotradita, vt ea fores effringe
rem:quod equidem tum conatus fàm cớ ad effectum
perduxi. Interea verò visteadmirādă erat vt Luthe
rusangoribus correptus furfum deorſum curſitaret;
atque inštar ouis parturientis huc illuc4/fe inuer
teret.Parce qu'on auoit Luther en telle reputa
tion que fi c'euft eſté vn tiers Helie, on luy a
mena à Vvitemberg vne fille poſſedee du dia
bleyà fin de le chaster, & deliurer ceſte pauure
fille. Ce qu’au commencement il refuſa faire,
3 . . crai
----- D e c A R E s M. E. 327
cfaignant, peut eſtre, ce qui luy aduintapres,
ou pour le moins fçachant bien qu'il n’eſtoir
fi fainćt qu'on le reputoit. Toutefois à la fin,
de hontė, par importunité ou autrement , il
s'accorda de l'adiurer. Et pour ce faire, entra
au reueſtiaire ou facraire d'vne Egliſe paro
chialle de ladićte ville,& là il fut aſſiſté de plu
fieurs gens doćtes, & de moy, qui eſtoy nou
ueau maiſtre dit Staphile. Or Luther commen
ce à coniurer ce diable à famode,& non pas en
la maniere accouſtumee en l'Egliſe Catholi
que. Mais ce diable qui ſe moquoit de luy, a
pres auoir eſté long temps coniuré, print Lu
ther aux chauflesfi viuement qu'il penſoit e
ftre mort:& qui plus eſt, ne fut aucunement en
fa puiſſance de dudićt lieu, & efchapper.
Car ce malingeſpritauoit fi bien barré la por
té,qu'il ne fut en la puiſſance d'homme de l'ou
urir ny par dehors , ny par dedans. Luther
penſa fortir la feneſtre, mais les barreaux
de fer empeſchoyent: tellement qu'il fut en
fermé là auec nous malgré luy, iufques à tant
que on me bailla par les barreaux vne con
gnee, de laquelleie rompy la porte, & fis ou
uerture. Cependant Dieu ſçait comme ce pau
ure Luther eſtoit tourmenté : il n’eut garde
depuis ce temps là d'entreprendre à chaffer
vn diable. Et partant ne fe faut pas eſmer
ueiller fi o vniour inui
té & prié d'aller coniurer vn diable, s'en ex
cufa fort bien , & onc n'y voulut entendre,
* X 4
328 1 1 1. r 1 M E N c H E -

comme il confeſſe luy-meſme au premier lí


ure de fes Epiſtres. Car il fçauoit bien com
me il en eſtoit prins à Luther , & que ceſte
puiſſance de challer les diables eſt concedee
feulement à l'Egliſe Catholique : Ce que les
Donatiſtes meſmes ont recogneu & confesté»
comme recite fainét Auguſtin au lieu preal
legué. Or y a-il pluſieurs moyens par lef
quels les Catholiques ont chaffé les diables
par force , au temps de la primitiue Eglife.
Premierement, par le figne de la Croix. Et de
ce font foy fainćt Athanafe liure deuxieſme,
de incarnatione Christi.Sainét Gregoire Nazian
zene en la premiere Oraiſon contre Iulian
l'Apoſtat, & Lactance au liure quatrieſme de
fes Institutions Diuines, chapitre vingtſeptief.
me, fainét Iean Chryſoſtome homelie vingt
vnieſme ad populum Antiochenum, & homil.33.
in Matthæum, & homil.de cruce & latrone. Epi
phanius contra Ebioneos , Sainét Gregoire de
Nyffe ; en la vie de Gregorius Mirificus, fainćt
Hieroſme in vita Pauli & Hilarionis, Nicepho
rus libro tertio, capite decimo. Secondement,en
prononçant le nom de Ieſus, comme il ap
pert non ſeulement par le teſmoignage de
Origene , au liure premier contre Celſus, ſur
la fin., & d’Arnobe au liure premier aduer
fia gentes: mais auſſi de noſtre Sauueur meſ
mes, quidifoit en fainét Marc dernier chapi
tre : In nomine meo demonia eijcient. Terra quo
que ſepulchri diui Thoma filium Mefdei appen
- ~ fa
D e c A R e s M. E. 329
faipſius collo liberatã à demone fuiffe testatur Ab
dias librononohistor apostolice,in eos qui S.reliquia- .
rum venerationem à demone repertam aiunt.Tier
cement, par le corps de Ieſus Christ & cele
bration de la Meſle, comme teſmoigne fainét
Auguſtin cap. 8. libri vigefimifecundi de Ciuitate
Dei,& fon diſciple Profper,lib.3.depromiff'diui
nis, cap.6. & comme l'experience l'a monftré à
Laon,depuis quatre ou cinq ans. Quartement,
par le ieufne & l'oraiſon, comme il appert par
ce que difoit nostre Sauueur en fainċt Mat
thieu dixſeptiefmechapitre:Hoc genus demonio
rum non eijciturnistieiunio 6 oratione. Il y a cer
tains diables qu'on ne peut chaffer finon par
ieufne & oraifon : lequel teſmoignage eſt fi
clair, qu'il n’eſt beſoin d'alleguer fainét Atha
nafe. Cinquiefmemét,par le bapteſme,comme
dit S.Cyprian, epist.7.lib.4. Sixiefmement,par
l'eau beneiſte, comme nous affeure l'hiſtoire
Tripartite,lib.ọ.cap.34.& Theodoret, lib.s.hist.
Eccleſiast.cap.23 & Ioãnes Diaconus invita beati
Gregorij. Et par le pain beneist, vt de beato Petro
legimus apud Abdiam lib.2.histor.apoštolice. Fi
nablement par exorciſmes, comme teſmoigne
fainét Augustin au dixieſmeliure de la Cité de
Dieu , chapitre vingtdeuxieſme ; & fainét Cy
rille Hieroſolymitain, en la preface de fes ca
techefes, & fainét Chryſoſtome ſur la fin de
l'homelie qu'il a intitulee de Adam & Eue, &
Optatus au quatrieſme liure contre les Dona
tiſtes,& Laćtãce au quan ſa:liure de fes In
- 5
335 1 1 r. d 1 M E N c H E
| ftitutions,chapitre vingtſeptiefme.Ortant s'en |
faut que les heretiques de noſtre temps, qui fe
vấtent d'auoir la vraye Eglife,ayent la puiſſan
ce de chaffer les diables (qui eſt l'vne des plus
certaines marques de l'Egliſe) qu’ils ſe mo
| quent, & ne veulent vſer des moyens fufdićts
challer le diable, reiettans l'eau beneiſte,
e ieufne, le ſigne de la croix, nians la preſen
ce realle du corps de nostre Seigneur au fainét
facrement de l’Autel, fe moquans de la Meffe,
& des exorciſmes, leſquels ils appellent char
mes,& ne voulans aucunement vferd'iceux au
bapteſme, de peur parauenture de chaffer leur
maiſtrc & fathan:& ne voulans pro
noncer le nom de leſus, ny luy attribuer au
cune vertu , non plus que au facrement de ba
| pteſme, Or ne fe faut-ilpoint efmerueiller de
tout cela : mais pluſtoſt colliger de là, cuius fhi
ritus funt heretici, de quel elprit font pouffez
& conduicts les Huguenots,& de quelle Egli
feils font, & de qui ils font feruiteurs: carno
ftre Seigneur qui eſt venu en ce monde, vt dif:
folueret opera diaboli (comme dit fainét Iean en
fa premiere Canonique, chapitre premier ) &
pour chafter hors le du monde, & deli
urer les hommes de fa tyrannie, non fęulement
a guary les poſſedez du diable ( comme il eſt
cốtenu en l'Euangile du iourd’huy)pour mon
ftrer qu'il estoit le vray Dieu: mais auffi a laiſſé
à fon Eglife la puiſſance de chaffer les diables,
pour monstrer que c'eſt lavraye Egliſe , & a:
De c A R r s M. E. 337
fes enfans font les feruiteurs du vray Dieu. Ór
venons au texte de noſtre Euangile où il est
dit : Erat Ieſus eijciens damoniū, & illud erat mu
tum , &c. Et Ieſus iertoit vn diable hors qui
eſtoit muet.Et quand il eut ietté le diable, le
muet parla, & le peuple s'eſmerueilla. Noſtre
Seigneur icy demonſtre fa puiſſance inuinci
ble en deliurant vn homme poſſedé du diable.
En apresil manifeſte fa fapience infallible,en
ceux qui blaſphemoyent fa bonté
infinie.Finablement eſt declareevne veritable
confeſſion de falut par vne femme à la loüan
ge de la treſſacree vierge & merede noſtreSei
gneur. Sainćt Luc nous recite que ce domo-
niacle eſtoit muet. Sainćt Matthieu dit qu’il -

eſtoit aueugle. Sainćt Marc adiouſte qu'il


estoit fourd. Pource Ieſus Chriſt a faićt qua
tre grands miracles en vn mefine homme: car
l'aueugle voit,le fourdoyt, le muet parle, & le
poſſedé eſt deliuré du diable. Et cùm eieciffet de
monium,locutus est mutus.Et quand il eut iettéle
diable,le muet parla. Ce demoniacle nous re
eſente vn chacun pecheur,vers lequelle dia
opere ſpirituellement tout ce qu'a eſté en
ce demoniacle corporellement: car comme il a
eſté ja dit, ce demoniacle eſtoit muet, aueu
gle, fourd, & poſſedé du diable. Ainſi le pe
cheur fouffre ces quatre chofes fpirituellemét.
Premierement le pecheur est faićt muet à la
louange de Dieu,defquels pecheurs l’on peut
dire auecques Dauid : Os habent & nonloquen- P/at. rr«.
f2f7"
33 I 1 1 1. d 1 M E N c H e -

tur. Les pecheurs ont bouche , & ne difent


point loüange à Dieu.Item lepecheur eſt muer
quant à ſoy-meſmes.car il n'ofe point confeſ
fer fes pechez, pource que le diable l’empeſ
che de ce faire. Ët comme le loup afſaillant la
brebis, ou le pourceau, il faifiſt premierement
suatu.ſongolier,&festrangle-àfin
imilitude • - qu'il ne crie ainfi
a, le diable eſtraint le gofier du pecheur, & luy
trigans. fermela bouche , à fin qu'il ne face confeſſion
des fespechez.Et tout ainſi que les brigans des
boys premierement eſtranglent le marchand,
à qu'il ne crie , & apres ils le deſpouillent:
ainfi le diable premierement fe faifit du go
fier de l'homme à fin qu'il ne crie, & ne parle
à la loüange de Dieu : & apresille deſpouil
le des bonnes æuures. Mais tout ainſi que le
Similitude
bon Patriarche Noé au temps du deluge ouurit
du rorheau. la fenestre de l'arche, en enuoyant dehors le
noir corbeau , lequelne retourna point : ainſi
l'homme pecheur doit ouurir la feneſtre de
fon coeur par pure & vraye confeſſion de fes
pechez, & enuoyer dehors ce noir peché, du
quel dit le Prophete: Ta face eſt noire comme
- charbons. En outre le pecheur est faićt aueu
|* , : car le diable faićt vers l'homme pecheur
pirituellement ce que le corbeau a accouftu
mé faire à vn homme pendu en vn gibet cor
porellement: car le corbeau premierement luy
ofte & arrache les deux yeux, à fin qu'il ne le
voye, & que de luy il ne fe deffende. Ainfi le
diable ofte les deux yeux interieurs au pauure
A
pe |
D E C A R E S M. E.« 332
pecheur.Premierement l'oeil dextre, à fin qu'il
ne fe donne garde quels biens il a perdu en pe
chant ainfi miferablement : c’eſt à fçauoir le
Royaume eternel, fon Dieu,fon honneur, fon
temps,fes peines & labeurs,& foy-meſmes. O
la grande perte ! perdre fi grands biens & fi
grãds threfors inappretiables. Si les riches mő
dains tant lamentent pour perte & dommage
du bien temporel qui n’eſt rien: cőbien faut-il
larmoyer & gemir pour fi grands biens & infi
nis threfors perdus par noſtre negligéce & pe
ché-Secondementiloſte & arrache l'oeil fene- z., „u,
ſtre de la conſcience,à fin qu'il ne cốfidere les tie, que te
maux qu'il a encouru par ſon peché:c'eſtà fça-rechter per4
uoireternelle
tage paternel,damnation,destitution de l’heri-
& gloire celeste. O homme pe-
?”/“?“
Zvº

cheur comment pourras-tu endurer ardre &


bruſler au feu infernal & inextinguible à ia
mais? Ie te confeille l'estaindre par les larmes
de contrition,Confidere ceux que tu asoffencé,
& contre qui as commis ton peché: c'eſtà fça
uoir contre vne bonté infinie qui est Dieu,qui
t'à fait tất de biếs & de graces. O ingrat & mal
confeillé ! tu as refiouy le diable ton ennemy,
tu as contriſté les fainćts & bons Anges tes
loyaux amys,enfuyuant la trace vicieuſe,&de- -
laiſſant la vertueuſe,acquieſçant pluſtoſtà ma
ligne fuggeſtion que aux du conſeil
ler ſpiriruel. Faits maintenant (ie te confeille)
refiouyr les fainćts & bons Anges par ta con
uerſion. Est enimgaudium angeli fupervno pecca- zuers.
- tore
,/
334 I I I• D I MI E N C H E

torepænitếtiam agente, Luc. 18.Retiretoy du fer


uice du diable, & te viens renger au feruice de
Dieu, mets toy en fon Royaume, fers luy &
l'honore & prife comme ton Roy; Iceluy parta
bonne vie foit glorifié & honoré, comme tu
l’as par ta vie fcandaleufe. Voilà
comme le pecheur est fait aueugle.
Tiercement le pecheur est faićt fourd,prin
cipallement aux choſes diuines & falutaires,
leſquelles il meſpriſe, & ne les veut ouyr:com
Ime falutaires, exhortations ſpiri
tuelles,& fainćts confeils. Il n'entend point le
Fils qui frappe à la porte du coeur, ny le Pere
qui appelle, ny le fainét Eſprit qui au coeur
parle: Il n'oyt point le prefcheur qui corrige,
ny les eſcritures qui menaffent les peines in
fernalles , ny Dieu qui promet les ioyes du
Royaume celeſte. En quoy il eſt ſemblable au
[Pfal. 37. ferpent nommé aſpic, fourd, qui boufchefes
oreilles, comme dit Dauid, à fin qu'il n’oye la
Nature e voix de l'enchanteur.- Sur quoy faut noter que
astuce du fer la nature & rufe de l'aſpic eſt telle, à fçauoir
pent a/pic.
que incontinent qu’elle voit l'homme qui le
veut enchanter,à fin qu'il n'oye fa voix,il atta
che vne oreille à la terre, & l'autre il eſtouppe
& bouſche auec fa queuë. Ainſi eft-il despe
cheurs, defquels à bonne cauſe peut eſtre en
Abidem.
tendu ce que difoit Dauid du ferpent aſpic. Fu
ror illis fecundum ſimilitudinem ferpentis. La fu
reur eſt à eux felon la fimilitude du ferpent,
comme diſant , fi aucun preſcheur de verite
faićt
- D E c A R E s M. E. 335
faićt fon deuoir de reprendre les infolences &
pechez, & diſſolutions de pluſieurs, & meſ
mement des grands, comme des Prelats eccle
fiaſtiques, des grands Seigneurs temporels, ou
desofficiers publics,& des riches & puiſſans de
ce fiecle , incontinent ils commencent à fe
forcener & enrager, à la façon & maniere du
ferpent , & à eſpancher leur venin contre le Marc.o.
preſcheur : comme nous lifons en fainét Marc,
d'Herode, qui en grande furie,à la maniere du
ferpent, eſpancha fon venin contre fainét Iean
Baptiſte , il feit decoller, pource qu'il
l'auoit redargué de l'inceste charnel , lequel
mortellement il commettoit auecques Hero
diade femme de fon frere Philippe. Ainſi &
encore auiburd’huy,fi les prefcheurs touchent
au cæur, & reprennent les vices des Prelats &
Paſteurs,incontinent ils oyent vn meſlager qui
leurdit,citetis perſonaliter. Et s'ils reprénent les
officiers royaux, ils font bannis au fon de la
trompette, ou postible de nuićt enuoyez dans
vn fac, pour aller peſcher en la profondité des
eaux. Telles manieres de gens, ficat aſpis fur
da obturāt aures ad vocem incantantium, à la ma
niere du ferpentaſpic,ferment les oreilles,à fin
qu'ils n’oyent la voix des encháteurs.C'eſtà di
re,despreſcheurs. Ils bouchent l'vne à la terre,
c'eſtà fçauoir, par trop grande folicitude des
biensterrestres.Car combien qu’ilsafhstent au
cunefois à la predication:toutefois & à grande
difficulté prennent-ils garde aux chofes pref
, - chces,
282 I I I. D I M E N C H E

chees , pource qu'ils ont leur coeur addonné


aux biens temporels. Et l'autre ils bouchent
auecques la queuë, c'eſtà dire par eſperance de
longuement viure,diſans en eux-meſmes, que
le temps n'eſt pas encores venu de ieufner &
macerer ſa chair , ou de donner l'aumofne, ou
de ſoy cőfeller, ou faire ſon teſtament, ou auſſi
de iuſtemét rendre le bien d'autruy, lequel in
iuſtement ils detiennent. Et autres choſes fem
blables. Parquoy biếà propos nostre Seigneur
par fon Prophete parlant de l'aueugle & du
Efa. 42.
fourd: Quis cæcus niſiferuus meus:&/urdus,nistad
quem nuncios meos mist ? Qui eſt aueugle finon
mon feruiteur: & qui eſt fourd finon celuy au
quel i’ay enuoyé mes feruiteurs? '
Finablement le pecheur eſt demoniacle.
Car le diable le poſlede interieurement, & en
l'ame comme fon propre feruiteur. Et le faićt
ruer & tomber du haut en bas : c'eſt à dire, de
vertu en vice: de peché en peché, & de mal en
2. Petri 2. pis. Car comme dit fainét Pierre: A quo quis
fuperatus est, huius & feruus est. Celuy eſt ferui
teur de celuy par lequel il a eſté ſurmonté. Le
demoniacle eſt lié, il eſt en furie, il crie, il eſt
en vne rage enragee, tourmenté par les furies
infernalles. Ainſi le pecheur est lié par les liens
Pſal.trs. de peché.Cornme dit Dauid: Funespeccatorum
circumplexi funt me. Les liens de peché m’ont
lié , & tout à l'entour enueloppé. Item il enra
ge fouuent par ire, courroux, & impatience.
D’auantage,il crie en iurãt,fe pariurāt, & blaf
- - - - \ \
phe
D E C A R E S M E» 337
phemant le nom de Dieu & de fes precieux
membres : defquels il a faićt noſtre redem
ption falutifere. Il appert donc clairement
que le eſt faićt & rendu par peché
fpirituellement muet, aueugle, fourd , & de
moniacle. S’enfuit en l'Euangile : Cùm eie
ciffet demonium,locutus est mutus,& admirata funt
turbæ. Quandil eut ietté le diable,le muet par
la:pour declarer qu'il estoit parfaićtement gua
ry, & que le miracle eſtoit vray, & les troup
pes s'eſmerueillerent. Icy eſt faićt mention de
trois ordres d'hommes , qui eſtoyent prefens
en ce miracle, & en iugent. Les vns s’en ef
merueillent , & en font eftonnez , & diſent,
comme eſcrit fainćt Matthieu : Nunquid hic est
filius Dauid? celuy n'eſt-il pas le fils de Dauid?
Ceux-là cognoillent le vray vſage de ce mira
cle : Car ils paruiennent par le moyen dece
miracle, à la cognoiſſance du Mestias, fils de
Dauid. Et approuue ce miracle Ieſus eſtre le
vray Meſſias. Car les miracles de Ieſus Chriſt
font propoſez en tel vſage, pour confirmer la
doćtrine de l’Euangile du Chrift, c'eſt à dire,
que Ieſus fils de Marie est Sauueur du peuple.
Ét stupebant turba. Les tourbes s'eſmerueille
rent.Le fimple & idiot peuple en leur fimplici
té de coeur, craignoyent Dieu, fages en bien,&
fimples en mal. Et combien qu'ils foyent mo
quez par les grands, riches, & puiſſans,ils ſont
couſtumierement plus deuots au feruice de
Dieu, & plus ardants à ouyrfa fainéte parole,
v
338 I I I. D I M E NCH E

(comme dit Tertulliã contra Praxeam) que non *


|
pas les riches & les grands. Comme il appert
de ce miracle, lequel leur a eſté occaſion de
foy & de falut: mais aux grands, occaſion de
ruine & de blaſpheme. Le fecond ordre de
ceux qui eſtoyent prefens, ont calomnié ce
miracle. Et comme teſmoignent fainćt Mat
thieu & fainćt Marc, c'eſtoyent les Scribes &
Pharifiens , gens corrompus de penſee , &
aueuglez de coeur en la foy. Leſquels fçauoyết
la loy, & ne la faifoyent pas, ils enſeignent les
| autres, & ne s'enſeignent pas eux-meſmes. Et
| pourtant dit fort bien S.Auguſtin , cap.s.lib.s.
confeſionum : Surgunt indoĉti & rapiunt celos: &
| nos cum dočtrinis nofiris fine corde ecce vbi voluta
mur in carne & fanguine. Voylà grand cas : les
| fimples rauiſſent le ciel par leur deuotion : &
nous auec noſtre doćtrine & nos grands biens,
n'auons aucune deuotion. Defquels dit noſtre
Euấgeliſte, qu'aucuns d'iceux dirent:In Beelze
bub principe demoniorum eijcit demonia:En Beel
zebub prince des diables, il iette hors les dia
bles.Ainſi ne pouuons nier le faićt,ils l'ont ca
lomnié par le moyen, & ont dit que cela estoit
diaboliquement faićt. Ie trouue qu'en la pri
mitiue Eglife, les Payens & heretiques ontvfé
de meſmes calomnies contre les Catholiques.
Carles Payens difoyent que les miracles ſe fai
foyent par magie, & qu'ils chaffoyent les dia
bles par intelligence fecrette: & les heretiques
diſoyết ques demones/imulabāt fêtorquerià mar
- - F
tyribus,
W
* - D E C A R E S M E, 339
tyribus,comme recite Iuſtin apolog.2.Tertullian
cap.21.apologetici,Origene lib. 1. contra Celſum,
Sainćt Ambroiſe ferm.99. Sainćt Hieroſme in Malices des
Vigil. Mais voyons icy la malice des calomnia-“”“”“
teurs & faux accuſateurs, aufquels tu ne pour
rois propoſer choſe tant foit elle bonne ou di
uinesqu'ils ne l'interpretent en mauuaiſe par
tie. Ieſus Chriſt a vn trefgrand ſigne &
trefadmirable miracle, & afaićt telle ceuure,
laquelle de fa nature ne peut autrement eſtre
veu,ny autrement iugé,que trefdiuine.Caril a
dechaſſé le diable par grande puiſſance, & a
guary le demoniacle,en luy rendant & reſtituát
l'oüye, la veuë, lvfage de parler, & en le deli
urant de la poſſeſſion du diable: qui est vn treſ
grand benefice. Toutefois ce qui a eſté faićt
tresbien & diuinement. Les Pharifiens auec
leurs fauces allegations ont dit & expoſé que
ce miracle auoiteſté fait trefmefchamment &
fathaniquement. Et meſmes Caluin en l'epi
ftre liminaire de ſon inſtitution, calomnie les
miracles que nous auons en noſtre Eglife » de
meſme façon que les Arrians ont calomnié les
miracles des Martyrs (comme il eſtaifé à co
gnoiſtre par ledit fermon 99. de Sainét Am
broife ) & comme les Iuifs ont auiourd’huy
calomnié les miracles de noſtre Seigneur.Mais
qui pourroit penſer choſe plus impie & plus
mefchante & horrible que telle malice. Les
Scribes & Pharifiens comme organes, inſtru
mens & membres de Sathan,auec leurs fauces
Y 2
34o : 1 1 1. D1 M E N cHE

| allegations, eſtoyent plus poſledez que le de


moniacle,duquel preſentement nous parlons.
Fuyons donques calomnie,comme Sathan : &
eſtudions à verité,à fin que nous ayons falut.
Le troifieſme ordre de ceux qui ont veu &
iugé de ce miracle, n'ont pas calomnié le mira
cle: mais ils s'en mocquoyết, & le meſpriſoyết:
* Et n'eſtoyent contens de ce preſent miracle:
Sed tentantes petebant ſignum de cælo. Les autres
le tentants luy demandoyết ſigne du ciel (com
me les petits enfans qui demandent les cou
fteaux pour fe frapper, ou tuer) en tentant ſa
puiſſance: A fçauoir luy qui auoit puiſſance
en la terre de faire miracle, s’il auroit auſſi la
puiſſance aux corps celeſtes,comme faire plou
Exod.ro, uoir la manne du ciel, comme au temps de
Moyſe : ou faire arreſter le Soleil immobile,
1/xé ro. comme Ioſué. Ou faire retourner en arriere le
Soleil, comme au temps d'Ezechie : Ou faire
hurler le ciel,&tonner comme Samuel:Ou fai
re deſcendre le feu du ciel, comme Helie : Ou
quelque autre plus grãd ſigne. Comme difans:
Si tu fais cela , nous croyrons qu'il y a en toy
quelque diuinité ou puiſſance de Dieu , par la
vertu de laquelle tu fais grandes vertus nő par
cy deuant experimentees. Autrement nous di
rons que tes miracles font faićts en Beelzebub
'/**** Prince des diables. Sed mentita est iniquitas fibi.
Matth. 2.
Mais leur malice a menty. Car en ſa natiuité il
- - - - * -

