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- Z & KT/

E V A N G E LI Q VE S -ET
A P O S T OLIQV E S S VR
|- les Dimenches & Feltes folennel-
| - les de toụte l'annee:
où font contenues pluſieurs belles/entences,tirees -

de la fainéře E/Criture,G anciens Do- **


· čteurs de l'Eglife.
Par Leonard Ianier, Curé de S. Eftienne de Furan en
Forests:Diligemment augmentez & enrichis.
P R E M I E R T O Az E.
- - Deſpuis l'Aduent iustues à la Pentecoſte.

- c_4 L 7° O N,
P A R B E N O I S T R I G A V D.
M. D. x c I I 1. - *f
* - * ,
$ *
/
:- i
*
|
-*
*
|
-
1
-
-
*--
;** |
A T R E S-E X C E L L E N T
ET R E V E R E N D I S S I M E SEI

gneur, & Prelat, Monſeigneur


Anthoine d'Albon, Archeuef
que & Comte de Lyon, & Pri
mat de France, Lêonard Ianier
Curé de Sainét Eftienne de Fu-
ran en Foreſts, falut & perpe
tuelle obeiflance,

E O vs lifons aux liures


$ || || des Roys , tres-illustre
}N\ feigneur, que les Phili
W|| | sthiins affemblerët leurs
KEBS SAX armees pour faire guer-
recontre les enfans d'Iſrael, & vn höme
/ ducamp des Philisthiins nommé Goliath
de Geth, geant effouuentables crioit aux
armees d'Iſrael: prouoquant quelqu’vn
(1 2
E P I S T R E.

à venir combatre contre luy. Saul &>


tout Iffaeloyäs les paroles du Philisthiin,
furent fortestonnez. Lors le pasteur Da
uid, qui fouloit paistre les brebis de fon
pereen Bethleem,s'en vint dedans le cäp.
Quand donc tous les hommes d'Iſrael
eurent veu Goliath le geant, ils s'enfuy
rent de deuant luy, & eurët grand peur.
Lors Dauidparla au Roy, luy expofant
qu'il auoittué vn Lyon @* vn Ours, G
* qu'il eſperoit que Dieu le deliureroit de ce
Payen, tellement qu'ilprint vn baston en . '
fa main, & choißt du Torrent cinq pier
res bien vnies, & les meit en fa malette
pastoralle, & auoit fa fonde en fa main,
&> f'approcha du Philisthiin,ů)pour dire
en vn mot, il luy planta vne pierre au
front, dont il l'abatit, & luy couppa la
teste du cousteau meſme du geant: döt les
Philisthiinss’ëfuyrët tous eſperdus,& les
Iſraelites coururent & pourſuyuirent les
- Phi
E P I S T R E.
Philisthiins, leſquels cheurent naurez zºs
defĉöfits. Et Dauidprint la teste du Phi
listhiin, & l'apporta en Hieruſalem, «>
les femmes de toutes les villes d'Iſraelen
menerët grand ioye. Or c'est vnehistoire
par laquelle nous verrons que les chofes
iadis aduenues aux hommes d'Iffael, söt
tombees für noz testes en ce lamentable
tëps,& ce principalement à cauſe denoz.
vices & pechez, Voicy le fiecle predit
par le prophete de Dieu Hieremie: Duo
mala fecit populus meus.Me dere
liquerunt fontem aquæ viuæ, &
foderuntfibiciſternas diffipatas.
EMonpeuple afaiếž deux mauxils m’ont
delaiſſé qui fuis la fontaine d'eau viue,
&> ont caué pour eux descisternes rom
pues & diffipees , leſquelles ne peuuent
contenir eaux. Le premiermalest: Ils
m’ont delaiffể par leur malice, moy qui

fuủla fontaine d'eau viue, laquelle pre


(1 ?
E P Is T R e.
mieremëtpurifiee felö que dić7 TDieu par
*vrºs fon Prophete: Ierefþandray für vous de
l'eau nette, & ferez nettoyez de toutes
voz ordures. Secondement ceste eau viue
fai67germer, comme ilest dit du iuste par
le Pſalmiste: Le iuste qui fera arroufe de
ceste eau viuesfera comme l'arbre qui est
planté aupres des ruiffeaux des eaux, qui
donnera fon fuićž en fa faufan. Tierce
Hoan. 4.
ment ceste eau viue estaint la foif: -Qui
boira de l'eau que ieluy döneray, il n’au
ra iamais fof. Quartement ceste eau e
faint lefeu de concupiſcence charnelle.
2uintement qui boira de ceste eau viue,
fera faiếže deluy vne fontaine d'eau vi |
ue, faillante en vie eternelle : carilaura
la veine qui reiettera fes fources, affa
uoir de peché en grace, de damnation en
falut, de mort en vie, de la terre au ciel.
Puis donc que ceste eau estoit ß neceffai
re , voila le premier mal que le peuple
- -- - - - - - - Chre
v

N
E P I S T R E. M

Chreffien a fait affauoir,ila delaiffếla


mour de fon fouuerain Dieu, (9 la cha
rité des enfans de Dieu. Le fecond mal
est, que foderunt ſibi cifternas diffi
atas: ils ont caué pour eux des ciffer
nes rompues (9 diffipees. Tarles ciffer
nes eſquelles l'eau de la pluye est recueil-
lie , faut entendre l'amour defoy-meſmes
«» du monde,leſquels amours ne peuuent
contenir aucune vertu, ne les comman
demens de Dieu. C’est la folle (9 damna
ble amour, qui en ces temps calamiteux
a prouoqué l'ire de Dieu à l'encontre de
nour. Et pourreprendre l'histoire, voylà
le grädgeät Goliath és les Philisthiins,
c’est à dire , Sathan auec fes ſuppots «9°
fatellites, à fauoir ceux de la fanguinai
re religion,defloyaux perfecuteurs de leur
loyalle mere l'Eglife, qui ont affemblé
leurs armees pour faire guerre contre les
hämes d'Iſraël,c'està dire, cötre les Chre
4 4
E P I S T R E.

stieni Catholiques,G auec les perfuastons


diaboliques ont defié l'armee de Dieu.
Ils ontdemoly les farrezautels de Dieu,
des chafubles ữ) chappes de fon Eglife,
ils ont fait des chauffes & capperspires
en cela que Iuif & Gentils, leſquels ont
feulement vnefois eſpandule fang de le
fier Christ:mais les Sacramentairesiour
nellement respandent le digne fang de
Ieſus Christ,apres qu'iceluya effécouron
né d'honneur c> de gloire, conffitué Ć9
ordonné tugedes vif & des morts. C'er
mal-heureux nous ont voulu auffi pri
uer de l'höneur & inuocation des Sainéir
&> Sainfíes de Paradis,&9 generalement
ils ont perſecuté la Chreffienté:mais ſpe
cialement nostrepauurecité de Lyon &’
fon dioceſe,cöme l'experience amplemenz
le te/moigne. Toutefois noffre bon Dieu.
Perede toute cöf0lation &> plein de toute
mifericorde vous a fleu pour paiffre ce
*
ffe
e r i srr E.
fe Eglife(Möfeigneur)& à vostre nou-
| ueau facre G dignité eArchiepiſcopalle
auex veu que les Lyons heretiques par
leur puante nouuelle doćirine effoyëten
trezen la bergerie de l'Egliſe Lyonnoife.
JMaủ le fouuerain & principal paffeur,
vous a armécötre tels Philisthiins, Lyös,
& Ours,d'vne armure diuine, ữ) comme
bon «9 fidelpaffeur des brebis de voffre
Pere celeffe, comme vn autre G fecond
Dauid auex deliurévoffre trouppeau de
la gueule des Lyons , & Ours quand
T20 ft f att êZCfufoqué leurs fraudes, rufes,
fallaces @*fauffes allegations. Vous leur
auez couppé la teffe, cöme Dauid à Go
liath, ie dử de leurpropreglaiue: quand
parvoffrepure & 6ncerestauoir,les ef:
critures par eux fauffement alleguees,
ont effé declairees par vraye & claire
expoſition.Et comme les dames de Hieru
falem donnoyent loüange à Dauid, auffi
A f
E P I S T R F.

: aurezimmortalité degloirepar vo:faits :


i en delaiffant memoire eternelle d'iceux.
Lefquelles choſes par moy diligemment :
conſiderees, cõbien que iene foye eloquent |

cº que maparollefit contemptibles tou- :

tefois la lumiere de verité que Dieu par


l'inspiration du S.Efhrit m’a donné,ie me :
l'ay point voulu cacher foubs le muid, |

mais la mettre fu le chandelier, depeur, :


qu’auec le feruiteur pareffeux, mauuazử {
G inutile pour femblable cauſe ie ne fôzử
affligé des peines eternelles. Auec la pau
ure vefue i’ay offert deux petites (> me–
nues pieces, a|ffauoir, le traité de l'appro–
bation des fainéis Sacremens de l'Eglife
Catholique és Romaine, Č> maintenazzz
(parla grace de Dieu)les Sermös Euan
geliques für les Dimenches feffes folënel–
les G mobiles de toute l'annee aufquels
font inferex quatre vingts fermons, par
lefuels ie donnele laićFde/imple doćžri
72 €
E P I S T R E,

ne en langage vulgaire, à fin que les pa


feurs & Curez qui nefont beaucoup exer
cez aux lettres fainéžes, puiffent prefĉher
leursparoistens catholiquemët: encesfer
mös i’ay colligé & amaffèles beaux diffs
desfacrez Doffeurs, tant Grecs que La
tins. En apres nous n'auons pas en noz.
fermös affeffélafuperbe &'elegante vei
ne,en cherchätnostre gloire:Maử celle de
Dieu,cömeilffait, voite> cognoist. Car
nous fommes cötens d'ouurirla portec”
fenestre pour monstrer la voye aux fim
ples, nouueaux (9. rudes prefcheurs, qui
par vostre cömandement feveulent pre
parer par la predication du S. & ſacré
Euägile.Finablement nostre labeurpour
ra profiterà la commune vtilité des pref:
| cheurs qui n'ont pas abödäceoupuiſſance
d'auoirpluſieurs «» diuers liures. Ievous
| prie donc, Monſeigneurč9 tres-excellent
Prelat, receuoirle petit labeur devostre
#7'e
E P I S T R E.

tres-obeyffantferuiteur. Ie n'ignorespar
que vostre heroyque & vertueuſe gene
rofité ne doyue estre decoreeparplus am
ples (9 magnifiques honneurs: mais voi
cyqui mecöfôle. Car comme nostregrand
Dieu n'a point en deſdain ne en horreur
les petits dons des pauures. e Ainstvostre
dignité & grandeurfinguliere, qu’auez.
acquife parhaults & rememorables faits
ne mešþrifera les deux petits liures de-
diez cº conſacrezà vostres tres-venera
ble feigneurie. ‘Receuez les doncques
Monfeigneur,d'auffi bonne volonté,com
me de tres-humble caur ils vous font
*preſentez, De fainéž Estienne de Furan,
lepremieriour de Iuin. 157 1.
Viuez heureuſement en la
garde de Dieu.
ELo Qv ENTIS S IMO ECCLE
A T Q_y =
S I A S T A E, P E R S P I C A C I
venerabili viro, domino Leonardo Ianier, in
fignis Eccleſiæ parrochialis S. Stephani Fura
nei Pastori vigilantiſſimo , Matthæi Catini
Epigramma Encomiasticum.

ccipe Matthei Pastor noua metra Catini


A Verstbus his etenim te celebrare cupit.
Te Deus eternus miro est complexus amore,
Ac toto nomen fþargitur orbe tuum.
Alta politenero qui liminapandis ouili
Captum ne linquas (mi Leonarde)precor.
Non tibi fed cunőfå genitusprebere leuamen
Ipſe foles,patrie fios,honor,atque decus.
Peruigil obſeruas benè,ne tua teža fubintret
.Qui folet orefremens triste vorare pecus,
0mnibus vtplaceas,placet extantlare dolores
Wä perferre fitim, vả tolerare famem.
| Teſaluum Christus terre,celíque monarcha
Seruet:ć optatả non neget ille frui.

Dyſtichum Extemporaneum.
Diuină/ophiă docethicliber, & tamen ornat:
Ornari voluit fophia haud contenta doceri,
|- S. T. T. - - .
W
H V G V E S C H A R R E T” O AV CO N
feiller du Roy & threforierancien des cent Gen-
tils hommes de fa malfonfous la charge de Mon
feigneur le Comte de Retz, à l'Autheur.
E L E G I E.
C choſe memorable,&qu’vn aćte diuin
Surpaſſant de beaucoup l'entendement
humain, -

Et digne d'admirer partoute noſtre vie,


Veoir l'eloquenceioinćte à la Theologie
Illustrer vneſprit:&cil qui eſt doüé.
De ces deux vertus là à bon droićt eſt loué.
Ne vous eſmerueillez , Monfieur, donc d’vne !
choſe, -

Si prendre à vous louer la hardieffe i'ofe.


Car ces deux vertus là,ces deux luyfãs flãbeaux
Eſclairans noſtre vie,& ces aſtres iumeaux,
Qui nous guident par tout vous font fi fami- i
liers:
Cőme au royal dauphin les ondes marinieres.
La preuue en eſt dốnee en ce liure amplemét,
Qui de Theologie est remply doćtement
Et de mielleux parler, que meſmeie ne doute
Que la France fertille auide ne l'eſcoute,
Le cheriffe & le prife,& d'vn braue renom
Voſtre vertu efleue & voſtre illuſtre nom.
Or Mőfieur, ie defire & humblemét fupplie
Le Seigneur eternel & par voeu iele prie
Vostre los & renom eternifer toufiours:
Et en tous voz deſfeins vous donnerső fecours,
V o us
\

Vous donneraccomply le Nestorien aage


D'vn heur accompaigné,& auſſi d'auantage,
Apres vostre decez vous donner és hauts cieux
Vn repos eternel auec les bien-heureux.

R O C H DV B OYS A
L'autheurfon venerable Curé.
E tien effrit est ſubtiló diuin
Außi est-il à bonté tout enclin,
Ton eloquence est de grande efficace
Et estremply de vertus & de grace:
Tu esrećřeurở diligent berger
A garantirton troupeau de danger,
Depeur que là ne s'en vienne en farage
Leloup cruel & y face dommage.
Lefainéž Eſprit du Seigneurfouuerain
Toufours conduičřton loüable deffain,
Heureux Furan,heureux & fans doutance
D'auoir pasteur de fi grande prudence,
Pourfaire fin ó direpour le mieux,
Partes labeurs tu merite les cieux.

L'IM
/

L’ I M P R I M E V R A V.
L E C T E v R, s a L v T. -

rant receu peu au parauant le decez de


Afeu bonne memoire, c_Maištre Leonard
Ianier, que Dieu abſolue quelques memoires
»
:
de luy, pour l'augmentation de ces prefens Ser
mons, ie les ay communiquez à vn venerable
Dočteur en Theologie , qui les a adaptez en
leurs lieux, auec le meilleur ordre qu'il a peu,
n'ayant tant de loyfir, qu'il eust bien destré
pour les rendre entierement parfaifís, restr
uant à faire mieux, auecplus de loiſir,à la der
miere edition. Quest tu trouues quelque aug
mentation qui te foit aggreable,prie Dieu pour
ceux qui en font cau/G_. * •
*
* **
. .
* '.
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- * -
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*, , , * *

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- ***
-
- * * *
Y :

S E R M O N S EVAN
G E L I Q_V E S, E T
| A P O S T O L I Q_V E S S V R.
les Dimenches de toute
l'annee.

Premier Dimenche de l'Aduent.


| R A T R E s, Scientes quia hora est, Rom.rs,
iam nos de ſomno furgere, &c. Mes
amis & freres Chreſtiens, Mon
fieur fainćt Bernard au fermon
fecond furles Cantiques,fe com
plaignant de nostre deuotion par trop refroidie
en ce fainét temps de l'Aduent, vſe d'vń pro
pos, duquelie puis biếvfer en voſtre endroićt:
Ardorem deſiderij Patrum fuśpirantium Christiin
carnepreſentiamfrequentifimè cogitans, compun
gor & confundorin memetipfº, & nunc vix conti
* neo lachrymas : itapudet teporis torporiſque miſe
rabilium temporum horum. Cui nanque nostrům
tantum ingerit gaudium gratie huius exhibitio,
quantum veteribus fanttis accenderat deſiderium
promifio : Toutefois & quantes que le penfe
aux foufpirs que iettoyent les Patriarches &
Prophetes anciens du grand defir qu'ils auoyết
*
2. P R E M I E R D I M E N C H E
de la venue du Meſſias,ie fuis confus,& ne me
puis contenir de plorer, tantie fuishonteux de
voir la deuotion des Chreſtiens fi fort refroidie
en ce miferable temps. Car lequel eſt-ce d'en
tre nous qui fe refiouyfle autant de ceſte grace
à luy preſentee, comme faifoyent les Peres an
ciens de la ſeule promeſſe , laquelle leur en
auoit eſté faicte ? Ce n’eſt donc fans iuſte oc
caſion que nostre mere faincte Egliſe voulant
refueiller fes enfans, & los exciter à plus gran
de deuotion qu'ils n'auoyent,nous all

iourd'huy vne leçon de Monfieur S. Paul fort


propre à cela, & conuenable à ce commence
s. Paul nou ment de l'Aduent, en laquelle il dit: Fratres,
erreu.f feientesquia hora estiam nos defonno fargere. Le
digne Apostre Monſieur Sainét Paul ,vaisteau
per u., es d'honneur & d'elećtion, pour l'exaltation de la
pourquoy. gloire & honneur de Dieu,en l'Epiſtre du iour
d’huy,comme en pluſieurs autres,nous appelle
- freres, & non fans cauſe: car fi nous voulons
"":"" confiderer la natiuité du corps, nous fommes
tous freres par natiuité,vie,mort, & iugement:
le plus noble,puiſſant,riche,& fçauant n'a rien
apporté faiſant fon entree en ce monde, d'a
uantage que le moindre homme de tous. Et fi
maintenant il eſt poſleffeur de pluſieurs gran
des & amples richeffes, toutefois elles ne font
“º”“ pas fiennes, ains de Dieu: Quid enim habes quod
non accepisti? Si accepišti, quid gloriaris quaſi non
-

acceperis? Qu'eſt-ce que tu as que tu n'ayes


receu? Et fi tu l’as receu,pourquoy te glorifies
- tll»
-
------- " - ----

, D E . L’ A D v E N T. , , 3.
tu, comme ſi tu ne l'auois point receu: Donc,
fi nous conſideronslą natiuité du corps, nous,
fommes tous freres: pource que nous naiſ
fons nuds, trempez,& motiiliez de fang,com- :
me dit le Sage : Nemo ex regibus ali ans.
natiuitatis initium : vnua introitiu est omnibus ad
vitam : & ſimilis exitus. Nul des Koys n'a eu
autre commencement de natiuité: vnc meſme , ,,
entree eſt à tous à la vie & vne meſme --

blable iſſue, Seçondement , quant à la vie,


nous ſommes eſgaux, & freress pource que
nous ſommes tous obligez & ſubiećts à plu-
fieurs miferes en ceſte preſente vie, & aucu
nefois plus les grands que les petits: Homo na- "º" ".
tus de muliere , breni viuens tempore s repletur
multis mistrijs. L'homme nay de femmé, vi
uant peu de temps, eſt remply de pluſieurs mi
feres. Tiercement, quant à la fin, car nous -, , ,' . " z * -

ſommestous ſubiećts à la mort : Quis est homo P t. i


qui viuit, & non videbit mortem? Qui est l'hom- att. :
me qui vit, & ne verra point la mort Commer.. , v
diſant,nul:Statutum est hominibus femel mori, Il "“” :
eft ordonné aux hommes , de mourirvni ! ois.
Etle Poëte: , , , ... . . . . . . , .
Est commune mori,mors nulli parcit honori; .
Diues c-fortis veniunt ad funera mortis.
C'est choſe commune à tous de mourir,la mort „... -

- -- . ' ' - - - Puiffance ime


n'eſpargne point leshốneurs: le riche & le fort
viennent au cóuoy & obſeques de la mort. Au mort.
pres de la mort : les plus hardis font occis: fes
mieux aprins y font ſurprins: lesplus huppez y
2.
*
4 P RE M1E R D1M EN c HE
font happez:les mieux montez y font mandez:
& les plus forts n’eſchappent fon effort, & ne
- fçait-on l'heare:leiour,ny letếps d'icelle.Fina
blement quant au iugemét de Dieu.nous fom
mes tous freres efgaux:car il nous y faudra tous
comparoistre:Omnes nos manifestari oportet ante
tribunal Christi, &c. Il nous faut tous preſenter
z carr deuant le fiege iudiciaire,àfin qu’vn chacũrap
orte felon qu'il aura fait durant fa vie , foit
| mal:Omnes.Tousieunes,& vieux:pau
ures,& riches:foibles,&forts:eſtrangers,& do
meſtiques bons,& mauuais:honorez,& meſpri
fez : , & ignorans: triftes; & ioyeux,
fols & fages:hommes & femmes: feigneurs &
feruiteurs:maiſtres,& vallets: dames, & cham
brieres: Omnes nos. Il nous faudra tous compa
s. Paul „en, roiſtre deuant la face du luge, qui est iuſte en
appeus freres fes iugemens. Voyla les raiſons par leſquelles
à raiſºnde “ nous ſommes tous freres quant à la natiuité
zatiuiti sti- corporelle.Item fi nous confiderons la natiuité
rit uelle £5’ -

Tourquºy . ſpirituelle,nous
p trouueronsqu'à bon droit, &
à bonne cauſe S.Paul nous appelle freres, pour
pluſieurs raiſons. -

Premieremét,nous ſommes tous conceus &


rfalso, nais en peché, & pour eſtre lauez de la foüil
lure de peché, nous auons tous beſoing de la
grace de Dieu, & d'estre portez au lauoir de
bapteſme, pour este renouuellez de la grace
du S. Eſprit, par le merite & effufion du fang
"*"* de nostre Seigneur Ieſus Christ : ce que nostre
Seigneur diſoit à Nicodeme: Nist quis renatus
fuerit
DE L’ A D v E N r. $
fuerit ex aqua & ſpiritu fanito,nöpotest introire in
regnum Dei', C'eſtà dire: fi l'homme n’est rege
neré d'eau,& du S.Eſprit,il ne peut aller en pa
radis.Nous auons tous vn meſine Dieu, qui est
nostre pere celeste. Nous auons tous vne mere
fpirituelle, qui eſt l'Egliſe Catholique. Nous
auons tous vn meſme bapteſme, vne meſme
foy,& vna meſme eſperáce.Nous ſommestous
participans de meſmes Sacremens; & capables
d'vne meſme gloire. Le tout conſideré, à bon
droit mốfieur S.Paul nous appelle freres,diſant:
Scientes quia hora est iam nosde /omno furgere.
Nousfçauons qu'il eſt temps(Iam) Maintenất:
fans delay:carnous ne fçauonspas le tempsau- -

quel noſtre Seigneur viendra (Nos) nous: Iuue-T/at.tet,


nes & virgines fenes că iunioribus: Reges terre, é: -

omnespopuli principes & omnes iudices terre.Ieu


nes,& pucelles:vieux,aueclesieunes: les Roys
de la terre.Nous fçauốs qu'il eſt temps mainte
nant(de fomno furgere)nous leuer du fornme de
peché:car comme dit S. Ambroiſe au chap. 45.
de fon Commentaire ſur ce paſſage : De fòmno
furgere,est operari bonữ,quastin est palã Il
licita enim in notte,id est,in abſconditofiunt. Se le
uer dufomme, c'est faire de bonnes ceuures,
comme en plein iour:car on fait de nuict, c'est
à dire,en cachettes,les æuures mauuaifes,&il
licites.Icy faut noter que le benoist S.Paul fait .. d
conparaiſon de l'estat de peché, au fomme, & i
dormir, pourpluſieursraifons. Premierement, f ,
à cauſe de la deception, ou illuſion: car c'est v pouraav.
- - - A 3
6 p R EM I = R DiM ENc h e
chofe commune , que l'homme en fongeant,
naturellentoñt est deceu : pource que les fens -ı
----

humains alors font liez,& aucunefoy il est ad


juis à ceux quifongét.qu'ils font habillez pom
peufement, & richement, qui efueillez font
* deceus: cat ils ſe trouuent en chemife , ou tous
vnuds. Les autres ſongent qu'ilsboiuent, man
*gent, & font gand chere, qui efueillez font de
celiz:carils ont le ventre vuide,& font alterez,
! coilínie vieux Pantagtuels. Et quelques vns
fongent quihiinanientbeaucoup d'argent, qui
refusillez gleinement apperçoiuent qu'ilsfont
"/"7":decetis, cofntne difie Pfalmiste : Dormierunt
fomha» hah», & nihil inuenerunt ºmnes viridiai
..»" N -tiarum in manibus filis. its ortt dormi leur form s
ine,& totis lès hommes n’ont poirt prouữé des
siehelfs en leurs tourpecheurett
dećeu.Exemplifions icy du ſuperbe & arrogant
- s'estime beaucoup, & a grande opinión de
foyñiếfine,& toutefois il n'est rien,finon terre,
cendre;&pöurriture. Ainſi de l'auaricieux qui
grandenent apprecie les biensterrestres prín
cipalementFor; & l'argent. Et toutefois tout
cela n'est que vilc & pữante terre.Item du pail
- - lard võluptueux qui iuge la fouucrainc dele
-* ... ćtation cônſister en lubricité&fenſualité char
* nelle. Ain est il du gourmand, & yurongne,
Greg. : Nyff. quantà la delectatió, laquelle confiste au boi
'orat.y. de re- re;&'âu rhanger. Voylà comment tout pecheur
-

eſt deceu. Secondement l'estat du peché eft


sti. . . . - comparé au fomme pour la femblance, formře
i . &
DE L' A d v e n t. 7
& image: car le fomme est l'image de la mort,
de forte que le dormant ne fernble point estre
different d'vn mort, finon d'vn petit d'haleine:
comme dićt treſbien le Poëte:
Stulte, quid estfomnus, gelidenist mortis imago? ouid.lib.a.
C'est à dire : ô pauure homme, que penfes-tu Fles.
que ſoit le ſomme finon que l'ombre de la
mort? Dont , ainfi comme le dormant est pri
ué des actions de tous les ſens corporels, ain
fi le pecheur eſt priué de fens ſpirituels. Car
tel n'entend point par prompte diligence : il
Ime point par diuine loüange : par con
festion de fes pechez & pour l'edification de
fon prochain : voylà comment peché eſt
comparé aux fommes. Pource Sainćt Paul
diſoit : Mes freres il eſt temps de nous leuer
du fomme de peché, à fin que Ieſus Chriſt
( qui fait illuminer ſon foleil fus la terre
nous eſclairer corporellement , par la clarté
de fon fainét Eſprit ) vueille i 11OS,

coeurs & entendemens à la droite voye de fes,


fainćts & diuins commandemens : Car c'eſt
celuy , Qui illuminat omnem hominem venien- Ioan.t.
tem in hunc mundum. Malheur à ceux qui plus
ayment les tenebres de vice, que la lumiere
de vertu. Mais ie vous demande , qu’eſt-ce
fe leuer
Eſaie du Dauid
, & fomme,aufinon ce trentetroifieſme."
Pſalme que nous difent . mme::"quoy,"
Declina à malo & fac bonum, laitſe le mal, &
fuis le bien: nettoye ton coeur de l'ordure de
peché, & le purifie du vieil d'hypocri
- 4
8 P R E M I E R D I M E N C H E

- , fie : deſlie-toy les liens de peché & de Sathan:


Ii/º fut fais fruićts dignes de penitence:Laue ton coeur
de toute malice : prepare toy à la venuë de ton
G createur: carcela est choſe iuste, digne, & rai
pourquoy. fonnable. Icy faut noter,que comme pluſieurs
choſes font leuer quelqu’vn legierement quất
) au corps: ainſi pluſieurs choſes doyuent pro
uoquer à bon droićt le pecheur à fe leuer ſpi
rituellement quant à l'ame. Premierement fi
quelqu’vn eſt tombé en la bouë,foudainement
il fe leue , à fin qu’il ne foit foüillé, & qu’il
me foit veu par les paſlans, pour ceſte cauſe le
echeur fe doit leuer tres-foudainement de la
de peché:parce qu'il n'y a aucune immű
dicité plus immunde i peché.Car le miferable
pecheur par peché foüille foname, faićte à l'i
mage de Dieu. Secondement, s'il aduient que
quelque maiſon ſouffre de nuićt le feu bruflát,
tantost apres ceux qui font couchez au lit fou 't
dainement fe lieuent, de peur que le feu ne les
conſume: ainfile pecheur fe doit leuer de pe
ché. Car le peché est comme le feu,qui deuore
& cőfume tout le merite,la grace, & les vertus
qu'iltreuue en l'ame.Nücenimpropior est nostra
falu, quàm cum credidimus, adiouſte S.Paul,car
maintenant nostre falut eſt plus prochain que
nous ne l'auốs creu. Maintenant s'est approché
nő ſeulement le royaume des Cieux,mais auſſi
le Roy des cieux, le Roy des roys, le Seigneur
des feigneurs, le Prince des Roys de la terre:
N. quia toute puiſſance : c'est nostre falut,falutai
***f-, . - TC.»
D E L’ A d v e N r. 9

re,faluateur,& fauueur. Qui falui fecit populum


fuữ à peccatis eorã. Il s'enfuit au texte:Novpra
cefit La nuićteſt paſſee,àfçauoir des vmbres &
figures du vieiltestament,la nuićt d'ignorance,
d'infidelité, de peché, de mort, & de dănation.
Carpar la precieuſe & treſſacree mort de Ieſus
Christ,omnia conſummata funt,toutes les figures
anciennes ont prins fin, la mort eſt morte, pe
ché depefché, enfer enferré,Satan destruići &
ruiné.Dies autē appropinquauit: La nuićteſt paſ
fee & leiour eſt approché, c’est le vrayiour , , ?
':--, * •

de grace & de vraye lumiere & Euangelique


doćtrine, qui nous enſeigne la voye de Dieu
en verité, vray foleilde iuſtice, qui par la pro
fonde humilité de fa douloreuſe mort nous
a merité le iour de la gloire eternelle. Voyci
7
les iours qui font approchez : car le iour de
grace eſt à tous preſenté, l'Euangile à toute
creature prefché, gloire preparee à tous fidel
les & operateurs de bonnes oeuures & fainćtes
operations. La nuićt doncques de l'ancienne
loy eſt paſlee, & le iour degrace s'eſt appro
ché. Abijciamus ergo opera
doncques les oeuures de tenebres. C’eſt à dire
les pechez, & æuures mauuaifes:comme a fort
bien remarqué ce doćteurancien Origene, ex
pliquant ce paſſage au liure 9. fur l'Epistre aux
;;
Romains:Icy nous faut fçauoir que fainét Paul
les pechez ceuures de tenebres, pour
| ufieurs raiſons. Premierement, à cauſe que
es pechez procedent des tenebres de malice
- - f

s 3.
IO p REM1ER D1M ENCHÉ
Fahrtºn & d'impieté.Secondement, pource que lespe
bres, de tene- chez font commis par la fuggestion des malins
seres - - - -

eſprits,ou des meſchans hommes, qui font ap


í...
qnoy. s. pellez tenebres. Tiercement, d'autant que les
Iob 3. . pechez font perpetrcz par les ennemis de lu
***** miere entenebres à fin qu'eux & leurs mauuai
ſes æuures
tement ne foyết
pource taxées & blafmcęs.
que lespechez Quar
aucugléts& ob
fcurciffent les operateurs d'iceux de fort; que,
comme dit le Prophete de Dieu:Les Pecheurs»
*/" - dicunt bonum malum, & malum bonum, & pºnant
tenebras pro luce,ils difentle mal estre bien.&le
bien estre mal : & mettent tenebres pour lu
miere, & lumiere pour tenebres: amertume
pour douceur , & douceur pour amertume
Cinquiefmement à cauſe que les pechez con
uertiilent les enfans de lumiere en tenebrçs. Et
finalement
pource qu'ilslesconduiſent
pechez fontleurs
appellez tenebres,
operateurs és
tenebres exterieures & eternelles, les pieds &
mains liez, là où iamais ils ne verrőt la lumiere
Matth:22. , de la gloire diuine. Et induamur arma lucis : Et
Les æuures de foyons veſtus des armures de lumiere:c'eſtà di
vertu font * -

r- re de vertus, cóme dit S.I.ean Chryſoſtome en


„ure, d. in- l'homelie 24. ſur l'Epiſtre aux Romains: Radijs
miere,cöment enim folaribus illustriorem te faciunt, atque in fotº
,trº etiam optimè munitum constituunt: Icy nous faut
entendre que pour pluſieurs raiſons les ceuures
de vertu font nommees armures de lunie
re. Premierement pource que ceux qui font
yestus des æuures de vertu, font appellez lu
miere,
- t e l’A d v e N r. 17
miere, & enfans de lumiere. Secondement, à
cauſe que les oeuures de vertu font forts & |

puiſſants les Cheualiers Chrestiens : de forte


qu'il n'y a puiſſance humaine, ou diabolique,
qui les puille vaincre, ou furmonter, felon que |
diſoit Ieſus Christ: Confidite, quia ego vici mun. Iºan.rº.
dum. Ayez bon eſpoir, car i’ay vaincu le mon
de. Tiercement, d'autant que celuy qui faićt Rom, 1 ár.
la verité, vient à la lumiere, à fin que fes ceu
ures foyent manifestees, car elles font faićtes
en Dieu. Quartement , pource qu'elles por-Iºani.
tent la lumiere de bon exemple deuant les
hommes, entre leſquels ils reluifent, comme
trefteſplendistantes lumieres au monde: com
me il est eſcrit: Luceat lux vestra coram homini-
bus, vt videant opera vestra bona. Que voſtre lu- i.e.
miere luife,à fin qu'on voye vos bonnes ocu
ures. Finablement les æuures de vertu font
appellees armures de lumiere, pource qu’elles
conduiſent ceux qui en font vestus, au lieu de
Ítaniere eternelle: Quia qui bona egerunt,ibuntin Iºan.s.
vitam eiernam. Cár ceux qui auront bien fait,
ironten la vie etethelle, illuminez par la clar
té & reſplendeur de nostre Dieu & createur. .
Refettons doncques les æuures de tenebres, * -

&foyons vestus des armures de lumiere : Sicut *.

in die honeĦè ambulemus. Tellement que nous


cheminíons honnestement comme de iour, &
comine au four de grace:Si Christus in cordeno
strofit (dit Origene au lieu preallegué) diem no
*
bifacit. Si ignorantias nostras stientieratiofuget,

T2. P R E M 1 E R D 1 M E N.
C- indignos aćtus declinantes, pia queá, G- honesta
fećłemur,in luce fumus poſiti, & quast in die hone
ffè ambulamus. Celuy chemine honneſtement
comme au iour de grace , qui chemine en la
crainte de Dieu, attendant tout fon bien, &
proſperité, de la benedićtion d'iceluy : de la
quelle honeſteté en vn autre lieu S. Paul fait
mention, diſant: Ie vous admoneſte moy pri
Epheſ.,. fonnier en noſtre Seigneur : Vt dignè ambuletis
- vocatione qua vocati estis cum omni humilitate 6°
manſuetudine,& c. Que vous cheminiez comme
il appartient à la vocation à laquelle vous estes
appellez,auec toute humilité,& douceur,auec
patience , ſupportant l'vn l'autre en charité,
eſtans foigneux de garder l'vnité de l'eſprit,par
le lien de paix. Cheminons doncques honne
stement & dignement comme au iour de gra
ce: Non in comeſſationibus cớ ebrietatibus, dit le
meſme.Non point en gourmandifes,&yuron
gneries. Sainct Ambroiſe expoſant ce paſſa
ge dit, que Comeſſation c'eſt vn conuiue ex
ceſſif, & proprement de la viande prinſe apres
le foupper par excez, & diſſolution (Kćues) en
L Grec ſignifie le Dieu d'yurongnerie, comme
qui#""“.les
procedent es Poëtes
oetes feignent.Dit
teig donc fainét Paul,» che
*
che
á gurmadi- minons honnestement , non point en gour
fe gyaren- mandiſes, & yurongneries. Car par tel peché
*"":,,,,. Dieu est griefnement offenſé, qu'il eft
*“”” eſcrit en l’Exode:Seditpopulus manducare c- bi
bere, & furrexerunt ludere. Le peuple s'affeit
pour boire, & manger, & ſe leua pour P :
rg
- D E L’ A D v E N r. : 13
dre fes plaiſirs. La franchiſe & gourmandife Genfr.
de nos premiers pere & mere en rendent fuffi
famment teſmoignage : car elle fut cauſe que
la porte de paradis nous fut fermee. Les en
fans de Iob beuuans & mangeans, furentac-
cablez par la ruyne d'vne maiſon. Aman ef
prins de vin, fut tué par ſon frere Abſalon. 2.Rfg.rs.
Eſaü par gourmandife vendit ſon droit de pri-c.,,.,,.
mogeniture à ſon frere Iacob. Iadis le peuple e .
s'estaſſis pour boire & manger, & s'eſt leué
pour ioüer: mais ceſte ioye fut bien toſt con
uertie entristeſſe: carpour ceste offence, vingt
& trois mille hommes furent frappez de glai Matt, 24,
tie. Deuant le deluge, les hommes & femmes
beuuoyent,mangeoyent,& fe marioyent:mais
ce forfait fut vengé par vn deluge vniuerfel, r. Petri.3,
qui feit defloger tous les habitans de la terre,
excepté huićt perſonnes qui furent fauuez en
l'arche de Noé. Et ce meſme Noé estant fur- ceas/ro.
prins de vin, monstra fes parties honteuſes, &
fut mocqué de fon fils Cham: dont s'en en
fuiuit maledićtion. Loth yure, viola fes deux genestº.
filles. Les Sodomites auec les citez circonuoi-º"/"º"
fines, par le peché d'orgueil, & gourmandife,
furent fouldroyees par le feu quideſcendit du
ciel. Ce grand Prophete fainét Iean Baptiſte, 4?"g, (f,
apres que le cruel tyran & inhumain Herode
eut bien banqueté & gourmandé, fut cruelle- Luc.ro
ment occis & decollé. Le mauuais riche pour ""
gourmandife est damné: carilest dit expreſſe
ment au texte : Qui epulabatur quotidie plendi
6’y
I4 P R E M I E R D I M E N C H E

, ! dè. Qu'il faiſoit tous lesiours grand chere : il


mourut, & fut enfeuely aux par l'appe
titinfatiable de boire ou de máger, qui ne ceſ
fe de cercher continuellement nouuelles vian
des,auec varieté de fauſles & falures,pour don
ncr faueur,& pour plus amplement eſmouuoir
&inciter l'appetit,pour plus ardemmét boire,
& manger:&les ayant trouué à ſongoust,il ne
peut qu’auec grande difficulté, s'abſtenir d'en
prendre plus qu'il n'en faut: dont prouiennent
& s'enfuyuent gouttes, & diuerfes maladies,
tant corporelles,que ſpirituelles:lefquelles fi
nablement conduiſent l'homme à perdition,&
damnation. Et comme on dit communement:
Plures interficit gula,quàm gladius. Gourmandife
en faićt plus glaiuc.
Maladie ter , Or confiderons premierement les maladies
corporelles,leſquelles prouiennét de glouton
nie, voracité, & yurongnerie. Commerheu
ritë e mes, cathares,peſanteur, tournement de teſte,
yurengnerie eſtourdiſſement de cerueau, troublement des
******* yeux,tréblement des mains,grauelle aux reins,
gouttes aux iambes , douleurs aux fie
ures chaudes: & puis s'enfuyt vne breueté de
vie. Outre les fufdićtes maladies corporelles,
s'enfuyuent auſſi par gourmãdife& yurongne
rie,maladies ſpirituelles à l'ame.Cőme concu
piſcences, appetits defordonnez, paillardifes,
& toutes voluptez charnelles. Et toutefois
auiourd'huy les Chrestiens fans confideration
de tels vices en font vertus, pluſtoſt fuyuant
la
D E L’ A D v E N T. If
| la doctrine de Baal, qui enſeigne à gourman
der, boire , manger, paillarder, & vſer de vo
lupté charnelle , que la doćtrine de noſtre Sei
gneur Ieſus Chriſt, de fes fainćts Apoſtres,
(comme dit fainćt Paul,qui dit: Caſtigo corpus r.cor.».
meum & in feruitutem redigo, ne cum alijs prædi
cauera, ipſe reprobus efficiar, Ie chaſtie ma chair
& la reduićts en feruitude , de peur qu'ayant
preſché, ie ne foye du nombre des reprouuez)
& la doćtrine des fainćts Doćteurs de noſtre
mere l'Egliſe , qui tous nous enfeignent &
prefchent viure ſobrement, matter & mace
rer noſtre chair, à fin qu’elle ne foit rebelle à
l'eſprit,& qu'elle ne renonce à l'obeiflance des
commandemens de Dieu, & pour plus facil
lement impetrer la grace de Ieſus Chriſt. Car
l'eſprit de Dieu par ſon Prophete Ifaye s'ef
crie & profere malediction contre tels gour
mands & yurongnes , qui font leur Dieu de
leur ventre,difant: Ve qui potentes eftir ad biben- vai.
dum vinum,C#-virifortes ad mistendam ebrietatem, *

c'eſt à dire : Maledićtion fur vous qui vous le


uez du matin pour fuyure l'yurongnerie , &
pour boire iuſques au veſpre : à fin que le vin
vous efchauffe.Doncques à bon droićt le digne
Apoſtre fainét Paul nous preſche & enfeigne
de ne cheminer en gourmandife & yurongne
rie: car par tels pechez Dieu eſt griefuement
offencé: & pource que le malin eſprit ayant similitude
vn poultre,
de petit feſtu,
& illà leoùfaićt croistre
il trouue vneenpetite
vne gran- eſprit."""
CC 11C
I6 P R E M I E R D I M E N C H E
f, celle de feu, il la fouffle auec ſon haleine,& la
- fait allumer en vn grand embraſement de feu:
. ainſi quandil voit quelque perſonnage qui eſt
addonné à voracité & yurongnerie, il procure
& employe toutes fes forces pour le faire tref
bucher en autres vices & pechez, contre leſ
uels l'Apostre nous donne aduertiſſement,di
: Non in cubilibus & impudicitijs, Non point
f. en couches & luxures. Car fi la racine de gour
mandife n'est foudainement arrachee, elle en
* * gendre oyſiueté, negligence , & pareſſe : Car
'. quand les gourmands & yurongnes font en
gorgez, ils deſirent à dormir pour les
vins & viandes qu'ils ont prins ſuperfluëment
& exceſſiuement. Ce que fainét Paul appelle
Cubilia,Couches: c'eſtà dire, oyſiueté & paref
fe, laquelle enſeigne grande malice : car c’eſt
la mere nourriſſe de beaucoup de maux, meſ
me que d'elle la concupiſcence de la chair préd
fa naiſlance, pource que leventre plein deva
2044 #4.V. peurs chaudes à cauſe du vin ſuperflu, facille
* ment trefbuche en paillardiſe. Et à ceſte cau
fe diſoit fainćt Paul:Nolite inebriari vine, in quo
Les "4"* est luxuria. Et quand fainét Paul dit, non en
? " oyſiueté, ou en trop long dormir, foudain il
“”“ adiouste,aut impudicitis: Et en luxure, laquelle
coustumierement enfuit gourmandiſe, yuron
gnerie & oyſiueté : pource que , comme dit
Hierony fainćt Hierofme,venter & genitalia membra funt
proxima.Le ventre & les parties honteufes font
membres prochains, fe donnans vigueur
*~ à l’au
D E L’ A D v E N T. C r7
à l'autre. Quand le Roy Dauid eſtoit oyfeux,
& en repos, & qu'il ne batailloit plus contre
les aduerſaires de la loy du grand Dieu d'If
raël, il a eſté lié &enueloppé entre les rets, la
cets, & filets du diable, tresbuchant au peché
d'orgueil, d'adultere, & d’homicidē. Quand
Salomon en repos, & que toutes les
choſes que ſes yeux voyoyent,& que fori coeủr
defiroit, ne luy manquoit : lors il s'addonna à
paillarder, & meit telle macule & rache en fa
gloire, qu’aucune oubliance iamais n'effacera.
S’enfuyt:Non in contentione & æmulatione. Non 2.Tim.2.
point en noiſe,& en enuie:Per contentionếenim
intelligit Apoštolus indignationem & excandefĉen
tiam : per emulationem verò inuidiam,comme dit.
Oecumenius fur ce paſlage: car il ne faut pas
que les feruiteurs de Dieu foyent noiſeux, &
contentieux. Noife eſt vne mauuaife mere, Noiſe engen
laquelle engendrevne trefmauuaife fille,àfça-*******
uoir , enuie. Les contentieux & enuieux font
charnels,& charnellement viuans.Ils font pri
uez desgraces du fainét Eſprit. Et pour la fin
de nostre Epistre, fainét Paul nous admõneste,...
difant: Sed induimini dominum Ieſum Christum.
Mais foyez vestus de noſtre Seigneur Ieſus.
Chriſt. Frequenter diximus (dit Origene furce
pastage) Christum ſapientiam effe,& iuffitiam;&*
fanttificationem, & veritatem, & omnesfîmul vir
tutes:quas vtique qui affümpferit, Christumdicitur
induiffè. Autant en dit fainét Iean Chryſoſto
me au lieu preallegué. Et fainćt Hierofme ex
18 P R E M I E R D I M E N C H E
poſant ce paſlage. Veu qu'en Ieſus Chriſt font
toutes vertus: celuy qui les a toutes, eſt veſtu
r, Cor. 6.
de Ieſus Christ. Induimini dominum Ieſum Chri
ftum. Veſtiſſez le benoiſt fruićt du ventre de
la vierge Marie, comme vn veſtement duquel
vous ferez toufiours veſtus & couuerts:& cốme
Galat.s.
luy-meſme dit en vn autre paſlage: Quicunque
in Christobaptizati estis,Christum induistis.Qui
Similitude.
cốques eſtes baptiſezen Ieſus Christ,vous auez
veſtus Ieſus Chriſt. Car comme la robbe cou
ure la macule & tache du corps: & quand elle
eſt oftee, ladite tache ou macule eſt veuë , &
s'apparoiſt. Ainſi eſt de Ieſus Chriſt, qui cou
ure en nous les macules de peché,& non ſeule
ment les couure : mais auſſi les efface & ofte.
Mais quand Ieſus Christ par nostre peché fe re
Efe.o4. tire de nous, nous ſommes lors comme le drap
de la femme menſtrueuſe, plein de macules,&
ordures. Pource dit S.Paul: Induimini dominum
Iefim Christum. Soyez vestus de nostre Sei
gneur Ieſus Chriſt. Hic induit Christum (dit S.
Ambroife, interpretant ce lieu) qui fe ab omni
errore & turpitudine ſeparauerit,ne in conuiuio nu
ptiarumfine veste eius inuentus, turpiter, tenebris
mancipetur.Evuiftis enim veterem hominem,in no
Orai/an.
uitate vite manendum est. Or pour faire la fin,
nous ſupplierons auec toute humilité & reue
r,?'ins. r.
rence noſtre Dieu,nous dőner la grace,le coeur,
& la puiſſance , de faire toutes nos ceuures &
operations, en pureté de coeur, en bonne con
fcience , & en foy non feinćte , & que nous
puiſſions
D E L’ A D v E N r. - " 19.
puiſſiósleuer du ſomme de peché. Carla nuićt
de peché, de mort, & de damnation eſt paſſee:
& le iour de grace , de mifericorde , de vraye
Euangelique doćtrine , de vraye lumiere du.
monde s'eſt approchee: que nous puiſionspar:
cómunication de tellesgraces dechaller du mi-,
lieu de nous les pechez qui font oeuures de te
nebres,prouenantes de malice & impiete,com
mis parla fubreption des malins eſprits, enne
mis de lumiere : & que finablement condui
fent les operateurs d'icelles aux tenebres infer
nalles,où ils ne verront iamais la lumiere de la
gloire diuine.Mais que nous foyons veſtus des
armures de lumiere,c'eſtà dire , des ceuures de
vertu,à fin que nousſoyons enfans de lumiere,
forts & puiſſans pour vaillamment batailler
contre les affauts du monde,de la chair,du pe
ché, & du diable, & en rapporter la victoire
pour l'exaltation & gloire de nostre bon Dieu
& pere,pour l'edificatió de nos prochains, à fin
u’eux auec nous,& nous auec eux,foyons en
conduits au lieu de lumiere eternelle,
au Royaume de paradis,Amen. . :i i:

SE C O N D D I M EN CHE
- D E L’ A D v E N T.
R v N T figna in fole, & luna, &
|stellis. Noſtre Dieu cognoiſſant le
naturel des hommes estre diffe
}| rent , & qu'aucuns d’entr'eux font
li ayiez à gouuerner, que l'on a d'eux ce que
- B 2
go S E C O N D D I M E N C H E

l’on veut , & font ce qu’on leur commande,


fans ſe faire tirer l'oreille ny menacer, & ſuy
uent vertu fans aucune contrainte : Les autres
fontſimal complexionnez , & fi enclins à mal
faire, qu'ils ne fe foucieroyent aucunement de
bien faire, & garder ce qui leur eſt comman
dé,fi on ne les tenoit de court, & s'ils n'eſtoyết
retenus par menaces, & bridez d’vne crainte
de la peine propoſee aux tranſgreffeurs de la
loy,& contempteurs des commandemens (ode
runt enim peccare boni virtutis amore,oderuntpec
care ali formidine pæne,dit Horace.) Pour ceſte
cauſe luy, qui defire par tous moyens attirer
l'homme à bien faire,quelquefois en l'Eſcritu
re fainćte (comme en Exode, au Leuitique, &
au Pſal. 131.) nous propoſe, comme vn bon pe
re & fage, la grande recompenſe,qu'il donne
ra à ceux qui gardent fes commandemens : &
quelquefois il nous remet deuant les yeux,
(Pſal.88.Exod.& Leuit.) la punition qu'il fe
ra de ceux qui les & n’en tien
nent compte. A fon imitation l'Eglife Catho
lique, ſon eſpouſe ( comme vne bonne mere,
tafchant par tous moyens à attirerfes enfans à
vne faincte conuerſation, & en faire des gens
de bien jvfe maintenant de paroles douces &
gratieuſes, maintenant de paroles de rigueur
& de menaces. C’eſt l'occafion pour laquel
le Dimenche dernier elle nous remettoit en
memoire le gracieux, humble, & premier ad
uenement de nostre Seigneur en ce menii: C
- D E L’ A D V E N T. żí
lequel est ja faićt & accomply: Et auiourd'huy
elle nous remet deuant les yeux fon rigoureux,
terrible, & fecond adưenement ( lequel nous
attendons, & ne ſçauonsquand ce }era) au-
quel il viendra iuger tout le monde, comme
nous ſommes affeurez par vn article contenu
au ſymbole des Apoſtres. Par la memoire du
remier, l'Egliſe nous a inuitez à bien faire, à
uyure la loy de Dieu, & à nous garderde trăſ
greffer les commandemens à nous baillez par
Îefus Christ, & à recognoistre les grands biens
que nous auons receus de luy.Car quand nous
venons à confiderer qu'à ſon premier adue
nement il s’eſt faićt homme pour l'amour de
nous,luy qui eſtoit Dieu, immortel & impaſ
fible, a voulu porter nos infirmitez, & endu
rer pour nostre redemption vne mort
minieufe, pour nous faire participans quelque
iour de la vie eternelle, & qu'en cela ila bien
monstré le grand amour qu'il nous portoit:
c'eſt donc bien raiſon que nous luy obeïffións,
& gardions, fes commandemens. Mais noſtre
mere fainéte Egliſe cognoiffant par experien- .
ce, & confiderãt que bien fouuếtnous ſommes
ingrats enuersluy, & que les grands & infinis
biens receus de Iuy ne nous eſmouuent & fti
mulent à garder faloy & fes commandemens:
auiourd'huy elletafche à nousretirer de peché
parvnautre moyen, c'est par la crainte dů def
nier iugement & de damnation eternelle,cóm
ine voulant dire: Mes enfans fine voulez vous
*
22 sE coN D D1MEN cHE
garder peur d'eſtre ingrats, à tout
le moins foyez-en deterrez par la crainte du
dernier iugement. Et à la verité , il n'y a rien
qui puille & doiue plus nous deterrer & retirer
de peché » que quand nous confiderons qu’il
nous faut mourir.(Nihil enim morte certius,quã
aus hora mortis,nihilft incertius,teste August.tom.
3.lib. 1. fermon.domini in monte, & tom. i o. lub, de
compunët feu contrit.cordis, cap. 1.& lib. deſpiritu
& anima, cap. 31. Quàmfit autem vtilis meditatio
mortis,docet idem August. tom. 2. lib. 2. de Genef?
contra Man.c. 28.č tom, 10. c. 4. & s.libri de fþe
cula peccatorum.) & apres la mort comparoiſtre
deuant Dieu pour eſtre iugez eſtroićtemét fe
.Cor. f.
lon que nous aurons bien veſcu ou mal.Omnes
nos manifestari oportet ante tribunal Christi, &c.
qu'eſt-ce à dire manifestari? il n'y aura pechez,
tant foyent ils ſecrets,quine foyent manifeſtez
ce iour là.C'eſt pourquoy le Sage a tresbié có
Eccl.7.
feillé chacun de nous de fouủent penfer à la
mort & auiugement, Memorarenoufima, & in
æternum non peccabis.Penfe quelle fera ta fin,&
Matt. I 6. tu ne pecheras point.' Quid enim proderit homini
fi vniuerſum mundum lucretur,animaverà fire de
trimētum patiatur?S.Auguſtin meſme confeſſe,
tom, 4.lib.6.confeff cap. 16. que la crainte du fu
tur iugement l'a retiré de beaucoup de vices,&
ſpecialement l'a empefché de fuyure fes me
nus plaiſirs. Et pourtant, a fort bien dit fainét
Bafi |e , homilia o. in Pfal, 33. Cùm ad peccatum
aliquodprogredi voles, cogita mihi horrēdumillud,
(
! Þ E : L’ A D v E N T. 23
& nonferendum Christiiudicium. Comme fi tu
eſtois preſent au iugement dernier , propoſe
toy deuant les yeux ton accuſateur le diable,
ton Iuge incorruptible, & inflexible, parelo
quence , par preſens, & par faueur: propoſe
toy vn abyfme, & enfer , prest de t'engloutir
pour y eſtre tourmenté à iamais. Etie m’affeu
re qu'en te propoſant cela, fi tu n’es du tout
reprouué, tu te garderas bien d'offenfer Dieu,
comme remonſtre le meſme autheur, en vne
homelie qu'il a faićte ad diuites auaros: Alio i
qui fi grauiora illate nonterrent, ego verba facio ad
vor lapideum. Si par ceste confideration tu n’es
excité à changer de vie, ie voy bien que tu as
vn coeur de pierre, & que c'eſt faićt de toy.
Ce n’eſt donc fans iuſte occaſion que les che
ueux dreſſoyent à la teſte de fainćt Hieroſme,
toutefois & quantes qu'il penſoit à ce iour du
iugement: car comme dit le Prophete Sopho
nie, Est dies amara, dies ire, dies tribulationisé soph.r.
anguštiæ, dies calamitatis & miferiæ, &c. Et Hoel: Ioel 2o.
Dies magnus & terribilis, quis fustinebit illum. Ce
n’eſt donc pas merueilles fi la pauure Sybille
Erithree preuoyant ce iour là, s'eſcrie (vt le
gimus libro fecundo oraculorum ) & dit entrem
blant: *, ** : , .

Eheu me miferam, quid me illo temporefiet?


Quz demens omnespeccatis exuperarim.
Tūmeferuatortortoribus eripe diris,
.uamlibet infamem, confþurcaliá, pudoris,
Car s'il est ainfi que le iuste à grande dif
B 4
24 s E co N D D I MENcHE
ficulté fera fauué, & que les plus afleurez tré
1.°et.* bleront,çomme dit S.Pierre en ſa Canonique:
Commếteſt-ce que ceſtuy-là ofera comparoi
stre, qui aura irrité ce grand Iuge & commis
iniquité; Çe que conſiderant le bon Iob diſoit:
Iob re. Quis mihi hoc tribuat, vt in inferno abſcondas me,
donec pertranfeat furor tuus & Tunc enim dicent
multi montibus & petris: Cadite ſuper nos, & ab
Apoc. 6.fondite nos à facie fedentis ſuper thronum & ab
ira agni,quoniam venit dies magnus iræ, &c. Et le
Prophete Royal Dauid regardant à ce futur iu
Pfal.1 # 2. gement,dit:
Non intres Domine, in iudicium cum
Pſalm.".feruotuo. Et en vn autre lieu: Domine ne infurore
tuoanguas me, neq, in ira tua carripias me. Lequel
paſlage expoſant fainct Gregoire, chapitre dix
huictiefmè, liure vingtquatrieſme des Mora
les, & deuant luy fainét Ican Chryſoſtome,
fur le Pſalme dixſeptiefmc , dit: Si Dauid qui
fçauoit bien que fon peché luy eſtoit pardon
, , , né , & qu'il eſtoit felon le coeur de Dieu,
--. A craint tant ce futur iugement, & a peur d'e
stre puny à la rigueur : combien deuons nous
craindre que Dieu n'entre en iugement auec
nous? mais principalement , ſi nous confide
rons quel Iuge c'eſt , & qu'en ce iugement
qui fe fera en dernier reffort, il n’y aura moyen
de trọuuer des excuſes , ny d'eſchapper. Ce
Pſal.ijs. que confiderant Dauid, diſoit: Quò ibo à fþi
ritu tuo, & quò à facie tua figiam ? Par ces paf
fages, tant de l'Eſcriture faincte, que des An
ciens, yous pouuez aiſčment seseistes:
D E L’ A D v E N r. 2í
le dernieriugement eftvne chofe fort à crain
dre, & que la confideration & crainte d'iceluy,
eſt grandement vtile aux Chreſtiens, pour les
retirer de peché, & les contenir en l'obſeruan
ce des commandemens de Dieu. Parquoy ce
*
luy qui enfeigne publiquemét le cốtraire, mố
ftre bien que fa doćtrine , non ſeulement eſt
repugnante à l'expreſſe parole de Dieu, cy de
uant alleguee, & à la doćtrine des Sainćts Do
ćteurs de l'Eglife:mais auſſi pernicieuſe,& for
gee en la boutique de Sathan, lequel cerchant
par tous moyens la damnation de l'hommesluy
faićt perſuader par fes Ministres, qu'il ne doit
pas craindre le dernieriugement,à fin qu'il pe
che librement, & qu'à bride auallee, il coure
apres fes menusplaiſirs,& affections defordon
nees. Puis donc que la doćtrine de Caluin eft
telle en ſon petit Catechiſme, quandil expoſe
l'article du Symbole, qui concerne le dernier
iugement,& dit apertement,qu'il :
craindre le dernieriugement, il n'y a perſonne
de bon iugement, quine confeſſe qu'il eſt mi
nistre de Sathan,& que fa doćtrine est diaboli
que : mais dira quelqu'vn : Ie voudroy bien
fçauoir, quand ce ce iugement dernier?
Česte question est trop curieuſe. Toutefois
pour rembarrer la temetité de Carion en fes
Chroniques, & de Ofiander en ſon liure inti
tulé:De quatuor mundi conietturis,& de quelque |

Astrologue follaſtre , qui ont esté temeraires


iuſques là, de determiner quand fera la fin dit ~
B 5
26 , second d1M EN cH e
monde, & le iugement (ce que toutefois, ný
les Anges, ny les Prophetes, ny les Apoſtres
n'ont iamais ofé entreprendre ) il faut noter
que quand nostre Seigneur a eſté interrogué
du iour & temps determiné, auquel fe fera fon
fecond aduenement, & dernier iugement, il
n'a point voulu reueler ce fecret, comme a do
ćtement remarqué fainét Auguſtin epiſt.8o. ad
Eficiam: mais a reſpondu , qu'il n'appartenoit
pas aux creatures de fçauoir cela , & que fon
Pere s'eſtoit referué cela, cốme il eſt eſcrit aux
*** Actes: Non est vestrum noffe tempora,&c.H s’eſt
contenté de ſpecifier les ſignes qui deuoyent
Luc 22.
precederce iugement,cốme nous lifonsen PE
uangile d'auiourd’huy, enregiſtree par S.Luc.
Auquel quatre chofes nous remonſtrees.
Matth. 24. Premierement, les fignes qui precederőt leiu
***** gement, Secondement,l'aduenement du Iuge
en foniugement.Tiercement,la cőſolation des
iuſtes, quand il eſt dit: Venez beneiſts de mon
Pere. Finalement la defolation des iniustes,
Signes „ and il eſt dit: Allez maudićtsau feu eternel.
, . Premierement: Erunt ſigna infole. Il y aura des
ingement. ſignes au Soleil, & en la Lune, & aux Eſtoil
Matth.** les:voylà vne obſcurité horrible:Nam folobstu
rabitur,& luna non dabit lucem fuam, & stella ca
dent de calo. Le Soleil deuiendra obſcur,c'eſt à
dire,il perdra falueur,à cauſe de la grãde ſplen
deur de Chriſt, quand il viendra au
comme interprete, fainét Iean Chryſostome:
« car comme difent les Philoſophes: Maiuslu
· | 772 eft
D E . L’ A D v E N T. 27
men obsturat minus. Autant en aduiendra-il à la
lune, laquellene donnera pas ſa lumiere, & les
eſtoilles cherront'du ciel: horribles & efpou
uentables fignes precederont le terrible & re
doutable iugement de Dieu, qui demonſtre
ront l’ire diuine implacable,ſelon le Pſalmiſte, -

qui dit de ce iugement:Ignis anteipfumpracedet Pfahºº


& inflāmabit in circuitu inimicos eius, c'eſtà dire: *

le feu ira deuant le iuge, & bruſlera les enne *

mis d'iceluy: Par leſquelles parolles nous eſt


fignifié combien ce iugement fera terrible &
eſpouuentable:c'eſtà dire,qu’on ne pourra ap
paifer ce iuge. Car celuy qui a eſté doux cốme ,

vn agneau en fon premier aduenement,il vien- e


dra comme vn lyon bruyant & rugiflant en fon
fecond aduenement. On dit communément
i qu’vne brebis entre deux loups, vn nauire en
e deux gouffres,ne font pas fans grãd frayeur
& paour: Ainſi eſt-il de nous autres viuans fur deux inge
ka terre:car nous ſommes entre deux iugemens, "e";
à fçauoir des Anges,lequel eſt paſſé: & des hő- ;:: :
mes,lequel eſt à aduenir. Auant lequel nostre .
Dieu monstrera ſon ire griefuement indignee signes auf:
cốtre nous par le troublemét des creatures:Sol leil. /
obſcurabitur, Le foleil deuiendra
dra falueur.Premierement diui- Z.
obſcur,&per-
pour l'offence ::ge.
ne, laquelle par deſſus toutes choſes est eſpou- pourquoy.
uentable & redoutable. Secondement le foleil
deuiendra obſcur pour la coulpe de l'homme,
laquelle par deſſus route estimation est dete
i stable & abominable. Tiercementle ſoleildc
i , - U11Cft
28 , sE coND D 1M E N c H E
uiendra obſcur pour ſignifier la peine des dams
nez, laquelle par deſſus & auant toutes chofes
cſt terrible & horrible. Et luna non dabit lucem
filam.Lalune ne donnera pas ſa lumiere,en la
- uelle feront pluſieurs ſignes. Le premier figne
førse, laquel- est obſcurciſſement:car veu que la lune préd fa
- - - - - -

lueur & lumiere du foleil,le foleil eſtãt obſcur


fa, f. tumis-cy,neceſſairement la lune deuiendra obſcure.
re, e fºur-Secondemếtil
quoy.
y aura d'autres fignes en la lu
ne:à fçauoir mutation & changement de cou
Apoc. r. leur,ainſi que teſmoigne S.Iean, Luna tota fa
čia est vt/anguis : La lune deuint toute comme
signe, aux fang. Et stellis.Pluſieurs ſignes feront aux eſtoil
eſisiles, les qui precederont le iugement:car elles cher
ront,& tomberont du ciel, non pas quất à leur
fuſtance: carcela eſt impoſſible, pource que
Dieu a fondé la lune & les estoilles au firma
ment,vn chacunayấtfon ciel particulier, & les
-: - Cieux font fermes,ſtables,en leur folidité & in
stailles tegrité.Les estoilles cherront,c'eſtà dire , pre
’ º mierement quant à la foustraction & priuation
" de lumiere, comme fi elles estoyent tombees.
- Secondement pour la cheute d'aucunes va

z. **
. peurs & exalations
fcendront enflambees,
fus la terre leſquelles
en fi grand nombrede&
tant horribles qu’il femblera aduis à ceux qui
les verront, que les estoilles cherront du ciel,
S.Hieroſme ſur le chapitre 24. de S. Matthieu
dit,que cecy ſignifie feulement,que les eſtoil
les feront obſcurcies par la ſplendeur de l'ad
tienement de nostre Seigneur. Mais qui en
*, , , - VoUi
D E L' A D v E N r. . . . 29
voudra voir d'autres interpretations, qu'il life
le meſme Doćteur ſur le 34. chapitre d'Efaye.
Et in terris præffura gentiữ.Et en la terre angoiſ- signes en la
fe des gens pour la rencontre de pluſieurs, qui “”“
fuiront l'vn deçà, l'autre delà , à caufe des ter
ribles & eſpouuentables tremblemens de la
E/a. 13.
terre. Tunc vlulabunt homines:quia propè est dies
domini. Alors les hommes crieront & vrleront:
car le iour du Seigneur eſt prochain,lequel viế
dra du tout-puiſſant,comme le foudroyeur:Væ, Apes.s.
ve, ve, tunc habitantibus füper terram: Maledi
ćtion, maledićtion, maledićtion aux habitãs de
la terre:car il y aura angoiſſe des gens, & pour
quoy? Præconfuſione/onitus maris & fluttuữ.Pour Signes en la
la confufion du bruit de la mer & des ondes. „ ..
Car la mer fera merueilleuſement eſleuee: cő- " ** **

me a predit le S. Roy & ſacré Prophere Da


uid, Mirabiles elationes maris.Leseleuations des Pfalº2.
flots & vagues de la mer feront admirables. Signes aux
Areſcentibus hominibus pretimore & expectatione hommes.
quæfi peruenient zniuerſoorbi, Les hommes fe
cheront de paour pour l'attente des chofes
qui foudainement viendront furtout le mon
de:Les hommesfecheront,Sicut terra fine aqua, pſal.,2.
comme la terre fanseau : & leurs os deuien
dront fecs, comme vn tifon de bois : lefquels
aparoiſtront paſles, fans fang au vifage pour la
crainte des maux, deſquels ils feront coulpa
bles, & pour l'attente desmaux qui foudaine
ment viendront fur tout le méde. Il ne dit pas
en vne partie du monde,mais à tout le monde:
pour
3O S E C O N D : D I M E N C H E

pource il n'y aura aucune ouuerture par la


quelle on puiſſe fuir & efchapper. Et pource
* * S.Hieroſme dit tresbien, Semper videturauri
bus meis infonare voxilla, Venite mortui ad iudi
cium. Soit que ie boiue,foit que ie mange,foit
que ie foy en mon lict, dit ce bon Ancien, il
me femble que i'entends toufiours aupres de
mes oreilles ceſte horrible voix : ô morts ve
nez comparoistre en iugement. Et ce ne fera
point de merueilles fi les hommes fecheront |

signes, aus de paour. Nam virtutes celorum mouebuntur. Car


4ng“*****
Hebr. 1.
lesvertus du ciel feront efmeuës, C’est à dire
- •

Loza les Anges,la cheualerie celeſte, les eſprits ad


of enz.com- ministrateurs enuoyez en adminiſtration pour
mët e peur- ceux qui receuront l'heritage de falut, Mouebiz
quºy. tur,Ils feront efmeus. Premierement pour vn
mouuement de reuerence, & pour le regard
*
du iuge. Secondement pour vn mouuement
Matt. 13. de vengeance,pour le regard des damnez. Car
à la fin du monde:Mittet angelosſuos,& colligent
deregno eius omnia standala,& eos qui faciunt ini
quitatem: & eos mittent in caminum ignis. Ibi erit
fletus c ffridor dentium. Il enuoyera fes Anges,
qui cueilliront de fon royaume tous empeſche
mens & ſcandales, & ceux qui font iniquité,
& les iećteront en la fournaiſe du feu , là où il
y aura pleurs,& grincemens de dents. Tierce
ment ils feront efmeus du mouuement d’o
beïſſance,pour le regard des choſes leſquelles
similitude appartiennent au iugemét. Car fi le camp d’vn
Roy terrien allant à la guerre,est eſmeu, toute .
la
D E L’ A d v E N T. 3I
la cité eſt efchauffee: à plus forte raiſon,le Roy
des Roys, le Seigneur des Seigneurs, voulant
prendre vengeance de fes ennemis , qui n’ont
pas voulu qu'il ait regné fureux ains audacieu
fement le prouoquent à ire contre-eux, rebel
les à fes inſpirations diuiņes,fera terrible,& re
doutable à ſes ennemis. Alors les vertus des
cieux feront eſmeües:terribles feront les mini
stres,forts, & puistants: Adfàciendam vindičiam „
in nationibus,& increpationes in populis.Pour fai- ofe des An
re vengeance des nations, & pour chastierles
peuples: pour lier les Roys en ceps,& les No- phi .
bles d'iceux en liens de fer, à fin qu'ils facent
en iceux le iugement estroićt. Donc les Anges
terribles precederont le iugement du Iuge ter
rible. Tunc videbuntfilium hominis. Lors ils ver
ront, tant iuſtes qu’iniuſtes, le fils de l'homme,
c'eſt à dire, de Marie, qui en forme humaine Hér * , .
iugera, pourpluſieurs raiſons. La premiere, à„ : :
fin que ceux qui feront iugez le puiſſent voir, : humaine,
felon qu’il eſt dit en l'Eſcriture : Videbunt in e pourquoy.
quem transfixerunt. Ils verront celuy qu'ils ont
bleſſé, & offenfé:car la diuinité eſt tellemét de
lećtable , que nul fans ioye ne la peut voir:
pourtant nul damné ne la verra:car en la voyất,
il prendroit plaifir : de forte que fi les damnez
qui fouffrent indicibles peines , & incompa
rables tourmens pouuoyent voir la diuinité,
ils auroyent ioye & delećtation fi grande, que
leur peine ne feroit pas peine:leurshelas feroit
conuerty en foulas: cris,en ris:leur uit :
C
32 S E C O N D D I M E N C H E

fe en lieſſe: car rien triste ne peut eſtre veu en


celuy qui eſt le fouuerain bien, la fontaine de
lieffe,le verger des delices, & le torrent de tout
plaifir,& cóſolation. Dốcques le fils de l'hom
me fe monstrera en forme humaine, à fin qu'il
foit de tous veu: aux bons, doux & amiable:
aux mauuais,terrible,& eſpouuentable. Et de
Ioan.3,
cecy eſt eſcrit en Monfieur Sainćt Iean: Pater
non iudicat quemquă,fed omne iudicium dedit filio.
Le Pere ne iuge perſonne: mais ila donné tout
le iugement à ſon Fils. S. Auguſtin tratt. 21. in
Ioannem:expoſe fort bien ce lieu icy, & dit que
le Pere ne iugera manifestement: mais la Tri
nité ordonnera ſecrertement la fentence, la
quelle Ieſus Chriſt, entant qu'homme, pro
noncera: tellement que celuy qui fera le iuge
ment en public,ce fera le fils de l'homme: Quia
paternon feconde,d'autất qu’il
a merité ceſt office cóme homme, c’eſt bien rai
fon puis qu'il s'eſt humilié ſous le iuge mon
dain,& a acquieſcé à la fentếce de Pilate, non
obſtant qu’elle fuſt iniuste, que luy regnant au
ciel,Roy,& Seigneur de tout le monde, ait au
thorité iudiciaire fustoute creature. La tierce,
pource qu'il a oſté aux hommes toute occafion
& matiere de defeſpoir : car fi Dieu feul nous
iugeoit, on pourroit prendre matiere d'eſpou
uentement, & trop grande terreur. O grande
eſperance,noſtre Iuge eſt noſtre frere: In nube.
Ils verront venir le fils de l'homme en nuë, la
quelle enuironnera le Iuge , & laquelle
Of
) -

D E . L’ A D v E N, T. , z 33
formee par vertu diuine. Car(cőme dit Orige
ne) ainſi qu'en fon aſcếfion il eſt monté dedans
vne nuee,pareillement pour monſtrer ſa ſuper-
eminence, il retournera en vne nuee. Et de ce -

eſt eſcritaụx Aétes:Siczeniet quemadmodum vi- 4ä.r. .


diffiseum euntem in cælum. Il viendra tout ainſi *

que l'auez veu mõterau ciel, diſoit l'Ange aux , .


Galileens: il viendra donc en nuë, Et potestate Matthar.
magna,auec grande puistance,pour puitiammết ““:”:
punir les mauủais, vt, qui cantempferunt eum in *****
humilitate cognostanteum inpotes are: Et qui/ei
re noluerunt quam dulcisest mistricordia eius sfen
tiant quàm grauis estira ipſius, comine dit lainét
Iean Chryfest, hom.f5, in Matthæum. Afin que
CEUX l'ont meſprité en fon humilités le co
gnoi ent: carilingeratous les Roys, Princes,
Seigneurs, & Dames, jeunes & vieux, pasures
& riches, forts & foibles, eſtrangers & dome
ftiques, bons & mauuais, honorez & meſpri- -

fez,fçauans & ignorans, ioyeux,&rristes.gtãds * * * *v.


& petits, maistres & vallets, fols & fages,hom-
mes & femmes. In poteſtate : lors il viendra en -
puiſſance. Et pourrantil n'y aura alors aucune . . . . .
puiſſance pour refifter, ne faculté ou ayfance : sv
de fuir, ny angletou coing pour fe cacher, ne
lieu de penitence, ny efficace de priere ou o
étroy de requeste, ne temps de bien operer ou .
fatisfaire. Superius erit iudex iratus (dit S.Gre- chef fou
goire) ſubtus horrendum chaos inferni; &c. Au
deſſus fera le iuge courroucé, terrible, infu- "**
perable,inflexiblesindeceuable,tres-eſpouuen
, - C
!
34 S E C O N D - D I M E N C H E. -

table & redoutable : au deſſous fera la gueulle


& fournaife du feu ardent ouuerte:au derriere
la vie dereſtable qu'on a mené le temps paffé:
au deuant iugement fans mifericorde:a la dex
tre,les pechez qui accuſeront: à la feneſtre,vne
infinité de monſtres diaboliques, pour auec
eux en grande furie & felonnie fathanique ra
uir & abiſmer au profond lac d'enfer les re
**** prouuez : au dedans , la conſcience deſpitant,
accuſant, & reprouuant: au-dehors, le monde
ardant & bruſlant. Er par ainſi le paaurepe
cheur apprehendé, & de tous coſtez enuełop
pé,ne pourra fuir ny eſchapper: ;
Tenons nous dốcques furnos gardes Chre
ſtiens, & mettons peine , à fin que ne foyons
comprins fous l'arreſt & fentence de
la plus grande mifere de toutes les miferes du
monde : & au regard de laquelle toutes lés
calamitez humaines ne font que voluptez &
Arrest fºrdelices. L'arrest & fentence de laquelleie pre
: , tends parler, c'est celle qui est recitee en fainét
Matthieu,où il est dit: Itemaledičtiin ignem eter
Matth.2s. num : Ailez maudićts au feu d'enfer, où il n'y a
Apoc. 9. que pleurs, grincement & ferrement de dents,
preparé au diable , & à ſes anges: où ils
feront tourmentez par tous les fiecles des fie
cles, où ils demanderont & cercheront la mort,
saar- & ne la troửuerốt point, ils defireront mourir,
::::--- & la mort s’en fuira d'eux.Lasllas!combien fe
«-ra dure celle departie,du fouuerain biếau fou
uerain mal:de toute felicité,à toute mifere: du
.* Pals
A
4D E : L’ A d v E N r. ? ! 35:
paisdelectable à confufion eternelle: Oire de Exclamatii.
Dieu!ô fentence deDieu!ô iugement de Dieu!;
ne cheez point furnous: car nous n'auons rien
qui vous puiste ſouſtenir.Eſueille toy, efueille
miferable creature, eſcoute à oreilles eftếdues
letonnerre de ceſte fentence: regarde à yeux : ***
ouuers la façón de ce iugement, tropesendor- -

mie, trop fourde, &atieuglee, fitu n'apperçois


telouurage,& fi tu nefenstelle mifereşti aigre
& afpre punitionCe n’est icy fable,forige, moc
querie,ou menſonge. Nefoyons pas dońcques
de ceux defquelson dit communément, folne
croit,iuſqu'à tant qu'il reçoit. Tels furent les “
gendres de Loth, quand il leur conſeilloit & 89 des '
aduiſoit de la punition que Dieu vouloit en-i mondains au
uoyer fur Sodome, Ettels furent les mon-tit: “ Nºé
dains, quand Noé prefchoit le deluge aduenir, -, aº
qui n’en faifoyent compte. Pource nous con- -3 \
uient fouuent penſer & repenfer à ce terrible º
iugement,&l'appliquerà la veuë de noſtreen- '
tendement,à fin de nous retirer de mal,& faire
penitéce feló que nouscrie le Sage, difantre-e,l.7.
cordarenouifimatua, & in aternum non peccabis.
Ayes fouuenãce de ce qu'il t'aduiendra à la fin,
& iamaistune pecheras. Non fans caufe il eſt .
dit, que le fils de l'hốnueviếdra en Majeſté:car,
In multitudinepopali dignitas regis.La d’vn
Roy confifte en multitude de peuple. Ainſi
quand noſtre Seigneur viendraauiour du iu
gement, fe fera en puiſſance ; pour puiſlam
A
«*

ment punir ceux qui font puistans, à puiſiain


LA

- i A 2.
36 S E C O N D . D I M E N C H E

ment pecher: & en Majeſté, & gloire,pour re


munerer les bons, accompaigné de pluſieurs
milliers de Sainćts: tousfes Anges, Archanges,
Cherubins, Seraphins, puiſſances, vertus, do
minations, & ordres, feront auec luy. Alors:
Pan-7. AMillia millium ministrabunt ei, & decies centenaz
millia astabunt ei, dit Daniel: Mille de milliers
luy ſeruiront, & dix fois centaine de milliers
luy aſſisteront.Le loüable nombre des Sainéts
Patriarches fera auec luy : le coeur de l'affem
blee esteuë des Prophetes fera auec luy: le Se
nat & college des Apoſtres: le triomphất exer
cite des Martyrs,& Martyres:le facré ordre des
Pontifes, & Preſtres: lapurité & integrité des
pucelles & vierges, & les bien-heurees ames
„... , abbreuuees du torrent devolupté,&ioye infi
p„ nie,aſſiſteront auec huy. Ibunt hi in/uppliciğ eter
/applice des nŭ. Les iniuſtes s'en iront au fupplice eternel,
4amnes e pour receuoir le loyer de leurs fauſſes oeuures,
"*"“K: & pour endürer en enfer tourmens & peines,
fans iamais finir.Enfer fera leur eternelle habi
tation, où ils auront Lucifer pour leur patron,
qui auec ſes miniſtres les tourmenteront, fans
aucun abry de confolation, où ils maudiront
. l’heure en laquelle iamais ils furent nais, & le
Job.3. iour auquel ils furent baptizez, & diront auec
Iob.Pereat dies in qua natus/am,& nox in qua di
tłum est,matus est vir. Que le iour auquel ie naſ
quis n’eust iamais eſté,& la nuićt en laquelleie
fus cőceu,& la vie qu'ils auront mence,oyans
continuellement d'horribles cris des diables:
...? leur
DE L’ A D v E N T. 37
leur ris fera conuerty en cris : leurs foulas en
helas:leurs faueurs en fureurs : leurs valeurs en
malheurs:leur doux vin,en venin:mille poing
tures,& nulles oingtures, plus leur conuiendra
le maudire,que le rire:le pleurer, que le parler,
quand par leurs demerites, ils feront priuez de
toute felicité,&ioye:& feront plongez au puất
& afpre goulfre, & feu d'enfererernellement.
Iusti autem ibunt in vitam æternam. Mais les iu- Dons 9 de
ftes iront en la vie eternelle, enrichis des dons *****“:/“
& doüaires de reſplendiſſante clairté, furmon- i ap
* • P • 1 K:
tans en lumiere la clairté du Soleil, de la lune,
& des lumineuſes eſtoilles, auec le dốt de ſub
tilité.Selon qu'il eſt eſcrit:Iusti fulgebunt in per dan.rz.
petuas eternitates.Lesiuſtes reſplědiront en per
peruelles eternitez. Le rayố du Soleil eſt mer
ueilleuſement ſubtil,qui parfa fubtilité entre
dedans la maiſon par la vitre fans faire fraćtu
re:mais fans comparaiſon,le corps glorieuxpe
netrera & percera faire aucu- •

ne fracture, ou rompure. Comme Ieſus Chriſt "****


seſfuſcité, entra à fes Diſciples les portes fer *

mees.Et comme dit le Pſalmiſte: In nomine tuo P/al.r7.


tranſgrediar murum.En ton nom,ie paſſeray ou
tre le mur.Ils ferontauffi doüez du don d'agili
té.Les cheuaux courent legierement fus later
re:les oyſeaux volent viſtement &promptemét
en l'air:la fiefche paſſe foudainernét: mais plus ... .
legierement, vistement, & foudainement, paf- es
fera le corps glorieux d'vn lieu en vn autre:
sar en vn inſtất là où il voudra aller,ily
- - w C 3 fera en
3ổ S E CO N D C D ÍM E N C H E
vn moment: il pailera & fautera d'Orient en
Occident,car là où voudra estre l'eſprit,là fou
dainement fera le corps,par le don d'agilité. Ils
feront auſſi impaſſibles,de forte que fi vn corps
glorieux eſtoit dans vne fournaiſe embrafee
d'vn grãd feu ardent, l'ardéte chaleur ne pour
roit endommager le corps du bien-heureux. Et
tout cecy a eſté declaré par Efaie, & repeté
v -- - - parfainct Paul: Oculus non vidit,nec auris audi

*******'uit, necin cor hominis aftenderunt, quæ præpara


' uit Deus diligentibus fe,C'eſt à dire,iamaison n’a
* veu iamais on n'ouyt,&iamais on n'a penſé ce
quc Dieu a auxbié-heureux.D'auātage
, , e tous les ſens feront purifiez. Premierement la
veuë:car en voyát le Roy de gloire,elle fera du
tout purifiee.Secődement l'ouye:car en oyant
le doux & amiable chant des citoyens de para
dis, elle fera purifiee. O homme mortel , fi la
diuerſité des chants melodieux, comme des
orgues, ciſtres, violons, pſalterions, eſpinet
** ** tes,regalles , & autres inſtrumens de Mufi
que, delectent & refiouyſſent ton ouye, d'au
, tant plus te refiouyra la douce melodie de pa
** radis. Tiercement le fentement & flairement
fera purifié, tant bon odeur procedera du pre
cieux & glorieux corps de Ieſus Chriſt. In odo
rem vnguentorum tuorum curremus. Nous cour
c„...rons en l'odeur de tesoignemens. Quartement
sap.r2.legouſt ſera purifié : O quam ſuauis est ſpiritus
tuum domine. O Seigneur , comme ton Eſprit
eſt doux,& ſuaue. Quintement le touchement
- '. -> fera
D E . L’ a d v e N r. 39
fera purifié en touchant la glorieuſe chair de
Ieſus Christ. Ostuletur me ofểulo oris fui, diſoit cant.t.
l'eſpouſe de Ieſus Chriſt , que mon eſpoux me
baife du baifer de fa treſſacree & diuine bou
che. Iusti autem in vitam æternam. Les iuſtes iront
en la vie eternelle:ils iront de labeur temporel
au repos eternel: de tenebres obſcures, en lu
miere reſplendiſfante: du peril redoutable, en
affeuranceineſtimable;de feruitude en liberté,
de mifere en felicité,de corruption en incorru
ption, de l'abiſme du mõde au ſommet du ciel,
du lieu d’horreur au lieu d'honneur,d'ignoran
ce en pleine ſciéce,de triſteſſe en lielle,de trou
ble en paix,de pauureté en richeffe,de maladie
en fanté, de mort corporelle à la vie eternelle,
en laquelle ils verront le Roy de gloire en fon
triomphe & maieſté Royalle,aſſis en ſon throf
ne & noble pourpris, auec fa cour & nobles
fenateurs, & autres citoyés & bourgeois de pa
radis. Mais pour obtenir tous ces dons, il nous
faut tenir la reigle que nous donne S.Paul par
lăt de ceſte matiere:Hoc dicofratres, quia caro & t.cor.is.
fanguis regnum Dei non pofidebunt. Vne chofe ie
vous dy, mes freres, c'eſt que la chair & le fang
neiouyront point du royaume de paradis: en
tendant les hommes charnels, & addonnez à
leurs plaifirs: & partant il faut laister tous ap
petits defordonnez, pour paruenir à ce but.
Doncques, mes amys & freres Chrestiens, vn oraistº.
chacun de vous preſentemét ſe mettra en bon
ne deuotion » en priant Dieu auec toute reue
4
, sEco ND d1M E N eHE
rence & humilité de coeur, en difant: O nostre
tres-doux, gracieux & mifericordieux fauueur,
vous estes noſtre Pere, nous fommes vos en
fans-vous eſtes noſtre Redempteur, nous fom
mes le peuple que vous auez racheté vous eſtes
noſtrc Createur, & nous fommes les creatures,
les eeuures & faćtures de vos mains: vous eftes |
noſtre Paſteur, nous fommes les brebis de vo
ftre parc: vous eſtes noltre Dieu, & nous fom
mes voſtre heritage, qui porte vostre enſeigne
& marque, & fur leſquels voſtre tres-ſainét
nom eſt inuóqué, il vous plaiſe, ô noſtre bon
Dieu & pere tres-benin & debonnaire, au nom
de voltre fils noſtre Seigneur Ieſus Christ par
la grace de vostre S.Eſprit, & par les dignes in
terceſſions des glorieux eſprits de tous les
Sainćts & Sainċtes de Paradis nous donner la
grace qu'au iour de voſtre iugement final, vni
uerfel, & general, nous puiſſions tous eſtre à
voſtre glorieuſe dextre, pour ouïr ceſte tant
doứce & faluifiante voix, procedante de la fa
cree & diuine bouche de nostre Seigneur lefus
Chriſt,difant:Venite benediĉiipatris meipofidete
regnumparatum vobis à constitutione mundi. Ve
nez beneiſts de Dieu mon pere, poffedez le
royaume qui vous est preparé deuant la fonda
tion du monde , à fin qu’eternellement nous
uiſſions donner honneur, loüange,& gloire à
treilainéte & glorieuſe Trinité, Pere & Fils
& fainét Eſprit,vn feul & vray Dieu,au Royau
me de Paradis,Amen. 7 -

TR OT
. S- 41
T R O I SI E S M E D IM E N C H E ..
D E L’ A D v E N r.
F || V m vidiſſet Ioannes in vinculis opera Matthrt.
Christi. Quand Iean euft ouy en la
); } priſon les oeuures de Ieſus Chriſt, il
Elenuoya deux de fes diſciples, difans:
Es-tu celụy quidoit venir, ou finous en arren
dons vn autre? Il n'y a dignité,puiſſance,ou au
thorité concedee aux hőmes,qui ſoit plus gráde
que la prophetique & apoſtolique, c'est à dire,
l'authorité & puiſſance de preſcher & annon
cer la parole de Dieu. Quand Dieu enuoya Ie
remie pour preſcher fa parole au peuple d'Iſ- ..
raël,illuy dit: Ecce constitui te hodie ſupergentes Fire"."
& ſuper regna,vt euellas,& destruas, & plantes &
edifices, &c. Ieremie ie t'ay faićt auiourd'huy
grand perſonnage ſur mon peuple: va, couppe
& taille,fay comme tu l'entendras: arrache &
lante: edifie, & deſtruis ainſi que bon te fem
lera. Si vous voulez confiderer au Chriſtia
niſme la puistance de ceux qui font estat de la
predication,voyez que leur dit l'Apoſtre fainét
Paul, parlant à eux en la perſonne de fon difci- _
pleTimothee: Predicaverbum opportunè & im- ****
portunè,argue obſecra,increpa Et eſcriuất à Tite Tir.2.
fon diſciple, luy dit: Ie veux que tu ayes ceste
liberté de reprendre toute perſonne. Et com
ment? argue cum omni imperio. Et nous voyons
cela auoiresté practiquéparlesanciens qui ont
esté constituez Pasteurs ou Predicateurs. Voy
C 5
42 T R o 1 s 1 e s M e d 1 M E N c H E.
la comme parle Elie au Roy Achab, qui luy
i Reg is. difoit:Tune fais que troubler rout mő Royau
me. Reſpond Elie: Ce n’est pas moy qui met
les troubles: mais pluftoft toy & tes predecef
feursauez tout gasté. Voylà vne grande liber
té, de parler ainſi à vn Roy. Voire-mais qtti
rend ceſte parole du Prophete à l'endroit de
fon Roy excuſable? L'authorité & dignité de
preſcher la parole de Dieu. Qui a dőné ſi gran
de liberté à fainét lean Baptiste contre Hero
de ? c’eſt qu'il eſtoit conſtitué de Dieu pour an
-

Matth.rz. noncer la verité. Et pourrant il luy dit fran


- - - - - -

chement:Non licet tibi vxorem fratris habere ipſo


viuente. Autrefois les Pontifes ont appellé les
Apoſtres, & ont voulu empeſcher ceſte liber
té, leur defendant tres-expreſſément de preſ
cher. Mais ils n'ont peu. Carayans receu de
leur maiſtre Chriſt ceste authorité & comman
“.” dement de preſcher, leur dirent trefbien qu'ils
n'en feroyent rien pour eux, & qu'il n'estoit
pas raiſonnable d'obeïr aux hommes pluſtoſt
qu'à Dieu. Par cecy nous voyons combien eft
grande la liberté des predicateurs , iuſques à
ne pardonner aux plus grands de la terre. C’eſt
- .: _vne charge fort honnorable, auſſieſt-elle bien
onereuſe & dangereuſe pour la conſcience,
fi vn predicateur ne faict bien fon deuơir
comme il appartient : comme il appert par ce
Ezech.s. qui eſt eſcrit en Ezechiel : Si dicente me ad im
pium , morte morieris, non annunciaueris ei, ne
que loquutus fueris, vt auertatur à via ſua im *

pia 3
D E L’ A D V E N T. . r 43
pia,ipſe impius in impietate fua morietar,fanguinẽ
autem eius de manu tua requiram , dit Dieu par
fon Prophete, à ceux qui ont commiſſion de
preſcher: Si tu n'aduertis le meſchant qu'ilfe
retire de fa meſchanceté, & il meurt en icelle,
ilfera damné:mais fon peché & damnation re
tournera fur toy : car tu es cauſe de fa perdi
tion: mais ſi tu l'aduertis, & il n’en veut rien
faire, Liberasti animam tuam , Tuen feras def-
chargé,& ne reſpondraspoint pour luy. Ce que
confiderant Origene en l'homelie vingtiefme
fur les Nombres, quandilexpoſe le comman
dement que Dieu feiſt à Moyſe de faire pen- . .
dreau gibet,Verfafolem, les Chefs, & gouuer-*****
neurs du peuple:parce qu’ils n'auoyent pasem
peſché les enfans d'Iſraël de tomber en forni
cation auec les Madianites, vient à dire : Ce
n'est pas peu de cas auoir charge en l'Egliſe:
Sufficit mihi promeisproprijs argui delittis, ſufficit
mihi pro memetipſo , & pro peccatis meis reddere
rationem. Quid mihi necefe est pro populipeccatis
ostentari contra/olem? circ. Si ceux defquels i’ay
la charge font mal, & ie ne les argue, i'en fe
ray puny pour eux. Parquoy i'ayme beaucoup
mieux n'auoir charge de perſonne, fçachant
bien quei'auray aflez à faire à reſpondre pour
moy, fans rendre compte, & estre puny pour
les fautes d'autruy. Il est donc bon à voir que
c'est vne charge bien dangereuſe que d'eſtre
predicateur, & Paſteur du peuple. Car c'est
vne choſe rare, que voir vn Paſteur, & predi
CatCllt
44 T R o I s 13E s M E D I M E N .
cateur quifoit fi libre, qu'il dife & prefche la
verité à vous, parce que la, vie y pend le plus
fouuent. Auez-vous veu beaucoup de Pro
phetes,ou d'Apostres, qui ayent libre
ment, fans endurer la mort ? Ils font bien clair
femez. Et pource quand noſtre Seigneur ap
pelle aucun en l'eſtat de predication, il le mer
Matth.re. comme la brebis en la gueule desloups: Ecce
ego mitto vosſicut ouesin medio luporū.Ceſte char
ge donc eſt accompaignee de grandes fafche
ries, & perfecutions. Comme ont experimen
té les Apoſtres , qui ont eſté mis en priſon,
foüettez, lapidez, & en fin mis à mort. Ouy
mais,dira quelqu’vn,pourquoy Dieu ne les de
liure-il,& ne leur donne la domination ſur les
Tyrans: Ie reſponds que c'eſt pour-autant qu’il
ne veut pas vaincre par armes , & violence,
comme faićt le monde: mais par patience,
manſuetude, & humilité. Regardez quand le
fainct Eſprit a armé les Apoſtres pour aller
conqueſter tout le monde, quelles armes leur
a-il baillé la langue ſeulement,& non pas vne
pistolle, ou vne eſpee. Et les ſucceſſeurs des
Apoſtres comme ils armez? de la langue
feulement, ainfi comme les Apoſtres. Voylà
les vrayes armes des Apoſtres & de leurs ſuc
Luc 2 r.
ceffeurs. C’est ce que noſtre Seigneur auoit
promis donner à fes Apoſtres, vobis os cá
fapientiam cui nonpoterunt refistere & contradice
re omnes aduerfarij vestri. Allez, ne craignez
point: ie feray que vous ferez plus forts que
tout
: D E ; L’ A D v E N r. 4 ;
)
tout le monde: car ie vous armeray. bien. :le
vous donneray fageffe pour mediter, & bou
che pour parler. Ouy-mais, on nous mettra en
i priſon, & fera-on mille maux. Ne vous fou
ciez: c'eſt tout vn. Nonobſtant toutes perfe
cutions, afilićtions, & tourmens,vous gaigne
rez contre les perſecuteurs & Tyrans, Carve- *Estrs.
rité est toufiours la plus forte. A ceſte cauſe -

les Apoſtres & Sainéts perſonnages ancien


nement quand ils ont eſté expofez en diuers
tourmens,ils onttenu peu de compre des affli
ćtions corporelles, ains au contraire fe font
conſolez, & ont plus manifesté leur vertu,&
constance en captiuité & perſecution , que
quand ils estoyent en pleine liberté. Voyez
fainét Iean Baptiste eſtant en prifon pour auoir Luts.
dit la verité au Roy Herodes, a-il perdu cou
rage? luya-il faićtpreſenter requeste pour luy
pardonner? a-il dit,Sire, i’ay eſté indiſcret: il
ne m'aduiendraplus? Non, non i mais il eſt de
meuré ferme & plus immobile qu’vn rocher,
felon le teſmoignage qu’en a donné nostre Sei
gneur, ainſi que plus à plain est contenu en no
fire Euangile,où il dit aux Iuifs, Quid existis in
defertum videre ? arandinem vento agitatam? Hier.ro.
Nous lifons du Prophete Hieremie qu'il a esté
mis en priſon pour auoir dit la verité. Mais
pour cela a-illaiſſé à predire la captiuité du
peuple d'Iſraël:Non. Et c'est ce que dit l'Apo
stre S.Paul. Vous m’auez beau mettre en pri
fon, cependant: Verbum Dei non est * .
- -; . : Liſez
46 r R o 1 s 1 E s M E D 1 M E N. -

Lifez toutes les Epiſtres de fainét Paul : vous


trouuerez que celles qu'il a eſcrites en prifon,
ont plus grande energie que les autres. Voyez
PEpistre aux Ephefiếs,laquelle il a eſcrite estất
en prifon, il dit: Nous apprenons aux Anges
vn mystere qu'ils ne fçauoyent pas , à fçauoir
de la vocation des Gentils. Et au quatriefme
chapitre, regardez comment il parle: Obſecro
vos ego vinčius in Domino.Il n'a pas dit:Moy qui
ay eſté rauy iufques au troifieſme ciel: mais la
plus grande gloire qu'il s'est peu donner,a eſté:
Moy qui fuis priſonnier pour la querelle de
mon Dieu, comme a doćtement remarqué S.
Iean Chryſoftome,en l'homelie huićtiefmefur
celte Épistre, ad Ephestos, CCS Imots:

º Ego vinčius in Domino. Laquelle ie puis verita


blemerit dite eſtrevne des plus belles homelies
qu'il feiſt ramais, & eſtre ſuffifante pour per
fuader à tout Chreſtien d'endurer conſtam
ment, & ioyeuſement pérſecution pour Chriſt.
Là S. Chryſoſtome admire beaucoup plus les
chaifnes & liens de S.Paul,que fon Apostolat,
& tous fes miracles, & defire fort d'aller à Ro
me pour viſirer la priſon de fainét Paul,& bai
fer chaiſnes deſquelles il a esté lié pour la
de Ieſus Chrift : & dit que fi on luy
onnoit option d’eflire la puiſſance de faire les
miracles de S. Paul, oú eſtreien prifon auec
Huy, qu'il efliroit la priſon,moyếnant que Dieu
luy donnaſt conſtance. Orainfi comme fainét
Paul eſtant en prifon, a defcouuert quelques
' : ; fecrets
- de I’ A d v e N r. 47
fecrets qu'il n'auoit pasau paranāt; auffi fainct
Iean Baptiſte ne s'eſt point tant declaré à fes
diſciples qu'il n'estoit point le Meſſias, com
me il a faict eſtant en priſon comme ſeditieux
& perturbateur du repos public. Il leur auoit
defia dit pluſieurs fois: mais ils penfoyent que
ce fuſt par humilité qu'il diſt cela. Et pour les
ofter de ce doubte, il les enuoye auiourd'huỷ
à Ieſus Christ vray Meſias, & fait l'office d'vň
bon precepteur & docteur : il a foin que fes
diſciples entendent la verité de laquelle ils * *
estoyent ignorans au parauant. Voylà le pro
fit que fait l'homme fidelle cependant qu'il
est en perſecution. Sainćt Jean Baptiste eſtant
en liberté auoit beau dire à ſes diſciples que
Ieſus Chriſt estoit le vray Meſſias:ils n’en vou
loyent rien croire.Mais,dit fainét Matthieu ën
nostre Euangile, Cùm effet in vinculis & addiffet
Christi,ïla etifoin d'ehủoyer deux defes
iſciples vers nostre Seignetit pour estre in
fruičts de la verité. Maispetirquoy fainét Iean
a-il attendu à enuoyer fes diſciples à nostre
Seigneur,iuſques à ce qu'on ayt rapporté en la .
prifon les æuires admirables qu'il faiſoit? La
reſponſe estayſee. Pouraurantque les miracles
font teſmoignage deverité (& pourceste cau
fe diſoit nostre Sauueur aux Juifs: Opera que Iºan.rº.
ego fàcio, ipſa testimonium perhibent de me. Si mi
hi non vultis credere,operibus credite.)SainćtÎean
penſoit : quand mes diſciples auront veu les
miracles que fait Ieſus Chriſt, & d'autre coſté
- confi
| 48 TRo 18 1 Es M E D I M E N cH E
- confidereront que ie n'en fay point(car cela eft
i
| tout
aucuncertain que fainćt
miracle) Iean en ſa
ils admirerent fesvie n'a faićt
oeuures, &
| croiront qu'il eſt le vray Meſfias. Or ces difci
ples viennent à nostre Seigneur , & luy ont
propoſé ce que fainćt Iean leur auoit donné
charge luy demander, Tu es qui venturus es, an
. alium expettamus ? Estes-vous celuy qui a eſté
Af - predit par les Prophetes deuoir venir pour
| Meſſias, ou bien ſi nous en attendrons vn au
| ouestiš dau- tre ? Ce lieu eſt vn peu difficile. Car icy quel
| teufe. qu’vn pourroit tõber en admiration ou doubte,
à fçauoir comment Monſieur Sainét Iean à la
| mort ayt doubté de Ieſus Chriſt, veu que pre
'', mierement fi franchement & manifeſtementil
l'auoit confesté? Reſponfe:Sainćt Iean n'a pas
| . enuoyé fes diſciples à Ieſus Christ comme s'il
| doubtoit qu'il ne fust le Meſſias & grand Em
i manuel promis en la loy , ainſi que remonſtre
{ Sainét Iean Chryſostome fur ce paſlage , &
- Sainét Hieroſme reſpődant à la premiere que
| ſtion d'Algafia : Et comment euſt-il doubté
de Ieſus Christ estant prochain à la mort, veu
Luc.r. que luy encores estant au ventre maternell'a
cogneu? Comme il est dit en Sainćt Luc : Il
aduint quand Elizabeth ouyt la falutation de
. . . Marie, Exultauit infans in vtero eius,é repleta est
Spiritu/antio Elizabeth,& dixit:benedictatu inter
mulieres & benedičius fructus ventris tui, l'enfant
treſlaillit en fon ventre, & fut Elizabeth rem
plie du Sainćt Eſprit, & s'eſcria à haute voix,
... : *** & dit:
- D E L”A D v E N r. " . 49
& dit: Tu es beneifte entre les femmés, & be
neiſt eſt le fruićt de ron ventre. Et d'où me
vient cecy,que la mere de mon S eigneur vien
ne à moy ; Čar voicy incontinent que la voix
de ta falutation eſt venuë en mes oreilles,l'en
fant a treſlailly de ioye en mon ventre. Et fus
lequel en fon bapteſme il a veu les cieux ou
uerts, le fainét Eſprit en eſpece de colombe,
deſcendre ſur luy, & ouyt la voix du Pere, di
fant: Hic est filius meusdilečius,in quo mihi bene cã- Matth.3.
placui ipſum audite. Ceſtuy eſt mő Fils bien-ay
mé,auquel ie me plais,oyez-le. Cőment donc
ques maintenant voudroit il reuoquer les tef
moignages par leſquels rant manifestement &
excellémentilauoitteſmoigné de Ieſus Christ,
duquel il auoit dit: Celuy vous baptifera au -

fainét Eſprit. Ie ne fuis digne de deſlier la "*""·


courroye de fon foulier. Er lequel preſente
ment il auoit demonſtré, difant: Iean voit ve
nir Ieſus à luy,& dit:Voyci l'aigneau de Dieu,
qui ofte les pechez du monde. Eſcoutez donc
la cauſe pourquoy fainét Iean faićt interro
guer Ieſus Christ. Premierement, c'eſt pour
enſeigner la ruſticité & ignorance de fes Diſci
ples. C'eſt ce que dit fainét Hilaire, canone 11.
in Matthæum. Taliexemplo non fue feddistipulo
rum ignorantie conſalebat Ioannes. Vt enimfcirent
non alium àfe prædicatum, adopera eius intuenda
miſit illos, vt authoritatem distis stiis operaillius cã
ferrent, neque Christus alius expettaretur, quàm
cui testimonium opera prestitiffent. Secondement
jo . TRo1s1es M E DIMENcHE
pour l'emulatió de leur maistre, & enuie qu'ils
auoyent contre Ieſus Chriſt , par lequel ils
voyoyent la gloire de leur maiſtre eſtre dimi
Vøm. I r.
nuee, aymans plus la gloire & loüange de leur
maiſtre, que l'vtilité des hommes. Ainſi au
tếps paſſé, Iofué eſtoit marry de ce que Eldad
& Medad prophetifoyent en l'oſt, & pource il
diſoit: Dominemi Moyſes prohibe eos. Mon Sei
Et Moyſe luy re
põd:Quid emularis pro me? Pourquoy es-tu en
uieux pour moy ? A la mienne volonté que
tout le peuple du Seigneur fuſt Prophete, &
Marc 9.
que le Seigneur donnaſt fur eux fon Eſprit.
Luc 9.
Ainſi les Apoſtres à Ieſus Chriſt: Nous auons
veu vn qui en ton nom chafloit
les diables, & nous luy auons deffendu : car
il ne nous fuyt pas. Et en ceſte maniere les
Diſciples de S.lean luy diſoyent ( Rabi) Mai
ftre: celuy qui eſtoit auec toy outre le fleu
ue de Iourdain, duquel tu as rendu teſmoi
gnage, voylà il bapti & tous viennent à luy,
Luc 7.
& d’vne meſme enuie, comme recite S. Luc,
ils annonçoyent les oeuures de Ieſus Chriſt à
leur maiſtre eſtant en prifon: & pour ofter de
leurs coeurs ceſte emulation, & enuie, il les
enuoye à Ieſus Chriſt, lequel il fçauoit que
trop mieux il remedieroit à telle infirmité &
foy. Tiercement cela mouuoit
fainćt Iean à enuoyer ſes Diſciples à noſtre
Seigneur, pource qu'il fçauoit qu'il eſtoit pro
çhain de | mort , & qu'il eſtoit venu pour
ioindre
DE L’ A D v E N r. . 51
ioindre fes diſciples non à luy, mais à Ieſus
Chriſt: comme le pere de famille bien pre- similitude
uoyant à fes affaires, & fe fentant prochain à "fre de
la mort, il recommande fes enfanså vn fidel-/"“
le tuteur. En apres fi le pere mourant voit
fes enfans aornez de bonnes moeurs, il meurt
plus affeurément, ne doubtant de fes enfans
pour le temps aduenir : Ainſi ce fainćt hom
me defiroit auant que mourir voir la parfai=
ćte foy de fes diſciples, pour la confirmation ·
de laquelle il les a enuoyez à ce grandDocteur
celeſte & diuin noſtre Seigneur Ieſus Chriſt.
A l'exemple de monſieur 1ean, le Pfef aan, id.,
cheur Euangelique doit tafcher à dreſſer fes Chr .
diſciples & auditeurs de fa doćtrine à Ieſus
Chriſt, & les enſeignerà tellement croire, ef.
erer,aymer Dieu, & leurs prochains, que par
onnes oeuures,fainćtes operations, & par de
uors ſuffrages d'oraiſons, ils puiſſent paruenir
à la pleine conionćtion de noſtre Seigneur Ie
fus Chriſt, en ſon paradis celeste. Seconde
ment, nous autres Chreſtiens, nous apprenons
tous icy à l'exemple de monfieur fainct lean,
que nous deuons dreffer la loüange & gloire
de ceux qui nous loüent, non pasà nous, mais
à Ieſus Chriſt, comme luy meſme nous en-t,,,.,,.
feigne : Ie te glorifie ſur la terre. Tiercement l'heritage
les peres & meres apprendront icy quels heri- tre les peres
tages ils dơiuent procurerà leurs enfans. Car
leshommesmondainspremierement, & prin- :
cipalement tafchent à employer routes leurs enfans.
* , D 2
52 r R o 1 s 1 e s M e D 1 M E N.
forces pour laiſfer à leurs enfans amples richef
fes, poffeſſions & heritages terreſtres , pour la
choſe faire ils labourent nuićt & iour.
Mais peu de peres font trouuez, quiayent foin,
& qui mettent peine que Dieu foit propice
& fauorable à leurs enfans. Et par ce moyen
ils ſe perdent eux meſmes,& leurs enfans. Cer
tes l'Eſcriture fainćte enfeigne autrement
auoir foin & folicitude des enfans. Eſcoutez
eres & meres que dit fainćt Paul: Educate illos
Frhºfs in diſciplina & correptione Domini. Nourriffez
vos enfans en la doćtrine & crainte de Dieu,
Deut.rr.
Et Moyſe: Mettez ſes paroles en vos coeurs, &
les enfeignez à vos enfans: par ceste nourritu
re & doćtrine tu laiſſes à tes enfans Dieu pour
heritage, qui mieux leur aydera & pouruoye
ra, que tous les threfors de richeffes mondai
nes: ainficę grand threforier de patience , Iob,
fe leuant du matin, il offroit ſacrifice pour fes
Job.i, enfans:Nefortepeccauerintfili mei:& benedixe
rint Deo, à l’auenture (difoit-il) que mes enfans
pechent. Iſaac preſt à mourir donna fa benedi
Genr.*7. čtion à ſon fils Iacob, & lacob eut Dieu pro
pice. Et ce meſme Iacob defiroit & prioit
"***** Dieu pour ſes enfans. Et Dieu fut propice &
3. Reg. r2.
fecourable à fes enfans, Au contraire Salo
mon delaiſſa à ſon fils Roboam vn ample & ri
che Royaume, mais pource que Roboã n'euſt
pas Dieu propice, incontinent , & au com
mencement de fon regne,il perdit dix lignees,
Ie te demande Chreſtien, qui eſt la caufe
Oll
- DE L’A D v E N r. - f3
fouuent nous voyons les enfans des riches & coustamierei
grands qui font fols, & prodigallement deſpế- z / en
dent ce que leurs peres 3 all CC grands labeurs, / ki.
douleurs, & fueurs, leurs auoyent acqueſté: erpreague.
pource
fe de la que Dieu ne
negligẽce desleur estoit
peres quipropice, à cau-frog
n'auoyent pas
zalemit ce

nourry leurs enfans en l'amour & crainte de :


Dieu. Et au lieu d'eſtre leurs correćteurs, ont féin i,
eſté leurs corrupteurs : & les meres qui ont labeurs e
esté les nourriffes des corps de leurs enfans, el-/"“
les ont eſté les marastres de leurs ames.Et pour
ce viendra le temps que telsperes & mieres eri
maudiront l'heure. Euntes, renunciate Ioanni
qua audištis & vidistis ; ceci,vident, claudi ambu
lant,leprostmundantur,fardi audiunt,mortuirefur
gunt , pauperes euangelizantur: Ø- beatus est qui
non fuerit standalizatus in me. Et Ieſus reſpori
dit, & leur dit: Allez & annoncez à Iean les
choſes que vousauez ouyes & veuës:les auett
gles voyent, les boyteux cheminent, les ladres
font nettoyez, les fourds oyent: les morts font
refuſcitez,
bien-heureuxles pauures reçoiuent
fera celuy l'Euangile.
qui ne fera Et
point ſcã- * *
,,
* *v

dalizé en moy. Noſtre Seigneur par paroles . .|


manifeſtes ne s'eſt point declaré estre le Meſ- :
fias promis en la loy. Il n'eſtoit pas encores imanife
temps: car il falloit deuant planter l'Euangile stein, '%
. & faire les ceuures , pour nous confirmer en point declaré
-

la foy: leſquelles faiçtes,non ſeulementil a dit Aa, premi, {en


. : ) • • - - - - *

qu'il eſtoit le Meſſias,maisila depuis commá- i oy , G’


dé à ſes Apoſtres de le dire. Meſmes le iour de pourquºy. .
D 3
: 54 TRO IS I ES M E D I M E N. -

*** Paſques flories qu'il fut receu de la troupe en


Hieruſalem comme le Roy d'Iſraël, & que les
Mat. at enfans crioyent au temple,& difoyent:Oſanna
Iran. 12. filio Dauid:benedičius qui venitin nomine Domini,
*: < ô fils de Dauid,nous te prions que tu nous don
nes falut. Les Phariſiens furent indignez, &
difoyent : Oys-tu ce que ceux là diſent? pour

| , quoy ne le leurs defends-tu?Il reſpond:lė vous


: * dis en verité, que fi ceux-cy fe raifoyent, les
pierres crieroyent. Cơmme s'il vouloit dire:
voyci le temps auquelle fils de l'homme doit
reſtre glorifié:an coinniencement de fa predica
tion, il n'eſtoit pas conuenable foy confeſfèr
-eſtre le Meſſias, iuſques à tant qu’il euft de
monſtré par effect, & par ceuủres miraculeu
\fes : autrement quieuit donné foy à ſes paro
-les? Carle teſmoignage eſt plus certain, qui
procede par effects plus que par paroles. A ce
ste cauſe il reſpond aux diſciplesde fainét Iean
*** 7. par deuures. Et pource dit fainct Luc, en ceſte
imefine heure, il guerit pluſieurs de maladies
ainsition & de playés , & de mauuais eſprits, & ren
, ditla veies pluſieurs aueugles. Nous fom
u mesicyenſeignez que fi nous auons quelque
instruitis,que doubte de noſtre Dieu, il nous faut addreffer
f aux Eſcritures fainćtes,& aux oeuures de Dieu:
i car nous ne fçaurions auoir plus certain tef
fui iuri, moignage de Ieſus Chriſt ; que par les Eſeri
aus Èstritu- tures, & par fes æuures. Pource homme pe
* * chtur, fi ra conſciense te met en doubte,à fça
b ::" uoir fi Ieſus Christ te peut-ou veut pardonner
: - t( S
D e I’ A D v E N r. ; 55
tes pechez, Ieſus Christ te renuoye à ſes æu
ures,comme il a faićt les Diſciples de S.Iean.
Penfe en toy-meſme,& repenfe,cómenoſtre
Seigneur a tất benignemět receu les pecheurs:
comme vn fainćt Matthieu iadis monnoyeur,
& chấgeur. Vn fainćt Pierre qui l'auoit defad
uoüé. Vn S. Paul perſecuteur de lefus Christ,
& de fon Eglife. Vn Zachee chef * *

des Publicains. Le bon larron pendāt à la croix


aupres de luy. Vne Magdaleine grande peche
reffe. Telles æuures & eſcriturest'enſeignerőt
que tu ne dois doubter de la grace, mercy, fa-
ueur, & mifericorde de ton createur. Seconde
mết,nous voyons icy que noſtre Seigneur faićt . . .
feulement les miracles,parleſquels les pauures
& affligez font aydez, & fecourus: pour nous
donner à entendre de ne point nous defefpe
rer, veu que Ieſus Chriſt eſt venu en ce mon
de pour fubuenir & fecourir les pauures. Tier
cement par les miracles exterieurs que no
ftre Seigneur a faićt. Il a repreſenté ſes vrayes '
ceuures,leſquelles font,illuminer les ignorans,
nettoyer les immundes, donner ſa vie pour les
morts. Quartement & entre les ceuures de le
fus Chriſt, l'oeuure des oeuures, c'eſt que les
pauures font euangelizez, c'eſtà dire, u’ils re
çoyuent l'Euangile. Et pour ceſte cauſe,noſtre
Šeigneur rendoit gracesà fon Pere, ſpecialle
mết difant:Cöfteortihipater, quia abſcõdisti hæc Enero.
àfapientibus,& reuelasti ea paruulis.Tu as caché Matth. tr.
ces choſes aux prudents, & les as reuelees aux
D 4
f6 T R O I S 1 E S M E D IM E N C H E
petits. Et fainct Paul dit:le myſtere nous a esté
cºlº/r. reuelé ; Quod abſconditum fuit à faculis, Lequel.
de tous temps auoit eſté caché. Les pauures

w,
|
|
aufquels l'Euangile de Dieu eſt annoncé, font
les humbles d'eſprit , & qui craignent Dieu.
Finablement par les parolles de Ieſus Chriſt,
nous pouuons qu'iceluy veut eſtre
similitude cogneu par fes bonnes ocuures. Ainſi que le

Matth.2 r
bon arbre n'eſt cogneu par les fueilles: mais par
les fruicts. Aufii Ieſus Chriſt est cogneu en
nous, non par parolles,ains par bonnes ceuures.
* En figure dequoy noſtre Seigneur maudit le
figuier n'ayant que les fueilles.C'est ce que re
Matth. r. proghoir noſtre Sauueur aux Pharifiens: Popu

| lus hic labys me honorat, cor autêm eorum longè est.


à me.Ce peuple me honnore de la bouche:mais
leur corur eſt loing de moy. Et pource nous
voyons quc bốnes æuures font lestefmoigna
ges & certifications de noſtre foy: que fi elles
. . dcfailient,la foy eſt morte. Et pource dit fainćt
laques : Fides fine operibas,mortua est. La foy eſt
p, le fondement des choſes qu'on eſpere, & cer
de la fy. tification des choſes qu'on ne voit point, c'eſt
à dire , la foy eſt vne ferme & indubitable co
gnoiſſance, ou creance, par laquelle nous co
gnoiſſons certainement, & comprenons affeu
rément les chofes inuiſibles, & qu'on eſpere,
c'eſtà dire,diuines,& eternelles,à fçauoir Dieu
. . . meſine, fa puiſſance infinie, fa mifericorde,fa
pience, iuſtice, verité, fainćteté, ayde, & falut:
& parlaquelle nous croyons auſſi fermement,
&
D E L’ A D. V E N T . } - 57
& auons noſtre fiance efdićtes choſes inuiſi
bles,& qu'on doit eſperer,comme fi les voyons
elles meſmes preſentement des yeux corporels,
fi nous les maniós ou attouchiős de nos mains,
& fi en auions vrayement poſſeſſion & plaine
iouyſlance. S’enfuyt: Beatus qui nõ fueritstanda
lizatu in me. Parces parolles, noltre Seigneur
predićt que pluſieurs (apres que Ieſus Chriſt
feroit prefché)feroyent ſcandalizez: comme il tº:
apper par les Eſcritures : à peine Ieſus Christ
eſtoit encore nay, incontinent qu'Herode eut st. -
ouy parler de fon nom, il fut fcandalizé, & le datké en Is
perſecutoit.Les Pharifiens
& offenfez, pource estoyent
que nostre ſcãdalizez,/
Seigneur preſ- Fsfsä

choit la vraye iustice proceder de la foy, & non“


pas des oeuures ſeules, ignorans la iuſtice de
Dieu, pour vouloir eſtablir la leur. Les Princes Princes esa
& Sacrificateursestoyent fcandalizez, pource :
que Ieſus Christ enſeignoit choſes contratiesa “
leurs affections. Les Diſciples de fainćł Iean .
eſtoyent ſcandalizez pour l'enuie qu'ils auoyết distiples de
pour leur maistre,contre Ieſus Christ,la troupe : /****
a : fl. a -1 .|----- l.-- & humili- ;
estoit ſcandaliſee, pour la pauureté
r - -
;
pe fean
té de Ieſus Christ, difans:Nónne hic est filius fa- aal .
bri ? hunc stimus vnde fit, tớc. Ceſtuy-cy n'eſt
il pas fils d'vn charpentier, nous fçauons d'où
est ceſtuy-cy, quand le Meſſias viendra, nul ne
fçaura d'où il viendra. Les Apoſtres ont eſté Matth.ao.”
fcandalizez au temps de la , cőme leur Apºffres fºr
auoit predit noſtre Seigneur:Omnes vosstädali- dal zvez».
Rahimini in me haenoite. Vous endurerez tous
D s
58 TR o1s1 EsMB D1 M E NcHE
fcandalle ceste nuićt en moy. Mais quelqu’vn
me pourra dire:les hőmes de cetếps là eſtoyent
bien fols, & defpourueus de bon fens, qui tant
facilemét eſtoyết ſcãdalizez, & offenfez en Ie
fus Chriſt, lequel ils voyoyent faire tant & de
fi grands miracles:Sii’euffe eſté de ce temps là,
i'eufle creu facilement aux parolles & oeuures
d'iceluy,ſans me ſcandalizer de fa pauureté,ou
humilité.Ainſi le perſuade la pen humaine.
l'humilité Maisie te demande,cốment ne t'euſt offenféla
:: puur ou humilité de Ieſus Chriſt ? com
j nent l'eulle tu cogneu en pauure & humble
forme de feruiteur, lequel maintenant tu ne
cognois pas en fes pauures membres ? Cecy
*/** eften Efaic: Vidimuseum, & non erata þettur
& deſiderauimus eã defectum, & nouiſimum vi
*** , rorum. Nous l'auons veu, & il n'y auoit point
de regard, & l'auốs veu mefpriſé,& le dernier
du Si veritablemét tule cognoiſſòis,tu
- ne feroispas fi rude & afpre à ſes pauures mem
* * bres: Illis autem abeuntibus cæpit Iestu dicere de
Ioanneadturbas.Et quand les Diſciples s'en al
loyent: Ieſus cómença aux tour
bes. Nostre Seigneur louëfainét Iean en l'ab
Adulation efence de fes Diſciples · à finqu'on ne penſat
faterie doit H" il voulust gaigner ſa bonne , par adu
carefuye,de-lation,& flaterie.Cela nous enfeigne que nous
chaffee, er deuốs diligemment fuyr adulation, & flaterie,
*******' laquelle cauſe à l'auditeur inflation, & orgueil
Fettfz. de coeur. Car, comme dit le Sage : Melius est à
fapiente corripi, quàm stultorum adulatione det
- * * * 1
. ĐE L’A D v E N r. :
il eſt meilleur d'estré corrigé d'vn fage,que d’e
ftre loué par la bouche de pluſieurs fols. Parce
que celuy que tu flate ou , ou il eſt fa
ge ou il eſt fol:s'il eſt fage,pourquoy le loüe-tu
en fa face?C'eſtà dire en prefence.Car il fe- f *
ragrandement marry: pource que tu luy attri
bue ce qui appartient à Dieu: pourquoy donc gern .
ques donnes tu à ceſt homme de bien ennuy
& faſcherie ? S'il est fol, il fe glorifiera, & -

pourquoy luy augmếte tu fon orgueil & folie? Pºstrise


C'eſt vne choſe Chrestienne #y a quelque Cºrfi“
choſe digne de loiiange en ton prochain de le -
*

loüer, non pas en ſa prefence, mais deuant les


autres:& au contraire,s'il y a quelque chofe vi
cieuſe en ton prochain, c’eſt choſe Chrestien- - ,v
nele corriger:Interte & ipſum,entre toy & luy: Matt“. .
& deuant les autres non le diffamer, ains le · · · ***
couurir & excufer à l'exemple de Ieſus Christ,
qui deuant les hommes excuſoit fes Diſciples,
& loüoit faiućt Iean deuant les hommes; &
en fon abſence : contre vn tas de flateurs plus
traistres que Iudas, qui t'osteront le bonnet,
& toutefois ils te voudroyent auoit ofté la te
fte de deſfas les eſpaulles: ils ployeront fe ge
* v

noil deuant toy, pour te faire la reuerence, \ ,

qui ſe voudroyent estre rompus la iambe à te


porter en terre:tel te dira le boniourde bou
che, qui de faićt voudroit auoir mangé ton . . . bri
cæur , cela est contre la doćtrine de Hefus :
Christ,& de fon fainét Euangile. Il faut necef- # Iran.
fairement qu'il yayt quelqué genes
3Ill
: 83' pear4 woj.
6o T R o I s 1 E 5 M E D I M E N.
faind Lean, lequel noſtre Seigneur fi grande
ment & excellemment louë & Car
2.cer tº, comme dićt fainct Paul: Non qui felpfum com
s e dire,queest,
mendat illeprobatus
dat,C'eſtà ſedqui
celuy quem Deusfoy-meſ:
ſe prife commen
me n'est pas approuué , mais celuy que Dieų
priſe. Noſtre eigneur doncques prife & lonë
fainét Iean, pource que fidellement il a execu
té fon office.Carcela eſt plaifant à Dieu, qu’vn
chacun execute les choſes appartenantes à la
*** - ’ vocation, en laquelle il est appellé. Or l'office
Ioan. r. de fainét Iean eſtoit pour rendre teſmoignage
de la lumiere, c'eſt à dire, d’euangelizer & an
noncer Ieſus Chriſt: lequel auſſi il louë de fer
z. „/.../-me conſtance,diſant:Qui eſtes vous allez voir,
rouſeau
gnife plu- :all defert?arundinem vento agitatam?vn
Fear chofa, agité & demené du vent? Le rouſeau lequel fa
cilement eſt agité du vent, ſignifie inconstan
ce, veu que le rouſeau eſt vuide dedans, & ne
peut ſouſtenir celuy qui s'appuye fur luy, con
uenablement, fignifię les biens terrestres qui
font labiles, tranfitoires & fluxibles, & toutes
autres chofes mondaines, ſur leſquelles il ne
P/al. r4 r.
fe faut appuyer ne mettre ſa confiance. Car
comme dit le Pſalmiſte:Nolite confidere in prin
cipibusnerin flys heminum in quibus non estfalus,
ne vous fiez point aux Princes, ne aux enfans
c„...„... des hommes aufquels n'y a point de falut.
* monſieur Sainét Iean,nous
Par ceſt exemple de
çhrestien fommes enſeignez, quelle doit eſtre la con
-,- e ſtance du Chreſtien, à fçauoir qu'il doit
: : :: ' GII
- D E L’ A D V E N T. " -- 6 p.
fon eſprit folide & ferme,& lequelaucune de
traction ne doit troubler n’eſmouuoir à cour
roux ou indignation , ne faueur encliner & in
duire à quelque lafcheté & forfait, ne les cho
fes proſperes glorifier, ne les chofes aduerfes
troubler, ne brouiller: mais principalement
faut que le Chrestien ſoit ferme & entier en la
foy, & ne circumferatur omni vento dofirine, dit Ephe.s.
S.Paul, qu’il ne foit feduit par quelque vent
defauffe doćtrine. C'est vne marque pour co
gnoiltre le fidelle Catholique d’auec l'Hereti:
que. Car l'heretique n’eſt ferme en fa foy, ny
conſtant en fa doćtrine,eſtant maintenant Lu=
therien, maintenant Caluiniſte, & toſt apres
Anabaptiste, changeant de foy preſque auſſi
fouuent que de chemiſe. Mais lesCatholiques
ſemperea de iſdem dicunt, comme dit fainćt
Irenee, liure deuxieſme contre les Valenti
niens. Secondement noſtre Seigneur louë
fainct Iean de l'auſterité de vie, quand il dit:
Mais qui eſtes vous allez voir au defert? Ho
minem mollibus vestitum ? Ecce qui mollibus ve
fiuntur in domibus regum funt, Eſtes vous al
lez voir au defert vn homme veſtu de pre
cieux vestemens? voyci ceux qui font veſtus
de precieux veſtemens, font és maiſons des
Roys,aufquels plaiſent les accouſtremens pre
cieux, & les delices à ceux qui defirent la fa
ueur des Princes. Telle maniere de gens peut
tomber en ſoupçon de fentence corrompuë,
d'inconstance, d'adulation & flaterie, du nom
- r bre

|
61 T R O I S I E S M E D I M E N•

bre defquels n'eſtoit pas fainćt Iean. Car il a


referé & plus eſtimé les deferts,que les triom
phans Palais , & falles Royalles: il a plus eſti
méles poils des chameaux, que les veſtemens
precieux & Royaux. La priſon rend teſmoi
comme il n'eſt pas flateur, ,&
agorneur : car ceux qui fçauent flater ne font
pas aux priſons : ains aux magnifiques mai
fons des grands » c’eſt à dire en leur grace.
Mais fainét Iean porteur de verité, n'a autre
lieu en la falle du Roy Herode que la prifon.
Puis noſtre Seigneur louëfainćt Iean de la ve
rité de doćtrine, pour nous donner exemple
de mortifier noſtre chair, à fin qu’elle ne
rebelle à l'eſprit, difant:mais qui estes vous al
ler voir ? vń Prophete ? Certainement ie vous
dy plus que prophete. Sainét Iean eſtoit ve
ritablement Prophete, qui comme les autres
a predićt pluſieurs choſes à aduenir, comme
Matt. 3. quand il dit de Ieſus Chriſt: Ille vos baptizabit

in fhiritu fantto, Iceluy vous baptizera aŭ fainćt


Eſprit. Et pource fainét Iean eſtoit non feu
lement Prophete , mais plus que Prophete.
falut plus preſentement que
Malach.3.
les autres.Et pour confirmer eeſte fentence,eſt
icy amené le teſmoignage des Prophetes: Ecce
ego mitto angelum meum antefaciem tuã, qui pra
parabit viam tuam antete. Voycii'enuoye mon
Ange deuant ta face , qui preparera la voye
deuant toy. Et par ceſte parolle prophetique
nous font donnez à entendre choſes
11 Ota,
,, D E L’ A D v E N T. , - 63
notables.Premieremét,quãd il dit: Ecce,yoyci,
Ce mot nous cfueille, & faićt efmouuoir nos
eſprits Voyci comme grãde & admirable choſe
qu'il veut dire, & laquelle il conuient fçaủoir:
Ego mitto. I'enuoye. Et cela, dit-il,à fin que la
predication de fainct lean foit plus loiice, &
priſee : & pour monſtrer qu'il n'eſt pas des
faux Propheres deſquels parle le Prophete:
Ipst currebant & non mittebam eos, dicit Dominus. Hiere.re.
Ils couroyent,& ie ne lesenuoyoy pas.Ce n'eſt slea" esta
f.
pas lans ftere que fainćt
my1rere la Iean foi
ean 19 umé mé Ange» &
nomme,,,,,,.
Ange , non ſeulement pour la purité de vie'
Angelique:rnais principalement pour fon offi
ce. Ce mot d'Ange, mellager : com- Expoſition de
bien que ce mot eft aux mot de Ange.
ques eſprits , toutefois il n’eſt pas ſeulement
approprié à eux , ains communément à tous
ceux qui font annonciateurs de la volonté &
commandement de Dieu, comme il eſt efcrit
parle Prophete Malachie:Labiafacerdotis custo-Malºrº:
diunt fapientiam , &- legemde ore eius requirent,
quia angelus Domini exercituŭ est. Les leures du
Sacrificateur garderőt la ſcience, & de fa bou
che on demandera la loy, pourtant qu'il eft
meſlager du Seigneur. Ainſi fainét Iean eft
nommé Ange, c’eſt à dire, meſſager de no
lireSeigneur: Qupreparabit viam tuam antete. Preparer la
C'est l'office de ſaínét tean,de preparer la voye yeye à Ieſu
de nostre Seigneur. Celuy prepare la voye qui
oste les choſes leſquelles peuuent empeſcher :
teluy qui veut paſſer par quelque lieu , &
- - voye,
64 T RoIs1E s M E D 1M ENc H E
voye, pour aller à Ieſus Chriſt, c'eſt humilité
de foy-meſme, retournant à fon bon fens, auec
meſpris,c'est à dire, à la penitence des biếster
reſtres, & deſirs des biens celeſtes. Les empeſ
chermés de falut,c'eſt vne iuſtice preſumptueu
fe, & defeſpoir de la bonté diuine. Monſieur
S.Iean ofte ces deux chofes. La premiere quãd
il dit:Paenitentiamagite. Faićtes penitếce.La fe
conde,à fçauoir defeſpoir, quand il dit:Appro
pinquanii enim regnum celorum.Le Royaume des
cieux s'eſtapproché.Parces parolles,il nousen
feigne crainte & eſperance,il nous prefche pe
nitence,& nous demóſtre la grace:il nous mon
ſtre peché, & auec le doigt,il nous monstre Ie
fus Christ. Certainemết cela s'appelle preparer
la voye de noſtre Seigneur.Et pource mes amys
Oraiſon. & freres Chreſtiếs,prions noſtre bon Dieu tref.
benin & debonnaire,pour tous Paſteurs de l'E
glife;qui ont la cure des ames.l'administration
des fainéts Sacremés de l'Egliſe de Dieu,& de
fa fainćteparolle,qu'à l'exemple de mőfieur S.
Ieã Baptiſte, ils foyết cốduićts par le S.Eſprit,
à fin qu'ils foyếttrouuez fidelles & loyaux Mi
nistres de la gloire de Dieu,ayất toustours ceſte
intérion que les brebis efgarees foyết recueil
lies à Ieſus Chriſt, principal Paſteur, qui par
leur falutaire doćtrine,bốne vie,fainéte,& exé
plaire conuerſation,eux & nous,puiſſions par
uenir au Royaume celeste, & nous faire ceste
grace, à l'exemple de monſieur S.Iean Bapti
fte,quãd quelqu’vn nous loüera,que nous refe
I1O11S
D E L’ A d v e N r. - tay
rions ceſte loüange, honneur & gloire à noſtre
Seigneur Ieſus Chriſt, auquel elle appartient
& non pas à nous. Tiercement que les peres
& meres procurent à leurs enfans par leurs
prieres fainćtes & exemplaires conuerſations
des heritages& poſſeſſions eternelles: & que à
l'exemple de S.Îean nous ſoyons constans, fo
lides,& fermes en la foy, ne vacillans çà ne là
par infidelité, & que nostre confiance ne ſoit
aux choſes terriennes & mondaines, maisen
Dieu,par la grace duquel nous puiſſions morti
fier noſtre chair, à fin qu’elle ne foit rebelle à
l'eſprit, & que ne foyons corrőpus par la fauſſe
doctrine des Hereriques, aduerſaires de nostre
faincte foy Catholique ; mais que tous d'vn
cæur & d'vne bouche, nous le puiſſions glori
fier,donner honneur, loitange, & gloiresque fi- ,
nablement nous puiſſions eſtre tous fauuez en
fon paradis celeſte.Amen. :
, , ::, :, : i - ! -- - - -.. .. . .

Qv AT RIES ME D I MENCH e
p + ' a b v = N r. ;
Is e Rv NT Iudei ab Hieroſolymis ft van.".
V cerdotes & Leuitas ad Ioannem, vt in
y terrogarent eum; tu qui es ? Les Juifs
*RA*A enuoyerent de Hieruſalem des Pre
stres & Leuites à fainét Iean pour l'interro
guer, difans: Quies tu? Laćtance Firmian au
premier chapitre du 3. liure de fes Inſtitutions
diuines, diſputant de la cognoiſſance de veri
1 E -
č36 o yA T R1Es Me p1M ENcH e
té, dit que Deus naturam humanam veri adipi
fiendi cupientifimam fecit, Le naturel de l'hom
me eſt tél, qu'il defire fort cognoiſtre la verité.
Et de faićt l’eſprit de l'hőme ne fgauroit auoir
plus grand tourment, que quand il a des dou
tes & difficultez. Et voyons cela tous lesiours
ar experience, que l'homme ne veut point e
ſtre abuſé ny trompé, s'il luy est poſſible. Mais
c'eſtvne choſe bien difficile que d'acquerir co
gnoistance de la verité,tefmoing S.Baſile au li
ure De Spiritu Sančio,ad Amphilochium, chapi
tre premier. C’eſt vn treſor que verité, qui eſt
bien difficile à trouuer, in obſcuro latere existi
matar (dit Laćtance au lieu preallegué) il eſt
bien caché, & n'y a que Dieu qui l'enſeigne
& reuele par l’Eſcriture, comme monſtre do
ĉtement , au premier chapitre du
premier liure de fes Inſtitutions Diuines. Or
n'eſt-ce pas aflez de fçauoir cela : mais outre
il faut cognoiſtre le lieu où c'eſt qu'on trouue
la verité. Elle ne ſe trouue pas en l'eſcholle
des Philoſophes(comme diſpute La
ćtance, contre eux au commencement de fon
premier & troifieſme liure) mais en l'Eſcritu
re fainéte, comme dit Sainćt Bafile en la pre
miere de fes Epistres. La verité premiere
ment couchee par eſcrit aux liures de l'ancien
Teſtament, & puis du nouueau a eſté declaree
au peuple de Dieu. Voylà les liures où c’est
qu'on trouue la verité. Mais toutefois elle ne
laille pas pour cela de demeurer en fon obſcu • /

. Il tC,
D E . L' A d v E N r. , 67
rité, & eſtre difficileà cognoistre:carlaloy de
Moyſe, qu’est-ce autre chofe qu’vn ombre?
Ceux qui gardoyentladićteloy, auoyent biếla
verité:mais tous ne cognoiſfoyent pas la verité
cachee deſfous l'efcorce de la loy. Pareillemét,
combien que la predication de l'Euãgile foit la
manifestation de verité, ce n’eſt pastoutefois à
dire que les liures du nouueau Testamếtfoyết
fifaciles,qu'en les liſant,chacun les puiſſe en
tendre:autrement S.Pierre parlant des Epistres***.”
S. Paul, à tort fe complaindroit de quelques
gens ignares , & inconſtans; qui abuſoyent
temerairement, & à leur damnation, des Epi
fires de S.Paul qu'ils n'entendoyent pas. A tort
pareillement feplaindroitS. Hierofine en l'E
pitread Paulinum, de pluſieurs de ſon temps,
:l'Eſcriture fainéte pouủoirai
ément eſtre entendue de tous ceux qui met
toyent le nez dedans. Et pourtant ditle meſme
Docteurfur le premier chapitre de l'Epistre S.
Paulaux Galates (ce qu'il auoit aprins defon
maiſtre Gregoire Nazianzene, furla fin d'yne
Epistre qui est la 32. parmy les Epistres S. Baſi
le) qu'il ne faut pas eſtimer Euangelium effeia
verbis Scripturarum, ſed in fenfa: non in ſuperfi
cie,fedin medulla: non infermonumfolijsfèd in ra
dice charitatis;Quel'Euangile&veriré de l'Ef
crirurene conſiſte aux paroilesimais au fensiny
en l'ap arence,maisấu dedans.Mais pourquoy
que l' Eſcriture fain
- ' , E 2
68 o y A T R 1 E s M e d 1 M E N.
ćte en laquelle ſe trouue la verité,fuſt tant ob
fcurcie? S.Auguſtin auliure premier de la do
ćtrine Chreſtienne. Et S, Chryſoſtome en fon
homelie 34.fur S. Matthieu, en donnent plu
fieurs raiſons : Obſcurata est notitia veritatis, ne
non tam vtilis inueniatur,quàm contemptibilis. Cā
temptibilis enim est, fab illis intelligatur, à quibus
nec amatur,nec custoditur. Vne raiſon eſt, à fin
qu’on tienne grand compte de l'Eſcriture
faincte,laquelle eſt contéptible, fi ceux là l'en
pendent, deſquels elle n'eſt aymee, ny gardee.
L'autre raiſon eſt:|Quia effet Deusalios voluit effe
dottores, alios diſcipulos. Nā ad illos quid ſic Deus
dicit per Efaiam: Loquimini facerdotes in cordibus
populi. Ad hos autem quos voluit diſcendo cogno
steremyfteria veritatis,fic dicit in Cantico: Inter
rogapatrem tuum,& dicet tibi, presbyteros tuos có:
annuntiabunt tibi.Dieu a voulu que les vnsfuſ- ,
fent Doéteurs,les autres Diſciples, Car fi tous
eſtoyent fqauans en l'Eſcriture fainéte, il ne
feroit point neceſſaire d'auoir des Docteurs, &
pource l'ordre feroit confusen l'Eglife. C’eſt
auſſi, addamandam hominis ſuperbiam,dit S.Au-
guftin.Pourautant quefcientia inflat,pour t'hu
milier, Dieu permet que bien fouuent tuliras
l'Eſcriture fainéte, & n'y entendras rien, non
plus que ceſt Eunuque duqueleſt faićte men ;
tion aux Actes huictiefme. Car pour auoir
l'intelligence des lettres Sainćtes,en toute hu
milité ; il y faut trauailler continuellement
- a UICC
- DE L’A D v E N r. &9
åuec prieres , & ieufnes, demandant à Ieſus
Chriſt l'intelligence d'icelles: Qui habet clauem
Dauid, qui aperit ý nemo claudit, comme dit S.
Iean en l'Apocalypſe: & fainét Hieroſme en
l'Epiſtre ad Paulinum. Orya-il pluſieurs per
fonnes auiourd'huyaux troubles qui font en la
religion, qui difent qu'ils veulent fçauoir la
verité, & pourla cognoiſtre, ils veulent la cer
cher,par ce qu'il est eſcrit: Querite & inuenie- **"*/
tis.Et pourtant vontlire les liūres de Caluin,&
autres Heretiques,pour voir s'ils y trouueront
la verité, ou pour le moins voudront mettre le
nez à l'Eſcriture pour là cercher la verité, ne
fçachansà qui ils doiuent croire , pource que
tout le monde ſe vante d'auoir la verité de fon
Ioan, fe
coſté. Ioinćt qu'il eſt dit : Scrutamini ſcriptu
ras. Ipf enim funt que testimonium perhibent de .
me. Aufquels ie reſponds premierement que
c'est bien fait de defirer la cognoiſſance deve
rité:mais il faut diligemment regarder où c'eſt
que tu la trouueras, Car il y a eu beaucoup
qui l'ont autrefois cerchee, leſquels ne l'ont
pas trouuee : Quia non modo quid effet verum
ipſum,fed etiam quomodo; aut vbi, aut qua men
te querendum effet nestiebant. Comme dit La
ćtance, chapitre premier, liure trơiſiefine de
fes Inſtitutions. Ils ne cerchoyent pas la verité,
où, ny ainſi comme ils deuoyent. Et ne fai
foyent pas comme les Iuifs, deſquelsil est faićt
mention en noſtre Euangile : lefquels ſtu
| . E 3
7o Q v A T R 1 E s M e D 1 M E N.
dieux de cognoiſtre la verité, l'ont cerchee où
il falloit (car ils l'ont demandee aux Prophetes
de Dieu) & pource ils l’ont trouuee. Mais
apres l'audirtrouuee, ils ne l'ont pas fuyuie ni
embraſlee: ains font demeurez obſtinez , &
n'ont pas voulu recognoiſtre & receuoir le
vray Meſſias promis en la loy.
Aufſi quiconque voudra trouuer la veri
té, s'il ne veut perdre fa peine, il la doit cer
cher en l'Egliſe Catholique, & non pas en la
Synagogue & conuenticule des Heretiques,
ny en leurs eſcrits , comme a tresbien remar
qué Vincentius Lirinenſis , en vn liure qu’il a
faićt il y a plus d'vnze cens ans, Aduerfaspro
phanas vocum nouitates. Secondement, ie ref
pond auec Tertulian, au liure depreſcript.ad
iuerſus hareticos, capite 8, 1o. 11. & 12. que plu
fieurs errent lourdement, qui fe fondent fur
Matth.7. ce que diſoitnoſtre Seigneur en fainćt Mat
thieu : inuenietis. Et ne confiderent
à quel propos cela eſt dit: carà qui parloit
ors noſtre Seigneur ? Aux Iuifs qui atten
doyent encores le Meſſias : Qui habebant vbi
quærerent Christum. Vnde ait illis : Scrutamini
Scripturas, in quibus falutem ſperatis. Illa enim
de me loquuntur. Hoc erat, Querite & inue
nietis : Namque & fequentia optimè in Iudeos
competere manifestum est, pulſate & aperietur
vobis. Allez, lifez vos Prophetes , & vo
ſtre Moyſe, & vous trouuerez que ie ſuis le
Meſſias
D E L’ A d v e N r. . 7r.
Meſſias duquel ils ont tant parlé. Or estoit
il expedient que les doćtes en la loy exami
naffent fi c'eſtoit luy que Moyſe auoit promis.
Et pour le fçauoir, falloit confiderer s'il fai
foit les miracles qu'auoyent predit les Prophe
tes , que le Meſſias deuoit faire. Et pour
tant c'eſtoit aux luifs qu'il eſtoit dit : Čher
chez & vous trouuerez la verité. Mais à
nous il n’y a plus de querite. La verité eft
trouuee & cogneuë il y a long temps. - Et
comment apres tant d'approbations de la ve
rité , la voulez-vous encores chercher ? D'a
uantage quand ainſi feroit que cela fust dit
de nous auſſi bien comme des Iuifs » Que
rite cớ inuenietis , voudriez vous toufiours
chercher ? Si vous y amufiez fans celle, & ne
vouliez vous refouldre à ce que l'Egliſe en
a determinee, & à ce que les anciens en ont
creu & laiffé par eſcrit , Vbi erit quarendi fi
nis ? vbi statio credendi? vbi expunctio inuenien
di? apud Marcionem, & cætera. Si fans ceſſe
vous cherchez, iamais vostre eſprit n'aura re
pos. En fin conclud Tertullian, Nemo quæ
rit, nist qui aut non habuit, aut perdidit. Per
fonne ne cherche la verité , finon celuy qui
ne l’a iamais trouuee, & par conſequent n'a
iamais esté Chrestien : ou qui l'a perdue,
& par confequent ſe declare deferteur de la
verité, & apoſtat : Car tous les Chreſtiens ont
trouué la verité en l'Eglife Catholique, quand
- E 4
7z , Q v A T R 1 E s M. E ni M E N c H E
ils font venus au Chriſtianiſme. Et s'ils n’euf
fent estimé que la verité eſtoit du coſté des
Catholiques, ils ne fe fustent iamais rengez
de ce cotté la. Et puis qu'en l'Egliſe Catho
lique vous auez trouué la verité, pourquoy
l'allez vous chercher aux liures de Caluin,
ou d'autres Heretiques ? Vbi omnia extranea,
cr aduerfaria veritati , & ad quos vetamur ac
cedere, dit Tertullian chapitre douzieſme. Si
doncil eſt queſtion de chercher la verité, que
ramus in nostro, & à noširis, ó de nostro, cher
chons là où il faut , ainſi comme ont faićt les
Huifs, defquels il eſt parlé en l'Euangile du
iourd’huy, recitee par monſieur Sainćt Iean,
difant : Les Iuifs n’ont pas enuoyé inconti-
nent des aniballadeurs à Sainct Iean , mais
que le bruit & la renommee d'iceluy
estoit publice & diuulguec partoute Iudee: &
que tous fçauoyent qu'vn admirable perſon
nage s'eſtoit apparu au defert, lequel manife
ftement diſoit que le Meſſias promis en la loy,
& lequel par fi long temps auoit eſté defiré,
eſtoit venu. Tunc,alors ils ontenuoyé des am
baſſadeurs & meſlagiers à Sainćt Iean. Ladi
ćte ambaſſade eſt de tous coſtez excellente &
honorable : de la part de ceux qui enuoyent,
font les principaux du popülaire, par leſquels
ledićt populaire eſt gouuerné : du d’où ils
enuoyent,c'eſt de Hieruſalé cité Royale & Sa
cerdotale, ville metropolitaine & capitalle de
| Iudee,
D E L’ A D v E N r. |- 73
Iudee, où floriſſoit la loy. De la part de ceux -
qui font enuoyez, ce ne font pas gens idiots
ou fimples, ains c'eſtoyent gens folennels, de
grand fçauoir, & litterature: car c'eſtoyent les
grands Preſtres facrificateurs de la loy. Celuy
auquelles ambaſſadeurs font enuoyez, la bou
che de verité rend tefmoignage de fa gran
deur, quand il diſoit: Inter natos mulierum, non Matth.r.
furrexit maior Ioanne Baptista, &c. Ie vous dis
en verité qu'il n'eſt pas iſſu entre ceux qui
font naiz de femmes, vn plus grand que Iean
Baptiſte (lequel paflage eſt doćtement expo
féparfainćt Ambroife, fermo. 64.& fainćt Gre
goire Nazianzene : Oratione funebri in Athana
fium, fainét Cyrille Alexandrin libro 2.in Ioan
nem,cap.34.& libro 2.theſauri,cap.4.fainćt Iean
homil. 38. in Mattheum, & homil.
27. peris imperfetti, in Mattheum, Sainćt Cyril
le Hieroſolymitain catechest tertia ad illumina
toi,S.Auguſtin in Pſalm. 29.& 141.6 ferm.4.de
natiuit.Ioannis Baptistæ, & cap.f.lib.2.contra ad
uerflegis & Prophetæ, & per Eufèb.Emiff homil.
1. de Ioanne , Chryfologuefermone 174. AMaximus
fermone defančio Ioanne Baptista.S.Bernardyſer
monede excellentia Ioannis Baptiste, & Alphon
fu Abulensts in cap. 3. Matthai, voyÎà l'ambaſſa
de de toutes parties excellenre & folennelle.
Les Iuifs fçauoyent le temps du Meſfias estre
prochain, à cauſe que le ſceptre Royal leur
quoit esté oſté, felon la prophetie de Iacob: ~

Non auferetur ſceptrum de Îuda, Neque duw defe- Genef, º.


E F
74 Q vATR1EsME D1 M ENcHE
more eius, quouſque veniat qui mittendus est, &
erit expettatio gētium. (Lequel paſſage toutefois
a esté depuis corrompu par les Iuifs incredu
les) c'eſtà dire: Le ſceptre ne fera point oſté
de luda, & le Capitaine de fa cuiſſe, iuſques à
tant que celuy qui doit estre enuoyé , vienne.
Et le ſceptre leur eſtoit oſté, car ils eſtoyent
gouuernez par gens barbares & eſtrangiers.
D’auantage les fepmaines de Daniel eſtoyent
accomplies. Cependant voicy deux grands
perſonnages qui fe preſentent, à fçauoir Ieſus
Chriſt,& fainét Iean,entre leſquels ils conuer
foyent & auoyent opinion que l'vn des deux
eſtoit le Meffias promis par les Prophetes.
Toutefois ils aymoyent mieux donner l'hon
neur de Meſſias à S.Iean qu’à Ieſus Christ. Et
pource ils enuoyent à S. Iean, & non à Ieſus
Chriſt. Car par le premier iugemét de leur pro
pre raiſon, ils eſtimoyent fainct Iean eſtre plus
digne de ceſt honneur que noſtre Seigneur:
parce que la natiuité de S. Iean eſtoit celebre
& magnifique entre les Iuifs : & lequel eſtoit
eſleué par la nobleſſe de fon fang, par fainćte
té de vie, parvne nouuelle maniere de viure
és deferts, fes veſtemens , le bapteſme , la
grande affemblee des diſciples, tout celaioinćt
enſemble , auoyent prouoqué les eſprits du
peuple en tres grande admiration. Car Sainćt
ZRp.m. ?. Paul dit tres-bien: Qui fecundum carnem funt,
carnis funt, fapiunt. Ceux qui font fe
on la chair , n'apprehendent rien finon ce
que
d e I’ A d v E N r. 75
que leur dit la chair. Ainfi eſt la nature de la
chair, laquelle feulement reçoit remede, &
iuge dignes d'honneur ceux qu’on voit ex
cellens aux chofes exterieures, comme par no
bleſſe de fang, par richeſſes , par faueur des
hommes, par dignitez, ou offices. Iceux font
honorez du peuple, combien qu'ils foyent in
dignes. Ainſi ceux qui ont pouuoir par no
bleſſe, richeste, & honneur populaire, font
eſleuez aux grands honneurs, combien qu’ils
foyent endormis, gros fots, fols, & fans enten
dement. Tous ces propos font de fainćtIean
Chryſoſtome, en l'homelie 15. fur fainét Iean
Item ils enuoyent à fainćt Iean, & nonà Ieſus
Christ. Car l'humilité & pauureté de Ieſus
Chriſt les offençoit, & ſcandalizoit, & iugeoyết
leſus Christ indigne de fi grand honneur, à
cauſe de fa pauureté: toutefois cela leur eftoit
yne grande fortife, & extreme folie. Ils veu
lent auoir S.Iean pourMeſſias,preferant le fer
uiteur au Seigneur, le foldat au Roy , l'hom
me à Dieu; la creature au Createur, le foible stuu.,,.
aupuiſſant, le pauure auriche. Voyla le natu
iel du monde , qui a toufiours en horreur la
croix, qui a honte de pauureté, & qui eſtime
que c'est chofe deshonneſte & laide, de con
uerferenuersceux qui font affligez en ce mon
de,combien qu'ils foyent gens de bien, & en
fins de Dieu , comme ilappert du mauuais ri- Luc.re.
che, & du pauure Lazare: & iugent ceux qui
font pauures, indignes de tout honneur,
, - ICII
76- q v A T R 1 E s M E D 1 M E N.
Matt.n. bien qu'ils foyent doctes,& fçauans. Et pour
ce diſoit noſtre Seigneur : Beatus qui non fuerit
fcandalizatus in me. Bienheureux qui ne fera
fcandalizé en moy. D'auantage,ils regardoyết
à leurs commoditez , & aduantages : car ils
voyent Ieſus Chriſt eſtre diſſemblable & con
traire à leurs oeuures.Et c'eſt ce que chante le
, sapien.2. Sage,en la perſonne des mefchans:Circũuenia
mus iustum, quia inutilis est nobis, & contrarius est
operibusnostris. Sus,faiſons quelque malau iu
fte: car il nous eſt inutile , & contraire à nos
ceuures. Et commençoyent de craindre que Ie
fus Chriſtne preſchaft CO Intrc

leurs ambitions, orgueil, auarice & preſum


ption:& pource ils veulent porter ceſt honneur
à S.Iean,eſperansqu’ıl aduiendroit que S.Iean
(combien qu'il ne fuſt le Meſſias) cognoiſtroit
le nom tant honorable , lequel fans en eſtre
requis, on luy auroit attribué : & ainſi feroit
en leur puiſſance,que celuy qui auroit acquis
vn fi grand honneur par leur faueür , n'ofe-
roit ouurir la bouche, pour parler contre eux,
& par cela, ils vouloyent aſſubiećtir le Mef
fias à leurs cupiditez , deſirans auoir vn Mef
fias, qui leur fuſt lié , & obligé, par crainte
eſpouuenté, ne diſtchofe qui ne leur fuſt ag
greable. Ainfi eft-il de pluſieurs Chreſtiens,
qui font de femblable defirons
auoir des Prelats, Rećteurs, & Preſcheurs,qui
s'accommodent & rencontrent à nos affe
ctions. Et ſommes femblables aux meſchans
- Îuifs,
DE L’ A D v E N r. 77 *

Íuifs, qui diſoyent à Efaie : Dis nous quelque Efeso.


chofe de & gaillard. Et comme imi
țateurs Iudaiques, en meſpriſant Ieſus Christ:
pource que fa parolle nous eſt contraire, nous
demandons vn Iean,c'eſtà dire, vn Prefcheur,
duquel nous eſperons chofes douces , & plai
fantes,& non contraires à nos affećtions char
nelles, pour nous deliurer de la charge de la .
loy , & nous faire viure en liberté charnelle,
Comme de ne ieufner, manger chair en tous
temps » fe marier, & autres licences, & liber
tez, contre Dieu,fon Eglife, & les ordonnan
ces des anciens Peres de noſtre fainćte foy.
Finablement, ils enuayent à fainét Iean, non
pour l'amour de luy : car ils le voyent aduer-
faire à leurs affećtions: mais parhaine & en
uie qu’ils auoyent contre Ieſus Chriſt, que fi
fainĊt Iean euft receu & accepté ceſt honneur,
ils auroyent iuſte occaſion de fe courroucer
cruellement contre Ieſus Chriſt , & de con
damner ſa doćtrine, & machiner fa mort. Par
les chofesſuſdićtes,nousest affez donné à en
tendre la nature du monde. S'enfuyt: Et con
feffies est,& non negauit: & confeffus est, quia non
Jim ego Christus. Et ilcốfeſſe,& ne le nie point:
& il confeſſe auſſi, ie ne ſuis point le Christ,
c'eſt à dire, le Meſſias promis par les Prophe
tes,c'eſt à dire, il ne s'eſt pas deſdit, & retraćté
du tefmoignage , lequel au parauant il auoit
donné de Ieſus Chriſt.Ainș de rechef, & fran
chement il a affermé, & acçrtené fon authori
* tc
78 o y A'r R1 e s M e D 1 M E N. . .
té à Ieſus Chriſt. S. Chryſoſtome dit trefbien å
ce propos, homil. 13. in Ioan. Frugiferui efficium
est non folum domini fui gloriam non aucupari, fèå
cr à multitudine tributam C’eſt vne
chofe fort feante d'vn bon feruiteur, de n’en
treprendre point fur l’honneur de fon maistre,
& reierter le populaire qui le voudroit faire.
Autant en dit fainét Gregoire, au commen
cement de l'homelie qu’il faićt fur ceſt Euan
gile: Cum tante virtutis effet Ioannes, vt Chri
ftus credi potuiffet, elegit folidè ſubſistere in fe:
ne humana opinione inaniter raperetur fi per fe.
Le maturel
Item ila confeffé non estre celuy qu'il n’eſtoit
desmefchans. pas: & n'a pas nié ce qu'il eſtoit. Les iniu
ftes, & mefchans; font au contraire, quinient
& refuſent estre ce qu'ils font, c'eſt à dire: Ils
ne veulent pas eſtre veus pecheurs, & s’attri
buent ce qu'ils ne font pas, c’eſtà dire: Ils con
trefontles fainétesgens, & gens de bien. Con
feffus est. Par trois fois il reitere ceste mefine
fentence: il a confeffé, il n’a pas nié, il a con
feffé ce qu'il faut. Premierement, pour repro
cher aux Iuifs leur incredulité: car ils le reue
royent comme vn fainét homme de Dieu. Et
toutefois quand il rendoitteſmoignage de fe
ſus Chriſtilsne levouloyent pas croire.Secon
dement cela , il nous veut propofer en
exemple,la ferme constãce demonsteur fainét
Iean:car c'eſt vne chofe bien neceſſaire à ce
luy qui veut egalement meſpriſer la faueur
populaire, & la häíne des hommes, qu'il ait vn
COU Ia
-
i D E L’ A D v E N r. 79

courage fort & ferme, à fin que ny par douce


prometie, ny par rigoureuſe menace, il ne foit
deſtourné de la vraye & fincere verité. Tier
cement , par ceſte ferme conſtance de Sainćt
Iean en affirmant la verité, nous fommes en
feignez comment nous deuons eſtre fermes
& conſtans cn nos paroles. Ainſi nous en
feigne nostre Doćteur celeſte Ieſus Chriſt: Sit Matth.,
fermo vester est est,non, nő:ậuad enim amplius his
eff,à malo est. Voltre parole foit ouy, oùy, non
non. Car cela qui eſt dićt outre ces chofes, eſt
du mauuais: car il n’y a chofe qui mieux mon
stre la legiereté de l'eſprit que l'inconstance
de paroles. Er pour cela fe glorifie fainét Paul, .
principalement que fa predication n'a pas eſté, 2.Cor.r.
ouy & non, c’eſt à dire, inconſtante, comme
la predication de ceux qui enſeignent deuant
le peuple vne chofe, vne autre deuant les fu
perieures puiſſances, vne en public, & vne au
tre en particulier. Non film ego Christus. He ne
fuis pas le ſacré. Comme s'il vouloit dire : Ie
ne fuis pasla lumiere: maisie fuis le meſlager
de la lumiere : laquelle bien toſt s'efleuera &
luira. Ie ne fuis pas le Medecin qui puiſſe gue
rir, mais ie monſtre feulement la maladie. Ie
ne fuis pas Peſpoux, mais ie fuis le precurfeur
&auant-coureur de l'eſpoux. Ie ne fuis pas la *
parole, maisie ſuis la voix de la parole. Ie ne
fuis pas le Verbe diuin, lequel eſtoit au com- , , *.

mencement auec Dieu, par lequel Verbe les tant; e»

cieux font creez , & par lequel toutes


- , * - Ont
26 o v Ar R 1 E s M E D I M E N c H E -

Efa.i, font faičtes. Ie ne fuis pas le grand Emma


nuel, ny le grand Iuge , ny le Sauueur, ny le
fils du Dieu vnique, neque expectatio gentium,
nequeradix Ieffe, ne l'attente des Gens,ne la ra
cine de Ieſſe:maisie fuis le miniſtre du Meſſias,
le feruiteur du fils de Dieu, membre du corps
du Sauueur, qui parfagrace appella bien heu
reuſe l'eſperance & l'aduenement de la fain
Galat,* ćte gloire celeſte. Et interrogauerunt eum, quid
ergo? Helias estu ? non. Et ils l'interroguerent,
Quoy doncques ? es-tu Helie? & il dit, ie ne le
fuis point. L'occaſion de ceſte opinion eſtoit,
pource que Malachie le Prophete auoit pro
mis en fes oracles prophetiques que le Pro
phere Helie precederoit & viendroit auant le
iour du vray Meſſias.D'auantage cela augmen
toit leur fauſle opinion, pource que fainćt Iean
menoit vne vie auſtere, folitaire, habillé de
veſtemens afpres, auec vn zele & ferueur de
iuſtice contre Herode Anripas , & il dit, non
fam. Ie ne fuis point Helic, c'eſtà dire, en per
fonne de laquelle vous m'interroguez, com
me dit Origene furce paſſage, & fur le ſeizeſ
me chapirre de fainét Matthieu, & fainét. Au
gustin tratt, 4. in Ioan. Toutesfois il estoit He
lie, duquel Malachie auoit parlé : auffi Ieſus
*"*" Chriſtauoit dit de luy, fivuliis recipere, ipſe est
Elias, qui venturus est. Si vous le voulez rece
h.rz. uoir,. c'eſt Helie, lequel deuoit venir. Item
* 3
*“#":'7' en vn autre paſlage: Ie vous dy qu’Helie est
-

venu, & ils ne l'ont pas cogneu. Et pourtant


: * fainćt
D E L’ A D v E N r. - 8r
fainét Iean est appellé, & du Prophete Mala
chie, & de Ieſus Chriſt, Helie. Car en verité,
en office, & en eſprit d'Helie, il a precedé. Ie
fus Christ. En tous deux le fainét Eſprit a faićł
des oeuures de grande efficace, & vertu, deſ
quels la parolle ardoit comme vn flambeau, & Feel f***
feu ardent. Tous deux habitoyent aux deferts.
Tous deux auoyent ferueur, & zele de la gloi
re de Dieu , & du falut des ames. Tous deux
s'eſleuerent contre les vices des Roys. Helie
contre le Roy Achab. Sainét Iean cốtre le Roy
Herode. Tous deux ont enduré perſecution
pour iuſtice,c'est à dire,pour choſe iuſte. (Pro
pheta es tu ? ) Es tu Prophete? & il reſpondit, s. Iran nie
Non. S. Iean nie icy qu'il n’eſt pas Prophete pas
comme Helie, Hieremie, ou comme U1ES ete E9"
HuoJ.
-

vns des autres Prophetes de l'ancienne


pour pluſieurs raiſons. Premierement, pource
i:
qu'autre eſtoit l'office de fainćt Iean, & autre
l'office des Prophetes. Les Prophetes tiennent
au viel Testament, fainét Iean au nouueau.
Tous les Propheres & la loy, ont duré iufques
à fainét Iean, & de cecy difoit nostre Seigneur
en S.Matthieu : Lex & Prophete vfậue ad Ioan
nem, à temporibus autem Ioannisregnum celorum
vimpatitur. La loy & les Prophetes ont duré
iuſques à fainét Iean: mais fainćt Iean,
le Royaume des cieux endure force. Seconde
ment, l'office des Prophetes eſtoit monſtré par
fignes & figures, que le Verbe diuin deuoit
Prendre chair humaine:mais S.I.ean,non pas vn
82 Q_v A T R 1 E s M E D 1 M E N c H e
ombres des choſes à aduenir:mais en verité des
choſes paffees , & preſentes , & auec le doigt :
eftendu, a monftré que le vray Soleil de iuſtice :
eſtoit leué. Et pour ceste cauſe, le fouuerain
Seigneur l'a appellé plus á Prophete. Quis ergo
es tu?vt reſponſum demus ijs qui miferät nos. Ils luy -
dirent doncques, Qui es tu?à fin que nous don
nions reſponſe à ceux qui nous ont enuoyez,
Que dis-tu de toy meſme?Maintenãtils diuul
guent & deſcouurét leur feintife & fimulation .
d'hypocrifie,parvne question remplie de'cour
roux,& indignation, auec menaces. Et toute-/, , ,
fois ils le deuoyết grấdemét louër,pource qu’il
ne fe vouloit attribuer & approprier la gloi-
re de fon Seigneur, & maiſtre. Mais quọy?
ils ſe parforçoyent d'induire & tirer fainćt Iean
à conſentir & s'accorder à eux , ou par mi- -
gnotifes gracieuſes , & amadoüemens adula
toires, ou par menaces. Mais pour cela il n’eſt
point eſmeu, ains il cỗfeffe la verité,difant: Ego
/
me voix CD’n o
vox clamantis in deferto. Ie fuis la voix du criant
* 1 ! - - - -

parolle, pour- au-


defert. Chacune parolle porte fon Empha- .
* - * - - / -

guay. fe, c'eſt à dire, qu'elle fignifie plus qu’elle ne


Emphaſe, dict.Premierement,il ſe nomme voix.En quoy
quoy, il fe declare trop mieux quel il eſtoit, que par
autre tiltre qu’il euft ſceu fe bailler & attri
buer, comme ont doćtement remarqué Cle- .
mens Alexādri.inadhort in orat.ad Gētes. Et Epi-
phanius hærest 69. in Ariomanitas. Car tout ain
fi que la voix precede & va deuant la parolle:
auſſi fainét Iean a precedé Ieſus Chriſten plu-
fieurs
DE L’A D v E N r. - 83
fieurschofes,en naiſſant & prefchant,en bapti
zant,en mourant,en deſcendant aux enfers,cő
me auoit predit fon pere Zacharie : Et tu puer zue.r.
Propheta alțißimivocaberis praibis enim ante faciã
Dominiparare viam eius. Et toy enfant tu feras
' , appellé Prophete du Souuerain : cartu iras de
uant la face du Seigneur pour preparer fes
voyes.Secondement, tout ainſi que la voix de
clare la parole: ainſi S. Iean a declaré Ieſus
Chriſt,difant: Ecce agnus Dei,ecce qui tollit pec
cata mundi. Voycil'agneau de Dieu qui efface „.,
les pechez du monde. Tiercemét tout ainfique .
la voix deffaut, & la parole ouye demeure &
perfifte,ainfidit S.Jean,il faut qu'icelle croiſſe:
mais moy que ie foye amoindry. Finablement,
tout ainſi que la voix eſt inutile fans la parole:
auffi la predication de S.Lean eſtoitinutile fans
. Ieſus Chriſt. Et pource il dit: Ie fuis la voix:
mais la voix du criant au defert.Il ne dit pas, Ie
fuis ma voix, mais la voix de celuy qui crie. Et
, S.Iean eſtoit la voix de celuy criant, à la confu- }
fion de ceux qui fe difent Paſteurs & Prelats, enffoad',
qui ont la ſuperintendence du troupeau de Ie- Prelats.
fus Chriſt:& qui doiuent faire le guet, & auoir
l'oeil ouuert fur le gouuernement de leurs bre
bis. Ce font ceux cốtre leſquels crie le Prophe- e et - f0,

te Efaye:Sunt canes muti,non valentes latrare,vi


dentes vana,G amantes fomnia,Sőt chiếs muets,
aueưgles, & endormis: qui nefçauent rien , &
n’oſent abbayer: & font bien curieux d'auoir
des pallefreniers pour leurs : faucon
2.
84 Q_v A T R I e s M E D I M E N.
niers,pour leurs oyſeaux, cuifiniers, pour leut
pance:& ne fe foucient de mettre des Paſteurs
pour enſeigner le pauure troupeau de Ieſus
. Christ, lequel leur fera vniour rendre compte
des brebis qui font peries par leur faute, &
Ezech ** fanguinem de eorum manu requiret,& les requer
ra de leurs mains,c'eſtà dire, qu'ils en rendrőt
compte iuſques au dernier point, veu que leur
office principalement confifte de preſcher &
annoncer le Euangile:car ainfi a eſté cő
***** mandé aux Apoſtres: Allez partout le monde,
&prefchez l'Euangile à toute creature. Diri
gite viam Domini. Faictes droićte la voye du
Šeigneur,c'eſtà dire, receuez le Meſſias adue
nir,donnez lieu au S,Eſprit,repentez-vous,co
gnoiſfez vos pechez, fuyez le mal , fuyuez le
bien,accompliffez la loy, faićtes fruićts dignes
de penitence:humiliez vous.S. Gregoire expo
fant ce paſſage en l'homelie duiourd’huy, Via
Domini (dit-il) ad cor dirigitur,cum veritatisfer
mo humiliter auditur, & adpreceptum vitaprapa
ratur, Quiſquis ergo infuperbiã mếtem eleuat,quif:
quis auaritie estibus anhelat,quiſquis fèluxurie in
quinationibuspoluit, cordis ostium contra veritatế
claudit,& ne ad fe dominus veniat','claušira animi
feris vitiorum damnat. Signamment fainćt Iean
dit:faićtes droićte la voye du Seigneur, & non
Ef fr. les voſtres: car il eſt dit en Efaye: Non funt vie
mee vie vestre,dicit Dominus: quia ſicut exaltātur
cali àterra,fic exaltate funt vie mee à vijs vestris,
dicit Dominua:Mes voyes ne font pas vos voyes, W
dit
de L’ A D v E N r. 8;
dit nostre Seigneur : car les voyes des hom
mes fontorgueil, ambition, auarice, preſum
ption, hypocrifie, & fićtion, oeuures exterieu
res fans foy, ce ne font pas les voyes par lef
quelles noſtre Seigneur viết à nous,mais vraye
foy, ferme eſperance, & charité ardante. Età
fin qu'on ne penſe qu'il ne fe foit approprié
cest office d'authorité de Meſſias, il appelle en
teſmoignage le Prophete Eſaïe,où(parparoles
manifeſtes) il predit qu'il aduiendra auất l'ad
uenement du Melfias vne voix laquelle feroit
ouye au defert. Et quimisti fuerant,erant ex Pha
ristis.Et ceux qui auoyent eſté enuoyez,eſtoyết
de Pharifiens,& l'interoguerent, & luy dirent:
Pourquoy baptize-tu doncques,fi tu n'espoint
le Meſſias,ny Helie, ny Prophete? S. Iean leur
reſpond en difant: Ego baptiko in aqua. Ie , «

ze en eau:ilrefpond modestement, fans eſmo- |

tion ou troublement,diſant:Ie baptize en eau: . - *


c'eſt à dire, ie laue les corps feulement & exte
rieurement, ie ne purge point l'ame interieu- -
rement: Ie baptize en repentance : à fin hapti
vous foyez mortifiez, & que vous cognoiſfiez :
auoir beſoin d'vnlauement. Maisiene remets –
pas les pechez: car tout ainſi que ma predica
tion n’eſt pas parfaićte, mais ſeulement prepa
ratoire:ainfimon bapteſme ſeulement monſtre -

vn autresqui commeie baptize en eau,ilbapti· Trei thºsts


fera au fainct Eſprit. Iebaille en monbaptef
me ſeulement l'eau, qui eſt bien peu de ci -

Car trois choſes font neceſſaires au parfaićti.ńa.s.