“” a faićt leuer au ciel vne nouuelle estoille , la


quelle conduiſoit les fages Roys, pour
- - - alIC
- de c A R E s M *. 34ỉ
faire hommage,& preſter le ferment de fideli
té au nouueau Roy, nouuellement nay. Item il Las.s.
a faićt refonner au ciel & par grande harmonie
chanter en fa natiuité les paranymphes cele
ftes,qui melodieuſement chantoyết ce beau &
ioieux cãtiqueAngelique:Gloria in excelſis Deo:
Gloire à Dieu aux treshauts lieux. En ſa mort
ila faićt au ciel eclypfer le Soleil,la terre trem-*****
bler,ouurir les ſepulchres, & cốme triomphất
vićtorieux, de fa propre vertu glorieuſement
en fa ſacree Aſcenſion eſt montë aux cieux. Et
des cieux le iour de la Pentecoſte, il a enuoyé
à ſes Apostres, comme il leur auoit promis le
fainét Eſprit en-eſpece de langue, & en forme
de feu. Pource fans excuſeils font peris, con
fus, & confondus, & par leurs meſmes paro
les iugez & condamnez. Iefia autem ſciens co
gitationes eorum dixit eis: Et quand il veit leurs
cogitations, illeur dit. Où il nous faut noter
que noſtre Seigneur en ce qu'il n'a point re
fpondu aux paroles des Iuifs, mais à leurs pen
il a donné certain ſigne de fa diuinité par
ceuure & verité,en cela qu'il examinoit & ma
nifeſtoit les ſecrets coeurs. Ce que
noſtre Seigneur s'eſtà foy referué,comme cho
fe propre. Icy font notez cinq raiſons par lef
quelles noſtre Seigneur demonstre auecques cinq raifene
douceur d'eſprit, qu'il dechaſſe les eſprits ma-f" fiertes
lings,non par vertu diabolique : ains par vertu ? :
diuine. La premiere raiſon laquelle l'hom- . 3 :
me raiſonnable & vfant de raiſon, ne fçauroita shafi le
Y 3
342 | i 11. D1M EN cHE
diable nëtar nicr, est prinfe par la concorde ou diſcorde
“ “ des communautez, quand il est dit, Ommere
hles,ains par.
vertu diuine. &”um in fe diuistum defolabitur. Tout Royaume
diuiſé contre foy-meſme, fera defolé. Comme
il appert du Royaume d'Alexandre le Grand,
lequel apres qu'il fut diuiſé, les maux ont eſté
multipliez fus la terre: Et domus ſupra domum
cadet, & maiſon cherra fur maiſon. Ainſi il ap
prouue fa raiſon par les grandes,mediocres, &
petites polices, pour demonſtrer fa raiſon estre
plus forte & fuffiſante. Et maiſon cherra fur
maiſon. Carles habitans d'vn Royaume, d'v
ne cité, & d’vne maiſon , & la famille , & les
eſtrangiers habitans du Royauine,de la cité,&
de la maiſon, font opprimez, chaffez, & tuez.
Et fi Sathan est diuiſé contre foy. meſme. (Ce
que neceſſairement s'enfuit par vos paroles, fi
l'vn iette & chaffe l'autre à mon commande
ment) comment durera ſon regne & puiſſan
ce? veu qu'il bataille contre fon propre regne,
pourtant que vous dićtes auec menterie &
menfonge, en enfuyuant vostre perele diable
autheur de méſonge,qu'en Beelzebub ieiette
hors le diable, veu qu'il feroit contre ſon pro
pre regne?Ouy mais,eſt il vray (dira quelqu'ũ)
qu’vn diable ne peut chaſſer vn autre ? Ne
voyons nous pas qu’vn forcier ofte vn enforce
4
lement fait par vn autre?S Athanafe en la que
- * - ftion 32. ad Anthiocum diſſoult ceſte difficulté,
, - -
& reſpond que le diable peut bien chaffer vn
autre paraccord mutuel, pour tenir les gens
cIl
y
r
- * D E c A R E s M. E. 343
en erreur, & abuſer le monde: mais non pas
par violence & de force , le diable qu'on veut V

chaffer y refiſtant & contredifant. Or il est cer


tain que nostre Seigneur a chaffé paraućtori
té & par force le diable qui luy, contrediſoit,
& l'a faićt fortir malgré luy, & en deſpit de fes
dents, fe monſtrant plus fort que luy. Carle
diable s'eſt toufiours bandé contre noſtre Sei
neur, & luy a faićt du pis qu'il a peu, iufques
à le faire mourir. Nonobſtant noſtre Seigneur
eſt demeuré vićtorieux. Et c’eſt la meſme rai
fon, par laquelle nous monstrons que c'eſt en
la vertu & puiſſance de Dieu, que le diable
a eſté chaffé au ſepulchre des Martyrs, & par
exorciſmes, & par le corps de nostre Seigneur.
Car il y a refisté tất qu'il a peu,& eſt forty hur
lant, & malgré luy. --/

A la ſeconde raiſon,filij vestriin quo ejciunt?


Les autres chaffent les diables en la vertu de
mon nom : doncques ie fais cela de ma pro-
pre vertu, & non pas du diable. Carie ne fuis
pas de moindre vertu que mes Apoſtres, auf
quels i’ay donné vertu de chaffer les diables.
Mais vous croyez qu'ils le font par la vertu di
uine pource il dit: Et fi ie iette hors les diables, 4*°.
moy qui fuisplus grand en puiſlance,ſapience, .
& bonté que vos enfans, c'eſt à dire, les Apo
ítres, nais de vous, en quoy les iettent
ils? C’eſtà dire,au nő duquel,ou en quel Dieu,
ou en quelle puistance lesiettent-ils?Si vous di
;
ćtes qu'ils le font en la vertu Dieu, donc en
4.
344 1 1 1. d 1 M E N c H E
*

menterie vous dictes que ie le fais en Beel


zebub prince des diables. Pour ceſte cauſe, ipst
erunt iudices vestri. Iceux Apoſtres feront vos
iuges,non par puiſſance:mais par dignité acceſ
Matth.ro.
foire,& fedebüt iudicantes duodecim tribus Iſrael,
qui feront aſſis fur les fieges,& iugerőt les dou
ze lignees d'Iſrael.Si autem ege in ſpiritu Dei ei
cio demones,peruenit in vosregnum Dei. Mais fi ie
iette hors les diables en la vertu de Dieu, cer
tainement le Royaume de Dieu eſt paruenu en
Doigt de
Jðieu,fainář vous. En fainót Matthieu il eſt dićt:Si au doigt
Estrit. de Dieu ie chaffe les diables : par là il nous eſt
donné à entendre que par le doigt de Dieu, eft
entendu le S.Eſprit. Car comme le doigt pro
cede de la main, & la main du corps: ainfile
procede du Pere, & du Fils. Et
comme il y a pluſieursioinćtures au doigt, ainſi
f.Cor.r2.
il y a pluſieurs diuifions des graces du fainćt
Eſprit. Et comme le corps & le bras operét par
le moyen de la main: ainſi le Pere & le Fils par
le moyen du S.Eſprit. Si doncques en la vertu,
puiſſance,& operation du fainét Eſprit, qui est
appellé le doigt de Dieu, ie chaffe les diables
des corps poſſedez , à fin qu'ils foyent faićtsles
temples du fainét Eſprit,certainemết le royau
me de Dieu eſt paruenu à vous. C'eſtà dire,la
vertu & domination,le royaume & gouuerne
ment de Dieu, qui par moy destruićt le regne
du diable,& le chaffehors.La troifieſme raiſon
est telle, il faut que le victorieux foit plus fort
que le vaincu,& pource il dit,quand le fortar
mé,
* 4 - d e c A R E s M. E. 345
mé,c'està fçauoir,le diable, qui parforce natu
relle est tellement fort que, Non est/iperterram Iob *r.
potestas qua comparetur ei, fus la terre il n'y a
puiſſance comparable à la fienne:toutefois no-
ftre nonchallance faićt le diable fort, & non ſa
puiſſance. Refíštite diabolo,& figietà vobis,com- Iacobi 4.
me dićt l'Apostre fainét Iacques. Car fi on luy
refiſte, il est plus foible qu’vne mouche mais fi
on luy donne lieu,il eſt plus fort qu’vn lyon. Il
peut autant comme on luy permet, il eſt armé
des armures de meſchanceté, de toute malice
& impieté : CO1I1II) C d'arrogance » auarice, ire, - .. '
enuie, gourmandiſe, paillardife, & pareſſe. Il :
diligemment nuićt & iour l'entree de . qu'on luy
a maiſon, c'eſtà dire, le corps & le coeur de permet.
l'homme poſſedé. Et que pofidet funt inpace. Et
les choſes qu'il poſſede font en paix mauuaiſe,
& du monde qui eſt la paix des pecheurs, la
quelle Ieſus Chriſt n'eſt point venu pour la
dőner, ains la rőpre par le glaiue de l'Euangile:
il n’y a rien ſus la terre plus detestable & dom
mageable que telle paix.Si autếfortior eo ſuper
ueniens vicerit eum, &c. Mais fi plus fort que luy
furuient qui le vainque. Car Ieſus Chriſt l'a
vaincu en la tentation, en reiettất ſa fauffeté &
deceptions par parolle de verité & de la fain
ćte eſcriture, quand il luy dift:Vade fathana.En
fa paſſion ſatisfaiſant pour les pecheurs, il a eu
vićtoire : en la defcente des enfers, en deli
urant les ames des fainćts Peres du lymbe, &
deſpouillant les enfers, & par ſa mort il a de
- Y f
346 1 1 r. d 1 M E N c ii e
Hebr.2.
ftruićt la mort, & de peché condamné peché,
& a ſurmonté le diable, qui habebat mortis im
r. Cor.rf.
erium,qui auoit l'empire de la mort.Deo autem
gratias, qui dedit nobis victoriam,graces à Dieu,
qui nous a donné victoire. Si doncques il le
furmonte, illuy ofte toutes fes armures : Affa
(
uoir,fes fraudes & deceptions, en deſcouurant
fes rufes & fineſles, en donnant aux fidelles
Luc.ro. grace & force pour refiſter à l'encontre de luy.
Comme il a dit: Ecce dedi vobispotestatem cal
candi stipra ſerpentes &/carpiones, & f praem
nem virtutem inimici:Crnihil vobis nocebit. Ie vous
ay donné puistance de marcher ſur les ferpens,
& les fcorpiős,& furtoute la puiſſance de l'en
nemy, & rien ne vous nuyra. Illuy a oſté donc
toutes ſesarmures,eſquelles il ſe confioit,& di
ſtribué fes deſpoüilles, comme de Goliath,qui
fe fioit en fes forces & armures. Ainſi Ieſus
Chriſta oſté fes armures au diable, & l’a laiffé
nud, aueugle, miferable,pauure & fans armes:
parquoy nul maintenant n’eſt bleſſé,
Chryſoffome foy-meſme. Il a oſté au diable orgueilfinon par
par hu-
en vne home
die. milité,auarice & conuoitiſe d'auoir parla pau
'ureté de l'eſprit: ire & rancune parfa douceur
& debonnaireté: enuie par ſa : gour
mandife parfa ſobrieté: par fa chaftetė.
Mais les fots, fols, & infenfez, iettans & bail
lans le glaiue au diable, par lequel il les bat,
bleffe,& meurtrit. Et ſpolia eius distribuet,& di
ftribuera fes deſpouilles, c'eſt à dire ; les pe
cheurs qui premierement estoyent ferfs & ef
-

*
claues
» b Ë ë A R E s M. F. , 347
claues du diable.La quatrieſme raiſon de Ieſus Raiſon *:
Christ est prinſe par la contrarieté & diuerſité
des volontez. Qui non est mecum, contra me est:
qui n'eſt auec moy par vn meſme vouloir, il
eſt contre moy : car il faićt oeuures contraires
aux miennes. Parquoy voſtre fauffeté & blaf
pheme eſt condemné : Car le diable ayme
orgueil, & moy humilité. Ilayme malice &
moy bonté. Il fuſcite debats , noiſes , con
tentions, procez, guerres, batailles: Il trou
ble la paix, il parle menfonge, il fe refiouyt de
la perdition de l'homme. Mais moy i'enfei
gne douceur & humilité, ie recommande la
paix, ie preſche verité, ie me refiouys de la
conuerſion & falut des pecheurs. Qui non col
ligit mecum , ſpargit. Et qui cueille auec moy
en l'vnion de foy, d'eſperance & charité, en . --

l'vnion de l'Egliſe, & à fin que tous les fidelles " , .

foyent vn auec Dieu, vn coeur, vne ame » en ețbefe. :


fentant vne meſme choſe l’vn à l’autre felon Iob.z.
Ieſus Christ, & tous d'vn meſme coeur & d’v
ne meſme bouche, donnent honneur, louange
& gloire à Dieu il eſpart. Celuy qui ne cueille
auec moy en enſeignát,priant,exemplairement
viuant,en conuertiſſant les pecheurs, reſiſtant
aux pechez il eſpart,comme vn loup rauiſſant,
les brebis Chreſtiennes. Et pource qu'il eſpart,
il est monaduerſaire.Parquoy il ne fe peut fai
re que Sathan me foit en ayde en dechaſſant
les diables. Maintenant il predit vn horrible
ſupplice,lequel tombera fut les teſtes des Pha- Rei/oss.
rifiens,
348 1 1 1. d 1 M e N c H e
rifiens,mefchans,impenitens & calomniateurs,
Cum ſpiritus immundus ab homine exierit , &c.
quand l'eſprit immunde , c'eſtà dire le diable,
qui est eſprit felon nature: mais il eſtimmun
de pour l'abondance de fa malice & obſtina
tion.Car il fuggere cogitations immundes,de
firsillicites, & pechez mortels: par leſquels le
cæur, le corps & l'ame font foüillez & faicts
abominables deuant Dieu & deuát les fainćts,
Quand doncques l'eſprit immunde eſt party
de l'homme, c'est à dire, du peuple Iudaique:
(car il est dit en fainét Matthieu, en la fin de
CCS parolles, Sicerit & generationi huiapefime,

il fera ainſiàceste generation trefmauuaife)du


quelle diable est party : quand en la figure de
Ieſus Chriſt, ils ont immolé l'agneau paſchal,
Exod. 14. & de fon fang,ont fignez & oinćts les portes
r. Cor. ro. de leur maiſon, quand ils ont eſté baptifez en
Exod. 19. la mer & en la nuë & ont receu la loy en la
diſpoſition des Anges. Ambulat per loca ina
quoſa,quarensrequiem. Il chemine parles lieux
fans eau:c'eſtà dire, par les coeurs des Gentils,
priuez de l'eauë de falutaire, de gra
ce ſpirituelle & doćtrine falutaire: deſquels il
P/al. 142.
eſt eſcrit: Anima meafcut terrafine aqua, Mon
ame eſt comme la terre fans eau. Cerchant re
pos, c'eſt à dire , defirant demeurer en eux par
infidelité & dominatiố:Et non inueniens & n’en
trouuant point , car les Gentilsoyans la parol
le de Dieu fe font refiouys , & ont
Dieu & fa fainćte parolle & ont creu en icelle.
Dicit,
D E c A R E S M E. 349
Dicit, Reuertar in domum meam , ie retourneray
en ma maiſon,c'eſtà dire,aux Iuifs aueuglez &
reprouuez, reſiſtansà la verité, en dechaſſant
la parolle de Dieu, en reiećtant Ieſus Chriſt,
le niant deuant Pilate, fe iugeans indignes de
la vie eternelle, refuſans venir aux nopces de
FEglife , combien que par pluſieurs fois ils
ayent eſté inuitez. Pource Reuertar in domum
meam vnde exiui, ie m’en retourneray en ma
maiſon dontie ſuis party au temps de Moyſe:
mais il eſt retourné à eux au temps de lefus
Chriſt. Et quand il vient, ô retourhorrible ! le
diable vient aux luifs, ou à la conſcience des
pecheurs, ayant feulement le nom de la reli
gion Chreſtienne,reniant vertu, verité,fruićts
de bonnes oeuures,& fainćtes operations.Ils fe
difent eſtre Chreſtiens, & ils font la ſynaguo
gue de Sathan, gent pechereffe, peuple char
gé de peché,femence mefchante,plante baſtar
de,enfans de renebres, vaiſſeaux d'ire, conue
nables à perdition,generation de viperes,ſcan
dalizeurs de peuple, deſquels le diable auoit
eſté dechaſſé par le bapteſme, & par vraye pe
nitence:mais il retourne à eux quand, comme, pa...
chiens,ils retournent ẩu vomiſſement:& com-
mele pourceau laué , qui retourne feveautrer
aubourbier de la bouë & fange: Et veniensin- Matt.rs.
"enit eam vacantem,stopis mundatam. Et quand
il eſt retourné,il trouue ceſte maiſonvuyde des
ceuures de vertu,nettoyée de ballets, c'eſtà di
re,des exterieures obſeruances de la loy *des
a CI1

~
35o . . 1 i 1. d 1 M E N c h e
facrifices, ou des traditions pharifaycques &
non purifiee interieurement : auec tels facrifi
ces Dieu ne fe refiouyr point fans le coeur con
trit & humilié. Par dehors ils apparoiffentiu
ftes aux hommes: mais dedans & au coeur, le
uel noſtre Seigneur regarde,ils font pleins de
& damnation:ils fontor
nez exterieurement par fimulation de bonté,
ou de fainćteté, comme murailles blanchies
auec vne compoſition corporelle & feculiere
fainćteté. Voyla l'habit de l'ordre.Nous auons
la teſte rafe,nousieufnons, nous pſalmodions,
nous prenons des diſciplines,nous difons fou
Ile Int | Meſſe,nous monſtrós vne fainćteté par

dehors:maisinterieuremét le plus fouuết nous


fommes vuides de foy & charité, au grand re
gret des gens de bien de noſtre eſtat.Tunc vadit
& affumit ſeptem alios ſpiritus nequioresſe. Alors il
s'en va,& prend ſept autres eſprits auec luy pi
res queluy.Il s'en va fans dilayer & prend auec
luy fept eſprits malins fe refiouyflansauec luy,
en la damnation & perdition des hommes.Lef
quels font nommeż fept pour l’vniuerſité des
vices, deſquels il tente. Ce font les fept gés qui
Ioſué º bataillent contre les esfans d'Iſraël, leſquels
W
on commande d'eſtre tuez,auec leſquels on ne
doit faire aucune paćtion , confederation ou
alliance. Le ſeptenaire des malins eſprits,n’est
point chaſſé ou pouſsé hors, finon par les fept
dons du fainćt Eſprit. Pires que luý,ou pour le
nombre, ou par entreprinſe, ou par efforts, ou
\ par
D E C A R E S M. E. 35T
par peché de recidiuation : c'eſtà dire, qu'il
retourne apres qu'il a eſté reietté, ou par effećt.
Car ils font ceux aufquels ils retournent pi
res & plus mefchans qu'ils n'eſtoyent aupa
rauant. Ce qu’on peut voir non ſeulement
aux Iuifs, mais auſſi aux faux & peruers Chre
ftiens. Le diable eſt mefchant, quandil tente
des pechez communs, deſquels conuoitiſe eſt
la racine. Radiæ omnium malorum cupiditas. Le r.Tim.o.
diable est pire quandil tente du peché de blaf
pheme, duquel infidelité eſt le commence
ment. Et ingrefi habitant ibi. Et en entrant aux
luifs, ou aux peruers Chreſtiens, ils habitent
là: voyla l'intention des diables de ne demeu
rervne heure,ou vn iour, ou vn mois: mais d’y
habiter iuſques à la mort. Et fiunt nouifima
: les derniers faićts
hominis illiuspeiora prioribus
de ceſt homme font faićts pires que les pre
miers. Car les Iuifs premierement ont occis
& meurtris les iuſtes & les Prophetes, & en
apres le Sainćt des Sainćts , leur Roy , leur
Meſſie, le Fils de Dieu, & maintenant ils le
blaſphement continuellement en leurs fyna
gogues. Pource, Melius illis effet non cognoſcere 2.petria.
viamiustitie, quàmpostagnitionem retrorſum con
terti ab eo quod illis traditum est fančio mandato.
Il feroit beaucoup meilleur n'auoir cogneu la
Verité, qu'apres la cognoiſſance fe deſtourner
arriere du fainćt commãdement qui leur auoit
eſté baillé. Sic erit & huic generationi pestime.
Ainſi il fera à ceste tres-mauuaife generárion,
- c’eſt
352. I I I. D I M E N C H E

c'eſtà dire,tel malheur aduiendra aux Iuifs, ou


aux peruers Chrestiens. Et, Ecce eo loquente ele
uans vocem ſuam, quædā mulier deturba dixit illi:
Beatus venter qui teportauit,& vbera que fuxišti.
Aduint quand il diſoit ces choſes, & qu’entre
tant de vertus & de miracles les hommes fe
taifoyent,comme gens muets: voicy vne fem
me de la tourbe eſleua fa voix, & luy dit : bien
heureux eſt le ventre qui t'a porté, & les mam
melles que tu as ſuccees. Ceſte femme oyant
i ue ,lesqu'en
Iuifs blaſphemoyent Ieſus Chriſt, di
Beelzebub prince des diables, il
chaſſoit les diables,comme vraye efcholliere de
Ieſus Chriſt, elle n'a peu arrester ne refraindre
fon coeur: mais par impetuofité de fon eſprit
elle a donnéloüange au Sauueur, fans crainte
|
des menaces & eſpouuantements des Iuifs:elle
|*
a efleué fa voix en figne d’vne amour ardếte &
| conſtance admirable, difant : bienheureux cſt
|
| Le ventre de le ventre qui t'a porté, & les mammelles que
|
la Vierge est
*
bienheureux.» tu as ſuccees. Icy nous faut noter trois cauſes,
| |
tº pourquºy. par leſquelles le ventre de la Vierge est bien
heureux. Car premierement Dieu est faićt
homme en ce ventre virginal,le Verbe,enfant:
l'Eternel, temporel: l'Immortel, mortel. Se
condement, celuy qui a faićt ce ventre bien
heureux, a esté faićt homme en iceluy. Tier
cement, ce ventre a contenu chofe plus gran
de qu'il n’eſtoit: à fçauoir la diuinité non com
prehenſible par les cieux , & pour cela ne
defaillant eſtre en tous lieux. Et notons icy,
- - COII1IIlĆ
- D E c A R E s M. E. 3$3
comme Ieſus Chriſt dans fon petit corps prins către les ĉe
de la Vierge Marie, il a peu enclorre & con- /-
tenir ſa diuinité. Il peut auſſi enclorre & con- ,
tenir fon corps ſous les eſpeces ſacramental- la .
les, combien qu'elles foyent petites: comme reil, demi
en la prunelle
rouër, ne grandedemontaigne,
l'oeil , & en& vn petitbeau-
choſes mi- Ieſus:
coup plus grandes font veuës. Et bien heu-
reuſes font les mammelles que tu as ſuccees.
Par ces parolles il est tout manifeſte que Ie
fus Chriſt a ſuccé feulement«les mammelles.
de fa mere la Vierge Marie. Car ſes ſeulles
mammelles ont eſté & ſont bien heureuſes.
Et cecy eſt contre pluſieurs femmes delicates,
qui ont en deſdain d'alećter leurs petits en-
fans,de peur que parauenture elles ne perdent,
la beauté de leur viſage : lequel vn iour fera fi
ord,puant & falle, que les vers n'en daignerőt *

manger. C'est le vray office dedié aux meresde effie


nourrir leurs enfans, en confideration dequoy“*""·
nature leur a donné deux mammelles, qui font
comme petites bouteilles propres à tel effect.
Mais combien y a-il auiourd'huy de meres, & *
pour en parlerà la verité,cruelles maratres,qui -

au lieu de les nourrir les enuoyent aux triſtes


villages pour les faire nourrir par femmes e- , .
ftrangieres & incognuës, & font moins hon
teufes de tenir des petits chiens camus entre
leurs bras, que de tenir le fruićt de leur ventre,
qu’elles ont engendré. Ains les enuoyent fuc-
cer lelaićt d'vne eſtrấgiere, & le plus fouuét de
- - -
* Z
354 I I I. D I M E N C H E

celle qui est trouuee à meilleur marché, quel


que corruption ou difformité qu'elle aye. Ce
? eſt le plus fouuent fi contagieux, qu'il leur
eroit mieux estre nourris de quelque beſte bru
te en vn defert,que d'eſtre cőmis à la mifericor.
:Meresidenſ de de telles nourrices.Carnő ſeulemét les corps
; ; en demeurent intereſfez & gaſtez,comme l’an
tiquité a experimété en Titus fils de Veſpaſien
alaiété. & pluſieurs autres,lequel (ainſi qu’eſcrit Lam
Ianrriai“ pridius) fut tout le tếps de fa vie ſubiećt à plu
******" fieurs maladies,à caufe qu’il auoitesté à
nourrirà vne nourrice fuiećte à maladie. Mais
le pis eſt, qu'il derneure quelque impreſſion &
caraćtere aux eſprits de ceſte vicieuſe nourritu
Dion historië re.Comme Dion le Grec eſcrit au fecond liure
des Ceſars,lors qu'il fait mention de Caligula,
quart Empereur de Rome: Les cruautez du
quel n'eſtoyent imputees à pere ny à mere:mais
à la nourrice qui l'allaićta,laquelle outre qu'el
le eſtoit cruelle & barbare d’elle-meſme,enco
re frottoit-elle quelquefois le bout de fa mã
, , melle de fang,&le faiſoit ſuccerà l'éfant qu'el
:::::/* le allaictoit. Ce qu'il pratiqua fi bien parapres,
caligule. Tuº il ne fecốtentoit pas ſeulemét de cómettre
vne infinité de meurtres:mais il ſucçoit le fang
de fon eſpee ou dague, & le lefchoitauec la lan
gue,& fouhaittoit que tout le mõde n’euſt que
vne teſte, à fin que tout d'vn coup il les peuſt
tous decapiter, & luy ſeul en la terre regner. O
Ingratitude ingratitude des meres, qui font fi delicates,que
*******: elles neveulétnourrir leurs enfans qu’elles ont
- • r

t1IÇ
D E C A R E S M E. 355
tiré hors de leurs entrailles, & mis ſur la terre: -
qui font le fruićt de leur veħtre: mais les font
teter le laićt vicieux & corrompu, dont apres
procedent vne infinité de maladies:comme ve- , .
rolle,lepre,&autres femblables:Ainſi que plu
fieurs medecins ont experimenté,au grăd dom
mage des pauures enfans,& eternelle infamie
des meres.Car il eſt tout certain que fila nour
rice eſt louche,fuiette à yurongnerie, ou mala
die, ou autremét de meurs corrompus,l'enfant
fera louche non parfon laićt, mais par ſon fre- cera, ez
quentregard:fi elle eſt yurongne, elle prepare fºr tiure de
l'enfant à le faire yurongne. Comme on lift en faktilitatea
la vie de l'Empereur Tybere, qui fut grand
yurongne,parce que la nourrice qui l'allaićtoit
non ſeulement beuuoit exceſſiuement, mais
elle ſceura l'enfant auec les fouppes de vin. - **
***