F 3
86 Q_v A T R I E S M E D 1 M E N.
bapteſme:à fçauoir, tres funt quitestimoniŭ dant
in celo,ſpiritus,aqua,& fanguis. Il y a trois choſes
qui rendent teſmoignagė en la terre, le fainct
Éſprit, l'eau, & le fang Sainćt Iean ne pouuoit
as donner le fainct Eſprit: car le Sauueur n’e
itoit encore glorifié : il ne pouuoit donner le
fang, pource qu'il n'estoit pas encores reſpan
4ä.r. e. 19. du: Et pource il est dités Aćtes des Apoſtres:
Ioan a baptizé en eau,mais vous ferez baptizez
au Sainét Eſprit. Monfieur fainćt Paul dere
chefa baptiżé ceux qui estoyent baptizez du
bapteſme de fainct Iean. Et par là nous voyős,
contre la doćtrine de Caluin, qu'il y a grande
* , wn difference entre le baptefmede Ieſus Chriſt,&
..."

le bapteſme de S.Iean, comme il a esté der


nieremeňt determiné parle S. Cốcile de Tren
christ & de te,Seffz.canon.1. de baptistno, & anciennement
/ ** par Tertullian lib.debaptiſmo,Origen. lib. y.com.
**"* in cap.6.ad Roma. s.Optatua lib.j in Parm. Am
bref in prafat.P/al.37: Hieronym. contra Łucifer.
Chryſoštom.homil.to.in Matt & in opere imperf.
* ' ’ homil.3.in Matth. & fainét Auguſtin lib.z. con
, tralitt Petil cap.37,& lib.3.cap.36. & lib. 3, con
tea Donast.cap.9.ế to:& tr.ö tract.4. in Ioan
nem;cr.Gyrillus Hieroſolymita.catechest3.& Baff.
homilia 13än exhort. ad Bar & fainét Gregoire
- homil.in Euangel.hodiernum. Cyrillus Alexandri:
* * ** cap. 26 lika in Ioan.& lib.2. cap.37. Theoph. &*
Beda inc:3:Luce,& Anſelmusin ca. 3. Matthai,
. Lebapreſine de Sainét Ieanidónne ſeulement
l'eau, maisle nostre quieſtle bapteſine de le
z 3 fus
D e 1° A d v e N r. 87
fus Chriſt,il donne l'eau, & le fang,c'est à dire,
le merite & paſſion de Ieſus Chriſt. Et en outre
le S.Eſprit, pour nous purger de nos pechez:
AMedius autem vestrum stetit quem vos nestitis.
Mais au milieu de vous a esté vn, lequel vous , Iste Christ
ne cognoiſfez:Medius. Car c’eſt le milieu d'en- ; ,: pour.
- * |- •

tre Dieu & nous, à fçauoir le Mediateur de quoy.


Dieu, & des hommes: Ipſe qui post me venturus ioan.r.
est.C'eſt celuy qui viendra apres moy,lequel est
premier que moy.Il viendra apres moy en naiſ
fant,en baptizant, preſchãt,en montant, & de
fcédãt aux enfers, lequel eſt premier que moy:
à fçauoir preferé à S.Lean,vt exponit Epiphanius
herefî 69. & Aug traći. 3. & 4 in Ioannem, & D.
Gregorihomil.2 o in Euang.i.Par eternité: car au
commencement eſtoit le Verbe. Secondement
par dignité:carle Verbe eſtoit Dieu. Tiercemết
par grace : car il eſtoit Dieu,auquel appartient
de fa propre vertu,donner grace,& gloire: Cu
ius non fam dignus, vt foluam corrigiam eius calcea- -

menti.Duquel ie ne ſuis digne de deſlier la cor- a ff?


roye de fon foulier, c’est à dire:ie ne fuis pasdi-| .
gne de luy faire le moindre feruice des plus vils cara ,
de fes feruiteurs, ainſi comme expoſe Lyranus
apres S.Chryſoſtome,homil.is. in Ioan, où il dit
que/oluere calceamenta,vilfimiferui officium est.
Par ceste parolle,il cốfelle premierement la di
uinité de Ieſus Chriſt:car s'il euft eſté feulėmét .
hőme, certainement fainét Iean eſtoit digne de
deſlier la corroye de fes fouliers:car l'hőme est
digne de faire ſeruice à l'homme, pource que
- 4
88 oy A T R 1 E s M E D 1 M E N c H E
nous fommes tous creez pour faire feruice
les vns aux autres: les riches, pour fecourir &
fubuenir aux pauures : les pauures, pour faire
les oeuures des riches: les vieux, pour instruire
les ieunes: & les ieunes, pour feruir & obeyr
aux vieux. Secondement,outre ce par ceſte pa
rolle, fainét Iean confond noſtre arrogance, &
orgueil:qui cerchons la gloire mondaine,& fa
ueur populaire en nos oeuures. Comme a fort
bien remarqué fainét Chryſoſtome, en ladićte
homelie 15. fur fainćt Iean: Si Ioannes indignus
est qui corrigiam/olueret,Ioannes (inquam)quo ma
iorinternatos mulierum non furrexit, quo nos loco
ponemus ? Siis qui terrarum orbi equiparatur, imo
qui maiorest(non enim erat ijs dignus mundus, in
quit Scriptura Hebreo.11.)neinter vltimos quidem
ministros cõnumerari fe dignum dicit,quid nos f2e
lerum innumerorum pleni dicemusiquitantò fumus
inferiores Ioanne, quantò terra minor est celo ? Si
S.Iean le plus homme de bien qui iamais naf
quit de ventre de mere, ſe iuge indigne ferui
reur de Ieſus Chriſt, pourquoy te glorifie-tu?
toy qui es autant & moindre que
fainćt Iean, comme la terre eſt inferieure au
ciel.Et pourtant (dit le meſme Doćteur, homil.
33.adpopul. Antioche.& homil.3, in Mattheum.)
Caueamus gloriofà de nobis dicere.Hoc enim có ho
. minibus odiofos,& Deo reddit abominabiles. Pro
pterea quantò maiora praštitimus, tantò minora de
nobis dicamus. Sic enim gloriam affequemur maxi
mam & apud homines, & apud Deum quinimò &
\- - mer
D E L’ A d v E N r. - 89
imercedếmagnãapud Deum. Quaresttumagnavis
reddere merita tua,ea ne magna effe putes, & ma
gnatunc erunt.Sic Ioãnes dicebat:Nomfum dignus
foluere corrigiãcalceamenti eius,& ideo amicus fuit
fþonst. Etmană quã effe dixit calceamētoindignam,
hãc/aper caput ſuum Christu attraxit. Sic & Pe
trus dicebat. Exià me Domine,quia homo peccator
fum: & idcirco fistus est Eccleste fundamentum.
Nihil enim Deo tam grată est, quàm cum extremis
peccatoribu/emetipfim cõnumerare.Hoc est totius
Japientieprincipium. Et en l'homelie 66 in Mat
theum:Hac rationefančios viros maximè admira
mur,qui quò cateris erāt excellētiores, eò humiliores
feipfos ducebant,quiad hunc vfậue diếin stafuhli
mitateperfeuerant.Voyez le meſme autheur,ho
melie 39, ad popul. où il monſtre par pluſieurs
exemples, que ceux qui fe font humiliez, ont
eſté honorez des hommes, & exaltez de Dieu,
Et S. Gregoire à la fin de l'homelie du iour
d'huy:Hec in Bethania fatta funt.Ces chofes fu
rent faiétes en Bethanie, outre le Iourdain , là
où Iean eſtoit baptizant. Toutefois S:Chryfo
stome, & Theophilacte, liſent in Bethabara, à
cauſe que Bethanie n'est pas de là le Iourdain:
mais il n'y a pas grande vtilité à examinerce
fte difficulté: notons qu'il nomme le lieu,à fin
que le teſnoignage de fainct lean ſoir plus
valide,& receuable, voylà pour l'Euangile du
iourd’huy, par lequel nous ſommes enfei
gnez de fuyure l'admonition; & aduertifismét
que l'eſprit de Dieu nous pe par fon Pro- “
-- - f -
9o LE :1 o v R
phete monſieur S.Jean Baptiſte : à fçauoir de
dreſſerles voyes de noſtreSeigneur, lequel nous
viếdra voir & viſiter à fes prochaines feſtes de
Oraifon.
Noel. Prions-le auec humilité de coeur, parla
grace de fon S.Eſprit, qu'il luy plaife preparer
nos coeurs à dignemét lereceugir par vraye foy,
& penitếce, que nous puiſliós recognoiſtre nos
pechez,fuyr le mal,fuyure lebiế, & accốplir fa
faincteloy,faire fruićts dignes de penitéce:que
toutenostrevie ſoit à ſon hốneur, & gloire,edi
ficatiốde nos prochains,falut de nos ames,que
finablemétnous puiſſionsparuenirà la fruition
de la vie eternellesau Royaume celeſte.Amen.
* * ! -, **
- *i * 1,3

- L E I O V R. D E N O E L *
m- »
* **
* -

\ ) E n’est pas fans cauſe que l'Egliſe


celebre la natiuité de noſtre Sei
| gneur , tant folennellement entre
| les autres feſtes : c'est parce que ce
ft le plus, excellent de tous ceux
de nostre Religion. De là vient, que non ſeu:
lement ceux quien ont ouy parler depuis qu’il
a eſté accomply : mais auffi, ceux qui la
temps au parauant ont eu quelque cognoiſ,
fance vrnbratique ſeulement,qu'ynioafde:Fils
de Dieu prendroit chair humaine, s'en ſont
restouys. Et fans aller plus loing; ie m’en rap
porte ảzpoſtre Saụueurs duquel le tefmoi
gnage doit ſuffire yn feul pour tous , lequel
"“”“, dit Akraham exultauit vt videret diem meumizi
dit,
d e N o e L. 9fs
dit,ė gauistisest. Abraham a defiré fçauoir le
iour de ma natiuité : il l'a preueu , & l ayant
cognoiſſance de mon incarnation , il s’en eſt
grandement refiouy. Semblablement tous les
Prophetes, quand ils ont voulu annoncer &
predire à tous fidelles ceſte fainéte natiuité &:
venuë du Meffias en ce monde, non ſeulemiết
fe font refiouys: mais austi ont excité les auffes.
àmenerioye, comme Zacharie, quand il dit:
Exultafatis filia Sion : eccerex tuus venit. Efaye zacharº.
au chap.62. & les autres Prophetes n’en difent
as moins. Ce qu'afort bien obſerué Chry--
, hom. 1. Aduentus, alleguant la fen
tence d'vn Prophete , Gaude & latare Sion.
Pourquoy me doy-ie refiouyr?parce que tu au
ras vn Meffie, c'est à dire, vn Prestre ſacré,
qui te deliurera de tous tes ennemis en pre
nant chair humaine. Et ne dit pas ſeulement, , !
Gaude:mais il adiouste, letare: comme voulant
dire, Conçoy en ton coeur vne grandé ioye.
Apres que le temps de Dieu prefix & òrdon-;
né a eſté accomply , les Anges qui ont enfen
du ce myſtere que noſtre Seigneur estoit nay
de la ſacree Vierge;ơnt commencé à seſiouyr ...: .
& chanter melờdieửfement; Gloria in excelfis
Deo: Et l'vn d'iceux s'addreſſant aux Paſteurs, s*,*\*
leurdit: Ecce vobis enangelizo gaudium magnii,
quod erit omnipopulo, quaſ dicat : Dequoyauez
vous paour? affeurezvoüs. Carie vous antion-i
cechoſe de laquellevous deuez estregrande
inent confolez & refiouys, vqiretout le inődësi
, - Or
92 L E I o V R.
Or çà s'il est ainfi,que ceux qui ont feulement
ouy parler de la natiuité de Jeſus Chriſt, long
temps au parauant que les chofesfuſſent adue
nues, s'en font refiouys, comme Abraham &
les Prophetes: & que les Anges en ont conçeu
ioye fi grande, qu'ils ont declaré aux pasteurs
ceſte ioyeuſe nouuelle: nous qui en reffentons
le profit, & pour leſquels il eſt venu, principa
lement auiourd'huy ayans entendu que Ieſus
Christ est nay, ferons-nous tant ingrats & mal
recognoiſſans le bien qu'il nousa apporté, que
nous ne demenions grande ioye ? Ie dy cecy
apres Leo magnus ferm.de natiuit. Domini, où il
vſe de cestermes:De hoc diuinepietatis opereine
narrabili quantă letari debet humilitas homină, că
tantum gaudeatfublimitas angelorum? Il faut dốc
auiourd'huy bien nousrefiouyr,Nõ rifuoriss/ed.
# cordis,ait Chry/Chom.8.in Efaiã, nec latitia
uius mundi/ed Dei,ait Leo magnus ferm.de nati
uitate Domini. C’eſt biếla raiſon que nous pre
nions ioye & conſolation ſpirituelle, puisque
les Anges s'en restouyſſent : & toutefois cela
ne leur attouche pas de fi pres comme à nous.
H.t.2. Nam Angelos nufậuam apprehendit, fed femen
, Abraha. Il eſt nay: pour qui? pour nous, com
Eſaie º. me dit Efaye: Puernatus est nobis, ó filius datus
est nobis. Puis qu'il a prins noſtre nature, nous
auons bien plus grande occaſion de ioye que
les Anges: parce que nous voyons nature hu
maine ioinćte à nature diuine en vn meſme
fuppost. Voila qui nous doit bien inciter à
; : - - nou$
D E N O E L. 9

nous refiouyr de la natiuité de nostre Sau


ueur, voire plus que de tous les autres myſte
res de noſtre Religion. Et qu'il ſoit ainfi, re
gardez,fi vous lifez, qu’vne grande multitude
d'Anges ont eſté ouys chantans & donnans
loüange à Dieu en la reſurrećtion & aſcenſion?
Vous lifez bien que les Anges en ont apporté
les nouuelles : mais ils n'eſtoyent que deux.
Mais qu'ily ait eu multitudo militie celestis,com
me en la natiuité, il n'en est rien couché par .
eſcrit.Ioinćt combien qu'ils ayentapporté aux
hommes ioyeuſes nouuelles,fine trouuez vous
pas qu'ils ayent chanté comme en ceſte fainćte
natiuité. C’est pourquoy les Doćteurs anciens
eſtimans ceſte eſtre la plus grande de tou
tes,l'ont appellee festorum omnium,
comme S. Iean Chryſoſtome en l'homelie de
B.Philogonio, Ce qu'il n'a pas dit fans estre fon
dé en raiſon,Carie vous demande,ſi vous vous
refiouyriez de la Circoncifion,Reſurrećtion &
Aſcenſion de nostre Seigneur, s'il n'auoit esté
nay ? Non. Parquoy il ne faut point doubter
que ce ne foiticy la principalle feste de toutes
les autres qu’on celebre en l'Egliſe à l’honneur
de noſtre Sauueur. Laquelle a esté ancienne
ment celebree en grande ioye & folennité,
comme on peut voir parl'oraiſon qu'a faićte à .
Conſtantinople fainổt Gregoire Nazianzene
infančiam Christinatiuitatế. & par le premier &
fecond fermő de Leo il a faićts
de natiuit.Domini,& par S.Augustin au fermon
C1In
L E I o v R.
cinquieſme & dixneufiefmede tempore, & par
le fermon qu'a faićt B. Maximus de la feſte
d'auiourd'huy. Et non fans cauſe ceſte feſte eft
grande. Car le myſtere repreſenté en icelle eft
grand. Et ne trouuerez point que l'Eſcriture
fainćte ait parlé des autres myſteres de noſtre
Religion en tels termes & auec telle dignité,
qu’elle parle de ceſtuy-cy. Car elle l'appelle
Ethefs aux Ephefiens ſacramentum magnum,où Sainćt
. Paul parle de ce myſtere ſous la figure de la
conionćtion matrimonialle & amour recipro
que qui est entre le mary & fon eſpouſe: vou
lant dire que ceſte conionćtion matrimonialle
eſt vne repreſentation de l'vnion de Ieſus
Chriſt,auec fon Eglife. Et en la premiere à Ti
r. zim.g. mothee , Manifestè magnum est pietatis fàcra
mentum, quod manifestatum est in carne. Voyci
vn grand myſtere & fecret caché. Noſtre Dieu
pouuoit-il mieux monſtrer fa bonté & amour
enuers nousqu’en s'aneantiffant,luy qui eſtoir
eſgal à Dieu fon pere, prenant l'habit de l'ef
claue, il s’eſt faict ferfpour nous mettre en li
berté: eſtant riche infiniement, il s’eſt faićt
pauure pour nous enrichir, il s’eſt faićt mortel
pour nous rendre immortels: brefil s'eſt faićt
homme; & s’eſt humilié, à fin de nous exalter
& faire Dieux. Ce n'eſt donc fans iuſte cauſe
que l'Egliſe faićt feste & folennité fi grande de
la faincte natiuité de noſtre Sauueur. Orapres
auoir faićt ce preambule entrons en l'expoſi
tion de l'Euangile leu en la Meffe de minuićt,
prins
D E: "N "O E L. 95
prins de fainćt Luc , difant : Exijt editium à Luc.z.
Ceſare Augusto, vt destriberetur vniuersta orbis.
L'hiſtoriographe de Ieſus Chriſt monfieur S.
Luc , en l'Euangile d'auiourd'huy nous de
monſtre trois choſes. Premierement, il recite
comme noſtre Sauueur eſt nay. Secondement,
il manifeſte comme ceſte tant ioyeuſe & falu
taire natiuité eſt annoncee aux paſteurs. Fi
hablement il nous declare comme la verité
faićte, eſt informee, & viſitee par les paſteurs.
Exit editium à Ceſare Auguſto.Monſieur fainét
Luc nous enſeigne en l'hiſtoire de la natiuité
de noſtre Seigneur,qu'il aduint en ćesiours là,
àfçauoir incốtinent apres la natiuité de fainćt
Jean Baptiste, il fe feit vn Edićt de par Ce
far Auguſte, que tout le monde,c'eſtà dire,de
Iudee,& de Syrie,fust mis par eſcrit. Ceſte de
fcription fut faićte lors que Cyrenus auoit le
gouuernement de Syrie, où fainét Ambroife
note:Vt quast confulem quendă gratia Euan
gelista astripfiffe videatur. De forte, dit-il, que
S. Luc ſemble auoir cotté le nom d'vn Con
ful pour teſmoignage du temps,cốme on auoit
accoustumé faire. Et ibāt omnes. Ettous alloyết
pour eſtre mis par eſcrit vn chacun en ſa Cité.
Ceſt Empereur ſe nommoit. par: fon : propre : : de
nom (comme dit Orofe) Octaủian Auguste:& ““
fut le fecond Empereur des Romains, auquel
le Senat Romain donna le furnom d’Auguſté,
non ſeulement pour auoir augmenté le bien
de la republique, apres qu'il fut retourné des
- - parties
96 L E I O V R.

parties Orientales,& qu'il feit fon entree dans


Rome, auec triple triomphe: mais austi il est
appellé Auguſte: Ab augurio, ou pluſtoſt, Ab
augendo pource que de luy dit Suetone : Late
ritiam vrbem inueni, marmoream relinquo. I'ay
trouué la ville de Rome toute battie de plaſtre,
ie la laiſſe bastie de marbre : pource qu'il au
gmenta l'Empire Romain , & qu'il fuſt tres
heureux, & fortuné, & de tous honoré,comme
vne puiſſance enuoyee du ciel. Et de luy tous
les Empereurs Romains iuſques auiourd'huy
font furnommez Augustes. Sous ceſt Empe
reur eſtoit paix vniuerfelle, quand Ieſus Chriſt
Pfal.7 r. eſt nay ( ce qu'auoit predit Dauid : Orietur in
diebus eius iuštitia & a pacis.Comme a
bien remarqué Eufebe , cap.7.lib.7.demonstrat.
Euangel.) Et quand il poſſedoit fon Empire pa
cifique, feit yn Edićt, comme deſſus, que tout
le monde fust mis par eſcrit,pour fçauoir com
bien de prouinces il auoit à fon Em
pire , & combien d'hommes il auoit en ſa
puiſſance. Partant il commande qu'il foit faićt
registre des Citez , Prouinces , & des hom
mes, leſquels deuoyent retourner à leur pro
pre pais, & Citez, & là faire profeſſion d'ho
mage à l'Empereur, en payant le denier pour
tribut & recognoiſſance de la Ceſaree Maje
fté. Aftendit autem Ioſeph à Galilea de ciuitate
Nazarethin Iudeam,ciuitatem Dauid,qua dicitur
Bethleem, eo quod effet de domo & familia Dauid,
vtprofiteretur cũ Maria deſponſatafbivxorepræ
- gnante,
D E - N O E L» -

gnante,Et Ioſeph monta en la cité de Nazareth


en Iudee, cité de Dauid, qui eſtappellee Beth
leem,à cauſe qu'il eſtoit de la maiſon & parété
de Dauid, pour eſtre mis en eſcrit auec Marie,
qui luy auoiteſté baillee à femme, laquelle e- . . . .
ftoit enceinte. Voylà,ce bő Patriarche Ioſeph, s.
eſpoux de la Vierge, est monté en Bethleem, ** **
nous enfeignant qu'en toute crainte nous de
uons obeyraux ſuperieures puiſſances: nőfeu
lement aux bons & modestes,mais auſſi aux ri
goureux & prophanes. De Galilee, en laquel- * :/:e',
le eſt fituee la citê de Nazareth , & en laquelle :
Verbum carofattum est, & habitauit in nobis. Le obeyr à
Verbe diuin a eſté faićt chair & homme, & a nos maieurs
habité auec nous en Iudee cité de Dauid,nom- */"?*******
mee Bethleem. Or il nous faut noter que Beth- - cité
leem,eft nốmee cité de Dauid. Car en elle fut d. pania, er
nay Dauid, & par Samuel Prophete de Dieu pourques:
oina & ſacré Roy de Hieruſalem,ou Syon qui ;
estauffiappellee cité de Dauid. Carenicelleil :
edifia la maiſon du Roy, & pource qu'il y ha- 1
bitoit,& y mourut,& y fut enfeuely. Dont Io- : * *
feph est mõté en Bethleem, pource qu'il eſtoit
de la maiſon & parenté de Dauid, lequel eſt . . . .
monté en Bethleem: non pas feul, mais auec
Marie fille du fouuerain pere, & mere du fils
de Dieu,vif& vray temple du fainét Eſprit par
le confeil diuin & eternel, vraye & legitime
eſpouſe de Ioſeph , prochaine à enfanter. Le
bon Ioſeph est monté en la noble cité de Beth
leem , laquelle noſtre Seigneur auoit efleuë,
- - - G
98 L E I O V R.

: - pour fa natiuité, non pas la grande ville de


: Rome ou de Hieruſalem, repudiant & dete
la ftant toute mondaine, orgueil & va
de/on fl., s nité, a voulu naiſtre en la petite ville de Beth
reºrgºgy leem. Et c'est ce qu'a dit le Prophete Michce:
atth.2. Et tu Bethleem nequaquam minima es in principi
': r. - - - -

bus Iuda: ex te enim egredietur qui regat populum


meum Iſrael : Refiouys toy Bethleem, dićt le
Prophete, cartu n'es plus petite entre les vil
- -
."-
les, a cauſe que dedans toy naistra celuy qui
, reduira d'Iſrael. O Bethleem que
. . . tu es heureuſe d'eſtre tant honoree. Il n’y a
* * * * , ville ny cité tant foit elle magnifique , qui
n'aye eñuie fur toy & ne voullitt auoir de toy
ceſt honneur! O Bethleem tu es petite, mais
». «... . . . celuy qui en toy a eſté faićt petit, te magni
: *** - fie &agrandit merueilleufement, & te contti
' tue plus celebre que les Palais royaux & cha
, ' ſteaux de plaiſance des Roys du mõde, refiouys
, - , toy,& chante par toutes les rues & carrefours,
Noé, Noé. Cartu es la ville & la cité du Roy
des Roys.
font celeérees „... N En la natiuité de noſtre Seigneur
- - - A

trois Meſſes font celebrees, la premiere à la


d. „o se, minuićt en laquelle folennellement nous chã
zneur, er tős ce beau Hymne angelique:Gloria in excelſis
*"*"1"v: Deo. En memoire & pour aćtion de graces, car
Ieſus Chriſt en la minuićt eſt nay en Bethleem.
La ſeconde Meffe eſt celebree à l’aube du iour,
en memoire qu'à telle heure les paſteurs font
venus en Bethleếadorer le nouueau Roy nou
uellement nay. La troifieſme eſt celebree en
- plein
--
D E , N O E L. - 99
plein iour:car par la natiuité de Ieſus Christ, le
iour de redemption & verité nous eſt apparu.
Et ſi quelqu’vn demãde cőbien cecy, eſtancié:
ie que le Pape Teleſphore l'a institué,
qui fut des premiers ſucceſfeurs de S. Pierre:
Fuit enim ſeptimusà Petro.Comme recitent Da
mafia, & Platine,en la vie d'iceluy, & pluſieurs
autres. Leſquelles trois Meſſes ſignifient auſſi
que la natiuité de Ieſus Chriſt a apporté cớfo
lation & falut,à tous les fidelles viuảs en la loy.
de nature, de Moyſe, & de grace« Car lefus
Chriſt, qui fut hier, auſſi auiourd’huy, iceluy.
meſme fera eternellement. O Chreitiens,n’a - * * ** ** **
uez-vous point appetit de mãger de ce pain ce
lique ? Car pour vous fairevenir l'appetit, les
Prestres mangent trois fois deuant vous, ainſi
qu'on fait aux malades,certainement celuy eſt
dágereufemét malade,qui n'a gouſt & affećtiő
d'vſer aumoins vne fois de tel pain Sacramen
tel.S’enfuit au texte de l'Euấgile de S.Luc tou
chất ceſte ioyeuſe natiuité:Faċium est autế cum
effent ibi,impletifunt dies Marie, vt pareretó: pe
perit filii füüprimogenită. Oraduint comme ils
estoyết là, c’eſtà fçauoir en Bethleem,
& noſtre Dame, que fesiours furét accomplis
pour enfanterle Sauueur du mốde,la fontaine,
racine,doćtrine,autorité,dominateur,cốferua- La Vierge a
teur de tous biếs.Car tous biếs font de luy,par "f" fans / ""
luy, & en luy:Et enfanta premieremét fans tri tristeffe,
douleur, 85'
| fteffe,laquelle les autresont quãd l'heure d'é-/ „
fấter s'approche,& leſquelles cóçoiućt en ini-ptien.
G 2
IOO - L E I o v R
quité, & nourriſſent en peché leurs fruićts en
leur vếtre.La raiſon de cecy eſt,qu’Eue la pre
miere femme parfon peché auoit porté ce fup
plice:&partantil eſtoit expediết celle qui
porteroit le Redempteur de ce peché,enfantaſt
fans peine,ce qu'a noté S. Irenee, liure 5. où il
la vierge Marie aduocate d'Eue.Secő
dementelle a enfanté fans la douleur, laquel
le les autres femmes ont à l'enfantement: mais
auec grand ioye en Dieu,&lieffe en fon eſprit.
Tiercement, elle a enfanté fans corruption de.
purité virginalle.Car ceſte porte, combien que
r., tid,,,, noſtre Seigneur ait paſſe par icelle: toutefois
eternellement eſt fermee: parce qu'il n’estoit
pas decent que celuy qui eſtoit venu pour re
ſtaurer toutes choſes violees & corrőpues,vio
last l'honneur de fa trefdigne & facree mere,
comme le petit arbriſſeau fe lieue de la terre
fans endommager la terre : mais auec vn tref
grand honneur & ornement de la terre. Ainfila
gloire de la mere Marie eſt vn tel fils, qui eſt la
meſme fapience & vertu du Pere: le Soleil de
iustice Cổme le rayon du Soleilpenetre & ou
trepaffe le verre : & tout ainfi que la fleur ne
bleste point, & ne fait tort ny offence la racine
& verge d'où elle procede : ains la decore,em
bellit, & baillegrace,& la fait loüable:Ainſi Ie
fus Christ pure & odorante fleur,nay de la raci
- ne de Ieffě, ne fait point de tort ny offenſe à la
vierge Marie:ains la decore,embellit,baille gra ·
ce,la fait & rend treflouable. Et pource que les
C
D e n o E 1. IoÍ –

heretiques d'auiourd'huy blaſphement fur ce


propos. Voy le teſmoignage de ce que ie vien
de dire en S.Ambroiſe en l'Epistre 81.en fainét
Aug.au liure des herefies,chap.82. (où ils con
damnent l'heretique Iouinian,qui oſoit díre le
contraire)& en l'Epiſtre3.ad Volustanum, Et au
fermon 17.defanttis.Et au 156. de tempore: Et au
fermon 4.de Annuntiatione. Voy auſſi la deter
mination du Concile Romain, fuh Martino 1.
Finablemét elle a enfantéauec fouueraine ex
pećtation,ioye,congratulatiố,loüange,& exal
tation de toutes les choſes qui font tant aux
cieux qu'en la terre. Doncques Marie Vierge,
& meresa enfanté, ioyeuſe, & fertille: Filium
fuum primogenitum, Son fils premier nay, non
pas vne fille,dont la ioye en eſt plus grande:no
tamment il eſt dit fuum. Singulierement fien.
Carfi les autres femmes engendrent leurs en
fans,& qu'ils les aiment:toutefois nulle mere
ne peut ainfi appeller fon fils, comme Marie diference 4e
vierge & mere. Carles autres meres, quant au * *
corps de leurs enfans, ne font pas ſeules meres f .
des corps: parce qu'elles ont conceu par & de rei.
la femence desperes pourtant les meresdifent
à leurs marys,voyans leurs enfans, Cestuyscy
eſt nostre fils:Mais Marie laquelle a conceu le r.Tetriz, .
Fils de Dieu en ſon ventre,de fon trefpur fang, F/*****
par l'operation celeſte du S. Eſprit, & non par ,
femence virile,elle ſeule,& non autre peut di- . . .
re & nommer Ieſus Chriſt fon fils. Car en elle Admiration,
feule,& nő en autre,il a prins ſon corps,auquel ,: -
G 3
15. L E- 1 o v R
il a porté nos pechez furle boys, auquel & par
lequel il a racheté Iſraël de tous fes pechez,
nommé: Primogenitum, Premier nay. Que di
ćtes-vous fainċt Luc? auez-vous opinion que
Marie ayt eu & engendré des autres enfans,
pource que vous appellez Ieſus Christ premier
nay: Pluſieurs à l'occaſion de ce mot, à fçauoir
premiernay , ont nié la perpetuelle virginité
de Mariejeſtimans qu’elle auoit enfanté Ieſus
Christ en virginité : mais qu'elle euſt eu apres
d'autres enfans de Ioſeph,& ont tafché de prou
uer ceſte fentence par pluſieurs autres lieux de
la fainćte Eſcriture,comme en S.Matthieu:Io
feph ne l'a point cogneuë,iufques à tất qu’elle
ayt enfanté fon fils premier nay. L'entiere re
futation de ce blaſpheme eften S. Hierofine;
au liure expres cốpoſé de cecy;contra Heluidiữ:
Etie reſpons que primogenitu s'entend auffi de
celuy quinaist le premier,encores qu'il ne s’é
* » T. c. fuyue point d'autres enfans. Et quant aur lieu
de S. Matthieu, nousoste le doute quequel
qu'vn eust peu auoir,difant que Ioſeph ne l'a
... uoit point cogneuë deuát l'enfantemēt:& par
tant beaucoup moins apres; cőme tresbien de
duit S.Hieroſme au lieu fufdit.Et S:Chryſoſto
r.o., christ me en l'homelie 5 fur S.Matthieu. Ieſus Christ
á zobmi le conuenablemét eſt appellé le fils nay.
is fremier
say,ť5 pour-
Premieremết pource qu'il·luy a pleu naistre de
la chair,à fin que par la rege
fuºj. - *-- - - -" " :. . - º- ---- -------11----2 -

sa neratiő ſpirituelle,& renouuellemết du S. Èf


Rom.s. pritził acqueſte pluſieurs freres à cauſe
3 2 ainćt
*
*
d e N o e L. Io3
fainét Paul l'appelle, Primogenitum in multis
fatribus, premier nay entre pluſieurs freres.
C'eſt le premier nay du pere, lequel dés le
commencement,& deuant tous les fiecles, il a
engendré en foy meſme eternellement, ſans
commencement & ſans fin, & en la pleniru
de du temps par ſa ſeule mifericorde l'a in
throniſé dans le circuit de la terre: Seconde
ment,il eſt auſſile premier nay d'vne mere per
etuellement vierge, deuant l'enfantement, à
apres l'enfantement. Tierce
ment ; il est auſſile premier nay des mortspri- "ººr"”
mitia dormientium : car il eſt le premier de tous
refuſcité des morts par fa propre vertu. Et
pannis eum inuoluit, & de bandelet
tes , pource que nudil est iſſu du ventre desſa
mere , giſant ſur la terre froyde , affligé par
* la grande froidure de l'aſpre & rigoureux
uer, la bonne dame contre la malice & aufte
rité de l'hyuer , l'enueloppa de bandeletres:
faiſant fon entree en ce fiecle, tout incontinét
il a commencé de porter la croix, & endurer
ce que la chair & le monde a en horreur : pour
nous endoćtriner. Premierement par æuure,
& apres par doćtrine,que la voye laquelle con Matth. 7,
à la vie eternelle, eſt estroićte: & que le
Royaume des cieux endure violence, & les
violans le rauiſſent. Auffi il nous a enfeigné, uani.,,.
que non feulement il eſt bon de porter le ioug -

de nostre Seigneur dés fon & ieu


ne aage : mais auſſi dés fon , voire dés
4
Iơ4 L E º 1% O V R

l'iſſue du ventre maternel. Mais notons icy ce


que dit fainét Ambroife furce lieu : Ille inuolu
tus inpannis, vt tu mortis laqueis abſolutusfis:Ice
luy a esté bandé & enueloppé des linges &
drappeaux, à fin qu'il te defliaſt des liens de la
mort. Et nous viuons en delices, vanitez & vo
luptez de la chair:& puis nous croyős & crions
que nous fồmmes Euangeliques,nous en mau
dirons vne fois l'heure, fi ne faifons penitence,
& fi Dieu ne nous faićt mifericorde. Et reclina
wit eữ in prefepio.Et l'a couché en la crecheinon
as en vnlićt doré ou de molle plume, enue
oppé de diuerſité de couleursstendu & couuert
de tappis de pourpre & de foyetains en vne cre
che,fus le foin,laquelle depuisa eſté en grande
veneratiố:rellemết que les Chreſtiens de tou
tes pars alloyent en Hieruſalem en-pelerinage
pour viſiter & baifer ladite creche, comme on ·
peut voir par S. Hieroſme en l'epistread Mar
cellam,6 in epitaphio Paule. D’auantage la froi
dure đė l'hyuer, la couche rude , les pauures
drappeaux (deſquels paraduenture les riches
du monde à grande peine s'en fuffent feruis
à torcher leursfouliers,) & le pauure logis:tout
cela nous enfeigne de fuir la concupiſcen
ce de la chair, tout orgueil de vie, & exemple
# de toutes bonnes æuures & fainćtes opera
tions. S'enfuit en l'Euấgile,que la Vierge estát
en Bethleem auec ſon eſpoux, Ioſeph ne trou
uant qui la voulust heberger, eſt accouchee en
vne eſtable. Quianonerateislocusindiuerſºrio.A
* - cauſe
D E N o E L. ro5
cauſe qu'il n’y auoit point de lieu pour eux en
l'hostellerie. Les logis eſtoyent prins pour les
nobles,riches,& puiſſans, & pour ceux qui ont
la bourſe ferree:car ceux qui ont les eſcus,font
toufiours maintenus : & ceux qui n’ent point
d'argent,font toufiours en refus. La Vierge dốc,
entree en l'estable, ſentant vne merueilleuſe
douceur & conſolation, à la minuićt faićt fon
enfant premier nay & le dernier, & le mettant
en la creche, à deux genoulx humblement l'a
dore, ainſi que chante l'Eglife: Virgo quem ge
nuit, adorauit. La vierge a adoré celuy qu’elle Miracle des
a enfanté. Voyci (Chrestiens) le miracle des miracles.
miracles. Premierement celuy qui est eternel
est faićt temporel. Secondement l'immortel
est faićt mortel. Tiercement l'impaſſible paf
fible. Quartement le maiſtre des Anges, & le
Seigneur de tous, a prins la forme de ferui
teur. Quintement le Sainét des Sainćts a prins
la fimilitude de pecheur quant à nature.Sixief
mement le Dieu tout puiſſant eſt faićt hom
me foible & impuiſſant. Septiefmement la fa
pience & eloquence du Pere eſt faićte auiour
d'huy enfant n'ayant vſage deparler.Huićtief
mement le tres-riche eſt faićt de tous le plus
pauure. Neufiefmement le pain des Anges,eft
faićt le pain famelicque. Dixiefmement celuy
qui vests les oyſeaux du ciel, est toutnud. Vn
zieſmemét, celuy quele ciel & laterre ne peu
uent comprendre, est comprins en vne petite
logette: & de ce auoit eſcrit le Sage en parlant
. Io6 L E I O V R.
****er*.*. de la ſapience diuine,difant:Delitie mee effe cum
filijs hominum: Mes delices font d'eſtre auec les
hommes. O admirable condition de telle ma
jeſté ! O indicible manſuetude ! O incompa
rable douceur ! O prodigieuſe deiećtion » &
Di
merueilleux aneantiſſement de telle druinité
* -

la"natiuité & hauteste ! Premierement les Roys de ce


2. , hu monde font nays des Roynes puitlantes , &
Christ, e de l'Empereur du ciel & de la terre, eſt nay d'vne
““ tres-pauure pucelle. Secondement les autres
*** Roys font nàys en Royal Palais , & le Roy
Ieſus en vne tres-vile hoſtellerie. Tiercement
* * * les autres Roys font nays és citez Metropoli
taines,& Villes celebres. Et le Roy de tout le
monde est nay en vn village. Quatriefmement
les autres Roys quand ils font nays, font cou
chez en lićts dorez & de molle plume, & no
ftre Roy eſt nay en vne creche afpre & rude.
Cinquiefmemét les autres Roys couuerts

de drap d'or & d'argent, & il est enueloppé


de petits drappeaux. Sixieſmement les aurres
Roysont grande aſſiſtence de Princes,Nobles,
Ducs, Barons, Comtes, ſeruiteurs & feruantes
qui leur aſſiſtent, & Ieſus n'a compagnie que
de fa pauure mere, & Ioſeph ſon pere nutri
tif. Septiefmement les autres Roys ont grand
nombre de cheuaux en leur efcuirie, & le Roy
des Roys pour toute efcuirie il a le beuf &
l'aſne. Et apres que la Vierge des Vierges a
adoré fon fils en l'embraſſant & baiſant dou
cement, diſoit, commeil est vray-ſemblable:
/
-
d e N o e L. 1ο7
O benoists yeux qui par tout voyez & con
templez bons & mauuais!O douces mains, qui
auez produićt le ciel & la terre ! O admi
tables pieds qu'on doit baifer & adorer , qui
tout fous vous affubiećtiſſez : tu es mon Dieu,
monfils,& Sauueur, tant deſiré, & attendu de
toutlepeuple. Tu es ma vie; mon eſperance, Mysteres ad
ma confolation, & felicité! O ioye des Anges!
O douceur de paradis ! O repos des ames la natinité
bien-heurees! O gloire des hommes, biếfoyez de Ife
venuen ce monde, Redempteur des humains. º*""·
En ceste forte a este faićte | natiuité de Ieſus
Christ, nay de la vierge, à la minuićt de Noel. -

0nouueauté admirable! Premierement noſtre * *

Dieu est faićt noſtrefrere.Secődement la vier


gea enfanté & engendrévn fils.Tiercement la
chambriere a engendré fon maistre. Quarte
tement la creature a engendré fon Createur.
Quintement la mere a engendré fon pere. O
inenarrable charité de nostre Dieu, qui pour
sogueilleux s'est humilié pour nous char- „simal.
nels,est vestu de noſtre chair humaine: & pour a,
nous malheureux,en tourment & peine avou- i fa chrif.
luprendre les miferes de nostre corps humain,
endurant auiourd'huy pour nous le froid , qui
finablement pour nousendura la mort. Oine
stimable & grande humilité de nostre Dieu.
Premierement, il s'est faićt auiourd'huy hom-,
me, à fin que l'homme fust Dieu : non par
nature , mais par grace : non par eſſence,”
mais par adoption. Secondement, noſtre
- Dieu
i o8 L E - I o V R

Dieu eſt deſcendu du ciel fusterre, à fin que


l'homme de la terre montaſt és cieux. Tierce
ment le Fls de Dieu eſt faićt fils de l'homme, à
fin que le fils de l'hőme fust Fils de Dieu.Quar
tement,noſtre Dieu immortel,eſt faićt homme
mortel,à fin que l'homme mortel, fuſt immor
tel, Qujntement,noſtre Dieu impaſſible,s'eſt
faićt homme paſſible,à fin que l'hỏmme paſſi
ble,fust impaſſible. Sixiefmement, le Roy eſt
faićt feruiteur, à fin que le feruiteur fuſt faićt
Roy.Septiefmement, le Fils de Dieu riche, eft
faićt pauure, à fin que le pauure fuſt enrichi.
Auirrete, aa. Huictiefmement,auiourd'huy il s'eſt faićt petit
*irables pour nous agrandir. Voicy de grands miracles.
Premierement noſtre Dieu & pere Sauueur,au
iourd'huy eſt nay temporellemententerre,qui
eternellement eſt nay au ciel.Secondement en
terre il eſt nay de mere, fans pere : & au ciel de
pere,ſans mere. Tiercemếtau ciel fans cốmen
cement,& en terre prend commencement,non
pas d'eſtre: mais de naiſtre: car il eſt toustours.
- Quartementà ce iour celuy-là eſt faićt homme
.. . . . obeyſſant, à qui toas doiuent obeyr. Quinte
tement celuy-là s'est obligé à la mort, qui par
fa mort, deſtruira la mort. Il a faićt tout cecy,
pour l'abondance de fa charité,& humilité:Et
pastores erantinregione eadem vigilantes & custo
dientes vigilias ſupergregēſuum. Et en ceste meſ
me contree les paſteurs eſtoyết demeurans aux
champs,&gardás les veillesde la nuićt fus leur :
troupeau.En premier lieu, il nous faut icy no-.
i ter
D E N o E L. Io9
ter que quand le Fils de l'homme est venu en 4 natiniti
ce monde, au commencement il n'a pas eſté
cognu du monde:car fa venue a eſtéocculte,& í
faićte de nuićt, lors que les hommes estoyent à .
en leurs lićts dormans:contre ceux qui pargrã
de impudence ſe veulent monſtrer, & defirent
eſtre veus, & prifez. Afon exemple, il ne faut
pas euenter n'expoſer noſtre marchandife au
vent de vaine gloire:quivoudra fe cacher,il fe
ra veu: & qui ne voudra fa vertu eſtre veuë, el
le fera publiee. Secondement ceux qui en fça
uent les premieres nomuelles,font pauuresber
ers, & paſteurs,comme recite noſtre Euange
iſte:Et ecce.Et voyci chofe admirable,nouuel
le,inaudite,pleine de ioye,& de falut : Angelus
dominiastitit iuxtaillos. Et l’Ange du Seigneur) .
s'arreſta aupres d'eux. Notons icy que l'Ange
apres que Ieſus Chriſt est nay, est le premier ..
frefcheur de l'Euangile de Ieſus Chriſt, Car
Ange paranymphe celeſte, reuele la natiuité
*
s
de Ieſus Chriſt, & la preſche , non 'pas à l'Em- nangile.
pereur Romain,nő pasau RoyHerodes,ny aux
Pontifes, & Sacrificateurs Hieroſolymitains,
ny aux Scribes, & Pharifiens, qui ſe glorifient
de leur iustice, & fainćteté charnelle , & qui
s'appuyent furleurs obſeruanceslegalles:mais
pource que Ieſus Christ estoit nay en vn vile
diuerſoire: auſſi il est premierement annőcé,&
euangelizé à gens rudes, de vile condition, à
fçauoir aux pauures pasteurs & bergiers fim
ples:pour nous dőnerà entếdre qu’enuers Dieu
- OI)
1 1o L E I O V R
* - on n'eſt pas en estime pour les honneurs,digni
* . tez,& richeffes de ce preſent fiecle : Non enim
Remas est perſonarum acceptio apud Deum, dit fouuent
# . l'Eſcriture,Il n'y a point de chois és perſonnes
enuers Dieu. Les mondains donnent les hon
Ł. natiuité neurs,& premiers lieux à Meſſieurs les grands,
de lesta les riches, & puiſſans. Quant aux pauures, on
Christf "“
remēt est an-
n'en tient compte, on les met fous les degrez,
N 1» - - -

" ou coucher à l'eſtable. Mais Dieu qui plus ap


papeurs, er precie le dedans que le dehors, faićt tout au
pourquay- contraire.Comme il eſt dit au premier liure des
Roys:Homo videt queforis funt, Deus autem cor
N '***'intuetur. L'homme feulement voit le dehors:
mais Dieu voit l'interieur des hommes. Les
bonnes nouuelles font premierement ſceuës
és cours des Roys, & apportees aux Princes.
Mais l'Euangile, c'eſt à dire, les bonnes nou
uelles de Dieu,eſt premierement apportee aux
xat.n. pauures, felon ce que diſoit nostre Seigneur:
Pauperes euangelizantur. Les pauures reçoiuent
l'Euangile. En monſtrant que le pauure boi
teux, & contrefaićt, eſt plus aymé de Dieu en
fa fimplicité, que le riche auec ſa belle robbe.
Dieu ne regarde point fi on eſt bien veſtu: mais
s'il y a au cteur de la vertu : Angelus domini
aštitit iuxta illos. L'Ange de Dieu s'eſt arreſté
aupres d'eux, en image de corps humain, en
forte que les pasteurs l'ont veu, & ouy : Et cla
ritas Dei circunfulfitillos.La clarté de Dieu gran
de & miraculeufe, reſplendit autour des pa
ftcurs, parlaquelle clarté celle nuićt fut enlu
- II l'1
D E, N G E L. ' III.

minee & reſplendiſſante comme le beau &


clair iour. Pour nous fignifier que le vray So
leil de iuſtice eſtoit nay. Mais à qui s'eſt appa
fu l'Ange du ciel ? Non aux gourmands &
yurongnes, paillards & ioüeurs, non aux laf
ches & pareſſeux, fongeurs , reſueurs & non
challans: mais il s'eſt apparu à ceux qui vieil
loyent & gardoyết la veille de la nuićt fur leur
, à fin que leurs brebis n'enduraſſent
quelque mal ou peril par les loups. Dont fainćt
Ambroife dit de la perſonne des paſteurs, quò
vilioradprudentiam,eò precioſior adfidem:de tant
plus que la perſonne des paſteurs té ſemble vi
le, de tant plus elle eſtoit precieuſe à la foy.
Par laquelle apparition les veilles & labeurs
que le Chreſtien faićt en la vocation en la
quelle il eſt appellé, font conſacrees comme Weilles confa
crees.

bonnes æuures, & fainétes operations , plai


fantes & aggreables à noſtre Seigneur. Mais -,
auiourd'huy qui est fort à deplorer, pluſieurs :
Paſteurs ne font pas la veille ſur leur trou-fastique.
peau, dont les brebis de Ieſus Chriſt ſe trou
pent fort endommagees par les loups rauiſ
fans ſoit diable,ou heretique,qui les deuorent.
Ilspaiſſent eux meſmes, & fans donner pastu
te à leurs brebis, deſquelles ils tirent toute
leur ſubstance. A tels Pasteurs n'apparoist ze ben Ange
point l'Ange du Seigneur, mais aux Paſteurs
vigilans fur leurs brebiettes. Timuerunt timore ::::::::
magno. Leſquels craignirent pour ceste non confite.
accoustumee lumiere : pource | Sainćt Ange
- qui
*II2. L E I O V R.
qui au commencementeſpouuente, & à la fin
confole, leur dit : Nolite timere , ne craignez
point. Car ie ne fuis pas l'Ange de Sathan,
qui pour deceuoir aucunefois, transfigurat fe in
2.Cor. p. Angelum lucis, fe transfigure en Ange de lu
miere. N’ayez donc peur ou crainte, la rai
fon: Ecce, voicy. Maisie vous prie eſcoutons
icy la harangue du prefcheur : voicy le
premier fermon de l'Euangile, apres que Ieſus
Christ eſt nay, plein de toute ioye : Euangelizo
vobis gaudium magnum, quod erit omnipopulo. Ie
vousannonce grande ioye,laquelle fera à tout
le peuple:la raiſon de fi grande ioye: Quia na
tua est vobisfaluator. Car le Sauueur vous eft
nay, pour vostre ioye, conſolation, & falut.
Łue.r.
Voylà la bonté cordialle, charité ineffable de
noſtre bon Dieu & pere & Sauueur. Qui est
Christus: Car le Sauueur vous eſt nay qui eft
Chriſt, c'eſtà dire, oingt & ſacré des dons &
graces du fainćt Eſprit, plenus gratie & verita
Moa M. F.
tis,plein de grace & de vérité. Et fubitofatta est
cum Angelo multitudo celestis militie laudantium
Deum,có dicentium:Gloria in altiſſimis Deo, ó in
terrapax hominibus bone voluntatis,Incontinent,
auec l'Ange, fut vne multitude de cheuallerie
celeſte loüant Dieu , & difant: Gloire foit à
Dieu és lieux tres-haults, & en terre paix aux
hommes de bonne volonté : ou, comme lifent
aucuns, en terre paix, & aux hommes bonne
volonté. Voylà legasteau party par les Anges:
la premiere part du gasteau est pour Dieu , à
qui
D -E - N O E L, - II$
qui appartienthốneur & gloire aux fiecles des
fiecles:&aux hommes paix de bonne volonté.
Ainfi ſe doyuent commencer & finir nos dan
tiques & chanfons ſpirituelles par loüange di
uine. C’eſt à Dieu à qui conuient donner
honneur, & gloire, comme au fouuerain Sei
gneur fur tous. Tout doit eſtre referé à ſon
honneur. Gloire eſt le morceau friand pour la
bouche de Mófieur,& ne faut pas eſtre fi hardy
de le vouloir prendre pour nous : à Diea foir
l'honneur, & à nousle proffit. Si Luc dit apres:
Aduint que quand les Anges s'enfurentallet
au ciel, les paſteurs difoyent entre-eux:Tranf
ramus in Bethleem, & videamus het verhum quod
fatium est, & vidimus, & offendit nobis, Paſſons
maintenant iufques en Bethleem , & voyons
ceſte choſe qui eſtaduenue, que le Seigneur
nous a notifiee. Et venerunt festinantescó inae
nerunt Mariamd Ioſeph Leſquels vindrentha
lliuement, & trouuerent Marie, & Ioſeph. Ils
font venus en ardeur de courage , plus les
portoit amour,que les pieds.Ils vollent, tantils
fontaiſes. Les riches & puistants ont cher
ché Ieſus pour le tuer, & les ſimples le cher
choyent pour l'adorer. Videntes autem rognoue * „. “,
runt de verbo quod diffum eratilis depuero hoc. Et
ºmnes qui audierant,miratifunt de his que à pasto
ribu dičia erant ad ipſos. Quấd ils l'eurent veu,
ils donnerent à cognoistre la parolle qui leur
auoit esté dicte de ceſt enfant. Et tous ceux
qui en oyoyent parler, s'efmerueilloyent des
H
I I4 L E I O V R.

choſes qui leur auoyent eſté dićtes par les pa


fteurs. O nobles paſteurs, dictes nous des nou
uelles s'il vous plaiſt ! qu'auez vous veu de
nouueau ? Reſponſe. Ils ont veu vne maiſon
fordide, à tous vents, où n'y auoit ne
latte, ne cheuron, ne feu, ne flamme, ne pot au
feu, n'eſcuelle lauee: & toutefois le Dauphin
de Paradis, Ieſus Chriſt, faiſoit nopces auec
noſtre pauure fæur nature humaine.Et les An
ges comme meneſtriers, chantoyent en grande
melodie.D’auantage vne mere & vierge,fim
plement vestue,non point enaornement & pa
rure mondaine : mais en honnesteté admira
ble, auec Ioſeph fon eſpoux. Pour toute efcui
rie, ont veule boeuf&l'aſne: & pourtoute la
cour du Roy de gloire, estoyent Ioſeph,& Ma
rie. Et reuerffantpaffores glorificantes & laudan
tes Deum in omnibus que audierant & viderant,
ficat dittum est ad illos. Leſquels apres auoir
tout veu, retournerét glorifians & loüans Dieu
de toutes les choſes qu'ils auoyent ouyes &
veuës,ainſi qu'il leur auoit eſté dit.O que heu
reux auez eſté nobles Pasteurs,& que bien for
tunee vous a eſté la nuićt en laquelle vous auez
Oraiſon,
veu vn tel enfant,& telle mere ! . -- ' '
. O doux Sauueur,& enfant beneist,appellez
nous à voſtre creche » pour estre refiouys de
vostre preſence , obtenant grace , à fin que
auec les Anges tous d'vn coeur, & d'vne bou
che, nous vous puiſſions adorer, donner hon
neur, loüange, & gloire. Nous vous ſupplions
* \ , nduS
D E N o E L. - 115
nous vouloir faire part & communication dú
merite & efficace de vostre tres-ſacree natiüî,
té pour la reuerence de laquelle vostre peuple
Chreſtien auiourd'huy est icy aſſemblé, & faiét
ioye & feſte folennelle. Nos coeurs defireht
auoir participation pour ſe refiouyr en voữs,&
ue toute triſteſſe feculiere , & vaine occupa
tion s'euanouyſſe.ODieu & pere eternel, tour
puiifant & immortel, ſoustenez nous, que ne
tresbuchiős en offence contre voſtre honneur,
imprimez voſtre faincte loy en nos coeurs,don
nez-nous grace de l'accõplir & tout ainſi qu'au
jourd'huy vous estes nay en ce monde tếporel
lemét,nous puiſſions auéc
vous naistre en ce preſent fiecle ſpirituellemét
pargrace,tellement qu'en l'autre nous puiſfiős
nailtre par gloire en vie eternelle , pour vous
eternellement glorifier auec Dieu le Pere & le
S.Eſprit,au pays de paradis celeſte.Amen. -ºf
D IM E N C H E E S O C T A V ES
' , - D E N o E L. .
=Fīl Rant Ioſeph & Maria mater Ieſu,mi- Luc. 2.
R | 7"zz72tes his que dicebantur de illo, '/' ’
AS
|-
| & Marie mere de Ieſus merueuuoyens
*

}| eſtoyent efmerueillez des choſes i


quiestoyent dićtes de luy : non pas d'vn esba- lefu , er
hiſſement de chofe cachee & doubteufe: mais ?"1").
d'vn esbahiſſement de ioye , ils s'eſmerueil
loyent pour pluſieurs raiſons. Premiere
* * * H 2
#16 D I M E N C H E E S -

ment,à cauſe des ioyeuſes nouuelles que le pa


ranymphe celeſte auoit apporté de paradis, à
la Vierge fans pair,luy dıſant: Concipies in vte
ro, & paries filium, & vocabis nomen eius Ieſum,
tu conceuras & enfanteras vn fils,que tu nom
meras Ieſus. Secondement de la falutation ap
portee par fainćte Elizabeth , à fa coufine la
vierge Marie en fa viſitation. Tiercement, ils
s'eſmerueilloyết des oracles prophetiques an
noncez de Ieſus Christ par le grand facrifica
teur Zacharie en la circonciſion de fainét Iean
Baptiste, lors qu'il feit le beau Cantique que
l'Egliſe chante à matines,à fçauoir: Benedičinu
Dominus Deus Iſrael, quia vifitauit & fecit re
demptionemplebis file.Quartement, ils s'eſmer
ueilloyent des ioyeuſes paroles que le meſſa
ger celeste auoitapporté à Ioſeph fon pere pu
tatif & nutritif: à fçauoir de fon nom , lequel
feroit nommé Ieſus,c'eſtà dire, Sauueur. Car
il fauueroit fon peuple de leurs pechez, Cin
quiefmement,ils s'eſmerueilloyent de la che
ualerie celeſte par grande melodie chantant en
fa natiuité, Gloria in altiſſimis, &c. Gloire aux
tres-hauts lieux, & en la terre paix aux hom
mes de bonne volonté. Sixiefmement ils s’ef
merueilloyent des fages Roys venus d'Orient
chercher, trouuer & adorer le nouueau Roy
nouuellement nay en Bethleem, pour luy fay
re hommage & prester le ferment de fidelité. :
Septiefmement, ils s'eſmerueilloyent des pa
steurs leſquels admonnestez par l'Ange luy
- font
o c T A v = s d e n o e L. 117
font venus faire la reuerence. Huićtiefinemết
ils s'eſmerueilloyent des paroles qu'ils oyoyết
dire de luypar le iuſte Simeon, qui en ſa pre
fentation, en grande ioye & reuerence l’em
braſſa,diſant:Lumen adreuelationem gentium, ở
|- plebistua Iſrael, & confeſſant que le fa
lutaire de Dieu, le Mestias, le falut de tout le
monde,& la gloire de fon peuple d'Iſraël estoit
venu. Neufiefmement, s'eſmerueilloyent toe.,,
d'Anne Prophete,laquelle à ceſte meſine heu
re estoit venue au temple & rendoit loüan- -
geåDieu, & parloit d'iceluy à tous ceux qui
attendoyent la redemption d'Iſraël. Et benedi
xit illir. Et Symeon le iuste qui estoit venu au
temple parleſainét Eſprit les beneist,àfçauoir
Ioſeph,Marie, & le Fils. Et combien que Sy
meonfuſt moindre en grace & merite , toute
fois il estoit plus grand que Ioſeph & Matie
en office facerdotal. Et ceste estoit vne bene
diction de loüange,d'aćtion de graces, de prie
ies&de falut. Ainſitoutes les æuures de no- palu;
stre Seigneur beneiffent, loüent , magnifient
Dieu, & le glorifient par deſſus tous les fie
cles. Semblablement nous deuons beneistre contre les he
Dieu en tout temps,Sa loüange doit toustours tit" 1
esticà nostrebouche contre ceux qui ſe fone ? .
feparez d'auec nous, qui auecques letit eiro- i .
nee & nouuelle doćtrinefe parforcent fermer
la bouche de ceux qui beneiffent Dieu. Au
temps paſſé la benediction des Peres, des Pre
stres, & des iustes estoit demandee auecques
- H 3
118 . : D I M E NC H E , E S . )
Gene 14. toute affećtion & defir de coeur. Ainſi Iacob
gº obrint la benedićtion defon pere. Iceluy mef
. me Iacob prochain à la mort, donna fa benedi
ćtion à ſes enfans. Samuelbeneist le ſacrifice.
Moyſe donna benediction aux enfans d'Iſraël.
Iofué beneist les deux lignees. Dauid beneiſt
au nom de noſtre Seigneur Salomon:&iceluy
Salomon beneist toute l'Egliſe d'Iſraël. Mel
chiſedech beneist Abraham. . . . . . ..
-: Nous liſons auſſi que nostreSeigneur a trois
fois beneist le pain: en la refećtion de la troup
pe,en l'institution du fainét Sacrement,au lo
gis auec fes'diſciples: pource il eſt neceſſaire
de ſanctifier & beneiſtre les choſes corporel
les par la parole de Dieu par oraiſon, & par le
facré ſigne de la faincte croix, à fin que tous
empechemensdommageables & diaboliques
foyent dechaſſez; & que telles choſes corpo
rellesainſi beneistes, faičtes & rendues
falutaires à ceux qui les reçoyuent. Voilà cố
4 * ment les ſuperieurs ontbeny les moindres, &
2. Kfg 3 pareillement les moindres ont beny les fupe
rieurs. Les enfans d'Iſraël donnoyent benedi
sa Noms, étion au Roy Salomon, & Dieu a faićt eſcrire
ss : , par Moyſevne ſpecialle benediction , par la
, quelle les Prestres beneistroyétles enfans d'If
" ", raël. Nous ſommes appellez pour poffeder la
benedićtion parl'heritage. D'auantage Dieu
beneist & pere de nostre Seigneur lefus Christ
nous a beneiſten toute benedićtion ſpirituel
le aux biens celestes, pour les posteder aux
. . . ! ; IT12A
o c r a v e s d e no e t. 119
maiſons eternelles en Ieſus Chriſt, c'eſt à dire,
par le merite de Ieſus Chriſt noſtre Seigneur
& Sauueur. Et au contraire , la maledićtion deux male
des Sainéts a esté toufiours en grand horreur *****
auxhőmes,tát au vieil que nouueau teſtament:
'combien que les enfans de perdition,à fçauoir
ceux de la nouuelle loy, par vn deſdaing, &
orgueil, l'ont en meſpris. Noé maudit fon fils geneſ.,.
Cham, & il fut maudit. Dauid maudit Ioab, s.rsg.re.
& toute fa maiſon, pour le meurtre commis
en la perſonne du bon Abner , & vengean
ce a enfuyui la maledićtion. Eliſee maudit
ceux qui ſe mocquoyết de luy, & foudain deux
Ourſes fortirét de la foreſt, & deſchirerết qua
rấte & deux enfans, qui auoyent faićt iniure à
l'homme de Dieu. Ce meſme Eliſee maudit e.Reg.2.
fon feruiteur Giezi, & ſubitement la lepre de * Rix s :
Naaman vint audit Giezi , & il fortit de de
uant luy ladre,blấc comme neige. Sainét Pier- Aa.s.
re maudit Ananie, & Saphire, & foudain ils
moururent aux pieds dudir fainét Pierre. Il 4á.is.
maudit auſſi Simon le Magicien, que depuis il
feit mourir à Rome. Sainćt Paul maudit Ely- t.cers.
mas enchanteur, & incontinentil fut aueuglé **“/”
fans voir le Soleil. Sainćt Paul maudit l'hőme
fornicateur, & ſubitement il fut faifi & prins
d'aſſaut par le maling eſprit.D'auantage,oyons
la ſapience de Ieſus Ë de Sirach:Benedictiopa- wanas,
tris firmat domos filiorum, maledičtio autem ma
tris eradicat fundamenta. La benedićtion du
pererend les maiſons des enfans fermes: mais
H 4
12o . D I M E N C H E E S

la maledićtion de la mere , demolit les fon


demens. Balaca preſſé Balaam, pour maudire
Către les He
le peuple de Dieu.Partant deteſmoignages des
retiques.
fainétes, nous voyons que les Here
tiques font pires, & plus obſtinez en leur dam
nable opinion,que le cruel tyră Pharao, lequel :

cőbien qu’il fust rude & afpre aux enfans d’If


Exod.12. rael,neantmoins illes pria,diſant: Abeuntesbe
nedicite mihi. Allez, & me benillez. S'enfuit:
Et dixit ad Mariam matrem eius. Et Symeon
dit à Marie mere d'iceluy : Ecce hic postus est
in ruinam & reſurreëtionem multarum, & in f2
Ieſus Christ
mis en ruinegnum cui contradicetur. Voicy ceſtuy-cy eſt mis
85’ refurre pour la ruine & pour la refurrećtion de plu
étion, CF com fieurs en Iſrael, & pour ſigne auquel on con
Zhenf,
tredira, & le glaiue percera ta propre ame, à
| fin que lespếfees de pluſieurs foyent reuelecs.
Ceſte prophetie de fainct Symeon predićt ce
qui deuoitaduenir au fils,& à la mere. Quant
eft du fils, il dit qu'il fera en ruine pour les
orgueilleux, & reſurrećtion des humbles. Se
condement, en ruine des vices, & reſurrećtion
des vertus. Car fainćt Ambroiſe dit ſur ce
lieu. Symeon dit que Ieſus est venu à la rui
ne & reſurrećtion de pluſieurs : Vt iustorum
iniquorúmque merita differnat , & pro nofirorum
qualitate fattorum aut ſupplicia decernat aut præ
mia. A fin dit-il, qu'il diſcerne le merite des
bons & des mauuais, pour les punir & recom
penſer felon la qualité de leurs æuures. Tier
cements en ruine du vieil homme, & refurre
- - ćtion
o c T A v E s D E N o e L. I2 R

étion du nouueau homme. Quartement, en


ruine de l'homme exterieur, & reſurrećtion
de l'interieur. Quintement,en ruine des Iuifs,
par leur deffaut, & reſurrećtion des Gentils
parleur vertu. Sixieſmement, en ruine desin
credules,& reſurrećtion des fidelles. La ruine
tombera en Iſrael parfon grand deffaut.Le So
leil vient pour lesilluminer:mais ilsluy ferme
ront la feneſtre. La pierre angulaire vient pour
fouſtenir leur edifice, & les conioindre auec
ques les Chrestiens : mais les malings Iuifs
reiećteront ceſte pierre angulaire : pource tom
/
bera leur edifice , & tout ira en ruine. D'a
uantage ; il fera le figne à qui on contredira.
Ieſus est le figne de falut, où faut tous ten- the fi t.
dre pour estre fauuez : comme les archiers »ray Égne de
tendent au ſigne qui eſt le blanc à la butte,/****
c'eſt leur fin & intention que d'aduenir à ce
figne. Ainfi Ieſus est nostre figne, & nostre
fin où nous deuons tendre, felon que dit fainét
Paul:Finis legis Christus in falutem omnicredenti. Rºm.“
La fin de la loy est Ieſus, pour la iustice de
tout fidelle qui croyoit en luy. Ce figne a eſté
mis à la haute montaigne de Caluaire, à qui
les ingrats Iuifs ont contredićt, le defaduoüant
pour leur Roy, & Seigneur,difans:Nõ habemus
regem nist Cafarem.Nousn'auons point de Roy,
finon Ceſar. Ils n'auoyent garde d'y frapper:
car ils n'y viſoyent pas bien. Ces archiers
n'ont pas frappé à la burre : car ils en detour
uoyent leurs yeux. Ce n'eſt pas de merueilles
- H 5
12.21 , D I M E N C H E E S

s'ils font damnez, qui ont contredit au Mede


cin: s'ils font perdus, qui ont laiſlé la vraye
voye. Voycila premiere partie de la prophe
tie de Symeon,touchant nostre Seigneur Ieſus
Christ. S'enfuyt la feconde partie d'icelle, ad
dreſſee à la mere: Et gladius,tuam ipſius animam
pertranfibit,vtreuelentureæ multis cordibus cogita
tiones. Et le glaiue percerata propre ame, à fin
que les penfees de pluſieurs coeurs foyent re
uelees. Ce glaiue icy n'eſt pas materiel: Nec lit
tera nec historia docet ex hac vita Mariam corpo
ralis necis pafione migraffe. Dit monfieur fainét
Ambroiſe fur ce c'eſtà dire,nous ne li
fons point que nostre Darne ait eſté martyri
fee , ne frappee de glaiue, ou de couſteau au
- corps. Parquoy faut entendre par ce glaiue.
Premierement la douleur laquelle a nauré &
percé fon coeur. Comme fi Symeon diſoit : La
peine de la paſſion qui fera envostre fils en fon
corps, fera en vostre ame par compaſſion. Car
les douleurs que n’auez pas endurees en l'en
fantement de vostre fils, pour ſentir que fuffiez
mere, vous les porterez auec vſure en la mort
de vostre fils. Alors fentirez que c'est d'affe
ćtion de mere, c'eſtà dire, que vos peines &
trauaux excederont celles de la femme qui en
fante. Le glaiue percera,non pasle corps:mais
le coeur : Vt reuelentur ex multorum cordibus co
gitationes. A ce que les penfees de pluſieurs
coeurs foyent reuelees. Alors on cognoistra
quelles penfees de Ieſus Christ aurőt les hom
* 1TlCS»
O C T A V E S D E - N O E L, 123
mes. Lesbonnes feront cogneües en la con
festion de foy, & les malignes en la contradi
ćtion de la foy. , : , .
Ceſfez doncques heretiques vos grandes
audaces, cestez de publier vos vilaines pen- heretiques.
fees,ceſfez de mefdire de la vierge Marie mere
denostre fauueur&redempteur; estant para
cheué le prophetique & parfaićt teſmoigna
gede Symeon.Le texte maintenát est ſubstitué
du teſmoignage d'Anne vefue & Prophete.
Çar Ieſus Christ preuoyant qu'il auroit plu
fieurs contredifans, auſſiila voulu auoir plu
fieurs teſmoings:où ſainét Ambroiſe dict : Sy
meon auoit vne femme mariee &
vierge atuoit auffi prophetizé: Debuitetiã vidua , \

prophetare,ne qua aut profeſiodeeffet,aut ſexus: il -


estoitdonc bien feant qu'auffi vne veufue pro
phetizast, à fin qu'aucun fexe ny aucune forte
de vie ne manquaſt à prophetizer de nostre
neſoit plusEtà fin quepremiereme
croyable, nteſte d'An-
le teſmoignag faicte “pro
re

mention de fa loüange, & apres la confeſſion


defon refmoignage. Premierementprophetif:
fi propheriffe: voyla vne grace gratuitement
donnee.Secondement, Filia Phanuel, non feu
lement felon la chair, mais par imitation de
meurs & de vertus. Phanuel vaut autant à
dire, comme la face de Dieu. Certainement
ceste veufue a veu la face de nostre Seigneur,
laquelle pluſieurs Roys & Propheres ont de
firévoir & ne l'ont pas veuë,diſant:Ostende
ff
124 D I M E N C H E - E S

bisfaciemtuã,ớc. Monſtre nous ta face & nous


ferons fauuez. De Tribu Azar. De la lignee
d'Azar, lequel a le huićtiefme lieu en l'ordre
des douze Patriarches. Ceſte Anne eſtoit no
ble de fang, mais plus noble de vertu. Voyci
vne vraye inage des nobles,laquelle leur pref
che qu'ils doyuent estre foigneux que toutain
fi qu'ils precedent les autres en nobleſſe de
fang: auſſi ils doyuent procurer qu'ils foyent
plus excellens en grauité de moeurs,en la crain
| Y fait
Snobleffe.
le
te de Dieu, en la grace de Dieu & en biens ſpi
rituels. Car la haute
asl'homme,mais vertu:laquelle n'annoblist
lignee & racerend & faićk
f aggreable à Dieu & aux hommes.
„au... Mais auiourd'huy la nobleſſe. (Iene parle pas
i ti... contre l'eſtat, mais contre le vice) c'est vn
, , empeſchement de falut, retargement de bien,
incitation à mal, flambe enflambant l'amour
de ce monde , laquelle eſt ennemie de Dieu.
Car S.Iaques dit trefbien:quicunque voluerit ami
Iae.*, cus effe/eculi huius,inimicns dei constituitur: qui
conque voudra eſtreamy de ce monde,il fe fe
ra ennemy de Ieſus Chriſt. La nobleſſe de la
chair meſpriſe humilité, refuſe porter la croix,
ayme vanité,cherche menfonge, theſaurize en
auarice, en la terre, defire s'enrichir du bien
d'autruy, a le coeur hautain, La nobleffene
tient conte de fes ſubiects, prend les dons &
preſents desinnocens, accable les pauures par
iniuſtice, pille les vefues, rauiſt les biens des
pupilles. Ils font vestus pompeufement,nour
T1S
o c T A V E s D E N O E L. 125
ris delicatement & delicieuſement. Ils don
nent largement aux cheuaux,chiếs & oyſeaux,
ruffiens, paillardes & maquereaux: mais aux
pauures Lazares qui font tous defcharnez &
qu'ils voyent parmy les ruës aux portes des
Egliſes, plustoſt
que de leur les laifferont
donner vn morceaumourir de faim,
de pain. Mais •

le temps viendra, comme dit Dauid, Ad fa- Tfal.,,,.


ciendam vindittamin nationibus, increpationesin
populis,ad alligandorreges,& r.Dieu fera vengeấ
ce des nations,& chaſtiera le peuple, pour lier
les Roys aux enfers & les nobles, pour lier
leurs mains en chaifnes de fer. Car comme dit
le Prophete : Principes facüfurum,omnes diligunt Eſa.r.
munera,/equuntur retributiones. Les Princes ſont */**
infidelles, compaignons des larrons, qui ay
ment les preſens, qui iustifient les meſchans
pardons & preſens, & oſtent la iuſtice à ceux
qui font iuftes. Parquoy ainfique le flambeau
de feu confume le chaume & la flamme bruf
lelapaille: ainfi fera la racine d'iceux, comme
nourriture, & leur germe montera comme la
pouffiere:carils ont reietté la loy du Seigneur » *

des batailles, & ont blaſphemé la parolle du


fainćt d'Iſraël. S'enfuit de ceſte noble Anne,
laquelle estoit plus excellente de vertu que de
iace de fang,de la lignee d'Azar,lequel a le hui E. generale
étiefme lieu en l'ordre des douze Patriarches. rest,
Signifiant la generalle refurrećtiő, laquelle fe- frafailie au
rafaićte au húictiefme aage. En laquelle ceux :
- - * * - |- ég az 2°6’e
/*
qui auront bien fait iront en la reſurrećtion de ***
. V1C
116 D 12M E N C H E - E S

vie & toufiours feront auec noſtre Seigneur.


Hec procefferat in diebus multis. Et ceſte Anne
auoit paſſé pluſieurs de fesiours, ainſi comme
?"e/mei parle nombre desans, auſſi par augmentation
::::::::: de grace & de vertu:Et vixerat cum virofo. Er
, , auoit veſcu auec ſon mary. Icy font recitez les
prophete est teſmoignages de ceste tant vertueuſe dame, au
; · regard de tous les estats eſquels elle a eſté ap
Marc.7. prouuee : ce qui eſt demonſtré : Premiere
ment quant à l'eſtat de mariage, auquel elle a
veſcu pacifiquement. Le mary & la femme qui
bien s'accordent font approuuez deuant. Dieu
& les hommes.Car fi paix n'est entre eux, il fe
roit meilleur demeurer auec vn Lyon ou Dra
gon.Secondement elle est loüee, quant à la fi
delité du liét matrimonial, car elle a veſcu fi
dellement & loyaumết auec ſon mary en tou
te dignité & honneur,& non pas auec vn autre
homme : comme Herodias, laquelle laiſſà fon
mary Philippe pour paillarder auec Herodes.
Tiercement elle est loüee d'vn traićté de paix
r. cor. 7. & alliance perpetuelle. Mulier enim quanto tem
pore viuit vir eius,alligata est legi: & viuente vira
vocabitur adultera,ffuerit cum alio viro. Car la
femme est liee à la loy durant le temps de la vie
de fon mary : de maniere qu'elle fera appellee
adultere, fi durant la vie de fon mary eſt
auec vn autre homme. Et vixit cum viro fito an
- - nis ſeptem à virginitate/sta.Elle aveſcu auec ſon
mary fept ans. Quartement elle eſt louee
pour l'integrité & purité de la chair. Car elle
eſtoit
O C T A V E S .D E N O E L. 127
eſtoit vierge, quãd elle contraćta mariage auec
fon mary , pource qu’elle auoit veſcu auec ſon
mary ſept ans, depuis fa virginité. En apres e 4“
la faincteté de ceste Dame est loüce, quant"“
à l'eſtat de viduité, en pluſieurs chofes que les
vefues auoir ; qui les ornent & ren
dent plaifantes à Dieu,& aggteables aux hom
mes,à fin qu’elles foyent lábonne odeur de le
fus Chriſt. Et pource dit nostre Euangeliste:Et
hec vidua erat. Et icelle estoit vefue. Il faut
que les vefues boyuent au calice de noſtre Sei
gneur, pour patiemment endurer beaucoup de
choſes: Et transtre per ignem & aquam vt edu
canturin refrigerium. Et paſſer par | feu, & par s
l'eau , pour paruenir à la de la
beatitude eternelle. Et ce qui est tres-grief à 2. Cor.r.
porter, comme dit fainét Paul: Per gloriam &
ignobilitatemperinfamiam & bonamfamam.C'est
à dire, par honneur, & deshonneur, par diffa
me , & bonne renommee, portant leur croix s
apres Ieſus Christ. Et comme dit ſainét Paul: "Ti" f'
ở verè vidua est & defolata, ſperet in Deum, . '
& inšřet obſecrationibus. Celle qui eſt vrayemết
vefue, & defolee, ait eſperance en Dieu. Se
condement, elle eſt loüee par le long temps
auquel elle a esté vefue:V/que ad annos očtogin
ta quatuor. Et ceſte fuſt vefue iuſques à qua
tre vingts & quatre ans. Tiercement, elle eſt
loiiee pour la frequentation des Egliſes, Car
nostre Euấgeliſte dit: Que non diftedebat detem
plo.Laquelle ne ſe partoit point du temple, non
pas
Ix8 D I M EN C H E E S

pas qu'elle dormiſt,mangeaſt,beust,ou feiſtau


tres neceſſitez du corps au temple : leſquelles
choſes fe font aux maiſons : comme dit fainćt
r. Cor. I 1.
Paul. Mais tout ainſi que d'vn homme deuot
qui longtếps demeure en l'Egliſe,nous difons,
il est toufiours en l'Eglife. Et c'est vne maniere
familiere de parler. Quartement, à fin qu'elle
ne trebuchaft entre les lacs du diable,elle a fuy
les delices charnelles, en reduifant fa chair en
l'obeyſſance de l'eſprit,parieufnes,& abſtinen
Efficace des ces.Car il eſt dit:Seruiens domino,Seruãrà Dieu.
ieufnes.
Le feruice duquel eſt fouueraine liberté: Nam
fruire Deo regnare est, vt ait D.Gregor. Nazianz:
orat. 2.de pace. Car feruir à Dieu,c'eſt reğner.
Elle a feruy à Dieu, non pasau monde, à pe
ché, à ſon ventre, non pas à auarice. Mais par
quels moyens a elle feruy à Dieu? In ieiunijs.
En ieufnes , par leſquels elle a euité les alle
chemens de | chair, elle a eſtainćt les flambes
de luxure, en fe rendant preste & appareillee à
2. Petr. r.
T1m0t.f.
toute bonne æuure: Nam que in delicijs est, vi
Iud. 9.
uens mortua est, dit fainćt Paul. Car la vefue vi
uant en delices, viuant elle eſt morte & enfe
uelie en ſes plaiſirs,& voluptez. En cela elle a
eu la bonne Dame Iudith pour exemple, la
quelle estoit vestue d’vne haire , & ieufnoit
tous lesiours.Finablement elle eſt loüée d'vne
conionćtion d'oraiſon auecieufne,caril eſt dit:
Et obſecrationibus. Elle feruoit en ieufnes,& o
raiſons, elle ieufnoit contre les vices de la
chair. Elle prioit Dieu contre les vices de la
penſee.
o cTA V E s D E N O E L. . 129
penfee. Car fainét Auguſtin dićt tres-bien que Effeace d'o
qui veut faire voller vne oraiſon au ciel, il luyr"/"".
faut donner deux eſles, ieufnes & aumoſnes.
Ces deux choſes, ieufne & oraiſon, chaffent
les diables.Par le premier eſt chaffé Aſmodeus
tentant par les alleſchement de la chair : par le
ſecond l'enflé eſprit d'orgueil Roy des en
fans d'orgueil eſt quand par orai
fon l'eſprit s’humilie ſous la puiſſante main de -
Dieu.Et pource noſtre Seigneur diſoit:Hoc ge- Matth.rz.
nu demoniorum nõ eijcitur nistoratione & ieiunio.
Ce genre de diable ne fort pas hors finon par
oraiſon & ieufne.Die ac nočte,c'eſtà dire,qu'el
le feruoit à Dieu en ieufnes & oraifons tout
letemps de fa vie , felon la maniere vfitee de
parler d'vn homme ſtudieux : duquel nous di
fon, illit, eſtudie, & eſcrit nuićt & iour. Par
là nous ſignifions que les principaux affaires
de ceſt homme, c’eſt de lire, eſtudier & eſcri
re , Ainſi nous difons de ceſte dame , elle
feruoit nuićt & iour en ieufnes & oraiſons:
c'eſtà dire, que la principale oeuure, labeur,
artifice,ou exercice de ceſte femme estoyent de
feruirenieufnes & oraiſons. Laquelle est pre
fentee aux vrayes vefues pour yne forme &
image viue de plaire à Dieu,qui eſt beneist par
tous les fiecles des fiecles. Et fainét Ambroife
en celieu,& en fon liure de viduis,veut qu’elle /
ferue aux vefues de patron & de miroüer en
tous leurs faits. S'enfuit: Et hæcipfahora fi perue
miřicāfitebatur Domino,& en ceſte meſme heure
- I
„”
13ð İ) I M E N C H E E S
que Simeon auoit prins l'enfant entre fes bras,
elle furuint au temple par l'inſpiration du S.
Eſprit,& oyans les loüanges du iuſte Symeon,
& voyant de ſes yeux corporels le vray Ema
nuel deſiré de toutes gés. Loquebaturde ipfo.Elle
rédoit loüange à Dieu,& parloit d'iceluy Mef
fias: Sacramētum enim regis abstondere bonum est.
Car c’eſt chofe bonne de cacher les ſecrets des
Roys de ce monde: mais c’eſt chofe honora
- ble & fainćte de reueler les ceuures & magni
ficence de Dieu. Et pource s'enfuit: Omnibus
qui expectabant redemptionem Iſrael. Elle parloit
du Meſfias à tous ceux qui attendoyent la re
za redittien demption d’Iſrael. Ceſte redemption est plus
de Ifachrist fpirituelle que temporelle: à fçauoir de la fer
plus ſpirituel-
4e que , :
tempo- uitude de Sathan » de peché, de la mort, & des
/ 3 -

rel/e. enfers: elle parloit non pas à vn , ſed omnibus,


mais à tous. Car Ieſus Chriſt eſt venu en ce
monde pour fauuertous quant à luy:Et vt per
fecerunt. Et quand ils eurent tout parfait, c’eſt
à dire, toutes les choſes qui appartiennent à la
purification felon la loy du Seigneur Dieu , &
comme il eſtoit ordonné & commandé en la
loy : en laquelle eſtoyent ſpecialement com
mandees trois chofes. La premiere , la pre
- fentation de l’enfant au temple. La feconde,la
Trois cho/es
redemption dudit enfant. Car le premier nay
- /- - - - -

eſtoit racheté par cinq ficles. La tierce, eſtoit


en la to, de l'oblation de deux tourterelles, ou deux petis
purifcation, de columbes. Combien que la Vierge ne fuſt
liee ou obligee à la loy de purification, comme
plus
- d ct A. D E N o e L. - 131
plus amplement nous dirons quelquefois ay
dant le fouuerain Dieu, pource qu'elle auoit :
conceu , non par femence virile, ains parin
fluence celeſte, & operation du fainćt Eſprit.
Toutefois elle a voulu conformément à fon fils
accomplir la loy: Reuerffunt in Galileam,Ils re
tournerent en Galilee,en Nazaret leur cité, où
il auoit eſté conceu, & nourry. Nazareth vaut
autant à dire, comme fleur , ou floriffans. Par
cela eſtoit ſignifié que fa conception eſtoit
munde, fans peche originel, & que fa conuer
fation eſtoit floriifante, fans peché aćtuel; ou
mortel. C’eſt l’aigneau fans macule,où Sathan
n'a rien à cognoiſtre.Car Ieſus dit de foy-meſ Ioan. 14.
me: Venit ad me princeps huius mundi , & in me
non habet quicquam. Le Prince de ce monde, à
fauoir Sathan , eſt venu à moy, & il n'a rien à
moy: Puer autem crefcebat. Et l’enfant croiſ
ſoit corporellement comme vray homme: Et
confertabatur ſpiritu. Et eſtoit fortifié d'eſprit en
foname par le S.Eſprit. Non pas paraugmen
tation ou proffit de grace,de vertu,ou de dons: , .
mais quantà ostentation:Plenus/apientia Plein c.l.ſ.,.
defapience, quant à l'entendemết:Omnes enim
theſauristientiæ & ſapientiæ Dei abſconditi erant
inilo.Pource que tous les threfors de fapience,
&fcience de Dieu estoyent cachez en luy.
Comme s'il vouloit dire, il agrandement pro- , .*
fité en augmentation , & vigueur de corps:
mais en l'ame , il eſtoit plein de fapience,
dés l'instant de fa conception , par les diſtri
I 2
I 32. D I M E N C H E E S

butions & vertus du S.Eſprit. Et gratia Dei erat :


lean. 1. in illo.Et la grace de Dieu estoit en luy quant à
°*** Taffećtion:comme dit monſeigneur S. lean, Il
estoit plain de grace,& de verité. Et S.Paul : In
illo habitat omnisplenitudo diuinitatis corporaliter.
ðraiſon, En luy toute plenitude de diuinité abonde cor
porellement,c'eſt à dire, reallement, & parfai
čtement.Prions nostre Dieu & pere immortel,
nous donner la grace, à l'exemple de monſieur
S. Symeon, & de ceſte tant vertueuſe Dame "
Anne vefue Prophete , fille de Phanuel, que
tous d'vn coeur & d’vne bouche, nous le puiſ
fions adorer,donnerhonneur,loüange, & gloi
re,par l'illumination de fon S.Eſprit,par la pre
dication de fon fainét & ſacré Euangile. Et fi
nablement nous puiſſions tous paruenir là fus
en la gloire qu'il nous a promife,parfon fils Ie
fus Chriſt au Royaume de Paradis, Amen.

D IM E N C H E E S O CT A V E S
D E S R O Y S.

Wm effet Ieſus annorum duodecim,


astendētibus illis Hieroſolymam. L’hi
i
| ſtoire de noſtre fainét Euangile d’a
lò è iourd'huy eſt enregiſtree aux Euan
gilgs de monſieur ſainét Luc, ſecond chapitre.
Laquelle nous faićt mention premierēment de
z- la perte de l'enfant, pleine de trifteffe. Secon
dement de fon inuention,pleine de lieffe. Et fi
3- nablement de ſon retour auec ſes pere, & me
IC2
o c r. D E s R o y s. 133
re,plein d'humilité: Cùm effet Iestuannorä duo
decim. Et quand Ieſus eut douze ans felon l'hu
manité,nay d'vne Vierge, par l'operation cele
fte du S.Eſprit.Comme ils montoyếtenHieru
falem,à fçauoir Ioſeph, la Vierge, & l'Enfant:
ource que Galilee estoit fituee en lieu plus
Hieruſalem en lieu plus haut: Secundum
conſuetudinem diei festi. la couſtume du
idur de la feſte.Certainement la bonne & loüa
ble couſtume a force & vertu de la loy, felon
qu’on dit communément:Conſuetudo legis habet
vigorem.Pource elle ne doit point eſtre obmife,
ne delaiſſee,ſans grande neceſſité, & euidente z., bonnes
vtilité.Voyci Ioſeph,& Marie,montét en Hie- confirm „
ruſalem, felon la couſtume duiour de la feſte, doynent estre
Ainſi premierement felon la coustume de la :
loy,ils auoyent faićt les oblatiốs pour l'enfant, .
quandilsle preſenterent à nostre Seigneur au i i. i,.
temple. Item Ieſus felon la coustume alloit au tae.a.
montallegue
Paul des Oliues pour prier.
la coustume de Ainfil
l'EgliſeApostre S. Corint. II.
, comme
la femme doit estre couuerte quandelle prie au
temple. Et fi quelqu’vn veut eſtre opiniaſtre,il uate.az,
n’allegue pour toute raiſon que ceſte-cy : Nos
talem confitetudinem non habemus, neque Eccleſia
Dei. Nous n'auons point telle couſtume, ny
l’Egliſe de Dieu. Semblablement Pilate pour
la deliurance de Ieſus innocết, nomme la cou
ftume des Iuifs, qui auoyết couſtume à la feſte
de Paſques,qu'vn prifonnier fust lafché, D'a
uấtage:Festu Tribunu allegue la coustume des
I 3
134 D I M E N C H E E S

Romains contre les Iuifs, qui procuroyent la


mort de S. Paul. Aufquels il reſpond, ce n’est
4ä.24. point la couſtume aux Romains,de donner par
faueur vn homme pour le faire mourir, deuant
que celuyqui eſt accuſé ait fesaccuſateurs pre
fens, & qu'il prenne lieu fe defendre du
crime.Zacharie grád Sacrificateur deuoit exer- - -
cer la Sacrificature deuant noſtre Seigneur, fe
lon la couſtume de l'office de Sacrificature , le
fort luy efcheut de faire encenſement.Et voicy
Luc. I.
la bóne couſtume raiſonnable,fainćte, deuote,
& hőneſte, que le Fils de Dieu noſtre vray for
mulaire de vertua obſerué, & que ſes peres & :
mere par deſſus tous les autres hőmes les plus -
** * - aymezde Dieu,ontgardé,& que les fainćts A- ,
* poſtres & Diſciples de Dieu, les Sainćts Peres
c„ır,tab.- de noſtrefoy,& noſtre fainćte mere l'Egliſe Ca
rigue, evne tholique partant des fieclesa obſerué.Mainte
mys des besº nant lesheretiques,enfans de perdition, femế
. anar- ce mcfchante,plante baftarde,generatiố de vi
- peres;renuerfeurs de tout bon ordre,perturba-
teurs de paix, de bonnes & pacifiques voyes de
... Dieu , & de fon Egliſe , ne tafchent finon de- .
ftruire & abolir les fainćtes & bonnes coustu
mes. Contre leſquels eſcrit fainét Paul,admo-
nestãt ſon diſciple Timothee:O Timothee depo-
tum custodi, deuitansprofanas vocă nouitates , &
, zim.a. oppoſitione falst nominis stientie. Garde foigneu- .
- fement le depoſt & le talét de la foy Catholi-
que, & la doćtrine faine & falutaire que tu as
receuë,qu'elle nete ſoittollue,& rauie par les
- - lar
o c T A v E s d e s R o y s. 13$
larrons heretiques & ennemis de la foy. Les
prophanes nouuelletez de voix que Sainćt
Paul commande à fon diſciple d'euiter, font
les doćtrines & fentences nouuelles, qui font
totallement contraires à l'antiquité de l'Egli
fe:leſquelles fi elles font receuës,il faut neceſ
fairement que la foy des anciens & fainćts Pe
res ſoit annichilee, & (comme remonſtre fort
bien Tertullian au liure de Prestriptionibus ad
uerftes hereticos)que les Sainćts & tous les Chre
ftiens du temps paſſé,tant de Roys,Royaumes,
Nations, Prouinces, tát de mille Martyrs, Con
feſſeurs, Vierges, tant de fainćts Doćteurs:tant
de peuples par tout le monde ayent eſté touſ
iours par tant de temps paſſé en ignorance, er
reur & blaſpheme: & conſequemment alie
nez de Dieu & de la voye de falut , ce qui
Nature pro
n'est pas vray. Veux-tu fçauoir le naturel de pre de l'herr
l'heretique ? C’eſt ſe refiouyr en prophanes fie.
nouuelletez,& reietter les antiques & authen
tiques couſtumes, felon que dit Epiphane,
hareſes quotidie/eipfaspolluŭt, les herefies ſe pol
luent tous les iours. Et au contraire,c'est le pro- Naturepre
pre des bons Catholiques de garder la foy & la pre des cathe
doćtrine des fainéts Peres anciens, de condam-"“
ner les prophanes & nouuelles doćtrines des ,
heretiques, felon ce que dićt Sainét Paul: Si
quis vobis euangeliKauerit , preter id quod acce- Galat.r,
pištis; anathema fit. Quiconque vous aura an
noncé contre la doćtrine de la foy qu’auez
receuë » qu’il ſoit miem Retournonş
4 /
- 136 D I M E N C H E E S

en noſtre fainct Euấgile, Confummatisq, diebus.


Et les iours accomplis, Ioſeph & Marie s'en :
retournent de Hieruſalem en Galilee. Les Iuifs :
deuất la feſte folennelle de Paſques, venoyent :
en Hieruſalem; pour offrir ſacrifice pour leurs :
pechèz » C1l perfeuerant en oraiſon, en loüant :
& magnifiant Dieu , exerceant les oeuures de i
charité & de pieté, comme il eſt eſcrit en
F***** Exode. Les Iuifs celebroyent pluſieurs festes,
comme la Paſque en recordation & la deli- ,
urance de leur dure & miferable feruitude de :
hai Pharao.2. Ils celebroyent la feſte de la Pente
I t., i coſte, qui vaut autant à dire, comme la cin
troyent plu- quantaine : car au cinquantiefme iour apres
fe"r" f'"“ leur deliurance, ils receurent la loy du decalo
gue, c'eſt à dire , des dix Commandemens au :
****** mont Sinay. 3. La feste des nouueaux fruićts
pour memoire du benefice que Dieu leur a-
uoit donné les fruićts de la terre. Et en celle
folennité ils offroyent les pains des nouueaux :
*"*" fruićts. 4. Auffi la feſte destabernacles, qu’on
appelle communément d'vn nom Grec, axeve
ryta à aklaóí, quod est tabernaculum, ó anyvv-
ut, quod est netto iungo : En memoire que par
le benefice de Dieu,ils auoyent habité l’eſpace
de quarante ans aux tabernacles, pauillons, &
tentes:lefquelles folennitez estoyent celebrees
en memoire des benefices de Dieu,pour aćtion
de graces, exhibitions de loüanges, prieres &
oraiſons. 5. Auffi ils celebroyent la feſte de la
***** dedicace du temple par l'eſpaca de huictiours:
. laquelle
----

*
**
o c T A v e s d E s R o y s. 137
feſte Ieſus Chriſt a obſeruee comme
te11m
oigne fainét Iean l'Euangeliste. Sixieſme- Ioan.ie.
ment les feſtes qu'ils appelloyent d'vn mot
Greç, veounvías, c'eſtà dire, les iours de nou
uelle lune, pour le benefice du diuin gouuer
nement, pource qu'aux iours de nouuelle lu
nela mutation de temps s'apparoiſt & mani
felte. Et dicitur à víos quod est noua, & uivi lu
na: quia tunc renouabaturlumen lune, quod extin
tium erat. Septiefmement leurs Sabbats, qui
ſignifient les iours de repos , par vn mot He
breu, Sabbath, qui eſt autant à dire, qu'il a re
poſé: & ce en memoire du benefice de crea
tion. Finablement la ſynagogưe Iudaïque fai
foit feſte & memoire de la grace de Dieu
faićte à Hefter, Iudith & au Capitaine Ma
chabee, comme il eſt dans leurs hiſtoires:com
bien que ces festes ne fustent pas fi folennel
les. Ainſi nous autres Chrestiens faiſons feſte
aux folennitez de la Vierge, des Sainćts, &
Sainćtes de Paradis. Veu que nous auons re
ceu de Dieu de plus grands & plus excellens
benefices que les Iuifs , pourquoy n'aurons
nous pas pluſieurs iours rendre graces à
Dieu, pour nous fanćtifier par l'audition de
la parole de Dieu, par la communication du
corps de Ieſus Chriſt & des autres facremens,
la participation des oraiſons tant particu
ieres que generalles, faićtes en l'Egliſe de
Dieu ; par la diſtribution charitable des au
moſnes faićtes aux pauures de Dieu ? où il
I 5
138 D1MENcHE es
nous faut fçauoir que les faincts Peres de no
ftre fainćte foy , ont institué les feſtes pour
pluſieurs raiſons. Premierement à l'exemple
de l'Egliſe,en laquelle continuellement eſt ce
lebree la feſte des Sainéts, de la folennité def.
quels, Gaudent Angeli, & collaudant filium Dei.
Secondemét, ad excitandam imitationem (com
me dit fainćt Bafile, homilia in Gordium marty
rem,& fainét Auguſtin cap.z o.libro contra Fau
stum Manicheum) à raifon de leur imitation , à
fin que chacun tafche felon fon pouuoir à en
fuyure la foy, eſperance, charité, humilité, pa
tience des Sainćts : à l'exemple du Capitaine
r. Mach.z.
Machabee, qui diſoit à ſes foldats: Mementote
qualiterfalui fatti fant patres nofiri in mari rubro,
cùm fequeretur eos Pharao. Ayez memoire com
me nos peres ont eſté fauuez quand Pharao
les pourfuyuit auec fon oſt. Car la fouue
raine religion eſt d'enfuyure celuy duquel tu
celebre la feſte. Tiercement à caufe de noſtre
neceſſité. Car nous auons neceſſairement be
foing des interceſſions des Sainćts. Et c'eſt ce
que remonſtre fainét Auguſtin au lieu prealle
gué, nous celebrons, dit-il, les memoires des
Martyrs, Vt & meritis eorum confociemur di pre
cibus adiuuemur, pour eſtre participans de leurs
merites, & de leurs interceſſions. Car comme
les grands Seigneurs ont des grandes cauſes
aux grandes cours & grands parlements qui
font plaidoyees deuant le grand Prefident,
aufquels facillement & iournellement on ne
- peut
- o c r A. D e s R ơ vs. I39.
peutaller; ils ont des procureurs ; & aduocats: *
pour eux.Pareillement eft-il de nous, qui auốs
en cesté grande cour celeſte , les Sainéts qui
font nosmediateurs,aduocats, & interceſſeurs,
enuers Dieu pour nous. Quartement , pour
donner honneur & loüange au Seigneur des
Sainéts, à fçauoir à Dieu, qui par fa fainćteré,
afanćtifié les Sainćts, cốme qui honorele fer
uiteur du Roy, il honore le Roy en fon fer
tement Laudate
uiteur: dominumque
, pour l'eſpoir infančias
nous eius,
auonsQuin-, 4 rro.
aux '/al.
Sainćts d'estre exaucez de Dieu, par leurs di
gnes interceſſions. Car fermement nous de
uós eſperer qu'en celebrár la feſte des Sainćts,
ilsprieront pour nous : carils ne font pas in
giats,& inciuils:ainsliberaux,& magnificques
enuers leurs deuots feruiteurs.Car fi eux eſtans
viateurs en ceſte preſente vie, ils ont prié pour
leurs ennemys, & perſecuteurs (commeil eſt
commandé en fainćt Matthieu cinquieſme.
chapitre) à plus forte raiſon prieront-ils pour
leurs deuots & beneuoles feruiteurs. Laquel
le raiſon eſt fi preignante, que fainót Hie
roſme n'en a point voulu vfer d'autre, diſpu
tant contre Vigilantius Heretique.Et combien '
que tous lesiours quant à leur nature & crea-
tion,foyent egaux:toutefois à raiſon du com
mandement de Dieu, &de fon Egliſe, ils ne
ont pas tous egaux. Car le Sabbath en
l'ancienne loy eſtoit vn iour comme vn au
tre, auquel le Soleil luyſoit comme en vn
allt IC,
/
140 - n1 M en cH E:Es
Exod. 29. autre. Et toutefois Dieu a commandé ce iour.
*** ** principallement là estre celebré. Ainſi l'arbre.
de ſcience du biế& du mal,à raiſon de la crea
tion eſtoit egal aux autres: mais pource qu'en
ceſtarbre là,outre les autres , y auoit comman
dement de Dieu,pour ceste cauſe,il n'eſtoit pas
egal aux autres arbres.. Ainfi la chair du pour
ceau, des lieures , & autres animaux, eſtoit
Genef. 2.
Leuit. rr. viande comme les autres. Et toutefois pour
ce qu'il y auoit commandement de Dieu, ce
n’eſtoit pas vne viande egale auec les autres:
ainfi les iours, à raiſon de la creation font
egaux: mais par l'ordonnance du commande
ment de la celebration outre les au
celetration tresiours,ils ne font pas egaux. Ainfi l'Egliſe
de iour du a institué le iour du Dimenche,par la tradition
****** des Apostres: Premierement, F cauſe que le
Sabbath n'eſtoit en partie que figure du repos
que Ieſus a apporté par ſa ſaincte reſurrection,
il a eſté bien raiſonnable de changer la figure,
en ce qui eſtoit la verité meſme.Secondement,
pour la ioye de la reſurrećtion , & pour la
miſſion du fainét Eſprit, lequel au four du
A fainét - Dimenche fut enuoyé aux benoiſts
Acostres, & parfa venue, il a conſacré le iour :
du Dimenche. Tiercement,elle a mué le Sab
bath auiour du Dimenche , à fin qu'enco-
\res ne fuſſions pas veus Iudaiſer. Ce qui a
/ *
*
*

A,..... eſté faićt au temps des Apostres. Comme il


appert en l'Apocalypſe de fainét Iean: Fui in
fpiritu in Dominica die. I'ay eſté en eſprit auiour
du.
O C T A. . D E S R O Y, S. I41 *

du Dimenche.Et pource que le iour du Dimé.


che eſt nommé en ce lieu là, il eſt notoire que
* le Sabbath a eſté mué par l'ordonnance des
Apoſtres au iour de Dimenche. Et lequeliour
toute l'Egliſe celebre au lieu du iour du Sab
bath. D’auantage, le repos corporel,fignifie le
repos ſpirituel, à fin qu'on ceste,& qu’on s'ab
ftiennne des mauuaiſes penfees,mauuaifes pa
rolles,mauuaifesceuures,& operation,leſquel
les empeſchent les æuures ſpirituelles,& à fin
de s’emanciper au diuin feruice. Et ceſte cou
ftume eſt de toute antiquite , comme appert
par le 65. canon des Apoſtres , & par fainćt
Clement Pape, & martyr,auliure 5,chapitre 21.
&liure 7. chapitre 36. des Apoſtoliques con
stitutions. Et parfainét Ignace, en l'Epiſtre ad
Magnestanos.Tertullian en l'Apologie , chapit.
16. Origene en l'homelie7, fur Exode. Chry
foſtome 6.homil.dereſurrectio. Clemens Alexan
dri.lib.7.stromatum. Et fainét Athanafe,au liure
où il expoſe ces parolles : Omnia mihi tradita
funt, &c. Et par S.Auguſtin, au fermon 251. Et
par Iustin le Martyr, en la feconde Apologie,
fur la fin.Item les aornemếs & paremens deve- res accenstre
ítemens au jour du repos fignifient les bonnes
- - –––3 - - u Dimëche,
ceuures, fainćtes operations qu'on doit faire: . les
comme ouyr le fainét & falutaire ſacrifice de la suures.
la Meffe, les commandemens de Dieu, prier
Dieu, donner l'aufmone, & faire autres oeu
ures de pieté, & mifericorde. En outre le vi
ure plus honorable & honneste au iour du
repos,
I42 D1MENcHE Es
z honorable repos, ſignifie reduire en memoire les grands
****** "*" benefices de Dieu, comme le myfte
du repos , ß
gnifie reduire rede la mort & paſſion qu'il a enduré en la
in memoire
les benefices
croix pour noſtre redemption » luy en rendre
de Dieu.
graces,l'aymant fur tout,en deteſtant tout pe
ché. Autrement qui feulement faićt la feste en
ces trois chofes, en oyfiueté, en aornemens de
veſtemens,& en viure magnifiquement, & mi
gnonnement, au iour du repos, fans faire leur
intelligếce mystique &fpirituelle fignificatiố:
telfaićt les feſtes non autrement que les Huifs.
Car il fabbatiſe. Et aucunefois par plus grand
crime. Car telle choſe peuuent faire les
Turcs, & Gentils, larrons,meurtriers,vfuriers,
blaſphemateurs,paillards,gourmands, yuron
gnes, faux tefmoings, pecheurs,& pechereffes:
& pluſieurs font qui ieufnenten pain, & en
eau, au iour de la vigile, & au iour de la feſte,
ils font addonnez à gourmander,& yurongner.
Et par ce moyen la vigile eſt mieux celebree
que non pas le meſme iour de la feste. Auf
quels feroit meilleur au iour de feſte labou
rer, que mortellement offenfer. Car ce font
les iours aufquels les Chreſtiens ſe doyuent
pacifier auec Dieu, & reconcilier auec leurs
prochains. Nous deuons delaiſfer toute malice,
& de tout noſtre coeur retourner à Dieu no
ftre Createur. Plus nous departons de luy
fans penſer que: Qui elongant/? ab eo, peribunt.
Ceux qui s'eſloignent de Dieu periront,& leur
nom fera effacé du liure de vie. Et pource
Dieu
/

ocTAv ES DEs R o Y s. I 43
Dieu a en haine nos feſtes, & elles luy font abo
minables. Et Dieu reprochoit cecy par Efaye: E/2.r.
Incenſum abominatio est mihi,iniqui funt catus ve
fri. Vos facrifices me font en abomination,
vos aſſemblees font mefchantes , & dit Amos: Amos s.
0dic proiecifestiuitates vestras.I'ay hay & reiet
té vos feſtes. Car vos aflemblees font meſ- -

chantes, & nos aduerſaires à fçauoir les dia


bles, nous voyamt, ont en deriſion & grande
mocquerie nos feſtes & folennitez. Et par
ainſi nous viuons comme ſi nos feſtes eſtoyent
ſeulement instituees pour le plaifir de la chair.
Et toutefois elles font inſtituees pour prier,
louër, & magnifier Dieu, pour l'exaltation de
fon nom : pour la confolation de nòs pro
chains, & pour le falut de nos ames. Item les ! g
peres & meres peuuent icy recueillir vn ad-
uertillement falutaire, cóme ils doyuent nour-instruireleur,
tir & enfeigner leurs enfans,à l'exemple de Io-enfans, &
fph & Marie,
Ieſusau temple.quiAufquels
meinent enfansils
leur ieunedoyuent
enfant (07/07% erat, º
ſpecialement trois choſes : A fçauoir nourri
ture corporelle , doćtrine de falut, & bonne
vie exemplaire. Premierement nourriture , &
les choſes neceſſaires à la vie corporelle, com- ,
medit Ieſus Chriſt. Nostis bona data dare filijs Luc.rr.
vefiris. Vous fçauez donner les bonnes cho Hebr.rz.
ſes à vos enfans. Ce que l'Apostre appelle
theſaurizer aux enfans. Secondement les pe
res doyuent à leurs enfans doćtrine de falut,
leur enſeigner ou faire enfeigner la loy de
Dieu,
I44 D 1 M E N C H E E Z

Dieu, la foy Catholique,l'amour & crainte de


Dieu dés leur enfance comme feit l'ancien
rok.r. Tobie,& abſtenir de tout peché. Wide in li pro
bationis ſacramentorum primo lib. Finablement
exemple de bonne vie,de vertus,de faincte cő
uerſation & charité , laquelle eſt vtile à toute
Erhºf“ choſe. Carce qu'ils voyent faire aux peres &
meres, ils ont opinió qu'illeur eſt licite de fai
re,& facillement le reçoyuent en exemple. Et
2.Tim.“. que les peres & meres fachent, qu'ils font au
tant dignes de mort: comme ils ont faićt de
fcandalles, & æuures de perdition, en la pre
fence de leurs enfans. Mais que diray-ie des
peres, qui voyent leurs enfans pecher & offen
cer Dieu mortellemét, & auec eux doucement
arlent, ou bien excuſer leurs excez & diffo
, & qui pis eſt, fe refiouyr auec eux de
leurs pechez, iuſques à nourrir des paillardes
en leurs maiſons pour leurs propres enfans,
non contens de leur damnation , mais auec
eux meinent à perpetuelle confuſion & eter
*****' nelle damnation leurs propres enfans. Si Heli
a eſté puny pour n'auoir corrigé fes enfans,
comme teſmoigne l'Eſcriture, que fera-ce de
ces meſchans peres? veu que Ieſus Chriſt pro
Matth. 1s.teste qu'il vaudroit mieux eſtre ietté en la
mer,que de ſcandalizer yn enfant ? quiconque
foit celuy qui le fcandalize. Ils en maudiront
vne fois l'heure s'ils ne font penitence,& Dieu
ne leur faićł mifericorde. Cars'ils voyent leurs
enfans humbles,deuots,amateurs des pauures,
/ paci
o c r a v E s d e s R o vs. 145
acifiques, debonnaires, meſpriſans le mon
de , & les chofes qui font au monde, feruans à
Dieưen toute fimplicité de coeur: viure ſobre
ment,iuſtement, & deuotement: fuyr la com
aignie desperuers,frequenter les Egliſes,fuyr , ,
occaſions des lacs, & liens de peché, ils font
triſtes,& les accuſent:difant qu’ils font deshon
neur à leur lignee, & qu’ils ne valent rien, &
fouuent les maudiilent, en defirant leur mort,
plus aymant vn meurtrier Cain , qu'vn iufte
Abel: vn Iſmaël bastard, qu’vn legitime Iſaac:
estimans plus vn mefchant & prophane Eſaü,
qu’vn bening & bon Iacob. Ils ayment mieux
vn Iudas traiſtre & defloyal,qu’vn fainćt Iean
fidelle,& loyal.Ainſi les venimeux ferpens en-
gendrent autres ferpens venimeux à eux fem
blables. Et comme dit le prouerbe Latin : Ex
malo coruo, malum ouum. De mauuais corbeau,
vient toufiours mauuais oeuf.Les loups,engen
drent les loups:les regnards,desregnards:& les
noirs corbeaux, engendrent des autres noirs
corbeaux. Et tout ainſi que fi la racine eſt bon
ne, auſſi font les rameaux. Car vn chacun ar
bre felon fon eſpece produit fruićt à luy fem
blable, felon que dit Ieſus Chriſt: Non potest Matth. 7.
arbor mala bonos fructus facere. Ainſi commu Les bös peres
nément des bons, iuſtes, fainćts peres,& me aucunefois
res, fontengendrez bons enfans,iuſtes,fainćts, engendritdes
mauuais en
& craignans Dieu : ie dis communément. fans , G au
Car quelques fruićts d'vn bon arbre pour contraire.
riffent : les autres font rongez par les vers,
146 D I M E N C H E E S

& font faićts inutiles : & les roſes rouges &


vermeilles comme fang , ou bien blanches
comme neige, naiflent des eſpines,& des ron
fes poignantes. Ainfi Adam a eu vn bon &
deuot Abel:auffi vn mauuais & meurtrier fan
Gene/.2 r.” Cain. Le iuſte Noé a eu de bons en
ans,& vn mefchant & maudit Cham. Le bon
Abraham a engendré vnbon Iſaac, & vn meſ
chant Iſmaël. Le bon Iſaac a receu de fa fem
me & d’vne ventree,vn fainćt Iacob,& vn pro
phane Eſaü. Iacob entre douze enfans maſles,
a plus aymé fon fils innocent Ioſeph , que les
autres. Les enfans du Prophete Samuel com
me fruićts aigres, & pourris,
font fortis d'vn
r. Rfg.2. bon & bien-heureux arbre. Le bon Ezechias
d’vnpere cruel, & mefchant Roy , comme
2. Reg.rs. Achab. Le bon Roy Iofias qui feift bruſler
les foreſts où estoyent exercez les idolatries,
& remeiſt la loy de Dieu en fa premie
4. Reg.2 r. re eur, & naïfue vigueur: toutefois il eſtoit
nay d'vn meſchant pere, nommé Amon. Le
Iudicum ir bon Iephté fut nay d’vne meſchấte mere,& vi
laine paillarde. Et par là nous voyons qu'au
les bons peres,& meres, engendrent
enfans inutiles,& meſchans. Et au contraire,
les mauuais peres & meres,en engendrent des
iuſtes & craignans Dieu. Reuenons maintenát
à l'histoire de nostre Euangile : Conſummatis
diebus. Lesiours accomplis qu'ils retournoyent
en Nazareth : Remanfit puer Iesta, L’enfant Ie
fus eſt demeuré en Hieruſalem , non par cas
fortuit
O C T A. D E S R O Y S. 147
fortuit, ou parignorance, mais par propre deſ
fein, & de fa treſſainćte volonté & prouiden
ce diuine. Ethon cognoueruntparentes eius,Et fes reste est de
ere & mere ne s'en apperceurentpoint.L'en
/ - B

Ieſus eſt demeuré en Hieruſalem, pour ,


pluſieurs raiſons. La premiere pour commen- *

cerà demonſtrer fa fapience, pour l'exaltation


de la gloire defon pere celeſte. Secondement
pour enſeigner & donner exemple à tous les
enfans des hommes, de frequenter le temple
de Dieu, exercer le diuin feruice & les ceu-
ures de Dieu. Tiercement pour enfeigner aux
enfans, que la chofe eſt licite, pour l'amour
d'vn profit ſpirituel, de laiffer les parens char
nels,ſelon que dit l'Euangile : Nifiquis odio ha- Matt.ro.
buerit patrem & matrem propter me, non est me
dignus,Si quelqu’vn ne hait fon pere & fa mere
pour l'amour de moy, il n'eſt pas digne de
moy. Et pour demonſtrer que ceſte dureté
& afpreté enuers les peres & meres, eſt gran
de vertu enuers Dieu: & telle inobedience en
uers les hommes, eſt grande obedience enuers
Dieu. Or que loſeph & Marie ne s'apperceu
rent pas que l'enfant Ieſus fuſt demeuré en
Hieruſalem , n'est pas fans myſtere. Car ceux
quialloyent à la follennité de Paſques en Hie
ruſalem, leshommes eſtoyent à part, & ſepa
rez des femmes. Semblablement les femmes ·
alloyent & reuenoyent enfemble,ſeparees des
hommes,pour plus religieuſement, honneſte
ment , & deuotement celebrer la feſte. Mais
K 2
148 D I M E N C H E E S -

les enfans indifferemment pouuoyent aller en


la compagnie des hommes ou des femmes.
Ioſeph penſoit que l'enfant Ieſus eſtoit en la
compagnie des femmes, & Marie penſoit que
l'enfant eſtoit en la compagnie des hommes:
ainfi s’en retournerent à la maifon.Et par ceſte
occaſion il eſtaduenu que Ioſeph & Marie ne
s'apperceurent pas que Ieſus fuſt demeuré en
Hieruſalem. Existimantes illum effe in comitatu.
Eſtimans qu'il eſtoit en la compagnie, ils alle
rent le chemin d’vne iournee, & le cherchoyết
entre les parens & cogneus. Et non inuenientes
regrefi /int in Hieruſalem,requirētes eum. Et quãd
ils ne le trouuerent point , ils retournerent en
Hieruſalem le cherchất. Et faſium est post triduā
inuenerunt illum in templo fedentë in medio dočto
rum , &c. Et aduint trois iours apres qu’ils le
trouuerent au temple , affisau milieu des do
ćteurs, les eſcourant & interrogant. Et tous
ceux qui l’oyoyent s'eſbahiſſoyent de fon in
telligence, & de fes reſponſes. Et quand ils le
veirent,ils s'eſmerueillerent, & fa mere luy dit:
Mon enfant pourquoy nous as tu faićt ainfi?
voyciton pere & moy dolens,te cherchions. Et
il leur dit:quid est quod me querebatis?nefciebatis,
quia in his que patris mei funt, oportet me effe?
Pourquoy eſt-ce que vous me cherchezène fça
uez vous pas qu'il me faut eſtre és choſes qui
font de mon pere ? Et ils n'entendirent pas la
parole qu'il leur dift,& deſcếdit auecques eux,
& vint en Nazareth, & eſtoit ſubiećt à eux.
Par
o c r. D e s R o y s. 149
Par le narré fufdićt, nous auons deux choſes à
confiderer : à fçauoir la douleur de noſtre Da
me, quand elle a perdu fon ènfant : & fa con-
folation quand elle l'a trouué au temple. Pre- ,
mierement nous faut confiderer la douleuri, Vierge.
de noſtre Dame estre grande pour l'abſence
de fon fils, pour trois raiſons. La premiere, La douleur
pour raiſon du petit enfant fus lequel elle “erºst“
auoit compaſion pour l'indigence & neceſ
fité qu'il pouuoit fouffrir & endurer quant à .
l'humanité. Alors diſoit la Vierge,ſelon ſainćt
Bernard, regretant fon fils: O bon Ieſus du
rant ces trois iours que ie ne vous ay veu, où
eſtiez-vous,oùhabitiez vous? qui vous a admi
niſtré à boire & à manger? Ie penſe, mon en
fant; que pour vous conformer à vos freres
qui font les humains quant à pauureté & ne
ceſſité, que viuiez comme par maniere d'au
moſne , & de ce que vous eſtoit donné. O ad
mirable humilité de noſtre Dieu ! Celuy qui
nourrist vn million d'Anges & d’hommes, de
la cuiſine duquel font refećtiốnez les oyſeaux
en l'air,& poiſſons en la mer,& animaux ſur la
terre, n'eſt nourry finon de ce qui luy eſt ad
miniſtré paraumoſne. La ſeconderaiſon de la
douleur de noſtre Dame, pouuoit eſtre pour
foy-meſme, partant qu'on voit volontiers ce
qu'on ayme:& l'on vit en deſplaifance, quand --
on est fruſtré de la viſion de ce qu'on ayme. En ::
telle façon eſtoit nostre Dame, qui tant ay-
moit fon cher enfant, qu’à maniere de par
3
\
15o . . . D 1 M E NcH E Es
lerne le voit pas à demi. Et quand elle l'a per
du trois iours,elle auoit crainćte que plus ne re
couuraft la veuë de fon enfant tát defiré,eſtant
priuee de la viſion de fon fils, dont le regard
eſtoit fi gracieux & delećtable. Quant à ce que
noſtre Seigneur fut trouué apres trois iours,
fainćt Ambroife penfe que cela fignifiaſt que
apres auoir eſté caché en terre troisiours, il re
fuſciteroit.Vt effet indicio, dit-il, quia post triduữ
triumphalis illiupaſionisfideinostrafe reſurrečiu
rum estenderet. O Vierge des vierges, fi telle eft
voſtre douleur pour ne voir vostre enfant trois
iours, que ſera-ce le iour du vendredy beneiſt,
quand le verrez pendu en vn gibet à la haute
montaigne de Caluaire, reſpandất ſon fang de
toutes parts?& puis quandil fera mis au ſepul
chre, que ferez trois iours fans le voir?La tier-
ce raiſon de la douleur de la Vierge,estoit pour
ła crainćte qu'elle auoit des enfans d'Herode,
entre leſquels eſtoit Archelaus qui regnoit,de
peur qui ne fuſt faićt à fon fils ce que luyauoit
machiné le cruel Herode, à fçauoir de le faire
mourir. En ces peines & douleurs eſtant la
Vierge ne prend ny repos,ny n'a bő iour,
ny bonne nuićt,iuſquesà tant qu’elle ayt trou
ué Ieſus ſon cher enfant, vray eſpoux & amy.
Nous enſeignans par ceft exemple que nous
On doit eher
cherchions Ieſus noſtre falut, quand nous l'a
cher Ieſus
pour le trou uons perdu par noſtre demerite & peché. Et
se er, G’ com la maniere de le chercher pour le trouuer à la
zm ehf,
fin, c'est le chercher en pleurs & larmes & dou
* - - leurs
o c r A v E s d E s R o Y s. 15 i
leurs de coeur, le chercher auec toute diligen
ce,& promptitude de noſtre cốuerſation.Com- similitude de
me celuy qui cherche quelque bague,ouaneau % bague per
3 • - i s * ue, G’ de la
qu'ila perdu, ilapplique ſon oilà regarder, la
main & le pied à remuer ce qui eſt en la place dien.
où il estime qu'il a perdu ſa bague, & n'eſt pas
muet qu'il ne s'enqueſte à ceux qu'il rencon
tre s’ils en fçauent des nouuelles. En telle fa
çon doit le pecheur faire, qui a perdu la gra
ce de Dieu, la cherchant en toute diligence
auec l'oeil, regardant la vie des Sainćts qu’ils
ont menee, pour aller en Paradis: & comment
ils ont faict penitence apresleurs pechez. Ain
fi nous admonneſte le Sage, difant: Fili fpec
casti, ne tardes conuertiad dominum. As-tu pe
ché, mon enfant , ne tardes à te conuertir à *

Dieu. Comme Dauid, SainćtPierre, la Mag


daleine, Auec l'oeil, il faut la main de bon
ne oeuure, & fainćte operation, & le pied de , !
bonne affećtion, & argner fa parolle pour -

demander conſeil falut, à ceux dont


on penſe en fçauoir des nouuelles. Voylà la
maniere de chercher la grace de noſtre Sei
gneur, enfuyuant la Vierge & mere de Dieu
Marie. Voyons maintenant de la ioye & con
folation qu'elle a eu quand elle l'a trouué,
non au marché, ny aux ſpectacles des mon
dains:mais au Temple, au milieu desDoćteurs,
Dit donc la Vierge à nostre Seigneur : Fili
mi. Mon fils, pourquoy nous as tu faićt ain
fi? Eccepater tuus,& ego dolentes quarebamu te,
K 4
151 D1M eN cH e es
Voyci ton pere & moy dolens, te cherchions.
---- -
La Vierge avfé d'authorité maternelle, quand
elle a appellé le Fils de Dieu fon fils felon l'hu
manité, qui felon la diuinité eſt le Fils du Pere
eternel, qui toutefois n'eſt qu’vn Fils de Dieu,
& de la Vierge: Qui fecisti nobisfic? Pourquoy
nous as-tu faict ainfi? La Vierge ne tance pas
fon fils, & n’eſt point ceſte parolle increpatoi
re:mais interrogatoire. Elle demande fçauoir la
cauſe pourquoy trois iours il s’eſt foubſtrait
d'elle. Et faiſant honneur à fon mary Ioſephs
le nomme premier, fous le titre de pere sà fin
que les Iuifs n’estimaffent fon fils eſtre illegi
time. Combien que Ioſeph ne fuſt que pere
putatif,& nutritif: ton pere & moy dolens, te
La Vierge cherchions. Nous ne liſons point aux Euangi
n'appella onc les que la Vierge iamaisait appellé Ieſus
ques Ieſus fon
fils qu’à ceste , quandadres fa douleur a
fils , que vne
fois. esté confolee au temple, à
fin que noſtre eſpe
rance foit plus ferme en Dieu , & en la Vier
ge Marie. Car de fon enfant ne peut eſtre de
laistee, ou eſconduite. Il eſt toufiours fils, &
elle eſt toufiours mere. Or oyons maintenant
la reſponſe de Ieſus à fa mere: Quid est quod
me querebatis ? nestiebatis quia in his que patris
mei funt, oportet me effe ? Pourquoy eſt-ce que
vous me cherchez? Ne fçauez-vous pas qu'il
rne faut eſtre és oeuures de mon Pere ? Com
me diſant : Ioſeph n'est pas mon pere , s'il
euſt esté mon pere, ie fuiſſe demeuré en fa
maiſon:mais Dieu mon Pere est eternel, pour
. . ' ta Ilt

V
o c T A v E s D E s R o Y s. 153
tant fuis-ie demeuré en fa maiſon. Nous mon
ftrant toutefois exemple d'eſtre obeyſſans à
nos peres & meres, eſt deſcendu en Nazareth,
& s'eſt rendu obeyſſant à eux. Quidni magifter
virtutis officium pietatis impleret ? & miramurf?
atri defert,qui fubditus est matri? dit fainćt Am
fur ce lieu:Comment euſt-il eſté le mai
ſtre de vertu, s'il n'euft donné exemple depie
té ? Et nous eſmerueillons-nous s'il defere à
fon pere, puis qu'il obeyst à fa mere ? Ce qu’il
dit contre les Arriens. Vovlà la Vierge à qui d obefines
eſt ſubiećt & obeystant , celuy qui eſt le Sei- :
gneur de tous, à qui toute creature eſt ſubie-mere, reze
čte. Et fa mere conferuoit toutes ces parolles ple de Ife.
en fon coeur, comme vn threfor precieux,& de
prix
state,ineſtimable. Et Deum
& gratia apud Ieſus proficiebat
& homines.ſapientia,ớ-
Et Ieſus :p -
profitoit en ſapience,non pas quantà foy-meſ
me (car dés l'inſtant de fa conception, il a esté en er dien.
réply
& desdeſept
l'eſprit
donsdedufapience,&
S. Eſprit) d’entendement, e lecomment.
mais il a profité E9" hänet,
CI1 aux autres.Tout ainſi que nous di- similitudedu
fons,le maiſtre fait grand profit aux eſcholles, "aire /
cholle, G’ de
quand fes eſcholiers profitent fous luy, en do- l'ëfant Ieſus.
ćtrine, & erudition. Secondement,pource que
de plus en plusila enſeigné , & demonſtré, a
uecques augmentation de ſon corps, la fapien
ce de laquelle il eſtoit toufiours plein. Et par
ce moyen il fembloitaux hommes profiterpar
continuelle augmentation de fapience. Tier
cement, il profitoit par maniere d'experien
F
134 : D I M E N C H E E S

ce. Et pource il s'exerçoit continuellement aux


aćtes de fapiếce.Il profitoit auſſi en aage vraye
ment, & reallement,en augmentation de corps.
Il eſtoit auſſi dés l'inſtant de fa conception
plein de grace : & en icelle il n'a point profi
té quant a foy-meſme: mais il a profité en fes
( membres, pource que de plus en plus eſtoit
grande , & abondante la communication de
es graces felon ſa volonté, de laquelle il pro
fitoit, Apud Deum & homines. Enuers Dieu,
& les hommes, c'eſt à dire, pour la gloire de
Dieu, & pour le falut des hommes. Voylà
º"/"pour l'Euangile d'auiourd’huy. Prions noſtre
“ bon Dieu & Pere tout puiſſant, nous donner la
grace que nous puiſſions obſeruer les bonnes
& fainćtes couſtumes, leſquelles ont force &
vigueur de la loy,que le Fils de Dieu,les fainćts
Apoſtres; noſtre fainéte mere l'Eglife, les an
ciens & fainćts Peres de nostre foy partans de
ces fiecles ont obſerué : & que nous puiſſions
auffi deuotement & reueremment celebrer les
feſtes & folénitez, à l'exemple de Ieſus Chriſt,
, de fa mere Marie, & de Ioſeph fon pere nutri
, tif, pour nous pacifierauec noſtre Seigneur, &
nous reconcilier auec nos prochains,en delaiſ
fant toute malice, de tout noſtre coeur retour
nerà Dieu, & Createur, frequenter les Tem
ples de Dieu, auec confeſſion de loüange,en a
ction de graces,& exhibition de loüange,ouyr
la fainćte parolle de Dieu, la retenir , hono
rer, & mettre en effećt, ouyr le fainćt & falu
- ta1IC
o c r A. D E s R o ys. 155
taire ſacrifice de la Meſſe, ſacrifier nos coeurs,
.'
nos corps,nos ames,& nos biés à noſtre Dieu&
createur:& que les peres & meres à l'exếple de
S.Ioſeph&la Vierge,puiſſent nourrir & enfei
gner leurs enfans à la doćtrine defalut,amour,
& crainćte de Dieu,&s'abſtenir de tout peché,
en leur dốnant exemple de vertu,de bonnevie,
fainćte cốuerſation & charité:& qu'à l'exếple
de Ioſeph & de Marie nous puiſſions chercher
& trouuer Ieſus Chriſt quãd nous l'aurós per
du par peché,en pleurs &larmes, & douleur de
cæur,auec toute diligence & prőptitude de no
ftre conuerfion, auec l'oeil regarder la vie des
fainćts,laquelle ils ont mené pour aller en pa
radis,auec la main des bőnes oeuures,lepied de
bonne affećtiő, & laparolle pour demấder cő
feil ſur noſtre falut à ceux d'où nous penſons
en fçauoir des nouuelles:& que nouspuiſſions.
en fapience & graces vers Dieu & les
hőmes:c'eſtà dire,pour l'exaltation de la gloire
de Dieu,pour l'edification de nos prochains, &
pour le falut de nos ames. Nostre Dieu parfa. - * * * .:

bonté nous en donne à tous la grace.Amen. 4.

PR E MI E R D IM EN CHE A PRE s
1. E s o c T a v e s d e s R o ys. . . '
Vptie fatte/unt in Cana Galilee, eộ Ioan.2.
erat mater Iefà ibi : vocatus estau
tem Iesta & diſcipuli eius ad nuptias.
Nopces furent faićtes en Cana de .
- Galilee
156 1. d 1 M E N c H E A P R E s
Galilee, & la mere de Ieſus y eſtoit. Et Ieſus
fut auſſi appellé aux nopces & fes diſciples.
Notire sei Ieſus Chriſt a voulu affifter aux nopces, pour
u affisteraux pluſieurs raiſons, que vous trouuerez en no
* - - / - - -

ître liure intitulé, Probation des faincts Sacre


quoy. mens, au chapitre difeptieſme du Sainćt ma
riage. Et quand il a eſté inſtitué, & comment
il doit eſtre celebré, comment les mariez fe
doyuent gouuerner en leurs mariages. Lequel
est repreſentatif de l'vnion de Ieſus Chriſt, &
de ſon eſpouſe l'Eglife , les biens qui pro
cedent du mariage : defquelles fuſdićtes cho
fes m'estudiant à brefueté, ie m’en deporte
ray, & pourſuiuray le fil de noſtre Euangile.
Et erat mater Ieſu ibi. Et la mere de Ieſus y
eſtoit. . Icy nous voyons que les anciens &
)
fainćts Peres de noſtre foy celebroyent les ma
riages , auec folennité : & en preſence de plu
Mariages ſieurs tefmoins. Car fouuent il aduient que
fins les mariages clandestins, ſecrets , & cachez
“”“”“-
„, , „ , ne paruiennent
paruie point
int à bonne fin. Item no UlS
, , , , voyons icy que les anciens auoyent ceſte bon
yffur. ne couſtume que les honneſtes matrones fem
mes honorables eſtoyent inuitees aux nopces,
à fin que leur reſpećt & exemple les ef
pouſes fustent façonnees & inſtruićtes à l'hon
neſteté de vertu : entre leſquelles le vray mi
rouër & vraye image de vertu reluiſoit:à fça
uoir la trellacree & trefdigne mere de .
Ieſus fut appellé & fes diſciples aux nopces.
Et deficiente vino, & quand le vin defaillit:
ee : ... icy
L E S O C T. , D E S R O Y S. 157
icy clairement nous voyons que ces nopces
eſtoyent
Chriſt y adevoulu
pauures gens,
aſſiſter. Ce&qu'il
toutefois
a faićt Ieſus
pour í -

ffer

donner exemple aux riches, qu'ils ne deſdai- .


gnent ou mefpriſent les pauures. Vous co-urés à revem
gnoiſfez la grace de Ieſus Christ qui s’est faićt ple de Ieſia.
pauure pour vous, combien qu'il fuſt riche, à
fin que par ſa pauureté vous fuffiez enrichis. ""“
Mestrefchers freres, Dieu a efleu les pauures
de ce monde , qui font riches en foy , & heri
tiers du Royaume , lequel il a promis à ceux
qui l'ayment. Dixit mater Iest ad eum , zinum
non habent. Et la mere de Ieſus luy dit : ils
n'ont point de vin. Nous lifons en l'Euangile
que Ieſus a proferé ſept parolles en la croix. Et
à ſon , nous lifons és faincts Euangi
les, que la Vierge a proferé parolles fäín- sept parate,
des & de grande edification, leſquelles fontà aque la rierze
Dieu, aux Anges, & aux hommes plaiſantes proferé.
à ouyr: deſquelles il y en a trois qu’elle a di
ćtesà Dieu, deux à l'Ange,& deux à l'homme:
pour nous donner exemple de plus parler à
Dieu en oraiſon , en loüange de fon fainét
nom , que nous amufer de parler ou de babil
lerau monde. La premiere parolle qu'elle a di
(te à Dieu,a esté pleine de graces & loüanges,
comme nous lifons en fainét Luc. C’eſtoit tue.r.
quand fa coufine Elizabeth l'exaltoit & loüoit,
elle reſpond : Magnificat anima mea dominum,
Moname magnifie Dieu. Auquel cantique la
vierge affigne & attribue à Dieu loüanges
C
158 I. D I M E N C H E E S

le remerciant des dons & graces que Elizabeth


prefchoit eſtre en elle.Cela nous enfeigne que
s'ıl y a quelque chofe de bon en nous, nous le
deuons referer à Dieu,qui en eſt l'autheur,col
lateur & distributeur. La feconde parolle que
nous liſons en l'Euangile, que noſtre Dame a
dićte à Dieu, a eſté de lamentation, quand en
l'aage de douze ans fon fils fut perdu l'eſpace
de troisiours, & trouué au temple : durant le
quel temps en douleur le cherchoit, & apres
l'auoir trouué,luy dit : Fili mi,quid fecisti nobis?
Mon fils pourquoy nous as tu faićt ainfi? ego &
pater dolentes quærebamuste,ton pere & moy do
lents te cherchions.Par laquelle parolle il nous
est donné exếple de chercher Dieu en douleur
de coeur, quand l'auons perdu par noſtre pe
ché:Et ainſi nous le trouuerons. La troifieſme
parolle a eſté pleine de grande compaſſion,
quand elle veit aux nopces la grande pauure
té & defaillance de vin , lors elle dit à ſon
fils:Vinum non habent.lls n'ont point de vin. De
ceſte parole nous pouuons retirer pluſieurs ad
48*ertiff- uertiffemens Chrêſtiens & falutaires. Premie
ment aux ri
ches. rement la Vierge non priee elle prie fon fils
vouloir fecourir & fubuenir à la pauureté des
pauures eſpoux & eſpoufee, à fin qu'ils ne fuſ
fent confus pour la defaillance du vin. A fon
exemple doyuent les riches de ce monde, qui
Aduertiffe poſſedent les richeffes & cheuances terrien
373 ezz f a te.x: nes, combien qu'ils ne foyent priez, fubuenir
suures. & fecourir à l'indigence des P
-
pauures. Autre
d
3.
O C T A V E S D E S R O Y S. Iý9
aduertiſſement pour les pauures, qui font def- /
poüillez des biens de ce monde,& qui ne peu
uent fecourirà la neceſſité de leurs prochains,à
l'exếple de la vierge Marie,ils doyuết implorer
l'ayde des riches , pour confoler les pauures.
Autre aduertiſſement aux meres de famille,leſ Aduertiffe
mēt aux me
quelles doyuent prier leurs marys eſtre miferi res de famille,
cordieux aux pauures, & leur declarer la neceſ
fité d'iceux,iuſques à tất qu'il foit par leurſdits
marys pourueu & fecouru à l'indigécedes pau
ures. A l'exếple de la Vierge,laquelle humble
ment ſupplie ſon eſpoux Ieſus Chriſt vouloir
fubuenir à l'indigéce des pauures maryez. Voy
là les trois parolles que nous lifons en l'Euấgile
įla Vierge a dit à Dieu. La quatrieſme parolle
qui eſt la premiere dićte à l'Ange , eſt pleine
d'honnesteté, & pudicité virginale : à fçauoir Luc. r.
quand elle dit: Quomodo fiet istud, quoniā virum
non cognoſco? Cőment fe pourra faire ce que tu
m'annonce,ô Archange Gabriel? ie ne cognoy
point l'homme, & n'ay point vouloir de le co
gnoiſtre. Nouslaiſſant exếple d'vfer de parolles
pudiques & hőneſtes en noſtre langage.La cin
quieſme parolle a esté fondee en humilité, quãd
exprimant fon confentement elle dit à l'Ange: Luc.r.
Ecce ancilla Domini fiat mihi fecundă verbii tuum,
Voycila feruấte du Seigneur, me foit faićt felő
ta parolle.Eſquelles parolles s'appellát chãbrie
re, qui eſtoit eſpouſe de Dieu le Pere, & efleuë
pour eſtre la mere du fils de Dieu,& le facraire
du S.Eſprit, & cőſequemmết Royne des cieux,
Dame
16o - I. D I M E N C H E A P R E S

Dame,& Regente du monde, Imperatrice des


Anges,nousa laiſſé vn bel exemple d'humilité.
La fixieſme parolle qui eſt la premiere qu’elle
a dićte à l'homme,est pleine de charité, & dile
ćtion,quand elle entra en la maiſon de Zacha
rie,& falua Elizabeth. L'Euấgeliſte n’exprime
point quelle a eſté ceſte parolle de falutation:
feulement il dit qu'à la voix de fa falutation
l’enfant treffaillit de ioye au ventre.Nous laiſ
fant exếple de faluër l'vn l'autre du falut Chre
ftien.Car Dieu a donné telle vertu & efficace à
t la falutation Chreſtienne,qu'elle reconcilie les
parties differentes,& regaigne l'amour,& paix,
|| |
au parauant perduë. La ſeptieſme & derniere
parolle dićte à l'hőme, eine d'obeyſſance,
& inſtruction , quand en l'Euangile d'auiour
d'huy , il eſt dićt q la Vierge dit aux feruiteurs:
Quodcunque dixerit vobis,feruate & facite. Tout
ce que vous dira mon fils Ieſus,gardez-le,& le
faićtes par oeuure. Or combien eſtfalutaire ce
fte doćtrine ! O que nous fommes biế-heureux
fi nous l'obſeruons bien:c'eſtà fçauoir gardans
les commandemens de Dieu en noſtre memoi
re, & les obſeruans par ceuures exterieures. A
fon exemple,nous deuons donner à noſtre pro
chain bonnes & falutaires inſtrućtions, & in
formations de bien viure, & obeyr à Dieu.Re
tournons au texte de noſtre Euangile, où il
eſt dit , quand noſtre Dame manifeſte à fon
Ha“ fi**** fils la deffaillance du vin, difant:Vinum non ha
“"“ bent. İls n'ont point de vin, Ieſus fontaine de
* - bonté,
L E S O c T. ; B E S R O Y Sr 161
bonté, abyſme de miſericorde , benignité in
deficiente , fleur laquelle ne fleſtrit iamais,
mer & plenitude de toute douceur , fur
montant toute conſolation , n'est pas offen
fé de la priere de fa mere, laquelle redar
gue point , ains appreuue ſon affećtionnee
compaſſion. De forte qui nous ne fçaurions
nous efmerueiller aflez de certains hereti
ques d'auiourd'huy , que diſent que la Vier
ge prouoquoit fon fils à faire miracle, com
me vne femme glorieuſe ; å fin qu'elle fust
loüee d'eſtre mere d’vn tel fils. Car la charité,
au contraire, la contraignoit à faire requeſte
à noſtre Seigneur. Ieſus reſpond : quid mihi & ' ? "
tibi mulier? nondum venit hora mea. Qu'en eſt-il |e "g/
à moy & à toy femme ; mon heure n'est point -
encore venuë. Pourquoy appelle-il ſa mere re pourquºy.
femme , & non Vierge, ou mere? Reſponſe: Gregor.

Perſonne ne pouuoi croire qu'elle fust Vier :


ge & mere : pourtant il l'appelle femme par Apostoli räe
yn mot general, auquel eſt comprins tout etii ipfflinº
le ſexe feminin, tantieune que vieux. Mais/"*"*"
pourquoy l'appelle-il femme & non mere:
veu que tous fçauoyent bien que c'eſtoit ſa
mere? Auoit-il honte de l'appeller mere,coma
me s'il ne luy vouloit porter cest honneur de
mere ? Reſponſe : C'eſtoit pour obuier, aux
heretiques à aduenir » qui voudroyent dira
qu'il n'auoit pas esté deuant Marie fa mere; ***
& qn’il, auoit, commencé d'eſtre quand il
commença de naiſtre : wisſ:
noſtre:foỳ
1.5 t
J62 I. DIM E N C HE AP R Es |

nous enfeigne qu'il eſt eternellement Dieu


fans commencement & fans fin. Et quand il
dit: Quidmihi & tibi mulier ? qu'en eſt-il à moy
{ & à toy femme ? Il nous donne à entendre
qu'il auoit quelque choſe en foy qu'il n'auoit
pas de fa mere & conſequemment que
il eſtoit plus grand qu'homme. Secondement
pour nous donner à entendre qu'il y a gran
de difference entre Dieu, & les peres naturels.
Ieſus Chriſt en tout & par tout a recogneu la
Vierge pour fa mere , finon quand il falloit
faire les oeuures & charges de Dieu fon pe
*
re:lors il ne cognoiſſoit aucun homme ne fem
me. Et comme voulant dire : Auant que i’aye .
commencé les oeuures de mon pere celeſte,
ie t'ay toufiours obey : mais maintenant que
i'ay commencé leſdićtes oeuures,il me faut en
fuyure fon auctorité, & non celle des hommes.
En toutes autres chofes tu es ma mere, tu me
peux commander : mais quand ie fuis occu
é aux affaires de mon pere celeste, il me faut
pluſtoſt faire fa volonté que celle des hom
mes. Ainſi nous faut-il faire, aymer & obeyrà
:
Dieu par deſſus toutes choſes : en apres obeyr
à nos pere & mere. Mais quand nous parlons
de la foy & des commandernens de Dieu, en
ceſt endroićt nous ne deuons cognoiſtre ne pe
Ast.f.
re ne mere,ſelon que diſoyent les Apostres aux
Iuifs:Oportet magis obedire Deo,quàm hominibus.
Il faut pluſtost obeyr à Dieu, qu'aux hommes.
Tout ainfi que c'eſt choſe certaine que tu of
-- fences
L Es o c r A. D E s R o Y s. 1ố3
fences Dieu mortellemét, en delaiſſantton pe
re, quand l'office de charité & de fubuention ſe
preſente.Ainſi tu offences Dieu mortellement,
fi pour l'amour de tes pere & mere tu meſpriſe
Ieſus Chriſt,& fes commandemés,comme luy
meſme l’a dit en S. Luc: Si quis venit ad me, és kue.re.
non odit patrem, &c. Si aucun vient à moy , & .
ne haiſtion pere & fa mere, fa femme & fes
enfans, fes freres & fæurs, & encores mef
mes foname , il ne peut eſtre mon diſciple: -

Par ceſte reſponſe appellant fa mere femme, il


Il OuS a enſeigner que nul don corpo
rel,nulle prerogatiưe & auantage de la chair, aggreati i
ne nous rend pas meilleurs,ou plus aggreables ? e ſans les
à Dieu,s'ils ne font accompaignez des dős ſpi-***"*""·
rituels, & iustificatifs. C’eſt vn grand don de
Dieu gue prophetie: toutefois Balaam Pº Na»,,.
phetifé, & pour cela il n’a pas eſté meilleur, i
ne plus aggreable à Dieu. Cayphe a prophe- Matth.z.
- tifé. C'eſtauffi vn grand don de pouuoir faire "tatth.2s.
des miracles , & toutefois pluſieurs auec ce
don,oyront au dernier iour du iugement : Non
noui vos. Ie ne vous cognoy point. Virginité
de la chair eſt vn don admirable, & excellent:
toutefois les vierges folles & fottes font enfer
mees dehors.C'eſtoitvn grãd dő que les enfans
de Zebedee furent parens prochains à lefus
Christ parfang,& felon la chair:& toutefois ils
ont ouy:Sedere ad dexteram meă velfinistram, nõ
est meã dare vobis,ſed quib”paratã estàpatre meo.
Ce n’eſt pas à moy de vous donnerce priuilege
2.
164 I. D. I M E N C H E - A P R E S
d'estre affisà ma dextre,ou feneſtre: mais ceux
l'auront, aufquels il eſt appareillé de mon Pe
re. Mais entre les dons corporels, le don des
dons,qui eſt le plus grand, & qui plus grand ne
pourroit estre, c'eſt eſtre mere de Dieu:& tou
tefois ce don corporel n'a rien profité à la Vier
ge, fans les dons iuſtificatifs, & ſpirituels, tef
****' moignát ſa coufine Elizabeth: Beata es que cre
didišři,&c.Tu es bien-heureuſe, non ſeulemết
Foy, speran- P H la mere corporelle de Ieſus
Chriſt:mais pource que tu as creu.Les dons iu:
á in stificatifs,font vraye & viue foy en Ieſus Christ
A featif. ferme eſperance,& ample confiance en fabon
té,& mifericorde, charité ardente. A fçauoir,
aymer Dieu fur toutes choſes pour l'amour &
honneur de luy, & ſon prochain comme foy
meſmes, pour l'amour & honneur de Dieu.
S'enfuyt en nostre Euangile; Nondum venit ho
ramea,Monheure n'eſt pas encores venue. Par
ceſte fentence,les Mathematiciens & Aſtrolo
gues qui font , & encommencent touteschofes
ar l'elećtion des heures, fe font parfocez de
& corroborer leur erreur,comme fi Ie
fus Chriſt ne pouuoit faire-miracle, finon en
certaine heure,& comme ils diſent, par le bon
aſpećt des conſtellations & ſignesdes planettes
& eſtoilles : qui eſt vni abus & erreur, &
Abu des en ce ſe fouruoyent de la verité:car Ieſus Chriſt
Mathem" n'est pas gouuerné par les planettes, ou eſtoil
. les. Ioinćt qu'il eſt leurrećteur,moderateur, &
Az i.a. gouuerneur. Cóme il est eſcrit en S. Matthieu:
: -- Data
r r s o c r A. D E s R o Y s. 16;
Data est mihi omnis potestas in celo ó in terra.
Toute puistance m’est dőnee,tant au ciel, qu’é
la terre. Le temps de faire miracle eſt quand la Tempsopper
gloire de Dieu le commande, la neceſſité des : -
hommes ſe preſente, & la charité le demande. "
Maisla neceſſité encores ne ſepreſentoit,pour
ce que les inuitezaux nopces ne fçauoyent pas
la defaillance du vin. Et pource Ieſus Chriſt a
differé& dilayé le miracle, iuſqu'à tant que
ladićte defaillancë fust à tous plus manifestee, *:
& par conſequét le miracle plūs notoire:Quod
cunque dixerit vobis,facite & feruate.Sa mere dit
aux ministres & feruiteurs, faićtes tout ce qu'il
vous dira,& le gardez fans doubte, retarde
ment,delay,& contradićtion.Certainement la
Vierge mere fçauoit que fon fils gracieux, be- .
neiſt, & mifericordieux, par fapience, vouloit ' , ,
parfa bonté,&pouuoit par fa puiſſance fatisfai
re à ſes defirs & prieres.Cartoufiours luy audit
eſté ſubiećt, & óbeyffant. Ce que nous declare,
fainćt Luc quând il dit : Erat fubditus illis, If Luc.2.
estoir ſubiect à Ioſeph, & à Marie fa mere.Icy ·
penſe auectoy, & repenfe, comme la mere de . .
pitié, aduocare des pauures, ayant compaſſion des
des pauures eſpoux, & eſpouſes , reputant laA
pauữreté des autres eſtre fienne, & propre, a“
prié fon fils vouloir ſubuenir à la paủureté
d'autruy. O Vierge des Vierges fi fu asesté"
d'vn rel courage tant affectionnee pour re-
parer le defaut du vin, fans estre pries: main
tenant quand tu feras pouſſeef" les prie
f; , s ft . - 3
166 1. d1M E N cHE A P R E s
res de tes fidelles & deuots feruiteurs, ne prie
ras-tu point ton trefnifericordieux fils pour
. . . eux? Nous fauons bien que tu as mué &
* * changé de lieu , & de temps : mais auſſi nous
' fauons certainement & aileurément que tu
n'as pas changé d'affection pour prier. Ains
nous fçauons que d'autant plus tu es incli
nee à prier pour nous , que maintenant tu es:
plus heureuſe, plus puiſſante , plus parfaite en
1.cor.is.charité (laquelle ne deſchet iamais) & plusi
prochaine à ton fils pour le ptier pour nous, ,
qui iournellement humblement te fupplions, *
en difant: Sančia Maria mater Dei orapro nobis :
Mart 7. peccatoribus, nunc & in hera mortis. Marie mere,
de Dieu, prie pour nous pauures pecheurs» :
maintenant , & à l'article de la mort. Erant;
Coustume des
Iulfs. autem ibi few hydric,&e. Et fix crushes de pier- i
re eſtoyent miſes là , fclon la purification des ,
Iuifs: leſquelles contenoyent chacune deux i
ou trois meſures, Pharifai enim & Iudai non .
manducantenist crebrò laterint manus tenētes trz-
ditionem feniorum. La couſtume des Iuifs estoit
(teſmoignant monficur Sainćt Marc) que les ,
*: » Phariſiens & les Iuifs ne inangcoyent point,
** * que fouuent ils ne lauallent leurs mains , te-t
nans l'ordonnance des anciens : & retour- ,
nant du marché,s'ils ne font lauez,ilsne inan- :
gent point. Et Ieſus leur dit : Implete hydrias',
aqua, Empliflez les cruches d'eau : & ils lesi,
cmplirentiuſques au haut. Et Ieſus leur dir: -
Hzwrite nunc , g ferte Architricliro, Verfoz ;
- - 1I) al IR
1. E s o c r. d e s R o y s. 167
maintenant, & portez au maistre d'hostel : &
ils luy porterent, Vt autem gušžauit Architricli
nus aquam vinum factam, &c. & quand le mai
ftre d'hoſtel eust gouſté l'eau muee en vin, &
ne fçauoit d'où venoit cela , mais les ferui
teurs le fçauoyent bien, leſquels auoyent puiſé
l'eau : le maiſtre d'hoſtel appelle l'eſpoux &
luy dit: Omnis homoprimùm ponit bonum vinum,
crc. Tout homme, c’eſt à dire, qui veut faire
bonne & ioyeufe chere aux inuitez , il met *

premier le bon vin, & apres qu'ils font en **

yurez, il met lors le pire : mais tu as gardé le Miracle veri,


bon iuſques à ceste heure. , Icy nous faut
confiderer combien ce miracle est defand,
: /ans
* ,
« »

foy, fans ſoupçon de vanité ou de fraude.


Premierement Ieſus Chriſt n'a point faićt ce
miracle fecrettement ou ſeparément deuant
fes diſciples : mais publiquement & en pre
fence de tous les inuitez. Secondementil ne
faićt point ce miracle en vaiſſeaux apparte
nans à vſage de vin, mais en vailleaux appar
tenans à l'vfage d'eau, partant ils s'appellent
Hydries, ab ögar, quod est aqua. Tiercement
il n'y a point vn f : grande abon
dance d'eau qu'il mue en vn , à fin que per
fonne ne ſoupçonnaſt aucune falace estre en
ce miracle. Quartement fes diſciples nerem
plillent point les cruches : mais il comman
de telle charge aux feruiteurs du banquet. ,
Cinquiefmement ny luy, ny fes diſciples, ne
touchent point leſdićtes au . Sixieſme
A 4
168 I. D I M E N C'H ET A P R E SI

ment il commande qu’elles foyent remplies,


vfậue adfùmmum,tant qu'il est poſſible, & que
aucun ne puiſſe douter ou ſoupçonner trom
perie, fineffe, ou caurelle. Septiefmement il
n’affirme point que ce foit vinimais par le tef
moignage du maiſtre d'hoſtel il a voulu que la
verité du miracle paruinſt à la cognoiſſance
des autres : lequeł n’affirme point ce vin eſtre
vulgaire ou commun : ains dit eſtre, Optimum,
Aamirall. ; treſbon. Et qui maintenant pourra calonnier
uerston entre ce tant & excellent miracle, & le rendre ſoup
teE9" Sacrameh
geni çontieux
, , ,
ou doubteux ? Certainement perfon
ta tres. " ne s'il eſt ainfi que la pouldre de la terre, la
Gen. 2. - bouë & fange dont le premier homme a eſté
formé,à eſté conuerty en fang, chair, & os d'A
daní. Vous trouucrez les admirables conuer
fions coritte les Ceniſtes & Sacramentaires en
nostre liure de la Probation des Sacremens, au
chapitre 16.de l'Eucharistie. S'enfuit:Hoc fecit.
initiumfignorum Isfàs. Et tëfus feir ce commen
eement de ſignes en Cana de Galilee, & ma
nifesta fa gloire, & creurent fes diſciples en
hry. A l'exemple deſquels tous vrais & fidel
les Chrestiens doyuent croire fermement en
Đieți,en fa fainćte parole. Et ainfi comme il a
voulu affifter aux nopces pour demonſtrer la
gloire de fa diuinité par le miracle qu'il feit
aufdićtes nopces, pour approuuer, confirmer,
cońfacrer, & farićtificf lê fainćt Sacrement de
ºr"/": mariage,par le moyen de fa prefence: Nous le
prierons qu'il vueille
-i
faite proſperer tous ceux: -

* qui
/
1 e s o c T A. D E s R o y s:
qui font liez & ioinćts en ceſte fainéte allian
ce de mariage, par la grace du Sainćt Eſprit, &
qu’ils puiſſent viure enſemble:non feủlement
d'vn meſme pain & d’vne mefitie viande,mais
auſſi qu'ilsayent enſemble vn meſme coeur, &
meſme volonté, d'vne mutuelle amour, vraye
vnion & concorde, par le moyen de fa fainéte
benedićtion, auec toute purité, & integrité, &
loyauté, & que les parties ne facent aucun tort
l'vn à l'autre: Et par ce moyen vouloir remplir
leurs maiſons, leurs iuſtes entreprinſes & la
beurs de fes fainćtes benedićtions. Et tout ainſi
qu'il a aſſiſté aux nopces,luy plaife inſpirer tou
tes leurs negoces à ſon honneur & gloire, &
qu'à l'exemple de la Vierge laquelle a priéfon
fils de vouloir fecourir & ſubuenirà
ce & neceſſité des pauures efpoux & eſpouſe,
qu’ils ne fustent confus : ainſi les riches de ce
monde qui poſledent les richestes terriennes
vueillent fecourir à l'indigence des pauures
membres de Ieſus Christ:& que par l'intercef
fion de la ſacrée Vierge & mere,nous puiſſions
accomplir le cómandement qu'elle enfeignoit
aux feruiteurs desnopces, difant : Quodcunque
dixerit vobis, fàcire të struate. Tout ce que mon
fils vous dira, gardez-le, & le faićtes. Lequel
eommandement nous puiſſions garder en no
ftre memoire, & le faire par oeuure exterieure,
& que nous puiſſions donner les vns aux autres
bonnes & falutaires inſtructions & reforma
tions de bien viure, pour à perpetuité obeyrà
: , :» L 5
*
4 -

17o 11. d 1 M E N c H E A P R E s
Dieu & fon S.Euangile,& à noſtre fainćte me
re l'Eglife Catholique, accompagnez des dons
fpirituels & iuſtificatifs,à fçauoir vraye foy en
Dieu, ferme eſperance en ſa fainéte mifericor
de & charité ardente,en aymant Dieu pour l'a
mour de luy & nostreprochain,pour l'amour de
Dieu : & que finablement il vueille conuertir
l'eau de triſteſſe en vin de lieffe en fon pais &
paradis celeſte, pour le louer à tout iamais au
fiecle des fiecles, c'est à dire, eternellement.
Amen. . - , , *1 : * " _ ·

S E C ON D D IMENCHE APR E S
L E s o c T A v E s D E s R o Y s. : ?
' '/ i, i “ :- - *- * *
Matth.s.
Mfarc.r. V M defendiffet lestade
J.n.e.r. funt eum turbæ multæ. Quãd Ieſus fut
deſcendu de la mótaigne où ilauoit
* - enſeigné fes Apoſtres les huićt bea
titudes, il deſcend en la vallee pour enfeigner *.

la tourbe & guarir les malades. Cela nous en


feigne que ce n'est pas aſſez à l'homme Chre
ſtien monter par contéplation & oraiſon:il faut
auſſi deſcendre pour oeuures de charité.
Comme bien falutairement nous enfeigne la
Eccle.rz. fapience de Sirach: Vnicuiquemandauit Deus de
proximo/uo. Dieu a donné commandement à vn
chacun de fon prochain. C’eſt choſe bonne &
fainćtede monterpar oraiſon, faincte medita
tion,& celeſte contemplation:maisil faut auſſi
feruirà l'vtilité de ſon prochain.Eſcoute donc
* ques
, , , , i es o cr oss n o Y s. 17r.
ques,ô hőme Chrestien, à l'exếple de ton Chef
Ieſus Chriſt,tu montes quãd tu pries, tu defcés
quand tu fais charité à ton prochain , & quand
auec larmes, pleurs, & douleurs de coeur, tu
plains & pleures la perdition de ton prochain:
& quand tu employe tes forces pour le recueil
lir en la congregation des fidelles, & leredui
re à la cognoillance de Dieu,de la verité, & de
font falut:Cum defcendiffet Iestu demonte. Quád
Ieſus fut deſcendu de la montaigne, pluſieurs
hőmes ſuyuirent,qui l'attendoyent en la defcé
te de la mótaigne.Entre leſquelsestoitvn pau
ure ladre.Et comme dir S.Luc.plein de ladre- ***.r.
rie,& beaucoup de turbes Pre
mierement, les vns pour eſtre gueris de leurs
playes,langueurs,& naladies.Secondemét,les
autres cõme pigeons amiellez & allechez pour pourquoy.
ouyr la douceur de fa faluifiấte doćtrine:Tier
cement,les autres par curiofite,pourvoirles fi
gnes,& miracles. Quartement, autres pour
receuoir les profits de nourriture, & pour mã
ger les pains leſquels parvertu diuine il multi
plioit, Quintement,les autres par enuie, cốme
contradićteurs » pour calomnier ſa doćtrine, & ,
machiner ſa mort.Sixieſinemét,les autres pour
luy adminiſtrer les offices de charité,& les fer
uices d'humanité:Et ecceleprosta veniës, &c.Et
vọicy vn ladre venir qui l'adora. Il fçauoit que
la ladrerie enuers les hommes, & pár voye de
nature estoit incurable:mais enuers Dieu tou
tes chofes ſont poſſibles, comme il est dit en
, f. S.Luc
17z 11. d 1 M E N c'H E A'r R E s
**** S.Luc, Non erit impostibile apud Deum omne ver
bum.Aucune chofe ne fera impoſſible à Dieu.
Ce ladre eſt donc venu auec vne plenitude de
la foy: Accedentem enim ad Deum oportet crede
Heb. 1 r. re; quia est,Ở quod diligentibus fe remunerator fit.
Car il faut que celuy qui vient à Dieu, croye
que Dieu & qu'il eſt remunerateur à ceux
qui l'ayment. Mais ie vous demande par quel
moyen ce ladre pouuoit-il auoirfoy, & confiá
ce que IeſusChriſt le pourroit ou voudroit gua
le.
**"ir“- rireReſponſe.Premierement
eſtoir admirable, & infuſe parlalefoy
dondeducedadre
S. Ef--
prit.Secondemét concèuë & corroboree par la
renommee de la doćtrine de Heſus-Chriſt. Tier-t
cement la confideration de fa propre mifere.
, Quartement l'amour de fa propre ſanté. Quin :
tement la benignité de Ieſus Christ experimé
|
tee.Sexrement les exếples de pluſieurs qui s’en
; retouriioyent fains & guarisien leurs maiſons: , .
le tout conſideré, & ioinćt enſemble, il prend :
xararea, i, fon cours,& refuge à nostréSeigneur Icy nous i
foy. voyons la nature de la foy;laquelle s'appuye & :
fetient ferme en la bonté diuine, & non en fa i
propre iuſtice,ou à ſes merites: mais refere tout
à la mifericorde de Dieu ; comme dit S. Paul: ;
*** Nonpropter opera quafecimus nos,fed per niferi- i |
cordiam/aam faluos mðsfecit II nousa fautiez pâr i *
Luc. / ° frmifericorde,& non par les ættures que nõus : vl

| pourrions auoir faictes. Le Pharifien feiếerifiåt "

à ſa bonté, & comme digne recitoir fes břētis-- |


faićts & merites, Ila cité reietté de Đieư, & |
| & - & au
L E S O c T. . . D E S -, R O YS, 173
au contraire, le Publicain frappant ſon esto
mach, cốme indigne de voir les cieux, prefche,
non fes merites,ains fespechez. Et implorát la
mifericorde de Dieu,il a trouué grace, & mer
cy enuers luy. Ainſi ce ladre
croyoit que IeſusChriſt par ſa ſapience fçauoit,
& par ſa puillance pouuoit, & par ſa bonté
vouloit donner fanté au pauure miferable, & .
languiſſant ladre. Secondemét il eſt venu auec . . . . . .
humilité de coeur,car il eſt dit : Adorabat eum, . . . . . .
Il l'adoroit.Tiercementil est venu auecoraiſon
de bouche,difant:Dominestvis potes me munda
re. Seigneur,fitu veux, tu me peux nettoyer,
Il adore Ieſus Chriſt comme Dieu. Il le prie
comme Pere de toute mifericorde , & con
folation, en vraye foy. Il dit, Seigneur , en la
puiſſance duquel font toutes choſes, qui fait h.f.,,,.
toutes choſes,tant au ciel,qu'en la terre Fen la pſát .
mer, & en tous les abyſines, qui frappe, & gua- Deuterº. 12.
rit,bleffe,& medecine,mortifie, & viuifie, qui *******
as la puiſſance,l'Empire, & les clefs de la mort,
& de la vie:Domine,Seigneur.Premierement il
allegue l'equité de IeſusChriſt,l'appellant Sei
gneur : car au Seigneur appartient fecourir &
à ſes ſubiećts: Domine. Pource que tu
es le Seigneur de tous,& que tu te fais obeyr à
toussen commandant.Secondement il allegue
fa bonté,quand il dit:Sivis.Si tu veux, duquel
la volonté, non feulement eſt bonne:mais auf
fi eſt
& ad lacognitionem
meſme bonté: Qui vult
veritatis omnesfaluosferi,
peruenire. Qui veut ’. Z im. 2.
que
174 i 1. d 1 M E N e H e a p R e s
- que tous les hommes foyét fauuez,&qu’ils par,
uiennent à la cognoiſſance de la verité.Tierce.
ment,il confeſſe fa puiſſance,quand il dit:Potes
memundare.Tu me peux nettoyer.O Dieu eter
nel, tout puiſſant, & immortel, combien ceſte
oraiſon eſt brieue en parolle,& toutefois gran
de,& frućtueuſe en ſubſtance ſpirituelle. No
z. f., „',/ strefoy n'abonde pas en parolles vaines, inuti
point a pá- les,& ſuperflues. Ce preſent miracle nous en
4e/ter- courir
fine.
feigne au
cốment en nosneceſſitezil nous faut re
Pere celeſte, au nom de fon Fils Ieſus
Christ,auquelle Pere a donné toute puiſſance,
arlequelil nous donne toutes chofes, & fans
il ne nous donne rien. Et apresil nous
enfeigne cốme nous deuons demander les cho
fes corporelles,& temporelles:àfçauoir, que tu
ne doubtes point de fa bonté, & puiſſance : &
toutefois commettre & referer toutes choſes à
„... „. fa faincte & bonne volonté. Ainſi Ieſus Chriſt
. au temps de fa paffion dit : Pater fi poſſibile est
tranfeat à me calixiste, tamen non mea voluntas,
/ed tua fiat.Mon Pere,s'il eſt poſſible que ce ca
lice paſſe outre de moy , & toutefois non point
comme ie veux:mais comme tu veux. Ainfi le.
ladre premierement a prié que la volonté de
Dieu faićte: voire combien que fa propre
fanté ne fe fust iamais enfuyuie.Semblablemết
**“-“ en l'oraiſon que nostre Seigneur nous a ap
prins,il ne commande point incontinét demã
der le pain quotidien: mais premierement fan
ćtifié ſoittő nom. Donc ce lepreux nous enfei
- gnc
1

L E s o c r. d E s R o y s. . . 175
feigne par quel moyen noustrouuerons le falut
& du corps & de l'ame enuers Ieſus Chriſt: à
fçauoir,par la foy,par la cognoiſſance,& cőfeſ
fió de nos pechez, & par deuot ſuffrage de prie
res & oraifons:Cőme nous lifons ailleurs de la
Chananee, qui diſoit: Fili Dauid miferere mei. Matth.rs.
Marc.7.
Fils de Dauid,ayespitié de moy.Carpar ces pa
roles elle monstroit ſa foy, & prioit. Apres que
nous auốs ouy la foy,l'accez,l'oraiſon du ladre,
oyons & retenons ce que s'en eſt enfuyuy, &
quelle choſe ceſte foy & oraiſon ont obtenu de
Ieſus Chriſt.Cőme nous enſeigne S.Matthieu,
difant: Et extendens Ieſus manum tetigit eum, di
cens:Vole,mundare.Et Ieſus eſtendit fa main,&
le toucha,difant:Ie le veux,fois net.O admira
ble bonté de Dieu ! Noſtre Seigneur monstre Nostre sri
l'affection de famifericorde,non ſeulement par
auffipar fignes & effects.Il eſtend
a main,il le touche: maisie vous prie,que fe- le,/g , er
roiricy le Pharifien? certainement il euſt crié, «uures.
difant: Chaffez, chaffez ce ladre deteſtable &
abominable qu'il ne nous infećte. Il deſtour
neroit fes yeux & fa face pour ne le voir. Il
eust demandé de l'eau pour fe lauer les mains,
s'il euft ſeulement touché les veſtemens du la
dre: tant estoyent-ils affećtionnez en leur per
uerfe religion & apres l'obſeruãce de leurstra
ditionshumaines,fans estretouchez d'affećtion
mifericordieufe enuers les pauures:comme no
stre Seigneur monstra fort bien en la parabole
du Sarnaritain. Mais nostre bon Dieu & pere
- II CS
176 I 1. D I M E N C H E A P R E s
tres-debonnaire, qui ſeul eſtoit pur & fans ma
cule,ne chaffe point ce pauure de fa pre
fence,ains eſtend fa main & le touche: & en e
ftendãt la main,cela ſignifie qu'il luy veut don
ner ayde : & en le touchant, cela fignifie & re
trait preſente argument de myſtere. La loy defen
doit le touche doit que Pperſonne ne touchast la lepre
p ou le
i - lepreux , & ce n'eſt pas de merueilles. Car la
pre, e pour- loy ne pouuoit faire que la lepre ne foüillaſt,
quoy. ou infectaſt celuy qui la touchoit.A ceſte cau
fe elle defendoit letouchement de la lepre,non
asà fin que les lepreux ne fullent guaris: mais
à fin que ceux qui les touchoyết ne fuſſent ma
culez & foüillez. Mais Ieſus Chriſt touchant la
lepre n'a pas eſté fouillé par la lepre : ains au
cốtraire la lepre a eſté nettoyee. Extendens Ieſus
-

“”“”“
Diete.
manŭ.Ieſus
Celle qui a eſtendãt
forgé & lacreé
main.Mais
les cieux,quelle main?
& laquelle

Tfal. 144.
quand il ouure , remplit de benedićtion tout
animát, comme dit Dauid:Aperis manum tuam,
& reples omne animal benedictione. C’est à dire,
toute ehofe viuante, ayant corps fenſible. Il
eſtend la main vraye organe de la Deité, & par
, laquelle la diuinité operoit aux ceuures mira
: culeuſes.Il atouché pour nous enſeigner qu'en
arr, G peur- ce cº Ps plenitude de la diuinité habitoit cor
7uoy. , porellement,c'eſtà dire,reallemét & parfaićte
ment. Pour nous austi enfeigner que ſon corps
eſtoit vn corps de vie , & la chair du fils de
Dieu tout puiſſant, instrumét de la diuinité de
laquelle elle a vertu. Car tout ainſi que le fer
~
- enflam
1. E s o cT. - D E s R o Y s.: 177 i
enflambé du feu ardent, adioinćt auec le feu, similitudedu
i|faiaa l'operation
chair eſté vnie au du feu.diuin,&
Verbe que le ver:
Ainſi apresque la " e Ie
|
be diuin a eſté faićt chair,& homme,ceſte tref
facree chair,comme le Verbe diuin,chafle tou-
tes langueurs, playes, maladies, & meſmes la |
,

|
|
|
|
# mortirenouuelle & viuifie toutes choſes:& par
i
i
ceſt attouchement & eftendue de la main,font
entendues les richeſſes de la bonté de Dieu, &
| |
-

| |
liberalle largeſſe de fes dons & benefices:con
tre l’auarice infatiable des riches chiches, qui
au temps de cherté ferment leurs greniers aux || | |

de lefus Chriſt: Ieſus tetigit eum. Et le-


us Chriſt toucha le lepreux : pour nous enfei-
| ||
gner fa douceur, & humilité, Contre les ſuper-
bes, & arrogans, qui ont en abomination les
pauures de Dieu, deſquels parle fainét Iac
ques, introduiſant le riche, parlant au pauure
-
|

|
| | |
de ceste façon : Tu staillic, aut/defab/tabello Iacºbi .
edum meorum. Demeure là, ou bien fieds toy
fur l'eſcabeau de mes pieds. Et encores apres: - , , , ,
Vos exhonorastis pauperem. Vous auez deſpriſé
le pauure. Car à iceux ils ſe monstrent | ru
des, rigoureux, & auſteres, qu'ils ne daigne |

royent les voir, encores moins les ouyr, & par-


ler à eux. Mais pourquoy noſtre Seigneur a-il Nostre ºei
touché le ladre? Ce n'a pas eſtéfans grand my-$ché "le"ledrs,
. * - - - - - -

stere. Premierement, pour demonſtrer que la , |


loy anciéne prenoit fin, & à icelle ſuccedoit la raiſ . |
loy , & de grace. Secondement, pour
demonſtrer qu’il eſtoit le seg
de la loy,
178 , 1 1. d 1 M E N c H E A P R E s
& qu'il n'estoit point ſubiećt, ou lié à la loy.
- - Tiercement, à fin que parfon touchement, il
guariſt la lepre du corps: qui repreſentoit que
bien toſt il deuoit guarir la lepre des ames de
ceux lefquels feroyent touchez au bapteſme
par le merite de l'effufion de ſon precieux &
digne fang. S’enfuyt: Volo. Ie le veux: Aſun
dare. Sois net. O parolle pleine de toute ioye
& conſolation. Volo, le veux. Il monftre &
promet qu'il nous aydera en toutes nos neceſ
firez, tant corporelles & temporelles que ſpiri
tuelles. Et tout ce qu'il veut,indubitablement
fera faićt. Comme il appert du lepreux,duquel
il eſt dit:Statim mundata est lepra eius. Et incon
tinent fa lepre fut nettoyee. Le ladre ne diffe
re point de croire : & Ieſus Chriſt ne delaye
point à le guarir. La parolle de confestion n'a
pas plustoſt esté proferee par le ladre , qu'il a
obtenu le benefice de ſanté,ë: de guarifon. Et
ait illi Iestu. Et Ieſus luy dist, en luy impofant
7roi trois commandemens. Apres qu'il a impetré
***““
dre. guariſon,
:ɔ “ » il ne luva
y ppas demandé ppluſieurs ta
lens d'or, ou d'argent, ou vestement pompeux,
, ou loüange mondaine : ains luy a commandé:
Jef"º"#* Vide nemini dixeris. Garde que tu ne le die à
defendu au ,, fönne. Ce qu’il mafidé plufie
i ., „. l. a, perionne. Ce qu'il a commande pour pluſieurs
„,2 perfazer, cauſes. Premierement, pour nous inſtruire par
c fourteo. fon exemple , à fin que ne cetehions en nos .
º bonnes æuures la faueur populaire, ou la gloi
re mondaine ; ains la gloire de Dieu, à fin que
Dieu en elles, & pour elles foit glorifié. Še
conde
- L E 8 O C3T« -D E S: R, a Y.IS. Į79
condement d'autătqu'il n'estoit paslicite qu'il . "
declaraſt par parole ce qu'il demóſtroir en ſon
corps par ceuure apparente & exterieure.Tier
cemét ou bien il n’a point commandé de ngle
dire ſimplement mais alrāt que le dire, ilạcố
mandé qu’il ſe monstraſt aux prestres & fagri,
ficateurs sy ſ peut drevnesucition a s
qu'il eſt eſcrit:Faisice que je te commande,dócreffenſ2.
lelepreux a peché en n'obeiſſant à la yoix &
comra indement de Dieu,Reſponſe. Ily a trois
fortes de commandcinens de Dieu : le prcinier
est d'obligation, auquel eſt lavolonté de Dieu
pour l'accomplir,comme le decalogue:Hoºfse Luc.ro.
& viues,fais cela,& tuviuras.Le ſecon dcomã
dement est d'approbation, auquelest lavọlon
té de Dieu,pour le reſpeẾt de la preparation de *. , * --

noſtre volonté à l'executảọn de l'ceuure; çọim- - :e.


1TlC2. il dit à Abraham qu'il immolast fon "*""/****
fils. Le troiſiefine eſt commandement d'instru- *a*

ćtion, auquel eſt la volonté; de Dicu, non


point quant à l'execution de l'oeuure, mais en
partie de quelque choſe quant à l'acte, comme
icy où il enfeigne que nous ne publions nos ,
ceuures pour eſtre veus du peuple, en deſirant
la gloiremondaine. Pource le ladre n'a point
peché en elleuát Ieſus Christ parlotianges, Car
il a accomply la volongé de Dieu & de Ieſus
Chriſt, eſtantinſtruiçt par la fecrette gnétion
du S.Eſprit. Et toutefois lesbốnes asuures peu
uent estrę faićtes publiquement pour la gloi
te de Dieu , & pour la prouocation des au
*
- -
-,
-
M 2
183 o 1 1. D 1 M E N c H E AP R=s
**** 1. tres, eomme dir noſtre Seigneur : Sic luceat
lux vefira coram hominibus, vt videant opera ve
fra bona , & glorificent patrem qui est in calis:
à fin qu'ils voyent vos bonnes oeuures , &
qu'ils en glorifient Dieu le pere. Le fecond
commandement que nostre Seigneur a impo
, fé au ladre, eſt quand illuy dit : Vade,& osten
de te facerdoti. Va, & te preſente au Prestre.
Auquel appartient de diſcerner entre la le
pre & non ſepre. S'il te ſemble que nostre Sei
# pour neant, & en vain a enuoyé le
adre aux Preſtres, veủ qu'il estoit le Seigneur
& maiſtre de la loy, & que le lepreux estoit
Ieſus Christ a | guary sie reſpoids que ç'a esté pour lu;
fieurs cauſes qu'il l'a enuoyé apres la fanté
are aux pre- obtenue. Premierement pour approuuer la
Ares,e fºur- loy, cofhme luy-meſme a dit: Non veni foluere
7 , legemiſed adimplere. Ie ne fuis pas venu pour
““ aẾolir la loy:áins pour l'accomplir. Seconde
ment pour manifesterfa puiſſance.Car par ceu
ure & effeét, il pouuoit cé que la loy ny les
Prestres,ny les Leuites ne pouùoyent
uoir, pár ſon touchement guarir la lepre. Le
Prestrepouuoit bien iuger que le ladre estoit
nettoyé,rhais il ne le pouuoitiiettoyer.Tierce
ment pour la confirmation du miracle. Carles
Prestres font faićtstefnoings de ce miracle: &
là ils feront contraints le loüer, quand ils
v. / eiugeront eſtre mundé & nettoyé, veu qu’ils
l'audyent cogneu & veu ladre. Car iamais ne
fut veu, ny ouy, que l'homme par ſon tou
- che
L e s o c r #. D E s, R o Y s. 18r |
|||||
chement, ou de fa ſeule parole guariſtles la
dres, pource que c'eſt vne maladie incurable
ar voye de nature. Quartement pour leur vti
|| ||
fin qu'envoyant ce miracle ils creuſſent,
& en croyant, ils obtinſſent falut. Et au con | || ||
| | | || | | |
traire,s'ils ne croyoyết,ils n’euſſent aucune ex
cuſe de leurs pechez, & par conſequét delęụr | ||
iuſte iugement , equitable condamnation &
raiſonnable damnation.Quintement pour nor -- nv y a .1: *.* * ·s*
**. \ , t ... \:.*
ftre inſtrućtion & information, pour appren y “

dre la vertu d'humilité , & honorer ceux qui - \,' , .*\va'.vv., , ,, , - vv

/
ont authorité de commander , gouuerner & r. Petr.2, v, *
,!
.
iuger, voire obeir etiam diſcolis aux rigoureux ** : « n * * **

& prophanes, Le troifieſme commandement -

que nostre : Seigneúr a impoſe & enchargé |


au lepreux,est: Offermunu tuum, quod precepit Leuit.14e
Moyſes, Offre ton don Moyſe a com
mandé : à ſçauoir deux paſſereaux vifs. In te
fimonium illä, En teſmoignage à eux, c'està
dire , contre eux, s'ils ne croyent apres auoir ***
4

|
yeu le miracle: mais s'ils croyent, en teſmoi
gnage de falut pour eux, ou bien en teſmoi
gnageà eux, c'eſtà dire, que par leur teſmoi
gnage il fut receu comme pur , fain & net.
Gue fi apres en hayne de moy ils te vouloyent
chaffer de la compagnie des hommes purs,
fains, & nets,tu leur diras:Vous auez receu de
moy les dons comme d'vn pur & munde: &
comment me voulez vous maintenant de
chaffer, comme fi i'estoy immunde ? Partant
Jeſus Chriſtcommande que le l “ fe pre
3
|
181 , 1 1. d 1 M E n ç fi è A p R E s
fehte aix Prestres: cớinbłen qu’il foit gúary.
Pouřlious enfeigtier, que combien que Èhom
meghreitien foit purgé parla gracd de Dieu;
paredistrition de cede; de la lepre de l'ame,
qiH est péché : toutefois if est teầu & obligé,
fila contihodité & Faiſancefe preſente,femő
ftter & preſenter aux Preſtres de la nouửelle
löy;föufiłäy ouurir ſøn eeçứr parvraye confeſi F
confefið . fieri;laquelle est faefanientalie, rieceſſaire, &
7e

eeftirr/aera f'rithiré ; & de Díeti commi lindeek comme


znentalle, fit
lutaire » C - áititi H*3 votis poúrrez lite en riostre liure de
la lå tidsfaire Sact the auchari
frést feitifiħejdeł coffeffioli&diffinition d'i
dee.
gella Recordigentiestis Girifiest l'auther &
èờhiëéfặteŘr ås čợħfef törp: & comment il ſe
*, i, strº, fiut confeller au Prestre, & \croût tuy dééla
rer: et ergoķostendere keeriisii. Va ;\&ère
Prestre; T&löitre fondón lequel
4òyfe a centinähdé etí refiữoignage à icếux,
"” Muśarmsprionsnsârsbör Die spere crea
regr; de fous vouloir conduire parfon Sainét
Effít ; & netts fedreſſer par vraye peaiten
cc , contrition de cæur; confeffon debôü
chs, fatisfèĜiòn de faić:, păr deubtfutfrage
d'or.fifön vers Dieu & les Sainéts, par chari
tét; estafgition d'aurmofiip vers nostre p D
eháín, parilieufne & inaceration de nöftre
chair, à fin qu’elle ne ſoit rebelle à l'eſprit ,ſi
que nous puistions totiseltre gtiặris de la le
pre ſpirituslle; à fqatigif dépêchéy&que iious
paiſſions viure en l'àrạơir, grace, & faueardd
; } ', · - nostre
}
183
, L E s ; o'c r. D E s R o Y s.
nostre Dieu en ce preſent fiecle, & en l'autre,
viure de vie eternelle en la gloire celeſte, pour
loüer,remercier, & glorifier Dieu le Pere,auec
Ieſus Chriſt en l'vnité du S.Eprit.Amen.
-
|
-, ; ; ; , / ; ' ' ;

T R O I S I E S M E D I M EN CHE
a p R r s 1 es o c r. d E s-, -:4;
R o3 vs.
|
,, * , , * r: , ,

N T R e les raiſons & argumés qu'ap


|porte Euſebe,cap.7.lib.s.demonštrat. |
|| Euang pourmonſtrer que la religion
- - P|| Chreſtienne eſt celeſte,& diuine, &
faire cófeſſer aux ennemis des Chreſtiếs,& meſ
mes aux Payens, que ladićte religiốeſt la vraye
religió, & pour attirer les infidelles à noſtre foy
Chreſtienne & Catholique,i'entrouue vn bien
grand, c'eſtà fçaụoir, que les Apoſtres qui ont
annoncé ceſte foy, & prefché ceſte religion par
tout le móde, eſtoyentgensignares, & nonin
ftruićts en la philoſophie & eloquence humai
nespauures peſcheurs,gés qui n'estoyent pas en
authorité, ny en reputation, leſquels ſe font fe
parez pour aller preſcher, l'vn en Afie, l'autre
|
en Afrique, l'autre en Europe, en diuerſes vil
les & contrees, où eſtoyent les Philoſophes, &
gens doćtes,les Roys,& Potentats. Eſt-il credi
ble que ces pauures gens là imaginastent que
tous les Roys,& Potentats fe ſubmettroyent à :
leur doćtrine nouuelle,& y obeyroyent,ſi ceſte
doćtrine n’euſt eſté celeſte? Eſt-il vray-ſembla
ble qu’vn hőmeidiotentrát ſeulen vne ville où
- z - M 4
184 | 1 i 1. d i M e N c H E A P R E s
font les Philoſophes, & prefchant aux doćtes
gés que lefus Chriſt qui a esté pendu en croix,
estoit le vray Fils de Dieu , fe feiſt croire, &
*
leur perſuadast ceste doćtrine nouuelle, fi elle
n’eſtoit de Dieu ? Il n'y a aucune verifimilitu
de ny apparéce.Parquoy il faut bien dire qu'ils
|--|
eſtoyết bié alleurez que la doćtrine qu'ils pref
choyent estoit celeſte & diuine, puis qu'ils fe
font ainſi ſeparez pour aller preſcher ceſte nou
uelle doćtrine, & qu'ils fe font faićts croire, &
||| l'ont faićt receuoir aux Roys & Philoſophes.
*|

h
Ce que nous cognoiſtrős plus apertemét fi nous
voulons encores confiderer la recompenfe la
|| quelle leur estoit promife.Et quelle? Et pource
la mort,& les tourmẽs:car leur maiſtre les auoit
aduertis de cela:Quãd vous irez preſcher mon
Euangile,tants’en faut que vous foyez lesbien
V enU15 vers ceux aufquels vous annoncerez ces
|
bonnes nouuelles,qu'ils vous perſecuteront,&
feront mourir. Qui eſt celuy quivoulustenfei
gner vne chofe friuolle ſeulement pour fe fai
re tuerà credit? Et l'vne des chofes qui cốfirme
|||
plus nostre foy Chrestiếne,est celle là, que ceux
qui l'ont preſchee, fe propofoyent d'endurer la
mort,apresautres grādes afflictions, pour leurs
gages, & recompenſes.- Vray eſt qu'ils eſpe
royent vne autre recốpenfe, non pas tếporelle:
mais ſpirituelle. Et de faićt;nostre Seigneur au
dernier fermon qu'il feità fes Apoſtres en fa
Cene,il leur diſoit: In mundo prefiram habebi
tử.Et au parauant que leurauoit-il dit? Ecce egº
- - mitta
1 e s o c r. p r s R o vs. 18;
mitto vos ſicut oues in medie luporum.Sçauez vous
bien auec quelle eſperanceie vous enuoye. Er
quoy,Seigneur,viurős-nous long temps? Non:
mais ie vous enuoye comme moutons en la
boucherie. Vous en la mifericorde des
loups. Ie ne vous promets que toute afilićtion,
& peine. Cecy l'ancien
Testament:comme a tres-bien remarqué fain&"*""·
- -

Iean Chryſoſtome en l'homelie devoto Iephta.


Il eſt dit là que Iephté voulant aller combat
tre les Ammonites, feit veu à Dieu s'il luy
donnoit vićtoire contre iceux, qu'à ſon retour
la premiere choſe qui fortiroit de fa maiſon,
il la preſenteroit & immoletoit à Dieu. Et s'en
allant contre-eux, ilgaignavingt cirez,&em
portala victoire. Or retournant en fa maiſon
en Maſphat, la premiere choſe qui fortoirde fa
maifon, ce fut vne fienne fille vnique,laquel
le venoit pour luy faire la reuerence. Et luy
fe foüuenant de fon voeu , va dire en rompánt
fes vestemens: Heu me; quia decepišti mefilia,
& decepta es. I'ay voüé vne chofe qu'il faut
que j'accompliffe, c'est de facrifier la
chofs animée qui fortiroit de ma maiſon apres
mon retour.Et bien dist elle,il n'y a remede, il
faut que ie m'y accorde: Hoc ſolum mihi prafia
quod deprecor:dimitte me, vt duobus mēßbni circi -
eam montes,é plangam virginitatem meam. Puis
les deux mois accomplis, elle s'en retourna à
fon pere, pour estre immolee à Dieu le Crea
| teur, comme il auoit promis. Et que fignifie
|
|
|
186 I I I« . D I M B N C H E A P R E S -

cela Voylàvne choſe estrấge, qu’vn perſonna


ge immole à Dieu fa fille vuique. Ne deuoitil
pas pluſtoſt rempre ſon vcev, & pardonner à fa
ille:O Chrestici,siknya vicg faict fans myſte-
re: toutefois & quãres que l'on trouue en l'an
cien Teſtament quelque choſe eſtrange, S-Au
gustin au chapitre 19. liure 3. Dedoärina Chri
stiana, nous apprend que c'estvne chofe figu
ree. Celuy donc qui a faistovou à Dieu d'im
maler fa fille, s'il gaignoit la victoire, c'est Ie
fus Chriſt qui a promis qu'il immoleroit l'E
gliſcs s'il auoit viétoire contre le diable. Et
pource elle eſt tous lesiouts immolee en ſes
| Coloff.r.
membres, & de tqt temps l'a esté, comme dit
fainét Raul : Adimpleo ea que defintpastienum
:Christi in carne mee pro corpore eius quod est Ec
cleft, I'endure beaucoup: mais c'eſt pour fon
corps qui est l'Egliſe, Eilefus Chriſta beau
& endure encores en ce téps,non
en ſa perſonne: mais en fes membręs,& Diſci
|| ples.Car quãdles Huguenots tiennent vn Pre
stre,& le perſecutent, c'est Ieſus Christ quien
dure, & est perſecuté, & misà mortderechef.
Et pourrant quand S.; Paul alloit en Damas
|pourperſecuterles Chreſtiens, Ieſus Christ luy
Ast. p.
s dit: Saule quid meperf&queris? Et toutefois il, ne
perſecutoit pas Ieſus Christ en fa, perſonne:
zmais en fes mébres.Cartout Chrestien est mé
brede nostre Sauueur, &defon Egliſe.Et pour
tantily a quelque choſe qui deffaut encores à
la paſſion de Ieſus Christ, qui endure tous les
/ - iours,
1 e s o c r A. D e s R o vs. 187
lours parce que luy&fon Egliſe(laquelle-en
dure tous
bres de lesiours) qui
IeſusChrist ne ſont qu’vn. Et lesHifint
fontperſecutez, mem 4?“ o.

qui veniüt eæ magnátribulatione indutifolis albis,


comme il est dit en l'Apocalipſe. C’est auſſi cé
que le meſme Chryſoſtome a remarqué,homil.
33. in Asia Apost. L’Eglife eſt appellee pour ........
endurer affliction & perſecution. Mais com- *****
bien qüe les perfecurions qu'ellè endủre par ***
les tyrans & Payens foyểnt bien grandes:fieſt
ce toutefois que les plus grandes qu'elleen
dure, font celles queday font & braffentinos
freres qui estoyent ſesenfans,& dedans l'Egli
fe, comme font les heretiques & hypocrires.
Et partant ils ont eſté anciennement punis
plus rigoureuſement que les autres : comme
vous auez de Simon Magus & Ananias, qui
estoit hypocrite, & feigeoirestrelvray Ghre
ftien: Vine autre perfecution est aduenuëde- , * As *

dans l’Egliſe, quand les 'Gentils ont murmuré


que les vefaesdc leurnation n'eſtoyent admi>
fes en l'administration anffi biế que celles des
Iuifs. Lequel trouble & murmure a estéautant
grand qu’il y en eut iamais en l'Eglife, combiế
qu'ils faffent peu & tous nouucaux. Parquoy
cen’est pas de merugillest nous ( quine fome
nies pas fi parfaićts comme euxiquiquoyent
receứ le S.Eſprit de nouueaui, & qüiformmes
en ſigrandnámbre)oendurons contention, &
murmurq,& affliction das nostresimefines puis 4á.tr.
qu'iłyacumuqnirelcontri S.Pierre mafines;
- ***
, \t\ \
pour g4
||
188: I. t 1, P 1 M E N c H E A P R E s
pour auoir receu Cornille le centenier. C’eſt
nostre Seigneur qui veut exercer fon Egliſe à
patience. De cecy nousen auons vn exemple
en nostre Euangile, où il eſt dit que la nacelle.
des Apostres eſtant fur la mer a eſté fort agi
tee de latempeste. Eſpluchons & confiderons
Matt.s. par le menu noſtre texte:Aſcendente Hefu inna
Mare.4. uiculamferutifunt eum diſcipuli eius. Noſtre Sei
****: gneur Ieſus Christ apres auoir faićł pluſieurs
miracles en la terre, il estimonté en la nacelle
pour monstrer la gloire & puiſſance de fa ver
tu diuine en la mer & aux eaux, & pour ap
prouuer que routes choſes ſont ſubiectes fous
fes pieds. En l'Euangile d'auiourd'huy nous
font remarquees trois choſes par ordre. La
premiere, est la perturbation & perilleuſe ef
motion de la mer. La feconde; l'affećtueuſe
oraiſon des diſciples.Latroifieſme,l'affećtueu
Exemple de fe operation de Ieſus Christ. Aſcendente Iefie in
h ili . nauiculam. Et comme Ieſus fut entré en la na
celle,fes diſciples le ſuyuirent: où il nous faut
noter que moſtre. Seigneur nous donne icy
vn exemple d'humilité; quand il dir, Ieſuseſt
entréia nauiculam,c'eſtà dire,en vne petite na
celle.Car le vray humble est content des hum
bles & petites choſes pour ſon vſage, pource
il n’est pas dit que Ieſus foit monté dans vne
grande & haute nauire pompeufement & ri
chementornee. Iamais on n’aileu que nostre
· · Seigneur foit entré dans vne nauire pompeu
feoüriche: mais humble &
, ,n - fant
- L E S O C T A. , D E S R O Y S. 189
fant eum diſcipuli eius. Ses diſciples le ſuyuirét,
comme les eſtoilles le ſoleil, les apprentifs &
diſciples le maistre,les enfans le pere,les aueu
gles ' lumiere,les malades le medecin, -

darmes le capitaine, les feruiteurs leur fei-


ur,les pauures le riche,quand il est tres-li
beral distributeur defes biés. Et ecte motus ma
gnus factus est in mari. Et voicy choſe merueil
leufe & admirable qu’on doit ouyr, fçauoir &
retenir. Naturellement les mouuemens de la
mer fontengédrez par les vapeurs inferieures
des eaux montant en haut, & par le vent fouf
flant & courant en l'air.Vn grand mouuement
fut fait en la mer Ita vt nauicula operireturflutti Impugnation
bugtellement que les ondes couuroyent la na- e
celle:& tres-bien il dit,tellement que la nacel- desheretiques
le eſtoit couuerte,&non pas ſubmergee,ou en- ********
foncee.Carfluttuat at nunquam mergitur illa ra-"
tis,la nacelle de Heſus Chriſt peut eſtre eſbran- ,
lee& non pasenfoncee:Combien qu'elle fouf
fre pluſieurs tribulations,aduerfitez& perſecu
tions par l'impugnation des heretiques: de la
contrarieté & deſquels elle ſe com-
plaint par le Prophete de Dieu,diſant:Sepe e*- Pfaliss.
pugnaueruntme à iuuentutemea,etenim nav potue- .
runt mihi: Ils m’ont fouuent, non pas tant feu
lement vne fois,mais pluſieurs fois, tourmen
té dés ma ieuneſſe : C'eſt à dire,dés mon com
mencement ils m’ont fouuentefois trauaillé
dés ma ieuneſſe, par pluſieurs moyens: toute
fois ils n'ont point eu puiſſance fus moy com
- Ime
19o 1 1 1. D 1 M E N c H E A p R E s
me ils vouloyent. Ils auoyent le vouloir , maís
non le pouuoir:pource que Dieu eſt mon pro
tećteur.Eten vn autre lieu, le Pfalmiſte Royal
Dauid en la perſonne de l'Egliſe, par grande
Pſal.i. admitation diſoit: Domine quid multiplicatifunt
qui tribulant me?multi infargảt aduerfùm me?Sei
gneur,combien font multipliez mes aduerſai
res? Et que de gens s’efleuent contre moy? plu
fieurs difent de mon ame, il n'y a point de fa
lut pour elle en Dieu: comme difent les here
tiques tyrans,faux freres, & les diables, Dieu
ne pourra defendre fon Eglife contre nous:
mais ils mentiront. Et pource l'Egliſe dit en
„....-..... apres,recourant à l'aide diuine:Tu autem domi
* a * : nefasteptor meuses.Maistoy haut Seigneur, tu
* * * * es mon fuſcepteur & protecteur, ma gloire, &
” " celuy qui efleue non chef.Speciallement l'E
glife fe complaint à Dicu de la griefue & lon
perſecution destyrans, qu'elle a enduré fi
ong remps:comme de Nero, Decius, Domi
tianus;łulianus, Datianus,Porphyrianus,& au
tres femblables, difant:Supra dorſum meum fa
bricauerunt peccatorer: Les pecheurs ont forgé
les Apºstr“ ſus mon dos Où il faut nöter que le dos de
de l'Egliſe font les Apostres, & les premiers Pon

tifes, & autres paſteurs', qui ont eſté les pre-


miers à ſouſtenir perſecution pour le nom de
Ieſus Christ,& ce par les pecheurs, c'est à dire,
par les Tyrás, Roys,Princes & Empereurs. La
quelle perſecution n'a pas eſté de petite duree.
Carils ont allongé leur iniquité : pource que
- - Iul
L-E s o c r. D E s* R e y s. : 19t
iufques au temps de l'Ethpereur Gốſtantin,l'E-i
gliſe à grand'peine a eu paix vne annee: com
me on peut voir en l'hiſtoire d'Etifebe, depuisi
le troiſieſme liure iuſques au dernier : mais à:
fçauoit-mon fi tels impugnateurs &perſeeu-:
teurs de l'Egliſe,ent euadě& eſchappé le iuſte;
iugenent de Dieu:Certainement nonjainsàu
cuns d’iceux ont esté leurs propres beurreaux:
& meurtriers, en ſe tuant eux-mefines, voyant
qu’ils ne pouuoyerit furmonter le dos de l'E
glife : & tous perſecuteurs de l'Eglife malheu
reuſement periront, comme il eſt eſcrit en ce
meſme Pfalme: Dominis iustus concidet ceruices
peccatorum. Le Seigneur qui est iuſte,brifera &
froiſſera les teſtes de tels pecheurs, c'est à dire,
qu'il cốfondra l'arrogance ſuperbe,& les fauf
fes entreprinſes deſdićts Heretiques, & deſ
loyaux pêrſecuteurs de leựr loyalle mere l'É
glife. Er icy fe peut pareillement appliquerce
que noſtre Seigneur diſoit à fainét Pierre, par Matth.ro.
lant de fa future Egliſe: Porte inferi non preuale
bunt aduersta eam. Les portes d'enfer,c'eſtà di
re : Tous les Tyrans ministres du diable, ne la
pourront eſteindre. Ce que nous auons veu &
experimenté n'agueres en ce preſent fiecle de
plorable. Comme les Heretiques ontemployé
toutes leurs forces , eſtendu tous leurs nerfs
ruyner & deſtruire l'Eglife, demolir les
Téples,renuerfer les Autéls,ſacrileger,& piller
les calices, qui font les vaiſféaux conſacrez pour
l'exercice du diuin ſeruice.' Ont defrobé-leš
· bicns,
192. 1 I 1. p 1 M E N c H E , A P R E s
biens, droićtures , & fondations de l'Eglife,
dont Dieu eſt feruy , loüé, & honoré : tué &
meurtty les Miniſtres de l’Egliſe de Dieu , &
autresinfinitez de tyrannies, cruautez,& inhu
maines perſecutions qu'ils ont faićt contre l’E
gliſe de fes feruiteurs,& tafchent tous lesiours
de faire : mais ils s'abuſent pour neant,ils tra
uaillent en vain. Car ceſte nacelle , combien
qu'elle foit enueloppee & couuerte des flots &
vagues de perſecutions, & tyrannies, deſquel
les elle eſt eſbranlee ; toutefois elle ne fera ia
mais enfoncee , par ce que noſtre Seigneur eſt
fon protećteur,fon Chef, & ſon eſpoux, qui ia
mais ne l'abandőnera.Il ne fe fautefbahir com .
me d'vne choſe eſtrange,& non plus ouye,fi de
nos propres yeux nous voyons de toutes pars :
la nacelle de noſtre foy, & religion Chreſtiếne ;
estre aſſaillie de tant fauuages & diuerfes opi-
nions,reuoltes,& herefies. Du temps de l'Egli
fe primitiue,ou bien toſt apres,la nauire de l'E-
. . ' fut affaillie par pluſieurs Heretiques,per
ecuteurs deſlovaux de leur loyalle mere l'E-
glife, comme les Apostoliques. Ainſi ſe nom
moyent quelques Heretiques en ce temps-là,
comme auiourd'huy les Euấgeliques, Arriens,
Baſilidiens, Cerinthiens, Encratites , Gnoſti- :
ques, Montaniſtes, Marcionites, Manicheens,
Nouatiens,Pelagiens, Pſychiques,Valentiniãs, : *

Vbiquiſtes. (D'iceux faut voir Irenee au pre


mier liure, Epiphane en fon Panaire, Theodo
rir aux liures des nuair - Et fainćt
Augu
i is o era di : R O Y S» I39
Auguſtin au liure de herestbus, ad Quod vult
Deŭ) que tous ont eftếdu leurs nerfs, employez
toutes leurs forces,pour enfoncer la nacelle de
Ieſus Chriſt:mais ça eſté en vain,& pour neant.
Auiourd'huy nous auons Luther, Bucer, Zuin
gle, Martyr,Brance,Galuin,Beze, Viret, & plu
fieurs autres de leur farine,ayans les yeux ban- ,
dez & aueuglez, ont faićt & font la guerre à la
nacelle de Ieſus Chriſt:mais ils s'abuſent. Car
par leur malice & apoſtafie elle ne fera iamais
abbatue ou renuerfee. Vray eſt que par leur fu
rie & rage , ils ont eſbranlé ladićte nacelle, de
forte que celuy a eſté biế-heureux qui a eu en
ce téps-là le priuilege d'eſtre caché en la pierre
viue , pendant que la fureur & rage impe
tueuſe des fanguinaires dogmatiſtes a eu la
vogue.Mais maintenant Dieu leur a couppé le ,
de leur folles demandes & queſtions
pour furprendre ou deſgouſter : de forte que
maintenant ils ne fçauent là où ils en font: &
les gens de bien & bons Chreſtiens font de
meurez, (cốme encores ils font) fermes & ſta
bles en la nacelle de Ieſus Chriſt, & de fon ef
pouſe l'Egliſe. Maisie vous prie,eſt-il poſſible
que la longueur du temps ait tellement trou
blé les affaires, que la lumiere foit changee en
tenebres, & que Luther, Caluin,Bucere & au
tres ayent les yeux clairs : & que les Sainćts,
cốme fainct Ignace diſciple de fainćt Iean l'E
uấgeliſte,fainct Denys diſciple de fainct Paul,
fainćt Clement diſciple de S.Pierre,les fainćts
N
I 94 I I I. D I M F N C H E A P R E S

Irenee, Cyprian, Athanafe, Baſile, Gregoire


Naziãzene,Hierofme, Ambroife, & Auguſtin,
foyent aueuglez? C’eſt l'argumết de fainćt Au
guſtin contre les Pelagiens, cap. 1. lib. 2. contra
Iulianum. Certes ce ne font pas Baſteleurs, For
geurs, Cordonniers , Sauetiers , Couſturiers,
Charpentiers, Barbiers, Tauerniers, Bouchers,
, Cuiſiniers , ieunes Moynes defro
quez, qui ont renoncé leur habit, en faueur
de leur ordre & des-honneſte incontinence.
Non certainement. Mais nous les recognoiſ
fons tous pour , graues , honneſtes , doćtes,
& vertueux perſonnages , & qui voire aụ iu
gement des renuerfez, font appellez Sainćts:
que s'ils ont enfeigné idolatrie, comme vous
L'Egliſe a
ešte perfecu dićtes,commết peuuent-ils eſtre Sainćts ? C’eſt
tee de long abus, & pource vous vous abufez, pour neant
täps,parç y, vous vous rompez la teſte.Jamais ceſte nacelle
comment, e ne fera enfonfſee ou perie : car ſon protećteur
pourquoy.
la garentira à perpetuité. Retournons en no
ftre Euangile : voicy vn grand mouuement
fut faićt en la mer, tellement que les ondes
Perils de la
couuroyent la nacelle. Voylà les perils de la
271 er.
mer. Premierement les aſtres, c’eſt à dire, les
fignes au ciel ne font veus. Secondement,
quand on ignore le port. Tiercement, quand
on ne peủt auoir aucune ayde des hommes.
Quartement, quand il n'y a point de recours
ou ouuerture pour fuir, & efchapper.Ceux qui
nauigent fur la mer fçauent trop mieux ra
compter les perils d'icelle, felon que dit
- Ul1
L E s o c r A. D E s R o y s. I95
uid:lpst viderunt opera Domini , & mirabilia eius Pſal.teo.
in profundo.Ceux qui vótfur la mer,ont cogneu
les aeuures de Dieu à ſes faićts admirables fur
la mer.Cinquiefmement, car ils eſtoyent en la
mer,laquelle de foy-metme fans autre accidét,
apporte aflez de peril à l'animant terreſtre,có
me eſt l’homme. Car fans peril, nous ne pou
uons verfer ou frequenter vn eſtranger ele- 1

ment, comme eſt la mer. Sixiefmement, la :

tempeſte s'eſleue, voylà vn autre & plus grand


peril.Septiefmement,IeſusChriſt auqueleſtoit
tout leur confiance dormoit: voyla vn tref,
grand peril, mefines quand le patron des Gal
leres dort en peril eminent. Et toutefois le
Dieu de toute mifericorde , & perc de tou * *

te confolation les a en telle & fi grande ne Mouuemene


ceſſité ſecouru, & ſubuenu. Ce mouuement de tempeste
tempeſtueux, a eſté faićt pour pluſieurs cau /ius la mer,
fes. Premierement, pour la frayeur, & eſpou-pourpluſieur,
uentement des Diſciples, à fin qu'eitãs eſpou- "fans.
uentez, ils criaſſent à noſtre Seigneur, & apres
auoir veu le miracle, ils fuſſent plus confir
mez , & corroborez en la foy, comme chante
Dauid: Ad Dominum cum tribularer clamaui, & "/*l-"º
exaudiuit me. Quand i'eſtoy en tribulation,i'ay Ioan. I :r.
crié à noſtre Seigneur,& il m'a exaucé.Secon- za
dement, pour manifeſter la S
gloire de Dieu,qui uient qque les
pour fa vertu trouble la profondite des abyf hea / "free
mes de la mer, mirigue, adoucit & appaife les
mouuemens des flors & vagues de la mer. A 4ais, C9 atz
eeste cauſe l'enfant eſt nay aucugle , à fin que contraire.
- N 2.
2.
196 1 1 I. d 1 M E N c H E A P R E s
en fon illumination,la gloire de Dieu fuſt rna
nifeſtee. Auffi le Lazare est mort,à fin qu’en fa
fuſcitation, la gloire de Dieu fuſt manifeſtee.
Tiercement, pour la correćtion du traiſtre Iu
das, qui eſtoit auec les bons.Car fouuent il ad
uient que les bons font troublez pour les pe
- chez des mefchans,pour la focieté& cõpaignie
des iniuſtes,les iuſtes font affligez. Tout ainfi
que Dieu pardonne à pluſieurs mauuais , pour
la bonté d’vn, ou de pluſieurs bons : ainſi pour
l'amour defdićts bons & iuſtes, s'ils fe fuffent
genestrs, trouuez en Sodome, & aux citez voyfines , &
Hiere.s. prochaines, Dieu vouloit pardonner à tous. Et
fi l'homme faiſant iugement, & cherchant la
foy, fut trouué en Hieruſalem, Dieu leur vou
É u La loit eſtre propice,& fauorable. Auffi Dieu don
que les na à lApoſtre fainćt Paul, deux cens feptante
bons föufrët fix ames (comme recite S. Hieroſme, contra Vi
t “ “ gilantium ) leſquelles eſtoyent auec luy en la
nacelle, quand ils fouffroyent la tempeſte de la
mer l'eſpace de quatorze iours, Austi il aduient
fouuent que pluſieurs bons fouffrent pour le
I./, z. peché dvn ſeul meſchant. Acham en rendteſ
moignage auec fon larrecin , & maledićtion.
2.Reg. 2r. Item Saul qui iniuſtement affligeoit les Ga
- baonites, il a deferuy par ſon peché & deme
* Kfs */ rité en tout le peuple d'Iſraël, la cherté & fte.
rilité l'eſpace de trois ans. A cauſe de l'a
***** dultere de Dauid ſous Abfalon fon fils , tout
4. Kfg. 20. Iſrael eſt troublé. Et pour auoir faićt nom
brer le peuple, tout Iſrael fuſt affligé du fleau
de
* L e s o c T A. D e s R o y s. 197
de peſte. Pour l'inobedience de Ionas, la mer ionas r.
alloit & fouffloit fur tous ceux qui eſtoyent en
la nauire. Et fut faićte grande tépeſte en la mer,
& la nauire en grand peril d'eſtre enfoncee.
Quartement,pour repreſenter le myſtere de la
paſſion de noſtre Seigneur Ieſus Chriſt & Sau
ueur,àfçauoir que luy dormant en la croix,vne
trefcruelle tempesteaduiédroit auxDiſciples,à Ioan.se.
fçauoir de negation,doubte, tribulatiố,& fcấ
dalle.Car en ce tếps là, tous les Diſciples apres
tous. Quintemét, pour
demonſtrer la generalle tribulation & aduerfi
té de ce temps preſent. Car comme deduit fort
biế S.Paul:Omnesquipiè volunt viuereinChristo, , , ... :
execrationempatientur.Tous ceux qui veulết vi-
ure fidellementen Ieſus Chriſt,ſouffriront per
fecutiố:Permultastribulationes oportet nos introi
rein regnum Dei. Par beaucoup de tribulations
il nous faut entrerau Royaume des cieux:mais
fi la verge de correćtion commence par les
efleus & amys de Dieu. Quelle fin fera-ce de
ceux qui ne croyết pas en l'Euấgile de Dieu? Si
les Apoſtres en la nacelle font troublez auec
leſquels estoit Dieu, & leſquels il appelloit fes
amys, qu'eſt-ce qu'il aduiendra aux reprou
uez, qui ne veulent que Dieu regne fur eux:
ains audacieuſement ils le prouoquent à ire
& courroux contre-eux , comme monopo
leurs & rebelles à fes diuines inſpirations? Ef
coute ! ô homme mortel. Ieſus Chriſt com
mande à ſes Diſciples de monter en la nacelle
N 3 ,
198 1 1 1. D 1 M E N c H E A P R E s
laquelle feroit en perilde naufrage, par la term
peſte de la mer, & par l'impetuoſité des vens,
& luy premier y eſt monté, & fes Diſciples
l'ont enfuyui.Penfezvous que cela ait eſté fait
fans myitere ? Certainement non : car par ce
faićt noſtre Seigneur a voulu monſtrer que
l'hornme Chreſtien doit porter fa croix a Pres
fon Chef Ieſus Chriſt, & pariemment endu
rer ce que la chair & le monde a en horreur,
& abomination. Pluſieurs veulent enfuyure
Ieſus Chriſt quand toutes chofes leur font
proſperes, & à fouhait. Quand ils entendent
que Ieſus Christa fatisfaićt pour nous, & qu’il
nous a reconcilié auec le Pere celeſte, & qu'il
nous a reſtitué en liberté. Lors ils defirent
enfuyure lefus Christ, & prononcent de bou
che qu'ils ayment l'Euangile , ils croyent &
difent qu'ils font Euangeliques: toutefois no
fire Seigneur appelle les fiens à la mer. C’eſt
a dire, à la croix d'aduerſité. Et fi tu es vray
Euangelique, par ceſte voye il te faut enfuy
ure Ieſus Christ , paſſer outre la mer de ce
preſent fiecle, & par grands tourmens & tem
Peſtes, aduerſitez , tribulations , maladies, &
Perſecutions, tafcher d'aller au païs promis:
& lequel Dieu a preparé aux vrays patiens:
'/***** Ipſe autem dorwiebat Voyci choſe admira
ble» celuy dort , duquel il est eſcrit : Ecce
nºn dormiet qui caffodit Iſrael. Voyci celuy
qui garde Iſraël , ne fommeillera point , &
ne s’endormira point. Et il eſt dit mainte
Ilallt

|
. . . 1 E s o c r. d e s R o y s. 199
nant , il dormoit à fçauoir de corps , mais il
veilloit d'eſprit & de diuinité. Comme il eſt ef
crit aux Caņtiques:ego dormio,corautē meum vi- gant f.
gilat. Ie dors & mon coeur veille. Il dormoit :
pour nous donner à entendre”“”“”“
a verité de fon humanité. Carle Verbe diuin
eſt faićt chair & hőme. Ce n’eſtoit pas vn dor
mir fainćt ou fimulé. Car comme vray hom- |

me vrayement il dormoit, à cauſe qu’il eſtoit


laſſé par labeurs,par veilles en oraiſons à Dieu
fon pere: par inſtance & continuelle diligence t: -

de predication : & par perfeuerance de ieufne # &=

& abstinence. Finablement Dieu dort quand


les paſteurs & moderateurs des Egliſes ama
doüez & allechez par les plaifances corporel
les, vanitez mondaines & voluptez charnel
les, font endormis au profond ſomme de la
chair & peché:tellemét que quelque cris qu’on
face ils ne fe vueillent eſueiller, fi profonde-
ment ils dorment fans foucy du troupeau qui
leur eſt commis, & fans memoire de leur pro
pre falut, fans penſer:i'ay en garde la berge
rie de Ieſus Chriſt: vn iour & pluſtoſt que ie
ne penſe il me faut comparoiſtre deuant la fa
ce de Dieu,qui eſtiufte en fes iugemens & au
quel on ne peut rien cacher ou celer , & qui
pour la redemption de fes brebis a reſpandu
& eſpanché ſon precieux & digne fang,qu'eſt
ce que ie luy reſpődray? Ie deuois paiſtre com
me paſteur
paſture. les brebis
Affauoir de fon parc
reueremment de la vraye
adminiſtrer 2 Feurs.***
les’a
N 4
2.OO I I I. D I M E N c H E A P R E s
fainćts Sacremens, fidellement & vtilement
diſpenſer & declarer la parolle du fainćt & fa
cré Euangile, donner exemple de bonne vie
& fainćte conuerſation : & voicy ie ne les ay
pas nourri de la doćtrine de falut , ains par
mauuais exemple & par ma ſcãdaleuſe vie,i'ay
eſté leur condućteur, pour les conduire auec
ques moy au feu de la geine infernalle.O Chre
ftiens, Chreſtiens, ce n'eſt pas de merueilles fi
les tempeſtes des herefies font auiourd’huy
efleuees en noſtre Chriſtianiſme , là où Ieſus
Wief ****** Chriſt ainfi dort en fes paſteurs. Car auiour
feurs eccle- d’h - - * - * -

fastiques. -
uy , funt canes muti hon valentes latrare : ne
- - - * A * *

Efa.s. fcierunt faturitatem,ignorauerunt intelligẽtiam.Ce


FR:eh.s* font chiens muets, aueuglez & endormis, qui
ne fçauent rien : & n’oſent abbayer , ils font
bien curieux d'auoir des palefreniers pour
leurs cheuaux , faulconniers pour leurs oy
feaux, cuiſiniers pour nourrir leur pance , &
engreffer leur pareſſeux ventre : & ne fe fou
cient du pauure troupeau de Ieſus Chriſt, le
quel leur fera vn iour rendre compte des bre
bis qui font peries par leur faute signerance,
mauuaife vie & nonchalance, & les requerra
de leurs mains.
Et que ferons nous en tel affaire & en tel
defaſtre , finon ce qu'ont faićt les Apoſtres:
auecques leſquels nous dirons : Domine falua
nos perimus: Et fes diſciples vindrent à luy &
l'efueillerent, difant : O Seigneur fauue nous,
nous periffons. Les Apostres eſtans en telle
* - - deſtrefle
zr–

1 e s o c r. d e s R o Y s. zor
destreffe & extreme neceſſité, ne fçauoyent
qu'ils deuoyét faire, finő auecques le bon Roy
Ioſaphat leuer les yeux à Dieu,en implorant la "**°.
grace & beneuolence de Ieſus Chriſt: penfans “*”
que toute perſonne qui inuoquera le nom de
Dieu, fera fauué:& aủecques Ieremie: Domine "*""·
frtitudo mea & robur meum, & refugium meum
in dietribulationis. O Seigneur tu es ma force & #
ma puiſſance, & mon refuge au temps de tri- .
bulation. Les Apoſtres font icy trois chofes. christ, e ci
Premierement ils s’en vont à luy auecques affe- ment.
ćtion. Secődement ils l'eſueillét auecques cla
meurs & cris.Tiercemét ils le prient auecques
fupplication. Et pource dit noſtre Euangeliſte,
Accefferunt. Ils font venus auecques vne ple
nitude de foy. Accedentem enim ad Deum, opor
tet credere. Car il faut que celuy qui vient à .
Dieu, qu’il croye. Auffi ils font venus auec- *

ques confiance au throfne de grace, pour obte


nir mifericorde au temps conuenable & op
portun. Ils l'ont eſueillé auecques clameurs &
cris, difant auecques Dauid: Exurge Domine
quare obdormis? Exurge Domine, adiuua nos pro
pternomenfanttä tuum.O Seigneur efueille toy,
pourquoy dors-tu ? O Seigneur lieue toy & ***
nous ayde,& nous deliure par ton nom. Dicen- m.
tes Domine. En difant auecques ſupplications
& prieres,Domine in cuius ditione cuntta funtpost
ta, & non est quipostit tuæ reſistere voluntati: Sei
gneur en la puistance duquel toutes chofes
font miſes, qui fais toutes choſes que tu veux,
** N 5
2 C2. I 11. d 1 M E N c H E A P R es
tãt au ciel qu'en la terre, & en tous les abyfmes,
comme le Roy des Roys, le Seigneur des Sei
gneurs, le Prince & Monarque de toutes crea
tures qui frappe & guarit, bleile & medecine,
qui meine au ſepulchre & rameine , qui mor-
tifie & viuifie, quias les clefs & l’empire de la
mort & de la vie en tes mains & puiſſances:En
ceſte oraiſon ils alleguent & mgttent en auant
la puiſſance de Dieu,diſans : Seigneur. Ils de
clarent leurindigence & neceſité,difans:nous
periffons ſi tu ne nous donnc fecours.Carcom
Ofeer.
me dit le Prophete Oſee : Perditio tua ex te If:
rael,eæ me tantummodo auxilii tuum.Noſtre per
dition eſt de nous, & ſeulement de toy nous
Pfal. 62. vient ayde. Puis ils implorent fa mifericorde,
difans: Salua nos.Sauues nous, qui fauues ceux
qui ont eſperance en toy. O bien-heureux di
fciples de Ieſus Chriſt, vous auez le Sauueur
auecques vous,& vous craignez le peril ? vous
auez la vie auecques vous, & vous craignez la
mort. S'enfuyt l'increpatió de Ieſus Christ,leur
difant: Quid timidi estis modice fidei? Que crai
gnez vous gens de petite foy ? Il les reprend de
deux chofes,toutefois benignement:A fçauoir
Pfalas. de la pufillanimité & foibleſſe de penfee.Caril
eſt eſcrit:6 stambulauero in medio vznbræ mortis,
non timebo mala,quoniam tu mecum es. Et fi ie che
mine au milieu de l'ombre de la mort , ie ne
craindray point les choſes mauuaifes:Cartu es
auec moy. Secondement il reprend la petiteſ
fe de leurfoy. Ce qui estoit reprehenſible aux
diſci
. ' L E s o c r. D e s R o y s. aos
Diſciples: car ils craignent par crainćte, où il
n'y auoit point de craincte : pource qu'ils
croyoiết que Ieſus Chriſten veillát les pouuoit Puiffance de
la parolle di
fecourir,& non pas en dormant. Mais voyons uiwe.
ievous prie comme en eſprit de douceur il in
fruićt les foibles en la foy, & les corrige en
mifericorde, nous laifiant exếple comme nous
deuons eſtre doux & debonnaires en la corre
ćtion de nos freres. Noſtre Seigneur monſtre
icy la puiſſance de fa parolle:Tücfirgens.Alors
feleua fans delay,apres les prieres de fes Diſci
ples:Imperauit ventis & mari. Il commanda à la
mer,& aux vents.Et apres la tépeſte, eſt faićte
traſgrāde tráquillité: apres tristeſſe,lieste:apres
labeuf,falaire:apres la guerre, & bataille,il dő
nevićtoire,il donne la couronne de gloire.Car
il eſt eſcrit de luy: Tu dominarispotestati maris: pſal is.
fonum fluctuum eius tu mitigas. Tu domines la
puiſlance de la mer: tu appaiſele mouuement
de ſes flots,& vagues: Porrò homines illi mirati
funt.Lors les hommes, à fçauoir tant les Diſci
Ples, que ceux qui eſtoyent en la nacelle auec
Ieſus Chriſt,apres auoir
veu ce grand miracle,
s'eſmerueilloyết,& non fans cauſe.Car parfon
ſeul commandement la mera Exod.rz.

Point par vne verge, comme Moyſe: non point


Parvn manteau, comme Helie, qui auecques 4.TR/g.2.
lon manteau,frappales eaues du Iordain , lef
quelles fe diuiferent çà & là:& Helie, & Heli f

ſe paſſerent à fecinonpar priere,comme Heli


Requipastale lourdain àfec nốpoint parvne
Arche
2o4 i 1 1. D 1 M e N c H E A P R E s
Arche de l'alliance,quand les eaues de Iordairi
fe deſtouperent, & les eaues de deſſus s'arre
//***: sterent, & celles de deſſous deſcendirent:& Io
fué paſſa outre vers Hierico: Dicentes qualis est
hic. Difant,quel eſt ceſtuy-ci: Car le ſomme &
dormir le demonſtre homme,& comme vray &
pur homme vrayement il dort. La tranquillité
faićte en la mer à ſon commandement,le pref
che eſtre Dieu. Et pource en s'eſmerueillant,ils
diſent,quel eſt ceſtuy-cy? Il dort comme hom
me,& faićt miracles comme Dieu. Ils s'eſmer
ueilloyent de l'homme dormant, & de Dieu
commandant comme Createur, & les creatures
luy obeyffent : Quia venti & mare obediunt ei.
Carles vents & la mer luy obeyflent.Icy gran
dement eſt taxee & blafmee nostre peruerſité
humaine, laquelle ſeule eſt à Dieu rebelle.
Meſmes que les choſes infenfibles obeyffent à
Dieu. Le feul homme ingrat,ſuperbe, arrogất,
Ingratitude & obſtiné, donné en fens reprouué, oyant la
* "***" voix de nostre Seigneur, cognoiſſant fa volon
té,ferme fon coeur, fesoreilles, fes yeux, & fa
bouche, ne voulant cheminer en la voye des
fainćts & diuins commandemés: mais leue ſes
cornescontre fon Seigneur, & Createur, che
minant apres fes concupiſcences O ingratitu
delô malice!ô peruerfité damnable,qui meſpri
fe les commandemens de Dieu,fes confeils fa
lutaires. Ne craignez vous pas les eſpoụuen
tables iugemens de Dieu? Voy ci toute creatu
re obeyt aux commandemens de Dieu,
-
# Cull:
L E § o c T. D E S R OYs 2O5
feul homme auec le diable,refuſe d'obeyrà fon
Createur. Et toutefois l'homme fans compa L’hommedoit
obeyr à Dieu
raiſon eſt obligé d'obeyr à Dieu, plus que tou plus que les
tes autres creatures,pour pluſieurs raiſons. Pre As Affres creatte

mierement,pour le benefice de creation: car il res, G’pour


t'a creé,figné,& marqué du feau de fon image, quoy.
Secondement , pour le don & benefice de re
creation gratuite. Tiercement , pour la garde
Angelique. Quartement, pour le don de la loy
Euangelique. Quintement, pour l'adoption de
la gloire celeſte qu'il a promis & preparé à ſes
enfans,obeyffans à ſes fainćts & diuins cóman E/a. r4.
demens, qui eſt vn fi grand bien,que Oculus non r. Cor. 2.
vidit,nec auris audiuit,nec in cor hominis aftende
runt que preparauit Deus diligentibus fè. Qu’oeil
n'a pas veu,nyoreille ouy, & n'eſt pas mõté au
coeur de l'homme,ce que Dieu a preparé à ceux
qui l'ayment.Certainement vne chofe t'eſt ne
ceffaire laquelle il te demande,recommãde, &
commande. Si tu la fais, tu viuras eternelle
ment.Et quelle eſt ceſte choſe? obeys à la voix Pfal.r27,
de noſtre Seigneur, fais fon commandement,
tu feras bien-heureux,& il te fera bien. Alors: P/al.20.
Accipies benedictionem à domino & mifèricordiam
à Deo falutari tuo. Tu receuras benedićtion du
Seigneur, & miſericorde de Dieu tonSauueur.
Alors noſtre Seigneur te donnera benedićtion
au fiecle des fiecles.Il te refiouyra en lieffe de
uant ta face. Noſtre bon Dieu & Pere redem Oraifon.
pteur, auquel toute creature obeyt, vueille par
la clarté de fon fainét Eſprit , illuminer nos
COCU IS
2o6 I I I I. D I M E N c H E A P RE S
coeurs & entendemés,pour les dreſſer à la droi.
ćte voye de fes faincts & diuins commande
mens, à fin qu'apres le nauigage en la mer de
ceſte preſente vie , nous puiſſions paruenir au
port de falut perpetuel,de reposeternel,de paix
continuelle,& de ioye qui toufiours dure, pour
adorer le Pere, le Fils, & le fainét Eſprit , vn
feul & vray Dieu, auquel ſoit loüange, hon
neur, & gloire à tout iamais.Amen.

ov ATRIES ME DIM EN CHE


A P R E S L E S O C T. D E S R O Y S.

rs. If, È #
Matt. | Imile fatium est regnum cælorum ho
Marc. 4. | mini qui feminauit bonă femen in agro
AY || fito. Au S. Euangile d'auiourd'huy
čij (Chreſtiens) nous auons à confide
Böté de Diete
rer principallement deux choſes : fçauoir eſt la
G’ malice du
bonté de noſtte Dicu , & la malice du diable,
diable. infidiateur de nos ames. La bonté de Dieu,
quand il eſt dit (le Royaume des cieux ) c'eſtà
dire , l'Eglife militante, la congregation des
Chreſtiens,& la foy Catholique (eſt faićt fem
blable à vn homme) à fçauoit Ieſus Christ (qui
a femébonne femence) c'eſt à fçauoir,la parol
le de la foy &de l'Euangile (en fon champ) c’eſt
à dire, en fon Eglife. Auquel lieu nous faut
noter que le Royaume des cieux n’eſt pas prins
pour le Royaume triumphant, auquel main
tenant regnent les eſleus auec Ieſus Chriſt, &
font heureuſement aſſis auec Abraham, Iſaac,
1. E s o c r. D E s R o y s. , 2o7 | |

& Iacob, duquel lieu a eſté dechaſſé le grand |


dragon Lucifer auec ſes complices & | || | | | |
tes: ains faut entendre par ce Royaume, com- - || |
me nous auons ia dićt, la congregation & af- | |
femblee, ou bien la multitude des bős & mau
uais, comme en l'aire la paille eſt auec le fro
ment, & comme les rets & filets attirent des
poiſſons bons & mauuais, & auquel les vier
ges fottes & folles ſont auec les fages & pru i
-, - * - - | |
dentes. C'eſt donc noſtre Egliſe militante, où | |||| | ||| | ,,
les bons & mauuais font meflez enſemble. *
| || || || || || ,
En paradis il n'y a que desbons,en enfer que | | i | ||
,
des mauuais: en ce monde bons & mauuais. * | | |
Voylà la bonté de Ieſus Chriſt noſtre Seigneur i

& Sauueur qui a femé bonne femence en fon |


|
champ, à fçauoir la parole de la loy & de fon
fainét Euangile qu’il a femé au champ de fon
Egliſe. S’enfuit la malice du diable : Cùm au
tem dormirent homines : Et quand les hommes
dormoyent, c'eſtà dire, ceux qui estoyentor
donnez pour faire le guet, pour auoir l'oeil ou
|
|
uert & faire la veille ſur letroupeau: à fçauoir
les Paſteurs de l'Egliſe,aufquels le digne Apo
ftre Sainćt Paul faiſoit exhortation ,
Attendite vobis & vniuerſo gregi,in quo vos ſpiritus ****
fančius pofuit Epistopos regere Ecclestä Dei, quam ',
acquistuit fanguine fuo. Prenez garde à vous,& à -

tout le troupeau, auquel le fainct Eſprit vous


a mis Eueſques pour gouuerner l'Egliſe de
Dieu,laquelle il a acquiſe parfon fang: & auf: Ezech, s. er
quels il eſt dit par l'eſprit de Dieu : Speculato-ss. |

| ?'^//2
2ο8 I 1 I I. D I M E N c H E A P R E s
rem dedi te domui Iſrael.& audies de ore meo ver
bum & annunciabis eis ex me. Ie t'ay mis pour
guetteur ſur la maiſon d'Iſrael, tu eſcouteras
la parole de ma bouche, & les admonneſteras .
de par moy. En figure dequoy il eſt dit que,
erant pastores vigilantes & custodientes vigilias
Luc.2.
notiis ſupergregem filum.Les Paſteurs veilloyent
gardant les veilles de la nuićt ſur le troupeau.
r. Petr. J.
Aufquels ſemblablementil eſt dit:Sobry eštote,
& vigilate: quia aduerfarius vester, &c. Soyez
fobres,& veillez,pourtant que voſtre aduerſai
re le diable chemine comme vn Lyon bruyant
à l'entour de vous,cerchất quelqu’vn pour de
Les ‘T’affeurs uorer, auquel reſiſtez fermes en foy. Les Pre
de l'Egliſe lats dorment en trois manieres. Premierement
dorment en
trois manie quand ils font abbeſtis & endormis en pareffe,
7"efe negligence, & laſcheté. Contre leſquels crie
Prouerb.or. ce grãdoracle de fapience Salomon : Diſcurre,
festina.fi/cita amicũ tuum:nedederis ſomnum ocu
lis tuis, nec dormitent palpebre tuæ. Va, marche &
follicite ton prochain, ne donne point fom
me à tes yeux, & que tes paupieres ne fom
meillent point. Mais helas? Dormiunt in letiis
Am 0s 6.
eburneis, & laſciuiunt in stratis fuis. Ils dorment
en leurs licts d'iuoire , & follaſtrent en leurs
Ioan. I 3.
couches:Vident lupum venientem, &c. Ils voyent
le loup venir qui matte,perd, eſpard,deſtrouste
& brigande les brebis Chreſtiennes: & neant
moins ils ſe taifent. Quia non pertinet ad eos de
ouibus. Ils ne ſe foucient point des brebis. Se
Philip.2. condement les Paſteurs dorment, Quando que
fua
|
- L E S O C T, D E S R O Y S, 2ο9
fta funt querunt , & non que funt Ieſu Christi.
Quand ils cherchent les choſes qui font à eux
meſmes, nőpoint celles qui font à Ieſus Chriſt.
Tiercement,ilsdorment:Quandopaſcunt femet: *Richa".
ipſos,& non pafcuntgregē domini. Quand ils paif N

ent eux-meſmes, & non pas le trouppeau du


Seigneur : lequel dit ainfi: Va pastoribus Iſrael.
Maledićtion ſur les Paſteurs d'Iſrael, qui paiſ
fent eux-meſmes, & ne paiſlent pas le trou
au du Seigneur. Toutefois ils doyuết paiſtre
es brebis de nostre Seigneur. Premierement, Pafur dela
de la paſture de la parolle de Dieu, & faine fleurs 'doyuết
doćtrine, laquelle est felon l'Euangile, de la patstre les bre
gloire de Dieu beneiſt. Secondement, de la bis du parc de
paſture de la grace de Dieu, par l'adminiſtra- nestre sei
tion des fainćts ſacremens de l'Egliſe de Dieu,*****
lefquels font les vaiſleaux contenans la grace
de Dieu. Tiercement, de la paſture de fain
ćte vie,& exemplaire conuerſation. Et pour la
pasture corporelle , fubuenir des biens de leur
Egliſe , à l'indigence & neceſſité des pauures.
S'enfuyten l'Euăgile:Venitinimicus homo. L'en-
némy d'iceluy vint , non appellé,ſans licence,
& commiſſion impetree de Dieu. O nonchal
lance des Prelats! O maudićt ſommelvous dor
mez: mais l'aduerſaire auecques fes miniſtres
qui font les Heretiques,ne dorment pas. L'ad- mé
Le diehlen
uerſaire combien qu'il ne foit homme, toute höme, C3’ -
fois pource qu'il a vaincu l'homme en paradis A

terrestre ab euentu, il est appellé homme: Et


/perfeminauit KRania. Eta f; deflus zi
-
2IO I I I I. D I M EN C H E A P R E S
zanies au milieu du froment, & s'en alla.Par les
zizanies, nous entendons erreurs, maux,& vi
ces, & tous pechez , leſquels font commis par
la Ảmnasie fuggestion du diable.
Noſtre bon
Dieu & pere trefbening, & debonnaire, auoit
femé au champ de fon Eglife, les parolles de
vie eternelle , de verité, honneste
té, de bonnes moeurs, beauté de vertus, abon
dance de grace, par l'administration des fainćts
Sacremés de l'Egliſe de Dieu.L'ennemy de no
ftre falut, enuieux d'vn fi grãd biếeſt venu,qui
par le moyen de fes Apostres & officiers,à fça
uoir des Heretiques ennemys de noſtre fain
ćte foy Catholique, a entremeſlé fes mortife
res venins entre le froment de la doćtrine de
la foy, entre le pain de la parolle de Dieu, &
entre l'eau de fapience falutaire:lequela adul
teré la fainćte parolle de Dieu , foüillé les
fainéts Sacremens de fon Eglife. Le champ de
noſtre Egliſe a eſté acheté par le prix du pre
cieux fang de Ieſus Chriſt, auquell'aduerfaire
a femé erreurs dommageables, fauſſes doćtri
nes, hereſiès damnables, diuifions pleines de
troubles, douleurs, iniquitez,iniustices, & im
pietez,fans moyen, & nombre. Veillons donc
mes amys,& freres Chrestiens, à fin que Sathan
. **
Les viaux ad
ne trouue en nous aucun lieu pour femer fa fe
34 e77 146 44.47
mence damnable. Le Roy Saül dormant a eſté
dormans. deſpoüillé de fes armes: les cheueux ont eſté
3. Reg.2 r. couppez à Samſon dormant, aufquels confi
Iudie.19. force,) & lequel fuſt prins, lić, garrotté,
& .
s L e s o c r A. D es R o Y s. 21r
& finablement on luy a osté & eftainċt lesdeux
ardantes chandelles de fes yeux, en luy cre
uant & arrachant les deux yeux de la teſte. Lå
femme dormant a fuffoqué ſon enfant:L'aron- 3 Rezs,
delle
ila eſtéa fianté
aueuglé.Lesdiſciplesdornásfoht en- 2.ii.--
furles yeux de Tobie dormãt,dőt “ t/7, 26 e

trez en tentation, öntſbuffert fcandalle en Ie


fus Chriſt, & pour la craincte de la mort ils Matth.,,.
ont defauoüé & renoncé la vraye vie. Ainſi
les vierges dormant & ſommeillant,la porte du
Royaume leur a eſté ferinee: & pource veila
-
- |
lons en operation de bonnes oeuures, car nous
fomrnes les enfans de lumiere. La zizanie pro- Zizsenie fr
prement ſignifie la multitude des pechez:Þre- tepe- ,
mierement
tueuſe:voilaelle avneSecondement
orgủeil. puistànce inflatiue
elle a&puiſ-
vã rquey"
fance ſubtile & ague: voila auarice, Car Faủa- *

ricieux comme le rafoüerbien affilé faićt dol;


finelle,cautelle, & tromperie. Tiercement el- „s.
le a puiſſance perturbatiue de teſte, detaiſon
& entendemetit : qui ſignifie ire & courroux:
duquel il eſt efcrit: Conturbatus est in ira oculus Pſal.so.
meus.Mon ceil eſt troublé en ire. Quartement
elle mortifie : qui ſignifie entrie,de laquelle il
eſt eſcrit: Virumstultum interficit iracundia, G.
paruulum occidit inuidia Courroux occit l'hom
me fol, & enuic metà mort le conuỏiteux. " '
Quintement elle avne puiſſance inebriatiue:
voylà yurongnerie, pour laquelle les hommes
fonrtroublez & efmeus. Sixiemement elle eſt *

venimęufe : qui fignifie luxure, laquelle com


· · · ·) - / O 2.

s)
2I 2 I I I I. D I M E N G H E . A P R E S -

bien qu'elle femble eſtre douce, toutefois elle


apporte la mort, & est amere comme l'aluine,
&affilee comme vn glaiue à deux trenchans,
Septiefmement elle müe la faueur du pain,
elle le rend noir & fans faueur : qui ſignifie
pareſſe. Car oraiſon, ieufnes, veilles, aumof
nes , ouyr la parole de Dieu & fon diuin fer
uice , toutes & telles choſes font aux pareſſeux,
fans gouſt & faueur. Cùm dormirent homines,
Quand les hommes dormoyent. Voyla la non
challance des Prelats, l'ennemy vint, & fema
par destus zizanie au milieu du froment,&s'en
e.n.m, in alla. Où il nous faut entendre que noſtre en
f. rnal n'a nemy n'a aucun chamip qui luy ſoit propre:
point de chip
Mais il eſpart fes mefchantes ſemences au chấp
prepre.
----
d'autruy, à fçauoir de Dieu, Car le ciel, para
dis, le monde, l'Egliſe, le coeur de l'homme,
toutes ces choſes font les eruures de Dieu: &
Matth, f. pourtantil mentoit: quand il promettoit à Ie
fus Chriſt tous les Royaumes du monde & la
gloire d'iceux, difant: Hæc omnia tibi dabo,crc.
Ie te donneray toute ceſte puiſſance & leur
gloire: car ils me font donnez, & iela donne à
qujie veux. Parquoy fi tu te veux ietter de
uant moy,& m'adorer,tout fera tien. Ce n'est
pas de merueille s'il m’ent, Car Mendax est &
Ioan. 8. pater Mendacij:Car il ett menteur, & le pere de
menſonge: & lequel n'est pas appellé le Prin
ce du monde par creation ou par proprieté:
mais par le nom du monde »font fignifiez les
mondains & amateurs du monde, deſquels le
* diable
- L. E s o c T A.: D E s R o Y s. --213
diable eſt Roy & Prince excellent de malice,
impieté, & vice: & pource au monde il n'a
rien qui luy ſoit propre. Semblablement en
l'Egliſe de Dieu & au coeur de l'homme il n'y
a aucun droićt ne puiſſance, finon autant que |
# noſtre negligence luypermet. D’auantage il
# nous faut noter que les femences de Dieu & “
-

|

de Ieſus
: font Christ, & du diable & de l'antschrift ."
|
contraires. Dieu feme bonne femence,
& le diable mauuaife: Dieu feme grace, & le res.
diable coulpe: Dieu femie vertus, & le diable
vices. contre humilité de Dieu cherie,
le diable feme orgueil de Dieu hay : Contre, , , , ,
charité,rancune contre douceur, fureur: con- -
ai
| !

tre diligence de labeur, pareste: & parrauarice


il met hors la liberalle communica
tion des biens: Il ſurmonte attrempance: qui
eſt la maistreffe de vertu ſur l'appetit defor
donné, par immoderance ee & deſme
furee: & par luxure il fo uillela faincte & honi
neſte chafteté. . . . . ::: . '; i - į oli 1: :
-

Retournons à l'ordre de nostre fainét Euan-ra»y vº


gile: Et abijt. Cartoufiours il chemine & cir- 1. Petr.s.
cuit querens quem deuoret.Enuiróne laterre, cerr . . ., ...
- -

chant quelqu'vn pour deủorer. Par là nous -

- *

vovons que Dieu n’est pas autheuride peché, Pie" n'est


comme ſe teſmoigne ſe diuin Prophete:Ba- itear
uid: Quoniam non Deus volens iniquitatem tu es. p. :
Dieu ne veut pointiniquité: Perditio tua Iſraél osté.
exte : tantum modo in me auxilium tuum: Tu t’es
perdu Iſraël , nuano, etomayde. Et
. 3
;214 14 11. d 1 M e N c H E A P R e s
pource quandon demande dont vient que ton
champ a des zizanies,promptement on reſpőd,
l'ennemy & non pas Dieu a femé par deſſus
les zizanies. Il n'y a choſeque Satan n'ayt at
tenté contre l'Egliſe de Dieư & les fainćts Sa
!cremens, meſmesideila faincte Eucharistie.
S'enfuit:Càm autem creui/etherba. Et quandle
* froinent fust creu en herbe, par le proufit de
w *** la foyi: carà la predicariou des. Apoſtres, la
a.s multitude des croyats estoit plus augrneritee
én nostre Seigneur. Etfrutiifafeeiffet : & eust
faićt fruict par opciation de bonnes oeuures,
Iacobi 2. Carola foy fans borines. oruures eſt morte.
Tiencappainerunt & zizania. Adoncques s'ap
parurentiauſit leszizanies par manifeſtation
des erreurs & ordures dei peché. Car d'au
tant plus que l'homme croist en gracei& fa
pience, & qu’il prouffite eni vertus, par pure
illuminee & exerciteet, d'autant plus
esoviées, imposturës, & rufes des heretiques,
perils de l'Egliſe, & falut des ames, eſt veu &
similitude apprdhondé. Tout ainſi qu'en la maiſon illu
...a, a minee pardes rayons du Soleil font veuz les
atomes, c'eſt à dire, les petites chofes qu'on
zvoit és rayons du Soleil,qui ne ſe peuuent par
*****" tidleſquelles estoyent cachees és tenehres &
v “ váibres de la nuićt : Ainſi le Soleil dc iusti
. . An* * * a - • ,

a ce qui eſt leſus Christ, vraye lumiere du mon


. No Be illuaninant la maiſon de noſtre penſee par
la foy, par la parole der Dieu, par la grace &
vertü, alors s'apparoiſtront, abstondita tanehr4
: , z“1477?
1. E s o c r. d e s R o v s. 215
rum có manifestabuntur conſilia cordium. Les fe
crets des tenebres,& feront manifeſtez les con
feils des coeurs. Cependant nous auốsicy à no
ter cốme les vices & vertus croiſſent en l'hom
meenſemble,cốme la zizanie auec le froment.
Ainfile loup räuistant ſe couure de la robbe de est de dia
la brebis, comme faux & meſchant marchand.“
| Il vend le cuyure pour fin or, l'eſtaing pour
argent, le verre verd, pour emeraude : les poi
fons mortiferes , pour medecines falutaires:
: amertume pour douceur,& pour myrrhe:Com
me amy fardé & maſqué vſe des parolles d'vn
vray amy. Ainſi.orgueil fe cache fous le man
teau d'humilité: auarice fous la robbe, de li
beralité:ire contrefaiót iuſtice:enuie faićt fem- ' ’
blant d'eſtre charitable: gourmãdife,& yuron
gnerie s'excuſe par neceſſité : luxure fe couure
de chafteré, pour luy faire vmbre : & parelle
veut bailler de diſcretioni: Acce
dentes autem ferui patris familia). Et les ſerui
teurs du pere de famille vindrent & luy di
rent:Domine,nónnebonumfemenfeminasti
l- i :- –’-------- * * -
:
in agroi Les Anges
tuo? Seigneur,n'astupas femé bonhe feměn-, , ;
ce en ton champ? Les feruiteurs de Dieu, à rei, host, de
fçauoir les faincts Anges : Qui funt administra grande admi
;r ffinie in mini im gruper qui
hareditatem capiunt falutis. Qui font leseſprits
{
* **

administrateurs enitoyez en administration


pour ceux qui receuront l'heritage de falut,
propoſent trois chofes; par leſquelles adinita
tion &efbahiſſementeſt augmenté : à ſçaudit,
, : , : ; O 4
216 I I I I. D I M E N CIH E A P R. E S
Premierement,la bonté du femeur. Seconde
ment,labonté de la femence. Troiſiefmement,
la bőté du champ. Toutes ces chofes font bon
nes. Ils l'appellent ( Damine) Seigneur. Par là
ils ſuppoſent qu'il peut toutes chofes. Tu es
bon , & ſeul bon par naturé. Ta femence eſt
bonne , ſemblablement tontchamp eſt bon.
Quia eſtéſi audacieux,obſtiné, impudết,plein
d'enuie, fans reuerence de ta puiſlance, fans
honneur de ta ſapience, en bon
té,fans craincte de res iugemens. Qui s'eſt par
forcé de fouiller,& maculer, corrompre, & de
struirelles choſes par toy bien faićtes: meſmes
Efa.6 6.
en ta preſence, qui tout fçais, vois, & cognois?
Celum enim & terram tuimples. Car tu remplis
le ciel, & Ia terre. Quj eſt-ce qui a meſpriſé
les richelles de ta boňté,patience,& longue at
tente? Vnde erga hahat Rižania ? Dont y font
doncques vennes les zizaries: Et il leur dit:
Inimicus humo hoc fecit. L’homme ennemy a ce
faićt, Par ceſte reſponſe noſtre Seigneur fer
a
me la bauche aux Heretiques: à fçauoir que
* * * Dieu n'eſt pas autheur de poché, & du mal de
‘... . . A
coulpe: Serui autem dixerunt, & vis imus & col,
** ** *,
--
** * ·
ligemut ea? Les feruiteurs bons & fidelles luy
- z- *
ont dit, veux tu doncques que nous y allions
fans retardement, ou delay,&les cueillons? Et
ait,non:ne fortè colligentes Ričenia,eradicetisſimul
& triticũ, Etil dit nőtà fin qu'il n'aduiếne qu'en
cueillant leszizanies, vous arrachez auſſi auec
elles le froment. Penſons icy Chreſtiens, & re
- - - penſons,
.

|
1 e s o c r d e s R o ys.
penſons,combien nostre Seigneur ayme le fro
2r7
|
ment.Car il ſouffre la mauuaiſe feméce en ſon
champ, nő pour autre cauſe que le froment ne
foit arraché. Et pource toutes choſes font fai
F
||||
|
ćtes pour le profit des efleus,à fin qu'ils obtien
nent falut: Sic Deus volens aftendereiram crno- R?” ?
tam facere potentiam faam fieftinuit in multa pa
| tientia vafaire aptain interitã,vt oftenderet diui
|
sr
»v
tias gloria fue in vafa mifericordie, que preparauit
in gloriam. Ainſi Dieu voulant monſtrer fonire,
& bailler à cognoistre ſa puiſſance , a enduré
en grãde patićce les vaiſſeaux d'ire,appareillez
|
à perdition, pour monstrer les richelles de fa
gloire, & vaiſſeaux de mifericorde; leſquels il
a preparé à fa gloire. Et pource difoit-il:Oal-*""·
titudo diuitiarum fapientiæ & ſcientiæ Dei, quàm
incomprehenſibilia funt iudicia eius, & inuestiga
biler via eiu. O profondeur des richeffes de la
|
fapience & cognoiſſance de Dieu! Que fesiu
gemens font incomprehenfibles: &fes voyes
impoſſibles à trouuer. Veritablement les iuge
mens de Dieu fònt vngrand abyfme,& pource
il eſt dit:Sinite vtraque creſcere. Laiffez croiſtre
enſemble l'vn & i'autre, bons, & mauuáis, ap
prouwez;& repronuez. Çar fi toutevne cómu
nauté eſtoit arrachee, alors les iuſtes en icelle
feroyent perdus auec les mauuais & iniustes.
Car auiourd'huy Saul lapide fainét Estienne, Aå,z.
: & bataille cốtre la foy, quidemain eſt changé,
non par nature, ains par grace, en autre hom
me,& faićt la fidelle & claire trompette de l'E
. - O j
218 111 1.o D 1 M E N c H en A P R E s -

-uangile de Ieſus Christ. Laiſſez donc croistre


renſemble l’vn & l'autre: Vfque ad meffem. Iuf
ques à la moillon, c'està dire, iuſques au der
-nieriour du grādiugemết. Ce qu'il fantemten
-dre de ceux qui ne fönt pas notoires ny obſti
* * -nez, ny conuaincus, ny defquels ne procede
le general dommage de l’Egliſe." Gar on ne
******- doit permettre:Maleficos viuere. Que les mal
faiéteurs notoires viuent fils la terre. Comme
faux Prophctes, Heretiques, qui doyuent eſtre
punis de mortimais les pechez ſecrets doyuent
estre delaiſfez, pour eſtre punis aux ſecrets iu
ZR?m,2.
* , opera eius.de Çar
gemens Dieu: Quireddit
il rendra à vnvnicuique
chacun fecundum
fclon fes
" deuures:Mihi vindičiam & ezoretribuam.A moy |
aeſt lavengeắce, & i'en feray remuneratiő:Et in
tempore mefis,dicam mefforibus. Et quandil fera
i temps de moillonnerde finalleretribution; ie
-diray aux moiſlonneurs, c’eſt à dire, aux An-
2 ges : Colligiteprimumzizania. Cueillez premier
leszizanies, pour les feparer perpetuellement
ode la compagnie des iuſtes. Et ce quant à la
ºpeine du dommage, & du fens: Alligate. Et les
afal.rzo. liezsà fin qu'ils ne puiſſentfuyrouleuader:Ad
faciendam vindittäin nationibus,increpationes eo
rum inpopulistad alligandorreges eorum in căpedi
bus cárnobiles eorum in manicis ferreis, vtfaciant in
.v...... eis iudiciă constriptum Pour faire vengeance des
, nations, & pour chastier les peuples, pour lier
les Roys de chaiſnes, & les Nobles en liens de
-fet,pour faire en eux le iugement efcrit.
; (" -
ai ils


1 e s o c r d r s R o vis. i 219.
ils ne pourront fortir desenfers. Comme il eſt
notoire du mauuais riche. Et pource il prioit
: que le Lazare fuſt enuoyé à ſes freres. Et par Luc.ro. **
ainſi, Ligatis manibus & pedibus mittếturin tene- ******* *
bras eæteriores, Les pieds & mains liez feront .
plongez és tenebres infernalles. Alligate ergo ,
faſciculos ad comburendum, Liez les donc- Lierinfizet•
Fø4 472

ques en fagots & bourrees pour bruſler. Lier ** * * *, **

en fagots,c'eſt conioindre & accompaigner les ,


& femblables auecques leurs pareils & - , , , , ,
emblablesià fin que ceux que femblable coul- or
pe a maculé & fouillé, ſemblable peine les ***
fengle,liez
contraigne
les Roys&iniustes,
# ferre. AuPrinces
premier fagot Au premier
feront impies, feront
* – ** * - iez, les Roys

Ducs iniques, Comtes, Barons, Gentils hom


mes & tous ceux qui ont le regime de iuſtice, Magistrati.
tousles magiſtrats, iuges qui ont eu puiſſance *.

de gouuerner, iuger & commander, & n'ont **


pasiustementingé ſelon la volonté du iusteiu: ,
ge. Alligate ea in fasticulos ad comburendum. Il . . .
dira aux executeurs de la iuſtice diuine,liez les
en fagots & bourrees pour les bruſler. Au fe- Austrandf
cond fagot feront liez les prelats & paſteurs
... 3 * * * - v f /les Pre
. liez,
qui n’ont point eu de foucy du troupeau à eux lats G Pa
commis: ains ont cerché les choſes à eux pro- i r.
:es:eneſtudiant en auarice,en faifantſeanda- * .

e,& qui n'auront pašinourry les brebis Chre: \ \


stiennes de la pasture des fainéts Sacremens,
de la parolle diuine,de bonne,fainéte & exem- -
- **\
Plaire conuerſation.devie. Alligataea, Celuy
quiest iuste en ce: iugement dira aux execu
, "it", : - teurs
J
22o 1 1 1 1. D 1 M E N c H E A P R E s
teurs de laiuſtice diuine, liez les enſemble en
fagots pour bruſler. - - - -

4 : f : Au tiers fagot feront liez les Religieux irre


# . : guliers & Preſtres Apoſtats & reuoltez qui
irreguliers , en leurs habits & tontures portent ſignifica
Prestres apo tion de foy,charité & deuotion. Mais en leurs
|
f º r* faicts, vie , & conuerſation font loups råuif
7 m.:/- fans. Parquoy dira le iuſte iuge , Alligate ea.
- Liez les en fagots & bourrees pour bruſler.
ront les ma- Au quatrieſme fagot feront lież les mariez for
K.ſ nicateurs,adulteres,& inceſtueux, qui ont vio
lé lesvierges paillardé auec leurs parentes,vio
Huen. lé& prophant le lict de leurs prochains, non
* ,
- contens du vaiſſeau que Dieu leur auoit don
né en honneur & fanétification. Alligate ea,
Celuy qui eſt iuſte en fes iugemens dira aux
Au cinquief executeurs de la iuſtice diuine,liez les enfem
. | ble en fagots pour bruſler. Au cinquieſme fa
chans.
got feront liez les marchans mefchans, tous
auaricieux,vfuriers,rapineurs, qui ontvendu à
faux poix & fauffes meſures, en trompant &
* deceuant ceux qui achetoyent de leurs mar
* . chandifes. Alligateea. Celuy qui eſt iuste en
... , fes iugemens dira aux executeurs de la iuſtice
diuine,licz les enſemble en fagots pour bruf
4“ fferont
f:: / briques
ler.Au fixieſme fagot
ſenfuelles feront liez liez
& paillardes, les vefues
les en lu
fa
iez, les vef- -- : - * r- r * a – -*

i gots & bourrees poureſtre bruſlez. Et en l'au


ques. tre fagot ferőt liez enfemble les vierges fuper
bes,hăutaines & cốtrefaictes:fils&filles à leurs
peres & meres inobediens: cruels &
o ! ; CIUll
*
*
L E s o c T A. D E S R o Y, s. 22 I
feruiteurs & chambrieres,larrons & larronneſ
fes. Et pour le faire brefles ſuperbes&hautains
de courage, auec les ſuperbes & hautains de
courage:les riches chiches, auec les riches chi- ,
ches,les mutins & detraćteurs qui à tous pro
pos fe courrouſſent, deſpitent, detraćtent &
diffament le bon bruit & renom de leurs pro
chains,tous blaſphemateurs du nom de Dieu,
qui en derifion & moquerie du pitoyablemy-
ſtere de la douloreuſe mort & angoiſſeuſe
paſſion de Ieſus Christ nostre Seigneur & fau
ueur par execrables blaſphemes blaſphement
les precieux membres de noſtre bon Dieu &
pere, redempteur, feront liezenfemble auec
ques leurs ſemblables en fagots & bourrees
pour enfermble øſtre bruſlez: les enuieux auec
ques les ennieux:gourmans& yurongnes auec
ques les gourmans & yurognes: les paillards
& paillardes,auec les paillards & paillardes:les
parelleux & negligens auecques les pareſ
leux & negligens : tous nouueaux perturba
teurs de fainćteté, ennemis de l'Euangile, ad
uerſaires deverité,corrupteurs de la fainćte ef
criture, traistres de la vraye foy Chreſtienne,
larrons & ſacrileges des fainćts vaiſſeaux & ca
lices conſacrez pour l'exercice du diuin office:
rćuerfeurs des autels, meurtriers & ſanguinai
res des Chreſtiens Catholiques & fidelles, he
retiques ſacramentaires & ſchiſmatiques par
le iuſte iugement de Dieu feront conioinćte
ment & enſemblement liez, pour enſemble
- eſtre

/*
i22 I I I I. D I M E N C H E A B R E S

eſtre compagnons & participans en peine &


tourment, comme ils ont eſté en coulpe com
muniquãt pour eſtre bruſlez. S’enfuit mainte
Free/ne de nant le proëſme des eſleuz:Triticum autem con
-- gregate in horream meum. Mais affemblez le fro
p. ment en mon grenier. Par le froment fonten
gnifie les f. tendus premierement les eſleus.Car comme le
le cºnment fromét est blanc par dedãs,ainli font les efleus
G'Pºur4uºy blancs par pureté de conſcience & mundicité
de coeur. Secondement le froment par dehors
eſt rouge:ainfi les eſleuz font rouges par patiế
ce, qui patiemment portent les aduerſitez,attế
dant la mifericorde de Dieu.Congregate ea,Af
femblez-les.Car leur recompenfe fera augmé
Similitude.
tee par la commune focieté des bons & iu
ftes: tout ainſi que la peine des reprouuez eſt
augmentee par la multitude des damnez.Ain
fi la gloire & beatitude des eſleuz fera multi
pliee par l'abondance des bien-heureux : tout
ainſi que l'ardeur du feu est augmentee & ac
croiſt par la multitude des damnez. Mais au
cốtraire,la gloire des eſleuz fuccroiſt & s'aug
mente de ioye parla multitude des fauuez.La

| quelle ioye fera auſſi multipliee par la dou


similitud... ceur du lieu. In horreum meum, en mon grenier:
C'eſt à dire, au royaume des cieux & Paradis
celeſte.Ibūt iusti in vitam aternam,les iustes irőt
en la vie eternelle.Car comme le frornét apres
qu'il eſt femé produit fruićt, & apres eft
moillonné ; il est bartu par les fleaux, brifé &
tompu en la meule du moulin , paiſtry & cuit
CIR

*
1. E s o c r d E s R o Y s. 223
en la fournaiſe du feu ardant, & puis il est in---
corporé au corps de l’homme pour l'entretene
ment de ſa vie. Ainfiest-il desbons Chrestiens
que Dieu ayme.Car comme le froment,ils font
fruiét de bonnes æuures, & fainétes operatiós.
Ils font battus,& viſitez'de steaux, & verges de
noſtre Seigneur en ce rnortel monde.. Ils
•• • /* * * . font
* „ Tit. I.***
cuits en la fournaiſe du feu d'amour diuin. Et ,.,,.
toute leur vie est profitable & vtile à tous, en Luc.rs.
parolle,en cốuerſation,en foy,& charité,en do
ctrine; & chafteté, en grauité de bőnes moeurs.
Finablement: Recipiuntur in eterna tabernacula.
Ils font recueillis aux eternels tabernacles ; &
celestes manſions: pour nostre
defquelles estre poſſeſ-a...
feurs, nous ſupplierons bon Dieu & Pe- Oraiſon.
re Sauueur, de dechaſſer du milieu de nöustou-,
te zizanie. A fçauoir,tous fcandalles de peché,
& d'herefie, à fin qu'apresle diffinement de ce
monde , & au grand iugement general, nous
pui ffions eſtre recueillis, commele pur grain de
froment, au haut & celeſte grenier de Paradis,
pour loüer celuy qui vit eternellement auec
ques le Pere, & le S.Eſprit,auquel ſoit gloire,
& loüange eternellement.Amen. -
D IM E N C H E D E L-A
s E P T V A G E s 1 M E.

I M i 1 e est regnum celorum homini


patrifamilias qui exijt primo mane con
ducere operarios in vineam ſuam. A
Ŝi l'hőneur de la fainćte Trinité, trois
chofes
224 - D I M E N C H E D E

Matth.-º-choſes font touchees au fainét Euangile d'au-,


iourd'huy , à fçauoir la diuerſe vocation des
ouuriers.Secondement,la remuneration du la
beur.Tiercement,la propre cốuenance de la fi
militude, en affirmant que les derniers feront
les premiers,& les premiers feront les derniers:
' .
Simile est regnum calorum, &c. Le Royaume des
cieux eſt ſemblable à vn homme pere de fa
mille , lequel eſt yflu au poinćt du iour, pour
louer des ouuriers pour ouurer & trauailler
en fa vigne. Pour auoir la vraye intelligence de
noſtre ſainćt Euangile, il faut d’vne profonde
penfee,confiderer pluſieurs chofes. Premiere
ment ce pere de famille c'eſt Dieu, duquel tou
Pſal.23. te creature est fa famille : Domini est terra &
plenitudo eius orbisterrarum & vniuerst qui habi
tant in eo. La terre eſt au Seigneur, & le conte
nu d'icelle, la rondeur de la terre, & tous ceux
qui habitent en icelle. Les ouuriers font tous
ceux qui veulent viure fidellement en Ieſus
Chriſt. Le denier,la vie eternelle.Lavigne,l'E
glife & congregation Chreſtienne.Les heures,
les aages du monde, & de l'hőme. Le premier,
Ieſus Chriſt felon l'humanité : car felon la di
uinité, il eſt le pere de famille enſemblement
L'Eglif Ale auec le pere:Simile estregnă calorum. Le Royau
Fayt"
cieux, e pour
me des cieux est ſemblable, c'eſtà dire, l'Égli
4aoy.
fe militante, ou la vie des iustes. Car Dieu re
git & gouuerne fon Eglife. Et fi l'Egliſe eſt en
PEuangile nommee le Royaume des cieux. Et
veu que le Royaume des cieux eſt le Royau
-, - im C
1. A s E R T v A G E S I M E. 22f
me de verité, comment doncques éncé Roy
aume euſt regné erreur & faufleté quinzeicens
ans : comme faustement ont fongé & forgé les
fchiſmatiques & heretiques ? 2. L’Egliſe eſt Ł'Églist º'er
nommee le Royaume des cieux: cartout'ainſi
- • • / ; : mēt, C9 pour
- -

que le Dieu de gloire habite és cieux, ainſi


il habite auecques les fiens iuſques à la fin du Matth.rs.
monde. 3. Nostre seigneur ett veu és cieux fa- ,
ce à face:ainfi en l'Egliſe il eſt veu par les yeux
de la foy, par mundicité de conſcience, & pu
reté de coeur. 4. Noſtre Seigneur és cieux eſt
continuellement glorifié par les bien-heureux
auec loüanges & actions de graces, auecques .
voix de ioye,&lieſſeaux fiecles des fiecles,c'est
à dire, à tout iamais. Ainſi les iustes & fidel
les Chrestiens remplis du fainét Eſprit,auec le
fainét & diuin Prophete Dauid, diſent:Benedi- efalu,
cam Dominum in omni tempore,femperlau eius in
ore meo , Ie loüeray le Seigneur en tous temps,
fa loiiange fera toufiours en ma bouche. Quin
tement, tout ainſi qu'au Royaume des cieux
il y a paix & repos eternel: ainſi paix & vraye
concorde eſt entre les hommes de bonnevo
lonté, Noſtre grand Dieu & pere eternel, fei
gneurie au ciel & en la terre par fa puiſſance
inuincible, il gouuerne par fa infalli-
ws
ble, il ayme par charité inflexible, il distribue te º
les threfors de ſa bonté, grace & gloire abon- '
damment, il remplit toutes choſes par fa be:
nedićtion. Suyuons l'ordre de noſtre Euangilet
Le Royaume des cieux est femblable, c'està
- P
226 D I M F N C H E D E *

dire l'Egliſe Catholique, Hemini patrifamilias,


|
à vn homme pere de famille: c'eſtà dire Dieu,
à l'image duquel l'hône est pri
mo mane conducere operarios in vineam fram, Qui
eſt illu au poinct du iour pour louer des ou
uriers , à ouurer en ſa vigne, Il eſt yſlu, non
Hi pas en changement de lieu : car il remplit le
ciel & la terre. Ainfi dit le Seigneur: Calum
mihi fedes est, & terra stabellum pedum meorum,
le ciel eſt mon fiege, & la terre eſt l'eſcabel
"/**"* le de mes pieds. Si aftendero in calum , ta illic
es : fî deſcendero in infernam, ades, Si ie monte
au ciel, tuy es: f - ''(cens aux enfers,tuy es:
mais faiſant quelque chofe de nouueau en ef
pandant & deſployant la grace & les rayons de
facharité ardante: Secondement, Erijt, Il eſt
yflu en manifestant foy-tneſme en fa parole & .
en fes oeuures. Car quand il n'eſt cogneu, il
eſten fecret:mais quấd il eſt cogneu de fecret,
il procede & marche outre , en fe faifant co
gnoiſtre, tant plus il est yffu, tant plus il mani
feſte foy-meſme. Primo mane, Âu poinét du
iour: c'eſtà dire,au premier aage du monde,où
il nous faut noter qu'en ceste parabole Euan
gelique, nous liſons que le pere de famille en
zien est iffu vniour eſt yffu cinq fois, non pour autre cauſe
f que pour louer des ouutiers à ouurer en ſa vi
l e no: Hre fa- gne.
tº : Premierement
***, de grand matin,quãd apres
* - - * - -

lut. auoir creć toutes choſes,il dit : Faciamus homi


Genestr. , nemad imaginem nostram, Faifons l'hőme à no
Rre image: voylà la premiere yſluë de nostre
*i pere
L A „S" E P T V: A GU E. 327
pere de famille, en laquelle il a dënionstródà
fouueraine charité qu'il'auoit à I’hommơ, em
le creant à fon irnage,lny donnant Seigneurie "- ,
& domination de routes creatures, & luy dont "'
nant fa fainéte benediction. Mais pourquoy
a-ił faict cela ? pour auoir des ouuriers pour
ouurer en fa vigne, à fin que la terre fuſt peu
plee des hommes qui cogneuflent Dieu , l'ay
maiſent, & adorafient. En apras que les hom
mes furent
malice multipliez fuslaterre,
& deprauation de l'huihain&lignäge,
voyant lail coagºa.
J

fe repentit qu’ilauoit faíċt l'homme en later


re, & fait dolent en fon coeur. L’Eſcriture fain
ćte nous parle par parolles vfitees, & accouſtu
mees,à fin que par les citoſes cogneuës, tous .
paruenions a la cognoiſſance des chofesà nous
incogneuës.Carrepentance,douleur, & autres
pastions me font pas en Dieu.Alors il eſt fecon
dement yifu, c’eſtà dire, il s'est manifeſté au
monde, quandila demonstré fon eſpouuétable
ire aux mcfchans: alors qu'il enuoya vn delu
ge vniuerfel; quia fait defloger tout le monde
de deſſus la face de la terre, & fa mifericorde
aux bons,à fçauoir à Noé,& aux fiens.Et pointi
quoy cela? pour louër des ouuriers en fa vigne,
à fin que Noé, fa posterité ; & fes ſucceſieurs
qui viendroyent apresluys par ce redoutable
iugement, ils apprinflent à craindre Dieu ; &
en rendantclaire ſa mifericorde, ils aymallent
Dieu apres ces choſes. Et pource qu'apresle
deluge, ils accommencerent à foy deſtourner,
* P 2.
| ||
f |

228 D 1 M E NC H E D E |
W foruoyer, & aller hors le droićt chemin. Tier
- cement il eſt yffu, c'eſtà dire,il s'eſt manifeſté,
geneſ '°' non à tous:mais à Abraham, difant: Num celare
Genef: rº. potero Abraham que gesturu fum:cum futuru fit
in gentem magnam & robustifimam, cớ benedi
| | | | || cendefint in illo omnes nationes terræ ? Scio enim
quod præcepturufit filijsfilis & domuistiepost fe vt
|| |
4 " | | | | tt |

ir || || ||
custodiant viam domini,& faciant iudicium cớ iu
ffitiam. Celeray-ie à Abraham ce que ie fais,
veu que de luy doit venir yn peuple grand, &
| | || fort, & qu'en luy feront beneistes toutes les
1 | | | nations de la terre? Carie fçay qu'il comman
dera à fes enfans & à fa maiſon apres luy, que
ils gardent lavoye du Seigneur, pour faire iu
ftice & iugement. Et apresque les enfans d'If.
raël furent detenus en Egypte, meflez auec
ques les Gentils,& qu'ils eurent aprins à faire
leurs oeuures, ayans mis en oubly qu'ils fuf
fent les enfansd'Abraham,& la fainéte femen
ce.Quartementilestyſlu,c'eſtà dire,il a mani
feſté ſon courroux aux mefchans, & famiferi
corde aux bons,en deliurant les Iſraëlites de la
dure feruitude d'Egypte. Pharao oppreſſeur
inhumain auec ſon armee,cheuaux,& cheuau
cheurs,furét ruez jus en la mer,noyez, & abyſ
mez,tellemét qu'il n’en demeura d'eux iuſqu'à
vn ſeul : enfans d'Iſraël cheminerent
par le fecau milieu de la mer, & les eaux leurs
estoyent comme murailles à leur dextre, & à
leur feneſtre. Et en ce iour là,le Seigneur fauua
Iſraël de la main des Egyptiés,& Iſraël veit les
Egy
- - LA S E P T V A G E. 2.29
Égyptiens morts ſur le riuage de la mer. Iſraël
donc veit la grande puistance que le Seigneur
auoit exercé contre le peuple
craignoit le Seigneur , & creuſt en luys & en
Moyſe fon feruiteur. Finablement quand le
veſpre du monde s'approchoit, & qu'encore
pluſieurs eſtoyentoyfeux, à fçauoir le peuple
Gentil. Il est yffu,c'eſtà dire, il s'est manifeſté
en fon fils: Qui est imago & figura ſubstantia eius. Heb.t.
Quj est fon image,& la figure de fa ſubstance: ""“.
maispourquoy Vt conduceret. Pour loijer des
ouuriersà ouuter en ſa vigne. Notammétil dit
(ouuriers) & non ſeulement auditeurs,ou par
leurs,qui ne font que parler,& caqueter, con
tempteurs,gabeurs,& corrupteurs de la parolle
de Dieu, deprauateurs desŠainćtes eſcritures.
Cőme auiourd'huy lesnouueaux dogmatiſtes.
Et quand il euſt fait conuenance auec les ou
uriers:Ewdenario diurno.D'vn denier pouriour,
c'està dire, de la vie eternelle, de la couronne
de vie ; & de gloire. Le denier ſignifie la vie Denier, vir
eternelle, pour pluſieurs raiſons: car la ron eternelle.
deur du denier qui n’a ne commencement , ne
fin,repreſente labeatitude eternelle: Quia re
gnieius non erit finis. Secondement, le denier
a l'image du Roy imprimee. Ainfi ils verront
le Roy en fagloire faceà face. Tiercement, la
clarté du denier fignifie que:Aliquid coinquina- Apoc.21s
tum non intrabitin regnum celorum.Rien fouillé
n'entrera au Royaume des cieux. Et que tous
les corps des bien-heureux feront conformes c-'

- P 3 #*
*jê B I M’E N C II E C D E .

hu cérps de la clairé de Ieſus Christ. Quar


temerit,il å vne eſctiture à l'entour. Cela porte
tignification que les noins des efleus font ef
crită au liure de vie és cieux. Quintement, le
denierancien valloit dix liures d’argent. Cela
nous fignific que tel pris eſt acqueſté par l'ob
feruánce des dix commandemens de la loy.
Sixiefinement, le denier eſt forgé auec grand
***“ labeur. Auffi les iustes: Per multas tribulationes
intrabunt in regnum Dei. Entreront au Royau
* .*', me des cieux par pluſieurs labeurs, & tribula

tións:Finablement,le denier a vnernatiere pre


cieuſe,caril eſt d'argent. Et quelle chofe peut
eſtre meilleure plus deſirable, & plus heureu
fe que la felicité & beatitude etermelle? Car
ceil n'as pas veu,n'oreille ouy,& n’eſt pas mő
té au coeur de l'homme, combien grāds font les
biens quc Dieu a preparé à ceux qui l'ayment.
Et quand il eut conucnu auec lesouuriers d’vn
denier pour iour. Car aux enfans de lumiere
faiſans les fruicts du iour de lumiere, eſt pro
inis le prix eternel. Et lequel denier, c'est à di
re, la gloire eternelle eſt. rendue au iour de
*/**** gloire,duquel ileſt eſcrit: Meliorest dies zna in
atrys turs/aper millia. Mieux vaut vn iouren tes
falles,que mille autres. Item la gloire eternelle
eſt nommee denier d'vn iour: car pour l'obte
nir, iournellement on laboure en la vigne de
Ieſus Chriſt, & pour lequel impetrer , on la
boure au iour de grace, & est receu au iour de
gloire: Et mift eos in vine im fitam. Et quand
il
A L A s e p r v A G es i M e. 231
il fut yſfu enuiron l’heure de tierce, c'eſt à di- -

re,en l'aage de ieuneſſe.Il en veit des autresqui


estoyent oyfeux au marché:Et ait illis,Ite & vos e º
in vineam meam. Il leur dit: Allez vous en auſſi
en ma vigne, & ie vous donneray ce qu'il fera
de raiſon. Et iceux s'en allerết. Car il eſt eſcrit, P/at.rrr.
grand loyer est en l'obſeruãce des commande-****
més de Dieu: Reddetvnicuique/ecnndă operafia.
Il rendra à vn chacun felon ſes oeuures: Iterum
exit. Derechef,il est yfluenuirőfix & neufheu
res, & feiſt ſemblablement. La fixieſme heure
fignifie l'aage viril,lequel córnence en l'an tré
tieſme,& dureiuſques en l'an cinquáriefme:&
laneufiefime heure ſignifie vieilleife, laquelle
dure iuſques au ſeptantiefmean:Circa horävn
decimam. Enuiron vnze heures, il fortiſt, & en
trouua encores d'autres là. Et illeur dit: Quid
hic statis tota die otiost? Pourquoy eſtes vous icy
toute la iournee oyſeux? c’eſt à dire,au dernier
temps,en la derniere heure,en la fin des fiecles,
en la plenitude du temps,au iour de lumiere &
grace Euangelique : auquel la vraye lumiere
luit, auquel Dieu a enuoyé fon fils. Ila trouué
des Iuifs & Gentils oyſeux: Et dixit illis. Et il
leur dit, pourquoy eſtes vous oyſeux ? veu que
vous auez des condućteurs & loueurs, ce la
beur est petit,voſtre vie est briefue,la mort vous
attent, Sathan vous eſpie , le temps fe paste,
leiugement s'approche. Vous auez l'ayde du
fainét Eſprit qui ſe preſente à vous. L’Éuấgile
vous eſt prefché, le iuge est droićturier, vous
- P 4
131 ,: ' D I M E N C H E3 D E.

auec certification de loyer , Qaid hic fatà?


Pourquoy vous arreſtez vousicy? Ie dis icy au
lieu de labeur, au lieu de penitence,au lieu de
grace, au temps de bataille, en ce pelerina
ge , où vous n'auez pas cité permanente, où
vous auez continuelle luičte, non ſeulement
contre la chair & le fang: mais contre les ma
lices ſpirituelles aux hauts lieux, Statis, droićts
irrecordables & fans fouuenance de voſtre vo
cation,ſans memoire de mes commandemens,
enueloppez és lacs de concupiſcence, liez &
fanglez par les liens du monde & d'amour
damnable, aueuglez de coeur, priſonniers
du diable : tota die , toute la iournee, toure
voſtre vie : ne vous fustift-il pas pauures vieil
lards auoir perdu & reſpandu la fleur de vostre
ieuneſle & de voſtre force virile au feruice du
diable ? & maintenant aux veſpres & foir de
voſtre vie apprehendez les fentiers de vie &
dreffez vos pieds en la voye de paix: etiost, oy
feux fansferuir Dieu , fans profiterne à vous
ne à vos prochains, fans refister à vos ennemis.
O gent fans prudence, & confeil, qui ne fa
uoürez pas les chofes qui font de Dieu, & de
fon S.Eſprit.Dicunt ei, Ils huy difent en foy ex
cuſant: Quia nemo nos conduxit,Pource que per
fonne ne nous a loüez. O homme pecheur
que reſponds-tu pour excufer tes fautes, n'as
tu pas cogneu Dieułas tuignoré la loy de Dieu
pour l'obſeruer ? vous ne m'auez pas aduer
ty par vos meſſagers, qui font les inſpirations
• diui

------------
1. A s E p r v A G E s 1 M E. - 233
diuines, pour fuyr le mal & faire le bien: veux
tu alleguer que Dieu ne t'a pas donné diſcre
tion pour diſcerner entre le bien & le mal? ou
qu'il ne t'apas donné liberal arbitre,pour choi
firle meilleur & delaiffer le pire ? toutes telles
allegations font friuolles. Car le contraire eft
verité.Toutefois nostre Seigneur:Pater mistri- **"*"
cordiarum & Deus totius confolationis.Le pere de
toute mifericorde , le Dieu de toute conſola
tion ne leur reproche point leur menſonge ou
mauuaiſe vie, pour ne les vouloir confondre,
ains doucement leur dit: Ite & vos in vineam .
meam. Allez vous en auſſi en ma vigne (Corde Re”.”
creditur ad iuštitiam:ore autem fit confestio ad falu
tem)en croyant de coeur pour estre iuſtifiez, en
confeſſans de bouche pour eſtre fauuez. S'en
fuit maintenất la remuneration.Cumferò autem
fatium effet. Et quand le foir fut venu,c'eſtà di
re la fin du monde, ou le temps du iugement
lequel fera à la fin du monde.Dixit Dominusvi
nee procuratorifio.Le Seigneur de la vigne dità
fon procureur, à fçauoir Ieſus Chriſt, qui eſt le
de Dieu le Pere & de l’homme en
'æuure de noſtre redemption contre peché,
la mort & Sathan. Carila appaiféle pere, le- ':
quel griefuement eſtoit indigné à l'encontre ::
de nous: à la cour Celeste il est à la dextre de """""
Dieu, & faićt requeſte pour noustoufiours vi
uãs pour interceder pour nous. Et ſi quis pecca
uerit aduocată habemus apud patrem Ieſum Chri
fumiufřum : & ipſe est propitiatiopropeccatis no
234 d 1 M E N e ti e d E :
fris. Et fi aucun a peché, nous auonsvn Aduơ
catenuers le Pere, Ieſus Chriſt le iuſte. Et ce
luy eſt fatisfaction pour nos pechez: Voca ope
rarios. Appelle les ouuriers. Il ne dit pas, appel
le les oyſeux, ou les auditeurs de la parolle, &
non facteurs:Et redde illis mercedě filam. Et leur
payc leur loyer, cominençant aux derniers qui
font venus à vnze heuresiuſques aux premiers
qui font venus au poinćt du iour. C'eſtoit iuſti
r
ce rendre à tous: mais rendre aux derniers pre
mierement, n'eſtoit pas contraire à iuſtice, ains
oſtenſion,& indice de mifericorde,quãd toute
fois on a rendu aux autres ce qu’eſtoit raiſon
| nable. Car aucunefois les derniers en labeur,
font les premiers en loyer. Comme le bon lar
ron eſtentré premierement an repos de paradis
que fainét Pierre : combien que ledićt S. Pier
| re a precedé le bon larron en labeur, & à ſuy
ure Îefus Chriſt auecques les autres Apostres:
Cùm veniffent.Et quãd ceux qui eſtoyent venus
enuiron vnze heures: Acceperunt fingulos dena
Glºirº“ºr rios. Ils receurết vn chacũ d’eux vn derier,c’eſt
zn elle à tous eſ v , . - / - -

zale en plu. “ dire,le loyer proportionné,qui eſt la vie eter


},ar, ... ncile,laquelle eſt eſgalle à tous. Premierement
droids. quant à la duration:car elle n'eſt pas plus lon
- gue ou plus brefue à l'vn qu'à l'autre. Secon
dement quant à la vifion & cognoistance de
Dieu. Tiercemét,quất au raffafiemét de plaifir:
z„nua, a carils font tous eſgallement contensaurant les
vns que les autres. Et en ces trois choſes con
wofès. fiste la beatitude.A fçauoir premierement la
* C 121IC
1. A s e p r v A G E. 235
claire vifion de Dieu,le voir face à facé.Secon
dement au delećtable goust,iouyſſance,& frui
tion de la diuine bonté, par laquelle Dieu eſt
tout à tous. Et finablement en l'affeuree poſſef E/e, 32,
fion de la beatitude eternelle: Et/edebit populus
zneus inpulchritudine pacis & in tabernaculis fidu
cia & in requie opulenta. Mon peuple habitera *

en habitation de paix,& és tabernacles de feu


reté,& en trefriche repos. Toutefois la gloire clair, a.
de Dieu eſtinegalle , & non pareille, pour le dien ine
reſpećt des bien-heureux,àcaufe de la diuerſitét4":
desmerites,car In domo patris mei multe/unt mã Ioane, r4. - « * * *

fiones.Il y a pluſieurs demeurances en la maiſon 1. Cor. J.J.


de Dieu mon pere: Stella differt à stella in cla
ritate. Vne eſtoille eſt differente à vne autre ,
estoille en clarté. Ainſi fera la reſurrećtion des
morts. Toutefois tous feront contens: com- similitude
mele petit enfant eſtauffi content de fa petite du petit e
robbe,comme fongrandfrereaiſné. Et la bou-/*********
teille eſt auſſipleine comme le grand tonneau:
Yenientes autem & primi arbitrati fant quod plus
effent accepturi.Et quand les premiers vindrent,
iis cuydoyent qu'ils deuffent plus receuoir, & -

ils receurét auſſi chacũ vn denier. En cela nous' "


fommes inſtruićts comme nous deuons touſ
iours fentir humblement de nous-meſmes,
croyans que les autres font plus grands, meil
leurs, plus riches en grace & dons ſpirituels,
plus prochains à Dieu ; & plus aggreables que
no”:qui fe glorific,qu'il ſe glorifie auSeigneur, .cer.ro.
car:Non qui feipfim commendat, illeprobatue est,
\
fed
236 . :D I M E N c H E D E
féd quem Deus commendat.Celuy quifepriſe ſuy
metiite, n'eſt pas approuué : mais celuy que le
Scigneur priſe: Et accipientes murmurabant con
trapatremfamilias. Et en le receuantils murmư
royent contre le pere de famille,diſans.ces der
niers n'ont labouré qu’vne heure, & tu les fais
egaux à nous qui auonsporté le fais, & la cha
leur du iour Cecy eſt vne figure nommee an
... , thitefe,c'eſtà dire,comparaiſon des chofes cő
" traires.Car ceux qui font au ciel, ne murmurét
, point contre les oeuures de mifericorde de
rei-r. Dieu: mais fi aucun penſoitou eroyoit en foy
meſme qu'au cielily ait cauſe ou occafion de
murmurer contre la mifericorde de Dieu, il y
a conuenable reſponſe , ie ne te fais point de
tort: At ille reſpondens vni eorum, amice. Mon
'<a 4 sem- amy,premierement par reception de la foy , &
:::en. non par exhibition de charité. Secondement
- amyspar obligation, & non par folution. Tier
cement amy , par foy, & non par operation.
Quartementamy,par nom,& non par effećt, &
verité:Non facio tibi iniuriam.Ie ne te fais point
de tort: Nónne ex denario diurno conuenisti mecii?
N'as-tu pas conuenu auecques moy par vn de
nier pour iour?Prens ce qui eſtà toy, & t’en va:
Ie veux autant donner à ce dernier comme à
toy:An non licet mihifacere quod volo? Ne m'est
il point licite de faire ce que ie veux? An ecu
lui tutunequam est,quia ego bonus fum? Ton ocil
eſtil mauuais, pourtant que ie fuis bon? tu as
douleur du bien de ton prochain,& tu t’en de
UI IOYS
L A i s E P T v A G E. 237
urois refiouyr:Sic erunt nouistimi primi, cé primi
noußimi. Ainſi ferontles derniers premiers , &
les premiers derniers. En ceſte parabole on
voitque nous auons tousvn meſme pere de fa-º ;
mille,vn meſme procureur ſon fils Ieſus Chriſt •> « .
nostre Seigneur&Sauueur,& vn meſme loyer,
qui eſt la vie eternelle: mais finous confide
rons le temps, tous ne viennent en vn meſ
me temps en la vigne. Carles Iuifsfont venus,
premiers que les Gentils. Si nous arreſtons au
-
ne font pas tous en cela egaux.Plus Luc.rs.
• r • •• • • - *

auoit labouré le Pharifien qui diſoit : Ieiuno his


infabbato. Ie ieufne deux fois la ſepmaine, que
le Publicain : plus auoyent labouré les Phari
fiens qui fouuentieufnoyent & prioyent, que
Matthieu pecheursle Publicain,&que Zacher, Ingement de
chef & Capitaine
pechereffe, & quedes meſchans:que
le larron. :Si nouslaconſider
femme Die", e dº A

ionsle iugement du monde plus grand loyer pour

fera aſſigné & approprié à celuy qui premiere


ment & plus longtemps aura labouré, que à
celuy quimoins aura labouré, & fera plus tard
venu : toutefois le iugement de Dieu eſt tout E/2.o,
autre:Non funt cogitationes mee, cogitationes ve
fire neque via vestra via mee, dicit dominus, Mes
voyes ne font pas vos voyes,dit le Seigneur. Il
a eſté plus dốné aux Gentils que aux luifs plus Les premier,
au Publicain, qu'au Pharifien: plus au larron, qui n'ft" |
qu'à tous les Pharifiens. Mais dont vient cela?
- * - - - • - *
cu:
abouré font
Cela n’eſt pas chofe maunaiſe:mais treſbonne, , ,
t
entrer en la vigne Eccleſiastique de grand ma- s tourquo,
-
- t1Il;
4

238 D 1M E N c H E :D e
tin:Bonum est homini quiportauerit iugum domini
à iuuenturefna. C'eſt choſe bône porter le ioug
de noſtre Seigneur,dés le commencement de ſa
Esel“.º. ieuneſſe.Ce n’est pas chote mauuaiſe de beau
1. Cor. IJ.
coup labourer;trauailler continuellement,tant
que ta main peut. S. Paul fe glorifie, pource
u'ilalabouré plus que les autres.ll admoneste
2.Timo. 2 . ſon difciple:Labora ficut banus miles Christi. La
Galat. s. boure comme vn gendarme. En vn autre lieu:
Bonum faciemtesnő deficiamus. En faiſant biế,ne
deffaillonspas. Et dont vient que fouuếtil ad
uient qủe ceux qui premierement & plus lon
guement labourent, toutefois ils font faićts les
derniers: & ſi encourent l'indignation du pere
de famille#Reſponſe.Il n’y a autre caufe finon
-- «
* Y
qu'ils ne labourent pas comme enfans:mais cő
- ''
: * me feruiteurs. Ils ne cherchent pas la gloire de
- *** nostre Seigneur: mais leur particuliergaing &
' prouffit, ils feruent pour le loyer, lequel s’ils
n'eſperoyent,ou s'ils ne craignoyết la peine, ils
ng s'approcheroyét pas de la vigne. En leur la
beur, ils ne conſiderent finom le falaire, en di
fant en loeurcoeur:nous auons fait ce que nous
deuions,pource le ciel nous appartiết. Et quãd
ils entendent que nous ſommes tous pecheurs,
& que:Omnes egemusgrana Dei.Nous auốs tous
os beſoing de la grace de Dieu.Ils ſont marris d’e
stre comptez au nombre des pęcheurs. Ainſi ils
pechent premierement.Secondement,quấd ils
voyết que pardó n'eſt pas refuſe aux pecheurs,
- ils en font enuieux. Finablemét,ils murmurent
...! ' COIl
*

L A S E P r v A G E S I M E. 239
contre le Seigneur & pere de famille, en l'ac
cuſant d'iniuſtice. Et par ce moyen ils perdent
la grace & faueur du pere, & font toutes leurs ***
ceuures inutiles. Et par ce moyen ils ne meri
tent autre choſe que malueuilláce & indigna
tion. Ce que iadis Moyſe auoit predićt adue- v * *

nir. Aduena qui tecum verſaturin terra, astendet Peat.**.


fperte,erir4/ublimior: tu autem defendes & eris
inferior. . L'eſtranger qui eſt au milieu de toy,
montera fur toy bien haut, & tu deſcendras - , '.w\
en bas en la queüe. Au contraire, il en ya des ' "
autres au temps qu'ils labotirent en la vigiſe,
ils s'eſtiment feruiteurs inutiles, feulement ils
font attentifs en la bonté de Dieu. Ils confeſ
fent franchement qu'ils n’ont pas merité le
loyer, ne la faueur ou grace du Seigneur de . .
famille, di fant auecques vn Iacob : Deøpatrả Genefs2.
mei Abrahã, minor film cunftừ miferationibtu tuis. .
O Dieu de mon pere Abraham ! O Dieu de
mon pere Iſaac, ie fuis moindre que toutes tes
mifericordes:Ains s'eſmerueillansauecques vn
Dauid, Quis sữego?&c. qui fuis-ie moy?& quel- * Resz.
leest la maiſonde mőpere:Ceux-là retiennent
la grace & faneur de Dieu, & auec la grace ils
obtiennent le loyer celeſte. Et combien qư’ils
foyentestimez les derniers, neantmoinsilsfe
ront les premiers. Maintenant il conclúd fon
par vn mot terrible,diſant:Multifunt
vºtati pauci verò eletii. Beaucoup font appelleż
à la vigne de l'Egliſe,à la foy Catholique, aux
allemblees Chrestiennes,& aux nopces Royal
: i les,
24O D I M E N C H E D E

les, mais peu font eſleus. La bonté de Dieu


eſt grandesmais peu la cognoillent: il nous ap
Iºan 3. pelle, mais pluſieurs font l'oreille fourde: Lux
venit in mundum: & dilexerunt homines magiste
nebras quàm lucem. La lumiere eſt venue au
monde , mais les hommes ont plus aymé les
Toan. I.
tenebres que la lumiere. In propria venit & fui
eum nonreceperunt. La lumiere eſt venue és cho
fes qui estoyent fiennes,& les fiens ne l'ont pas
receu. Et pource peu font efleus. Ainſi auec
Iudith 7.
ques Gedeon de trente deux mille feulement
trois cens entrerent en la bataille:beaucoup de
gens viuoyent auant le deluge , mais il n'y a
eu que huićt perſonnages fàuuez en l'arche de
Noé. Pluſieurs fortirent d'Egypte: mais deux
feulement entrerent en la terre de promiſſion.
Genef.o.
Pluſieurs habitoyent eń Sodome & Gomorre,
& aux autres trois citez, deſquels quatre per
Lwr, f.
fonnages ſeulement furét fauuez. La quatrief
me partie de la bonne femence a apporté fruićt
en patience. Ainfi lesfruićts des arbres,les au
. ; cũsperiffent en fleur, les autres font rongez par
les vers, les autres font corrompus & pourris
par les inondations des eaux,les autres abbatus
par l'impetuoſité des vents. A grand difficulté
:

peu en demeurent. -

Nous pourrons icy propoſer & mettre en


auant la police humaine, en laquelle ily a plu
ſieurs Princes & Regens, Seigneurs,Barons,&
Gentils-hommes qui font appellez à la foy
Catholique ; mais ils ne font pas eſleus à la
- gloire
LA S E P T V A G E s 1 M E. 24I
gloire celeſte: pource qu'ils ne cheminent pas
fidellemét ou iuſtement felon la vocatiõ en la -
quelle ils font appellez.Il y a pluſieurs Prelats,
Paſteurs, & Rećteurs des Egliſes. Pluſieurs
Preſtres, Moynes, Religieux,& perſonnes Ec
cleſiaſtiques qui font appellez à la foy Catho
lique: mais peu font efleusà la gloire celeſte,
pource qu'ils ne cheminent pas fidellement
ou iuſtement felon la vocation en laquelle ils .
font appellez. Il y a pluſieurs Magiſtrats,Preſi
dens,Confeillers,Iuges, Aduocats,Procureurs,
Officiers,& Miniſtres de iuſtice,Marchands,la
boureurs, mechaniques, artifans, mariez, vef
ues,ieunes,& vieux,pauures,& riches,qui font
appellez à la foy Catholique,pour labourer en
la vigne de Dieu: mais peu font efleus pour e
stre poſſeffeurs de l'heritage celeste. La raiſon
eſt peremptoire.Car ils ne cheminent pas fidel-
lement quant à Dieu, iuſtement quant à leur
prochain,ne purement quant à eux-meſmes,en
la vocation en laquelle ils ſont appellez, Pour
ce doncques mes amys, prions notrebon Dieu oraiſºn,
& pere, Redempteur, nous vouloir donner la
grace,le coeur, & la puiſſance de pouuoir labou
rerfainétement & purement en ſa vigne Chre
stienne, auecques foy viue, & conſcience pu
re, à fin qu’en la compaignie des efleus, nous
foyons ordonnez & affis à la glorieuſe dextre
de Iefus Chriſt, qui vit & regne auecques le
Pere, & le Sainct Eſprit, vn Dieu mifericor
dieux, & debonnaire, auquel ſoit honneur, &
Q–
242. D I M E N C H E D E

loüange,& gloire eternellement. Amen.

DI MEN C H E D E L A
S E X A G E S I M E. r"

Matth.rs. Xijt quifeminatfeminarefemenfüü.En


C. & •
. l'Euãgile d'auiourd’huy,IeſusChriſt
-

Christ a premierement nous propoſe vne pa


vfé de para- "= | rabole: Secondement,l'intelligence
kates,e pour-d'icelle eſt demấdee par les Diſciples. Finable
quoy. mét par Ieſus Christ veritablemét declaree.No
ftre Doćteur celeſte & diuin, humble de coeur,
s'accốmodant à la portee & capacité des audi
teurs, coustumieremēt propoſoit la falutaire do
citre les profctrine en paraboles & ſimples parolles:l'humi
che ini lité duquel en fes fermons Euangeliques, con
fond l'orgueil & arrogance de pluſieurs predi
fºe,
cateurs,qui en leurspredicatiós preſchent eux
meſmes,en cherchant leur propre gloire,& non
celle de Ieſus Chriſt,quienueloppent couurét,
& pindarifent leur fentence,par parolles inufi
tees,& incogneuës aux auditeurs, où il n'y a au
cune compunćtion de coeur, confirmation de
foy,perſonne n’est dreffé ou efleué en eſperan
ce, ou enflámé cn charité, & ne s'enfuyt aucun
fruićt de falut. Telle predication n’eſt que va
nité au coeur,ſi elle ne cherche l'exaltatió de la
de Dieu,& fi elle n’opere l'edification &
alut des auditeurs : car la medecine eſt vaine,
inutile,&infrućtueuſe,fi elle n'oſte la maladie:
mais l'augmente. I'aymeroy mieux vne viande
CO1IllIlll
L A S E X A G E S I. 243
cốmune toutefois bonne & faine,dans vn plat
deboyssou de terre,qu’vne viande friãde, tou
tefois mal cuite & mal aſſaiſonnee, & qui n'o
pere point ou n’augmente point la fanté, dans
Vn plat d'or ou d'argent, & qui engédre diuer
fes maladies,endiminuant les forces corporel
les.Ainſi i’ayme mieux ouyr vne doćtrine fai
ne, laquelle m'edifie ſous ſimples paroles, & à
la bonne foy, que les belles fentences,paroles
fardees par grande Rhetorique & eloquence:
Comme diſoit l'Apoltre S.Paul, vray & hum
bleimitateur de Ieſus Chriſt, qui n'a pointan
noncé le teſmoignage de noſtre Seigneur, In ºº“s
fublimitate/ermonis aut fapientie,en ſublimité &
hauteſle de parole,ny en la vaine fapiếce de ce
monde,laquelle perit. Et fa predication n'a pas
cité en paroles ſubtilizees par humaine fapiế
ce,mais en manifeſtation des (euures & fruits
du S.Eſprit:Placuit Deo perstultitiam predicatio- i.c.,,.,,
ni faluosfacere credentessila pleu à Dieu par la
folie de la predication,c'eſtà dire, que le mon
de repute folie,ſauuer ceux qui croyent.
Diſcourons maintenant noſtre S. Euangile:
Cum turbaplurima conueniret. Et comme tref.
grande compagnie s'aſlembloit,mariez,&vier
ges,vieux auec les ieunes:il dit par expres,tur
ba,c'eſtà dire,le ſimple peuple, & de -
uot, Car comme dit Sainćt Iaques & Sainćt
Pierre, Deus fuperbis refistit: humilibus autem dat
gratiam. Dieu reſiſte aux ſuperbes, mais il don
negrace aux hűbles. Et de ciuitatibus properară.
Q– 2
244 D I M E N C H E D E
|
ad Ieſum. Et accouroyent à luy des citez. Icy
nous fommes enfeignez que ceux qui voudrốt
fuyure Ieſus Chriſt,doyuent fortir hors les ci
tez, c'eſt à dire , fuyr la familiarité & ſocieté
des malings : à fin qu'ils ne foyent enueloppez
& liez auec eux en leurs vices & pechez: Car -
pfal.17. comme dit le fainćt Roy Dauid: Cumperuerfo
peruerteris, auec les peruers tu feras peruerty.
Accourons donc mes armys auec ceſte com
pagnie apres Ieſus Chriſt : ne delayons plus,
noſtre fin est doubteufe, nostre vie briefue,Sa
than nous eſpie, la mort nous attend, le temps
fe paſſe, le iugement s'approche : Ieſus Chriſt
Il OllS appelle pour nous faire mifericorde , &
nous recueillir pour demeurer,viure, & regner
auec luy eternellement.Parquoy il ne faut pas
tarder,à fin que nous entrions en ce repos eter-
nel, où les Sainćts & Ieſus Chriſt nous atten
dent. Dixit per ſimilitudinem : Exit qui feminat
feminare/emen fuum. Celuy qui feme eſt party
f femer fa femence : & quandil eut femé,
'vne partie cheut pres de la voye , & fut foul
lee,& les oyſeaux du ciel la mangerent;&l'au-
tre partie cheut ſur la pierre,& incontinết qu'el
le fuſt leuee elle feicha,à cauſe qu’elle n’auoit
point d'humeur: & l'autre cheut entre les ef
pines,& les eſpines qui feleuerent enſemble,
Î'estoufferent, & l'autre partie cheut en bonne
terre,& quãd elle fut leuee, elle feiſt fruićt cết
fois au double. Ce difant il crioit. Premiere
ment pour rendre attentifs les auditeurs. Caril
par
- 1. A s ex A G E s 1. 245
parloit de grãdes choſes. Secondement il crioit Iste eris.*
aux fourds,à fin qu'ils ouyſſent. Tiercement il 1 ° ****
erioit aux dormans, pour les refueiller. Quar- ***
tementaux ignorans,pour les enfeigner.Quin
tCIIìCİlt allX paſſans,pour les arreſter. Sixieſme

ment aux errans,pour les recueillir en ſon parc.


Septiefmementaux pecheurs, à fin qu'en de
laillant leur vice,ils feiffent fruićts de peniten-
ce,de tout leur coeur ils ſe conuertiffent à leur
Dieu & pere createur. Interrogabant autem eum
distipuli eius quæ effethecparabola,& fes diſciples
l'interrogeoyent quelle eſtoit ceſte parabole:
comme humbles difciples interrogeoyent leur
docteur & maiſtre regent.Ils demandoyent fa
pience à la fapience,verité à la verité, lumiere
à la lumiere. Voyla la forme de ceux qui veu-o, „, a,i,
lent fçauoir & apprendre, c'eſt n'auoir point point anoir
honte
ter: card'interroguer pourbeaucoup
nous ignorons apprendre de& chofes
profi- t:

que nous fçaurions, fi nostre orgueil permet- ;9.


toit les demander : pource il eſt eſcrit: Interroga
patres & annunciabunt tibi.Interrogue les peres,
& ilst'annonceront. Quibus ipſe dixit, vobis da
tum est noffe mysterium regni Dei. Aufquels il dit:
Il vous eſt donné permiſſion de cognoiſtre le
myſtere du Royaume de Dieu : c’eſt à dire,
l'intelligence de la faincte eſcriture, & pene
trer les ſens ſacrez & myſtiques. Vobis, à vous,
humbles de coeur,à vous,mes amys obeyffans,
à vous,efleus & chers, qui eſtes en meſpris au
monde: mais en grand pris deuant Dieu : le
Q_ 3
A

246 DI M E N C H E D E
monde a honte de vous, mais Dieu faićt com
pte de vous:carvous eftes aymez de Dieu mon
pere:Ceteris autem in parabolis vt videntes non vi
deant,có audientes non intelligant. Et aux autres
amateurs du monde, qui ont grande opinion ,

d'eux & s'estiment fages deuant leurs yeux, en


paraboles & obſcures fimilitudes, en propoſi
tions enigmatiques, à caufe de leur coulpe &
du
"r:orgueil, à fin qu'en voyant, ne voyent point.
monde, à D - -

cauf de leur Premierementen voyant corporellement,ilsnc


conipe, en voyent ſpirituellement.Secondemét àfin qu'en
voyantit, ne voyant l'humanité par dehors, ils ne voyết pas
"ven tº
c;" t la diuinité par dedans des»yeux de l'ame & de
- - * -

als m'entē dent la fov.Tiercement à fin qu'en voyant les mira


- - - -

cles exterieurs, ils ne voyent pas la vertu ope


e pourquos rante interieure. Quartement en voyất la lettre
lich tº: , laquellc occift & mortifie, ils ne voyent pas
Galat.s. , , , l'eſprit lequel viuifie. Quintement en voyant .
Kom.uo. - a . ,* - -

& lifant la loyancienne & les liures de Moyſe,


. . . v * *', ils ne voyent pas l'Euangile fermé & enclos
dans le vicil teſtament:& voyant les figures de
la loy & les vmbres des biens aduenir , ils ne
voyent pas la vcrité,& moy qui fuis la fin de la
loy: Et audientes non intelligant. Et en oyāt la pa
role extericure comme a faićt Iudas auec Cay
phe,Herode,Pilate,& ceux qui le vouloyết re
prendre en fa parole, en ſe moquant de fa do
ctrine & de fes conſeils ſpirituels, calomniant
fes faincts & diuins miracles,non intelligant, ils
n'entendent point interieurement l'eſprit la
tent. F't, Non accipitur cauſaliter fed confecutiuè.
- Car
I
1. A s ex A G E s 1 M e. 247
Car Ieſus Chriſt pas parabolique
ment, à fin qu'ils fuſſentaueuglez : mais à fa
predication , il eſt aduenu que par leur vice,
volonté obſtinee,& malice, s'en eſt enfuyuyvn
aueuglement de coeur. Car la lumiere de la
diuine parolle ne les a pas aueuglez, ains leur
vice, & malice , & par le iuſte iugement de
Dieu, l'intelligence ſpirituelle leura eſté deſ
niee, partant qu'ils ont esté rebelles à la lumie
re:Noluerunt intelligere vt beneagerent;dilexerunt Ioan-3.
Tfal.ss.
magistenebras quàm lucem. Ils n'ont pas voulu
entendre pour bien faire: ils ont plus aymé les
tenebres que la lumíere. Et comme enfans de
tenebres , ils cheminent és tenebres auecques
leurs entendemens obſcurcis par les tenebres
de peché, & d'ignorance. Parquoy au temps
aduenir, les pieds & mains liez, ils feronten
uoyez , & aux tenebres exterieures,
& infernales. S'enfuyt la declaration de la pre
fente parabole: Semen est verbum Dei. La fe deConntenance
la parole
mence est la parolle de Dieu. C'eſtà dire, par de Dieu, C3’de
le nom de femence , eſt entendu la predica la proprieté
tion, la doćtrine du Verbe celeſte, ou de la de la fimice.
faincte eſcriture: pour la conuenance de la pa
rolle de Dieu, auecques la proprieté de la fe
mence. Premierement la femence a vne cha
leur naturelle , par laquelle la plante, l'eſpi,
& le grain font nourris. Auffi la parolle de
Dieu a vne chaleur d'amour diuin , & dile
ćtion fraternelle, par laquelle l'ame ſpirituel
lement est nourrie. Dauid dit : Ignitum elo
Q– 4
248 D I M E N C H E D E .
P/al.rs. quium tuum vehementer. Ta parolle eſt grande
P/al. 38. mét enflãmee:Concaluit cor meum intra me:6 in
meditationemea exardestet ignis. Mon coeur s’eſt
Prouerb.so.
efchauffe dans moy,& en ma penſee le feu d'a
mour diuin s’eſt enflammé. Salomon: Omnủ
fermo Dei ignitus clipeus est omnibus ſperantibus in
fè. Toute parolle de Dieu eſt vn bouclier ar
dant , la loy de Dieu eſt enflammee de feu ar
dant. Secondement la femence a vertu nu
tritiue, & par la parolle de Dieu l'homme eſt
nourry. Et comme l'homme ne peut eſtre
nourry corporellement fans le pain. Aufſi il
ne peut eſtre nourry ſpirituellement fans la
viuifique femence,qui eſt la parolle diuine. Et
comme l'homme qui ne retient la viande eft
dangerễuſement malade iuſqu'à la mort. Ainſi
celuy qui oyt la parolle de Dieu, & ne lagarde
par ocuure, il eſt mort en fespechez: combien
que les enfans d'Adam,& de ce preſent fiecle,
iugent qu’il ait nom de viuant. Mais le bon
Chreſtien en oyant la parolle de Dieu pour la
retenir & mettre en effećt, en mourãt au mon
de il vit en Dieu , auec lequel il regnera eter
nellement. Tiercement, la femence engendre
fon femblable. Comme il appert du froment
qui engendre du froment: le feigle, du feigle:
l'orge & auoync,& autres femences engendrét
Iacobi r.
J. Petrt I.
leur ſemblable. Ainſi par la parolle de Dieu,
r. Cor. 4. les auditeurs,executeurs,faćteurs,&operateurs
d'icelle, font faićts femblables à Dieu, pour e
ftre bons,iuſtes,fainćts,benins, mifericordieux,
| , - pour
/
- -
.*; 1. A s e p r v A G E s 1 M E. 249
pour cheminer en l'amour de Dieu , & charité
de leurs prochains, pour porter l'image du fe
cond & celeſte Adam par conuerſation digne
de Dieu,& de fon fainćt Euangile. Quartemét
la femence a vertu penetratiue:car elle fort par
deſſous les pierres & cailloux, en
herbe, eſpy, & grain. Ainſi la parolle de Dieu
penetre les coeurs plus rudes & afpres que
pierre,ou marbre. Comme il appert d'vn Mat- Matth.“
thieu publicain,monnoyeur, & changeur. D’vn í :
Zachee chef & Capitaine des meſchans. D’vne *"*"
Magdaleine pechereſſe, au euglee de coeur, &
priſonniere du diable. De fainét Paul blaſphe
mateur du nom de Dieu , & perſecuteur de *

fon Eglife. Cinquiefmement,la femence rend


pluralité de fruićts, tu feme vngrain, & pour
vn tu en recueilliras plufieurs. Ainſi est de la
parolle de Dieu, comme il appert de ce grand
Apoſtre monfieur fainćt Pierre, qui en vn fer
mon conuertiſt deux mille perſonnes. Et en Aa.s.
vn autre cinq mille:Et dum feminat. Et quandil Att.4.
feme. Icy noſtre Seigneur diuife & faićt diffe
rence
ordres.des auditeurs dutout
Premierement S. Euangile
ainſi que en quatre
l’vne par- dre"Quatre or
des audi

tie de la femence
foulee,& cheut
les oyſeaux du pres demãgerent.
ciella la voye, &Ainſi
fuſt rolle *

le premier ordre des auditeurs de l'Euangile


font ceux qui oyent. Et puis apres vient le dia
ble, & ofte la parolle de leur coeur, à fin qu'ils
ne croyent & foyent fauuez. Car cõbien qu'ils
oyent l'Euangile,toutefois ils cheminent felon
Q_5
25o . D 1 M E N C H E D E

les anciennes couſtumes des pechez, & enfuy


uent la vieille voye des pecheurs.ll y a lőg tếps
qu'ils ſe font addőnez à gourmander, & yuron
gner: mais encores combien qu'ils oyent l'E
uágile, ils enfuyuết ceſte vieille voye de gour
mander,& yurongner. Ils ont paillardé, enco
res paillardent ils. Ils ont abuſé du nom de
Dieu, par maledićtions, execrations, blaſphe
mes,& detraćtions:encores ils en abuſent.Bref
ils enfuyuent les anciennes coustumes de pe
cher : combien que choſes treſſainćtes leurs
foyent preſchees. Ilsentendent:mais ils ne s'a
mendent pas.Cette femence:Cecidit/ecus viam.
Cheut pres de la voye, c'eſtà dire, au coeur ex
poſé à volupté, & vanité. Comme dit le Pro
phcte Efaye. Tu as mis ton coeur, comme ter-
re, & comme voye aux paſlans:partant ceſte fe
mence a eſté foulee par la frequence des mau
uaiſes pen fees,& affećtions charnelles: Et volu
cres celi comederunt illud. Et les oyſeaux du ciel
l'ont mangé,c'eſtà dire,les diables, qui comme
les oyſeaux habitent en l'air, ou par la ſubtilité
de leur nature, qui mangent la femence,quahd
par leurs fuggeſtions, ils deſtournent & em
peſchent les auditeurs de l'accompliſſement
de la parolle ouye. Le fecond ordre des audi
teurs de l'Euangile,& ceux qui font fur la pier
re, font ceux leſquels apres qu'ils ont ouy, re
çoyuent la parolle enioye,&iceux n’ont point
de racines: Ad tempus enim credunt & in tempo
re tentationis recedunt.Car pour vn petit de téps
i
1 A s e x A C E s 1. 25r
ils croyent, & en tếps de tentation fe departent
& deſtournent à leurs mefchancetez & vilen
nies de peché. Quelle choſe fera-il donc ? Ne
penſe point que ce foit aſſez d'ouyr l’Euangi
le,& croire en temps de proſperité: mais Qui Matt.ro,
perfeuerateeritz/que in finem faluus erit, qui per
feuerera iuſque à la fin, fera fauué. Et quelle
choſe doit-il perfeuerer:Il faut con
fermer ta foy pas frequente auditiố de la paro
le de Dieu,par pures prieres,par exercices de la
foy, à fin que par la foy nous fendions & de
franchions ceste dure pierre du coeur humain,
& que nous obtenions ce que noſtre Seigneur
nous a promis parfon prophete Ezechieł: Da Ezech.? r.
bo vobiscer nouum,& ſpiritií nouum ponam in me
dio vestric anferã cor lapideum de carnevestrac
dabo vobis cor carneũ, Ie vous dóneray vn coeur
nouueau & mertray vn eſprit nouueau au mi
lieu de vous: & osteray le coeur de pierre de
voſtre chair , & vous donneray vn coeur de
chair & feray que vous cheminerez en mes
Commandemés. S’enfuit le tiers ordre des au
diteurs de l'Euangile, & la femence qui cheut
entre les eſpines, ce font ceux qui ont ouy, &
eux partis font ſuffoquez des folicitudes & des
richestes & voluptez de ceste vie, & ne rap
portent point de fruićt.Notons que les grands
magiſtrats.grands offices,grãdshonneurs,gran
des richeffes & ioyeuſes voluptez, font appel
lez par la bouche de verité eſpines. Carce font
paquets,bagages & fardeaux plus domma
CS
25z D I M E N C H E D E

bles à falut que profitables:comme noſtre Sei


Matth.r.o.
gneur dit: Facilius est camelum perforamen acus
transtre quàm diuitem intrare in regnum cælorum.
Il eſt plus facile qu’vn chable paſſe par le per
tuis d'vne eſguille,qu’vn riche entre au Royau
me de Dieu.Par l'eſpine conuenablementauec
Ieſus Chriſt nous entendons la miferable con
L'estineaua- dition des auaricieux. Premierement l'eſpine
rieteenment produićt fleur odorante , toutesfois accompa
es Pourquoy.
gnee des aiguillons agus & pointu. Ainſi aua
rice apparoiſt belle:mais continuellement elle
picque & point le coeur de l'auaricieux par le
trenchant des folicitudes,labeurs,perils, crain
tes de perdre fes richeſſes, leſquelles font ac
quifes auec grands trauaux & labeurs, gardees
auec grãde crainte de ne les perdre, & finable
ment delaiſſees auec grand douleur & trifteffe.
Secondemét les eſpines font la viande & nour
riture du feu. Ainſi les riches chiches feront
ards & bruſlez par les flammes infernalles au
puant & acre feu infernal, comme il eſt eſcrit
Luc. 12. du riche en grains,& du riche gourmand.Tier
8o

Luc. i o. cement les araignees font leurs toiles foibles


aux eſpines, leſquelles toiles legerement font
rompues. Ainſi les richeffes font fluides, tran
fitoires & labiles. Finablement les ferpens &
autres beſtes venimeuſes font leurs demeuran-
ces aux eſpines: ainfile ferpent infernal fait fa
demeurance aux coeurs des rapineux, vfuriers,
& auaricieux,cóme il appert de Iudas, qui par
auarice,â la fuggeſtion du diable,liura fon bon
- - Sei
1. A s e x A G e. 253
Seigneur & maiſtre entre les mains de ſes en- Iebro.
nemis & aduerſaires, auſſi d'Ananias & de fa ***
femme Saphira, aufquels Sainét Pierre dićt:
Curtentauit fathanas corvestrum,& c pourquoy a
Satan remply vos coeurs pour mentir au fainét
Eſprit & retenir du pris du champ ? lefquels
cheurent à ſes pieds,& rendirent l'eſprit. S'en
fuit le quatrieſme ordre des auditeurs de l'E
uangile: Et aliud cecidit in terram bonam , Et ce
qui eſt cheut en bonne terre, ce font ceux qui
de tresbon coeur,par grace oyant la parolle, ils
la retiennent & rapportent fruićt en patience.
La parolle de Dieu defcend du ciel, comme la
roufee & vient de Dieu : mais le S.Eſprit parle
par eux en terre bonne,c'eſtà dire,au coeur mű--
de & pur, & rapporte fruićt en frućtifiant en
toute bonne oeuure : fe faiſans riches en toutes
bonnes oeuures,theſaurizans vn bonthrefor au
ciel, Inpatientia,En patiếce de leurs aduerſitez,
en attendant la mifericorde de Dieu. Voyla
l'interpretation de la parabole du Sauueur,qui
à femé fa femếce,en laquelle Iefus Christ nous
enfeigne que tout ainfi qu'il ne faut pas attri
buer faute à la femence fi elle eſt femee pres
la voye, ou fus la pierre, ou entre les eſpines,
& qu'elle ne porte point fruićt, ains faut refe- , :g, „t,
rer & attribuer aux oyſeaux, à la pierre & aux », a,i, ,
eſpines.Ainſi ne faut-il point blafmer l'Euan- estret afnee,
fi peu de gens par l’Euangile, ne s'amen- " "
dent: ains les homines doyuent estre blafmez :
qui par leurs vieux pechez, ou par leurs coeurs „a
, - 1udes
254 D I M E N C H E D E

rudes & durs comme pierre, ou par les eſpines


des richeſſes n'obeyflent pas à l'Euangile.D'a
uantage par ceſte parabole du femeur, Ieſus
Chriſt nous donne à entendre que: Multi fiunt
Beaucoup
font appelleR:
vocati,pauci verò electi,Il en y a beaucoup d'ap
mais bië pese pellez, maisil en y a bien peu d'efleus. Car en
d'esteus. vn fi grand nombre des auditeurs de l'Euan
ile,la quatriefmepartie ſeulementa frućtifié,
conter les deſpriſeurs & perſecuteurs du
dićt fainét Euangile, deſquels lc nombre eſt
infiny.Quelle choſe ferons nous puis que peu
font efleus? Reiećterons nous auec deſdain le
deuoir que nous deuons à Dieu , & à noſtre
próchain ? Certainement non. Ains pluſtoſt
ferons eſmeus & efueillez pour obtenir la
similitude. felicité d'election. Car tout ainſi qu'au pris
de la courſe ou de la fiefche , les coureurs ou
les archiers ne font pas deſtournez par eſpou
uantement du pris, combien qu'vn ſeulement
le reçoyuerains pluſtoſt & par plus grande di
ligence & folicitude ils y employent, trauail
lent, & exercent leurs ſciences, induſtries &
forces. Ainſi ceux qui enfuyucnt le pris de la
vie eternelle, ne doyuent pas eſtre deſtournez
de leurs propos & bonnes intentions, com
bien que peu obtiennent ledićt pris, mais plu
ftoft fe doiućt parforcer qu'ils foyent contez &
nőbrez entre ceſte paucité des cíleus : & qu'ils
recoyuent le pris de gloire eternelle. Finable
ment noſtre Seigneur nous demonſtre en ceſte
parabole combien que peu foyent cfleuz,tou
· - TCS
\

*
l a c_v 1 N Q y A G E s 1 M E. 2ý5
tefois l'Euấgile fructifie grãdement en ce petit
nőbre des efleus.Cardit S.Matthieu:Semẽ quod Matth.rs.
cecidit in terram bonam, dedit fruttum alius cente
fimum,alius ſexageſimum,aliustricefimum. Que la
femence laquelle cheut en bonne terre, rendit
fruićt. L’vne centiefme, l'autre foixantiefme,
l'autre trentiefme.Ce que nous referősaux ma
ricz, aux vefues, & aux vierges, que virginité
foit le fruićt centiefme:viduité le ſoixantiefme:
& mariage le trentiefme.Par là nous voyős que
la foy laquelle eſt conceuë par l'Euãgile, porte
à tous ceux qui croyent, riche & abondất
fruićt, pour la vocation & condition d'vn cha
cun.Prionsdonc noſtre bon Dieu & Pere Sau- ºr“i/”.
ueur, qu’illuy plaiſe nous faire ceſte grace,que
nous puiſſions ouyr fon S.Euangile, tellement
l'honorer & retenir, qu'il puille prendre ferme
racine en nos caurs, que le malin eſprit,ny les
vieux pechez, ny les cures & folicitudes mon
daines ne les puiſſent arracher: mais que fina
blement nous puiſſions produire fruicts en la
vie eternelle,par la grace de Ieſus Chriſt noſtre
Seigneur & Sauueur,qui doit estre loüé & ado
ré enſemblement, auec le Pere, & le S.Eſprit,
au ficcle des fiecles.Amen.