Voylà la merueilleuſe puillắce du laićt duquel « s


- ** *

l'enfanteſt alaicté.Retournons au texte deno- • 5 * vs **.si


stre Euangile.Et lefus dit à ceſte femme: Quin
imò,beati qui audiüt verbă Dei & custodiunt illud:
mais certes bien-heureux font ceux qui oyent , . * *

la de Dieu , & la gardent. Par laquelle . . . . *

Ie
ſpőce noſtre Seigneur nous donne à cognoi *

fire où gift, & dőt procede noſtre benediction:


c'eſt d'ouyr la parolle de Dieu,& lagarder.Car
la faincteté de la vierge Marie, ny de tous les
Anges, fainćts & fainćtes de paradis, rien ne
nous profitera finon par la parolle de Dieu
deuëment de nous honoree, ouye, retenue, & . . -- x:

obſeruec. Car comme dit fainci Auguſtin, ex


Z 2
356 1 1 1. DI M E N c H E
4 gestin" pofant ceste aućtorité que la vierge Marie a
esté plus heureuſe en conceuất la
coniugali, g Ch iſt n f. ɔ
de
l
lefus
h * -

chojin. i, -nruten ion coeur ; qu en conceuant la chair


Mai bom.a.s. en fon corps: & que la prochaineté maternelle
n'euſtrien profité à la mere,finon que plus heu
reuſement elle euft porte IeſusChriſt,au coeur,
qu'au corps Quinimo, Mais certes: comme di
fant,non ſeulČīmēt celle qui m'a porté eſt bien
heureuſe:mais auſſi biế heureux font ceux qui
oyent la parolle de Dieu de coeur, & la gardét
^f*** d’oeuure & de faićt. Non auditores legis iustifunt
apud Deum,fed fattores legis iustificabuntur.Ceux
qui oyent la loy ne font pas iuſtes deuát Dieu:
| mais ceux qui mettent en effećt la loy feront
iustifiez. Où il nous faut premierement noter
que diligemment nous deuons ouyr la parolle
| Argusti hem de Dieu. Car non moins fera coulpable celuy
z« in decreti, qui negligemment oyt la parolle de Dieu, que
;- “ ” çeluy qui par ſa negligence permet le corps de
"*" feſus Čhrift tomber en terre. 2. La parollede
Dieu diligemment doit eſtre imprimee en no
s„, „a ſtre coeur & memoire. Car la viande ne profi
Luciuium te point au corps, laquelle incontinent prinſe
epist.2, estiertee ou enuoyee dehors. 3. La parolle de
z^
Dieu doit estre par ceuure & effećt tres-diligẽ
ment accomplie. Car comme dit Sainćt Iac
Iacob.r. ques:Estotefactores verbi & non auditeres tãtum.
Soyez faćteurs de ſa# & non ſeulement
|

auditeurs. Ce qu'auffi Ieſus Christ autresfois


| Matt, 19• auoit dit:Si vis ad vitam ingredi, ferua mandata.
Si tu veux eſtre fauué garde les commande
- ---- InCIAS
V

d e c A R e s M. E. 357
mens de Dieu.Certainemēt la parolle de Dieu .
& la loy de Dieu : & garder la parolle de Dieu . .
eſt obſeruer & garder la loy de Dieu, & luy o- , ' '

beyr. Quidonc voudra obtenir la vraye beati


tude, il eſt neceſſaire non faire cela, à fin qu’il
foit mere de Ieſus Chriſt, ou qu'il dechaſſe les
diables, ou qu'il foit riche, puiſſant,beau,fça
uant:mais qu'il apprenne la loy de Dieu, & qui
la garde & accompliffe.Ceſte fentếce de Ieſus
Chriſta eſté prinſe au Deut.Si audieris vocế do- deatar,
mini Deitui, vt facias atque custodias omnia mãda
ta eius, venient ſuper te vniuerst benedictionesiste,
& apprehendent te : Benedictus in ciuitate, crc. Si
tu obeys à la voix du Seigneur ton Dieu,en gar
dant & faiſant tous fes commandemés, fur toy
viendront toutes ces benedićtions & t'appre
henderont.Tu ferasbenit en la cité,tu feras be
nitau champ,le fruićt de ton ventre fera benit,
& le fruićt de la terre, & le fruićt de tő bestial,
le fruiét de tes vaches, & destropeaux de tes
brebis, beneiste fera ta corbeille & tes reliefs,
tu feras beniten ton entree, & auſſi en ton yf
fue:le Seigneur fera tomber deuant toy tes en
nemis qui s’efleueront contre toy,& cốmande
ra la benedićtion venir fur toy entes celiers.&ndum,
en tout ce en quoy tu mettras la main,& ouuri- 'obferner te
rafon bon threfor, c'eſtà fçauoir le ciel, à fin ley,tant pour
que il fur la terre en ſon temps, & 2}}
qu'il benilletoutes les ceuures de tes mains. :::::
4Quod/?audire nolueris vocếdomini Dei tui vt cu
stodia & facias omnia mãdata eius : Wenient/uperpanities.
3
358 1 i 1. d 1 M E N c H E
se omnes maledičtiones ista, &c.Mais fi tu n’obeys
ià la voix du Seigneur ton Dieu,en gardát & fai
fant tous fes cómandemens & fes ordömances>
lors viendront fur toy toutes ces maledićtions
& t'apprehenderőt:tu feras maudićt en la cité,
tu feras maudiét au chấp,maudićt fera le fruićt
de ton ventre, & le fruićt de la terre, les fruićts
de tes vaches,& destroupeaux de tes brebis,tu
feras maudićt en tő entree,& feras maudićt en
ton ylſue. Le Seigneur t’enuoyera maledićtió,
trouble & reprehếſion en tout ce que en quoy
tu mettras la main,& que tu feras iuſques à ce
qu'il t’aura deſtruićt & bien toſt aboly,à caufe
de tes mauuaiſes intentiós parleſquelles tu l’as
delaiſfé:& fera que la pestilếce te tiédra iuſqu'à
ce qu'il t’aura confumé de destus la terre,& te
frappera d'enfiure & de fieure & de chaut mal
& de maladie brulante, & de fecherefle» & de
glaiue & de ventardent, & de iauniſie , & te
perſecutera iufques à ce qu’il te face perir. Et
le ciel qui fera fis ta teſte te fera d'airain , & la
terre qui eſt deſfoubs toy, & ta charongne fera
en viande à tous les oyſeaux du ciel,& aux be
oraiſon. ſtes de la terre, & n'auras perſonne qui les em
peſche, & pluſieurs autres maledićtions. Pour
aufquelles obuier & pour obtenir benedićtiő,
pour la fin de ceſte prefếte exhortatiố,nous pré
drons le cőſeil de noſtre Seigneur Ieſus Chriſt,
- nous cőfeille & nous preſche, biế heureux
font ceux qui oyết la parole de Dieu,& la gar
- dent. Siainfi nous faiſons nous ferons bien
heu
D e c A R r s m s. 359
heureux en ce preſent fiecle, par eſperance, &
lus heureux au fiecle aduenir, par fruitiố de la
gloire celeſte,en laquelle nous vueille cốduire,
le Pere,lé Fils,& le benoist S.Eſprit.Amen.

QvATR IES M E D IM E N CHE


D E C A R E S M E- -

Aćtance au 2.chap, du fecond liure


de fes Inſtitutions,dit qu'il y en a eu
|aucuns en ce monde tãt depourueus
|defens & boniugement, qu’ils ont
penſé que Dieu n'auoit aucune follicitude ny
cure des creatures qui font en ce móde,& n’ont
point eu de hőte de nier la prouidence de Dieu.
Ce qui est expreſſément contre l'eſcriture fain
ćte, laquelle nous enfeigne en pluſieurs pasta
ges que Dieu par fa prouidence a foing de fes
creatures.Et premierement,Gen.I.Ecce dedivo
bis omnem herbă aferentem femenfiper terram, vt
ft vobisin estam.Voicy,dit Dieu,pour monſtrer
que i'ay foing de vous, ie vous ay donné toute
herbeportát femence, à fin que vousenayezà
viure. Regardezapres le deluge, il a dit à Noé,
Gen.ọ. Omne quod mouetur & viuit, erit vobis in
cibă : quastolera virentia tradidi vobis omnia. Da
uantage vousvoyez á Dieu n'alaiſfé mourir de
faim les enfans d'Iſraël au deſert, l'eſpace de
quarante ans, ains les a nourris de la manne du
ciel. Cela demonſtre aflez qu'il n’oublie ceux
qui fónt en ce monde.Nous lifons du Prophete
Z ,4
36o I I I I. D I M E N C H E

Helie,3. Reg. 17.que du tếps de la famine, Dieu


auoit determiné vn corbeau qui luy portoit
du pain & de la chair deux fois par iour. Et en
cores de luy vous auez au troifieſme liure des
Roys, chap.19. que fuyant la perſecution de la
Royne Iezabel,ily auoit long temps qu'il n'a
uoit mãgé. Dieu en telle neceſſité l’a-il delaiſ
fé ? Non. Car illuy a enuoyé vn Ange,qui luy
a apportéfabcinericium panem,vt pain cuit en la
cendre. Ne lifons-nous pas auſſi de Daniel
eſtant en la foſſe des lions, comment le bon
:Dieu ne l'a point laiſlé mourir de faim,ains mi
raculeufement luy a faićt apporter à difner par
Abacuc, qui eſtoit à plus de cent lieuës de là?
Par cela il eſt manifeste que Dieu par fa pro
uidence a foing de fes creatures. Ce qui eſt en
cores plus facile à demonstrer, par ce qui est
eſcrit Eccleſiastici 6.De omnibus equaliter cura est
Deo,& au Pſalme 54. Iatła in domino curā tuam
& ipſe teenutriet. Et au Pfal.36. Non vidi iustum
dereličtum,nec femen eius querenspanem. Maisie
trouue en l'eſcriture que par deux manieres
Dieu raffafie vn homme : Aucunefois d’vne
maniere naturelle, commune & ordinaire,com
me tous les iours nous fommes nourris & raf
fafiez de pain & autre viande. Et aucunefois
il nourrit hommes d’vne maniere non ac
couſtumee & miraculeuſe,comme il a faićt les
enfans d'Iſraël de la manne du ciel.De meſme
façon & maniere il rafſafia lefdićts enfans d'If.
raël eſtans en grande neceſſité d'eau, lors que
Par
D E c A R E s M. E. 361
parfon cốmandement Moyſe frappa de fa ver
ge la pierre dure , & d'icelle forit de l'eau en
grande abondance.Vous auez pareň-mentau
liure des Iuges,chapitre quatorzieſme,corame
Samſon auec ſes gésayans vne bataille à faire,
auoyết vne foifextreme.Dieu l'a-il laiffémou
rir de foif? Non. Mais en ceste neceſſité il a
faićt miracle , faiſant fortir d'vne maſchoire
d'aſne vne fontaine,de laquelle luy & tous fes
gens & leurs cheuaux ont beu. Voylà dốc com
me Dieu nourrit miraculeuſement fes creatu
res.Et est fi puistant,que meſmes de rien,aucu
nefois il les nourrit. Comme nous liſons de
Moyſe & Helie, qui ont eſté quarante iours &
quarãte nuićts fans boire ny mãger,& ont eſté
fubstantez par la ſeule vertu & puiſſance de
Dieu, fuyuant ce qui eſt eſcrit Deuteron. 8. c
repeté par noſtre Seigneur Matth.4. Non in folo
paneviuit homo,fedin omni verbo quod procedit de
ore Dei. Mais quel beſoin est-il de cercher tant
de paſſages de l'ancien Testamết,pour prouuer
que Dieu par ſa prouidence a foing & cure de
tous:veu que nostre Euangile du iourd'huy eſt
ſuffiſant pour ce faire? auquel vous trouuerez
que fans eſtre prié,ila rastafié vn grand nombre
de gens,tát bős que mauuais.Car en ceſte gran
de cõpagnie,ily en auoit pluſieurs qui estoyent
auditores tantùm verbi Dei, & non pas fattores.
Ce que ie dy en paſſant, pour monſtrer l'im
pudence & atheiſme de Marot, lequel ſur la fin
de fa premiere chanſon(qu'il appelle fauffemét
- - Z $ |
362 I I I I. D 1 M E N C H E -
|
Pſalme de Dauia ) n'a point eu de honte de
dire & faire -hanter aux Huguenots,que Dieu
eternela a foing ny cure des mal-viuans. Or
|
arand ie contemple ce miracle de noſtre Sei
gneur » il me fouuient de Ioſeph, duquel il eſt
parlé en Geneſe quarātiefmechapitre, où il eſt
dićt,qu'il vint vne grande famine au pays d'E
gypte,& lors il ouurit les greniers de Pharaon,
qui auoyết esté réplis par fabonne prouidence,
& diſtribua les grains à vn chacun felon ſa ne
cefiité. Nostre Seigneur est vn ſecond Ioſeph,
qui a eu pitié d'vne grande multitude de gens
qui le fuiuoyent, ayans grand faim:il ouurit fes
greniers, & les a raſlafiez. Mais en quelle for-
te?en multipliãt cinq pains d'orge, & deux pe
tits poiſſons. De cecy nous auons vne belle fi
gure 4. Reg.4. où il eſt faićt mention de Heli
fee, lequel de vingt painsraſlafia vne grande
multitude de gens:& diſtà ſon diſciple, Dapo
o huic:Ils en mangerent leur faoul, & ſuper
fuerunt,& toutefois il y en eut de reſte. Il faut
que la verité foit preferee à la figure. Heliſee
eſtoit la figure de Ieſus Chriſt. Si donc ainſi
est que Heliſee a multiplié les pains, deſquels
ila rafſafié grand nombre de gens: il ne ſe faut
efmerueiller fi auiourd'huy noſtre Seigneur a
fait dauantage, en nourriffant de cinq pains &
deux petits poiſſons cinq mille hommes, fans
compter les femmes & les petits enfans. (Car
ecce pluſquam Hellfeus) comme declare plus à
plain monfieur fainét Iean en nostre Euangile,
de
. D e º c A R es M. E. 3 -

deſcriuant naïfuement ce miracle:Abiens Iesta Matt.***


trans mare Galilee, quod est Tyberiadả& ſequeba- :
tur eum multitudo magna,quia videbant figna fa
perhis qui infirmabantur. Ieſus s'en alla outre la
mer de Galilee qui eſt de Tyberiade. Et grand · * *

euple le ſuyuoit : car ils veoyent les ignes


qu’il faiſoit fur ceux qui eſtoyent malades.
Ceste mer eft appellee de Galilee, à cauſe de la
prouince, & Tyberiade, à raiſon d'vne cité fi
tuee aupres d'icelle , laquelle Tyberius auoit
edifiee: duquel elle a prins le nom. La cauſe
ourquoy Hefus s’en | outre la mer de Gali
| fut pource que les diſciples estoyenttra- Nºstre sei
uaillez à cauſediit:
ftre
de lavenez
predication.Aufquels
vous en à partenno-
vn : lAs

lieu defert,& vous repoſerez vn petit , comme lee e pour


il est dit en S. Marc. Toutefois nous pouuons 1mov.
affignerautres raiſons. .
Premierement que nostre Seigneur par fa
prefence ne vouloit irriter ny inciter à cour
roux les Iuifs: mais s’eſt retiré à part & à l’ef
cart,fi d'auếture l'ire laquelle ils auoyết conceu
contre luy s'appaiferoit. Par cela il nous en
feigne de n'irriter ne prouoquer nos aduer
faires à l'encontre de nous: ains leur donner
lieu.Car c’eſt vne æuure de charité de ne s’efle Roma 12.
uer contre les malueüillans,ny vſer de nos for
ces:mais à l'exemple de IeſusChriſt ſe retirerà
l'eſcart,attédát que leur courroux foit pacifié.
Où cependant nous deuons noter que c'eſt vne
certification & indice de la grace de Dieu,
- - que
364 1 I I I, D I M E N C H E
que aucunefois il oſte l'occafion de pecherà
l'homme. Ce qu'il ne faići pointparire ou en
uie : mais à fin de nous ofter l’occafion de ne
plus griefuement pecher, & que plus griefue
pies, attr, mentne foyons iugez & condemnez. Et pour
z i. i, i ceſte cauſe il a abbregé la vie de l'homme: car
Phomme, e ceux qui ont veſcu au temps paffě neufcếs ans,
?"1"9. maintenant à grand'difficulté peuuent-ils par
uenir,attaindre & toucher feptante ans.Com
F/****- me dit le pſalmiste Royal Dauid: Dies annorum
nostrorum in ipſis feptuaginta anni.Si autem in po
tentatibus, ottoginta anni: &amplius eorum labor
cớ dolor:Lesiours de nosans,eſquels nous fom
mes,font feptante ans, & de ceux qui ont plus
de vigueur , oćtante: & fi lesiours de leurs ans
font d'auange: ce n'eſt que labeur & douleur,
non pas que noſtre Seigneur porte enuie à no
ftre longue vie:mais comme nous auons ja dit,
à fin qu'en viuant plus longuement nous ne
pechions abondamment,& que ne foyons
damnezp us griefuement. Ainfi aucunefois il
retire d'auec nous & ſouſtraićt pluſieurs cho
fes,leſquelles pourroyent eſtre occafion de pe
ché. Aucunefois nostre Seigneur t'ostera ton
bien,ou ta femme,tő enfant,pource qu'ils font
occaſion de ta ruine. Cartu as plus de confian
ce en eux qu'en Dieu : & pource Dieu te priue
de ce que plus tu aymes que Iuy : à fin que tu
apprennes de te fieren Dieu,qui eſt certain, &
non pas aux chofesincertaines, labiles, cadu
ques, & fluxibles. Ainſi nostre Seigneura oſté
aUIX
- D E c A R E s M e. : 365
aux Iuifs ſa prefence, pour ne leur donner oc
caſion en le voyãt,de pecher pus griefuement,
& par ce moyen enire,il monſtre fa mifericor- •1

de. Secondement pour ce meſme faićt, Ieſus


Christ a paſſé outre la mer, il nous enſeigne
qu’il nous faut delaiſler le monde, & auec la
nauire de la croix, il faut monter en la haute
montaigne ſupernelle de Hieruſalem, comme
dit S.Matthieu: Quand Ieſus fut deſcendu dé : *ser
la montaigne où il auoit enſeigné & prefché àÉ :
fes Apostr les huićt beatitudes,& puis deſcế- i . ;:
du en la válee pour enfeigner la toürbe,&gu a taigne, rece
rir pluſieur malades. Derechefil est monté en qui
la montaigie pour enfeigner les ignorans,gua- :
rir les malates,nourrir les fameliques, & beni- gu -
gnement recueillirceux qui le cerchoyent: En vir le mata
nous enſeignant par effect ce que S. Iean a ; repaistre
prefché parbarole: Non diligamus verbo, neque {--
ed opreci veritate. N'aymons pas de pa- .i. a.s. . .
role ou de lingue : mais d'oeuure & de verité,
Ceste montre & deſcente de Ieſus Chriſt nous
enfeigne que ce n'est pas aſſez à l'homme Chre
ftien monte: par contemplation ou oraiſon. Il
faut auſſi par execution de bonnes
oeuures , & exhibition de charité. Mandauit Feele z.
Deus vnicuique de proximo fuo. Dieu a donné
commandement à vn chacun defon prochain.
C’eſt bonne choſe de monter par oraiſon &
fainćte meditation , & celeſte contemplation.
Mais il faut auffi feruir à l'vtilité, prouffit, &
charité de fon prochain ; contre les deuotshy
po
) J
366 1 1 1 1. D 1M E N c H E
pocrites,auec prolixité femblent
manger le Crucifix. Cependant ils n’ontpoint
de charité autant que de vieux diables, & lair-
ront mourir de faim le pauure sauant que luy
dőner vn morceau de pain Car tu ne peux mő
ftrer l'amour que tuas en ton Dieu,finően fon
image , qui eſt ton prochain. Eſcoute donc (ô
homme Chreſtien) & retiens à l'exemple de tő
- *- shef Jeſus Chriſt,quand tu priestu monte en la
,* montaigne: quand tu faits charité à ton pro
chain,& que auec larmes,pleurs,&iouleurs de
- coeur, tuplains la perdition de ton rere Chre
ftien, & que tu employes tes forcespour le re
cueillir en la cógregation des fideles, & le re
-* *duire à la cognoiſſance de Dieu,&de la verité
de fon falut,alorstu defcens de la nontaigne.
º ff* Sequebatur ei multitudo magna.Vnegrãde mul
{/"; titude le ſuyuoit, pour pluſieurs riſons. Pre
*

pourquoy. , micremet les aucuns pour estre guris de leurs


playes,langueurs & maladies. Le autres pour
charité, qui commepigęõs eſtoyếtamiellez &
allichez pour ouyr la douccur de fi faluifiante
doćtrinc. Les autres par curioſité de voir fes
miracles. Les autres pour reçeuoi les prouf
fits de nourriture, pour manger les pains,leſ
quels par la vertu diuine il multiplioit. Aufli
pluſieurs fuyuết les riches pour audir la repue
franche,comme nous voyons quand les arbres
font chargez de fruicts, ou les vignes pleines
de raiſins lors nous les viſitős mais apres qu'on
a recueilly les fruićts & les raiſins, nous ne
- - Il OllS
D E C A R E S M E. 367
nous foucions plus des arbres, ny des vignes.
Ainfi plufieurs fuyuent les riches:mais quãd ils
font pauures,on les abãdonne,& fe moque-on
d'eux. Et comme la moufche fuit le laićt,& le
chien la charőgne:ainfi pluſieursfuyuent les ri
ches pour la viāde, Les aucũs pour enuie,com
me contradićteurs, pour calomnier fa doćtri
ne, & machiner fa mort: Comme les Scribes
& Pharifiens:& les autres pour luy adminiſtrer
les offices de charité & humanité. La ferueur Z4 ferneur
de ceſte multitude confond noſtre lafcheté & c:

pareffe.Car estans appellez,nous ne l'enfuyuős


pas:Ceux-cy l'enfuyuét outre la mer,au defert, chrefi,.....
& aux montaignes : nous l'auons preſent, & fº",plasteur:
toutefois nous deſdaignons l'ouyr. De nous'“/”“
eſt bien verifié le prouerbe commun: Pres de
l'Egliſe,& loing de Dieu. Ceux icy l'enfuyuết
par bandes & grande compaignie, & à peine
voyons nous peu de Chrestiếs qui l'enfuyuent.
Apprenons doncques à leur exếple à chaffer &
bannir de nous toute pareffe & nonchallance.
Car c’eſt choſe digne, iuſte, neceſſaire, raiſon
nable,& falutaire, que nous l’enfuyuions. Nec
enim aliud nomen est fab celo datum hominibus, in A&#-#
quo nos oporteatfaluos fieri.Caril n’y a d’au
tre nom fous le ciel, auquel il nous faille estre
fauuez, finon au nom de noſtre Seigneur Ieſus
Chriſt. Ce peuple estoit idiot & ſimple, hum
ble & pauure: ce n'estoyent pas les Sages de ce
fiecle, les doćtes & fçauấs Scribes & Pharifiés,
non faux hypocrites , non les nobles & puiſ
:: fans
368. M I I I• D I M E N C H E

fans au peuple: c'eſtoit vn commun populaire,


lequel couſtumierement eſt plus deuot & fer
uent en deuotion & charité que les riches &
puiſſans. Subijt ergo in montem Iestu. Adonc Ie
fus s'en alla en vne montaigne. Chofe admira
ble, la montaigne, à fçauoir Ieſus Chriſt,quieſt
appellé en faincte, Montaigne,pour
l'excellếce de fa treſſainéte vie,pour l’eminen
ce & apparence des miracles, pour la hauteur
de contemplation, & pour l'incomparable fu
blimité de charité , & de toutes autres vertus.
Doncques la montaigne monte en la mon
taigne, lieu conuenable à oraiſon, contempla
tion,inſtrućtion : & le tout pour noſtre falut, à
fin que parfon exemple les hőmes apprennent
de ne cercher la gloire en la vallee de ce mi
ferable monde, en honneurs, comme les fu
perbes.les autres aux richeſſes, comme les aua
ricieux:les autres aux voluptez charnelles, com
me les luxurieux:les autres à boire & à manger,
comme les gourmans & yurongnes. Il eſt donc
monté en la montaigne, pour nous enfeigner
à meſpriſer les biens terrestres, & defirer les
biens celeſtes. Et ibi fedebat că diſcipulis fuis,làil
eſtoit aſſis auec ſes diſciples.Bien heureux font
ceux qui auec luy maintenant font aſſis en la
montaigne celeſte. Erat autem proximum Paf:
cha diesfestus Iudeorum. Et le iour de Paſques
qui eſtoit la feſte des Iuifs estoit prochain.
Ceste feſte par deſſus toutes les autres estoit
celebree & feſtoyee en memoire de leur de
- * liuran
D E . C A R E S M E. " 369
liurance de la dure feruitude des Egyptiếs. Les
Iuifs en cetếps-là,folennifoyent le tourdes fe
ftes,non pas à l'honneur de Dieu, mais pluftoft
pour l'irriter. Comme auiourd'huy font les
Chreſtiens,verslefquels la mauuaife couſtume
a prins fon cours: pource il eſt dit, Dies festus
Iudæorum: La feſte des Iuifs , & non de Dicu.
Les Iuifs immundes mangeoyent l'agneau paſ
chal,ils chãtoyết les Pfalmesen peché ils nour- . . » , , .
ristoyent leurs corpsgraffemét, fans eftếdre les * * , .