D I M E N C H E D E L A
Q_v I N Q v A G E s 1 M E.
S/umpſit Iesta duodecim diſcipulos dicens.
Deuot auditoire, le fainét Euangile d'au- La .
- iourd'huy
256 D I M E N C H E D E

iourd'huy nous faićt mention de la douloreu


fe mort & angoiſſeuſe paffion : enſemble de
fa glorieuſe , & d’vne miraculeuſe
illumination d'vn aueugle: Affumpſit Ieste. Le
Sauueur a prins les douze Diſciples, & leur
dit:Voicy nous mőtons en . Sainćt
Matthieu dit:Secreto. A part,& en ſecret. Pour
nous donner à entendre que le myſtere de la
Ioan. If.
croix estoit grand, lequel ſeulement est reue
lé aux amys:Iam non dicam vosferuosfed amicos:
quia nota feci vobis quæcunque audiui àpatremeo.
Ie vous dis mes amys: car ie vous ay faićt co
gnoiſtre toutes les choſes que i'ay ouyes de
Iustes G iniu mon Pere. Les mefchans & iniuſtes portent la
fies portēt la croix : mais ils ne fçauent pas les myſteres de la
croix : 20e aff

diferem mët.
croix. Carils ſe courroucent,ils murmurent,iu
rent, & blaſphement en leurs tribulations, &
aduerſitez. Mais les bons & fidelles Chreſtiens
cognoistent le mystere de la croix. Carils fça
uent que noſtre Seigneur mortifie noſtre chair
par fa croix, & par icelle il glorifie l'homme.
Et pource facilement & patiemment ils por
\
tent la croix fe glorifians en tribulation. Sça
Iacobi r. chans que : Tribulatio patientiam operatur, pa
tientia autem probationem probatio vero fpem:Íþes
ɔ

autem non confundit. Tribulation engendre pa


tience,& patiéce probation,& probation eſpe
Rçm. r. rance. Or eſperance ne confond point: Quia
Aatth. 12.
charitas diffuſa est in cordibus nostris perſpiritum
fanftum qui datus est nobis. Sainćt Marc dit:
que Ieſus montant en Hieruſalem, il alloit de
**. uant
1 A Q v 1 N Q v A G E s 1 M E. 257
uant eux. Et en autres lieux, les diſciples al
loyent deuant luy. Comme quand Ieſus alloit
par les bleds au iour du repos, & fes diſciples
auoyent faim, & commencerent à arracher les
eſpics,& manger. Et quandil ordonna feptan
te diſciples, & mist eos binos antefaciem ſuam in ***“
omnem ciuitatem, & locum quò erat ipſe ventu
ru, les enuoya deux à deux, deuant fa face en s
toute cité & lieu , où il deuoit venir : mais
en ce chemin ils ne pouuoyent aller deuant .. .
luy, ains falloit que Ieſus Christ allast de- *

uant eux. Comme celuy qui porte la croix ou


la banniere en la proceſſion va deuant , & les -
autres l'enfüyuent: ainfi lefus Christ va deuant *

pour leur monstrer le chemin de la celeste ci-


té de Hieruſalem , laquelle il nous a impetré
par le myſtere de la croix.Ecce aſcendimu,Voi- similitade.
cy nous montons comme l'oiſeleur qui a per- * -

dufon eſpreuier, monte fur vne montaigne,ou


fur vn arbre, & en appellant ſon oyſeau, il luy
monſtre vne piece de chair rouge: Ainſi nostre
Seigneur a monté en l'arbre de la croix, & en
nous appellant,
enfanglantee de ilfonnous monſtre
rouge fang,fadifant,Venite
chair rouge Matth.rr.
,
ad me omnes qui laboratis , & onerati estis, & ego
reficiam vos. Venez à moy tous qui labourez &
eſtes chargez,& ie vous Voi
cy nous montons. Nous trouuons fouuent au
commencement de l'Euangile que Ieſus Chriſt
monte ou il deſcend: pour nous enſeigner que
nous deuons roufiours faire quelque bonne
258 D 1M EN cHE DE
oeuure.Et conſummabuntur omnia questripta/ant
per Prophetas defilio hominis.Et routes les choſes
qui font eſcrites du fils de l'homme par les
Prophetes feront accomplies : c'eſtà dire, tou
les les chofes leſquelles font eſcrites en la loy
Matth.f.
de Moyſe,aux Pſalmes & Prophetes:tellement
qu’vn iota, ou vn traict ne faudra de la loy,
iufques à tant que toutes choſes foyent faićtes.
Tradetur.Il fera liuré par pluſieurs à la mort &
Ieſus Christ li pour pluſieurs raiſons. Premierement le pere
„or, celelte meu de miſericorde, l'a liuré à la mort.
parplasteurs, Secondement le fils s’eſt liuré luy meſme par
es pour plu l'abondance de fa charité à la mort. Nemo cha
feurs raiſons.
Ioan. 1 r. ritatem maiorem habet, &c. Perſonne n'a plus
Rom.s. grande dilection que celle-cy, Aflauoir,qu’au
cun mette ſa vie pour fes amis: Tradebat fe
iniuš#è iudicanti. if foy-meſme à celuy
qui le iugeoit iniuſtement. Tiercement le trai
ítre Iudas par auarice l'a liuré à la mort. Quar
temết les Scribes orgueilleux, les Preſtres aua
ricieux, les Pharifiens & Iuifs enuieux par en
uie l’ont liuré à la mort. Quintemét le iu
ge Pilate módain & prophane, par craincte hu
maine l'a liuré aux miniſtres & géldarmes Ro
mains pour le crucifier & inhumainement faire
mourir par le ſupplice de la croix. Sextement
nous meſmes pauures & miferables pecheurs
par nos pechez, malices & iniquitez, nous l’a
uons liuré à la mort: cőme il nous reproche par
E/a.4 r. fon prophete Efaye, difant: Seruire mefecišta in
Ff.s. peccatảtais, &c.iniquitates nostras dominusporta
*
uit,
1 A Q v 1 N Q v Ac E. 239
uit, &c. Eii qui non nouerat peccată pro nobispec-2.cor.s.
catum fecit. Tu m'asfaićt feruir en tes pechez
& m'asfaićt trauaillerentes iniquitez. Le Sei
gneur a mis en luy toutes nos iniquitez, il a *
b--- -

faict celuy qui n’a point cogneu peché , eſtre


oblation du peché pour nous, à fin que nous Thre. e.
feiffions laiuſtice de Dieu: par luy l'eſprit de P/al. 6 s.
noſtrebouche, le Chriſt du Seigneur eſt prins
en nos pechez , les opprobres & reproches
de ceux qui l'ont deshonnoré font cheuz fus
moy, i'ay rendu & payé, ce que ie ne deuoy.
pas, & que ie n'auoy pas rauy. Mais à qui fe
ra illiuré? Principibus facerdotum, ſcribis & fe
nioribus. Aux princes des aux ſcri
bes & aux anciens. Voylà grande iniuſtice,
Ieſus Chriſt a fouffert de ceux qui felon la rei
gle de la loy & l'ordre de iuſtice, le deuoyent
deffendre & deliurer l’innocent : comme
eſtoyent les Princes, les prestres, les ſcribes, |
\
& les anciens. Puiflance accuſe les Princes.
Car ils auoyent puiſſance de le deliurer: Com Ioan.19.
me difoit Pilate à lefus Chriſt, Nestis quiapo
testatem habeo, &c. Ne fçais tu pas que i'ay
puiſſance de toy crucifier , ou de toy laiffer? .
La fainćteté de l'office facerdotal reprend les
preſtres. Carils deuoyent eſtre fainéts, com
me leur Dieu eſt fainét : mais comme dićt
l'eſprit de Dieu , Sicut populus, ita & facerdos.
Ofee4. Comme eſt le peuple, ainfi eſt le pre- ·

fire. Les preſtres fe font departis de la loy, c„ır. t.,


& de la voye des commandemens de Dieu, prestres.
R. 2
)
26o D 1 M E NcH E D E
par leur mauuaiſe vie. Ils ſcandaliſent plu
fieurs, & font les premiers aux pechez , d i
ceux procede toute iniquité. La fcience ac
Maleh “ cuie les ſcribes. Car fçachant le bien & ne le
; : faifant, c'eſt pechéla àvolőté
loy,ils fçauoyent
s- vvv ·
eux. de
Carnoſtre
instruićts par la
Seigneur:
Tellement qu'ils ont esté la clef de ſcience : lls
ne font pas entrez, & empeſchoyent ceux qui
contre les entroyent. L'aage accuſe anciens, leſquels
yieux. fainćteté de vie deuoit en fuyure,mundicité de
I**** coeur, grauité de mæurs, prudence d'eſprit, &
fapience d'enhaut, deſcendant du pere des lu
Sap. 4.
mieres:l'aage de vieilleſſe eſt vie fans macule.
O/ee. 6 f, Mais les coeurs de cesvieillards eſtoyent depra
uez & corrompus en leur vieillelle. C’eſtoyent
lesenfans de cét ans maudits.Tradeturgentibus.
Il fera liuré aux Gentils, Comme à Pilate, aux
similitude miniſtres & gensdarmes Romains. Comme le
delofachrist preſtre quia commis quelque crime digne de
f
degrade. .
* mort, l’Egliſe luy oste les facrez ordres par
degradation, toutefois il n'eſt pas iugé à la
mort par l'Egliſe, ains delaillé à la iuſtice cri
minelle: Ainfi Ieſus Chriſt, non par les Iuifs
aufquels il n'eſtoit permis de tuer aucun : No
bis non licet interficere quemquam: Il ne nous eſt
pas licite de tuer aucun , mais par les Gen
tilsila ſouffert le ſupplice de la mort. Et illu
luciº. detur & flagellabitur & conſpuetur. Et fera moc
qué & flagellé & decraché. Premierement il
fera mocqué. Les ministres fe font mocquez
de luy en la maiſon de Caiphe. Et les hommes
qui
- d e L A Q v r n q v A. 2ổt
quitenoyent Ieſus fe mocquoyent de luy,& le ,
benderent & frapperent fa face & l'interro
quistepercufit deui- ***** -
ne Seigneur,qui eſt celuy qui t'a frappé? 2.He- I ~

rode aủec toute fa compagnie ſe mocquerent“


de luy, en le vestant d’vne robbe blanche, en
figne de derifion & mocquerie. 3. Au pretoire
de Pilate,en ployant le genoille ſaluoyent en
fe mocquant de luy,difans: Auerex Iudeorum,
bien te foit Roy des Iuifs.Finablement les géf
d'armes ſe mocquoyent de luy, luy preſentant
en la croix du vinaigre auec de la myrrhe & du
fiel. O cas pendablelle Roy demande à boire à
fon fommelier, & illuy donne à boire du vin
aigre,auec de la myrrhe & du fiel: Etflagellabi
tur,il ſera flagellé: premierement en la maiſon
d'Anne de celuy qui luy bailla vn fouflet.Se
condement au pretoire de Pilate quile feist liet
& flageller en vne colomne:de laquelle flagel
lation fon fang a diſtillé, & defcoulé de toutes
parts,de forte que à plantapedis adverticem non
eratin eo fanitas,dés la plante des pieds,iuſques
au fommet de la teste,en luy n'auoit lieu ne pla
ce de fanté : mais toute meurtriffeure, douleur
fus douleur, playe ſusplaye, & fang fus fang,
Tiercement ila esté flagellé en fes amiables
mains,en festreſprecieux pieds & en ſon ſacré
&glorieux costé. Voila, Chrestiés Ieſus Christ similitudes:
qui comme l'apoticaire
coétion,ilprend pluſieursquand il fait
herbes, vnde;il
leſquelles . -tu
faićt bouilliren vn grand vaiſſeau,la decoction
R 3
2.62 - D IM E N C H E -D E ;

d'icellesil met en petits vaiſſeaux: Ainſi nostre


Seigneur grand vaisteau, faićt la decoćtion de
fa paffion, laquelle il reſpand dans les petits
vailleaux des coeurs de ſes Apostres. Au prin
temps les ieunes filles font des bouquets de
„ , pluſieurs fleurs quelles mettent fur leur ſein:
- *"
des Chrestiës
Äinfi• .mes
. ;
amis & freres Chrestiens: ie vous
* * ,

, confeille de faire auiourd'huy vn bouquet de


filles. , douleurs playes,eſpines,eloux,lancesfangsver
ges, croix, lier tout cela enſemble & le porter
en voltre coeur, comme Ieſus Chriſt l'a porté
gn fon corps. Cela nous enflambera vn feu ,
d'athotir diuin pour vóſtre conſolation syioye
fpirituelle,& falut de voz annes. Ettertia die re
färget. Et au tiersioutil refuſcitérạilictourne
ra victorieux des enfers, il deliurera les fainćts,
percs en deflrtrifint l'empire de la mort s liant
Sathan'aux enfers, & gloricụfement de ſa pro *
pie vertuteſuſcitera, Et ipst nihil horkin intelle *,
*

rerunt. Et iceux n’entendoientrien de ces cho


fes: car ils estoient encores lourds en eſprit &
grostiers en la foy. Et ca ſecret ne leur eftoiť
pas encore reuelé , & ceste parole leur estoit
cachee, & n’entendoient point les choſes qui
eſtoient diétes. La cauſe pourquoy ils n'enten
Les Apostres doient point ce mistere eſt premieremét pour
„.»tehdyết ce qu'ils ne pouuoiết ouyr la mort de celuy,le
peint le my-, quel fi fouuerainemếtils aimoiết & defiroient .
Amortde Ieſus. tonfiours voir. Secondement pource qu’ils .
• , – I* * - * «*

3 " croioycnt que Ieſus Christ nó ſeulement estoit,


pourquoy. homme nosnemu
|- -
wypie =) 1 CUI
*

*
*
- 1 A Q v 1 N Q y A G E s 1 M e. 263
Dieu viuất. A peine pouuoyent-ils croire qu'il
deuft mourir, & que la vie mouruſt, & que
l'immortel fuſt mortel. Finablement ils pen
foyent que telles parolles eſtoyent paraboli
ques.Et pource ils cuidoyent qu'il falloit pren-
dre telles parolles autrement qu'elles ne fon
noyent. S'enfuit la feconde partie de nostre S.
Euangile, où il eſt faićt mention de l'illumina
tion d'vn aueugle.Fattum est autem cum appro
pinquaret Iestu Hierico,cecus quidam ſedebatfecus
viam mendicans.Et aduint quand Ieſus s'appro
cha de Hiericho,vnaueugle eſtoit astis pres de
la voye, & mendioit. En la premiere partie de
l'Euãgilenoſtre Seigneur predit à ſes diſciples
l'infirmité de fa chair en forme humaine: mais
à fin qu'ils ne fullent troublez & ſcandalizez,
ou que par trop grande triſteſſe ils ne fustent
engloutis ou abifniez, tout incontinentil de
monſtre la puiſſance de fa diuinité, en illumi
nant vnaueugle,auquelles deux chandelles de
lumiere eſtoyent eſteinćtes. Ainfi ceux qu'il a
eftonné par parolle,il les confirme par miracle.
Parle premier il monstre la verité de fon hu
manité,par laquelle il eſt moindre que le pere.
Par le ſecond il manifeſte la verité de fa diui
nité, laquelle il est vn auec le Pere. Vn
aueugle eſtoit affis, voyons icy la defolation
& conſolation de ceſt aueugle:duquel il est dit,
Cæcus,vn aueugle: voy là vne triſte calamité &
mifere, quelle ioye pouuoit-il auoir,eſtant af
fis aux tenebres, & ne pouuoit voir la lumie
264 d1 m enche D E

Apºcal.i. re du ciel ? malheureux & miferable pauure,


nud,& aueugle. Quidam, aucun. Sainct Marc
dićt que c’eſtoit vn aueugle dićt Barthimee,
constea fils de Thimee. Les Euangelistes n'ont pas de
***"g"“ coustume exprimer les noms de ceux aufquels
Ieſus Chriſt a faićt miracles, fi ce n'eſt pour rai
fons graues, de grande importance & confe
quence, finon qu’ils fuffent nobles (comme le
Lazare & Iayrus prince de la ſynaguogưe) ou
de grande renommee & ferme foy, comme
cest aueugle,duquel il eſt dit:Sedebat fecus viam .
mendicans. Il eſtoit affispres de la voye & men
dioit: le pauure aueugle eſtoit contrainct par
neceſſité mendier, car il n'auoit dequoy viure.
Voylavne rres-grãde calamité eſtre aueugle &
mendier. La charité estoit tant refroidie entre
les Iuifs, qu'ils ne fubuenoyent pas à la neceſ
fité des pauures felon l'ordonnance de la loy.
Laquelle commandoit que perſonne ne fust
Peater.", contrainét mendier, Omnis indigens & mendicus
non erit inter vos. L'aueugle n'offençoit pas
Dieu de mendier, veu qu'il ne pouuoit par
honneste labeur ſubstanter la pauureté de fa
vie , car la neceſſité de ſa pauureté le contrai
gnoit à mendier:mais le Magistrat des Iuifs pe
choit, de ce qu'il n'obſeruoit les ordonnances
de la loy, leſquelles estoyent instituees pour
nourrir les pauures fans publique mendicité,
c'eſtà dire, fans publiquement mendier. Caril
- eſt eſcrit en la loy, qu'il n'y ait entre vous au
cun pauure ou mendiant,c'eſtà dire, vostre re
publique
1 A Q y I N Q y A G E s 1 M. E. 265
publique foit tellementordonnee,que les pau- pest.rs.
ures ayent leur nourriture, & qu'ils ne foyent | f; | :
contrainćts publiquement mendier, à fin que } :
le Seigneurton Dieu te beniſſe en la terre , la- eestire des
quelle il te donnera en heritage pour poste- pasures. .
der. Et par telles ordonnances de la loy,le Ma- *******
gistrat Iudaïque pouuoit & deuoit fubuenir
& fecourir à la neceſſité des pauures. Mais par
la mendicité de ce pauure aủeugle, & de
fieurs autres, manifeſtement il apparoist que
les Iuifs n'ont pas eu foy aux promeſſes de
Dieu,ny obſerué ſes commandemens.Et pour
tant au lieu de benedićtion,laquelle leur eſtoit
promife, ils ont esté tellement maudićts que
non feulement de rage de faim, ils ont mangé
leurs propres enfans , mais auſſi ils ont
priuez & deſpouillez de leurs Magiſtrats, of
fices, iuriſdićtions, aućtoritez, gouuernemens,
commandemens, iugemens, regions, facultez,
propre vie,de tout falut. Et ce qui est aduenu
aux Iuifs aduiendra aux Chreſtiens chetifs, &
autất en deuốs nous attendre, fi ne nous amen-
dons, & ne nous retournons à noſtre bon fens,
en faifant penitence, & fi Dieu ne nous prend
à miſericorde. Car noſtre Dieu nous comman
de faire miſericorde,& ſubuenir à la neceſſité,
des pauures. Secondement, la charité du pro
chain le demande. Finablement,l'honneſtetê de
la police Chreſtienne le defire & le requiert.
Et cùm audiret turbam pretereuntem, interrogabat
quid hoc effet. Et quand il ºv; la trouppe qui
f
266 · · · d1M ENc HE: D E . :
pastoit,il interroguoit que c'eſtoit. Il n’eſt rien
plus vtile que de s'interroguer de Ieſus , com
- me les fages Roys, qui diſoyent : Où eſt celuy
******: qui eſt nay Roy des Iuifs : Pluſieurs Roys &
Prophetes ont voulu voir & ouyr ces choſes,
** " & ne les ont pas veu ny ouy. Dixerunt autem es
Tareth, quoy. quod Iestu
" .--
Nazarenu tranſiret. Etilsluy dirent
- -

que Ieſus de Ñazareth paſſoit. Ieſus est fon


propre nom , lequel fut nommé par l'Ange
deuất qu'il fust conceu au ventre:lequel inter
preté ſignifie Sauueur. Caril ſauuera fon peu
ple de leurs pechez. Nazarenu , furnommé
Nazarien,à cauſe de la cité de Nazareth, en la
quelle il auoit esté conceu & nourry. Ainſia
uoitil eſténommé parles oracles prophetiques.
Na Karena interpreté ſignifie fleur ou florif
fant, fainćt & innocent. Il eſtoit le Sainćt des
Pſal.2 s. Sainéts, Innocens manibus & mundo corde. Inno
cent desmains,& de coeur ner & pur, florifiant
en grace, donnant odeur de bonne & fainćte
• vie. Et clamauit dicens: Ieſu fili Dauid, miferere

*** fte
mei.oraiſon
Ieſus fils
eſtde Dauid,aye
brefue quant àmercy de moy. am
la lettre:mais Ce

ple & frućtifere en intelligence ſpirituelle:


pource qu'elle eſt en peu de propos parfaićte
ment complete. : . - -- ; *

Premierement il prefere & allegue la puiſ


fance de la diuinité, difant: Domine, ou Ieſus,
Seigneur Roy du ciel & de la terre, Roy des
Roys, Seigneur des Seigneurs: en la puiſſance
duquel toutes chofes font, qui faićt tout |

qu'i
* L A Q v 1 N Q v A G e. 267
qu'il veut au ćiel, en laterre, en la mer, & en Apºtal.rº
tous les abyſmes,fils de Dauid.Voila vne con- ’”
festion de douceur & de miſericorde humai-"“
ne quia eſté faićte de la femence dė Dauid fe
lon la chair. Nous fçauons que Dauid estoit xem...
debonnaire & en mifericorde il a obtenu le -

fiege de regne.Finablementil a demandé ceu


ure de mifericorde, quand il dit: aye mercy de
moy. Comme le pénitent Dauid qui diſoit:
Miferere mei Deus fecundum magnam mistricor- / sº.
diam tuam O Dieu aye mercy de moy., felon ta '*******
grande mifericorde: ou comme la fainćte &
vertueufendame Iudith, O Dieu des cieux,
createur des eauës, & Seigneur de toute crea
ture,exauce moy,qui fuispauure ſuppliante &
qui me en Celmiracle.
nous enſeigneitróis choſes neceſſaires à tous
* quel est Ieſús Christ.
Secondement quelle chofe nous deuonsatten- l'illuminatië
dre & de luy eſperer. Firiablement par quel 4° ***e*z“
moyen nous pouions paruenirà luy. Veux-tu
fçaụoir ô hőme Chreſtié quel eſt Ieſus Chriſt? Fils de Da
Fils de Dauid. Il ſemblera poſſible à quel uid, quoy.
qu’vn que ce n’est pas grande chofe estre fils de
Dauid. Carl’eſcriture faincte nomme pluſieurs
fils de Dauid,& qui nevalloyết pas beaucoup. -

Ammon estoit fils de Danid,qui viola fa foeur 2. Reg is.


Thamar. Abſalon eſtoit fils de Dauid, lequel 2. Reg.za.
cruellement a perſecuté fon propre pere , iuf-**4. "
ques à mettre & plonger le fer de falance dans
l'estomach paternel,s'il euſt eu le pouuoir, cố- '
* . : II) C
ž68 . D 1 M E N C H E D E - -

me eſtoit fondamnable vouloir. Adonias eſtoit


fils de Dauid:& toutefois fon pere viuant, il a
brigué le Royaume. Mais fi nous voulons re
garder de plus pres & plus diligemment nous
donner garde, outre les ſus nommez, vn autre
fils & vnique a eſté promis à Dauid, qui non
pour quelquetemps comme les autres fils char
P/al. 13 r.
nels,mais perpetuellemét feroit aſſis & regne
roit au fiege Royal de Dauid. Le Seigneura
iure verité à Dauid, & il ne s'en defdira point,
difant: Defruttu ventris tui ponam ſuperfedem
tuam. Ie mettray du fruićt de ton ventre furton
throfne. Noſtre meſſias donc eſt nommé fils
de Dauid. Secondement ce miracle nous en
feigne quelle chofe nous deuons attendre ou
eſperer de noſtre Seigneur, à fçauoir ce qu'il a
faićt& donné aux aueugles.Premierement il a
paſſé par la voye en laquelle les aueugles s'e
itoyent aſſis,leſquels nepouuøyent à luy:
mais il s'eſt approché d'eux, Ainſi nous ne
pouuons de nous meſmes aller à luy: mais il
s'approche de nous,en nous prenant par fagra
ce:à fin que nous aueuglez de coeur, nous ef
ueillons, croyons & crions, fils de Dauid, aye
mercy de nous. Secondement il s’eſt arreſté au
cry des aueuglez. Ainſi noſtre Seigneur entend
- nos cris & prieres,comme il est efcrit: Propè est,
r/.t.,,. dominu omnibus inuocantibus eum. Nostre Sei
gneur eſt pres de tous ceux qui l'inuoquent. Il
a crié à moy, & ie l'exauceray. Et derechef il
Pfal.oo. vous donneratout ce que vous luy demande
ICZ
LA Q v 1 N Q v A G E. 269
rez en mon nom. Tiercement, vocat eum adfe.
Ieſus l'appelle à foy, qui n'a pas en deſdaing
vn pauure aueugle mendiant,Âuffi noſtre Sei
gneur n'a pas en deteſtation,horreur, & abomi
nation le pauure,humble,& penitent
qui de tout fon coeur fe retourne à fon crea
teur. Quartement quand l'aueugle futamené à
luy, il luy dit: Quid vis vtfaciam tibi?Que veux
tuque ie te face? il ſe preſente pour faire le
deſir des demandeurs. ceſte forte quand tu
feras venu à lefus Chriſt, il s'offre foymeſme à
faire ton deſir.A ceste caufe diſoit fainćt Paul:
Adeamus ergo cum fiducia ad thronum gratie. Al- Heb. 4.

lons donc auec fiance au throſne de grace,à fin


que nous obtenions miſericorde, & trouuions
grace pour auoir ayde en temps conuenable.
Cinquiefmement il touche les yeux, il rend la -

veuë, non feulement pour voir le foleil de ce ----

fiecle: mais auſſi le vray foleil de iuſtice eter


nelle. Ainfi nostre Seigneur veut ouurir nos *

yeux, à fin que nous puiſſions voir Dieu & Ie- ”


fus Christ lequel il a enuoyé, encores que tu
nele voyes qu'en miroüer & figure: mais à la
fin parfaićtement ilte rédrala veüe pour le voir
face à face. Voila les choſes que nous deuons
attendre & eſperer de Dieu.Reste maintenant
Voir par quel moyen nous pourrons paruenir à
fi grands biens. Cela nous eſt fort bien demon
stré en cest aueugle. Caril nous fautainfi faire Moyens par
i finel, nou,
ce qu'il a faićt. Et par ce moyen nous acque- .
fterons la lumiere de celuy par le-tuuminé. B.
quel
./
27o -- D 1 M E N c H E . D E .
rituellemët, à
l'exemple des
quel il a receu la corporelle. Et pource il faut
.au euglesilla premierement cognoistre fa cecité, à Pexem
minez, corpº ple des aueugles, & demander la lumiere. Car
f'ellement. iamais tu n’obtiendras miſericorde parfaiéte
ment,ſi parfaićtement tu ne cognoy ta mifere.
Secondement tu entens la trouppe qui paſſe,
c'eſtà dire , quand quelque choſe t’admone
fte exterieurement , ſi tu ne peux voir Ieſus ]
Chriſtpartel moyen,interrogue que c'eſt, de
mande conſeil à ceux qui ontveu Ieſus Chriſt,
lis les eſcritures, entens la parole de Dieu , &
par là tu apprendras quelle choſe il te faut ef
perer de Ieſus Chriſt.Tiercement quand tu en
tendras Ieſus Chriſt, crie : C’eſt à dire, prie
comme les aueugles, & dis: Dominefili Dauid
mifererenostri.Seigneur fils de Dauid, aye mer
cy de nous. Quartement quand ta conſcience
murmure contre toy,diſant: quelle chofe as-tu
affaire auecques Ieſus Chriſt, toy qui es
tant de liens de peché, chargé de fi grands faix
d'iniquité,priſonnier du diable, pourneant &
en vain tu crie,ne vueille point ouyr la trouppe
tumultuãte,mutine,& ſeditieuſe, lors plus fort
tu crieras auecques les aueugles, & diras: Do
mine filiDauid miferere nostri.Quintement quãd
tu oyras quelque Chreſtien ou miniſtre & fer
uiteur de l'Egliſe de Dieu, qui te dira mon
amy,aye bon courage,lieue toy incontinent.Il
t'appelle comme l'aueugle, lequel iettant ius
fon máteau,il fe leua, & s’en vint à Ieſus. Ainſi
ne differe point à deſpouiller ce vieux, ord, &
fale
LA Q_v I N Q v A G ES I M E, 271
falle manteau,auecques lequel tu foulois men
dier le denier au monde, c'eſtà dire, ſuperbe,
auarice, ire, enuie,gourmandiſe, paillardife,&
negligenc.Veeritablement celuy eſt mendiant,
qui pour vne vile volupté & vanité mondaine
demande l’aumoſne au monde. Sixiefmement
quand tu feras venu à Ieſus Chriſt,que tu n'ou
blie pas luy demander ce qui t'eſt fouueraine
ment ncceffaire , à l'exemple des aueugles, qui
diſoyent: Domine vt aperiantur oculi noštri. Sei
gneur, que nos yeux foyentouuerts. Car cela
nousest grandement neceſſaire que nous voyős
que c'eſt que Dieu pour l'aymer, le móde pour
le hayr, & peché pour le fuyr. Septiefmement
quand tu feras illuminé à l'exemple des aueu
gles, donne ordre de l'enfuyure par aćtion de
graces, exhibition de pures prieres. Voylà les
choſes necellaires, conuenables & falutaires à
l'homme Chreſtien. Or prions noſtre bon Dieu Oraiſon.
& pere des lumieres, que tout ainſi qu’il a illu
miné corporellemét les aueugles,ainfiluy plai
fe par la clairté de fon fainćÈ Eſprit illuminer
ſpirituellement nos coeurs & entendemens,
pour les dreffer à la droićte voye de fes fainćts
& diuins commandemens, à fin que finable
ment nous puiſſions paruenir à la glorieufe &
eternelle lumiere, où Ieſus Christ regne & vit
auecques le Pere & le fainét Eſprit au Royau
me de Paradis.Amen. ' ,

LE
272

LE P R E M I E R D I M E N C H E
D E c A R E s M. E.

F P R E s que le diable par fon astuce


eut deceu nos premiers parens, &
-- # qu'il les euſt fait tóber en peché, &
cốſequemment que par le peché la
mort euit eſté introduićte au monde,pour don
ner cófolation à l'hőme & prendre vengeãce de
ceſte malice & enuie diabolique,Dieu le crea
teur ne s'eſt pas courroucé cőtre Adam & Eue,
mais cốtre le diable qui auoit deceu la femme,
& la premiere menace qu'il luya faićte, a eſté
ceſte-cy:Inimicitias ponā inter te & mulierem,/e
men tuum & femen illius. Sçais-tu qu’il y a,dia
ble, tu as faićt vn coup de ta main, en faiſant
pecher l'homme:mais i'en feray vn autre de la
mienne, en mettant diffenſion & perpetuelle
guerre, non ſeulement entre toy & la femme,
mais auſſi entreta femence & la fienne,laquel
le aura vićtoire par deſſus toy: Adam aura bien
fa reuenge. Or Dieu ne trouuant point homme
en la terre qui peuft brifer la teſté du diable,&
auοirvićtoire cốtre luy,il s'eſt aduifé d’enuoyer
fon Fils icy bas, pour prendre chair humaine,à
fin qu'il euſt vićtoire contre le diable,& le pri
uaſt de toute la puistance qu'il auoit.Et c’eſt ce
que S.Iean dit en fa premiere Canonique:cha
pitre troifieſme:In hoc apparuit Filius Dei, vt dif:
foluat opera diaboli. La fin pourquoy le Fils de
Dieu eſt venu en ce monde,c'est pour destruire
-

&
b * c a a es v r. 273
concluſion de l'Euangile du iourd'huy : Wade
retro fathana,comme s'il diſoit: Tu n’as plus de
uiſſance, retire toy arriere, tu as la teſtebri
Et non feulement luy a caffé la teſte, &l'a
vaincu, mais auſſi nous a enfeigné la maniere
de combattre fathan, & le ſurmonter: Reliquit
nobis exemplūsvt/equamur vestigia eius. 1.Petr.2,
Il a faićt comme yn bon maiſtre d'eſcrimes
qui ne dit pas ſeulement à ſon apprentifil faut
aínfi faire & bien tirer ſes coups, mais auſſi il
prend les armes,& s'en fert le premier,&mon
ftrecomme il faut faire. Ainſi Ieſus Christ qui
est nostre maiſtre pour nous apprendre à guer
royer & vaincre noſtre ennemy,ila voulutià
rer les premiers coups, & nous monſtrer com .
me ib combattre fathan, & luy reſiſter,
quandil nous affaut & tente en diuerſes mae
nieres. Or depuis qu'il faut faire vn combat,
la premiere choſe requiſe, est qu'il faut confi
derer & cognoiſtre les forces & rufes de fon
ennemy, pour ſe donner garde d'estre furprins.
L’ennemy de Ieſus Christ & le nostre, c’est le
diable, qụi non ſeulement eſt fin & canteleux
de fanature, mais austi eſt fort ennemy: voire
le plus puiſſant quiſoit deſſus la terre, le m'en
rapporte à Iob,qui le dit au chapitre 41. Non est
potestaa fi perterram, que comparetur ei,quifačius
est vt nullum timeret. Sainćt Paul n'en dit pas
moins en l'Epistre aux Epheſiens, chapitre fi
xieſme, où il nous aduertit que non est nobis col-,
luctatio aduerste carnem & fanguinem,/ed aduer
- S
2.74 -I . D I M E N C H E

fiu aërias poteſtates, &c. Ievous aduife (dit-il)


que vous auez forte partie. Car vous auez à
eombattre, non point contre aucune puiſſan
ce charnelle,mais ſpirituelle,& beaucoup plus
grande que de tous les hommes. Pour ceſte
caufe vous deuez apprehender ſes forces, &
toutefois pour cela ne perdre pas le courage.
mais en les apprehendant, il faut regarderà
vn qui eſt plus que luy, & vous ei armer?
quine peut estre autre que le fainét Eſprit. Et
pourtant à fin de reſiſter à la force du diable,
Ieſus Chriſt noſtre maiſtre & capitaine a eſté
conduit au defert , eſtant armé & muny du
fainćt Eſprit. Et c'eſt pourquoy en l'Euangi
le noſtre Seigneur nous admonneſte de prier
fouuent. Orate,ne intretis in tentationem, à
dire, Priez, & vous gardez d'eſtre ſurprins de
vostre ennemy. Que fi vous eſtes ſurmontez,
ce fera par vostre faute & negligence : quia
maior est qui in nobis, quàm qui in mundo. Nous
auons à noſtre commandenient vne puiſſan
ce qui est plus grande que celle du diable, fi
nous en voulons vſer. Et en l'oraifon Domi
nicale , il nous incite à faire ceſte demande à
Dicu. Ne nos inducas in tentationem:Noſtre pe
re nous vous prions qu'il vous plaiſe par vo
ftre mifericorde ne permettre que foyons fur
prins & furmontez de la tentation de noſtre
ennemy iuré. Car comme dit fainét Cyprian
in oratio, Dominic. Nilpotest cãtra nos aduerfarius:
nif Deus antè permiferit. La feconde chofe
t : allt
d e c A R E s M e. 27;
faut confiderer en nostre ennemy, ce font fes
ruzes & fineſſes pour nous en donner garde.
Car le diable eſt cauteleux & bien experi
menté aux ruzes de guerre. C'eſt de luy qu'il
eſt eſcrit en Geneſe chapitre 3.Erat ſerpens cal
lidior cunctis animalibus. Et non ſeulement luy
eſt fin & cauteleux , mais auſſi fes foldats &
miniſtres, deſquels parlant fainćt Paul 2. Co
rinthio. 11, il dit, que fant operari) fubdoli. Il faut
donc bien prendre garde à nous , & nous te
nir furnoz gardes,de peur d'eſtre ſurprins. Or
la premiere & principalle cauſe d'vn Capitai
ne eſt d'affaillir fon ennemy à l'improuiſte, &
ne luy donner pas loifir d'aſſembler fes for
ces : d'autant que le premier coup, dit-on , en
vaut deux. Le diable affez ſubtil & aduiſé en
cela premier &auant que nous y euffions pen
fè, nous a affaillis au paradis terreſtre & iar
din de delices, commeil appert par le troiſief
me chapitre de Geneſe. Laquelle ruze diabo
lique a eſté figuree par vn fien miniſtre Pha
raon,en Exode premier chapitre , qui voulant
finement opprimer le peuple de Dieu, & l’em
peſcher de multiplier qu'il ne fuſt le
plus fort, commanda à fes gens qu'ils meiſ
fent à mort tous les enfans maſles dudićt peu
ple incontinent qu'ils feroyent nais, comme a
bien remarqué Origene homi. 2. in Exodum, où
il monſtre que la ruze & malice du Diable eſt
grande, pour empeſcher que vertu & lagra
çe de Dicu ne prennent racine en l'homme.
- S 2
276 I. D I M E N C H E

Et pourtant de peur de furprinſe, il nous faut


de bonne heure dreffer nos efforts à l'encon
tre de luy. Ce que nous faiſons au bapteſme
où nous renonçons au diable, & à fes mini
ftres, à l'imitation & exemple de nostre Sei
gneur,lequel n'a pas esté plustoſt baptizé, qu'il
s'en eſt allé au defert pour refiſter au diable
qui eſt venu incontinent l'affaillir parfon faićt
nous enſeignant que nous ne ſommes pas
pluftoft en la grace de Dieu, que le diable ne
nous vienne affaillir pour nous deſbaucher &
f. Pe
faire tresbucher s'il peut. Et c'est pourquoyle
*** Sage conſeille à chacun de nous: Fili accedens
ad feruitutem Dei, animam tuam ad ten
tationem. Mon enfant, affeure toy d'vne chofe,
c'eſt qu'incontinent que tu te feras diſpoſé de
bien viure, le diable ne faillira de te liurer l’af
faut & tenter. Parquoy fitues fage, tu te pre
pareras luy refister, & te garderas bien
d'eſtre ſurprins. L'autre ruze d'vn Capitaine
experimenté en faićt de guerre, c'eſt qu'il a de
couſtume obſeruer deux chofes : & premiere
ment de quelle part la place qu'il veut pren
dre eſt la plus foible & debile: Secondement
la commodité qu'ila de la prendre. Or la foi
bleffe d'vne place & fortereſſe qu'on veut
affaillir, vient ou de nature (comme quand la
muraille eſt foible & ruineuſe) ou bien de l’oc
cafion preſente : qui faićt qu'on a moyen d'en
trer dedans par le lieu mefines qui est le plus
fort: comme quand il y a vn traiſtre à la por
* \ tC
/
D E C A R E S M E. 277
te du chafteau ou deſſus la muraille, qui don
nera entree fi on fe la part où il eſt.
Si vous regardez di igemment qui eſt la par-
tie de l'homme la plus ruineuſe & la vieille
muraille que le diable tafche toufiours mi
ner quand il veut entrer au chafteau de no
ftre conſcience,c'eſt la chair: Et toute la ruyne
de l’homme vient ex corruptione nature: & or
dinairement toute herefie a commencé par là,
& fauorife à la chair. Et pourtant nostre en
nemy iurévoyant & ayant ja experimenté au .
premier homme que noſtre place eſt foible
de ce costé là , ne faut iamais à nous affaillir
par la gueulle. Vray eſt qu'il ſurmonte aucu
nefois l’homme & entre chez luy, ex oblata oc
castone. Carle diable,qui ſemper circuit nos, que
rens quem deuoret,qui ne dort pas; & iamais ne
ceſſe de nous eſpier, obſerue diligemment &
prend garde à quel vice nous fommes enclins.
Et pource, es tu enclin à paillardiſe ou auari
ce garde toy de ce coſté là. Car le diable ne
failliraiamais de t'affaillir par là:fçachant bien
qu’il a chez toy des traiſtres qui te liureront
entre ſes mains, & l'aduertiront qu'il batte la
place par ce costélà. Inimici heminis domestici
eius. Matthei 11. Nos ennemys couchent auec
nous. Defquels parlant S. Iean en ſa premiere
canonique ſecond chapitre dit: Omne quod est
in mundo, aut est concupiſcentia carnis, aut ſuper
bia vite,aut concupiſcentiaoculorum.La chairpro
pre que nous auons est le peng traiſtre qui
- 2
*
(

27$ I. D I MÍ E N C H E ' - ·
nous veut liurer entre les mains de noſtre ca
pital ennemy. Caro concupiſcit aduersta ſpiritum.
Les autres traiſtres font auarice & orgueil,
conuoitife des biens & honneurs mondains.
De peur donc que ne foyons trahis par iceux
& furprins de nostre ennemy , il nous faut
fuir les occaſions de peché entrans au defert
apres noſtre Capitaine Ieſus Chriſt, & fuyans
les mauuaiſes compagnies : & puis prendre
«les armes ſpirituelles, qui font ieufne, oraifon,
&aumofne, pour combatre nos ennemys, à
l'imitation de noſtrė maistre, entreprenant le
combat, comme il eſt recité en noſtre Euan
Matth. 4. gile : où il est dit: Tunc duiius est Iosta in defèr
tum àſpiritu, vi tentareturà diabolo. Alors Ieſus
zue... fut mené de l'eſprit au defert pour estretenté
du diable : à fçauoir apres qu'il fut baptifé. Et
quand il eut ieufné quarante iours & qua
rante nuićts, apres il eut faim. Où il nous
faut noter, que les faićts & oeuures de Ieſus
Christ ne nous apportent pas tant feulement
conſolation : mais auſſi exemple de bonne
vie & de fainćte conuerſation. Car il ne fuf
fit pas de dire que Ieſus Chriſt a ieufné &
prié pour moy. Et pource ie ne feray rien:
Matth.rs. ains me repoſeray & feray oyſeux.Jeſus Chriſt
a porté fa croix, pour l'enfuyure comme il a
dit:Siquis vult venirepost me,abneget femetipfum
cớ tollat crucem filam & fequatur me. Si aucun
veut venir apres moy, qu'il renőce foy-meſme,
& porte fa croix, & m'enfuyue. Il a eſté hum
ble
D e c A R E s M. E. 279
ble pour l'enfuyure, distite à me quia mitis fum Matth.ri.
& humilis corde. Apprenez de moy que ie fuis
debonnaire & humble de coeur. Il a eſté chari
table, & tu dois faire à fon exemple charité à
ton prochain. Exemplum dedi vobis, vt quemad- Ioan.n.
modum feci vobis, ficcớ vos fàciatis. Ie vous ay
donné exemple, à fin que vous faciez comme
ie vous ay faićt. Les oeuures de Ieſus Chriſt
nous prouffiteront , fi auec les fiennes nous -

adiouſtions & accouplions les nostres. Tour similitude,


ainſi qu’vne goutte d'eau meflee dedans vn -

tonneau plein de vin, elle reçoit la faueur du - * **

vin : ainſi nos ceuures meflees & accouplees -, ,


au merite de Ieſus Chriſt, elles nous prouffi
tent. Autrement peu nous prouffiteront, fer
uiront ou ayderont. Dučtua est Ieſus à ſpiritu. Ie
fus fut mené de l'eſprit. A fçauoir du fainćt
Eſprit. Comme il est dit en fainét Luc : Iestu *****
plenus Spiritu fantto, egreffusest à Iordane,& age
batur à Spiritu in deferto. Ieſus plein du fainćt
Eſprit, fe partit du Iourdain, & fut mené de
l'Eſprit au defert. Ce qui donne grande confo- *

lation à tous ceux qui font tentez. Car tou-,procedent ":


• de
tes tentations & aduerſitez font & proce
dent de la volonté de Dieu. Car nulle puiſ- ionté.
fance diabolique ou humaine n’a aucun droićt
fur nous , finon que Dieu le vueille ou per
mette. Les cheueux de voſtre teſte ſont tous Matth.ro,
comptez. Dieu eſt nostre pere, tres-bening & “º””
debonnaire , qui permet toutes chofes pour
nostre bien & vtilité. Fidelis est Deus qui non
S .4
28o 1. d 1 M E N c H e
, , ** *
patietur vostëtarifupra id quod potestis,&c.Dieu
eſt fidelle, lequelne permettra point que vous
foyez tentez outre ce que vous pouuez: mais il
fera bonne yffue auec la tentation, à fin que
- ***, Y vous la puiſfiez ſouſtenir. Pource tu prendras
atiemment les tentations & aduerfitez com
me de Dieu, & non pas comme des hommes.
In defertum. Ieſus fut mené de l'eſprit au de
fert:& pourquoy? : - - , , , \ - -

Jeſus Christ . Premierement pour demőftrer qu’il vouloit


mené au de
fert, 69 pour remedier au peché du premier homme. Adam
quoy. a peché, & Ieſus Christ a fatisfaićt. Adam fu
Gene/T2. perbe au iardin pargloutonnie a peché. Ieſus
Christ humbleau defert parabſtinence a fatif
faićt. Dieu a colloqué le premier Adã terreſtre
en paradis terreſtre: mais le ſecond & celeſte
Adam, lequel il auoit formé par operation ce
leſteauvétre virginal, a eſté mis au defert pour
ieufner & offrir fon eſprit par oraiſon & con
templation à Dieu ſon pere pour nous. s -

Trois chofes eſtoyent au ieufne de Ieſus


Christ. La premiere, le defert folitaire contre
le iardin devolupté. La ſeconde, l'abstinence
- contre la friandife & gourmandiſe. La troifief
me, triomphe & victoire contre la prostration
& ruine du premier homme.
Secondement Ieſus Chriſt fut mené de l'e
fprit au defert; ſe retirant à part & à l'eſcard de
la trouppe, à laquelle il n'est retourné,
que premierement il n'aye ieufné, contemplé,
prié, & furmonté fon ennemy, non pour foy.
* Car
d e c A R B s m e. 281
Carla trouppe ne luy pouuoit cauſer aucun pe
ril: mais pour demonſtrer que la fuite du com
mun peuple eſt neceſſaire au nouueau Chre
stien , iufques à tant que la chair fera dom
ptee: le diable vaincu par deuote meditation
de la loy diuine : & que par pure priereilaye
recueilly & acqueſté force & puiſſance de l'e- ·
fprit. Car celuy qui encores n’eſt fort ou robu- -

fte, facillement il est ſeduit & trompé. Corrum- "cºr".


punt bonos mores colloquia praua.Mauuais propos
corrompent les bonnes moeurs. Modicum fer- reºr."
mentum totam maffam corrumpit, vn peu de le
uain fait leuer toute la paſte.C'eſt à dire,que la
conuerſation des mauuais gaste & corrompt la
bonté des bons. ... . . . . . . |

Vt tentaretur à diabolo, pour eſtre tenté du Nefire sei


diable. Nostre Seigneur a voulu estre tenté.
Premierement pour demonſtrer qu'il auoitre
.:CCll C.Il toutes nos pauuretez, miſe
res,& maledićtions. Car il a experimenté tou
tes nos pauuretez : comme faim, foif, chaud,
froid, labeur, trauail,laffeté,rentation, & mef
mes la mort.Pourcediſoit S.Paul:Non habemus He***
pontificem qui non pofit compati nofiris infirmita
tibus,crc. Nous n'auons pas vn fouuerain ſacri
ficateur qui ne puiſſe auoir compaſſion de nos
infirmitez. Caril a esté tenté en toutes choſes *

felon la fimilitude fans peché. 2. Il a voulu


estre tenté : pour nous demonstrer que nous
auons la bataille auec vn ennemy defloyal &
inhumain oppreſſeur, à fin que nous fuſſions
S -5

–– – –– –
182 1. d 1 M E N c H e
plus fages pour nous fçaủoir donner garde
de noffre aduerſaire, & par quelle maniere à
fon exemple il nous faut puistamment refifter
contre ſes tentationstafficientés in authorem fidei
& conſummatorem Ieſum, quipropostrofibi gaudio
- fustinuit crucēconfuſione contempta:en regardant,
comme dit fainét Paul,au chefde la foy & con
ſommateur Ieſus, ieguei
S’ tentatiös, pour laa iớve
que pour
-) 1oy aà lauy
e pourquoy propoſee , a enduré la croix, ayant contemné
honte. Dieu permet que nous foyons tentez:
Premierement à fin que nous foyons estayez
& approuuez. Car le patient n’eſt point co
gneu finon en aduerfité, & par tentation nous
fommes approuuez. Secondement à fin que
****** nous cognoiſſions nostre infirmité , laquelle
* * * iamais mieux ne pouuons cognoiſtre qu'en ad
|-""|
, uerfité & tribulation, cốme il appert de fainčt
|- • -- * : . . Pierre, defauoüant fon maistre. Ër pource no
*

ftre Seigneur nous enuoye des tentations,à fin


que par inflation de coeur ne foyons eſleuez:
ains que nous cognơiſſions que la grace de
Dieu nous eſt neceſſaire, & à fin que nous ayős
occafion de prier. Tiercement à fin que nous
foyons rendus & faits plus forts & plus puiſ
fans. Car l'exercitation fait l'homme fort. Fi
nablement noſtre, Seigneur nous enuoye des
aduerſitez,à fin que nous cognoiſſions le grand
threfor que nous auons receu. Car le diable ne
nous moleſteroit ou trauailleroit fi fort com
me il fait, finon qu'il voit que nous ferons en
richis de plusgrands honneurs que non pas luy.
. . Et
- . D e c A R es M. E. 28;
Et parenuie, laquelle eſt vne deſplaifance du
bien d'aütruy,il ne ceſſe de nous tenter. S’en
fuit au texre,à Diabolo, pour estre tenté du dia
ble. Le malin eſprit eſt nommé en l'Eſcriture
par pluſieurs & diuers noms.
Premierement il est nommé Sathan. Com- plasteerini,
me il appert en pluſieurs lieux du nouueau te- an áiable.
ftament. Secondement il eſt nommé diable. Apo. 12. 2o
C'eſtà dire, calomniateur, comme ence pre- +/*** N
fent lieu.Tiercement il eſt auſſi nommé ferpét
ancien. Et finablement grand dragon, par lef
quels noms l'eſcriture nous demonſtre les con
ditions du malin eſprit, il eſt appellé Sathan, Conditions
qui vautautantà dire comme aduerſaire. Car à
il a eſté aduerſaire & contraire à Dieu au ciel, estrit.
diſant:Exaltabofolium meum & ero fimilis altifi- : -

mo. Et i'efleueray mon ſiege, & feray fembla- Erhºf, *


ble au fouuerain. Il eſt appellé diable, c'est à
dire calomniateur. Car dit fauces & mali- :
cieuſes allegations contreDieu , diſant par le
ferpent à la femme, vous ne mourrez aucune Gene.s.
ment, mais Dieu fçait qu'auiour auquel vous
en mangerez vos yeux feront ouuerts & ferez
comme dieux, cognoiffans le bien & le mal. Il
est nommé ferpent pourfon aſtuce, fineſſe, ba
rat & tromperie : par laquelle il a deceu & trő
é le premier homme : Et de laquelle iournel
il vſe pour nous deceuoir & tromper.
Et finablement il eſt nommé & appellégrand
dragon, pour l'impetuoſité & qu'il fait
contre la parolle de Dieu & les Chrestiens.
« , - * Voylà |
-

284 1. d 1 M E N c H e -

Voyla lesconditions du diable: Afçauoir eſtre


aduerfaire & contrarier à Dieu & aux fiens:
mentir,feduire, tromper & perſecuter les bons
||'|
& fidelles Chreſtiens: & fes membres l'enfuy
Les conditiös
uent qui font contraires à Dieu, menteurs, fe
de Iefus Christ
dućteurs,& perſecuteurs des gens de bien.No
Joan, s. ftre Seigneur eſt de condition contraire. Car
il a cerché la gloire de Dieu ſon pere, Honorif
co Patrem meum & vos inhonorastis me. I’honore
**|1
|-
--||

mon pere,& vous me faićtes deshonneur. Se


||-|
condementil eſt veritable en fes promeſſes, &
qui enſeigne la voye de Dieu enverité.Tierce
/ ment il nousinduit & tire à tout bien. Il faict
* bien à tous, qui non ſeulement faićt leuer fon
foleil ſur & mauuais. Ainsappelle tous
. àfa grace,diſant:Venite ad me omnes quilaboratis

| d. & oneratiestis & ego reficiam vos, Venez à moy


la äiuinités vous qui trauaillez & eſtes chargez & ie vous
kºmanité de foulageray.Tous les fidelles & membres de Ie
"/* "'" fus Čhrift enfuyuent les conditions de leur
chefnoſtreSeigneur & fauueur.S’enfuit:Et cũ
| ieiunaffet quadraginta diebus & quadraginta no
čtibuspostea efurit.Et quád il eut ieufné quarấte
iours & quarante nuicts,apresil eut faim: que
noſtre Seigneuraytieufné filong temps, c'eſt
vn argument & certification de diuinité. Il
y a adiouſté quarante nuićts,à fin de ne croyre
qu'ilayt mangé de nuićt: mais qu'apres il a eu
faim, c'eſt vn argument de fon humanité. Et
ainfi manifeſtement il demonſtre qu'il estoit
vray Dieu & pur homme: Ieſus Chriſta ieufné
'. , ' ' pour

|
D E C A R E S M E. 285
pour pluſieurs raiſons (lefquelles font recitees Tourque,
en nostre liure intitulé. Probation des fainéts "/". Christ
Sacremens) mais principalement pour nous 1 :
dóner exemple,comme dit S. Ambroife epistre i .
8i. Etpostea furit.Apreseut faim, vtperestritio
nem fé adhumanã imbecillitatem ſubmittens, ten
tatori anſampreberet,comme dićt S.Bafile, hom.
1.deieiunio,& S.Chryſoſtome hom. f.ex varijs lo
cis in Matthæum. C’eſtoit pour attirer finement
ſon ennemy & le noſtre au combat.Voyons en
quelestat & pitoyable deſarroy nospechez ont
conduit & mené nostre Seigneur. Celuy qui eſat. 1,,.
donne viande à toute chair , qui ouure fa main
& remplit & raffafie tout animal de benedi
ćtion, de la cuiſine duquel infinité d'eſprits
celestes font nourris : celuy qui paiſt les oi
feaux du ciel,les animaux de la terre, lespoiſ-
- - • P72 c07°es ag
º
fons de la mer,& leshommes viuans fur later- faim.
re: toutefois a faim & defire le manger. Le *

tout pour nous & pour leſquels il s'eſt fait pau- 2.cer... .
ure,pour nous enrichir.Et encores Ieſus Chriſt * * * *

a faim en fes membres. Quantefois ton pro- - -*


chain a beſoin de l'aide corporelle ou i - *-

tuelle , & tu le nourris corporellement vraye


ment & fans feintiſe tu pais Ieſus Chriſt &
oyras au iugement, le Roy dira à ceux qui fe-
ront à fa dextre: Venite benedicii patris mei, Matth.as.
#c. Venez les beneis de mon pere, postedez - - .
le royaume qui vous est appreſté dés la fon- :
dation du monde : cari’ay eu faim & vous
m'auez donné à manger. Ie vous disen verité ment,
qu'en
A
286 I. ; D I M E N C H E. -

qu'entant que vous l'auez faićt à l'vn des plus


*
-

* * petits de mes freres qui font icy, vous me l'a


uez faićt. Et accedenstentator, dixit: fi filius Dei
es,dic vt lapides isti panes fiant. Et le tentateur
s'approchant luy dit fituesle filsde Dieu,com
mande que ces pierres foyent faićtes pain. Sa
|
than croyoit que le fils de Dieu par la vertu de
fa parole pouuoit conuertir les pierres en pain
quandil diſoit : dy que ces pierres foyent fai
ćtes pain.Et l'heretique plus incredule & pire
que # diable (comme dit Tertulian contra Pra
xeam,& S. Ambroiſe au fermon 99.) ne veut
croire que le fils de Dicu par fa puiſſance infi
nie & vertu diuine peut conuertir le pain en
chair,& le vin en fang.Iọinćt qu'il eſt dif
ficile de conuertir la pierre en pain, que non
le pain en chair. -

, Meſmes qu'il a faićt plus grandes choſes,


lº" "" - quand de rien il a tout creé, dixit & facia funt.
Pfal.148.ll a dit,& fon dire a eſté le faire.Et en
fa Cene il a dit aux Apoſtres:ce qu’il leur don
Matt. 24. noit en leur monſtrant le pain & le vin » qu’il
*"***" tenoit en fes mains eſtoit fon corps & fon fang,
Luc. r.
Et puis qu’il a dit, & que fon dire eſt fon faire,
-

AD rtet. F difant: cecy eſt mon corps, à la ſubſtance du


A fom-pain paſſe & ſuccede la ſubſtance de fon corps.
me ſubstan- Comme il eſt eſcrit, Non erit apud Deum impo/~
rolle de Dieu ſibile omne verbum. Aucune parolle ne fera r
v r~ . '
im- -

ſpirituellemët poſſible à Dieu:auquel noſtre Seigneur reſpő


g - dit il eſt eſcrit:Non infolopane viuit homo,fedin
53cnf . omni verbo quod procedit deoreDei.L'homme ne
- * - vit
D E ł : C A. R. R S ( AI E. 28z
vit point feulement dd pain, mais de toute pa
rolle qui procede de la bouche de Dieu.Par ce
fte parolle il nous enfeigne. . . . .
* * *
..
- Premierement, qu’il ne faut pas tant regar
derà la vib du corps, lequel doit mourir, com
nie à la vie de l'ame,laquelle toufiours vit.Que ***“h.rº.
profite-il à l'homme s'il gaigne tout le monde,
& qu'il face dommage à foname? ; .. "
feigne que pour la
neceſſité du corps, il ne faut pas conſentir aux
perfuaſions du diable: ' : ; ** ***
Tiercentemt, il nous enſeigne que la vie de
l'amé dít ſibstäree parla parolle de Dieu. Ieſus Celoft.
Christ est nostrevie, Egojim via veritas Grvita."***
He ſuis la vỏyd, la verité & la vie. Car en quel
que lieu que Hefus Chriſteſt, là mefmè l'hốníč
vit,voire en la mort. Et là où lefus Chriſt n'eſt,
l'homme viuant eſt morr. Ieſus Chriſt nous eft
diſtribùé par ſa parolle & parles ſignes ioincts
& annexez à la parolle: dont celuy qui reçoit
la parołle, il reçoit Ieſus Chriſt: & quia Ieſus
Christ, il a toutes choſes, & n’a point a craindre
peché, la rhort,fathan & les enfers. Cőme il eft
eſcrit, Amèn amendico vobis fiquảfermonẽmeum Iean.".
feruauerit,non videbit mortẽin æternum. En verité
en verité ie vous dy, que fi aucun garde ma pa
rolle, il ne verraialnais la mort. Finablement
nostre Seigneur nous enfeigne que nous viuős
auſſi felon ceste vie preſente, parla vertu de la
parolle de Dicu: Car le pain ne te peut nour
rir fans la parolle & benediction de Dieu. Ce
- n’eſt
288 I• D I M E N C H E -

n'est pas doncqueston labeur ne la viande qui


te nourrit, ains la parolle de Dieu , laquelle
pouruoit à tous, comme remonſtre Clement
Alexandrin lib.3.pædagogi,cap.7. & S.Athanafe
lib.de virginit.Voyons donc les grands miracles
que noſtre Seigneur Ieſus Chriſt fair iournel-
lement fous le commun cours de nature. Il
Hebr. r. maintient toutes chofes par fa puiſſante parol
le, & comme maintenant par ſa parolle ſous
la viande corporelle il te paist:auſſiil peut fans
telle viande parfa feule parolle te nourrir, com
me il appert de Moyſe & Helie: voylà que fi
gnifient les párolles de Ieſus Chriſt... L’hom
me ne vit point ſeulement de pain ; mais de ,
toute parolle qui de la bouche de
Dieu. Comme diſant:łe pain ne pourroit fer
uir fans la parolle de Dieu: Comine la faim ne
pourroit nuire ou empeſcher auec la parolle
de Dieu. Tunc affumpft eum diabolu in fantiam
ciuitatem,& statuitfuperpinnaculumtempli,& di
wit ei,fitu esfilius Dei, mittete deorſum. Adonc
ques le diable le tranſporta en la fainéte cité,
& le mit ſur le pinacle du temple,& luy dit: Si
tu es fils de Dieu,iette toy en bas. Voylà le fe
cond affaut de fathan contre Ieſus Christ. Ne
trouue point la choſe eſtrange, fi Ieſus Christ a
esté trãſporté par fathan fur f: pinacle du tem
ple: mais fouuiéne toy qu'il a prins la forme de
feruiteur, & a voulu estre femblable à fes fre-
res. Pourquoy ce n’eſt pas de merueilles s'il a
permis estre tenté du diable, veu qu'il ºve:
, ! U1
D E C A R E S M E. 289
lu estre crucifié & cloué en croix par fes mem- :
bres, comme dit fort bien Epiph.harest 42.com-
tra Marcionem, & S.Gregoire hom.16.expoſant
cest Euangile. Mais quãd le diable
Ieſus Chriſt foy ruer ou ietter du haut en bas,
ila contredićt, nous enfeignant d'endurer nos
aduerſaires patiemment, tăt de temps qu'ils ne
perſuadent tomber de la hauteur de verité &
de vertu pour defcendre au bas & profondi
té des vices & pechez:mittete deorſum:lette toy
en bas. Voyez comme il ne taſche finon d'in- sr. , *
*, , ,* i.
duire à ruine & perdition. Il ne dit pas, monte -* * * - .

en haut. Car chien efchaudé craint toute eau.


Le diable toufiours mene les hommes aux cho
fes hautes par orgueil, pour finablement les
pouuoir precipiter aux a yfines infernaux par
eternelle damnation. Comme le corbeau,du
quel recite Pline,ſecretaire de nature, en la na-es *** a * v
* * * e

turelle hiſtoire,liu.io.cha.13.lequel apres auoir , , * :


prins la noix auec le bec, volant en haut, par * * * * * ·
pluſieurs fois,la iette fus les pierres, caillous & * * * * * * . '

rochers,iuſques à tất qu'elle foit caffee & rom · · **


-
* :
.

pue,à fin que par ce moyé il puiſſeauoir le cer-


neau de la noix pour le mánger. Ainfi le diable ,
procure que l'homme foit efleué aux dignitez . . . . .
& offices, à fin qu'il tombe plus griefuemét de . . .
ce preſent fiecle par coulpe & anxieté,à l'adue
nirpar peine eternelle: comme diſoit Dauid,
deiecišti eos dū alleuarētur,tu les as abbatus quãd
ils eſtoyent eſleuez en haut:defquels il eſtauffi
dit,quemadmodum fumua deficient; ils defaudrőt
29o I. D 1 M E N C H B

z cốme la fumee,laquelle tát plus haut elle mon


"*" te,tant plus elles'éfuanoüir. D'auấtage ces pa
rolles nous enſeignét que le diable ne peut rien
à l'encontre de nous, finon que nous meſmes
premierement ne luy domnions force fur nous.
Car le diable est plus debile qu’vne moufche,
fi on luy reſiſte : & plus fort qu’vn lyon , fi on
luy donne lieu. Les huguenots comme mem
bres du diable leur grand pere, font fauter de
haut en bas les Catholiques, comme remon
Matth.rº. ſtre Vincētius Lyrinenſis in libello aduerfie propha
'/aleº. nas vocum nouitates.Scriptum est enim,angelis ſuis
mandauit de te, vt custodiant te in omnibus vis
tuis,in manibus portabütte, nevnquam offendas ad
lapidem pedem tuum. Car il eſt que Dieu a
cốmandé à fes anges detoy, ils te porteront en
leurs mains,à fin qu'il n’auienne q tu bleſſe ton
ze diable co-pied en la pierre. Voyősicy cőme fathã vſe des
zaºi stri eſcritures ſacrees.Premieremếtil amene & ap
/ . plique les parolles de l'eſcriture pour maniere
les heretiques de cőſolation, & efquelles la ſomme & abbre
4f9773972 e 7730ZR- gé de noſtre falut cőfifte. Quelle choſe eſt plus
| ? "; digne de fçauoir aux Chrestiens, que la foy en
Ieſus Chriſt fauue ? Mais combien laboure no
2 t, ſtre aduerſaire, à fin que par ce dire il tire l’hő
nenfs, & s me en nóchalance & oyfiucté, pour luy faire à
: e croire que la foy nue fans les ocuures est ſuffi
""""""fante.Qu'est-il plusioyeux à l'ouye que ce que
°***** S.Paul efcrit:Vos in libertatem vocati estis, vous
eſtes appellez en liberté par Ieſus Chriſt: ne
foyez point derechef detenus du ioug de fer
» . uitude,
DE c A R E s M. E. 291
uitude,par lefquelles parolles pluſieurs hőmes
fe ſont perſuadez liberté de la chair au grand
dommage du corps & de l'ame. Ainſi de plu
fieurs lieux de l'Eſcriture. Secondemết Sathan
amene parolles veritables de l'Eſcriture: mais
non pas en vray fens.Carpremierement celieu
ne s'entendoit de Ieſus Chriſt, mais de l'hőme
iuſte,comme remonstre Origene ho.31.in Lucā.
D'auấtage cela n'eſtoit point dit,à fin que quel
qu'vn fe miſt en peril fans cauſe.Parquoy il ne
fuffit d'amener les parolles de l'eſcriture,finon
qu'elles foyent amenees en vray fens. Tierce
mentilprend de l'eſcriture ſeulemét les parol
les leſquelles font pour luy.Car incontinent en
ce meſme Pfeaume il est dit:Superaſpidēc bast Tſalºº.
listii ambulabis, & cõculcabis leonē & draconẽ.Tu -

marcheras fus l'aſpic & baſilic, & fouleras le


lyon & le dragon. Leſquelles parolles il ne dit
point:car elles estoyết cốtre luy,comme a bien
remarqué S.Greg. Nazianz. oratione infančtum
baptiſma. Ainſi rien plus pernicieux ou
dómageable, qu'obſeruer vn,ou autre lieu de
l'eſcriture,fans cốfiderer les chofes precedétes
&cốſequentes. Ce qui a deceu les heretiques Similitude
Arriens,& Manicheens: car c'eſt le propre des
heretiques, cóme les cuifiniers, qui à leur mai- ques e de,
stre ne defrobent point la teſte , ou la queüe du snifniers.
aucune partie du milieu,à fin que
eur larrecin ne foit aperceu. Ainfi font les he
retiques qui prennết quelque partie de l'eſcri
ture faincte,fans conſiderer les antecedens ou
T 2
292 I. D I M E N C H E

zes Anges confequens d'icelle. Icy nous faut noter com-


fat ser me les bons Anges par ordőnance diuine nous
“ gardent en pluſieurs manieres.Premieremét au
vếtre de la mere,àfin que par le diable ne foyős
fuffoquez ou eſtouffez. Secondement au fortir
du ventre,à fin que ne foyons empefchez de la
grace du bapteſme.Tiercement en la vie, à fin
que par le diable ne foyons attirez & trainez à
peché. Quartement en la mort, pour nous gar
der du defeſpoir de falut. Quintement apresla
mort, à fin que ne foyons empefchez de l'ěn
tree du ciel: ce qui eſt confirmé par pluſieurs
Pfal.3 r. de l'eſcriture facree : l'Ange du
Seigneur fera enuoyé à l'entour de ceux qui le
craignent, & les deliurera.LeursAnges és cieux
Me“*** voyent toufiours la face de mon pere, qui eſt
"*" és cieux. Tous eſprits font adminiſtrateurs en
uoyez en adminiſtration pour ceux qui rece
urőt l'heritage de falut.Ce qui eſt dit & reuelé
par parolles, eft confirmé par miracles. Deux
gene.ga, anges emmenerent Loth,fa femme & fes deux
filles dehors la cité, pource que Dieu luy par
donnoit,& qu’ils ne fuffent foudroyez en So
dome auecques les autres. En outre il eſt ef
crit. Les Anges vindrent au deuant de Iacob
pour le deffendre de la perſecution de fon fre
Essi.is. Efau.Et quand Iacob les veit il dit:En castra
Dei.Voicy l'oſt de Dieu. En Exode l'Ange du
Seigneur precedoit les Iſraëlites qui les garen
tiffoit, à fin que Pharao ne leur peuft faire au
,..Rg4, cun mal. Aux liures des Roys qu’and l’oſt des
gens
De c A R E s M. E. 293
gens de guerre du Roy de Syrie auoyentenui-
ronné le prophete Eliſee pour le apprehender,
les yeux de feruiteur furét ouuerts,& voi
cy vne montagne pleine de cheuaux & de cha
riots enflambez à l’entour d'Eliſee. Ainſi de
l'Ange Raphaël qui mena & ramena le petit -

Tobie fain & fauf en la cité de Rages. Tous 7 ºbie f.


les fuſdits miracles, font feaux & teſmoigna
gespubliques, que les Anges font ordonnez
comme gardes, officiers, miniſtres, & deffen
deurs de ceux qui cheminent en la vocation
de Dieu. Retournons à la lettre Euangelique. Deut. 6.
Ieſus luy dit derechef, il eſt eſcrit: Non tentabis
dominum Deum tuum. Tu ne tenteras point ton renter dieu
Seigneur Dieu. Premierement celuy tếte Dieu quoy.
qui s'expoſe au peril de la mort , foy recom
mandant à Dieu, quand il a moyen par humai
neraiſon, ou raiſonnable confeil de faire ce
qu'il doit faire. Donc veu que Ieſus Chriſt
pouuoit deſcendre du pinacle du temple , plu
ftoſt que pariaćtance, & vaine gloire ſe preci
piter du haut en bas, il n'a point voulu obeyr
à la perfuaſion du diable. Secondement celuy
tente Dieu, lequel combien qu'il peut autre
ment ſe iustifier ſur les obiećts & reproches a
accouſtumé de dire: Ie donne au diable mon
corps & moname: s'il eſt ainfi, ou s'il n'eſt pas
ainſi.Tiercement,ſemblablemét celuy qui dit:
ie veux mourir de malle mort , ou ce morceau
ſoit le dernier que ie mangeray. iamais, s'il eſt
ainfi. Quartement en outre celuy tente Dieu,
T 3
A
194 I. D I M E N C H E -

qui en meſpriſant les aides humaines & cốue


nables, il cerche les ſubſides & fecours fuper
| naturels,s'abandőnant &mettant à l'auanture,
aux perils fans raiſon & fans la contrainte, par
arole de Dieu. Ce qui eſt vn peché trefgrand
& grief.L'eſcriture nous enfeigne quãd les ne
cefiitez nousastaillent que nous deuons bié ef
erer, & nous faire forts de l'ayde diuine:mais
elle deffend de ne nous tenerairement & in
conſtamment precipiter en pour eſtre en
apres deliurez de Dieu.Car les miracles ne doi
uent eſtre faićts, finon que la gloire de Dieu
le commande & la charité du prochain le de
mande.Cinquiefmement celuy tente Dieu qui
ne vouldroit'vfer du labeur pour viure , mais
feulement baailler au ciel, & attendre fans au
cun fien labeur, iuſques à tất que Dieu le paiſ
fe, foy glorifiant & difant qu'ils font feurs &
affeurez que Dicune les abandonnera pas, tel
perfonnage tente Dieu. Sixiefmement celuy
auſſi tente Dieu qui en la faim ne veut vfer de
pain,& en la foifne veutvfer de l'eauë. Ains
veut attendre la viande & le breuuage du ciel.
Septiefmement celuy auffi tente Dieu,qui cő
tre la malice & froidure de l’hyuer ne veutvfer
de la robbe de laquelle iustement il peut faire
prouifion,acquerir & acheter.Outre plus celuy
tente Dieu qui au paſſage d’vne riuiere neveut
vſer du pont ou de la nacelle,mais en les meſ
prifant,s'efforce cheminer ſur les eauës. Telles“
; ; gens qui ainſi tentent Dieu s par iuſte caufe &
bon
D E c A R E s M. E. |- 29ý j
à bon droićt periront. Comme dit le Sage, qui
amatpericulum peribit in illo, celuy qui ayme le
peril, perira en iceluy. Derechef le diable le }
tranſporta fur vne montaigne fort haute,
pour luy liurer le troiſiefine affaut:Et ostendit ei
omnia regna mundi, & gloriam eorum, & dicit ei,
hec omnia dabo tibi,ßcadensadoraueris me.Et luy
monſtra tous les Royaumes du monde, & la
gloire d'iceux, & luy dit : Ie te donneray tou
tes ces choſes, ſi en toy proſternant comme
mon inferieur, tu m'adores comme ton ſupe
rieur.Sur quoy dit Chryſoſtome,le diable pro
met les royaumes du monde à celuy qui a
preparé les royaumes des cieux aux croyans.
Le diable promet la gloire de ce preſent fie
cle à celuy qui eſt le Seigneur de la gloire ce
leste. Le diable qui n'a rien, promet donner
toutes choſes à celuy qui poſlede tout. Da
uantage le diable veut estre adoré en terre de
celuy que les vertus angeliques adorent aux
cieux, & en la preſence duquel ils tremblent:
Affauoir d'vne crainte reuerentiale, & pource
que le diable eſt eſprit, & par conſequent de -

nature tres-ſubtile, il n’y a lieu fus la terre ha- že diaélete»


bitable, auquel le diable ne tente l'homme. “
Ce qui appert en ce qu’il a tenté Ieſus Christ ""
au defert. Pource facilement il peut penetrer
les cauernes, les deferts & foſſes terre, les
lieux facrez & non facrez , murez & non mu
rez, ouuerts & fermez. Secondement, il n'y a
temps, auquelle diable neef Car il nous
4 .*
296 I. D I M E N C H E

tente en hyuer & eſté, en proſperité & aduer


fité, quand nous veillons ou dormons, quand
nous mangeons ou beuuons, & en tous au
tres temps toufiours il procure nous faire -

treſbucher en peché contre l'honneur de


Dieu, & la charité de noſtre prochain. Tier
Tous les
cement, il n'y a eſtat tant , qu'il
estats.
ne tente ou trouble. Il eſt affez notoire que
iamais eſtat n’a eſté, ne fera en ceſte mortelle
vie, fi parfaićt que l'eſtat & college des Apo
ftres. Et toutesfois le diable l'a troublé, tant
en general qu'en particulier:en general, quand
Zachar. 13.
| Matth. 2 o.
le paſteur a eſté frappé , les brebis ont eſté
difperfees & efgarees: Aflauoir les Apoſtres,
comme il est dict: Au temps de la paffion les
|
Apoſtres s'en font fuys, & ontabandonné leur
|
Ioan, 13.
maiſtre: en particulier, aflauoir quant à Iudas
| | |
}
fathan a mis en fon coeur, à fin de liurer fon
i maiſtre entre les mains de fes ennemis. Et
|
pource il n’y a eſtat ny dignité que le diable ne
tente: il ne redoute point la mittre du prelat,
ne la croſſe paſtoralle , ne la tonfure clericale,
ne le blanc furplis, ou robbe longue du pre
ftre, ne l'habit monachal: il ne craint point le
diademe royal, ou le veſtement de drap d’or,
ou d'argent, de pourpre, de velours , ou de
foye, tant precieux foit-il. Il ne redoute point
la fapience mondaine, ny l'eloquence humai
ne,nela force du corps, ne la beauté du viſage,
ne l'aage,ne la vieilleſſe,ne la condition du fe
xe,foit pauure ou riche, noble ou innoble, pe
-

- -
tlt
D E C A R E S M E. 297
titou grấd,ignorant ou fçauất, honoré ou mef-
priſé: bref, il ne crainét perſonne de quelque
estat, dignité, office, ou condition qu'il foit,
qu'il ne le tente. Quartemết,il tente auſſi ceux
quiveulent faire penitence : car Dieu permet Les penitens.
que les plus forts,& vaillãts cheualiers endurét
glus grand aflaut, pour auoir plus grãde vićtoi
re,&cőſequemment plus grãde gloire.On voit
les Roys affaillir les forts chaſteaux , & non
point les petites villes ou villages, qu'ils peu
uent auoir facillement. Auffi le fort deſdaigne
batailler contre le foible, les Princes ne don
nent pas les aflauts contre les villes qu'ils tien
nent en leurs mains, mais contre les rebelles.
Ainſi bataillent les diablespar plus forte tenta
tion contre lesbons, & qui contredifent à leur
obeyr. En figure dequoy il eſt eſcrit en Ge
neſe: Que le Roy des Elamites leua vne groſ Genef. 14.
fearmee contre les Roys de Sodome & Go
morre, à raiſon que douze ansils auoyent eſté
leurs tributaires,&à l'an trezieſme ils s'eſtoyết
reuoltez de leur feruice, en defniant le tribut
accouſtumé. Ainſi eſt-il du pecheur qui rendoit
tribut au diable,quãd il eſtoit en l'eſtat de pe
ché, & payoit quatre deniers en recognoistan
ce d’hommage. C'eſt à fçauoir mauuaife pen
fee, mauuaife volonté, mauuaife parolle, &
mauuaife oeuure. Et quãd il a faićt penitếce,le
diable leue fon armee. Aflauoir grand nombre
de fes genfdarmes & miniſtres, infidiateurs de
nosames,qui noustentent en mille manieres,à
T 5
4 293 1. d 1 M E N c H É : - -

fin de recouurer ce qu'ils ont perdu, & qu'on


leur paye le tribut accouſtumé. Parquoy ce
n’eſt pas toufiours bon figne ne ſentir point
de tentation,& n'eſt pas mauuais ſigne fetrou
uer fort tenté. Noſtre Sauueur Ieſus Chriſt,
comme nous recite l'Euangile d'auiourd’huy,
apres auoir esté baptifé, eſt entré au defert, où
le diable l’a tenté. Où nous deuons bien dili
gemment noter, que puis que l'ennemy nous
bapteſme ou facrement de peni
tente apres le
tence, nous deuons coniećturer qu'il y a quel
que grand threfor en nous, que le larroninfer
nal veut defrober. -

Et pource,monamy,& frere Chreſtien,nete


trouble point,quãd tu te fentiras tenté apres la
penitence.Car tuas prins de Dieu & de fon E
gliſe lesarmures ſpirituelles,qui font les fainćts
facremés. Leſquels cốtiennent en eux la grace
de Ieſus Chriſt, & de fon fainét Eſprit, par la
vertu de laquelle puiſſamment tu batailleras,&
emporteras lavićtoire. Et finablement obtien
dras la coronne de gloire. Cinquiefmement il
Il tente eeux tente ceux qui font au trauail & angoiſſe de la
#angoiffe
| *. de mort. Voicy vn admirable ſpectacle de tous
* - -

" admirable,& terrible de tous les terribles: Af


fauoir quand la ſeparation de l'ame eſt faićte
speaaele ºf du corps. Mais quel ſpectacle voir l'homme
**********' malade au lict, qui est preſſé par l'angoiffe &
deſtreffe de la mort, quel tréblement, quelle hi
deur, quelle alteration, quelle mutation en tous
les lieux de nature, les yeux font cauez,la face
paſle,
- - de c A R E s M. E. 299
pafle,la bouche fade, lalangue noire,les dents
fe preſſent & fe diminue &
deffaut, le poux redouble , les pieds froids,
vne fueur froide s'apparoiſt pour la violence du
mal. Qui eſt vn ſigne & certain indice que na
ture eſt furmontee, & que tous les vaiſſeaux
& ligatures de nature font rompues & froiſ
fees.Finablement s'enfuyuết les furieux affaux
que les monſtres infernaux dreffent à l'encon
tre de celuy qui eſt àl'angoiſſe de la mort. Il n’y
a inuention,cautelle,machinatiő, ou pratique,
laquelle ne foit deſployee pour nous induire
en la preſumption d'auoir bien veſcu,à fin que
nostre eſperance foit affife furtelle fauſſe opi
nion,& non fus la mifericorde de Ieſus Chriſt:
ou en mettant deuant nos yeux vne infinité de
pechez que nous auons commisle temps paſſé,
pour nous induire à vn defeſpoir de noſtre fa
lut. Pource mes amys nous deuős humblemết
fupplier noſtre bon Dieu & pere Sauueur,ſpe
ciallement à celle heure là nous fortifier cốtre
les affaux & alarmes de noſtre aduerſaire , que
finablement nous en puiſſions rapporter la vi
ćtoire:carSinemenihilpotestis facere.Sans la gra- Ioan.is.
ce & bőté de Dieu,nous ne pouuons rien faire.
Tunc dixit ei Iefia, vade Sathana , fcriptum est P*****
enim,dominum Deum tuum adorabis,Crillifolifer
uies. Adonques Ieſus luy dit, va Sathan: car il
est eſcrit:tu adoreras le Seigneur ton Dieu,& à
celuy tu feruiras. Nous auonsveu par cy deuất
que Ieſus Chriſt patiemmenta enduré les ten
4/ | Tat1OI1S,
3oo 1. d1MENcH e
- - - / |- * - A
tations,mais quand il eſt tenté de faire iniure à
Dieu par idolatriè, alors plus durement il re
pouffe Sathan que pour les autres tentations:
nous enfeigner que ne deuons endurer
es choſes perſuadees ou faićtes contre la gloi
xume. re, re de Dieu. Ainſi Moyſe trefdoux & debon
Exed.sz. naire,qui toufiours auoit accouſtumé de prier
Dieu pour les pechez de fon peuple : toutefois
pour raiſon du peché d'idolatrie, il fift mourir
vingtrois mille hommes: Deum tuum adorabis,
Tu adorerasle Seigneur ton Dieu. Ceſte ado
ration ne confiſte pas ſeulement à ployer lesge
noux,à faire la reuerence & autres choſes fem
Ioan. z.
Adorer Dieu, blables.Mais principalemét in ſpiritu&veritate.
En eſprit & verité. Adorer Dieu, eſt croire en
quoy.
Dieu,ſe fier en Dieu,aymer Dieu , le craindre,
& l'inuoquer en fes neceſſitez.Dont ce que tu
feras fans les choſes fuſdićtes,tu es idolatre. Et
illi foli feruies. Et à celuy ſeultu feruiras.Ne fe
ra-il pas licite feruirà l'homme:Pourquoy dốc
eſt-il commandé au fils de feruirà fon pere,au
feruiteur d'obeyrà fon Seigneur,au ſubiećt au
magiſtrat , & generallement à tous il eſt com
mandé qu’vn chacun Chreſtien face feruice à
Seruir à fon prochain. Ceſte queſtion ne fera pas diffi
Dieu, 4ueJ. cile à expliquer & declarer, fi nous voulons
entendre que c’eſt feruir à Dieu feul. Cela
n'eſt autre chofe que obeyrà la ſeule parole de
noſtre Seigneur. Car le feruice de noſtre Sei
gneur eſt obeyrà fa parole:mais il est comman
dé par la parole de Dieu que le fils ferue au
pere,
- D E C A R E S M E. 3d 1
pere,le feruiteur au Seigneur, le fubiećt au ma
giſtrat, & le prochain au prochain. Et pource
le feruice fait à l'homme par la parole de Dieu
n’eſt point proprement feruice de l'homme,
mais tel feruice eſt cultiuement de Dieu.Com
me eſcrit S.Paul : Serui obedite dominis carnali Ephe. r.
bus cum timore & tremore,in fîmplicitate cordis ve
stri ſicut Christo non ad oculum feruientes quast ho
minibusplacentes,fedvtferui Christi, &c. Serui
teurs obeyſlez à vos maiſtres charnels auec
crainćte & tremblemét, en fimplicité de voſtre
coeur comme à Chriſt, non pas feruant à l'oeil,
comme voulant plaire aux hommes: mais cőme
feruiteurs de Chriſt,faiſant de courage la volő
té de Dieu, feruant auec bonne volonté com
me au Seigneur,& non point aux hommes. Pé
fons & diligemment repenfons comme fainćt
Paul fouuent redićt, que la feruitude faićte à
l’homme par la parole de Dieu, eſt pluſtoſt vn
diuin ſeruice que feruitude humaine : Obeiſ
fez comme à Chriſt, Et en apres il dit, comme
feruiteurs de Chriſt. C’eſt autre choſe fi les :
hommes commandoyent pecher contre Dieu:
car alors: Magis oportet Deo obedire, quàm homi- Aar.
nibus.Il vaut mieux obeyr à Dieu que aux hom
mes,mais s'ils ne commãdent pecher, combien ,
qu'ils commandent chofes griefues & diffici
les, alors le feruice lequel eſt faićt à l'homme
felon la parole de Dieu, tel feruice eſt faićt à
Dieu. Tunc reliquit eum diabolus, & accefferunt
angeli,& ministrabant ei. Alors le diable le
- -
h. al :
3O2 I. DI M E N C H E
fa:& voicy les Anges qui vindrent, & luy fai
it" foyent feruice.Lediablefaićt comme vnCapi
:::::::: taine de guerre, qui apres auoir tenu fort long
temps le deuant vne cité ou chafteau,
& qu'il n'est le plus fort, & que ceux qui font
dedans ne ceſſent nuićt & iour fe deffendre à
grand coup d'artillerie, il est contraint foy de
artir & leuer ſon camp en ſa grande confu
Jacobi *. fion.Ainſi eſt-il du diable, cốme dit S.Iacques:
Reſiſtez au diable, & il s'en fuira de vous : le
quel eſtant departy , les Anges qui pour quel
que temps s'eſtoyent departis de nous, comme
donnans lieu au diable pour nous tenter:toute
fois pour noſtre biế& prouffir, à fin qu'en leur
reſiſtãt;plus amplemět nous foyons couronnez
en la gloire celeſte. Et voicy les Anges vein
drết,ớ ministrabant ei, & luy faifoyent feruice.
Mais quoy? Ieſus Christ eft-il foible qu'il aye
beſoing du feruice & de l'aide des Anges ? Re
fponce. Ayons memoire que les fainćts An
ges font venus, non en fon aide , mais en fon
º*"/”: feruice. Prions donques nostre bon Dieu &
pere tout puiſſant, qu'il luy plaiſe eſtre touſ
iours noſtre protećteur, & felon le corps &
felon l'ame tellement occuper nos eſprits &
entendemés, que les aftuces,cautelles,& fineſ
\ • fes de noſtre aduerſaire,ne trouuent aucun lieu
en nous pour y faire feiour: Ains nous forti
fiercốtre les tentations de ce faux dragon Lu
| cifer , & de tous fes miniſtres infidiateurs de
nos ames, nous deliurer de tous les perils qui
| \ TAOUIS
DE c A R E s M. E. 3O3
nous pourroyent aduenir, nous reccuoir en fa
fainćte protection & fauuegarde, non ſeule
ment à ceſte heure,mais tout le temps de noſtre
'vie,&iuſques à tant que nous foyons paruenus
en la pleine conionćtion de Ieſus Chriſt en fon
celeſte Paradis.Lequel nous vueille donner le
Pere,le Fils,& le fainét Eſprit.Amen.
S E C O N D D I M E N C H E
D E C A R E S M E,

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I E v le createur par fa finguliere


bonté veut gratifier à l'homme, en
E == r;
|tant que ſa mifericordele requiert,
- quand l'hőme eſt en quelque neceſ
fité & afflićtion:maispar certains moyés il nous
veut fecourir,fçauoir eſt par oraiſon. Il veut e
ftreprié:non pas cóme s'il Car il
cognoit biế ce qui nous eſt neceſſaire. Scit enim
pater vefter quibus indigetis, Matth.6.Voſtre pe
re celeſte fçait bien ce qui vous faut.Mais ceſte
priere retourne à nostre bien & vtilité, non pas
au proffit de Dieu. Car lors nöus recognoiſſons
noſtre infirmité, & nous humilions, confiderãs
que de nous meſmes ne pouuons rien fans luy.
Et pource il veut que nous le priős,& que nous
luy demádions ce qui nous est neceſſaire, com
bien qu'il le fçache bien. Secondement,il veut
qu’on le prie, à fin que nous recognoiſliós qu'il
est autheur de tout bien,& q luy nous peut
detournier de tout mal,& deliurer de tous dan
- - gers.
3O4 1 1. d 1 M E N c H e |

gers. Et pourautant qu'il veut eſtre prié,il nous


inuite à demander, & faićt promefle de nous
donner ce que luy demanderons,difant:Siquid
petieritispatrem in nomine meo,ipſe dabit vobis. Ie
vous affeure que mő pere vous donnera ce que
luy demáderez en mon nő.Meſmes pour mon
ftrer qu'il eſt liberal, il nous contraint quafi,&
nous cőmande luy demander ce qui nous eſt
neceſſaire,difant: Petite & accipietis. Laquelle
fentence examinát S.Chryſoſtome, homilia de
AMoſe,dit: Regardez que Dieu a grand vouloir
de nous fecourir,quia qui iubet petere, cupit dare.
Celuy qui de bốne volőté dit à vn autre,ie vous
feray volontiers plaifir, demandez ce que vous
voudrez,c'eſt ſigne qu'il a enuie de nous ayder.
Or noſtre Dieu eſt grádement liberal, & pour
| ce il nous commande de luy demander ce qu'il
nous faut,& le prier. Et à la verité l'oraiſon eſt
de grãde vertu & efficace, nő feulement faićte
pour nous:mais auſſi pour autruy. Et pource no
ftre Seigneur a ordőné que nous prierons , non
feulemết pour nous , mais auſſi pour les autres.
C'eſt pourquoyila inſtitué les prieres general
les en l'Egliſe,& les ſacrifices meſmes tãt de la
loy anciéne que de la nouuelle.Car l'office du
prestre est de prier & offrir à Dieu facrifice pour
fes pechez,& en apres pour les pechez du peu
ple, comme dit fainét Paul ad Hebræos s. Omnis
pontifex ex hominibus affumptus, pro hominibus cõ
ftituitur in ijs quæſunt ad Deum, vt offerat dona &
facrificiaprofuis & populipeccatis.Et auſſi les
ICS

|
- D E c A R E s M. E. 3O
ftres offrent le corpus Domini a la Meſſe, & les
prieres pour le peuple : & le peuple reſpond,
Amen. Or les prieres faićtes pour autruy, ont
figrande efficace, que fi quelqu'vn priant pour
foy n'a eſté exaucé, par autruy il le fera: telle
ment que ceux qui font indignes d'impetrer
quelque chofe par eux meſmes, ils l'imperre
ront par autruy. Comme vous auez d'Helie le
prophete, lequel a impetré de la pluye pour le
peuple d'Iſrael, combien que ledićt peuple fust
indigne d'eſtre exaucé de Dieu, & auoir de la
pluye. Dieu veut eſtre prié par autruy, com
me Dieu monſtra bien au Roy Abimelech,qui
auoit offenſé en prenant la femme d'Abraham:
Dieu luy diſt: Tu as beau me prier, ie ne t'e
xauceraypoint. Mais va t'en à Abraham & luy
dis qu'il prie pour toy. S'il le faićtie l'exauce
ray. Car tu es indigne d'eſtre ouy. Semblable
ment nous auons des amis de Iob,leſquels s'e
ftoyent moquez de luy,quand ils demanderent
pardon à Dieu,il leur dit: Ite adferuum meă Iob,
é orabit pro vobis. Quant eſt de vous,ie ne vous
eſcouteray point, car vous en eſtes indignes.
Mais adreſſez vous à mon feruiteur Iob, & ie
l'exauceray. Vous voyez que les prieres des
gens de biếfont vallables pour autruy, meſmes
encores que ceux pour qui on prie n'y penſent
pas: comme nous voyons de fainét Paul, qui a
esté conuerty par les prieres de fainét Eftien
ne , comme dit fainćt Augustin en vn fermon
de beato Stephano:Si Stephanus nõoraffet, Eccleſia
V

* .
C6 I I. D I M E N C H E

Paulum non haberet. Et toutefois tant s’en faut


qu'il y penfast,& qu'il requist fainét Estiếne de
rier pour luy, que au contraire il eſtoit con
à fa mort, & euſt refuſé les prieres de
fainćł Eſtienne, s'il fe fuſt offert de prier pour
luy.Neantmoins fainét Estienne prie pour luy.
Va; ie prieray pour toy , iaçoit que tu aydes à
melapider. Et parce moyen fainét Paul a eſté
conuerty. Et tant eſt vallable l'oraifon des gés
de bien faićte pour autruy,qu'elle force & con
trainćt Dieu (par maniere de parler) de par
donner à vn meſchant, & nous donner ce que
nous demandons. Ie dy cecy auec l'Eſcriture.
Regardez ce qui eſt dićt en Exode 32. apres
-

que le peuple eut faićt vn veau d'or , & ido


latré, Dieu le createur diſt à Moyſe: Dimitte me,
vt ira/Catur furor meus : Laiſſe-moy faire, à fin
que ie depeſche ce peuple mefchant. Et com
ment, Seigneur, qui vous empeſche d’execu
tervostre arreſt? C’eſt Moyſe par fa priere, di
fant: Aut dele me de libro vite, aut parce populo
huic. Et en Hieremie 7.11.& 14.vous auez auf
fi vn tefmoignage que Dieu diſoit à Hieremie,
qui ſe preſentoit deuant luy en toute humilité,
pour faire pardonner au peuple : Tu ergo noli
orarepro populo isto, & ne affumas pro eis laudem
ch- orationem,quia non exaudiam in tempore clamo
ris eorum ad me. Et cap.7. Ne obſistas mihi,quia nã
exaudiam te. Ne me refiste point: car ie ne
t’exauceray point pour eux. V oylà donc quand
Dieu le createur a voulu punir vn peuple, il a
* prié
D E C A R E S M E. ' zo7.
prié les gens de bien de ne l'empeſcher point,
& leur adit: Ne me priez point pour cux: car
iene vous exauceray point. De cecynqus en
auons vn exemple en noſtre Euangile prins dư
quinzieſme chapitre de S. Matthieu, où il eſt
faićt mention que Egreffius Ieſus,feceſit in partes Matth. 13.
Tyri & Sidonis,& eece mulier Chananca,àfinibus *"*7
illis egreffà,clamauit, dicens: Miferere mei domine
fili Dauid,filia mea male à demonio veratur. Et Ie
fus fortit de la, & s’en alla és parties de Tyr &
de Sydon : & voicy vne femme Chananee, la
quelle eſtoit partie de ces cartiers là, crioit
apres luy, difant: OS eigneur fils de Dauid
aye pitié de moy , ma fille eſt miferablement
tourmentee du diable. En ce S. Euangile eft
faićt mention d'vne pure priere par vne fem
me Chananee:laquelle instamment ſupplie Ie
fus Chriſt, lequel differe l'oćtroy de fa reque-
fte,& finablement l'exauce & donne ce qu’elle
demande.Et ecce mulier Chananca. Nostre Sau
ueur a de couſtume en fon Euangile nous pro
poſer exemples qui nous font rougir: comme
du Centenier,de la Chananee,&autres infidel
les qui ne font instruiéts en noſtre religion, &
ne fçauent que c'eſt que deDieu. Et nonobſtát .
nous font nostre leçon , & nous monſtrent le
chemin de patience,perfeuerance, & humilité.
Et voicy vne femme Chananee laquelle eſtoit
artie des fins d'icelle de corps ( car elle eſt
fortie de fa maiſon pour cercher Ieſus Chriſt)
& d'ame:car elle a abandonné l'incredulité des
V 2.
3ο8 I I. D I M E N C H E

Chananéens pour croire en Ieſus Christ. Cla


mabat dicens, miferere mei. Elle crioit en difant,
aye mercy de moy ; ce n'eſt pas de merueilles
Troi, chosts fi elle crioit apres Ieſus Chriſt, Car trois cho
fre" ""“ fes l'efmouuoyent à crier. Premieremét neceſ
a crier,
fité,laquelle fait crier les pauures qui deman
dent l'aumoſne. Ainſi la Chananee crioit pour
ce qu'elle auoit beſoing de la mifericorde de
Ieſus Chriſt, non tant pour la fanté de fa fille,
comme pour fa conſolation. Pourtant elle di
foit:Domine miferere mei.O Seigneur aye mer
ey de moy. Secondement amour faićt crier,
comme il appert de ceux qui pleurent & lar
moyent la mort de leurs parens & amys bien
faićteurs. Et par ceſte elle crioit: car par
affećtion naturelle & maternelle, tendrement
elle aymoit le fruićt de fon ventre: à fçauoir ſa
fille. Tiercement douleur faićt crier , comme
il eſt manifeſté aux malades, leſquels crient à
cauſe du mal & de la douleur qu'ils fouffrent
aux membres de leur corps.Et pour ceſte cau
fe, la mere voyant ſa fille en miferable eſtat &
pitoyable defarroy, elle crioit: Filia mea malè
à demonio vexatur: Ma fille eſt miferablement
tourmentee du diable,laquelle par paroles eui
dentes exprime & declare fa foy, diſant: Do
Joan.
mine; Seigneur du ciel & de la terre, en la vo
“lonté duquel toutes chofes font ſubiectes: Ipſe
r. Reg. 2. vulnerat & medetur percutit & manus eius fana
c. a. bunt: cartu frappe & gueris,tu bleſſe & mede
cine,mortificas & viuificas, tu mortifie, & viui
fie»
** - d e c A R E s M e. 3O9
fie, comme celuy qui a l'empire de la mort, &
de la vie. Item l'appellant Seigneur, elle con
feſſe la puiſſance diuine, par laquelle il peut
toutes choſes. En difant, Fili Dauid, elle con
felfe l'humanité de Ieſus Chriſt, comme difant
parla nature diuine, tu as la puiſſance, & par
la nature humaine, tu as la : car main
tenant tu es noſtre chair, noſtre frere, noſtre
chef, & nous fommes les membres de ton
corps. Mais fi vn membre eſt malade & fe
trouue mal comme ma fille, les autres mem
bres en ont compaſſion : Mais à plus forte rai
fon,le chef,lequel tu es. Miferere mei.Aye mer
cy de moy. Ie n’allegue point mon merite:
car partropie fuis redeuable. Ie ne demande
point iugement: ains le benefice de ta miferi
corde: car ma fille, non pas vn feruiteur ou
chambriere, ou vne eſtrangiere: mais la fille
tres-aymee de mon ventre, miferablement eft
tourmentee: mais fçauez vous de qui c'eſt?
Du diable ennemy de nature humaine:quis'eſt
logé en ma maiſon , & incorporé le
corps de ma fille. Maledićtion aux peres &
meres qui voyent leurs enfans enflez par or
gueil, affligez parauarice,detraćteurs de la bő
ne renommee de leurs prochains, blaſphema
teurs du nom de Dieu, des Sainćts & Sainćtes
de paradis, impatiens, tourmentez par enuie:
greuez & chargez par gourmandife & yuron
gnerie:fouillez affoiblis
þarnonchallance & pareſſe, & ne prient point
- V 3
3IO I I. D I M E N C H E -

pour eux. Car comme dit S. Bafile homilia 13.


exhortatoria ad baptifnum, & pareillement S.
Chryſottome homilia 79. adpopulum Antioche
num, lotiants grandement ceite briefue oraiſon
de la Chananee, & incitans chacun de nous à
vfer de ceſte oraiſon.Toute perſonne estant en
pcché mortel,miferablement eſt tourmenté du
|
diablc,quand il ne fent pas les bleſſures & na
urcures de fes pechez.Et qui pis eſt,quand ilfe
complaiſt en fespechez,& fe glorifie en fa ma
Prouerb.2.
lice: Et exultat in rebus pestimis,& fe refiouyst en
choſes mauuaifes. S'enfuit: Qui non reſpondit ei
verbum. Leqüel ne luy reſpondit pas vn mot.
Ioan. 2.
Chofe admirable , la parole de laquelle il eſt
eſcrit:In principio erat verbă.Au commencemét
estoit la parole,& ceſte parole maintenát ne re
fpond point vne parole. Voicy la femme affli
gee,laquelle adore IefusChriſt,le prie,implore
-

& recife ſa neceſſité, inuoque famifericorde.


Toutefois l'amateur des hommes & desames,
cőbien qu’il foit prié de dóner aide cốtre le dia
ble fon grandennemy,il fetaist.La fontaine de
eau viue retiết fes eaux,diffimulát reſpandre &
eſpancher les eaux de fa diuine mifericorde &
bonté. Le medecin differe de guarir celuy le
quel il prouoque à prier. Maintenant quand il
eſt prić par la Chananee,il la chaffe. Tout cela
nous denote que fi aucunefois nostre Seigneur
differedőnerà noſtre premiere demáde : neãt
moins ne fe faut defeſperer, ne ceſſer de prier,
ains de plus en plus perfeuerer en oraiſon vers
-
*
Dieu,
. D E C A R E S M E. 3II
Dieu, pour nous donner les choſes neceſſai
respour le corps, & les choſes falutaires pour
l'ame. Car c'eſt vne des perfećtions d'oraiſon,
que perfeuerance. Ce que monſtre non feule
mét fainćt Iacques,chapitre cinquieſme, quãd
il dit, que, Afidua iusti deprecatio plurimum va
let apud Deum, mais auſſi noſtre Seigneur, Luc.
18.où il dit: Oportet ſemper orare,e non deficere.
Penfez-vous que ce foit affez de commencerà
prier qui ne perfeuere? Non. Parquoy ne ceffez
de prier Dieu humblement,tant que vous ayez
obtenu ce que demãdez. Ce qu'il confirme
deux ſimilitudes. La premiere d'vne veufue
laquelle par importunité eut d'vn mauuaisiu
ge audiếce. L’autre d'vn amy qui par importu
nité de prieresa contrainćt vn fien amy fe leuer
de nuićt, & luy bailler ce qu’il demandoit.Ain
fi est-il de Dieu, il veut estre importuné par
prieres, & forcé. Et hæc quidem vis Deo gratifi
maest,comme dit Tertullianinapolog.cap.39. Et
accedentes diſcipuli,rogabant eum;dicētes:Domine
dimitte eam : quia clamat post nos. Et fes difci
ples vindrent meus de mifericorde par les cris,
pleurs,plaintes,& prieres de la Chananee,& le
prioyent, en difant: donne luy congé en exau
çant fa priere, confole l'affligee,deliure fa fille
tres-aymee:car vous eſtes, Pater mifericordiarã,
& Deustotius confolationis,le Pere de mifericor
de, & le Dieu de toute confolation, qui eſtes
venu en ce monde pour confoler les pauures
deſolez. Icy nous introduirons contre les nou
V 4
siz 1 1. D I M E N C H E

_ ' ' ueaux dogmatiſtes, la reuerence & inuocatiori


Priere aux des glorieux eſprits : aflauoir des Sainćts &
****** Sainctes de paradis. Leſquels de par delà font
nos interceſieurs & implorateurs de la grace
& miſericorde de Dieu : comme amplement
vous verrez en noſtre liure de la probation
des facremens, fur l'oraiſon aux Sainčts. Et il
reſpondit, & dit: non fum miſia nistad oues que
perierunt domu Iſrael. Ie ne fuis enuoyé finon
aux brebis qui font peries de la maiſon d’If
rael,c'eſt à dire,aux Juifs qui font peris par in
fidelité. En cela il euite le fcaridale des Iuifs
quất à luy,& les rend inexcuſables:car comme
Iºan-ri. il dit:Si non veniffem & locutus eis nonfuffem pec
catum nã haberent. Si ie ne fuffe venu,& n’euffe
point parlé à eux, ils n'auroyết point de peché,
maintenant ils n’ont point d'excuſe de leur pe
geestion ché. Icy ſe pourra fourdre vne question : veu
que Ieſus Chriſt eſt venu pour le falut du gen
re humain, pourquoy, dit il, te ne fuis enuoyé
- finon aux brebis qui font peries de la maiſon
*"?”/“ d'Iſraël.Nous pouuons parler de l'aduenement
de lefus Christ doublemét.Premierement,quất
à la redéption vniuerfelle,Ieſus Chriſt eſt venu
racheter nő ſeulement les Iuifs, mais auſſi tous
les Gếtils pour tous leſquels il a payé le pris de
noſtre redemption. Secondement, nous pou
uons parler de l'aduenement de Ieſus Chriſt
quant à la corporelle viſitation, pour preſcher
& pour faire miracle: & ainfi il n'eſt pas venu
• finon aux brebis dela maiſon d'Iſraël: car feu
lement
d e c A R E s M. E. 313
lemétil deuoit venir en la terre de promiffion.
Et comme dit S. Hieroſme fur S. Matthieu : il
ne dit point qu'il ne foit enuoyé aux Gentils:
mais que principallement & premierement il
a eſté enuoyé aux enfans d’Iſraël. Et pource
bien peu a-il prefché en propre perſonne aux
Gentils,& bien peu fait des miracles. Et pour
tant,quand nostre Seigneur dit, Non fum mifus
nistad oues que perierunt domus Iſrael, il faut ad
iouster ce petit mot,Primò,premierement,com
medit fainét Auguſtin inpfal.71. où il remốſtre
qu'il faut bien regarder comment on traićte
l'Eſcriture faincte, & qu'aucunefois vn petit
mot donne la folution d'vne grande difficulté.
At illa venit, & adorauit eum,dicens:domine adiu
ua me. Mais icelle vint, & l'adora,diſant : Sei- e“/?"erance
* . - - - - - - -la Chana
gneur ayde moy: Sciebat Dominimiſericordiam, ,
& proinde magna fedulitate vtebatur, difant S. tai .
Chryſost.hom.38 in Genefim.Elle ne craint point -
d'importuner celuy qu'elle fçauoir estre mife
ricordieux.lcy eſt exprimee & declaree la con- *

tinuelle diligence & perfeuerãce de ceste fem


me en toute patience. Premierement, en faićt
d'approchement.Car elle est venue, z.En figne
d'adoratiố:car il est dir, Adorauit,elle l'adora.3.
En parolle d'oraiſon. Car il est dit, Seigneur
ayde moy. Pource dit l'Euangeliſte:mais icel
le vint en s'approchant de Dieu,qui
ment de loing en le ſuyuant crioit, elle l'adore
en vraye foy, ferme eſperance, & charité ar
dante, difant : ayde moy Seigneur, car tu es
V 5 -
314 I 1. . D I M E N c H E
puiſſant, & par là elle declare la puiſſance dể
Dieu , l'appellant Seigneur. Et quand elle dit,
ayde moy,elle expoſe fon impuistance. Etice=
luy reſpondit, Non est bonum filmerepanem filio
rum & mittere canibus. Il n’est pas bon:Carcela
eft contre l'ordre de raiſon, contre le droićt de
Gëtils appel-
nature, prendre le pain des enfans & le ietter
allX chiens :
lez, chiens,
pource qu'ils mangeoyent les
pourquoy.
° chairs immundes facrifiees aux idoles, & le
choyent le fang comme les chiens.O meſſieurs
les Prelats & Paſteurs qui abufez des biens ec
clefiaſtiques, qui fontles patrimoines des pau
ures membres de Ieſus Chriſt , efcoutez ie
vous prie à oreilles ouuertes la voix de no
ftre Doćteur celeſte & diuin, qui du ciel iour
nellement vous dit & prefche, Non est bonum
fumerepanem filiorum & mittere canibus. Il n’est
pas bon prendre le pain des enfans & leietter
aux chiens. Et vous defrobez le pain qui ap
partient aux enfans de Dieu, & à membres,
& le iettez aux chiens, aymant mieux nourrir
les chiens que les enfans de Dieu , qui font
les freres de Ieſus Chriſt. Et vous meffieurs les
Nobles & riches, qui auez multitude & grand
nombre de chiens, aufquels vous donnez le
pain à grande abondance , & laiſſez mourir
de faim les pauures membres de Ieſus Chriſt,
qui font vos freres Chreſtiens, vous en mau
direz vne fois l'heure, fi vous ne faićtes peni
tence , & Dieu ne vous faićt mifericorde. Il
n'eſt pas auſſi bon de donnerle pain facramen
- tel,
---- D E c A R E s M. E. 315
tel,lequel appartient aux enfans de Dieu, aux
chiếs,c'eſtà dire aux pecheurs publiques &no
toires heretiques,blaſphemateurs du fainét,di
gne & venerable ſacremết de l'autel. En figure
dequoy il est eſcrit que Achimelech grand fa- Rts *"
crificateur donna le fainćt pain, c'eſt à dire, à
Dieu conſacré à Dauid, & à ſes feruiteurs qui
auoyent faim,& defiroyent à manger du pain,
leur difant s'ils eſtoyentmundes & principale
ment des femmes,comme difant, qu'il n’eſtoit
pointlicite de manger des pains fainéts & deſ
diez à Dieu, finon qu'ils fustent nets, inundes,
&purs. Veu doncques que le pain,fous lequel
eſt contenu le corps de Ieſus Chriſt,est incom
parablement plus parfaićt, digne & excellent
que le pain de propoſition,lequel n'estoit licite
manger finon à ceux qui estoyent purs & mun
des : à plus forte raiſon ne doibt on manger le
fainét reſtaurant de plaine vie, finon en toute
purité,dignité,reuerence & fincerité:Car com- )

medit l'Apoſtre, Qui manducatindignè;iudicium 1.cerir,


fibi manducat, celuy qui le mange indignemét,
le mange à fondamnement. Parquoy il fe faut
diſpoſer deuant que receuoir le fainćt Sacre
ment, comme nous traićtős au liure des Sacre
mens ſur l’article de l’Euchariſtie, en l'exhor
tation de Curez , fueillet cent vingt-troifief.
me. Senfuit comme la Chananee reſpond à
Ieſus Chriſt:Vtique domine : nam & catelli edunt
demicis qua cadunt demenſàdominorum fuorii. Il
est vray fire,comme difant:ta parolle est verita
ble,
1

316 I I. D I M E N C H E

ble,ie ne ſuis pas fille, ie ne fuis pas digne à la


quelle tu doyues donner les grands benefices:
mais ie te prie parta grande mifericorde de ne
me vouloir faire felon mès pechez, cari’ay of
fencé contre le ciel, deuant toy Dieu fauueur
ayde nous pour la gloire de ton nom, deliure
nous du diable, & nous donne pardon de nos
pechez-Carcela eſt propre à ta bonté & miferi
corde,nam & catelli, car les petits chiens man
gent des miettes quicheent de la table de leurs
Seigneurs. C'eſtà dire, les Gentils immundes,
miferables & vils mangent des miettes qui
cheent de la table de leurs feigneurs , afçauoir
des Iuifs, qui abondent du pain de la parolle
de Dieu, de fes benefices, fignes & miracles.
Comme voulant dire ; ie ne demande point
pluſieurs, maisvn feul benefice: à fçauoir,de
liure ma fille de la puiſſance du diable. S. Iean
Chryſoſtome hom.is.in Genefîm,examinant ce
fte reſponſe de laChananee,la louë grandemết
non ſeulement de fa foy & cốſtance, mais auſſi
de ce que audito canis nomine non retrò cedit ob
verbi contumeliam, fed boni confulit,& fatetur fe
catellum vt à canum liberetur brutitate & infilio
rum allegatur ordinem.Confiderős icy la patiếce
de ceſte mere,& fa profonde humi
lité: ellenőme les Iuifs enfans de Dieu,les ho
Trei petitiis norant de grandes louanges, & les appellant
en faj e fe- feigneurs: voyons auſſi trois petitions de ceſte
"e" pie", femme,qu'elle faićt en la foy & felon Dieu.
En la premiere elle demande eſtre deliuree,
- 1 difant:
D E c A R E s M. E. 317
đifant: ô Seigneur fils de Dauid, aye mercy de
II lOV,
Ë. la feconde elle demande eſtre aydee,di
fant : O Seigneurayde moy.
En la troifieſme,elle prie estre fauuee, diſant:
petits chiens mangent les miet
mais auffi les
tes qui cheent de la table de leurs feigneurs,
comme difant, & fi ie fuis indigne de la table,
toutefoisie te prie ne me vouloir du tout en
fermer & mettre hors : ains que ie puiſſe rece
uoir vne miette de ta grace.En ce fainćt Euan
gile grandes choſes nous font preſchees de la Fơ de la
Chananee , leſquelles font neceſlaires à tous chazane.
ceux qui defirent eſtre de Dieu exaucez. Pre
mierement fa foy. Car fi elle n'euſt creu que
Ieſus Chriſt fuſt tout puiſſant pour deliurer
fa fille de la poſſeſſion du diable , elle ne
fust point allee à Ieſus Christ , meſmes que
Ieſus Chriſt l'a loué de la fublimité & excel
lence de fa foy, diſant: O mulier, magna est fi
destua. O femme, ta foy eſt grande. Laquelle
foy nous deuons auoir auecques nous quand
nous adreſſons
comme à lefus Chriſt pour leibile
dit l'Apoſtre, Prier: car H.t.,,
est pla- • • ••

cere Deo. Sans la foy il eft impollil le de plaire


à Dieu. Nous deuons doncques croire que
Dieu par ſa ſapience peut faire toutes choſes,
& qu’il a toute puiſſance tant au ciel qu’en la
terre,en la mer & en tous les abyſmes, & qu'il
fera de tous biens remuneration & de tous
maux punition.
Se
,--
«*»

318 I I. D I M E N C H E
Secondement la Chananee auoit vne ferme
Esterance, eſperance en la bonté de Dieu. Car en vain &
our neant elle euſt prié Dieu & fes Apostres,
} elle n’euſt eſperé eſtre exaucee. Semblable
ment tout pecheur doit auoir ferme confiance
que Dieu luy fera mifericorde,quand illuy de
(harité,
mande pardon.
Tiercement ceſte femme auoit vne fincere
charité & amour à fa fille, de laquelle elle a
uoit fi grande compaſſion qu'elle reputoit &
faiſoit la douleur de fa fille fienne & propre:
parquoy elle diſoit : Seigneur aye mercy de
moy. Laquelle charité vn chacun priant Dieu
doitauoir. Car il ne doit ſuffir à l'hőme de prier
Dieu feulement pour luy , ou procurer fon fa
lut propre, finon qu'auffi il prie Dieu pour fes
prochains & procure leur Cőme dit l'Ef
criture: Mandauit Deus vnicuique de proximo fuo.
Ecclef. 17. Dieu a donné commandementà vn chacun de
fon prochain.Et fainét Iaques:oratepro inuicem
Iacob. f. vt faluemini. Priez l'vn pour l'autre, à fin que
vous foyez fauuez. - -

Quartement il appert que la Chananee


Pati ence. auoit vne grande & profonde patience. Car
quand elle demandoit mifericorde à nostre Sei
*.
gneur Ieſus Chriſt, il ne luy reſpondit pas vn
mot, pour cela elle n’a pas esté troublee. La
quelle patience vn chacun bon Chreſtien doit
auoir en luy , quandil s'addreſſe à noſtre Sei
gneur,pour luy demander quelque chofe, fiin
continent il ne reſpond & exauce, fa priere.
Car
D e c A R E s M e. 319
Car fouuent il differe d'exaucer,à fin que nous.
appreniősà perfeuerer, ou pource qu'à l'auen
ture il n’eſt pas expedient alors pour nous, ce
que nous demandons, ou bien à fin que non fo
lumpetitionem nostram exaudiat,fed etiã beneficia
fuaacceptures fàciat clariores, comme dit fainct
Iean Chry foſtome,hom.38.in Genefim, expoſant
la requeſte de la Chananee. Noſtre Seigneur
eſt le bon & fouuerain medecin, auquel nous
deuons commettre & bailler en garde auec
toute cőfiance,nous & tous nos affairgs, & pa
tiemment endurer, s'il aduient autrement que
nous ne demandons. Quintement, ceſte fem
me auoit vne grande humilité : Car quand le
ſus Chriſt luy difoit : Non est bonum.Il n’est pas
bon de prendre le pain des enfans & le ietter
aux chiens: comme l'appellant chienne, & in
digne du benefice de la fanté qu'elle deman
doit pour fa fille: elle meſme s’humiliant &
aneantistant s'eſt appellee chienne, difant:Vti
que domine. Il eſt ainfi, Sire,toutefois les petits
chiens mangent des miettes qui tombent de la
table de leurs feigneurs. -

Cốme difant, ie ne merite point vn pain en


tier de voſtre grace: maisie feray contente des
petites miettes de voſtre grace , leſquelles les
iuifs ont en meſpris:laquelle receuất humble
ment de Dieu reproche & parolle iniurieuſe
dicte par outrage, elle a obtenu & impetré be
nefices de fanté: laquelle humilité vn chacun
qui prie Dieu pour eſtre exaucé , doit auoir
all CC
32o 1 1. d1 M E N cH E
auec luy. Carcóme dit l'homme felon le coeur
rfahrer. de Dieu Dauid:Deus respexit in orationem humi
lium,& non fþreuit preces eorum. Dieu regarde l'o
raiſon des humbles, & ne meſpriſe point leur
Ecclef.sr. priere. Et fon fils s humi
liantis fe,penetrat celos. Sixiefmemết & finable
ment, la Chananee fe dreſſant à Ieſus Chriſt
pour eſtre exaucee en fa requeſte,elle eſtoit ac
Perfeueräce.' cốpaignee d'vne autre vertu nốmee perfeuerấ
ce. Car c'eſt vn figne de grande perfeuerance,
qu'eſtant repouſſee par tant de fois de noſtre
Seigneur, & comme refuſee de ſon instante
demande pour cela ne laille à perfeuerer auec
vn coeur plus viril que feminin, difant; O Sei
gneur ayde moy. Et combien que noſtre Sei
gneur affez rudement luy reſpondiſt, il n'eſt
pas bon prendre le pain des enfans & leietter
aux chiens:elle a eu patience, quand elle a ouy
que nostre Seigneur l'appelloit chienne, ains
elle s'est appellee petite chienne. Telle perfe
uerance deuons nous auoir, quand nous prions
Dieu, comme noſtre Seigneur nous enfeigne
L tit. I I • par la parabole en Sainćt Luc, de l'homme
frappant à la porte de fon amyà la minuićt, luy
demandant troispains,&c. S'enfuit en l'Euan
gile.Lors Ieſus reſpődit, &łuy dit:O mulierma
ALouảge bref. gna est fidestua fiat tibi ſicut vis. O femme ta foy
as "par"; est grande par confeſſion, verité & probation.
gräde en fub Il te ſoit faićt ainſi que tu veux: ainfi que tu
stance. crois, ainſi que tu eſpere, & te confie. Sainćt
Auguſtin examinant ces parolles de noſtre
Seigneur,
D e c A R E s M. E. - 32 U .

Seigneur.lib.i.defide & operibu,cap.16.obferue


qu'il auoit appellé ceſte femme premierement *

chienne, mais maintenantil l'appelle femme.


D'où viết cela? Quando vidit mutatum afectum,
mutauit nomen. Noſtre Seigneur voyant qu'elle
n'estoit plus idolatre, il luy a changé ſon nom
& admiré fa foy. Dauantage voyons combien
vaut & profite la perfeuerance de l'oraiſon:
voicy vne loüange brefue en parolle , mais s- , **

grande en fentence, fi nous voulons confide- v .


rertrois choſes,à fçauoir celuy qui lolie,la per-
fonne qui est loüee, & la matiere de la loüăge. *
Celuy qui loüe c'est Ieſus Chriſt,qui ne loüe -

aucun finon qu'il foit digne de loüange:Com- . . . . . .


me dit fainct Paul: Non qui ſeipſum commendat, r.cer.« . .
illeprobatus est,/edquem Deus commendat.Carce
luy qui fe loüe n’est approuué, mais celuy que , s
Dieu loüe.Il eſt autrement des hőmes,qui fou- .. »
uét loüent ceux qui plustoſt font dignes de vi
tuperes que de loüanges. Itế laperſonne loüee
c'est vne femme humble,patiente, perfeueran- ;** *
te en oraiſon,foy,eſperance, charité, & patien- -

ce. Dauantage la matiere de la loüange eſt la


foy. Il eſt autrement de la mariere de la loüan
ge mondaine. Car c’eſt toufiours vne choſe
mondaine, comme richestes, honneurs, beau
té, nobleffe, & autres chofes ſemblables. No
ſtre Seigneur dit : Magna est fidestua.Erat enim
(dit Chryſoſtome en ceſte homelie 38. für Ge
nefe)re vera/upra natură magna:quòd cùm vide
ret femel atque iterum & fapius magumpas
| | || | 312 1 I. · D I M E N C H E

|||||| - nonfºgniorferitfaċła nequeretrocefferit fedperfe


|| uerantiafedula prouocauerit Dominum, ita vt voti
| composferet.Femme,ta foy eſt grãde. Il y a donc
vne petite foy & vne grande, & y a certains
degrez de la foy, comme remonſtre fainét Hie
| | roſme, tom. 2. aduerfils Luciferianos, & S.Iean
Damaſcene,libro quarto defide orthod.cap. 11. Et
veritablement elle eſt grande en ſes quatre di
Grandeur de menſions. Premierement elle eſt grande quant
le fy "" /'à ſa hauteur. Car elle eſt mốteeiuſques au ciel,
::::: " quand tu croy que ie ſuis vray Dieu & tout
puiſſant, pour donnerfanté & guerifon à ta fil
le.Secondement elle eſt grande quant à fa lar
zargeur de geur. Car ta foy fera recitee par tout le monde,
| foy. -- ſpeciallement où ſera prefché ceſt Euangile.
Tiercement, elle eſt grande quant à fa pro
i , Trofondité fondité. Car elle eſt tellement enracinee, que
i de foy. parparolles dures, afpres, & rudes elle n'a peu -

| eſtre arrachee ne deracinee de ton coeur.


|
*
- Quartement, ta foy est grande quant à fa
zorgueur de longueur. Cartu croiras iufques à la fin. Et
foy. pour la concluſion de l’Euangile, il eſt dit:Fiat
tibifcut vis. Il te foit faićt ainſi que tu veux.
S. lean Chryſostome en l'homelie prealleguee
l'expoſe ainſi: Quantumvis,quantum animo con
cipis,tantum præbeo.Tua enim tanta perfeuerantia
dignam te declarauit tua petitione. Or eſt-il ainſi
que elle vouloit la fanté de fa fille demoniacle.
Parquoy il eſt tres-bien conuenablement dit,
Et fanata est filia eius in illa hora. Et fa fille fut
guerie en ceſte meſme heure. Et tout inconti
Il C1lt.
D E c A R E s M. E. 323:
nent l'effećt a enfuyuyla parolle. Car la fille,
fut guerie en ceſte meſme heure: Et pourrant,
dit fort bien S.Ambroife lib.4.de ficr. cap.4. &.
lib.de ijs qui myfterijs initiantur cap. 9. que Sermo,
Christiest operatorius.Reste maintenāt à l'exếple oraiſon.
de la Chananee priernoſtre Dieu auec vne -

plicité de coeur, plenitude de foy auecques ef


perance en la multitude de la mifericorde diui
ne,enhumilité,patiéce,charité,&efperãce,per
feuerer en oraiſon , & dire auec la Chananee,
Miferere mei domine fili Dauid. O Seigneur fils
de Dauid,aye mercy de moy. Et tout ainſi qu'il
a deliuréfa fille de la poſſeſſion du diable, qu'il
luy plaiſe nous deliurer & nous fortifiercontre
les tentations de ce faux dragon Lucifer, & de
tous fes miniſtres infidiateurs de nos ames,nous
confirmer en bonne patience,nous deliurer de
tous perils tát du corps que de l'ame,à fin qu'a
pres les ennuis de ceſte mortelle vie nous puiſ
fions paruenir à la conſecution de la vie erer
nelle, pour en icelle eternellement glorifier
Dieu le Pere , Dieu le Fils , & le S. Èfrit » all
Royaume de Paradis:Ainſi ſoit-il. -

T R OISIE SME D IM EN C H E
.. . D E C A R E S M E.

Es Peres de l'Egliſe qui ont eſcrit có


tre la doćtrine des Payens , pour leur
2 < móſtrer q leur religió estoit fauste, &
que leursDieux n'eſtoyết pasvrays Dieux,entre
autres argumés ils les ont cőbatus cestuy-cy \
2.
224 I I I• DI M E N C H E

que le naturel de Dieu est de bien faire, & fi


gnamment de bien faire aux hommes. Or les
- dieux qu'adoroyent les Gentils eſtoyent cruels
- & contraires aux hommes. Parquoy il s'enfuit
qu'ils ne font pas les vrais Dieux. Ainſi ont ar
umenté Clemens Alexandrinus & Arnobius ad
iuerſus gentes,& Eufeb.lib.4.depreparat. euangel.
cap. 7. & 4. Et prouuent ainſi leur dire , parce
* , ,
qu'il falloit immoler à ces Dieux là des hom
mes, comme il eſt facile à prouuer non feule
ment par les hiſtoires des Payens , mais auſſi
|
par l'eſcriture fainéte. Car il eſt dit d’eux au
,, ! Pſal.Io5.Immolaueruntfilios fuos & filias fuas de
. \\
monijs : Ils ont facrifié leurs enfans aux diables
4
qui parloyent par les idoles. Il y a encores vn
autre argumết,qui monſtre euidemment qu'ils
|
' ! !
|
n’eſtoyent vrais Dieux: parce qu'ils ne fecou
royent pas les hommes en neceſſité. Ce qui fe
faiſoit neceſſairement pour l'vne de ces deux
|
| |
| cauſes: ou par faute de puiſſance, ou bien par
*'
mauuais vouloir. S'ils ne fecouroyent pas les
| |" ; !
hommes en neceſſité par faute de puiſſance, il
s'enfuit bien qu'ils n'eſtoyent pasvraysDieux,
Car Dieu eſt tout puiſſant. Si c'eſtoit par mau
'
| | | | | |
i .
|
| uais vouloir & haine qu'ils portoyét aux hom
i

; mes, il s'enfuit donc qu'il y auoit de la malice


en eux. Ce qui ne peut conuenir à Dieu , qui
|| | | eſt la bonté meſme. Parquoy il eſt manifeſte

| i
| ||
| 7
||

i
,!

|
que ce n'estoyent que faux Dieux qui fedui
foyent les hommes parvne fauffe religion. Et
pourtant dit fort bien Laćtance libro quarto in
4. -

| | |
| .ii fitu
*
D E c A R E s M. E. 325
ftitutio. diuin, cap. 27. Neceffèest veram effe hanc
religionem,que damonum astutiam intelligit, vim4
retundit , & eos ſpiritalibus armis domitos ac fuba
čtos,cedereſibi cogit. Et fi les Dieux des Payens
n'ont puiſſance de chaffer les diables hors des
corps des hommes,ils ne font pas vrays Dieux,
dit Laćtance. Et pource nous auons argumết &
marque manifeſte, que noſtre Egliſe & religió
est la vraye Eglife, & la vraye religion. Caren
icelle les diables font chaſſez par force: & non
pas en l'Egliſe des heretiques,ny en la religion
des Payens.Ce qu'il faut bien remarquer apres
Laćtance,& S. Auguſtin contre Petilian, où il
fait confeffer aux Donatiſtes que ceſte puiſ
fance de chaffer les diables par force n’estoit
feulement qu'en l'Egliſe Catholique. Et qui
cốque a voulu hors de l'Egliſe Catholique en
treprendre ceſte puiſſance, a perdu fa peine &
s'en est mal trouué.Ie m’é rapporte aux enfans
d'vn grấd Preſtre de la Synagogue,deſquels il
est fait mentiố aux Aćtes des Apoſtres chap.19.
qui furent bien frottez & furết contrainćts de
s'enfuir. Ie m'en rapporte auſſi à Luther, qui
voulut ſe meſler de chaffer vn malin eſprit,l'an
1545.L'histoire eſt recitee par FridericuStaphilus
in Prodromopa.404.qui pour lors estoit diſciple
de Luther,& afferme qu’il estoit preſent, quãd
cela fut faićt,& qu'il eut fa part de la paours&
dit ces mots. Anno 154 s. puella quadă demonia
ca è Mifîne ditione addutta est Vvitembergam ad
Lutherum ceutertium Heliä,ea fpe quod Luthern
3
326 i i, o 1 M e s c t e A-F

puellamilă à malo demone effet liberaturus. Quã


uis autem Lutherus ad hoc admirandum & magni
momenti opus initio non parum difficilem ſe osten
deret:attandem tameniußit puellam duci in/acra
rium Parothianæ ecclefie Vvitembergenfis,illiá, co
ramalijspleri/juedottoribus & eruditis viris ( in
ter quos ego tum quoque iuuents magisteraderam)
demonẽcapitadiurare & exorcizare, fedtd tamen
morestio, non eo qui apud Catholicos receptus est
& vſitatus. Cum autem dia multámque ille coniu
raffet demonē,cedereille nolitit,fed cas in angufficie,
fitzenia verbo, Luthericaligas redegit, vt is quäpri
mum è ſacrariofeproripere vellet. At quid accidit?
Malignus illedemü v/hueadeofresfàcrari obstru
xerat,zt nequefrinfecus neque intrinſecus aperiri
poffent. Quare Lutherum in maioresetiã angustias
adduxit;ita vt iam adfenestrā properaret ſperans
pereăfºpoffè effugere & exilire. Verum obstabant
ili cancelli ferrei : ficá, compulsta est vnà nobi
fram tantilherinclustu hærere infàcrario, donecper
cancellos ab edituo valida nobis effat oblata fecuris,
mihiq, ceuiuueni virotradita, vt ea fores effringe
rem:quod equidem tum conatus fàm cớ ad effectum
perduxi. Interea verò visteadmirādă erat vt Luthe
rusangoribus correptus furfum deorſum curſitaret;
atque inštar ouis parturientis huc illuc4/fe inuer
teret.Parce qu'on auoit Luther en telle reputa
tion que fi c'euft eſté vn tiers Helie, on luy a
mena à Vvitemberg vne fille poſſedee du dia
bleyà fin de le chaster, & deliurer ceſte pauure
fille. Ce qu’au commencement il refuſa faire,
3 . . crai
----- D e c A R E s M. E. 327
cfaignant, peut eſtre, ce qui luy aduintapres,
ou pour le moins fçachant bien qu'il n’eſtoir
fi fainćt qu'on le reputoit. Toutefois à la fin,
de hontė, par importunité ou autrement , il
s'accorda de l'adiurer. Et pour ce faire, entra
au reueſtiaire ou facraire d'vne Egliſe paro
chialle de ladićte ville,& là il fut aſſiſté de plu
fieurs gens doćtes, & de moy, qui eſtoy nou
ueau maiſtre dit Staphile. Or Luther commen
ce à coniurer ce diable à famode,& non pas en
la maniere accouſtumee en l'Egliſe Catholi
que. Mais ce diable qui ſe moquoit de luy, a
pres auoir eſté long temps coniuré, print Lu
ther aux chauflesfi viuement qu'il penſoit e
ftre mort:& qui plus eſt, ne fut aucunement en
fa puiſſance de dudićt lieu, & efchapper.
Car ce malingeſpritauoit fi bien barré la por
té,qu'il ne fut en la puiſſance d'homme de l'ou
urir ny par dehors , ny par dedans. Luther
penſa fortir la feneſtre, mais les barreaux
de fer empeſchoyent: tellement qu'il fut en
fermé là auec nous malgré luy, iufques à tant
que on me bailla par les barreaux vne con
gnee, de laquelleie rompy la porte, & fis ou
uerture. Cependant Dieu ſçait comme ce pau
ure Luther eſtoit tourmenté : il n’eut garde
depuis ce temps là d'entreprendre à chaffer
vn diable. Et partant ne fe faut pas eſmer
ueiller fi o vniour inui
té & prié d'aller coniurer vn diable, s'en ex
cufa fort bien , & onc n'y voulut entendre,
* X 4
328 1 1 1. r 1 M E N c H E -

comme il confeſſe luy-meſme au premier lí


ure de fes Epiſtres. Car il fçauoit bien com
me il en eſtoit prins à Luther , & que ceſte
puiſſance de challer les diables eſt concedee
feulement à l'Egliſe Catholique : Ce que les
Donatiſtes meſmes ont recogneu & confesté»
comme recite fainét Auguſtin au lieu preal
legué. Or y a-il pluſieurs moyens par lef
quels les Catholiques ont chaffé les diables
par force , au temps de la primitiue Eglife.
Premierement, par le figne de la Croix. Et de
ce font foy fainćt Athanafe liure deuxieſme,
de incarnatione Christi.Sainét Gregoire Nazian
zene en la premiere Oraiſon contre Iulian
l'Apoſtat, & Lactance au liure quatrieſme de
fes Institutions Diuines, chapitre vingtſeptief.
me, fainét Iean Chryſoſtome homelie vingt
vnieſme ad populum Antiochenum, & homil.33.
in Matthæum, & homil.de cruce & latrone. Epi
phanius contra Ebioneos , Sainét Gregoire de
Nyffe ; en la vie de Gregorius Mirificus, fainćt
Hieroſme in vita Pauli & Hilarionis, Nicepho
rus libro tertio, capite decimo. Secondement,en
prononçant le nom de Ieſus, comme il ap
pert non ſeulement par le teſmoignage de
Origene , au liure premier contre Celſus, ſur
la fin., & d’Arnobe au liure premier aduer
fia gentes: mais auſſi de noſtre Sauueur meſ
mes, quidifoit en fainét Marc dernier chapi
tre : In nomine meo demonia eijcient. Terra quo
que ſepulchri diui Thoma filium Mefdei appen
- ~ fa
D e c A R e s M. E. 329
faipſius collo liberatã à demone fuiffe testatur Ab
dias librononohistor apostolice,in eos qui S.reliquia- .
rum venerationem à demone repertam aiunt.Tier
cement, par le corps de Ieſus Christ & cele
bration de la Meſle, comme teſmoigne fainét
Auguſtin cap. 8. libri vigefimifecundi de Ciuitate
Dei,& fon diſciple Profper,lib.3.depromiff'diui
nis, cap.6. & comme l'experience l'a monftré à
Laon,depuis quatre ou cinq ans. Quartement,
par le ieufne & l'oraiſon, comme il appert par
ce que difoit nostre Sauueur en fainċt Mat
thieu dixſeptiefmechapitre:Hoc genus demonio
rum non eijciturnistieiunio 6 oratione. Il y a cer
tains diables qu'on ne peut chaffer finon par
ieufne & oraifon : lequel teſmoignage eſt fi
clair, qu'il n’eſt beſoin d'alleguer fainét Atha
nafe. Cinquiefmemét,par le bapteſme,comme
dit S.Cyprian, epist.7.lib.4. Sixiefmement,par
l'eau beneiſte, comme nous affeure l'hiſtoire
Tripartite,lib.ọ.cap.34.& Theodoret, lib.s.hist.
Eccleſiast.cap.23 & Ioãnes Diaconus invita beati
Gregorij. Et par le pain beneist, vt de beato Petro
legimus apud Abdiam lib.2.histor.apoštolice. Fi
nablement par exorciſmes, comme teſmoigne
fainét Augustin au dixieſmeliure de la Cité de
Dieu , chapitre vingtdeuxieſme ; & fainét Cy
rille Hieroſolymitain, en la preface de fes ca
techefes, & fainét Chryſoſtome ſur la fin de
l'homelie qu'il a intitulee de Adam & Eue, &
Optatus au quatrieſme liure contre les Dona
tiſtes,& Laćtãce au quan ſa:liure de fes In
- 5
335 1 1 r. d 1 M E N c H E
| ftitutions,chapitre vingtſeptiefme.Ortant s'en |
faut que les heretiques de noſtre temps, qui fe
vấtent d'auoir la vraye Eglife,ayent la puiſſan
ce de chaffer les diables (qui eſt l'vne des plus
certaines marques de l'Egliſe) qu’ils ſe mo
| quent, & ne veulent vſer des moyens fufdićts
challer le diable, reiettans l'eau beneiſte,
e ieufne, le ſigne de la croix, nians la preſen
ce realle du corps de nostre Seigneur au fainét
facrement de l’Autel, fe moquans de la Meffe,
& des exorciſmes, leſquels ils appellent char
mes,& ne voulans aucunement vferd'iceux au
bapteſme, de peur parauenture de chaffer leur
maiſtrc & fathan:& ne voulans pro
noncer le nom de leſus, ny luy attribuer au
cune vertu , non plus que au facrement de ba
| pteſme, Or ne fe faut-ilpoint efmerueiller de
tout cela : mais pluſtoſt colliger de là, cuius fhi
ritus funt heretici, de quel elprit font pouffez
& conduicts les Huguenots,& de quelle Egli
feils font, & de qui ils font feruiteurs: carno
ftre Seigneur qui eſt venu en ce monde, vt dif:
folueret opera diaboli (comme dit fainét Iean en
fa premiere Canonique, chapitre premier ) &
pour chafter hors le du monde, & deli
urer les hommes de fa tyrannie, non fęulement
a guary les poſſedez du diable ( comme il eſt
cốtenu en l'Euangile du iourd’huy)pour mon
ftrer qu'il estoit le vray Dieu: mais auffi a laiſſé
à fon Eglife la puiſſance de chaffer les diables,
pour monstrer que c'eſt lavraye Egliſe , & a:
De c A R r s M. E. 337
fes enfans font les feruiteurs du vray Dieu. Ór
venons au texte de noſtre Euangile où il est
dit : Erat Ieſus eijciens damoniū, & illud erat mu
tum , &c. Et Ieſus iertoit vn diable hors qui
eſtoit muet.Et quand il eut ietté le diable, le
muet parla, & le peuple s'eſmerueilla. Noſtre
Seigneur icy demonſtre fa puiſſance inuinci
ble en deliurant vn homme poſſedé du diable.
En apresil manifeſte fa fapience infallible,en
ceux qui blaſphemoyent fa bonté
infinie.Finablement eſt declareevne veritable
confeſſion de falut par vne femme à la loüan
ge de la treſſacree vierge & merede noſtreSei
gneur. Sainćt Luc nous recite que ce domo-
niacle eſtoit muet. Sainćt Matthieu dit qu’il -

eſtoit aueugle. Sainćt Marc adiouſte qu'il


estoit fourd. Pource Ieſus Chriſt a faićt qua
tre grands miracles en vn mefine homme: car
l'aueugle voit,le fourdoyt, le muet parle, & le
poſſedé eſt deliuré du diable. Et cùm eieciffet de
monium,locutus est mutus.Et quand il eut iettéle
diable,le muet parla. Ce demoniacle nous re
eſente vn chacun pecheur,vers lequelle dia
opere ſpirituellement tout ce qu'a eſté en
ce demoniacle corporellement: car comme il a
eſté ja dit, ce demoniacle eſtoit muet, aueu
gle, fourd, & poſſedé du diable. Ainſi le pe
cheur fouffre ces quatre chofes fpirituellemét.
Premierement le pecheur est faićt muet à la
louange de Dieu,defquels pecheurs l’on peut
dire auecques Dauid : Os habent & nonloquen- P/at. rr«.
f2f7"
33 I 1 1 1. d 1 M E N c H e -

tur. Les pecheurs ont bouche , & ne difent


point loüange à Dieu.Item lepecheur eſt muer
quant à ſoy-meſmes.car il n'ofe point confeſ
fer fes pechez, pource que le diable l’empeſ
che de ce faire. Ët comme le loup afſaillant la
brebis, ou le pourceau, il faifiſt premierement
suatu.ſongolier,&festrangle-àfin
imilitude • - qu'il ne crie ainfi
a, le diable eſtraint le gofier du pecheur, & luy
trigans. fermela bouche , à fin qu'il ne face confeſſion
des fespechez.Et tout ainſi que les brigans des
boys premierement eſtranglent le marchand,
à qu'il ne crie , & apres ils le deſpouillent:
ainfi le diable premierement fe faifit du go
fier de l'homme à fin qu'il ne crie, & ne parle
à la loüange de Dieu : & apresille deſpouil
le des bonnes æuures. Mais tout ainſi que le
Similitude
bon Patriarche Noé au temps du deluge ouurit
du rorheau. la fenestre de l'arche, en enuoyant dehors le
noir corbeau , lequelne retourna point : ainſi
l'homme pecheur doit ouurir la feneſtre de
fon coeur par pure & vraye confeſſion de fes
pechez, & enuoyer dehors ce noir peché, du
quel dit le Prophete: Ta face eſt noire comme
- charbons. En outre le pecheur est faićt aueu
|* , : car le diable faićt vers l'homme pecheur
pirituellement ce que le corbeau a accouftu
mé faire à vn homme pendu en vn gibet cor
porellement: car le corbeau premierement luy
ofte & arrache les deux yeux, à fin qu'il ne le
voye, & que de luy il ne fe deffende. Ainfi le
diable ofte les deux yeux interieurs au pauure
A
pe |
D E C A R E S M. E.« 332
pecheur.Premierement l'oeil dextre, à fin qu'il
ne fe donne garde quels biens il a perdu en pe
chant ainfi miferablement : c’eſt à fçauoir le
Royaume eternel, fon Dieu,fon honneur, fon
temps,fes peines & labeurs,& foy-meſmes. O
la grande perte ! perdre fi grands biens & fi
grãds threfors inappretiables. Si les riches mő
dains tant lamentent pour perte & dommage
du bien temporel qui n’eſt rien: cőbien faut-il
larmoyer & gemir pour fi grands biens & infi
nis threfors perdus par noſtre negligéce & pe
ché-Secondementiloſte & arrache l'oeil fene- z., „u,
ſtre de la conſcience,à fin qu'il ne cốfidere les tie, que te
maux qu'il a encouru par ſon peché:c'eſtà fça-rechter per4
uoireternelle
tage paternel,damnation,destitution de l’heri-
& gloire celeste. O homme pe-
?”/“?“
Zvº

cheur comment pourras-tu endurer ardre &


bruſler au feu infernal & inextinguible à ia
mais? Ie te confeille l'estaindre par les larmes
de contrition,Confidere ceux que tu asoffencé,
& contre qui as commis ton peché: c'eſtà fça
uoir contre vne bonté infinie qui est Dieu,qui
t'à fait tất de biếs & de graces. O ingrat & mal
confeillé ! tu as refiouy le diable ton ennemy,
tu as contriſté les fainćts & bons Anges tes
loyaux amys,enfuyuant la trace vicieuſe,&de- -
laiſſant la vertueuſe,acquieſçant pluſtoſtà ma
ligne fuggeſtion que aux du conſeil
ler ſpiriruel. Faits maintenant (ie te confeille)
refiouyr les fainćts & bons Anges par ta con
uerſion. Est enimgaudium angeli fupervno pecca- zuers.
- tore
,/
334 I I I• D I MI E N C H E

torepænitếtiam agente, Luc. 18.Retiretoy du fer


uice du diable, & te viens renger au feruice de
Dieu, mets toy en fon Royaume, fers luy &
l'honore & prife comme ton Roy; Iceluy parta
bonne vie foit glorifié & honoré, comme tu
l’as par ta vie fcandaleufe. Voilà
comme le pecheur est fait aueugle.
Tiercement le pecheur est faićt fourd,prin
cipallement aux choſes diuines & falutaires,
leſquelles il meſpriſe, & ne les veut ouyr:com
Ime falutaires, exhortations ſpiri
tuelles,& fainćts confeils. Il n'entend point le
Fils qui frappe à la porte du coeur, ny le Pere
qui appelle, ny le fainét Eſprit qui au coeur
parle: Il n'oyt point le prefcheur qui corrige,
ny les eſcritures qui menaffent les peines in
fernalles , ny Dieu qui promet les ioyes du
Royaume celeſte. En quoy il eſt ſemblable au
[Pfal. 37. ferpent nommé aſpic, fourd, qui boufchefes
oreilles, comme dit Dauid, à fin qu'il n’oye la
Nature e voix de l'enchanteur.- Sur quoy faut noter que
astuce du fer la nature & rufe de l'aſpic eſt telle, à fçauoir
pent a/pic.
que incontinent qu’elle voit l'homme qui le
veut enchanter,à fin qu'il n'oye fa voix,il atta
che vne oreille à la terre, & l'autre il eſtouppe
& bouſche auec fa queuë. Ainſi eft-il despe
cheurs, defquels à bonne cauſe peut eſtre en
Abidem.
tendu ce que difoit Dauid du ferpent aſpic. Fu
ror illis fecundum ſimilitudinem ferpentis. La fu
reur eſt à eux felon la fimilitude du ferpent,
comme diſant , fi aucun preſcheur de verite
faićt
- D E c A R E s M. E. 335
faićt fon deuoir de reprendre les infolences &
pechez, & diſſolutions de pluſieurs, & meſ
mement des grands, comme des Prelats eccle
fiaſtiques, des grands Seigneurs temporels, ou
desofficiers publics,& des riches & puiſſans de
ce fiecle , incontinent ils commencent à fe
forcener & enrager, à la façon & maniere du
ferpent , & à eſpancher leur venin contre le Marc.o.
preſcheur : comme nous lifons en fainét Marc,
d'Herode, qui en grande furie,à la maniere du
ferpent, eſpancha fon venin contre fainét Iean
Baptiſte , il feit decoller, pource qu'il
l'auoit redargué de l'inceste charnel , lequel
mortellement il commettoit auecques Hero
diade femme de fon frere Philippe. Ainſi &
encore auiburd’huy,fi les prefcheurs touchent
au cæur, & reprennent les vices des Prelats &
Paſteurs,incontinent ils oyent vn meſlager qui
leurdit,citetis perſonaliter. Et s'ils reprénent les
officiers royaux, ils font bannis au fon de la
trompette, ou postible de nuićt enuoyez dans
vn fac, pour aller peſcher en la profondité des
eaux. Telles manieres de gens, ficat aſpis fur
da obturāt aures ad vocem incantantium, à la ma
niere du ferpentaſpic,ferment les oreilles,à fin
qu'ils n’oyent la voix des encháteurs.C'eſtà di
re,despreſcheurs. Ils bouchent l'vne à la terre,
c'eſtà fçauoir, par trop grande folicitude des
biensterrestres.Car combien qu’ilsafhstent au
cunefois à la predication:toutefois & à grande
difficulté prennent-ils garde aux chofes pref
, - chces,
282 I I I. D I M E N C H E

chees , pource qu'ils ont leur coeur addonné


aux biens temporels. Et l'autre ils bouchent
auecques la queuë, c'eſtà dire par eſperance de
longuement viure,diſans en eux-meſmes, que
le temps n'eſt pas encores venu de ieufner &
macerer ſa chair , ou de donner l'aumofne, ou
de ſoy cőfeller, ou faire ſon teſtament, ou auſſi
de iuſtemét rendre le bien d'autruy, lequel in
iuſtement ils detiennent. Et autres choſes fem
blables. Parquoy biếà propos nostre Seigneur
par fon Prophete parlant de l'aueugle & du
Efa. 42.
fourd: Quis cæcus niſiferuus meus:&/urdus,nistad
quem nuncios meos mist ? Qui eſt aueugle finon
mon feruiteur: & qui eſt fourd finon celuy au
quel i’ay enuoyé mes feruiteurs? '
Finablement le pecheur eſt demoniacle.
Car le diable le poſlede interieurement, & en
l'ame comme fon propre feruiteur. Et le faićt
ruer & tomber du haut en bas : c'eſt à dire, de
vertu en vice: de peché en peché, & de mal en
2. Petri 2. pis. Car comme dit fainét Pierre: A quo quis
fuperatus est, huius & feruus est. Celuy eſt ferui
teur de celuy par lequel il a eſté ſurmonté. Le
demoniacle eſt lié, il eſt en furie, il crie, il eſt
en vne rage enragee, tourmenté par les furies
infernalles. Ainſi le pecheur est lié par les liens
Pſal.trs. de peché.Cornme dit Dauid: Funespeccatorum
circumplexi funt me. Les liens de peché m’ont
lié , & tout à l'entour enueloppé. Item il enra
ge fouuent par ire, courroux, & impatience.
D’auantage,il crie en iurãt,fe pariurāt, & blaf
- - - - \ \
phe
D E C A R E S M E» 337
phemant le nom de Dieu & de fes precieux
membres : defquels il a faićt noſtre redem
ption falutifere. Il appert donc clairement
que le eſt faićt & rendu par peché
fpirituellement muet, aueugle, fourd , & de
moniacle. S’enfuit en l'Euangile : Cùm eie
ciffet demonium,locutus est mutus,& admirata funt
turbæ. Quandil eut ietté le diable,le muet par
la:pour declarer qu'il estoit parfaićtement gua
ry, & que le miracle eſtoit vray, & les troup
pes s'eſmerueillerent. Icy eſt faićt mention de
trois ordres d'hommes , qui eſtoyent prefens
en ce miracle, & en iugent. Les vns s’en ef
merueillent , & en font eftonnez , & diſent,
comme eſcrit fainćt Matthieu : Nunquid hic est
filius Dauid? celuy n'eſt-il pas le fils de Dauid?
Ceux-là cognoillent le vray vſage de ce mira
cle : Car ils paruiennent par le moyen dece
miracle, à la cognoiſſance du Mestias, fils de
Dauid. Et approuue ce miracle Ieſus eſtre le
vray Meſſias. Car les miracles de Ieſus Chriſt
font propoſez en tel vſage, pour confirmer la
doćtrine de l’Euangile du Chrift, c'eſt à dire,
que Ieſus fils de Marie est Sauueur du peuple.
Ét stupebant turba. Les tourbes s'eſmerueille
rent.Le fimple & idiot peuple en leur fimplici
té de coeur, craignoyent Dieu, fages en bien,&
fimples en mal. Et combien qu'ils foyent mo
quez par les grands, riches, & puiſſans,ils ſont
couſtumierement plus deuots au feruice de
Dieu, & plus ardants à ouyrfa fainéte parole,
v
338 I I I. D I M E NCH E

(comme dit Tertulliã contra Praxeam) que non *


|
pas les riches & les grands. Comme il appert
de ce miracle, lequel leur a eſté occaſion de
foy & de falut: mais aux grands, occaſion de
ruine & de blaſpheme. Le fecond ordre de
ceux qui eſtoyent prefens, ont calomnié ce
miracle. Et comme teſmoignent fainćt Mat
thieu & fainćt Marc, c'eſtoyent les Scribes &
Pharifiens , gens corrompus de penſee , &
aueuglez de coeur en la foy. Leſquels fçauoyết
la loy, & ne la faifoyent pas, ils enſeignent les
| autres, & ne s'enſeignent pas eux-meſmes. Et
| pourtant dit fort bien S.Auguſtin , cap.s.lib.s.
confeſionum : Surgunt indoĉti & rapiunt celos: &
| nos cum dočtrinis nofiris fine corde ecce vbi voluta
mur in carne & fanguine. Voylà grand cas : les
| fimples rauiſſent le ciel par leur deuotion : &
nous auec noſtre doćtrine & nos grands biens,
n'auons aucune deuotion. Defquels dit noſtre
Euấgeliſte, qu'aucuns d'iceux dirent:In Beelze
bub principe demoniorum eijcit demonia:En Beel
zebub prince des diables, il iette hors les dia
bles.Ainſi ne pouuons nier le faićt,ils l'ont ca
lomnié par le moyen, & ont dit que cela estoit
diaboliquement faićt. Ie trouue qu'en la pri
mitiue Eglife, les Payens & heretiques ontvfé
de meſmes calomnies contre les Catholiques.
Carles Payens difoyent que les miracles ſe fai
foyent par magie, & qu'ils chaffoyent les dia
bles par intelligence fecrette: & les heretiques
diſoyết ques demones/imulabāt fêtorquerià mar
- - F
tyribus,
W
* - D E C A R E S M E, 339
tyribus,comme recite Iuſtin apolog.2.Tertullian
cap.21.apologetici,Origene lib. 1. contra Celſum,
Sainćt Ambroiſe ferm.99. Sainćt Hieroſme in Malices des
Vigil. Mais voyons icy la malice des calomnia-“”“”“
teurs & faux accuſateurs, aufquels tu ne pour
rois propoſer choſe tant foit elle bonne ou di
uinesqu'ils ne l'interpretent en mauuaiſe par
tie. Ieſus Chriſt a vn trefgrand ſigne &
trefadmirable miracle, & afaićt telle ceuure,
laquelle de fa nature ne peut autrement eſtre
veu,ny autrement iugé,que trefdiuine.Caril a
dechaſſé le diable par grande puiſſance, & a
guary le demoniacle,en luy rendant & reſtituát
l'oüye, la veuë, lvfage de parler, & en le deli
urant de la poſſeſſion du diable: qui est vn treſ
grand benefice. Toutefois ce qui a eſté faićt
tresbien & diuinement. Les Pharifiens auec
leurs fauces allegations ont dit & expoſé que
ce miracle auoiteſté fait trefmefchamment &
fathaniquement. Et meſmes Caluin en l'epi
ftre liminaire de ſon inſtitution, calomnie les
miracles que nous auons en noſtre Eglife » de
meſme façon que les Arrians ont calomnié les
miracles des Martyrs (comme il eſtaifé à co
gnoiſtre par ledit fermon 99. de Sainét Am
broife ) & comme les Iuifs ont auiourd’huy
calomnié les miracles de noſtre Seigneur.Mais
qui pourroit penſer choſe plus impie & plus
mefchante & horrible que telle malice. Les
Scribes & Pharifiens comme organes, inſtru
mens & membres de Sathan,auec leurs fauces
Y 2
34o : 1 1 1. D1 M E N cHE

| allegations, eſtoyent plus poſledez que le de


moniacle,duquel preſentement nous parlons.
Fuyons donques calomnie,comme Sathan : &
eſtudions à verité,à fin que nous ayons falut.
Le troifieſme ordre de ceux qui ont veu &
iugé de ce miracle, n'ont pas calomnié le mira
cle: mais ils s'en mocquoyết, & le meſpriſoyết:
* Et n'eſtoyent contens de ce preſent miracle:
Sed tentantes petebant ſignum de cælo. Les autres
le tentants luy demandoyết ſigne du ciel (com
me les petits enfans qui demandent les cou
fteaux pour fe frapper, ou tuer) en tentant ſa
puiſſance: A fçauoir luy qui auoit puiſſance
en la terre de faire miracle, s’il auroit auſſi la
puiſſance aux corps celeſtes,comme faire plou
Exod.ro, uoir la manne du ciel, comme au temps de
Moyſe : ou faire arreſter le Soleil immobile,
1/xé ro. comme Ioſué. Ou faire retourner en arriere le
Soleil, comme au temps d'Ezechie : Ou faire
hurler le ciel,&tonner comme Samuel:Ou fai
re deſcendre le feu du ciel, comme Helie : Ou
quelque autre plus grãd ſigne. Comme difans:
Si tu fais cela , nous croyrons qu'il y a en toy
quelque diuinité ou puiſſance de Dieu , par la
vertu de laquelle tu fais grandes vertus nő par
cy deuant experimentees. Autrement nous di
rons que tes miracles font faićts en Beelzebub
'/**** Prince des diables. Sed mentita est iniquitas fibi.
Matth. 2.
Mais leur malice a menty. Car en ſa natiuité il
- - - - * -

“” a faićt leuer au ciel vne nouuelle estoille , la


quelle conduiſoit les fages Roys, pour
- - - alIC
- de c A R E s M *. 34ỉ
faire hommage,& preſter le ferment de fideli
té au nouueau Roy, nouuellement nay. Item il Las.s.
a faićt refonner au ciel & par grande harmonie
chanter en fa natiuité les paranymphes cele
ftes,qui melodieuſement chantoyết ce beau &
ioieux cãtiqueAngelique:Gloria in excelſis Deo:
Gloire à Dieu aux treshauts lieux. En ſa mort
ila faićt au ciel eclypfer le Soleil,la terre trem-*****
bler,ouurir les ſepulchres, & cốme triomphất
vićtorieux, de fa propre vertu glorieuſement
en fa ſacree Aſcenſion eſt montë aux cieux. Et
des cieux le iour de la Pentecoſte, il a enuoyé
à ſes Apostres, comme il leur auoit promis le
fainét Eſprit en-eſpece de langue, & en forme
de feu. Pource fans excuſeils font peris, con
fus, & confondus, & par leurs meſmes paro
les iugez & condamnez. Iefia autem ſciens co
gitationes eorum dixit eis: Et quand il veit leurs
cogitations, illeur dit. Où il nous faut noter
que noſtre Seigneur en ce qu'il n'a point re
fpondu aux paroles des Iuifs, mais à leurs pen
il a donné certain ſigne de fa diuinité par
ceuure & verité,en cela qu'il examinoit & ma
nifeſtoit les ſecrets coeurs. Ce que
noſtre Seigneur s'eſtà foy referué,comme cho
fe propre. Icy font notez cinq raiſons par lef
quelles noſtre Seigneur demonstre auecques cinq raifene
douceur d'eſprit, qu'il dechaſſe les eſprits ma-f" fiertes
lings,non par vertu diabolique : ains par vertu ? :
diuine. La premiere raiſon laquelle l'hom- . 3 :
me raiſonnable & vfant de raiſon, ne fçauroita shafi le
Y 3
342 | i 11. D1M EN cHE
diable nëtar nicr, est prinfe par la concorde ou diſcorde
“ “ des communautez, quand il est dit, Ommere
hles,ains par.
vertu diuine. &”um in fe diuistum defolabitur. Tout Royaume
diuiſé contre foy-meſme, fera defolé. Comme
il appert du Royaume d'Alexandre le Grand,
lequel apres qu'il fut diuiſé, les maux ont eſté
multipliez fus la terre: Et domus ſupra domum
cadet, & maiſon cherra fur maiſon. Ainſi il ap
prouue fa raiſon par les grandes,mediocres, &
petites polices, pour demonſtrer fa raiſon estre
plus forte & fuffiſante. Et maiſon cherra fur
maiſon. Carles habitans d'vn Royaume, d'v
ne cité, & d’vne maiſon , & la famille , & les
eſtrangiers habitans du Royauine,de la cité,&
de la maiſon, font opprimez, chaffez, & tuez.
Et fi Sathan est diuiſé contre foy. meſme. (Ce
que neceſſairement s'enfuit par vos paroles, fi
l'vn iette & chaffe l'autre à mon commande
ment) comment durera ſon regne & puiſſan
ce? veu qu'il bataille contre fon propre regne,
pourtant que vous dićtes auec menterie &
menfonge, en enfuyuant vostre perele diable
autheur de méſonge,qu'en Beelzebub ieiette
hors le diable, veu qu'il feroit contre ſon pro
pre regne?Ouy mais,eſt il vray (dira quelqu'ũ)
qu’vn diable ne peut chaſſer vn autre ? Ne
voyons nous pas qu’vn forcier ofte vn enforce
4
lement fait par vn autre?S Athanafe en la que
- * - ftion 32. ad Anthiocum diſſoult ceſte difficulté,
, - -
& reſpond que le diable peut bien chaffer vn
autre paraccord mutuel, pour tenir les gens
cIl
y
r
- * D E c A R E s M. E. 343
en erreur, & abuſer le monde: mais non pas
par violence & de force , le diable qu'on veut V

chaffer y refiſtant & contredifant. Or il est cer


tain que nostre Seigneur a chaffé paraućtori
té & par force le diable qui luy, contrediſoit,
& l'a faićt fortir malgré luy, & en deſpit de fes
dents, fe monſtrant plus fort que luy. Carle
diable s'eſt toufiours bandé contre noſtre Sei
neur, & luy a faićt du pis qu'il a peu, iufques
à le faire mourir. Nonobſtant noſtre Seigneur
eſt demeuré vićtorieux. Et c’eſt la meſme rai
fon, par laquelle nous monstrons que c'eſt en
la vertu & puiſſance de Dieu, que le diable
a eſté chaffé au ſepulchre des Martyrs, & par
exorciſmes, & par le corps de nostre Seigneur.
Car il y a refisté tất qu'il a peu,& eſt forty hur
lant, & malgré luy. --/

A la ſeconde raiſon,filij vestriin quo ejciunt?


Les autres chaffent les diables en la vertu de
mon nom : doncques ie fais cela de ma pro-
pre vertu, & non pas du diable. Carie ne fuis
pas de moindre vertu que mes Apoſtres, auf
quels i’ay donné vertu de chaffer les diables.
Mais vous croyez qu'ils le font par la vertu di
uine pource il dit: Et fi ie iette hors les diables, 4*°.
moy qui fuisplus grand en puiſlance,ſapience, .
& bonté que vos enfans, c'eſt à dire, les Apo
ítres, nais de vous, en quoy les iettent
ils? C’eſtà dire,au nő duquel,ou en quel Dieu,
ou en quelle puistance lesiettent-ils?Si vous di
;
ćtes qu'ils le font en la vertu Dieu, donc en
4.
344 1 1 1. d 1 M E N c H E
*

menterie vous dictes que ie le fais en Beel


zebub prince des diables. Pour ceſte cauſe, ipst
erunt iudices vestri. Iceux Apoſtres feront vos
iuges,non par puiſſance:mais par dignité acceſ
Matth.ro.
foire,& fedebüt iudicantes duodecim tribus Iſrael,
qui feront aſſis fur les fieges,& iugerőt les dou
ze lignees d'Iſrael.Si autem ege in ſpiritu Dei ei
cio demones,peruenit in vosregnum Dei. Mais fi ie
iette hors les diables en la vertu de Dieu, cer
tainement le Royaume de Dieu eſt paruenu en
Doigt de
Jðieu,fainář vous. En fainót Matthieu il eſt dićt:Si au doigt
Estrit. de Dieu ie chaffe les diables : par là il nous eſt
donné à entendre que par le doigt de Dieu, eft
entendu le S.Eſprit. Car comme le doigt pro
cede de la main, & la main du corps: ainfile
procede du Pere, & du Fils. Et
comme il y a pluſieursioinćtures au doigt, ainſi
f.Cor.r2.
il y a pluſieurs diuifions des graces du fainćt
Eſprit. Et comme le corps & le bras operét par
le moyen de la main: ainſi le Pere & le Fils par
le moyen du S.Eſprit. Si doncques en la vertu,
puiſſance,& operation du fainét Eſprit, qui est
appellé le doigt de Dieu, ie chaffe les diables
des corps poſſedez , à fin qu'ils foyent faićtsles
temples du fainét Eſprit,certainemết le royau
me de Dieu eſt paruenu à vous. C'eſtà dire,la
vertu & domination,le royaume & gouuerne
ment de Dieu, qui par moy destruićt le regne
du diable,& le chaffehors.La troifieſme raiſon
est telle, il faut que le victorieux foit plus fort
que le vaincu,& pource il dit,quand le fortar
mé,
* 4 - d e c A R E s M. E. 345
mé,c'està fçauoir,le diable, qui parforce natu
relle est tellement fort que, Non est/iperterram Iob *r.
potestas qua comparetur ei, fus la terre il n'y a
puiſſance comparable à la fienne:toutefois no-
ftre nonchallance faićt le diable fort, & non ſa
puiſſance. Refíštite diabolo,& figietà vobis,com- Iacobi 4.
me dićt l'Apostre fainét Iacques. Car fi on luy
refiſte, il est plus foible qu’vne mouche mais fi
on luy donne lieu,il eſt plus fort qu’vn lyon. Il
peut autant comme on luy permet, il eſt armé
des armures de meſchanceté, de toute malice
& impieté : CO1I1II) C d'arrogance » auarice, ire, - .. '
enuie, gourmandiſe, paillardife, & pareſſe. Il :
diligemment nuićt & iour l'entree de . qu'on luy
a maiſon, c'eſtà dire, le corps & le coeur de permet.
l'homme poſſedé. Et que pofidet funt inpace. Et
les choſes qu'il poſſede font en paix mauuaiſe,
& du monde qui eſt la paix des pecheurs, la
quelle Ieſus Chriſt n'eſt point venu pour la
dőner, ains la rőpre par le glaiue de l'Euangile:
il n’y a rien ſus la terre plus detestable & dom
mageable que telle paix.Si autếfortior eo ſuper
ueniens vicerit eum, &c. Mais fi plus fort que luy
furuient qui le vainque. Car Ieſus Chriſt l'a
vaincu en la tentation, en reiettất ſa fauffeté &
deceptions par parolle de verité & de la fain
ćte eſcriture, quand il luy dift:Vade fathana.En
fa paſſion ſatisfaiſant pour les pecheurs, il a eu
vićtoire : en la defcente des enfers, en deli
urant les ames des fainćts Peres du lymbe, &
deſpouillant les enfers, & par ſa mort il a de
- Y f
346 1 1 r. d 1 M E N c ii e
Hebr.2.
ftruićt la mort, & de peché condamné peché,
& a ſurmonté le diable, qui habebat mortis im
r. Cor.rf.
erium,qui auoit l'empire de la mort.Deo autem
gratias, qui dedit nobis victoriam,graces à Dieu,
qui nous a donné victoire. Si doncques il le
furmonte, illuy ofte toutes fes armures : Affa
(
uoir,fes fraudes & deceptions, en deſcouurant
fes rufes & fineſles, en donnant aux fidelles
Luc.ro. grace & force pour refiſter à l'encontre de luy.
Comme il a dit: Ecce dedi vobispotestatem cal
candi stipra ſerpentes &/carpiones, & f praem
nem virtutem inimici:Crnihil vobis nocebit. Ie vous
ay donné puistance de marcher ſur les ferpens,
& les fcorpiős,& furtoute la puiſſance de l'en
nemy, & rien ne vous nuyra. Illuy a oſté donc
toutes ſesarmures,eſquelles il ſe confioit,& di
ſtribué fes deſpoüilles, comme de Goliath,qui
fe fioit en fes forces & armures. Ainſi Ieſus
Chriſta oſté fes armures au diable, & l’a laiffé
nud, aueugle, miferable,pauure & fans armes:
parquoy nul maintenant n’eſt bleſſé,
Chryſoffome foy-meſme. Il a oſté au diable orgueilfinon par
par hu-
en vne home
die. milité,auarice & conuoitiſe d'auoir parla pau
'ureté de l'eſprit: ire & rancune parfa douceur
& debonnaireté: enuie par ſa : gour
mandife parfa ſobrieté: par fa chaftetė.
Mais les fots, fols, & infenfez, iettans & bail
lans le glaiue au diable, par lequel il les bat,
bleffe,& meurtrit. Et ſpolia eius distribuet,& di
ftribuera fes deſpouilles, c'eſt à dire ; les pe
cheurs qui premierement estoyent ferfs & ef
-

*
claues
» b Ë ë A R E s M. F. , 347
claues du diable.La quatrieſme raiſon de Ieſus Raiſon *:
Christ est prinſe par la contrarieté & diuerſité
des volontez. Qui non est mecum, contra me est:
qui n'eſt auec moy par vn meſme vouloir, il
eſt contre moy : car il faićt oeuures contraires
aux miennes. Parquoy voſtre fauffeté & blaf
pheme eſt condemné : Car le diable ayme
orgueil, & moy humilité. Ilayme malice &
moy bonté. Il fuſcite debats , noiſes , con
tentions, procez, guerres, batailles: Il trou
ble la paix, il parle menfonge, il fe refiouyt de
la perdition de l'homme. Mais moy i'enfei
gne douceur & humilité, ie recommande la
paix, ie preſche verité, ie me refiouys de la
conuerſion & falut des pecheurs. Qui non col
ligit mecum , ſpargit. Et qui cueille auec moy
en l'vnion de foy, d'eſperance & charité, en . --

l'vnion de l'Egliſe, & à fin que tous les fidelles " , .

foyent vn auec Dieu, vn coeur, vne ame » en ețbefe. :


fentant vne meſme choſe l’vn à l’autre felon Iob.z.
Ieſus Christ, & tous d'vn meſme coeur & d’v
ne meſme bouche, donnent honneur, louange
& gloire à Dieu il eſpart. Celuy qui ne cueille
auec moy en enſeignát,priant,exemplairement
viuant,en conuertiſſant les pecheurs, reſiſtant
aux pechez il eſpart,comme vn loup rauiſſant,
les brebis Chreſtiennes. Et pource qu'il eſpart,
il est monaduerſaire.Parquoy il ne fe peut fai
re que Sathan me foit en ayde en dechaſſant
les diables. Maintenant il predit vn horrible
ſupplice,lequel tombera fut les teſtes des Pha- Rei/oss.
rifiens,
348 1 1 1. d 1 M e N c H e
rifiens,mefchans,impenitens & calomniateurs,
Cum ſpiritus immundus ab homine exierit , &c.
quand l'eſprit immunde , c'eſtà dire le diable,
qui est eſprit felon nature: mais il eſtimmun
de pour l'abondance de fa malice & obſtina
tion.Car il fuggere cogitations immundes,de
firsillicites, & pechez mortels: par leſquels le
cæur, le corps & l'ame font foüillez & faicts
abominables deuant Dieu & deuát les fainćts,
Quand doncques l'eſprit immunde eſt party
de l'homme, c'est à dire, du peuple Iudaique:
(car il est dit en fainét Matthieu, en la fin de
CCS parolles, Sicerit & generationi huiapefime,

il fera ainſiàceste generation trefmauuaife)du


quelle diable est party : quand en la figure de
Ieſus Chriſt, ils ont immolé l'agneau paſchal,
Exod. 14. & de fon fang,ont fignez & oinćts les portes
r. Cor. ro. de leur maiſon, quand ils ont eſté baptifez en
Exod. 19. la mer & en la nuë & ont receu la loy en la
diſpoſition des Anges. Ambulat per loca ina
quoſa,quarensrequiem. Il chemine parles lieux
fans eau:c'eſtà dire, par les coeurs des Gentils,
priuez de l'eauë de falutaire, de gra
ce ſpirituelle & doćtrine falutaire: deſquels il
P/al. 142.
eſt eſcrit: Anima meafcut terrafine aqua, Mon
ame eſt comme la terre fans eau. Cerchant re
pos, c'eſt à dire , defirant demeurer en eux par
infidelité & dominatiố:Et non inueniens & n’en
trouuant point , car les Gentilsoyans la parol
le de Dieu fe font refiouys , & ont
Dieu & fa fainćte parolle & ont creu en icelle.
Dicit,
D E c A R E S M E. 349
Dicit, Reuertar in domum meam , ie retourneray
en ma maiſon,c'eſtà dire,aux Iuifs aueuglez &
reprouuez, reſiſtansà la verité, en dechaſſant
la parolle de Dieu, en reiećtant Ieſus Chriſt,
le niant deuant Pilate, fe iugeans indignes de
la vie eternelle, refuſans venir aux nopces de
FEglife , combien que par pluſieurs fois ils
ayent eſté inuitez. Pource Reuertar in domum
meam vnde exiui, ie m’en retourneray en ma
maiſon dontie ſuis party au temps de Moyſe:
mais il eſt retourné à eux au temps de lefus
Chriſt. Et quand il vient, ô retourhorrible ! le
diable vient aux luifs, ou à la conſcience des
pecheurs, ayant feulement le nom de la reli
gion Chreſtienne,reniant vertu, verité,fruićts
de bonnes oeuures,& fainćtes operations.Ils fe
difent eſtre Chreſtiens, & ils font la ſynaguo
gue de Sathan, gent pechereffe, peuple char
gé de peché,femence mefchante,plante baſtar
de,enfans de renebres, vaiſſeaux d'ire, conue
nables à perdition,generation de viperes,ſcan
dalizeurs de peuple, deſquels le diable auoit
eſté dechaſſé par le bapteſme, & par vraye pe
nitence:mais il retourne à eux quand, comme, pa...
chiens,ils retournent ẩu vomiſſement:& com-
mele pourceau laué , qui retourne feveautrer
aubourbier de la bouë & fange: Et veniensin- Matt.rs.
"enit eam vacantem,stopis mundatam. Et quand
il eſt retourné,il trouue ceſte maiſonvuyde des
ceuures de vertu,nettoyée de ballets, c'eſtà di
re,des exterieures obſeruances de la loy *des
a CI1

~
35o . . 1 i 1. d 1 M E N c h e
facrifices, ou des traditions pharifaycques &
non purifiee interieurement : auec tels facrifi
ces Dieu ne fe refiouyr point fans le coeur con
trit & humilié. Par dehors ils apparoiffentiu
ftes aux hommes: mais dedans & au coeur, le
uel noſtre Seigneur regarde,ils font pleins de
& damnation:ils fontor
nez exterieurement par fimulation de bonté,
ou de fainćteté, comme murailles blanchies
auec vne compoſition corporelle & feculiere
fainćteté. Voyla l'habit de l'ordre.Nous auons
la teſte rafe,nousieufnons, nous pſalmodions,
nous prenons des diſciplines,nous difons fou
Ile Int | Meſſe,nous monſtrós vne fainćteté par

dehors:maisinterieuremét le plus fouuết nous


fommes vuides de foy & charité, au grand re
gret des gens de bien de noſtre eſtat.Tunc vadit
& affumit ſeptem alios ſpiritus nequioresſe. Alors il
s'en va,& prend ſept autres eſprits auec luy pi
res queluy.Il s'en va fans dilayer & prend auec
luy fept eſprits malins fe refiouyflansauec luy,
en la damnation & perdition des hommes.Lef
quels font nommeż fept pour l’vniuerſité des
vices, deſquels il tente. Ce font les fept gés qui
Ioſué º bataillent contre les esfans d'Iſraël, leſquels
W
on commande d'eſtre tuez,auec leſquels on ne
doit faire aucune paćtion , confederation ou
alliance. Le ſeptenaire des malins eſprits,n’est
point chaſſé ou pouſsé hors, finon par les fept
dons du fainćt Eſprit. Pires que luý,ou pour le
nombre, ou par entreprinſe, ou par efforts, ou
\ par
D E C A R E S M. E. 35T
par peché de recidiuation : c'eſtà dire, qu'il
retourne apres qu'il a eſté reietté, ou par effećt.
Car ils font ceux aufquels ils retournent pi
res & plus mefchans qu'ils n'eſtoyent aupa
rauant. Ce qu’on peut voir non ſeulement
aux Iuifs, mais auſſi aux faux & peruers Chre
ftiens. Le diable eſt mefchant, quandil tente
des pechez communs, deſquels conuoitiſe eſt
la racine. Radiæ omnium malorum cupiditas. Le r.Tim.o.
diable est pire quandil tente du peché de blaf
pheme, duquel infidelité eſt le commence
ment. Et ingrefi habitant ibi. Et en entrant aux
luifs, ou aux peruers Chreſtiens, ils habitent
là: voyla l'intention des diables de ne demeu
rervne heure,ou vn iour, ou vn mois: mais d’y
habiter iuſques à la mort. Et fiunt nouifima
: les derniers faićts
hominis illiuspeiora prioribus
de ceſt homme font faićts pires que les pre
miers. Car les Iuifs premierement ont occis
& meurtris les iuſtes & les Prophetes, & en
apres le Sainćt des Sainćts , leur Roy , leur
Meſſie, le Fils de Dieu, & maintenant ils le
blaſphement continuellement en leurs fyna
gogues. Pource, Melius illis effet non cognoſcere 2.petria.
viamiustitie, quàmpostagnitionem retrorſum con
terti ab eo quod illis traditum est fančio mandato.
Il feroit beaucoup meilleur n'auoir cogneu la
Verité, qu'apres la cognoiſſance fe deſtourner
arriere du fainćt commãdement qui leur auoit
eſté baillé. Sic erit & huic generationi pestime.
Ainſi il fera à ceste tres-mauuaife generárion,
- c’eſt
352. I I I. D I M E N C H E

c'eſtà dire,tel malheur aduiendra aux Iuifs, ou


aux peruers Chrestiens. Et, Ecce eo loquente ele
uans vocem ſuam, quædā mulier deturba dixit illi:
Beatus venter qui teportauit,& vbera que fuxišti.
Aduint quand il diſoit ces choſes, & qu’entre
tant de vertus & de miracles les hommes fe
taifoyent,comme gens muets: voicy vne fem
me de la tourbe eſleua fa voix, & luy dit : bien
heureux eſt le ventre qui t'a porté, & les mam
melles que tu as ſuccees. Ceſte femme oyant
i ue ,lesqu'en
Iuifs blaſphemoyent Ieſus Chriſt, di
Beelzebub prince des diables, il
chaſſoit les diables,comme vraye efcholliere de
Ieſus Chriſt, elle n'a peu arrester ne refraindre
fon coeur: mais par impetuofité de fon eſprit
elle a donnéloüange au Sauueur, fans crainte
|
des menaces & eſpouuantements des Iuifs:elle
|*
a efleué fa voix en figne d’vne amour ardếte &
| conſtance admirable, difant : bienheureux cſt
|
| Le ventre de le ventre qui t'a porté, & les mammelles que
|
la Vierge est
*
bienheureux.» tu as ſuccees. Icy nous faut noter trois cauſes,
| |
tº pourquºy. par leſquelles le ventre de la Vierge est bien
heureux. Car premierement Dieu est faićt
homme en ce ventre virginal,le Verbe,enfant:
l'Eternel, temporel: l'Immortel, mortel. Se
condement, celuy qui a faićt ce ventre bien
heureux, a esté faićt homme en iceluy. Tier
cement, ce ventre a contenu chofe plus gran
de qu'il n’eſtoit: à fçauoir la diuinité non com
prehenſible par les cieux , & pour cela ne
defaillant eſtre en tous lieux. Et notons icy,
- - COII1IIlĆ
- D E c A R E s M. E. 3$3
comme Ieſus Chriſt dans fon petit corps prins către les ĉe
de la Vierge Marie, il a peu enclorre & con- /-
tenir ſa diuinité. Il peut auſſi enclorre & con- ,
tenir fon corps ſous les eſpeces ſacramental- la .
les, combien qu'elles foyent petites: comme reil, demi
en la prunelle
rouër, ne grandedemontaigne,
l'oeil , & en& vn petitbeau-
choſes mi- Ieſus:
coup plus grandes font veuës. Et bien heu-
reuſes font les mammelles que tu as ſuccees.
Par ces parolles il est tout manifeſte que Ie
fus Chriſt a ſuccé feulement«les mammelles.
de fa mere la Vierge Marie. Car ſes ſeulles
mammelles ont eſté & ſont bien heureuſes.
Et cecy eſt contre pluſieurs femmes delicates,
qui ont en deſdain d'alećter leurs petits en-
fans,de peur que parauenture elles ne perdent,
la beauté de leur viſage : lequel vn iour fera fi
ord,puant & falle, que les vers n'en daignerőt *

manger. C'est le vray office dedié aux meresde effie


nourrir leurs enfans, en confideration dequoy“*""·
nature leur a donné deux mammelles, qui font
comme petites bouteilles propres à tel effect.
Mais combien y a-il auiourd'huy de meres, & *
pour en parlerà la verité,cruelles maratres,qui -

au lieu de les nourrir les enuoyent aux triſtes


villages pour les faire nourrir par femmes e- , .
ftrangieres & incognuës, & font moins hon
teufes de tenir des petits chiens camus entre
leurs bras, que de tenir le fruićt de leur ventre,
qu’elles ont engendré. Ains les enuoyent fuc-
cer lelaićt d'vne eſtrấgiere, & le plus fouuét de
- - -
* Z
354 I I I. D I M E N C H E

celle qui est trouuee à meilleur marché, quel


que corruption ou difformité qu'elle aye. Ce
? eſt le plus fouuent fi contagieux, qu'il leur
eroit mieux estre nourris de quelque beſte bru
te en vn defert,que d'eſtre cőmis à la mifericor.
:Meresidenſ de de telles nourrices.Carnő ſeulemét les corps
; ; en demeurent intereſfez & gaſtez,comme l’an
tiquité a experimété en Titus fils de Veſpaſien
alaiété. & pluſieurs autres,lequel (ainſi qu’eſcrit Lam
Ianrriai“ pridius) fut tout le tếps de fa vie ſubiećt à plu
******" fieurs maladies,à caufe qu’il auoitesté à
nourrirà vne nourrice fuiećte à maladie. Mais
le pis eſt, qu'il derneure quelque impreſſion &
caraćtere aux eſprits de ceſte vicieuſe nourritu
Dion historië re.Comme Dion le Grec eſcrit au fecond liure
des Ceſars,lors qu'il fait mention de Caligula,
quart Empereur de Rome: Les cruautez du
quel n'eſtoyent imputees à pere ny à mere:mais
à la nourrice qui l'allaićta,laquelle outre qu'el
le eſtoit cruelle & barbare d’elle-meſme,enco
re frottoit-elle quelquefois le bout de fa mã
, , melle de fang,&le faiſoit ſuccerà l'éfant qu'el
:::::/* le allaictoit. Ce qu'il pratiqua fi bien parapres,
caligule. Tuº il ne fecốtentoit pas ſeulemét de cómettre
vne infinité de meurtres:mais il ſucçoit le fang
de fon eſpee ou dague, & le lefchoitauec la lan
gue,& fouhaittoit que tout le mõde n’euſt que
vne teſte, à fin que tout d'vn coup il les peuſt
tous decapiter, & luy ſeul en la terre regner. O
Ingratitude ingratitude des meres, qui font fi delicates,que
*******: elles neveulétnourrir leurs enfans qu’elles ont
- • r

t1IÇ
D E C A R E S M E. 355
tiré hors de leurs entrailles, & mis ſur la terre: -
qui font le fruićt de leur veħtre: mais les font
teter le laićt vicieux & corrompu, dont apres
procedent vne infinité de maladies:comme ve- , .
rolle,lepre,&autres femblables:Ainſi que plu
fieurs medecins ont experimenté,au grăd dom
mage des pauures enfans,& eternelle infamie
des meres.Car il eſt tout certain que fila nour
rice eſt louche,fuiette à yurongnerie, ou mala
die, ou autremét de meurs corrompus,l'enfant
fera louche non parfon laićt, mais par ſon fre- cera, ez
quentregard:fi elle eſt yurongne, elle prepare fºr tiure de
l'enfant à le faire yurongne. Comme on lift en faktilitatea
la vie de l'Empereur Tybere, qui fut grand
yurongne,parce que la nourrice qui l'allaićtoit
non ſeulement beuuoit exceſſiuement, mais
elle ſceura l'enfant auec les fouppes de vin. - **
***

Voylà la merueilleuſe puillắce du laićt duquel « s


- ** *

l'enfanteſt alaicté.Retournons au texte deno- • 5 * vs **.si


stre Euangile.Et lefus dit à ceſte femme: Quin
imò,beati qui audiüt verbă Dei & custodiunt illud:
mais certes bien-heureux font ceux qui oyent , . * *

la de Dieu , & la gardent. Par laquelle . . . . *

Ie
ſpőce noſtre Seigneur nous donne à cognoi *

fire où gift, & dőt procede noſtre benediction:


c'eſt d'ouyr la parolle de Dieu,& lagarder.Car
la faincteté de la vierge Marie, ny de tous les
Anges, fainćts & fainćtes de paradis, rien ne
nous profitera finon par la parolle de Dieu
deuëment de nous honoree, ouye, retenue, & . . -- x:

obſeruec. Car comme dit fainci Auguſtin, ex


Z 2
356 1 1 1. DI M E N c H E
4 gestin" pofant ceste aućtorité que la vierge Marie a
esté plus heureuſe en conceuất la
coniugali, g Ch iſt n f. ɔ
de
l
lefus
h * -

chojin. i, -nruten ion coeur ; qu en conceuant la chair


Mai bom.a.s. en fon corps: & que la prochaineté maternelle
n'euſtrien profité à la mere,finon que plus heu
reuſement elle euft porte IeſusChriſt,au coeur,
qu'au corps Quinimo, Mais certes: comme di
fant,non ſeulČīmēt celle qui m'a porté eſt bien
heureuſe:mais auſſi biế heureux font ceux qui
oyent la parolle de Dieu de coeur, & la gardét
^f*** d’oeuure & de faićt. Non auditores legis iustifunt
apud Deum,fed fattores legis iustificabuntur.Ceux
qui oyent la loy ne font pas iuſtes deuát Dieu:
| mais ceux qui mettent en effećt la loy feront
iustifiez. Où il nous faut premierement noter
que diligemment nous deuons ouyr la parolle
| Argusti hem de Dieu. Car non moins fera coulpable celuy
z« in decreti, qui negligemment oyt la parolle de Dieu, que
;- “ ” çeluy qui par ſa negligence permet le corps de
"*" feſus Čhrift tomber en terre. 2. La parollede
Dieu diligemment doit eſtre imprimee en no
s„, „a ſtre coeur & memoire. Car la viande ne profi
Luciuium te point au corps, laquelle incontinent prinſe
epist.2, estiertee ou enuoyee dehors. 3. La parolle de
z^
Dieu doit estre par ceuure & effećt tres-diligẽ
ment accomplie. Car comme dit Sainćt Iac
Iacob.r. ques:Estotefactores verbi & non auditeres tãtum.
Soyez faćteurs de ſa# & non ſeulement
|

auditeurs. Ce qu'auffi Ieſus Christ autresfois


| Matt, 19• auoit dit:Si vis ad vitam ingredi, ferua mandata.
Si tu veux eſtre fauué garde les commande
- ---- InCIAS
V

d e c A R e s M. E. 357
mens de Dieu.Certainemēt la parolle de Dieu .
& la loy de Dieu : & garder la parolle de Dieu . .
eſt obſeruer & garder la loy de Dieu, & luy o- , ' '

beyr. Quidonc voudra obtenir la vraye beati


tude, il eſt neceſſaire non faire cela, à fin qu’il
foit mere de Ieſus Chriſt, ou qu'il dechaſſe les
diables, ou qu'il foit riche, puiſſant,beau,fça
uant:mais qu'il apprenne la loy de Dieu, & qui
la garde & accompliffe.Ceſte fentếce de Ieſus
Chriſta eſté prinſe au Deut.Si audieris vocế do- deatar,
mini Deitui, vt facias atque custodias omnia mãda
ta eius, venient ſuper te vniuerst benedictionesiste,
& apprehendent te : Benedictus in ciuitate, crc. Si
tu obeys à la voix du Seigneur ton Dieu,en gar
dant & faiſant tous fes commandemés, fur toy
viendront toutes ces benedićtions & t'appre
henderont.Tu ferasbenit en la cité,tu feras be
nitau champ,le fruićt de ton ventre fera benit,
& le fruićt de la terre, & le fruićt de tő bestial,
le fruiét de tes vaches, & destropeaux de tes
brebis, beneiste fera ta corbeille & tes reliefs,
tu feras beniten ton entree, & auſſi en ton yf
fue:le Seigneur fera tomber deuant toy tes en
nemis qui s’efleueront contre toy,& cốmande
ra la benedićtion venir fur toy entes celiers.&ndum,
en tout ce en quoy tu mettras la main,& ouuri- 'obferner te
rafon bon threfor, c'eſtà fçauoir le ciel, à fin ley,tant pour
que il fur la terre en ſon temps, & 2}}
qu'il benilletoutes les ceuures de tes mains. :::::
4Quod/?audire nolueris vocếdomini Dei tui vt cu
stodia & facias omnia mãdata eius : Wenient/uperpanities.
3
358 1 i 1. d 1 M E N c H E
se omnes maledičtiones ista, &c.Mais fi tu n’obeys
ià la voix du Seigneur ton Dieu,en gardát & fai
fant tous fes cómandemens & fes ordömances>
lors viendront fur toy toutes ces maledićtions
& t'apprehenderőt:tu feras maudićt en la cité,
tu feras maudiét au chấp,maudićt fera le fruićt
de ton ventre, & le fruićt de la terre, les fruićts
de tes vaches,& destroupeaux de tes brebis,tu
feras maudićt en tő entree,& feras maudićt en
ton ylſue. Le Seigneur t’enuoyera maledićtió,
trouble & reprehếſion en tout ce que en quoy
tu mettras la main,& que tu feras iuſques à ce
qu'il t’aura deſtruićt & bien toſt aboly,à caufe
de tes mauuaiſes intentiós parleſquelles tu l’as
delaiſfé:& fera que la pestilếce te tiédra iuſqu'à
ce qu'il t’aura confumé de destus la terre,& te
frappera d'enfiure & de fieure & de chaut mal
& de maladie brulante, & de fecherefle» & de
glaiue & de ventardent, & de iauniſie , & te
perſecutera iufques à ce qu’il te face perir. Et
le ciel qui fera fis ta teſte te fera d'airain , & la
terre qui eſt deſfoubs toy, & ta charongne fera
en viande à tous les oyſeaux du ciel,& aux be
oraiſon. ſtes de la terre, & n'auras perſonne qui les em
peſche, & pluſieurs autres maledićtions. Pour
aufquelles obuier & pour obtenir benedićtiő,
pour la fin de ceſte prefếte exhortatiố,nous pré
drons le cőſeil de noſtre Seigneur Ieſus Chriſt,
- nous cőfeille & nous preſche, biế heureux
font ceux qui oyết la parole de Dieu,& la gar
- dent. Siainfi nous faiſons nous ferons bien
heu
D e c A R r s m s. 359
heureux en ce preſent fiecle, par eſperance, &
lus heureux au fiecle aduenir, par fruitiố de la
gloire celeſte,en laquelle nous vueille cốduire,
le Pere,lé Fils,& le benoist S.Eſprit.Amen.

QvATR IES M E D IM E N CHE


D E C A R E S M E- -

Aćtance au 2.chap, du fecond liure


de fes Inſtitutions,dit qu'il y en a eu
|aucuns en ce monde tãt depourueus
|defens & boniugement, qu’ils ont
penſé que Dieu n'auoit aucune follicitude ny
cure des creatures qui font en ce móde,& n’ont
point eu de hőte de nier la prouidence de Dieu.
Ce qui est expreſſément contre l'eſcriture fain
ćte, laquelle nous enfeigne en pluſieurs pasta
ges que Dieu par fa prouidence a foing de fes
creatures.Et premierement,Gen.I.Ecce dedivo
bis omnem herbă aferentem femenfiper terram, vt
ft vobisin estam.Voicy,dit Dieu,pour monſtrer
que i'ay foing de vous, ie vous ay donné toute
herbeportát femence, à fin que vousenayezà
viure. Regardezapres le deluge, il a dit à Noé,
Gen.ọ. Omne quod mouetur & viuit, erit vobis in
cibă : quastolera virentia tradidi vobis omnia. Da
uantage vousvoyez á Dieu n'alaiſfé mourir de
faim les enfans d'Iſraël au deſert, l'eſpace de
quarante ans, ains les a nourris de la manne du
ciel. Cela demonſtre aflez qu'il n’oublie ceux
qui fónt en ce monde.Nous lifons du Prophete
Z ,4
36o I I I I. D I M E N C H E

Helie,3. Reg. 17.que du tếps de la famine, Dieu


auoit determiné vn corbeau qui luy portoit
du pain & de la chair deux fois par iour. Et en
cores de luy vous auez au troifieſme liure des
Roys, chap.19. que fuyant la perſecution de la
Royne Iezabel,ily auoit long temps qu'il n'a
uoit mãgé. Dieu en telle neceſſité l’a-il delaiſ
fé ? Non. Car illuy a enuoyé vn Ange,qui luy
a apportéfabcinericium panem,vt pain cuit en la
cendre. Ne lifons-nous pas auſſi de Daniel
eſtant en la foſſe des lions, comment le bon
:Dieu ne l'a point laiſlé mourir de faim,ains mi
raculeufement luy a faićt apporter à difner par
Abacuc, qui eſtoit à plus de cent lieuës de là?
Par cela il eſt manifeste que Dieu par fa pro
uidence a foing de fes creatures. Ce qui eſt en
cores plus facile à demonstrer, par ce qui est
eſcrit Eccleſiastici 6.De omnibus equaliter cura est
Deo,& au Pſalme 54. Iatła in domino curā tuam
& ipſe teenutriet. Et au Pfal.36. Non vidi iustum
dereličtum,nec femen eius querenspanem. Maisie
trouue en l'eſcriture que par deux manieres
Dieu raffafie vn homme : Aucunefois d’vne
maniere naturelle, commune & ordinaire,com
me tous les iours nous fommes nourris & raf
fafiez de pain & autre viande. Et aucunefois
il nourrit hommes d’vne maniere non ac
couſtumee & miraculeuſe,comme il a faićt les
enfans d'Iſraël de la manne du ciel.De meſme
façon & maniere il rafſafia lefdićts enfans d'If.
raël eſtans en grande neceſſité d'eau, lors que
Par
D E c A R E s M. E. 361
parfon cốmandement Moyſe frappa de fa ver
ge la pierre dure , & d'icelle forit de l'eau en
grande abondance.Vous auez pareň-mentau
liure des Iuges,chapitre quatorzieſme,corame
Samſon auec ſes gésayans vne bataille à faire,
auoyết vne foifextreme.Dieu l'a-il laiffémou
rir de foif? Non. Mais en ceste neceſſité il a
faićt miracle , faiſant fortir d'vne maſchoire
d'aſne vne fontaine,de laquelle luy & tous fes
gens & leurs cheuaux ont beu. Voylà dốc com
me Dieu nourrit miraculeuſement fes creatu
res.Et est fi puistant,que meſmes de rien,aucu
nefois il les nourrit. Comme nous liſons de
Moyſe & Helie, qui ont eſté quarante iours &
quarãte nuićts fans boire ny mãger,& ont eſté
fubstantez par la ſeule vertu & puiſſance de
Dieu, fuyuant ce qui eſt eſcrit Deuteron. 8. c
repeté par noſtre Seigneur Matth.4. Non in folo
paneviuit homo,fedin omni verbo quod procedit de
ore Dei. Mais quel beſoin est-il de cercher tant
de paſſages de l'ancien Testamết,pour prouuer
que Dieu par ſa prouidence a foing & cure de
tous:veu que nostre Euangile du iourd'huy eſt
ſuffiſant pour ce faire? auquel vous trouuerez
que fans eſtre prié,ila rastafié vn grand nombre
de gens,tát bős que mauuais.Car en ceſte gran
de cõpagnie,ily en auoit pluſieurs qui estoyent
auditores tantùm verbi Dei, & non pas fattores.
Ce que ie dy en paſſant, pour monſtrer l'im
pudence & atheiſme de Marot, lequel ſur la fin
de fa premiere chanſon(qu'il appelle fauffemét
- - Z $ |
362 I I I I. D 1 M E N C H E -
|
Pſalme de Dauia ) n'a point eu de honte de
dire & faire -hanter aux Huguenots,que Dieu
eternela a foing ny cure des mal-viuans. Or
|
arand ie contemple ce miracle de noſtre Sei
gneur » il me fouuient de Ioſeph, duquel il eſt
parlé en Geneſe quarātiefmechapitre, où il eſt
dićt,qu'il vint vne grande famine au pays d'E
gypte,& lors il ouurit les greniers de Pharaon,
qui auoyết esté réplis par fabonne prouidence,
& diſtribua les grains à vn chacun felon ſa ne
cefiité. Nostre Seigneur est vn ſecond Ioſeph,
qui a eu pitié d'vne grande multitude de gens
qui le fuiuoyent, ayans grand faim:il ouurit fes
greniers, & les a raſlafiez. Mais en quelle for-
te?en multipliãt cinq pains d'orge, & deux pe
tits poiſſons. De cecy nous auons vne belle fi
gure 4. Reg.4. où il eſt faićt mention de Heli
fee, lequel de vingt painsraſlafia vne grande
multitude de gens:& diſtà ſon diſciple, Dapo
o huic:Ils en mangerent leur faoul, & ſuper
fuerunt,& toutefois il y en eut de reſte. Il faut
que la verité foit preferee à la figure. Heliſee
eſtoit la figure de Ieſus Chriſt. Si donc ainſi
est que Heliſee a multiplié les pains, deſquels
ila rafſafié grand nombre de gens: il ne ſe faut
efmerueiller fi auiourd'huy noſtre Seigneur a
fait dauantage, en nourriffant de cinq pains &
deux petits poiſſons cinq mille hommes, fans
compter les femmes & les petits enfans. (Car
ecce pluſquam Hellfeus) comme declare plus à
plain monfieur fainét Iean en nostre Euangile,
de
. D e º c A R es M. E. 3 -

deſcriuant naïfuement ce miracle:Abiens Iesta Matt.***


trans mare Galilee, quod est Tyberiadả& ſequeba- :
tur eum multitudo magna,quia videbant figna fa
perhis qui infirmabantur. Ieſus s'en alla outre la
mer de Galilee qui eſt de Tyberiade. Et grand · * *

euple le ſuyuoit : car ils veoyent les ignes


qu’il faiſoit fur ceux qui eſtoyent malades.
Ceste mer eft appellee de Galilee, à cauſe de la
prouince, & Tyberiade, à raiſon d'vne cité fi
tuee aupres d'icelle , laquelle Tyberius auoit
edifiee: duquel elle a prins le nom. La cauſe
ourquoy Hefus s’en | outre la mer de Gali
| fut pource que les diſciples estoyenttra- Nºstre sei
uaillez à cauſediit:
ftre
de lavenez
predication.Aufquels
vous en à partenno-
vn : lAs

lieu defert,& vous repoſerez vn petit , comme lee e pour


il est dit en S. Marc. Toutefois nous pouuons 1mov.
affignerautres raiſons. .
Premierement que nostre Seigneur par fa
prefence ne vouloit irriter ny inciter à cour
roux les Iuifs: mais s’eſt retiré à part & à l’ef
cart,fi d'auếture l'ire laquelle ils auoyết conceu
contre luy s'appaiferoit. Par cela il nous en
feigne de n'irriter ne prouoquer nos aduer
faires à l'encontre de nous: ains leur donner
lieu.Car c’eſt vne æuure de charité de ne s’efle Roma 12.
uer contre les malueüillans,ny vſer de nos for
ces:mais à l'exemple de IeſusChriſt ſe retirerà
l'eſcart,attédát que leur courroux foit pacifié.
Où cependant nous deuons noter que c'eſt vne
certification & indice de la grace de Dieu,
- - que
364 1 I I I, D I M E N C H E
que aucunefois il oſte l'occafion de pecherà
l'homme. Ce qu'il ne faići pointparire ou en
uie : mais à fin de nous ofter l’occafion de ne
plus griefuement pecher, & que plus griefue
pies, attr, mentne foyons iugez & condemnez. Et pour
z i. i, i ceſte cauſe il a abbregé la vie de l'homme: car
Phomme, e ceux qui ont veſcu au temps paffě neufcếs ans,
?"1"9. maintenant à grand'difficulté peuuent-ils par
uenir,attaindre & toucher feptante ans.Com
F/****- me dit le pſalmiste Royal Dauid: Dies annorum
nostrorum in ipſis feptuaginta anni.Si autem in po
tentatibus, ottoginta anni: &amplius eorum labor
cớ dolor:Lesiours de nosans,eſquels nous fom
mes,font feptante ans, & de ceux qui ont plus
de vigueur , oćtante: & fi lesiours de leurs ans
font d'auange: ce n'eſt que labeur & douleur,
non pas que noſtre Seigneur porte enuie à no
ftre longue vie:mais comme nous auons ja dit,
à fin qu'en viuant plus longuement nous ne
pechions abondamment,& que ne foyons
damnezp us griefuement. Ainfi aucunefois il
retire d'auec nous & ſouſtraićt pluſieurs cho
fes,leſquelles pourroyent eſtre occafion de pe
ché. Aucunefois nostre Seigneur t'ostera ton
bien,ou ta femme,tő enfant,pource qu'ils font
occaſion de ta ruine. Cartu as plus de confian
ce en eux qu'en Dieu : & pource Dieu te priue
de ce que plus tu aymes que Iuy : à fin que tu
apprennes de te fieren Dieu,qui eſt certain, &
non pas aux chofesincertaines, labiles, cadu
ques, & fluxibles. Ainſi nostre Seigneura oſté
aUIX
- D E c A R E s M e. : 365
aux Iuifs ſa prefence, pour ne leur donner oc
caſion en le voyãt,de pecher pus griefuement,
& par ce moyen enire,il monſtre fa mifericor- •1

de. Secondement pour ce meſme faićt, Ieſus


Christ a paſſé outre la mer, il nous enſeigne
qu’il nous faut delaiſler le monde, & auec la
nauire de la croix, il faut monter en la haute
montaigne ſupernelle de Hieruſalem, comme
dit S.Matthieu: Quand Ieſus fut deſcendu dé : *ser
la montaigne où il auoit enſeigné & prefché àÉ :
fes Apostr les huićt beatitudes,& puis deſcế- i . ;:
du en la válee pour enfeigner la toürbe,&gu a taigne, rece
rir pluſieur malades. Derechefil est monté en qui
la montaigie pour enfeigner les ignorans,gua- :
rir les malates,nourrir les fameliques, & beni- gu -
gnement recueillirceux qui le cerchoyent: En vir le mata
nous enſeignant par effect ce que S. Iean a ; repaistre
prefché parbarole: Non diligamus verbo, neque {--
ed opreci veritate. N'aymons pas de pa- .i. a.s. . .
role ou de lingue : mais d'oeuure & de verité,
Ceste montre & deſcente de Ieſus Chriſt nous
enfeigne que ce n'est pas aſſez à l'homme Chre
ftien monte: par contemplation ou oraiſon. Il
faut auſſi par execution de bonnes
oeuures , & exhibition de charité. Mandauit Feele z.
Deus vnicuique de proximo fuo. Dieu a donné
commandement à vn chacun defon prochain.
C’eſt bonne choſe de monter par oraiſon &
fainćte meditation , & celeſte contemplation.
Mais il faut auffi feruir à l'vtilité, prouffit, &
charité de fon prochain ; contre les deuotshy
po
) J
366 1 1 1 1. D 1M E N c H E
pocrites,auec prolixité femblent
manger le Crucifix. Cependant ils n’ontpoint
de charité autant que de vieux diables, & lair-
ront mourir de faim le pauure sauant que luy
dőner vn morceau de pain Car tu ne peux mő
ftrer l'amour que tuas en ton Dieu,finően fon
image , qui eſt ton prochain. Eſcoute donc (ô
homme Chreſtien) & retiens à l'exemple de tő
- *- shef Jeſus Chriſt,quand tu priestu monte en la
,* montaigne: quand tu faits charité à ton pro
chain,& que auec larmes,pleurs,&iouleurs de
- coeur, tuplains la perdition de ton rere Chre
ftien, & que tu employes tes forcespour le re
cueillir en la cógregation des fideles, & le re
-* *duire à la cognoiſſance de Dieu,&de la verité
de fon falut,alorstu defcens de la nontaigne.
º ff* Sequebatur ei multitudo magna.Vnegrãde mul
{/"; titude le ſuyuoit, pour pluſieurs riſons. Pre
*

pourquoy. , micremet les aucuns pour estre guris de leurs


playes,langueurs & maladies. Le autres pour
charité, qui commepigęõs eſtoyếtamiellez &
allichez pour ouyr la douccur de fi faluifiante
doćtrinc. Les autres par curioſité de voir fes
miracles. Les autres pour reçeuoi les prouf
fits de nourriture, pour manger les pains,leſ
quels par la vertu diuine il multiplioit. Aufli
pluſieurs fuyuết les riches pour audir la repue
franche,comme nous voyons quand les arbres
font chargez de fruicts, ou les vignes pleines
de raiſins lors nous les viſitős mais apres qu'on
a recueilly les fruićts & les raiſins, nous ne
- - Il OllS
D E C A R E S M E. 367
nous foucions plus des arbres, ny des vignes.
Ainfi plufieurs fuyuent les riches:mais quãd ils
font pauures,on les abãdonne,& fe moque-on
d'eux. Et comme la moufche fuit le laićt,& le
chien la charőgne:ainfi pluſieursfuyuent les ri
ches pour la viāde, Les aucũs pour enuie,com
me contradićteurs, pour calomnier fa doćtri
ne, & machiner fa mort: Comme les Scribes
& Pharifiens:& les autres pour luy adminiſtrer
les offices de charité & humanité. La ferueur Z4 ferneur
de ceſte multitude confond noſtre lafcheté & c:

pareffe.Car estans appellez,nous ne l'enfuyuős


pas:Ceux-cy l'enfuyuét outre la mer,au defert, chrefi,.....
& aux montaignes : nous l'auons preſent, & fº",plasteur:
toutefois nous deſdaignons l'ouyr. De nous'“/”“
eſt bien verifié le prouerbe commun: Pres de
l'Egliſe,& loing de Dieu. Ceux icy l'enfuyuết
par bandes & grande compaignie, & à peine
voyons nous peu de Chrestiếs qui l'enfuyuent.
Apprenons doncques à leur exếple à chaffer &
bannir de nous toute pareffe & nonchallance.
Car c’eſt choſe digne, iuſte, neceſſaire, raiſon
nable,& falutaire, que nous l’enfuyuions. Nec
enim aliud nomen est fab celo datum hominibus, in A&#-#
quo nos oporteatfaluos fieri.Caril n’y a d’au
tre nom fous le ciel, auquel il nous faille estre
fauuez, finon au nom de noſtre Seigneur Ieſus
Chriſt. Ce peuple estoit idiot & ſimple, hum
ble & pauure: ce n'estoyent pas les Sages de ce
fiecle, les doćtes & fçauấs Scribes & Pharifiés,
non faux hypocrites , non les nobles & puiſ
:: fans
368. M I I I• D I M E N C H E

fans au peuple: c'eſtoit vn commun populaire,


lequel couſtumierement eſt plus deuot & fer
uent en deuotion & charité que les riches &
puiſſans. Subijt ergo in montem Iestu. Adonc Ie
fus s'en alla en vne montaigne. Chofe admira
ble, la montaigne, à fçauoir Ieſus Chriſt,quieſt
appellé en faincte, Montaigne,pour
l'excellếce de fa treſſainéte vie,pour l’eminen
ce & apparence des miracles, pour la hauteur
de contemplation, & pour l'incomparable fu
blimité de charité , & de toutes autres vertus.
Doncques la montaigne monte en la mon
taigne, lieu conuenable à oraiſon, contempla
tion,inſtrućtion : & le tout pour noſtre falut, à
fin que parfon exemple les hőmes apprennent
de ne cercher la gloire en la vallee de ce mi
ferable monde, en honneurs, comme les fu
perbes.les autres aux richeſſes, comme les aua
ricieux:les autres aux voluptez charnelles, com
me les luxurieux:les autres à boire & à manger,
comme les gourmans & yurongnes. Il eſt donc
monté en la montaigne, pour nous enfeigner
à meſpriſer les biens terrestres, & defirer les
biens celeſtes. Et ibi fedebat că diſcipulis fuis,làil
eſtoit aſſis auec ſes diſciples.Bien heureux font
ceux qui auec luy maintenant font aſſis en la
montaigne celeſte. Erat autem proximum Paf:
cha diesfestus Iudeorum. Et le iour de Paſques
qui eſtoit la feſte des Iuifs estoit prochain.
Ceste feſte par deſſus toutes les autres estoit
celebree & feſtoyee en memoire de leur de
- * liuran
D E . C A R E S M E. " 369
liurance de la dure feruitude des Egyptiếs. Les
Iuifs en cetếps-là,folennifoyent le tourdes fe
ftes,non pas à l'honneur de Dieu, mais pluftoft
pour l'irriter. Comme auiourd'huy font les
Chreſtiens,verslefquels la mauuaife couſtume
a prins fon cours: pource il eſt dit, Dies festus
Iudæorum: La feſte des Iuifs , & non de Dicu.
Les Iuifs immundes mangeoyent l'agneau paſ
chal,ils chãtoyết les Pfalmesen peché ils nour- . . » , , .
ristoyent leurs corpsgraffemét, fans eftếdre les * * , .

mains aux pauures, pource leurs aſſemblees


estoyent mefchantes & iniques, leurs fabbaths .*

eſtoyent moleſtes & ennuyeux à Dieu. Ainſi : ***


font les modernes heretiques, qui par mefpris
chantent les Pfälmės, maltraduičts & rithmez:
toutefois en prophanant l'eſcriture faincte,
fe parforcent abolir le chant Eccleſiastique, &
en deſpit des Catholiques. Non fans cauſe eſt
dict,que, Erat pafcha feštus Iudæorum. C’e
ftoit le iour de Paſques, feste des Iuifs. Mais
les Chreſtiens ont maintenất vn autre Pafque,
duquel parle fainét Paul: Pafcha nastrum immo- r.cor.s.
latus est Christus. Nostre Paſque, qui eſt Christ,
eſt ſacrifié pour nous. Cum fubleuaffet ergo oculos
Ieſus,& vidiffet quia multitudo magnavenit ad eữ.
- Quand donc Ieſus eut leué les yeux, & veu
que groſſe aſſemblee venoit à luy. Hufques à
maintenất nostre Euangelifte a eſcrit le lieu,le
temps,& les perſonnes maintenantil eſcrit la
maniere du miracle. Voyons icy eſtre vray
ce qu'a ditle Prophete Dauid :AEcce
' , . a
-
oculi Do-Tfal,s2.
2 / - -
37o I I I, I, ID I M E N C H E

minifuper iustos. Voicy les yeux de noſtre Sei


gneurfur ceux qui le craignent,& fur ceux qui
eſperent en ſa mifericorde. Dixit Philippo, vnde
ememua panes, vt manducent hi ? Il dita Philip
pe, dontacheterons-nous des pains, à fin que
ceux-cy puiſſent manger , pour dechaſſer la
faim, & conferuer lavie, & non à ſuperfluité?
Il fait memoire du pain , & non des chairs
bouillies & roſties. O diuers mets des vian
Eecle/ 29
des! Initium vitehomiuis aqua & panis. Le com
mencement de la vie de l'hőme, c'eſt l'eau & le
r.Z im.ớ,
ain. Nature eſt contente de peu de chofe. Et
comme dit fainćt Paul.: Habentes victum &
quibus tegamur, his contentifiimus. Nous ayans la
nourriture, & dequoy nous puistións eſtre cou
uerts,foyons contents de cela. Sunt voraces he
retici,in diebus prohibitis carnes comedentes. Mais
la maudićte delectation de la chair toufiours
demande choſes ſuperflues. Ie dy plus à fu
perfluité que à neceſſité , plus à delećtation
que nő à fuſtentation. Icy noſtre Seigneur pre
mierement interrogue Philippe, comme celuy
qui plus auoit beſoing de doctrine, où noftre
Seigneur ne parle point des choſes vaines,
ocieuſes & mondaines : mais des oeuures de
pieté, & de miſericorde, pour instruire les ri
ches,comme ils doyuent tenir propos des pau
ures, & auoir foucy de leur pauureté. Com
ne faiſoit Abraham , Tobie , & pluſieurs an
eiens Peres de nostre foy. Noſtre Seigneur auf
fi interrogue, à fin que le miracle ſoit plus no
- tOlIC
- DE c A R E s M. E. : - 371 :
toire & manifeſte: car quand il fera veu &
experimenté par les diſciples, qu'il n'y auoit
que cinq pains, perſonne ne pourra doubter:
que ce ne foit vne oeuure de Dieu, raflåfier
de fi peu de pains vne ſi grande multitude.
Austi nous faut-il noter que nostre Seigneur
faictmention de la viande fans que les difci
plesy penſent, fans que la trouppe l'attende
ny demande: Par-là il declare qu'il preuient
toute noſtre indigence, par la cure qu'il a de
nous, voire auſſi cependant que nous dor
mons, il ſe monstre & fe communique estre
pareffećt noſtre bon pere de famille. Car c'eſt
celuy qui dat estam omni carni, qui donne vian- Pfal.*s*.
* :/

de à toute chair: & par celà il a voulu exercer


noſtre foy, à fin que celuy qui peut commet
tre & fier fon ventre à Dieu pour la vie cor-
porelle, qu'il puiſſe auſſi fier fon ame en la
vie eternelle. Car celuy qui eſt fidelle en peu
de chofe, fera fidelle en grande chofe. Hoc.
autem dicebattentäs eum.Il diſoit cela pour ten
ter & eſprouuer. Il interrogue Philippe , non
point comme ignorant : ains pour l'eſprou
- A

uer, & pour donner à cognoiſtre à Philippe


fa pufillanimité & petite foy. Comme le mai
stre interrogue fon diſciple,à fin que fon igno-
rance luy ſoit cogneuë & apperceuë : & que
par là il prenne occaſion de demander ardem
ment bonne doćtrine. Dieu tente. Premiere- Pie" tentee"
ment à fin que la condition de noſtre vie foit ?"4“7:
aux autres manifeſtee:Comme il a tenté Abra
Aa . 2 *.

1
372 1 1 1 1. d1M ENcH e
ham, & Tobie, à fin que fust donné exemple
à leur poſterité de leur trefgrande patience.
Item il tente fes amys & efleus, pour le com
ble degrace,exercice de vertu, & pour acque
rir plus abondant le threfor de gloire.D'auan
tage Dieu tente,à fin que l'homme ſe cognoiſ
fe. Iamais fainét Pierre n’eust cogneu fon im
perfection, s'il ne fuſt tombé au peché de ne
ze diable të gation. Le diable tente, premierement pour
4
° **** ćtes
quoy.
deceuoir & damner,Ananias,&
des Apostres,de comme il appert aux Sa
fa femme A
*

# | |

r., hai, g. phira. La chair tente, pour attraire, allicher , &


| | * te, e peur- deceuoir l'homme. Le monde tente, pour ce
||
! ! '
! ! !
quoy., fte meſme cauſe. L'homme tente,eſſaye,& ex
perimente foymeſme, pour profiter & foy co
# gnoiſtre.L'homme tente l'homme,pour regar
i höm tente der & experimenterfes moeurs & conditions:
fhy meſme.
comme Daniel diſoit:Tenta nos decẽ diebus: Ef
faye nous dixiours. L’homme tente Dieu,pour
L'homme ten receuοir experience de fa puiſſance, fapience,
“ Die". , & bonté, qui eſt vn trefgrand & grief peché.
Car cela procede de la maudićte racine de fon
infidelité. Ainſi les Iuifs par dix fois ont tenté
TO etet. 6.
Dieu malicieuſement: pource il eſt eſcrit: Non
tentabis dominum Deum tuum. Tu ne tenteras
point le Seigneur ton Dieu. Ainfi Philippe
eſt tenté, à fin que fa foy foit experimentee: A
fçauoir s'il croit que Ieſus a le pouuoir de fe
courir & ſubuenir en neceſſité. Ainſi quand
vn grand nombre d'enfans te font preſentez
deuant les yeux, & ton grenier eſt vuide de
bled,
- D e c A R e s M e. , 37;
bled,ton fellier de vin, ta bourſe d'argent, ton
garde-mãger de viures,tu diras, d'où achepte
rons nous despains, à fin que ceux icy, à fça
uoir ma famil puiſſe manger? Dieu te dit ce
là, non pour te perdre : ains pour approuuer
& effayerta foy: A fçauoir mon fi tu le veux
receuoir & venerer pour tom pere de famille.
Carla faim & la deffaute du pain ne font point
de perdition, mais ſeulement les boutiques &
magaſins de tentation & experience. Ipſe enim
quid effet facturus : Il fçauoit bien par fa
fcience infallible qu'il deuoit faire, & cela eft
dit,à fin qu’on ne penſe que Ieſus Chriſt doub
taſt.Item pour demonſtrer que Ieſus non feu
lemét fçait noſtre neceſſité:maisauſſi a le pou
uoir & le vouloir de nous fecourir. Philippe
luy reſpondit: Ducentorum denariorumpanes eis
non ſufficerent, vt vnufģuiſque modicum qnid ac
cipiat:Ce n’eſt point affez pour eux de deux cés
deniers de pains , pour en prendre chacun yn
petit. S. Philippe diuulgue & manifeſte fon
incredulité. Èn ceste reſponſe nous voyons Nature de le
lanarure
anature de la Elle :ne regarde
ir , . laquelle
chair, -
i raia
chair,es
loing que aux choſes preſentes, temporel- /
G
s,& charnelles, & aux moyens accouſtumez: „..
A fauoir à la pecune & à la viande. Que s'ils
defaillér, la prudence charnelle eſtfanseſpoir,
& ne fçait plus de quel coſté ſe tourner. Mais Natur, a.i.
la foy laquelle a les yeux ſpirituels;elle ne foy.
puye ny arreſte point aux chofes viſibles, elle
n'apoint fa aux chofes temporelles.
* Aa 3
374
/
I I I I. D I M E N C II E

Carfi elles font preſentes, elle ny met point


|
fon eſpoir : ſi elles font abſentes, elle ne defef
pere point: mais elle regarde aux choſes inui
ſibles en l'autre fiecle, fi elle ne voit rien pre
fent en cc monde qui appartienne à la vie hu
maine & corporelle , elle dreſſe la poinéte &
la prunelle de fes yeux en l'autre fiecle,auquel
elle trouue vni Dieu riche en tous biens: qui
promet tous biens: & qui benigneinent admi
niftrc toutes chofes necetlaires pour le corps,
&tfalutaires pour l'ame : Mais celuy qui a
trouué Dieu, aucune chofe ne luy pourra def
faillir. Penfe donc non frere & amy Chre
ftien,& fe que c'eſt choſe arduc, nial ai-
fee & difficile de bien eſperer en neceſſité.
Car les Sainéts meſines aucunefois en neceſſir
té ont branflé, varié, & vacillé : L'homme ne
fçait cọmine il a la foy foible, iufques à tant
due la tentation eſt aducnuë. Et l'vn des di
feiples, André frere de Symon pierre luy dit.
Est puer vrus hic,qui habet quinquepanes hordea
* * * * - ceos & duos pistes fed hæcquid funt intertantos?ll
* * y a icy vn petit enfant qui a cinq pains d’orge,
- & deux poiſſons: mais qu'eſt-ce de cela pour
... tant de gens, comme diſant: noſtre pecurie eſt
petite,la multitude cſt grande, & la nuićt nous
pretle, nous auons peu de pains , nous fom
. . . . . . mesicy en vn lieu defeit & ſterile: nous fom
*
* - mes loing des villes pour recouurer des vian
des, Ogens de petitefoy, craignez vous que
oeſte multitude meure de faim en la preſence
3 t. . de
-
------
|

, , d e c a R s s M e. 375
de celuy qui donne viande à toute chair? Ce
luy de la cuifine,duquelles oyſeaux du ciel,les
poiſſons de la mer, les animaux terrestres font
nourris, ſubstantez, & alimentez,d'autant plus
nourrira-il les creatures raiſonnables qui au
ront foy & fiance en luy. Que fainćt André
fans eſtre prié, toutefois il a preſenté les pains,
comme preſt de les offrir & bailler, cela de
monſtrevne treſgrande charité,laquelle accuſe
& reprend noſtre tenacité & chicheté. Voylà
les Apostres qui portoyent des pains pour leur
viure neceſſàire, ils eſtoyent prests de le com
muniquer à la troupe famelique. Er autre rai
fon ou excuſe ne peuuent dire ou alleguer les
Apoſtres, finon qu'ils doutent qu’ils ne pour
ront fournir ne fatisfaire à tous. Mais les ri
ches & chiches mondains, vieux auaricieux &
idolatres de leurs threfors, tant s'en faut qu'ils
donnent les choſes necestaires, qu'ils ne don
nent pas les chofes fuperflues, & qu’ils ont par
trop grãde abondance:ils ayment mieux que la
vermine & les poux mấgent leur bled,que files
pauures le mangeoyent.Maisle temps viendra,
&plustoſt qu'ils ne penſent, en deſpit de leur
barbe,& leurs dents, que les pauures mangerőt
leurbled, & les vers mangeront leurs puantes
charongnes. Et pource tel exemple Apoſto
lique eſt bien rare, bien clair femé, & qu’on ne --- - --

voit pas fouuent entre nous autres Chreſtiens.


Item nostre Euangeliste nous demonstre qu'ils
auoyent peu de pains , & leſquels estoyent
Aa 4
376 I I I I. : D I M E N C H E
d'orge : ceļa nous demonſtre l'auſterité de lă
vie des diſciples, & que peu ils eſtoyent fol
liciteux pour le corps qui doit mourir : mais
grandemqnt ſoigneux pour l'ame qui toufiours
vit. Ce que manifeſtement blaſme & con
damne noſtre gourmandife & voracité, deſ
quels dieu est le ventre , & qui cerchons les
viảndes deligates & friandes, pour nourrir la
sharongnsslaquelle vniour fera fi puantesor
de & fallq , que les vers n’en daigneront man
Admiration, geri i Hey quelqu’vn pourra tarnber en admira
e pour1": tian de la foy fant foible aux Apoſtres, & leur
* demãder,ne pouuez-vous pas bien rememorer
cdmiņg Dieu de rien a fait toutes chofes, ou
pour le moins reduire en memoire commentil
anourry yos peres quarante ans aux deferts, du
pain qu'il leur enuoyợit & donnoit du ciel,
fans labçur ne trauajk? Celily qui a peu tant de
centaines de milliers par fi long temps nourrir
aux deferts, il eſt puillant multiplier les pains
& poiflons, pour rallafier ceſte tourbe. Car,
Afanus Domini non estabbreuiata,la puiſſance de
Dieu n'eſt urgarétir ce peu
ple du peril de la faim, & fa vertu n’eſt point
affoiblie pour ſecourir & ſubuenir, Cestuy est
Luc.24.
le Fils du Pere fouuerain, fapience & vertu de
| Dieu,puiſſant en æuure & en parole:celuy qui
s. Reg.17. iadisa nourry Helie par le res le tor
rent de Carits:celuy qui a multiplié la farine &
l'huile de la vefue par le cómandement & par
role d'Helielceluy qui par Heliſee a tellement
- 2 11 Or
a .*, aug
- · D e c A R E s M. E. 377
augmenté l'huile entre les mains de la vefue,
u'ilaremply tous les vaiſſeaux portez & pre
par fes enfans: pourquoy doncques par
deffiance dites vous,Sed hæc quid ſunt inter tätas?
mais qu’eſt-ce là pour tãt de gési vous qui auſſi
auez eſté preſent aux nopces, quand d'eau pu
re,il en fift de treſbon vin.Mais Ieſus Chriſt qui
a cogneu & veu l'imperfećtion defes diſciples,
ayant compaſſion de leur infirmité & foibleſſe
de coeur, leur a dit:Facite homines difcumbere:fai
ćtes affeoir ces hommes, à fin que toutes cho
fes foyent faićteshonnestement & felon ordre.
Carles chofes qui font telles, font ordonnees
de Dieu. Confiderons icy comment Ieſus Rºm. 's
Chriſt puiſſamment parle & d'auctorité. Il
n'auoit encores veu les pàins, & ia il comman
de que les hommes s'affeent, comme fitou
tes choſes estoyent preſtes:Comme vrayement
elles eſtoyent. Car vers Dieu en tout temps
toutes choſes à nous neceffaires font preſtes
& appareillees. Notamment il commande que
les hommes foyét affis.Gar en la table de Dieu
les animaux ne doyuent eſtre affis. Animalis "“”“
enim homo nan percipit ea quæ fant Dei. Car l'hő
me animal n'apperçoit point les chofes qui
font de Dieu. Ceux font hommes qui viuent
non felon la concupiſcence mais felon faifon.
Item qui ne cerchent point feulement la viani
de du corps,
l'ame. Erat autem fænum multum in loco: Ory
auoit-il beaucoup d'herbe en ce lieu. S. Marc *****
···· ; Aa $ 1
378 . . . t t i 1. d 1 M E N c îi e
dit qu'ils s’afſirét fur l'herbe verde.Distubuerất
'ergo viri quaſ quinque millia : les hommes donc
s'allirent enuiron cinq mille, & pource qu’à
Paſques a eſté faićt ceſte refećtion du peuple,
combien que les Apoſtres auoyentia franche:
ment confeffé qu'il eſtoit impoſſible aux puiſ
fances humaines nourrir vn fi grand peuple:
toutefois Dieu commandant, ils ne contredi
fent ou réſiſtent point: Comme de dire, que
eſt-il de beſoing de s'affeoir,veu qu'il n'y a rien
pour mettre au deuant ? Car ce que nous a
ilons, à grande peine nous pourra-il ſuffire &
fournir. Donc apprenons icy de ne dernãder ny
| * ' diſputer au commandement de Diett: pour
| | | quoy ila commandé cecy ou cela:mais ſimple
ment & rondement obeyr aux parolles, pro
meſſes & commandemens de Dieu & defon
, !
Eglife. Item nous apprenọns icy vne ſimple &
ronde cőfiance du peuple obeystant à la parol
le des Apoſtres, combien qu'ils ne voyent au
cun appreſt ou ergo Iestuspanes.
*
Et Ieſus print les pains en nombre de cinq,
qui furent preſentez par les Apoſtres entre les
fainétes & venerables mains de Ieſus Chriſt,
pour les multiplier, qui en apres les deuoit
conſacrer en fon vray corps. Non fans cau
fe nostre Seigneur a prins les pains entre fes
maius: Autrement, & fans cela comment tant
peu de pains euffent-ils peu raffafier fi grand
nombre d’hommes, finon que Ieſus Chriſt les
cult prinsentre fes mains? Par cela il nous en
feigne
D e c A R e s Mrs. 379
feigne que files pains que nous auons, fönt en
petit nombre que nous les mettons en la main
de noſtre Seigneur: Ce que lors est fait, quand
nous croyons & fions en fes fainctes & diui
nes promeſſes. Et noſtre Seigneur beneistra
lespains & admirablement les multiplierarcar
noſtre Seigneur est fidelle, qui obſerue fa pro
meſſe, pourueu que tu la reçoyues en foy & Pron, 1o.
fiance: ce que difoit Salomon. Et Ieſus print
les pains & les rompit : Et cum gratias egiffet,
apres qu'il eu rendu graces,il les diſtribua aux ' ' *
diſciples, & les diſciples à ceux qui eſtoyent -
aſſis, & femblablement des poiſſons tant que
ils en vouloyent. Il a rendu graces à Dieu le racet.i. ,,
pere, en la nature humaine, en laquelle il e- . . . . .
ftoit moindre que le peres qui en la deité eſt , , , .
vnauec le pere createur, aucteur & diſtribu- “ ” ”,
teur de tous biens & graces. Il rend graces à ,, " ,

Dieu, duquel tout don eſt tresbon, & duquel


tout don est parfaićt: Il a prins le pain enren
dant graces pour le fanćtifier. Parlầil nousin
fruit de neprendre la viande, iufques à tant
que nous ayons rendu graces à celuy qui don
ne viáde à toute chair,& qui aperit manii fitā, &
implet omne animal benedictione, įouure fa main,
& remplit tout animal de benedićtion. Les E
uangelistes tefmoignent que Ieſus Chriſt icy a
fait trois choſes: Afçauoir il a regardé au ciel, Ieſus ChriH
•t i . - 1 . . ---- «
-

il a beniſt les pains, & les a rompus.Premiere- regarde an


ment il a regardé au ciełpour'nous enfeigner ei, speur
que nousdeuốsleuer les yeux de noſtre ame quoy.
« * * * ClCl3
38o: I I.P Iv D I M E N C H E

ciel, dont ayde & fecours nous vient. Secon


dement il nousia auffi demonſtré en cela , en
regardant au ciel, que ce miracle a eſté faićt
par vertu diuine, & non en Beelzebub prince
des diables. Tiercement il a beniſt les pains: il
eſt croyable & conuenable qu'en ceſte bene
diction du pain, il ayt proferé quelques pa
rolles, que s'eſtudians à bref
ueté n'ont pas exprimé : ou bien qu'il les a
r. Tim. 4.
proferé ſecretement. Car comme dićt fainét
Paul : Omnis creatura Dei baha est, toute creatu
re de Dieu est bonne par la benedićtion de
Dieu, donnée au commencement: mais elle
Il est necef'ti a cité corrompue & vicieelparpeché : & pour
eeste cauſe, il est neceſſaire de fanctifier & be
fandifer les niſtre les choſes corporelles par la parolle de
*/ cºrpº: Dieu, par oraiſon, & par le ſacré ſigne de la
fainćte croix,lequel fe faićt au nom du Pere &
pourquoy. du Fils & du fainćt Eſprit. Carnous deuons

commencer & faire toutes nosoeuures au nom


& vertude la fainéte Trinité: & par le figne de
la croix nous auons perpetuelle memoire du
grand benefice de fa trefdigne & ſacree mort
& paſſion. Telle benedićtion fe faićt, à fin que
tous empeſchemens dommågeables & diabo
liques foyent dechaffez: & que telles chofes
corporelles,ainfi benistes,foyent faićtes & ren
- dues ſaluraires à ceux quiles receurőt. Et pour
, ... è ce il eſt dit,qu'il a beniſt les pains & les arom
, , pus.En la benedićtion,illes a multipliez:Bene
: dicit,vt ſua benedictione multiplicentur , comme
- 2 - dit
" D' E, AC A R E S M. E. r 381
dit Euſebius Emiffenua, expoſant cest Euangile)
& en la fraćtion illes a preparez pour les man
ger.Nous lifons que noſtre Seigneur trois fois sei
à benist & rompule pain. Premierament en la
refećtió de la troupe,en la mótaigne.2. En l'in- e
ftitution du fainćt Sacrement.3. Au logis auec le pain.
fes diſciples.En la multiplication despains il a
demonſtré les abódantes richeſſes de fa grace
& bonté : En la feconde, fa vertu & puiſſance
reluit:En la troifieſme l'illuminatió de fa veri
té diuine eſt
puiſſance manifeſtee.Voyla
& verité de Dieu. Il alabeneiſt,
mifericorde,
nous ze t': n'a
enfeignant par quel moyen les pains ont eſté
multipliez : A fçauoir par la benedićtion de ri:/ „slap.
Dieu. Car le pain de fa nature ne peut nour- roue e be
rir,ſubstanterou alimenter fans la parolle, la- ”” “
quelle procede dela bouche de Dieu. Pource ..
aucunesfois Dieu retire fa parolle & benedi * , , , , , , ,,
ction, & ofte aủ pain la vertu de nourrir.Com- *-

me il eſt eſcrit:Comedetisé nõfaturabimini,vous tenitas,


mangerez & ne ferez pas faoulez. Il commãde
aux diſciples de diſtribuer le pain, à fin qu'on
ne peuſt ſoupçốner ou doubter d'aucune frau
de, fi par luy-meſme il euft eſté distribué. Ce
qu’il a faićt pour plus grande confirmation de
noſtrefoy.Ceſte multiplication n’a pas eſté fai
éte par maniere de creation, mais par addition
de matiere eſtrange, conuertie en pains. Par
quoy diſt S. Auguſtin en l'homelie du iour
d’huy, qui de paucis granis multiplicat fegetes,ipſe
in manibus fuis multiplicauit quinquepanes: celuy
/
* qui
381 1-1 I I. D I M E NC H E

multiplie de peu de grains les bleds, iceluy


meſme entre fes mains a multiplié les cinq
- ". » v ve
- „v“ * ***
pains. Mais par quel moyen : entre les mains
„ , „v“ ’ “ ” de Ieſus Chriſt & des Apostres, qui le distri
2* .
buoyent, entre les mains de ceux qui le man
. ***
geoyent,toufiours ce pain miraculeufement ſe
multiplioit.Vt autem impletifunt & faturati, A
pres qu'ils furent raffafiez. Ce banquet a raſſa
fié cinq mille hommes:Mais la recordation d'i
celuy nourrit & les corps & les ames de tous
ceux qui entendent rememorer & prefcher ce
fainct diuin & celeste miracle. Et en le reme
morant lefusChrist eſt nourry en nos conuiues
& banquets.Et fi tu demande quelle choſe ont
beu ces hommes-cy, eſtoit-ce vn banquet de
Limofin,où il n'y auoit point de vin ? le te re
A

fponds que Ieſus Chriſt a auſſi donné à ceſte


Argumës des
viande vertu de faire ce que le breuuage a ac
heretiques couſtumé de faire & operer.Et fi les ſacramen
/acrimentai taires veullent argumenter contre la verité du
3"ff,
ainćt Sacrement,diſans:comme il eſt poſſible
que le corps de Ieſus Christ tant de fois & de
tant de perſonnes foit mangé en pluſieurs &
Reff, owce.
tant diuers lieux,fans diminution de fon corps?
Reſponce tiree des anciens peres,qui ont bien
preueu ceſte obiećtion (comme S.Athanafe au
liure de blaſphemia inff fanffă.S.Aug.2 fermo.de
verbis Apostali,& S.Cyrille, Alex.lib. 4. in Ioan.
cap. 22.& li.12.cap.32. & Beda venerabilisin ca.
1o.epist.4.ad Corint.& deuất tous eux, S.André
en fa vie eſcrite par les Diacres de Achaïe, i
luy
d e e A R E s M. E. 383
luy qui de cinq pains & de deux poiſſons a peu
raſlafier cinq mille hommes,& a peu faire qu'il
en eſt demeuré de reſte douze corbeilles plei
nes de reliefs, & quia peu multiplier la farine 3. Rez rz.
& l'huile de la femme vefue de Sarreptaiceluy
meſme peut nourrir fon Eglife & fes enfans de
fon precieux corps,ſans aucune diminution de
foy. Comme le foleil dés la creation du mon- similitade.
ne n'eſt point diminué pour la communication
de ſa lumiere:Ainſi eſt-il de la fcience du mai
ftre,laquelle n’est point diminuce pour la com
muniquer à ſes diſciples:Ainfi Dieu a prins l'e
fprit de Moyſe,& l’a inſpiré à ſeptãte deux hő- }

mes, qui ont prophetifé : lequel Moyſe n'a eu *""·" |


rien moins en foy-meſime de l'eſprit de Dieu.
Semblablement le corps de Ieſus Christ,depuis
le temps de la Cene a eſté, eſt & fera au ſacre
ment par tout le monde,iuſques au iour du iu
gement, pour nourrir fon Eglife, & fes enfans
fans aucune diminution de fon corps, lequel ,
demeure entier, & n’eſt point conſommé ny
diminué, combien qu'il ſoit reueremment &
veritablement mangé des fidelles au fainćt Sa
crement de l’Autel, comme diſoit S. André au Aã.o.
Preuoft Ægeas, qui le vouloit cốtraindre de fa
crifier aux idoles: ainſi qu'il est recité en fa vie,
eſcrite par les Preſtres & Diacres d'Achaye.
Et tout ainfi comme Ieſus Chriſt eſtant
- / A (* « . -
au ciel, "*******”
5 videbis ita
| -

il a parlé à fainét Paul en la terre : ainfile corps


de Ieſus Chriſt eſt au ciel viſiblement, & fi eft
en la terre ſacramentellement. Et comme au
1Olli:
384 I I I I. . D I M E N c H E
iour de la Pentecoſte le fainćt Eſprit en diuer
fes langues s'apparut aux Apoſtres, & toute
fois ce n'eſtoit qu’vn meſme eſprit: Ainfile
- - . : corps de Ieſus Chriſt est contenu fousleseſpe
ces du pain en pluſieurs & diuers lieux:&tou
tefois par vertu diuine & puiſſance infinie, ce
( n'est toufiours qu’vn meſme corps. Et comme
e ma parolle eſt en pluſieurs oreilles, & pource
la ne me laiſſe point:Ainſi le corpsdeleſus
Chriſteſt au ciel, & en pluſieurs lieux au facre:
ment,ſans abandonner le ciel. Et cőme le ſoleil.
ne laiſſe point fon ciel,cốbien qu'il luiſe enplu
fieurs lieux: ainfieſt-il du corps de Ieſus Christ
au ſacremét.Le corpsde Ieſus Christ peut eſtre
en vn lieu en trois manieres. Voy au liure des
Sacremés, fus l'article du ſacremết de l'Eucha
riſtie.Et apres qu'ils furent raffafiez,nostre Sei
gneur dit à ſes diſciples,Colligite questperauerit
fragmenta nepereant,amaſſez les reliefs qui font
demeurez, à fin que rien ne foit perdu. Ila
plus donné qu’ils n’auoyent de befoin;à finque
Noffre sei- le miracle fuſt plus notoire. Ainſi nostre Sei-
zdõne plus que gneur plein de & mifericorde, nous
z * * - - -

dóne plus á nous n'auốs de befoin. 1.A fin que


a. besti», es plus nous foyons enfläbez en l'amour & loian
pourquoy, ge de Dieu. 2. A fin que nous puiſſions exercer .
Ieſus Christ charité en noſtre prochain:il cốmande d'amaſ.
ferlesreliefs qui font de reste, à fin qu’ő nepć
meſe les re- fast que le miracle fuſt vn fantofme:c'eſtà dire
- tief, G pour- * - |- -

quoy., vne apparếce fans exiſtence.3.Pour nous enſei


gner que nous n'abuſions pas des dős de Dieu,
-|
s. &
~
D E c A R E s M. E. 385.
& į nelaistiốs rien perdre ce qui peuft ſeruir à
l'vfage & charité de nos prochains. Car le pain,
est faićt pour l'vfage de l'hốme:&lors les reliefs
despainsfont perdus,quãdon ne les employeà
I'vfage des hommes.Et pource on ne doit point
ietter aux chiens ny aux pourceaux ce qui de
meure de reſte: ains il doit eſtre diſtribué à Ie
fus Christ en fes mébres.Cőme dit Dauid: Di- Pſal.ita.
felft,deditpauperibus. Il a diſtribué & dốné aux
pauures nő point à vilainespaillardés, nőpoint
aux plaifanteurs,quidifent mots pour faire rire;
pour auoir la repue franche, non point aux a
teurs,flagorneurs, papelarts, nő point aux infa
mes meneſtriers,ny à ceux qui cốrrefont les bő
nes geſtes & honorables cőtenances:non point
aux ioüeurs de farces & de comedics, Car tout
cela n'eſt autre chofe que, vanitas vanitată, Et
collegerunt & impleuerunt duodecim cophinosfag
mentorữ.Adőcils les amafferết,& réplirentdou
ze corbeilles de reliefs des cinq pains d'orge,
qui estoyết demeurez à ceux qui en auoyết mã
gé: A fçauoir,vn chacun Apoſtre auoit ſon co
phin. Cőſiderons l'admirable vertu de Dieu,&
fa puistance,pour cốfirmernostre foy. En apres
voyons icy la recompenſe, de liberalité. Les
Apoſtresliberallement ont cőmuniqué au peu
plecinq pains,& maintenát ils ont receu douze
corbeillés, felőle nombre des douze Apostres, Le bië qu'on
Ainſi l'aumoſne toufiours croiſt:Car tát plus tų döne aux pau
dónes,tãt plus tu reçois, Quãddőcles hommes ures multi
virent le ſigne que Ieſus auoit faićt,difoyết: plie.
. . . . -* B
386 . D1M EN cHE -

Hic est verè propheta,qui venturus est in mundum.


Cestuy-cy veritablement eſt le prophete, qui
doit venir au monde, lequela eſté predićt pour
venir illuminer par ſa lumiere & grace , enfei
gner par fa faihčte doćtrine, & fauuer par fa
cruelle paſſion le mõde.Par là nous ſommes in
ftruićts á nous deuốs louër & magnifier noſtre
Oraiſon.
Dieu,à l'exemple de ce peuple.Prions dốcques
noſtre Dieu, q tout ainſi qu'il a raflaſié ce peu
ple corporellemết:Ainfiluy plaiſe nous raffafier
de fa fainćtegrace, de fa fainéte
parolle, de fon precieux corps,tellemét ő par la
digne receptió de fes fainćts ſacremés,no? puiſ
fiốs obtenir en ce Éfent ſiecle l'amour & faueur
de noſtre bő Dieu & pere fauueur, & qu’ế l’au
tre mõde nous puiſſiós paruenirà l'immortalité
đe gloire,pour eternellemếtle glorifierauecfon
Pere, & le S.Eſprit,au royaume celeſte.Amen.
L E D IM E N C H E D E .
L A P A S S I O N. -, .

Fi V i s ex vobis arguet me de peccato?


{| Si veritatem dico vobis, quare non cre
É%| ditis mihi ? Ioan. 8. - le trouue le dire
- S - |- · , -

RS ä] du Potte Comique eſtre tres-veri


table, Veritas odium parit. La verité engendre
haine : de forte que celuy qui la porte eſt mal
venu & mal traićté: il encourt la haine de ceux
aufquels il dit la verité. S’il eſt question de fai
* revn difcours par les fainćtes eſcritures, nous
trouuerons que les Prophetes & ceux qui ont
prefché
D E L A P A S S I O N. 287
la verité, ainfi comme ils en auoyent
a charge, qu'ils ont encouru la haine de ceux :
aufquels ils ont porté la parolle. Cornme nous
auons d'Helie,3. Reg. 17. portant la veri
té au Roy Achab & à la Royne Iezabel, a en
couru leur inimitié. Et pour leur auoir dit la
verité,ils ont cerché à le faire mourir. Au mef
meliure chap.22. nous lifons que Ioſaphat roy
d'Iſraël s'eſtant ioinćt auec Achab pour me
contre les Syriens voulutfçauoir le
confeil de Dieu & euenement de la guerre par
le Prophete Michee , qui eſtoit feul demeuré
Prophete de Dieu. Mais Achab ne s'en vouloit
point croire à Michee: quoniam ego eum odi (di
foit-il) Prophetat enim mihi femper malum & nä
quam bonum. Ie ne le veux point veoir : parce
qu'il ne me dit iamais qu’il m'aduiendra bien,
mais toufiours me predit quelque mal. Les
autres Prophetes auoyent dit qu'il auroit la
vićtoire in Ramots: mais Michee leur diſt le
contraire. Et pource les faux prophetes qui lo
quebanturplacentia,eſtoyent les bien venus. Au
contraire le Prophete Michee pource qu'il
diſoit la verité eſtoit venu & mal voulu à la
court, & pourchaſſoit on à le faire mourir.
C’eſt vne choſe ordinaire que les iuftes ont
toufiours eſté perfecutez pour auoir dit la ve
rité. Nous auons vn autre exemple au fecond
liure de Paralipomenon chap. 16. du Prophe
te Hanani qui parloir au Roy Aza en ces ter
mes : Quia fiduciam habuistiin Syriæ & nõ in
Y 2.
388 D I M E N C H E

domino Deo tuo, idcirco euafit exercitus regis Syrie


de manu tua. Parce que tu as fait accord & al
liance auec le Roy de Syrie te fiant à luy & nő
pas à Dieu : à ceſte cauſe Dieu te delaiffera, &
ceux qui t’ont promis alliance, te tromperont.
Et pource qu'il diſoit la verité, il a eſté mis en
prifon. Et en Hiere. 38. il eſt dit là, que le Pro
rediſt au Roy Sedechias que
a ville de feroit prinſe par les Af
fyriens,pour autant que les habitás ne fe vou
loyent pas retourner vers noſtre Dieu. Quelle
recompenfe eut il pour auoir dit au Roy la ve
rité? il fut mis par le commandement du Roy
in lacu in quo nõ erat aqua/ed lutum. Et toutefois
ce qu'il leur auoit predit, leur aduint. Autant
en auons nous li.i.Paralipomenon,cap.34.S’il eſt
queſtion de parler du nouueau Teſtament, re
|
|
gardez ce qui eſt dit de S. Iean Baptiſte: pour
|
|
auoir dit la verité à Herode,il y a laiſſé la teſte.
! Et à Ieſus Chriſt meſmes qu’est il aduenu ? ila
i
eſté mis à mort pour auoir prefché la verité. Et
les Apostres n’en ont pas eu moins, ny leurs
ſucceſſeurs. La recompenſe ordinaire des pre
dicateurs de verité, c'eſt malueüilláce,les tour
|
mens, la priſon & la mort à la fin. C’eſt ce qui
nous eſt monſtré en noſtre Euangile du iour
d’huy,efcrite en S.Iean 8.là où noftre Seigneur
remonſtre aux Iuifs pluſieurs choſes:
les la premiere eſt, pour quelle occafion cer
chez vous par tous moyens à me faire mourir?
N'eſt ce pas pour auoir dit la verité? Car il n'y
a que
- D E LA P A s s I o N. 39I
a que reprendre en ma vie ny en ma doćtrine:
- Ä ex vobisarguet me de peccato?Lequel eſt-ce
d'entre vous qui pourra monſtrer en moy vn .
crime digne de mort? Ainſi comme ce n'est pas
affez de dire: Ie fuis innocent, & ny a aucun
crime en moy,mais il le faut monstrer & prou
uer.Aufſi n'eſt ce pas affez d'estre accuſé (alio
qui, quis effet immunis à crimine? ) mais il faut
eſtre conuaincu:autrement on eſtaccuſé à tort.
Il me fouuient à ce propos d'vne hiſtoire enre
gistree au 12. chap. du premier liure des Roys:
où Samuel,apresauoir conſacré le Roy tant de- -

firé, dist à tout le peuple qui eſtoit aſſemblé.


Ecceprestofum: Loquimini de me coram Domino
& coram Christo eius, vtrum bouem cuiuſquam tu- :
lerim aut afinum fî quempiam calumniatus fum, ft
opprefi aliquế,&c.Ie vous que s'il y a quel
qu’vn d'entre vous qui ſe plaigne de moy en
quelque forte que ce foit & qui puiſſe móſtrer
que ie fois coulpable de qúelque crime & mal
uerſatió en mapreſente,que
ques à l'heure charge depuisenpreſence
ma ieuneſſe,
deiuf
vo- z

ftre Roy il m'accuſe,ie luy donne congé. Autất


en diſoit S. Paul. Act. 2o. aux plus anciens de
l'Egliſe d'Epheſe. Vos stitis à prima die qua in
grefflu/am in Astam, qualiter vobistum per omne
tếpus fuerim,& c.quomodo nihil ſubtraxerim vobis
vtiliū,quominus annuntiarem vobis, &c. Quapro
pter cõtestorvos hodierna die quia müdufam à fan
guine omniữ.Certainement cela eſtoit vn grand
teſmoignage de leur innºs Mais beau
Bb 3
39o D I M E N C H E

coup plus grand & plus aſſeuré est le teſmoi


gnage de l'innocence de noſtre Sauueur que
non pas de Samuel ou de S. Paul. Car le peu
d’Iſrael n'eſtoit pas ennemy de Samuel,ny
es anciens d'Ephefe estoyent ennemis de S.
Paul qui les faifoit iuges en fa cauſe. Mais no
ftre Seigneur difant: Quis ex vobis arguet me de
peccato?appelle à teſmoings ſes ennemis iurez,
& préd pour iuges de fa cauſe ceux qui auoyết
conſpiré fa mort. Leſquels ont cerché tous les
moyens du monde pour le conuaincre digne
de mort. Et toutefois en fin a eſté declaré &
trouué innocent de tous fcs iuges & parties.
Premieremét fon iuge Pilate le declare tel, di
fant: Nullam inuenio caufàm mortis in es. Iudas
pareillement,diſant: Peccaui tradensfànguinem
iustum.Ses ennemis meſmes l'ont declaré inno
cent,ainfi comme recite Ioſepheli.18. Antiquit.
Homo(fifas est ita loqui) quem crucifixerunt, inno
cens erat. Et bien l'eſprit des hommes pourroit
bien eſtre abuſé,& abuſer:mais l'eſprit de Dieu
ne trompe point. Et pourtant oyez qu’en dit
le Prophete Efaye chap. 53. In quo dolus non est:
Il ny a eu eu luy aucune fraude ny en la bou
che ny en l'interieur. Et pourtantà bon droit
Joan. 3.
& vrayemeut il dit aux Îuifs au commence
ment de l'Euangile du iourd’huy: Quis ex vobis
arguet me de peccato?Nostre Seigneur voyant la
pertinacité & obſtination des Scribes & Pha
rifiens, & que leurs coeurs du tout eſtoyent
endurcis & inueterez en malice & infidelité,
ik
d e L A P A s s 1 o N. 39ť
il les reprend en leur monſtrant leur aueugle
ment. Et pour ce faire noſtre Seigneur obſerue
la condition requife deuant qu'aucun puiſſe
reprendre vn autre : C'eſt à fçauoir , qu’il ne
doit point eſtre coulpable de ce qui veut re
prendre en autruy. Parquoy noſtre Seigneur
premierement leur dit : qui fera celuy d'entre
vous qui me reprendra iuſtement de peché:
foit petit ou grand, mortel ou veniel, originel
Oll Car premierement ma doćtrine
eft veritable & irreprehenſible , laquelle ne
peut par aucun eſtre confutee. En apres ma
vie eſt irreprehenſible, &laquelle on ne fçau
roit reprocher. Carie ne puis eſtre conuain
cu d'aucun peché. I'enſeigne veritablement,
ie vis fainctement. Ce que i'cnfeigne de pa
rolle,ie le fais d'oeuure & de faićt. Car premie
remết qu'il n’aye point contraćté peché,la dei
té du pere,& l'integrité de la mere amplement
le teſmoignent & depoſent. Eternellement il
a vnpere:mais il eſt Dieu,auquel ne peut tom
ber offenfe. Temporellement il a vne mere:
mais elle eſt vierge entiere & fans macule, &
n'a peu incorruption engendrer corruption.
Dauantage il eſt vray Dieu, de Dieu le pere,
lumiere procedante de la lumiere eternelle,
fans admixtion d'aucunes tenebres. Ceſte pa
rolle nous doit fouuerainement conſoler. Car
voicy vne admirable excellence, & finguliere
prerogatiue, qui eſt en Ieſus Christ nostre Sei
gneur & Sauueur. Carnul e (de fa
- 4
392. D I M E N C H E

propre vertu(ne peut dire, lequel d'entre vous


me reprédra de peché, excepté noſtre Sauueur.
Car comme dit le grand oracle de fapience , le
Prouerb.2°. fage Salomon en Prouerbes: Quis potest di
cere, mundum est cor meum? Qui eſt-ce qui dira
mon coeur eſt pur,ie fuis net de peché:Comme
difant,nul des hommes:Car comme tefmoigne
P/al. 13.
fon pere Dauid: Omnes declinauerūtſimulinuti
lesfaċti funt,non est qui faciat bonā, vſque ad vni:
| : ils ont tous decliné,& fontenſemble faićts inu
- tiles. Il n'est perſonne qui face bien:il n'en y
3.Iºan.I. a qu’vn, aflauoir Ieſus Chriſt.Et S.Iean:Si dici
- mus, quia peccatum non habemus, nos ipſos feduci
mus,& veritas in nobis non est.Si nous diſons que
nous n’auós point de peché,nous nous deceuős
nous-meſmes , & verité n’eſt point en nous.
Mais de ceſte generalité de laquelle declinent
tous par peché, le feul Ieſus Chriſt de fa propre
2 vertu en eft exempt, franc & quitte. En apres
nous ſommes icy enſeignez à l’exemple de Ie
fus Chriſt, quelle doit eſtre la vie des Chre
ftiens: A fçauoir irreprehenfible, fans blafme
- & fans reproche. Il eſt vray que nous ne pou
uons estre fans peché : car les reliefs de peché
auſſi maintenant demeurent en nous,& incon
tinent repullulent & reiettent leurs furgeons
en nous. Mais nous deuons viure deuant le
monde fans crime,c'eſt à dire, fans blafme,ac
cuſation ou reproche: & pource diſoit fainćt
Paul:Fornicatio & omnis immunditia,aut auaritia
- "eenomineturin vobis ſicut decet fančios,crc. Eph.
, * . * . T. V MU C
D E L A P A S S I O N. 393
3. Que paillardife & toute fouilleure ou auari
ce ne foit point nõmee entre vous, ainſi qu'il
appartient aux Sainćts, ou chofe vilaine , ou
parolle folle, ou plaifanterie, qui font chofes
que ne feruent de rien : mais pluſtoſt que ce
foit aćtion de graces. S’enfuit en l'Euangile:Si \
veritatem dico vobis,quare non creditis mihi? Si ie
vous dis la verité , pourquoy ne me croyez
vous ? Comme difant, c’eſt chofe dure & rude *
d'auoir le diable pour pere,
eſtre trompé, de- :

ceu,& abuſé par Pourquoy ne me


croyez-vous, qui vous dis la verité, & vous
promets l'adoption des enfans de Dieu ? yous
ne pouuez estre deliurez de menfonge, finon
par verité : vous ne pouuez eſtre deliurez du
ioug & dure feruitude du diable, finon par le
fils de Dieu : La verité gratuitement vous eſt
reſentee, & vous la Ie me dis eſtre
e fils de Dieu : ce que i'ay approuué, & mon
ftré estre vray. Si ie vous dis la verité, pour
quoy ne me croyez-vous? Qui ex Deo est, verba
Dei audit : lequel paſſage eſt doćtement expo
fé parfainét Augustin auliure de vera innocen
tia, & traći.4.2.in Ioan. Qui eſt de Dieu, il oit Ouyr la pa
les parolles de Dieu des oreilles corporelles rolle, quoy.
& fenfuelles, auechumilité & reuerence, des
oreilles interieures & ſpirituelles, auec plai
fir & confentement, des oreilles d'obeiſſance
auecques oeuure & accompliſſement d'icelle.
Car, verba Dei audire, est obedirepreceptis illius
qui perfcripturas loquitur, cmome dit S. Cyrille
v.
5
394 . . . D I M E N C H E : -

cap.7.lib.6 in Ioanně.Ouyr les parolles de Dieu,


c'eſt obeyr aux cőmandemés de celuy qui parle
par les eſcritures.Et beati qui audiunt verbiž Dei,
& custodiunt illud. Bien-heureux font ceux qui
ainfi oyent la parolle de Dieu, & la gardét. Car
Ioan. 3.
comme dit S.Iean: Amicus ſponſ?qui audit cum,
gaudio gaudet,&c. L'amy de l'eſpoux oyt la voix
de l'eſpoux,& fe refiouyt. Ainfi l'eſpouſe : Vow
Cantic.2. tua fonat in auribus meis. Ta voix à mes
Pfal.11r.
oreilles.Et Dauid dit: Quàm dulciafaucibus meis
eloquia tua,/ per melori meo.Quetes paroles ont
eſté faićtes douces en mon palais, & plus que
|| miel en ma bouche.I'ay eſcouté tes parolles en
mon coeur. Et en vn autre lieu : La loy de ta
bouche m’est meilleure que mille pieces d'or
& d'argent.Proptereanonauditis quia ex Deo non
estis. Et pourtant vous ne les oyez point: Car
vous n'eſtes point de Dieu. Voylà vne treſ-du
re & horrible fentence, laquelle cốdamne non
feulement les Iuifs ; mais auſſi pluſieurs Chre
ftiens.Si ceux-là ne font de Dieu,qui n’oyent la
parolle de Dieu,qui est celuy qui ne voye bien
Matth.2o.
que, Multi vocati pauci eletti. Cőbien que plu
fieurs foyent appellez, toutefoisil y en a bien
peu d'efleus. Doncques qu’vn chacun de nous
voye ſa conſcience,cómentil eſtaffećtionné en
la parolle de Dieu, à l'ouyr, honorer,retenir, &
obeyr, & parlà il verra s'il eſt de Dieu ou non.
Les Iuifs dóc reſpondirent & luy dirent:Nónne
benedicimus nos quia Samaritanuses,& demonium
habes?Ne diſons-nous pas bien que tu es Sama
- ritain,
d e L A P A s s 1 o N. 395
ritain,& que tu as le diable? Les Iuifs appellent Isºlaif at
Ieſus Chriſt Samaritain. Premierement pour
ce qu’il auoit demeuré quelque temps auec les .
Samaritains. Secondement à cauſe que aucu- pourquoy.
nefois il preferoit & plus eſtimoit les Samari- Ioan.*.
tains que les Juifs, comme en la parole de ce
luy qui deſcendoit de Hieruſalem en Hierico. Luc.ro. ,
Tiercement pource qu'il eltoit tranſgreſſeur
de la loy, comme les Samaritains, qui de natiő
eſtoyent Gentils: mais par conuerſation demis
Iuifs.Car ils auoyent receu les liures de Moyſe,
& eſtoyenț circoncis.Or les Iuifs fçauoyết que
Ieſus de nation eſtoit Iuif, mais pour meſpris,
ils l'appelloyent Samaritain:c'eſtà dire,en par
tie obſeruateur de en partie tranſgreſ
feur. Ils difent auſſi qu'il a le diable,en l'accu
fant fauffemét, & difant que fes æuures,cốme
autrefois ils ont faićk, estoyent faićtes en Beel
zebub Prince des diables. Ou pource que fou
uent il manifeſtoit les ſecrets de leurs coeurs:
ce qu’ils penfoyết estre du diable.Et par ce ſeul
mot, ils calomnient la doćtrine , & vie de Ieſus
Chriſt.Premierement la doćtrine, quandils di
fent qu'il a le diable:& fa vie, quand ils difent
qu’il eſt Samaritain, & tranſgreſſeur de la loy.
Par là nous eſt fignifié que la vie & doćtrine
des gens de bien eſt touflours ouuerte aux ca
lomnies & fauffes accuſatiốs des meſchãs.Car
comme dit noſtre Seigneur: Si patremfamilias
Beelzebub vocauerät,quantomagis domesticos eius?
S'ils ont appellé le pere de famille Beelzebub,
COIIA
396 - * :D I M E N C H E

Hek.za.combien plus fes domeſtiques#Pource: Recogi


ta eum qui talem fustinuit à peccatoribus aduerfum
femetipſam contradittionem, vt non defatigeris ani
mo tuo deficiens. Confidere diligemment quelle
contradićtion le fils de Dieu a fouffert des pe
cheurs,à fin que tu ne defailles en tő courage,
fi chofe femblable aucunefois t'aduient. lefus
reſpondit: Demonium non habeo. Ie n'ay pas le
diable. Tu vois icy comment S. Pierre verita
blement a dit de noſtre Seigneur: Qui cùm ma
r. Pet. 2.
lediceretur nõ maledicebat. Lequel quand on di
foit mal de luy, il ne redifoit point mal. Il ne
nie point qu'il ne foit Samaritain. Car felon la
fpirituelle fignification, il eſt vray Samaritain: |
c'eſt à dire, qu'il prend garde à nous, comme
pf.l.,,,. noſtre gardien:Custodit enim omnes diligentes fè. '
Pſal. ras. Car il garde tous ceux qu'il ayme: & garde les
ames de fes Sainçts.Nist dominus,crc. Si noſtre
Seigneur ne garde la cité, en vain veille celuy
qui la garde. Et pource il ne reſpond point au
crime de vie qu'on luy met au deuant : pour
nous enfeigner que à fon exemple il ne faut
pas beaucoup trauailler à deffendre l'innocếce
de noſtre vie des calomnies & fauſſes allega
tions: à fin que nefoyons point veus plus con
uoiteux & amateurs de vaine gloire, que def
fendeurs d’innocence & de verité. Mais noſtre
Seigneur reſpond à l'accuſation & faux blaf
me de fa doćtrine. Car par tous moyens il faut
* affirmer & garder à la doćtrine fon authorité
& verité. Car cela n'est point referé à noſtre
* gloi
D E L A - P A S S I O N, 397
gloire : ains à la grace de Dieu. Icy nous fom
mes enfeignez que nous deuonsvenger & def
fendre auecques grande diligence les chofes
qui appartiennent a l'hốneur & gloire de Dieu:
mais les reproches qui font faićts à l'encontre
de nous, nous lesdeuons mefpriſer.C’est ce que
dit S.Hieroſme contra Vigilantium, meam iniu
riam ferre poffum:Dei, nonpoffum.Autant en dit
il aduerfus errores Ioannis Hieroſolymitani. Et S.
Auguſtin episto. 32.Si æquo animo ferimusiniurias,
Dei, equo animo non fumus ferendi. Mais le mon
de faict le contraire de ceste doctrine.Surquoy, „...„.
nous faut
res. noter qu'ililaatroismanieres
Premierement d'iniu-
des hommes qui pa- se

tiemment ſouffrent les iniures pour l'honneur


& amour de Ieſus Christ:defquelles ils ne veu
lent point prendre vengeance, combien qu'ils :
ayent la puiſſance : ains de bon eoeur pardon- " " "
nent les iniures à leurs perſecuteurs : & tels
font les enfans de Dieu. Secondement les au
tres font qui ne veulent offenfer, ny eſtre of
fenfez: & tels font enfans de Adam, Tierce
ment les autres font qui font iniure & offenfe
à leurs prochains, en rendant mal pour bien:
& tels font les enfans & membres du diable
& de l’Antechrift, Doncques qu’vn chacun en
tre au cabinet de fa cóſcience, pour fçauoir &
cognoistre defquels trois il eſt enfant & mem
bre. Ie te confeille patiemment endurer pour
l'honneur de Dieu: & finablemét tu feras poſ
festeur des cieux. Donc noſtre Seigneur dit:
3, De
398 D I M E N C H E

Demonium nő habeo fed honorificopatrem. Ie n’ay i


point le diable: maisie honore mon pere:com- :
me vray & pur homme que ie fuis. Vos autem
inhonorastis me.Et vous me faićtes deshonneur.
Par là il preuue qu'il n'a point le diable: pour
ce qu'en tout & par tout il cerche la gloire de
Dieu. Or auoir le diable & honorer Dieu
|
font deux choſes contraires. Car le diable ne i
peut honorer Dieu, & autre chofe ne luy em
peſche à falut. Mais vous me faićtes deshon-
neur.Ces deux mots ont vne grande emphaſe:
à fçauoir vous & moy. Car ils fignifient plus
qu'ils ne dient:vous me faićtes deshonneur,di
fans que i'ay le diable. O execrable & abomi
nable blaſpheme,& iniure pleine de contume
lie & d'infamie, dire & approprier au fils de
Staff heme en Dieu qui eſt la puistance & ſapience diuine,
? Ltuas le diable! Et puis que nous fommes fur
ie plus grief,
e pourquoy. le propos du peché de blaſpheme, ie vous ad
uertiray que c'eſt vn peché entre les autres le
plus abominable des abominables, pour plu
fieurs raiſons. La premiere à caufe de l'incli
nation. C’eſt vne maxime en theologie : le pe
ché eſt moindre, lequel a plus grande inclina
tion à le commettre : auſſi le peché eſt plus
grand,lequel a moindre inclination à le com
mettre en vne meſme eſpecc de peché. Com
me moins peche le jeune que le vieux au pe
ché de luxure. Car il eſt plus incliné à ce Pe
ché, veu fa complexion qui eſt chaude & ħu
mide. Et le vieųx eſt d'vne complexion feiche
-

&
D E L A P A S S I O N. 399
& froide: pource plus griefuement en cela pe
che le vieux que le ieune. Or tout peché a
quelque motif à le commettre, excepté le pe
ché de blaſpheme. Orgueil eſt le motif qui in
cite l'homme en habits pompeux: Auarice au
plaifit d'auoir des biens fếporels:Delećtation à
luxure:Gloutónie à gourmander & yurongner.
Maisie te demande,ổ blaſphemateur,qu'est-ce
qui t'eſmeut à blaſphemer le precieux chefde
leſus Chriſt? Lequel pour toya eſté couronné
d'eſpines aigues & penetrātes ſon chefrufques
au cerueau. Regarde les groffes gouttes de
fon rouge ſang, entremeflees auec les larmes
qui diſtillent de fes deux yeux, comme de deux
fontaines, & decoullent parfon triſte & do
lent vifage. O maudiét, miferable, mal-heu
reux, & damnable ! C’est pour toy couronner
d'vne couronne de gloire immortelle. Et ponr
toute gratuité & recompenfe, tu blaſpheme &
iure la teſte Dieu , laquelle il a inclinee en bas
our te baifer. Et en deſpit de Dieu , tu iure
| teſte Dieu. Penfe & repenſe que fera ce que
de toy, qui iure la chair Dieu , laquelle pour
toy a esté defchiree, defchiquetee, hachee me
nu comme chair à pasté : liee, flagellee,pour te
deflier desliens de peché,des lacs de fathan, &
des priſons d'enfer, & pour toute recompenfe
tu iure la chair Dieu ? Et toy qui iure le fang
Dieu,propoſe deuất les yeux de toname, com
me ton bon Pere & Sauueur par le pris de fon
fang,fi amplement eſpanché,qu'il ne luy en eft
pas
4OO D I M E N C H E

pas demeuré vne goutte , t'a racheté. Et toy


qui iure la mort Dieu, conſidere, ô damnable
blaſphemateur, que ton Dieu eſt Sauueur, &
que par le merite de fa trestacree & digne
mort, il t’a acqueſté falut, & la vie eternelle,&
par ton execrable blaſpheme tu renonce au
merite & efficace de fa precieuſe mort: tu def
auouë le threfor de ſa Paſſion, tu t'oblige à
eché, au diable, à damnation, aux prifons in
flammes du feu d'enferinextingui
bles, pour à toustours eſtre damné au profond
lac d’enfer,auec les mốſtres diaboliques, fouf
frant l'horrible vifion d'iceux, endurant peine
qui toufiours dure , tourment. qui toufiours
tourmente, bleſſure qui toufiours bleſſe. Etie
te prie par le merite & threfor celeſte que Ie
fus Christ par fa tres-cruelle mort nous a ac
queſté,de laiſſer & abandonner ce tant execra
ble, damnable, & abominable peché de blaf
pheme. Et là où tu auois accouſtumé de iurer,
pariurer, & blaſphemer, employe toy mainte
nãt recompenfe à louër, magnifier, glori
fier le treſlainćt nom de Dieu,vaquer en aćtion
& exhibition de grace enuers Dieu,recognoiſ
fant les grands biens, leſquels de fa grace gra
cieuſement & gratuitement il t’a fait. Penfe
doncques que ce peché entre les autres, à rai
fon d'inclination, eſt le plus grief. Car tu dois
eſtre plus incliné à le louër & magnifier, que
le iurer & blaſphemer. Parquoy à bon droićt
fe plaint l'eſprit de Dieu par fon Prophete
- ; Eſaie;
D E L A P A RS S I O N. 4OI
Efaie: Visto Efaiefilij Amos: Audite celi,auribus E/*.x
percipeterra, quoniam Dominus locutus est, Filios
enutriui & exaltaui: ipst autem ſpreuerunt me. Co
gnouit bospoffefforem fuū, & afinuspreſepe Domini
fui,Iffael autem me nõ cognouit.La vifion d'Eſaie
fils d'Amos. Eſcoutez cieux, & toy terre, pre
fte l'oreille. Carl'Eternel a parlé. I'ay nourry
des enfans, & les ay efleué : mais iceux m’ont
eſté rebelles. Le boeufa cogneu fon poſleffeur,
& l'afne la creſche de fon maiſtre: mais mon
peuple ne m'a pas cogneu,Iſrael ne m'a pas en
tếdu.Hagent pechereſſe, aggraué d'ini
quité,mauuaife femence,enfans corrompus.Ils
ont delaiſſé le Seigneur, ils ont prouoqué le . . .
Sainćł d’Iſrael,ils fe font retirez en arriere.Ce
luy qui te pouuoit faire vne pierre, vn bois, vn
oyſeau.vnpoiſſon,vn boeuf.vn ſerpent,crapaur
· ou dragon: toutefois il t'a creé à fon image &
femblance. Il t’a racheté par le pris de fon pre
cieux & digne fang, & non par choſes corru-
ptibles. Il te veut faire citoyen du pays & pa
radis celeſte, pour eternellement demeurer &
regner auec luy. Le tout confideré, ne dois
tupas plus eſtre incliné à le magnifier, remer
cier, que non à le defauoüer, & blaſphemer?
Et par cela vous voyez bien pour la premiere
raiſon, à fçauoir d'inclination, que le peché le
plus grief des griefs, est le peché de blaſphe
me, par lequel tu vitupere les membres de Ie
fus Chriſt, par leſquels il a voulu parfaire ta
redemption. La feconde raiſon eſt prinſe à
Cc
4o2 D I M E N C H E

caufe de la perpetuelle duree du peché de bla


fpheme. Car le peché eſt d'autát plus grief.cő |

me il eſt de plus longue duree. Comme austi il


appert des vertus. Charité eſt la plus grande
vertu pource qu’elle eſt de perpetuelle duree,
veu que les autres vertus defaudront. Ainſi eſt
il des pechez. Car d'autant plus que l'homme
perfeuere en peché,d'autant plus eſt griefue &
chargee fa conſcience. Veu donc que le peché
de blaſpheme dure en ce preſent fiecle, & eſt
de fa nature irremiſſible, ce que ne font les au
tres pechez, à raiſon de ceſte plus longue du
ree,c'eſt vn peché de tous pechez le plus grief.
Arºral.rº.Tefmoignant fainét Iean en fon Apocalypſe.
Blasphemauerunt Deum cali pre doloribus & vul
neribus fuis. Ils ont blaſphemé le Dieu du
ciel, à cauſe de leurs douleurs & playes. Et
tout ainfi q les bienheureux apres leiugement
P/al.z* o.
louëront Dieu d'vne loüange vocale: comme
dit Dauid:Exultationes Dei ingutture eorum:Les
ioyes de Dieu ferőt en leur bouche. Ainſi aux
damnez fera blaſpheme vocal & perpetuel à
leur bouche, qui continuellement maudiront
l'heure en laquelle ils ont eſté conceus:la nuićt
ou le iour en laquelle ou auquel ils ont eſté
nais & baptifez : & la vie qu'ils ont demené,
quãdpar leurs demeritesils feront destituez de
toutes ioyes,plaifances, à perpetuité : & plon
gez & abyfmez au puant & acre feu infernal,
dans lequel cótinuellement ils blaſphemeront
la puistànce de Dieu & vertu diuine. Dont
- pource
D E L A : P A S S I O N. 403.
pource que ce peché est de plus longue duree
que les autres,par confequent, il eſt aụſli plus
grief: pource qu’il ſurmonte pluſieurs autres:
pechez enormes, & mcfme le peché d'homi-- |

cide.Car d'autant plus que Ieſus Chriſtett plụs Blastheme


noble que
commis l'homme,
contre d'autant
fa majeſté plus leeftpéché
fouucraine plus :
S’
grief que celuy qui eſt commis contre l'hom- J«

me. Le meurtrier fanguinaire eſpanche le fang:


de l'homme: mais le pecheur parfon blaſphe
me eſpanche le fang de Ieſus Chriſt.Donc ſon
peché eſt plus grief que celuy du meurtriçr.,
D’auantage le peché de blaſphcmc furmonte,
le peché des Iuifs, qui ont cloué & crucifié Ie-blaſpheme
fus Christ au fupplice de la croix, & pour plu-ſarrente tº
fieurs raiſons,

:: :
-

-
- * -- -- - - -

*
* a *
-
-:
-
: : ::
'uifs qui one
Premierementpour raiſon de cognoillance:
Car les luifs n’ont point cogneų feſus Chriſt s pourquy.
eſtrevray Dieu,comme teſmoigne tajnçt Paul:
Si cognouiffent,nunquam dominū gloriæ crucifixif-y-Cºr-2.
fent:S’ils l'euffent cogneu, iamais ils n’eustent . . . . .
crucifié le Seigneur de gloire : Scio, fratres,quia:. Ait.s.
* - - - - - -

er ignorantiam feciiiis. le fçay mcs fretes, dit


fainct Pierre, que vous l’auez faict par ignorá
ce. Mais celuy qui blaſpheme Dicu, il fçait . . . . .
qu’il eſt Dieu, & partant il peche plus griefue ·
ment.Secondemét le peché du blaſphemateur
eft plus grief que des juifs qui ont crucifié le- , .
fus Chriſt, à raiſon de la foy & promeste que le . . ..
Chreſtien a faićt au bapreſime:à fçauoir,qu'il a
renőcé à Sathã, & à toutes fes ceuures & pom
Cc 2 .
( 404 D I M E N C H E

pes, & qu'il a promis d'obſeruer les fainéts cő


mandemens de Dieu: entre leſquels il eſt pro
hibé de ne iurer ou blaſphemer. Ce que n'a pas
i faićt le Iuif.. Doncques le peché du blaſphe
- mateur eſt plus grief que celuy du Iuif, qui a
crucifié Ieſus Chriſt. Tiercement à raiſon du
lus grand & noble eſtat:car d'autant plus que
perſonne eſt de plus noble condition , d'au
le peché commis contre luy eſt plus
rief: comme d'vn foufflet donné en la ioüe
d'vn Roy,& d’vn mechanique, ou à vn Eueſ
que, & à vn fimple prestre.Mais l'estat de Ieſus
Christ regnant au ciel, eſt plus grand que celuy
qui regne en la terre.Les fuifs ont vituperé vn
homme mortel en ce fiecle: mais de blaſphe
mateur vitupere celuy qui eſt immortel aux
cieux: parquoy fon peché est plus grief que
celuy du Iuif, pour les raiſons cy deſſus alle
guees. On dit communément , à la parole on
cognoist l'homme de quel pays il est: comme
Matth.**. il eſt eſcrit de fainét Pierre: Loquela tua mani-
festumtefacit.Austiil n'y anul peché par lequel
on puiſſe plus clairement cognoistre que l'hom
me est damné, que par le peché de blaſpheme:
Nostre car mostre Seigneura faićt trois prouinces : &
% en chacune d'icellesily a mis yn langage pro
Gff » pre, à fauoirla celeſte, terreſtre, &
terrestre, e infernalle. Le langage de la prouince celeſte
infernale est de parler paroles de Dieu, de loüange &
gloire de Dieu, de paix & edification de beni
ftre, loüer, & glorifier Dieu : com
II) C
D E LA P As si on. 4of
me dit le pſalmiſte Dauid: Beati qui habitantin Pfalu,
domo tua domine:in fecula/ecularum laudabunt te.
Bien-heureux font ceux qui habitét en ta mai
fon, carils te louëront au fiecle des fiecles. Le
de la prouince & pays terreſtre eſt de
arler des choſes corporelles, temporelles, &
terreſtres,ſelon que tefmoigne le teſmoingir
refragable Ieſus Chriſt , auquel on ne peut
contredire: qui de terra est, deterraloquitur, qui . . .
, est de la terre, il parle de la terre. Le langage "***
du pays infernaleſt de maudire, iurer,pariurer,
v, & blaſphemer le nom de Dieu, & fes precieux
membres, les Sainćts & Sainćtes de paradis.
Doncques vn chacun facilement peut eſtre
cogneu de quel pays il eſt:celuy doncques qui
parle parole de paix, d'edification & de loüan
ge de Dieu, c'eſt vn argument & certification
qu'il eſt de la partie de Ieſus Chriſt, & de fon
pays & paradis celeſte. Et qui parle paroles
terriennes , mondaines, & prophanes, c'eſt vn
indice & figne qu'il eſt de la partie des enfans
de ce vieil Adam terrestre, & que le monde
luy appartient, & non pas le ciel, & qu'il eſt
affis & couché en ce monde comme vn chien
en fon fumier: celuy qui parle paroles de men
fonge, de maledićtion, de detraction, & blaf- .
pheme, c'eſt vn indice & argument qu'il eſt
de la prouince infernalle , & de la partie du
diable; car comme fon fils & fon membre,il
parle le propre langage du diable.Les blaſphe
mateurs ne doiuent pas estre r : en teſmoi
- s 3
* . . .
* - 4d6 . . . d 1 M E N c H e
gnage:car pour vn rien ils iurent, pariurent, &
blaſphement le nom de Dieu & des Sainćts.
unition de Les blaſphemateurs felon la loy de Dieu font
Abla/phema -
fessrs. lapidez,cornme il est eſcrit au Leuitique:Quãd
-

leui.24. le fils de la femme eut blaſphemé le nom du


Seigneur,il fut lapidé par le peuple: là où il eſt
dit: Dominus locutus est ad Moyſem dicens, Educ
blaſphemum extra cafira, & ponant omnes qui au
dierunt manus fias/iper caput eiu:ë lapidet eum
populus vniuerstu. Le à Moyſe,
difant: tire hors de l'oſt le blaſphemateur, &
tous ceux qui l'ont ouy, mettent leurs mains
fur ſon chef, & que toute la congregation le
lapide: & qsi blaff hemauerit nomen domini,morte
moriatur: Qui aura blaſphemé le nom de Dieu
mourra de mort. Sennacherib Roy des Affy
riens apres auoir astiegé Hieruſalem, s’efleua
en fon orgueil, & blaſphema le nom du Sci
gneur, & la nuict enfuyuante l'Ange frappa de
fes genfd'armes centoćtante cinq mille hom
fnes , & luy de grand peur & frayeur fuyant,
fut occis défes propres fils. Olophernes quand
il blaſphemoit le nom de Dieu, difant, qu'il
n'y auoit point d'autre Dieu que Nabuchodo
Fudith ry.
nofor, il fut mis à mort par la bonne & ver
s. Reg. Ir
tueuſe dáme Iudith. Nabot par faux tefinoings
Daniel.3. accuſé de blaſpheme, fust lapidé. Nabucho
2. Mach. 1s. donofor par blaſpheme , fut dechaffé de fon
Royaume. Nichanor blaſphemateur, fut oc
cis, & ſon armee vaincuë. Les Iuifs pour le
peché de blaſphemë defchiroyent leurs veste
e mens
. . d e 1. A p a s s r o N. 407
més, & bouchoyét leursoreilles pour n'ouyr le
blaſpheme. Les faincts Peres auoyent ordonné
que celuy qui blaſphemeroit le nom de Dieu
& de la Vierge Marie, feroit puny publique
iment l'eſpace de ſept femaines, & en cha
cune femaine le védredy & famedy,ieufneroit
au pain & à l'eau : & aux iours des Dimenches
demeureroit droićt deuant la porte de l'Egliſe,
fans robbe & chauſſure, & fans chemiſe, &
pieds nuds »vne corde au colsen priất ceux qui
entroyent en l'Eglife, qui leur pleuſt preſenter
oraiſons à Dieu, pour la & pardon
de fes pechez: & le peuple le conſoloit & ex
hortoit à prendre patience, & que noſtre Sei-'
gneur luy feroit miſericorde. A la mienne vo
lonté que les peres confeſſeurs donnaſſenttel
lepenitéce à ces vieux blaſphemateurs du nom
de Dieu, & de fes precieux membres, & leur
commandaffent de ieufner au pain & à l’eau:
parce moyen ceste rage enragee & furieinfer
malle, c'eſtà fçauoir, l'eſprit du blaſpheme fe
roit aiſément dechaſſé du milieu de nous, &
banny iuſques aux dernieres ifles. Il n'y a cité,
ville,ou village bien reiglé,qui ne doyue auoir
conſtitutiốs,edičts, commandemens & ordon
nances contre les blaſphemateurs. Sion diſoit
maintenant quelque mald'vn Prince ou grand
Seigneur, aigrenient & rigoureuſement on fe
roit puny. Et le Dieu des dieux, le Seigneur
des feigneurs, le Roy des toys, le Monarque •
du ciel, l'Empereur de la terre,le Dieu des ver
- Cc |4
408 ... . D 1 M E N C H E -

tus est griefuement blaſphemé,& vous n'en te:


nez compte. C’eſt à vous à qui ie parle, meſ
fieurs les Princes & Seigneurs temporels, offi
ciers de Iustice, qui auez l'aućtorité de iuger,
gouuerner, & commander: vous voyez à yeux
ouuerts, vous oyez de vos oreilles les execra
bles blaſphemes , que les puants & infames
blaſphemateursiournellemết proferent contre
Îa fouueraine bonté,& vous fermez les yeux &
faićtes l'oreille fourde. Vous en maudirez vne
fois l'heure & le iour: car vous en rédrez com
pte deuant l'equitable iuge, auquel on ne peut
rien cacher. Et toy pere de famille, qui endure
que ton fils ou ta fille, feruiteur ou chambriere
iurent le nom de Dieu en ta prefence, corrige
& empeſche telle infoléce & diſſolutiốn'estre
faićte en tá maiſon cốtre l'hőneur de ton Dieu
pien a feiâ & pere fauueur. Maisie vous demande pour
- plenºir dº quoy est-ce que ce grand Dieu de Sabaoth, le
ciel guerre, f); e, , , 1, :l1-- É - : -

peste, er fa- Dieu des du ciel fus la


amine. terre,les trois fleaux de ſa iustice diuine:A fça *

-uoir guerre, laquelle fi longuement nous a op


preſſé: La peſte, laquelle nous a vifiré,encores
n’en ſommes nous pas exempts & quittes: La
- cherté qui nous a affailly, & la famine laquelle
de fi presnous menaffe ? Croy moy, Chreſtien
monamy,ố Dieu nousenuoyetels fleaux prin
cipallement pour le peché de blaſpheme:cóme
Dieu meſme ſe plainót parfon Prophete Eſaie:
F/** & Vegentipeccatrici, populo graui iniquitate,femini
nequam filijsfČeleratis Maledićtion à la gent pe
chereſſe,
D E L A P A s s 1 o N. 409
chereſſe, peuple aggraué d'iniquité, mauuaife
femence,enfans corrőpus,ils ont delaiſſé le Sei
, gneur, ils ont blaſphemé le Dieu d'Iſraël. I'ay
grand peur & grand doute , mes amis & freres
Chrestiếs, que ce grãd tőnerre & fureur de l'ire
de Dieu ne tőbe fur nos teſtes, ſi nous ne venős
à amendemét. Et pource vn chacun refrene fa .
langue,& que tous ſemblablement d'vn coeur
& d’vne bouche nous donnions benedićtion
d'honneur,de loüange & de gloire à Dieu, qui
eſt beneiſt par les fiecles des fiecles eternel
lement. C'eſtaffez parlé de blaſpheme:retour
nons au texte de noſtre S. Euangile. I’honore
mőpere,& vousme faites deshonneur Gloriam
meã non quero.Est qui quærat & iudicet.Ie ne cer
che point ma gloire, il y a qui la cerche,& qui
en iuge. En ceste maniere le bon Chrestien ne
doit point cercher ſa gloire:cars'il ne la cerche
point,la gloire ne luy deffaudra point : comme
il eſtefcrit: Quicunque honorificauit meglorificabo ****
eum. Celuy quí me glorifie en ce monde, ie le
glorifieray aux cieux. Par là nous fommesin
ftruićts que fi Dieu qui eſt la gloire de fes amis
& fideles feruiteurs les glorifiera , il n'est pas
de beſoing qu'ils foyent folliciteux de
dreou acquerir gloire. Et fi Dieu venge les in
1 iures de fes
fe végét enfans,il n'estCar
de foy-meſmes pasDieu
de beſoing qu'ils Zach. e.
a dit: Quivos
tangit,tangit pupillam oculi mei: qui vous touche,
il touche la prunelle de mon ceil. Et en fainét -

Matthieu: Quod vni ex minimis


i Cc í
meis fecištis mihi Matt*.**.
41a . . D1 M E NcHÈ . ..
fëçiftis, . Ce que vous auez faićt à l'vn de mės
moindres, vous l'auez faićt à moy. Amen amen
dico zobis, Si quis fermonem meum feruauerit,& c.
En verité, en verité ie vous dis , il repete
Pour plus grande certitude & alleurance, que
fi aucun garde ma parolle par foy vers Dieu,
...„..., & par charité vers fon prochain , il ne verra
point la mort eternellement. Comme le fi
fidele. delle medecin, combien qu'il foit iniurié par
le patient, toutefois il ne ceſſe de bailler &
mettre les remedes de fanté. Ainſi noſtre Sei
gneur Ieſus Chriſt n'eſt point efmeu ny trou
blé parles iniures atroces des Iuifs : ains per
feuere à ce qu'il auoit encommencé:Siquis fer
monem meum feruauerit, nongustabit mortem in
sternum. Si aucun garde ma parolle,il ne verra
Piff
tre mourir 69'
point la mort eternellement. C'est autre chofe
* * * -

voir la mort. de mourir,& voir la mort. Les fainćts meurent


auflifelon le fens exterieur: mais ils ne voyent
- , pas la mort. Car leur mort veritablement eft
vn fomne, & vn dormir: mais ceux voyent la
mort, qui font damnez: car ils font priuez de
la parolle de vie. Voicy vn lieu notable pour la
conſolation de ceux, deuant les yeux deſquels
la mort eſt propoſee. Car fi parlafoy ils preſen
tent à la mort parolle de Dieu, qui eſt la pa
rolle de vie eternelle, incontinent la mort s'ef.
uanoüyra, & ne fera point veuč. Icy nous de
uons auſlinoter, que Ieſus Christ ne dit pas: Si
quelqu'vn oit ma parolle, mais il dit, fi aucun
garde ma parolle. Carce n'eſt pas affez d'ouyi,
11121S
\ d E LA P A s s r o N. 4Ir
maisil faut faire comme dit ſainćł Paul: Non Rºm.a.
a auditores legis, ſed factores iustificabuntur: non
point les auditeurs de la loy » mais les faćteurs
de la loy feront iustifiez. Comme icy, non pas
celuy qui oit , mais celuy qui garde les parol
les de Ieſus Chriſt eſt deliuré de la mort. La
quelle parolle de Ieſus Chriſt eſt gardee par
foy & par ceuure : Dixeruntergo & Iudai : nunc
cognouimus quiademonium hahes.Les Iuifs donc
ques luy dirent : maintenant nous cognoiſſons
que tu. as le diable. Icy l'eſcriture fainćte clai Triple more
rement nous demonſtre qu'il y a trois manieres diffemblable.
de morts,leſquelles font bien dillemblables &
diuerfes l’vne à l'autre. ll y a la mort du corps
a qui eſt vne diſſolution ou deſliement de l'ame
de la priſon du corps, & celle mort ne doit
point tant eſtre appellee mort, comme dor
mition, paſlage & migration de ceſte vie, ou
depofition du fardeau du corps. Et pource
qu'elle eſt commune à tous & ineuitable, on
ne la doit point redouter mais pluftoft la defi
rer. Comme le S. Roy Dauid qui difoit : Heu P/al. 119.
mihi quia incolatus meus prolongatusest,Helas que
ma peregrination est prológee. Et fainćt Paul: Philip,r.
Cupio diffolui & effe cum Christo. Ie defire eſtre
deſlié,& eſtre auec Ieſus Chriſt. Il y a vne autre
mort de l'ame,qui est la ſeparation d'icelle par
faute commife cốtre Dieu en ceſte vie. Anima Ezec.rs.
? speccauerit ipſa morietur. L'ame qui pechera,
ellemourra. Et la troifieſme par la gehenne du
feu infernal apres le commún cổurs de ceſte
. Pre
I

412 - . D1 M E N c h e -

preſente vie. Ceſte mort doit eſtre grande


ment craincte: & de ceste mort parle Ieſus
Christ quandil dit,Si aucun garde ma parolle,
il ne verra point la mort eternellement. Donc
ques ce que les Iuifs repliquent, ne vient pas à
propos ; quand ils difent : Abraham mortuus est
& Prophete. Abraham eſt mort, & les Prophe
tes. Certainement ils font morts de la mort la
quelle ſepare l'ame du corps. Ils ne font pas
morts de celle mort laquelle ſepare l'ame de
Dieu ou de fa gloire.Pource difoyết-ils, Abra
ham eſt mort & les Prophetes. Et tu dicis,Si quis
fermonem meum feruauerit non gustabit mortemin
eternă. Nữquid tumaiores parenostro Abraham,
qui mortuu est, & propheta mortuifunt? Qugteip
fumfacis?Et tu dis,ſi aucun garde ma parole, il
negouſtera point la mort eternellement. Estu
plus grand que noſtre pere Abraham qui est
mort, & que les Prophetes qui font morts:
Quel te faistu toy-meſine? Ieſus reſpond: Si
ego glorifico meipſam gloria mea nihilest. Est pater
meus qui glorificat me.Siie me glorifie moy-meſ.
me,magloire n’est rien.C’est mon pere qui me
glorifie,lequel vous dites qu'il eſt voſtre Dieu,
& ne l'auez point cogneu,mais moyie l'ayco
gneu. Etfi dixero quia non noui eŭ,erofimilisvobü
mendax,&c. & fiie difois que iene l'ay point
cogneu, ie ferois menteur femblable à vous:
Mais iele cognois & garde fa parole. Abraham
voſtre pere exultauit vt videret diem meum, &c.
s’eſt e pour veoir moniour , il l'a veu,
&

;
- D E LA P AS s I o N. 4 I3
& s'eſt efiouy. En ceſte fentence nous faut no
terpluſieurs
en qu'Abraham a veu lePremierement
manieres. iour de Ieſus quand
Chriſt Abraham
le

ilareceu la promeſſe du Meſfias aduenir. Car


par ceſte Abraham a veu fon iour, &ă
s'en eſt efiouy:carila rit en fon coeur, & a esté.
remply de la ioye de l'eſprit. Secondementil a
veu le iour de nostre Seigneur, quand Iſaac -
luy eſt nay, Caril a eſté le loyer de la longue
attente,tefmoignage du vray Dieu, commen
cement de la poſterité, fondement du genre
humain, argument de falut, femence du Meſ
fias aduenir. Et pourtant à bon droict Iſaac a
prins fon nom du ris. Tiercement il aveu le
iour de Ieſus Christ,quand en figure de la fou- ºººººr.
ueraine Trinité, il a receu trois Anges en ſon
logis,aufquels troisil a parlé comme à vn. Par
là il a veu que l’vne des trois perſonnes de la
Trinité par aſſumption de chair feroit la deli
urance de nature humaine. Quartemét il a veu
le iour de Ieſus Chriſt, quand il menoit fon .
fils Iſaacen la montaigne pour l'immoler. Carº“
comme Iſaac a porté le bois, ainſi Ieſus Christ
a porté ſa croix : & comme Iſaac eſt demeuré
vif& le moutő a esté immolé:ainſi Ieſus Chriſt
comme Dieu a esté exempt de la paſſion, mais
a fouffert en feule humaine nature & en chair.
Abraham vidit diem meum & gauista est:Abra- . .
ham preuoyant ce iour de il s’eſt ef
iouy, pource que ceſte paſſion feroit pour le
falut du monde. Donc nostre Seigneur par
« , . 1TC

|
414 D I M E N C H E -

fte parolle leur demonſtre qu'ils ne font pas


vrais enfans d’Abraham. Car de ce qu'Abrahã
s'efiouyſſoit,de ce les Iuifs eſtoyent marris-in
* cenſez & hors du fens. Les Iuifs doncques luy
dirent, Annos quinquaginta nondum habes & A
braham vidisti ? tu n’as encores cinquante ans
& tu as veu Abraham ? Iefus Chriſt dit que
Abraham a veu fon iour, & ils repetent, tu as
veu Abraham: comme difans., fi Abraham a
veu ton iour, vous eſtes d'vn meſme temps,
& vous auez veu l'vn l'autre. Ce qui eſt mani
festementfaux, car tu n’as pas encores cinquã
te ans.Ieſus leur dit:Amen Amen dico vobis, an
tequam Abrahã fieret egofum.En verité en verité
ie vous dis:deuant qu'Abraham fuſt faićt, c'eſt
à dire creé quant à l'ame, ou engendré quãt-au
corps, ie fuis en nature diuine eternellement.
Il ne dit pasauant qu'Abraham fuſt faićt si’e
ftois,ou i’ay eſté, ouie feray;maisil dit, ie fuis.
Les choſes corruptibles ont commencement
de leur naiſtre,& finablement apres l'eſpace de
leur temps,ils tendent à l'iſſue. Maisla diuini
té eſt toufiours en vn meſme estat, de laquelle
rien ne-court ou decoulle en tempspaſſé,& rien
n'aduient en remps aduenir : & pource il ap
pofe la domination par la prefence de fa feu
le parole de toufiours eſtre : comme il diſoit à
Exod.s. Moyſe: Ego fam qui film : & qui est , miſit me.Ie
fuisqui fuis,& celuy qui est, m’enuoye à vous.
En apres,pource qu'Abraham eſt creature, il eft
dit le fils de Dieu n'est point dit
. :: eſtre
e DE-
LA -
P A s s I o N. �, 415
eſtre fait: mais estre eternellement. Et pař ce
fte parolle manifeſtement il monſtre contre les *, * - rw
Arriens qu'il eſt Dieu. Tulerunt ergo lapideszt
iacerent in eum. Ils prindrent des pierres pour . . .
Mesthäs pro
ietter contre luy. Les meſchans toufiours pro fitent de mal
fitent de mal en pis. Premierement ils l'ont e72 46 •

appellé demoniacle. Secondement par grand


meſpris ils fe font mocquez de luy : & mainte
nant, comme s'il eſtoit blaſphemateur, ils ont
leué des pierres pour le lapider. Conuenable
ment ils couroyent aux pierres , ayans leurs
coeurs plus durs que pierres:& celuy lequel ils
ne peuuent vaincre par raifon,ils ſe parforcent
de le mettre à mort par grande violence. Telle
eſt la nature des meſchans, & ſpecialement des
heretiques, comme remonstre fainct Athanafe
en vn traicté contra Arianos, (leſquels le mena
çoyent d'auoirfon Eglite par , s'ils he
la vouloit quitter, & le faire mourir s'ils ne l'a
uoyent par calomnies & impoſtures) & fainćt
Baſile epist.8 o. deſcriuant le naturel des hereti
ques par vn apologue du loup & de la brebis,
Hefus autem abstõdit fè. Et Ieſus ſe cacha & s'ab
fconça non derriere vn pillier ou derriere vne
muraille de pierre : mais par vertu diuine il . ***
s'eſt rendu aux Huifsimuiſible. Car le diamant
de diuinité, lequel eſtoit enchaſſé en l'huma
nité, l'a rendu ainſi inuiſible tellemết qu'on ne
le pouuoit voir:Et exiuit de templo,& fortit hors
du temple. Icy nostre Seigneur nous donne vn
memorable exemple que combien que nous
*** - , . puiſlions
416 -- D I M E N C H E -

Ènsiefiste , toutefois humblement nous


deuons fuir le courroux de nos aduerſaires.
similitudeda Car comme par la ſubſtraćtiố dubois le feu eſt
bei erdaft“ estainćt:austi par l'abſence de contre le
*** ** a

& -a:
quel aucun eſt enflãmé, il eſt pacifié, & le grãd
-'.
*
embrafemét d'ire & de cholere est mitigué &
appaiſé.Car nostre Seigneur veut & cốmãde,&
fa volonté,de rőpre & vaincre le coeur
de nos ennemis, par l'exhibition de benefices.
Ainſi le preſchoit ce grãdlegiſlateur Moyſe aux
Exod.23.
Rom. I2•
enfans d’Iſraël.Dốc Dieu veut q nous furmon
tions nos aduerſaires,non par cőtention,haine,
contumelie,ire, & perſecution:mais paramour,
douceur,debonnaireté,patiéce,humilité,& par
exhibitió de bốnes oeuures. Mais tu diras,Il eſt
indigne que ie luy face bien.Ie te reſpond que
Ieſus Chriſt veut que tu foyes digne peur faire
tel bien,& noſtre Seigneur est digne en faueur
duquel tu luy faces bien. Donc à l'exemple de
Ieſus Christ,c'est chofe plus glorieuſe de fuir le
courroux en ſe taifant, q le parlát.
prouerb.ro. Et cốme dit le Sage:Melior est patiens viroforti.
Voylà cốment les Scribes & perfecu
toyết la verité. Laifſons donc leurs entendemés
charnels,& prenốs de la parolle de Dieu celuy
Oraifon. de l'eſprit. Prions donc Ieſus Christ qu'il luy
plaife vouloir reformer entre nous & nos en
' nemis vne vraye paix & cốcorde, ofter de leurs
coeurs toutes haines & malueüillãces,faire ceſ
fer tous debats,proces,guerres & batailles,dif
fiper leurs mauuais conſeils qu'ils machinent à
* l’encon
D E S - R A M E A V X. 417
l’encontre de nous, & dechaffer toutes choſes
contraires à la tranquillité Chreſtienne, & que
11OUIS puiſſions viure en paix auec Dieu & nos
prochains, à fin que finablement nous puiſſiốs
paruenir au Royaume celeite. Amen. ***

DIMEN CHE DE » R A MEA vx:


I e v le createur voulant eſtre feruy
|& honoré par l'homme, il apreſcrit
|certaines ceremonies, & a ordonné
++%3äjcommeil vouloit que le feruiceluy
fuit faićt. Dauantage il apromis granderecom
pếſe à ceux qui gardentfesceremoniesicomme
nous auós d'Abrahã, lequel pour auoir gardé &
obferué les ceremonies, par leſquelles Dieu
vouloit estre feruy & honoré, a receu benedi
ćtiő & vne grãde promeſſe de Dieu,quãd illuy
dit en Gen:i1.chap, Benedică benedicentibus tibi,
er maledicămaledicentibustibi,faciamá teingen
tem magnā,ớbenedică tibi,ớ magnificabo nomen
tuum. In tebenedicentur vniuerfecognationesterre,
Et à fin que perſonne ne doute que telles be
nedićtions font promifes & donnees à Abra
ham, pource qu’il auoit bien feruy & honoré
Dieu par ceremonies, il nous faut confiderer
- corhine Dieu parle au chap.16.repetant ladićte
romeſſe à fon fils Iſaac: Erotecum,có tibi bene
dicăcomplens iuramentum quodfþopõdi Abraham
patrituo. Et multiplicabofemē tuāficut stellas cali,
dabo posteristuis vniuerſu regioneshas:Et benedi
- -
:
----
418 -- D I M E N C H E -

centur in femine tuo omnesgëtes terre, eo quod voci


mee obedierit Abraham,& custodierit precepta &
.mandata mea & caremonias leges4feruauerit. Et
:notons en paſlant que ces ceremonies n'eſtoyét
pas couchees par eſcrit. Orne fe faut il pas ef
merueiller fi Abraham & les autres anciens Pa
triarches ont ainſi feruy Dieu par ceremonies:
veu que c’eſt chofe trefcertaine & indubitable
que toute religion eſt entretenue par ceremo
nies. Et pour ceſte cauſe quãd Dieu a voulu que
la loyancienne baillee à Moyſe fust eſcrite, il
a voulu pareillement que les ceremonies fuf
fent eſcrites, leſquellesil vouloit eſtre gardees
en ſes ſacrifices. Et combien que par la mort &
paſſion de Ieſus Chriſt toutes ces ceremonies
de l'ancienne loy ayent eſté abrogees & abo
lies, ſi eſt-ce toutefois qu’elles n’ont pas eſté
tellement ancanties que par apres il n'y en aye
.plus eu. Mais ſeulement par la mort de noſtre
Seigneur les vieilles ont eſté changees en nou
Et fans en faire plus longue diſpute, ie
le monstre & declare apertement par vn ſeul
exemple, à cauſe debreueté, Lebapteſme eſt
vne ceremonie instituee de Ieſus Chriſt au lieu
de la Circonciſion abrogee & abolie, laquelle
asſtoit vne ceremonie de la loy ancienne. C’eſt
donc vne chofe manifeste que nous auons meſ
mes en la loy Euangelique des ceremonies in
«ſtituees par Ieſus Christ, defquelles les Apo
, ſtres meſmes ont esté obſeruateurs, comme il
est aiſé à voir tant par les Aćtes des Apoſtres
* f que
D Es : R A M E A v x. | 419.
que par les Epiſtres & Canons Apoſtoliques,
Parquoy les Huguenots font fort mal fondež
de reietter & contemner nos ceremonies, &
entre les autres la ceremonie des Rameaux,
obſeruee auec grande folennité par toute l'E
glife vniuerfelle, en recordation qu'à tel jour
qu’auiourd'huy noſtre Sauueur a fait fon en
tree en Hieruſalem,& a eſté recogneu Roy par
le peuple Iudaïque. Que s'il eſt ainſi que ce
peuple qui eſtoit charnelluya fait vn tel hon
neur d'aller au deuant de lily,& femer des ra
meaux par où il deuoit paſier,luy dőnant loüan
ge: qu’eſt-ce à plus forte raiſon que doit fairę
Chreſtiế, qui luy eſt beaucoup mieux
affećté ? Et s'il est ainſi que Ieſus Chriſt n'aye
point reietté ny condemné telles ceremonies,
qui ſembloyent apporter plus de doimmagę
que de profit, felon le iugement des hommes:
il ne faut donc pas estimer & ſe perſuader qu’il
reiette les ceremonics de l'Egliſe Catholiqug
conduićte par le fainćt Eſprit,mais au contrai
re, qu'il les approuue. Et qu'il foit ainſi,nous
en auons argument & preuue -

qu'il n'a point condamné ce que les luifs ont


faićt auiourd'huy. Car s’ils euflent mal faićt,
fans aucune doute il les euſt reprins, comme il
quoit de çouſtume. Ie demanderoy donc voy
lontiers à nos Caluiniſtes,qu'ils baillaſſent rair
fon pourquoy ils reiettent vne ceremonie fi
anciéne,& obſeruee de tout temps. Ie leur de
mande,fi ceste ceremonie est contre l'eſcriturę
- 2
42o D I M E N C H E

fainéte, & fur quel texte ils fe fondent pour


rouuer leur dire. Où eſt-ce qu’ils trouuenten
que Ieſus Christaye dit que c'eſt fu
erfluité de l'honorer ainfi auec telles ceremo
nies,defquelles nousvfons principallementau
iourd’huy,& leiour de la feste Dieu? Tant s’en
faut que cela ſoit repugnant à l'eſcriture fain
ćte & à raiſon, que toutau contraire cela y est
conforme, & pouuons aiſément cognoistre
arraiſon & iugement naturel que c'eſt bien
& c'eſt vne choſe fainćte d'honorer ainſi
lefus Chriſt. Carnous voyons que quand il eſt
question d'vne entree du Roy, on a de couſtu
me de tapiffer les ruës & orner les maiſons.
Que fi on peut honnestement faire cela à vn
Roy fans offenſer Dieu : à forte raiſon on
en pourra autant faire à Ieſus Chriſt, qui eſt
grand Roy. Voyre-mais, dira vn hereti
que,dequoy fert cela il fert pour exciter noſtre
laſcheté,& nous eſmouuoir à deuotion,&pour
auoir memoire de l'entree que noſtre Sauueur
fit en Hieruſalern, où il fut receu honorable
ment & auec pluſieurs ceremonies cốme Roy,
& pour nous inciter à l'honorer & recognoi
ftre non ſeulement comme Roy temporel,mais
austi ſpirituel. Et à ceste occafion l'Èglife Ca
rholique a toufiours obſerué ceſte feſte auec
telles ceremonies que nous auons encores au
iourd'huy. Quant eſt de la premiereinstitution
de ceſte feſte, ie n’en trouue rien, tant elle eſt
ancienne. Dont il faut colliger & inferer ne
CC
- d e s RA M E A v x. 42i
ceffairement que ceſte feste est de tradition A
poſtolique,ſuyuant la reigle generalle donnee
par S.Auguſtin en l'epiſt.118.ad Ianuarium. Illa
quæ non/cripta/ed tradita custodimus,que quidem
toto terrarum orbe obſeruantur & Ce

lebrantur folennitate,daturintelligi vel ab ipſis A


oštolis vela plenarijs Concilijs(quorum estin eccle
fia faluberrima authoritas ) commendata atque
statuta retineri. Or eſt-il ainſi que l'institu
tion de ceſte feſte ne fe trouue en aucun
concile general. Puis donc que ie voye que
elle eſt obſeruee par toute l'Égliſe vniuerfel
* le , auec ceremonies telles que nous auons,
de temps immemorial ( car il n’y a heretique
qui me fçeuſt monſtrer quand c’eſt qu'on a
commencé à celebrer ceſte feſte, & qui est le
remier qui a vfé de ces ceremonies ) ie ne
# nier qu’elle ne foit de tradition Apo
ftolique. Carcela est trop manifeste. Venons
maintenant au texte de nostre Euangile où il
eſt dit : Cum appropinquaffet Ieſus Hieroſolymis, Matt-ar
eổ duos
fit veniffet B ethphage
diſcipulos dicensadmontem
eis, IteinOliueti, tuncquod
castellum mi- .e"
contra vos est. Le Sainét Euangile d'auiour
d'huy nous faićt mention principallement de
trois choſes. Premierement d'vn commande
ment de Ieſus Chriſt, s'approchant à la mort.
Secondement d'vn teſmoignage de l'eſcritu
re, laquelle auoit predit toutes ces choſes ad
uenir.Et finablement de l'honneur,faićt par la
troupe Hieroſolymitaine, en receuant & ho
Dd 3
412 : U1M E N e H e . "

norant feſus Christ Monfieur fainét Iean đit,


Ieſus ante fex dies Pafche venit Bethaniam zbi
Lazarus fuerat mortuu,quemf/citauit Ieſia. Fe
verunt autě ei cænä,&c.Sixiours deuant la Paſ
ļue Ieſus-vint en Bethanie où le Lazare auoit
esté mort, lequel il auoit reflufcité de mort,
& luyfeirent là vn foupper, & Marthe fer
uoit: le Lazare eſtoit l'vn de ceux qui eſtoyent
affisàrable auec luy. Adonc Marie print vne
liure d'oignement de fin aſpic precieux & oi
guit les pieds de Ieſus, & les estuya defes che
ueux, & la maiſon fust remplie de l'odeur de
Poignement. Lors ludas Iſcarioth fils de Sy
rhoń, l'vn de fes diſciples qui le deuoit trahir
dist : Pourquoy n'a pas eſté vendu ceſt oigne |

ment trois cens deniers & donné aux pau


utes ? Il dit cela, non pour chofe qu'il eult
foiň des pauures : mais pourtant qu'il estoit
larron & auoit la bource, & portoit les cho
fes qu’on entioyoit. Marie oint Ieſus , Iudas,
murmure, Ieſus Chriſt excuſe Marie, grande
multitude des Iuifs vindrent là , non pour
. . . Ieſus ſeulement, mais à fin qu'ils veiffent le
Lazare que Ieſus auoit reſſuſcité des morts : &
les principaux ſacrificateurs conſulterent de
mettre auſſi à mort le Lazare. Car pluſieurs fe
partoyent des Îuifs,à cauſe de luy,& croyoyent
en Ieſus.Et le lendemain,àfçauoirauiourd’huy
a eſtéfait ce que l'hiſtoire du preſent Euangi
le recite.Donc Ieſus Chriſt du matin eſt party
de Bethanie s drcflant fon chemin en Hieruſa
*
* * lenn
- d e s RA M E A v x. 413
lem. Et quand ils furent pres de Hieruſalem,:
& qu'ils furent venus en Bethphagé , qui est
vne petite ville aupres de Hieruſalem fituee:
au mont des Oliues, lors Ieſus enuoya deux
de fes diſciples, leur diſant:Itein caſtellum quod
contra vos est, allez à ce petit Chafteau qui est à
l’endroit de vous. Premierementicy
ter que ce n'eſt pas fans cauſe que noſtre Sau
ueur dit à ſes deux difciples, Ite,allez pour mő
ftrer que c'eſt l'ordre qu'il a mis en l'Egliſe,
qu'il ne faut point qu’vne perſonne entrepren
ne vne charge & office fans eſtre enuoyé. Et
pourtant à bon droićt nous obiećtons aux mi
nistres qu'ils ne font point enuoyez & leur de
mandons,quelle eſt leur miſſion:& qu’ilsayent
à monſtrer comme ils ont eſté enuoyez par les
Apoſtres ou leurs ſucceſſeurs, qui font les E . **

ueſques. A quoy ils ne fçauent que reſpondre, a


& font contrainćts de reuenir là, pour euader,
& dire qu'ils font enuoyez de Dieu extraordi
nairement. Mais ic leur demande, Eſt-ce vne
bonne marque, pour prouuer que leur miſſion
eſt bonne? Non. Caril n’y a fi mefchant hereti-
que, qui ne diſe qu'il eſt enuoyé de Dieu : Si
on demande aux Lutheriens : Qui vous á en
uoyez ? Sans doute incontinent reſpondront
qu'ils font enuoyez de Dieu. Autant en diront
les Zuingliens & les Anabaptistes. Parquoy il
faut que ceux qui fe difent estre enuoyez de
Dieu ayent vne marque certaine par laquelle
ils facent cognoistre aux autres que leur miſ ,
Dd 4
414 .. D I M E N CH E

fion eſt de Dieu.Ie fçay bien qu'aucuns d'entre


eux repliquent qu'ils fentent bien le S. Eſprit
grouiller dedans leur ventre. He mon amy,ne
vois tu pas qu'vn autre te reſpondra, que tu
mếts,& que c'eſt luy qui a le ſainćt Eſprit,non
pas toy. Dauantage , quand ainſi feroit com
me tu dis, il faut que tu le face apparoiſtre.
Car Moyſe auoit elté enuoyé de Dieu im
mediatement. Et toutefois ce n’eſtoit pas af
fez de le dire, pour le perſuader aux Iſraëli
tes, s'il n'euſt prouué fa miſſion par miracles.
Auffi les Apoſtres eſtovent bien enuoyez : &
toutefois il a fallu que par miracles & mar
que certaine ils ayent prouué leur miſſion:
r.a., chria "" ": perſonne ne les euft voulu croi
: re. Bauantage il faut noter que Ieſus Chriſt
} appelle Hieruſalem petit chasteau , & non
peas,o pour pas grande cité. Car en icelle il n'y auoit nulle
quoy. vnion ou accord entre les citoyens : pource
que les vns tenoyent la part de Ieſus Chriſt, &
les autres nő. Les Scribes & Pharifiensestoyent
ia armez contre leſus Chriſt des armes de ma
lice, enuie, haine,& malueuillance, cerchans
tous les moyés pour apprehender Ieſus Christ,
& le liurerà la mort. Ou bien il appelle Hie
ruſalem petit chafteau, pource qu’elle feroit
ruinee & reduićte en maniere d'vn petit cha
ſteau. Et,Statiminuenietis afină alligatam &pul
lum cum ea: foluite & adducite mihi,& c.inconti
nent vous trouuerez vne afneffeliee, & vn af
non auec elle,deſliez-les,& me les amenez,& fi
alICUI IR
d e s R A M 1 A v x. 425
aucű vous dit quelque chofe,dićtes que le Sei
neur en a affaire, & incontinent il les laiſfera
aller. Icy noſtre Seigneur monſtre le lieu où
ils trouueront l'afneile & l’afnon. Il predićt
que perſonne ne leur contredira. 1
choſes tendent à ce que les Apostres cognoiſ
fent qu'il n'y a rië incogneu à nostre Seigneur,
& qu'il a toute puiflance pour commanderà
ceux qu'il veut, & tout ce qu'il veut, s'il vou
loit vfer de fes forces. Toutes ces choſes auſſi :
font argumens & certifications de fa diuinité,
en monſtrant qu’il cognoiſt les choſes abſen
tes, & predifant les choſes aduenir, comme du
feruiteur qui portoit la cruche d'eau , & la
romptitude du pere de famille, à luy prester
logis : & toutes autres choſes neceſſaires
pour la celebration de la Cene: qui eſtoit vne
choſe furmotant nature humaine.Mais c'eſtoit
vn certain indice de nature diuine en Ieſus *****
Chriſt,cuius oculis omnia nuda & aperta funt, de
uãt les yeux duquel toutes choſes font nues &
deſcouuertes, tant preſentes que paſfees & ad
uenir.Autrement n’euſt peu en Bethanie fça
uoir tant afleurément qu’vn feruiteur feroit au
deuant d'eux auec vne cruche d’eau, encores
moins eust il peu ſçauoir où iliroit. Il a voulu
areillement
oit demonſtrer
à fainét Pierre: ſa diuinité,
Quid tibi quãd ilRe-
videtur Simon? di Matth. I r

ges terre à quibus accipiunt tributum? &c. Simon


que t'en ſemble-ili Les Roys de la terre de
qui prénent-ils les tributs ou
F
sted
416 * v1M e N che º -
leurs enfans ou des eſtrangiers? Pierre luy dít,
des eſtrangiers. Ieſus luy dit : Les enfans font
donc francs: maisà fin que nous ne les offen
fions ou ſcandalifions, va-ten en la mer, & ier
te l'ameçon, & le premier poiſſon qui monte
raspren-le & quãd tu luy auras ouuert la gueu
letu trouueras vn ſtatere, prens-le,& leur don
ne pour toy & pour moy. Statere estoit vne
s'. Îean. 1.
piece d'argent qui anciennement valloit qua
torze ſols tournois. Et en fainct Iean, Philippe
trouua Nathanael & luy dit : Inuenimus Iefim.
filium Ioſeph à Naxareth. Nous auons trouué.
Ieſus de Nazareth, duquel Moyſe a eſcrit en
la loy & les Prophetes. : Et Ieſus vit Natha
nael venir à foy, & diſt de luy: Ecce verè Iſrae
lita,in quo dolus non est. Voicy vrayement vn Iſ
raëlite,auquel il n'y a point de fraude. Natha
naelluy diſt: dequoy me cognois tu? Ieſus ref
pondit & luy diſt : Auant que Philippe t'euſt
appellé , quand tu estois fous le figuier, ie te
voyois. Nathanael reſpondit, & luy dift:Rabbi,
tu es filius Dei:tu es rex Iſrael.Maiſtre,tu es le fils
de Dieu, tu es le Roy d'Iſrael. Auiourd'huy il
dità deux de fes diſciples: vous trouuerez vne
afneſſe liee,& vn afnon auec elle,deſliez les,&
me les amenez. Tout cela eſt aduenu, pour
nous demonſtrer qu'en Ieſus Chriſt il y auoit
quelque chofe qui ſurmontoit nature humai
netà fçauoir nature diuine,par laquelle il fçait,
voit, & cognoiſt toures chofes. Et note qu’il
dit:Dominus his opus habet. Le Seigneur,ſans ad
\ ,\ dition,
,^
r
DEs R A M E A v x. 417.
dition,à la difference des autres Seigneurs,qui
font Seigneurs auecques addition & queuë,
commevntel Seigneur d'vn tel lieu : mais Ie
fus Chriſt eſt le Seigneur de toutes chofes:
pource il ne prie pas: mais comme Seigneur il Zittre heno
commande. Premierement c'est le Seigneur :
& Prince de tous le plus folennel. Seconde- :
ment qui conuerſant de corps auec les hom- ment nommé
mes,d'eſprit conuerfoit aux manſions celeſtes seigneur
& eternels tabernacles. Tiercemết c’eſt le Sei
gneur qui eſt la fontaine de ſcience diuine, par
laquelle lesignorans arrouſent leurs eſprits &
entendemens. Quartement c'eſt le Seigneur
qui a en haine les vices:& ne faićt threfor que
de vertus. Quintement c'eſt le Seigneur qui
humilie les fuperbes, & fouuerainement eſle
ueles humbles Sixiefmement c'eſtle Seigneur
qui faićt trembler les monſtres diaboliquesen
leursabyfmesinfernaux. Septiefmement c'eſt
le Seigneur, que s’il estoit touché d'ambition .
mondaine,il fe feroit reclamer le Roy d'Oriết,
d'Occident, de Midy, Septentrion, des mers,
& des montaignes. Pource non fans cauſe:
maisà bon droićt, il est appellé le Seigneur,
qui a toute puistance, tant au ciel qu’en la ter
rę, & faićt toutes choſes ainſi qu'il veut, &
comme illuy plaist : il frappe, & guarit:il blef
fe, & medecine, il mene à la foſſe, & ramene,
il mortifie & viuifie : il a l'Empire de la mort
& de la vie : bref, c'eſt le Seigneur de toutes
choſes,fans aucune addition. Et tout ce a eſté
/
faićt,
418 D I M E NC H E

faićt, à fin qu'il fuſt accomply ce qui a eſté dit


zacha.s. par le Prophete,difant:Dicitefilie Sion: Ecce rex
tuus venit tibi manſuetus fedens ſuper afīnam, &
pullum filium ſubiugalis, dictes à la fille de Sion,
voicy ton Roy debonnaire qui vient aſſis fus
l’afneffe. Et le petit afnon de celle qui eſt
foubs le ioug: Notons que ceſte prophetie
dit grandes choſes de ce grand Seigneur Ie
fus Čhriſt.Premierementil dit, Ecce, Ceſt ad
uerbe demonſtratif demonſtre Ieſus Chriſt en
pluſieurs manieres:Ecce, voicy celuy quia eſté
preueu des Patriarches, comme d'Abraham,
İſaac, & Iacob. Voicy celuy qui a eſté deſiré
des Roys, des Princes, comme de Dauid, le
quel craignoit que par ſon peché l'incarna
tion du fils de Dieu fuſt retardee. Voicy ce
luy qui par les Prophetes fidellement a eſté
promis en la loy , le voicy, qu'il eſt preſent à
nos yeux.Comme dit la grande Aigle Angeli
„... que : Vidimus gloriam eius gloriam quaſivnigeniti
àpatre , gratie & veritatis. Nous auons
veu fa gloire, vne gloire comme de celuy qui
estoit feul nay du Pere, plein de grace & de
verité. Le voicy preſent par parolle à nos
oreilles. Le voicy & maniable & traićtable
r.loan.r. des mains. Comme dit fainét Iean: Manus no
fra contrettauerunt,nos mains l'ont manié. Cum
hominibus conuerſatus est: Il a conuerſé auec les
hommes: il a eſté veu en la terre, & a habité
en nous. Maintenant ceſte prophetie parle de
fa majeſté & dignité Royalle,quand il dit, Ec
- C6 -
D E S R A M E A V X. 429
ce Rex tuus, voicy le Roy. Ce n'eſt pasvn An
ge , vn Patriarche ou Prophete : mais le Roy
des Roys, le Seigneur des Seigneurs, le Prin
ce des Roys de la terre: Rex magnus ſuperomnes F/als.
Deos. Le grand Roy par deſſus tous les Dieux.
C’eſt le Roy de paix & de verité, Roy fage &
clement. Pource à bon droit on le doit hono
rer:voicy le Roy qui est deſcendu defon throf
ne royal, & s’eſt veſtu du fac de noſtre morta
lité. Voicy le Roy qui ne demande point de
pecune comme les autres Roys: ains deman- ,
de le falut de nos ames. ll ne demande point
delećtation, mais peine : ny fa propre vtilité,
mais la noſtre. Et ce Roy icy eſt tien. Ce n’eſt
pas vn eſtrangier comme Herode, mais tien.
Car il eſt nay de toy felon la chair, & ton pro
chain parent. Car c'estton frere. Et comme
l'Apostre:Mihrafamucorporiseiu,de dit hef.r.
carne eius,”
& de estibus eius. Nous ſommes les membres de
fon corps, de fa chair, defes os, & de fonfang.
Doncques veritablement il est tien. Carpour
toy il s'est tout expoſé. Lequel les infidelles
Iuifs ont defauoüé,quand ils ont dit: Nõ habe
mus Regem nist Ceſarem. Nous n'auons point de *

Roy finon Cefar,Ce Roy icy qui est tien, venit


tibi,vient à toy:c'està dire,pour tonytilité: Bo- "/"h".
norā nostrorii nõ eget.Il n'a point de nos
biếs.Noſtre iuſtice & bonténeluy profiterien,
nostre meſchanceté& malice ne luypeut nuy
re: il estoit riche,il eſtriche, & fera riche eter
nellement.Neấtmoins: Propter nos egenusfactus 2.a.r.s.
· * 6:/F2
43o * D I M EN C H E

est, vt illiusinopia diuites effemua.Pour nous il s'est


faićt pauure : à fin que par fa pauureté nous
fuſſions enrichis, & que nous fuſſions riches
en Dieu,& en fa grace. Et en vn autre lieu, la
Rºm.s. trompette de l'Euangile dit : Deus proprio filio
fito nonpepercit,fed pro nobis omnibus tradidit illä.
Dieu le pere n'a point eſpargné fon propre
fils : ains liuré pour nous tous. Il eſt venu
à toy, qui porte aiicc luy richestes ſpirituelles
& gloire eternelle,pour enrichir tous ceux qui
l'aiment, & les remplir des threfors de tous
biens.Il vient à toy, non pour fuſciter guerres,
, ſeditions,& batailles,ou pour impoſer nouuel
les loix & exaćtions, & leuemét de deniers, ou
pour toy opprimer, fouller& accabler par du
re feruitude,ou pour prendre vengeance detes
pechez.Mais il vientà toy pour te feruir, pour
. te deliurer de la main de tes ennemis , fi tu
crois en luy. Et pource il doit eſtre aimé &
receu auec gloire. Maisfitu-ne crois en luy, il
3 vient à ta damnation:pource il doit eltre craint.
z Il vient à toy au lieu où tu deuois aller à luy. Il
vicnt à toy pour dechaſſer le diable de la prin
cipauté de ce monde, & pour deſtruire le re
*gne de peché:à fin de te donner,ſi tu croy bien
- eli Royaume celeste. Mais fi tu ne çroy.
en luy, le royaume de fathan demeure en toy.
. Il vient à toy homme raiſonnable,& non pas à
l'Ange, qui n’en auoit pas beſoing.Il viết à toy
- & non pasau diable, Car ſon peché ne peut
eſtre purgé. Et pource ( ô homme Chrestien )
- - - - - - cognols
D E S : R A M E A V -X. :43I
cognois la charité de tó Dieu enuers toy:Sem
blablement l'honneur & dignité qu'il t’a faićt.
Il viết à toy pour ſuffiſammết & abondamment
fecourir, furuenir, & reparer ta faute & def
faillance,en demonſtrantla voye de falut, illu
minant les aueugles, rédant l'ouye aux fourds,
faiſant parler les muets,guaristant les paralyti
ques,nettoyant les ladres, en faiſant cheminer
droićtementles boyteux, chaffant les diables,
pardonnant lespechez , reflufcitant les morts,
ouurant les cieux, & pour te donner la gloire
celeste. Il vient à toy, non comme les Roys qui
« ** * , .
ont de couſtume de venir auec grand appareil
& apreſt:mais c'eſt à eux & non pas à toy qu'ils * ***** * ·*

viennếr.Carils cerchent leur gloire,ils fuyuent


leurs profits.opportunitez,& emolumens.Mais
ce Roy icy vient à toy pour te feruir, pour te * ... ",

bien faire,pour te perpetuellement faugler. Car


comme il dit:Non veniminišīrariſed ministrare.
Ie ne fuis point vênu pour eſtre feruy : mais
pour ſeruir. Et en vn autre lieu. Filius hominis Lacrº
zenit quærere & faluum facere quodperieraf: Le * -

fils de l'homme eſt venu pour cercher & fau .

uer ce qui eſtoit perdu. En aprasil vient à toy


comme Roy iuſte: Les autres Roys viennentà
toy comme iniuſte. Et combien qu'ils foyent
quant à eux honneſtes, aornez de vertus, & iu
ftes: toutefois par leur honnesteté, iustice, &
bonté, ils ne peuuent pas faire les autreshốne
ftes & iuſtes; finon que par exemple ils proffi
tent, & qu'ils cốferuent entre leshommes hon
* * -- -* nesteté
432 D I M E N C H E

nefteté exterieure par droićte adminiſtration


des loix. En apres dit: Ecce rex tuus zvenit
tibi manſuetu. Voicy ton roy qui vient à toy
debonnaire, pour fauuer tous les debonnaires
de la terre. O mon frere & amy Chreſtien,ap
prés de Ieſus Christ, quia mitis est & humilis cor
de.Car il eſt debonnaire & humble de coeur: Il
ne vientpoint auec fureur pour te redarguer,
ny auecques ire pour te corriger , ny pour toy
affuiettir par violence à fon feruice, ou pour
- & affliger : ains pour te fauuer,
2: "
,"“ “ Nostre Seigneur a esté debonnaire. Premie
rement aux parolles de fes contradićteurs: Qui
2. cùm malediceretur, non maledicebat:cum pateretur
nõ comminabatur. Lors qu'on diſoit mál de luy,
ne rediſoit point mal:ila ſouffert violence, & a
Ef. 4. eſté iniquement traićté. Non aperuit tamen os
fuum. Sicut ouis ad occiſionem dućłus est, & quaſ?
agnus coram tondenteſe obmutuit Toutefois il n'a
pas ouuert fa bouche. Il a esté mené à l'occi
- º fion comme l'agneau : & s'eſt teu comme la
P/al-37 •
brebis deuant celuy qui la tond , & n'a point
ouuert fa bouche. Fattus est ſicut homo non au
diens, & non habens in ore/uo redargutiones. Il a
esté faićt comme l'homme qui n'entếd point,
& qui n'a point en ſa bouche reproches. Se
condement il a esté debonnaire aux perfecu
/ , tions, foüets & diſciplines. Quand on l'affli
geoit de maux, il ne menaçoit point: mais re
mettoit la végeance à celuy qui iustemét iuge:
il a donné ſon corps à ceux qui le
-
ferre& les:
D E s . R A M E A V x. 433
&fesiouës à ceux qui le buffetoyent. Il n'a pas
caché ny destourné fa face de ceux qui luy
faifoyent reproche & blaſme, & qui crachoyết
contre elle. Finablement il a eſté debonnaire
iufques à la mort. Ie fuis comme l'agneau de
bonnaire , qui est porté au ſacrifice. Et veu
qu'il eſt fi debonnaire,il n'est pas tant redouta
-ble ou terrible que nous ne deuions aller, cum
fiducia ad thronum gratie eius,& c. auec fiance au
throne de fa grace, à fin que nous obtenions
mifericorde , & trouuionsgrace pour auoir ay
de en temps cốuenable. Au dernier lieu eftic
-adiouſté l’humilité de nostre Roy , vertu treſ
--agreable à Dieu & aux hommes , quand il eſt Ieſu Christ,
dict: Sedens fi per afinam & pullum filium fuhiu
zgalis. Aſſis ſus l’afneſſe & le petit afnon de cel
le qui est fous le ioug. Non fedet in curru aureo,
pretiofà fulgens, nec afĉēdit ſuperferuidum
equum difcordie amatorem, fed stiperaſinampacis
amicam , dit S. Iean Chryſostome ſur ce paf
fage : H n'eſt pas aſſis en chariot d'or, vestu,
d'habillement de couleur de pourpre, Il n’eſt
pas aſſis en throſne royal, ou noble pourpris,
accouſtré , eſleué, & enrichy de pierres pre
-cienſes,comme rubis,eſmeraudes,dyamans, ou
faphirs. Il n’eſt pas mõté fur vn cheual bruyant,
& feruent,amateur de guerre. Il n'a pas à l'en
tour de luy genfd'armes en equipage, portans
glaiues, hạrnois, & armes: mais quoy i Ra
meaux verdoyans, qui font les teſmoignages
de paix. Icy l'humilité de noſtre Roy con
- Ee
434 D I M EN C H E

fond l'orgueil, les pompes, monſtres arrogan


tes des hommes mondains, qui cheminent en
fi grande pompe,& en habits ſi ſuperbes & ex
ceffifs,qui conſomment partelles vanitez tou
te leur ſubſtãce, dont ils demeurent confus & .
honteux, & finablement leur conuient mourir
pauuremét & miferablement. Nous pourrions
auffi taxer & reprendre la fuperfluité des ha
bits de pluſieurs Prelats & perſonnes Eccle
fiastiques,qui cheminent autourd'huy en gran
de compagnie de feruiteurs, de cheuaux &
mulles bardees & aornees de drap de foye,
felles & brides dorees , iufques aux eſperons.
Cependant ils permettét les Egliſesà eux com
cheoir, tomber, & ruiner en terre , & les
pauures perir de faim. Ce qu'eſtant confide
ré par doćteur fainćt Bernard, en vne
grande querimonie contre les Ecclefiaſtiques
au Concile de Rheims , qui comme allumé
d'vne cholere diuine leur cria à pleine voix:
Ce n'eſt pas aorner l'eſpouſe de Ieſus Christ,
mais la deſpoüiller: non la garder, mais la per
dre: non la deffendre, mais la mettre en proye:
non l'inſtituer, mais la proſtituer: non l'enfei
gner , mais prophaner : non paiſtre le trou
peau, mais legaſter ou deuorer. Mais que di
roit ſainćt Pierre & fainćt Iean, qui n’auoyent
* pas vn denier pour donner l'aumofne au pau
ute boiteux qui la leur demandoit en la por
te du temple,s'ils voyoyết maintenãt meſſieurs
les gens d'Egliſe, qui fe glorifient d'eſtre leurs
- - fucce
- D E S R A M E A V X. 435
fucceſſeurs: mais non imitateurs, decouper lá.
foye , parfumez, embaulmez, montez comme
fainét George , logez aux Palais ſuperbes &
magnifiques, au lieu que les Apoſtres eſtoyent. a

le plus fouuent logez és prifons & chartres des


tyrans. Mais qu'eſperent-ils autre chofefinon
que noſtre Seigneur vienne auec le foüet chaf
fer ces marchans & maquignons de benefices
de fontemple ? Mais eſt venu affis fur vne af
neſſe,animal doux & patient au labeur,cốtent
de paſture de petit prix, & de petite eſtime,
portant les batures, charges, faix & fardeaux,
& amy de paix. Voyla les loüanges & excel
lents tiltres d'honneur de noſtre Roy Ieſus.
Chriſt : Afçauoir treſgrande pauureté, pieté,
& equité. Outre leſquelles il n'eſt rien plus
neceſſaire, vtile , & falutaire aux hommes vi
uans fur la terre. Et qui enfuit Ieſus Chriſten
ces chofes,& luy fert, il plaiſt à Dieu.Il eſt ve
nu pitoyable en parolles, pauure en biés,& iu
fte en iugement.Pitoyable, d'autất qu'il a fau
ué ſon peuple de fes pechez, Pauure,fipauure *

qu'il n'auoit pas où repofer ſon chef. Filius ho- u.n, s.


minis non habet vbi reclinet caput ſuum, Iuſte, car
cốbien que par ſa puiſſance il pouuoit ſurmon
ter le diable,ila voulu vaincre par ſa ſeuleiu
ftice,enpayant ce qu'il n’auoit nullement rauy.
Ainſi a il faićt iugement & iustice en la terre.
Euntes autem diſcipuli feceruntficut eis receperat Ieremie as.
Iestø.Et les diſciples s’en allerent,& feirétainſi
que Ieſus leur
Ai
kemudi,
-
Les
Ç
diſciples
2.
. v

436 p1M E Nc H E -

ont promptement obey à leur maiſtre, & non


fans cauſe : car il ne commande finon chofes
bonnes,iuſtes, & raiſonnables. Comme dit le
F/":"*. Pſalmiſte:Omnia mandatatua equitas. Tous tes
, commandemens ne font qu'equité. Les Apo
ftres ont fait quatre choſes,lefquelles appartiế
nent à l'office Apoſtolique. Premierement ils
ont deſlié l'aneſſe & l’afnon, par leſquels font
fignifiez le peuple ludaïque,& le peuple Gếtil
(comme difent Origene,tom.3.homil. 14 in cap.
21. Matt & fainćt Cyrille Alexandrin, cap. io.
lib.s.in Ioan,& fainét Hierofme, fainćt Hilaire,
& fainćt Iean Chryſoſtome fur fainét Mat
thieu, Beda & Druthmarus) qui ont eſté deſ
liez par les Apoſtres du lien de peché, par le
moyen des facremens,comme dit fainćt Cyril
le,cap.36.li. 12.in Ioannem. Secondement ils les
amenerent à Ieſus Chriſt.Tiercement ils mei
rent fureux leurs veſtemens. Quartement ils
le feirent affeoir fur elle. Et multi strauerunt ve
ftimenta fuain via. Pluſieurs de la trouppe eſté
dirent leurs veſtemens en la voye ; en laquelle
* IeſusChriſtdeuoit paſſer,à fin que l'animal qui
le portoit n'offençaſt fes pieds contre les pier
res,& qu'il ne marchaft ſur les eſpines,ou qu'il
ne tombast en la foſſe, En quoy nous auons
confirmation de nostre doćtrine, & certain ar
gument que Dieu approuue les aornemens des
Egliſes. Imò nous auons bien plus grande occa
fion d'aortier nos Egliſes. Car certain eſt qu'il
n'y a pas de comparaiſon entre l'afneſſe & les
* - , - pre
- - - des R A M E a v x. 437
preſtres de la loy Euangelique,voire entre l'af
neffe & vn laïque. Si donc il ett ainſi que les
Îuifs pour la reuerence qu'ils portoyent à no
{tre Sauueur,ơnt mis leurs habits en terre fous
les pieds de l'afneſſe qui le portoit : qu'est-ce
forte raiſon que nous deuons faire aux
lieux parleſquels marchent lespreſtres qui por
tent Ieſus Chriſt,non peint auec ſon corps paf
fible & mortel, comme il eſtoit pour lors que
l’afneſſe le portoit! mais impaſſible, immortel,
& glorieux?Ie fçay bien que l'heretique me di
ra que ce n’eſt pas le corps de noſtre Seigneur:
mais ſeulement vn ſigne&figure d'iceluy. (Ce
qui eſt faux, comme nous prouuerons aperte
ment au fermon de la feſte Dieu.)Mais
fé ce que nous croyons que c'eſt le vray corps
de Ieſus Chriſt, apres la confecration, felon
, teſmoignage que nous en auősen l'Eſcriture,
ne faifons nous pas bien de luy faire tel hon
neur? C'eſt d’auantage vne couſtume obſeruee
de toute ancienneté, d'aorner ainſi les Egliſes,
& ce en confideration d'vn propos que diſoit
noſtre Seigneur : Joan. 2.Domus mea domiu ora
tionis vocabitur. Puis que c'eſt la maiſon de
Dieu, il faut bien confeffer qu'ily habite. Et
toutefois Caluin ne trouue pas cela bon à ſon
fon goust. Notez donc que l'aornement des e
Egliſes eſt louable,quãdilne feroit fondé que
fur cest exemple, & fur ce que dit S. Hierofme
en l'epitaphe de Nepotianus. D’auantage il est
fait mention que ceux qui ne vouloyét mettre
- Y Ee 3
438 D IM E N CH É -

leurs habits en la voye , ou parce qu'ils n'en a


uoyent point à changer,ou biếparce qu'ils n’e
ftoyent pas affez honnestes. Cadebantramos de
arboribus,& sternebant in via. Ils coupoyent des
rameaux des arbres, & les estendoyent en la
voye. Et turbe quepræcedebant & ſequebantur cla
mabant,dicentes:Ofanna.Les tourbesqui alloyết
deuant,& celles qui ſuyuoyent,crioyết,difant:
O Seigneur,nous te priós,fauue nous. Ofanna,
c'est vn mot Hebrieu, cốpoſé de Ost, qui ſigni
fie fauue,& Anna, qui eſt vn aduerbe optatif,
& fignifie,ie vous prie.Filio Dauid.C’eſt à dire,
la troupe crioit, difant au fils de Dauid,qui eſt
- fait de la femence de Dauid felon la chair, en
quoy ils confeſſoyent fon humanité. Beneditius
qui venit in nomine Domini. Benơift foit celuy
qui vient au nom du Seigneur.En quoy ils con- .
feffent fa diuinité,& deux fois, Ofanna,
nous te prions fauue nous.Car Ieſus Chriſt eft
Sauueur en deux natures,enla diuine effećtiue
ment, & en la nature humaine meritoirement.
Lequel eſtvenu au nom du Seigneur,c'eſtà di
re,de fon pere celeste, & toutefois les Iuifs ne
l'ont pas receu. Icy nous faut noter qu’à l’en
Leschofs et- treé de Ieſus Chriſt en Hieruſalem les choſes
fermee; à l'en ont esté obſeruees, leſquelles communément
‘(hrift
“ “ en"/"
la
on a accouſtumé d'obſeruer à l’entree d’vn
• / .