mains aux pauures, pource leurs aſſemblees


estoyent mefchantes & iniques, leurs fabbaths .*

eſtoyent moleſtes & ennuyeux à Dieu. Ainſi : ***


font les modernes heretiques, qui par mefpris
chantent les Pfälmės, maltraduičts & rithmez:
toutefois en prophanant l'eſcriture faincte,
fe parforcent abolir le chant Eccleſiastique, &
en deſpit des Catholiques. Non fans cauſe eſt
dict,que, Erat pafcha feštus Iudæorum. C’e
ftoit le iour de Paſques, feste des Iuifs. Mais
les Chreſtiens ont maintenất vn autre Pafque,
duquel parle fainét Paul: Pafcha nastrum immo- r.cor.s.
latus est Christus. Nostre Paſque, qui eſt Christ,
eſt ſacrifié pour nous. Cum fubleuaffet ergo oculos
Ieſus,& vidiffet quia multitudo magnavenit ad eữ.
- Quand donc Ieſus eut leué les yeux, & veu
que groſſe aſſemblee venoit à luy. Hufques à
maintenất nostre Euangelifte a eſcrit le lieu,le
temps,& les perſonnes maintenantil eſcrit la
maniere du miracle. Voyons icy eſtre vray
ce qu'a ditle Prophete Dauid :AEcce
' , . a
-
oculi Do-Tfal,s2.
2 / - -
37o I I I, I, ID I M E N C H E

minifuper iustos. Voicy les yeux de noſtre Sei


gneurfur ceux qui le craignent,& fur ceux qui
eſperent en ſa mifericorde. Dixit Philippo, vnde
ememua panes, vt manducent hi ? Il dita Philip
pe, dontacheterons-nous des pains, à fin que
ceux-cy puiſſent manger , pour dechaſſer la
faim, & conferuer lavie, & non à ſuperfluité?
Il fait memoire du pain , & non des chairs
bouillies & roſties. O diuers mets des vian
Eecle/ 29
des! Initium vitehomiuis aqua & panis. Le com
mencement de la vie de l'hőme, c'eſt l'eau & le
r.Z im.ớ,
ain. Nature eſt contente de peu de chofe. Et
comme dit fainćt Paul.: Habentes victum &
quibus tegamur, his contentifiimus. Nous ayans la
nourriture, & dequoy nous puistións eſtre cou
uerts,foyons contents de cela. Sunt voraces he
retici,in diebus prohibitis carnes comedentes. Mais
la maudićte delectation de la chair toufiours
demande choſes ſuperflues. Ie dy plus à fu
perfluité que à neceſſité , plus à delećtation
que nő à fuſtentation. Icy noſtre Seigneur pre
mierement interrogue Philippe, comme celuy
qui plus auoit beſoing de doctrine, où noftre
Seigneur ne parle point des choſes vaines,
ocieuſes & mondaines : mais des oeuures de
pieté, & de miſericorde, pour instruire les ri
ches,comme ils doyuent tenir propos des pau
ures, & auoir foucy de leur pauureté. Com
ne faiſoit Abraham , Tobie , & pluſieurs an
eiens Peres de nostre foy. Noſtre Seigneur auf
fi interrogue, à fin que le miracle ſoit plus no
- tOlIC
- DE c A R E s M. E. : - 371 :
toire & manifeſte: car quand il fera veu &
experimenté par les diſciples, qu'il n'y auoit
que cinq pains, perſonne ne pourra doubter:
que ce ne foit vne oeuure de Dieu, raflåfier
de fi peu de pains vne ſi grande multitude.
Austi nous faut-il noter que nostre Seigneur
faictmention de la viande fans que les difci
plesy penſent, fans que la trouppe l'attende
ny demande: Par-là il declare qu'il preuient
toute noſtre indigence, par la cure qu'il a de
nous, voire auſſi cependant que nous dor
mons, il ſe monstre & fe communique estre
pareffećt noſtre bon pere de famille. Car c'eſt
celuy qui dat estam omni carni, qui donne vian- Pfal.*s*.
* :/

de à toute chair: & par celà il a voulu exercer


noſtre foy, à fin que celuy qui peut commet
tre & fier fon ventre à Dieu pour la vie cor-
porelle, qu'il puiſſe auſſi fier fon ame en la
vie eternelle. Car celuy qui eſt fidelle en peu
de chofe, fera fidelle en grande chofe. Hoc.
autem dicebattentäs eum.Il diſoit cela pour ten
ter & eſprouuer. Il interrogue Philippe , non
point comme ignorant : ains pour l'eſprou
- A

uer, & pour donner à cognoiſtre à Philippe


fa pufillanimité & petite foy. Comme le mai
stre interrogue fon diſciple,à fin que fon igno-
rance luy ſoit cogneuë & apperceuë : & que
par là il prenne occaſion de demander ardem
ment bonne doćtrine. Dieu tente. Premiere- Pie" tentee"
ment à fin que la condition de noſtre vie foit ?"4“7:
aux autres manifeſtee:Comme il a tenté Abra
Aa . 2 *.

1
372 1 1 1 1. d1M ENcH e
ham, & Tobie, à fin que fust donné exemple
à leur poſterité de leur trefgrande patience.
Item il tente fes amys & efleus, pour le com
ble degrace,exercice de vertu, & pour acque
rir plus abondant le threfor de gloire.D'auan
tage Dieu tente,à fin que l'homme ſe cognoiſ
fe. Iamais fainét Pierre n’eust cogneu fon im
perfection, s'il ne fuſt tombé au peché de ne
ze diable të gation. Le diable tente, premierement pour
4
° **** ćtes
quoy.
deceuoir & damner,Ananias,&
des Apostres,de comme il appert aux Sa
fa femme A
*

# | |

r., hai, g. phira. La chair tente, pour attraire, allicher , &


| | * te, e peur- deceuoir l'homme. Le monde tente, pour ce
||
! ! '
! ! !
quoy., fte meſme cauſe. L'homme tente,eſſaye,& ex
perimente foymeſme, pour profiter & foy co
# gnoiſtre.L'homme tente l'homme,pour regar
i höm tente der & experimenterfes moeurs & conditions:
fhy meſme.
comme Daniel diſoit:Tenta nos decẽ diebus: Ef
faye nous dixiours. L’homme tente Dieu,pour
L'homme ten receuοir experience de fa puiſſance, fapience,
“ Die". , & bonté, qui eſt vn trefgrand & grief peché.
Car cela procede de la maudićte racine de fon
infidelité. Ainſi les Iuifs par dix fois ont tenté
TO etet. 6.
Dieu malicieuſement: pource il eſt eſcrit: Non
tentabis dominum Deum tuum. Tu ne tenteras
point le Seigneur ton Dieu. Ainfi Philippe
eſt tenté, à fin que fa foy foit experimentee: A
fçauoir s'il croit que Ieſus a le pouuoir de fe
courir & ſubuenir en neceſſité. Ainſi quand
vn grand nombre d'enfans te font preſentez
deuant les yeux, & ton grenier eſt vuide de
bled,
- D e c A R e s M e. , 37;
bled,ton fellier de vin, ta bourſe d'argent, ton
garde-mãger de viures,tu diras, d'où achepte
rons nous despains, à fin que ceux icy, à fça
uoir ma famil puiſſe manger? Dieu te dit ce
là, non pour te perdre : ains pour approuuer
& effayerta foy: A fçauoir mon fi tu le veux
receuoir & venerer pour tom pere de famille.
Carla faim & la deffaute du pain ne font point
de perdition, mais ſeulement les boutiques &
magaſins de tentation & experience. Ipſe enim
quid effet facturus : Il fçauoit bien par fa
fcience infallible qu'il deuoit faire, & cela eft
dit,à fin qu’on ne penſe que Ieſus Chriſt doub
taſt.Item pour demonſtrer que Ieſus non feu
lemét fçait noſtre neceſſité:maisauſſi a le pou
uoir & le vouloir de nous fecourir. Philippe
luy reſpondit: Ducentorum denariorumpanes eis
non ſufficerent, vt vnufģuiſque modicum qnid ac
cipiat:Ce n’eſt point affez pour eux de deux cés
deniers de pains , pour en prendre chacun yn
petit. S. Philippe diuulgue & manifeſte fon
incredulité. Èn ceste reſponſe nous voyons Nature de le
lanarure
anature de la Elle :ne regarde
ir , . laquelle
chair, -
i raia
chair,es
loing que aux choſes preſentes, temporel- /
G
s,& charnelles, & aux moyens accouſtumez: „..
A fauoir à la pecune & à la viande. Que s'ils
defaillér, la prudence charnelle eſtfanseſpoir,
& ne fçait plus de quel coſté ſe tourner. Mais Natur, a.i.
la foy laquelle a les yeux ſpirituels;elle ne foy.
puye ny arreſte point aux chofes viſibles, elle
n'apoint fa aux chofes temporelles.
* Aa 3
374
/
I I I I. D I M E N C II E

Carfi elles font preſentes, elle ny met point


|
fon eſpoir : ſi elles font abſentes, elle ne defef
pere point: mais elle regarde aux choſes inui
ſibles en l'autre fiecle, fi elle ne voit rien pre
fent en cc monde qui appartienne à la vie hu
maine & corporelle , elle dreſſe la poinéte &
la prunelle de fes yeux en l'autre fiecle,auquel
elle trouue vni Dieu riche en tous biens: qui
promet tous biens: & qui benigneinent admi
niftrc toutes chofes necetlaires pour le corps,
&tfalutaires pour l'ame : Mais celuy qui a
trouué Dieu, aucune chofe ne luy pourra def
faillir. Penfe donc non frere & amy Chre
ftien,& fe que c'eſt choſe arduc, nial ai-
fee & difficile de bien eſperer en neceſſité.
Car les Sainéts meſines aucunefois en neceſſir
té ont branflé, varié, & vacillé : L'homme ne
fçait cọmine il a la foy foible, iufques à tant
due la tentation eſt aducnuë. Et l'vn des di
feiples, André frere de Symon pierre luy dit.
Est puer vrus hic,qui habet quinquepanes hordea
* * * * - ceos & duos pistes fed hæcquid funt intertantos?ll
* * y a icy vn petit enfant qui a cinq pains d’orge,
- & deux poiſſons: mais qu'eſt-ce de cela pour
... tant de gens, comme diſant: noſtre pecurie eſt
petite,la multitude cſt grande, & la nuićt nous
pretle, nous auons peu de pains , nous fom
. . . . . . mesicy en vn lieu defeit & ſterile: nous fom
*
* - mes loing des villes pour recouurer des vian
des, Ogens de petitefoy, craignez vous que
oeſte multitude meure de faim en la preſence
3 t. . de
-
------
|

, , d e c a R s s M e. 375
de celuy qui donne viande à toute chair? Ce
luy de la cuifine,duquelles oyſeaux du ciel,les
poiſſons de la mer, les animaux terrestres font
nourris, ſubstantez, & alimentez,d'autant plus
nourrira-il les creatures raiſonnables qui au
ront foy & fiance en luy. Que fainćt André
fans eſtre prié, toutefois il a preſenté les pains,
comme preſt de les offrir & bailler, cela de
monſtrevne treſgrande charité,laquelle accuſe
& reprend noſtre tenacité & chicheté. Voylà
les Apostres qui portoyent des pains pour leur
viure neceſſàire, ils eſtoyent prests de le com
muniquer à la troupe famelique. Er autre rai
fon ou excuſe ne peuuent dire ou alleguer les
Apoſtres, finon qu'ils doutent qu’ils ne pour
ront fournir ne fatisfaire à tous. Mais les ri
ches & chiches mondains, vieux auaricieux &
idolatres de leurs threfors, tant s'en faut qu'ils
donnent les choſes necestaires, qu'ils ne don
nent pas les chofes fuperflues, & qu’ils ont par
trop grãde abondance:ils ayment mieux que la
vermine & les poux mấgent leur bled,que files
pauures le mangeoyent.Maisle temps viendra,
&plustoſt qu'ils ne penſent, en deſpit de leur
barbe,& leurs dents, que les pauures mangerőt
leurbled, & les vers mangeront leurs puantes
charongnes. Et pource tel exemple Apoſto
lique eſt bien rare, bien clair femé, & qu’on ne --- - --

voit pas fouuent entre nous autres Chreſtiens.


Item nostre Euangeliste nous demonstre qu'ils
auoyent peu de pains , & leſquels estoyent
Aa 4
376 I I I I. : D I M E N C H E
d'orge : ceļa nous demonſtre l'auſterité de lă
vie des diſciples, & que peu ils eſtoyent fol
liciteux pour le corps qui doit mourir : mais
grandemqnt ſoigneux pour l'ame qui toufiours
vit. Ce que manifeſtement blaſme & con
damne noſtre gourmandife & voracité, deſ
quels dieu est le ventre , & qui cerchons les
viảndes deligates & friandes, pour nourrir la
sharongnsslaquelle vniour fera fi puantesor
de & fallq , que les vers n’en daigneront man
Admiration, geri i Hey quelqu’vn pourra tarnber en admira
e pour1": tian de la foy fant foible aux Apoſtres, & leur
* demãder,ne pouuez-vous pas bien rememorer
cdmiņg Dieu de rien a fait toutes chofes, ou
pour le moins reduire en memoire commentil
anourry yos peres quarante ans aux deferts, du
pain qu'il leur enuoyợit & donnoit du ciel,
fans labçur ne trauajk? Celily qui a peu tant de
centaines de milliers par fi long temps nourrir
aux deferts, il eſt puillant multiplier les pains
& poiflons, pour rallafier ceſte tourbe. Car,
Afanus Domini non estabbreuiata,la puiſſance de
Dieu n'eſt urgarétir ce peu
ple du peril de la faim, & fa vertu n’eſt point
affoiblie pour ſecourir & ſubuenir, Cestuy est
Luc.24.
le Fils du Pere fouuerain, fapience & vertu de
| Dieu,puiſſant en æuure & en parole:celuy qui
s. Reg.17. iadisa nourry Helie par le res le tor
rent de Carits:celuy qui a multiplié la farine &
l'huile de la vefue par le cómandement & par
role d'Helielceluy qui par Heliſee a tellement
- 2 11 Or
a .*, aug
- · D e c A R E s M. E. 377
augmenté l'huile entre les mains de la vefue,
u'ilaremply tous les vaiſſeaux portez & pre
par fes enfans: pourquoy doncques par
deffiance dites vous,Sed hæc quid ſunt inter tätas?
mais qu’eſt-ce là pour tãt de gési vous qui auſſi
auez eſté preſent aux nopces, quand d'eau pu
re,il en fift de treſbon vin.Mais Ieſus Chriſt qui
a cogneu & veu l'imperfećtion defes diſciples,
ayant compaſſion de leur infirmité & foibleſſe
de coeur, leur a dit:Facite homines difcumbere:fai
ćtes affeoir ces hommes, à fin que toutes cho
fes foyent faićteshonnestement & felon ordre.
Carles chofes qui font telles, font ordonnees
de Dieu. Confiderons icy comment Ieſus Rºm. 's
Chriſt puiſſamment parle & d'auctorité. Il
n'auoit encores veu les pàins, & ia il comman
de que les hommes s'affeent, comme fitou
tes choſes estoyent preſtes:Comme vrayement
elles eſtoyent. Car vers Dieu en tout temps
toutes choſes à nous neceffaires font preſtes
& appareillees. Notamment il commande que
les hommes foyét affis.Gar en la table de Dieu
les animaux ne doyuent eſtre affis. Animalis "“”“
enim homo nan percipit ea quæ fant Dei. Car l'hő
me animal n'apperçoit point les chofes qui
font de Dieu. Ceux font hommes qui viuent
non felon la concupiſcence mais felon faifon.
Item qui ne cerchent point feulement la viani
de du corps,
l'ame. Erat autem fænum multum in loco: Ory
auoit-il beaucoup d'herbe en ce lieu. S. Marc *****
···· ; Aa $ 1
378 . . . t t i 1. d 1 M E N c îi e
dit qu'ils s’afſirét fur l'herbe verde.Distubuerất
'ergo viri quaſ quinque millia : les hommes donc
s'allirent enuiron cinq mille, & pource qu’à
Paſques a eſté faićt ceſte refećtion du peuple,
combien que les Apoſtres auoyentia franche:
ment confeffé qu'il eſtoit impoſſible aux puiſ
fances humaines nourrir vn fi grand peuple:
toutefois Dieu commandant, ils ne contredi
fent ou réſiſtent point: Comme de dire, que
eſt-il de beſoing de s'affeoir,veu qu'il n'y a rien
pour mettre au deuant ? Car ce que nous a
ilons, à grande peine nous pourra-il ſuffire &
fournir. Donc apprenons icy de ne dernãder ny
| * ' diſputer au commandement de Diett: pour
| | | quoy ila commandé cecy ou cela:mais ſimple
ment & rondement obeyr aux parolles, pro
meſſes & commandemens de Dieu & defon
, !
Eglife. Item nous apprenọns icy vne ſimple &
ronde cőfiance du peuple obeystant à la parol
le des Apoſtres, combien qu'ils ne voyent au
cun appreſt ou ergo Iestuspanes.
*
Et Ieſus print les pains en nombre de cinq,
qui furent preſentez par les Apoſtres entre les
fainétes & venerables mains de Ieſus Chriſt,
pour les multiplier, qui en apres les deuoit
conſacrer en fon vray corps. Non fans cau
fe nostre Seigneur a prins les pains entre fes
maius: Autrement, & fans cela comment tant
peu de pains euffent-ils peu raffafier fi grand
nombre d’hommes, finon que Ieſus Chriſt les
cult prinsentre fes mains? Par cela il nous en
feigne
D e c A R e s Mrs. 379
feigne que files pains que nous auons, fönt en
petit nombre que nous les mettons en la main
de noſtre Seigneur: Ce que lors est fait, quand
nous croyons & fions en fes fainctes & diui
nes promeſſes. Et noſtre Seigneur beneistra
lespains & admirablement les multiplierarcar
noſtre Seigneur est fidelle, qui obſerue fa pro
meſſe, pourueu que tu la reçoyues en foy & Pron, 1o.
fiance: ce que difoit Salomon. Et Ieſus print
les pains & les rompit : Et cum gratias egiffet,
apres qu'il eu rendu graces,il les diſtribua aux ' ' *
diſciples, & les diſciples à ceux qui eſtoyent -
aſſis, & femblablement des poiſſons tant que
ils en vouloyent. Il a rendu graces à Dieu le racet.i. ,,
pere, en la nature humaine, en laquelle il e- . . . . .
ftoit moindre que le peres qui en la deité eſt , , , .
vnauec le pere createur, aucteur & diſtribu- “ ” ”,
teur de tous biens & graces. Il rend graces à ,, " ,

Dieu, duquel tout don eſt tresbon, & duquel


tout don est parfaićt: Il a prins le pain enren
dant graces pour le fanćtifier. Parlầil nousin
fruit de neprendre la viande, iufques à tant
que nous ayons rendu graces à celuy qui don
ne viáde à toute chair,& qui aperit manii fitā, &
implet omne animal benedictione, įouure fa main,
& remplit tout animal de benedićtion. Les E
uangelistes tefmoignent que Ieſus Chriſt icy a
fait trois choſes: Afçauoir il a regardé au ciel, Ieſus ChriH
•t i . - 1 . . ---- «
-

il a beniſt les pains, & les a rompus.Premiere- regarde an


ment il a regardé au ciełpour'nous enfeigner ei, speur
que nousdeuốsleuer les yeux de noſtre ame quoy.
« * * * ClCl3
38o: I I.P Iv D I M E N C H E

ciel, dont ayde & fecours nous vient. Secon


dement il nousia auffi demonſtré en cela , en
regardant au ciel, que ce miracle a eſté faićt
par vertu diuine, & non en Beelzebub prince
des diables. Tiercement il a beniſt les pains: il
eſt croyable & conuenable qu'en ceſte bene
diction du pain, il ayt proferé quelques pa
rolles, que s'eſtudians à bref
ueté n'ont pas exprimé : ou bien qu'il les a
r. Tim. 4.
proferé ſecretement. Car comme dićt fainét
Paul : Omnis creatura Dei baha est, toute creatu
re de Dieu est bonne par la benedićtion de
Dieu, donnée au commencement: mais elle
Il est necef'ti a cité corrompue & vicieelparpeché : & pour
eeste cauſe, il est neceſſaire de fanctifier & be
fandifer les niſtre les choſes corporelles par la parolle de
*/ cºrpº: Dieu, par oraiſon, & par le ſacré ſigne de la
fainćte croix,lequel fe faićt au nom du Pere &
pourquoy. du Fils & du fainćt Eſprit. Carnous deuons

commencer & faire toutes nosoeuures au nom


& vertude la fainéte Trinité: & par le figne de
la croix nous auons perpetuelle memoire du
grand benefice de fa trefdigne & ſacree mort
& paſſion. Telle benedićtion fe faićt, à fin que
tous empeſchemens dommågeables & diabo
liques foyent dechaffez: & que telles chofes
corporelles,ainfi benistes,foyent faićtes & ren
- dues ſaluraires à ceux quiles receurőt. Et pour
, ... è ce il eſt dit,qu'il a beniſt les pains & les arom
, , pus.En la benedićtion,illes a multipliez:Bene
: dicit,vt ſua benedictione multiplicentur , comme
- 2 - dit
" D' E, AC A R E S M. E. r 381
dit Euſebius Emiffenua, expoſant cest Euangile)
& en la fraćtion illes a preparez pour les man
ger.Nous lifons que noſtre Seigneur trois fois sei
à benist & rompule pain. Premierament en la
refećtió de la troupe,en la mótaigne.2. En l'in- e
ftitution du fainćt Sacrement.3. Au logis auec le pain.
fes diſciples.En la multiplication despains il a
demonſtré les abódantes richeſſes de fa grace
& bonté : En la feconde, fa vertu & puiſſance
reluit:En la troifieſme l'illuminatió de fa veri
té diuine eſt
puiſſance manifeſtee.Voyla
& verité de Dieu. Il alabeneiſt,
mifericorde,
nous ze t': n'a
enfeignant par quel moyen les pains ont eſté
multipliez : A fçauoir par la benedićtion de ri:/ „slap.
Dieu. Car le pain de fa nature ne peut nour- roue e be
rir,ſubstanterou alimenter fans la parolle, la- ”” “
quelle procede dela bouche de Dieu. Pource ..
aucunesfois Dieu retire fa parolle & benedi * , , , , , , ,,
ction, & ofte aủ pain la vertu de nourrir.Com- *-

me il eſt eſcrit:Comedetisé nõfaturabimini,vous tenitas,


mangerez & ne ferez pas faoulez. Il commãde
aux diſciples de diſtribuer le pain, à fin qu'on
ne peuſt ſoupçốner ou doubter d'aucune frau
de, fi par luy-meſme il euft eſté distribué. Ce
qu’il a faićt pour plus grande confirmation de
noſtrefoy.Ceſte multiplication n’a pas eſté fai
éte par maniere de creation, mais par addition
de matiere eſtrange, conuertie en pains. Par
quoy diſt S. Auguſtin en l'homelie du iour
d’huy, qui de paucis granis multiplicat fegetes,ipſe
in manibus fuis multiplicauit quinquepanes: celuy
/
* qui
381 1-1 I I. D I M E NC H E

multiplie de peu de grains les bleds, iceluy


meſme entre fes mains a multiplié les cinq
- ". » v ve
- „v“ * ***
pains. Mais par quel moyen : entre les mains
„ , „v“ ’ “ ” de Ieſus Chriſt & des Apostres, qui le distri
2* .
buoyent, entre les mains de ceux qui le man
. ***
geoyent,toufiours ce pain miraculeufement ſe
multiplioit.Vt autem impletifunt & faturati, A
pres qu'ils furent raffafiez. Ce banquet a raſſa
fié cinq mille hommes:Mais la recordation d'i
celuy nourrit & les corps & les ames de tous
ceux qui entendent rememorer & prefcher ce
fainct diuin & celeste miracle. Et en le reme
morant lefusChrist eſt nourry en nos conuiues
& banquets.Et fi tu demande quelle choſe ont
beu ces hommes-cy, eſtoit-ce vn banquet de
Limofin,où il n'y auoit point de vin ? le te re
A

fponds que Ieſus Chriſt a auſſi donné à ceſte


Argumës des
viande vertu de faire ce que le breuuage a ac
heretiques couſtumé de faire & operer.Et fi les ſacramen
/acrimentai taires veullent argumenter contre la verité du
3"ff,
ainćt Sacrement,diſans:comme il eſt poſſible
que le corps de Ieſus Christ tant de fois & de
tant de perſonnes foit mangé en pluſieurs &
Reff, owce.
tant diuers lieux,fans diminution de fon corps?
Reſponce tiree des anciens peres,qui ont bien
preueu ceſte obiećtion (comme S.Athanafe au
liure de blaſphemia inff fanffă.S.Aug.2 fermo.de
verbis Apostali,& S.Cyrille, Alex.lib. 4. in Ioan.
cap. 22.& li.12.cap.32. & Beda venerabilisin ca.
1o.epist.4.ad Corint.& deuất tous eux, S.André
en fa vie eſcrite par les Diacres de Achaïe, i
luy
d e e A R E s M. E. 383
luy qui de cinq pains & de deux poiſſons a peu
raſlafier cinq mille hommes,& a peu faire qu'il
en eſt demeuré de reſte douze corbeilles plei
nes de reliefs, & quia peu multiplier la farine 3. Rez rz.
& l'huile de la femme vefue de Sarreptaiceluy
meſme peut nourrir fon Eglife & fes enfans de
fon precieux corps,ſans aucune diminution de
foy. Comme le foleil dés la creation du mon- similitade.
ne n'eſt point diminué pour la communication
de ſa lumiere:Ainſi eſt-il de la fcience du mai
ftre,laquelle n’est point diminuce pour la com
muniquer à ſes diſciples:Ainfi Dieu a prins l'e
fprit de Moyſe,& l’a inſpiré à ſeptãte deux hő- }

mes, qui ont prophetifé : lequel Moyſe n'a eu *""·" |


rien moins en foy-meſime de l'eſprit de Dieu.
Semblablement le corps de Ieſus Christ,depuis
le temps de la Cene a eſté, eſt & fera au ſacre
ment par tout le monde,iuſques au iour du iu
gement, pour nourrir fon Eglife, & fes enfans
fans aucune diminution de fon corps, lequel ,
demeure entier, & n’eſt point conſommé ny
diminué, combien qu'il ſoit reueremment &
veritablement mangé des fidelles au fainćt Sa
crement de l’Autel, comme diſoit S. André au Aã.o.
Preuoft Ægeas, qui le vouloit cốtraindre de fa
crifier aux idoles: ainſi qu'il est recité en fa vie,
eſcrite par les Preſtres & Diacres d'Achaye.
Et tout ainfi comme Ieſus Chriſt eſtant
- / A (* « . -
au ciel, "*******”
5 videbis ita
| -