, Roy, en quelque cité de fon Royaume. Pre


ru/alem. mierement le Roy a accouſtumé enuoyer de
uant luy les auantcoureurs pour annoncer aux
citoyens & rećteurs de la cité,la prochaine ve
* * -* Inlle
v

d e s R A M e A v x. 439
nue du Roy. Ainſi Ieſus Christ auant que
d'entrer en la cité de Hieruſalem , il a enuoyé
deux de fes diſciples, comme auantcoureurs. * *

Ä ·
& meſſagers, pour annoncer la prochaine ve * .*
nue de noſtre Seigneur en Hieruſalem. Se
condement, quand le Roy entre en la cité, les
Princes & Barons du Royaume luy font com
pagnie. Ainſi auiourd'huy entrant en Hieru
falem, il a eſté accompagné des douze Apo
ftres, comme de douze Princes. Les Barons
estoyent les ſeptante deux diſciples, leſquels
probablement nous croyons auoir esté prefens
en ceſte entree. Tiercement,à l'entree du Roy
les citoyens & rećteurs de la cité font compa
gnie à leur Roy : Auffi auiourd'huy la trom
pette a fonné. A fçauoir le Prophete Zacha
rie, difant : Dicitefilie Sion : Ecce Rextuus venit
tibi manfaetus. Dićtes à la fille de Sion, voicy $
ton Roy qui vient à toy debonnaire. Quarte
ment on a accoustumé de preparer les rues, &
les aorner de tapis: Ainſi auiourd'huy grande
trouppe ont eſtendu leur veſtement en la voye.
Et les autres couppoyent les rameaux des ar
bres,& les eſtendoyết en la voye.Cinquiefme
ment,à l'entree du Roy on crie à haute voix,vi
ue le Roy: Ainſi auiourd'huy les trouppes qui
alloyent deuant, & celles qui ſuyuoyent,fem
blablement les petits enfans, comme il eſt diét
en fainét Iean,crioyent,en difant : Ofanna filio
Dauid, ô fils de Dauid, nous te prions fauue
nous. Finablement en telle entree le Roy eſt
Ee 4
- D I M E N C H E
44o -
*

aſſis fus vn cheual magnifiquement aorné:


Ainſi Ieſus Chriſt premierement s'est aſſis fus
Mare.rr. l’afnon,comme il est dićt en fainét Marc,fainćt
Luc.19.
Ioan. 12.
Luc femblablement, & fainét Iean ( combien
que Beze furce paſſage impudemment le nie.)
Mais pource qu'il n'eſtoit pas encore dom
pté, il eſt deſcendu, & eſt monté fus l’afneffe,
couuerte des veſtemens de fes Apoſtres. Voy
là mes amis l'excellente & magnifique entree
de lefus Chriſt,qu'il a faićte auiourd'huy en la
cité de Hieruſalem. En la fin de l'Euangile il
iestu Christ est dićt que Ieſus,Videns ciuitatēfleuit ſuper eam:
fle" º Voyant la cité plora fur elle, en demonſtrant
fourquoy.
la vanité & breueté de la gloire mondai
ne. Car tous les honneurs faićts auiourd’huy
à Ieſus Chriſt, ont eſté changez en contume
lie, reproche ,& deshonneur , au iour du ven
dredy beneiſt. Premierement,auiourd'huy les
Apostres luy ont obey en allant querir l'af
neffe & l’afnon. Mais ceſt honneur d'obeiſ
fance fera mué & changé vendredy prochain:
auqueliour, Eo relitto,omnes figerunt. Ils l’ont
tous laifié & abandonné,& s'en font tous fuis.
Secondement, auiourd'huy la troupe des luifs
l'ont fait afleoir fur l’afneſſe:mais vendredy ils
le feront affeoir durement fur vne croix. Tier
cement,auiourd'huy pluſieurs eſtendoyết leurs
vestemens en la voye : mais vendrédy pro
chain ils luy oſteront fes propres veſtemens.
Quartement,auiourd'huy pluſieurs coupoyent
es rameaux des arbres, & les eſtendoyent en la
voyei
D es R A M E A v x. 441
voye: maís vendredy ils plieront vne couron
ne d'eſpines aigues & pointues qui luy perce
ront fon precieux chefiuſques au cerueau, de
forte que les groffes gouttes de fon rouge fang
diſtilleront & degoutteront de tous coſtez. f.
Auiourd'huy ils ont crié, nouste prions fauue
nous: mais vendredy la chance fera bien tour
nee.Car ils crierőt:Tolle,tolle,crucifige eum,oſte,
ofte, crucifie-le. Voylà comme l'honneur au
iourd'huy faićt à Ieſus Chriſt luy a eſté bien
cherement vendu le iour du vendredy beneiſt. -

Auiourd'huy pluſieurs faux Chreſtiens font, .


femblables aux Iuifs, qui en ce fainćttếps font .
deuots comme petitsanges, & toutefois aprestateurs des
Paſques ils feront diſſolus, defreglez,deprauez Inf.
& defordonnez cốme vieux diables. L’Âpostre
S.Paul diſoit: Vbi abundauit peccatum,ibi abun- Rom.s.
dauit & gratia, là où le peché a abondé , gra
ce y a plus abondé: mais au contraire de plu
fieurs Chreſtiếs pourra eſtre dit apres Paſques: a’ V

là où grace a abondé, peché y a plus abondé.


Pour la fin de noſtre Eủangile. Nous recueil
lerons vne petite doćtrine faine & falutaire
pour noſtre confolation & ioye ſpirituelle: à , • ** *

fçauoir,que tous les honneurs que les Iuifs au- íaoyuēt exuber
• • y1 :» , f. : (Y- \ - -

iourd'huy ont faićt à noſtre Seigneur tempo- ;


rellement, nous les rendons à noſtre Dieu fpi- neurs stiri
rituellement. Premierement, nous deuons tuellemết, que
re affeoir ſur l’afneſſe noſtre Seigneur. , C’eſt
- A • , à les Iuifs luj
ont fait tema * - - ---- *

dire, fur noſtre chair, par mortification d'icel-


le, comme dit le benoist Apostre fainét Paul: , car.s.
. . . . . Ee 5 *
442 - D I M E N C H É

Glorificate & portate Deã in corporevefiro.Glori


fiez & portez Dieu en voſtre corps: c'eſtà dire,
cõme vous aucz porté le tếps paſſé l'image du
terrestre Adam, maintenant portez l'image du
fecond & nouueau Adam celeſte.Par ce moyen
nous garderons & preferuerons nos corps de
la foüilleure & corruption de la chair en pu
reté & chafteté. Secondement, nous deuons
foigneuſement estendre nos veſtemens en la
voye : c'eſt à dire,chaffer loing de nous nos pe
chez, cependant que nous ſommes en la voye,
c'eſt à dire, cependant que nous viuons en ce
preſent fiecle. Car quand nous ferons par delà,
il n'y aura ny lieu, ny temps,pour ofter ou abã
donner nos pechez. Et pource l'Apoſtre nous
Ephef. 4. admonneſte à ce faire:Deponite veterẽ hominem,
&c. Oſtez le vieil homme auec ſes aćtes, c’eſt
à dire,les vieilles affections de peché. Tierce
ment, nous deuons coupper les rameaux des
arbres,& les eſtendre en la voye: c'eſtà dire,di
ftribuer les biens temporels aux pauures &
membres de Ieſus Chriſt. Car ainfi couppoit
les rameaux de fes arbres le riche Zachee,
ALwe.r.o.
quãd il diſoit à noſtre Seigneur:Ecce dimidium
bonorum meorum Domine do pauperibus:& f; quid
aliquem defraudaui,reddo quadruplum.Voicy Sei
gneur,iedőne la moytie de mes biens aux pau
ures,& fii'ay trompé quelcun en quelque cho
fe, ie luy en rends quatrefois autant. Et Ieſus
luy diſt: Hodie falus huic domui fatta est,auiour
d'huy falut eſt faićt à ceſte maiſon. Mais au
- t. contaire,

|
d es R A M E A v x. 443
contfaire , le mauuais riche pource qu'il n’a
voulu coupper les petits rameaux de ſes arbres
au pauure Lazare , il eſt mort, & finablement Lws.ro,
enfeuely aux enfers. Et pource les riches de ce
preſent fiecle, en ces fainćtsiours principale
ment deuroyent vaquer aux oeuures de pieté,
en diſtribuant de leurs biens aux vſages des
auures: conſiderãs que leſus Chriſt a eſté tant
& magnifique, en eſpandant ſon pre
cieux fang pour noſtre redemption. Finable
ment nous deuons crier en difant à noſtre Sei
gneur,Oſanna,c'eſtà dire, nous te prions fauue
nous:vaquer à oraiſons & pures prieres, perfe
uerer aux loüanges diuines,difans auec le peu
ple des Hebreux, Beneist ſoit celuy qui viết au
nom du Seigneur. Pource mes amis & freres
Chrestiens,vn chacun de vous preſentement fe *

mettra en bốne deuotion en priant noſtre bon Oraiſon,


Dieu,pere & fauueur, qu'il luy plaiſe nous có
muniquer la grace de ſon S.Eſprit,par laquelle
nous puiſſions porter en corps nostre
Seigneur, par mortification de nostre chair, à
fin qu’elle ne foit rebelle à l’eſprit,& que nous
uiffions eſtendre nos veſtemens en la voye,
c'eſtà dire, dechaffernos pechez de nous, ce
pendant que nous ſommes viuãs en ceſte mor
telle vie,eſtendre les rameaux des arbres, c'eſt
à dire, diſtribuer les biens temporels à l'vſage
des pauures, pour leur confolation, & finable
ment, que tous d'vn coeur & d’vne bouche
auec le peuple Iſraëlitique nous le p :
O IlO
444 r o v R L E 1-o v R.
honorer, magnifier & prier, en difant, fauue
nous Dieu & pere fauủeur en ce monde , des
astuces, tentations & rufes du mõde,de la chair
& du diable , & en l'autre mionde nous foyons
fauuez en la beatitude & felicité eternelle, par
toy noſtre Seigneur Ieſus Chriſt fils de Dieu,
qui vis & regnes auecques le Pere & le fainét
Eſprit,par tous les fiecles des fiecles.Amen.

D E V OT E EXHORTATI ON
P o v R i E I o v R D v
Vendredy beneiſt.
EF E pitoyable myſtere de la doulo
reuſe mort & angoiffeuſe paffion de
| Ż || ueur
s--
Ieſus » Chriſt
pour lanoſtre Seigneur
reuerence & fau
de laquelle
nous ſommes icy aſſemblez(mes amis & freres
Chreſtiens) conſiſte premierement en la cruel
le flagellation du precieux & digne corps de
Ieſus Chriſt , comme il eſt eſcrit en S. Iean:
Hoan.rº. Apprehendit Pilatus Ieſum có: flagellauit: Alors
Pilate print Ieſus & le flagella. En laquelle fla
gellation l'humanité de Ieſus Chriſt fut dechi
ree,dechiquetee, hachee menu comme chair à
paſté, par la ſynagogue Iudaïque, coeur tyran
nique,depraué,defordonné,dereglé.Regardez
(ô Chreſtiens) par deuotion, pitié & compaſ
fion, le Prince le plus excellent de tous les
Princes, qui de corps conuerſoit auec les hom-
ines,& d'eſprit celeſte. Voyez lafon- |
a taine |
p v v E N D R e dy " E N E 1 s r. 44f
taine de ſcience,de laquelle lesignorans arrou
fent leurs eſprits & entendemens,quia en hai
ne peché & vice,qui fait trembler les monſtres
diaboliques en leurs abyſmes infernaux. Con
templez celuy qui ne fait threfor que de ver
tus,leRoy des Roys,le Seigneur desSeigneurs,
le Dieu des Dieux, le Prince des Princes, le
Sainćt des Saincts, le Monarque & Empereur
du ciel & de la terre, d'Orient & d’Occident,
de Midy & de Septentrion,des mers,des mon
taignes, de toute la machine du monde,& de
tout le circuit de la terre. Lequel auiourd’huy
pour nous a eſté fi inhumainement flagellé &
diſcipliné,quedés la plante des piedsiuſqu'au
fommet de fa teſte n'auoit lieu ny place de fan
té.Oame deuote fille de Dieu,eſpouſe de lefus **********
Chriſt,propoſe maintenant deuant les yeux de
ton ame,& contemple ton eſpoux,lequel pour
toy eſt lié en vn pilier tout nud deuant le peu
ple,foüetté comme vn larron:qui toutefois eſt
fans vice, tache & reproche. Regarde de pres
les verges moüillees & teinețes de fon rouge
fang.Lefquelles iete conſeille garder & porter
en ton coeur. Car elles t'enflamberont vn feu |

d’amour diuin,de dilećtiő,charité & deuotion. |

O Chreſtiens & Chreſtiennes,qui cheminez le


coeur tendre & pitoyable , approchez vous ie
vous prie,&voyez la fleur de toute chair & hu
maine nature,la chair nue,innocente,delicate,
tref-pure & blanche, que les bourreaux Iuifs,
comme teinturiers diaboliques ont contami
|
11CC
446 · povR LE IovR *

nee,& luy ont change fa robe blanche,à incar


nat, & arroufee de vif & rouge fang. Voyla
l'hőme rouge, duquelle fang diſtille de
toutes parts en fa flagellatió,lequel les peruers
Huifs auec leurs mains pollues, pleines de fang,
ont flagellé,luy faifant playes nombre. Et
le doux Ieſus parfa gráde douceur fouffre pour
nous toutes telles douleurs & deſtreſſes.Voila
l'homme le premier & le dernier, le plus haut
& le plus bas,le premier en gloire, & le dernier
en vitupere. O peuple Chreſtien cőtempleton
eſpoux, qui pour l’amour de toy fouffre & en
dure douleur fus douleur,fraćture fus fraćture,
playe fus playe,ſang ſus fang.Cőfidere(ô crea
ture raiſonnable) ton Dieu pere & fauueur,qui
est lié pour toy deſlier desliens de peché : il est
flagellé pour toy deliurer des fleaux de damna
tion eternelle. Il eſt couronné d’vne couronne
pour toy couronner d’vne couronne
de gloire:pour toy auiourd'huy il va à la mort,
pour te faire viure d'vne vie eternelle au pays
| celeſte paradis.O Chrestien!les dou
leurs que Ieſus Chriſt pour toy auiourd'huy a
portéen fon corps,ie te prie & cốfeille les por
ter en ton coeur.Secốdement le pitoyable my
ftere de la mort & paffion de noſtre Seigneur
confiſte au dur,aſpre & rude couronnement de
Ioan. I 9.
Ieſus Christ,comme recite S.Iean: Milites ple
čtentes coronam de ſpinis, impofuerunt capiti eius.
Et les genfd'armes plierết vne courốne d’eſpi
nes, & la meirent furfon chef, en ſigne de de
rifion
D v V E N D R E DY B E N E I S T. 447
rifiốpour le diademe imperial.Les genfd'armes
luy mirent vne couronne d'eſpines: & pour la
robe royalleluy veſtirent vne robe de pourpre,
c’eſtà dire d'eſcarlate: & pour le ſceptre royal
vn roſeau en ſa main : & pliant, le genoil ils
difoyết en ſe moquãt de luy:Aue rex Iudeorum. Matth. 27.
Biéte ſoit Roy des Iuifs,crachãs en fa precieu- V

fe face,& frappoyét fon digne chef Baculo ară- -

dineo, auec.vn de cãne dit rouſeau. O pi -

tié grande & admirable voir le chefde Ieſus


Chriſt tout fanglant, les groſſes & abondantes -
larmes diſtillấtes de ſon trifte & dolent vifage,
entremefleesaụec ſon rouge fang|Venez tous,
voyez & fentez la roſe rouge entre les eſpines.
Car elle eſt en odeur de bonne fenteur. Dixit Pilate dist:
Pilatus,ecce homo:Pilate dit,voicy l'hőme,voyez "o "***".
ſon chef percé, tout fon corps defchiré, & fon
vifage tout couuett de crachats. Ecce homo,voi
| cy l'homme. On auroit pitié d'vne beſte. Qui
| clamauerät,crucifige,crucifige eŭ. Et les Iuifs crie- Ioan.ro.
rent,difans,crucifie le,crucifie-le. Ils doublent
crucifie-le,demonſtrấs vn admirable defir pour
le faire mourir.Pilate leur dit: Accipite eum vos
& crucifigite. Prenez-le vous meſmes & le cru
cifiez. Carie ne trouue point de caufe en luy.
Les Iuifs luy reſpondirent, Nos legem habemus,
& fecundum legem debet mori,quia filium Dei fefe
cit. Nous auons vne loy, & ſelon la loy il doit
mourir: car il s'eſt faićt Fils de Dieu. Quand
Pilate ouyt ceſte parolle, il craignit plus fort.
Et entra derechef au Pretoire, & diſt à Ieſus:
- Vnde
448 pov R L E Iov R -

Vnde estu ? D'où es tu? Et Ieſus ne luy reſpon


ditpas vn mot , pour trois raiſons. Premiere
ment, par ce que Pilate eſtoit idolatre, adora
teur des fimulachres & idoles : pource il ne
euſt peu comprendre : l'eternelle generation
de Ieſus Chriſt. Secondement pource qu'il ne
vouloit pas empeſcher fa paſſió, où il ne restoit
feulemét que la croix.Tiercement,à fin que l'o
Efa.f3,
racle prophetique fuſtaccomply, difant: Sicut
agnus corãtondëtefe,obmutuit,& nõ aperuit osfuã.
Comme l'agneau deuant celuy quile tond , il
fe taift, & n’ouure point ſa bouche. Lors Pilate
luy diſt: Mihi non loqueris? Ne parles tu point à
moy? Ne fçais-tu pas quei'ay puiſſance de te
crucifier, & puiſſance de te deliurer? Pilate par
fes propres parolles fecốdamne.Car s'il a puif
fance de le deliurer,& qu'il fçait qu'il est inno
cent, & que fauſlement il eſt accuſé, il fe rend
inexcuſable de ſon peché. Ieſus luy reſpond:
Non haberes aduerfum mepotestatē,&c.Tu n'au
rois aucune puistance fur moy , s'il ne t'eſtoit
donné d'enhaut. Pour ceſte caufe celuy qui
m'aliuré à toy a plus grãd peché. Car celuy qui
peche par enuie comme Iuifs, ou par aua
rice, comme Iudas, peche plus griefuement
que celuy qui peche par crainte humaine, Et
depuis Pilate cherchoit à le deliurer: mais les
Iuifs ont dit : Si hunc dimittis, non es amicus Cæ
faris. Si tu le deliures,tu n'es pasamy de Ceſar.
Car quiconque fe fait Roy, contredit à Ceſar.
Et quand Pilate eut ouy ceſte parolle » il
amena
d v v E N D R E D Y B e N e 1 s r. 449 |
amena Ieſus dehors, & s'affit au fiege iudicial,
au lieu appellé Licostratos,en Hebrieu Galbata.
Or eſtoit-il le iour de la preparation de Paſ
ques enuiron fix heures :& diſt aux Iuifs: Ecce
Reæ vester : Voicy voſtre Roy. Et ils crioyent,
Tolle, tolle, crucifige eum. Ofte,ofte,& crucifie
le. Pilate leur diit, crucifieray.ie voltre Roy?
Leſquels reſpondirent: Non habemus regem nif? .
Cafarem. Nous n'auons point de roy finon Ce
far. Par ces parolles ils ont renoncé a la dignité - - -

royalle. Pilate voyant qu'il ne proffitoit rien,


mais que tumulte tant plus fe faiſoit, print de
l’eau,& laua fes mains deuanr le peuple,difant:
Innocensfum à/anguine iusti huius, vos videritis. Matth.az,
Ie fuis innocết du fang de ce iufte,vous le ver
rez. O Pilate! toute l'eau de la mer ne te pour
roit lauer. Et tout le peuple reſpondant dist:
Sanguis eius füper nos & ſuperfilios nostros. Son
fang ſoit fur nous & fur nos enfans, c'eſt à di
re, la vengeance de fa mort deſcende fur nous
& fur nos enfans. Les Iuifs ont reſpondu Vn
mot falutaire.Mais auec vne intétion peruerfe.
Car ils vouloyent perſuader à Pilare , que ce
n’eſtoit pas peché de condamner Ieſus Chriſt
à la mort. Mais nous autres Chreſtiens auec
bonne & faincte intention, nous prierons no
ftre Dieu & pere fauueur, Sanguis eius, &c.
C’eſt à direle merite du precieux & digne fang
de Ieſus Chriſt deſcende fur nous & fur nos en
fans,par la vertu duquel nous foyons tous fau
uez. Tiercement, le pitoyable myſtere de la
45o . Po vR LE Iov R
paſſion de Ieſus Christ noſtre Seigneur & fau
ueur confifte en la condemnation iniuſte, par
le prophane & iniuſte iuge Pilate, qui iniu
ftement l'a condemné à la mort,duquel le cru
cifiement eſt eſcrit: Premierement, quant au
lieu, à fçauoir au mont de Caluaire. Seconde
ment,quant à la maniere: car tout nud ils l'at
tacherent à la croix auec gros cloux. Tierce
lø4n.rs,
ment,quant au tiltre.Car Pilate eſcriuit vn til
tre, & le miſt fus la croix. Et eſtoit eſcrit, Ieſus
JAVazarenureæ Iudæorā, & erat fcriptă Hebraicè,
Grace,& Latinè. Quartemét,quantà la compa
gnie: car auec luy furent crucifiez deux lar
rons, l'vn d'vn coſté, l'autre d'autre, & Ieſus
au milieu. Cinquiefmement,le pitoyable cru
cifiement eſt eſcrit, quant à la mocquerie &
derifion, à l'endroit de Ieſus Chriſt. Les pre
miers qui fe mocquoyent de luy estoyent ceux
qui eſtoyentaſſis, qui prenoyent garde ſur luy.
:Secondement , Les paſſans qui le blaſphe
moyent, Mouentes capitafua.Secoüant leurste
ftes ; & difans:Toy qui destruis le temple, &
en trois iours l'edifie, fauue toy toy-meſme
defcendant de la croix. Tiercement, les Prin
ces des Preſtres & Scribes, & les anciens du
peuple ſe mocquoyent de luy,difans: Aliosfal
uos fecit feipfum non potestfaluum facere. Il a fau
ué les autres,& il nefe peut fauuer foy meſme.
S’il eſt fils de Dieu,qu'il deſcende maintenant
de la croix, & nous croyrons en luy. Quarte
ment, les larrons qui eſtoyent crucifiez auec
luy
D v v E N D R E D y B E N E 1 s r. 451
luy,tous deux l'ont blaſphemé : mais l'vn fina
blement fut conuerty : & l'autre blaſphemoir,
difant:Situ es Christus/aluumfacteipfum & nos.
Si tu es le Chriſt, fauue toy toy-meime & nous.
Mais l'autre reſpondoit & reprenoit ſon com
paignon,difant:Nequetu times Deum,quiin eadẽ
damnationees?Ne crains tu point Dieu,veu que
tu es en la meſme condemnation ? Et certes
nous y ſommes iuſtement. Car nous receuons
choſes dignes de nos faicts: mais ceſtuy-cy n'a
faićt aucun mal:Le dernier myſtere de la paf
fion de Ieſus Chriſt conſiſte en ſept parolles
que noſtre Seigneur a dićt & prononcé en la
croix.La premiere a fon pere,diſant: Pater igno
fce illis,quia neſciunt quid faciunt.Pere,pardonne
leur, car ils ne tçauent qu'ils font. Lespierres
& rochers, le ciel & la terre crient & deman
dent vengeance : mais Ieſus Chriſt demande
pardon & indulgence,fe rendant aduocat pour
fa partie aduerfe, il a cőpaffion de ceux qui luy
font paſſion, il medecine ceux qui le bleſſent,
il procure la vie pour ceux qui le crucifient &
le liurent à la mort. Nous enfeignant que nous
deuons prier Dieu, non ſeulement pour nos
amys & bien-faićteurs:mais auſſi pour noz en
nemis & perſecuteurs, pour l'honneur & a
mour de celuy qui tant nous a aymé : combien
que nous fuſſions fes ennemys , toutefois il a
enduré pour nous patiemment & volontaire
ment la douloreuſe mort & angoiſſeufe paf
fion au fupplice de la croix p : redem
- Ff 2
452 P OV R L E I O V R.

ption.La feconde parolle qu'il a dit en la croix,


fut au bon larron , qui l’auoit humblement
prié, difant:Domine memento met dum veneris in
regnum tuum: Seigneur aye memoire de moy
quand tu viendras en ton Royaume. Lequel
bon larron par la grace de lefus Chriſt & par
la charité de fon fainct Eſprit auoit ferme &
entiere foy. Car il croit que celuy qu'il voit
femblablement mourir aucc luy , & auquel il
n’auoit veu faire aucun miracle , eſt le vray
Seigneur de gloire, qui glorieuſement & eter
nellement regneroit au fiecle aduenir. Il auoit
auffi ferme eſperance: car il a demandé à lefus
Chriſt acces & entree en fon Royaume cele
fte, quand il l'a prié, difant: Seigneur aye me
moire de moy quand tu viếdras en ton Royau
me. Il a auſſi eu pure & fincere charité: car
charitablement il a redargué fon compaignon
le mauuais larron de fon iniquité & iniuſtice,
luy prefchant la vie eternelle, difant : Neque
tu times Deum ? Ne crains tu point Dieu : veu
que tu es en la meſme condemnation ? & cer
tes nous y ſommes iuſtement : car nous rece
uons chofes dignes de nos faićts : Mais ceſtuy
cy n'a faićt aucun mal. Il a auſſi eu contrition
de coeur, auec confeſſion de bouche: parquoy
il a esté abſoult defes pechez par le grand pre
ftre felon l'ordre de Melchiſedech eternelle
ment: il luy a donné pleine abſolution de fes
pechez, difant : Amen dico tibi,hodie mecum eris
inparadifo.Ie te dis en verité,auiourd'huy tu fe
- IaS
N.
D v v e N D Re D y B E N e i s r. 453
ras auec moy en paradis. La troiſieſme parolle
qu'il dit en la croix,fut à ſa treſſacree mere,cő
me il eſt dit en Sainćt Iean, Ieſus voyant ſa me-
re & le diſciple qu'il aymoit preſent, dist à ſa "*" tº:
mere:Mulier eccefilius tuua:Deinde dixit distipu
lo, Ecce mater tua. Femme voyla tő fils. Et apres
dit au diſciple,voyla ta mere. Il parle à fa mere
pour eſtre cogneu en fa parolle & non pas en
fa face, laquelle eſtoit totallement deffiguree,
couuerte de crachats de fang: partant
il dit,femme voyla ton fils. O douce & vierge Exclamatis,
mere,vous ne gaignez pas au change.Car vous
auez vn fils adoptif au lieu de voſtre fils natu
rel & perſonnel,vn Iean pour vn Ieſus, vt fer
uiteurau lieu de Seigneur, le fils de Zebedee
pour le fils de Dieu, vn hőme pur pour le vray
Dieu & Seigneur du ciel, & de la terre. Il l'a
nommé femme & non mere:car le nom mater
nel eſt fi amiable, doux & pitoyable que s'il
fuſt yffu de la treſſacree & diuine bouche de
Ieſus Chriſt, la douleur & peine eust eſté plus
grande au fils & à la mere.La quatrieſme parol
le qu’il a dit en la croix,fut à ſon pere. Car en
uirő neufheures Ieſus cria à haute voix,diſant:
Ely, Ely,lamafabathani: c'eſt à dire,mő Dieu,mő
Dieu,pourquoy m'as tu delaiſféřildouble le nố
de Dieu pour fa grande douleur l'humanité ſe
complaint de la diuinité, laquelle ne luy don
ne aucune ayde. Et aucuns de ceux qui eftoyết
là prefens quand ils l'ouyrent,diſoyent:Heliam
vocat iste:ceſtuy appelleHe w s'il vien
/ 3
454 . pov R LE : 1ovR
dra pour le deliurer. Ceux qui difoyent cela
eſtoyent Romains, qui n’entendoyent pas la
langue Hebraïque. La cinquieſme parolle,Ie
fus fgachant que toutes choſes eſtoyentjà con
fommees, à fin que l'eſcriture fuſt accomplie,
il diſt: Sitio. I'ay foif. O ame deuote confidere
icy vne chofe digne d'admiration : car celuy
qui eſt la fontaine d'eau viue, qui enuoye la
du ciel pour arroufer la terre, qui a creé
a mer, les fleuues, riuieres, fontaines, vins,
& toutes autres liqueurs, auiourd'huy pour
toy il a foif, non ſeulement naturellement,
mais auſſi ſpirituellement. Car la plus grand
foif qu'il endure, c’eſt l'ardant deſir du falut
de nos ames: ie te conſeille de luy donner à
boire du breuuage de larmes de compunction
& contrition: Vas ergo erat posttum a Cet 0 plenum,
&c. Et là eſtoit mis vn vaiſſeau plein de vin ai
gre.lceux donc emplirentvne eſponge & l’en
uironnerent d'yſope, & luy preſenterent à la
Ioan.ro. bouche. Or quand Ieſus eut prins le vin aigre
- entremeſlé auec du fiel, il n’a point voulu boi
re.O cas criminel & pendable! le Roy deman
de à ſon ſommelier à boire, & au lieu du bő &
doux vin , il luy donne à boire du vin euenté.
La 6-parolle:Confiammatum est.Tout eſtacheué,
c'eſt à dire,tout ce qui a esté eſcrit par les Pro
hetes de ma mort eſt conſommé. L'oeuure de
redemption humaine eſt conſommé. Mon
corps eſt conſommé. Le facrement & myſtere
de ma paſſion est conſommé. Le vieux teſta
II) Cnt
D v v E N D R E D y B E n er s r. 455
ment est confommé, pour le regard des com
mandemens ceremoniaux & iudiciaux, qui re
preſentoyent ma mort, comme l'ancienne cir
concifion , l'immolation de l'agneau paſchal,
& l'oblation des animaux: tout cela eſt cőfom
mé. S’enfuit la 7. & derniere parolle que Ieſus
Chriſt a proferé en la croix, Paterin manus tuas Luc.2 t,
: commendo ſpiritum meum. Et Ieſus criant à haute
voix, diſt: Pere ie recommande mon eſprit C1l
tes mains. Par là il nous enſeigne qu'en l'ex
tremité de nos iours, nous deuons recourir à
:
Dieu,& à fa fainćtemiſericorde, luy recốman
dant nosames. Sa voix fut fi grãde & penetran
te,qu'elle fut ouye aux enfers: feit trembler le
ciel & la terre. Et apres auoir proferé les fuf
dićtes ſept parolles, Inclinato capite,tradidit ſpi
|
ritum: le chefencliné, il rendit ſ’eſprit. Et in
continết ceſte ſacree diuine ame deſcendit aux
enfers, pour illuminer ceux qui eſtoyent aux
tenebres, & qui estoyent affis à l'ombre de la
mort. Grande ioye fut celebree par les fainćts
peres aux lymbes. Mais au contraire grande
peur,eſpouuantement, & frayeur à Lucifer,&
àtous fesſatellites,eſprits diaboliques.O Chre
ftiens qui auiourd'huy eſtes icy aſſemblez au
nom de Dieu, & pour ouyr le pitoyable my
ftere de la mort & paſſion de Ieſus Chriſt no
ftre Seigneur & Sauueur,ie vous prie par la mi
fericorde de Dieu, par la grace de ſon fils, &
la charité du fainét Eſprit, propoſez deuant
es yeux de vosames
-
kres Ff.: digne
4
corps
456 P o v R L E Io v R
de vostre eſpoux & pere fauueur, lequel auec
gros cloux eſt artaché en la croix: voyez par pi
tié & deuotion qu'il a la teſte enclinee pour
vous baifer, les bras eſtendus pour vous em
bralfer, fon coſté precieux percé pour vous ai
mer, fes pieds cloüez pour perpetuellement
auec vous demeurer. O Chreſtiens! venez,ap
prochez vous, & voyez ceſt admirable & pi
toyable myſtere. O nobles Princes, Seigneurs
& Dames, venez , voyez & plorez la mort du
Roy des roys , du Seigneur des feigneurs , de
l'Empereur & Monarque du ciel & de la terre.
O vous meſſieurs & freres d’Egliſe , venez,
voyez & plorez la mort du grád preſtre,felő l’or
dre de Melchiſedech eternellement. O vousri
ches & pauures, maris & femmes s ieunes &
vieux, ieunes enfans, ieunes filles, pucelles &
vierges,tous & toutes venez,voyez,& vous ap
prochez, & plorez la tref-douloreuſe mort &
angoiffeuſe paffion de Ieſus Christ noſtre Sei
gneur & Sauueur,à fin í nous puiſſiós eſtre par
ticipans du merite de ce grãd threfor celeſte,le
quelauiourd'huy il a acqueſté par le moyen de
la cruelle mort qu'il a enduré en fon corps. Au
quel tout ainſi q l'infirmité de fa chair eſt ap
parue , ſemblablement a eſté manifeſtee & de
claree fa puiſſance diuine. Premierement, par
fignes: car le Soleil eclypſa, & tenebres furent
faictes furtoute la terre.Secondement, le voile
du temple fe fendit en deux,depuis le hautiuſ
ques au bas, cela fignifioit que l'ouuerture du
ciel
d v v e n d R e d v s E n e 1 s r. 457
ciel eſtoit faićte par le merite de la mort de Ie
fus Chriſt. Tiercemét,la terre trembla,comme
ne voulant porter ſon createur ſus elle. Qua
triefmement les pierres fe fendirent.Cela nous
enſeigne que nous deuons fendre nos coeurs
par gemiſfemens, pleurs, plainćts, douleur de
coeur: autrement nous ferons plus rudes & af
pres que rochers & pierres , leſquelles auiour
d'huy fe font fendues. Cinquiefmement les
monuments fe font ouuerts , & en figne de la
future reſurrećtion , pluſieurs corps de morts
reffuſciterent, & vindrent en la cité,
& s'apparurent à pluſieurs, comme teſmoings
de la vraye reſurrećtió de Ieſus Chriſt. Dauan
tage, la puiſſance diuine au temps de la paffion
de noſtre Seigneur a eſté manifeſtee & ap
par miracles euidens: comme par l’il
umination d'vn gend'arme, qui premierement
estoit aueugle, qui perça fon coſté d’vne lance,
& incontinent il en fortit fang & eau, auquel
coſté ont eſté faicts trois miracles. Le pre
mier, fang vif d’vn corps mort. Secondement,
vrave & viue eau. Tiercement, l'aueugle illu
miné. Finablement, la puillance de la diuini
té a eſté approuuee par les teſmoignages des
aduerſaires & ennemis de Ieſus Chriſt. Com
me du Centenier,lequel voyāt ce qui auoit eſté
faićt,glorifia Dieu, difant:Vrayemết ceſt hom
me cy eſtoit iuste. Et tout le peuple qui s'eſtoit
aſſemblé à ce ſpectacle, voyāt les choſes qui fe
faiſoyent, s'en retournoyent frappãs leurs poi
5
458 : , P O V R L E : I O V R.
Ioan.19.
ćtrines. Ioſeph d'Arimathie impetra licence
de Pilate, d’enfeuelir le corps de noſtre Sei
gneur. Nicodeme vint auec luy, lequel eſtoit
premierement venu de nuićt à Ieſus, apportant
vne mixtion de myrrhe & aloës, enuiron cent
liures. Lors prindrent le corps de Ieſus & l'en
uelopperent de linges , auec odeurs aromati
ques, comme la coustume des Iuifs est d’enfe
uelir. Or y auoit-il au lieu où il fut crucifié, vn
iardin,& au iardin vn ſepulchre nouueau, au
Oraiſon. quelencores perſonne n'auoit eſté mis. Prions
noſtre Dieu,pere trefbening& debonnaire, qui
nous a creé à fa femblance, qui nous a racheté
par le prix de fon precieux & digne fang , qu'il
vueille naurer & penetrer nos eſprits de la
tres-douce memoire des graces ineſtimables,
leſquelles il nous a faićt,& nous donner à viue
mết gouster & fauourer les treſameres & cruel
les douleurs, leſquelles pour nous il a fouf
fert,à fin que par la memoire de fes grands be
nefices qu’il nous a faićt,nous puiſſions efueil
ler & efleuer nos coeurs pour , & fen
tir l'odeur de fa paffion,laquelle pour nous il a
enduree: & que nous auoir en hor
reur & abomination les pechez par nous com
mis le tếps paſſé. Pour choſe obtenir,
preſentement vn chacun de vous ſe mettra en
bốne deuotion,& dira de coeur auec moy, ainſi
que ie diray de bouche les exhortations accou
stumees, & prieres Chrestiennes. Et premie
rement, nous prierons nostre bon Dieu pere,
plein
- d e p A s Q v e s. 459
plein de mifericorde, pour la manutention &
augmentation de la fainćte foy de leſus Chriſt,
&c. Comme amplement elles font enregi
ſtrees en noſtre proëſme, comme y pourrez
veoir amplement.
L E I O V R D E
P A s Q y E s.
Fēl’Eſcriture fainéte nous enſeigne
que quand noſtre Seigneur a
|-

| quelque ceuure de recommédation,


E Z4|comme quãd il s'eſt apparu aux an
ciens Patriarches, en memoire d'vn fi grand
benefice, ils n'ont pas eu feulement Dieu en
reuerence: mais le lieu & le iour auquel telle
choſe s'eſtoit pratiquee.Et pour exemple de ce
cy,nous lifons en Geneſe, chapitre 38. comme
Dieu enuoya le fommeil à Iacob eſtant ſur le
čhemin pour aller en Meſopotamie. Or en
dormant, il eut vne vifion : c'eſt qu'il veit vne
grãde efchelle, laquelle d'vn bout touchoit au
ciel,& de l'autre bout à terre.D'auantage illuy
fembloit qu'il voyoit noſtre Seigneur acouldé
fur le haut de ceſte efchelle,& femblablement
des Anges qui montoyent & deſcendoyent par
ceste efchelle.Apres il entếdit la voix de Dieu,
qui luy dist: Ego fum Deus Abraham patristui,
&c.Iacob qui auoit l'eſprit de Dieu,estant ref
ueillé, non ſeulement eut en grande reuerence
Dieu,qui
cas du lieu, difant:
;
luy:mais auſſi feit grand
terribilisest locus iste,
crc. Et de la pierre auſſi fur laquelle il s'eſtoit
46o L E I O V R.

endormy: tellement que illum erexit in titulum,


fundens oleum deſaper. Semblablement nous
auons en Exode 12. chapitre expreſſément,
comme en memoire de la deliurance du peu
ple d'Iſraël hors d'Egypte, par le commande
ment expres de Dieu,fut inſtituee la feſte tref
celebre de Paſques: Et ce auec pluſieurs cere
monies obſeruees tous les ans auec grande fo
lennité en memoire d'vn tel benefice. Combiế
donc à plus forte raiſon doit eſtre par les Chre
ftiens celebré le iour de la reſurrećtiố de noſtre
Sauueur:veu que à ce iour nous auốs receu vn
trop plus grand bien que les enfans d'Iſraël
eſtans deliurez de la feruitude d'Egypte ? C’eſt
pourquoy nous voyonspar toute la Chreſtienté
auiourd'huy vne fi grande folennité. Ce qui a
uoit eſté preueu longtemps au parauant par le
Royal Prophete Dauid,au Pfalme 117. où par
lant de ce iour & feſte de Paſques tant celebré
entre les Chrestiens, dit expreſlement: Hec est
dies quam fecit dominus, exultemus & letemur in
ea. Ainfi comme l'Egliſe Catholique chante
auiourd'huy par toute la Chreſtienté. Ce qui
s'entendoit à la lettre, fans aucune doubte, du
iour de la reſurrećtion de nostre Seigneur, &
de la feſte du iourd’huy:ainfi comme nous lete
ftifiết tous les fainćts Peres & anciếs Doćteurs:
mais entre autres,S. Hieroſme tom. 4.aù fermő
qu'il a fait de reſurrettione domini,& S.A mbroi
fe au liure qu’il a eſcrit de mysterio Phastha cap.
J. & S. Jean Chryſoſtome expofant ce
- du
/* DE P A s Q_y E s. 46r
du Pfeaume preallegué, Sainćt Auguſtin &
Sainćt Gregoire. Parquoy ie ne puis aflez de
plorer la folie de ces pauures Huguenots aueu
glez:lefquels contre le teſmoignage de l'Eſcri
ture & la pratique ancienne de toute l'Eglife
Chreſtienne ont ofté de leur fynagogue la feſte
de Paſques, & autres festes de noſtre Sauueur,
pour noſtre falut auoyent esté pru
demment inſtituees, à fin de nous remettre en
memoire lesgrands faits & myſteres pratiquez
par noſtre Seigneur à teliour. Car par cela il eſt
manifeſte que c'eſt le diable qui leur veut du
tout ofter la memoire des bienfaićts de Ieſus
Chriſt,à fin qu'ils les mettent en oubly,& n’en
foyent pas recognoillans : ainfi comme nous
voyons qu’il leur a oſté tellement la memoire
de la mort & paſſion de noſtre Sauueur, qu’ils
n’ont rien plus en horreur (non plus que les
diables) que le figne de la croix: de forte qu'on
ne leur fçauroit faire plus grand dueil & def
plaifir, & leur donner plus grande occafion de
fortir de noſtre compagnie, finon qu'en faiſant
le ſigne de la croix, tefmoing S. Gregoire Na
zianzene oratione 1.aduersta Iulianum, & fainét
Gregoire de Nice en la vie de Gregorius mirifi
cua, & S. Hieroſme in vita Pauli atque Hilario
nis, S.lean Chryſoſtome en l'homelie de cruce
& latrone,& en la f1.homelie fur S. Matthieu,
Epiphanius contra Ebioneos, & Lactance lib. 4.
inštitut. diuinarum cap. 27.& Nicephore cap.io.
lib.3.histo. Eccleſiaſt. lefquels testifient aperte
1Tl e Ilt
462 L E I O V R.

ment que le figne de la croix faićt fuyr le dia


ble. Et pource que au Dimenche noſtre Sau
ueur est reliuſcité, il ne faut pas s'eſmerueiller
fi l'Egliſe Catholique & Romaine conduite
par le S.Eſprit s'aſſemble à tel iour que auiour
d'huy pour folennizer auec grāde refiouyſlan
ce cette feſte, en memoire des biens qu’elle a
receus à teliour. Venons maintenant à l'hiſtoi
re de noſtre Euangile,où il est faićt mention de
la deuotion de trois bonnes Dames tout au
Matt. 28.
commencement: Maria Magdalene & Maria
. Iacobi & Salome emerunt aromata vt venientes
Ioan.ac. vngerent Ieſum. Et quand le iour du repos fut
palié,au meſme iour de la reſurrećtion de Ieſus
Chriſt,les trois Maries,à fçauoir Marie Magda
leine, Marie mere de laques , Marie Salomé,
acheterent des oignemens aromatiques, à fin
qu'elles veinflent embaufmer Ieſus Chriſt. Icy
nous auons à noter. Premierement vne honne
fte ſocieté & compagnie, à fçauoir de Marie
Magdaleine,Iacobi, & Salomé, lefquelles n’ót
point amené auecques elles femmes folles &
mondaines.Par là nous ſommesinſtruićts d'ay
mer & enfuyure bonne & fainćte compagnie:
Seu frater aliquis viſitandus, feu stationes facıēde,
fêuperegrinationes fuſcipiende feu alia quadam di
Nou deuons uina obeundafuerint, comme dit Tertulliā lib.ad
“y”;r & / vworem.Car comme dit le pſalmographe,celuy
" quienfuyt bonne compagnie voit aux autres
fainéte com - 1; /
paignie, G’ l'honneſteté de bonnes moeurs. Et non ſeule
«arquy. ment il voit: mais auſſi il entend leur falutaire
- do
- D E P As Q v E s. 463
doćtrine : par laquelle il eſt attiré à les en- -

fuyure.Et au contraire c'eſt choſe grandement similitade.


dommageable d'enfuyure les mauuais:car cő
me celuy qui conuerfe auec les ladres, ou auec
ceux qui font infećts de quelque maladie con
tagieuſe,eſt faićt pareil & femblable à eux, cő
me il est notoire du Prince des Apoſtres fainét Matth.as:
Pierre, apres qu'il est entré en la maiſon d’An
ne & Cayphe. Cela aufli eſt clairement mani
feſté en Dina fille de Iacob, apres qu'elle s'eſt
accompagnee aux femmes des Chananees. Ie Geneſs“
telaiſſe à penfer cóbien de preſtres & religieux
oings & ſacrez, ont eſté faićts iniques & mef
chãs parla frequếtation des mauuais. Ie re laiſſe
auſſi à penfer combien de ieunes gens ont eſté
perdus & pendus par la frequentation des per
uers & mefchans. Ie te laiſſe à penfer combien
de ieunes filles vierges & pueelles, combien
de femmes mariees, combien de vefues par la
frequentation des meſchans & mefchantes,ont
eſtéfaićtes paillardes & infames, Le marchant
fage & prudent ne s'accompagne point auec
les larrons & brigãs.les pelerins & paſſagers ns
s'accompagnent ny allient auec ceux qui vont
& cheminent par voye contraire. Ainſi ſpiri
tuellement la mauuaife compagnie eſt ac
comparagee à l'eau. Car comme l'eau pluftoft çantaraiſes
eſteinćt le feu,que le feu n’eſchauffe l’eau:ainfi l'eau, er
- * - e mauuaife
mauuaife compagnie faići plustoſt les mau
uais, que bonne compagnie ne faićt les bons. «>

C'est ce que dit fainét Iean Chryſoſtome:Quã


- do
464 1 e 1ovR
do bonus malo coniungitur,nă ex bono malus melio
ratur:fedex malo bonus contaminatur. La femme
folle pompeuſement veſtue , par ton regard
impudic,& faux blafons & deuis, pluitoſt con
uerrira à cốcupiſcence,que le preſcheur vigilát
à conuerſion & penitence.Car le fens & l'ima
*

gination du coeur de l'homme ett mauuaife dés


Geneft. fa ieuneste. Et pource ie vous prie & admon
neſte, que vous qui auez auiourd'huy receu le
tres-venerable & digne ſacrement de l'autel,
que vous fuyez mauuaife compagnie, & que
vous enfuyuiez la bonne,prenant exemple aux
fainćtes & vertueuſes Dames, defquelles il eft
dićt: Marie Magdaleine, Marie mere de la
ques, & Salomé, acheterent des oignemens
aromatiques,cõtre la puátife : & onguents pre
cieux contre la corruption. Car elles n'enten
P/al.rs.
doyent pas encores les eſcritures,leſquelles di
foyent:Nõ dabis Sančtum tuum videre corruptio
nem.Tune donneras point ton Sainćt voir cor
ruption. Elles acheterent des oignemens aro
mariques,à fçauoir de leur propre ſubſtance, &
non de rapine, ou des biens iniuſtement ac
Prouerb.s. quis, fuyuãt le confeil du ſage Salomon:Hono
ra dominum de tua ſubstantia. Honore ton Sei
.. " E/e.rs.
gneur de ta ſubſtance. Et comme dit l'eſprit de
Dieu par fon Prophete Eſaie : Frange panem
tuum efrienti,Briſe à celuy qui a faim ton pain,
& non pas celuy d'autruy. Car donner le bien
d'autruy , est deſpoüiller Pierre , pour veftir
Îean, Cecy eſt contre pluſieurs faux & per
uers
D E P A s Q y e s. 46;
uers Chreſtiens auaricieux, vfuriers, & rapi
neurs,qui donnent pluſieurs biens aux E
hoſpitaux, & aux pauures, leſquels premiere
ment ils auoyết acquispartromperies, fraudes,
rapines, iniuſtices, vſures, & par autres voyes
illicites,à tort & à trauers, croyáspar telle ma
niere pacifier & adoucir l’ire de Dieu : contre
lefquels crie le Roy Salomon : Viếtime impio- Prººeri.tr.
rumabominabiles Domino.Les ſacrifices des meſ
chás font abominables,qui font faits auecques
crimes. Qui ofert/acrificium ex ſubstantiapaupe- Fetlefie.
rum,quast qui vittimatfiliữ in conffettu patris fui, -

Celuy qui offre facrifice de la ſubſtance des


pauures, est comme celuy qui ſacrifie le fils en
la preſence du pere. Donc telle maniere de gés
en cela font à Dieu grandement deſplaiſans:
pource que fauffement ils eſtiment partels biés
plaire à Dieu, eſperans qu'ils obtiendront le
Royaume celeſte. Mais c'eſt tout au contrai
re. Car infalliblement enfer fera leur habita
tion, & le diable auecques fes miniſtres feront
leurs patrons, qui fans aucune cőſolation con
les tourmenteront. En figure
dequoy il eſt eſcrit : Les enfans d'Aaron, Na- Leuit.ro.
• yđab & Abihu
mirent prindrét
du feu chacun
, & y firent vn encenſoir,, &
perfumigation &
offrirent deuant le Seigneur feu d'autruy, le
quel ne leur auoit point esté mandé: Adonc le
feu yſfit de deuant le Seigneur, & les deuora,
& moururent deuant le Seigneur. Ce que les
vfuriers deuroyent à iuſte poiſer, def
Gg
466 L E I O V. R.

quels pluſieurs ayment mieux faire aumoſne,


que rendre le bien d'autruy. Ettoutefois com
me dit S.Auguſtin:Non dimittitur peccatum, nist
restituatur ablatum. Le peché n’eſt point par
donné, fi le bien d'autruy n'eſt reſtitué. En
apresil eſt dićt en l'Euāgile,que ces bőnes Da
mes, Emerūtaromata, vt veniētes vngerēt Ieſum.
.* Acheterent des oignemens aromatiques, pour
• . embaufmer le corps de Ieſus Chriſt. Cela
nous denote que quand nous voulons faire
quelque ceuure de charité aux pauures , nous
similitude. la deuons faire de bonne ſubſtance. Tout ainſi
que le laboureur choifit le meilleur grain
pour femer : ainſi l'operateur de l'oeuure cha
ritable doit choiſir de la meilleure ſubſtance de
fon bien , pour femer au champ, c’eſt à dire,au
fein du pauure : & l'aumofne (combien que le
pauure ſe taife) priera Dieu pour le bienfai
čteur.Contre les auaricieux qui veulent paiſtre
Ieſus Chriſt en fes membres, de la pire fubſtan
ce qu'ils ayent, & laquelle ny eux ne leurs fer
|
uiteurs ne voudroyent manger. Telle aumoſne
a n'eſt pas à Dieu plaifante ny aggreable. Marie
Magdaleine , & Marie mere de Iacques , &
Marie Salomé,ont faićt le contraire. Car elles
ont acheté des oignemens aromatiques & odo
ponner aux rans, pour embaufmer Ieſus Chriſt. Icy nous
pauºre; e në faut noter qu'il faut oindre Ieſus Chriſt en
:::::::e fes membres, pour l'amour & honneur de luy.
Car il faut donner aux pauures; & non pas
aux riches. En ſigne dequoy il est eſcrit, que
le
DE P A s-Q_y E. s. 467
le prophete de Dieu Heliſee enſeignoit la fem
me vefue mettre l'huille dãs les vailleaux vui
des: car ce quieſt mis dans le vailleau plein fe .zw.as- v
pert & perit. Cela nous enfeigne que nous de
uons nourrir les ventres vuides & affamez dès
pauures de Ieſus Chriſt. Et comme ſuy meſme
nous enfeigne:Le pere de famille dit à ſon fer- -

uiteur:Exi cito in plateas & vicos ciuitatis & pau- Luc.rz.


peres ac debiles & cæcos & claudos introduc huc.
Va incontinentaux places & ruës de la cité, &
ameine ceaňs les pauures, & les impotens, & |

les boiteux, & les aucugles. La terre feche & ... ...
non aquatique,doit eſtre arroufee. La terrefe-*"***
mee,ne doit point eſtre derechef femee: on ne - ***
doit porter le bois aux foreſts,ne ietter l'eau en
la mer,ny ofter l'eau en la ferre feche,Telles fi-
militudes nous enfeignent de faire bien & au
mofne aux pauures deſpouillez des biens de
çe monde,& non aux riches, qui abondent en
biếs temporels: Et valdè mane vna/abbathorum
venerūt admonumentā,orto iamfole.Et bien ma .*

tin au premier iour de la ſepmaine, elles vien


nent au monument le Soleil jà leué. Voyla vn Amourardii.
ardant amour des trois Maries à leur Seigneur : : ----

& maiſtre Ieſus Chriſt, lequel non ſeulement


elles ont aymé en la vie,cóme le ſuyuất & luy
adminiſtrant & faiſant ſeruice de leurs biens:
mais auſſi l'ont aymé luy estant mort,& fe font
preparecs à luy faire feruice felon leur pou
uoir. Cecy eſt contre pluſieurs, qui n'ayment
point les autres , finon au Fr:qu'ils leurs font
- - g 2
468 L E I O V R.

vtiles & profitables,& quandils font en necef.


fité,ou decedez, ils n'ont plus memoire d’eux.
Prou.rz. Contre leſquels il est eſcrit: Omni tempore di
ligit qui amicus est,& frater in angustuis comproba
tur: L'amy ayme en tout temps, & le frere eft
approuué au temps de tribulation.Car ainfifei
rent les troisamys de Iob , leſquels apres auoir
Ioh. ouy la mort des enfans de Iob, & qu’il eſtoit
frappé de playes, font venus pour le recreer
& confoler en fa tribulation, & hien matin.
Cela auſſi nous enfeigne le pluftoft & fans de
layer, faire le bien que nous auons determiné
Iacob.4.
& deliberédefaire,comme bien nous enfeigne
l'Apoſtre fainćt Iacques. Orça vous qui main
tenant dićtes, nous irons auiourd'huy ou de
main en ceſte cité , nous marchanderons &
aignerons, vous ignorez ce qui aduiendra le
Matt. 2f. En figure dequoy, il est eſcrit des
vierges folles, pource qu’elles retarderết trop
à ſe preparer pour venir aux nopces, qu'elles
vouloyent en apresentrer: ce qui ne leur fut
permis. Car l'eſpoux leur reſpond, Amendico
vobis,nefcio vos. Ievous dis en verité, ie ne vous
eccle.rr. cognoy point. Car comme dit l’Eccleſiaste.
Au matin femeta femence, & ne laiſſe le foir
repofertes mains. Par leſquelles paroles nous
fommes instruićts de perfeuerer en bonnes
deuures & fainćtes operations, iuſques à la fin
de noſtre vie. Et pource il ne ſuffit pas faire
bien à ces fainctsiours de Paſques, finon que
auſſi nous perfeuerions confequemment, en
- pro
---- n = pA so v = s. 469
profitant continuellement de bien en mieux,
par augmentation de vertu. Et bien matin au
premier iour de la fepmaine, elles viennent au
monument. Ainfi l'amour de Ieſus Chriſt les
contraignoit,preſſoit,& trauailloit, qu’elles ne
pouuoyentattendre le Soleilleuant, ou le clair
iour. Car comme dit S.Iean, encores estoyent
tenebres. Sainćt Luc dit, fort matin. Sainćt
Matthieu,au veſpre du iour du repos, qui com- /
mence à luyre, c’eſtoit à l’aube du iour, telle
ment qu’il y auoit aucune chofe de lumiere,&
aucune choſe de tenebres. Lalumiere du so
leil reſplendiſſoit aux lieux hauts, & les tene
bres eſtoyent fuslaterre aux lieux bas. Et quãd
elles fortoyent de la maiſon, les tenebres e
ftoyent, comme dit Sainćts Iean: mais quand
elles furent venuës au monument, comme dit
S.Marc,le Soleil eſtoitjà leué. S. Matthieu dit
qu'elles font venuës au veſpre duiour du re
pos,non pas que alors elles veinſſent au ſepul
chre: maisalors elles diſpoſoyent de venir, &
preparoyent leurs oignemens aromatiques.
Et encommencerent à venir de grand matin.
Voyla comme ces paſſages font accordez par
fainét Auguſtin cap. 24.lib.3.de confenfi, Euang.
Grande loüange eſt faićte en l'Euangile de ces Louanges
e *
3
, en
trois femmes. Premierement qu'elles ont ex- ,
pofë grande fomme d'argent pour acheter les troi. Řariei.
oignemens aromatiques, n'estimansrié l'argét
pour l’employer au feruice de nostre Seigneur:
Secondement combien que le ſexe feminin
* 4
\
Gg 3
47o - 1 E ( 1 o v Ri - - -

foit paoureux & craintifelles auoyent vn coeur


fort & virille,plus maſculin que feminin.L'au
idace de Pierre crainct & redoubte: la prochai
neté & parenté de lean & Tacques a grand
paour & frayeur. La conſtance & fermeté de
tous les Apoſtres qui vouloyét aller auecques
Huy en prifon,& à la mort,eſten oubliance,lors
que lés loups rauiſſans & chiens enragez,fe rue
rét&iettefếtauec fureur & furie fus l'aigneau
trefđoux & bening , tous prindrent la fuitte,
voire en craignant leurvmbre & les moufches
vollans par l’air.Mais cestrois fainćtes femmes
onrastiſté à Ieſus Chriſtau temps de la paffion,
'&'apres fa mort, n'ont point perdu coeur ou
courage,& celuy qu’ellés ont fuyuifaifant mi
iracles, éllës le cherchent à la mort,lequel elles
auoyent aymé en la vie.Entre leſquelles Mag
daleine eſt mife au premier lieu & ranc : pour
ce que plus que les autres elle aymoit noſtre
Seigneur:&laquelle au tếps paſſé a esté exem
pleen peché;maintenant est l'image defoy;pe
nitếce;charité, de bonté, & de courir apres Îe
Rom.s. fus Chriſt en l'odeur de fes vnguents : Vt vbi
abundauit delictum.fperabundet gratiarà fin que
là où le peché a abondé, grace plus y abonde.
za vierg, we Situ demandes de la Vierge mere, pourquoy
že n'est pas elle n’eſt allee auecques les trois Maries? Iete
trois Maries, reſpond que la Vierge est demeuree en la mai
G pourquoy. ſon:car elle eſtoit certaine & affeuree en la foy
de la reſurrećtion, fçáchant certainement & le
tiotif & l'heure de la reſurrećtion: mais pour
§ . .' mieux
d e r As Q v B s. 471
mieux dire, elle n'est pas allee au ſepulchre
auec les trois Maries: caria elle fçauoit fon fils
veritablement eſtre reſſuſcité des morts,quand
les autres Maries alloyent audićt ſepulchre.Car
qui doubte que fon fils, qui non venit foluere le
tem,fed adimplere,qui n'est point venu abolir la
f : l'accomplir,qu'il n'aye honoré ſa me
re, & tout incontinent il ne foit apparu à elle
apres qu'il est reſſuſcité des morts? Autrement
il n’euſt pas accomply le commandement de
honorer pere & mere: ce qui n'eſt point à pen
fer, encores moins à dire & racompter : à fin
qu'elle fust participáte de la confolation, com Greg. Niff,
me elle auoît eſté de la paſſion. Et n'estoit pas
choſe licite que les Maries menaffent auec el
les la Vierge au ſepulchre.Car qui est celuy tất
depourueu de bon fens & entendement, qui
ignore le coeur de la Vierge mere, autất de fois
percé tout oultre par le glaiue de douleur,
quantesfois elle euft veu le lieu où ſon fils por
toit fa croix, & auoit eſté pendu? Ce que pen
fant les Maries, font allees fans la Vierge au
fepulchre. Ne te trouble point fi les Euangeli
stes n’ont point eſcrit que Ieſus Christ apres
fa reſurrećtion, ne s'eſt point apparu à la Vier
ge,fa tres-digne mere,auant tous autres: car Ie
fus Chriſta enſeigné & faićt pluſieurs chofes,
lefquelles ne font pas eſcritespar les Euangeli
stes. Premierement,d'autant qu’ils voyent cela
eſtre ſuperflus,& ne feruant de rien:car perſon
ne ne doute que Ieſus Christ, comme toustours
- Gg 4
472 L E I O V R.
ainſi & maintenant il a honoré ſa mere.Secon
dement, pource que nuls ou peu de gens euf
fent accepté le teſmoignage de la mere pour
la refurreċtion de ſon fils. Dauantage doncia
mais le fils ne s’eſt manifeſté à fa mere, pource
qu'il n’eſt pas eſcrit: ce que les oreilles des
bons Chreſtiens ont en horreur d’ouyr dere
chef. Confiderons icy l'excellente ferueur de
l'amour des Maries à leur Maiſtre & Sei
neur. Car combien qu'elles ſçauoyent que
e corps de Ieſus auoit esté mis au ſepulchre,
ar Ioſeph d'Arimathie & Nicodeme, enue
d'vn fuaire blanc , oingt des oigne
mens aromatiques : toutefois elles eſtimoyent
pour rien ce que les autres auoyent faićt, fi el
es meſmes ne faifoyết ce qu'elles pourroyent,
En outre l'horreur de la veuë d’vn corps mort
& de fon touchement au monument ne les
a point deſtournez ny eſpouuentez de aller
au ſepulchre, veu que les meres ont horreur
de voir & toucher le fruićt de leur ventre,
ſpeciallement quand ils ont demeuré trois
iours au monumét morts. Mais les Maries tant
s'en faut qu'elles ayent eu en horreur de voir
le corps de Ieſus Chriſt mort , que par grand
& ardent defir elles defiroyent le toucher,
oindre & emporter , fans craindre les genf
d'armes qui gardoyent le ſepulchre, ny auoir
crainte de l'edićt publié par l'ordonnance des
Princes,que fi aucun confeſſoit Ieſus de Naza
"º":" reth estre le fils de Dieu,ou luy donnoit & fai
- :
*
foit
*v*.
-,

- d e P As oy e s. 47;
foit quelque faueur, il feroit chaffé hors de la
fynagogue , comme vn excommunié. Aufſi
la fraćtion du feau du grand Gouuerneur ne
les a point deſtournees de leur bon & fainćt
propos qu’ils auoyent deliberé de mettre en
execution : A fçauoir, embaufmer le corps de
Ieſus Christ. Le tout conſideré nous voyons
que ces femmes eſtoyent puiſſantes; fortes &
conſtantes , leſquelles nonobſtant les fuſdi- ----

ćtes choſes audacieuſement & auec pleine ;


confiance de l'aide de Dieu, elles font entrees
au monument, pour oindre le corps de no
ftre Seigneur, lequel elles croyoyent encores *
estre au ſepulchre. A leur exemple nous fom
mes inſtruićts d'eſtimer peu , & contemner
toute humaine crainte, quand il eſt question
de l'honneur de Dieu. Et difoyent entre elles,
Quis reuoluet nobis lapidẽaboštio monumenti?qui
nous ostera la pierre arriere de l'huys du mo- , ,
nument ? Et respicientes viderunt reuolutum la- ”
pidem : erat quippe magnus valde, elles regar- -

dans voyent la pierre qui eſtoit oſtees laquel- |

le certes eſtoit fort grande. Ce font les pro- ***


* -

| os & deuis des fainctes Dames, leſquelles à parler des cho:


a maniere de pluſieurs ne deuifoyent pointf ,
des choſes vaines : à l'exemple defquelles e qui prof
nous ſommes instruićts que quand nous che- tit : l'edifie
minons enſemble, nous deuons edifier l'vn
l'autre, & parler des choſes de Dieu, & qui chains.'
profitent à l'edification & falut de nos ames, zne.a.s.
& de nos prochains : Comme les deux difci
Gg 5
--

474 - 1 tE IovR -

ples, qui alloyent en Emaus ( comme nous


dirons demain : s’il plaiſt par la beneuolen
ce du fainét Eſprit) qui parloyent enfemble
de toutes les choſes leſquelles eſtoyent adue
nues à Ieſus Chriſt , au iour de fa paffion,
Pourtant ils ont merité voir Ieſus Chriſt ref
fuſcité. Car fi nous deuons rendre compte
deuant l'equitable iuge de toute parolle ocieu
Matth.12. fe (comme il est dićt en fainćt Matthieu) d'au
tant plus des parolles mauuaiſes, deſquelles
Dieu eſt offenſé , & le prochain fcandaliſé.
Pourtant l'Apostre fainét Paul falutairement
FPhe/24. nous admonneſte, qu'aucune parolle vilaine ne
ocede de vostre bouche, mais ſeulement cel
eſt bonne à l'edification,à fin qu’elle dő
ne grace à ceux quil'oyent. Les Maries regar
dans voyent la pierre oſtec de la porte du mo
numér, parleminiſtere de l'ange, pour l'amour
Merirº d'icelles (à fin qu’elles peuffent voir que le
pleines d'ad
miration , de corps n'eſtoit plus au monument ) & non pour
i, e l'amour de noſtre Car il eſtoit reffu
áře, comment fcité & forty hors du ſepulchre à trauers la pier
e fºurfuv.re; atiant qu'elle fust oftee, ainfi comme croit
*** avº- --

**** l'Egliſe Catholique, & comme difent S.Iustin


quest. 117.ad orthod. S.Greg. Naz, in carminibu.
Eufeb. Emiffenus hom.ọ.in diem Pafche, Beda en
l'homelie du iour de Paſques, & apres luy Za
charias Chryſopol. 4.lib. Monoteffaron : contre la
..-.. - nouuelle opinion de Beze & autreshéretiques.
-- - Or ces bonnesdames voyant cela, furent rem
płies d'admiration , de ioye & de crainéte.
- ? : -- Pre
* D e p A s Q v e s. 47;
Premierement d'admiration:Carelles s'eſmer
ueilloyent comment & par qui la auoit
eſté renuerſee.Secondement elles furent rem
plies de ioye:Carvoyant la pierre oſtee ellesa
uoyent moyen & accez d'entrerau monumét,
our embaufmer le corps de Ieſus Chriſt. Fina
lemét elles eſtoyent remplies de craincte:Car . '
elles craignoyent que le corps de noſtre Sei
gneur ne fuſt defrobé, & que les Iuifs euffent - --

perpetré
rence ou corps.
audit commis La quelqueiniure ougrande:
pierre eftoit fort irreue- .i * ,
ource fans l'ayde de plufieurs, les femmes ne
'euffent peu oſter.Et quãd elles furent entrees
dedans le monument: Viderunt iuuenẽfedentem
indextris coopertumstella candida elles veirét vn
iouuenceau à fçauoir vn ange en eſpecedeiou
uenceau:qui pluſtoſt s'est apparu en telle eſpe=
ce que nő en eſpece de vieux,pour demonstrer
leioyeux& floriffantaage auquelles iuſtes ref.
fuſciteront auiour du iugement:lequeliouné
ceau estoit affis au coſté dextre. Lequel estoit
accouſtré d'vn veſtement long & blanc, pour
la ioye de la refurrećtion. Et elles s'eſpouủếte
rent à cauſe de telle viſion. Car comme dit S.
Matthieu:Erat aſpettus eiusſicutfulgur, & vesti
menta ſicut nix.Son regard estoit foudroyant &
le veſtement flambloyất comme la neige.Mais
il leur dit:Nolite expauefcere:nevous eſpouuen
tez point:Paueantilli,qui non amāt aduentum fit
ernorum ciuium (dit S. Gregoire en l'homelie
d'auiourd'huy)pertimestāt qui carnalibus deſide
* * *, 7"4f4
'476 L E . I O V R.

riis prefi ad eorum focietatē/epertingere poffe de


fperant.Vos quid timetis qui vestroscõciues videtis?
Et cốme dit Petrus Chryſologu ferm.so. Timeat
Iudeus, quitradidit : Pilatus qui addixit, miles qui
illuſt:Vos autemgaudere conuenit non timere,quia
viuit quemlugebatis occiſum. Voylavne confola
“” “g tion angelique. Où il nous faut noter que le
bon ange au commencement eſpouuente à
„ezi, i- cauſe de la vifion: au milieuil conforte par fa
lie" il cºnfº- parole & deuis,&à la finil refiouit par fagran
f*" de confolation , comme nous lifons du bon
" Zacharie pere de S.Iean Baptiste : femblable
ment de la vierge Marie,& des pasteurs qui par
l'ange au commencement fe font eſpouuen
tez, au milieu confolez, & à la fin refiouys.
Mais au contraire le mauuais ange & diaboli
que eſprit au commencement il nous flatte:
mais à la fin il nous eſpouuante & donne telle
frayeur qu'on ne peut nous affeurer ny donner
conſolation. Qui eſt vne marque obſeruee par
S.Antoine , & S.Thomas fur ce paſſage & au
tres grands perſonnages pour diſcerner vn bon
ange d'auec vn maling eſprit, qui fe transfi
gure aucunefois en ange de lumiere : Ieſum
ueritis Nazarenum crucifixum : Surrexit , non
est hic : Ecce locus vbi poſuerunt eum : vous
cherchez Ieſus Nazarien qui a eſté crucifié : il
eſtreſſuſcité,il n’est pas icy:voicy le lieu où on
l'auoit mis. Mais pourquoy l'ange a-il adiou
sté,quia eſté crucifié? Pource qu'elles estoyent
venues pour faire feruice au corps , lequel
· all'Olt
D E . P A s Q_y = s. 477
auoit eſté crucifié. Et l'ange n'a point honte
de faire mention de la croix. Car c’eſt la clef
du ciel, la deſtrućtion des enfers , la reſtau
ration de nature angelique & falut de tout le
monde. Et pource l'Apoſtre auoit apprins de
fe glorifier en la feule croix de Ieſus Chriſt, Galat.s.
& ne penſoit point fçauoir autre choſe , fi- .ar.a.
non que Ieſus Chriſt, lequel auoiteſté cru
cifié. Et en vn autre lieu : AMihi viuere Chri
ffu est : mon viure c'eſt Ieſus Christ. Caril *ººr“
portoit toufiours en fon corps la mortification
de Ieſus Chriſt, & la vie de Îefus Chriſt estoit
manifeſtee en fon corps & en fa chair mor
telle. Et pource non fans cauſe il a adiouſté, x„ dr

Ieſus crucifié , pour enfeigner aux fideles de ""


ne ſe refiouyr tant en ces fainćts iours de la
reſurrećtion de noſtre Seigneur , qu’auſſi ils
ne reduiſent en memoire fouuent la doulo
reuſe mort & angoiffeuſe paſſion que Ieſus
Christ a enduré en la croix pour nostre re
demption. Car comme dit l’Ecclefiastique : In Eccle.rr.
die bonorum ne immemor fis malorum. Aye me
moire des maux aux iours bons. A ceſte cau
fe nostre mere l'Egliſe en ces fainćtsiours de
Paſques fouuent reduiten memoire le pitoya
ble myſtere de la mort & paſſion auecques la
ioyeuſe & glorieuſe reſurrećtion de Ieſus
Chriſt. Surrexit. Il eſt reſſuſcité des morts. Et Ephe..«.
comment? par fa propre vertu il s'eſt reffuſci
té luy-meſmes. Lequel miracle eſt propre à
Jeſus Christ ſeul , comme dit Sainćt Augu
ftin
*

478 L E I O V R. ~^

ftin epištola tertia ad Volustanum. Car Helie,


Heliíee & les Apoſtres par la vertu d'autruy,
fçauoir eſt de Dieu , ont relluſcité quelques
morts : mais ils n’ont peu fe reffuſciter eux
meſmes ny autruy de leur propre vertu. Non
est hic: il n’eſt pas icy par de chair:
qui toutefois remplit le ciel & la terre par la
preſence de fa maieſté diuine. Voicy le lieu où
ils l'auoyent mis, à fçauoir Ioſeph & Nicode
me, à fin que vous voyans le lieu vuide vous
donniez foy à mes paroles:Sedite,dicite diſcipu
lis eius & Petro,precedet vos in Galileam, ibi eum
videbitis ſicut dixit vobis. Mais allez, dites à fes
diſciples & à Pierre qu'il ira deuant vous en
Galilee, là vous le verrez comme il vous a dit.
Il eſt commandé aux femmes d'annoncer aux
Apoſtres la vie.Car par la femme la mortauoit
annoncee à l'homme. Ainſi par la fem
me la vie. Et comme en la tentation des pre
miers parens tel a eſté le progrés que par le
mauuais ange à la femme , & par la femme à
l'homme la mort eſt paruenuë : Ainſi mainte
nant l'annonciation de la vie a eſté faićte par
le bon ange aux femmes,& par les femmes elle
eſt paruenue aux hommes. Et par ce moyen le
fexe feminin a obtenu abſolution de fon deſ
honneur & remede de maledićtion. L'ange
faićt icy ſpeciale mention de Pierre. Premie
rement pource qu'il eſtoit le plus grand en
tre les Apoſtres, & qui plus que les autres a ai
mé Ieſus Chriſt. Secondement d'autant qu'il
- all'Olt
D E P A s Q y E. s. 479
uoit honte de ce que par trois fois il auoit def
aduoüéfon maiſtre.Et fi l'Angene l'euſt ſpecia
lement nommé, il n’euſt ofé venir entre les A
poſtres.Tiercement,par cela il eſt tout manife
ſte i les pechez paſſez ne nuiſent point quand
ils ne plaiſentpoint: & quand le pecheur veri
tablement fe repent, & qu'il fe conuertit , lors a4

la grace
deuãt abonde
vous où peché auoitinterpreté
en Galilee.Galilee
- - -
abondé. figni-
-
Il ira “ Galilee
/ -
-

fie tranſmigration, c'eſtà dire,changement de


logis & de demeure. Car noſtre Seigneur Ieſus
Chriſt a paſléde la paſſion à refurrection , de la
mort à vie, de la peine à gloire. Et principale
ment il eſt veu apres farefurrećtion en Galilee.
Car nous verrons auec ioye la gloire de fa re
furrećtion, fi nous faiſons tranſmigration de
vice en vertu,de coulpe à grace, de mort à vie,
Là vous le verrez vif, comme il vous auoit dit
deuant fa paſſion. Ceſte iournee a eſté de ioye
& de lieffe,quand Ieſus Chriſt,moriendo mortem
deftruxit, & vitam refargendo reparauit, par fa
morta deſtruit la mort, & par fa reſurrećtion
a reparé noſtre vie. Et la chair humaine qu'il #*řel; 4:1
a prins, il nous a monſtré exemple de paſion/:
& reſurrećtion. Premierement,de paſſion pour .
endurer en patience, & de reſurrećtion pour
attendre en eſperance. Et par ainfi il nous a
monſtré double vie en la chair qu'il auoit prin
fe en ceſte mortelle vie, l’vne eſt laborieuſe,
& l'autre bien heureuſe. La premiere Il OllS
deuons endurer, & la feconde nous deuons
eſpe
- |

48o ' L E IL V N D Y
|
eſperer.Ceste iournee ſpecialemét est de Dieu,
où il nous conuient refiouyr, en laquelle apres
Oraiſon. leurs nous eſt furuenue ioye. Priős dőc noſtre
Dieu & pere redépteur, lequel triompham
mentauiourd'huy eſt reſſuſcité,qu'il luy plaiſe
nous receuοir fous fa fainćte protećtion & fau
uegarde,& parle merite de fatreſſacree Refur
rečtion, nous reſſuſciter de mort en vie fpiri
tuelle,de coulpe à grace, à fin que nous foyons
participans de laioye eternelle, & en la gene
ralle Reſurrećtion nos corps & nos ames foyết
beatifiez en la gloire celeste, pour le remercier
auecques le Pere & le S.Eſprit, vn Dieu eter
nel,tout puiſſant & immortel.Amen.

TE TVNT FT ETRSTVE 5.
N T R e les articles de nostre foyau
cuns font faciles à croire, comme
la natiuité, mort & ſepulture de Ie
fus Chriſt, d’autant que cela a esté
manifeſté à tous ceux qui l'ont voulu voir.
Mais il y en a d'autres , aufquels on ne croit
pas,finon auec grande difficulté, comme l'arti
cle de la Reſurrećtion : parce que nostre Sau
ueur ne s'eſt pas manifeſté à tous en general,
fed testibus duntaxat preordinatis, mais à ceux
que noſtre Seigneurauoit ordonnez pour estre
fidelles teſmoings de ce grand myſtere : ainſi
comme trefbien le declare monſieur S. Pierre
en l'epiſtre duiourd’huy, prinſe du fecond cha
pitre
D e P A s c v e s. 481
pitre des Aćtes: Hunc fastirauit Deusà martus,
cuius nos omnesteftes fumus. Ioinćt q ſe reſſuſci
ter foy-meſme est vne chofe qui excede toute
puiſſance naturelle. Et pourtất nostre Sauueur
eſtant refuſcité, pour en bailler preuue ſuffi,
fante,s'eſt plufieurs: tellement que
iceux non ſeulement par apres n'ont point re
uoqué en doubte qu'il ne fuſt vrayement ref
fuſcité en fon meſme corps qu'il auoit auant ſa
mort: mais auſſi en ont donné aux autres fidel,
le teſmoignage, à fin que perſonne n’ęust plus
occafion d'en douter aucunement, Mais entre
autres il s'eſtmanifeſté le meſme iour qu’il s'est
refuſcité,à deux pelerins,allans de Hieruſalem
en Emaus, leſquels estoyent fort marris de la
perſecution & du tort qu'on auoit faićt à Ieſus
Chriſtinnocent, comme il eſt,
cité en noſtre Buangiles par nonfieur S.Luc,
qui dit:Duo ex diſcipulis Hefa ibant ipſa die in sør
stellä nomiye Emaus.Deux des diſciples de Ieſus
alloyết ce meſmeiouren vn petit village nom
mé Emaus, lequel estoit loin de Hieruſalem
enuiron ſoixante stades. En cefainét Euapgile
eſt faićt mention en premier lieu cốment Ieſus
Christ s'est apparu à deux de fes diſciples, parr
lans & deuifans deluy en la voye. Secốdement
commentil leurinterpretoit les fainétes eſcrir
tures.Et finablement commentil s'est donné à
cognoiſtre & manifesté à eux en la fraćtion
du pain. Il eſt dićt au commencement de l'Er
uangile, que deux des diſciples fuen.
482 L E v L. V N D Y

bien qu'ils fuffent fans feigneur & maistre,tou


tefois ils gardoyent fon commandement , en
cheminant par la voye. Caril a enuoyé les A
postres deux & deux ; ſemblablementil a en
Luc.ro.
uoyé deux & deux les feptante deux diſciples
deuant faface,en toute cité & lieu où il deuoit
venír. Ce qu'il a faiót, premierement, pour
vne mutuelle confolation & reconfort, à fin
ue l'vn fift feruice ; & s'accommodaſt, à l'au
trel. Secondement, à fin qu'ils fuffent tefmoins
de leur proprevie: Et finablemét qu'ils fustent
ynis & conioinćts par vraye amour & charité.
Le norti d'vn d'iceux eſt nommé dans l'Euan
gile, affàtidir,Cleophas,le nom de l'autre n’est
pas exprimé. Aucuns doćteurs opinent & eſti
mért que c'eſtoit fainét Luc,lequel par humi- ,
lité a ſupprimé & celé fon nom pour certaines
cauſes.Mais cela n’est pas vray femblable:pour
autant qu'au commencement de fon Euangi
łé,ił dit qu'il a eſcrit non ce qu'il a veu,maisce
qứ'iła entendu& ouy de fainét Paul, duquelil
éstoit diſciple. Origene lib.2.contra Celſum, dit
Aue c’eſtbit fairićt Pierre. Sainćt Ambroife fur
łetzlchap.de fainćt Łuc; tient qu'il s’appelloit
Amoửs. Epiphanius estime que c'eſtoit Natha
iſäel. Quoy que s'en foir,il est certain q c'estoit
l'vn des diſciples de noſtre Sauueur. Emaus
estoirehuiron ſoixante stades loing de Hieru
falëm : vn stade comprend cent vingtcinq pas:
feize stades font vnelieuë. Ainſi ſoixante sta
des font quatre lieuës ou enuiron. Or felon
l'opi
De r As Q v e s. 48;
l'opinion d'aucuns, Ernaus eſtoit vn bourg ou
metairie, laquelle fut depuis ce temps la am
plifiee & fortifiee en forme de ville, qui fut
appellee Nicopolis, c'eſt à dire vrbs vittorie:
pourautant qu’elle auoit eſté gaignee par les
Romains, comme nous lifons en l'hiſtoire tri- .. .
partite liure 6.chapitre 42.où il eſt dit que là y
auoit vne fontaine en laquelle tous ceux qui -

fe lauoyent eſtoyent guaris ,


pource que noſtre
fauueur y auoit autrefois laué fes pieds. Et ipst
loquebanturad inuicem de ijs omnibus qua aeride
rant, & ils deuifoyent entr'eux de toutes les
choſes qui eftọyét aduenues, à fçauoir en Hie
ruſalern à Ieſus Chriſt. Car celuy lequel ils ne
pouuoyent veoir ny ouyr , toutefois ils pre
noyent de luy confolation par mutuelle locu
tion & deuis.On dit communémết que l'hom
me met la main fouuent au lieu où il fe deut, similitud.
& où il fent auoir douleur : Ainſi fi quelque
choſe tourmeiſte l'eſprit, vn chacun a la lan
gue en ce lieu là C'eſt vne eſpese de confo
lation d'ạuoir, conference auec ſon amy , par
mutuels deụis,exprimer par parollesles grands
douleurs de fon coeur. Veu donc que ces
deux diſciplesueſtoyent en grande douleur » à
cauſe que celuy lequel tant humblementilsa
uoyent honoré & tant fouuerainement aymé,
, ils l'auoyent, veu contumelieufement com- -
me homme malfaićteur mourir au gibet de
la croix. Il ne faut s'eſmerueiller fi de ce ils
tiennent
f .
proposenſemble is
- f) 2.
ut
484 L E L V N D Y

coustume desenfans d'Adam qui deuifent des


choſes prophanes. Mais le deuis & propos
des bons Chrestiens c'est de parler des chofes
qui redondent à la gloire de Dieu & au falut
des ames. Car comme dit l'Apoſtre S. Paul:
r.cer.". Quecunque dicitis autfacitis, omnia in Dei gloriä
facite. Toutes les chofes que vous direz ou fe
rez foyent faićtes au nom de nostre Seigneur
Ieſus Chriſt, rendans graces à Dieu, & au pere
par luy. Et combien que ces deux diſciples ne
cognoiſfoyent encores parfaićtement Ieſus
Christ:toutefois leur exemple est memorable:
pource qu'ils aymoyent mieux parlerenſemble
de leur religion & profeſſion , que des choſes
mondaines & prophanes. Ils deuifoyết enfem
ble de toutes les chofes qui estoyent aduenues.
prié
à Ieſus Christ:Comment au iardin il auoit
Dieu fon pere: & comme par l'auarice infatia
ble de Iudas il fut liuré entre les mains de fes
ennemis: & comme il fut deffendu parfon
diſciple Pierre,lequel toutefois auec ſes com
paignons l'abandonnerent : & comme il fut
ar les genſ d'armes qui le menerenten
a maiſon d'Anne,par lequel il fut interrogué,
& vngend'arme ſouffleté,ou buffetë.Ils de
uiſoyent entr'eux de toutes les choſes qui e
ftoyent aduenuesà Ieſus,corhine il fut mené de
chez Anne à la maiſon de Caiphe, deuant le-"
quel il futpreſenté,& par pluſieurs faufferment
accuſé par Caiphe adiuré parles gens-d'armes
moqué;& comme ludas defeſperẻ ſe pendit,&
* - ~ COIIl
D e P As Q y e s. 48;
comment Ieſus Christ fut preſenté deuant le
iuge prophane,à fçauoir Pilate, deuất lequel il
fut auſſi accuſé,& par luy diligemmentexami
né,&par luy euuoyé à Herodes,par lequelil fut
interrogué & contumelieufement par luy &
les fiens moqué: Et comme derechefpar He
rode renuoyé à Pilate, lequel le fift cruellemét
flagelleren ſon pretoire,durement couronner,
& iniuſtement le condemna à la mort: par
quoy cruellement il fut crucifié au bois de la
croix entre deux larrons, en laquelle croix pi
toyablement il parle, veritablement il meurt,
& deuotement ſon corps a eſté enfeuely, ils - - - * * *

s s, -
deuiſoyent entr'eux de toutes ces choſes qui
eſtoyent aduenues à leurbon Seigneur & mai
ftre.A l'exếple deſquels nous fommes inſtruits
quand nous cheminons en compagnie; que
nous deuons parler des choſes ſpirituelles &
gloire de Dieu,&pour l'edifica
tion des auditeurs. Comme nous enfeigne ce
granddoćteur S. Pierre: Si quis • 4"4/8,..pa...
fermones Dei : Si aucun parle, qu'il parle com
me les parolles de Dieu. Car la coustume des
deuotsperſonnages est d'auoir conference en
la voye des chofes bonnes pour releuer le la
beur & trauail du chemin : meſmes auſſi que
Ieſus Chriſta promis que:Vbi duo veltres cögre- Matt.rs. .
gatifuerint,in nomine meo,crc.là où deux ou trois
feront affemblez en fon nom, il fera au milieu
d'eux. Et pource que les deux diſciples deui
foyent entr'eux de toutes ces choſes qui estoyét
- Hh 3
486 ,, L E L V N D Y . *

- aduenues à leurbon Seigneur & maiſtre,il s’eſt


\ afſocié & accompaigné auec eux. Pource pen
fons en Ieſus Chriſt, parlons fouuent de luy, à
fin qu’il aye occaſion de venir à nous, & nous
conferuer en toutes nos aduerfitez. Icy fe peut
resta christ foudrevne queſtion pourquoy Ieſus Chriſt,au
s'est appar" iour de fa refurrećtion a voulu fi fouuét fe ma
tɛ9 àpluſieurs nifester. Car comme nous pouuons recueillir
- -

par les fainéts & ſacrez Euangiles, à ce meſme


reſurredion, iour il s'eſt apparu cinq fois, & à diuerſes per
e pourquo. fonnes. Premierement à la feule Magdaleine,
****** commeil est eſcrit en S. Iean. Secondement à
AMatt. 28. * * - , -

ladićte Magdaleine auec les autres femmes, à


Ioan.ze... ſçauoir Marie Cieophé & Marie Salomé.Tier
similitude cementà S.Pierre, comme il eſt eſcrit: Surre
wit dominusverè,& apparuit Simoni.Le feigneur
est reflufcité veritablement, & s'est apparu à
Simon Pierre. Quartement il s’eſt apparu aux
deux diſciples allans en Emaus, comme il est
recité en l'Euangile d'auiourd’huy.Finablemét
aux dix Apoſtres,lors que S. Thomas estoitab
fent.Par tant de fois il s'est apparu. Premiere
ment pour plāter & enraciner la foy aux coeurs
de fes apoſtres. Car il a faićt comme le bon
-iardinier qui fouuét arrouſe la racine de la nou
uelle plante & ieune arbriccau, iufques à tant
, ad rz. qu’ilaye prins racine.Car entretous les articles
de la foys l'article de la reſurrećtion a esté plus
difficile à croire.Commeil est eſcrit aux Actes
des Apostres de S.Paul, lequelles Atheniens
facillemétoyoyent pource que tant bien il par
*
V.
' , ' ' - loit
- D E P A s Q y e s. | 487
loit. Mais quandil parloit de la reſurrećtion,ils
difoyết : ll ſemble estre annőceur de nouueaux
diables: pource qu’il annonçoit Ieſus, & la re
furrećtion.Secődement,il s'eſt apparu fouuen
tefois au iour de fa refurrećtion, pour laioye
& confolation defes Apostres,qui eſtoyent tri
ftes & deſolez,à caufe defa mort & paffion. Er
comme il est dict en Slean: Gauf/intdist puli ""“.
vifo Domino, les diſciples furentioyeux quand
ils virent nostre Seigneur. A l'exemple defquels çhrefiens f:
nous nous deuons refiouyr en noſtre Seigneur, : aent rf:
& auοirlieſſe en eſprit, pourpluſieurs raiſons :
Premierement, parce que nostre chefeſt veſtu dion á ne
de la robbe d'immortalité, la racine amere de Are seizºe“r
ła mort a germé le fruićt de vie, infirmité & ° *"*""·
foibleffe eſt conuertie en vertu & puiſlance,
mortalité en eternité, cốtumelie en honneur&
gloire. Secődement,nbusnous deuons refiouyr
à cauſe de la deliurance des fainéts Peres, que
Ieſus a tiré hors des lymbes. Tiercement,pour
ce ğ Paradis maintenấtest repeuplé des hőmes.
Finablement,pour l'eſperance que Ieſus Chriſt
nous donne de reflufciter en gloire auecques
Huy. Carle chefeſt reflufcité,il s'enfuit que fes
membres reffuſciteront apres luy. C'eſt l'argu
ment que fait S.Paul,1.Cor.1 r.Si Christurrestr
rexit, & nos refurgemus. S'enfuit en l'Euangile:
Et oculi eorum tenebäturne eum agnosterent, leurs
yeux eſtoyent tellement diſpoſez, qu'ils neico
gnoistoyent point noſtre Seigneur,pour autant
qu'ils n'auoyent pas le
* -
en & la paroy
4
L E L V N D Y |

de nostre religion, c'eſtà ſçauoir, la foy & l’e


fperance.Car ils difent parapresſperabamus,cő
me s'ils vouloyent dire, nous n'eſperons plus,
noſtre eſperance eſtamortie. Ioinćt qu’ils ont
esté reprins de leur incredulité,O tardi corde ad
credendă. D'où viết auiourd'huy que pluſieurs
qui ſe difent Chreſtiens font aueuglez & ont
peu ou point de cognoistance de Ieſus Christ?
Cela vient de ce qu’ils n'ont pas vne telle foy
***
de Ieſus Chriſt, & telle eſperance qu’il appar
tiếtaụoir.S.Marc allegue vne autre cauſe,auſſi
fait S.Auguſtin,epist. 19.ad Paulinum,reſpődant
à fa queſtion huictiefme, & dit que hoc accidit,
quia apparuit illisin alia effigie: ils ne l'ont point
cogneu, parce que noſtre Seigneur s'estoit de
guiſé, & auoit prins vn autre habit condefcen
dant à leur infirmité, & s'accommodant à leur
capacité imbecille. Ię diray hardiment qu’au
tant en aduient-il à pluſieurs de noſtre temps
qui deſcognoistentnostre Sauueurau ſacremēt
de l'autel pour autant que là il ſe manifeſte à
nous, in dia effigie & ſpecie, fous l'eſpece de
pain,& non en ſa propre forme. Mais ils s'abu
fent grandement d'auoir efgard à la grandeur
& blancheur de l'hoſtie, & non pas à la parol
le de noſtre Seigneur, qui n'eſt trompeur ny
menteur,c'eſtà fçauoir,hoc est corpus meum.voi
la non corps. C'eſt la remonstrance que fai
foit autrefois S. Iean Chryſostome, hom.6o.ad
popul, Antiochenum,ớ hom. 83. in Matthæã. Cre
damua vtique Deo,nec repugnemus ei stiăst ſenfui
* . : * noštro
D = r a s Q v e s. 489
noštro & cogitationi abſurdă effe videaturquod di
cit. Nam verbis eiusfalli & defraudari non poffu
mus:Senfiuverò nofter deceptufàcilisest. Illafalfa
effe nõ poſſunt:hic/epius atque ſepiusfallitur. Quº
niam ergo ille dixit: Hoc est corpus meum,nullate
neamurambiguitate,fed credamus & oculis intelle
čtus id perſpiciamu. Sainct Augustin donne en
cores vne autre folution à ce paſſage , cap.2 r.
(lib.3.decỡfenst Euangelistarum,& ne trouue pas
eſtrấge que fathan leureust chancellé les yeux,
ne Christum agnosterent: mais noſtre Seigneur
leur a oſté les tenebres,en leur expoſant les ef
critures, & leur dónant ſon corps à manger,fub
fpeciepanis,remouit impedimentum inimici, vnitate
corporis eiusparticipata,vtpoffet ab illis cognosti, à
fin que perſonne ne fe perſuade de cognoistre
Ieſus Christ, s'il n'eſt participăt de fon corpsen
l'Egliſe Catholique.Et Ieſusleur dist: Quifunt
hi fermones quos cõfertis adinuicem & eftistriftes?
quelles font ces parolles que vous cőferez en
en cheminant , & eftes triftes ? Noſtre
Seigneur diſſimule , & ne fait ſemblant de de
monſtrer qu'il eſt: ains les interrogue de la pa
rolle & deuis qu'ils ont enſemble : non pas
comme ignorant:maisà fin que par ceſte voye
commodément, c'est à dire, bien à poinćł &à
propos, il paruienne à fon propos deliberé : &
que par leur reſponſe il aye argument & occa
fion de les instruire. Pource il leur dit, quelles
font ces parolles que vous conferez & parlez
enſemble en cheminant , & eftes triſtes ? Ils
Hh 5
49o L E L V N D Y*

eſtoyent tristes,& faifoyết mauuaife chere, non


triffitia huius feculi,que mortem operatur, non de
la triſteſſe de ce fiecle, laquelle opere la mort:
ainsd’vne trifteffe felon Dieu. A fçauoir,de la
cruelle mort de leur Seigneur & Sauueur, la
quelle opere ferme, afleuré & immuable fa
lut. Et l'vn qui auoit nom Cleophas reſpon
dit,& luy diſt: Tufolusperegrinus esin Hieruſa
lem, & nã cognouisii qua fattafint in eaištis die
bus?Tu esfeul pelerin &forain en Hieruſalem,
& ne fçais pas les chofes qui ont esté faićtes
cesioursicy?comme difant,c'eſt choſe admira
ble que toy feul pelerin forain & eſtranger, ne
fçaispas ce que les autrespelerins fçauent,qui
font venus au iour de la feſte en Hieruſalem:
car les pelerins ont de couſtume d'eſtre foi
gneux d'auoir la cognoifiance deschofes nou
uelles, & l'experience desgrădes choſes:car ce
font choſes admirables,& leſquelles iamais ne
furentouyes: à fçauoir, que le Dieu des dieux
aye fouffert,& qu’en pleine Lune le Soleil ſoit
obſcurcy , & que toute la terre à vn meſme
moment de temps aye tremblé,les pierres fen
dues, les monuments ouuerts. Tu es ſeul pe
lerin en Hieruſalem. Ce paſſage nous donne
ra occaſion de parler des pelerinages & voya
ges, à fin de rembarrer les heretiques de no
ítre temps, leſquels ſe mocquent de nous par
defaut d'auoir leu les ánciens , leſquels tous
d'vn conſentement commun, ont approuué les
pelerinages,comme ie monstreray apertement,
- apres
- D e r a soy e s. 491
apres auoir allegué vn exemple fort expres de
l'eſcriture fainéte, qui est au chapitre huićtief
me des Aćtes,où il est faićt mentiố d'vn grand
Seigneur d'Ethiopie, lequel eſtoit venu de biế
loing en ergo par deuotiő,
our adorer le vray Dieu, & vifiter le fainćt
temple de Hieruſalem. Car autre chofe né l'a
uoit incité à ce faire, finon vne grande deuo
tion qu'il auoit à lavraye religion. Lequel ceu
ure a esté fort plaifant & aggreable à Dieu, cốº
me il a monſtré par ce qui en eſt enfuyui. Car
par l'inſpiration de Dieu, fainét Philippe dia
cre s'est approché de luy , & l'a bien inſtruiót,
& apres l'a baptife.Lequel paſſage est ſuffiſant
pour monstrer qu'il ne faut pas blaſmer ny cő
damner les pelerinages. Nous lifons en l'hi
ftoire Eccleſiastique d’Eufebe liure fixiefme
chapitre vnzieſme, que ce grand perſonnage
Origene,autrefois a faićt voeu d'aller à Rome,
our viſiter les lieux frequentezparfainét Pier
re & fainćt Paul. Et luy meſmes aux commen
taires fur fainćt Iean dit, qu'il s'eſt tranſporté
en Iudee pour viſiter les lieux où noltre Sau
ueur,les Prophetes & Apoſtres ont veſcu.Er.Si
Ambroife in libro contra uAuxentium Arianum,
Viſitamus baſilicas martyrum vbi ſepultifuerunt.Îe
vous demande, viſiter les temples, qu'est-ce
autre chofe finon alleren pelerinage? Sainćt
Hieroſmetom.1.epistala ad Ēustochium, entre les
loüanges de ceste bonne & deuote vefuePaula,
recite que par deuotion elle s'en alla de Romę
, , i ÇIA
49* v 1 e 1 v N D Y. -

en Hieruſalem, & dit qu'eſtant là : Prostrata ad


crucem quaſipendentem dominum cerneret, adora
bat.Ingreffepulchrum ofeulabatur lapidem quem
abostio monumēti amouerat Angelus,& c.Le meſ
me autheur en vne epiſtre qu'il eſcrit ad Def
derium,l'admoneste d’aller vifiter la terre fain
ćte:Namibi Christum adorare(inquit) vbisteterät
pedes eius, nõ minimaestpars fidei:comme s'ildi
foit. Noſtre foy eſtaugmentee quand nous vi
fitons les lieux fainéts. Et en l'epiſtre ad Mar
cellam dit que pluſieurs Martyrs allez viſi
terla terre faincte, pourautant qu'ils penfoyết
que leurs oraifons feroyent à Dieu plus ag
greables s'ils alloyent veoir les lieux où nostre
Šauueur auoiteſté nay,crucifié,& enfeuely,&
s'ilsfaifoyent leurs oraiſons au lieu où l'Euan
gile auoit eſté premierement annoncee. Il dit
meſmes que de fon temps on ne ceſſoit de
voyager en Hieruſalem, comme au temps pre
cedent,pour vifiter le ſepulchre de nostre Šau
ueur felon la prophetie d'Efaie qui auoit dit au
chapitre vnzieſme:Sepulchră eius erit gloriofam.
Dequoy les Payens & infidelles eſtoyent fort
indignez & marris. Qui fut cauſe que l'Em
pereur Adrian feist mettre vne ſtatue de Ve
nus & de Iupiter, au lieu dudićt ſepulchre,
comme recite Eufebe lib. 3. Mais par apres
Conſtantin le grand les feist oſter. Sainćł Îean
Chryſoſtome en vne homelie de laudibus Pau
4
li, regrette fort qu'il n’a faićt vn voyage iuf
ques à Rome,pour baifer les chaines de fainét
s* * * * - Paul.
. De P As Q v E s. 493
Paul.Et fur le chapitre quatrieſme de l'epistre
ad Ephestos,expoſant ces mots, Ego vintius in de
mino. Luy qui auoit grande charge & eſtoit
Eueſque de Constantinople,dit, que s'il n'euſt
eſté maladif & valetudinaire , il ſe fut volon
tiers tranſporté à Rome pour veoir le lieu où
S.Paul auoit esté empriſonné & enchaifné, &
que s'il euſt eu cest heur de trouuer les chaif
nes de S. Paul, il n’eust ceffé de les baifer. Et
puis on ſe mocque de ceux qui vont en peleri
nage , & viſitent les lieux fainéts, ou quibai
fent les reliques des Sainéts. S. Augustin en
l'epistre 137.dit qu'ila enuoyé pluſieurs perfon
nes au ſepulchre de S.Felix,quiaſpiritu vbi vult
ſpirat , Dieu manifeste ſa gloire où bon luy
, femble. Et au liure de dogmat. Ecclestast.cap. 73.
Baßlicaefančłorum nominibus appellatas velut lo
ca fantta diuino cultui mancipata deuotione fide
listima adeundas credimus. Si quis contra hanefen
tentiam venerit non Christianus fed Eunomianas
e Vigilantianus creditur. Nous croyons que
c'est vné chofe fainćte de vifiter les Egliſes
& lieux fainćts dediez au feruice de Dieŭ. Et
fi quelqu’vn est affez impudent pour dire que
cela ne fe doit faire,il n’est pas Chrestien. Dőt
ie concluds auec fainét Augustin, que Caluin,
Beze, & tous ceux de leur fećte, ne font pas
Chreſtiens. Reuenons au texte de noſtre
Euangile. Quibus ait. Aufquels il dit , quelles?
A fçauoir qūiont eſtê faićtes en Hieruſalé en
ces iours icy. O Seigneur Ieſus , trop mieux
CQ
494 LE L v N D Y, *

cognoiſfez & fçauez toutes ces choſes que


vos diſciples. Neantmoins ilinterrogue, non
point comme ignorant: car il fçauoit toutes
ces choſes par experience, & à la peine de fon
corps : mais à fin que par leur reſponce & re
dation,ils foyent plus enflambez en amour, &
que parleurs parollesilaye occaſion plus con
nenablement & proprement de les reprendre |
& de les inſtruire des chofes leſquelles def
failloyent à leur foy. Et ils dirent: De Iefa Na
zareno,qui fuit virpropheta,&c.De Ieſus de Na
zareth, comme difans: La totalle cauſe de no
stre tristeſſe, eſt de lefus de Nazareth : lequel
Luc 2.
ilsloüent,premierement par fon nom , diſans,
Louange
efus, c'eſtà dire, falut, falutaire, faluateur,&
à Ieſus. Carainfi il a eſté nommé par l'Ange
auant qu'il fust conceu au ventre de la Vierge:
& puis apresainſi fut-il nommé par ſes parens,
quandil fut circoncis: Quia ſaluum fecitpºpulum
apeccatis eorum. Il a fauué ſon peuple de leurs
pechez. Parcillement ils le loüent, à raiſon de
fon pays, l'appellant Nazarien. Car Nazarien
interpreté fignifie fainét, munde, net, & flo
riſſant. Car ila esté le fainét des fainéts, parla
fainćteté duquel les pecheurs penitens font
fanćtifiez. Qui fuit vir: Lequel a esté homme,
à ſçauoir vertueux, par vertu & forçes & fans
meſure, furmontant toutes chofes. Propheta.
Voyla vne loüange, à cauſe de fon office:à rai
fon dequoy les Iuifs ont dit, voicy vrayement
le Prophete qui doit yenir au monde, lls l'ap
> pellent
- D E F A s Q v e s. 49ý
pellënt Prophete, fans dire & confeffer qu'il
foit Fils de Dieu : car ils ne le croyent pas par-Matthis
faićtement, ou par crainte du Magiſtratne l'o-“”“
fent confester. Toutefois ils le loüent par ſon
oeuure,diſans: Potens in opere & fermane: Il eſt
puiſſant en æuure , en guarillant toutes lan
gueurs & playes. En dechastant les eſprits im
mundes,& reſfuſcitant les morts. Il eſtoit puiſ
fant,non ſeulement en æuuremais auſſien pa
rolle, eſtoit en puiſſance. Ainſi il enſeignoits
fcutpotestatem habens:comme ayant puiliance, *““
Ainſi ils ont eſleué Ieſus Christ par grandes
loüanges,pour le reſpećt de luyimaintenantils -

le loüent pour le reſpećt de Dieu diſans:Goram *****


Deo. Deuant Dieu,auquel il a eſté toustours ag
able. Aufſi qu'en toutes fesæuures ilacer
ché la gloire de fơn Pere. Puis ils le loüét pour
le reſpećt de fes prochains, difans : & coram
omnipopulo. Et deuant tout le peuple : lequel -

auf diſoit:Bene omniafecit. Il a bić faićt toutes Matth.z.


ehofes. Et quomodo Principes noširi tradiderät ež
in damnationem mortis. Et comment les Princes
desprestres, &inos Princes l'ont liuré en dam
nation de mort,leſquels le deuoyent deffendre
8: deliurer: comme il est eſcrit: Eripitepaupe- º/akºr.
rem & egenă,demanupeccatoris liberate eum.Re
tirez le chetif & l'indigent, & le deliurez de la
main du meſchất. Et ceux-cy l'ontliuré en dã
nation de mort, & l’ont crucifié, comme mau
dićt. Maledičtusenim omnisquipếdet inligne.Car Deuter, z r.
quiconque est pendu au bois, il eſt maudićt de
, : " ' Dieu.
1 e 1vNDy
Dieu. Parainfi ils ont tué, non ſeulement l'au
theur de viermais auſſi la meſme vie. Speraba
mu quòd effetredempturu Iſrael. Et nous auions
eſperance qu'il racheteroit Iſrael. Ils ne four
chent que d’vne fyllabe ſeulemét: & pour vne
feule fyllabe ils gastent tout : S'ils euflent dit,
Speramu, au lieu de ſperabamus, ils ne fuſſent
pas tombez en erreur, & n'euſſent point esté
reprins de leur infidelité. Voulez vous fçauoir
qui font ceux qui leur reſſemblent? Les hereti
ques,qui oſtét aucunefois vne ſeule fyllabe ou
l'eſcriture,ourdu ſymbole de la foy,
& pource font heretiques. C'eſt vne choſe or
dinaire aux heretiques,de dire aux grands qu'il
n'y a qu’vn petit mot à dire, entre nous & eux,
comme remonſtre S.Hrenee, cap.is.lib.3.aduer
fiu herefes. Les Arrians difoyent à l'Empereur
& aux Princes , qu'il n'y auoit qu’vne lettre
à dire entre eux & les Catholiques,leſquels ils
appelloyent sugaios, & accuſoyent fainét Hi
laire, Sainét Athanaſe, Sainćt Bafile, Sainćt
Ambroife, & les autres Eủeſques qui leur refi
ftoyent virilement, comme obstinez & conten
tieux,& que pour vne fyllabe ils tenoyent tou
te la Chreſtienté en diſcord & diuifion de la
foy. Cars'ils eufent voulu permettre qu'on
appellast le Fils de Dieu gaisaies, au lieu de
bagaios. Les Arrians & Catholiques euflent
esté d'accord. Mais dit Hilaire auec fainét Ba
file: Infcripturaſacra ne vnaquidem littera debet
preteriri. Lesminiſtres de fathan ſe vấtoyent au
- .- Concile
D E PA s Q y E s. 497
Concile national de Poiſſy, qu'ils estoyết d'ac
cordauec nous aux principaux articles de la
foy,& au ſymbole ; & que noſtre differét estoit
feulement peu dechoſe. Ce quicst faux,
Carau ſymboleils ne cóuiennent que deparol
le auec nous,& felon le ſens, ils ņecroyent au
cun article du ſymbole, comme nous. Ce que
Dieu aidant nous prouuerons en vn autre en
droict fi clairemét,que nos aduerſaires meſmes
feront contrainéts de le confester. Aufquels
pour ceſte heureie ne diray autre choſe que ce
que reſpondoit fainét Cyprian aux Nouatians,
lib-i epist. 6. qui auoyent couſtume de fe vanter
comme nos Huguenots, qu'il eſtoyent vrays
Chreſtiens par ce qu’ils auoyết la foy. Cela est
faux (dit fainct Cyprian) quia invnam fantiam
eccleſiam Catholicam nã creditis, Vous ne croyez
pas le ſymbole comme nous. Sperahamns quod
effet redempturus Iſrael.Ce que veritablement il
a fait,teſmoignant Dauid qui en eſprit prophe
tique diſoitiËiipstredimitifaelex omnilniini. ffaites.
quitatibus eius, Eticeluy deliurera Iſrael de tou-
res fesiniquitez. Carily a miſericorde enuers
le Seigneur, & grande redéption estenuersluy.
Il a racheté Iſrael de la puiſſance des tenebres,
ertransiulitin regnum fili; dilestionisfie, in quo cºlest.r.
habemus redemptionem. Et nous a tranſlaté au
Royaume de la dilećtion de fon fils : auquel
nous auons redéption & remiſſion de nos pe
chez. Et à Timothee : Il y a vn moyenneur & r.Tim.2,
mediateur de Dieu & des hommes, à fçaụoir
Ii . '
498 , : L = L v N'D Y " . -

Ieſus Christ homme, qui deditredemptionemf:


metipſam pro omnibus? Qui s'est denně foy meſ
me en redemption poäFjóustous Máis ĝsef:
peroyết qu'il les dessit feliữrergela hista des
Romains, &ğü'il regneteit sporelieinëarfur
tourelaterré; &ſafedưsles hofhities; & qu'il
exalteroiể:&. föuữeraistemeĦt, ésteueróit pag
deſſus föưt peuplé les lüffśịcekļu'ils aetếdëýếg
coinniëêncorës ils attendent: Mais c'est poử
aieant E; nuntfüper het bmhiä#ertia diesest hodie
guod beefatta funt: Mäintênant auec toutes ces
chófes;łefquelles rioüs auős fecitees auec gran
de eristeſſe & doułeaf de nostre coeur, il est
auiourd'huy le tiersieur que ces chofes ont
eſté faićtes : pource ea ne les dois pasignorer.
Sede muliere, quædam ex hostris terruerunt nor;
queầntelucem ferunt äd monumentüm. Etnonin
zento corporeeius venerus dicentes/setiam ange,
ivřuinöihoně zadiffe,ậurdiènni sum viuere. Mais
aufstasteunes deriös fethmestefquelles estoyết
*** diſciples comme nòüssnöus ont eſpouụéritez,
leſqứéilệsöntesté difinomumé deuant leiður,
seguasảellestiónepoint trouué le corps d'i
celúy, lequel elfesydulotent embaufiner,elles
font venues aux diſciples; diſant qu’elles ont
***° eu atistiviſi5 des añges,lefquels dient qu'il vit,
& qu’ił est festiſčité des morts. Et aucuns de
ceux quiestoyentâuee nous, font allez au mo
nument, & ont tföuué ainſi que les femmes
* auøyent dit: Ipſum verò non inuenerunt. Et ils ne
4'ont point trouué. Et il leur dist: O stulti có
: ; tardi
D E : P As Q_v = s. 499 -
tardi cordeadcredendum inomnibus quelocutistent,
Prophete. O fols par cecité & ignorance d'en-
tendement» qui n'entendez pas lesieſeritures :
de la loy & des Prophetes Abonne cauſe il les ;
appelle fols, eſperatis & plus eſtimans la redéfi :
ption temporelle, queda ſpirituelle,laquelle le--
fus Chriſta promis à ſon peuple. Ils estoyent »
austifols, erbyans que Chriſtne les pou-t , , ,,
uoit fauner,pource qu'il eſtoit crucifié cómmfei - susr
diſaņssila ſauuéles autresen lavies&il hepsur “ .
fauuestoythefine en la mort: igoerants que la Rena
mortestoirla vie de rout la monde. Er tafdifs :
de cæur par nonchalance & duicté de perfss, # .
à croire en toutes les chpfes que les Prophe
tes ont parlé. Il ne ſuffit pas de croire:vni ou,
pluſieurs articles: mais il les fauratous croirg: „..
Cor.
car charité croit toutes choſesi: Nắnne apártuff r. o. „--
-* * * * . - ' . --

Christumpati? N’a-il-pas eſté neceHaite quelsſeeffaire que


Christ aye ſouffert : Guy certainement & pọwr, fe grif
pluſieurs raifons. Premieremenepousaccomh ::::
plirl'ordo comma
nnance & ndement de:Dieu, affior,
ourquoy,
fon pere Secondement pour accomplirlesoša
cles prophétiques » à fin que les Propheres qui
alloyentgpredićt la morte & pastion de Ieſus
Chriſt, fuſſent trouủez fidelles. Tiereement Philip.z.
pour l'exaltation de ſon treilainétnom, Quar
tement pour noſtreinstrućtionicarila fotiffert, '****
nous laiſiant exếple,à fin d'enfuyurė fa trace &
yoye.Cinquiefmement poutnoſtre redéption,
laquelle a eſté faićte par le prix de fon pre
cieux & digne fang, Sixieſmementpour noſtre Rºma.s.
--- . 1 2.
goo L E L V N D Y : - -
reconciliatiővers Dieu le pere, lequel griefue
mét estoit indigné à l'encontre de nous,princi
pallement à cauſe de nos pechez. Et nostre
poinćtement a eſté faićt versluy, par la cruelle
mort de fon fils Ieſus Chriſt nostre Seigneur.
& Sauueur.Septiefmement pour nostre iustifi
cation. Finablement pour deſpoüiller les en
Zacha. 9. fers.Car au fang defon testament,il a mis hors
Thilip. 2. fespriſonniers du lac: Etincipiens à Moyſe c
Nøme. I2•
Hebr. r. Prophetis interpretabatur illis in omnibus fcriptu
Luc.rº * ri jua deipfº erant.Et cốmençant à Moyſe qui
2. Petr.r, a baillé les premiers liures de la fainćté & fa
cree eſcriture à la posterité,&à tous les Prophe
tes qui diuinement inſpirez,ont parlé de la gra
ce aduenir, laquelle nous feroit donnee par le
Chriſt. (Cartous ceux-là rendent teſmoignage
*
, , \
du Christ.) Et il leur interpretoit, c'eſtà dire,
*, , ,
leur expoſoit le fens pour entendre les eſcritu
res,qui estoyết de luy meſmes eſcrites & accő
plies. Et conuenablemét il est dit qu'il leur in
terpretoitles fainéteseſcritures.Carilappartiết
à celuy d'interpreterla loy qui l'a compoſee,&
qui en est l'auteur.Et combien que le tếps fust
briefquãd il parloit auec eux : toutefois parce
que toutes choſes font poſſibles à Dieu, & qu’ế
enfeignant il n'a point beſoin d'interualle de
tếps,il a peu en interpretát les eſcritures,dőner
claire intelligéce de toutes les autres. Où nous
pouuons dire qu'il leur interpretoit toutes les
eſcritures appartenantes & ſuffifantes à ce pro
pos.Etappropinquauerunt
-, ! -
castello quò ibät:Gipfe -

finxit
D E F A s Q v e s. fot
finxit felongiusire.Approchant du village,à fça
- uoir les deux diſci
Ieſus , il feist femblant d'aller plus
loing.Ce que toutefois il n'a pas voulu,pour de
mőftrer par ceuure exterieure, qu'il estoit loing
& eſtrangier de leur foy.S. Augustinlib.de më
dacio ad Confentium cap.12.6 13.monſtre claire
ment que icy Ieſus Chriſtn'a point méty, Quia
prefigurabat quodpostea perfecit, dum
fettus est omnes cælos: & que c'eſt trefmal
faićt de colliger de ce paſſage qu'il eſtlicite au
cunefois de mentir, ou diſſimuler fareligion.
Car c’eſt vn erreur condamné par le Concile.
Il a faićt auſſi femblant d'aller plus loing,pour
nousenſeigner à l'exemple des deux diſciples,
de receuoir les pauures eſtrangiers,pelerins, &
paſſagers en nos maiſons, & leur faire miferi
corde,& les contraindre s'ils font difficiles.Car
telle mifericorde eſt à Ieſus Chriſtfaićte & ex
hibee: & paricelle, aucuns ont eſté plaiſans à
Dieu,& ont receu lesAnges en leurs logis.Mais
ces deux diſciples n'ont parles Anges: mais le
Roy des Anges, non ſeulement ils l'ont receu
en leurs maiſons exterieures : mais auſſi aux
maiſons de leur coeur interieurement. Coëge
runt illum,dicentes: Mane nobifcü domine, quoniã
adueſperastit,erinclinata est iam dies. Ils le con
traignirent par inſtantes & prie
res,difans auec grand' affećtion de coeur. Car
leur coeur estoittellement enflambé en l'amour
de Dieu,& illuminé en la foy par les paroles de
Ii 3
yo2 - , L E -L v N n y
Íefus Christ, qu'ilsne pouuoyent estreraſlafiez
& faoulez.Et pour mieux dire, en oyấnt fa pa
role , la faim & defir de l'ouyrife croiſſoit &
augmentoit. Pource ils ont propoſe & delibe
rédele mener auec eux, pour enſemble pren
dre le repas & le repos:pource ils ont dit: Ma
- ne nobistum,demeure auec nous. O petition &
demande falutaire, & par deflus toutes choſes
- vtile & neceſſaire ! Car quand noſtre Seigneur
demeure auec nous, il y demeure comme la
lumiere, illuminant noscoeurs , en decháffant
lestenebres de vice & de peché. Et comme le
pere qui confole les defolez; & comme la mere
efchauffe,nourrit,& fomente fes petits enfans:
comme le doćteur qui enſeigne à fes diſciples
choſes vtiles & falutaires: comme le prote
ćteur qui deffend des iniures: comme l'amy
communicant & faifant participation de tous
fes biens:& cőme le chef eflargiſſant à ſes mế
bres la vie de foy,d'eſperance,& de charité: &
comme la racine &vraye vigne eſpandant à fes
rameaux & brấches l'humeur de grace, les fai
fant florir en bonnes affećtions, & frućtifier en
bonnes æuures & fainctes operations. Pource
- mes amys prions Dieu parfa fainéte mifericor
de & par fon fainćt nom, qu’il vueille demeu
rer auec nous. Car le Soleil commence à s'ab
fcốfer,& le iour eftjà decliné. Et intrauit cum
illis.Il entre auec eux. Etfaċiä est dum recũberet
cum eis. Aduint que quand il eſtoit affis à table
auec eux,combiếqu'ils cuidoyết que ce fuſt vn
- pau
- d e P As Q_y * s. fo;
pauure pelerin» toutefois ilsne l'ont pas mis à
parti mais l'ont fait aſſeoir auec eux à la table,
Ce que les arrogans, ſuperbes & puillans du
mõde onten horreur & abomination. Mais at
tens vn peu,&tu verras que bien-heureux ſonr
les miſericordieux. Car pour vne petite miferi
corde,il en rendvne treſgrande. Accepit panem
f benediritaefegit, & ferrigebatilis;
pris
le pain à la il l'auoit prisà la cene,
& le benciſt, en proferant parolles de benedi
Étien,& lerompit, cốme prudent diſpenſateur,
& les diſciples pour celane murmurēt point à
l'encốtre de luy:pource que le pauure & eſtră
germanie le pain qu'ils deuoyent & vouloyent
mãger,& leur en bailloit. Et aperti funt oculi eo
rum & cognouerunt eum: Leurs yeux incontinent
furent ouuerts, c'eſt à dire,les yeux interieurs,
qui premieremét eſtoyentfermez, en ne le co
gnoiſſant,ils l'ont cogneu, quãd ils luy ont fait
mifericorde, & qu'ils l'ont contrainćt de de
meurer auec eux. Et par ce moyen illuminez en
la vraye foy & cognoiſſance de Dieu, & en
faiſant mifericorde, ils ont obtenu mifericor
de, laquelle a mué leurignorance en vraye co
gnoiſſance de Dieu. Et ipſe euanuit ab oculis eo
rum. Il s'euanouyt de leurs yeux. Ce qu'il a
faićt, à fin qu'ils fuffent plus enflambez en fon
amour, & que plus legieremét & foudainemét
ils annonçaffent aux autres diſciples les choſes
qu'ils auoyét veu & ouy.Mais que fignifie que
fi legeremét il s’eſuanouyt de leurs yeux,apres
* * - Ii 4
fo4 LE Lv NDÝ -
a esté cogneur car lors le deuisd'enſemble
euſt eſté ioyeux, recreatif, & eust apporté
plusgrädplaiſir que au parauant. Ie te reſpond
que feſus Chriſt eſtoit venu, & s'eſt apparu
aux diſciples, pour confirmer leurfoy, & non
pour delecter,allecher, & recreer la chair: le
quel euanoyement instruićt nostre foy , & nos
mæurs ciuiles. Car quandil s'euanouyt, cela
fignifie en partie que apres fa reſurrection il a
rins vn corps glorieux, & en partie que fon
oyaume n'est pas de ce monde. Item apres
qu'il a faićt ce qu'il auoit deliberé de faire, in
continent il s’euanouyt. Cela nous enfeigne
vne honeſteté ciuile,ắ fin que quãd quelqu’vn
aura faićtenuers les autres ce qu'il veut faire,
qu'il ne feiourne beaucoup,ains qu'il fe retire.
t dixerunt adinuicem:Nónne cor mostrum ardens
erat in nobis,dum loquereturin via, & aperiret 720
bis/tripturas ? Ils ont dit entre-eux, noſtre cæur
n'eſtoit-il point ardant en nous? nous donnant
à entendre que l'Eſcriture fainéte est l'organe
par lequel les auditeurs font enfiábez ar iar
deur du fainét Eſprit. Et furgentes eadem hora
regreſifuntin Hieruſalem: llsfe leuerent à ceſte
meſme heure,en laiffant la viande du corps. Et
l'heure tarde ne les a point retenus, ne le long
chemin, ne la cauſe pourquoy ils eſtoyent ve
nus à ce village. Car c'eſtoit le iour de bon
nes nouuelles. Et ils ſe leuerentà ceſte meſme
heure , & s'en retournerent en Hieruſalem
tres-vistement. L'affection plus les porte que
*. les
- - p * P As Q y ss. -, -- yoj
les pieds: il femble qu'ils vollent, & non pas
qu'ils cheminent. Carle iour estoit ià decliné
auát qu'ils euffent cogneu Ieſus Chriſt, & leur
falloit cheminerſoixante stades, pour raconter
ceste ioyeuſe nouuelle aux Apostres. Et inuene
runt congregatos vndecim, & eos qui cum illis erāt,
dicentes : quod furrexit Dominus verè,& apparuit
Simoni: Et ils trouuerent les vnze aſſemblez,&
ceux qui estoyent auec eux, difans:le Seigneur
est vrayement reſſuſcité, & s'est apparu à Si
mon. Et ipst narrabant quagestaerant in via, er
quomodo eum infattionepanis. Et ils
recitoyent les chofes qui auoyent esté faictes
en la voye , & comment ils l'auoyent cogneu
en la fraćtion & brifement du pain,non pascố
mun,mais celeſte & eucharistique, comme di
fent fainét Hieroſme, de peregrinatione Marie,
fainét Iean Chryſostome, de varijs locis in Mat
theum, fainét Augustin, cap.2.r.lib.3 de confenf,
Euangel. &Theophilaćte ce paſſage:cőbien
que Čaluin en fon Harmonie n'a point honte
de le nier, & dire qu'il ne s'en veut pas rappor
terà faînét Augustin. Et par leur relation les
Apostres fe font refiouys en nostre Seigneur,
ayans lieffe en leurs eſprits, donnans honneur,
loüấge & gloire à nostre Seigneur Ieſus Christ,
le nom duquel foit beneist, auec le Pere & le
fainét Eſprit.Amen.
*

Ii 5
5O6 –––––––1–– - -

DOCTRINE M O RA LE Po v R
*** L E F E E E R I Ni e HR e sir 1 E N F A 1 :
: - fant fà peregrination de ce pre- 3 :
av: toɔrº tuo; - - 3. ' ?
Cödition des –-
FE= HoºM ** = s; qui. veut
M H Chreſtien * asteur
* *
pelerins.
|tément faire ſon pelerinage de ce
|monde au pays & celeſte Paradis, il
È lluy conuient obſeruer les cốditions
es pelerins qui vont viſiter les lieux fainćts &
acrez. La premiere condition despelerins eſt,
que peuils fechargét de viures & de veſtemés.
Maisleurfuffitauoirleschofesneceſſairespour
parfaire leur Tels & ſemblables
doyuent estre les pelerins de Paradis, cóme dit
r.Tim. e.
S,Paul: Habentes alimenta,& quibus tegamur,his
contentifimus: Nous ayans la nourriture, & de
quoy puiſſions eſtre couuerts, foyonscốtens de
cela. Et faut noter que l'Apoſtre ne dit point
ayans les greniers pleins de bled, ou les feliers
pleins de vins, ou la bource pleine d'orou d'ar
gent: mais il dit: Nous ayans la nourriture:Ny
auſſiil ne dit point,ayans les robbes doublesou
fourrees,ſomptueuſes,ſuperflues,&precieuſes.
Mais, nous ayans dequoy nous puiſſions eſtre
couuerts, foyons contens de cela. Doncques
il ſuffit aux pelerins du ciel, qui tendent & af
pirent eternellement demeurer là, d'auoir la
nourriture & la vesture. Car tout ainfi que la
longue robbe & fuperflue empeſche le pele
rin à diligemment & legierement cheminer,
Oll
-- d e a p A so v R s. joj
ou pareillementgla trop grande charge de vi
uressiAinſi à propos quant aux biens tempor
rels; A la mienileyolonté que les auaricieux
vfuriers, rapinghrs, fymoniacles vendeurs des
facremens & achepreurs de benefices & poſlef.
feurs des biens eccleſiastiquess vouluſſentimº
primer en leurs cæurs & retenir ceſte admo
nition falutaire. I'ay opinion que s'ils y pen
foyentils ne feroyent tant affectionņez apres
leurs conuoitiſes & auarices. La ſeconde con
dition des pelerins de ce monde , c'eſt qu'ils
endurent beaucoup d'incommoditez, com- . . .
mefaim, froid,chaut, maladies: quelquefois
ils font deſpoiiillez parles larrons, brígans &
voleurs:aucunefois batus, iniuriez : & en tout
& par tout-il faut qu'ils prennent patience
pour l'amour & honneur de Dieu. Ainſi les
pelerins du ciel ont beaucoup à ſouffrit, en ce Aéř. r*.
monde,comme dit l'Apoſtre:Per multas tribula
tiones oportet nos intrare in regnum Dei: Par plu:
fieurs tribulatiốsil nous faut entrer au Royau
me de Dieu. Les bons en ce fiecle font per:
fecut ez & affligez : mais en tout & par tout
neceſſaire. Comme il est eſcriten zuelas.
ainćt Luc. In patientia vestrapaßidebitis animas * :
vestras, vouspoſfederez vosames en voſtre pa
tience. Doncques en parience il conuient at
tendre la bonté de Dieu, lequel nous fera mi
fericorde.La troifieſme condition des pelerins.
de ce monde, eſt de continuer & pourfuyure
leur chemin, Cars'ils s'arreſtoyết à vne chacu
ne
367 ; TE rv n p v . . . . .
tie cité,ờuen quelque bon logis,ou en vn cha
cun préverđoyant, ou fontaine d'eauë douce:
ou s’ils ſe vouloyent arresterfous chacun arbre i
fueillu au temps de l'eſté, iamais ils n'attein
droyent le but & firi Ainſi
les peletins du ciel doyuent diligemment con
tinủer le chemin de bonne & vertueufe vie
vne fois commencee. Car s'ils ſe vouloyent
arreſter aux delećtations du monde & de la
chair, iamais ils neparuiendroyent au Royau
me celeſte. Pource fainét Pierre ainſi nous en
,,r,,,.,, feignoitscharifimiobsterozostanquam aduena,
& peregrinos abstinere vos à canalibus deſideris,
que militant aduerfiu animã. Ievous ſupplie cő
me eſtrangiers & voyagers, abſtenez vous des
deſirs charnels,quibataillent contre l'ame. La
quatriefmecődition des pelerins de ce monde,
c’est qu'ils defirent leur pays, & penſent fou
uết & de leurs maiſons & de leurfamille.Ainſi
les pelerins du ciel ont merueilleux defir de
paruenir au pays celeste,& à la maiſon de leur
pere,en penfant fouuentà leurs parens & bons
amis qui font au Royaume de Paradis.Tel pe
lerin estoit Dauid,qui diſoit à nostre Seigneur:
*/"". Quam diletatabernacula tua Domine virtutum:
cöcupifcit & deficit anima mea inatria domini.Cor
meũ & caro mea exultauerunt in Deữ viuum:Sei
armees,cốbien font amiables tes ta
iernacles, moname fouhaitte & auſſi defaut
aprestes falles.Mon coeur & ma chair treſſail
lent de ioye apres le Dieu viuant.Et en vn au
' , tfC
nei cu D E P A s-ogy e s. P/sl. sz.
i nant
volabo & requiestam? Quime donneraaistescố
me à la colombe à fin que ie m’envolle,àfça
uoir au ciel, & queie me repoſe en la faincte
montaigne de Dieu?Ghoſefemblable diſoit S. Philiper.
diffalai&effecum Christo. I'ay defir
d'eſtre ſeparé du dorps&eſtre auec IeſusChrist,
La cinquieſme condition despelerinsest, qu’ils
fuyent mauuaiſes cõpaigniesstant qu’illeurest
poſſible pour les perils quis en peuuentenfuy
ure.Ainſi les pelerins durciel fuyent la compai
nie & familarité des mefchans,à fin qu’ils ņe
oyent faićts ſemblables à eux. Car comme dis P/al.r7.
Dauid: Cumperuerſa peruerteris. Auec lesper
uers, tu feras peruərty. Mais il y en afplu
fieurs qui ayment mieux enfuyure mauuaiſes
compaignies,& eſtre dấnez auec pluſieurs,que
d'enfuyure bonne compaignie,& estre ſauuez
auec peu des efleus. Voyla les bonnes condi
: tions des pelerins de ce preſent fiecle,à l'exem
ple deſquels les pelerins du ciel doyuent faire
femblables choſes pour paruenir au Royaume
de Paradis,lequel nous vueille donner le Pere,
le Fils & le fainćt Eſprir.Amen. . . . . . .
L E MARD Y D E ''
FEEFa. Onſieur Sainét Paul parlant de la
\ / mort & reſurrection de nostre Sei
|| |gneur diſoit': Tradid vobis imprimis i.arinit.,,.
| quod & accepiquod Christus mortuus
- - est
... saffd . . 1 s v 1. v N D v.v |
*** #propereatisnostris,e reſurrexit tertiadieſesun
dum| pturus; Íe vous ay enfeigné ce que
i'ay'entendu', c'estique fifús Gªhnſt est mort
& reffufcité letroffiefine iour fe
, , , , lớn les eſcritures: Puis pour produer la mef
* me chofe parvne autré inaniere de preūue sil
dit qu’apres fa reſurrestionibaeſté veu par S.
Pierre; parles vaze Apofiteseitans enſemble;
& puis par plus de cinq cens Chreſtiens affem
bleż: AĪouistimè autem vistia est, crimihi tanquam
abortiuv, te l'ayvèurnoybineſme en chair & en
os: inais ç’a eſté aprestaus les autres.»Nous
.*R...\, auons donc deux manieres de proutier la refur
rěction: l'vne est par les eſcritures, l'autre eft
pat fidellestefmoings. Quant pour la pre
imiereg nous auons des figures & propheties
aflez:lefquelles önt esté interpretees par mon
fieur fainct Augustin, fermo.i.de pastione Domi
mi , accommodant à ce propos l'hiſtoire de
Samfen prinfe du chapitre fezieſme des Iu
ifest dit, que Samſon entra en la mai
Hid'vnepaillardeen la ville de Gaza.Les Phi
listifis aduertis delcey pour le prendre & faire
* lendemain au marin mourir, ils enuironnerent
la maiſon où il estoit entré & fermerét les por
tes de la peurġu'il n’euft aucun moyen
de fortir & efchapper. Mais Samſon apres a
uoir dormy iufques à la minuićt s’est efueillé,
& s'en allant a prins les portes de la cité & les
. ***^* a empörtees fur vne haute montaigne. Que
fignifie cela? Veritablement ceste hiſtoire fe
* | roit
- : D E FA s'8 yÉs. frż
tölehdictie, siityätiöiềjugljiệräystệreća:
af deföủsistettié; Saifridone estai la fi:
: deirostreSaifứetit, lequel eſt eiſtrẻ emls
iảifoù d'vriepaiHarde:e'ef'äfçãườir la Synă:
gögre desiuifs & l'Egliſe des Genils, lëſ:
tiếlles äướyenfélté figureës parles dețixpaila
| 1ằrdes de Săloition. Öisestiil'endoriñý qủáńf
il agilaurélatförten lá eröik: & piśķesteỆ
Rfeillé à la minüjét; eestà fçauor, qiiandrstie
Helijöide répostie: E; s'est inoristré ført g-vè2
Ha férreoskörfegii,cötainedir Dauid Pflirtiół
&Éąfebreißisika Aèmvºstrilatonipa sºcii:
fö - Hềnfèr; & les á möittees if
ieste qui hag
źnstnim christu halinicipt di
uitatem Nous àtomsþáteHRnieñtà figurg
de foſeph, quiparenưiếadoit este vêndi þar
fesfretësáux rinaeliis pour l'eſpoir qu'ils
audzenrju’on ne parleroi máis delly. Mais
id:contraire, Dieu afziet queça éstệ lệínoyeri
parlequelila esté exaltéen Egypte, presăủoit
endur beaucoup de peine & de mal, Quest
gnifioitcela aurrëchöfe; fron que le yraỹIo
fepiſpatenuie feroit
ire & domestique ; & par les Iuifs liufé entre
Hesthäins de Pilare pou estre crucifiể, & pour
effacer la memoire de fon nom. Mais ils ont
esté bientrompez & frustrez de leur folle eſpe
ranée: 'Carpárlembyen de fa mort & paffiori,
'Deus exaltauitilii,& dedit illi nomen quod effi
romnenomen (cóinedit faina Paul, Philipz.)
« , »i:vs - Dieu
3I2. D v M A R d y, , . ----

lieu le pere a tellement exalté nostre redem


teur Ieſus Christ, que non feulement les dia
tréblent quand ils oyent parler de fa croix .
& de fa paſſion,maisau
omne genu,celestium,terrefiriūc infernorum.Ou
tre toutes ces figures & pluſieurs autres, nous
auons les propheties de la reſurrection & vi
Étoire de noſtre Sauueur comme au Pſalme is.
Nonrelinques animam meamin inferno.Mon ame
ceſcendra aux enfers, mais elle n'y demeurera
pas: Cartost spresie refuſaiteray (ainfi l'ont
expoſéapress Pierre, Afr. e. tous lesangiens,
cốme S.Ignace en l'epistread Trallianos, S.Ire
neelih duerfiheesti, s. Čyptian lib. 2. ad
Quirinum, & au traicté de Symbolo, & S.Augu
finapist.sz. & op. S.Cyrillé Alexắdrin auliúre
de rečiafdead Theodostă,d:Theophilus Alexãdr.
lib.ı.Paſchali, cốbien que çe mal-heureux Beze
en ſa verſion, ou plustost corruption de ce Pfal
me,& en ſon Commentaire ſur le fecốd chapi
tre des Actes,&en ſa reſponfead reprehenstones
SebastianiCastellionis,aye destournéleyray ſens
dę ce audacieuſement ce
verſet de Dauid,contre l'interpretation de tous
les fainéts Peres & Docteurs anciens. Et au
Pſal.44. Eripuisti,idest,eripies(car les Prophetes
ont accouſtumé vſer du temps preterit au lieu
du futur, à cauſe de la certitude des chofes que
ils prediſent, pour nous apprendre qu'il eſt au
tant certain qu'elles aduiendront, comme fi
elles estoyent defia aduenues)animam meam ex
: , i inferno
D e a P As Q y e s. - $ 13
inferno inferiori, cõme expoſe S.Irenee,lib.f.ad
.uerste herefes, & S.Bafilesin P/al.44. Et austi au
Pſal.48.Veruntamen Deus reducet animam meam
de manu inferni, cùm acceperit me,comme expoſe.
Ş.Bafile, in Pſal. 48. & S. Ambroiſe auſſi. Ce
qui auoit pareillement eſté predićt par le Pro
phete Ofeeschap.13, Ero morstua,ô mors,& mar
Jie tuus, ô inferne; ce qui eſt repeté par fainét
Paul,1.Corinth, is, (comme l'expoſe ſainćt Au ****

gustin, ferm.137,de tipore,) Cela aụoiteſté pre


diét de fa mort & reſurrećtion, & de la puiſ
fance qu'il deuoitauoir ſur le diable: outre ces
propheties, nous auons le propreteſmoignage
de Ieſus Christ quiauoit predičtà fes Apoſtres,
AMatt, 2 o.Filius hoministradeturgētibus adilludē-,
dum & crucifigendă: tertia autem die reſurget. Et
vne autrefois illeur dit:Præcedāvosin Galilæam.
Combien qu'il eust aduerty fes Apostres plu
fieurs fois de fa reſurrećtion, fieſt-ce qu'ils ne
la pouuoyent croire. Et pource il a fallu que
noſtre Saụueur ſe ſoit apparu à eux apres fa re
furrection, par pluſieurs & diuerſes fois, pour
leur prouuer qu'il estoit
Autrement ils ne l'euſſent pas creu. Defquel
les apparitions l'vne eſt retiree parfainét Luc:
24. chap. en l'Euangile du iourd'huy » où il est
dićt, que par la veuč,l'ouye, & l'attouchement
nostre Seigneur a prouué qu'il eſtoit reſſuſci
té: Caril a parlé à eux, il leura permis de toű-
cher ſa chair, & a mangé en leur prefence d'vn
Poiſſon roſty: & outre cela , il a conuerſé auec
.-:' ` ~ Kk
514 L E M A R D Y

eux quelque temps,apparens eảper dies quadra


inta,c loquens eis de regno Dei: å fin que fes A
oltres fullent fidelles teſmoings de fa refur
rećtion.C’eſt ce que difoit S.Iean en fa premie
re Canonique:Quodfuit ab initio, quod vidimu,
quod manus nostrecătrettauerüt, de verbo vita an
nãciamus vobis. Et noſtre Sauueur meſmes leur
dist en la fin de noſtre Euangile: Eritis mihi te
fes horum.Orvenons maintenant à declarer par
- le menu noſtre texte,au cőmencemết duquel il
***.**. est dićt:Stetit Iestu in medio distipulorum ſuorum,
cớ dixit,Pax vobis. Monſieur S.Luc en l'Euan
ile d'auiourd'huy nous faićt mention quand
f Apostres parloyent enfemble de la re
furrection de nostre Seigneur, laquelle leur
auoitià eſté annőcee par les femmes, Simő
Pierre, & par les deux difciples qui eſtoyết ve
nus d’Emaus, lefus fut au milieu d’eux les por
tes eſtans fermees. Car il n'auoit pas befoing
d'ouurir les portes, & entrerpar couſtume hu
maine. Car combien qu'en la refurrećtiốił aye
derechef prins fon vray corps humain: toute
fois ce corps eſtoit doüé & orné des proprie
tez de la e celeste,& auoit les dons & gra
ces de l'efprit: & celuy quiestoit preſent inui
fiblement ; quand les diſciples parloyent en
femble de luy,il s'est viſiblement par
la puiſſance de fa maieſté diuine , estant droićt
ieſa chrifau milieu de fes diſciples fenſiblement. Il s'eſt
º trouué droit, pour fignifier l'immuable ferme
*"*" té de fa refurrectionimais au milieu.Premiere
- 2 II) C Ilt»
D E F A s Q y E s. ; 15
rnent à fin qu'il fust mieux veu & ouy de tous. ;
2. Pour louer la vertu d'humilité de laquelle ilº -

auoit dit:Ie ſuis au milieu de vous, cóme celuy


qui fert. 3. Pour approuuer qu'il estoit le mai
ftre & autheur de vertu. Car vertu confiste au
milieu. Ioint qu'estre au milieu defes diſciples
proprement conuenoit à lefus Chriſt, premie
rement pour l'eminếce defa fainĉteté.Čar c'est
le Saint des Sainéts,le Dieu des Dieux, le Sei chost pror ž.
gneur des Seigneurs,le Roy des Roys. Seeon- e
demétil eſtau milieu de fes diſciples, comme ble à leſia
viuificateur,cốme le coeurau milieu du corps.
Car Ieſus Chriſteſt noſtre vie , & la fapience : *

laquelle vie à fes enfans , viuifiant les g. pourquej


morts. Ieſus Chriſteſt au milieu de fes difci- Ioan.is.
ples, comme le foleil de iustice au milieu des F***
cieux, c'est à dire des efleus: lequel ſoleil de iu
ftice illumine tout homme venãt en ce monde. -

- | _ */ - - Ioan. r. Gº r.
4. Il eſt au milieu cốme gouuerneur & condu- Heb.7.
éteur de ſon peuple. 5. Il eſt au milieu comme .i. a.
mediateur de Dieu & des hőmes, toufiours vi- Rem.s.
uant qui faićt requeſte pour nous. Icy nous faut'
noter que nostre Seigneur Ieſus Chriſt en tout testa chrip
& par tout,a tenu & tient le milieu. Premiere- a tenfeer:
ment en la Trinite,
de perfonne c'est
qui tient le lamilieu
moyenne & ſecon- e miliensi "
des perſonnes
en la diuinité. Carle pere l'engendre, le fils eſt
nay,le fainét Eſprit procede de tous deux. Se- '
condement il eſt nay à la minuićt. 3. Il eſt mis
par fa mere en la creche au milieu du boeuf &
1
de l’afne.4. Il est offertparfes au milieu ,
- , * K 2.
516 L E M A R D Y- - .

zee. 2. du temple: &là fuſcepimus mifericordiam, nous


F/***7. auons receu fa mifericorde.5. Il eſt trouué au
temple au milieu des doćteurs les oyant & in
Pfal.73
terrogant. 6. Il a conſommé l'oeuure de noſtre
’ redemption au milieu de la terre.7.Il est pendu
en la croix au milieu des deux larrons. 8. Il a
Matt. 18 • que là où deux ou trois feront affem
lez en fon nom, il fera au milieu d’eux. 9 Au
Iste christ iour de fa reſurrećtion il eſt au milieu de ſes di
2pre ſe r ſciples. Il fut au milieu des Apostres droićt.
/droid? 89' non Quelcun pourra icy demander, pourquoy il
afis, tº pour- est eſcrit plustost que Ieſus Christ eſt droit au
- - * -

, , ' milieu defes diſciples qu'il eſt reffuſcité


* des morts, qu'il n’est aſſis ? Nous reſpondons
que c'eſt pour nous demonſtrer l'immuable.
fermeté de la reſurrećtion de nostre Seigneur,
lequel veritablement estoit reffuſcité en l'eſtat
de gloire & qu'il n'auoit plus vn corps pe
fant, comme nous auons ja dit, qui euft be
foing de Car deuant la paſſion ayant
vn corps peſant & fatigable, c'eſt à dire, las &
trauaillé , nous liſons que fouuent il eſtoit af
* , watt.s. fis: comme en Sainćt Matthieu, où il eſt dit,
- Qu'en enſeignant la trouppe il estoit aſſis, di
fant: Beati pauperes ſpiritu, quoniam ipſorum est
" " regnum cælorum,Bien-heureux font les pauures
d'eſprit, car à iceux eſt le royaume des cieux.
Mare.4. Item en Sainćt Marc il eſt eſcrit , que Ieſus
Christ eſtant aſſis en la nauire, il enſeignoit la
trouppe quiestoit au riuage& bord de la mer.
zar.". Pareillement en Sainét Lucil est eſcrit , que
- . quand
d e r a s Q y e s. | 517
quand il fuſt venu en Nazareth , & entré en
la ſynagogue, il luy fust preſenté vn liure, &
apres auoir leu,il le ferma & le rendit au mini
ffre & s'affeist pour enſeigner le peuple. Sem-
blablement en Sainćt Iean eſtant laſſé Ioan 4. G se
du chemin, estoit affis ſur la fontaine: dauan
tage en vn autre lieu il eſt eſcrit en fainét Iean,
quand il voulut ſubſtanter la trouppe qui le
ſuyuoit de cinq pains d'orge & de deux poiſ
fons, il s'en alla en vne mõtaigne, & là il eſtoit
auec fes diſciples. Mais apres fa reſurrection, - *
-

pource que corps eſtoit glorieux, & par


confequent legier & agille, il est dit, qu'il eſt
droićt & non aſſis. Mais quelle parolle premie
rement Ieſus Chriſt a dit à ſes A ostres en la
reuelation de ſa glorieuſe reſurrećtion?ou bien
quelle a esté la premiere falutation, laquelle
certainement deuoit estre treſſain&e & diui
ne, par laquelle apres la gloire de fa reſurre
ćtion, il a falué ſes diſciples? Oyonsdoncques salaan,.
ceſte falutation celeſte, Pax vobis paix foit aueca e
vous.Mais qu'oyons nous icy finon fon ancié-eeleste.
ne coustume de faluer? Nostre Seigneurapres
fa reſurrećtion & au Royaume de fon pere n'a
il point apprins vne nouuelle forme de faluer,
O homme Chrestié neiuge point ceste faluta
tion comme vulgaire,comine perite & abiecte.
Garfinous lavoulopsvn peuplus hautemét &
excellemment confiderei, nostre Seigneur ne
nous pouuoit de l'autre fiècle apporter vne fa
haienpuennaissa
- - v- . – Kk - 3 fis
; 18 1. E M A R d Y. -

fitable,neceſſaire & falutaire. Et pource que


Ieſus Chriſt eſt la verité omnipotente: pour
ce que tout ce qu'il defire, il eſt neceſſaire qu'il
foit d'efficace felon ſon defir: pource auec la
falutation & defir, il nous a auſſi apporté la
meſme chofe, difant: Paix ſoit auec vous. Il
ne leur reproche leur fuite, ne leur re
nontiation. Il ne les reprend point durement,
mais comme pere tresbenin & debonnaire, il
a pitié & compaſſion de fes Apostres defolez.
. . . . Icy nous conuient noter qu'ily a trois manie
Trit“ **** res de paix:à fçauoir exterieure, interieure &
toutes trois aggrea
bles & plaifantes à nostre Dieu, Premierement
la paix exterieure, c'eſt à dire auec noſtre pro
chain.Car en ſigne que nostre Seigneur ayme
la paix,il a eſleule temps de paix quãdila vou
Hu temporellement naistre en ce monde, fous
Octauian Auguſtesauquel tempsil gouuernoir
- . ." - t-', tout ſon Empire pacifiquement: auquel temps
* -
de paix felon l'oracle prophetique,le vray Meſ
al., fiasa voulunaistre ence preſentfiecle. In die
ces
iours s'eſleuera iustice & abondance de paix.
Item pour demonſtrer que noſtre Seigneur
estoit amateur de paix, non ſeulementil avou
lu naistre en vn paix: mais aufſien
vne heure de paix: à fçauoirà l'heure de la mi
nuict, en laquelle touteschoſes font en repos,
tranquilles & paiſibles, felon la prophetie du
. xliure de Sapience: Càm quietumfientium conti
* - - *: - Zaeret
ç ** * - .
- d = p A so y e s. fı9
meret omnia,& norinfua curf medium iter habe
ret omnipotensfermo tuus Domine exiliens de celo à
regalibus fedibus venit. Quand filence & repos
contenoit toutes choſes, & que la nuićt auoit
en ſon cours le milieu du chemin: O Seigneur
ta parolle toute puiſſante partant du ciel vine
des royaux fieges. Pareillement en fa natiuité
il a faićt annoncer la paix par les paranimphes .
celeſtes:comme il eſt eſcrit en ſainćł Luc,Il fut *****
auecques l'Ange vne multitude de cheualerie
celeste, chantant & diſant, Gloria in altifimis
Deo, & in terra par hominibus bona voluntatis,
Sloire à Dieu aux tres hauts lieux, & en la ter
re paix aux hommes de bonne volonté. Et com
me liſent aucuns,bonne volonté ſoit aux hom
mes. Quandil a enſeigné fes Apoſtres, il leur
a commandé de preſcher & annoncer la paix,
Et apres qu'il eſt reſiuſcité des morts, il a an
noncé la paix à ſes Apostres. Et fi nous vour
lons contempler la vie & doctrine de Ieſus
Christ , nous n'y trouuerons finon doćtrine
& enſeignement de paix, concorde, & d'a
mour mutuel. Et que contiennent ſes fainéts
& diuins Commandemens, fes fainctes pa
rolles Euangeliques,finon paix & charité mu
tuelle ? Ce grand Prophere Eſaye , quand par F/*°.
inſpiration du fainét Eſprit il annonça la ve
nue, du confiliateur & reformateur de toutes
choſes , Ieſus Christ, promettoit-il la venue
d'vn fatrape,ou d'vn guerroyeur, foudroyeur,
fpoliateur, *** ? Non , &
---- 4
*
32o , · L E M A R D Y" . -

quoy donc? Lavenue d'vn Prince de paix. Er


certes, veu qu'il euſt voulu denoter le meil
leur Prince de tous , il ne faut point douter
qu'il ne le denotaſt de la choſe du monde que
il estifnổit la meilleure, en l'appellant Prince
de paix.A ce eſt cốforme ce que dit le Prophe
Pfalzs. te Dauid: Inpace locus eius fastus est, fon lieu &
fa demeure fera en paix. Il ne dit point qu'il
* habitera aux guerres, diffenſions & batailles.
C'est le Prince de paix, le Dieŭ de paix. Ainſi
eft-il appellé 14:2.Cor. i 3.
1 .Theffy. 2.Theff3.il aime paix,& fecourrouce
de debat, de noiſe, & de dillerifion. Sembla
blemerit nous lifons aux liures diuins, les bons
feruiteurs de Dieu estre appellez Anges đe
paik: Ievous demấde;ổ vous tous Chrestiens &
Chrestiennes, quand Ieſus Chriſt fut nay forſ
nerent-ils trompettes:Sonnerent-ils batailles,
protnirent-ils victoires, triomphes ou def
poüilles de leurs ennemis Rinon, quoy donc?'
ils annoncent paix, non point à ceux qui defi
rent guerres & occiſions : mais à ceux qui de
bonne volonté font prompts & enclins à cen
corde. Et quand Ieſus Christest venu en aage“
qu’a-il enfeigné par parolles ou repreſenté par
*** æuure finonpaixãIl falưëſes Apostres du falut
de paix,diſantipka vobis;Et leur ordonne d'vfer
de ceſte maniere de falutariố, comme celle qui
feule est digne des Chrestiens. Et les Apostres
retenansceicommandement, vſent de ceste fa
kutation atı
*
sommenementas kunspistres,
á - &
|- D E F A s cy e s. 521
& defirent paix à tous Chrestiens & Chrestien
nes. Et combien que Ieſus Chriſteufttoutiours
tãť fingulierement recốmandé la paix en ſavie:
neantmoins regardons encores cõme foigneu
fement il l'a recőmandé s'approchant à la mort,
difant Pacem meam do vobis, pacemmeä relinquo
vobis. Ie vous donnema paix,ie vous laiffe ma
paix. Auez vous ouy ce qu'il laiſſe à fes amis?
Il ne leur laíſſe point des cheuaux, ny des fata
lites, ou genfd'armes,royaume ou richeffes. Il
leur donne paix, il leur laiste paix. Paix auec
leurs amis & bienfaićteurs, paix auec feurs en- . ,... -
nemis & perſecuteurs. En la police humaine
il y a trois differences des hommes: à fçauoir r .
l'Egliſe s' lá Nobleſſe , & ľart mechanique,lef- police.
uels tous doyuếtaffectueuſement & vertueu
einent defirer, procurer, & prier, pource tant
de paix. Premierement, les Eccleſiastiques eh
leursoraiſons cốtinuellement doyuent prier &
demãder à Dieu paix & cốcorde, fçachansque
noſtre Dieu & pere createur n'est point fidel
Hemét,purement & fainctement feruy &ádoré
finonáu tếps de paix. Caraútếps de guerre les
Egliſes font ruinees, abbatuës, pillees,propha
nees, pollues, & bruſlees. Les heretiques fa
cramentaires & fchiſmatiques,renuerfeurs des
autels; & prophanateurs des Egliſes au temp.
de guerre, ont ſacrilegé & deŘobé les habits
& aornemens des Egliſes,comme chafubles &
chappes,lefquelles ils ofit
&= } -* K 5
nafn
512 1 e :MA R D Y -

faire deschauffes,fayes,& cappes,& employant


à leurs yſages dấnables. Ils ont pollu les faincts
vaitſeaux de Dieu, & conſacrez pour le diuin
feruice. Comme les calices, defquels ils ont
fait destaſſes: & des Egliſes de Dieu, des eſta
bles pour leurs cheuaux. Pauures gens d'Egli-
fe & perſonnes Eccleſiaſtiques; religieux &
religieuſes s'enfuyr çà & là aux boys, aux de
ferts & cauernes fous la terre , comme pau
ures gens mis en exil & banniſſement de leur
pays, pauures religieuſes ſurprinſes & violees,
& autres diſlolutions & infolences, leſquelles
-3 * * · · * *
: --* * * **
au temps de guerre font commiſes & perpe
* ..-.-.-.-.', ** -
trees contre l'honneur de Dieu,contre les lieux
-

-
---- *
* -
faincts & ſacrez, & contre les feruiteurs & mi
niſtres de l'Egliſe de Dieu. Confideré donc
le diuin ſeruice & la reuerence diuine,laquel
Je au temps de paix est exercee , & le repos de
fon Egliſe. Et au contraire,au temps de guerre
les offenſes contre l'honneur de Dieu, de fon
Egliſe,& de ſes feruiteurs. L'eſtat Ecclefiaſti
que affeĜtueuſement doit defirer & prier pour
lebenefice de paix. Le fecond estat est de No
bleste : leſquels Nobles ſemblablement auec
l'Egliſe, fontinuitez à defirer la Baix. Carau
temps d'icelle ils viuent en grand repos & feli
- cité auec leurs femmes. Ils procreent des en
l'image de Dieu, „Ils augmentent leurs
richestes. Mais au contraire,autemps de guer
ze il faut prendre les armes fur le dos, fouuent
coucheraux champs furla dure.Pour les crain
, : : *- - ćtes
*

d = r a s ov = s. f13
stes nocturnes:il faut aller au feruice du Roy,
fouuent le feruir à leurs propres deſpens, en
durer chaut, froid, faim, ſoif, & pluſieurs au
tres incommoditez. Aucunefois ils font prins
par leurs ennemys, deſpouillez, defarmez , &
defmontez, menez en dure ferui
tude & miferable captiuité, mis à grande ran
çon, &pour leur deliurance, il conuient ven
dre rentes, feigneuries, & chaſteaux, dequoy
ils font appauuris, . En outre leurs maiſons &
chasteaux font faccagez , & aucunefois mis à
bas & ruynez. Leurs cens & reuenus par leurs
fubiects ne font payez, & fouuent il aduient
u'ils font meurtris & tuez en la guerre. Ce
les incommoditez que ſouffre l'estat de
Nobleſſe au tếps de la guerre.Partantie telaiſ
fe à penſer s'ils n'ont pas matiere&occafion de
procurer & defirer la paix. Le tiers estat eſt
des marchãds, laboureurs, & artizans,qui fem
blablemét doyuết defirerla paix, pour estre re
leuez d'vne infinité de griefues oppreſſions,
rapines,larrecins,forces,violences,battures,ef
forts, & autres maux qu'ils endurent au
de guerre. Paụuresmarchands n’oſent aller ſur
les chấps pour traffiquer leur marchandife Car
s'ilsfont trouuez, ils font deualifez, on leur
couppe la gorge. Les artizans prennent lesar
mes,aucunefois par force, pour aller à la bou
cherie, où ils ſont meurtris & tuez, dont leurs -*** i * i *
femmes demeurent veufues,& leurs enfansor . *****

phelins & pupilles, & leur conuient porter


* - -- - - CIA
* * *
;24 t. e . M A R D Y -,

en porte mendier leur pauure vie, partant que |


leur pere qui les fouloit nourrir & alimenter,
est tué à la guerre: leurs pauures filles aucune
fois à faute de nourriture , font contrainćtes
de s'abandonner,dont il s'éſuyt vne infinité de
maledićtions & pauurerez.Pauures gens de la
beurau temps de guerre font parles genfd'ar
mes deſtruićts, battus comme l'ours, & efcor
chez comme pauure brebis: Lestributs & tail
lés fans meſure augmentez, qu'il faut que les
pauures gens payent ou abandonnent le pays:
traićtez & maniez fans miſerieorde & fans pi
tié.Penſe donc maintenant & repenfe les biens
& commoditez que nous apporte la paix, les
maux & incommoditez que nous apporte ce
fte rage infatiable de guerre,ſi impie,cruelle&
execrable : & tu trouueras moyen & occafion
de defirer la paix. Mais choſe deplorable,qu'en
ce temps calamiteux & lamentable , à peine
trouuerez vous Royaume, prouince, cité, vil
le, village, temples & Egliſes, rhaifons publi
ques & particulieres, qui ne foyent pleines de
debars, procez,noyſes,guerres, & batailles, de
forte que iamais entre les payens & ethniques
n'en furent de telles qui font auiourd'huy en
tre les Chrestiens, & en tous estats. Par le fuf
dićt narré , il nous est demonſtré comme la
paix extérieure est grandement plaifante à no
Paix inte Ítre Dieu : & non ſeulement l'exterieure auec
rieure. nostre prochain : mais auſſi f'interieure auec
nostrę Dieu, lequel ne veut habiter en aucun
** lieu,
d e. p a s Q_y = s. 52
lieu, finon au lieu de paix : ſon lieu est faićt en
ix. Car celuy quiembraſſe la paix au logis de
} penſee, il prepare lieu de reſidence à nostre
Seigneur. Si donc nous voulons auoir Ieſus
Chriſt auec nous en noſtre conſcience pargra
ce,il conuient premierement auoir paix en icel
le.Mais celuy a paix en fa conſcience qui n'eſt
point coulpable d'aucun peché, & lequelles
aduerfitez de ce monde netroublent,offencent Paix /upe
ou ſcandaliſent.Pour le reſpect de la paix ſupe rieure.
rieure,il est tout notoire que perſonne ne peut
auoir telle paix qui vit en debat & diffenſion
auec ſon prochain, en peché & vice cốtre l'hő
neur de fon Dieu & pere Sauueur.Reste main- Moyens pear
tenant à declarer par quels moyens nous pour-ºbtenir erin
rons obtenir paix auec Dieu interieurement, exterieure, *
paix auec noſtre prochain exterieurement,pour,nterieure,69'
paruenir à la paix ſuperieure eternellement. ſuperieure.
Ce fera premierement par l'obſeruance des re
commandemens de Dieu, tefmoignant le Pro Pfal.rrs.
phete Royal Dauid: Pax multa diligentibus le
gem tuam.Grand paix à ceux qui ayment taloy.
Laquelle paix noſtre Seigneur meſmes a pro
mis àceux qui gardent faloy:Siin præceptis meis c„i,.,,
ambulaueritis, & mandata mea custodieritis, &
feceritis ea, dabopacem infinibus vestrir,dormietis
er nö erit qui exterreat.Si vous cheminezen mes
ordonnances & gardez mes commandemens
& les faićtes,ie donneray paix en la terre,vous
dormirez, fans que nul vous eſpouuente. Et
pource quand Adam eut paix auec Dieu, rien
11 C
516 - :L E : M A R p y -

ne le pouuoit dommager,nuire ou greuer.Mais


qu’il a tranfgreflé le commandement de Dieu,
& qu'il a rompu lapaix, les creatures inferieu
res fe fontefleueescőtre luy,& luy ont eſté re
belles & contraires,comme difent S. Augustin
cap. 2.lib. 1 aduersta Iulianum, & homil. 3. in can,
1.epist. Ioannis, & Sainét Iean Chryſostome in
Genefin homil. 3. Quand donc les hommes ont
paix interieurement auec Dieu, confequem
ment ils ont paix exterieurement auec leurs
prochains. Mais quand ils s'efleuent contre
Dieu en pechant,par le iuſte iugemết de Dieu,
les autres creatures s'arment contre luy. Il ar
• • • mera toute creature pour la vengeance de fes
-, -:- ennemys: Et pugnabit cum illo orbisterrarum con
: *** tra infenſatos. Le circuit de la terre bataillera
- auec luy eontre les infenfez. Et de cela nous
- en auons l'histoire des enfans d'Iſraël , def
* " quels il eſt dit au liure des Iuges, des Roys,
' ' Paralipomenon,& des Machabees: que quand
ils les commandemens de Dieu,il
les preferuoit,conferuoit, & gardoit, & iouyf
, foyent de la paix de toutes parts. Mais quãd ils
. . .... . s'adonnoyent à la ſuperstitieuſe & mốſtrueuſe
adoration des idoles, & à autres griefs & grands
pechez, nostre Seigneur fuſcitoit & efleuoit
contre eux pluſieurs ennemys & aduerfaires
qui leur faifoyent la guerre. Et comme dit S.
Hieroſme: Quand nous cognoiſſons que Dieu
A est offencé&indigné à l'encontre de nous, &
pum. ne l'appaifons par ieufnes, aumoſnes , prieres,

p e r A s Q_y * s. . . 527
& oraiſons, les Barbares font par nos pechez
forts, puistans; & victorieux fur nous. O nous
miſerables pecheurs, qui par nos pechez fom
rnes tant deſplaifans à Dieu,que par la rage des
Turcs & 1'ire de Dieu parfon iusteiu
gemết,fait vengeance de nous.ie vous deman
de, qui est la cauſe pourquoy nos aduerfaires,
qui nous ont deſpoüillé de nos biens, lacrilegé
nos Egliſes, nous ont chaffè de nos biens &
maiſons, & comme gens pufillanimes & foi
bles, ſans coeur ne courage , leur auons tourné
le dos,nous enfuyans deuant leur face:Etie te
reſpond auec fainét Hierofme, que par nos
pechez nos ennemis & aduerſaires font forts
& puiſſans, & que par leur prefecution & ra
genoſtre Seigneur nous demonstre que fonire
est grandement indignee à l’encontre de nous.
Le fecond moyen pour obtenirpaix, ce fera en
obſeruantiustice, deffendant les bős, puniſſant
les mauuais & deffećtueux. En figne dequoy
a dit le PſalmisteDauid: Iustitiae pax oſculata Pfal.se.
fant. Iustice & paix fe font baifez. Fais iusti
ce, & tu auras paix: Iustice & Paix font deux
foeurs,lefquelles mutuellemét fe baifent,telle
mết que celuy qui fera Iustice, il trouuera Paix
quibaife Iustice. Sainét Augustin expoſant ce
paſſage, introduićt Paix qui parle à l’homme,
: difant : O homme, pourquoy as tu debat &
proces auec ma fæur Iustice? Carelle te dit:Tu
ne tueras point : tu nepaillarderas point: tu ne
defroberas point, & tune l'entends point. Ma
. . . . . . · forur
\,
528 L= MAR dv . . .

fæur Iustice te preſche, tune diras point faux


teſmoignage contre ton prochain , tu ne con
uoiteras point la femme de ton prochain, ny
fa maiſon,ny fa terre, ny aucune choſe qui luy
appartienne : & de tout cela tu n'en fais rien:
ains tout le contraire. Voylà comment tu es
ennemy & aduerſaire à ma bonne foeur &
amye Iuſtice. Comme donc me cherches tu,
moy qui fuisamye & foeur de Iuſtice? Quicon
que fera ennemy de ma foeur Iuſtice, ie n’ay
garde m'approcher ne tirer pres pour m’ad
ioindre auec luy. Et pource fi tu veux trouuer
Paix,il te cốuient faire Iuſtice.Car faute de Iu
ftice, eſt cauſe de toụs maux : & empeſche le
Similitude.
repos du bien public, Tout ainſi que nous
voyons en l'humaine police que le iuge Royal
ou fuperieur, ou la fouueraine Cour de Parle
mết ne punit point les pechez du peuple quãd
. leiuge inferieur & ordinaire faićt fon deuoir:
mais quand par fa negligence il ne faićtiuge
: - ment & iustice,lors le iuge ſuperieur faićt eủo
quer la cauſe deuant luy » pour en faire bon
ne & deuc iustice. Ainſi eſt-il des iuges de ce
preſent fiecle, leſquels fi ſuffiſamment ils pu
piffent les malfajčteurs, lors noſtre Seigneur
pe faićt point d'autre iugement. Mais là où ils
ne le voudroyent, lors noſtre Seigneur com
me Iuge fouuerain , reuoque la cauſe deuant
contre le tu- luy, pour en faire iugement & iuſtice. Qui eſt
caufe des herefies que auiourd'huy en fi grand
° “”“”“ nombre font femeż au milieu de nostre Čhre
-, - : * - ftienté?
D E F A s Q v E s. 529
ftienté ? faute de iuſtice. Car fi au commence
ment les miniſtres de iuſtice euffent faićt leur
deuoir à punir les heretiques , la republique
Chreſtienne ne fuſt pas tombee en defaftre
& ſcandalle, comme auiourd'huy on la voit.
Dont procede vne infinité de maux, qui re
gorgent en la terre, & flottent par toutes les
parties du monde,comme trahiſons,ſacrileges,
larrecins,pilleries,vfures,fraudes,pariuremens,
battures, meurtres, faux te fmoignages,immor
talité, & longueur de proces? faute de iuſtice.
Defquels pour le faire bref, les vns font cor
rompus par crainte. Car de peur de deſplaire
à vngrand Seigneur, ils violent iuſtice,& font
cõme Pilate, quiiniuſtement cődemna à mort
Ieſus Chriſt l'innocent, pour la crainte qu'il
auoit de deſplaire à l’Empereur Tybere Ce
far. Les autres Magiſtrats font corrompus par
amour & faueur , comme fut Herode Tetrar- Marc.º.
que , qui pour complaire par folle amour à la
pucelle qui dançoit, condemna à mort fainćt
Iean Baptiſte, combien qu’il fceuſt qu'il estoit
iuſte & innocent. Aucuns font corrompus
par haine, comme fut le Prince des preſtres,
qui parhaine condemna fainét Paul à eſtre co- A7.23.
laphizé & frappé, combien qu'il ne l'auoit pas
merité. Aucunefois les Magistrats font cor
rompus par or & argent, dons & prefens,com
me furent les fils du Prophete & grand preſtre
Samuel. Et ceste maladie eſt fi contagieuſe, ****
que pour le iourd'huy pluſieurs s'enreffentent.
Ll
3o L E M A R D Y

*/"". Omnes diligunt munera fequŭturretributiones.Pu


illo non iudicant:& cauſa vidue non ingrediturad
illos: Ils ayment tous, dit le Prophete, les pre
fents, ils fuyuết tous les retributiős, ils ne font
point droićt à l'orphelin , & la caufe de la
E/aie r.
paruient pas à eux. Et en vn autre
vefue ne
paſſage : Ve qui iuſtificatis impium pro muneribus,
&c. Ve qui dicitis malum bonum, & bonum ma
Malediaises lumponentes tenebras lucem,& lucētenebras. Ma
către les Ma- ledičtion fur vous, qui eſtes corrompus par
gistrats cor- argent & par prieres, par haine ou amour , &
rompus. - | l eſtre le bien, & le bien le mal,fai
1ugez le mal e 3 » Ta

~, fans lumiere de tenebres, & des tenebres lu


miere. Maledićtion fur vous qui n’auez pas
efgard aux merites des cauſes : mais pluftoft
aux merites des perſonnes, qui ne regardez
pas à l'equité : mais aux prefens: non à iuſtice,
mais à la pecune:non à ce que la raiſon ordon
ne, mais à l'affection où voſtre defir vous pouſ
fe. Vous eſtes diligens aux caufes des riches,
mais vous differez celles des pauures, aufquels
vous eſtes rigoureux & auſteres: mais aux ri
ches doux & amiables. Puis le Sage pourfuy
uant la meſme matiere contre les Iuges dit:Le
pauure crie, & nul ne l'eſcoute: le riche parle,
& tout le monde luy applaudit, & efleue fes
arolles auec admiration iufques au ciel. Fina
lemét la paix eſt impetree par prieres & orai
fons vers Dieu & les Sainćts & Sainćtes de
Paradis , par aumoſnes & oeuures de charité,
mifericordieuſement eſlargies aux pauures mẽ
- - bres
- D E . P A s Q v E s. 53 I
bres de Ieſus Chriſt,par ieufnes & abſtinences,
en mattãt & macerant noſtre chair,a fin qu’elle
ne foit rebelle à l'eſprit , & qu'elle foit obeyſ
fante à Dieu, & à ſes faincts commandemens,
veu donc que nous fçauons les cauſes de no
ître pauureté & infirmité, & pourquoy Dieu
nous enuoye les guerres & batailles en ce pre
fent fiecle, & que nous fçauors austiles moyés
& remedes pour obtenir le benefice de paix,
deſpouillons nous & chaſlons loing de nous
toutes mauuaifes affećtions,haines,partialitez,
& tout deſir de nous venger, & nous reueftons
& embraſſons affećtueuſement entre nous la
vray e paix & concorde & vnion fraternelle,
obeytlans aux commandemens de Dieu fi nous
voulons garantir nos biens, femmes & enfans,
& nos propres perſonnes des inconueniens &
| maledictions leſquelles ceſte maudićte furie &
rage enragee.gouffre de tous maux, traine &
charie apres elle. Pource donnons ordre que
confentemếtde bonne volonté foit entre nous,
enfeueliſions toutes inimitiez, rancunes , &
malueüillãces.Pource ie vous prie mes amys&
freres Chreſtiens, pour le repos & commodité
d'vn chacun,de depoſer toutes affećtions parti
culieres icy preſentement & en ce temple,tou
tes les haines que vous pourriez auoir par le
affé & au temps preſent, vous embraſler l’vn
vous reünir enſemble, donner la main
l'vn à l'autre d'amitié & aſſociation fraternel
le. Dieu nous dóne la grace que nous puiſſions
2.
$32. L E M A R D Y
J tous cheminer d'vn meſme pas en fa crain
ćte, amour, & obeyſlance, iuſques à tant que
nous foyons paruenus au lieu de lapaix ſuper
nelle, où il y a ioye qui toufiours dure. Il eſt
temps de retourner à la declaration du reſte de
l'Euangile, où fainćt Luc dit: Que:Ieſus apres
auoir falué fes Apoſtres, diſoit: Egofum, nolite
timere. C'est moy,ne craignez point. Conterriti
verò & conturbati existimabant fefpiritum videre.
Mais iceux perturbez & eſpouuentez, eſti
moyent veoir vn eſprit. nous faut
Egº fum,cö- icy noter que, Ego fum,Ce fuis-ie, finguliere
uient à leste ment conuient à lcfus Chriſt. Premierement
à caufe de la deité, à laquelle c'est chofe pro
*"*" pre d'estre, difant l'homme des douleurs, ice
luy eſt ſeul qui eſt immuable. Et comme luy
x„..,,. meſmes diſoit à Moyſe:le fuis qui fuis.Secon
dement parce qu’il eſt le commencement &
Exod.s. la fin de toute creature. Tiercement à raiſon
de fon excellente Seigneurie. Finablement à -
raiſon de fa finguliere perſonne : car il n'y a
point le femblable à luy entre les legiſlateurs
Nolite timere.Ne craignez point,à fçauoir moy,
comme mort. l'ay eſté mort: mais maintenant
ie fuisviuất.Etil dit cela pource que les difci
ples estoient en grande crainćte, à raiſon de la
mort de noſtre Seigneur. Car ils craignoyent
les Iuifs qui estoyent enflambez de menaffes &
de mort. Mais Ieſus Christ icy tellement les
conforte, que dorefnauant ils ne craindront
point ceux qui tuent le corps, & ne peuuent
tulCI
D E P As Q v = s. 533
tuer l'ame.Comme il eſteſcrit:Non timebis eos, Deut.7.
quia dominus Deus tuus in medio tui est. Tu ne les
craindras point. Car le Seigneur ton Dieu eſt
au milieu de toy : tu ne craindras point leur
multitude, comme dit le Pſalmiste Royal Da- '/**
uid:Non timebo millia populi circundătis me.Iene
craindray point dix mille peuples qui fe font
mis contre moy à l'enuiron, ne leur fapience.
Car la fapience de ce monde est destruičte : Et “º”*
stultitia est apud Deum, & eſt folie enuers Dieu,
contre laquelle il leura donné bouche & fa- ***
pience,à laquelle tous les aduerſaires ennemys
& impugnateurs de verité ne pourront refifter,
Ils necraindront pasauſſi leurpuiſſance, com
me dit Dauid:Non timebo quidfaciat mihi homo, p'fal. r.17.
Ie ne craindray point ce que l'homme me fera.
Pource diſoit noſtre Seigneur à Ezechiel: Vul- Ezechiel 2.
tus eorum neformides.Ne craint point leur faces
ne leur forces. Deus enim infirma huius mūdiele- 1.6ers.
git vt fortia confunderet:car Dieu a efleu les cho
fes foibles de ce monde,pour cőfondre les for Pfal. 4°.
tes.Ny auffi leurs richestes & gloire. Ne timue
ris cũ diuesfactuafuerit homo, & cum multiplicata
fuerit gloria domus eius.Ne crains point quãdau
cun fera deuenu riche, & quand lagloire de fa ·
maiſon fera augmentee. Car quandil mourra,
il n’emportera point tout, & fa gloire ne def
cếdra pas auec luy.Tel auiourd'huy eſteſleué,
qui demain n’eſt pas trouué. Mais iceux per
turbez & eſpouuentez,estimoyent veoir vn ef
prit. Et il leur dit: Quid tri , & cogita
3
$34 L E M A R D Y

tiones aftendüt in corda vestra?Videte manus meas


& pedes,quia ego ipſe/um, palpate & videte: quia
fpiritus carnem & offa mð habet ficut me videtis ha
bere. Pourquoy eſtes voustroublez , & penfees
montenten vos coeurs ? Voyez mes mains &
mes pieds. Car ce fuis-ie moy. meſmes, taſtez
, , & voyez:Car vn eſprit n'a chair ny os,ainfi que
Ife Christ me voyez auoir. Et quand il leur diſt ces cho
fes,il leur monſtra fes mains & fes pieds:9ù il
par le fens de faut noter que nostre Seigneur a manifeſté en
la vene, tou- l'Euangile d'auiourd'huy à fes Apoſtres fa re
***, e &
gouff.
furrećtion
gouft. De, la
parveuë,
le fens de la ilveuč,
quand a dit,touchement
voyez mes
mains & mes pieds. Car ce fuis-ie moy meſ
mes. Ce qu'il a dit à cauſe des cicatrices de
fes playes,lefquelles il auoit retenu apres fa re
.. ... - - furrection pour la prouuer plus
: Secondemết pour le fens du touchement, quãd
-- s , il dit,taſtez,& voyez.Car vneſprit n'a chair ny
-os ainſi que me voyez auoir.Tiercement par le
ſens du gouſt:comme il s'enfuyt: Adhuc autem
*** ' illis non credentibus cớ mirantibus prægaudio, di
ait:Habetis hic aliquid quod manducetur? &c. Et
iceux ne croyoyent point encores:& s'esbahiſ
, foyent de ioye.Il dit,auezvous icy aucune cho
, fe à manger? Et ils luy preſenterent la partie ti

d'vn poiſſon roſty, lequel fignifioit l'humanité


, de Ieſus Christ rostie in veru crucis,comme ditS.
Cyprian fermonede cæna Domini.Et d’vn rayon
de miel. S. Augustin libr. de mirabilibus fàcræ
fcripturæ cap.14.dőneraiſon pourquoy il a v
U1
D e P As Q v e s. J3$
lu máger du poiffon,& nó de la chair.Et quand
il eut mãgé deuãt eux,pour grande confir
mation, il print le relief & leur donna, & leur
dit:Hæc funt verba que locutusfumad vos,cùm ad
huc effem vobiſcum,quoniam neceffèestimpleri,&c.
Celles-cy font les parollesque ie diſoye,quand
i'eſtoye encores auec vous, qu'il eſtoit neceſ
faire que toutes les chofes qui font eſcrites de
moy en la loy de Moyſe & és Prophetes, & és Similitude,
Pfalmes,foyent accốplies.Tunc aperuit illis fen
fum, vt intelligerentfcripturas. Lors illeurouurit
leur entendemét pour entếdre les eſcritures,&
leur diſt: Quoniamfic/triptum est,crc. Il eſt ainſi
eſcrit, & ainfi falloit que le Chriſt ſouffriſt, &
reſſuſcitaſt de mort au tiers iours, & que on
preſchaft en fon nom penitếce & remiſſion des
pechez en toutesgens.Icy faut fçauoir que no
stre a mangé,non par neceſſité: mais
par puiſſance,comme dit fainćt Auguſtin,epist.
146.& 149. Carautrement la terre alteree en
gloutit l'eau, & autrement le Soleil chaud. La
terre l’engloutit par neceſſité , & le Soleil par
puiſſance.Demãdera quelqu’vn,à fçauoir-mon
fi Ieſus Christ veritablement a măgé Il ſemble
que non. Car vncorps glorieux n'a pas beſoing
de la viande.Mais le corps de Ieſus Christ eſtoit
lors glorieux, n'ayant beſoing de la viãde:donc
veritablement il n’a pas mangé.Reſponfe:Ieſus
Christ apres fa reſurrećtion,veritablemét & re
allemếta mangé:neấtmoins la viande n’a point
r • - - A

eſté conuertie en ſa nature,comme il aduient à


Ll 4
536 L E M A R D Y D E P A s Q v E s.
nous pour ce preſent estat : pource que lors il
estoit outre l'eſtat de generation & corruption.
Mais qu’eſt deuenue ceſte viáde qu’il a mãgee?
Ie te reſpőds que imperceptiblement elle a eſté
reduite & reſoluë en fa priſtine matiere.Et cố–
me la goutte de l'eau iettee dans vne fournaiſe
de feu ardant imperceptiblement eſt euaporee
parfumee,& fechee. Ainfi a-il eſté de la viande
Oraiſon.
que noſtre Seigneur Ieſus Chriſt a mágé.Voy
là pour l’Euangile du iourd'huy. Prions noſtre
bon Dieu & Pere Sauueur nous dőner le coeur
|
& la grace de perpetuellement croire qu'il eft
reffuſcité des morts la troifieſme iournee en
fon vray corps impaſſible,immortel,agil,ſubtil,
& reſplendiflant plus que le Soleil, & qu'il eft
auffi veritablementrefiuſcité en fon vray corps
&ame,vnis en la perſonne diuine, en approu
uant la verité de par plufieurs ap
paritions faićtes ledićt iour, & confequemmết
par quarante iours, iuſques à ce qu'il mõta aux
cieux. Et que tout ainſi qu'il eſt corporellement
reſfufcité,nous puiſſions tous reffuſciter par re
furrećtion ſpirituelle: à fçauoir de la mort de
l'ame, que nous auons encouru à la
vie de grace & de iustice, par vraye foy & pe
nitence de nos pechez : à fin que finablement
nous puiſſions refluſciterà la vie glorieuſe,de
firant eſtre auec Ieſus par conuerſation celeste,
pour eternellement le glorifier, auec le Pere
& le fainét Eſprit : à qui ſoit honneur,loiiange
& gloire eternellement.Amen.
- DIMEN
537
D I M E N C H E D E Q V A SI M O D O.
| Os T R E Sauueur pour deux raiſons
| \G |principalemét a voulu fe manifester
|
|
|N
§ à ſes Apostres, apres qu'il a esté ref
fuſcité. L’vne a eſté pourautất qu'il
fçauoit bien qu'il y auroit beaucoup d'infidel
les qui ne croiroyent pas fa reſurrećtion, cốme
ont eſté les Saduciens, les Epicuriens,& autres
Philoſophes qui deuoyent nier à plate cousture
la reſurrećtion des morts. Et pourtãt non ſeule
ment il a móſtré fon corps à ſes Apostres apres
fa refurrećtiő, mais auſſi leur a baillé à toucher
difant: Palpate & videte : à fin que fes Apoſtres
dónaffent affeurance & fidelle teſmoignage de
fa reſurrećtion. L'autre cauſe & raiſon pour la
quelle il s'eſt manifeſté à ſes Apostres apres fa
reſurrećtion, a esté pour nous inculquer & en
grauer bien auant en nostre memoire ceste re
furrećtion: pour autant que, Si Christua non re
furrexit,inanis est prædicatio nostra,inanis est é fi
des vestra,cóme dit S. Paul en la 1.aux Corinth.
chap.15. Si noſtre Sauueur n'eſt point reflufci
té, non ſeulement nostre predication eſt vaine,
mais auffi voſtre foy ne fert de rien.Adhuc enim
estis in peccatis vestris. Ergo & qui nõ dormierunt
in Christo,perieriit. Et adiouſte encores d'auấta
ge:Siin hac vitatantùm in Christo fumuſperấtes,
miferabiliores fumus omnibus hominibus. Nous
fommes entre nous Chreſtiés les plus malheu
reux & miferables hőmes qui en tout le
538 D1 M ENcH e
monde , fi Ieſus Christ n'est point reffuſcité.
Car fi le chef n’est point reflufcité, c'eſt folie
d'attendre que les membres reffuſcitent. C’ëft
pourquoy nő ſeulement nostre Sauueur a vou
lupar pluſieurs argumens prouuer qu'il estoit
veritablementreffuſcité,comme dit fainćt Luc
au premier chapitre des Aćtes: mais auſſi no
ftre mere fainéte Egliſe conduićte par le fainćt
Eſprit, toute ceſte femaine nous a propoſé &
mis deuant les yeux preuues ſuffiſantes de fa
reſurrection, comme le iour de Paſques il s'eſt
apparu & manifeſté par pluſieurs fois, dont la
derniere eſt recitee en l'Euãgile du iourd’huy,
par monfieur S.Iean, chap.zo. difant: Cum ferò
factum effet die illo vna fàbbatorum & fºres effent
claust,vbi erant diſcipuli congregatiproptermetum
Iudeorum,ớc. Quand le foir fut en ce iour qui
estoit le Dimenche,premier iour de la femaine
felon la computation des Iuifs, qui contoyent
prima Sabbathi fecũda Sabbati,tertia Sabbati,&c.
tellement que le Samedy eſtoit le dernier
iour de la femaine. Ainſi comme au iour de
Dimenche, diuiſit lucem à tenebris, il a feparé la
lumiere des tenebres,auſſi à ce meſme iour il a
voulu reffuſciter & nous apporter toute ioye,
fignifié par la lumiere quí refiouyt les hommes
au regard des tenebres. Et pourtant à ce iour
l'Egliſe chãte vn chant de ioye,ſuyuant le con
feil de Dauid,qui auoit predit:Hæc est dies quam
fecit Dominus,exultemus & letemur in ea. Lequel
iour eſt appellé dies Dominica , c'eſt à dire , le
1OU1E
d e Q y A s 1 M o D o. 539
iour du Seigneur, parce que noſtre Seigneur
eſtrelſuſcité à ce lourlà. Qui est la cauſe pour
quoy l'Egliſe Catholique estant bien apprinſe
&códuite parfon gouuerneur le fainćt Eſprit,
a changé le lour du Sabbat au iour du Dimen
che, en memoire du grand bien que nous auốs
receu ce iour là. Ce que meſmes obſeruent nos
ennemys,fans auoir trouué en l'eſcriture fain
ćte ceſte tradition antique eſcrite, combien
qu'ils ſe vantent de ne croire ny garder rien s’il
n'est expreſſément eſcrit en leur Bible. Nostre
Seigneur s'eſt apparu du matin aux femmes & Ieſus chrift
aux diſciples de foir. Car comme la mort pre- s'est apparas
- - - » de matin aux
mierement parla femme deceủe par l'ange des?emmes C9 de
tenebres,a eſté annonceeà l'homme : Ainſi parfir ans hem.
la femme a eſté faićte premierement l'annon- mes e peur
ciation de la vie aux hommes. Et comme par :
l'ange du grand confeil,la vie est annoncee aux .
femmes:ainſi par l'ange maling la mort eſtan- s- .
noncee à la femme. Mais il s'eſt apparu aux di- i cºr.is.
fciples de foir,pour fignifier que combien qu'il 4****
ne confole incontinent les affligez de coeur,
& ceux qui ſouffrent pour iustice pour eſtre ap
prouuez cốme l'or en la fournaiſe, & que l'ap
de leur foy foit plus precieuſe que "/**
'or, lequel eft approuué par la flamme du feu:
toutefois s’ils endurent patiemment : atten
dans la mifericorde de Dieu, alors noſtre Sei
gneur vient & felon la multitude de leurs dou
leurs, leſquelles ils ont ſoustenues pour l'hon
neur de Dieu en leur coeur, ſes conſolations
Ie
54o DI M E N cHE
refiouyront les ames d'iceux: de forte qu’ils ou
Ioan. 16. blieront les afflićtions & douleurs, comme la
femme apres qu'elle a anfanté, ne fe fouuient
plus du trauail qu'elle a enduré:mais fe refiouit
pour lesiours eſquels Dieu l'a humiliee, &
P/al.s3.
pour les annees eſquelles elle a veu mauuaifes
chofes. Bien-heureux donc celuy qui perfe
uere en la crainte de Dieu : car à la fin il fera
confolé,comme il appert des diſciples qui tou
te la iournee auoyết eſté en trifteffe & en dou
te:mais maintenant Ieſus Chriſt s'apparoiſſant,
triſteſſe paſſe & ſuccede ioye & lieffe. Mais
voyons icy premierement comme noſtre Sei
* opere & faict auec les fiens.Il eſtoit ref
uſcité de grand matin, & toutefois il s'eſt ap
paru à ſes diſciples quand le foirestoit, lequels
il auoit delaiſſez toute celle iournee douteux,
qui ja eſtoient fans eſperance dele veoir en ce
ſte iournee là. Ainfi faićt nostre Seigneur a
uec nous, il fe lieue de matin, il eſt toufiours
preſt à nous ayder : mais il vient aucunefois
fur le foir, quand toutes choſes font veuës
deſeſperees & fans eſpoir. Et combien qu'il
vienne tard, toutefois il vient aux fiens & ne
les delaiſſe point fans confolation, comme dit
le Prophete: Si morā fecerit Dominus, expečiail
lum : quia veniens veniet. Et fi noſtre Seigneur
tarde attens-le. Car fans fauteil viendra. Item
combien que Ieſus Chriſt vienne fus le tard,&
quád il eſt foir,toutefois cepếdát en ceſte iour
nee là , il efueille & coeurs des difci
ples
|- DE S y A s 1 m o do. 54;
ples par frequens meſſages : & petit à petit il
chaste la nuićt de triftelle. Premierement les
femmes viennent & annoncent aux hommes
lareſurrećtion. En apres les deux diſciples viế
nent d'Emaus annoncer la reſurrection : Et
cela eſt ouy entre les diſciples,que noſtre Sei
gneurestoit reſſuſcité & apparu à Simon Pier
re. Cependant il estueilloit les coeurs des diſci
ples par pluſieurs meſſages auant que venir à
eux. Ainſi fait il auec nous.Car s'il ne nous de
liure incontinent des maux : toutefois cepen
dint finous y prenons garde,il nous donne des
gracieux benefices & graces gratuitement,lef
quelles font comme meſſagiers qui annoncent
que noſtre Seigneur en temps certaine
ment viendra & nous aydera. D’auantage il
confole les difciples deuant la nuićt, à fin que
plusgrande trifteffe ne les fầifiſt. Car la nuićt
defoymeſme est pleine d'horreur & de frayeur.
Mais conuenablemét alors il s'eſt apparu à fes
diſciples,quãd jà le foir eſtoit pour demonstrer
que non au cőmencement,non au milieu,mais
à la fin, & au dernier aage du monde , le Sau
ueur s'eſt apparu au monde. Car maintenant
eſt le veſpre & le foir du monde. Lequel cer
tainement & tout incontinent enfuyura la
nuict. Voyons donc que ce bien petit de iour,
lequel reste, ne paffe infrućtueuſement. Car
comme dit Ieſus Christ:Operari oportet,dum dies Ioan.».
Kenit enimnoxin quanemopotestoperari,il faut
fire les oeuures tandis iour: la nuićt
V1 ent
542 D I M E N C H E

vient en laquelle perſonne ne peut ouurer.