il a parlé à fainét Paul en la terre : ainfile corps


de Ieſus Chriſt eſt au ciel viſiblement, & fi eft
en la terre ſacramentellement. Et comme au
1Olli:
384 I I I I. . D I M E N c H E
iour de la Pentecoſte le fainćt Eſprit en diuer
fes langues s'apparut aux Apoſtres, & toute
fois ce n'eſtoit qu’vn meſme eſprit: Ainfile
- - . : corps de Ieſus Chriſt est contenu fousleseſpe
ces du pain en pluſieurs & diuers lieux:&tou
tefois par vertu diuine & puiſſance infinie, ce
( n'est toufiours qu’vn meſme corps. Et comme
e ma parolle eſt en pluſieurs oreilles, & pource
la ne me laiſſe point:Ainſi le corpsdeleſus
Chriſteſt au ciel, & en pluſieurs lieux au facre:
ment,ſans abandonner le ciel. Et cőme le ſoleil.
ne laiſſe point fon ciel,cốbien qu'il luiſe enplu
fieurs lieux: ainfieſt-il du corps de Ieſus Christ
au ſacremét.Le corpsde Ieſus Christ peut eſtre
en vn lieu en trois manieres. Voy au liure des
Sacremés, fus l'article du ſacremết de l'Eucha
riſtie.Et apres qu'ils furent raffafiez,nostre Sei
gneur dit à ſes diſciples,Colligite questperauerit
fragmenta nepereant,amaſſez les reliefs qui font
demeurez, à fin que rien ne foit perdu. Ila
plus donné qu’ils n’auoyent de befoin;à finque
Noffre sei- le miracle fuſt plus notoire. Ainſi nostre Sei-
zdõne plus que gneur plein de & mifericorde, nous
z * * - - -

dóne plus á nous n'auốs de befoin. 1.A fin que


a. besti», es plus nous foyons enfläbez en l'amour & loian
pourquoy, ge de Dieu. 2. A fin que nous puiſſions exercer .
Ieſus Christ charité en noſtre prochain:il cốmande d'amaſ.
ferlesreliefs qui font de reste, à fin qu’ő nepć
meſe les re- fast que le miracle fuſt vn fantofme:c'eſtà dire
- tief, G pour- * - |- -

quoy., vne apparếce fans exiſtence.3.Pour nous enſei


gner que nous n'abuſions pas des dős de Dieu,
-|
s. &
~
D E c A R E s M. E. 385.
& į nelaistiốs rien perdre ce qui peuft ſeruir à
l'vfage & charité de nos prochains. Car le pain,
est faićt pour l'vfage de l'hốme:&lors les reliefs
despainsfont perdus,quãdon ne les employeà
I'vfage des hommes.Et pource on ne doit point
ietter aux chiens ny aux pourceaux ce qui de
meure de reſte: ains il doit eſtre diſtribué à Ie
fus Christ en fes mébres.Cőme dit Dauid: Di- Pſal.ita.
felft,deditpauperibus. Il a diſtribué & dốné aux
pauures nő point à vilainespaillardés, nőpoint
aux plaifanteurs,quidifent mots pour faire rire;
pour auoir la repue franche, non point aux a
teurs,flagorneurs, papelarts, nő point aux infa
mes meneſtriers,ny à ceux qui cốrrefont les bő
nes geſtes & honorables cőtenances:non point
aux ioüeurs de farces & de comedics, Car tout
cela n'eſt autre chofe que, vanitas vanitată, Et
collegerunt & impleuerunt duodecim cophinosfag
mentorữ.Adőcils les amafferết,& réplirentdou
ze corbeilles de reliefs des cinq pains d'orge,
qui estoyết demeurez à ceux qui en auoyết mã
gé: A fçauoir,vn chacun Apoſtre auoit ſon co
phin. Cőſiderons l'admirable vertu de Dieu,&
fa puistance,pour cốfirmernostre foy. En apres
voyons icy la recompenſe, de liberalité. Les
Apoſtresliberallement ont cőmuniqué au peu
plecinq pains,& maintenát ils ont receu douze
corbeillés, felőle nombre des douze Apostres, Le bië qu'on
Ainſi l'aumoſne toufiours croiſt:Car tát plus tų döne aux pau
dónes,tãt plus tu reçois, Quãddőcles hommes ures multi
virent le ſigne que Ieſus auoit faićt,difoyết: plie.
. . . . -* B
386 . D1M EN cHE -

Hic est verè propheta,qui venturus est in mundum.


Cestuy-cy veritablement eſt le prophete, qui
doit venir au monde, lequela eſté predićt pour
venir illuminer par ſa lumiere & grace , enfei
gner par fa faihčte doćtrine, & fauuer par fa
cruelle paſſion le mõde.Par là nous ſommes in
ftruićts á nous deuốs louër & magnifier noſtre
Oraiſon.
Dieu,à l'exemple de ce peuple.Prions dốcques
noſtre Dieu, q tout ainſi qu'il a raflaſié ce peu
ple corporellemết:Ainfiluy plaiſe nous raffafier
de fa fainćtegrace, de fa fainéte
parolle, de fon precieux corps,tellemét ő par la
digne receptió de fes fainćts ſacremés,no? puiſ
fiốs obtenir en ce Éfent ſiecle l'amour & faueur
de noſtre bő Dieu & pere fauueur, & qu’ế l’au
tre mõde nous puiſſiós paruenirà l'immortalité
đe gloire,pour eternellemếtle glorifierauecfon
Pere, & le S.Eſprit,au royaume celeſte.Amen.
L E D IM E N C H E D E .
L A P A S S I O N. -, .

Fi V i s ex vobis arguet me de peccato?


{| Si veritatem dico vobis, quare non cre
É%| ditis mihi ? Ioan. 8. - le trouue le dire
- S - |- · , -

RS ä] du Potte Comique eſtre tres-veri


table, Veritas odium parit. La verité engendre
haine : de forte que celuy qui la porte eſt mal
venu & mal traićté: il encourt la haine de ceux
aufquels il dit la verité. S’il eſt question de fai
* revn difcours par les fainćtes eſcritures, nous
trouuerons que les Prophetes & ceux qui ont
prefché
D E L A P A S S I O N. 287
la verité, ainfi comme ils en auoyent
a charge, qu'ils ont encouru la haine de ceux :
aufquels ils ont porté la parolle. Cornme nous
auons d'Helie,3. Reg. 17. portant la veri
té au Roy Achab & à la Royne Iezabel, a en
couru leur inimitié. Et pour leur auoir dit la
verité,ils ont cerché à le faire mourir. Au mef
meliure chap.22. nous lifons que Ioſaphat roy
d'Iſraël s'eſtant ioinćt auec Achab pour me
contre les Syriens voulutfçauoir le
confeil de Dieu & euenement de la guerre par
le Prophete Michee , qui eſtoit feul demeuré
Prophete de Dieu. Mais Achab ne s'en vouloit
point croire à Michee: quoniam ego eum odi (di
foit-il) Prophetat enim mihi femper malum & nä
quam bonum. Ie ne le veux point veoir : parce
qu'il ne me dit iamais qu’il m'aduiendra bien,
mais toufiours me predit quelque mal. Les
autres Prophetes auoyent dit qu'il auroit la
vićtoire in Ramots: mais Michee leur diſt le
contraire. Et pource les faux prophetes qui lo
quebanturplacentia,eſtoyent les bien venus. Au
contraire le Prophete Michee pource qu'il
diſoit la verité eſtoit venu & mal voulu à la
court, & pourchaſſoit on à le faire mourir.
C’eſt vne choſe ordinaire que les iuftes ont
toufiours eſté perfecutez pour auoir dit la ve
rité. Nous auons vn autre exemple au fecond
liure de Paralipomenon chap. 16. du Prophe
te Hanani qui parloir au Roy Aza en ces ter
mes : Quia fiduciam habuistiin Syriæ & nõ in
Y 2.
388 D I M E N C H E

domino Deo tuo, idcirco euafit exercitus regis Syrie


de manu tua. Parce que tu as fait accord & al
liance auec le Roy de Syrie te fiant à luy & nő
pas à Dieu : à ceſte cauſe Dieu te delaiffera, &
ceux qui t’ont promis alliance, te tromperont.
Et pource qu'il diſoit la verité, il a eſté mis en
prifon. Et en Hiere. 38. il eſt dit là, que le Pro
rediſt au Roy Sedechias que
a ville de feroit prinſe par les Af
fyriens,pour autant que les habitás ne fe vou
loyent pas retourner vers noſtre Dieu. Quelle
recompenfe eut il pour auoir dit au Roy la ve
rité? il fut mis par le commandement du Roy
in lacu in quo nõ erat aqua/ed lutum. Et toutefois
ce qu'il leur auoit predit, leur aduint. Autant
en auons nous li.i.Paralipomenon,cap.34.S’il eſt
queſtion de parler du nouueau Teſtament, re
|
|
gardez ce qui eſt dit de S. Iean Baptiſte: pour
|
|
auoir dit la verité à Herode,il y a laiſſé la teſte.
! Et à Ieſus Chriſt meſmes qu’est il aduenu ? ila
i
eſté mis à mort pour auoir prefché la verité. Et
les Apostres n’en ont pas eu moins, ny leurs
ſucceſſeurs. La recompenſe ordinaire des pre
dicateurs de verité, c'eſt malueüilláce,les tour
|
mens, la priſon & la mort à la fin. C’eſt ce qui
nous eſt monſtré en noſtre Euangile du iour
d’huy,efcrite en S.Iean 8.là où noftre Seigneur
remonſtre aux Iuifs pluſieurs choſes:
les la premiere eſt, pour quelle occafion cer
chez vous par tous moyens à me faire mourir?
N'eſt ce pas pour auoir dit la verité? Car il n'y
a que
- D E LA P A s s I o N. 39I
a que reprendre en ma vie ny en ma doćtrine:
- Ä ex vobisarguet me de peccato?Lequel eſt-ce
d'entre vous qui pourra monſtrer en moy vn .
crime digne de mort? Ainſi comme ce n'est pas
affez de dire: Ie fuis innocent, & ny a aucun
crime en moy,mais il le faut monstrer & prou
uer.Aufſi n'eſt ce pas affez d'estre accuſé (alio
qui, quis effet immunis à crimine? ) mais il faut
eſtre conuaincu:autrement on eſtaccuſé à tort.
Il me fouuient à ce propos d'vne hiſtoire enre
gistree au 12. chap. du premier liure des Roys:
où Samuel,apresauoir conſacré le Roy tant de- -

firé, dist à tout le peuple qui eſtoit aſſemblé.


Ecceprestofum: Loquimini de me coram Domino
& coram Christo eius, vtrum bouem cuiuſquam tu- :
lerim aut afinum fî quempiam calumniatus fum, ft
opprefi aliquế,&c.Ie vous que s'il y a quel
qu’vn d'entre vous qui ſe plaigne de moy en
quelque forte que ce foit & qui puiſſe móſtrer
que ie fois coulpable de qúelque crime & mal
uerſatió en mapreſente,que
ques à l'heure charge depuisenpreſence
ma ieuneſſe,
deiuf
vo- z

ftre Roy il m'accuſe,ie luy donne congé. Autất


en diſoit S. Paul. Act. 2o. aux plus anciens de
l'Egliſe d'Epheſe. Vos stitis à prima die qua in
grefflu/am in Astam, qualiter vobistum per omne
tếpus fuerim,& c.quomodo nihil ſubtraxerim vobis
vtiliū,quominus annuntiarem vobis, &c. Quapro
pter cõtestorvos hodierna die quia müdufam à fan
guine omniữ.Certainement cela eſtoit vn grand
teſmoignage de leur innºs Mais beau
Bb 3
39o D I M E N C H E

coup plus grand & plus aſſeuré est le teſmoi


gnage de l'innocence de noſtre Sauueur que
non pas de Samuel ou de S. Paul. Car le peu
d’Iſrael n'eſtoit pas ennemy de Samuel,ny
es anciens d'Ephefe estoyent ennemis de S.
Paul qui les faifoit iuges en fa cauſe. Mais no
ftre Seigneur difant: Quis ex vobis arguet me de
peccato?appelle à teſmoings ſes ennemis iurez,
& préd pour iuges de fa cauſe ceux qui auoyết
conſpiré fa mort. Leſquels ont cerché tous les
moyens du monde pour le conuaincre digne
de mort. Et toutefois en fin a eſté declaré &
trouué innocent de tous fcs iuges & parties.
Premieremét fon iuge Pilate le declare tel, di
fant: Nullam inuenio caufàm mortis in es. Iudas
pareillement,diſant: Peccaui tradensfànguinem
iustum.Ses ennemis meſmes l'ont declaré inno
cent,ainfi comme recite Ioſepheli.18. Antiquit.
Homo(fifas est ita loqui) quem crucifixerunt, inno
cens erat. Et bien l'eſprit des hommes pourroit
bien eſtre abuſé,& abuſer:mais l'eſprit de Dieu
ne trompe point. Et pourtant oyez qu’en dit
le Prophete Efaye chap. 53. In quo dolus non est:
Il ny a eu eu luy aucune fraude ny en la bou
che ny en l'interieur. Et pourtantà bon droit
Joan. 3.
& vrayemeut il dit aux Îuifs au commence
ment de l'Euangile du iourd’huy: Quis ex vobis
arguet me de peccato?Nostre Seigneur voyant la
pertinacité & obſtination des Scribes & Pha
rifiens, & que leurs coeurs du tout eſtoyent
endurcis & inueterez en malice & infidelité,
ik
d e L A P A s s 1 o N. 39ť
il les reprend en leur monſtrant leur aueugle
ment. Et pour ce faire noſtre Seigneur obſerue
la condition requife deuant qu'aucun puiſſe
reprendre vn autre : C'eſt à fçauoir , qu’il ne
doit point eſtre coulpable de ce qui veut re
prendre en autruy. Parquoy noſtre Seigneur
premierement leur dit : qui fera celuy d'entre
vous qui me reprendra iuſtement de peché:
foit petit ou grand, mortel ou veniel, originel
Oll Car premierement ma doćtrine
eft veritable & irreprehenſible , laquelle ne
peut par aucun eſtre confutee. En apres ma
vie eſt irreprehenſible, &laquelle on ne fçau
roit reprocher. Carie ne puis eſtre conuain
cu d'aucun peché. I'enſeigne veritablement,
ie vis fainctement. Ce que i'cnfeigne de pa
rolle,ie le fais d'oeuure & de faićt. Car premie
remết qu'il n’aye point contraćté peché,la dei
té du pere,& l'integrité de la mere amplement
le teſmoignent & depoſent. Eternellement il
a vnpere:mais il eſt Dieu,auquel ne peut tom
ber offenfe. Temporellement il a vne mere:
mais elle eſt vierge entiere & fans macule, &
n'a peu incorruption engendrer corruption.
Dauantage il eſt vray Dieu, de Dieu le pere,
lumiere procedante de la lumiere eternelle,
fans admixtion d'aucunes tenebres. Ceſte pa
rolle nous doit fouuerainement conſoler. Car
voicy vne admirable excellence, & finguliere
prerogatiue, qui eſt en Ieſus Christ nostre Sei
gneur & Sauueur. Carnul e (de fa
- 4
392. D I M E N C H E

propre vertu(ne peut dire, lequel d'entre vous


me reprédra de peché, excepté noſtre Sauueur.
Car comme dit le grand oracle de fapience , le
Prouerb.2°. fage Salomon en Prouerbes: Quis potest di
cere, mundum est cor meum? Qui eſt-ce qui dira
mon coeur eſt pur,ie fuis net de peché:Comme
difant,nul des hommes:Car comme tefmoigne
P/al. 13.
fon pere Dauid: Omnes declinauerūtſimulinuti
lesfaċti funt,non est qui faciat bonā, vſque ad vni:
| : ils ont tous decliné,& fontenſemble faićts inu
- tiles. Il n'est perſonne qui face bien:il n'en y
3.Iºan.I. a qu’vn, aflauoir Ieſus Chriſt.Et S.Iean:Si dici
- mus, quia peccatum non habemus, nos ipſos feduci
mus,& veritas in nobis non est.Si nous diſons que
nous n’auós point de peché,nous nous deceuős
nous-meſmes , & verité n’eſt point en nous.
Mais de ceſte generalité de laquelle declinent
tous par peché, le feul Ieſus Chriſt de fa propre
2 vertu en eft exempt, franc & quitte. En apres
nous ſommes icy enſeignez à l’exemple de Ie
fus Chriſt, quelle doit eſtre la vie des Chre
ftiens: A fçauoir irreprehenfible, fans blafme
- & fans reproche. Il eſt vray que nous ne pou
uons estre fans peché : car les reliefs de peché
auſſi maintenant demeurent en nous,& incon
tinent repullulent & reiettent leurs furgeons
en nous. Mais nous deuons viure deuant le
monde fans crime,c'eſt à dire, fans blafme,ac
cuſation ou reproche: & pource diſoit fainćt
Paul:Fornicatio & omnis immunditia,aut auaritia
- "eenomineturin vobis ſicut decet fančios,crc. Eph.
, * . * . T. V MU C
D E L A P A S S I O N. 393
3. Que paillardife & toute fouilleure ou auari
ce ne foit point nõmee entre vous, ainſi qu'il
appartient aux Sainćts, ou chofe vilaine , ou
parolle folle, ou plaifanterie, qui font chofes
que ne feruent de rien : mais pluſtoſt que ce
foit aćtion de graces. S’enfuit en l'Euangile:Si \
veritatem dico vobis,quare non creditis mihi? Si ie
vous dis la verité , pourquoy ne me croyez
vous ? Comme difant, c’eſt chofe dure & rude *
d'auoir le diable pour pere,
eſtre trompé, de- :

ceu,& abuſé par Pourquoy ne me


croyez-vous, qui vous dis la verité, & vous
promets l'adoption des enfans de Dieu ? yous
ne pouuez estre deliurez de menfonge, finon
par verité : vous ne pouuez eſtre deliurez du
ioug & dure feruitude du diable, finon par le
fils de Dieu : La verité gratuitement vous eſt
reſentee, & vous la Ie me dis eſtre
e fils de Dieu : ce que i'ay approuué, & mon
ftré estre vray. Si ie vous dis la verité, pour
quoy ne me croyez-vous? Qui ex Deo est, verba
Dei audit : lequel paſſage eſt doćtement expo
fé parfainét Augustin auliure de vera innocen
tia, & traći.4.2.in Ioan. Qui eſt de Dieu, il oit Ouyr la pa
les parolles de Dieu des oreilles corporelles rolle, quoy.
& fenfuelles, auechumilité & reuerence, des
oreilles interieures & ſpirituelles, auec plai
fir & confentement, des oreilles d'obeiſſance
auecques oeuure & accompliſſement d'icelle.
Car, verba Dei audire, est obedirepreceptis illius
qui perfcripturas loquitur, cmome dit S. Cyrille
v.
5
394 . . . D I M E N C H E : -

cap.7.lib.6 in Ioanně.Ouyr les parolles de Dieu,


c'eſt obeyr aux cőmandemés de celuy qui parle
par les eſcritures.Et beati qui audiunt verbiž Dei,
& custodiunt illud. Bien-heureux font ceux qui
ainfi oyent la parolle de Dieu, & la gardét. Car
Ioan. 3.
comme dit S.Iean: Amicus ſponſ?qui audit cum,
gaudio gaudet,&c. L'amy de l'eſpoux oyt la voix
de l'eſpoux,& fe refiouyt. Ainfi l'eſpouſe : Vow
Cantic.2. tua fonat in auribus meis. Ta voix à mes
Pfal.11r.
oreilles.Et Dauid dit: Quàm dulciafaucibus meis
eloquia tua,/ per melori meo.Quetes paroles ont
eſté faićtes douces en mon palais, & plus que
|| miel en ma bouche.I'ay eſcouté tes parolles en
mon coeur. Et en vn autre lieu : La loy de ta
bouche m’est meilleure que mille pieces d'or
& d'argent.Proptereanonauditis quia ex Deo non
estis. Et pourtant vous ne les oyez point: Car
vous n'eſtes point de Dieu. Voylà vne treſ-du
re & horrible fentence, laquelle cốdamne non
feulement les Iuifs ; mais auſſi pluſieurs Chre
ftiens.Si ceux-là ne font de Dieu,qui n’oyent la
parolle de Dieu,qui est celuy qui ne voye bien
Matth.2o.
que, Multi vocati pauci eletti. Cőbien que plu
fieurs foyent appellez, toutefoisil y en a bien
peu d'efleus. Doncques qu’vn chacun de nous
voye ſa conſcience,cómentil eſtaffećtionné en
la parolle de Dieu, à l'ouyr, honorer,retenir, &
obeyr, & parlà il verra s'il eſt de Dieu ou non.
Les Iuifs dóc reſpondirent & luy dirent:Nónne
benedicimus nos quia Samaritanuses,& demonium
habes?Ne diſons-nous pas bien que tu es Sama
- ritain,
d e L A P A s s 1 o N. 395
ritain,& que tu as le diable? Les Iuifs appellent Isºlaif at
Ieſus Chriſt Samaritain. Premierement pour
ce qu’il auoit demeuré quelque temps auec les .
Samaritains. Secondement à cauſe que aucu- pourquoy.
nefois il preferoit & plus eſtimoit les Samari- Ioan.*.
tains que les Juifs, comme en la parole de ce
luy qui deſcendoit de Hieruſalem en Hierico. Luc.ro. ,
Tiercement pource qu'il eltoit tranſgreſſeur
de la loy, comme les Samaritains, qui de natiő
eſtoyent Gentils: mais par conuerſation demis
Iuifs.Car ils auoyent receu les liures de Moyſe,
& eſtoyenț circoncis.Or les Iuifs fçauoyết que
Ieſus de nation eſtoit Iuif, mais pour meſpris,
ils l'appelloyent Samaritain:c'eſtà dire,en par
tie obſeruateur de en partie tranſgreſ
feur. Ils difent auſſi qu'il a le diable,en l'accu
fant fauffemét, & difant que fes æuures,cốme
autrefois ils ont faićk, estoyent faićtes en Beel
zebub Prince des diables. Ou pource que fou
uent il manifeſtoit les ſecrets de leurs coeurs:
ce qu’ils penfoyết estre du diable.Et par ce ſeul
mot, ils calomnient la doćtrine , & vie de Ieſus
Chriſt.Premierement la doćtrine, quandils di
fent qu'il a le diable:& fa vie, quand ils difent
qu’il eſt Samaritain, & tranſgreſſeur de la loy.
Par là nous eſt fignifié que la vie & doćtrine
des gens de bien eſt touflours ouuerte aux ca
lomnies & fauffes accuſatiốs des meſchãs.Car
comme dit noſtre Seigneur: Si patremfamilias
Beelzebub vocauerät,quantomagis domesticos eius?
S'ils ont appellé le pere de famille Beelzebub,
COIIA
396 - * :D I M E N C H E

Hek.za.combien plus fes domeſtiques#Pource: Recogi


ta eum qui talem fustinuit à peccatoribus aduerfum
femetipſam contradittionem, vt non defatigeris ani
mo tuo deficiens. Confidere diligemment quelle
contradićtion le fils de Dieu a fouffert des pe
cheurs,à fin que tu ne defailles en tő courage,
fi chofe femblable aucunefois t'aduient. lefus
reſpondit: Demonium non habeo. Ie n'ay pas le
diable. Tu vois icy comment S. Pierre verita
blement a dit de noſtre Seigneur: Qui cùm ma
r. Pet. 2.
lediceretur nõ maledicebat. Lequel quand on di
foit mal de luy, il ne redifoit point mal. Il ne
nie point qu'il ne foit Samaritain. Car felon la
fpirituelle fignification, il eſt vray Samaritain: |
c'eſt à dire, qu'il prend garde à nous, comme
pf.l.,,,. noſtre gardien:Custodit enim omnes diligentes fè. '
Pſal. ras. Car il garde tous ceux qu'il ayme: & garde les
ames de fes Sainçts.Nist dominus,crc. Si noſtre
Seigneur ne garde la cité, en vain veille celuy
qui la garde. Et pource il ne reſpond point au
crime de vie qu'on luy met au deuant : pour
nous enfeigner que à fon exemple il ne faut
pas beaucoup trauailler à deffendre l'innocếce
de noſtre vie des calomnies & fauſſes allega
tions: à fin que nefoyons point veus plus con
uoiteux & amateurs de vaine gloire, que def
fendeurs d’innocence & de verité. Mais noſtre
Seigneur reſpond à l'accuſation & faux blaf
me de fa doćtrine. Car par tous moyens il faut
* affirmer & garder à la doćtrine fon authorité
& verité. Car cela n'est point referé à noſtre
* gloi
D E L A - P A S S I O N, 397
gloire : ains à la grace de Dieu. Icy nous fom
mes enfeignez que nous deuonsvenger & def
fendre auecques grande diligence les chofes
qui appartiennent a l'hốneur & gloire de Dieu:
mais les reproches qui font faićts à l'encontre
de nous, nous lesdeuons mefpriſer.C’est ce que
dit S.Hieroſme contra Vigilantium, meam iniu
riam ferre poffum:Dei, nonpoffum.Autant en dit
il aduerfus errores Ioannis Hieroſolymitani. Et S.
Auguſtin episto. 32.Si æquo animo ferimusiniurias,
Dei, equo animo non fumus ferendi. Mais le mon
de faict le contraire de ceste doctrine.Surquoy, „...„.
nous faut
res. noter qu'ililaatroismanieres
Premierement d'iniu-
des hommes qui pa- se

tiemment ſouffrent les iniures pour l'honneur


& amour de Ieſus Christ:defquelles ils ne veu
lent point prendre vengeance, combien qu'ils :
ayent la puiſſance : ains de bon eoeur pardon- " " "
nent les iniures à leurs perſecuteurs : & tels
font les enfans de Dieu. Secondement les au
tres font qui ne veulent offenfer, ny eſtre of
fenfez: & tels font enfans de Adam, Tierce
ment les autres font qui font iniure & offenfe
à leurs prochains, en rendant mal pour bien:
& tels font les enfans & membres du diable
& de l’Antechrift, Doncques qu’vn chacun en
tre au cabinet de fa cóſcience, pour fçauoir &
cognoistre defquels trois il eſt enfant & mem
bre. Ie te confeille patiemment endurer pour
l'honneur de Dieu: & finablemét tu feras poſ
festeur des cieux. Donc noſtre Seigneur dit:
3, De
398 D I M E N C H E