Quand le foir fut, en ce iour qui eftoit vn des
fabbats, & les portes eſtoyent fermees, nou
ueau miracle:tout ainſi que du ventre virginal
& du ſepulchre fermé , Ieſus Chriſt eſt illu &
reffuſcité : ainſi les portes fermees,il est entré à
fes diſciples,leſquelles n’ont peu empeſcher le
corps glorieux, auquel eſtoit conioinćte la di
uinité, qu'il ne foit entré à fes diſciples. C'eſt
ce que dit S.Auguſtintrači. 121.in Ioannem, &
ferm.17.de/anttis,ớ epist.3.ad Volufó ferm.136.
&{ısø.de tempore: Quid miră st Dominus ad difci
pulosglorificatum corpus claustris stupentibus intro
miſit, qui illafo materni pudoris fignaculo , ianuam
mundi huiusintrauit? Hic stratio quæritur, non erit
mirabilest exemplum ponitur,nö eritſingulare.De
mus aliquid Deumpoffe,quodnosfateamurinuesti
gare non poffe. Autant en dit-il au liure de agone
Christi,cap. 24. & deuant luy S. Iuſtin le martyr
quest.117. ad Orthod. S. Gregoire Naziãzene in
carminibus.S.Hieroſme ad Eustochium , Sainćt
Ambroife cap. 24.lib. 1 o. in Lucam, S. Hilaire
lib.3 de Trinit.ch in 134.Pfal.Sainćt Iean Chry-.
fostome hom. 2. in Symb. Apošt. Sainćt Cyrille
Alexand.cap.33.38.& 59.li. 12.in Ioannem. Epi
phanius heref'64. Euſebius Emiffenus hom. 9. in diẽ
Pafche, Leo magnus Epist.40.Theophilatius in ca.
24. Lucæ, & Euthymius in Matthæum, & Beda.
Bref tous les anciens ont cogneu & confeffé
que miraculeufement & contre l’ordre de na
ture Ieſus Christ eſt entré dedans la maiſon où
eſtoyent
D E Q_v A s 1 M o D o. $43
eſtoyent fes Apoſtres,les portes eſtans fermees.
Et toutefois Caluin lib.4. institit.cap.17.fect.29.
n'a point de honte de corrompre ce pallage, &
destourner le vray fensamené par tous les an
ciens,& dire que les portes fe fontouuertes, &
puis apres noſtre Seigneur eſt entré. Mais ie
vous laiſſe à péfer fi ce feroit pas là vn beau mi
racle,& s'il ne ſe moque pas manifestement de
noſtre Seigneur. Car il n'y a celuy d'entre nous
qui n'en fift bien autant. Voylà vn beau mira
cle d'entrer en vne maiſon quand les portes
fontouuertes. Il baille encores vne autre in
terpretation, en laquelle il ne blaſpheme pas
moins, difant qu'il eſt entré perrimulas,aut per
fneitras. Quast verò que Ieſus Chritt fuſt vn lar
ron, Car c'eſt le propre d'vn larron d'entrer en
vne maiſon par les feneſtres. Qui aliunde intrat
quàm per oftium,ille für est & latro,Ioan.1o. Mais
Igauez vous pourquoyce mal heureux hereti
que là ne veủt pas confeffer auec toute l'anti
quité, que Ieſus Chriſt ſoit entré ianuis clausts?
llậpeur que de là nous en tirions vn argument
valide pour la confirmation de nostre foy con
treluy, touchant la prefence realle du corps de
leſus Christ en pluſieurs & diuers autels. Car
c'eſtvne chofe plus repugnante à l'ordre de na
ture, & à la philoſophie d'Ariſtote, que deux
corps ſolides en vn meſme instant occupent
Vn meſme lieu (ce qui est toutefois aduenu en
ce miracle contenu en noſtre Euangile ) que
de ſoustenir qu’vn corps foit en diuers lieux.
- La
544 D I M E N C H E

La cauſe pour laquelle les portes eſtoyent fer


mees là où les diſciples estoyent aſſemblez, eſt
declaree,quandileſtdićt, Propter metum Iudeo
rum: pour la crainte des Iuifs. Car les Apo-
ftres n'estoyent pas encores confirmez par la
vertu d'enhaut : & pourtant ce n’eſt pas de
merueilles s'ils craignoyent la fureur des Iuifs, .
pourautant qu'ils eſtoyent diſciples de Ieſus
Chriſt, lequelles Iuifs auoyent perſecuté iuf-
ques à la mort. Donc les diſciples encores .
craignoyent. Car leurs coeurs encores n’e- ,
ftoyent fignez de la marque du fainét Eſprit.
Mais apres la communication & reception
du fainćt Eſprit, non ſeulement ils ouuroyent .
les portes: mais auſſi par dehors & publique
ment à teſte veuë & front ouuert, ils annon-
çoyent & preſchoyent Ieſus Chriſt, ne crain- . .
gnans ny menaces ny la mort. Ainfi certaine
ment noſtre nature eſtonnee tremble de peur
aux perils, mais la grace & la charité de Dieu
- - :
Rom.s. eſpandue en nos coeurs par le fainét Eſprit,
******" iette hors la crainte. Monfieur fainćt Luc ad-
| • * r* * *

iouſte que les diſciples parloyent de noſtre Sei-


gneur Ieſus , & pource il s'eſt apparu à eux. .
Car où ſont ces troischofes, à fauoir crainte,
A *

Matth.rs. concorde & parolle deuote, là eſt Ieſus Chriſt.


Et Ieſus vint, & fut au milieu d'eux. Car ainſi
1 fu viitans
fens es com- l'auoit il promis: Vbi duo vel tres congregatifie- it
2% ezz t.
rint in nominemeo,ego fumin medio eorū:où deux
outrois feront aſſemblez en mon nom, ie fuis
au milieu d'eux. Ieſus vint comme le pere be
nin
D E Q_y A s 1 M o d o. . . 545
nin & debonnaire à fes enfans defolez, com- Iºan.is.
mele bon pasteur auxbrebis eſgarees, comme ****** n* - - - - - - -*
le ſeigneur miſericordieux aux feruiteurs tri- *- - -

ftes & dolens, comme le medecin expert aux, , , ,


diſciples malades, comme le vray maistre & . --
doćteur auxignares & ignorans, commie ła lu
miere, voye , verité, & vie à ceux quiestoyent lean: “.
aſſis aux tenebres, ayans leurs entendemés ob- .
fcureis & treublez par les tenebres d'ignotati. :
ce, fans la lumiere ou elairté de vraye & par Luc.ro.
faicte intelligence. Il est venu à eux pour leur
diſtribuer ſes biens, & cőuertir leur douleur &
tristeſſe en ioye & lielſe,il est venu parfa beni
gnité, clemence & grace, pour fauuer, reuo
quer & illuminerceux qui par infidelité & fui
teestoyent peris, & approchez aux portes de lå
mort & perdition: Ieſus vint & fut att inilieu
d'eux, comme vray mediateur de Dieu & des
hommes, & à fin que tous le puiſſent voir &
receuοir. Et il leur dit:Parvobis, Paix foit auec
vous. Et, Cumhee dixiffet,ofiếdit eis manus&pe
des, quand il leur eut dit eela, il leur monitra
fes mains & fon costé: fes mains lefquelles a
uoyếtesté fichees & attachees auec gros clous
de fer en la croix, & fon costé, lequeł auoit'e
sté ouuert par le fer de la lance du gend'arine,
duquel est procedé le Sacrement de Baptefnië
en eau, & de l'Autel en fang,& leur a monstré
fon meſme corps, lequel auoit esté pendu aŭ
bois.Le cheuafier d'honneur Ieſus garde à per
petuité les cicatrices qu'il a endufeesau champ
- M m
$46 . , ; D IM E N ç H E ..
a dębataille, auec leſquelles triumphamment il
ref" hrist * est felſuſcité,non à ſa honte & confuſion, mais
seleb ſon non enam parplu grande
gloire & clarté. Leſquelles cicatrices & playes
quoy. il agardépour pluſieurs raiſons. . . . .
-, [Premierement, pour conferuer la gloire de
ſon triomphe. Ila done gardé les faincts stig
mates où il n'y a aucune difformité,mais lugur,
clarté , qui teſmoignent du triom
phe de fagloire. La Lụneng donnera point ſa
slattápour vntemps, le Soleil fera obſcurey,
mạis les ĝinq playes reluyrọnt toúſiours, & ne :
perdrontiamais leur reſplendistante lumiere.
La ſeçande raiſon pourquoy noſtre Seigneur
a gardé ſes cicatrices, c'eſt pour confirmer la
foy de fes diſciples: Ainſi que fut faićt fainćt
Thomas grand Theologien, voyant & touchất
le coſté qui auoit eſté ouụert, & confeſſa la di
ựjnigé;&rhumanité de noſtre Seigneur. La 3.
saiſongst pour monstrer quelle a eſté fa miſe
ricorde. Ceſte monſtre fefera aux bons eſleus
&amis de Dieu, aufquels au iugement nostre
Seigneur m6ttrera ſes playes & cicatrices pour
leut declarer, & faire entendre que par ſa mi
fericorde, & par fatrefcruelle mort,il les a fau
uez; de laquelle ils pourront voir les nottes,
marques & indices. Combien que ce malheu
ręųx Caluin le nie impudemment en fon Har
monie, & dit que c'eſt vn fonge & refuerie de
ctoire qu'aujour du iugement les playes & ci
catrices apparoistront aux mains & au coſté
-ri : * de
DE Q y A s 1 M o Do. 547
de noſtre Sauneur. Ce qui eſt contre la com
mune opinion & expres teſmoignage de tous
les anciens doćteurs, mais ſpeciallement de S.
Iean Chryſoſtome hom.fl. & J.J. in AMatthæum,
& hom de cruce & latrone, où il dit expreſſément
qu'il ne faut pas s'eſmerueiller fiauiour duius
gement dernier,Christus crucemportās adueniet,
veu que meſmes vulnera demonstrabıt,zt ostēdat
fe illum effe quem Iudei crucifixerunt. Et S.Augu
ftin pareillementferm.130.de tempore,c vltimo
de Aſcenſione,& lib.22.de ciuit. Dei, & epist.49.
quæšt. 1. où il vſe d'vne fimilitude du Chirur=
gien expert qui pourroit bien guarir les playes
d'vn vaillant capitaine bleſſe en la guerre par
lesennemis fans y laiſler aucune cicatrice,mais
il ne veut pas,quia cicatrices/unt virtutis indteia:
Auſſi noſtre Sauueur pouuoit bien faire qu'il
ne demeuraſt aucune cicatrice en fon corps.
mais n'a pas voulu. En quoy les anciens fe font
fondez ſur le texte euident de Zacharie & de
S. lean, qui difent qu'auiour du iugement les
mefchans Videbunt in quem transfixerunt: Et
pourtant la quatrieſme raiſon eſt pour demon
ftrer aux meſchans & reprouuez leur ingrati
tude & iuſte damnation, aufquels il demon
ftrera fes playes & cicatrices, comme diſant:
ô pauures pecheurs , maudits & malheureux,
voyez les playes que vos pechez m'ont insti
gees,cognoiſſez le costé que vos pechez m'ont
ouuert, & percé pour vous. Il a eſté ouuert &
fi n'auez voulu entrer: pour vous i'ay esté fai&
- Mm 2
* 348 D I M E N C H E

homme, pour vous i'ay eſté empriſonné, lié,


mocqué, , & crucifié : où eſt le
fruićt de toutes fes irreuerences & iniures?
Voicy le prix de mon fang que i’ay dóné pour
la redemption de vos ames : où eſt la feruitude
que vous m’auez baillee pour le prix de mon
fang que i'ay donné?levous ay fus tout aymé,
&eitant Dieu ie me fuis vray homme,
& vous m’auez moins prifé que nulle autre
chofe: departez vous de moy malheureux.
La cinquieſme raiſon eſt pour noſtre recon
ciliation & paix auec Dieu, & pour donner
au pecheur confiance de fon falut. Les playes
des autres fainćts qui ont eſté inferees iniuſte
ment, par les cruels tyrans, elles crient iuſtice
& vengeance. Mais les playes de Ieſus Chriſt
crient à Dieu pardon & mifericorde , & plai
doyent pour nous & non point contre nous.
En figne dequoy fitoſt que lefusa eu les mains
& les pieds clouez, percez, & crucifié en la
croix, il a crié à haute voix: Pater ignoſce illis,
Pere pardonne leur, pource qu'ils ne fçauent
ce qu'ils font. De ce proposeſcrit Sainćt Paul
Heb.1a. aux Hebreux: Vous eſtes allez au fang reſpan
du parlant mieux que celuy d'Abel. La fixief
me raiſon est pour nostre inſtrućtion, que les
playes que noſtre Seigneur a enduré en fon
corps, nous les deuós porter en noſtre coeur par
frequente meditation,memoire,& recordation
de la cruelle mort & douloreuſe paffion qu’il
a enduree en la croix peur noſtre redemption.
. . . Com
DE Q y A s 1 M o D o. 9
Comme nous enſeigne fainćt Paul: Hoc fentite Féilir.a.
invobis quod cớ in Christo Ieſu, Sentez cela en
vous qui a eſté en Ieſus Chriſt. Et en vn autre
paſlage:Abstrmihigloriari nistin cruce dominina-º““
firi Ieſu Christi.Ia n'aduiếne que ie me glorifie,
finő en la croix de noſtre Seigneur lefusChriſt.
La ſeptiefmeraiſon, pour noſtre recordation &
fouuenance. Nunquid obliuisti potest mulierin
fantemfuum: vt non mifereatur filio vteri fui? Et fî
illa oblitafuerit,ego tamen non obliuiſcar tui.E
in manibus meis destripfte.La femme(dit lepro- s/2.,,.
phete Efaye) peut elle oublier fon
qu'elle n'aye pitié du fruićt de fon ventre Auffi
quãd icelle l'auroit oublié,encore ne t'oublie
ray-ie pas. Voicy ie t'ay eſcrit en mes mains,
Et encores auiourd'huy Jeſus Chriſt ne ceste
de nous monstrer du ciel ſestreſſacrees mains:
c'eſtà dire fes fainctes oeuures & operations,&
fon coſté ouuert & percé, pour nousefueiller,
& inciter en fonamour & dilećtion,& fes tref- * * ·
precieux pieds clouez & crucifiez » pour per
petuellement auec nous demeurer. L'energie
fecrette par laquelle Ieſus Christ a referué ſes
playes, est affez ſuffiſamment, ce me femble,
declaree.Gaufifunt diſcipulivifo domino.Lesdi
fciples donc furentefiouys quand ils veirentle
Seigneur.La raiſon pourquoyilsfurétefiouys,
n'eſtoit point pourricheffes, ny par vanitez &
voluptez : mais pour la vifion de nostre. Seia
neur. Cartout ainfi que fon abſence fut cau
de douleur, ainfi fa preſence fut cauſe de
- Mm 3
ffo º p rM e N c H e a .
navirs, ioye:comme il leurauoit predićt: Iterum videbe
vos, & gaudebit corvestrum, & gaudium vestrum
, nemotollet à vobis: Derechefie vous verrays &
** voſtre coeur s'efiouyra, & nul ne vous ostera
voſtre ioye. Et illeur dićt derechef. Pax vobis.
Lapaix foit auec vous. Ceſte reiteration eſt
confirmation de paix. Gar il donne aux lent
fans de paix, paix fus paix, paix en ce monde,
& paixèn l'autre : paix de grace en ce fiecle;&
paix de gloire par delà:Sicut memifitPaterờiuếs,
,,.: a ina agamittovos. Ainfi commemő pere m’a en:
uoyt, auffiie vous enuoye. Par ceſte paroleil
fond la raifon pourquoyila dit deux fois, Par
voáä: Pour nous donner à enrendre qu’il auoit
faict la paix des Apoſtres auec Dieu, & que
påreux nous enuoye la paix:ainſi que monpere
m'aienuoyé pour faire la paix: ainſiie vousen
uoye, pour annoncer la paix. Et par ceſte pa
rolle mostre Seigneur dốneaüćtorité aux Apo
Rạw.ro. stres depreſcher Quomodo enim predicabunt, mif?
mittuntur?Car comme preſcheroyent ils s'ils ne
fontenuóyez?à fin qu’ils ne fustent veus pref;
cher de leur propre auctorité, comme les faux
****** prophetes; deſquels il eſt dit: Currebant có nón
mittebã eos,ils couroiết&ie ne les enữoyoy pas.
Pourceil donne aux Apoſtres manifeste aucto
rité de preſcher, à fin que n’ayons aucun dou
te decroire à leurspredications: Sicut memifữ
pater,crego mittavos. Ievousenuoye ainfi com
me monpere m’a enuoyé. Mais mon père m’a
chuoyé non pour perdre les ames,ains
- : rit ! "
pºurCSallt
1 **

**
d e Qy A s 1 M o D o. fr -

fiuuer: non pour iuger le monde, maisà fin :


que par luy le monde ſoit fauué. Venit filius ho Matth. 2o.
minis querere quod perierat. Carle fils de Phőme
eſt venu cercher ce qui estoit pery. Itē mon þe
re m’a enuoyé, nó point à fin queie foyeferuy,
mais à fin áie ferue à tous, voire iuſqu'à l'effu- * -

fió demő fang. Et pource ie vous cóſtitue, eſta. . . .


bly & ordonne non córne feigneurs, áiris corni v , .
me ſeruiteurs. Car celuy de vous autres qui est * *
le plus grand, ſoit voſtre feruiteur. Il m’a en
uoyé; non point pour estre addonné aux volu
ptez,mais pourestre crucifié. Ainstievous en
uoye, non point pourviure ence monde deli.
cieuſement & voluptueuſement : mais pour
estre fuiets à tous maux,à toutes pauuretez, pa
tience & humilité. Finablement le pere m'a
enuoyé,non pour preſcher ſonges,menfonges,
frux miracles, tragedies ou fictions poëtiquesi - ..
nais pour preſcher l’Euangile , la pure & ſyn
cere verité. Ainſiie vous enuoye. Et,Hoc càm
dixiffet,infaffiauitin eos, quand il eut dit cespa
rolles, il fouffla en eủx: fignifiant par cela que
le fainét Eſprit procede du Fils comme du Pe
re. Il a ſoufflé,non comme homme,mais com
me Dieu. Et qui en la creation de l'homme
auoit ſoufflé, à fin que l'homme fust faićt en
ame viuante yen lefaiſant teuer du limon de la
terre zmaintenantil fouffle pareillement, à fiti : " \
que l'awe de l'hómeviuất regoyuele S.Eſprit “
Čertainement qud Ieſus Christaye foufflé en ” ’
eux, cela a esté austi faićt pour vne autre rai
. .. . Mm 4
HÀ . e aD 1 M E N c H E -
fonsà.fçauoir, à fin que nous fgachions que les
dons du fainét Eſprit font diſtribuez par deux
"chofesjåfçauoir, par la parolle, & parle ſacre
ment. Ainſi en ce lieu Eſprit est don
ņé aux Apoſtres par la parolle, quand il dit,
di Accipite Spiritum fantium,Receuez le S.Eſprit.
Et par le foufflement, à fçauoir, par le moyen
e du ſacremét ; & en ceste maniere à fauoir par
par le fiere- la parolle & par le ſacrement, il nous distribue
#Yzez2 f.
la remiſſion des pechez, & ſon propre corps.
Icy nous faut noter qu'auant que Ieſus Christ
aye enuoyé fes Apoſtres, il leur a donné le
fainét, Eſprit » pour demonſtrer que le fainćt
Eſprit eſt necellaire à celuy qui vſe de l'office
Apost9ļique : aurrgmentils ne pouuoyent en
tendre les myſteres de Dieu, ny enfeigner les
autres,finon qu'ilsfuſſent enſeignez du S.EG
i.cor.rz. prit Nemepotest direre, Dominus Ieſus.nistin Spi
rittifancio. Perſonne ne peut dire, le Seigneur
Ieſus,finonau S.Eſprit. Item iamais n’euſſent
et faire choſes plaiſantes à Dieu, ne fuyr les
s & liens de peché, s'ils n'euſſent eſté ve
ftus de la vertu ſuperieure d'enhaut. D’auanta
ge » il donne le fainét Eſprit , pour demonſtrer
qu'il est donnateur de l'Eſprit, & qu'il procede
de huy, comme du Pere, Mais voyons comme
il parle d'auétorité, puillance & maiesté,quand
ze s.Estrita il dit.: Accipite Spiritum fančium, Receu ez-le
"***
" fins Eſprit, leque donné par deux fois:
maintenant en retniſſionides pechez : & au
, iọur de la Pentecostes en distribution des dons
i at l-4 fpiri

. . .– –– =
D E Q v A s 1 M o D o. 55
fpirituels. Il a donné vne fois le fainét Eſprit,
luy encores estant en la terre, pour nous enfei
gner que nous deuons aymer noſtre prochain.
Il l'a donné vne autrefois du ciel, pour nous
prouoquer à l'aymer. Quorum remiferitis pecca
taremittuntureis. Ceux aufquels vous pardon
nerez les pechez, ils leurs feront pardonnez, à
fçauoir par vertu diuine, laquelle ſeule effećti
uemēt remet les pechez, comme la cauſe prin
cipalle, en cooperant parla vertu des in
ftrumentallement. Ceux aufquels vous les re
tiendrez,c'eſtà dire,aufquels vous n'auez point
pardonné, pource qu'ils n'ont point vraye pe
nitence, & ne font dignes de l'abſolution, ny
d'obtenir indulgence, ils font retenus de Dieu
à leur damnation eternelle. Par ceste parolle
il demonstre comment & en quel vſage il
leur a donné le fainćt Eſprit, Certainernent
en remiſſion despechez, Carà celuy auquel ils Pſal.st.
font remis, il eltbien-heureux : Il a Dieu qui
luy fauoriſe,ila repos de conſcience, il never
ra point la mort, il poſledera la vie eternelle.
Voylà la puiſlance & auctorité des Apostres,
à laquelle nulle mondaine puistance ne peut
estre accomparagee. Meſmes S.: Iean Chryſo
ftome,lib.s.de Sacerdotio,conclud de ceſte puiſ
fance donnee aux Prestres parnostre Seigneur,
qu’ils font à preferer, non aux Roys
& Empereurs, mais auſſi aux Anges : d'autant
que Dieu n’a iamais dit aux Anges, Querum re
miferitis, &c. Quelle choſe plus ioyeufe peut
Mm 5
554 » D 1 MENcH E
eſtre ouye, & plus neceffaire à nous, que telle
puiſſance, parlaquelle aſſeurement nousnous
glorifionscontre le diable, en la confeſſion de
nostrefoy,quand nous difons:Ie croy que la re
miſſion despechez eſt en l'Egliſe Catholique
Dauấtage, cőbien que remettre les pechez foit.
le propre oeuure de Dieu, toutefois les Apo
stres auſfiremettétlespechez, non fimplement:
mais ils baillent & adminiſtrent les moyens
par leſquels Dieu remet les pechez. Leſquels
moyens ſont la parollerde Dieu, & les ſacre
mens de fon Egliſe:defquels moyens il est dićt
Matth. 2 s. en S.Matthieu: Ite,docete omnes gentes,baptiſan
tes eos innomine Patris, & Filj,& Spirituafančži.
Allez, enſeignez toutes gens, les baptifans au
nom du Pere, & du Fils,& du fainét Éſprit. Et
en ceſte parolle l'abſolution facerdotalle est
fondee, que nous difons ſacremét de penitếce:
: » ' commelil appert Par le meſme Chryſoſtome,
au lieu preallegué,difant,que Christus his verbis
in Apoštolos transfudit omnem potestatem quam à
patre accepit. Et fainćt Ambroiſe lib.i.depænit.
-2 & lib.side Spirituſančio;cap.19, S.Hierof
me in cap.16 Matth. Sainćt Baſile inregulis bre
uioribus questi288. & deuant eux Origene, hom.
2.in Lenit.&Tertullian lib, depænitent. Sainét
Gyprian strmo delapſis, & lib.z epist. Mais plus
apertement &roidement que tous, S. Augu
stin en pluſieurs paſſagesimais fpecialement de
adulterconnuh.cap.vltimo, epist. 18 a.&tratř.49tin
Jøannemsoù il reſpondàvne obiećtion de quel
? 11: '.', - ques
| - D E , Q y A s 1 M o D o. i5s
ques vns qui diſoyent,il ſuffit de ſe confefferà
Dieu: Ergo finecauſa clauesinstitute/unt in eccle
fia: & frustramus verba Christi. Thomas vnus ex
duodecim qui dicitur Dydimus nõ erat cum eis, quã
do venit Ieſus.Thomas vn des douze qui eſtap-,
pellé gemeau,n'eſtoitpoint auec eux quand Ie
fus veint.Il eſtappellé Dydimus, qui est vh mot
Grec, lequel eſt interpreté en Latin Geminus,
c'eſt à dire, Gemeau. Carila eſté doubteux en
la foy de la reſurrećtion de Ieſus Christ. Cela
n'a point eſté faict þar aduenture ou par cas
fortuit:ains par diſpenſation & prouidence di
uine : à fin que noſtre:Seigneur euft plus fou
uent occaſion de foy & demonſtrer
la verité de fa reſurrećtion;&à fin que le difci
ple doubtant quand en ſon maiſtre il touchoit.
les playes de fa chair", il guarist en nous les
playes d’infidelité, comme dit fainct Gregoi
re.Les autres diſciples luy dirét: Vidimus domi
nam,nous auons veu le Seigneur. Ils commu
niquent à Thomasła ioye qu'ils ont receuë par
l'apparition de noſtre Seigneur.Ce qui est pro
pre à vraye charité. Nous auons veu le Sei
S'enfuyt la pertinacité de Thomas qui
eur dit: Nist videro fixuram clauorum in manibus,
fuả có mittam digitum meum in locum clauorum,
& mittam manum meam inlatus eius,non credamp
Siie ne voy la perfure des cloux en fes mains,
& mette mon doigt au lieu des cloux ,& met
tema main en ſon costé , ie ne croiray point,
qu'il foit reſſuſcité ; & veritablement apparu à
* * *, VOUS,
d1ME NcH e ,^

vous. Il ſemble que Thomas auec paroles in


iurieuſes,refiſte & cốtrediſe à ceux qui luy an
noncent la refurrection de noſtre Seigneur, &
toutefois ce n'eſt pas de merueilles. Car les
Apostres eſtoyent hommes: & Pierre deuant la
paſſion n'a pas auec moindre pertinacité con
tredićt à Ieſus Christ,quand il diſoit: Et stopor
tuerit memoritecum,nonte negabo.Et s'il me faut
mourir auectoy, ie ne te nieray point. Et ce
ue Thomas faićticy, ſemblablement euffent,
les autres Apostres, Çar Ieſus Chriſt ap
paroiſſant à eux,& parlant auec eux, qui lesin
uitoit à le veoir & toucher, encorespenſoyent
ils voir vn eſprit. Leſquels auſſi ne vouloyent
point croire aux femmes, meſpriſans leurs pa-:
roles,comme refueries, ſonges, & menfonges.
Ne vueille donc iuget temerairement ton pro
chain quãd tu le veois ſuccomber & cheoir en
tếration.Car fi tu estois là à l'auếture, tu ferois.
plus grãds maux. Et post dies otto iterum erant di
Jcipuli eius intus,& Thomas cū eis.Et huictiours.
apres ; à fçauoir la reſurrećtion , ſes diſciples
eſtoyent là dedás, & Thomas aueceux. Noſtre,
Seigneur nelaiſſe point les fiensen erreur.Car.
comme en la paſſion apres la negation il a re
gardé Pierre : auſſi il inſtruićt Thomas, à fin
qu’il foit vray ce que dit le Pſalmiſte Dauid:
Çum ceciderit iustua, non collidetur, quia dominus.
fuppanitmanăstā,Şile iuſte trebuſche,il nefera
point froiffé,car le Seigneur ſouſtiensfa main.
Nostre Seigneur ne s'apparoist point à Tho
. , f Illas
D E Q y A s 1 M o D o. 557
mas tout incỏntinent:car il l'eſprouue par l'ef
pace de huićt iours. Mais finalement quand
Thomas pouuoit eſtre fans eſperāce que lefus
Christ plus ne s'apparoiſtroit, alors il est venu.
Ainſi Dieu maintenát apparoiſt, quand toutes
choſes font veuës defeſperees,&defquelles on
n'a plus d'eſperance. Čependant il differe &
eſprouue,& toutefois ne delaiſſe ou n'abádon
ne point iuſques à la fin. Et Thomas erat că eis.
Thomas eftoit auec eux : car vne fois il s’eſtoit
feparé de la congregation : parquoy il s'estoit
priué & fruſtré d'vn grand bien,àfçauoir de la
viſion de Ieſus Chriſt. Mais maintenant il de
meure en la congregation , & pource il veoit ...> .
lefus Christ.Et Ieſus venit ianuis claustr, & stetit
in medio eorum, veint les portes fermees, & fut
au milieu d'eux,pour estre veu & ouy de tous,
& leur diſt: Pax vobis. La paix ſoit auec vous:
paix interieure à voſtre conſcience, paix exte
rieure auecques voſtre prochain, & paix fupe
rieure & eternelle en la gloire celeſte. Apres il
diſt à Thomas , demonſtrant qu'il cognoiſſoit
fes paroles,&qu'il estoit preſent quand il auoit
manifeſté par paroles fa dureté & opiniatrife
de coeur deuant les diſciples:Infer digitum tuum
huc,& vide manus meas,& affer manum tuam,6°
mitte in latus meum, & noli effe incredulus,fedfde
lis. Mets ton doigt icy, & voy mes mains , &
apporte ta main , & fi la mets en mon coſté, &
ne foys point incredule, mais fidelle. Pour
quoy eſt ce que Ieſus Chriſta voulu que Tho
II11S
558 . , : D I M E N C H E .

mas l'ait touché, & a deffendu & empeſchê


Magdaleine qui le vouloit toucher? Reſpon
ce. Magdaleine n’estoit pas eſleuë pour eſtre
r. Cor. r* e
teſmoing de la reſurrećtion aux peuples,com
me Thomas. Car comme dit S. Paul : Turpe est
mulieri docere in eccleſia. Penfons icy & repen
fons les richeffes de la bonté de Ieſus Chriſt,
les entrailles de fa mifericorde, l'abyſme de fa
charité, de laquelle il a pourſuyuy & accom
paigné Thomas, à fin qu'il ne periſt. Verita
s'il euft defiré pluſieurs,ou plus affeu
rez argumés & certification de fa reſurrećtion,
le Sauueur eust fatisfaićtà fes defirs. Car com
Pfal. 144. me dit Dauid: Voluntatem timentium fe faciet eá
deprecationem eorum exaudiet & faluosfaciet eos.
Apoca,2. Il fera la volonté de ceux qui le craignent, &
exaucera leursprieres,& les fauuera.Sois donc
fidelle iuſques à la mort, & ie te donneray la
couronne de gloire.Et Thomas reſpondit tout
honteux & tremblantimais fidelle,& luy dit ce
qu'il croit de coeur, en le confestant de bou
che, difant: Dominus meus & deus meus. Mon
feigneur quất à l'humanité,auquel eſt donnee
toute puiſſance, tant au ciel qu'en la terre : &
monDieu,quãt à la diuinité:Tu es Christus filius
Deiviui. Tu es le Chriſtoingt & ſacré, fils du
Dieu viuát. Voyons icy les admirables ceuures
de Dieu.Qui eust creu vne fi grande foy adue
nir d’vne fi grande incredulité ? à peine aucun
euſt creu que le larron, brigant, & voleur eu ft .
eſté fauué: Et Saul inhumain perſecuteur de . *,

|- i i Ieſus
DE Q_y A s 1 M o D o. ~ 559
Ieſus Chriſt,& de Ion Egliſe,euſteſté vaiſſeau
eſleu, pour l'exaltation de la gloire de Ieſus
Chriſt : & toutefois l'vn & l'autre eſt aduenu.
- Donc de nul ne fe faut defeſperer, tant qu'il
vit en ce monde. Deux choſes font aduenues
à Thomas, outre fon eſperance. Car il voit Ie
fus Chriſt veritablement reflufcité, il oyoit ce
dequoy premierement il doutoit: pource il le
confeſle Seigneur & Dieu. Seigneur, car il a
furmonté la mort. Dieu, car il fçait & co
gnoiſt toutes choſes. Il l'appelle fon Seigneur
& fon Dieu : car ce n'eſt pas aſſez de croire
qu’il eſt Seigneur & Dieu, finon que tu croye
qu’il eſt ton Seigneur & ton Dieu », c'eſt à di
re , que tu croye en luy, & que tu ayes bonne
& ferme fiance en luy, & que tu eſperc toute
bonne choſe de luy: Et Ieſus luy dit: Quiavi
dišti me, Thoma,credidisti:Pourtant que tu m'as
veu, Thomas, tu as creu. Il ne dit pas, pource
que tu m'as touché,tuas creu. Beati qui nõ vide
runt, & crediderunt.Bien-heureux font ceux qui
ne l'ont pas veu & ont creu. Tacitement no
ftre Seigneur predićt la vocation de nous au
tres, qui iadis eſtions Gentils, & maintenãt par
la grace de Dieu,Chreſtiens.Comme difant,ce
que tu n'as pas creu, fera occaſion aux autres
de croire. Carles Gentils croiront ma refurre
ćtion , laquelle toutefois ils n’ont pas veu de
uant leurs yeux : parquoy tant plus feront-ils
heureux, que moins ils auront veu. Ceſte pa
rolle grandement nous confole, à fçauoir, que
- :* . '-- CC llX
56 o D I M E N C H E v

ceux qui n'ont point veu Ieſus Christ , &


eroyent, feront auſſi egalement fauuez com
me ceux qui l'ont veu. Quand donc quel
u'vn voudroit dire qu'il n'a point veu Ie
Chriſt en chair, à la mienne volonté que
i'euffe esté en ce temps-là, & que de mes yeux
i'euffe veu le doux,tres-mifericordieux,& tref
racieux Ieſus nostre Sauueur, & que i'euf
ouy les parolles de vie eternelle procedan
tes de fa & diuine bouche, proferees
de fa langue doree , & que i'euffe veu fes
grands ſignes & admirables miracles. Alors
tu penſeras & propoferas deuant toy les
rolles de noſtre Seigneur. Bien-heureux font
ceux qui ne l'ont point veu, & ont creu : &
r. Petr.r.
comme dit fainct Pierre, Quem cùm non vide
ritis,diligitis. In quế quoque nunc non videntes cre
ditis : credentes autem exultabitis letitia inenarra
bili, & glorificantes reportantes finem fidei vefire
falutem animarum vestrarum, lequel combien
que ne l’ayezveu,vous l'aymez, auquel croyãs,
combien que maintenant ne le voyez, vous
vous efiouyſſez de ioye inenarrable, & glori
fiez, reportans la fin de vostre foy, à fçauoir le
falut des ames. Multa quidem & alia figna fe
cit Ieſus in confþettudiſcipulorumfuorum, que non
funt stripta in libro hoc.Et pluſieurs autres fignes
feit en la preſence de fes diſciples, lef
quels ne font pas eſcrits en ce liure : mais ces
choſes font eſcrites, à fin que vous croyez que
Ieſus est le Chriſt, le Fils de Dieu , & qu'en
-. , * croyant
D E av a su M o p o. ý61
croyant vous ayez vie, à fçauoir, de grace en
ce preſent fiecle, vie de gloire au fiecle adue
niren fon nom : c'eſt à dire, en la grace & ver
tu de Ieſus Chriſt. Non enim estaliud nomen in
quo nos oporteat faluosferi. Car c'eſt le feul nom
auquelil nous faut estre fauuez , & lequel qui
l'inuoquera, en delaiſſant fa mauuaife vie &
fon peché, il fera fauué. Il y a autre raiſon &
eſgard des miracles & des facremens. Car les Rom.ro.
miracles font les feaux de la parolle: mais les*"'**'
ſacremens font les vaiſſeaux, inſtrumens, &
de la parolle, par leſquels les biens de
Ieſus Christ promis, font distribuez: & le nom
de Ieſus Chriſt, auquel nous auons vie, c'est le
Fils de Dieu noſtre redemption,vie, fanćtifica
tion,& iuſtice: defquels biếs celuy vrayement
est faićt participant, qui par foy & operation
debốnes oeuures fera membre de Ieſus Chriſt.
Nostre bon Dieu & Pere Redempteur, qui Oraiſon,
pour nous donner la vie , a enduré la mort
ignominieufe, & qui pour noſtre gloire glo
rieuſement est reſſuſcité, nous doint la grace,
qu'en croyant par vraye , viue, entiere, & ap
prouuee foy, nous puiſſions obtenir en ce pre
fent fiecle la vie degrace, par le moyen de la
quelle toute noſtre vie , toutes noz oeuures &
operations foyent à fon honneur & gloire, &
l'edification & conſolation de noz prochains:
& apres au fiecle aduenir,nous puiſſionsparue
nirà la vie de gloire,pour eternellement glori
fier la treſſainčte Trinité, Dieu le Pere, le Fils,
Nn
62 I I. D I M E N C H E

& le benoiſt fainét Eſprit,au Royaume celeste


en paradis. Dieu par ſa bonté nous en doint à
tous la grace.Amen.
SE C O N D D IM EN CHE A P R ES
P A s Q_y E s. *

i E n’eſt pas fans cauſe que l'eſcriture


| fainćte cõpare Dieu le createur au
|| cunefois à vn Roy, & aucunefois à
&>=<<\ij vn Paſteur. Car ce font deux chofes
fort cốioinćtes que la ſcience de bien gouuer
ner les hommes, & l’art & induſtrie de bien
gouuerner les brebis. C’eſt ce que dit Monfieur
S.Bafile en vne homelie qu'il a faićte in laudem
AMammautis, qui auoit eſté fimple berger:mais
toutefois il fut fi conſtant en la foy,qu’il endu
ra le martyre pour noſtre Seigneur, & apres fa
mort fit de grands miracles. Sorores funt ars pa
fcendi,& arsregendi. Et de faićt vous voyez que
l'eſcriture fainćte conioinćt ces deux choſes:
cőme vous auez au Pſal.22. de Dauid: Dominus
regit me, & nihil mihideerit, in loco pafcua ibi me
collocauit. Mon Dieu est mon Roy,& mon gou
uerneur,ie n'ay pas peur d'auoir neceſſité d'au
cune choſe:car c’eſt vn bon Roy,& prouide pa
steur:il m'a mis en vn lieu où il y a biếà paiſtre,
il y a bien dequoy prédre ma nourriture. Dieu
donc eſt Roy & Paſteur, cốme il appert par ce
Pſeaume, & par le ſubſequent,où ce Paſteur là
eſt appellé Rexgloria, Quis estifte Rex glorie? En
quoy cognoiſt-on qu'il eſt Paſteur ? en ce qu'il
- IAOUIS
A P R es e A s Q v e s. 563
nous donne fa paſture: c’est à dire,ſa parolle,&
l'eſcriture, & les facremens.S.Iean Chryſoſto
- me fur ce pſalme dit que locus ille pastue, c’eſt
l'eſcriture en laquelle tu peux prédre de toutes
fortes de bons fruićts,pour le contentement de
toname,ainfi comme fi c'eſtoit vn iardin:telle
mết que celuy qui veut ouyr la parole deDieu,
il a bien dequoy s'engraiffer,il a le moyen d'a
uoir toutes fortes de graces de noſtre Createur
lequel fçait bien luy donner de bonne paſture.
Car non ſeulement il nous a donné pour noſtre
nourriture fa parolle & fes facremés,mais auſſi
fon precieux corps. C’eſt ce que confidere S.
Iean Chryſoſtome en l'homelie 25. fur S.Iean,
pour monstrer que noſtre Seigneur eſt bien vn
autre Paſteur que les autres: car les autres peu
uent bien donner bonne paſture à leur troup
peau: mais non pas le repaiſtre de leur propre
chair, comme noſtre Seigneur : Quis vnquam
pastorgregempauit de carnefna? & toutefois no
ftre Seigneur donne fa propre chair à ſes ouail
les. C'eſt donc figne qu’il les ayme bien. Il y a
peu de Paſteurs qui en vouluffent faire autant.
Entre les meres il s’en trouue de bonnes , lef
quelles de leur propre laićt nourriffent leurs
enfans, il y en a d'autres leſquelles ne le font
pas: mais les font nourrir par autres. Noſtre
Seigneur est encores plus que ces bonnes me
res,car il nourrift fes enfans de fa propre chair
qui eſt bien d'auấtage que du laićt. C’eſt pour
quoy noſtre Seigneur luy me dit au comº
Il 2
564 I I. DÁ I M E N C H E -

mencement de l'Euấgile duiourd’huy, Egofu


pastor bonus &c. Aucunefois nostre Seigneur
fe compare à vn Roy,aucunefois à vn Paſteur:
Mais quelle difference y a-il entre vn Pasteur
& vn Roy ? Celuy qui a le gouuernement des
brebis ou autres beſtes irraiſonnables , eſtap
pellé Pasteur, & non pas Roy d'icelles: mais
celuy qui a domination & gouuernement fur
les hommesleſquels font capables de raiſon,
eſt appellé Roy. Mais que nous veut fignifier
cela que nostre Seigneur eſt appellé reæ & pa
forc'est pour mốstrer qu'il est pour les grands
& pour les petits: les vns font des-ja entendus
& fçauent ce qu'ils doyuent croire & faire, ils
font aifez à gouuerner: les autres font ignares
& n'entendent pas ce qu'ils doyuent faire, il
les faut conduire comme ouailles, il faut que
le Paſteur aille deuant pour leur monſtrer le
chemin, à fin qu'ils le ſuyuent. Illorum dicitur
reæ,horum verò pastor.C’eſt ce que dit fainćt Ba
file au lieu preallegué: Christus vocatur paštor
reſpettu irrationalium & imperitorum rex verò re
fl'officerationalium quibus dominatur. Et quel eft
d'vn bon Paſteur?c'eſt de donner bon
ne pasture à ſon trouppeau, empeſcher le loup
d'entrer en ſa bergerie,& veillerfur icelle iour
& nuićt.Car s'il ne faiſoit tout cela, il ne feroit
!
l'office de bon Paſteur. C'est vne charge
ien faſcheufe & pleine de grand trauail.Ilme
fouuient de ce que dit S. Iean Chryſoſtome
homilia f7. in Genefim, où il confidere le foing
» que
ApRes p A so v e ss 565
que auoit Iacob , & la peine qu'il prenoit à
bien nourrir & fidellemétgarder le trouppeau
de fon beau-pere Laban,auquelil diſoit quand
il s’en voulut aller & luy demander fon falaire:
Vous fçauez bien que ie vous ay rendu bon
compte, & que fi le loup a mangê par ma ne
gligence l'vne de vos brebis, ie l'ay payee, &
que i’ay eſté diligent Paſteur & fidelle par l'eſ:
pace de vingt ans que ie vous ay feruy : pour
auoir Rachel que i'aymoy tant :ie vous ay fer
uy quatorze ans, pource que apres vous auoir
feruy fept ans,vous me trompaſtes,& me bail
laſtes Lia. Là deſſus ce bon Doćteur dit vn
mot qui eſt bien digne d'estre notté. S'il eſt
ainfi que le Paſteur des ouailles irraiſonna
bles doit telle vigilance à fon maistre qu'il doit
rendre compte de celles qui font perdues par
fa negligence,& les doit payer, combien qu'il
n'attende qu’vne recompenſe temporelle pour
fa diligence & fon trauail:combien donc plus
vigilans & plus fidelles doyuent eſtre les Pa
fteurs des ames qui ont prins la charge de gar
der les noſtre Seigneur, & qui ef
perent vne recompenfe celeſte & eternelle?
Nostre Sauueur a tant aymé & honoré ſes
ouailles, tant les pauures que les riches,qu'il a
eſpandu ſon precieux fang pour elles : & toy
quias prins la charge de les garder, en tiendras
tu fi peu de compte,iaçoit qu'elles foyent pau
ures veu que tu es ſubiećt de leur dóner nour
riture , monstre la fidelité & v que tu
Il 3
$66 I 1. D 1 M ENcH E -

leurs dois ? Ie vous affeure que c'est vne grafi


de charge. C’eſt pourquoy fainét Gregoire
Nazianzene en vne apologie qu’il a faićtepour
s'excuſer de ce qu’il s'eſtoit abſenté & s’en
eſtoit fuy in Pontum; eſtantefleu de tous pour
estre leur Euefque, il s'excufe difant : A la ve
rité, il me femble que regere hominem varium &
verfietiſimum animal c'eſt ars artium & fcientia
ftientiarum. Carles eſprits des perſonnes font
bien diuers. Pour eſtre Pasteur d'vn peuple il
faut eſtre bien fage pour s'accommoder aux
humeurs d'vn chacun ainfi qu'il appartient
Carles complexions, affećtions, volontez, &
maniere de viure des perſonnes font trop di
uerfes.Outre cela c'eſt vne charge fort dange
reuſe,comme remonſtre fort bien Origeneho
mil.2o.in Numeros expoſant ce paſſage, où ileft
commandé à Moyſe apres que les enfans d’If
raël eurent peché auec les Madianites, qu’il
feiſt pendre au Soleil les gouuerneurs du peu
ple,non pour auoir peché auec les autres: mais
pour aurant qu'ils deuoyent empefcher le
- ple qu’il ne feist mal.Si nous confiderions bien
(dit Origene) que les Pasteurs feront punis
non ſeulement pour leurs pechez : mais auffi
pour les pechez d'autruy , nous n'aurions gar
de de cercher la domination fur le peuple:
Nemo ambiret dominatum. Mihicertè(inquit)fuf
feitpro deličtis meis argui & dejs rationẽreddere.
He neveux point reſpondre pour autruy, i'au
fay aſſez à faire de reſpondre pour moy. C'eſt
- Pour
-- A p R r s p A s Q v Es. 367
ourquoy fainét Paul dit en l'epiſtre aux He
rieux:Obeiffez à vos ſuperieurs, & les aymez,
encores qu'ils vous reprếnent aigrement de vos
vices, vous ne deuez laiffer à les aymer, & leur
obeyr. Ipst enim peruigilant pro animabus vestris
rationem reddituri. Ie ne veux pas eſtre pendu
pour les autres deuant le Soleil, deuant lequel
rien ne peut eſtre obſcurcy : & cela,c'eſtà dire,
deuant nostre Seigneur, cui omnia funt nuda &
aperta. C’est dốc vne chofe bien dấgereuſe que
ceſte charge. Et pource Moyſe eſtant enuoyé
de Dieu pour le peuple, refuſe ceſte
charge , & prie Dieu qu'il y enuoye vn autre
que luy:il l'aprinſe quaſi par force,&en a bien
fait fon deuoir pour vn temps: mais à la fin il
s'eſt trouué fi ennuyé, voyant qu'il auoit vn
peuple rebelle & opiniastre, qui murmuroit
contre luy, qu’il diſt à nostre Seigneur : ostez
moy d'icy, ie ne veux plus auoir ceſte charge.
Caril fentoit qu'elle eſtoit troponereuſe. Nous
voyons femblablemết que le Prophete Hiere
mie a refuſé telle charge , s'excuſant enuers
Dieu qu'il ne fçauoitrien,& qu'il eſtoit inepte
à faire telle charge.Vous ne trouuerez point de
grands perſonnages autemps paſſé,qui n'ayent
refuſé de prendre la charge d'autruy. Mais au
iourd'huy tout eſt bien chấgé, on lèsbrigue,on
faićt des menees pour les auoir. Ce n’eſt pas
d'vn defir qu’on ait d'en faire la charge: mais
} luftoſt pour auoir le reuenu des Euefchez.
pourtant n'eſt ce pas de fi tout fe
n 4
*
568, I I. D I M E N C H B

porte mal en noſtre Eglife. Car le peuple ne


peut eſtre bien gouuerné de telles gēs que ce
la. Egofumpastor bonus.Ce n'eſt pas affez d'eſtre
paſteur: mais il faut eſtre bon paſteur. Sainćt
Bafile en l'homelie cy deſſus alleguee, dit que
nostre Seigneur par ces parolles s'eſt voulu fe
parer des mauuais pasteurs,comme estoyent les
Scribes & Pharifiés, leſquels ne faifoyết pas ce
qu'ils commandoyent. Et pourtant noſtre Sei
gneur parlant au peuple,diſoit : Ne faićtes pas
cőme eux:mais faićtes ce qu'ils vous comman
Matth. 23.
dent. Dicunt enim & non faciunt, & pour ceſte
caufe ſunt pastores mali. Mais quất eſt de noſtre
Seigneur, il eſt pašfor bonus, il n’eſt COIMIIle
les faux prophetes, comme les Scribes & Pha
rifiens. Separat ſpurceos & malos paštores à fe,dit
Sainćt Bafile. Mais comment cognoiſtrons
nous quand quelqu’vn fera bon paſteur ? On
estime celuy là bon paſteur, qui vifite les ma
lades, qui fait fon deuoir d'adminiſtrer les fa
cremens, & d'annoncer la parolle de Dieu , &
tout ce que l’on peut defirer,il le fait. Ie con
feffe bien que ceſtuy-là eſt bon paſteur,quant à
l'exterieur: mais celuy eſt vrayement bon, qui
par dilećtion cerche le falut de fon peuple, &
non point ſon prouffit particulier. Tel a eſté
Moyſe.En quelle forte a-il eſté paſteur? Quand
Dieu voulut perdre le peuple d'Iſrael, qui tant
griefuemét l'auoit offenfé. Moyſe luy diſt,Sei
gneur, effacez moy de vostre liure, fi vous ne
voulez pardonner à ce peuple , lequel vous
- m’auez
A p R e s p A s Q v e s. 569
m'auez baillé , & lequel i'ayme tant. C’eſtoit
auſſi vn bő paſteur que S.Paul,Optabã effe ana- Rºm.”
thema proffatribus meis, I’euffe bien volontiers
enduré pour vn temps quelque ſeparation, à s
fin que mes freres fustent en la grace de Dieu,
& gardaffent fes commandemens, S.Hieroſme
eſcriuant aduerfus errores Ioannis Hieroſolymita
ni ad Theophilum Alexandrinum, qui estoit allé
là pour appaifer vne diſlenſion, laquelle eſtoit
entre des Preſtres & des Moynes:& quand on
fceut qu'il approchoit , on alla au deuant de
luy.Par l'honneur qu'on t'a fait (diſt S.Hieroſ
me) tu dois prendre argument que tu es aymé.
Amari debet parens, & epiſcopus,non timeri. Que
doit chercher vn paſteur ? eſtre aymé de fon
troupeau, & l'aymerauſſi, ainſi qu’vn pere ay
Ille enfans,& les enfans leur pere. C’eſt dốc
le principal en vn Paſteur qu'ilayme fon trou
peau,& parainfi il fera fon office de bon coeur,
& ne trouuera rien difficile. Car amour paffe
par tout, il ne s'arreſte point à confiderer les
inconueniens qui luy peuuent aduenir firtis vt Cantic.".
mors dilettio.Vn bon paſteur doit tellement ay
mer ſon troupeau, qu'il foit preſt d'expofer fa
vie pour iceluy,s'il en eſt beſoing C’eſt la mar
que laquelle baille noſtre Seigneur pour mon
strer qu'on ayme vn autre, Maiorem hac nemo Ioan.tr.
charitatẽhabet,quàm vt quisponat animā filam,id *"*"
est,vitam,pro amicis fuis. Ainſi noſtre Sauueur a
expoſé ſa vie pour nous,à fin de monſtrer qu'il
nous aymoit,comme dit S.Paul en l'Epistre aux
Nn 5
57o 1 1. d 1 M E N c H e
Galates 2. chap. Tradidit femetipſum pro nobis:
Vne autre marque d'vn bon paſteur, c’eſt qu'il
cerche le bien public, & non point fon proffit
particulier. Ainſi vn Roy doit partous moyens
rocurer le bien public,& empeſcher que nul
| iniuſtice ne ſoit faićte à aucun en fon royau
me. Car pour cest effect il eſt constitué ſur le
peuple.Mais s'il n'a eſgardà autre chofe qu'à fa
grandeur, & ne cerche qu'à prendre fes aifes,
& à s’enrichir aux deſpens du peuple , & ne
veut point mettre fa vie en danger, pour la de
fenfe de ſon peuple, ceſtuy-là eſt tyrant. Mais
quand vn Roy va luy-meſme en la bataille,
pour defendre fon Royaume, c'eſt ſigne que
c’est vnbon Roy : à luy est bien deu le tribut.
Semblablement le paſteur qui veut bien pren
dre le reuenu, & ne veut pas faire fa charge,
n’est pas bon pasteur. Et pourtant noſtre Sei
gneur diſoit à tels paſteurs par fon Prophete
Ezechiel,au chap.34.Vepastoribus Iſrael;quipa
feebãtfemetipſos: Lac comedebatis,&lanis operie
bamini:& quod craffum erat,occidebatis gregē autế
meum non pafcebatis. Quodinfirmum fuit nõ confô
lidastis,& quod egrotum,non fanastis,quod confra
čtum est,non alligaštis,& quod abiectum est,non re
duxištis,& quodperierat,nã questistis. Vous eſtes
de mal-heureux paſteurs, vous n’auez pas ay
mé voſtre troupeau, vous n'en auez tenu com
pte. Tu diras à ces Paſteurs là,que ie leur feray
bien rendre compte. De manu eorum requiram
gregem meum. Et cependant, Seigneur,laifferez
VOUIS
- A p R e s p A so v e s. 57i
vous ainfi perdre vostre troupeau? non dea,
moyennant qu'il s'amende & qu'il change de
façon de viure:Conuertimini ad me,&c. Viſitabo
gregem meum & liberabo eum de ore eorum. Ieluy
donneray d'autres Paſteurs qui feront biếleur
deuoir. Demandons à Dieu que ce foit fon
plaifir de nous donner d'autres Pasteurs que
ceux que nousauons,ou qu'il leur face la grace
de s'amender le temps aduenir, & faire mieux
qu'ils n’ont pas faićt par cy deuant Ie n'entens
pas ſeulement des Paſteurs ſpirituels,mais auf
fidestemporels.Car combien a on veu de ceux
qui auoyent cy deuant le gouuernement des
villes qui faifoyent femblant d'eſtre Catholi
ques & alloyent à la Meſſe,mais ils monſtroyết
bien par effect quels ils eſtoyent. Car fi les Ca
tholiques fe plaignoyent à eux des excés que
commettoyent les Huguenots,ils n’en tenoyết
pas grand compte: maisils ſe monstroyent bien
diligens, quand il estoit question de quelque
choſe qui eſtoit à l'auantage des Huguenots,
ou de faire enqueſte de quelque iniure faićte
aux Huguenots. D'où vient cela qu'il y a au
iourd'huy en l'Egliſe tant dePaſteurs negligés?
c'est pour autant qu'ils n'ayment pas leur trou
peau:auſſi n'ont ils pas ceſt office poury
faire leur deuoir (quãd ils y ont eſté pourueus)
mais pour en auoir le reuenu. Ils ne peuuent
donc pas dire comme Ieſus Christ, Ego fumpa- Ioan.rs.
for bonus. Icy nostre Seigneur & Sauueur nous
enſeigne le vray office duvray Pasteur en fon
CXCIIA
;18 1 1. d1 M E NcHE
ofice du bon exếple.Caril doit mettre fa vie à la mort pour
****r les brebis de fa bergerie: il doit cognoiſtre fes
brebis & les recueillir au parc de Eglife,
comme dit noſtre Seigneur : Ie fuis le bon Pa
fteur par nature effentiellement & immuable
ment. Les autres qui font bons, ils le font par
la participation & communication de la bon
té de Dieu accidentallement & muablement. .
*mots„ Ieſus”“ Par les fufdićtes quatre parolles noſtre Sei
-

„- gneur prouue qu'il eſt vray Dieu, Car ſeule


ae qu'il est ment & proprement telles parolles conuiem
vray pien nent à nostre Seigneur.Premieremết,Ego.moy.
# . Ce mot ſignifie la pure ſubſtance diuine la
. quellene depend d'autruy , mais eſt par foy
Luc. 19. meſme eternellemét exiſtente,par laquelle,en
Feel ft laquelle,& de laquelle toutes choſes deſpen
dent,font & confiſtent.Partantil dit, Ego, moy
fingulierement & particulierement, & n'y a
point d'autre. Secondement, Sum, ie fuis, ce
Exod.3. mot est propre à Dieu, à raiſon de fa diuini
té:Egofum qui fum:ớ qui est,miſit me.Ie fuis qui
fuis, & celuy qui eſt m’a enuoyé.Item à raifon
de ſon eternité, comme dit le Sainćt Roy &
Pfal.ros. prophete Dauid:Tupermanes,& anni tui non de
ficient.Tu es celuy meſme qui demeurera & tes
ans ne prendrontiamais fin.Tiercement d'au
tant qu'il eſt le commếcemét & la fin de toute
Apae.r. creature. Ie ſuis le cőmencement & la fin. Pa
ftor,le mot eſt auſſi propre à Ieſus Christ. C’eſt
le paſteur : qui dat estam omni carni, qui donne
Luc.rs. viande à toute chair, duquel tous attendent
pour
DE P As Q v e s. 573
pour leur donner viande en temps : Qui aperit
manum ſuam & implet omne animal benedictione,
qui ouure fa main & remplit tout animal de fa
benediction, de la cuyfine duquel vne infinité
d'eſprits angeliques & glorieuſes ames des
fainćts & fainćtes de Paradis ſont nourris. Sế
blablement les oyſeaux du ciel, les poiſſons de
la mer, & les animaux de la terre:Pareillement
tous les hommes & femmes tant bős que mau
uais, iuſtes & iniuſtes, ſubiets & rebelles:Facit Matth.s.
enim sririfolē fuit ſuperbonos & malos.Caril faićt
leuer fon foleil fus les bons & mauuais. Tous
font nourris de la liberalité & magnificence de
ce grand paſteur & pere'de famille. Bonus,bon:
ce mot luy eſt auffipropre: Nemo enim bonus nist Luc.ro.tº.
Deus folus.Car nul n’eſt bon finon le feul Dieu.
Il ſe dit eſtre le bon Paſteur,comme veritable
mentil l'eſt,à fin que les autres paſteurs pren
nent de luy la forme laquelle ils doyuent en
fuyure.lcy nous faut noter que noſtre bon pa
fteur Ieſus Chriſt apres qu'il est venu en cemő Ieſu Christ
de & qu'il a trouué fa brebis, à fçauoir nature fia enuer,
humaine,il a faićt enuers elle ce que naturel- leschrefiras
comme le bon
lement le bon pasteur a de couſtume faire à ſes Pasteur en
brebis.Premierement le paſteur laue ſes brebis uers fes bre
quand le temps de tondre:Ainſi no bis.
ftre pasteur Ieſus Christ nous laue par le S.la
uoir de bapteſme. Et alors nous fommes faićts
purs,blancs & nets tant de la coulpe que de la
peine.TefmoignantS.Iean en fon Apocalypſe:
Dilexit nos,& lauit nos à peccatisnostris infangui Apoc. r.
716
*
574 1 1. d 1 M E N c H e
ne fuo. Il nous a aymé & nous a laué en fon
fang , c’eſt à dire, en la vertu du merite de fa
ſpecialement opere au facre
ment du fainćt bapteſme. Car non feulement
il profite à la remiſſion de la coulpe comme les
autres ſacremens,mais auſſi à la remiſhon de la
peine. Et pource que fouuent il aduient qu'a-
pres le premier lauement les brebis derechef
font fouillees:partant ledićt pasteur a vne autre
eauë pour derechef le lauer,à fçauoir le fainćt
Ezech.3 r. Sacrement de penitence:Comme il eſt dit: Ef
fundam ſuper vos aquam mundam. Ie reſpandray
fur vous eauë nette & vous ferez nettoyez de
toutes vos ordures. Secondement le Paſteur a
accoustumé de nourrir fes brebis au temps de
l'hyuer en l'eſtable, ainfi Ieſus Chriſt nourrit
fes brebis: premierement de naturelle fuſten
tation.Secondement de la parole de vie qui eſt
la vraye paſture de l'ame. Tiercement du vray
reſtaurát de vie,à fçauoir de fon precieux corps
& digne fang,deſquels nous fommes nourris&
Joan. 6.
abbreuuez au S. Sacrement de l'autel, comme
luy-meſme dit:Caro mea verè est cibus,& fanguis
meus verè est potu. Má chair veritablement eft
viande,& mon fangveritablemét eſt breuuage.
Quartement elles font nourries en l'autre #
cle de la gloire celeſte en la felicité eternelle.
Tiercemết le paſteur garde & deffend fa brebis
de la morfure des chiens & des loups:Sembla
blement noſtre fouuerain pasteur Ieſus Chriſt
garde & deffend fes brebis Chreſtiennes de la
morfu
A P R E s p A s Q y E s. $75
morfure des loups & chiens infernaux,fignam
ment en l'article de la mort. Nemorapiet eas de Ioan.ro.
manu mea. Nul ne les rauira de ma main. Et en
vn autre lieu: Iušterữ animæ in manu Dei funt, & sap.s.
nõtaget illostormentŭ mortis.Les ames des iuſtes
font en la main de Dieu, & le tourment de la
mort,affauoir infernalle,ne les touchera point.
Carcomme on dit communemét, ce que Dieu
garde eſt bien gardé. Quartemết, quãd lesbre
bisfe foruoyếtle paſteur les appelle auec fiffle
ment ou auec la voix. Pareillement noſtre Sei
gneurquãd nous ſommes defuoyez par
il nous appelle par la declaration de la fainćte
& ſacree eſcriture, à la droićte voye de peni
tence,difant: Pænitentiã agite & appropinquabit Matth.3.
regnă celorum. Faićtes penitence & le royaume
des cieux s’approchera.Et en vn autre lieu, Re- cant.«.
hertere,reuertere Sunamitis,reuertere vt intueamur
te,retourne, retourne ame pechereffe, retourne
retourne, à fin que nous te voyons:& quád par
pluſieurs fois il reitere, retourne,retourne ame
pechereſſe, retourne retourne : il nous donne à
entendre le grãd zele & affećtion qu'il a du fa
lutde nosames. Cinquiefmement, quand les
brebis apparoiſſent galeuſes & rongneuſes, il
lesoingt de certains oignemens. Ainfi noſtre
Seigneuroingt de l'huile d'extreme onćtiőles
Chreſtiens,laquelle onction purge les reliques
despechez, comme dit fainċt Iacques, Si quis Iacºbis.
vobis infirmetur, vocet presbyteros Eccleste,&c.
Sily a aucun entre vous qui foit malade, qu'il
appelle
I I, D 1 M E N C H E

appelle les Prestres de l'Egliſe,qui prieront fur


luy,& l'oindrőt de l'huile au nom du Seigneur:
& s'il eſt en pechez, ils luy feront pardonnez.
Sixiefmement,le Paſteura de couſtume de me
nerfes brebis aux montaignes pour les paiſtre
aux parcs verdoyans. Ainſi nostre bon paſteur
Ieſus Chriſt finablement menera fes enfans &
fidelles feruiteurs aux parcs : Affauoir en la
fainćte & celeſte montaigne,quandilleur dira:
Matth.2s. Venite benedičtipatris mei, poſſidete regnum vobis
paratum à mundi constitutione.Venez beneiſts de
mon pere , le royaume qui vous eft
pana, preparédés a fondation du monde. Donc pro
quoy? rement & conuenablement il eſt appellé le
Paſteur. C'eſt celuy qui paiſt & nourrit
toutes creatures. Il a nourry le peuple Iſraeli
tique l'eſpace de quarante ans aux deferts de la
manne celeſte.Et qui contre le commun cours
de nature a nourri Moyſe & Helie quarante
iours d'vne viande inuiſible. Apres nostre Sei
gneur, icy prouue qu'il eſt bon Paſteur. Bonus
pastor animam stamponitpro ouibus. Le bon pa
ſteur met ſavie pour fes brebis,à fin qu'ellesne
periffent, & qu'elles ne foyent rauies ou per
dues : c'eſtà dire, il expoſe aux perils de la mort
fa vie corporelle, à fin que ſes brebis ne perif
fent. O amourineſtimable & charité incompa
TR4m. f. rable. Maiorem hac charitatem nemo habet quàm
Ioan.rf. vtponat quis animam stampro amicis fuis.Perfon
L sec. r.f.
ne n'a plus grãde dilećtion que ceſte,à fçauoir,
qu'aucun mette fa vie pour fes amis. Et quand
il
A P R E s p A so v e s. :77
il auoit nonante neufbrebis, C’est à dire,toure
la multitude deseſpritsangeliques,il les a laif.
fé venir chercher & trouuer vne brebis,
à fçauoir, nature humaine , laquelle eſtoit er4
rante & vagabonde. Il fait mention de fa mort
pour demonstrer que nul homme eſt digne du
nom de Pasteuren fon Eglife, finon qu'il foit (à
fon exemple)prest & appareillé non ſeulement
d'expofer fon bien , mais auſſi fa propre vie, -

pour le falut de fes brebis: commeluy meſme (

a dit:Siquis vult venirepostme, c nã odit animam *****


faam,nonpotest meus effe difcipulus.Si aucun veut
venir apres moy, & ne hait fon ame, il ne peut
eſtre mondiſciple. Mercenarius autế& qui non
est pašžor, & cuius ouesnon funt propria. Mais le
mercenaire & celuy qui n’eſt point paſteur, à -
qui les brebis ne font pas propres. Icy nous “
faut noter qu’ily a cinq eſpeces de paſteurs en hu „ie.
l'Eglife. Premierement, les fymoniaques qui glife.
entrent par la fenestre, non par la porte. Se- * * *
condement, les heretiques qui par fauffe do
étrine & faux entendre font perdre & perir
les ames des innocens. Tiercement, les mer
cenaires qui n'ont foucy que de leurs ventres,
& nourrir leurs groffes & graffes panſes. »
Quartement, les vrays paſteurs qui toufiours
eerchent le falut de leurs brebis. Et finalement
les idoles des paſtenrs qui ont feulement le ,
nom,mais non le faićt,ou l'oeuure defquels par: „ , '
le le S.Roy & Prophete Dauid,oculos habent & P/al, rış,
non videntianres habentớnõaudiunt,ils ont des * ",

-, -, Oo
578 1 r. d 1 M E N c H e ..
yeux & ne voyent point, ils ont des oreilles &
n'entendent point. Tels font les mercenaires
en l'Eglife, qui ne cerchent pas les brebis,ains
les biens des brebis: leur propre profit & par
ticulier gain temporel : le laićt pour grafie
ment & delicieuſement eſtre nourris : la laine
pour pompeuſement eſtre vestus : leshonneurs
aux marchez les falutations & les premiers fie
ges aux affemblees. Videt lupum venientem : il
voit le loup venir, & le peril eminent, il fçait
quel dommage fait la faulfe doćtrine, il voir
pluſieurs damnablement pecher , il le fçait,
ille voit, il le cognoist: & toutefois il ſe taiſt.
Il voit le loup venir, aflauoir, l'heretique qui
veut ſubuertir la foy, femer erreurs, feduire
vrlo les coeurs des innocens par faux blaſons &
douces parolles, & par icelles induire & pro
? : uoquer aux Car le loup ſelon les cődi
: tions repreſente l'heretique par pluſieurs rai
ar Égni fons.Premierement,le loup eſt vn animalplein
' . fueilles
. pour- de tromperie, il Et quand il n'est
des arbres. rameaux &
pas veu,
fubitementil faute & fe rue fus la brebis. Ainſi
l'heretique fe cache fous les fueilles d'hypo
crifie & de fićtion , pour plus facilement dece
uoir, quandofa malice ett couuerte. Et fous, la
couuerture de fainéteté il exerce les oeuures
« non de charité, mais de charnalité, deſquels
*** 7., parle noſtre Seigneur, diſant i Attendite à falsts
: rni&» prophetis qui veniunt ad vos investimentis outum,
intusantem fant lupi rapaces: A fructibus eorum Co
g; / } gnoſce
APR Es P As Q y E s. f79
gnoſcetảeos. Donnez vous garde des faux pro -
hetes qui viennent à vous en veſtement de
: mais par dedans font loups rauiſſans,
vous les cognoiſtrez par leurs fruicts.Seconde
ment le loup eſt vn animal goulu, gourmand,
glouton. Car fi de nuict il entre en l'eſtable.
des brebis il ne luy ſuffit pas pour fatisfaire à fa,
voracité & gourmandıfe tuer vne brebis pour
remplir fon vếtre mais aufli il en tue pluſieurs,
lefquelles il laiſle mortes. Ainſi l'heretique.
n'eſt pas content de tuer l'ame d'vn Chreſtien,
mai par ſa fautie &erronee doćtrine,il tue tous,
les Chrestiens qu’il peut, comme l'experience,
a demonttré & iournellement demonstre en:
noſtre lamentable & deplotable temps. Tels
loups n’eſchaperont pas le iugement de Dieu:
teſmoignant le pſalmiste Royal Dauid : les
operateurs d'iniquité,qui deuorant plebem meam.P/al. 13.
ficut estampanis,qui deuorent mố peuple Com-,

me la viande du pain, ne cognoiſtront ils pas


le iugement de Dieu ? Comme difant, ouy.
Car fera iugement & iuſtice. Tiercement
le loup eſt mordant. Caril a la gorge grande
ment ouuerte & fendue & les dents aguës,
poinćtues & venimeufes : parquoy il mord
lus dangereuſemét. Ainfi l'heretique duquel
| morfure eſt tellement venimeufe & enue
nimee qu'elle infecte & corrompt la foy & les
bonnes moeurs des ſimples gés, comme dit Da
uid:Acuerunt linguas fuas ſicut ferpētes: venenum
aſpidă ſub labiis eorum. Qupriž
-
n O 2
osple
;8o I I» D I M E N C H E

Rom.3. num,est veloces pedes eorum ad efundendü fangui


Pfal.ro.
Efa.fo.
nem,destructio & infælicitas invijs eorum,& viam
Prowerb.r, pacis non cognouerunt:non est timor dei ante oculos
eorum:ils ont frauduleuſement vſé de leurs lã
ues: venin d'aſpic eſt fous leurs leures, def
quels la bouche eſt plaine de maledićtien &
d'amertume,leurs pieds font legiersà eſpandre
fang,deſtrućtion & calamité eſt en leurs voyes,
& n'ont pas cogneu la voye de paix , la crain
te de Dieu n’est pas deuant leurs yeux, Voyla
le propre des heretiques. Les heretiques ont
grand' eloquence, ſtille fort gracieux, tant en
parler qu'en eſcriture. Ce qui peut aucunefois
attirer les lećteurs & auditeurs en leur doćtri
ne. Carcomme dit le grand doćteur fainćt Au
- hereſies ne pas faićtes,finon par
es grands & plus grands, & ils font d'autant |

plus meſchans. Contre leſquelsnous admone


Coll0.2 • fte l'Apostre S.Paul: Nemo vos decipiatin fabli
mitate fermonum. Perſonne ne vous feduiſe en
hauteste de parolles : c'eſtà dire, par beau par
ler,& de parole douce bien ornee & fort di
ferte. Car ils meſlent la poiſon d'erreur auec le :
miel de douces & belles parolles pour empoi
fonner & mettre à mort ceux qui y prennent
plaiſir: gardez vous de tels 3 de peur que ne
foyez prins en leurs lacs & fillets. Carils cor
rompent parfauffe intelligence la verité euan
gelique.Et font trefmauuais tauerniers, car ils
font du vin eauë : au contraire de noſtre Sei
gneur, qui a tourné l'eauë en vin. Les hereti
º ques
|- - A p R es . F A so v s s. 53î
| ques font ce qu'ona de coustume de faire áux
petits enfans,quand on leur veut faire prendre
quelque breuuage amer. Car premierement
on frotte doucement le gobelet de miel ou
d'autre chofe douce:à fin qu'ils n'apperçoiuent
l'amertume du breuuage. Pource ne fe faut
abufer aux doux langages de l'heretique, à fin
que ne foyons trompez & deceus. Or retour
nons à nostre hiſtoire Euangelique, Dimittit
oues & fugit.Il laiſſe les brebis aux morfures des
loups, aux fedućtions des heretiques, & cor
ruptions des bonnes moeurs , il ne s'oppoſe
point : C'eſtà dire, il ne fe met point au de
uant & à l'encontre d'eux pour deffendre les
brebis, pour refisterà la fauffe & heretique
doćtrine: maisil s'enfuit comme le chien ou
le corbeau qui s'en vont apres qu'ils ont de
uoré la charongne, ou comme les moufches
apres qu'elles ont cófommé le laićt ou le miel.
Il fuit, & les brebis ne s'enfuyent du
mercenaire. Car ils n'ont pas cauſe legitime,
pourquoy ils n'entendent pas fa voix, ou pour
quoy ils fuyent fa compaignie, ou pourquoy
ils luy refuſent la laine pour le couurir, ou le
laićt pour le nourrir.C'eſt luy-meſmes qui fuit.
Lupusrapit & diſpergit oues. Et le loup rauit &
eſpart les brebis.Carl'heretique est contraire à
toutes les oeuures de Dieu, & ne defire pas
moins noſtre mal'encốtre & mauuaife fin, que ...
le loup defire deuorer la brebis: & ce qu'il ne
peut rauir, il eſpart, c'eſtà , il faićt qu'el
O 3 .
582 1 1. D1ME NcHE -

les vont par cy par là, qu'elles ne fçauent oử


elles fe doyuent arreſter & repoſer. Et le mer
cenaire combien qu'il ne matte ou tue les bre
Ezech.is bis: toutefois fa fuite en eſt cauſe.Parquoy au
dernier iour du grand iugement le fang qui fe
ra perdu des brebis parfa negligence, mauuai
fe vie & ignorance, fera requis de fes mains:
AMercenarius autēfugit:quia mercenariu est:Mais
le mercenaire s'enfuit. Car il eſt mei cenaire
Levray paſteur aucunefois fuit: à fçauoir quãd
la perſecution eſt feulement perſonnelle: (cố
me dit Sainét Athanafe defuga, & Sainćt Au
guſtin epist. 18 o. é contra Gaudentium : ) mais
quand elle est generalle,il ne laiſle pas fes bre
bis, & ne ceſſe point de fon office. Ainſi Ieſus
Chriſt aucunefois fuit : pareillement Sainćt
Pauls’en est fuy de Damas. Maisle mercenai
re tellement fuit que du tout il abandonne de
fon coeur & affećtion la cure & foing des bre
bis, & du tout celle de fon office. Il s'en fuit
rha cirin qu'il etmercenaire, & ne luy chaut
cognoist fes de ſes brebis: Egofampastor bonu, & cognoste
e - oues meas.Ie fuisle bőPaſteur,& ie cognoy mes
zment ? brebis.Premierement parla foy, comme dit S.
******* Paul. Maintenant vous auez cogneu Dieu par
le parole de la foy: mais vous eſtes cogneus de
Dieu certainement par la foy deseſleus. 2. Par
l'obſeruance des commandemens de Dieu : In
r.rean.2. hoc/cimus quoniam cognouimus ei fî mandata eius
obſeruamus. Qug dicitfenoffe deŭ & mandata eine
non custodit,mida rest cé in eo veritas non est, Par
cela
l
A p R es · p Å s oy e s. - 58;
cela nous fçauons que nous l'auons cogneu,
fi nous gardons ſes commandemens. Car qui
dit:Ie cognois Dieu & negarde point fes com
tnandemens, il eſt menteur, & verité n'eſt pas
en luy. Tiercement, Ieſus Chriſt cognoiſt fes
brebis par dilection , comme dit l'Apoſtre.
Qujayme Dieu, il eſt cogneu de Dieu. Et mes
brebis me cognoistent,aflauoir par cognoiſlan Les Chreffiế,
ce defoy,laquelle opere par dilection.Les bre parastenn Ft è
bisde Dieu paruiennent à la cognoillance de la cogno ffan
noſtre Seigneur par pluſieurs moyens. Premie ce de Duens
rement, par la loy naturelle imprimee en nos par plasteurs
cæurs, comme dit Dauid:Signatum est ſuper nos moyens.
As le 4 •
lumen vultus tui domine.La marque de ta face eſt
marquee fur nous. Secondement, par l'infu
fionde grace, & illumination du fainct Eſprit.
Tiercement, par humaine erudition : Atten- P/al.7z.
ditepopule meus legem meam, inclinate aurem ve
framin verba oris mei, &c. Mon peuple eſcou
te ma loy, eſtendez vos oreilles aux parolles
de ma bouche. I'ouuriray ma bouche pour di
reprouerbes. Ie profereray queſtions obſcu
res du temps paſſé. Ce que nous auons ouy &
cogneu , & que nos peres nous ont racom
pté. Quartement, par le regard des creatu
res, Inuiſibilia Dei, &c. Carles choſes inuiſi
bles de Dieu, affauoir, fa puiſſance eternelle
& ſa diuinité, apparoiſſent par la creation du
monde. Mais helas ! Combien que le monde
foit faićt par luy, le monde ne le cognoiſt pas.
c
k- ' ;
par la lećture
O o des
4 eſcritu
ș84 11. d 1 M e n c H e
Ioan.s. res:Serutaministripturas:Ille enim testimoniižper
bibent de me.Examinez les Eſcritures: car elles
rendét teſmoignage de moy. Sicut menouitpa
ter,ớ ego agnoſcopatrem.Comme mon pere m’a
cogneu, & ie cognoismon pere. Par ces deux
parolles, affauoir, ie cognois mes brebis, & ie
cognois mon pere: il demonstre qu'il a accom
., , , , * · ·.
ly les deux commandemens de charité, fans
perſonne ne peut eſtre vray & bon pa
fteur. Le premier & le tres-grand commande
ment eſt d'aymer fon Dieu de tout fon coeur
lequel eſtentendu quand il dit:Ie cognois mon
pere.Le ſecond eſt ſemblable à cestuy-là:Tuai
meraston prochain comme toy-meſme:lequel
eſt entendu quand il dit: Cogno/ĉo oues meas:cá
animam meamponoproeis. Ie cognois mes brebis
&ie mets ma vie pour mes brebis. Et alias ouer
habeo quæ non funt ex hoc ouili: & i'ay des autres
brebis qui ne font pas de ceſte bergerie. Com
zu gentil, bien que les Gentils ne fuſſent encores appel
font les bre- lez, toutefois il dit ja les auoir: pour demon
"Christ, cömët
/ ſtrer les predeſtinees eternellement,comme dit
er pourquoy.
fainét Paul:Elegit nos in Christo ante mundi con
Epheſ.r. tutionem: il nous a efleus en Chriſt deuant la
fondation du mõde. Secondement,il les nom
me fes brebis,combien qu'ils fuſſent en peché,
& ne cogneuffent pas leur paſteur: pour nous
enſeigner de ne condamner perſonne pour l'e
ftat preſent. Car nous ne fçauons pas qu'il de
uiendra pour le temps aduenir. Tiercement,
les Gentils ne font pas de la bergerie des Juifs,
qui
|- A P R E s p A s Q v e s. 58
qui eſtoyentiadis le feul peuple de Dieu. Pour
ceste parolle eſperãce est dőnee aux Gếtils, qui
font conuertis au Chriſtianiſme. Car comme
dit faînét Paul:Il n’est pas maintenant le Dieu
des Iuifs ſeulemết:mais auſſi des Gentils. Euan
gelium enim virtua Dei est infalutem omnicredenti.
L’Euangile eſt la puiſſance de Dieu pour falut
à tout croyant,aux Iuifs ſemblablement & aux
Gentils. Et eas oportet me adducere. Il me faur
amener icelles.Premieremét,par la preuention
& mifericorde.Secondement,par l'oblation de
la grace dufainét Eſprit.Tiercement,par la de
claration du fainćt & ſacré Euangile. Et vocem
meam audient.Ils orront ma voix. Par ceſte fen
tence il demonſtre qu’il faut amener les brebis
àla congregation Chrestienne, non par force
ou violence, comme ont voulu faire les Hu
guenots abecedaires, meurtriers,& fanguinai
res : mais par la parolle de Dieu, auquel nous
deuons dire auec fainét Pierre : Ad quem ibi
mua?verba vitæ æterna habes. Auquelirons nous?
tu as les parolles de vie eternelle. Icy nous faut
noter (mes amis & freres Chreſtiens) que pro
rement & bien à propos noſtre Seigneurpar
nom de brebis,il nomme lesefleus &
feruiteurs, à fin que par les ſymboles & ſignifi- za esteus ES
cations de la brebis, nous fçachions quels nous enfan, de
deuons eſtre. Premierement,ſi tu veux eſtre de Die"/"stºf
la bergerie
me de Ieſus
la brebis,à Christ,
fçauoir, ilte faut estre
Bidens:c'eſtà com- ;
dire,cueil- ; :
f

lir doucemét, prendre & mấger les herbes ver


Oo 5
586 . . . . I 1. d 1 M E N e H é -- --

doyantes de la faincte & ſacree eſcriture, par


pureté de coeur,mũdicité de conſcience, & par
sar.2. vraye humilité depenfee.In animam enim male
uolam non intrabit fapientia. Car la fapiếce n’en
trera point en l'amé malaffećtionnee. Mais eſt
dőnee aux humbles.Secődement, Balat.La bre
bis beelle, elle n'abbaye point comme le chien
rioteux & noiſeux: elle ne bugle point, com
me le lion cruel: elle ne meugle ou crie point,
comme le bæufou taureau fier & arrogant:el
le ne fiffle point, comme le ferpent venimeux
ou enuenimé : elle ne gronde point, comme le
pourceau, ord, falle & puant. Tout cela nous
enfeigne que le catholique & fidelle Chreſtien
ne doit estre noyfeux ne rioteux, comme eſt le
chien: ny cruel;comme le lyon:ny fier & arro
gant;comme le bæufou taureau:ny enuenimé
de mauuaiſes penfees, moeurs, & operations,
cốme le ferpent remply de venininy immunde,
ord, & falle, comme le pourceau par ordure &
vilennie de peché:mais comme la brebis paifi
ble, doux, bening, & pacifique. Tiercement,
Cernit.La brebis regarde en bas. Cela nous en
feigne humilité & abiećtion de foy-meſme,en
meſpriſant tout orgueil & mondanité. Quar
temết,Cibat. La brebis nourrit les petits enfans
. de fon laićt:auffi tu dois nourrir de ta ſubſtance
temporelle les fameliques, qui font les enfans
de Dieu, les freres & membres de Ieſus Christ.
Cinquiefmemét, Dormit. Elle dórt vestue. Auffi
tu dois veſtir Ieſus Chriſt en fes membres, qui
- - - font
A p R E s p A s Q v e s. 587
font nuds & deſpoüillez desbiếs de ce monde.
Tu dois dormir eſtant vestu de la robbe nuptia
le de charité,aymer Dieu pour l'amour de luy,
aymer ton prochain pour l'honneur de Dieu.
Sixiefmement, Dolet fola,elle a douleur, quand
elle eſt ſeule.En figne dequoy les brebis aymét
à cheminer & pailtre enſemble par troupeaux.
Ainfi les iuſtes ayment à conuerfer enſemble
amiablement ; charitablement, & pacifique
ment. Deſquels il est dit par le Pſalmiſte Royal
Dauid: Nos populus eius & ouespastue eius.Nous "/".z".
fommes fon peuple , & les brebis de fa berge
rie. S eptiefmement,Fæcundat,elle engraiffe de
fa fiante la terre, & la rend plus fertille que au
parauant. Cela nous repreſente que le Chre
ftien doit frućtifier en toute bonne oeuure, &
par doctrine falutaire,vie fainćte,& exemplaire *

engendrer des enfans de grace: Dominus man- Feel '7


dauit vnicuique de proximo fuo. Car noſtre Sei
a baillé commandement à vn chacun de
on prochain:à fçauoir de procurer fon falut, le
. retirer de peche,le fecourir en temps & lieu,le
fubuenir de temporelle & corporelle fubuen
tion.Car quand le riche ſubuient à la neceſſité
du pauure , il faićt comme celuy qui eſpanche
le pour engraifler la terre maigre & ste
rille.Huićtiefmemết, Nongulofà,la brebis n’eſt
pas gourmăde:car elle vit ſobremét. Cela nous
enſeigne que le Chreſtiếdoit fuyr toute gour
mandife,voracité,& viure ſobrement.Neufief
mement, Hoštia, qui fignifie ſacrifice. Au tu
O1S
388, 11. d 1 M E N c h e -

dois ſacrifierton coeur,ton corps, toname, tori


bien à ton Dieu ton createur. Dixiefmement,
Nö ledit,la brebis ne bleſſe point auec les dếts,
comme pluſieurs, deſquels les dents font ar
mes,dards,& fleches:& leur langue eſt vnglai
ue bien aigu,affillé, & poinćtu, pour detraćter
le bon nom &renom de leur prochain.Vnzieſ
mement,Obedit,la brebis obeit,par deſſus tou
tes beſtes la plus ebeiſſante à l'homme & à fon
plaifir : De que le paſteur la meine felon
fa volonté par tout là où il veut. Ainfilesiuſtes
volontairementobeïffent aux commandemens
de Dieu,de fon Eglife,& à toute puiſſance fu
perieure. Douziefmement, Ornat, la brebis de
fa peau aorne les mains, & les deffend contre
la malice de la froidure.Ainſi le Chrestien doit
veſtir le dos des pauures qui font fiuds. Tre
zieſmemét, Pafcit,elle nourrit de fa chair le fa
melique. Aufſitu dois réplir de ta ſubstance le
vếtre de tőfrere Chreſtiếqui est vuyde parin
digéce & neceſſité. Quatorziefmemết, Patitur,
elle ſouffre:voire quand on luy couppe la gor
ge,elle ne crie ne murmure point.Ainſi lesiu
y. Petr. 2.
ftes en toutes aduerfitez font fort patiens:com
Ephef. 4. me noſtre bon Dieu & fouuerain Paſteur: Qui
E/a. ss. cum malediceretur, nõ maledicebat:cum pateretar,
non comminabatur,lequel quãd on diſoit mal de
luy,il ne rediſoit point mal, & quand on l'af
fligeoit de maux,il ne menaçoit point:mais re
mettoit la végeance à celuy qui iuge iuſtemết.
Quinzieſmement,Potat,la brebis abbreuue de
fon
- APREs P A s Q y e s. 589
fon laićt celuy qui a foif. Ainſi Ieſus Chriſt
veut & commande donner à boire à ceux qui
ont ſoif.Sixiefmement, Præbet,de fes entrailles
elle baille cordes pour chanterà la loüange de
Dieu, elle baille fa peau pour eſcrire. Tout
cela nous preſche & enſeigne que tous d'vn
coeur & d’vne bouche nous deuons chanter
hymnes, pfalmes, & cantiques à l'honneur, &
loüange, & gloire de noſtre Dieu & pere crea
teur.Dixſeptiefmement, Ruminat,elle rumine,
c'està dire,elle remache ce qu’elle a ja mangé.
Cela ſignifie que lesChrestiens doyuent redui
re en memoire les grands benefices de Dieu,
luy en rendre graces:l'aymerfur tout, en dete
ftanttous pechez.Dixhuićtiefmemét, Sequitur,
elle enfuit ſon pasteur. Ainfi le bon Chrestien
doit enfuyure les commandemens de fon Dieu
& pere fauueur. Dixneufiefmement, Tacet.
Quand on la tond, elle ſe taiſt. Ainfi les bons
Chrestiens,quand ils font tondus& deſpoüillez
de leurs biens,ils fetaiſent,attendans en patiế
cela bőté & mifericorde de Dieu.Vingtiefme
mét,Timet,elle craint le loup, Ainſi le Chreſtiế
doit craindre le loup heretique & infernal, &
le peril de damnationeternelle.Vingtvniefme
mết,Vestit,de fa laine elle veſt la nudité du pau
ure. Ainfi doit faire le riche à ſon pauure frere
Chrestien. Vingtdeuxiefmement, Viuit ſobriè,
elle viſt ſobrement:car elle eſt contente de peu
de vie:elle n’est pas gourmáde comme le chien
ou le loup. Ainſi lesiustes font contens de peu
- de
59e I I. D IM E N C H E
de chofe : car comme dit S.Paul: Habentes alí
Eeele-2- menta Cff" quibus tegamur ys contentifimus. Nous
*º”: “ ayans la nourriture dequoy puiſſiós estre nour
ris & couuerts, foyons contens de cela. Bref
la brebis en ſa maniere accomplit les oeuures
de miſericorde : & ſi nous fommes aornez de
telles vertus, nous ferons au dernier iour du
grand iugement à la dextre du fils de Dieu , &
nous irons a la vie eternelle.Mais fi autrement
auec les boucs nous deſcendrons au fupplice
eternel. Il eſt temps de retourner à l'hiſtoire
Euangelique:Alias oues habeo,que nõ fant ex hoc
ouili: & illae oportet me adducere & vocem meam
audient & fiet vnum outle & vnus pastor. I'ay
d'autres brebis leſquelles ne font point de ce
fte bergerie:& il me faut amener icelles, & el
les oirront ma voix, & il fera faićt vn Paſteur
& vn parc, c'est à dire, vne Eglife, vne maiſon
de Dieu,vne vigneeſleuë.vn peuple , v n exer
eice du Dieu viuát: à fçauoir des Juifs & Gen
tils. Qui de deux peuples comme de deux pans
de muraille en a fait vne Egliſe, & vn Paſteur:
à fçauoir noſtre bon Sauueur Ieſus Chriſt, qui
* ſeul est le vray, bon, parfaićt, principal, eter
nel,& fouuerain Paſteur,pere, patron, & Prin
ce des Pasteurs. Il y a des autres Paſteurs: mais
ils font temporels,moindres,imparfaićts, vicai
res & feruiteurs de ce grand Paſteur , lequel
fainct Pierre appelle principal Paſteur. Sainćt
r. Petr. f.
Paul l'appelle grand Paſteur.Le prophete Eze
Ezech.sz. chieldit: Pastor vnu erit omnium. Il fera vn Pa
, -, fteur
A P R E s P As Q_y E s. f9I
ſteur de tous. En vn autre lieu : Sustitahofu
pereas pafforem vnum qui pastat eas. I'efleueray
yn paiteur fur mes brebis, qui les paiſtra. LeỂ
quelles il a fiugulierement recommandees à S.
Pierre,quandil diſoit:Paste oues meas: Pais mes Iºan.rº.
brebis, Parquoy s'enfuit que ceux ne veu
lent eſtre fous la cure & charge de fainét Pier
re, ne font pas brebis de Ieſus Christ: mais
boucs du diable & de l'Antechrift : comme
tous preuaricateurs de la loy diuine, gés ſcãda
leux,leſquels arrogance & orgueil enfle, auari
ce ſurmonte,ire, courroux, detraction, & blaf
pheme precipite de haut en bas , c'eſtà dire,
de vertu en vice: enuie les corrompt & feiche:
gourmandiſe, & yurongnerie, auec les concu
piſcếces charnelles & voluptez les códamnent:
paillardiſe les fouille & fallit.Et leſquels non=
challance debilite & ofte la force des oeuures
vertueuſes.Telles manieres de gens ne font pas
legrain du froment » pour eſtre mis au grenier
de paradis: mais comme paille feront plongez
pour ardre & bruſler au puant & aſpre feu d'en
ferinextinguible. Et pource les paſteurs qui
font les vicaires de Ieſus Chriſt, doyuent em
ployer toutes leurs forces pour reduire & ra
mener leurs brebis efgarees en la bergerie des
fidelles, conſolider & fortifier en la foy les de- of eae,
biles,guarir par la vertu de la parolle diuine, & Paſieurs.
Par l'efficace du fainct ſacrement de penitence,
çelles qui ſont malades par peché, edifier par
faincte & exemplaire cốuerſation. Et alors 3:
4 e
92 I I. D I M E N C H E

le Prince des Pasteurs apparoistra, ils receuront


la couronne de vie immarceſſible, laquelle ne
fletritiamais. Et il y aura vne bergerie, & vn
afteur.Ce qu'il ne faut pas entendre que tous
efleus foyéten vn lieu,ou qu'ils doyuết tous
s'affembler en ceste vie: mais elle est dićte vne
bergerie, c'eſtà dire, vne Egliſe pour l’vnion
d'vne foy,eſperance & charité : car ceste Egli
fe est vn corps myſtique de Ieſus Chriſt,lequel
eſt gouuerné par luy, viuifié parfon fainét Ef
prit, reiglé par fa fainćte loy, purifié par le la
ūacre baptiſmal, refećtionné par ſon pain vi
uifique & facramental, lequel en ferme foy &
fiấce pretếd faire fon chemin & entree au pays
& paradis promis. Icy nous pouuons recueil
r. Petr. 3,
lir. Premierement, que perſonne n’est fauué fi
non qu'il foit trouué de la bergerie & Eglifa
de Dieu, de laquelle a precedé la figure en
l'arche de Noé. Secondement,ce n'est pas affez
d'estre felon le corps en l'Egliſe, il faut eſtre
brebis, & cognoiſtre le vray & principal Pa
fteur Ieſus Chriſt. corps,
pluſieurs font en l'Egliſe, qui toutefois ne font
pas de la bergerie de Ieſus Chriſt: & au con
traire:Carpluſieurs maintenant ne font pas en
l'Eglife, qui feront introduićts en l'Eglife, &
oraifon. finalement introduićts au parc celeſte. Prions
nostre bon Dieu & Pere Sauueur,qui par natu
re effentiellement & immuablement eſt le bon
Paſteur, qui comme lepaſteur a laué fa brebis
du fainćt lauement de l’eau baptiſmale , & de
peng
A p R e s p as q_y = s. , 59;
penitence, qui nous nourrit de nature & cor
porelle ſubstentation de fa fainćte parolle, de
fon precieux corps & digne fang, qu'il vueille
fes brebis de la morfure des chiens &
loups infernaux,&iournellement auec le fifflet
de fa ſainćte parolle, & par les infuſions de fon
fainét Eſprit, nous appeller à vraye penitence:
& voyant fes brebis galeuſes, par pitié les oin
dre de l'huile de l'extreme onction, pour pur
ger les reliefs des pechez.Finalement nousme
neraux parcsverdoyans, à fçauoir en la faincte
& celeſte montaigne de paradis.Amen. „ " i
TRO I S I E S M E D I M E N CHE :
A P R e s p a s Q_y = s. r. - , - -
': -

Odicum, & iam nõ videbitis me,& ite-Iran.rs,


rum modicii,& videbitis me:quia vado
ad patrem. Noſtre Seigneur en l'E
A&= uãgile d'auiourd’huy,predità ſes di- . . . *

ſciples: premierement fa douloreuſe paſſion,&


G reſurrection.Secondement,il declare
e doute de fes diſciples.Finalemét,il manifeste
leschofes fuſdićtes par l'exemple de la femme
eſtau trauail de l'enfant:vn petit de téps: à
fçauoiren troisiours de ma mort,& vous ne me
verrez point:& derechef vn petit:car le téps fe
rabref & vous me verrez apres que i'auray cố
dáné peché,furmőté la mort,vaincu fathã,brifé
lesportes d'éfer,lié Lucifer en fesabyſmes,de
liuré les fainćts Peres des tenebres, & de l'om
bre de la mort,& qi'auray deſpoüillé les enfers,
Pp
594 . I F I. D I M E N CH E
& que glorieuſement le feray refuſcité,& que
ie vous auray recócilié à mon pere, faićt voſtre
appoinćtement, vraye concorde & alliance, &
que i'auray faićt la purgation de vos pechez,
ouuert la porte des cieux par mon Aſcenſion,
en vous monſtrant le chemin de paradis, pour
vous inthronifer en la liberté de la gloire des
enfans de Dieu. ( En vn petit de temps. ) Par
ceſte parolle il predit qu'en breftếpsil mour
ra. Et quandil dit derechef, vn petit vous me
ºverreż; il predit qu'en brefil reſiuſcitera. Où
il nous faut prendre garde que noſtre Seigneur
acçõüple & ioĩñẾt enſemble la paffion & re
furrection: la mort,& la vie : triffeste,& lieffe:
, vous ne me verrez point , & derechef, vous
me verrez.Semblable choſe fait-il auec ſes en
faris & amis , aufquels il donne chofe triſte
inaintenant,& tout incontinent choſe ioyeufe.
z fratr * C'est le propre de nostre Seigneur d'entre
"ºffre mester auec lieffe, & au contraire. Car
gneur est d'en i - i ris: : ' sa . . . - 1 -- : r.: = : i - - ---
noſtre bon Dieu & pere de mifericorde a ceste
feff; anse couſtựme de mixtionner & entremeſler l'eau
an de trifteffe dás le vin de lieffe pour en ce mon
“”“”“ de donner à boire à fes fainéts efleus & fidel
les feruiteurs:Pour vntemps il leur donne ioye
& conſolation : & puis foudain il enuoye oc
caſión de trifteffe & defolation, & apres l'en
, , ... nuy & faſcherie, il enuoye plaifir & reconfort.
Cár tribulation & vertu font compagnes in
nes indiuif. ||ſeparables.
Para Dieu n'enuove pas tonfiours ppro
ye p
let, fperité, à fin que par les fiens il ne foit mis en
- oublys
- A p R E s p a s Q v E s. f95
oubly. Aufſi il n'éuoye pas toufiours aduerſité,
à fin qu'ils ne deffaillēt par impatičce & defef
}
de leur falut: mais il detrempe l’vn dedans
- - - - J - * v.

autre. Quia vado ad patrem. Carie m’en vois à


mon pere,apres auoir confommé l'oeuure de la "
redemption humaine : où il parle quant à l'hủ
manité.Car felon la diuinité, il remplit le ciel&
la terre. Et comme naturel fils de Dieu , touf
Ierem. 23.
ioursil a eſté,eſt, & fera, auec le pere: mais in
diebus carnis file,exinanitat femetipfm formă fer
hiaccipiens, Au tếps de fa chair, il s'eſt aneanty, u.t.s.
prenant forme de feruiteur,pour mener l'hom- Philip.2,
me à Dieu.Car parfa trefgrade miſericorde, il
n'a pas voulu eſtre ſeul vers le pere. Et pource
aller vers le pere,eſt mener & conduire l'hom
meà Dieu,& par fa croix & mort, entrer auec
les fiens en la gloire. Et pour mieux dire, quaſi
del'homme faire vn Dieu non par nature,mais
Pargrace:non par effence , mais par adoption. .
O croix merueilleuſe ! ô mort admirable &
defirable ! par laquelle l'homme est introduićt
à la glorieuſe dextre en la gloire paternelle.
Dócles diſciples luy dirét qui encores eſtoyent
groſſiers en la foy,&marris de ce qu'ils ne pou
uoyent entendre plainement les myſteres du
Royaume de Dieu. Aucuns donc de fes difci
ples dirent l'vn à l'autre, comme difant.Il fem
ble que fes paroles font entre elles repugnătes
&contraires,Car fi nous le deuons veoir,com
ment dit-il:ie m’en vois à mon pere?& s'il s'en
W3 à ſon pere, cóment le pourrons nous veoirt

| -* Pp 2 -
596 I I I. D I M E N C H E

Caril dit,vous me verrez: Dicebantergo. Quid


est hoc quod dicitnobis modicum? Nefcimus quidlo
quitur. Ils diſoyent donc , qu’eſt-cecy, que vn
petit? Nous ne fçauons qu'il dit? Voyla l’hu
Preshain de milité des Apostres. Car le prochain degré de
gré de prudë- prudence,eſt la cognoiſſance & humble cőfeſ
fr. fion de fon ignorance:mais ils portoyét fi grãde
reuerence à noſtre Seigneur, qu'ils ne l’ofoyết
interroguer.Ils ne fçauoyent pasce qu'il difoit,
& ne pouuoyét encores entếdre,comme la vie
peut mourir, la reſplendiſfante lumiere estre
conuertie en tenebres,la force en foibleſſe, les
yeux qui voyent & contemplent toutes chofes,
perdre le veoir, & que la fontaine de vie eter
nelle deust tarir & feicher:Ils ne fçauoyent pas
que la douceur deuſteſtre conuertie en amer
tume, l'immortel deuoir mourir, celuy qui eſt .
fans meſure fuſt enfermé dans le fepulchre, &
hair e/ que l'inuincible fuſt vaincu & furmőté. Nous
3 - || 1.

#: "; Z ne fçauons qu’il dit. Icy nous faut noter pre


friisiin mierement que la chair est du tout fourde à la
de la trºis, parole & predication de la croix. Noſtre Sei
º "***"* gneur leurauoittant de fois repeté & redit cel
le meſme chofe, à fçauoir qu'il vouloit aller à
fon pere, & qu'il vouloit commencer vn nou
ueau Royaume,& tant fouuent faićt memoire
de fa paſſion: & toutefois il n'y a perſonne des
Apostres qui l'entende. Nous fommes icy en
feignez que ce n'est pasaſſez d'ouyr la parole
de Dieu: mais en outre il faut chercher l'eter
nelle lumiere,mystique & ſpirituelleintelligé
CC.» .
7 FRF s FA so v F s: : -

cė,comme dit leRoy Dauid: Da mihiintellečium Pfaliiti?


vt stiä testimonia tua , Donne moy entendemết, -

à fin que ie fçache testeſmoignages.Seconde


ment nous voyons qu'il n'y a rien qui tantema
eſche la vraye intelligence de l'eſcriture, que
# charnelle. Donc celuy qui liſt les
facrees eſcritures,pour les entendre,il faut ne
ceffairement en arriere & chaffe
loing de luy les affećtions charnelles:autremết
iltirera les eſcritures à ſes affections. Ce que
nous voyons fouuentaduenir:comme il apperr
des amateurs de l'Euangile fanguinaire. Mais
noſtre Seigneur, comme le bő pere tresbening
& debonnaire , voyant fes enfans defolez, &
comme le bon Pasteurvoyant fes brebis eſga
rees, comme le Seigneur miſericordieux à ſes
feruiteurs triſtes & dolens,& comme le Mede
cinexpert aux patiens & malades,cốme le vray
maiſtre & docteur aux ignares & ignorás,com
me la lumiere,voye,verité,& vie,à ceux qui e
ftoyent affis aux tenebres,ayấs leurs entếdemés
obſcurs,troublez par les tenebres d'ignorance;
fa lumiere ou clairté de vraye & parfaićteintel
ligence,il a cogneu qu'ils le vouloyết interro
uer:car il fçait toutes choſes,& luy meſme eft
# fapience du Pere, & la fontaine de ſapience
diuine.Il leur dit auecques grấde charité, dou
ceur & benignité:De hoc queritis inter vos, quia
dixi:Modicum,& non videbitus me: criteră modi
cum & videbitis me. Amen amen dico vobis, quia
plorabitis é flebitis vos,mundus gaudebit:Wvs
P 3
ż· 593 1 1 1. d1 M E Nc h e
autem contristabimini,fed tristitia vestra vertetur
in gaudiñ.Vous demandez entre vous de ce que
i’ay dit vn peu de temps, & vous ne me verrez
plus, & derechefvn petit de temps & vous me
verrez. En verite en ve11të ie vous dis:car vous
plorerez exterieurement , &lamenterez inte
rieurement au temps que V CU13 ne me VerreZ :

pointimais le monde s’efiouyra de ma mort, &


vous ferez triſtes en ces troisiours de ma mort:
mais voitre triſteſſe fera conuertie en lieffe
Les iustes ont vraye, fainćte & bonne , & laquelle perſonne
“, ne vous pourra oster.Icy faut noter que les iu
en “ ſtes ont tristeſſe de pluſieurs chofes. Premiere
P/al, o. ment de leurs propres pechez, comme dit Da
uid:Laboraui in gemitu meo, lauabo perfingulas no
čtes lettü meä: lachrymis meisstratii meum rigabo.
I'ay trauaillé en mon gemiſfement. Ielaueray
ma couche par chacune nuićt, & mouilleray
mon lićt de mes larmes. Secondement ils font
dolens despechez de leurs freres Chreſtiens,
:Rom.s. comme dit S.Paul. Grande trifteffe & douleur
continuelle est en mon coeur pour mes freres.
Philip.s. Et en vn autre lieu. Pluſieurs cheminết qui pế
fent des choſes terriennes,deſquels fouuentie
vous ay dit:& dy auſſi maintenant qui fonten
de nemis de la croix de Chriſt, defquels la fin est
; , perdition,le Dieu deſquels est le ventre, & leur
*

gloire est en leur confufion. Tiercement de la


preſente demeure en ce pays & vallee de miſe
replaine de pleurs & de plainćts,comme difois
Pſal.tro. Dauid: Hei mihiquiaineolatus meus prolongatus
- : -, eff.
A p R e s P As Q v B s. 599
est. Helas que ma peregrination eſt prolon
gee.Semblablement diſoit le bon Tobie:Qua-7ºº.s.
legaudium mihi erit qui in tenebris fedeo, & lumen
celi non video? Quelle ioye fera à moy qui fuis.
aſſis en tenebres, & qui ne voy pas la lumie
re du ciel? Quartement, les iuſtes font triſtes,
eurce que leur felicité eſt differee & tardee fi
ong temps, comme dit fainét Paul : Et ipstin-Rem.s.
tra nos gemimus, adoptionem filiorum Dei expe
čtantes, redemptionem corporisnoštri. Nous ge
miſſons en nous meſmes, attendant l'adoption
des enfans de Dieu, & la redemption de no
ftre corps. Et Dauid: Sicut deſiderat ceruus ad Pſal.*r.
fontes aquarum , ita deſiderat anuma mea ad te
Deus, &c. Comme le cerfdeſire les fontaines
des eauës, ainſi mon ame te defire, ô Dieu:
mon ame a eu ſoif de venir à Dieu, qui eſt la
fontaine viue : quand viendray-ie pour me
preſenter deuant la face de Dieu ? Mes larmes
m’ont eſté pour pain iour & nuićt : quand on
me difoit par chacun iour, où eſt ton Dieu?
Derechefnous deuons icy confiderer les ad- . . .
mirables iugemens de Dieu. Car il femble iugemens
3 " - 3 : •
Admirable:de
qu'il meſpriſe les bons, & qu'il fauoriſe les
mefchans. Ce que aucunefois a auſſi efmeu
les Sainćts de Dieu, comme dit Abacuc: Qua-Atae.r.
retaces conculcante impio iustiorem ſe ? Q Sei
gneur, pourquoy te tais-tu,quand le mefchant
foulle celuy qui eſt plus homme de bien que - - -

luy? Et le Prophete Ieremie diſoit: Quare via Ierem.".


impiorum proferatur ? Po r. la voye des
P 4
6cơ 11 1. d 1 M E N c h e
Pfalz2. mefchans proſpere elle ? Et Dauid: Zelauifa
per iniquospacempeccatorum videns. I'ay eſté ia
loux ſur les meſchans, voyant la paix des pe
cheurs. Nous reſpondons pour cela
faut point murmurer contre la prouidence di
uine. Carnoſtre Seigneur efleue les mefchans
en ce monde, profondement leshu
milier, abbaiſſer, & precipiter du haut en bas
Et s'il te femble que Dieu meſpriſe les bons
en ce monde temporellement, c'eſt pour leur
faire mifericorde eternellement. Somme, la
ioye du monde fera briefue : mais la ioye des
bons fera perpetuelle. Car Ieſus Chriſt a dit:
Trištitia vestra vertetur in gaudium. Voſtre
triſteſſe fera conuertie en ioye. Ce qui eſt
aduenu en la reſurrećtion , apparition , & a
fcenſion de Ieſus Chriſt , & en la miſſion &
reception du Sainćt Eſprit. Mais plus par
faićtement en la ioye eternelle : où noftre
Seigneur dit notamment : Trištitia vestra in
gaudium vertetur. Cartoute triſteſle n’eſt point
- conuertie en lieffe. Comme celle des meſ
- chans, laquelle ne ceſſe point, ains touf
iours augmente : Mais les qui Ont V ne
deuote triſteſſe de leurs pechez, des pechez de
º leurs prochains, pour la longue demeure en ce
val de mifere , ou pour le delay & retardement
de la gloire celeſte. Telle trifteffe fera conuer
mattt.s. tie en lieffe, teſmoignant Ieſus Chriſt: Beati
qui lugent,quoniam tpf con olabuntur. Bien-heu
reux font ceux qui plorent: car ils feront con
- * 4 folez.
A p R E s p a s oy e s. 6o1 -

folez. Mulier cùm parit,tristitiam habet.La fem- , leste chrig


me quand elle enfante, elle a trifteffe. Car ſon #:: .
heure est venue.En tout & partoutnostre Dieu ”“
& Pere Redempteur fait l'office du bó & fidel
le doćteur. Premierement, il monſtre la voye
pour aller à fon pere.Secondement,il nouspre
uient & nous fortifie,à fin que eſtans offenfez,
nous ne retournions arriere des fainćts com
mandemens de Dieu. Tiercement,il enfeigne
nő feulemét par fimples & nues parolles: mais
auſſi par exemples exterieurs, à fin qu'aux ad
uerfitez & tribulations nous ne perdions coeur
& courage. A ceſte cauſe noſtre Seigneur nous :
propoſe l'exemple de la femme enceinte, la- -

quelle defireroit enfanter ſon enfant fans dou


leur,s'il estoit poſſible,mais cela ne fe peut fai
re. Car c’eſt la fentence de Dieu proferee con
tre la premiere femme: Indoloreparies: Tu en- Grºs
fanteras en douleur. Car fi elle veut auoir ioye
d'vn enfant,il faut premierement qu'elle fouf
fre douleur:elle fçait qu'il y a vne certaine heu
re,laquelle on ne peut paſſer:toutefois elle mi
tigue & adoucit ceſte douleur, qu'elle
ne durera pas long temps, & nefera pas de lon
gue duree. Item qu'elle eſpere vne grande ioye
de l'enfant qui naiſtra de fon ventre. Ainfi il
vous feroit choſe plaifante, comme ma grace,
mon royaume, ma gloire, & tous autres biens,
que ie vous ay promis vous fustent donnez &
octroyez fans ma mort: mais cela ne fe peut
faire fans ma paffion, Car la ſentence de Dieu
Pp 5
Goz 11 1. d 1 M E N e H e
: " " est proferee, laquelle a paflé par le confeil di
uin & eternel. Percutiam paštorem & dispergen
tur ouesgregis. Ie frapperay le paſteur, & les
brebis feront efgarees.Ceſte heure maintenant
fe preſente, elle ne peut eſtre euadee. Par
quoy ayez bon coeur & courage, lequel il faut
|
confirmer & fortifier par deux raiſons.Premie
rement, que celle heure ne fera pas de longue
duree. Secondement , pource qu'il s'enfuy
żu ftes fembla uravne trefgrande1 ioye. Les afflictions
ft d ftdesiu
1.

bles à la fem- es ne peuuent plus COII1II lOCl CÍIl CInt CitIC a C-,

ze zui tra-comparagees qu'à la douleur de la femme qui


saiae de l'en-eſt au trauail de l'enfant. Premierement,à cau
fe que la douleur eſt vehemente & trefgrande:
*** voire prochaine à la mort. Secondement, la
douleur eſt telle que nul des hommes ne peut .
remedier finon Dieu feul. Tiercement,auec la
douleur , il y a vne crainte qui la tourmente:
car elle ne fçait fi elle meſme mourra à l'enfan
tement, ou fi le fruićt de fon ventre fera mort
ou vifou s'il fera vn auorton,ou quelque crea
ture monſtrueuſe & defećtueuſe. Et combien
que telle douleur foit la peine du peché :tou
tefois c'eſt le commencement de vie. Et d'au
tant que la douleur aura esté grande à l'enfan
tement, d'autant plus fera grande la ioye quãd
l'enfant fera nay. Pareillement les tribulations
des fidelles font grandes, cóme dit fainét Paul:
* Cºriº*.” Supramodum grauati fumus, fipra virtutem ita vt
tederet nos etiam viuere. Sed & ipstrefhanfum mor
tis in nobiſinetipſis habuimus. Nous auons esté
, ! greuez.
- A P R E s p A s Q y e s. 6o3
greuez outre meſure, plus que ne pouuions
porter, tellement qu'il nous fafchoit de viure,
meſmes que nous auons eu fentence de mort
à nous meſmes:comme difant: les angoiffes &
afflićtions fi vehementes proferoyết telle voix
parmoy affligé, ie meurs du tout , la fin de ma ,
vie ſe preſente, la mort eſt à la porte, il n'y a
plus de vie.Et en vn autre lieu:Tanquam r.a.r.e.
purgamenta huius mundi faċti fumus omniä perip
fema vſque adhuc:Nous fommes faits regards au
móde, abominations & cốme ordures de tous.
Secondement Dieu feul peut remedier aux af
flićtions des iuſtes cốme dit Dauid: Pater meus "/*****
CỐ mater mea dereliquerunt me : Dominus autem
affumpſit me,Mon pere & ma mere m’ont aban
donné:Mais le Seigneur m'a recueilly.Tierce
ment outre telles aduerſitez exterieures, l'in-
firmité de la chair, l’inſtabilité & inconſtance
du coeur humain les tourmente. Carils ne fça
uent point s’ils perfeuereront iuſques à la fin:
pource toufiours ils font en crainćte. Et com
bien que la croix, c'eſt à dire, la cruciation &
afflićtion foit impoſee à l'homme, à caufe du
peché : toutefois elles font aux gens de bien
commencement & entree à la vie. Et d’autant
que l'afilićtion aura eſté grande, d'autant plus
s’en enfuyura grande ioye. Comme difent les : *
fainćts:Transtuimus per ignẽ& aquam cớ eduxi-Pfal.es. -
fi nosin refrigerium:Nous auons paſſé par le feu : ...
& par l'eau , & tu nous as amenez en refrige- --. A
ration. Et comme dit l'homme des douleurs: -

- In
6o4 1 1 1. d 1 M e N c H e
Infex tribulationibusliberabit te,& infeptima non
tanget te malum:En fix tribulations tu feras de
liuré, & le mal ne te touchera point en la fe
ptiefme.Par fix tribulations,il entend toutesles
afflićtions de ce monde, qui en fixiours a eſté
creé:mais par la feptiefme est entendu la mort,
en laquelle mort triple mal touche les meſ
Triple mai chans. Premierement horreur, peur & frayeur
touche te, des diables. Secondement honte de compa
mesthant à roistre deuant la face du iuge eſpouuentable.
****** Tiercement douleur de corps & afflićtion d'eſ
prit, à cauſe de la perpetuelle damnation. Nul
de tels maux ne touche les bons. Car premie
rement ils n’ont point crainte des diables: veu
qu'ils ont Dieu qui les conduit , comme leur
guide,chef &capitaine.Secondement ils n’ont
point honte de comparoistre au iugement de
Dieu : veu qu'ils ont Ieſus Chriſt qui eſt leur
| aduocat & patron enuers le pere celeſte. Tier
cement ils ne fentiront point la douleur de
damnation:veủ qu'ils auront Ieſus Chriſt qui
est leur redempteur, & qui franchement les
mettra en parfaicte & entiere liberté : Mulier
cùm parit,tristitiã habet, quia venit hora eiu:Cùm
autempeperit puerum tam nõ meminitpreſſurepro
ergaudiữ quia natus est homo in mũdum. Quád
** Í *"* la femme enfante elle a triſteſſe, pourtant que
?"
rezrzez2 #
":"
s e
fonheure est venüe: mais quand elle a enfanté
fon, s vn enfant,il ne luv ſouuient plus de la douleur
pºur1uy pour la ioye qu’elle a qu'vn homme eſt nay au
monde. Mais elle fe refiouyt. Premierement
- - à cauſe
- A p R e s p a s Q v e s. 6o5
à cauſe qu'elle a engendré vn enfant.Seconde
mét à cauſe qu'elle a euadé & efchappé le pe
ril & danger de la mort. Tiercement pource
qu'elle a enfanté l'heritier de fes biens & la
beurs. Comme à la natiuité de Sainćt lean
Baptiſte pluſieurs s'efiouyrent, & grande ioye Prow,2 t,
fut au pere. Carcomme il est eſcrit: Exultahit
gaudio pateriušti, le pere du iuste fautera de
ioye. Et qui a engendré vn fage s'efiouyra en Gene.2 r.,
iceluy. Comme Abraham qui en la parabole re
ceut ſon fils:pource il l'appella Iſaac: c'est à di
re,ris ou ioye. Et Sara ſa mere dift, Dieu m’a
faićt rire: tous ceux qui l'ouyront riront auec
moy : Car Dieu a rendu & faićt ceste miferi
corde admirable en moy. Semblablement
uand le fauueur de l'humain lignage fuſt nay,
& ſacree mere s’efiouyt d'vne ioye
pleine de loüange.Pareillement les paranym-
phes celestes par grande ioye chanterent &
annoncerent la ioyeuſe natiuité du tref-haut
& puiſſant fils de Dieu fouuerain. Nostre .
Seigneur pourfuyuant fa fimilitude & com
paraiſon, dit: Et vos igitur nunc quidem tristitiam
habetis,iterum autem videbo vos: vous donc au
maintenant auez triſteſſe, mais de rechef ie
vous verray.Carapres marefurrećtion & aſcé
fion, ie me monſtreray viſiblement au royau
me des cieux,où vous verrez ma reſplendiſſan
te clairté,commeie ſuis face à face: Et gaudebit 1.petr.r.
cor vestrum : & voſtre coeur s'estouyra d'vne
ioye inenarrable & glorifiée, Ilya sani; dif
Cren
6o6 * I I I. D I M E N C H E

* ference de la ioye des mondains & des fidel


Pif”“”““ les Chrestiens. Car premierement le monde
la ioye des iu - -

} fe refiouyt des vanitez mondaines, & volu


stes. prez charnelles: mais au contraire les iuſtes fe
efiouyſſent de la cognoiſſance, grace, vifion &
gloire de Dieu. Secondement le monde fe
* refiouyt exterieurement: maisil ne fent point
- vraye ioye interieurement:ains vne perpetuel
le cruciation. Mais quelle peut eſtre la ioye
où le coeur eſtfans reposłLes fidelles s'efiouyf
fent interieurement,à fçauoir au coeur.Lequel
quand il fera remply de vraye ioye les maux
exterieurs ne peuuent nuire :Comme il appert
Aa.s. des Apostres:İbant Apoštoli gaudētes à conſpettu
concili, quoniam digni habiti funt pro nomine Iefie
contumeliam pati. Les Apostres s'en alloyent
ioyeux de deuant le confeil pource que ils a
uoyent eſté reputez dignes de fouffrir iniure
|- jour le nom de Chriſt: Gaudium veštrum nemo
...",:4 tollet à vobis. Nul ne peut oster la ioye des bons.
,' 1:Car elle eſt interieure,vraye & fainćte.2. Les
pourquoy. fidelles fe refiouyſſent tant en aduerſité qu'en
proſperité. 3. Car nulle puiſſance humaine ou
diabolique , nulle tribulation, nulle richeſſe
- mondaine, ne vous pourront ofter voſtre ioye.
Car auec leurs calomnies , fauſſes allegations,
machinations & perſecutions, ils vous forge
ront couronnes de vie & de gloire. Ceste feule
* : promeffe deuroit mitiguer & adoucir toute af
fliction.Si eſperance du fruićt & profitadoucit
tous labeursaux laboureurs, mariniers & fol
-, dats
#
APR E s P A S Q_y E s. 6o7
dats, qui neấtmoins fouuent labourent en vain
& pour neant:quel labeur deuons nous refuſer
aufquels tãr certaines promelles font certaine
ment & afleurement promiſes? Noſtre bő Dieu Oraiſon.
& pere cőfolateur nous doint la grace que nous
puiſſiós auoir deſplaifance de nos pechez,fem
blablement des pechez de nos prochains : Et
vueille confoler tous ceux qui font en calami
té de corps, & afflićtion d'eſprit, leur donner
bonne patience, & leur faire entendre ſon affe
ćtion paternelle, à fçauoir qu'il les chaftie pour
leur amendement, à fin que de tout leur coeur
ils ſe conuertiffentà leur Dieu leur createur:&
eſtans conuertis,qu’ils foyent deliurez de tou
te tribulation , & qu'ils reçoyuent pleine ioye
& confolation, à fçauoir ſpirituelle en ce pre
fent fiecle, & en l'autre eternelle, pour eter
nellement glorifier le Pere, le Fils, & le S.Ef
prit au celeſte royaume de Paradis. Amen. .
T R O I S I E S M E D IM EN C H E
A P R E S P A s Q y Es. i: , ,,
5 E s Prophetes au temps paſſé au
) || thoriſoyent leur parolle, par ce
3 qu'ils predifoyent les choſes à ad
2 || uenir:tellement qu'ils estoyent esti
mez remplis de la grâce de Dieu, à cauſe que
les chofesaduenoyent ainſi qu'ils auoyent pre
dit: comme nous auons exemple d'Elie & Eli
fee , & pluſieurs autres Prophetes. Or ne pre
diſoyent-ils pas ſeulement les afflićtions & ca
lamitez
6o8 1 1 1 1. d 1 M E N c H e
lamitez qui deuoyent aduenir de leur temps
(ainſi cóme Hieremie a predićt la captiuité de
Babilone, à laquelle par apresil a eſté preſent)
mais auſfiles choſes lefquelles ils ne pouuoyết
voir:comme l'aduenement du Meſſias,pour le
quel annoncerils ont eſté principallement en
uoyez. Les chofes leſquelles aduenoyent du
temps des Prophetes, ainſi qu'elles auoyét eſté
predites,faifoyent foy que les autres choſes par
eux predites, eſtoyent veritables, iaçoit qu’el
les n'aduinſſent pas de leur temps. Ainſi noſtre
Seigneur a à ſes Apostres aucunes cho
fes, leſquelles ils ontveu aduenir,ainfi comme
il les auoit predites:comme quanden S.Matth.
2o. chap. il leur prediſoit ce qu'il leur deuoit
aduenir: Ecce aſcendimus Hiero/olymam, & filius
hoministradeturprincipibus facerdotum & stribis,
eớ condemnabunt eum morte:ớ tradent eum Gen
tibus ad illudendum, flagellandum & crucifigēdum,
& tertia die refurget. Mes Apostres,ie vous veux
bien aduertir de quelque ſecret quei'ay à vous
dire : c'eſt que nous montons en Hieruſalem,
mais vous ne fçauez pas ce qui me doit adue
nir là. Et c'eſt dequoy ie vous veux aduertir
maintenant. Vous voyez que le fils de l'hom
me(or fçauoyent-ils bien qui eſtoit celuy qu'il
entendoit par le fils de l'homme) fera liuré aux
Scribes & Princes des prestres, & par eux mis
entre les mains du bras feculier,& fera moqué,
foüetté,puis honteufement crucifié. Mais à fin
que ne vous contriſtiez trop de cela , ie vous
V euX
AF RFs pAs QvEs 6ο9
veux donner conſolation, vous affeurant que
le troifieſme iour enfuyuãt ie reſfuſciteray:La
quelle predićtion il faiſoit aux Apoſtres, à fin
que voyans nostre Seigneur estre veritable en
cesparolles là,ils colligeaffent parcela & creuf
fent que le reste qu'il prediſoit eſtoit auffi ve
ritable,& qu'infalliblementiladuiendroitain
fiqu'il auoit predit. Comme ce qu'il a predit
de la future,du dernier iugement,
dela vie eternelle, cốbien que perſonne n’aye
encores veu tout cela eſtre aduenu. Car il faut
croire que pareillement les autres chofes par
luy predites aduiendront,comme l'on a veu ad
uenir vne partie deschofespar luy predites de
uant qu'elles aduinſſent. C’est pourquoy nostre
Seigneur en S.Jean 13.diſoit expreſſement à ſes
Apostres: Amodo dico vobis priufặuam fiat vt cùm
failüferit, credatis. Ie vous predićt cela, à fin q
le voyant eſtre aduenu, vous foyez plus affeu
rez que ie fuis veritable en toutes mes parol
les.Il repete cela meſme au chapitre enfuyuất:
Et nunc dixi vobis priuſquam fiat:vt cùmfattữfie
rit,credatis. Et au chapitre 16. Heclocutusfum vo
bis vt cùm zenerit hora,eorum reministamini, quia
ego dixi vobis. Voylà donc la cauſe pour laquel
le noſtre Seigneur prediſoit les chofes deuant
qu'elles aduinflent, à fin que l'ayất trouué ve
ritable en cela, ils creuffent qu'il eſtoit veri
table aux autres choſes.Or d'autất plus que no
ftre Seigneur approchoit du iour de fa mort, il
admonneſtoit fouuent fes Apostres de ce
- - Q q
' .
61o 1 1 I I. D IM E N C HE
qui luy deuoit aduenir en fa paſſion, pour leur
monſtrer que ce n’eſtoit point vne chofe for
tuite , mais que tout cela ſe faiſoit par diſpen
fation diuine : & qu'il ne mourroit point par
contrainćte, mais qu'il alloit à la mort defran
che volonté. Et pourtát en l'Euangile du iour
d’huy, prinſe de ce beau fermon qu'il feist en
fainćt Iean,16.chap.la meſme nuićt qu'il fut li
uré entre les mains de fes ennemis, il diſoit à
fes Apoſtres : Et nunc vado ad eum qui mift me.
Maintenāt l’heure eſt venue qu'il me faut aller
à mon pere: & commentirez vous? parla mort.
Mais ne vous en ſcandaliſez point. Ie le vous
predis, & non fans cauſe. Souuent noſtre Sei
gneura predit ſa mort, & le genre d'icelle, &
meſmes l'heure.Or dit il, Nunc vado:pour mő
ſtrer que ce n’eſtoit point vne choſe fortuite:
mais que tout fe faiſoit par diſpenſation diui
ne. Comme s'il diſoit : Ne penſez pas que ie
meure par contrainćte: c'eſt de franche volon
té que i’ay deliberé de mourir maintenant. Si
vne perſonne fçauoit: on me viendra prendre
maintenãt pour me faire mourir,il s'en fuiroit,
s'il auoit le moyen.Or noſtre Seigneur, qui fça
noit, bien qu'il deuoit mourir, au lieu de s'en
fuir, il dit : le vay maintenant à la mort: pour
declarer que yolontairement il mouroit. C’eſt
ce qu'il diſt apres plus apertement : Venit hora:
Ecce appropinquat qui me tradet.Matth-26. Allős
au deuant de celuy qui me doit liurer à mes
ennemis. C'eſt ce qu'auoit predit Efaieschap.
R - 53•
A p R e s p a s Q v e s: 6II
33.Oblatus est, quia ipfe voluit.Donc par-ce qu’il
alloit franchemét à la mort, il dit, Nunc ego va
do Sur quoy trois choſes font à noter: la pre
miere, qu’il fçauoit bien l'heure de fa more: la
feconde qu’il eſtoit en fa puiſſance de l'euiter:
la troifieſme qu'il fçauoit bié où il alloit apres
famort. Et nulle de ces trois choſes compete
à l'homme: mais ſeulementà noſtre Seigneur:
lequel fçauoit bien le moment des temps, à
cauſe qu'il eſtoit Dieu. Et pourtant, dit Sainćt
Iean au cha.13.Sciens Ieſus quia venit hora eius vt
träfeat ex hoc mundo ad Patrem.Mais nous com
bien que ſoyons certains qu’il nous faut tous
mourir, toutefois nous ne fçauons pas l'heure
de noſtre mort ny le genre, comme remonstre
S.Auguſtintom.3.lib. 1 de ferm. Domini in monte,
&tom.io.lide compunčitone cordis cap.1.auſſi biế
comme au liure deſpiritu & anima,cap. 31. Mais
noſtre Seigneur, qui eſtoit Dieu, fçauoit bien
le genre de fa mort & l'heure. Et à la verité ce
n'eſt pas fans cauſe que nostre Seigneur nous
cele l'heure de noſtre mort:comme traićte fort
bien Sainćt Auguſtin epist.&o,ad Heſchium, la
quelle eſt defpremo die mundi, où ilinterprete
ce texte de l'Euangile:Nefcitis diem neque horã;
& dit que Dieu par fa fapience a voulu que
nous ignorions ce iour là , à fin que foyons vi
gilans, & que nous tenions toufiours en bon
eſtat, vt curemus fili lucis effe,& parato corde vigi
lare,qui nolumus ab illa hora, ſicut à nočturno furs
tomprehendi,comme parle S. Augustin en ceſte
QSĮ 2.