Demonium nő habeo fed honorificopatrem. Ie n’ay i


point le diable: maisie honore mon pere:com- :
me vray & pur homme que ie fuis. Vos autem
inhonorastis me.Et vous me faićtes deshonneur.
Par là il preuue qu'il n'a point le diable: pour
ce qu'en tout & par tout il cerche la gloire de
Dieu. Or auoir le diable & honorer Dieu
|
font deux choſes contraires. Car le diable ne i
peut honorer Dieu, & autre chofe ne luy em
peſche à falut. Mais vous me faićtes deshon-
neur.Ces deux mots ont vne grande emphaſe:
à fçauoir vous & moy. Car ils fignifient plus
qu'ils ne dient:vous me faićtes deshonneur,di
fans que i'ay le diable. O execrable & abomi
nable blaſpheme,& iniure pleine de contume
lie & d'infamie, dire & approprier au fils de
Staff heme en Dieu qui eſt la puistance & ſapience diuine,
? Ltuas le diable! Et puis que nous fommes fur
ie plus grief,
e pourquoy. le propos du peché de blaſpheme, ie vous ad
uertiray que c'eſt vn peché entre les autres le
plus abominable des abominables, pour plu
fieurs raiſons. La premiere à caufe de l'incli
nation. C’eſt vne maxime en theologie : le pe
ché eſt moindre, lequel a plus grande inclina
tion à le commettre : auſſi le peché eſt plus
grand,lequel a moindre inclination à le com
mettre en vne meſme eſpecc de peché. Com
me moins peche le jeune que le vieux au pe
ché de luxure. Car il eſt plus incliné à ce Pe
ché, veu fa complexion qui eſt chaude & ħu
mide. Et le vieųx eſt d'vne complexion feiche
-

&
D E L A P A S S I O N. 399
& froide: pource plus griefuement en cela pe
che le vieux que le ieune. Or tout peché a
quelque motif à le commettre, excepté le pe
ché de blaſpheme. Orgueil eſt le motif qui in
cite l'homme en habits pompeux: Auarice au
plaifit d'auoir des biens fếporels:Delećtation à
luxure:Gloutónie à gourmander & yurongner.
Maisie te demande,ổ blaſphemateur,qu'est-ce
qui t'eſmeut à blaſphemer le precieux chefde
leſus Chriſt? Lequel pour toya eſté couronné
d'eſpines aigues & penetrātes ſon chefrufques
au cerueau. Regarde les groffes gouttes de
fon rouge ſang, entremeflees auec les larmes
qui diſtillent de fes deux yeux, comme de deux
fontaines, & decoullent parfon triſte & do
lent vifage. O maudiét, miferable, mal-heu
reux, & damnable ! C’est pour toy couronner
d'vne couronne de gloire immortelle. Et ponr
toute gratuité & recompenfe, tu blaſpheme &
iure la teſte Dieu , laquelle il a inclinee en bas
our te baifer. Et en deſpit de Dieu , tu iure
| teſte Dieu. Penfe & repenſe que fera ce que
de toy, qui iure la chair Dieu , laquelle pour
toy a esté defchiree, defchiquetee, hachee me
nu comme chair à pasté : liee, flagellee,pour te
deflier desliens de peché,des lacs de fathan, &
des priſons d'enfer, & pour toute recompenfe
tu iure la chair Dieu ? Et toy qui iure le fang
Dieu,propoſe deuất les yeux de toname, com
me ton bon Pere & Sauueur par le pris de fon
fang,fi amplement eſpanché,qu'il ne luy en eft
pas
4OO D I M E N C H E

pas demeuré vne goutte , t'a racheté. Et toy


qui iure la mort Dieu, conſidere, ô damnable
blaſphemateur, que ton Dieu eſt Sauueur, &
que par le merite de fa trestacree & digne
mort, il t’a acqueſté falut, & la vie eternelle,&
par ton execrable blaſpheme tu renonce au
merite & efficace de fa precieuſe mort: tu def
auouë le threfor de ſa Paſſion, tu t'oblige à
eché, au diable, à damnation, aux prifons in
flammes du feu d'enferinextingui
bles, pour à toustours eſtre damné au profond
lac d’enfer,auec les mốſtres diaboliques, fouf
frant l'horrible vifion d'iceux, endurant peine
qui toufiours dure , tourment. qui toufiours
tourmente, bleſſure qui toufiours bleſſe. Etie
te prie par le merite & threfor celeſte que Ie
fus Christ par fa tres-cruelle mort nous a ac
queſté,de laiſſer & abandonner ce tant execra
ble, damnable, & abominable peché de blaf
pheme. Et là où tu auois accouſtumé de iurer,
pariurer, & blaſphemer, employe toy mainte
nãt recompenfe à louër, magnifier, glori
fier le treſlainćt nom de Dieu,vaquer en aćtion
& exhibition de grace enuers Dieu,recognoiſ
fant les grands biens, leſquels de fa grace gra
cieuſement & gratuitement il t’a fait. Penfe
doncques que ce peché entre les autres, à rai
fon d'inclination, eſt le plus grief. Car tu dois
eſtre plus incliné à le louër & magnifier, que
le iurer & blaſphemer. Parquoy à bon droićt
fe plaint l'eſprit de Dieu par fon Prophete
- ; Eſaie;
D E L A P A RS S I O N. 4OI
Efaie: Visto Efaiefilij Amos: Audite celi,auribus E/*.x
percipeterra, quoniam Dominus locutus est, Filios
enutriui & exaltaui: ipst autem ſpreuerunt me. Co
gnouit bospoffefforem fuū, & afinuspreſepe Domini
fui,Iffael autem me nõ cognouit.La vifion d'Eſaie
fils d'Amos. Eſcoutez cieux, & toy terre, pre
fte l'oreille. Carl'Eternel a parlé. I'ay nourry
des enfans, & les ay efleué : mais iceux m’ont
eſté rebelles. Le boeufa cogneu fon poſleffeur,
& l'afne la creſche de fon maiſtre: mais mon
peuple ne m'a pas cogneu,Iſrael ne m'a pas en
tếdu.Hagent pechereſſe, aggraué d'ini
quité,mauuaife femence,enfans corrompus.Ils
ont delaiſſé le Seigneur, ils ont prouoqué le . . .
Sainćł d’Iſrael,ils fe font retirez en arriere.Ce
luy qui te pouuoit faire vne pierre, vn bois, vn
oyſeau.vnpoiſſon,vn boeuf.vn ſerpent,crapaur
· ou dragon: toutefois il t'a creé à fon image &
femblance. Il t’a racheté par le pris de fon pre
cieux & digne fang, & non par choſes corru-
ptibles. Il te veut faire citoyen du pays & pa
radis celeſte, pour eternellement demeurer &
regner auec luy. Le tout confideré, ne dois
tupas plus eſtre incliné à le magnifier, remer
cier, que non à le defauoüer, & blaſphemer?
Et par cela vous voyez bien pour la premiere
raiſon, à fçauoir d'inclination, que le peché le
plus grief des griefs, est le peché de blaſphe
me, par lequel tu vitupere les membres de Ie
fus Chriſt, par leſquels il a voulu parfaire ta
redemption. La feconde raiſon eſt prinſe à
Cc
4o2 D I M E N C H E

caufe de la perpetuelle duree du peché de bla


fpheme. Car le peché eſt d'autát plus grief.cő |

me il eſt de plus longue duree. Comme austi il


appert des vertus. Charité eſt la plus grande
vertu pource qu’elle eſt de perpetuelle duree,
veu que les autres vertus defaudront. Ainſi eſt
il des pechez. Car d'autant plus que l'homme
perfeuere en peché,d'autant plus eſt griefue &
chargee fa conſcience. Veu donc que le peché
de blaſpheme dure en ce preſent fiecle, & eſt
de fa nature irremiſſible, ce que ne font les au
tres pechez, à raiſon de ceſte plus longue du
ree,c'eſt vn peché de tous pechez le plus grief.
Arºral.rº.Tefmoignant fainét Iean en fon Apocalypſe.
Blasphemauerunt Deum cali pre doloribus & vul
neribus fuis. Ils ont blaſphemé le Dieu du
ciel, à cauſe de leurs douleurs & playes. Et
tout ainfi q les bienheureux apres leiugement
P/al.z* o.
louëront Dieu d'vne loüange vocale: comme
dit Dauid:Exultationes Dei ingutture eorum:Les
ioyes de Dieu ferőt en leur bouche. Ainſi aux
damnez fera blaſpheme vocal & perpetuel à
leur bouche, qui continuellement maudiront
l'heure en laquelle ils ont eſté conceus:la nuićt
ou le iour en laquelle ou auquel ils ont eſté
nais & baptifez : & la vie qu'ils ont demené,
quãdpar leurs demeritesils feront destituez de
toutes ioyes,plaifances, à perpetuité : & plon
gez & abyfmez au puant & acre feu infernal,
dans lequel cótinuellement ils blaſphemeront
la puistànce de Dieu & vertu diuine. Dont
- pource
D E L A : P A S S I O N. 403.
pource que ce peché est de plus longue duree
que les autres,par confequent, il eſt aụſli plus
grief: pource qu’il ſurmonte pluſieurs autres:
pechez enormes, & mcfme le peché d'homi-- |

cide.Car d'autant plus que Ieſus Chriſtett plụs Blastheme


noble que
commis l'homme,
contre d'autant
fa majeſté plus leeftpéché
fouucraine plus :
S’
grief que celuy qui eſt commis contre l'hom- J«

me. Le meurtrier fanguinaire eſpanche le fang:


de l'homme: mais le pecheur parfon blaſphe
me eſpanche le fang de Ieſus Chriſt.Donc ſon
peché eſt plus grief que celuy du meurtriçr.,
D’auantage le peché de blaſphcmc furmonte,
le peché des Iuifs, qui ont cloué & crucifié Ie-blaſpheme
fus Christ au fupplice de la croix, & pour plu-ſarrente tº
fieurs raiſons,

:: :
-

-
- * -- -- - - -

*
* a *
-
-:
-
: : ::
'uifs qui one
Premierementpour raiſon de cognoillance:
Car les luifs n’ont point cogneų feſus Chriſt s pourquy.
eſtrevray Dieu,comme teſmoigne tajnçt Paul:
Si cognouiffent,nunquam dominū gloriæ crucifixif-y-Cºr-2.
fent:S’ils l'euffent cogneu, iamais ils n’eustent . . . . .
crucifié le Seigneur de gloire : Scio, fratres,quia:. Ait.s.
* - - - - - -

er ignorantiam feciiiis. le fçay mcs fretes, dit


fainct Pierre, que vous l’auez faict par ignorá
ce. Mais celuy qui blaſpheme Dicu, il fçait . . . . .
qu’il eſt Dieu, & partant il peche plus griefue ·
ment.Secondemét le peché du blaſphemateur
eft plus grief que des juifs qui ont crucifié le- , .
fus Chriſt, à raiſon de la foy & promeste que le . . ..
Chreſtien a faićt au bapreſime:à fçauoir,qu'il a
renőcé à Sathã, & à toutes fes ceuures & pom
Cc 2 .
( 404 D I M E N C H E

pes, & qu'il a promis d'obſeruer les fainéts cő


mandemens de Dieu: entre leſquels il eſt pro
hibé de ne iurer ou blaſphemer. Ce que n'a pas
i faićt le Iuif.. Doncques le peché du blaſphe
- mateur eſt plus grief que celuy du Iuif, qui a
crucifié Ieſus Chriſt. Tiercement à raiſon du
lus grand & noble eſtat:car d'autant plus que
perſonne eſt de plus noble condition , d'au
le peché commis contre luy eſt plus
rief: comme d'vn foufflet donné en la ioüe
d'vn Roy,& d’vn mechanique, ou à vn Eueſ
que, & à vn fimple prestre.Mais l'estat de Ieſus
Christ regnant au ciel, eſt plus grand que celuy
qui regne en la terre.Les fuifs ont vituperé vn
homme mortel en ce fiecle: mais de blaſphe
mateur vitupere celuy qui eſt immortel aux
cieux: parquoy fon peché est plus grief que
celuy du Iuif, pour les raiſons cy deſſus alle
guees. On dit communément , à la parole on
cognoist l'homme de quel pays il est: comme
Matth.**. il eſt eſcrit de fainét Pierre: Loquela tua mani-
festumtefacit.Austiil n'y anul peché par lequel
on puiſſe plus clairement cognoistre que l'hom
me est damné, que par le peché de blaſpheme:
Nostre car mostre Seigneura faićt trois prouinces : &
% en chacune d'icellesily a mis yn langage pro
Gff » pre, à fauoirla celeſte, terreſtre, &
terrestre, e infernalle. Le langage de la prouince celeſte
infernale est de parler paroles de Dieu, de loüange &
gloire de Dieu, de paix & edification de beni
ftre, loüer, & glorifier Dieu : com
II) C
D E LA P As si on. 4of
me dit le pſalmiſte Dauid: Beati qui habitantin Pfalu,
domo tua domine:in fecula/ecularum laudabunt te.
Bien-heureux font ceux qui habitét en ta mai
fon, carils te louëront au fiecle des fiecles. Le
de la prouince & pays terreſtre eſt de
arler des choſes corporelles, temporelles, &
terreſtres,ſelon que tefmoigne le teſmoingir
refragable Ieſus Chriſt , auquel on ne peut
contredire: qui de terra est, deterraloquitur, qui . . .
, est de la terre, il parle de la terre. Le langage "***
du pays infernaleſt de maudire, iurer,pariurer,
v, & blaſphemer le nom de Dieu, & fes precieux
membres, les Sainćts & Sainćtes de paradis.
Doncques vn chacun facilement peut eſtre
cogneu de quel pays il eſt:celuy doncques qui
parle parole de paix, d'edification & de loüan
ge de Dieu, c'eſt vn argument & certification
qu'il eſt de la partie de Ieſus Chriſt, & de fon
pays & paradis celeſte. Et qui parle paroles
terriennes , mondaines, & prophanes, c'eſt vn
indice & figne qu'il eſt de la partie des enfans
de ce vieil Adam terrestre, & que le monde
luy appartient, & non pas le ciel, & qu'il eſt
affis & couché en ce monde comme vn chien
en fon fumier: celuy qui parle paroles de men
fonge, de maledićtion, de detraction, & blaf- .
pheme, c'eſt vn indice & argument qu'il eſt
de la prouince infernalle , & de la partie du
diable; car comme fon fils & fon membre,il
parle le propre langage du diable.Les blaſphe
mateurs ne doiuent pas estre r : en teſmoi
- s 3
* . . .
* - 4d6 . . . d 1 M E N c H e
gnage:car pour vn rien ils iurent, pariurent, &
blaſphement le nom de Dieu & des Sainćts.
unition de Les blaſphemateurs felon la loy de Dieu font
Abla/phema -
fessrs. lapidez,cornme il est eſcrit au Leuitique:Quãd
-

leui.24. le fils de la femme eut blaſphemé le nom du


Seigneur,il fut lapidé par le peuple: là où il eſt
dit: Dominus locutus est ad Moyſem dicens, Educ
blaſphemum extra cafira, & ponant omnes qui au
dierunt manus fias/iper caput eiu:ë lapidet eum
populus vniuerstu. Le à Moyſe,
difant: tire hors de l'oſt le blaſphemateur, &
tous ceux qui l'ont ouy, mettent leurs mains
fur ſon chef, & que toute la congregation le
lapide: & qsi blaff hemauerit nomen domini,morte
moriatur: Qui aura blaſphemé le nom de Dieu
mourra de mort. Sennacherib Roy des Affy
riens apres auoir astiegé Hieruſalem, s’efleua
en fon orgueil, & blaſphema le nom du Sci
gneur, & la nuict enfuyuante l'Ange frappa de
fes genfd'armes centoćtante cinq mille hom
fnes , & luy de grand peur & frayeur fuyant,
fut occis défes propres fils. Olophernes quand
il blaſphemoit le nom de Dieu, difant, qu'il
n'y auoit point d'autre Dieu que Nabuchodo
Fudith ry.
nofor, il fut mis à mort par la bonne & ver
s. Reg. Ir
tueuſe dáme Iudith. Nabot par faux tefinoings
Daniel.3. accuſé de blaſpheme, fust lapidé. Nabucho
2. Mach. 1s. donofor par blaſpheme , fut dechaffé de fon
Royaume. Nichanor blaſphemateur, fut oc
cis, & ſon armee vaincuë. Les Iuifs pour le
peché de blaſphemë defchiroyent leurs veste
e mens
. . d e 1. A p a s s r o N. 407
més, & bouchoyét leursoreilles pour n'ouyr le
blaſpheme. Les faincts Peres auoyent ordonné
que celuy qui blaſphemeroit le nom de Dieu
& de la Vierge Marie, feroit puny publique
iment l'eſpace de ſept femaines, & en cha
cune femaine le védredy & famedy,ieufneroit
au pain & à l'eau : & aux iours des Dimenches
demeureroit droićt deuant la porte de l'Egliſe,
fans robbe & chauſſure, & fans chemiſe, &
pieds nuds »vne corde au colsen priất ceux qui
entroyent en l'Eglife, qui leur pleuſt preſenter
oraiſons à Dieu, pour la & pardon
de fes pechez: & le peuple le conſoloit & ex
hortoit à prendre patience, & que noſtre Sei-'
gneur luy feroit miſericorde. A la mienne vo
lonté que les peres confeſſeurs donnaſſenttel
lepenitéce à ces vieux blaſphemateurs du nom
de Dieu, & de fes precieux membres, & leur
commandaffent de ieufner au pain & à l’eau:
parce moyen ceste rage enragee & furieinfer
malle, c'eſtà fçauoir, l'eſprit du blaſpheme fe
roit aiſément dechaſſé du milieu de nous, &
banny iuſques aux dernieres ifles. Il n'y a cité,
ville,ou village bien reiglé,qui ne doyue auoir
conſtitutiốs,edičts, commandemens & ordon
nances contre les blaſphemateurs. Sion diſoit
maintenant quelque mald'vn Prince ou grand
Seigneur, aigrenient & rigoureuſement on fe
roit puny. Et le Dieu des dieux, le Seigneur
des feigneurs, le Roy des toys, le Monarque •
du ciel, l'Empereur de la terre,le Dieu des ver
- Cc |4
408 ... . D 1 M E N C H E -

tus est griefuement blaſphemé,& vous n'en te:


nez compte. C’eſt à vous à qui ie parle, meſ
fieurs les Princes & Seigneurs temporels, offi
ciers de Iustice, qui auez l'aućtorité de iuger,
gouuerner, & commander: vous voyez à yeux
ouuerts, vous oyez de vos oreilles les execra
bles blaſphemes , que les puants & infames
blaſphemateursiournellemết proferent contre
Îa fouueraine bonté,& vous fermez les yeux &
faićtes l'oreille fourde. Vous en maudirez vne
fois l'heure & le iour: car vous en rédrez com
pte deuant l'equitable iuge, auquel on ne peut
rien cacher. Et toy pere de famille, qui endure
que ton fils ou ta fille, feruiteur ou chambriere
iurent le nom de Dieu en ta prefence, corrige
& empeſche telle infoléce & diſſolutiốn'estre
faićte en tá maiſon cốtre l'hőneur de ton Dieu
pien a feiâ & pere fauueur. Maisie vous demande pour
- plenºir dº quoy est-ce que ce grand Dieu de Sabaoth, le
ciel guerre, f); e, , , 1, :l1-- É - : -

peste, er fa- Dieu des du ciel fus la


amine. terre,les trois fleaux de ſa iustice diuine:A fça *

-uoir guerre, laquelle fi longuement nous a op


preſſé: La peſte, laquelle nous a vifiré,encores
n’en ſommes nous pas exempts & quittes: La
- cherté qui nous a affailly, & la famine laquelle
de fi presnous menaffe ? Croy moy, Chreſtien
monamy,ố Dieu nousenuoyetels fleaux prin
cipallement pour le peché de blaſpheme:cóme
Dieu meſme ſe plainót parfon Prophete Eſaie:
F/** & Vegentipeccatrici, populo graui iniquitate,femini
nequam filijsfČeleratis Maledićtion à la gent pe
chereſſe,
D E L A P A s s 1 o N. 409
chereſſe, peuple aggraué d'iniquité, mauuaife
femence,enfans corrőpus,ils ont delaiſſé le Sei
, gneur, ils ont blaſphemé le Dieu d'Iſraël. I'ay
grand peur & grand doute , mes amis & freres
Chrestiếs, que ce grãd tőnerre & fureur de l'ire
de Dieu ne tőbe fur nos teſtes, ſi nous ne venős
à amendemét. Et pource vn chacun refrene fa .
langue,& que tous ſemblablement d'vn coeur
& d’vne bouche nous donnions benedićtion
d'honneur,de loüange & de gloire à Dieu, qui
eſt beneiſt par les fiecles des fiecles eternel
lement. C'eſtaffez parlé de blaſpheme:retour
nons au texte de noſtre S. Euangile. I’honore
mőpere,& vousme faites deshonneur Gloriam
meã non quero.Est qui quærat & iudicet.Ie ne cer
che point ma gloire, il y a qui la cerche,& qui
en iuge. En ceste maniere le bon Chrestien ne
doit point cercher ſa gloire:cars'il ne la cerche
point,la gloire ne luy deffaudra point : comme
il eſtefcrit: Quicunque honorificauit meglorificabo ****
eum. Celuy quí me glorifie en ce monde, ie le
glorifieray aux cieux. Par là nous fommesin
ftruićts que fi Dieu qui eſt la gloire de fes amis
& fideles feruiteurs les glorifiera , il n'est pas
de beſoing qu'ils foyent folliciteux de
dreou acquerir gloire. Et fi Dieu venge les in
1 iures de fes
fe végét enfans,il n'estCar
de foy-meſmes pasDieu
de beſoing qu'ils Zach. e.
a dit: Quivos
tangit,tangit pupillam oculi mei: qui vous touche,
il touche la prunelle de mon ceil. Et en fainét -

Matthieu: Quod vni ex minimis


i Cc í
meis fecištis mihi Matt*.**.
41a . . D1 M E NcHÈ . ..
fëçiftis, . Ce que vous auez faićt à l'vn de mės
moindres, vous l'auez faićt à moy. Amen amen
dico zobis, Si quis fermonem meum feruauerit,& c.
En verité, en verité ie vous dis , il repete
Pour plus grande certitude & alleurance, que
fi aucun garde ma parolle par foy vers Dieu,
...„..., & par charité vers fon prochain , il ne verra
point la mort eternellement. Comme le fi
fidele. delle medecin, combien qu'il foit iniurié par
le patient, toutefois il ne ceſſe de bailler &
mettre les remedes de fanté. Ainſi noſtre Sei
gneur Ieſus Chriſt n'eſt point efmeu ny trou
blé parles iniures atroces des Iuifs : ains per
feuere à ce qu'il auoit encommencé:Siquis fer
monem meum feruauerit, nongustabit mortem in
sternum. Si aucun garde ma parolle,il ne verra
Piff
tre mourir 69'
point la mort eternellement. C'est autre chofe
* * * -

voir la mort. de mourir,& voir la mort. Les fainćts meurent


auflifelon le fens exterieur: mais ils ne voyent
- , pas la mort. Car leur mort veritablement eft
vn fomne, & vn dormir: mais ceux voyent la
mort, qui font damnez: car ils font priuez de
la parolle de vie. Voicy vn lieu notable pour la
conſolation de ceux, deuant les yeux deſquels
la mort eſt propoſee. Car fi parlafoy ils preſen
tent à la mort parolle de Dieu, qui eſt la pa
rolle de vie eternelle, incontinent la mort s'ef.
uanoüyra, & ne fera point veuč. Icy nous de
uons auſlinoter, que Ieſus Christ ne dit pas: Si
quelqu'vn oit ma parolle, mais il dit, fi aucun
garde ma parolle. Carce n'eſt pas affez d'ouyi,
11121S
\ d E LA P A s s r o N. 4Ir
maisil faut faire comme dit ſainćł Paul: Non Rºm.a.
a auditores legis, ſed factores iustificabuntur: non
point les auditeurs de la loy » mais les faćteurs
de la loy feront iustifiez. Comme icy, non pas
celuy qui oit , mais celuy qui garde les parol
les de Ieſus Chriſt eſt deliuré de la mort. La
quelle parolle de Ieſus Chriſt eſt gardee par
foy & par ceuure : Dixeruntergo & Iudai : nunc
cognouimus quiademonium hahes.Les Iuifs donc
ques luy dirent : maintenant nous cognoiſſons
que tu. as le diable. Icy l'eſcriture fainćte clai Triple more
rement nous demonſtre qu'il y a trois manieres diffemblable.
de morts,leſquelles font bien dillemblables &
diuerfes l’vne à l'autre. ll y a la mort du corps
a qui eſt vne diſſolution ou deſliement de l'ame
de la priſon du corps, & celle mort ne doit
point tant eſtre appellee mort, comme dor
mition, paſlage & migration de ceſte vie, ou
depofition du fardeau du corps. Et pource
qu'elle eſt commune à tous & ineuitable, on
ne la doit point redouter mais pluftoft la defi
rer. Comme le S. Roy Dauid qui difoit : Heu P/al. 119.
mihi quia incolatus meus prolongatusest,Helas que
ma peregrination est prológee. Et fainćt Paul: Philip,r.
Cupio diffolui & effe cum Christo. Ie defire eſtre
deſlié,& eſtre auec Ieſus Chriſt. Il y a vne autre
mort de l'ame,qui est la ſeparation d'icelle par
faute commife cốtre Dieu en ceſte vie. Anima Ezec.rs.
? speccauerit ipſa morietur. L'ame qui pechera,
ellemourra. Et la troifieſme par la gehenne du
feu infernal apres le commún cổurs de ceſte
. Pre
I

412 - . D1 M E N c h e -

preſente vie. Ceſte mort doit eſtre grande


ment craincte: & de ceste mort parle Ieſus
Christ quandil dit,Si aucun garde ma parolle,
il ne verra point la mort eternellement. Donc
ques ce que les Iuifs repliquent, ne vient pas à
propos ; quand ils difent : Abraham mortuus est
& Prophete. Abraham eſt mort, & les Prophe
tes. Certainement ils font morts de la mort la
quelle ſepare l'ame du corps. Ils ne font pas
morts de celle mort laquelle ſepare l'ame de
Dieu ou de fa gloire.Pource difoyết-ils, Abra
ham eſt mort & les Prophetes. Et tu dicis,Si quis
fermonem meum feruauerit non gustabit mortemin
eternă. Nữquid tumaiores parenostro Abraham,
qui mortuu est, & propheta mortuifunt? Qugteip
fumfacis?Et tu dis,ſi aucun garde ma parole, il
negouſtera point la mort eternellement. Estu
plus grand que noſtre pere Abraham qui est
mort, & que les Prophetes qui font morts:
Quel te faistu toy-meſine? Ieſus reſpond: Si
ego glorifico meipſam gloria mea nihilest. Est pater
meus qui glorificat me.Siie me glorifie moy-meſ.
me,magloire n’est rien.C’est mon pere qui me
glorifie,lequel vous dites qu'il eſt voſtre Dieu,
& ne l'auez point cogneu,mais moyie l'ayco
gneu. Etfi dixero quia non noui eŭ,erofimilisvobü
mendax,&c. & fiie difois que iene l'ay point
cogneu, ie ferois menteur femblable à vous:
Mais iele cognois & garde fa parole. Abraham
voſtre pere exultauit vt videret diem meum, &c.
s’eſt e pour veoir moniour , il l'a veu,
&

;
- D E LA P AS s I o N. 4 I3
& s'eſt efiouy. En ceſte fentence nous faut no
terpluſieurs
en qu'Abraham a veu lePremierement
manieres. iour de Ieſus quand
Chriſt Abraham
le

ilareceu la promeſſe du Meſfias aduenir. Car


par ceſte Abraham a veu fon iour, &ă
s'en eſt efiouy:carila rit en fon coeur, & a esté.
remply de la ioye de l'eſprit. Secondementil a
veu le iour de nostre Seigneur, quand Iſaac -
luy eſt nay, Caril a eſté le loyer de la longue
attente,tefmoignage du vray Dieu, commen
cement de la poſterité, fondement du genre
humain, argument de falut, femence du Meſ
fias aduenir. Et pourtant à bon droict Iſaac a
prins fon nom du ris. Tiercement il aveu le
iour de Ieſus Christ,quand en figure de la fou- ºººººr.
ueraine Trinité, il a receu trois Anges en ſon
logis,aufquels troisil a parlé comme à vn. Par
là il a veu que l’vne des trois perſonnes de la
Trinité par aſſumption de chair feroit la deli
urance de nature humaine. Quartemét il a veu
le iour de Ieſus Chriſt, quand il menoit fon .
fils Iſaacen la montaigne pour l'immoler. Carº“
comme Iſaac a porté le bois, ainſi Ieſus Christ
a porté ſa croix : & comme Iſaac eſt demeuré
vif& le moutő a esté immolé:ainſi Ieſus Chriſt
comme Dieu a esté exempt de la paſſion, mais
a fouffert en feule humaine nature & en chair.
Abraham vidit diem meum & gauista est:Abra- . .
ham preuoyant ce iour de il s’eſt ef
iouy, pource que ceſte paſſion feroit pour le
falut du monde. Donc nostre Seigneur par
« , . 1TC

|
414 D I M E N C H E -

fte parolle leur demonſtre qu'ils ne font pas


vrais enfans d’Abraham. Car de ce qu'Abrahã
s'efiouyſſoit,de ce les Iuifs eſtoyent marris-in
* cenſez & hors du fens. Les Iuifs doncques luy
dirent, Annos quinquaginta nondum habes & A
braham vidisti ? tu n’as encores cinquante ans
& tu as veu Abraham ? Iefus Chriſt dit que
Abraham a veu fon iour, & ils repetent, tu as
veu Abraham: comme difans., fi Abraham a
veu ton iour, vous eſtes d'vn meſme temps,
& vous auez veu l'vn l'autre. Ce qui eſt mani
festementfaux, car tu n’as pas encores cinquã
te ans.Ieſus leur dit:Amen Amen dico vobis, an
tequam Abrahã fieret egofum.En verité en verité
ie vous dis:deuant qu'Abraham fuſt faićt, c'eſt
à dire creé quant à l'ame, ou engendré quãt-au
corps, ie fuis en nature diuine eternellement.
Il ne dit pasauant qu'Abraham fuſt faićt si’e
ftois,ou i’ay eſté, ouie feray;maisil dit, ie fuis.
Les choſes corruptibles ont commencement
de leur naiſtre,& finablement apres l'eſpace de
leur temps,ils tendent à l'iſſue. Maisla diuini
té eſt toufiours en vn meſme estat, de laquelle
rien ne-court ou decoulle en tempspaſſé,& rien
n'aduient en remps aduenir : & pource il ap
pofe la domination par la prefence de fa feu
le parole de toufiours eſtre : comme il diſoit à
Exod.s. Moyſe: Ego fam qui film : & qui est , miſit me.Ie
fuisqui fuis,& celuy qui est, m’enuoye à vous.
En apres,pource qu'Abraham eſt creature, il eft
dit le fils de Dieu n'est point dit
. :: eſtre
e DE-
LA -
P A s s I o N. �, 415
eſtre fait: mais estre eternellement. Et pař ce
fte parolle manifeſtement il monſtre contre les *, * - rw
Arriens qu'il eſt Dieu. Tulerunt ergo lapideszt
iacerent in eum. Ils prindrent des pierres pour . . .
Mesthäs pro
ietter contre luy. Les meſchans toufiours pro fitent de mal
fitent de mal en pis. Premierement ils l'ont e72 46 •

appellé demoniacle. Secondement par grand


meſpris ils fe font mocquez de luy : & mainte
nant, comme s'il eſtoit blaſphemateur, ils ont
leué des pierres pour le lapider. Conuenable
ment ils couroyent aux pierres , ayans leurs
coeurs plus durs que pierres:& celuy lequel ils
ne peuuent vaincre par raifon,ils ſe parforcent
de le mettre à mort par grande violence. Telle
eſt la nature des meſchans, & ſpecialement des
heretiques, comme remonstre fainct Athanafe
en vn traicté contra Arianos, (leſquels le mena
çoyent d'auoirfon Eglite par , s'ils he
la vouloit quitter, & le faire mourir s'ils ne l'a
uoyent par calomnies & impoſtures) & fainćt
Baſile epist.8 o. deſcriuant le naturel des hereti
ques par vn apologue du loup & de la brebis,
Hefus autem abstõdit fè. Et Ieſus ſe cacha & s'ab
fconça non derriere vn pillier ou derriere vne
muraille de pierre : mais par vertu diuine il . ***
s'eſt rendu aux Huifsimuiſible. Car le diamant
de diuinité, lequel eſtoit enchaſſé en l'huma
nité, l'a rendu ainſi inuiſible tellemết qu'on ne
le pouuoit voir:Et exiuit de templo,& fortit hors
du temple. Icy nostre Seigneur nous donne vn
memorable exemple que combien que nous
*** - , . puiſlions
416 -- D I M E N C H E -

Ènsiefiste , toutefois humblement nous


deuons fuir le courroux de nos aduerſaires.
similitudeda Car comme par la ſubſtraćtiố dubois le feu eſt
bei erdaft“ estainćt:austi par l'abſence de contre le
*** ** a

& -a:
quel aucun eſt enflãmé, il eſt pacifié, & le grãd
-'.
*
embrafemét d'ire & de cholere est mitigué &
appaiſé.Car nostre Seigneur veut & cốmãde,&
fa volonté,de rőpre & vaincre le coeur
de nos ennemis, par l'exhibition de benefices.
Ainſi le preſchoit ce grãdlegiſlateur Moyſe aux
Exod.23.
Rom. I2•
enfans d’Iſraël.Dốc Dieu veut q nous furmon
tions nos aduerſaires,non par cőtention,haine,
contumelie,ire, & perſecution:mais paramour,
douceur,debonnaireté,patiéce,humilité,& par
exhibitió de bốnes oeuures. Mais tu diras,Il eſt
indigne que ie luy face bien.Ie te reſpond que
Ieſus Chriſt veut que tu foyes digne peur faire
tel bien,& noſtre Seigneur est digne en faueur
duquel tu luy faces bien. Donc à l'exemple de
Ieſus Christ,c'est chofe plus glorieuſe de fuir le
courroux en ſe taifant, q le parlát.
prouerb.ro. Et cốme dit le Sage:Melior est patiens viroforti.
Voylà cốment les Scribes & perfecu
toyết la verité. Laifſons donc leurs entendemés
charnels,& prenốs de la parolle de Dieu celuy
Oraifon. de l'eſprit. Prions donc Ieſus Christ qu'il luy
plaife vouloir reformer entre nous & nos en
' nemis vne vraye paix & cốcorde, ofter de leurs
coeurs toutes haines & malueüillãces,faire ceſ
fer tous debats,proces,guerres & batailles,dif
fiper leurs mauuais conſeils qu'ils machinent à
* l’encon
D E S - R A M E A V X. 417
l’encontre de nous, & dechaffer toutes choſes
contraires à la tranquillité Chreſtienne, & que
11OUIS puiſſions viure en paix auec Dieu & nos
prochains, à fin que finablement nous puiſſiốs
paruenir au Royaume celeite. Amen. ***

DIMEN CHE DE » R A MEA vx:


I e v le createur voulant eſtre feruy
|& honoré par l'homme, il apreſcrit
|certaines ceremonies, & a ordonné
++%3äjcommeil vouloit que le feruiceluy
fuit faićt. Dauantage il apromis granderecom
pếſe à ceux qui gardentfesceremoniesicomme
nous auós d'Abrahã, lequel pour auoir gardé &
obferué les ceremonies, par leſquelles Dieu
vouloit estre feruy & honoré, a receu benedi
ćtiő & vne grãde promeſſe de Dieu,quãd illuy
dit en Gen:i1.chap, Benedică benedicentibus tibi,
er maledicămaledicentibustibi,faciamá teingen
tem magnā,ớbenedică tibi,ớ magnificabo nomen
tuum. In tebenedicentur vniuerfecognationesterre,
Et à fin que perſonne ne doute que telles be
nedićtions font promifes & donnees à Abra
ham, pource qu’il auoit bien feruy & honoré
Dieu par ceremonies, il nous faut confiderer
- corhine Dieu parle au chap.16.repetant ladićte
romeſſe à fon fils Iſaac: Erotecum,có tibi bene
dicăcomplens iuramentum quodfþopõdi Abraham
patrituo. Et multiplicabofemē tuāficut stellas cali,
dabo posteristuis vniuerſu regioneshas:Et benedi
- -
:
----
418 -- D I M E N C H E -

centur in femine tuo omnesgëtes terre, eo quod voci


mee obedierit Abraham,& custodierit precepta &
.mandata mea & caremonias leges4feruauerit. Et
:notons en paſlant que ces ceremonies n'eſtoyét
pas couchees par eſcrit. Orne fe faut il pas ef
merueiller fi Abraham & les autres anciens Pa
triarches ont ainſi feruy Dieu par ceremonies:
veu que c’eſt chofe trefcertaine & indubitable
que toute religion eſt entretenue par ceremo
nies. Et pour ceſte cauſe quãd Dieu a voulu que
la loyancienne baillee à Moyſe fust eſcrite, il
a voulu pareillement que les ceremonies fuf
fent eſcrites, leſquellesil vouloit eſtre gardees
en ſes ſacrifices. Et combien que par la mort &
paſſion de Ieſus Chriſt toutes ces ceremonies
de l'ancienne loy ayent eſté abrogees & abo
lies, ſi eſt-ce toutefois qu’elles n’ont pas eſté
tellement ancanties que par apres il n'y en aye
.plus eu. Mais ſeulement par la mort de noſtre
Seigneur les vieilles ont eſté changees en nou
Et fans en faire plus longue diſpute, ie
le monstre & declare apertement par vn ſeul
exemple, à cauſe debreueté, Lebapteſme eſt
vne ceremonie instituee de Ieſus Chriſt au lieu
de la Circonciſion abrogee & abolie, laquelle
asſtoit vne ceremonie de la loy ancienne. C’eſt
donc vne chofe manifeste que nous auons meſ
mes en la loy Euangelique des ceremonies in
«ſtituees par Ieſus Christ, defquelles les Apo
, ſtres meſmes ont esté obſeruateurs, comme il
est aiſé à voir tant par les Aćtes des Apoſtres
* f que
D Es : R A M E A v x. | 419.
que par les Epiſtres & Canons Apoſtoliques,
Parquoy les Huguenots font fort mal fondež
de reietter & contemner nos ceremonies, &
entre les autres la ceremonie des Rameaux,
obſeruee auec grande folennité par toute l'E
glife vniuerfelle, en recordation qu'à tel jour
qu’auiourd'huy noſtre Sauueur a fait fon en
tree en Hieruſalem,& a eſté recogneu Roy par
le peuple Iudaïque. Que s'il eſt ainſi que ce
peuple qui eſtoit charnelluya fait vn tel hon
neur d'aller au deuant de lily,& femer des ra
meaux par où il deuoit paſier,luy dőnant loüan
ge: qu’eſt-ce à plus forte raiſon que doit fairę
Chreſtiế, qui luy eſt beaucoup mieux
affećté ? Et s'il est ainſi que Ieſus Chriſt n'aye
point reietté ny condemné telles ceremonies,
qui ſembloyent apporter plus de doimmagę
que de profit, felon le iugement des hommes:
il ne faut donc pas estimer & ſe perſuader qu’il
reiette les ceremonics de l'Egliſe Catholiqug
conduićte par le fainćt Eſprit,mais au contrai
re, qu'il les approuue. Et qu'il foit ainſi,nous
en auons argument & preuue -

qu'il n'a point condamné ce que les luifs ont


faićt auiourd'huy. Car s’ils euflent mal faićt,
fans aucune doute il les euſt reprins, comme il
quoit de çouſtume. Ie demanderoy donc voy
lontiers à nos Caluiniſtes,qu'ils baillaſſent rair
fon pourquoy ils reiettent vne ceremonie fi
anciéne,& obſeruee de tout temps. Ie leur de
mande,fi ceste ceremonie est contre l'eſcriturę
- 2
42o D I M E N C H E

fainéte, & fur quel texte ils fe fondent pour


rouuer leur dire. Où eſt-ce qu’ils trouuenten
que Ieſus Christaye dit que c'eſt fu
erfluité de l'honorer ainfi auec telles ceremo
nies,defquelles nousvfons principallementau
iourd’huy,& leiour de la feste Dieu? Tant s’en
faut que cela ſoit repugnant à l'eſcriture fain
ćte & à raiſon, que toutau contraire cela y est
conforme, & pouuons aiſément cognoistre
arraiſon & iugement naturel que c'eſt bien
& c'eſt vne choſe fainćte d'honorer ainſi
lefus Chriſt. Carnous voyons que quand il eſt
question d'vne entree du Roy, on a de couſtu
me de tapiffer les ruës & orner les maiſons.
Que fi on peut honnestement faire cela à vn
Roy fans offenſer Dieu : à forte raiſon on
en pourra autant faire à Ieſus Chriſt, qui eſt
grand Roy. Voyre-mais, dira vn hereti
que,dequoy fert cela il fert pour exciter noſtre
laſcheté,& nous eſmouuoir à deuotion,&pour
auoir memoire de l'entree que noſtre Sauueur
fit en Hieruſalern, où il fut receu honorable
ment & auec pluſieurs ceremonies cốme Roy,
& pour nous inciter à l'honorer & recognoi
ftre non ſeulement comme Roy temporel,mais
austi ſpirituel. Et à ceste occafion l'Èglife Ca
rholique a toufiours obſerué ceſte feſte auec
telles ceremonies que nous auons encores au
iourd'huy. Quant eſt de la premiereinstitution
de ceſte feſte, ie n’en trouue rien, tant elle eſt
ancienne. Dont il faut colliger & inferer ne
CC
- d e s RA M E A v x. 42i
ceffairement que ceſte feste est de tradition A
poſtolique,ſuyuant la reigle generalle donnee
par S.Auguſtin en l'epiſt.118.ad Ianuarium. Illa
quæ non/cripta/ed tradita custodimus,que quidem
toto terrarum orbe obſeruantur & Ce

lebrantur folennitate,daturintelligi vel ab ipſis A


oštolis vela plenarijs Concilijs(quorum estin eccle
fia faluberrima authoritas ) commendata atque
statuta retineri. Or eſt-il ainſi que l'institu
tion de ceſte feſte ne fe trouue en aucun
concile general. Puis donc que ie voye que
elle eſt obſeruee par toute l'Égliſe vniuerfel
* le , auec ceremonies telles que nous auons,
de temps immemorial ( car il n’y a heretique
qui me fçeuſt monſtrer quand c’eſt qu'on a
commencé à celebrer ceſte feſte, & qui est le
remier qui a vfé de ces ceremonies ) ie ne
# nier qu’elle ne foit de tradition Apo
ftolique. Carcela est trop manifeste. Venons
maintenant au texte de nostre Euangile où il
eſt dit : Cum appropinquaffet Ieſus Hieroſolymis, Matt-ar
eổ duos
fit veniffet B ethphage
diſcipulos dicensadmontem
eis, IteinOliueti, tuncquod
castellum mi- .e"
contra vos est. Le Sainét Euangile d'auiour
d'huy nous faićt mention principallement de
trois choſes. Premierement d'vn commande
ment de Ieſus Chriſt, s'approchant à la mort.
Secondement d'vn teſmoignage de l'eſcritu
re, laquelle auoit predit toutes ces choſes ad
uenir.Et finablement de l'honneur,faićt par la
troupe Hieroſolymitaine, en receuant & ho
Dd 3
412 : U1M E N e H e . "

norant feſus Christ Monfieur fainét Iean đit,


Ieſus ante fex dies Pafche venit Bethaniam zbi
Lazarus fuerat mortuu,quemf/citauit Ieſia. Fe
verunt autě ei cænä,&c.Sixiours deuant la Paſ
ļue Ieſus-vint en Bethanie où le Lazare auoit
esté mort, lequel il auoit reflufcité de mort,
& luyfeirent là vn foupper, & Marthe fer
uoit: le Lazare eſtoit l'vn de ceux qui eſtoyent
affisàrable auec luy. Adonc Marie print vne
liure d'oignement de fin aſpic precieux & oi
guit les pieds de Ieſus, & les estuya defes che
ueux, & la maiſon fust remplie de l'odeur de
Poignement. Lors ludas Iſcarioth fils de Sy
rhoń, l'vn de fes diſciples qui le deuoit trahir
dist : Pourquoy n'a pas eſté vendu ceſt oigne |

ment trois cens deniers & donné aux pau


utes ? Il dit cela, non pour chofe qu'il eult
foiň des pauures : mais pourtant qu'il estoit
larron & auoit la bource, & portoit les cho
fes qu’on entioyoit. Marie oint Ieſus , Iudas,
murmure, Ieſus Chriſt excuſe Marie, grande
multitude des Iuifs vindrent là , non pour
. . . Ieſus ſeulement, mais à fin qu'ils veiffent le
Lazare que Ieſus auoit reſſuſcité des morts : &
les principaux ſacrificateurs conſulterent de
mettre auſſi à mort le Lazare. Car pluſieurs fe
partoyent des Îuifs,à cauſe de luy,& croyoyent
en Ieſus.Et le lendemain,àfçauoirauiourd’huy
a eſtéfait ce que l'hiſtoire du preſent Euangi
le recite.Donc Ieſus Chriſt du matin eſt party
de Bethanie s drcflant fon chemin en Hieruſa
*
* * lenn
- d e s RA M E A v x. 413
lem. Et quand ils furent pres de Hieruſalem,:
& qu'ils furent venus en Bethphagé , qui est
vne petite ville aupres de Hieruſalem fituee:
au mont des Oliues, lors Ieſus enuoya deux
de fes diſciples, leur diſant:Itein caſtellum quod
contra vos est, allez à ce petit Chafteau qui est à
l’endroit de vous. Premierementicy
ter que ce n'eſt pas fans cauſe que noſtre Sau
ueur dit à ſes deux difciples, Ite,allez pour mő
ftrer que c'eſt l'ordre qu'il a mis en l'Egliſe,
qu'il ne faut point qu’vne perſonne entrepren
ne vne charge & office fans eſtre enuoyé. Et
pourtant à bon droićt nous obiećtons aux mi
nistres qu'ils ne font point enuoyez & leur de
mandons,quelle eſt leur miſſion:& qu’ilsayent
à monſtrer comme ils ont eſté enuoyez par les
Apoſtres ou leurs ſucceſſeurs, qui font les E . **

ueſques. A quoy ils ne fçauent que reſpondre, a


& font contrainćts de reuenir là, pour euader,
& dire qu'ils font enuoyez de Dieu extraordi
nairement. Mais ic leur demande, Eſt-ce vne
bonne marque, pour prouuer que leur miſſion
eſt bonne? Non. Caril n’y a fi mefchant hereti-
que, qui ne diſe qu'il eſt enuoyé de Dieu : Si
on demande aux Lutheriens : Qui vous á en
uoyez ? Sans doute incontinent reſpondront
qu'ils font enuoyez de Dieu. Autant en diront
les Zuingliens & les Anabaptistes. Parquoy il
faut que ceux qui fe difent estre enuoyez de
Dieu ayent vne marque certaine par laquelle
ils facent cognoistre aux autres que leur miſ ,
Dd 4
414 .. D I M E N CH E

fion eſt de Dieu.Ie fçay bien qu'aucuns d'entre


eux repliquent qu'ils fentent bien le S. Eſprit
grouiller dedans leur ventre. He mon amy,ne
vois tu pas qu'vn autre te reſpondra, que tu
mếts,& que c'eſt luy qui a le ſainćt Eſprit,non
pas toy. Dauantage , quand ainſi feroit com
me tu dis, il faut que tu le face apparoiſtre.
Car Moyſe auoit elté enuoyé de Dieu im
mediatement. Et toutefois ce n’eſtoit pas af
fez de le dire, pour le perſuader aux Iſraëli
tes, s'il n'euſt prouué fa miſſion par miracles.
Auffi les Apoſtres eſtovent bien enuoyez : &
toutefois il a fallu que par miracles & mar
que certaine ils ayent prouué leur miſſion:
r.a., chria "" ": perſonne ne les euft voulu croi
: re. Bauantage il faut noter que Ieſus Chriſt
} appelle Hieruſalem petit chasteau , & non
peas,o pour pas grande cité. Car en icelle il n'y auoit nulle
quoy. vnion ou accord entre les citoyens : pource
que les vns tenoyent la part de Ieſus Chriſt, &
les autres nő. Les Scribes & Pharifiensestoyent
ia armez contre leſus Chriſt des armes de ma
lice, enuie, haine,& malueuillance, cerchans
tous les moyés pour apprehender Ieſus Christ,
& le liurerà la mort. Ou bien il appelle Hie
ruſalem petit chafteau, pource qu’elle feroit
ruinee & reduićte en maniere d'vn petit cha
ſteau. Et,Statiminuenietis afină alligatam &pul
lum cum ea: foluite & adducite mihi,& c.inconti
nent vous trouuerez vne afneffeliee, & vn af
non auec elle,deſliez-les,& me les amenez,& fi
alICUI IR
d e s R A M 1 A v x. 425
aucű vous dit quelque chofe,dićtes que le Sei
neur en a affaire, & incontinent il les laiſfera
aller. Icy noſtre Seigneur monſtre le lieu où
ils trouueront l'afneile & l’afnon. Il predićt
que perſonne ne leur contredira. 1
choſes tendent à ce que les Apostres cognoiſ
fent qu'il n'y a rië incogneu à nostre Seigneur,
& qu'il a toute puiflance pour commanderà
ceux qu'il veut, & tout ce qu'il veut, s'il vou
loit vfer de fes forces. Toutes ces choſes auſſi :
font argumens & certifications de fa diuinité,
en monſtrant qu’il cognoiſt les choſes abſen
tes, & predifant les choſes aduenir, comme du
feruiteur qui portoit la cruche d'eau , & la
romptitude du pere de famille, à luy prester
logis : & toutes autres choſes neceſſaires
pour la celebration de la Cene: qui eſtoit vne
choſe furmotant nature humaine.Mais c'eſtoit
vn certain indice de nature diuine en Ieſus *****
Chriſt,cuius oculis omnia nuda & aperta funt, de
uãt les yeux duquel toutes choſes font nues &
deſcouuertes, tant preſentes que paſfees & ad
uenir.Autrement n’euſt peu en Bethanie fça
uoir tant afleurément qu’vn feruiteur feroit au
deuant d'eux auec vne cruche d’eau, encores
moins eust il peu ſçauoir où iliroit. Il a voulu
areillement
oit demonſtrer
à fainét Pierre: ſa diuinité,
Quid tibi quãd ilRe-
videtur Simon? di Matth. I r

ges terre à quibus accipiunt tributum? &c. Simon


que t'en ſemble-ili Les Roys de la terre de
qui prénent-ils les tributs ou
F
sted
416 * v1M e N che º -
leurs enfans ou des eſtrangiers? Pierre luy dít,
des eſtrangiers. Ieſus luy dit : Les enfans font
donc francs: maisà fin que nous ne les offen
fions ou ſcandalifions, va-ten en la mer, & ier
te l'ameçon, & le premier poiſſon qui monte
raspren-le & quãd tu luy auras ouuert la gueu
letu trouueras vn ſtatere, prens-le,& leur don
ne pour toy & pour moy. Statere estoit vne
s'. Îean. 1.
piece d'argent qui anciennement valloit qua
torze ſols tournois. Et en fainct Iean, Philippe
trouua Nathanael & luy dit : Inuenimus Iefim.
filium Ioſeph à Naxareth. Nous auons trouué.
Ieſus de Nazareth, duquel Moyſe a eſcrit en
la loy & les Prophetes. : Et Ieſus vit Natha
nael venir à foy, & diſt de luy: Ecce verè Iſrae
lita,in quo dolus non est. Voicy vrayement vn Iſ
raëlite,auquel il n'y a point de fraude. Natha
naelluy diſt: dequoy me cognois tu? Ieſus ref
pondit & luy diſt : Auant que Philippe t'euſt
appellé , quand tu estois fous le figuier, ie te
voyois. Nathanael reſpondit, & luy dift:Rabbi,
tu es filius Dei:tu es rex Iſrael.Maiſtre,tu es le fils
de Dieu, tu es le Roy d'Iſrael. Auiourd'huy il
dità deux de fes diſciples: vous trouuerez vne
afneſſe liee,& vn afnon auec elle,deſliez les,&
me les amenez. Tout cela eſt aduenu, pour
nous demonſtrer qu'en Ieſus Chriſt il y auoit
quelque chofe qui ſurmontoit nature humai
netà fçauoir nature diuine,par laquelle il fçait,
voit, & cognoiſt toures chofes. Et note qu’il
dit:Dominus his opus habet. Le Seigneur,ſans ad
\ ,\ dition,
,^
r
DEs R A M E A v x. 417.
dition,à la difference des autres Seigneurs,qui
font Seigneurs auecques addition & queuë,
commevntel Seigneur d'vn tel lieu : mais Ie
fus Chriſt eſt le Seigneur de toutes chofes:
pource il ne prie pas: mais comme Seigneur il Zittre heno
commande. Premierement c'est le Seigneur :
& Prince de tous le plus folennel. Seconde- :
ment qui conuerſant de corps auec les hom- ment nommé
mes,d'eſprit conuerfoit aux manſions celeſtes seigneur
& eternels tabernacles. Tiercemết c’eſt le Sei
gneur qui eſt la fontaine de ſcience diuine, par
laquelle lesignorans arrouſent leurs eſprits &
entendemens. Quartement c'eſt le Seigneur
qui a en haine les vices:& ne faićt threfor que
de vertus. Quintement c'eſt le Seigneur qui
humilie les fuperbes, & fouuerainement eſle
ueles humbles Sixiefmement c'eſtle Seigneur
qui faićt trembler les monſtres diaboliquesen
leursabyfmesinfernaux. Septiefmement c'eſt
le Seigneur, que s’il estoit touché d'ambition .
mondaine,il fe feroit reclamer le Roy d'Oriết,
d'Occident, de Midy, Septentrion, des mers,
& des montaignes. Pource non fans cauſe:
maisà bon droićt, il est appellé le Seigneur,
qui a toute puistance, tant au ciel qu’en la ter
rę, & faićt toutes choſes ainſi qu'il veut, &
comme illuy plaist : il frappe, & guarit:il blef
fe, & medecine, il mene à la foſſe, & ramene,
il mortifie & viuifie : il a l'Empire de la mort
& de la vie : bref, c'eſt le Seigneur de toutes
choſes,fans aucune addition. Et tout ce a eſté
/
faićt,
418 D I M E NC H E

faićt, à fin qu'il fuſt accomply ce qui a eſté dit


zacha.s. par le Prophete,difant:Dicitefilie Sion: Ecce rex
tuus venit tibi manſuetus fedens ſuper afīnam, &
pullum filium ſubiugalis, dictes à la fille de Sion,
voicy ton Roy debonnaire qui vient aſſis fus
l’afneffe. Et le petit afnon de celle qui eſt
foubs le ioug: Notons que ceſte prophetie
dit grandes choſes de ce grand Seigneur Ie
fus Čhriſt.Premierementil dit, Ecce, Ceſt ad
uerbe demonſtratif demonſtre Ieſus Chriſt en
pluſieurs manieres:Ecce, voicy celuy quia eſté
preueu des Patriarches, comme d'Abraham,
İſaac, & Iacob. Voicy celuy qui a eſté deſiré
des Roys, des Princes, comme de Dauid, le
quel craignoit que par ſon peché l'incarna
tion du fils de Dieu fuſt retardee. Voicy ce
luy qui par les Prophetes fidellement a eſté
promis en la loy , le voicy, qu'il eſt preſent à
nos yeux.Comme dit la grande Aigle Angeli
„... que : Vidimus gloriam eius gloriam quaſivnigeniti
àpatre , gratie & veritatis. Nous auons
veu fa gloire, vne gloire comme de celuy qui
estoit feul nay du Pere, plein de grace & de
verité. Le voicy preſent par parolle à nos
oreilles. Le voicy & maniable & traićtable
r.loan.r. des mains. Comme dit fainét Iean: Manus no
fra contrettauerunt,nos mains l'ont manié. Cum
hominibus conuerſatus est: Il a conuerſé auec les
hommes: il a eſté veu en la terre, & a habité
en nous. Maintenant ceſte prophetie parle de
fa majeſté & dignité Royalle,quand il dit, Ec
- C6 -
D E S R A M E A V X. 429
ce Rex tuus, voicy le Roy. Ce n'eſt pasvn An
ge , vn Patriarche ou Prophete : mais le Roy
des Roys, le Seigneur des Seigneurs, le Prin
ce des Roys de la terre: Rex magnus ſuperomnes F/als.
Deos. Le grand Roy par deſſus tous les Dieux.
C’eſt le Roy de paix & de verité, Roy fage &
clement. Pource à bon droit on le doit hono
rer:voicy le Roy qui est deſcendu defon throf
ne royal, & s’eſt veſtu du fac de noſtre morta
lité. Voicy le Roy qui ne demande point de
pecune comme les autres Roys: ains deman- ,
de le falut de nos ames. ll ne demande point
delećtation, mais peine : ny fa propre vtilité,
mais la noſtre. Et ce Roy icy eſt tien. Ce n’eſt
pas vn eſtrangier comme Herode, mais tien.
Car il eſt nay de toy felon la chair, & ton pro
chain parent. Car c'estton frere. Et comme
l'Apostre:Mihrafamucorporiseiu,de dit hef.r.
carne eius,”
& de estibus eius. Nous ſommes les membres de
fon corps, de fa chair, defes os, & de fonfang.
Doncques veritablement il est tien. Carpour
toy il s'est tout expoſé. Lequel les infidelles
Iuifs ont defauoüé,quand ils ont dit: Nõ habe
mus Regem nist Ceſarem. Nous n'auons point de *

Roy finon Cefar,Ce Roy icy qui est tien, venit


tibi,vient à toy:c'està dire,pour tonytilité: Bo- "/"h".
norā nostrorii nõ eget.Il n'a point de nos
biếs.Noſtre iuſtice & bonténeluy profiterien,
nostre meſchanceté& malice ne luypeut nuy
re: il estoit riche,il eſtriche, & fera riche eter
nellement.Neấtmoins: Propter nos egenusfactus 2.a.r.s.
· * 6:/F2
43o * D I M EN C H E

est, vt illiusinopia diuites effemua.Pour nous il s'est


faićt pauure : à fin que par fa pauureté nous
fuſſions enrichis, & que nous fuſſions riches
en Dieu,& en fa grace. Et en vn autre lieu, la
Rºm.s. trompette de l'Euangile dit : Deus proprio filio
fito nonpepercit,fed pro nobis omnibus tradidit illä.
Dieu le pere n'a point eſpargné fon propre
fils : ains liuré pour nous tous. Il eſt venu
à toy, qui porte aiicc luy richestes ſpirituelles
& gloire eternelle,pour enrichir tous ceux qui
l'aiment, & les remplir des threfors de tous
biens.Il vient à toy, non pour fuſciter guerres,
, ſeditions,& batailles,ou pour impoſer nouuel
les loix & exaćtions, & leuemét de deniers, ou
pour toy opprimer, fouller& accabler par du
re feruitude,ou pour prendre vengeance detes
pechez.Mais il vientà toy pour te feruir, pour
. te deliurer de la main de tes ennemis , fi tu
crois en luy. Et pource il doit eſtre aimé &
receu auec gloire. Maisfitu-ne crois en luy, il
3 vient à ta damnation:pource il doit eltre craint.
z Il vient à toy au lieu où tu deuois aller à luy. Il
vicnt à toy pour dechaſſer le diable de la prin
cipauté de ce monde, & pour deſtruire le re
*gne de peché:à fin de te donner,ſi tu croy bien
- eli Royaume celeste. Mais fi tu ne çroy.
en luy, le royaume de fathan demeure en toy.
. Il vient à toy homme raiſonnable,& non pas à
l'Ange, qui n’en auoit pas beſoing.Il viết à toy
- & non pasau diable, Car ſon peché ne peut
eſtre purgé. Et pource ( ô homme Chrestien )
- - - - - - cognols
D E S : R A M E A V -X. :43I
cognois la charité de tó Dieu enuers toy:Sem
blablement l'honneur & dignité qu'il t’a faićt.
Il viết à toy pour ſuffiſammết & abondamment
fecourir, furuenir, & reparer ta faute & def
faillance,en demonſtrantla voye de falut, illu
minant les aueugles, rédant l'ouye aux fourds,
faiſant parler les muets,guaristant les paralyti
ques,nettoyant les ladres, en faiſant cheminer
droićtementles boyteux, chaffant les diables,
pardonnant lespechez , reflufcitant les morts,
ouurant les cieux, & pour te donner la gloire
celeste. Il vient à toy, non comme les Roys qui
« ** * , .
ont de couſtume de venir auec grand appareil
& apreſt:mais c'eſt à eux & non pas à toy qu'ils * ***** * ·*

viennếr.Carils cerchent leur gloire,ils fuyuent


leurs profits.opportunitez,& emolumens.Mais
ce Roy icy vient à toy pour te feruir, pour te * ... ",

bien faire,pour te perpetuellement faugler. Car


comme il dit:Non veniminišīrariſed ministrare.
Ie ne fuis point vênu pour eſtre feruy : mais
pour ſeruir. Et en vn autre lieu. Filius hominis Lacrº
zenit quærere & faluum facere quodperieraf: Le * -

fils de l'homme eſt venu pour cercher & fau .

uer ce qui eſtoit perdu. En aprasil vient à toy


comme Roy iuſte: Les autres Roys viennentà
toy comme iniuſte. Et combien qu'ils foyent
quant à eux honneſtes, aornez de vertus, & iu
ftes: toutefois par leur honnesteté, iustice, &
bonté, ils ne peuuent pas faire les autreshốne
ftes & iuſtes; finon que par exemple ils proffi
tent, & qu'ils cốferuent entre leshommes hon
* * -- -* nesteté
432 D I M E N C H E

nefteté exterieure par droićte adminiſtration


des loix. En apres dit: Ecce rex tuus zvenit
tibi manſuetu. Voicy ton roy qui vient à toy
debonnaire, pour fauuer tous les debonnaires
de la terre. O mon frere & amy Chreſtien,ap
prés de Ieſus Christ, quia mitis est & humilis cor
de.Car il eſt debonnaire & humble de coeur: Il
ne vientpoint auec fureur pour te redarguer,
ny auecques ire pour te corriger , ny pour toy
affuiettir par violence à fon feruice, ou pour
- & affliger : ains pour te fauuer,
2: "
,"“ “ Nostre Seigneur a esté debonnaire. Premie
rement aux parolles de fes contradićteurs: Qui
2. cùm malediceretur, non maledicebat:cum pateretur
nõ comminabatur. Lors qu'on diſoit mál de luy,
ne rediſoit point mal:ila ſouffert violence, & a
Ef. 4. eſté iniquement traićté. Non aperuit tamen os
fuum. Sicut ouis ad occiſionem dućłus est, & quaſ?
agnus coram tondenteſe obmutuit Toutefois il n'a
pas ouuert fa bouche. Il a esté mené à l'occi
- º fion comme l'agneau : & s'eſt teu comme la
P/al-37 •
brebis deuant celuy qui la tond , & n'a point
ouuert fa bouche. Fattus est ſicut homo non au
diens, & non habens in ore/uo redargutiones. Il a
esté faićt comme l'homme qui n'entếd point,
& qui n'a point en ſa bouche reproches. Se
condement il a esté debonnaire aux perfecu
/ , tions, foüets & diſciplines. Quand on l'affli
geoit de maux, il ne menaçoit point: mais re
mettoit la végeance à celuy qui iustemét iuge:
il a donné ſon corps à ceux qui le
-
ferre& les:
D E s . R A M E A V x. 433
&fesiouës à ceux qui le buffetoyent. Il n'a pas
caché ny destourné fa face de ceux qui luy
faifoyent reproche & blaſme, & qui crachoyết
contre elle. Finablement il a eſté debonnaire
iufques à la mort. Ie fuis comme l'agneau de
bonnaire , qui est porté au ſacrifice. Et veu
qu'il eſt fi debonnaire,il n'est pas tant redouta
-ble ou terrible que nous ne deuions aller, cum
fiducia ad thronum gratie eius,& c. auec fiance au
throne de fa grace, à fin que nous obtenions
mifericorde , & trouuionsgrace pour auoir ay
de en temps cốuenable. Au dernier lieu eftic
-adiouſté l’humilité de nostre Roy , vertu treſ
--agreable à Dieu & aux hommes , quand il eſt Ieſu Christ,
dict: Sedens fi per afinam & pullum filium fuhiu
zgalis. Aſſis ſus l’afneſſe & le petit afnon de cel
le qui est fous le ioug. Non fedet in curru aureo,
pretiofà fulgens, nec afĉēdit ſuperferuidum
equum difcordie amatorem, fed stiperaſinampacis
amicam , dit S. Iean Chryſostome ſur ce paf
fage : H n'eſt pas aſſis en chariot d'or, vestu,
d'habillement de couleur de pourpre, Il n’eſt
pas aſſis en throſne royal, ou noble pourpris,
accouſtré , eſleué, & enrichy de pierres pre
-cienſes,comme rubis,eſmeraudes,dyamans, ou
faphirs. Il n’eſt pas mõté fur vn cheual bruyant,
& feruent,amateur de guerre. Il n'a pas à l'en
tour de luy genfd'armes en equipage, portans
glaiues, hạrnois, & armes: mais quoy i Ra
meaux verdoyans, qui font les teſmoignages
de paix. Icy l'humilité de noſtre Roy con
- Ee
434 D I M EN C H E

fond l'orgueil, les pompes, monſtres arrogan


tes des hommes mondains, qui cheminent en
fi grande pompe,& en habits ſi ſuperbes & ex
ceffifs,qui conſomment partelles vanitez tou
te leur ſubſtãce, dont ils demeurent confus & .
honteux, & finablement leur conuient mourir
pauuremét & miferablement. Nous pourrions
auffi taxer & reprendre la fuperfluité des ha
bits de pluſieurs Prelats & perſonnes Eccle
fiastiques,qui cheminent autourd'huy en gran
de compagnie de feruiteurs, de cheuaux &
mulles bardees & aornees de drap de foye,
felles & brides dorees , iufques aux eſperons.
Cependant ils permettét les Egliſesà eux com
cheoir, tomber, & ruiner en terre , & les
pauures perir de faim. Ce qu'eſtant confide
ré par doćteur fainćt Bernard, en vne
grande querimonie contre les Ecclefiaſtiques
au Concile de Rheims , qui comme allumé
d'vne cholere diuine leur cria à pleine voix:
Ce n'eſt pas aorner l'eſpouſe de Ieſus Christ,
mais la deſpoüiller: non la garder, mais la per
dre: non la deffendre, mais la mettre en proye:
non l'inſtituer, mais la proſtituer: non l'enfei
gner , mais prophaner : non paiſtre le trou
peau, mais legaſter ou deuorer. Mais que di
roit ſainćt Pierre & fainćt Iean, qui n’auoyent
* pas vn denier pour donner l'aumofne au pau
ute boiteux qui la leur demandoit en la por
te du temple,s'ils voyoyết maintenãt meſſieurs
les gens d'Egliſe, qui fe glorifient d'eſtre leurs
- - fucce
- D E S R A M E A V X. 435
fucceſſeurs: mais non imitateurs, decouper lá.
foye , parfumez, embaulmez, montez comme
fainét George , logez aux Palais ſuperbes &
magnifiques, au lieu que les Apoſtres eſtoyent. a

le plus fouuent logez és prifons & chartres des


tyrans. Mais qu'eſperent-ils autre chofefinon
que noſtre Seigneur vienne auec le foüet chaf
fer ces marchans & maquignons de benefices
de fontemple ? Mais eſt venu affis fur vne af
neſſe,animal doux & patient au labeur,cốtent
de paſture de petit prix, & de petite eſtime,
portant les batures, charges, faix & fardeaux,
& amy de paix. Voyla les loüanges & excel
lents tiltres d'honneur de noſtre Roy Ieſus.
Chriſt : Afçauoir treſgrande pauureté, pieté,
& equité. Outre leſquelles il n'eſt rien plus
neceſſaire, vtile , & falutaire aux hommes vi
uans fur la terre. Et qui enfuit Ieſus Chriſten
ces chofes,& luy fert, il plaiſt à Dieu.Il eſt ve
nu pitoyable en parolles, pauure en biés,& iu
fte en iugement.Pitoyable, d'autất qu'il a fau
ué ſon peuple de fes pechez, Pauure,fipauure *

qu'il n'auoit pas où repofer ſon chef. Filius ho- u.n, s.


minis non habet vbi reclinet caput ſuum, Iuſte, car
cốbien que par ſa puiſſance il pouuoit ſurmon
ter le diable,ila voulu vaincre par ſa ſeuleiu
ftice,enpayant ce qu'il n’auoit nullement rauy.
Ainſi a il faićt iugement & iustice en la terre.
Euntes autem diſcipuli feceruntficut eis receperat Ieremie as.
Iestø.Et les diſciples s’en allerent,& feirétainſi
que Ieſus leur
Ai
kemudi,
-
Les
Ç
diſciples
2.
. v

436 p1M E Nc H E -

ont promptement obey à leur maiſtre, & non


fans cauſe : car il ne commande finon chofes
bonnes,iuſtes, & raiſonnables. Comme dit le
F/":"*. Pſalmiſte:Omnia mandatatua equitas. Tous tes
, commandemens ne font qu'equité. Les Apo
ftres ont fait quatre choſes,lefquelles appartiế
nent à l'office Apoſtolique. Premierement ils
ont deſlié l'aneſſe & l’afnon, par leſquels font
fignifiez le peuple ludaïque,& le peuple Gếtil
(comme difent Origene,tom.3.homil. 14 in cap.
21. Matt & fainćt Cyrille Alexandrin, cap. io.
lib.s.in Ioan,& fainét Hierofme, fainćt Hilaire,
& fainćt Iean Chryſoſtome fur fainét Mat
thieu, Beda & Druthmarus) qui ont eſté deſ
liez par les Apoſtres du lien de peché, par le
moyen des facremens,comme dit fainćt Cyril
le,cap.36.li. 12.in Ioannem. Secondement ils les
amenerent à Ieſus Chriſt.Tiercement ils mei
rent fureux leurs veſtemens. Quartement ils
le feirent affeoir fur elle. Et multi strauerunt ve
ftimenta fuain via. Pluſieurs de la trouppe eſté
dirent leurs veſtemens en la voye ; en laquelle
* IeſusChriſtdeuoit paſſer,à fin que l'animal qui
le portoit n'offençaſt fes pieds contre les pier
res,& qu'il ne marchaft ſur les eſpines,ou qu'il
ne tombast en la foſſe, En quoy nous auons
confirmation de nostre doćtrine, & certain ar
gument que Dieu approuue les aornemens des
Egliſes. Imò nous auons bien plus grande occa
fion d'aortier nos Egliſes. Car certain eſt qu'il
n'y a pas de comparaiſon entre l'afneſſe & les
* - , - pre
- - - des R A M E a v x. 437
preſtres de la loy Euangelique,voire entre l'af
neffe & vn laïque. Si donc il ett ainſi que les
Îuifs pour la reuerence qu'ils portoyent à no
{tre Sauueur,ơnt mis leurs habits en terre fous
les pieds de l'afneſſe qui le portoit : qu'est-ce
forte raiſon que nous deuons faire aux
lieux parleſquels marchent lespreſtres qui por
tent Ieſus Chriſt,non peint auec ſon corps paf
fible & mortel, comme il eſtoit pour lors que
l’afneſſe le portoit! mais impaſſible, immortel,
& glorieux?Ie fçay bien que l'heretique me di
ra que ce n’eſt pas le corps de noſtre Seigneur:
mais ſeulement vn ſigne&figure d'iceluy. (Ce
qui eſt faux, comme nous prouuerons aperte
ment au fermon de la feſte Dieu.)Mais
fé ce que nous croyons que c'eſt le vray corps
de Ieſus Chriſt, apres la confecration, felon
, teſmoignage que nous en auősen l'Eſcriture,
ne faifons nous pas bien de luy faire tel hon
neur? C'eſt d’auantage vne couſtume obſeruee
de toute ancienneté, d'aorner ainſi les Egliſes,
& ce en confideration d'vn propos que diſoit
noſtre Seigneur : Joan. 2.Domus mea domiu ora
tionis vocabitur. Puis que c'eſt la maiſon de
Dieu, il faut bien confeffer qu'ily habite. Et
toutefois Caluin ne trouue pas cela bon à ſon
fon goust. Notez donc que l'aornement des e
Egliſes eſt louable,quãdilne feroit fondé que
fur cest exemple, & fur ce que dit S. Hierofme
en l'epitaphe de Nepotianus. D’auantage il est
fait mention que ceux qui ne vouloyét mettre
- Y Ee 3
438 D IM E N CH É -

leurs habits en la voye , ou parce qu'ils n'en a


uoyent point à changer,ou biếparce qu'ils n’e
ftoyent pas affez honnestes. Cadebantramos de
arboribus,& sternebant in via. Ils coupoyent des
rameaux des arbres, & les estendoyent en la
voye. Et turbe quepræcedebant & ſequebantur cla
mabant,dicentes:Ofanna.Les tourbesqui alloyết
deuant,& celles qui ſuyuoyent,crioyết,difant:
O Seigneur,nous te priós,fauue nous. Ofanna,
c'est vn mot Hebrieu, cốpoſé de Ost, qui ſigni
fie fauue,& Anna, qui eſt vn aduerbe optatif,
& fignifie,ie vous prie.Filio Dauid.C’eſt à dire,
la troupe crioit, difant au fils de Dauid,qui eſt
- fait de la femence de Dauid felon la chair, en
quoy ils confeſſoyent fon humanité. Beneditius
qui venit in nomine Domini. Benơift foit celuy
qui vient au nom du Seigneur.En quoy ils con- .
feffent fa diuinité,& deux fois, Ofanna,
nous te prions fauue nous.Car Ieſus Chriſt eft
Sauueur en deux natures,enla diuine effećtiue
ment, & en la nature humaine meritoirement.
Lequel eſtvenu au nom du Seigneur,c'eſtà di
re,de fon pere celeste, & toutefois les Iuifs ne
l'ont pas receu. Icy nous faut noter qu’à l’en
Leschofs et- treé de Ieſus Chriſt en Hieruſalem les choſes
fermee; à l'en ont esté obſeruees, leſquelles communément
‘(hrift
“ “ en"/"
la
on a accouſtumé d'obſeruer à l’entree d’vn
• / .

, Roy, en quelque cité de fon Royaume. Pre


ru/alem. mierement le Roy a accouſtumé enuoyer de
uant luy les auantcoureurs pour annoncer aux
citoyens & rećteurs de la cité,la prochaine ve
* * -* Inlle
v

d e s R A M e A v x. 439
nue du Roy. Ainſi Ieſus Christ auant que
d'entrer en la cité de Hieruſalem , il a enuoyé
deux de fes diſciples, comme auantcoureurs. * *

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& meſſagers, pour annoncer la prochaine ve * .*
nue de noſtre Seigneur en Hieruſalem. Se
condement, quand le Roy entre en la cité, les
Princes & Barons du Royaume luy font com
pagnie. Ainſi auiourd'huy entrant en Hieru
falem, il a eſté accompagné des douze Apo
ftres, comme de douze Princes. Les Barons
estoyent les ſeptante deux diſciples, leſquels
probablement nous croyons auoir esté prefens
en ceſte entree. Tiercement,à l'entree du Roy
les citoyens & rećteurs de la cité font compa
gnie à leur Roy : Auffi auiourd'huy la trom
pette a fonné. A fçauoir le Prophete Zacha
rie, difant : Dicitefilie Sion : Ecce Rextuus venit
tibi manfaetus. Dićtes à la fille de Sion, voicy $
ton Roy qui vient à toy debonnaire. Quarte
ment on a accoustumé de preparer les rues, &
les aorner de tapis: Ainſi auiourd'huy grande
trouppe ont eſtendu leur veſtement en la voye.
Et les autres couppoyent les rameaux des ar
bres,& les eſtendoyết en la voye.Cinquiefme
ment,à l'entree du Roy on crie à haute voix,vi
ue le Roy: Ainſi auiourd'huy les trouppes qui
alloyent deuant, & celles qui ſuyuoyent,fem
blablement les petits enfans, comme il eſt diét
en fainét Iean,crioyent,en difant : Ofanna filio
Dauid, ô fils de Dauid, nous te prions fauue
nous. Finablement en telle entree le Roy eſt
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aſſis fus vn cheual magnifiquement aorné:


Ainſi Ieſus Chriſt premierement s'est aſſis fus
Mare.rr. l’afnon,comme il est dićt en fainét Marc,fainćt
Luc.19.
Ioan. 12.
Luc femblablement, & fainét Iean ( combien
que Beze furce paſſage impudemment le nie.)
Mais pource qu'il n'eſtoit pas encore dom
pté, il eſt deſcendu, & eſt monté fus l’afneffe,
couuerte des veſtemens de fes Apoſtres. Voy
là mes amis l'excellente & magnifique entree
de lefus Chriſt,qu'il a faićte auiourd'huy en la
cité de Hieruſalem. En la fin de l'Euangile il
iestu Christ est dićt que Ieſus,Videns ciuitatēfleuit ſuper eam:
fle" º Voyant la cité plora fur elle, en demonſtrant
fourquoy.
la vanité & breueté de la gloire mondai
ne. Car tous les honneurs faićts auiourd’huy
à Ieſus Chriſt, ont eſté changez en contume
lie, reproche ,& deshonneur , au iour du ven
dredy beneiſt. Premierement,auiourd'huy les
Apostres luy ont obey en allant querir l'af
neffe & l’afnon. Mais ceſt honneur d'obeiſ
fance fera mué & changé vendredy prochain:
auqueliour, Eo relitto