*
6 I2 II I I. D I-M E N C H E

epiſtre. Et pour concluſion de ceſte matiere


dit que Dieu nous a voulu celer quod videbat
non vtiliterfciri, ce qu'il verroit eſtre de nous
ignoré pour noſtre grand profit. Car fi vn hom
me eſtoit affeuré de viure foixante ans,il fedő
neroit du bon temps , viuant à fon plaiſir iuf
ques à l’aage de cinquante neuf ans. Et puis :
quand la derniere annee feroit venuë, il feroit
penitence. Mais ne fçachantpoint le temps de
fa mort, il est toufiours à faire le guet, de peur
qu'il ne foit ſurprins. Il n'y a donc que noſtre
Sauueur à qui il appartienne de dire. Nunc ego
vado,le m’en vay mourir. Secondemét il a en
duré la mort franchement & non par neceſſité.
Car il auoit bien le moyen de l’euiter, & eſtre
immortel,s'il euft voulu : comme il diſoit : Pa
Ioan.re.testatem habeoponendi animam meam. Mais il a
voulu mourir pour nostre bien.Sa mort donc à
esté volontaire. Mais nous, c'est de neceſſité
que nous mourons.Car comme dit S.Paul,Sta
*** ºº tutum est omnibus hominibufemel mori. C’est vn
decret & arreſt de Dieu irreuocable qu'il faut
que tout homme meure etiam st nolit , bon gré,
malgré,comme dit fainét Auguſtintrači. 84. in
Ioan.Tiercement noſtre Sauueur fçauoit bien
où il alloit apres fa mort, à fçauoir auec Dieu
fon pere pour estre egal à luyen puiſſance.Mais
quand nous partirons d'icy, nous ignorons où
c’eſt que nous irons. vient qu’il n’y a fi
aſſeuré,ne fi iuste qui ne tremble, quand il ap-
proche de fa fin. C’eſt pourquoy Dauid, com
bien
· A P R es . p a s Q y es. 613
bien qu'il fuſt felon le coeur de Dieu, diſoit,
Domine non intres in iudicium că feruo tuo.Quand
ie penſe à la mort & à vostre iugementie trem
ble.Et S.Paul,nous exhorte, vt cum metu cớ tre- Philip.a
more falutem nostram operemur. Or noſtre Sei- |

gneur n'eſtoit en ceſte craincte,il fçauoit bien


où il alloit. Car comme il diſoit en vn autre Ioan, rør.
lieu:Venitprinceps mundi huius ó inme non habet
quicquam. D’auantage il dit, Nunc vado ad eum
qui memifit,& nemo ex vobis interrogat me quò va
dis?Vado,ie vais preſentement.Cartoute la vie
de Ieſus Chriſta eſté vn continuel retour à fon
pere:ie m’en vais à celuy qui m'a enuoyé:àfça
uoir à la gloire de Dieu mon pere. Par trois it';
voyes Ieſus Christ estallé à ſon pere:Afgaụoir . ::::::
par la voye de fa douloreuſe paſſion,vićtorieu- i ha
fe refurrećtion, & glorieuſe afcenſion. Quandpers.
il dit,ie m’en vais à celuy qui m'a enuoyé,cela
ne s'entend point felon la nature diuine, felon
laquelle le au pere,& le pere au fils,& le
ere & le fils fontļvn. Et le pere qui a enuoyé
e fils ne l'a point laiſfé ſeul.Mais cela s'entend rean.re.
felon la nature humaine, laquelle estoit pleine Deatle este
de grace & deverité , & en laquelle toute ple- . ar

nitude de diuinité corporellement habitoit. :


ll ne dit pas,ie m’en vay à la mort,mais à celuy couo.a.
qui m’a enuoyé, comme difant, combien que
la voye ſoit afpre & rude, & que la porte foit
eſtroićte, par ie paffe : toutefois la fin
eſt certaine & affeuree. Carie m’en vay à vne
certaine & affeuree gloire. Doncques allerau
Qg 3
614 1 1 1 1. D 1 M E N c H e
pere n’est autre chofe qu'aller à la gloire. Icy
Cºnſºlatiºn nous auons vne grande conſolation. Car ce
; ; luy qui va à la mort, va au pere, s parquoy il
i ne faut point craindre la mort, laquelle nous
meine & conduictà la vie & gloire eternelle.
Si doncques tu vas à Dieu, parquoy te char
ge tu de tant de biens terriens & pechez?Auec
leſquelstu n'oferas comparoiſtre deuant Dieu,
La mistis du ie m’en vais à celuy qui m’a enuoyé. La miſſió
f du fils a eſté fon incarnation , par laquelle le
° verbe diuin a esté faićt chair & homme.Et fon
Ioan... aller à fon pere a eſté, quand par le gouft de la
mort,& parla gloire de fa reſurrećtion,il a fou
ſtrait & retiré du monde fa preſence corporel
le, familiere conuerſarion, forme & apparen-
ce viſible: Et nemo ex vobis interrogat me, quò
zadis??Nul de vous ne m’interrogue, où vas tu?
Car apres auoir ouy que noſtre Seigneur en .
brefſe retireroit & abſenteroit de leur com
pagnie,& qu'ils feroyent hays du monde pour
fon nom : triſteſſe auoit tellement occupé &
s . . . remply leurs coeurs, qu’ils ne fçauoyent que
w -" - dire. Sainćt Auguſtin trači.94. in Ioannem, ex
poſant cepaſſage reſpond à vne queſtion qu'on
euſt peu icy faire à noſtre Seigneur.Comment
dites vous cela ? Sainét Pierre ne vous a-il pas
interrogué où vous allez?difant & promettant
qu’il vous fuyuroit par tout, quand il deuroit
mourir:& ne vous fouuient il pas que vous luy
auez reſpondu, qu'il n'eſtoit pas affez fort,en
cores qu'il eust bon courage ; Pour ºsº :
CCl3
. . . A p R r s p a s & v = s. 615
cela faínét Auguſtin dit, que ſignificat Christus
firfeiturum, vt nullus interrogaret,quodpalam fieri : !

vifu corporis cernerent.Cőme fi noſtre Seigneur


diſoit : Il ne fera point de beſoing que vous
m'interroguiez.Carmon departement fera tel,
que vous n’aurez point occafiő d’en douter, &
me demander:Quò vadis? d'autant que ie mon
teray viſiblemér au ciel, vous le verrez à l'oeil.
Car quand on faićt vne question & interroga
tion , cela eſt des chofes deſquelles on doute.
Sed quia hac locutus fum vobis, triffitia impleuit
cor vestrum.Mais pource que ie vous ay dit ces Clemence de
chofes, tristeſſe a remplyvos coeurs. Voyons Ieſus Christ.
icy la clemence de nostre Seigneur. Il auoit
commencé de les redarguer, & incontinent il
ceffe. Mais à mieux dire,d’vn accuſateur, il eſt
faićt excuſateur, patron & aduocat, à fin qu’il
foit vray ce que Iean a dićt: Aduocatum r.Ioan.a.
apud patrē habemus Ieſum Christum. Nous auons
vn aduocatenuers le pere,affauoir Ieſus Christ,
Cőme difant: vous ne m'interroguez pas, non
par negligence ou par malice, mais par triftef
fe, laquelle ſeule vous empefche : & non fans
cauſe.Carils n'estoyent pas encore fignez de la
marque du fainét Eſprit, nyoings de l'onction
celeſte, mais apres la miſſion & reception du
fainét Eſprit, qui adiuuat infirmitatem nostram, Res.,.
qui grandement ayde nostre foibleſſe, &
faićt ceux-là aufquels il habite forts & puiſ
fans, pour virillement batailler & furmon
ter les puiſſances aduerſaires , & les faićt glo
Q_H 4
616 I I I I.D1MENcHE
rifier en leurstribulations, reputant eſtre tou
Iacob.1.
të ioye, quand ils chéent en diuerſes tenta
tions, fçachất que Probatiofdeipatičtiam opera
tur : la probation de la foy engendre patience.
Sed ego veritatếdico vobis. Mais moy qui ſuis la
ie vous dy de ma propre bouche la veri
té, à vous qui croyez en moy » eſperez en mes
parolles veritables & infallibles: A vous qui
fyncerement & ardemment m'aymez, qui ob
feruez mes commandemens, qui pour moy
auez abandonné le monde, & auec moy auez
perfeueré en mes tribulations. Expedit vobis
vt ego vadam. Il vous eſt expedient que ie m’en
aille : toutefois il ne faut pas entendre que la
prefence corporelle de Ieſus Chriſt fuſt dom
mageable: mais grandement neceſſaire & pro
fitable. Car par ſa preſence corporelle il nous
a dedié & conſacré vne recente, nouuelle , &
viuante vie , à fin que nous euſſions liberté de
Hebr. ro.
aller aux lieux faincts,par ſon digne fang. Car
fi Ieſus Chriſt ne fuſt venu à nous par aſſum
de chair, nous ne fuſſions pas eſté def
iez du lien de peché, ny de la tyrannie de Sa
than, ny des prifons infernalles. Et n’euſſions
point eu acces à Dieu le pere, pour eſtre collo
| quez au pays celeste. Mais cela eſtoit expedient
pource que les Apoſtres cherchoyent & eſpe
royết en Ieſus Chriſt vn royaume temporel. Et
cốbien que la preſence corporelle & viſible de
nostre Seigneur proffitoit au commencement,
toutefois maintenãt quãd il s'eſt ſouſtrait & re
- • /

- t1TC.«
- A P R e s P As Q v e s. 617
tiré. Il nous eſt beaucoup plus proffitable: car
autrement les Apoſtres eullent toufiours eſté
en doute en fa prefence viſible, & iamais ne fe
fuffent eſueillez & eſleuez aux choſes plus hau
tes & excellentes.Partant diſoit Ieſus Chriſt: Il Il estoit expe
vous est expediét que ie m’en aille par ma paf: diēt que Ieſus
(hrist s'en al
fion,reſurrećtiő,& aſcenſion. Premierement,il last à ſon pe
est expediết que ie ſouffre.Car par ce moyen ie re, G pour
fatisferay pour voſtre peché & offenfe. Secon quoy.
dement,ilvous eſt expedient que ie meure.Car
par ma mort voſtre mort fera morte. Tierce
ment, il eſt expedient que i'eſpande mon fang,
Car ainfi ie vous reconcilieray auec mon pe
re, & le vous rendray propice, miſericordieux,
& fauorable. Quartement,il vouseſt expediết
que ie retourne à mon pere, pour aſſiſter đe
uất ſa face, & pour estre enuers luy vostre me
diateur & aduocat, pour plaidoyer & defen
dre voſtre cauſe.Cinquiefmemết,il vouseſt ex- Ioan.
Hebr.º.

pedient que parma paſſion ie vous impetre la
miſſion du faînét Eſprit. Sixiefmement,il vous e
eſt expedient que ie monte és cieux,pour vous
monſtrer le chemin , & vous ouurir la porte
d'iceux,laquelle eſtoit fermee.Septiefmemết,il
estoit expedient aux Apoſtres que noſtre Sei
gneur retiraſt ſa preſence viſible & corporel
le.Car quand ils levoyoyent corporellemét,ils
ne cerchoyent & eſperoyent en luy que chofes
temporelles & corporelles , & entendoyent
que toutes fes promeſſes deuoyent estre ac
complies corporellement, charnellement, &
Q_G i
618 . I I Î I. D I M E N C H É -

***.**. temporellement.Partantils diſoyent: Speraba


mus quod effetredempturus Iſrael. Nous penſions
qu'il deuoit racheter Iſrael. Mais quandil leur

|
-

·
| "
. .
a oſté fa preſence corporelle & viſible, ils ont
, apprins que le Royaume de Chriſt n'eſtoit
" pas de ce monde, & que toutes fes promeſſes
eſtoyent ſpirituelles pource en mefprifant tou
. tes chofesterriennes,ilsaimoyết les chofes fpi
rituelles, & du tout defiroyết les biens eternels
& celestes.Huićtiefmement,il estoit expedient
que Ieſus Chriſt fe retiraft au ciel : car autre
ment il euft eſté veu ſeulement en Iudee, & de
eu de gens: mais maintenant il eſt preſent à
******. tous, comme il nousa promis. Ecce ego vobif
cumfum omnibus diebus vſquead confirmmationem
feculi. Voicy ie fuisauec vous en tout temps,
iuſques à la conſommation du monde. Fina
blementicy nous ſommes inſtruićts que noſtre
Seigneur aucunefois ofte aux fiens ce qu’ils ay
ment,ou en qui ils fe fient.Cőme les enfans,les
. biens,lesamis,la fanté corporelle, ou proſperi
* té temporelle. Aufquels expedient qu'ils
foyết priuez de telles choſes,à fin qu'ils appré
nent d’aymer Dieu, eſperer & fe fier en Dieu:
car poſſible qu'ils de telles chofes
en mal. Pource nul ne foit marri ou doulent fi
| Dieu luy oste ce que trop ilayme:car il le faićt
pour fon proffit & falut. Nistabiero, paracletus
non veniet ad vos. Si ie ne m’en vay,le confola
teur ne viếdra pas: non pas qu’il faille entendre
que la prefence corporelle de Ieſus Chriſtem
- peſchaft
A p R e s p a s Q v e s. 619
þeſchaft la prefence du fainét Eſprit. Car pre- za prstnie
mierement comme empeſcheroit la fainčte, "'" Ieſus Chrisë
:
precieuſe & treſſacree
- - *

de Ieſus Christ la n'empefche


venüe du Sainét Eſprit, veu qu'elle a eſté for-point la pre
mee au
leſte ventre Virginal
? D'auantage par ſon
fi noſtre corpsoperation ce- /Estrit,
n'empeſche er 4"G - ::
* - * - pourquoy. ,
point que le Sainćt Eſprit habite en nous,com
me empeſcheroit le corps de Ieſus Christ la
venüe du Sainćt Eſprit? Partant faut icy inter
preter les fainctes & ſacrees eſcritures, beni- waar, sei
gnement cognoiſtre & croire, que non fans gneur a de
cauſe nostre Seigneur a differé la manifeste leist le miſ:
venüe du Sainćt Eſprit iuſques apres fa mort. | 4
Premierement par-ce que les Apostres l'ay- .
moyent parmoyen charnel,&l'affection char- fastion,e
nelle empeſche la reception du Sainét Eſprit. tourquºy.
Car fi nous ne ſommes ſpirituels nous ne fom
mes pas capables de la grace diuine. Secon
dement parce que la plenitude de la grace du
Sainćt Eſprit ne deuoit estre donnee, finon
aux reconciliez au Pere,par le merite de la fa
cree & digne mort de fon fils. Tiercement par
ce que les membres ne deuoyent pas eſtre or
nez de telle & ſigrande grace,que au parauant Ioan.
le chefne fust glorifié:commeil est dit: Spiritus ºn.z.,
mondă erat datus,quia Ieſus nondum erat glorifica
tu. Le S. Eſprit n’eſtoit pas encore donné: car.
Ieſus Christ n'estoit encores glorifié. Car fi ie
ne m’en vay, le confolateur ne viendra point.
Paracletus, eſt vn nom Grec, lequel interpreté
eomme dit Sainćt Auguſtin 94. trafta.in Ioan
- 726772
6zo 1 1 1 1. d 1 M E N c H e - -

nem,vaut autantà dire, comme hortateur, con


contrete: ht: folateur, patron , & aduocat. Icy nous pou
e
f uons eſleuer
*
& eſtendre les aiſles contre les -

, heretiques blaſphemateurs de l'honneur &


er innocatið inuocation des Sainćts & Sainćtes de para
des sainas dis, difants & contre toute verité, affirmants
de paradis.
qu'il n’y a que vn ſeul mediateur ou aduocat,
àfçauoir Ieſus Chriſt. Nous confeſſons qu'il
eſt feul mediateur de noſtre redemption &
falut : toutefois Sainćt Paul affirme que le
*, se
Rom.s. Sainćt Eſprit postulat pro nobis gemitibu inenar
rabilibus faićt requeſte pour nous par gemiſfe
mens que on ne peut dire. Aufſi les Sainćts
prient Dieu pour nous au nom de Ieſus Christ,
feul mediateur de nostre falut, comme pour
rez veoir amplement en noſtre liure des fa
cremens en l’article de la reuerence & inuo
cation des Sainćts. Le mot aufſi, Paracletussfi
gnifie conſolateur. Car il confole les defolez
en leurs tribulations, comme dit l'homme fe
Pſal.ss. lon le coeur de Dieu Dauid: Secundum multitu
inem dolorum meorum in corde meo, confolationes
tueletificauerunt animam meam. Selon la multi
tude de mes douleurs en mon coeur, tes con
Tſatss. folations ont refiouy mon ame: Multetribula
tionesiuštorum.Les tribulations des iuſtes font
grandes:mais le fainét Eſprit deliure les iustes
de toutes tribulations. Car quand il reſpand la
chaleur de charité au coeur des fidelles Chre
ftiens, il rend les eauës ameres & douces,quád
il les faićt patiens pour patiemment endurer
&
AP REs P A s Q v E s. 621
& ſoustenir toutes aduerfitez pour l'honneur
&amour de celuy qui nous a tant aymé, qu'il
a donné ſa vie à la mort » pour nous impetrer la
vieeternelle:Si autem abiero,mittam eum ad vos.
Mais fi ie m’en vay ie le vous enuoyeray, à fin
qu'il foit auec vous, pour vous perpetuelle
ment confoler. Par ceste parole ceux du nou- Calueni Hes:
*

ueau Euangile ont voulu confirmer leur do- ennemis du


ćirine erronee , difants. S'il a eſté expedients, s em .
que Ieſus Christ retiraft fon corps de ce mon-Restonce à
de:comment peut-il estre preſent de corps au |
Sacrementou
Eſprit n’eſt pass'ilpreſent.
est preſent telsfainét
de corps,le
Reſponce: fau- { • /

faires de vraye doćtrine & perſecuteurs def


loyaux de leur loyalle mere fainćte Eglife &
des fainéts facremens,ne fçauent pas comment
Ieſus Chriſt s'en eſtallé. Car il ne s'en est pas
ainfi allé, qu’il ne foit auec nous par preſence
corporelle & realle au Sainćt Sacrement. Fer-,
mement nous croyons que Ieſus Chriſt eſt af- . . .
pere tout puiſſant en
fis à la dextre de Dieu le
fonhưmanité, en chair, ſang , os, & membres
viſibles, tel que les Apostres l'ont veu apres fa
reſurrećtion: & qu'en icelle forme & eſtat vi
fible il ne fe bougera du ciel, & n’en partira
iuſques à la reſtauration de toutes choſes, qui
fera auiour du iugement. Mais comme en ce
ste maniere & apparence viſible il eſt au ciel,
duquel il ne depart & ne fe bouge: auffi fans
telle apparence & forme vifible, & non defcế
dant, ny delaiſſant la dextre de Dieu le pere,il
eft
622 I I I I. D I M E N C H E

est preſent au ſacrement,vray & entier, com


:
i me il eſt en meſme instant au ciel viſiblement,
. & en meſme inſtant il eſt au ſacrement inuifi
blement,toutefois perſonnellement, corporel
lement,reallement,& de faićt, par ſa puiſſance
infinie:& fi demeure en fon propre corps viſi
. . ble au ciel à la dextre de Dieu tout puiſſant: &
lequel corps nous voyons en l'Hostie ſacree
par foy,comme nous le voyons glorieux en pa
radis parfoy. Et fi l'heretique facramétaire nie
que le corps de Ieſus Chriſt n'est pas au facre
ment, pource qu'il ne le veoit pas, par meſme
moyen iceluy niera qu'il n'est pas en paradis:
pource qu'il ne le voit pas. Que s'il veut re
plicquer,difant:les fainctes eſcritures m'asteu 4.
rent qu'il eſt en paradis en fon corps:Iereſpőds
que auffi les fainćtes eſcritures m’affeurết qu'il
eft au Sainćt Sacrement:Et cum venerit ille ar
penit, fin{“ mundă depeccato,é de iustitia, & de iudicio.
Icy est exprimé le double office du S. Eſprit.
Car premierement il reprendra les meſchans,
qui les enfans de tenebres de ce monde,
& de Belial, qui n’ont pas receu Ieſus Chriſt.
Secondement il enfeignera aux bons choſes
bonnes, neceſſaires, & falutaires. Car quand il
fera venu, il reprendra le monde, c'eſt à dire,
les mondains amateurs du monde, qui chemi
nent felon le monde,en leurs iniuſtices,defirs,
& impietez,qui font de ce mõde, defquels les
penfees font en ce monde, qui ayment le mon
de,& les choſes de ce mõde,qui font ennemis
de
A P R E s P A ś Q y e s. 623
de la croix de Ieſus Chriſt , perſecuteurs des
diſciples de noſtre Seigneur, blaſphemateurs
&impugnateurs de la voye de verité, qui au
dacieuſement prouoquent l’ire de Dieu contre
eux qui fe glorifient en leurs malices,telles gés
feront reprins par le fainét Eſprit. De peccato.
Premierement,de peché, lequel ils ont faićt, &
lequel Dieu a en haine. Secondement, de iu
fiice, laquelle ils n’ont pas faićte , laquelle
Dieu ayme.Tiercemét,de iugement,lequel ils
necraignent point, & lequel toutefois eſt ef
pouuentable, terrible & redoutable. Propre
ment & conuenablement noſtre Seigneur met
& aſſigne apres la foy, iustice, c'est à dire,bon
nes æuuures. Car comme dit fainćt Paul:Fides Galat.o.
perdilectionem operatur. La foy opere par dile
ćtion. Or la iustice Euangelique confiste en
deux parties : à fçauoir, declina à malo,& fac bo
mal, & fais le bien.Le fainćt Eſprit Pfalse.
ration diuine.monde.
reprendrale Premierement,
Secondement, par la parinſpi-
publique » com

manifeſtation du fainćt & ſacré


n'eſpargne perſonne. Reuelatur enim ira Dei de****
celo fuper omnem impietatem & iniustitiam homi
num. Car en luy & par luy eſt reuelee l'ire de
Dieu fur toute l'impieté des hommes. Depec
cato quidem,quia non crediderüt in me. De peché,
carils ne croyent pas en moy. Voylà incredu
lité,laquelle eſt la racine de tous pechez, com
me auffi la foy eſt la racine de tous biens.Sainćt
Auguſtin fermo. 11. & 6. de verbis Domini,
|-

.*
CeIte
624 1 I 1 1. d1 M ENc H E
ceste cauſe a remarqué que per antonomastam :
l'eſcriture entend infidelité par le nom de pe
ché: alleguant ce paſſage pour exemple.Si non
veniffem & locutus eis non fuiffem peccatum nã ha
berent,idest,infidelitatem.Et pourtăt le fens de ce
lieu icy eſt tel: Arguet mundum de peccato. Le
fainét Eſprit conuaincra le monde d'infideli
té, & luy monſtrera manifeſtement qu'il a eſté
infidelle. Icy nous faut noter que c’eſt autre
Differëte en choſe croire Ieſus Chriſt, à Ieſus Chriſt , & en
tre croire Ie
fus Christ à Ieſus Chriſt,comme dit fainét Auguſtin, trači.
Ieſus Christ, 29.in Ioan.cr fermo.24.lib.3.de verbis Domini,6
69 en Ieſus homil. i o.in can.1.Ioan. Premierement, croire Ie
Christ. fus Chriſt, c'eſt croire qu'il eſt fils de Dieu, &
fils de l'homme, & qu'il fauuera tous ceux qui
obeyrőt à ſes commandemens. Secondement,
croire à Ieſus Chriſt, c'est croire à toutes les
choſes qu'il a dićtes, & qu'il a reuelees aux
fainćtes eſcritures. Finablement, croire en Ie
fus Chriſt,c'est en croyất l'aymer,eſperer,& du
tout en luy ſe fier,l'adorer,prier, craindre. Et fi
nous defirons eſtre fauuez, il nous faut auoir
ces trois chofes. Croire Dieu, à Dieu , & en
Dieu. Et de iustitia mea,/cilicet. Et de ma iufti
ce, c'eſtà dire, il prouuera manifeſtement au
monde que ie fuis iuste., Pourquoy ? Car ie
Rom.ro.
m’en vay à mon pere. Le fainét Eſprit repren
dra le monde de la iuſtice , bonté, & fainćtetê
de Ieſus Chriſt, laquelle ils n'ont pas acceptee
ny enfuyuie: combien qu'elle foit par parolles
veritables , & par ceuures miraculeuſes. Ou
bien
A P R E s P A s Q y e s. 625
bien le fainćt Eſprit reprendrale monde de iu
stice, c’eſt à dire, il condamnera la iuſtice du
monde. Car les Iuifs fe promettoyent iuſtice,
c'eſt à dire, iuſtificationpar les oeuures de la
loy.les Gentils par les vertus moralles. Mais le
fainét Eſprit condamne la iustice des Iuifs &
des Gentils. Non pas que ce foit chofe mau
uaiſe feruir aux ceuures de la loy, ny aux ver
tus moralles; mais pource que ny la loy, ny les
vertus ne iuſtifient point deuất Dieu,ſans la iu
stice de fon fils Ieſus Chriſt. Car fi telle iuſti
ce nous pouuoit faire iuſtes, nous n’euſſions
pas eu beſoing de Ieſus Chriſt , comme dit
fainét Paul: Siper legem iustitia,ergo gratis mor- Galat. e.
tuu est Christus. Si la iustice estoit par la loy,
doncques Ieſus Christ eſt mort pour neant, &
en vain. Et pource il dit: Quja vado ad patrem:
carie m’en vay à mon pere,comme diſant: Ma
iuſtice peut penetrer le ciel, & hardiment con
fifter & s'arreſter deuant Dieu. Ce que ne peut
faire nulle autre iustice. Doncques il demon
ftre que la vraye iustice par laquelle nous fom
mes iustifiez, c’est que Ieſus Chriſt eſt allé à
fon pere, c'est à dire, que fa paſſion & reſurre
ction est nostre iustification. Traditu est pro-Rºm.“
pterdelitta nofira,ớ refurrexitpropteriuštificatio
nem nostram. Il eſt mort pour nos pechez, il eſt
reſſuſcité pour noſtre iustification, De iudicio
autem, quiaprinceps huius mundi iam iudicatus est,
Et de iugemét, pource que le prince de ce mő
de eſt ja iugé. Comme difant: Si Dieu en fes
- R r
626 I I I I. D I M E N C H E
*
iuſtesiugemés a iugé, condamné, & damné les
Anges pechấs:pareillementil iugera, condam
nera, & damnera les pecheurs incredulles &
impenitens. O grand aueuglement, digne de
grande reprehenſion ! Car fi le prince, capi
taine & chef des mefchans eſt ja iugé, fembla
blement feront iugez les membres d'iceluy,
& enuoyez aux flammes infernalles. Adhuc
habeo multa vobis dicere,fed nõ potestis pertaremo
do. Ie vous ay à dire encore pluſieurs chofes:
mais vous ne les pouuez porter maintenant.
Car les Apoſtres auoyent oublié pluſieurs cho
fes.Ils n'entendoyent pas droićtement ne clai
rement pluſieurs choſes que Ieſus Chriſt leur
auoit dit obſcurement, & par paraboles. A ce
fte cauſe le fainét Eſprit leur estoit neceſſaire,
our leur reduire en memoire les choſes ou
liees, & leur declarer les chofes non droićte
ment entendues, & rendre le vray fens & in
telligence aux chofes obſcures. Par là nous
fommes inſtruićts, que fans le fainćt Eſprit
nous ne pouuons entendre les facrees & fain
ćtes eſcritures. Les Apoſtres auoyent ouy pref
cher Ieſus Chriſt pluſieurs fois , encores ne
fçauoyent-ils pas que fon regne eſtoit ſpirituel,
que l'Euangile feroit par eux prefché aux Bar
bares,Gếtils & idolatres. Encores ne fçauoyent
ils pas que la croix fuſt la voye pour paruenir
à la gloire,& que la foy fuſt la vraye iuſtice. Ils
ne ſçauoyent pas que la grande fapience de ce
monde estoit grấde folie deuant Dieu, ny auſſi
COII11Il Cint
A P R E s p A s Q y e s. 627
comment,pour quelle cauſe,& par quelle ba
taille le diable feroit vaincu & condamné. Il
faudroit dire encores beaucoup de chofes:
mais vous ne les pouuez porter maintenant.
Car vous n'eſtes pas encores renouuellez par
le fainćt Eſprit.Et meſme que vous eſtes plains
de trifteffe,pastiős vehementes, leſquelles em
peſchết l'aćte de raiſon:Cum autem veneritſhiri
tuille veritatis,docebit vos omnẽ veritatem. Mais
quand ceſt eſprit de verité fera venu, il vous
enſeignera toute verité. Noſtre Seigneur at
tribue pluſieurs excellens & nobles titres au
fainct Eſprit : par leſquels on peut cognoiltre
qu'il eſt vray Dieu. Car Dieu feul peut con-
foler parfaićtement , & feul enfeigner verita
blement.Il vous enfeignera route verité neceſ. Estris
faire pour voſtre falut: à fçauoir parvne inte
rieure inſpiration,par laquelle vous fçaurez & „
preſcherez les chofes.Premierement qu'il faut
croire: comme les articles de la foy , leſquels
font vne principalle verité,laquelle vn chacun
Chreſtien doit croire indubitablement.Secon
dement le S. Eſprit vous enfeignera les cho
fes qu'il faut faire, comme le decalogue, c'eſt
à dire,les commandemens de la loy, eſquels vn
chacun (parfa grace) doit accomplir & croire.
Tiercement ce qu'il faut fuyr, comme peché,
lequel eſt le pere de la mort, qui par fon glai
ue ineuitable a tué & meurtry tous nos prede
ceſſeurs,& qui par ſa fureur horrible fera mou
rir tous les viuans de la terre, & tous leurs ſuc
Rr 2
628 II I I. D I M E NC H E
ceſſeurs. Pource vn chacun doit bien craindre
peché qui est le pere de la mort : à grande dif
ficulté le larron entreroit dans la maiſon pour
defrober,s'ilfçauoit y estre apprehendé,& puis
condamné à la mort. Quartement le S.Efprit
vous apprendra les chofes qu'il faut craindre:
comme le redoutable,terrible, & eſpouuènta- -

2. cors, ble iugement de Dieu , in quo nos aftare oportet |

vt recipiat vnuſquiſgue proutgefit in corpore , fue :


bonum fue malū,auquel nous faudra tous com- :
paroistre pour rendre compte de toutesles cho
fes que nous aurons faict en noſtre corps, foit :

bien, foit mal, & receuοir pour le bien remu


neration, & pour le mal punition. Il vous en
feignera auſſi les choſes qu'il faut craindre,
comme l'habitation infernalle, l’horrible vi
fion des diables,le tourment du feu d'enferin
extinguible, & les peines perpetuelles. Cin
quiefmemếtil vous enfeignera les choſes qu'il
vous faut eſperer,defirer,& aymer,comme l'a
mour, grace, & faueur de Dieu en ce preſent
fiecle,& les biens eternels,où il a repos dã
ger,paix fans trouble, felicité fans mifere, ri
chefſe fans pauureté,vie fans mort, & ioye qui
toufiours dure au fiecle aduenir:Nonloquetur à
femetipfo,fed quæcunque audiet,loquetur.Il ne par
lera pas de i mais dira toutes les
qu'il aura ouyës:c’eſt a dire, il reuelera
toutes les choſes que le pere veut qui foyent
reuelees: Et que ventura funt annunciabit vobis.
Il vous annócera les choſes qui font à aduenir.
Ille
r- - - - - - - - - - -

* ** A p R e s P As Q y e s. 629
İle me clarificabit. Cestuy-là me glorifiera aux
cæurs des fidellesparvoſtre predication, & par
vous, il annoncera ma douloreuſe paſſion, vi
đorieuſe reſurrećtion, & glorieuſe aſcenſion,
contrele monde,peché,la mort, Sathan, & les
enfers.Il me par les miracles que vous
ferez, par la vertu & inuocation de mon nom.
Et par Ë on cognoistra que i'ay toute puiſſance
tant au ciel qu’en la terre: Quia de meo accipiet
& annunciabit vobis.Car il prendra du mien, &
levousannoncera, Car premierementie fuis
le verbe & la parole de Dieu.Doncques il pré
dra du mien.Secondement il prendra du mien:
c'eſtà dire,de ce qui eſt eſcrit de moy en la loy,
aux pſalmes,& aux Prophetes.Prions ce grand oraifon.
& fainét Eſprit de verité, qui procede du Pere
& du Fils,qui eſt la meſme verité eſſentielle &
eternelle, laquelle eternellement ne peut mế
tir, qu'il luy plaiſe nous enfeigner toute verité He*.º.
Catholique, nous donner la grâce de ne tom
beren erreur & herefie damnable: ains de per
feuerer en fa fainéte foy, à fin que tous d'vn
cæur & d’vne bouche,nous le puiſſions adorer,
donner honneur,loüange & ceux qui
font tombez & defuoyez, les recueillir en la
congregation des fidelles, & reduire en la co-
de Dieu, de la verité, & de leur fa
ut, à fin que par l'illumination du S. Eſprit,
nous foyons finablement conduićts & guidez
au pays & celeste paradis.Amen. . . : ?
* - " Rr 3 · : :
6;o
D IM Ę N C H E CINQ y I ES ME
A p R Es p a soy e s. -

| Out le bien que l'hőme peut auoir,


| il ne l'a pas de foy: mais il le reçoit
de la main de Dieu.C’est ce que dit
...cer... || || S.Paul: Quid habes quod non accepe
ris?Si accepisti,quid gloriaris?S’il y a en toy quel
que bien,l'astu de toy? Non. Tu ne dois donc
pas t'en glorifier,ains plustoſt reprimer ton or
gueil. Et pourtant S.Jacques au premier chapi
tre de fa canonique dit que tout bien est donné
de Dieu,destendens à patre lumină. Ce n’est pas
aſſez d'auoir en ſoy quelque perfećtion: il faut
. . . . fçauoir d'où viết ceſte grace & perfećtion:C’eſt
pourquoy nous auons cousturne d'appellergra
ces & dons de Dieu, tous les biens que Dieu
nousfaićt.D'auấtage entre les choſes que nous
receuốs de la main de Dieu,aucunes nous font
donnees de Dieu fans demander & fans y pen
fer,les aurres ne font donneesde luy fionne les
demarde. De la premiere forte font le commé
cement de la foy,la vocation premiere, & l’in
ifpiration de Dieu, parlaquelleil nous incite à
croire & bien faire. Nous auons de cela exem
ple en la perfonne de S.Paul qui fut appellé à
noſtre religion Chreſtienne, quand il n'y pen
foit pas. Mais depuis qu'vn homme est faićt
Chrestien,s'il veutauoir quelque biéfpirituel,
il faut qu'il le demânde.Et pource nostre Sau
neur en noſtre Euấgile nous inuire à demãder:
- |- Pe
| A f’R E s p A s G v s s. 6yr
Petite & accipietis. Si quidpetieriti patrem mei; in
| nomine meo,dabit vobis. Par le diſcours de l'eſcri "e":"*.
| ture faincte , nous trouuốs que Dieu dőne plu
fieurs choſes aux hommes,mais c'eſt en les de
mandant. En Geneſe chapitre 19.quand Dieu
le createur voulut deſtruire les cinq citez, lef
quelles auoyent irrité la majeſté de Dieu par
leurs pechez enormes & falles, le bon eſtant
deliuré par le moyen de l'Ange , feit requeſte
qu’vne petite cité en laquelle il fe vouloit re
tirer, ne fuſt pas deſtruićte. Auquel l'Ange
feit telle reſponce : Pource que tu as fait ce
fte requeſte , ceſte cité là fera gardee. Mais af
feure toy que ie l'euffe bruſlee, fi tu n’euffes
fait ceſte requeſte là.Pareillement quand Abi
melech voulut abuſer de Sara femme d’Abra
ham, il a eſté puny de Dieu, qui luy a dit: Si tư
veux auoir pardon de moy , il faut que tu te
retires vers Abraham mon feruiteur, & qu'il
prie pour toy : autrementie ne te pardonne
ray point. L’oraiſon du Patriarche Abraham a
appaifé l'ire de Dieu , & non ſeulement a im
petré pardő pour Abimelech, mais auſſi lignee
à fa femme, & à fa feruante. Nous lifons auſſi
que les amis de Iob murmurans, ont irrité la
majeſté de Dieu,qui leur a dit: Ie ne puis estre
appaifé,fi mon feruiteur Iob ne me prie & pre
fente ſacrifice pour vous. Dont il appert que
oraiſon est neceſſaire, pour impetrer de Dieu
quelque chofe.Vous auez pareillemét au Pfal
me 1ο5.& 115. Dixit Deus, vt disþerderet eos, nist
Rr 4
632 V. D I M E N C H E -

AMoyſes stetifetin confračtione in consþettu eius, vt


auerteret iram eius. Cela eſtoit arreſté au priué
confeil de Dieu,qu'il vouloit mettre à neant ce
peuple d'Iſrael, qui auoit idolatré, fi Moyſe ne
fe fust preſenté pour destourner l'ire de Dieu,
c'estoit autant de depefché. L'oraiſon de Moy-,
fe a impetrépardon à ce peuple idolatre. Bref,
cela eſt declaré en vn mot par fainćt Iacques,
chapitre quatrieſme.Il y a pluſieurs chơfes que
vous n’auez point. D'où vient cela?põürce que
vous ne les demãdez pas à Dieu. I'en dy autant
de noſtre temps, auquel nous defirős pluſieurs
choſes, leſquelles toutefois nous n'auons pas,
quia non postulamus, pource que nous ne prions
pas noſtre bon Dieu de nous les donner: Car
Dieu ne donne point cela fans que on luy de
mande. Voyre-mais que a affaire Dieu de nos
prieres?veu que Deus fcit quibus indigemus ante
.guam quid ab eo petamus, comme il eſt dit en S.
Matthieu fixieſme chapitre. Au parauant que
nous demãdions quelque chofe à Dieu, il fçait
bien tout ce qui nous eſt neceſſaire. Puis donc
qu'il nous ayme,il nous aydera fans demander.
A cela Sainćt Augustin reſpond doćtement,
epist.120.ad Honoratum , expoſant ce verſet du
Pfalme 21. Annunciabitur domino generatio ven
tura:& dit. Quel beſoing eſt-il qu'elle foitan
noncee à Dieu, veu qu'il fçait tout? C’eſt tout
ainſi qu'en l'oraiſon par laquelle nous decla
rons à Dieu noſtre neceſſité, non pas qu’il en
foit ignorant ( car en Dieu ne peut auoir igno
rance)
A p R E s P As Q_v = s. 633
tance) mais il veut pour noſtre prouffit que
nous luy declarions. C’eſt toutainfi comme ce
qui eſt dit,Tob.12.par l'Ange Raphaël,i'offrois
à Dieu la memoire de ton oraiſon. Et commết
en faut-il faire fouuenir à Dieu ? Dieu n'eſt
pas ſubiećt à oubliance, ny autres paſſionshu
maines. Mais c'eſt la fainćte eſcriture qui s'ac
commode à noſtre infirmité, & parle ainfi pour
fignifier les choſes qui font incomprehenfi
bles en Dieu. C’eſt donc pour le prouffit & vti
lité de l'homme,qu'il declare à Dieu fa neceſ
fité par oraiſon : lequel doit referer les cauſes
temporelles à la verité eternelle & premiere
cauſe. Demander & faire à Dieu requeſte,c'eſt
rotester que nous ſommes infirmes, & auons
d'aide:& que nous ne ſommes rien, &
que nous dependons de Dieu en tout & par
tout : tellement que Dieu veut eſtre prié par
nous, non pas pour luy faire fouuenir de ce
qui nous eſt neceſſaire, & rafreſchir la me
moire, mais c'est pluſtoſtà fin que nous reco
gnoiſſions noſtre neceſſité, & q nous nous hu
milions deuất luy, & recognoiſſions la bőté &
liberalité de noſtre Dieu , duquel toutes cho
fes viennent & dependent. Puis que ie me re
tire à Dieu en ma maladie,ie recognois fa bon
té & mifericorde, & la puiſſance qu'il a de me
guarir. Parquoy il faut confeffer que Dieu a
ordonné ce moyen pour nous donner ce qui
nous est neceſſaire,& qu'il veut eſtreprié : Car
non ſeulementil nous inuite à demander, mais
Rr 5
634 v. D 1 M E N c H E
austiil nous le commande , Matth. 7. Pétite, &
accipietis.Demãdez,&ie vous affeure que vous
l'aurez:C’eſt ce qu'a bien remarqué fainét Iean i

Chryſoſtome, homil de Moſe. Qui petere iubet,


optat dare.Moyennant q nous demandions ain
comme il appartient. C'eſt ce qui eſt declaré
en nostre Euangile,au commencement duquel
"***" noſtre Sauueur dit:Amen amendico vobis, st quid
petieritis patrem in nomine meo,dabit vobis. En la
premiere partie de ceſt Euāgile eſt fait métion
d’vne affeuree exaudition & ferme oćtroy de
nos prieres & requeſtes. Secốdemết,d'vne ma
nifeſte cognoiſſance des choſes diuines. Tier
cement,d'vne falutaire confeſſion de la foy des
diſciples. En la premiere partie Ieſus Christ
nous ippoſe quatre chofes, par leſquelles nous
fommes prouoquez & inuitez à faire priere à
noſtre Seigneur & Pere createur. La premiere
eſt la verité de celuy qui promet, par laquelle
nous ſommes affeurez de l'adoption & cốfecu
/ tion des choſes par nousdemấdees en nos orai
fons. Partant dit Ieſus Chriſt: En verité en ve
rité ie vous dy : La bouche de verité ; qui eſt la
meſme verité eternelle,laquelle eternellement
ne peut mentir, a iuré parfoy-meſme. Lequel
n'a aucun plus grand que luy, quant à la diui
nité: il eſt tout-puiſſant pour faire tout ce qu'il
****** promet. Celũ ở terra tranfibunt, verba autē mea
non tranfihunt. Le ciel & la terre faudront,mais
mes parolles ne faudront pas. Mais vn iota ou
le moindre traićt ne faudra de la loy, iuſques à
- CAIlt
A p R E s p A s Q v e s. 63y
tant que toutes choſes foyết faićtes.Ayất dốc
questelles promeſſes affeurees: Adeamus cũfi- He*-*
ducia ad thronữ gratie,&c.Allős auec grãde fiá
ce au throfne de fa grace, à fin que nous obte
nions miſericorde & trouuiós grace en temps Amen quoy
conuenable.Amen,eft vne voix Hebraïque,la
quelle interpretee vaut autátà dire comme en
verité ouvrayement,fidellement, ou qu’il foit
ainſi,e’eſt à dire que nous affeuriós qu'il eſt ain
fi.Verité iure par verité, duquel la parolle de-,.e.n.,.
meure eternellement:Fidelis dominus in omnibus
verbis fais,& fančius in omnibus operibus fuis. Car
il est fidelle en toutes fes , & fainćt en Pfal.1***
toutes ſes oeuures. Voyla vne affeurance infal
lible de la promeſſe diuine, en verité en verité
ie vous dis.Moy qui fuis la verité. Vobis, Vous
qui eſtes mes amis:qui croyez en moy ; qui ef
en qui m'ayimez ſyncerement : qui
ićtes mescổmandemens: qui auez abandőné
le monde pour me ſuyure : qui auez auecques
moy perfeueré en mes tribulations, fi vous de
mandez quelque choſeà mốpere en mon nom,
il le vous dốnera. Eſquelles paroles noſtre Sei- o„, „
gneur nous appréd quatre cốditions, que nous reqni
deuons obſeruer quand nous prions noſtre pe-fes en l'orai
re qui eſt aux cieux.La premiere est quelle cho-/º”.
fe nous deuons demáder en nos prieres.2. Cő
ment nous deuons nous deuons
prier.4. Au nom duquelnous deuốs prier. Pre
mierement il faut que quand nous prions ce
que nous demandons ſoit d'importance, # fo
ide,
636 v. d 1 M e N c H e -

lide,comme dit S.Auguſt.Tratt. 1o2. in Ioannẽ.


Carce mot Quid,estfubstantialerelatiuii:Lequel
fignifie les biens ſpirituels, qui veritablement
Les bië's ter
font les vrays biens & dons : à la comparaiſon
f
riens ne fon
deſquels lesbiens de ce preſent fiecle ne font
rien, 69 pour rien,& pourrien eſtimez.Ainſi les parfaitsimi
rien estime K. tateurs de Dieu, ce que le monde iuge gain,ils
Philip.s. le reputent dommage & le meſpriſent comme
fiante en leurcoeur. Car les hommes terriens
qui deſirent les biensterriens,ils font vuides &
vains,ils paſſenten image & non en verité : ils
font comme l'ombre & non comme le corps,
ils ont l'eſpece & apparence, mais ils n’ont pas
l'exiſtence ou l'effećt des chofes. Et pource ils
ne font rien. Et en pechant ils font faićts rien.
Pfal.72
Comme difoit Dauid: Qui apresauoir peché
diſoit: Ad nihilum redačius fumeớ neſciui: Îe fuis
reduićt en riế,&ie ne l'ay pas ſceu. Si vous de
mấdez quelque chofe,dőnezvous garde qu'el
le foit bonne,àfçauoir neceſſaire pour le corps,
& falutaire pour l'ame. Carles enfans d'Adam
& du monde cóme gens aueugles & aueuglez,
amateurs des vanitez & voluptez demandent
choſes vaines,inutiles,nuifibles, qui plongent
1.rim.s. l'homme en deſtrućtion & perdition. Les vns
demandent les richeffes traiſtreffes, & les thre
forstrefords & fales: les autres demandent les
honneurs mốdains:les vns les delices charnel
les,les autres vengeấce ou mort de leurs enne
mis.Ils defirent & demãdent dommage à leurs
prochains,leſquels (felon le cómandement de
Dieu)
ApREs p A s Q v E s. 637
Dieu)ils doyuent aimer de coeur,prier Dieu de
bouche pour eux: leur faire bien en temps &
lieu : autrement leur oraiſon eſt peché execra Matt.f,
ble deuant Dieu.Telle oraiſon eſt indigne que
elle foit nommee oraiſon. Mais ceux font les
vrays biens qui font cooperatifs & promotifs
de noſtre falut: A fçauoir foy vraye, eſperance Foy, efferan
ce Gº charité
ferme & charité ſyncere, & qui ne les a,il n’eſt yrays biens.
rien,il n’a rien:voire s'il auoit entierement tou
tes les richeſſes & feigneuries de ce preſent fie
cle, & qu’il fust aorné de toutes fciéces & ver
tus. Et ne penſe point qu'il faille demander en
noz oraiſonsles biens temporels, finon pour la
neceſſité corporelle, & moderément aux biens
eternels. Quand nous prions en l'oraiſon Do
minicale,diſant: Panem nostrum quotidianum da
nobis hodie. Dốne nous auiourd'huy nostre pain
quotidian: c'eſtà dire,touteschofes neceſſaires
à nostre vie : Par là nous le prions qu'il vueille
parfa grace ſubstấter & conferuer nostre corps
des chofes neceſſaires à la vie mortelle,comme
viande,breuuage,vestement,paix,fanté:le tout
à fagloire & à noſtre falut. Ainſi le grand ora
cle de fapience le fage Salomon tant ſeulemết
a demandé à Dieu les choſes neceſſaires pour
la vie & pour estrevestu,diſant:Duo rogauite,ne Prou.so,
deneges mihi antequam moriar. Mendicitatế& di
uitias ne dederis mihi,tribue tantă vittui meo neceſ:
faria:Ie t'ay requis deux chofes, ne m’efcõduis
point deuant que ie meure: ne me donne point
pauureté ny richeffe:mais ſeulement donne les
cho
638 V. D 1 M E N C H E

choſes neceſſaires à mon viure, de peur que


parauanture,quand ie ferois faoulé,ie ne renie
& die, qui eſt le Seigneur?ou que quandie fe
roye pauure, ie ne defrobbe, & que ie ne pré
ne le nom de mon Dieu en vain, contrainćt &
preſsé par impatience & pauureté. Semblable
2.Tim. 6. choſe confeilloit l'Apostre S.Paul, difant: Ha
bentes alimeta & quibustegamur his cõtentifimus,
Ayant la nourriture, & dequoy nous foyons
couuerts,foyons contens de cela. Secondemét
noſtre Seigneur nous enfeigne cőme nous de
Luc. 18.
uonsprier, quand il dićt : Si vous demandez
r.Tim. ó ,
c2fatt. ?,
quelque chofe,à fçauoir en perfeuerát en orai
-4ář. I. fon:Oportet/emperorare & nõdeficere.Car il faut
toufiours prier & nó ceffer. Et en vn autre lieu:
Sineintermiſſione orate.Priez fans ceffe. Ainſi les
Apostres d'vne meſme volonté perfeueroyent
en oraiſon. Nous perfeuerons toufiours en o
raiſon. Nous prions fans ceſſe & toufiours,
quand toufiours tout ce que nous penſons, di
fons,& faifons eſt fait à l'honneur & gloire de
Dieu, pour l'edification de nos prochains, &
falut de nos ames.Cela s'appelle prier toufiours
& fans ceffe.Tiercement noſtre Seigneur nous
enſeigne quel est celuy lequel nous deuons
prier, quand il dićt: C’est Dieu le pere, lequel
Luc. I 1. premierement nous deuons prier: Qui
Iac. r. tum bonum petentibus fe. Qui donne bon eſprit à
ceux qui le demandent:A quo omne datum opti
mü & omne donum perfectum,& c.Duquel toute
bonne donation , & tout don parfaićt de
ſcend
|
|
A p R e s p a s Q v e s. 639
ſcend : Auquel nous deuons dreffer nos prie-Dieu :
res,comme a l'aucteur, donnateur,collateur & :
diſtributeur de tous biens: à fçauoir, de grace , de grace
en ce monde,& de gloire au fiecle aduenir. Se- e de loire
condement , nous deuons prier Ieſus Chriſt doit estreprié.
comme fils de l'homme,Preſtre felon l'ordre de
Melchiſedech eternellement, moindre que le
Pere, mediateur de Dieu & des hommes: qui
par le merite de la cruelle mort qu’il a endu
ree en fon corps, a impetré pour les hommes
grace & gloire : & lequel cóme homme vraye
ment aymant les hommes, prie Dieu le Pere
pour les hommes, qui comme Dieu auec le Pe
re & le fainét Eſprit nous donne grace & gloi
re.Tiercemét, nous deuons prier la Vierge me
re, & les glorieux eſprits de tous les Saincts &
Sainćtes de Paradis,non comme dieux ou com
me auteurs & collateurs de grace & de gloire:
mais comme interceſſeurs, aduocats, implora
teurs & mediateurs enuers noſtre Dieu, Pere,
Createur & Redempteur. Et à parler propre
ment, nous adorons Dieu, & prions les Sainćts
& Sainćtes de Paradis. Icy nous pourriós eſten
dre les aiſles contre les aduerſaires & blaſphe
mateurs de l'hốneur & inuocation des Sainćts,
comme amplement pourrez voir en noſtre li
ure de la probation des fainéts Sacremens, de
l'oraiſon aux Sainćts,chapitre Io. Quartement,
nous deuons auſſi prier ceux leſquels en
cores ce preſent fiecle retient en corps & chair,
comme dit fainćt Iacques:Oratepro inuicem, vt Iac. r.
falue
64o V. D I M E N C H E

faluemini.Priez les vns pour les autres,à fin que


vous foyez fauuez : c'eſt à dire, ce que vospe
chez empeſchent ſoit depefché par dignes,pu
res & fainćtesprieres,à fin que finalement vous ;
puiſſiez tous paruenir à la poſſeſſion de la gloi- :
re eternelle. Quartemết, noſtre Seigneur nous ;
enſeigne au nom duquel nous deuons prier le
pere celeſte,quand il dit: En mon nom. Et de là |
eſt venu que toutes les oraiſons de nostre tref-
loyalle mere l'Eglife font cốclues,terminees &
finies au nom de Ieſus Chriſt noſtre Seigneur
& Sauueur. Nous prions Dieu le Pere qu’illuy
laiſe nous donner les choſes neceſſaires & fa
Par noſtre Seigneur Ieſus Christ fon
fils,qui regne & vit auec luy en l'vniố du S.Ef
tous les fiecles des fiecles. Nous
a Vierge mere, tous les Sainćts & Sainċtes de
Paradis, à fin que par leurs dignes interceſſions
la fainćte Trinité nous vueille donner grace &
gloire, au nom de Ieſus Chriſtnostre Seigneur,
Redempteur & Sauueur. Vrayemét c'est choſe
digne,iuſte, raiſonnable & de prier le
vertu du
Pere celeſte au nom de ſon fils Ieſus Chriſt. Car
»om de Iefiu
Christ. fon nom eſt de fi grande vertu & efficace, que
nőfeulement veu & prié,mais feulement nom
mé enuers le Pere,fait chofes admirables:com
Exod. 2o. me il est eſcrit:In omniloco in quo fuerit memoria
nominis mei,veniãadte & benedicam tibi. En tout
lieu auquel fera la memoire de mon nom, ie
viendray à toy & te beniſtray.Iuſtemết & con
uenablement nous prions le Pere au
-
ne O Il
.A P R E s p A s Q_v = s. 641
fon fils,pourpluſieurs raiſons. Premierement,à
raiſon de l'amour fouueraine , duquel le pere
ayme ſon fils,lequel est defigrãde efficace,que Raiſonnaile
tout ce qu'on lůy demande en ſon nom, le Pe- e Pere“†au nö
»' /

reexauce & oćtroye, 2.Car le fils a osté la cau- de fon Fils, 69°
fe pour laquelle le Pere nous estoitinexorable, pourquoy,
à peché, lequel empeſchoit nos orai-Iºani.
fons. Et en oſtant peché il a faict nostre appoin- ***, **
tement,vraye concorde & alliance auec le Pe- - , :, :

re. 3.Ila ſupplié le Pere pour receuοir nos prie


res dans le ſacraire de fa bonté & mifericorde,
diſant : Pater/anëte, ferua eos in nomine tuo quos Ioan.rz.
dedišti mihi:Pere fainćt, garde ceux en ton nom * * r. -
leſquelstu m'as donné. Finalement, nous deuốs
rier le Pere au nom de fon Fils. Car en luy,de
& par luy, tout bien,grace,verité & gloiré.
nous eſt preparee & appareillee. Donc ſi vous
demandez quelque chofe à mon Pere en mon * -:
nom,il la vous donnera,moyennant que ce foit '
chofe qui appartiennę à voſtre falut. Car, cốme .
dit S.Aug.traff.102 in Iaan.In nomine Christipe-
- * * A.” “w
: çhrist
; double fon in
tere,estpetere
gneur doublequodpertinet adfalutē.
fon iurement, quandNostre
il dit :Sei
En . e

verité, en verité. Ce qu'il fait pour pluſieurs -

cauſes.Premierement pour demonſtrer qu'aux


tribulations,aduerfitez & perſecutions,le prin
cipal refuge est prier Dieu, commeil eſt eſcrit:
Cùm ignoramus quid ageredebeamu,hoc folùm ha- e Para.ae.
bemus reſidui, vt oculos nostros ad te dirigamus:
Quãd nous ne fçauós quelle chofe nous deuốs
faire,cela nous reſte de dreſler & leuer nós yeux
542 V. D I M E N C H E -

à toy. Secondement,pour demonstrer qu'il est


vray mediateur de Dieu & des hommes. Car
comme nul ne peut venir au Pere finon par le
Fils: Ainſi nul ne peut impetref quelque chofe
du Pere,finon par Fils. Tiercement,il repete
oraiſon à ce mot par pluſieurs fois. Car l'oraiſon a plu
pluſieursten- fieurs & diuerſes tentations. Premierement,
tatiös, G sã- car perſonne ne reſpond
9/3g/g f» condement, l’octroy de àlaceluy
prierequi
eſtprie. Se
fouuent
differé & delayé. Tiercement, aucunefois il
aduient au contraire de ce qu’on demande. Et
partant il dit: En mon nom. Caril ne faut pas
Pas z. prier en noſtre nom,ou par nos merites: Neque
enimin iustificationibus nostrispreces proffernimus
antefaciem tuam, ſed in miferationibus tuis multis:
Nous ne preſentons point nos prieres deuant
ta face en nos iuſtices , maisen tes grandes mi
’ “ ferations. Prier le Pere au nom defon Fils, est
·1"w: le prier par le merite de fon incarnation, nati
. No Fre sei- reſurrećtion & aſcenſion. Il vous
neur donne donnera premierement abondamment plus
" & outre que vous ne penfez ou eſperez , plus
""“. que ne demandezou entendez, &plus que ne
meritez: car il eſt fouuerainement bon , plus
preſt & appareillé à vous donner, que non pas
vous à demander. Secondement, il vous don
nera gratuitement, c'eſtà dire, fans eſperer re
" : compenſe, ou demander aucun profit: mais de
fa grace gracieuſement il vous donnera. Tier
cement, il vous donnera magnifiquement non
pas choſes petites » ains grandes, precieuſes i
CXC
AP REs p A s Q v E s. 643
excellentes felon ſa royalle liberalité & ma
gnificence. Quartement il vous donnera fu
perabondamment & plus que ne demandez:
comme il appert par les hiſtoires, tant de l'an
cien que du nouueau teſtament. Anne mere
du Prophete Samuel demanda à Dieu vn en
fant, & elle en receut pluſieurs. Le Roy & ****
fage Salomon ſeulement demanda à Dieu fa
pience pour regir,iuger,& gouuerner fon
ple,lequelestoit en grand nombre : & il obtint
plus qu'il ne demanda. Car Dieu luy donna
auec ſapience richeffes & puiſſance.Le bon lar
ron pendant en la croix aupres de Ieſus Chriſt
en le priant,difoit: Memento mei dum veneris in Live.2s.
regnum tuum, Aye memoire de moy quand tu
feras venu en ton regne : & il obtint d’auanta
ge. Car à ceste heure noſtre Seigneur le rerint
pour vn gentilhomme de fa cour. Le capitai Matts,
ne Centenier demandoit ſeulement à nostre
Seigneur vne parole pour la fanté de fon fer
uiteur:maisil impetra non ſeulemét la parolle,
mais auſſi plaine fanté entiere conualeſcen
ce: duquelgrandes choſes font preſchees par
Ieſus Chriſten l'Euangile pour la loüange de la
foy dudićt Centenier.Finalement il vous don
nera en temps conuenable. Pource il dit, Da
bit, Il vous donnera au temps aduénir. Souuết westre sci
il differe l'ottroy desprieres par diuine diſpen-gneur difere
fation. Car pluſieurschofes ne font pas refu
fees à ceux qui prient:mais elles font differees, :::::::
à fin qu'elles foyent donnees à rº , & en imrin.
SÍ 2 -
644 V. D I M E N C H E -

similitudede temps conuenable. Le pere fçait ce qui est con


tdecin2“ uenable à l'enfant. Le medecin cognoist ce
e * - - -

s." qui eſt expedient au malade. Le febricitant


gneur. qui est en grande chaleur demande du vin ou
vn verre d’eauë. L’enfant demande vn cor1
ſteau. Mais le medecin n'exauce point le ma-
lade: ny le pere fon fils: ains refufent ce qu'ils
demandent. C’est pour leur grand profit: Ainſi
les enfans de Zebedee demandent le confor
ce & aſſociation du Royaume, par vn ordre
prepostere & au rebours. Ieſus Chriſtles a re-:
darguez & non exaucez: Pource qu’ils ne de
mandoyent pas bien, & choſes à eux domma
4tatt.2°. geables. L'Apoſtre Sainćt Paul aprié par trois
fois nostre Seigneur, à fin que l'aiguillon de la
chair, l'ange de Sathan qui l'aiguillonnoit &
collaphiſoit luy fuſt oſté. Et pourtant qu'il de
2.Cor.r2 •
mandoit ce qui ne luy estoit expedient, il n'a
pas esté exaucé. Semblablement le Prophete
3-Reg. 16. Samuel priát Dieu auec pleurs & plaints pour
le Roy Saul, il ne fut pas exaucé. S’enfuyt en
l'Euangile : V/quemodo non petistis quicquam in
nomine meo : iuſquesà preſent vous n’auez rien
demandé en mon nom:pour pluſieurs raiſons,
Premierement pource que rien ne leur defail
loit au temps que noſtre Seigneur habitoit &
conuerſoit auec eux : Pource il ne leur eftoit
neceſſaire de demander aucune chofe au pere.
e Mais quandil a eſte receu au ciel où il a choiſy
* . à ſoy vn lieu à la glorieuſe dextre de la majeſté
paternelle, lors illeur eſtoit neceſſaire de leuer
- les
* A P R E s P A s Q v E s. 645
les yeux, les mains, & le coeur au ciel. Secon
dement pource qu'ils ne fçauoyent pas enco
res que toutes choſes nous font donnees & o
čtroyees par Ieſus Chriſt. Tiercement pour
ce, que toute leur confiance confiſtoit en la
prefence corporelle de Ieſus Chriſt. Et quand
ils eſtoyent en quelque neceſſité, ils s'addreſ
foyent à luy:comme quand les diſciples le fuy
uirent & entrant en la nacelle vn grand mou
uement aduint en la mer: tellement que la na
celle eſtoit couuerte des vndes: mais iceluy
dormoit. Les diſciples vindrent & l'efueille
rent, difant: Domine faluanos,perimu : O Sei-44*****
Luc. 17.
gneur ſauue nous, nous periſions. Et comme
quand ils le prioyent, difans: Domine adauge
nobisfidem.Seigneur augmếte nous la foy: mais
quand ſa preſence viſible leur a eſté ostee, lors
ils ont apprins & ſceu comme il faut prier le
pere au nom de Ieſus Christ. Cela nous enfei
gne que fouuentil aduient que les choſes que
nous aymons plus que Dieu , & aufquelles
nousefperonsplus qu'en Dieu, par la volonté
de Dieu nous fontostees,àfin que nous foyons
contrains de demander ayde à Dieu , l'aymer
& du touten luy eſperer,& nő aux choſes cor
porelles & temporelles , leſquelles font labi
Îes,tranfitoires & fluides:Petiteeraccipietis.De
mandez & vous receurez. Certainement no
ftre Seigneur neus pourroit dőner toutes cho
fes fans le prier, comme il nous donne plu
feurs choſes fans nostre oraiſon, Toutefois il
- --- «

646 v. D1 M E Nc H e
veut estre prié de nous, à fin qu'en le priant
nous rendions teſmoignage que noſtre Sei
Dieu veut gneur eſt la fontaine de tous biens,& que nous
pourquoy.
º auons toutes chofes de luy & non pas de nous.
Il exige nos prieres comme il demande nos
oeuures.Car comme dit S.Auguſtin ferm.tj.De
verbis Apostoli,quite fecit finete, non te faluabit
finete.Celuy qui t'a creé fans toy,ne te fauuera
Iae. r. point fans toy. Demádez en foy(dit S.Iacques)
Ioan.rs. fans rien douter, & vous le receurez. Tout ce
que vous demãderez à mon pere en rnon nom,
ie le feray:à fin que le pere glorifié au fils:
Mar, rr.
Omnia quæcunque orantespetitis, credite quia ac
cipietis. Toutes choſes que vous demandez en
priant,croyez que vous le receurez.Olargeſſe!
ô benignité ! ô trefabondantes richeffes, de la
bonté & liberalité de noſtrebon Dieu & pere
fauueur, qui non ſeulement eſt enclin à don
ner,mais auſſi nous exhorte à demander.Il pre
fente fa grace,il appelle les defuoyez benigne
ment,il reçoit ceux qui retournent à luy mife
ricordieuſement,il pardonne les pechez,ildon
ne le Royaume. S’il ne nous vouloit exaucer &
nous donner les choſes demandees, il ne nous
inuiteroit pas à le prier... -

Icy nous pourrions pourfuyure les loüan


ges,profits & vtilitez d'oraiſon. Ce qu'ample
ment vous trouuerez en noſtre liure des ſacre
mens, en l'article d'oraifon, chapitre neufief
me.Confequemmết noſtre Seigneur nous en
feigne ce qu'il faut demander: Vt gaudium ve
strum
A p R r s P As Q y e s. 647
frumfitplenum : à fin que voſtre ioye ſoit plei
ne, laquelle vous est preparee dés la fonda
tion du monde, & pour laquelle poſſeder vous
eſtes creez & rachetez. Icy nous faut noter
que l'eſcriture fainćte nous faićt mention de
quatre manieres de ioyes. La premiere eſt vai- ggetre ives
ne, instable, inconſtante, pleine de calamité & { . 'f
miſere: à fçauoir, la ioye de ce monde, & des / .
enfans de ce preſent fiecle.Les vns fe refiouyſ- de.
fent en leur puiſſance & honneur : mais ceste
ioye eſt comme la veffie estendue & remplie
de vent. Car à la pointure ou picquement d'v- :;:
ne petite aiguille,en vn moment elle perd tou- : ;:
te Ainſi eſt-il de la ioye des glo- a .
rieux mondains, laquelle n'eſt qu'vn vent qui
legerement paſſe. Les autres comme les Mam
moniſtes,auaricieux,vfuriers & rapineurs, s'ef
iouyffent en l'abondance de leurs richeffes.
Mais ceste ioye eſt vaine : car le riche n’eſt
iamais rafſafié d'argent. Et comme le feu n'est Prenerbes.
pas eſteinćt ou diminué, mais augmenté, pour ' .
y mettre quantité de bois, du fouarre, de la .
poix, ou de l'huile : Aufſi l’auaricieux qui fert
aux richestes, n’eſt iamais en repos ou en ioye
permanente. Car il est tout ainſi que l'alteré
qui veut eſteindre fa foif en beuuant de l'eau º “--
fallee. Ainfi les richeſſes prouoquent la ſoif, simititude de
pource qu'elles font auoir faute de beaucoup :
de choſes. Et comme dit Dauid: Dormierunt e.*
fimnumfuum, & nihil inuenerunt ºmnes viri diui
Sf 4
448 . v. d 1 M E N c H e
tiarum in manibus fuis. Ils ont dormy leur forn
fneil, & tous les hommes n’ont rien trouué de
leurs richelles en leurs mains. Les autres fe
refiouyſſent aux delices de la chair : mais ce
n'est que vanité, comme dit Salomon, lequel
apres auoir experimenté & eſprouué les deli
ces qui prouiennent de ce monde, & de la
chair, il nous en a laiſſé foniugement & adgis
par eſcrit,diſant: Vanitas vanitatā & omnia va
nitas : Vanité des vanitez & toutes choſes font
vanité. Les autres fe refiouyffent en leur gour
mandife, voracité & yurongnerie : contre lef
quels l'Eſprit de Dieu par fon Prophete Ifaye
s'eſcrie & profere maledićtion, qui font leur
Dieu đeleur ventre,difant: Ve vobis qui confur
gitis mane adebrietatem/ečtandam, & potandum
z/que ad vesperam: vt vino effuetis: Maledićtion
fur vous qui vous leuez de matin pour fuyure
l’yurongnerie, & pour boire iuſques au vefpre:
à fin que le vin vous efchauffe. Doncquestel
le ioye eſt vaine, pleine de calamitez, de mi
fere & maledićtion. La feconde ioye est des
iuſtes, laquelle procede de la cognoiſſance de
Dieu par foy, fortifiée par ferme eſperance,
confornmee par ſyncere dilećtion & charité.
r .
Matth. 2. Ainſi fe font refiouys les fages Roys d'Orient,
*:: - wº . . . . apres qu'ils ont trouué le nouueau Roy nou

. . . uellement né : & les benoiſts Apostres Gauist


*
::::funt zufo Domino, fe font efiouys quand ils ont
** *

veu nostre Seigneur Ieſus Chriſt. Laquelle


íoye, combien qu’elle ſoit vraye, encores n’eſt
elle
- A P R E s P As Q v e s. 649
elle pas parfaictement pleine. Car ils ne l'ont
pasencores veu face à face comme il est : Ils
ont veu le Soleil couuert fous la nuee de la
chair, & Dieu caché fous le manteau d'hu
manité. Et combien que ceux qui aymét Dieu,
toufiours s’efiouyffent en noſtre Seigneur , &
font pleins de ioye en Dieu leur Sauủeur: tou
tefois ceſte ioye en partie est imparfaićte, fi el
le est conferee & accomparagee à la ioye de
Paradis. La troifieſme ioye eſt parfaićtement
&entierement pleine : à la ioye de Pa Matth. 2r.
radis, de laquelle il eſt eſcrit : Intra in gaudium
Dominitui : Entre en la ioye de ton Seigneur,
laquelle confiſte en la claire vifion de Dieu,
fruition & iouyfiance de la diuine effence. La
quelle ioye , comme dit la trompette Euan r. Cor.2,
gelique, apres le Prophete Eſaie : Oculus non E/a.46.
vidit,necauris audiuit, &c. L’oeil n'a point veu,
l'oreille n'a point ouy, & n'eſt point monté au
coeur de l’homme les grands biens que Dieu a
preparé à ceux qui l'ayment, comme difant:
Mes yeux voyez & contemplez le Soleil re
luiſant,la Lune lumineuſe,& les Eſtoilles clai
res. Voyez toute la circonference de la terre,
les herbes verdoyantes , les arbres floriflans
& frućtifians, les threfors, comme or , argent,
pierres precieuſes, rubis, efmeraudes , & fa
hyrs, & tout ce qui peut refiouyr la veuë de
'homme. Appliquez à vos oreilles les doux
chants des oyſeaux,les accords des inſtruments
de muſique, comme des ºs : , pfalterions,
ST f
6;o Vs D I M E N C H E *

cistres, violons, regalles, & eſpinettes , & les


chants melodieux des voix humaines , & tout
ce qui peut refiouyr l'ouyé de l'homme. Ap
pliquez en vostre coeur tout ce qui luy peut
donner plaifir & recreation. Or maintenant
dićtes auec le Prophete Efaie, & fainćt Paul
l'Apoſtre : Mes yeux vous ne pouuez tant voir,
mes oreilles vous ne pouuez tant ouyr , mon .
coeur vous ne pouuez tant comprendre , com
bien grãds,glorieux,& excellents font lesbiens
ue Dieu a promis & preparé à ſes enfans &
feruiteurs. La quatrieſme ioye est fur
pleine, ſuperabondante, & tres-parfaićtement
pleine. Laquelle ioye eſt Dieu meſme, Car le
Pere s'efiouyt au Fils, & au fainét Eſprit,le Fils
s'efiouyt au Pere, & au fainét Eſprit, le fainćt
Eſprit s'efiouyt au Pere, & au Fils. Ceſte ioye
eſtvne beatitude perpetuelle, vne ioye effen
tielle, vne gloire eternelle en vne Trinité infe
parable,& fainćteté indiuifible. Hec in prouer
bijslocutus fum vobis. Ie vous ay dit ces choſes
en prouerbes. Le mot de Prouerbe en ce lieu
fignifie parolles obſcures, & non encores re
uelees. Car quant à la lettre,Ieſus Chriſt a pro
& prefché pluſieurs paraboles, prouer
bes,& fimilitudes,en quoy il a condeſcendu &
compati à noſtre infirmité : pour nous endo
ćtriner & enſeigner, cốme à exemple nous
deùons condeſcendre à l'infirmité de nos pro- .
chains. Venit hora cùm iam nõ inprouerbijs loquar
vobisyfedpalàm de patre annữciabo vobis.L'heure
V1C nt
A p R r s P A s Q y e s. 6fi
vient quand maintenant ie ne vous parleray
point en prouerbes: mais ie vous
annonceray de mon Pere : à fçauoir au iour de
la Pentecoste, auquel il a enuoyé le S. Eſprit
qui a manifeſté l’Euangile par lequel nous co
gnoiſſons que Dieu nous eſt faict pere parfon
fils Ieſus Chriſt, & que nous fommes enfans
de Dieu, duquel nous deuons attendre tous
biens,grace,verité,& gloire:Inillo die in nomine
meopetetis. Et en ceiour là vous demanderez en
mon nom,quand le fainét Eſprit vous aura en
feigné toute verité.Carapres quela grace leur
a estéreuelee par le Sainċt Eſprit, ils ont plus
parfaićtement cogneu la vertu du nom de Ie
Le Fils ne
fus que auparauant.Etie ne vous dispas, car prie
;- ---- - pas le
ieprieray monperepourvous.Il ſemble quant :
à la lettre qu'il a dit le contraire: Ieprieray mő „su, mens.
pere. Leſquelles paroles facillement peuuent
eſtre accordees, fi benignement nous voulons
(comme nous deuons) interpreter les ſacrees
&fainćtes eſcritures.Premieremếtiuſques icy
i'ay feul prié mő pere:doreſnauant & icy apres
ie ne le prieray pas feul:ains vous auec moy, &
moyauec vous le prierons. Donc Ieſus Chriſt
nereiette ou reboute point fa priere: mais il
nous reçoit en fa communion, à fin que nous
foyons freres, fes membres, & coheritiers
auec luy en la gloire celeste deparadis. Secon
dement ceſte # fe peut entendre : Ie ne
vous dispas,carie prieray mõ pere pour vous:
c'eſtà dire,felon la nature diuine.Car combien
- que
652 V. D I M E N C H E -

s
que Ieſus Chriſt felon la nature humaine prie
pour nous: toutefois comme Dieu il ne prie
pas pour nous : mais auec le pere & le Sainćt
Eſprit, il exauce nos prieres , & nous donne
les choſes iuſtement demandees. Ce que les
Apostres ont cogneuprincipallement apres la
miſſion & reception du fainćt Eſprit. Tierce
ment ou bien cela fe peut entendre qu'il ne
fera pas neceſſaire que le Seigneur Ieſus prie
pour les Sainćts qui feront, viuront, & re
'gneront auec luy en la felicité & beatitude
eternelle: car en icelle n'y a point d'indigence
ny neceſſité:Ipfe enim pateramat vos. pe
* re vous ayme. O parolle de grande conſola
tion, le pere vous ayme. Quelle choſe plus
grande nous pourroit aduenir ? Il femble estre
treſgrande choſe d'eſtre aymé des Princes &
des grands Seigneurs. Toutefois le pfalmo
Pſal.uz graphe nous enfeigne & preſche : Nolite confi
dere in principibus, &c. Ne vous fiez pas aux
Princes ny aux enfans des il
n’y a point de falut.Bien heureux est celuy que
Dieu ayme: Quia vos me amastis & credidistis,
Grc.La cauſe pourquoy le pere nous ayme, c’eſt
„pource que nous aymons fon fils & que nous
: croyős en luy:Voyła łeferuice au pere plaiſant
pere. & aggreable:à fçauoir aymer fon fils, & croire
en luy. Si donc le pere nous ayme pource que.
nous aymons ſon fils, il s'enfuit que ceux qui
n'aymét pas le fils,lepere ne les ayme pasauffi.
O amour ineſtimable ! Nostre bon Dieu &
-
A p R E s p a s Q y e s. 653
pere createur nous a donné le monde, & tou
tes les choſes qui font en luy, il nous a donné Amour ines.
les Anges en miniſtere:Sic Deus dilexit mundum tarable du
vifiliumfuum vnigenitumdaret, &c. Dieu a tant! celeste
aymé le monde, qu’il a donné fon fils vnique, 2:a f27*
nonpas pour iuger le mondermais à fin que le het.r.
monde par luy foit fauué. Il nous a donné fon Ioan.s.
fils pour estre compaignon de nostre peregri
nation, & feruiteur pour nous feruir en vian
de de refećtion,en prix deredemption, en prix
de labeur: mais à mieux dire, il nous a donné
1.Cor. 9.
touteschofes en luy & auecques luy. Et luy
meſme s'eſt faićt toutes choſes à tous. Autre
raiſon pourquoy le pere nous ayme, & la foy
comme il dit: Et quia credidistis,quia à Deo exiui,
parce que vousauez creu que ie fuisistu du pe
re. Ilioinćt & accouple enſemble charité &
lafoy, car foy & charité font deux vertus ex Charité pre
cede la foy.
cellentes & aggreables à Dieu. Il met charité S pourquoy.
deuant que la foy. Car premierement charité
est plus grande que la foy.Secondement pour
ce que la foy fans charité est morte & infru
étueuſe:Ewiui à patre crveni in mundum. Ie fuis
illudu pere en prenant chair humaine & for
me de feruiteur,& fuis venu au monde: Iterum
relinquo mundum & vado ad patrem. Derechef
ielaille le monde par ma paffion, & par ma
prefence corporelle & viſible. Et ievay au
pere pour receuοir honneur & gloire. Toute
foisIeſus Christ n'a pastellement laiſſé le mő
de qu'il ne foitauecques nous par fa preſence
" . - corpo
6;4 v. d1M ENcHe
corporelle au fainét Sacrement.Ceux qui font
mortellemét naurez des erreurs ſchiſmatiques
veulent fi eſtroićtement attacher le corps de
Ieſus Christ au ciel, qu'il ne puitſe eſtre en au
* tre lieu.Mais les Catholiques indubitablement
croyent que le corps de lefus Chriſt eſtant çà
bas au fainét Sacrement par vertu diuine,puiſ
fance infinie & felon ſon bon plaifir,il eſt fem
blablement & en vn meſme inſtant au ciel &
à la dextre de Dieu le pere. Ainſi l'ont creu
ceux de la primitiue Eglife, comme il appert
par ce que dit fainét Iean Chryſoſtome lib.3. de
facerdotio.O miraculum! Qui furfum fedet ad dex
terampatris, ſacrifici tamẽ tempore hominum ma
nibus continetur. Auffinous croyons qu'il eſt au
ciel fans l'enclorre ny enfermer qu'il ne foit
auffi en la terre. Voyez en nostre liure des
fainćtsSacremens en l'article de l'euchariſtie
chapitre feize. Ses diſciples luy difent : Ecce
nunc palam loqueris & prouerbium nullum dicir:
Nunc/cimus quiastis omnia: Voicy maintenant
tu parles apertement, & ne dis aucun prouer-
be,maintenant nous fçauons & croyős que tu
fçais toutes chofes : ce qui appartient à Dieu
feul, auquel ſeul tous les threfors de la fapiếce
Re”.º. diuine font & abondent. Il cognoiſtles coeurs
de tous les enfans des hommes, les yeux du
quel font plus reluyfans que le Soleil. Car ils
voyent toutes les voyes des hommes, les pro
fonds des abyſmes, & penetrent la profondité
despenfees,cognoiſſent toutes creatures auant
qu'el
A p R E s p A s Q v E s. 655
qu'elles fuffent creées. Et non opus tibi vt quiste
interroget. Et n’eſt pas de beſoing que aucun
t'interrogue. Car auất que t'interroguer,tu co
gnois quelle chofe on te veut demander. Non ****
estvlla creatura inuiſibilis in confþettu eius, &c. II
n'y a aucune creature inuiſible deuất luy.Tou
teschofes font nues & deſcouuertesà fes yeux.
Finablement , ils confeffent la diuine & eter
nelle generation: par laquelle le Pere eternel
lement engendre le Fils,difant:In hoc credimus, Ioan.s.
quia à Deo existi:Nous croyons en cela,car tu es
ilfu de Dieu. Quj croit auffi, il n’est pas iugé:
maisila vie eternelle. Prions noſtre Dieu eter- ºr*/""·
nel,tout-puistant, & immortel, qui nous a pro
mis,que par l'inuocation de fon fainćt nom, le
Pere celeſte exaucera nos prieres, leſquelles
nous luy preſenterons, luy plaiſe continuelle
ment augmenter en nous la grace de fon fainét
Eſprit,à fin que par deuots fuffrages d'oraiſons,
vers Dieu & les Saincts,nous puiſſions obtenir
remiſſion de nos pechez paſſez, preferuation
despechez aduenir , augmentation en vertu,
en bonnes oeuures, que nostre vie
ſoit à l'honneur, loüange, & gloire de noſtre
Seigneur,à l'edification de nos prochains,falut
& remede de nos ames. Noſtre Dieu par fa
bonté nous doint à tous la grace, que finable
ment nous foyons fauuez.Amen.
LE
656 - - - -

LE S ECOND IOV R DES


R o c A T 1 o N s.
JLwr, rr, F V I s vefirum habebit amicum, & ibit ad
illii media nočte, & dicet illi:amice, cõmo
| da mihitres panes. Apres á nostre Sau
ueur nous a apprins cóme nous le deuós prier:
cốme il appert par l'oraiſon, laquelle il a cópo
fé,pour remiſſion de nos pechez:main
tenát il nous enfeigne cómentenicelle oraiſon
nous deuons perfeuerer. Car par nature nous
Nature d'“ fommestoufiours en doute de la bonne volóté
. de Dieu enuers nous. Nous iugeons,ou q nous
fommes indignes d'estre regardez d'vne fi ex
JDieu. celléte & diuine majeſté, ou q Dieu est occupé
aux affaires de plus grãde importance, grauité,
& conſequence, qu'il puiſle estre excité pour
exaucer les prieres des creatures tất pauures &
abiećtes. Et de là vient que nous ſommes fiin
deuots à oraiſon. Et fi quelquefois nous prions,
& nous ne ſommes exaucez felő noſtre plaifir,
par deſdain,pardeſpit,ou autremét, nous dete
( - : ftons, nous auons en horreur & abomination
les deuots ſuffrages d'oraiſons. Ainſi l'oraiſon
a pluſieurs & grãdes tentatiős. Premierement,
en l'oraiſon perſonne ne reſpond. Seconde
ment, l'oćtroy & requeſte de l'oraiſon aucune
fois eſt differee & dilayee. Tiercement,aucu
nefois le contraire aduient de ce que nous de
mandons. Parquoy l'admonition eſt neceſſaire,
par laquelle nous foyons conferuez à la
Cllộ
D ES R O G A T I O N S. 657
feuerance d'oraiſon, comme il appert en l'hi
ftoire Euangelique, en laquelle Ieſus Christ
nous propoſe deux comparaiſons. La premie
re que Dieu peut eſtre efmeu a exau
cer par la fidelle oraifon. La feconde enfei
gne que Dieu certainement veut exaucer &
nous oćtroyer , ce que falutairement nous luy
demanderons. Commençons a declarer la pre
miere comparaiſon recitee en noſtre Sainćt
Euấgile:Quis vestrum habebit amicum, &c. Qui Perfuerante
fera-ce d’entre vous qui aura vn amy, & yra à en oraiſon,
luy à minuićt, & luy dira: amy preſte moy trois
pains. Car mon amy m’eſt venu voir en paſ
fant, & n’ay rien pour mettre deuant luy. Et
que celuy qui eſt dedans, reſponde,& die : Ne
me donne point de faſcherie, car defia mon
huys eſt fermé, & mes enfans font auec moy
en la couche. Ie ne me peux leuer & t’en don
ner. Et fi ceſtuy perfeuere frappant à la por-
te, ie vous dis, iaçoit qu'il ne ſe leue pas pour
luy en dònner, pource qu'il eſt fon amy: tou
tefois par fon importunité, il fe leuera, & luy
en donnera autant qu'il en aura beſoing. Par
ceſte fimilitude nostre Seigneur nous donne à
entendre qu'il exauce les oraiſons perfeueran
tes & continuees, Par le nom d'amy, nous en
tendons Ieſus Chriſt:comme luy meſme le teſ
moigne : Maiorem hac dilectionem nemo habet, Ioan. 1 r.
quàm vt animam ſuam ponat quis pro amicis filis:
Vos amici mei eftis, fifeceritis que ego 2/0
His, &c. Perſonne n'a plus grande dilection que
Tt
658 L E s E c o N D I o V R ,
ceſte , à fçauoir que aucun mette fa vie pou
fes amis. Vous eſtes mes amis , fi vous faićtes
toutes les choſes que ie vous commande. Ie
ne vous dy plus mes feruiteurs, Car le ferui
teur ne fçait que fon Seigneur faićt,Mais vous
ay dit mes amis. Car ie vous ay faićt cognoi
ſtre toutes les chofes que i’ay ouyes de mon
similitudede pere. Le fils du Roy plus grande charité &
*****9°'"
Dauphin de
amour ne fçauroit monstrer au pauure crimi
- 3 - • / 1 :

" nel, qui parfon forfaićta demerité d'eſtre pen


du au gibet, que de luy impetrer grace & par
don,luy fauuer la vie,& eſtre pédu pour le pe
ché du criminel en fon lieu & place : Ainſi le
Dauphin de Paradis Ieſus Chriſt noſtre Sei
gneur & Sauueur pour nos pechez , par lef
quels nous auions demerité eſtre pendus augi
bet d'enfer: il a eſté pendu pour nous au gibet
de la croix. Nous reconciliant à Dieu fon pe
re, enuers lequel il a impetré grace & remiſ
fion pour finablement nous inthronifer en fon
Paradis,& auec luy eternellemét regner. Voy
là noſtre grand amy, lequel toutefois nous di
fons dormir quand foudainement il n’exauce
- nos requeſtes felon noſtre plaiſir. Et lequel le
P/*ł.*3. Pſalmiſte Dauid excite & efueille,diſant: Exur
ge, quare obdormis domine?exurge, & ne repellas in
finē. Exurgedomine adiuua nos:& redimenos pro
pter nomen tuum. O Seigneur efueille toy,pour
quoy dors tu? Refueille toy. Ne nous debou
te iamais. Leue toy en noſtre ayde,& nous ra
chepte pour l'amour de ta benignité. Par le
- in Olll
D E S R O G A T I O N S. 659
nom d'amy qui eſt venu à la minuićt,nous en
tendons les afflićtions que Dieu nous enuoye,
lefquelles nous difons eſtre bonnes pour plu
fieurs raiſons. Premierement à caufe que c Affliéĩioas
bonnes.
fićtion eſt enuoyee du fouuerain bien,qui eft
Dieu, comme il eſt eſcrit en l'Eccleſiaſtique:
Bona & mala,vitač mors paupertas & honestu à Eccl. 1 r.
deo funt. Biens & maux, vie & mort, pauureté
& honneſteté font de Dieu. Donc comme
ainfi foit que tribulation eſt enuoyee d'vn fou
uerain bien qui eſt Dieu,bien doit eſtre receüe
& patiemment enduree. Car nous voyons que
le don receu de fon amy on le tient cher, & eft
foigneufement gardé pour l'amour de luy, &
pour la reuerence de celuy qui l'a donné pour
tant difoit noſtre Seigneur à S.Pierre : Calicem Ioan.rs,
quem dedit mihi pater, non vis vt bibam illum ? Le
calice que mon pere m'a donné, ne veux tu
pas que ie le boyue ? Tribulation eſt le breu
uage,amer,donné par l'ordonnance du fouue
rain medecin. Pourtant ne doit auoir paour le
malade d'enaualler trop. Car le medecin eft
fi fage,fi fidelle & bon amy:Quinonpatietur vos r. Cor. Fo.
tentarifupra id quod potestis, ſed faciei cum tenta
tioneprouentum, vt poſitis fistinere: qui n’endu
rera point que foyez tentez outre ce que pou
uez: mais fera bonne iſſue auec la tentation , à
fin que la puiſfiez ſouſtenir.Secondement tri
bulation eſt bonne.Car elle a eſté au fouuerain
bien qui eſt Ieſus nostre bon Dieu. Dont il eſt
manifeſte qu'elle eſt bonne, Car rien ne peut
Tt 2
66o ( L E s E C O N D I O V R.
eſtre en luy qui ne foit bon. Le fils du Dieu
fouuerain eſgal à luy en tout& par tout,ne pou
uoit endurer en fa nature diuine.Il a prins no
stre nature paſſible,en laquelle il a eſté flagellé
pour nous. Si le fils naturel & vnique qui eſt
fans peché a enduré peine & aduerſité, deuons
nous trouuer eſtrange, nous qui fommes pe
cheurs,cốceus en peché, nais en peché,nourris
en peché,& qui par longue accouſtumance pe
chons:trouuons nous donc (dis-ie) eſtrange fi
nous endurons tribulations & aduerfitez en ce
monde?N’eſt-ce pashonneur que nous faićtle
Roy quand nous peſchons en vn plat auec luy,
vſons de telle viande dont il a vfé eſtans à la ta
ble de la croix,auallans les derniers morceaux,
beuuans le fond du calice de fa paffion ? Bien
heureux eſt le Chreſtié qui partainfi de ce mő
de,finiflant fesiours en peine temporelle patié
ment portee pour l'amour de luy,dont s'enfuit
ioye perpetuelle. Tiercement ceſte tribula |
**,
* ,
tion conduit & meine l'homme au fouuerain
bien,qui eſt d'estre auec Dieu en paradis.A ce
fte occaſion indubitablement la deuons tenir
cóme bonne.Car S.Gregoire dit que les maux
qu'icy nous preſſent,nous contraignent aucu
Aőt. 14. nement d'aller apres Dieu & le cercher. Et par
pluſieurs tribulations felon l'eſcriture il nous
conuiết entrer au Royaume de Dieu.Nous de
uons aller à ce grand amy à la minuićt, felon
ce que dit le fainét Roy & ſacré prophete Da
uid:AMedia nočtefargebam ad confitendum tibi. Ie
1M1C

- D E s R o G A T 1 o N s. 66I

me leuois à la minuict pour te donnerloüange.


On a bien à la minuićt, c'eſt à dire , durant la
tribulation de ceſte preſente vie : Et dicet illi,
amice:Et illuy dira,amy. Au cõmencement de
fon oraiſon il vſe du nõ d'amy, à fin que par la
recordation & incitation de la mutuelle dile
ćtion celuy qui eſt prié,plustoſt foit incliné &
induićt à l’oćtroy de la chofe demandee. Car
amour eſt le premier don auquel tous les dons
font donnez.Cőmoda mihi trespanes,preſte moy
trois pains. Par ces trois pains nous pouuons
entếdre les troisvertus theologalles,foy, eſpe
rance , & charité, par leſquelles Dieu princi
pallement eſtadoré: Quoniam amicus meus venit
de via ad me. Car mon amy eſt venu à moy en
paſſant. Parlequel amy entendre
vn chacun prochain qui abeſoin de nos admo
nitions & falutaires exhortations. Et ie n’ay
rien pour mettre deuant luy,c'eſtà dire,ie n’ay
aucune vertu ne grace en moy-meſme pour
fortifier & edifier mon prochain en la foy,eſpe r. Cor. 4,
rance,& charité,comme dit • e

bes quod non acceperis?Quelle choſe astu que tu


n’aye receu?Et de rechef: Nonfumus fufficientes 2.or.g.
cogitare aliquid à nobis,quast ex nobis fed fufficien
tia nostra ex Deo est. Nous ne ſommes pas ſuffi
fans de penfer quelque chofe de nous comme
de nous meſmes: mais noſtre ſuffiſance eſt de
Dieu. Nul donc ne fe vante & ne preſume de
fes forces ny vaynemét fe glorifie:Et illedeintus
reſpondens,dicat.Et que celuy qui eſt dedãs ref
Tt 3
662 L E s E coN D 1 o v R
ponde & die.Propremét il dit,celuy qui eſt de
dans reſponde & dic. Car c'eſt celuy qui par la
prefence de fa diuine maieſté penetre la pro
fondité de nos penfees,& par fecrette inſpira
P/al. s 4. tion parle à nos coeurs,comme dit Dauid: Au
diam quid loquatur in me dominus. I'oirray que le
Seigneur dira & parlera en moy:Noli mihi mo
lestu effe.Ne me donne point de faſcherie.Non
pas que nostre Seigneur puiſſe ſouffrir faſche
rie, ou eſtre trauaillé ou inquieté par les prie
res des hőmes:mais fouuét aux eſcritures fain
ćtes par maniere humaine,noſtre Seigneur cő
deſcếd à l'imbecilité & foibleſſe de noſtre in
telligéce & capacité.Partấtil dit, ne me donne
point fafcherie.Carma porte eftja fermee,c'eſt
à dire, l'accez pour impetrer de moy, mainte
nant n’eſt pas ouuert:tellement que tes prieres
n’ont encore point de lieu. Et pueri mei, &c. Et
mes enfans font auec moy en la couche, c’eſt à
dire,les citoyếs du Royaume celeſte font auec
moy en des ſecrets repos d’eternelle conſola
tió. Nă poffum fürgere. Ie ne me puis leuer pour
procederà l’octroy de ta requeſte, & te donner
les choſes que tu demandes. Où il nous faut
noter que quand le Dieu tout puiſſant dit,ie ne
me puis leuer & t’en donner, cela ne fignifie
point impoſſibilité : mais difficulté d’exaucer,
non de la partie de Dieu auquel rien n’eſt dif
ficile mais de la partie de celuy qui prie,à cau
fe de ſon indignité & indiſpoſitiõ.Car comme
Efa.ro, dit le Prophete Eſaie. Vos pechez ont caché
la
D Es R o G A T I o N s. 663
la face de Dieu de vous, pour ne vous ouyr.
Car noſtre bon Dieu & pere createur fouuent Nefire sei
differe d'exaucer les prieres,voire des bős,pour delaye
- - * exaucer les
pluſieurs cauſes & raiſons. Premierement,à ſin , ,
que les dons des graces diuines ne foyent vili-plasteurs ai
pendez par la facilité d'obtenir les chofes de-fons.
mandees.Secődement,que celuy qui prie n'ap
proprie point l'exauditió de fa priere à ſes pro
pres merites,ou q vrayement il ne s'englorifie,
en meſpriſant les autres.Tiercemét,à fin qu'en
priant long temps, plus amplement il foit en
flambé,& en fon tếps plus abốdamment exau
cé, & qu’il garde les chofes impetrees plus di
ligemmết,de peur qu'il ne lesperde.Car ce que
l'homme a acqueſté par pluſieurs labeurs &
fueurs, il ſe parforce diligemmét de le garder,à
fin qu'il ne le perde. Et illef perfeuerauerit pul
fans, &c. Et fi ceſtuy perfeuere frappãt à la por
te, ie vous dy , iaçoit qu'il ne fe leue pas pour
luyendőner,pource qu’il eſt fonamy,toutefois
ille fera pour fon importunité. Car fi l'homme
inſtamment & long temps est prié par le neceſ
fiteux, il n'approprie point priere à la ne
ceſſité: mais à l'importunité: Surget & dabit illi
quotquot habet neceffarios. Il fe leuera & luy en
dónera autát qu’il en aura beſoing. Par les cho
fesfufdićtes Ieſus Christ conclud par la cópa
raiſon de l'homme, lequel cőbien qu'il ne
naturellement bon ou parfaićtement charita:
ble,mifericordieux, & pitoyable: toutesfois il
est ſurmőté par la cốtinuelle perfeuerance des
- Tt 4
664 L E S E C O N D I O V R.

prieres, à plus forte raiſon noſtre Dieu & pere


naturellemét bon, puremét charitable, infinie
ment mifericordieux & fecourable : Mais à
mieux dire,luy meſme eſt la meſme bonté, mi
fericorde,amour, & charité,eflentiellement, &
eternellemét, lequel s'encline a l'exauditió par
la cốtinuelle diligence & inſtãce des oraiſons:
& qui n'a point en meſpris les prieres leſquel
- les par pluſieurs fois & ardemmết luy font of
resta christ fertes & preſentees: comme luy meſme l'en
enſ t feigne par parole & par exemple:Par parole,di
; r"fant: Öportet/emperorare, & non deficer*.Il faut
toufiours prier & ne fe laster point. Celuy
Prier fans toufiours prie Dieụ qui fait toutes fes oeuures
eeffer. pour l'honneur de Dieu. Il enſeigne auſſi par
l'exemple d'vn iuge, lequel ne craignoit Dieu,
& ne tenoit compte de perſonne. Et y auoit
vne veufue en ceſte cité là, & venoit à luy, di
fant: Fais moy iuſtice de mon aduerſaire. Et
pour vn temps il n’en vouloit rien faire. Mais
apres il diſt en foy-meſme, combien que ie ne
crains Dieu , & ne tiens compte de perſon
ne : toutefois pourtant que ceſte femme me
rompt la teſte, ie luy feray iustice. Sembla
Matth.rs. ble exemple auons nous en fainćt Matthieu de
la femmė Chananee , à laquelle combien que
Ieſus Chriſtau commencement ne donna au
cune reſponſe,ains manifeſtement refuſa fa re
queste, difant : Non fum miffia nistadoues, &c.
Ie ne ſuis enuoyé finon aux brebis qui font pe
ries de la maiſon d'Iſraël. Il n’est pas auffi bon
- de
d e s R o c A T 1 o N s. 665
de prendre le pain des enfans, & le ietter aux
chiens : elle perfeuerant en oraifon
finablement elle ouyt la parole de Ieſus Chriſt
pleine de toute confolation, difant: O femme
ta foy eſt grande:Il te foit fait ainſi que tu veux.
Par les fuſdits exemples Ieſus Chriſt nous en
feigne de perfeuerer en prieres. Car aucune
fois il delaye à nous exaucer,à fin que nous ap
prenions à prier,perfeuerer & frapper à la por
te celeſte auec le marteau d’oraiſon.Car l'orai
fon procedante de la foy eſt le marteau duquel
le fon pềnetre les cieux,& paruiết iufques aux
tref-ſecrettes oreilles de Dieu viuant, eternel
& tout puiſſant. Et apres que noſtre Seigneur
nous a enſeigné perfeuerance en oraifon,il ad
iouſte dauantage, promeſſe & exaudition, di
fant:Petite & dabiturvobis. Demandez & il vous
fera donné.Le reſte de l'Euangile fera pour de
main aidant Dieu. Noſtre treſloyalle mere l'E
gliſe ſuyuant la doćtrine & exemple de fon ef
poux Ieſus Chriſt inuite & enſeigne fes enfans
en ces fainćtsiours dediez & conſacrez à orai
fon de perfeuerer en oraiſon pour obtenir de
Dieu nostre bon pere treſ charitable & bien
faićteurles chofesneceſſaires pour l'entretene
mét de nostre vie,& pour le falut de nos ames.
Pour laquelle choſe obtenir,mesamis & freres
Chrestiens,nous ferons les exhortationsaccou
ftumees & prieres Chrestiennes, à fin que no
ftre Dieu & Sauueur de la douceur de fes yeux,
nous vueille regarder en pitié, & exaucer nos
Tt 5
666 T R O I S I E S M E I O V R.

fupplicatiós & requeſtes. Pource vn chacun de


nous preſentement fe mettra en bonne deuo
tiő, & dira de coeur auec moy ainſi que ie diray
de bouche.Et premierement comme il eſt con
tenu en noſtre profne & exhortations accou
ftumees auec les prieres Chreſtiennes,&c.
TROIS IE S ME I o v R D E S
R O G A T I O N -S .

G o dico vobis,petite & dabitur vobis.


| Querite & inuenietis, pulſateġ ape
rietur vobis. Apres que noſtře Sei
(**** El gneur nous a enfeigné de perfeue
rer en oraiſon, il adiouſte dauantage promef
fe d'exaudition,difant:ie vous dy,demandez &
obiection des on vous donnera: Cherchez & vous trouue
heretiques rez: frappez à la porte & on vous ouurira. De
eātre eſperan
mandez par foy, cherchez par eſperance, frap
pez par charité. Poſſible quelqu’vn dira » fi la
foy ſauue, pourquoy donc faut il auoir dauan
tage eſperance & charité? I'ay voulu icy au
commencement propoſer ceſte demande, pour
raiſon que pluſieurs errent touchant ceſte ma
tiere de la foy, commét elle fauue:cuidant que
fans bőnes oeuures ils foyent fauuez par la foy:
leſquels font abufez. Car quand on lit en l'ef
criture que la foy fauue, on n’ofte pas pour ce
la à eſperance charité & bonnes æuures falua
Hebr.ro.
1. Petr, 4.
tion. Carfainćt Paul dit: Spes magnam habetre
munerationem, Eſperance a grande remunera
| tió. Et fainćt Pierre eſcrit: Charitas operit multi
|| tudinem
D E s R o c A T 1 o N s. 667
tudinempeccatorum:charité couure la multitude
des pechez.Donc eſperance & charité font ar
umens & certifications de la foy entiere &
viue par leſquellesvertus elle est cognetie eſtre
viue & non morte.Il y a telle cốuenance entre Similitude,
des trois ver
ces trois vertus que l'vne fans l'autre eſt impar theologa
f146
faite.Pour laquelle chofe mieux entendre nous les à vn ar
ourrons icy mettre en auant la fimilitude de bre.
auquel il y a rameaux,tronc, & racine.
Cartout ainſi qu'il n'eſt pas arbre fans racine,
mais ſeulement trőc & bois mort:ny auſſi fans
branches & rameaux il n'eſt pas arbre,mais feu
lement vn tronc:Pareillemét la racine eſt cha
rité, le tronclafoy,& les branches hautement
eſleuees eſperãce.Et n'est point vne vertu ſans
l'autre en plaine conſommation,comme dit
S. Paul : Si habuero omnem fidem ita vt montes r. Cor. 13.
transferā,charitatem autem nõ habuero, nihilfum.
Sii'auois toute foy , tant que ie tranſmue les
montaignes, & que ie n’aye charité, ie ne fuis
rien. Pour ceſte raiſon il est dit en l'Euangile,
Petite,demandez par foy.Car comme dit fainćt
Paul:Sine fide impoſibile est placere Deo. Sans la Heb. 11.
foy il eſt impoſſible de plaire à Dieu. Querite,
cherchez,à fçauoir par eſperance,& voustrou
uerez. Car eſperance aura grande remunera
tióàfçauoir,la beatitude & felicité ſupernelle.
Frappez par charité en aymất Dieu de tout vo
ftre cæur, de toute voſtre ame, de toute voſtre
force,tant corporelle que ſpirituelle, & voſtre
prochain comme vous meſme, & on vous ou
urira
668 r r o 1 si e s m e I O V R.

urira la porte celeſte : Omnis enim qui petit, acci


pit.Car quicőque demande il reçoit.Voyla vne
promeſſe generale.Omnis,foit Roy ou ruſtique,
pauure ou riche,homme ou femme, quiconque
demande il reçoit,& qui cerche il trouue, & à
celuy qui frappe on luy ouurira: C'està dire, il
aura accés enuers Dieu le pere, & entrera à la
beatitude eternelle : pourueu qu'il prie ainſi
qu'il faut prier:àfçauoir au nom de Chriſt
feul mediateur de Dieu & des hommes quant
à la redemption & faluteternel.Maintenant il
monſtre comme affeurément & auec grande
fiance noſtre Seigneur doit estre inuoqué, di
fant: Quis autem ex vobis patrem petit panem,nữ
quid lapidem dabit illi? Si le fils demấde du pain
à ſon pere, quelqu’il foit d'entre vous,luy don
1) Cra. pierre ? Ou s'il demande du poiſſon,
luy donnera-il en lieu de poiſſon va ferpent?
Ou s'il demáde vn oeuf, luy baillera-il vn fcor
pion?Si vous donc(comme ainfi foit que foyez
mauuais) fçauez donner à vos enfans des dons
ui font bons,à plus forte raiſon dőnerale pe
re celeſte lebő eſprit,à ceux qui luy demãdent.
Argumës des
heretiques. Voylà la feconde comparaiſon trefpropre, par
c2fatt.ro. laquelle clairement il eſt manifeſté combiếla
volonté de Dieu eſt prompte pour fecourir &
fubuenirà ceux qui en foy,eſperấce& charité le
prieront.Ceuxqui par erreurſchiſmatique font
mortellement naurez, arguméteront auec grã
de pertinacité,difans:Jeſus Christ a prié au iar
din des oliues & en la croix pour nous & fou
U eflt
D E S R O G A T I O N S. 669;
uent en favie.Si fon oraiſon a eſté ſuffiſante, il
n'y a point de beſoin de mon oraiſon. Mais s'il
eſt encore neceſſaire que ie prie,donc l'oraiſon
de Ieſus Chriſt n’a esté ſuffifante,& par confe
quentil ne m'a pas plainement racheté.Ce qui
est faux.Reſponſe.Ceste illation eſt heretique: Reßenfe.
Ieſus Chriſt prie , doncie ne fuis pas tenu de
prier.Comme fi ie difois:Ieſus Chriſts'eſt pour Apologia in
moy humilié, donc ie ne me dois pas humilier: hereticos.
Ieſus Christ a ieufné,doncie ne dois pas ieuf
ner:Ieſus Chriſt a patiemment enduré, doncie
ne dois pas patiemment endurer: Ieſus Chriſt
est mort pour moy,doncie ne mourray pas: Ie
fus Chriſt eſt monté au ciel, dốcie n’y monte
ray pas. Oyez doncie vous prie comment ceſt
argument de tous coſtez eſt nul, & qu'il fera
beaucoup meilleur fi nous le prenős à rebours
en le renuerſant en ceſte maniere: Ieſus Chriſt
s'est humilié,dőcie me humilieray:IeſusChrist
a patiemment enduré , donc patiemment i'en
dureray:Ieſus Chriſt mon chef est mort, donc
moy qui fuis fon membre ie mourray : Ieſus
Chriſt eſt reſſuſcité & monté aux Cieux, donc
ie reſſuſciteray & monteray aux Cieux : Ieſus
Chriſt a prié & parfon oraiſon nous a impetré
grace & nous a cómandé de prier & promis de
nous exaucer.Car s'il n’euft premieremết prié,
noſtre oraiſon feroit inutile & infrućtueuſe:
mais pource qu'il a prié,fon oraiſon a conſacré
nostre oraiſon,&l'a fait frućtueuſe.Et puisqu'il
nous a commandé de prier, illuy faut obeyr.
*** - Car
||
r| --
67o T I E Rs I o v R
Fo z n, F 6.
Ma tt.2 r.
Carluy-meſme dit:V/que modo nonpetistis quid
Marc. r r. quam in nomine meo petite & accipietis.Iufques à
I. tec. 1 r. pręfent vous n’auez rié demandé en mon nom,
|
--~

demấdez & vous receurez: Omnia quecũquepe


|
| tieritis in oratione credentes,accipietis. Toutes les
|
choſes que vous demãderez en oraiſon croyãs,
vous les receurez: Quæciique oratespetitis,credite
| quia accipietis. Toutes les chofes que vous de
!
mandez en priất, croyez que vous les receurez:
ii |
demandez & on vous donnera,cerchez & vous
|
||
| | |
-
trouuerez, frappez & on vous ouurira. Voylà

|| | | ||
| || Deux const
tous les Euangeliſtes qui recitent le comman
derations re dement de Dieu pour prier. Icy nous deuons
- , noter deux confiderations requiſes, leſquelles
ies doinent doyuent preceder noſtre oraiſon. La premiere
-

| |

treceder rº- quel eſt celuy que nous voulős prier.Car fi au


, ! !| ! ! *** ”“/” cunvouloit parler au Roy,ou à quelque grand
| "
|| prince terrien, il ſe prepare à bien & propre
-
|

|| ment parler,il s'eſtudie à bien orner ſon langa


ge,& propoſer en bonstermes,qu'il n’y aye vn
mot perdu, & par fon langage il n'offenfe la
maieſté du Roy : à plus forte raiſon ainfiou
plus deuons nousfaire à noſtre Dieu.Si l'hőme
à l'hőme,la creature à la creature,le mortel au
mortel a telle crainte & reuerence:que deuons
nous faire,nous qui voulons nous preſenter &
comparoir deuant la maieſté diuine: le throſne
duquel les puiſſances angeliques craignent &
redoutent : Alors ne deuons estre infolens des
yeux,ny de coeur auoir ailleurs la penſee. Car
nous ſommes deuant la face de noſtre iuge.En
cest
' D E S R O G A T I O N S. 67r
ceſte confideration, il nous faut meſler la bon
té de noſtre Dieu:car nous fommes deuant no
ftre pere,doux, bening & debónaire. Il nous in
uite à le prier,diſant:Petite & accipietis: Demã
dez & vous receurez. Ce n’eſt pas pour nous
refuſer qu'il nous inuite à le prier:ains pluftoft
pour nous donner ce qui nous eſt neceſlaire
pour le corps, & falutaire pour l'ame, comme
dit fainćt Iean Chryſoſto.hom.de Most.l’vne de
ces cőſiderations là nous fera le craindre com
me noſtre Roy : l'autre le nous fera aymer & e
fperer en luy comme en nostre pere. Car il eſt
Createur:austi est il Redépteur. S'il eſt maiſtre
auſſi eſt il pere. Et combien que par noſtre pe
ché nous auons perdule tiltre d'enfans, toute
fois noſtre Seigneur par fa bonté n’a pas per
du le tiltre de pere: ainsie me viens preſenter
deuant mon iuge tref-redoutable, toutefois il
eſt mon Sauueur treſ-amiable, qui s'eſt offert à
la mort, pour me fauuer & non pour me dam
ner. La feconde confideration que doit auoir
l'humble ſuppliant, quel eſt celuy qui prie. O
homme mortel, iete priè enfe & repenſe qui
tu es, toy qui veux en à ton Sou
uerain Seigneur. Mais qui estu? vn ver de ter
re, cendre, pourriture,vaiſleau immunde,indi
gne pecheur,qui t'ingere de parler à ton Dieu
tout parfaićt: là eſt la bouë & fange deuant le
Soleil de iuſtice, le malade deuant le medecin,
le criminel deuant le iuge eſpouuentable. Par
ceſte confideration le priant s’humiliera : &
4
672 T R O I S I E S M. E I O V R.

d'autant plus il s'abbailfera,d'autant plus Dieu


de luy s'approchera. Voyla les confiderations
qu'on doit auoir auant que parler à noſtre Sei
gneur en oraiſon, laquelle eſt vne eleuation de
Diffinition enfee en Dieu pour impetrer quelque choſe
d'oraiſon.
auec feruēte affećtion, &laquelle est fuſtantee
par foy,eſperance,& charité. Car elle croit,eſ
ere, & ayme , elle croit la toute puillance de
, elle eſpere la mifericorde de Dieu, elle
ayme la fouueraine bonté & charité de Dieu.
Ruatre 2720 -
yens de prier. Icy nous auons à noter que quatre manieres de
prier Dieu font trouuees aux ſacrees eſcritu
res.La premiere,quand l'oraiſon eſt faićte auec
feule affećtion & defir,ſans aucune voix ou pa
rolle. Voylà la treſbonne oraiſon. Ainſi prioit
Exod. 14. Moyſe quand nostre Seigneur luy difoit, Quid
clamas adme? Pourquoy crie tu apres moy ? qui
toutefois rien ne difoit de bouche, mais le
grand defir de ſon coeur eſtoit vn grand cris
deuant Dieu. Semblablement la pechereffe
Luc.7."
euangelique prioit non de parolles, ains de
“Pſal.o. pleurs, Deſiderium pauperum exaudiuit Dominus.
Noſtre Seigneur exauce le defir des pauures pe
cheurs. La feconde maniere de prier, c'eſt quãd
l'oraiſon eſt exprimee par parolles, toutefois
Luc. I 8.
brefues & pures: comme le publicain qui en
priant diſoit,Deus propitius ešto mihi peccatori.O
Luc. 23.
Dieu fois propice à mes pechez. Pareillement
le bon larron, Memēto mei cùm venerisin regnum
tuum. Seigneur aye memoire de moy quand tu
viendras en ton royaume. Par là nous fommes
enſeignez
D E s R o c A T 1 o N s. 673
enfeignez, que la vraye oraiſon cốſiste non en
diuerſitez de parolles, mais en deuote affećtiố.
La 3.maniere de prier,c'eſt quand l'oraiſon por
te ſignification de quelque choſe aduenir, par
affection de diuine inſpiration , comme eſtoit
faićtà Anne mere de Samuel,laquelle tellemét
multiplioit fesoraiſons, que Hely l'eſtimoite- i.Regr.
fire yure.Ainſi en pluſieurs Pſalmes Dauid par
inſpirations diuines longuement prioit. Sem
blablement Ieſus Chriſt paſſe toute la nuiçten,
oraiſon : & auſfiles Apoſtres estoyent perfeue
rans en oraiſon. La 4.eft en multiplicité de pa
rolles,ſans affećtió. Ce que Ieſus Chriſt defend Matth. ơ.
quãd il dićt:Orantes,nolitemultum loqui:Ne par
lez pas beaucoup en priant.Signammentil dit,
ne parlez pas beaucoup , comme font ceux qui
apres qu'ils ont leu pluſieurs prieres & Pfal
mes, voire fans affećtion, ils penſent que Dieu
leur est grandement redeuable, & penfent que
toutes chofes leur doyuent eſtre ſauues: com
bien que toutefois ils ne font rien moins que
prier.Il ne dit pas,ne priez
il a cốmãdé:Oportetſine point beaucoup.
intermifione Car Luc. 13.
orare:Qu'il
faut prier fans ſe laſſer.Donc l'oraiſon lógue &
prolixe n’eſt pas defendue: mais l'oraiſon fu
perstitieuſe. Et ne condamne point la loüange
de Dieu exterieure:caril n'y a rié plus Chreſtiế
ne plus diuin que la loüange de Dieu. Quelles
choſes faićt toute l'eſcriture que nous enhor
ter à loüer & aymer Dieu ? Pourquoy Dauid Pfal.is.
prouoque & inuite le ciel, la terre, & toutes
V v
674 qv A T R 1 E s M e 1 o v R
chofes qui font en iceux, à la loüange de Dieu
le Createur,finon à fin que l'homme louë Dieu

|| en iceux ? Pourquoy Dieu a il donné à l’hom


me la langue & la bouche , finon pour donner
loüange à Dieu? Quelles autres chofesfont les
citoyens du pays celeste, que loüer Dieu ? Par
le tout fuſdićt narré nous fommes inſtruićts &
enſeignez,que l'oraiſon principalement foit fi
tuee & fondee en defir ardant & deuote affe
ćtion de coeur, laquelle Dieu ayme mieux que
les grands cris des voix, ou la multiplicité des
parolles fans deuotió ou affećtion. Ayons donc
vraye & viue foy en Dieu, ferme & ample ef
perance en fes veritables parolles & promeſſes.
infallibles, auec pure & ſyncere charité par ce
moyen noſtre Seigneur nous exaucera en nos
humbles & falutaires ſupplications,& nous dő
nerales choſes neceſſaires pour le corps, & fa
lutaires pour l'ame, lequel deuotement nous
prierons premieremét pour la manutention &
| -
augmếtation de la foy de Ieſus Chriſt & de fon
Egliſe Catholique,&c. comme il eſt cốtenu en
noſtre proſne & exhortations accouſtumees.

TõVATRTES METõVR DES


R O G A T I O N. S.

| I ergo ves cùmfitis mali, nostis bona da


refilijs vefiris: quanto magis pater vester
Ř decalo dabit ſpiritumbonumpetentibus fe?
Apres ĝi noſtre Seigneur nous aenſeigné à per
feuerer en oraiſon, & qu'il a adiouſté promeste
d’exau
D E S R O G A T I O N S. 675
d'exauditiő, maintenant il monſtre cốme auec
grande aſieurance, nous le deuốs inuoquer, di
ſant:Si vous dốc cốme ainfi ſoit que vous foyez
mauủais,fragiles, mortels, defećtueux, enclins
& tendans à mal , faciles à pecher,vous fçauez
dónerà vos enfans des dons qui font bős,a fça
uoir les biens exterieurs , neceſſaires pour la
nourriture corporelle:cõbien pluftoſt donnera
le pere celeſte le bon eſprit,c'eſt à dire ls S. Ef
prit eſſentiellement & eternellement bon, du
uel il eſt dićt par le Pſalmiste: Spiritustuu ba- Tfal.**z.
u deducet me in terram rečtam. Ton bon eſprit
me conduira en la droićte terre. Et lequel bon
& S. Eſprit vous enfeignera comment il faut . . . . . . .
prier.Comme dićt l'Apoſtre S.Paul:Spiritus ad- :
iuuat infirmitatē nostram. Nam quod oremus ſicut faur .
oportet neſcimus. Sed ipſe ſpirituspostulat pro nobis prier.
gemitibus inenarrabilibus. Le S. Eſprit ayde no- Rºm.s.
ítre foibleſſe: car nous ne fçauons quelle chofe
nous deuốs prier,cốme il appartient.Mais l'ef
prit meſme la requeſte pour nous par ge
miſfemés qu’on ne peut dire.Certainemét le S.
Eſprit nous ayde à furmonter la chair,le mon
de peché,Sathã & les enfers.Il nous inſpire ce
qu'il faut prier.Il parle par noſtre bouche,com
me le maiſtre qui commence à endoćtriner vn
enfant, & luy apprend à cognoiſtre les lettres
& fyllabes en fon alphabet.Pour bien l'inſtrui
re, il faut qu'il s’accommode à l'ignorance de
l'enfant, & luy dire la lettre: tellement que le ,
maiſtre premierement forme les lettres,& l'ef
|
- V V 2
676 q_y A T R 1 E s M E 1 o v R
colier l'enfuit.En telle façon fait le S.Efprit en
nos coeurs. Car il nous inſpire ce qu'il nous
faut demander à Dieu.Mais poſſible quelqu’vn
obiection eš- pourra efmouuoir vne queſtion. Qu'eſt-il be
tre "ºr"/", foin de prier Dieu, veu qu'il n’ignore pas ce
que neceſſité requiert: Si enim paterve
fier,& c. Certainement voſtre pere celeste co
gnoiſt que vous auez beſoin de toutes ces cho
fes. Que s'il eſt ainfi que nostre priere est vtile
à nostre falut, Dieu comme pere trefmagnifi-
que & liberal le donnera fans eſtre requis. E |
s'il n'eſt proffitable, combien qu'il foit requis,
pourquoy il il ne le donnera point. Reſponce.
ainſi
Tout
, que leshymnes pſalmes, cantiques & aćtions
dien veu de graces nous font commandees , non point
1 que quelque profit en aduienne à nostre Sei
z::- " gneur,mais à fin que noſtre imbecillité partel
exercice apprenne de plus en plus à donner
toute loüange & gloire à vn ſeul Dieu eternel,
tOlltpuiſſant & immortel: &
auſſi d'auantage à craindre & venerer la gran
deur de Dieu, de plus en plus aymer fa bonté
par frequente contemplation de fa maieſté, &
par la rememoration de fes graces & benefices
enuers nous. Ainfiil nous est expediết de prier
fouuent, non pas que Dieu apprenne de nous
---- ce qui nous eſt neceſſaire : mais que nous ac
couſtumions à eſperer de Dieu les choſes def.
quelles nous auốsbeſoin,&à fin que toufiours
croiffe en nous la foy, eſperance & amour en
Dieu,affećtion des biens ſpirituels & defir des |
: biens
DEs R o G A T I o N s. 677
bienseternels. Tout ainfidonc que l'homme
est indigne des bien-faićts pour l'aduenir qui
ne rend point graces des biens receus par le
alfé: c'eſtà dire,quine cognoiſt la largeſſe &
iberalité diuine:auſſi l'oraiſon profite pour re
ceuοir plus abondamment que nous ne demã
dons. Car ardamment defirer & demander eft
aucunement meriter. D'auấtage l'oraiſon nous
rend familiers à Dieu, comme ceux qui tota
lement deſpendent de luy. Finablement orai
fon nous meine à la cognoiſſance de nostre im
becillité.Donc nostre Seigneur veut eſtre prié,
à fin qu'en le priant,nous fçachions les choſes
qui nous font neceſſaires,non pas luy. Carpar
fa ſapience diuine , il fçaittout, auquel toute
nostre fiance doit eſtre attachee,& duquel auf
finous deuons eſperer tous biens.Reſte de fça
uoir les conditions requifes pour eſtre exaucez
en nos prieres. Premierement l'oraiſon doit
eſtre ſpirituelle & faincte. Car principalement
nous deuons demander la grace de Dieu ence
móde,& en l'autre la gloire eternelle.La mere
des enfans de Zebedee demandoit chofes vai- uar,.,,.
nes & dommageables. Pource elle fut refuſee. conditions
Carcomme dict S.Iacques,Petitis & non accipi-requists tºur
tis,eò quòd malè petatis. Vous demádez & ne re- :::::::::
ceuez pas:car vous demandez mal. 2. L'oraiſon -
doit estre humble,cốme diſoit le capitaine cé- *

tenier:Domine,non fum dignus, vt intres fubtettä


meum. Seigneur,ie ne fuis pas digne que vous Pſal.ror.
ntrie z fous mon toićt:Reſpexit in orationem hu
: Vv 3
-
===== |

678 o vATR1EsMe IovR


miliữ,& non fþreuitpreces eorã. Noſtre Seigneur
a regardé en l'oraifon des humbles,& n’a point
prieres. La fapience de Sirach:
Eccless. Oratio humiliantis fe,penetrat calos. L'oraiſon de
l'humble penetre les cieux. Ainſi l'humble &
fuppliant publicain a eſté exaucé,le ſuperbe &
:orgueilleuxPharifien repouffé.Tiercement l'o
raiſon doit eſtre fidelle,c'eſtà dire, en foy : Po
fº fiuletinfide nihil hefitans.Omnia poſibiliafunt cre
denti. Qu’il demande en foy fans rien doubter.
Toutes choſes font poſſibles au croyant. Quar
temếten charité, comme le Cếtenier qui auoit
compaſſion de fon feruiteur, lequel il n'a pas
dechaffe hors de ſa maiſon. Et comme diſoit ce
ret ;o. grand threforier de patience Iob: Anima mea
compatiebaturpauperi,é fiebam/pereŭ qui affli
čius erat. Möname auoit compaſſió du pauure,
& ieplorois fur celuy qui eſtoit affligé. Car
c'est le propre de charité de plorer auec les plo
rans.Car quand vn membre fouffre tous les au
tres en doyuết auoir compaſſion. Or est il ainfi
que nous ſommes tous membres. Voyla les cő
, , ditions requifes pour eſtre exaucez en oraiſon.
. . . Il me femble en eſcriuant que ie voy ceſte tur
!
-. , ... , be fatanique argumenter contre nous, difant:
:::::::" que quand nous prions les fainéts , nous def
„, poüillós IeſusChriſt de fon office, qui est le feul
cation det mediateur entre Dieu & les hommes. Aufquels
s *"* nous reſpődons que Ieſus Christ est le feul me
diateur de la redemption & de nostre falut: Se
|| - ipstem tradens obnostră red ptionem.Qui s'est luy
meſ
D es R o c A T 1 o N s. 679
meſme liuré (dit S.Paul) pour nostre redem
ption:tellement que nous ſommes rachetez par
fonciel
le ſeuldonné
moyen.Car il n'y apar
aux hommes, nullaautre
vertunom fous /Ieſu media
duquel Christ
- ɔ teur de mostre
nous puiſſions eſtre fauuez qu'en fon nom.Car falut.
luy feul eſt l'auteur,collateur & dominateur de ſå...
grace, de miſericorde,& de gloire. Car ce qui
eſt traićté plus honorablemét & excellemment
qu'il ne merite, il n'eſt pas honoré, ains desho
noré. L'homme priué & mechanique,foit mar
chát,laboureur,ou artifant, eſtimeroit luy eſtre
faićt deshonneur, fi outre fa fortune il eſtoit
nommé par tiltre de Roy, ou de Prince & grấd - * -

Seigneur. Comme fi de l'or on en fait vneido


le, l'or n’est pashonoré, ains deshonoré : ainfi ,, , , ,
eſt il du Soleilla plus belle creature des creatu- ,
res.Mais les Gentils qui adorent le Soleil com-
me Dieu,ils ne luy font pas honneur, ains def- -

honneur. Ainſi eſt il des Sainéts,leſquels il ne .


faut pas adorer comme Dieu,ains lesinuoquer - .
comme intercefleurs, implorateurs, aduocats,
& mediateurs, & nous faire fçauoir qu'il y a
autant de difference entre Dieu & les Sainćts,
comme il y a de difference entre vn maiſtre
charpentier qui faićt vne maiſon, & les inſtru
ments parleſquels il faićt la maiſon. Cartout
ainſi que la hache & coignee n'a vertu, finon
d'autant qu'il plaist au maiſtre de s'en ayder:
- ainſi eſt-il des Sainćts. Et tout ainſi qu'on ne
donne point l'honneur de l'edifice de la mai
fon aux inſtruments, maison le donne au mai
(”
Vv 4
68o y A T R 1 E s M E I o v R.
ſtre, qui a ſceu fibiehvfer de ſes inſtrumens,&
luy faict on austi l'offerte de l'argentiainfi faut
* , il faire des miracles, leſquels Dieu a faićt par
fes Apoſtres, & autres bons perſonnages. Il
faut donner l'honneur de tels miracles à Dieu,
& luy facrifier, offrir, & preſenter le ſacrifice
de loiiange & action de graces. Il eſt vray que
les inſtrumens ont leur honneur: mais tel qu’il
leur appartient. Or l'honneur qui appartient
aux inſtrumens,eſt de dire, voila vn bon inſtru
ment: mais encores faut-il donner l'honneur
de telle bonté au maiſtre, qui les aura faićtain
P
I : fin'ayons
bons. autres
Toutefois ne s'enfuit
interceſſeurs quipas que Dieu
prient nous
testapour nous: mais au nom de ce ſeul mediateur
christ , ſeul de noſtre redemption,qui est leur chef. Autre
mentfaudroit dire que fainct Paul a defpoüil.
f. "lé Ieſus Christ de ſon office, quand il eſcriuoi
rif, aux Romains, & aux autres, leſquels il prioi:
Ephefs. qu’ils priaffent Dieu pour luy, diſant: Ievous
prie par noſtre Seigneur Ieſus Chriſt, & par la
charité du fainét Eſprit, que vous m'aydiez en
vos oraiſons, leſquelles vous ferez pour moy
à Dieu, que ie foye déliuré des infidelles qui
font en Iudee. Ou que luy meſme s’est appro
prié ceſt óffice, quand il prioit & intercedoit
deuant Dieu,les genoux ployez, pour les fidel-
les , nuićt & iour: nous prions Dieu, à fin de
voir vostre face, & accomplir les chofes qui
defaillent de vostre foy. Parquoy ie requiers
que ne deffailliez point pour mes tribulations
que
D e s R o’o A T 1 o N s. 681
| quei'endure à caufe de vous,qui est vostre gloi
i re: pour laquelle chofe ie ploye mes genoux
vers le Pere de nostre Seigneur Ieſus Chriſt.
Ou que fainét Estienne premier tefmoing de
# Ieſus Chriſt faiſoit mal, qui prioit pour ceux
e quilelapidoyent s'estantmisà genoux,criant à
: haute voix : Domine nestatuas illis hocpeccatum.
Seigneur Dieu ne leur impute point ce peché.
Et quand il eut dit cela,il s'endormit en noſtre
Seigneur. Ou que S.Pierre faifoit mal d'endu
rer que Simon Magus le priast, à fin qu'il inter
cedaſt pour luy deuant Dieu,de peur que pis ne
luy aduint. Ce qu'il n'eust permis, fi ceſt office
de prier euſt appartenutant feulement à Ieſus
Chriſt. Il faudroit dire que S. Paul nous auroit
baillé mauuais enſeignemét, de nous cõmãder
de prier l'vn pour l'autre, Partant c'est vne ceu
ure de grande charité de prier Dieu l'vn pour
l'autre. Maisie vous demande, voudrions nous
pếfer que les Sainćts qui par leurs exemples &
certaines inſtrućtions nousont enſeigné la ma
niere de prier,eux eſtans en ce fiecle,maintenất
quand ils font participans de la gloire de Dieu,
qu'ils foyent priuez de la vertu de charité, la
quelle fi fouuét ils ont prefché & tãt frequenté?
Meſmes á la fainćte Eſcriture nous rends ſeurs
& affeurez que la ſeule charité les accốpaigne
en l'autre fiecle, auquelfoy & eſperáce perdét
leur force & vigueur.Et cốme dit S.Paul: Näc
autem manēt fides,ſpes,charitas,tria hec:maior au- "ºer":
tem his est charitas. Maintenant demeurent ces
Vv ;

–– – – –
682 Q_y A T R 1 E s M E I o v R
troischofes,foy,eſperance,& charité. Et la plus
grande d'icelles eſt charité. Et pource que tout
s'abolit,& perit,fors charité,& que charitas nã
quam excidit, charité ne defchet iamais, & que
feule charité accompaigne les morts,& que les
eſprits des morts en |autre fiecle font plus puiſ
fans,& de penſee plus purs & plus
prochains vers Dieu, & en charité plus par
faićts, il faut conclurre auec fainćt Hieroſme
contra Vigilantium, qu'ils defirent & priét Dieu
uriai."* nous paruenions en leur ſocieté & com
, , à fin d'eſtre auec eux participans de la
/ „a beatitude eternelle.Si quis mihi ministrauerit,ho R
9'f4/72 norificabit ettm pater 77362446 qui in calis est. Si aucun
yeza ey"ág-

*iºnë tº inne me fert,mon Pere qui eſt aux cieux l'honorera.


Donc fi Dieu honore les Saincts qui luy ont
si ,. feruy:pourquoy nous Chreſtiens ne leur ferons
nous pas honneur? Amen dico vobis,quod fecištis
zni ex minimis meis, mihi fecištis. Ie vous dy en
verité, qu’en tant que l'auez faićt à l'vn des
f
petits de mes freres qui font icy, vous me
'auez faićt. Et pource l'honneur faićt aux
Sainćts,eſt principallement faićt à Dieu. Quãd
nous dőnons loüange aux Sainćts, nous loüons
plus Dieu que les Sainćts : carils font l'oeuure
de Dieu,àfçauoir,la fanćtification des Sainćts.
Et qui louë l'oeuure , plus louë l'ouurier que
' Similitude.
non pas l'oeuure. Car n'est pas de foy
meſme. Ainſi eſt-il de celuy que le Roy en
uoye pour ſon ambaſſade, auquel nous loüons
le Roy.Donchonorons & reuerons les Sainćts:
- CAT
D e s R o G A r 1 o N s. 683
car leur loüange est referee à la loüange du S.
des Sainćts. Et comme dit le fainćt Roy Dauid
& ſacré Prophere: Laudate dominum in fanttis Pfit.isº.
eiu. Loüez le Seigneur en fes Sainćts. Nous
pouuốsprouuer cecy par la fimilitude du papier
qui bien reçoit l'eſcriture, lequelnous loüons:
mais toutefois plus le ſcribe ou eſcriuain. Si le Luc. Ið.
mauuais riche damné en enfer prioit Abrahan
pour fes freres, à fin que le Lazare à eux en
uoyé, leur teſmoignaft de ne venir en ce lieu
de tourment, non pas pour amour qu'il euſt
enuers fes freres,ains pour la peine accidental- -
lelaquelle luy euſteſté plus griefue, voyant
ſes parens damnez, & ceux qui eſtoyent de fa
lignee & parenté eltre fauuez. Certainement
non moins les Sainćts fauuez au ciel priết pour
nous, à fin que nous paruenions à leur focie
té pour auec eux eſtre participans de la béati
tude eternelle.Car leur gloire accidentalle eft
. augmếtee,voyant la felicité de leurs freres. Car
prier pour ceux qui font en neceſſité, est aćte
de grande charité. Les Sainćts font en charité
parfaićte,nous ſommes en neceſſité, ayans be
foing de leur charité, donc neceſſairement ils
priết pour nous.Naturellement les mébres plus
forts aydét aux plus foibles. Il eſt eſcrit, l'An
ge du Seigneur prie pour le peuple Iudaïque,
& dit: Domine exercituum vfquequo nõ miferebe
ris Hieruſalem,ớc.O Seigneur des armees, iuſ
ques à quất ferastu fans faire mercy à Hieruſa
lem,& aux citez de Iuda, contre leſquelles tu
- 21S
684 o y A T RI e s M E 1o v R
zachair as eſté courroucé ? Et le Seigneur reſpondit à
l'Ange des bonnes paroles & confolatoires.
Les faincts Peres de noſtre foy ont prié les
Genef: rs. Anges :Obſecrane irastaris dominefîloquaradhuc
femel.Diſant Abraham à l'Ange de Dieu. Iete
rie Seigneur, ne te courrouce point fi ie par
Geneſ. 14. encores vne fois: Lot deprecatus est duos An
gelos qui ad ipſum liberandum venerant. Et fusle
veſpre veindrent deux Anges en Sodome , &
quandil les veit,il feleua pour aller au deuant
d'eux,& enclina fa face en terre, puisdit:Voy
ceast,2, cy,ie vous priemeſſieurs, retirez vous mainte
nant en la maiſon de voſtre feruiteur. Iacob a
prié l'Ange difant:Non dimittāte nist benedixe-
ris mihi. Ie ne te lairray point, ſi tu ne me be
neis,& ille beneiſt en ce lieu là. Raguel a prié
Tob.ro, l'Ange Raphaël pour fon gendre Thobie & fa
fille Sarra,diſant: Angelus domini fančius fit in
itinere vestro, perducátque vas incolumes,crc. Le
S.Ange du Seigneur ſoit en voſtre chemin, &
Apoc. f.
vous meine en bonne fanté iuſques à la fin.Les
quatre animaux,& les vin gt-quatre anciens fe
ietterent deuant l'aigneau , ayant chacun har
es & phioles d'or plaines d'odeurs, qui font
des Sainćts.Et l'Ange du Seigneur
affiſta deuant l'autel ayant vn encenſoir d’or,
Apoc. &. & pluſieurs encenſemens luy furent donnez,à
fin qu’il meist des oraiſons de tous les Sainćts
fur l'autel d'or, lequel eſt deuant le throfne,&
la fumee des encenſemens des oraifons des
Sainćts monta de la main de l'Ange deuant
Dieu.
- D E s R o G A r i o N s. 68;
Dieu. Donc les Anges nous portent faueur &
nousaident par leurs prieres. Pourquoy donc
nefaudta-il implorer leurs aides & ſuffrages?
İlne faut point doubter que les Saincts ne fe
rendent tels enuers nous comme les Anges,
pour la plus grande vnion & pour plus gran
de conformité de leur nature auec nous. D'a
uantage fi les fainćts Peres de nostre foy ont
prié les Anges, pourquoy ne prierons nous
pas nos freres qui font les Sainéts glorieux Gen e. 4 r,
auec les Anges? Et Iacob beneiſt Ioſeph, di
fant: le Dieu deuant lequel ont cheminé nos
peres, Abraham, & Iſaac, le Dieu qui me paiſt
depuis le temps paffě iuſques à ce iour icy:
l'Ánge qui m’a deliuré de tout mal beneiffe
fes enfans : & mon nom & le nom de mes pe
res,Abraham,& Iſaac, foyent appellez en eux,
& croiſſent en multitude fus la terre. Et là
où il est dit que le nom de Iacob & de fes pe
res, Abraham, & Iſaac, foit appellé en eux:
c'eſtà dire, inuoqué, comme dit fainćt Hie
roſme: Angelus Raphaël dicebat Tobia quòd ipſe
deo offerebat orationesfilas.Quand tu priois auec
larmes & que tu enfeuelistois les morts , &
que tu delaiſfois ton difner pour cacher les
morts pariour en ta maiſon, & de nuićt les
enfeuilliffois, lors i'offrois ton oraiſon au Sei
gneur: Si Moyſes & Samuel starent coram me
adhuc,cor meum non effet huic populo. Et le Sei
gneur dit: Quand Moyfe & Samuel fe tien
droyent deuant moy ; ſi ne feroit pas mon
COCUIT
r
686 o v Ar R 1 E s M e 1 o v R
coeur à ce peuple icy, leſquels Moyſe & Sa
muel estoyent morts. Et par ceſte aućtorité,
il eſt tout clair & manifeſte que les eſprits des
Sainćts prient pour les viuans.Domine Deus I/C
Barach 3. raël intende in deprecationem mortuorum Iſraël,
quoniam fumus in tribulatione. O Seigneur Dieu
tout puiſſant,efcoute maintenant l'oraiſon des
morts d'Iſraël. Car nous ſommes en tribula
2.Math.rs.
tion. Onias fut veu qui auoit eſté le fouue
rain ſacrificateur,homme de bien & bening,de
regard honneſte, modeſte en moeurs, & plai
fant en paroles, & qui dés fon enfance eſtoit
exercité à vertu.ll fut veu eſtendant fes mains
prier pour tout le peuple des Iuifs. Et apres
s'apparut vn autre homme d'honneur & d'aage
merueilleux aupres de luy qui auoit grand’
beauté, duquel Onias requis, dit : c’eſt ceſtuy
qui ayme les freres, & le peuple d'Iſrael, c'eſt
ceſtuy qui prie fort pour le peuple, & pour
toute la fainćte cité, à fçauoir Ieremie le Pro
phete de Dieu: leſquels Onias & leremie e
ftoyent ja long temps morts. Voylà aſſez ſuffi
fammét approuué ce me femble cóme nous de
uons honorer & inuoquer les Sainćts & Sain
Oraifon.
ćtes deparadis en nos tribulations, aduerfitez,
& perſecutions. Prions donc noſtre bon Dieu
& pere de mifericorde,au nom de fon fils Ieſus
Chriſt noſtre Seigneur & Sauueur,par la grace
de fon fainét Eſprit, parles dignesinterceffiős
des glorieux eſprits de tous les Sainćts & Sain
étes de paradis, nous vouloir donner les cho
} - fes
D E L' A s c E N s I o N. 687
fes neceſſaires pour le corps & entretenement
de noſtre vie, & les choſes falutaires pour nos
ames, de forte qu'à la fin nous puiſſions parue
nir en la felicité eternelle , pour auec Ieſus
Chriſt & les Sainćts de Paradis, viure & re-
gner eternellement. Amen. -

LE I O v R D E L'A S C EN S I O N.
FEāS N dit communement que Victoriā fe
quitur triumphus. Vne perſonne apres
SS-4 jauoireu vićtoire de fes ennemis,a cou-
ftume de triompher, c'est à dire, estre exalté &
honoré d'vn chacun. Ce qui eſt aifé à demon
ftrer par pluſieurs exếples prins de l'Eſcriture
fainćte. Au liure de Heſter, chap.6.il eſt faićt
mention d'vn meſchất capitaine nőmé Aman,
qui auoit en haine le bon feigneur Mardo
chee, auquel il feiſt dreffer vn gibet de cin
quante coudees de haut,eſperant qu'il y feroit
pendu, & que par ce moyen il auroit vengean
ce de luy. Mais Dieu le Createur qui reprobat
cogitationespopulorum , & dißipat confiliaprinci
pum,P/al.32.qui diſpoſe cependất que les hom
mes propoſent,a bien renuerſéfa malheureuſe
entrepriſe. Car en la preſence d'Aman le bon
Mardochee a eſté iuſtifié deuant le Roy Aſſue
rus, puis apres glorifié, eſtant veſtu de robbe
royalle, & ayant la couronne du Roy fur fa te
fte. Et finalement fut monté fur le chariot du
Roy , & fut honoré de tous. Nous lifons d'a
uantage
688 L E I O V R.

uantage au liure troifieſme & quatrieſme des


Roys,de ce grãd Prophete Helie, quia ſurmon
té fes ennemis: fçauoir eſt, cent hommes d'ar
mes, qui eſtoyết venus pour le prendre, & a eu
vićtoire d’eux, faiſant deſcendre le feu du ciel,
pour les deuorer & conſommer: puis apres a
triomphé, en forte qu'il a eſté raúy au ciel par
le moyen d'vn chariot de feu, comme il appert
par le fecond chapitre du quatrieſme liure des
Roys. Or fus, Chreſtiens, que nous veut ſigni
fier tout cela ? Omnia enim infigura
illis,comme dit fainćt Paul,ı.Corinth.1o.Noſtre
Sauueur a eſté en ce monde comme vn Mar
dochee , vn Helie. Car ainſi comme Aman
auoit faićt faire vn gibet, pēfant y faire mourir
honteufemét Mardochee : Auſfile diable figu
ré par Aman, a preparé le gibet de la croix,
pour faire mourir honteufement Ieſus Christ,
cuidant par ce moyen esteindre la memoire de
fon nom. Mais il a eſté bien trompé. Car Ieſus
Christ par la croix a eu vićtoire de Sathan, pe
ché,mort, & le monde, & de tous fes ennemis,

| comme Helie des fiens: puis apres a triomphé


à tel iour qu'auiourd’huy, mốtant aux cieux en
grand triomphe , comme auoit predićt le royal
Prophete Dauid au Pfalme 46.& 67.& menant
auec luy tous ces bons Patriarches & Prophe
tes, qui auoyét eſté captifs aux limbes,depuis la
creation du móde,il y auoit ja quatre mille ans
paſſez. Parquoy nous auons auiourd'huy gran
de occaſió de nous reſiouyr (quia Christi aften
fo |
D E L’ A s c e N s 1 o N. 689
fonostra est prouectio,& quò proceßt gloria capitis,
eò vocatur & ſpes corporis , vt aut Leo AMagnus in
hom hodierna,)nő ſeulemét auec les Patriarches
(car fi Abraham s'eſt refiouy,venant le iour de
la creation de noſtre Sauueur, quanto magis ho-"***
die letatus est,cum omnibusfančłis?) mais auſſia
uec les Anges qui font venus au deuant de no
ftre Seigneur,montant au ciel:ainfi cốme auoit
long temps au parauant preueu le Prophete
Efaie, chap.63. Nous auons auſſi grande occa
fion de celebrer deuorement ceſte feste de l'A
fcéſion de noſtre Sauueur, tất pource qu'il nous
a ouuert ce iourd'huy la porte de Paradis, la
quelle nous estoit fermee au parauant (comme
dit S.Paul en l'Epiſtre aux Hebrieux chapit.9.
nondum erat propalata via fanttorum,contre l'er
reur de Caluin f: pource que natura nostra
hodiefupra ordines Angelorum & Archangelorum
eraltata est, vt ait Leo Magnus, nostre nature a
eſté glorifiee & exaltee merueilleufemét haut,
& a eſté affife à la dextre de Dieu : tellement
qu'elle est maintenant en vn estat plus parfaićt
& plus excellent que nature Angelique: com
bien qu’au parauant elle euſt perdu fa digni
té par le peché d'Adam, & de fa posterité, en
forte que l'homme eſtoit lors inferieur aux be
ftes, & plus imparfaićt qu'icelles. Iem'en rap
porte à Dauid, qui le confeſſe au Pfalme 48.
difant: Homo cùm in honore effet, comparatus est
iumentis infipientibus; & ſimilisfacturestillis: veu.
que le boeuf & l’afne ont cogneu leur maiſtre
- - - Xx
69 o - L E I O V R

maistre & feigneur, & l'homme plus impar


faićt qu'eux, n'a point recogneu fon Seigneur,
comme Dieu fe plainćt par ſon Prophete Efaie
chapitre premier : Vous auez meſmes le Sage
qui renuoye l’homme au fourmy, pour eſtre
instruićt & enſeigné de luy: Prouerb.6.Si nous
cốfiderons diligémét ce que l'Eſcriture fainćte
dit de l'homme apres le peché, nous ferős con
trainćts de confeifer qu'il eſt inferieur aux be
ftes.Ie dy bien dauantage,que Dieu auoit deli
beré de destruire & aneantir l'homme pour
fon peché. Delebo hominem de facieterre.Geneſ:
4.cap. Car l'homme estoit indigne d'habiter
fur la terre. Et toutefois maintenant non ſeule
ment il peut habiter & demeurer ſur la terre,
mais eft efleué d'icy bas au ciel, voire fu
pra omnes cælos, comme dit fainćt Paul Epheſ 4.
Aſcendens enim Christus in altum,captiuam duxit
captiuitatem. Noſtre Sauueur n'eſt pas monté .
feulau ciel,ains a faićt monter auec luy nos pe
res,qui eſtoyent aux lymbes,fes priſonniers vo
lontaires. C'eſt ce que dićt S.Ignace, & fainćt
Ambroife apres luy,Christus in infernum defcen
dit folus.fed in cælum non aſcendit folus.Mais(dira
quelqu’vn) en quel tếps fut faićt ce triomphe?
quarãte lours apres fa reſurrećtion (comme re
cite S.Luc au premier chapitre des Aćtes) en
vn ieudy cinquieſme iour de May : car il endu
ra mort & paffion le vingtcinquieſme iour de
Mars (comme dit fainét Augustin en pluſieurs
paſſages : mais ſpecialement en vne queſtion
- IlOnan

/
D E L’ A s c E N s I o N. 691
nonåntecinquieſme du vieil & nouueau testa
ment, & en vn fermon dixhuictiefme de natiui
tate Domini, & Paul Orofe en fon hiſtoire liure
feptiefme, & pluſieurs autres doćteurs anciés)
enuiron fur les trois heures apres midy. Car les
propos contenus en noſtre Euangile ont esté
par luy tenus,lors que ſes Apoſtres difnoyent,
& ont eſté affez longs: puis les a menez apres
difner par la ville de Hieruſalem en la montai
gne des oliues,vers Bethanie.En memoire de
quoy fe faićt auiourd'huy en l'Egliſe Catholi
que vne proceſſion,comme dit Durád in ratio
nalidiuinorum officiorum. Et apres pluſieurs bel
les remonſtrances, il est monté du mont Oliuet
au ciel. Et comme eſcrit S.Paulinus epi. 1.ad Se
uerum,en la place où eſtoit la plāte de fes pieds
lors qu’il eſt monté au ciel, a eſté l'herbe ver
doyante iuſques à fon temps. En ce lieu on ba
ftit vne Eglife,mais il ne fut iamais poſſible de
pauer ceſt endroit là?& toufiours y estoit l'her
be verdoyante. Voyons maintenant comment
eſt monté nostre Sauueur.Propria virtute, de fa
propre vertu, n'ayant que faire de l'aide d'au
truy.Lequel miracle eſt propre à luy ſeul,com
me remonstre S.Auguſtin epištol. 3. ad Volusta
num,& S.Iean Chryſoſtome lib.3.de facerdotio,
& homilia de aſcenstone, & deuant eux Sainćt
Cyprian, au fermon qu'il a faićt de l'Aſcen
fion de Ieſus Chriſt. Car nous ne lifons point
qu'aucun Prophete ny Apostre ſoit monté au
cielen telle forte. Nous trouuós bien que He
Xx 2
1

692 L E I O V R.

lie a esté rauy & tranſporté au ciel: mais de fa


| propre vertu il n'a peu y monter, il luy a fallu
de l'ayde:Raptus est in curru igneo. Outre cela, il
n'est pas monté fupra omnes calesyfed in aëra , là
| où ila pleu à Dieu.Mais noſtre Sauueur aften
dit ſuper omnes celos, nec indiguit curru igneo nec
angelis vectoribus,comme dit Sainét Cyprian au
| lieu preallegué,combien que les Anges foyent
venus au deuant de luy pour luy faire honneur.
En quoy differe le maiſtre auec ſon feruiteur
:

Helie,la verité d'auec la figure. S. Iean Chry


foſtome homilia 2. ad populum Antiochenum, &
au liure troifieſme de facerdotio apporte enco
res vne autre difference, c'eſt que le prophete
Helie a laiſſé à ſon feruiteur Heliſee IIla I1

teau,& nel'a porté quand & luy au ciel,ains l'a


quitté:mais Ieſus Chriſtalaiſſé non à vn ferui
,
teur ſeul:mais à tous les Chreſtiếs & vrays en
fans de ſon eſpouſe l'Egliſe Catholique,non vn
manteau materiel: mais choſe trop plus excel
lente,laquelletoutefoisila portee au ciel,& ne
| l'a point quitté ny perdu.Et quoy?fonprecieux
corps. Voylà comme les anciens Peres ont ex
pliqué & accommodé ceſte figure. Mais dira
quelqu’vn,cốment eſt-il poſſible que vn corps
| qui eſt chofe poifante & graue monte au ciel,
& encores moins par deſſus tous les cieux,com

|, :
me vous auez allegué du chapitre quatriefme
epistol. ad Ephestos, veu qu'il y auroit penetra
tion de dimenſions. Car cela eſt repugnant à
toute philoſophie & raiſon naturelle, le ref
ponds
D E L' A s c e N s 1 o N. 693
ponds que ſi nous voulons nous arreſter à rai
fon naturelle, iamais nous ne comprendrions :
cela. Car c'eſt vne chofe ſupernaturelle. Mais
comme dit fainét Paul 1.Corin.is.ce corps qui
est maintenant lourd & poifant fera leger &
fpirituel apres la reſurrection,c'est à dire, il au
ra les proprietez d'vn eſprit, il fera leger com
me vn ange, & en vn moment fera en tel lieu
que l'eſprit voudra, comme dit S. Augustin in
epistol.ad Dioſcorum. Or eſt-il ainſi que nostre
Seigneur lors qu'il monta au ciel il auoit fon
corps glorieux, auquel n'y auoit peſanteur ny
eſpoiſſeur qui empeſchaft d'entrer où il vou
loit.C'eſt pourquoy nous diſons le iour de Paſ
ques & de Quafimodo, par le teſmoignage
desanciens doćteurs, qu'il ne failloit pastrou
uereſtrange que noſtre Seigneur fuſt forty du
fepulchre fans faire ouuerture, & qu'il fuſten
tré en la maiſon où eſtoyent aſſemblez fes
Apostres les portes estant fermees. Car c'eſt
Dieu qui donne telle vertu à vn corps glorifié,
ainſi comme auiourd'huy le don de gloire a
faićt que le corps de noſtre Seigneur eſt mon
té au ciel plus facillement que maintenát nous
ne deſcendons d'vn lieu haut en bas. Reſte
maintenant à fçauoir pourquoy nostre Sauueur
est monté au ciel.N'eust-il pasmieuxvallu que
apres fa reſurrećtiő il euſt toufiours veſcu auec
fes Apoſtres:Sainét Auguſtin tratta. 9. in Ioan,
& les autres anciés difent que cela n'a pas eſté
faiót fans grandes raiſons, & finon pour nous
- Xx 3
694 . 1e 1 o v R.
inſtruire en pluſieurs articles. Premierement
pour monſtrer qu'il a grande puiſſance, non
feulementen la terre:mais auſſi au ciel. C’eſt ce
qu'il difoit en Sainćt Matthieu vingthuićtief
me:Data est mihi potestas omnis in celo črın terra.
Tellement que maintenant fedet à dextris Dei
(comme dit fainét Marc) pour monſtrer qu’il
n'a rien perdu de fa puistance par ſa mort, ains
pluſtost qu'elle eſtaugmétee.Caroportuit Chri
fium pati & ita intrare ingloriam ſuam. Luc. 24.
Secondement il eſt monté au ciel pour noftre
grand bien , & pour nous afleurer que nous y
monterons apres luy. Car ainfi comme il eft
mort,à fin que mortamurpeccato, & eſt reffufci
té à fin que nous eſperions reliuſciter auec luy,
auſſi il eſt monté au ciel,à fin que nous eſperiős
d'y monter apres luy,& que les membres iront
au ciel apresleur chef. Car comme on dit com
munément : Là où la teſte pafle tout le corps
y paſfera aiſément. C’eſt ce que difoit vn iour
noſtre Seigneur : Vbi ego fum, illic & minister
meus erit,Ioan.12.Tiercement à fin que le meri
te de noſtre foy fust plusgrand nostre Seigneur
nous a voulu ſoubstraire fa preſence viſible.
Car s'il fuſt toufiours demeuré en ce monde,
nous n'euſſions eu que demye foy. Les Apo
ftres auoyent ceſte foy qu'il estoit fils de Dieu: .
maisils n'auoyent pas la foy touchant fon hu
manité laquelle ils veoyoient. Car,comme dit
S.Paul Heb. 11. Fides est argumentum rerum non
apparentium. On croit les choſes que l'on ne
* Volt
- D E L’A s c e n s 1 o N. 695
voit pas. Quartement, c'eſtoit pour nous don
ner aſſeurance de l'immortalité, & qu'il y a vn
autre mõde que ceſtuy-cy. Finablemết, c’eſtoit
pour nous ouurir le ciel, qui eſtoit fermé au
arauant,comme nous affeure fainét Paul He
9. Nondumpropalata erat via Sanctorum.Le
chemin de Paradis n'eſtoit pas encores frayé:
& noſtre Seigneur, Ioan.3.difant:Nemo aſcendit
in celum, nist qui deſcendit de celo, &c. Il falloit
qu'il y montast le premier, pour nous monstrer
le chemin , & nous ouurir la porte de Paradis,
parce qu'il en auoit la clef. Or eſt il tếps de ve
nir au texte de noſtre Euangile:au commence
ment duquel S. Marc le fidelle chancelier de
la fapience eternelle,efcrit la gracieuſe appari
tion de Ieſus Chriſt, difant:Recumbētibus vnde
cim diſcipulis, &c. Il s'apparut à vnze diſciples
estans affisà table. Ecce quàm bonum & quàm iu- "/**"*.
cundum habitarefratres in vnum.Voicy que c'eſt
bonne chofe & plaifante que freres habitent
enſemble.O apparition pleine de grace & con
folation plus douce que le rayon du miel, à la
quelle toutes choſes defirables ne font dignes
à comparager. Car comme teſmoigne fainćt
Iean:Nous auons veu ce qui eſtoit dés le com- r.Ioan.r.
mencement. Ce que nous auons veu de nos
yeux. Ce que nous auons regardé, & nos mains
ont touché de la parolle de vie , & que la vie
est manifeſtee. Et auſſi teſmoignons & vous
annonçons la vie eternelle, laquelle eſtoit en
uers le Pere. Et apparuit nobis. Et il apparut à 4* rº.
Xx 4
696 L E I O V R.

nous. Dit S. Pierre: nous fommes teſmoings


comme Dieu l'a refluſcité au tiers iour, & l'a
dőné pour estre manifeſté, nőpas à tout le peu
ple: mais aux teſmoings parauantordonnez de
Dieu,à nous qui auons mangé & beu auec luy,
refus christ apres qu'il a eſté reflufcité des morts. Voyons
s'eſt apparu * donc aufquels il s'eſt à fçauoir à fes di
fes difciples,
cr pourquoy
fciples.Premieremét, à fin que ceux qui auoyết
esté compagnons de fes paſſions fustent auſſi
compagnons de ſes conſolations. Secondemét,
il s'eſt apparu à eux eſtans enſemble: pour leur
demonſtrer les fruićts & proffits qui prouien
nent de la bonne compagnie & focieté. Tier
Matth.rs.
cement, pour verifier fa promeffe, laquelle il
auoit faiĉte au parauant, difant: Vbi fuerint duo
vel tres cögregatiin nomine meo,in medio eoră fum.
Où ils feront deux ou trois aſſemblez en mon
nom, ie fuis là au milieu d'eux. Mais que fai
foyent les Apostres quand Ieſus Christ s'est ap
aru à eux? Ils estoyét affis à table pour prendre
f refection corporelle. Voylà la tres-abốdante
Lwť,2Je
charité de Ieſus Chriſt, quinon ſeulemếtaſſiste
aux fiens en tribulation & en oraiſon:mais auſſi
ªquãd ils mãgent, & rendent graces à Dieu.Non
point greuãtou chargeãt leurs coeurs de gour
mãdife & d’yurőgnerie, fçachất que bien-heu
reux font ceux qui maintenant ont faim & foif,
Matth.r. cirils feront faoulez:ayant plus grand foucy de
nourrir l'ame du pain de vie, de la parolle di
uine, pour auec Ieſus Christ viure eternelle
ment, que de nourrir voluptueuſemét le corps,
- lequel
d = L' A s c r n s 1 o N. 697
lequel pluſtost qu'on ne penſe mourra, & aux
vers de la terre pour les paiſtre,feruira de vian
de. Donc auec grãde deuotion,crainte,attrem
pance & reueréce ils receuoyết leur refection:
ourquoy entre la viande ils font dignes de
,
& prefence de nostre Sauueur.Mais
nous faifons tout au contraire. Car en nos con Inwestiwes
contre les de
uiues & banquets nous fommes abandonnez licats,
à toutes ſuperfluitez, delices & voluptez,nous
offenſons Dieu.Et ce qui deuroit ſuffire & four
nir pour beaucoup de temps, en vn iour nous
le deſpendons, gourmandons & yurongnons
demeſurément & prodigalement, fans eſten
dre la main pour donner vn morceau de pain à
leſus Christ,ſes membres qui en defirent man
ger & fouffrét faim. Maintenát en la table n'eſt
point ouyë la parolle de Dieu : les aduertiffe
mens falutaires ne font pas enfeignez:Sed tur
pitudostultiloquium,fornicatio : Mais choſe vilai
ne, parolles folles, fornication, plaifanterie &
toute immũdicité. Et pource Ieſus Christ n'affi
stepoint en nostre table, mais plustost les dia
bles,leſquels nous refiouyſſons en faifant leurs
ceuures & defirs. Et illeur reprocha leur incre
\
dulité & dureté de coeur. Carnostre Seigneur
iuste,aime iustice.Ainfiil demonstre que la cor ferreářiä doit
estrefaiđe en
rection du prochain doit eſtre faićte en chari charité.
té & dilećtion, & que le vray amy n'allaićte
fonamy pechant, & ne le louë point en
es defirs, mais le corrige en mifericorde,le re
prend, prie & exhorte en toute patience & do
Xx 5
698 - L E I O V R. -

ćtrine, pour le reuoquer de l'erreur & four


uoyement de fa mauuaife vie , & fauuer ſom
Prouerb.27. ame. Car cőme dit le Sage:AMeliora funt vulne
ra diligentis,quàm fraudulenta ofcula odientis. Les
layes de celuy qui ayme font meilleures, que
baifers de celuy qui hait ; & qui font pleins
de tromperies & cautelles. Illeur reprocha leur
incredulité & dureté de coeur, pource qu'ils
eſtoyent tant tardifs & difficiles à croire la ve
rité de fa refurrection, laquelle les Prophetes,
& luy-meſme leur auoyent tant de fois predićt
auant que fouffrir le cruel ſupplice de la mort.
Et à iuſte cauſe & raiſon il les redarguoit. Car
| ils n'auoyết point creuà ceux qui l'auoyentveu
reſfuſcité, comme aux fainćts Anges, aux trois
Maries,Magdaleine, Iacobi & Salomé, ny aux
deux diſciples qui alloyent au chafteau d’E
********** maus. Toutefois que les diſciples ayent eſté
||
f tardifs & difficiles à croire la reſurrection de
reſurredien, Ieſus Chriſt, cela a eſté faićt par le grand con
est tertifica- feil diuin & eternel. Car leur doute eſt la con
tiº" de "ºstre firmation, argument & certification de noſtre
foy. Et apres la refećtion & reprehenſion, les
| foy.

fainćts Apoſtres auec les femmes,felon le com


mandemét de Dieu, allerét enſemble au mont
: des Oliues, où noſtre Roy & Pere Redempteur
inſtitua pluſieurs miniſtrations & O

perations, enfeignant fes Apoſtres comme ils


deuroyent regir, ordonner, paiſtre & enſeigner
fon Egliſe: laquelle parfon fangil a acquife, à
fin que toutes choſes fuſlent honnestement &
felon
D E L'A s c e n s 1 o N. 699
‘+
felon ordre en l'Eglife. Carles puiſſances qui y
font, ont eſté ordonnees de Dieu. Et certes
Dieu en a mis aucuns en l'Egliſe dict S. Paul, Ephef. 4.
Aćř.2o.
Quoſdam Apostolos,alios Prophetas, &c. Les vns Matt.J.
Apoltres,les autres Propheres,les autres Euan
geliſtes, les autres paſteurs & doćteurs pour la
conſommation & reparatió des fainćts,à l'oeu
ure d'adminiſtration,pour l'edificatió du corps
de Chriſt,leur difant: Allez par tout le monde
lequel vous hait & pourfuit, qui dićt tout mal
à l'encontre de vous, à de moy , en
* v
mentant:lequel eſt mis en toute malignité,du- r.Ioan.s.
quelle diable est Dieu, Roy, Prince, Rećteur. loan. tr.
Lequel quandil vous perſecute,il cuide faire à
Dieu feruice : carilne cognoiſt ny mon pere
ny moy. Ie vous enuoye donc aux labeurs,pei
nes & trauaux, & non pas aux oyſiuetez & re
pos: non pas aux delices, esbats, recreations,
: pour femer la viuifique paro
e de Dieu, pour preſcher l'Euangile de paix,le
royaume de Dieu, & faire le gain & profit des
ames.Allez donc de vertu en vertu , que voſtre
Pfal.ss.
lumiere luceat coram hominibus, vt videant, &c. c2(att, f
luyſe deuant les hommes, à fin qu'ils voyent
vos bonnes æuures, comme vous eſtes la lu
miere du monde. Labourez comme bons gen
d'armes ayans la foy des eſleus en voſtre coeur
auec bonne conſciếce,& vertueuſe, exemplai
Ieſaincte,inculpable,euangelique,angelique,
voſtre conuerſation foit conforme à la mien
| ne, en vie,en doctrine, en æuure. Allez donc
-

&
7oo L E I O V R

& foyez vestus des armes de lumiere euange


lique & celeſte.Pradicate euangelium. Prefchez
zºearg de faict & de parole la ſapience de la fapien
*****á“ ce, la lumiere de la lumiere,la voye de la voye,
la verité de la verité, la vie de la vie. Mais auf
Rom. 2. quels doit estre preſchee la parole de la paro
le faluifique? Omni creature, à toute creature,
c'eſt à dire, à toute nation, laquelle eſt fous le
ciel. Carl'Euangile eternel doit eſtre prefché
aux Grecs, & barbares, aux fages, & aux fols,
bons, & mauuais, petits & grands, ieunes &
vieux,pauures & riches, ioyeux& triſtes, forts
& foibles, estrangiers & domeſtiques, Sei
gneurs & feruiteurs, Dames & chambrieres,
hommes & femmes : bref prefchez l'Euangi
rout homme le à toute creature. Tout homme eſt dićt toute
est diá crea- creature(comme dićt Sainćt Gregoire en l'ho
P ****- melie du iourd'huy) car il participe auec toute
-

f creature: Ou bien, car toutes creatures font


Ioan.3. creées du createur pour l'homme,&pour le fer- :
2 it.3. uice de l'homme : Qui crediderit, có baptizatus
P“ */“fuerit,faluus erit.Ce qui doit estre entendu, non
de omni genere fidei, fedde B4fide que perdilectio
hapteña. nem operatur,comme dićt SainćłAuguſtin,ferm.
11.de verbis Domini, expoſant CG paſſage icy
auec deux autres fort difficiles.Donc qui croi
ra parvraye,viue & ſyncere foy,laquelle opere
par dilećtion, & fera baptizé par l'eau & le
fainćt Eſprit, fera fauué. Partant Ieſus Christ
autheur du fainét lauement du bapteſme, icy
nous propoſe deux chofes neceſſaires au falut,
- à fça
DE L’ A s c E N s 1 o N. 7o1
à fçauoir la foy & le bapteſme. Defquels l'vn
fans l'autre n’est ſuffiſant apres l'inſtitution du
bapteſme. Carla foy a eſté fi neceſſaire, que
s'
fans icelle impoſſible eſt placere Dee , nul ne Hct.rr.
peut à Dieu complaire.Maistu dis,en te trom- des

pantie croy & fuis baptizé.Doncie ſeray fau- .


ué quelque choſe que ie face: car la ſeule foy .
ſuffit & fatisfaićt pour le falut,Dieune fe fou ne zuur...
cie de nos oeuures. Car les bonnes ceuures ne Feele-2
proffitent point,ny les mauuaiſes oeuures n’em
peſchent point.Telle choſe difent les defuoyez
comme brebis peries & perdues: mais nostre
Seigneur a remedié à telles ob
iections,difant apres que vous les aurez bapti
. zé au nom du Pere, & du fils, & du fainét Ef
prit:Docete omnes gentes feruare omnia que, &c. ******
Enſeignez toutes gens à garder toutes les cho
ſes que ie vous ay commandé. Rien plus cle
rement, rien pplus abſolumét ou parfaićtemết
ne peut eſtre dićt, que telles paroles. Mais les
educteurs, trompeurs & deceueurs Apoſtres,
& officiers de Sathan, cauteleufement taiſent
|
les paroles de Sainćt Matthieu en les diſſimu
lanstrefmefchamment, ou bien les nians fans
honte & impudemment, pour retenir en er
leurles feduićts, trompez & deceus, & pour
finablement auec eux fes charier en la foſſe de
damnation eternelle: Qui verò non crediderit,c5- Re» re.
demnabitur.Mais qui ne croira point, il fera cő
damné. Pource à fin que les petits enfans ne
foyent damnez,qui nepeuuent croire decoeur,
pour
7oz L E I O V R. .*

pour estre iustifiez , ne confeffer de bouche,


pour estre ſauuez, il faut dire que les Ge11

fans baptizez ſont fauuez.Car ils ont la foy in


fufe , & meſmes qu'ils font baptizez en la foy,
& communion de l'Eglife Catholique : Signa
autem eos qui crediderint,hæc fequentur. Et ces fi
Cinq Ég gnes fuyuront ceux qui croyront: lefquels fi
gnes font en nombre de cinq. Le premier eſt:
In nomine meo demonia eycient. En la vertu de
zue.g. mon nom,ilsietteront les diables hors. Tels fi
gnes tant bons que mauuais peuuent faire en
iettant le diable hors le corps des poffedez,
comme teſmoignentS.Matthieu & fainét Luc.
Le fecond figne:Linguis loquenturnouis. Ils par
leront langages nouueaux. Ce que a eſté
-* * * au iour de la Pentecoſte.Le troifieſme,Serpen
testollent.Ils osteront les ferpens,c'est à dire, ils
les chafferont & mettront en fuite, & les em
peſcheront qu'ils ne pourront nuire ou endő
Aa.as. mager. Ainſi l'Apoſtre fainét Paul apres auoir
aſſemblé quelque quantité de farmens , & y
ayant mis le feu, vne vipere fortit hors pour
la chaleur & enuahit ſa main.Et apresauoirfe
coué la beſte dedans le feu, il n’endura point
de mal. Le quatriefme:Si mortiferum quid bibe
rint,eisnonnocebit.Et s'ils ont beu quelque cho
fe mortelle, elle ne leur nuira point. Ce que
_ - nous liſons auoir eſté faićt en la vie de Sainét
Iean l'Euangiste. S. Gregoire cap. f. lib.3. dia
log. Le cinquieſme:Super agros manus imponent,
& benè habebunt. Ils mettront les mainsfus les
1Tl2
D E L’ A s c E N s I o N. 7o3
malades , & ils feront gueris. Comme nous li
fons que Pierre & Iean montoyết enſemble au 4á.s.
temple, à l’heure de l'oraifon, qui eſtoit à neuf . '
heures , & vn homme boiteux dés le ventre de
fa mere y eſtoit porté , lequel on mettoit iour
nellement à la porte du temple,pour demander
l'aumofne. Auquel Pierre dićt, Aurum & ar
entum non est mihi: quod autē habeo, hoc tibi do.In
nomine Iefi Christi Nazareni, dico tibi, furge &
ambula. Ie n'ay or ny argent,mais ce que i'ayie
le te donne. Au nom de Ieſus Chriſt Nazarien,
leue toy , & chemine. Et en le prenant par la
main dextre le leua, & incontinent fes plantes
& talons deuindrent fermes,& entra auec eux
au temple,cheminant, fautant & loüant Dieu.
Ainſi
le fut S.Pierre dónaEtladerechefpluſieurs
reflufcitee. main à Thabite, laquel-
fignes 4Aćř. º:19.
& prodiges eſtoyent faićts par les mains des
Apoſtres au peuple.Sans les Sacremss & la foy I
nul ne peut eſtre fauué. Qui enim non creditsiam .
iudicatus est. Car celuy qui ne croira,ja est iugé
& condamné.Et fans la foy il est impoſſible de
plaire à Dieu. Mais qui eſt celuy qui iette hors
les diables? Qui parle langage nouueau ? Et
qui ofte les ferpés: Par la vrayefoy & peniten
ce ſont chaffez les diables, (comme dit fainćt
Gregoire en l'homelie d'auiourd’huy, & fainćt
Bernard, ferm.t. de Aſcenſione, qui veulent,que
l’Egliſe Catholique, par le miniſtere des Pre
ftres, fait ſpirituellement tous ces miracles que
ont faićt corporellement les Apoſtres.) Nous
parlons
7o4 L E I O V R.

parlons langages nouueaux, quand nulle mau


Rom. 6',
uaife parolle ne procede de noſtre bouche,
P/al.ss. quand nous benitions nostre Seigneur en
tout temps, & fa loüange eſt toufiours en no
ftre bouche : quand auec bonnes exhortations,
fainćtes predications , doćtrines falutaires,
nous oſtons les malices & iniuſtices des coeurs
de nos prochains. Nous iettons le diable hors,
quãd nous chaſſons les mauuaiſes fuggeſtions,
deſirs illicites, & perfuaſions heretiques. En
apres fi la racine d’amertume derechef pullu
le & bourjonne, & l'eſprit immunde qui aura
eſté ietté hors fera retourné, ceux qui virile
ment en foy luy refiſtent, fans luy donner au
cun lieu, ils boyuent choſe mortelle, laquelle
ne leur nuyra point : mais pour victoire , ils
receuront la couronne de iuſtice , de vie &
de gloire. Item ceux qui feiournent & fub
uiennent à l'indigence des neceſſiteux, exer
çant les oeuures de mifericorde, alors verita
blement ils mettent la main fur les malades,
Matth 24. & ils feront gueris. Bien-heureux eſt le fer
uiteur , lequel quand le Seigneur viendra,
zur.is.ra. ainfi faiſant le trouuera: Car il fera constitué
• Act. r. fur tous les biens de fon feigneur. En apres
Pº**“ “ comme dićt fainét Luc, il les mena hors la cité
tu en Ieſus e •

Christ. au mont des Oliues, en Bethanie, laquelle e


ftoit contigue & fituee aupres de ladićte mon
taigne, leuant fes mains au ciel, il les beneist.
Et Dominus quidem Iestu postquam loquutus est
eis, aſumptus est in celam, & fedet à dextris Dei.
Apres
-

DE L’ A s c E N s 1 o N. 7o;
Et apres que le Seigneur Ieſus eut parlé à eux,
il fut receu au ciel, & fe fied à la dextre de
Dieu. Certainement Ieſus Chriſt a eu double Luc.r.
&propre vertu , par laquelle il s’eſt efleué au
ciel. La premiere eſtoit la vertu de diuinité: olo/C2.
car comme dit fainćt Paul, in eo corporaliter ha- (
bitat omnisplenitudo diuinitatis.En lũy toute ple
nitude de diuinité gift corporellement : c'eſt à
dire,reallemét & parfaićtement,ſelon laquelle
aucune chofe ne impoſſible à Dieu. L’au
tre vertu eſt de l'ame glorifiee,mouuãt le corps
glorieux comme elle veut.Cartant grande fera
l'obedience du corps glorifié à l'amebien-heu
reestellement que | où voudra estre l'eſprit, là Aéž. r.
incốtinent & foudainement fera le corps. Et fi
nous liſons que les Anges là ont esté prefens,
& que vne nuë l'oſta de deuant leurs yeux.
Mais quand tu entends qui s’est eſleué,cognois
le feruice de la cheuallerie celeste: & non pas
l'ayde, & la nuë ne la point eſleué: mais l'a re
ceu & oſté de deuant leurs yeux. Comme dit
lePſalmiste:Eleuata est magnificētiatua ſuperce ‘P/at.s.
los. Ta magnificence eſt eſleuee par deſſus les
cieux,en menant auecluyla captiuee.
Illiautem profetti pradicanerüt v ique domino coo
perante,& fermonem confirmătefequentibufignis.
Etapres iceux partirét & preſcherent par tout,
le Seigneur ouurãtauec eux, & cốfirmát la pa
rolle par ſignes qui enfuyuoyent. Par leſquels
fignesilsont eſté cốfirmez en la foy,corroborez
en eſperáce, enflammez en charité, abốdans en
- - Yy
7o6 L E I O V R.

toute bonne ceuure,fçachás & voyans que leur


labeur n'eſtoit point inutile ou infructueux.
C’eſt vn article de noſtre foy, lequel indubita
blement nous deuons croire. Ie croy que noſtre
Seigneur eſt mõté aux cieux,à fçauoir, quarante
iours apres fa reſurrećtion, & fe fied à la dex
tre de Dieu fon Pere tout-puistant:c'eſtà dire,
que comme homme Ieſus eſt monté, qui com
me Dieu toufiours eſtoit auec ſon Pere : mais
ce verbe faićt chair, eſt monté, où parauant il
n'eſtoit felon l'humanité. Et ceſte glorieuſe &
triompháte Aſcenſion, nous apporte ſpecialle
ment trois vtilitez. La premiere vtilité de ceſte
/ Aſcenſion és cieux, & pour y tirer nos coeurs,
#""
trois vtilitez,. en meſoriſa
P danité. Car là doi t
Ilt tOlltC II) O Ilda
|
Matth., eſtre noſtre coeur , où eſt noſtre threfor & |
Coloffs. amour. Comme dit fainćt Paul:Si confurrexištis
cum Christo, quæfurfum funt,quærite,vbi Christus
est in dextera Dei fedens, &c. Si vous eſtes reflu
fcitez auecques Chriſt, cherchez les chofes qui
, font d'enhaut, où Chriſt eſt feand à la dextre de
Dieu,penfez aux chofes qui font d'enhaut,non
as à celles qui font fus la terre. La feconde
vtilité de ceste Aſcenfion est pour noſtre con
duićte au ciel. Car ainfi que Ieſus Chriſt eft
refluſcité, pour nous faire reffuſciter : auffi eft
il monté au ciel, pour nous y mener & con
Miche“ * duire. Car nous ne fçauions pas la voye. Il a
marché deuant nous, pour nous enfeigner le
chemin, & pour nous preparer le logis au pays
& celeſte Paradis, comme nostre fourrier &
| mareſchal
DE L’As c E N s 1 o N. 7ο7
mareſchal. Il est monté deuant eux,en ouurant
le chemin , diſoit noſtre Seigneur : Vado vobis Ioan. rz,
parare locum. Ie vous vay preparer la place en
paradis. La tierce vtilité eſt pour noſtre affeu
rance. Car il eſt constitué aduocat & orateur
pour l'humain lignage en la cour du Roy cele
I. Ioan. r.
fte : ainſi que teſmoigne Sainćt Iean: Aduoca
tum habemus apudpatrem Iefim Christum. Si au
cun a peché , nous auons vn aduocat enuers
le pere, Ieſus Chriſt le iuste, & celuy eſt faićt
l'appoinćtemết pour nospechez.O quelle affeu
rance & confiance deuons nous auoir d’aller en
paradis , quand nous auons vn tel aduocat qui
plaide nostre cauſe?O quelle eſperáce doit cő
ceuoir le Chrestien qui eſt mébre de noſtre Sei
gneur, vny auec luy par charité, de l'enfuyure
en paradis, veu que le chef y eſt paſſé le pre
mier? Ce qu'il a prins pour nous il l'a porté en
paradis,& leué au ciel,c'eſtà fçauoir noſtre na
ture:& pour arres & auấcement de fauuer l'hu
main lignage, vn homme qui eſt Ieſus Christ a
faićt fon entree en paradis le premier, où il re
gnė, & à fin que les fiens regnent auec luy, ne
ceſſe de les inuiter & appeller. O Chrestien
qui defire de paradis la gloire, haſte toy de ve
nir voir ton Roy en fi grand' triomphe & gloi
re.Tiens le chemin qu'il nous a appris fi tu le Obiections
veux fuyure,qui eſt d'humilité,patience,chari desSacramë
té,obeïſſance:En paffant nous pourrons icy re. taires contre
citer l'opinion des nouueaux dogmatiſtes, qui la verite du
difent que l'article de l'Aſcenſion repugne à la s. saeremit.
Y 2
7o8 L E I O V R. -

verité de la realle & corporelle prefence du


corps de Ieſus Christ au Sacrement de l'autel,
affirmant leur nouuelle opinion par telle rai
fon. Puis qu'il est monté au ciel en fon pro
pre corps & est affis à la dextre de Dieu fonpe
re, comment peut-il eſtre tout enſemble icy
bas, & là haut felon ſon humanité ? Nous re
fpondons que fermement & indubitablement
nous croyons l'article de l'Aſcenfion. Sembla
· blement auſſi qu’il eſt au S.Sacrement,realle
Hº“"," ment,& en ſubstance corporelle. Carà l'vn &
à l'autre, l'eſcriture expreſſe nous en affeure &
nous y oblige,difant: cecy eſt mon corps : cecy
eſt mon fang. Toutes & quante-fois que vous
le ferez, faićtes le en commemoration de moy.
Et puis qu'il le veut & le peut faire, nul ne
doit doubter de fa puiſſance. Premierement il
le veut, comme il eſt couché par eſcrit. Man
gez mon corps , beuuez mon fang. Ce que
nous ne pourrions faire s'ils ne nous eſtoyent
vrayement exhibezcy bas. Car eſtant ce corps
au ciel ſeulement, nous ne pourrions obeyrà
ce commandement: mangez mon corps, beu
Figure du s. "°* mó ſang. La figure aprecedé Helie,lequel
s rement, rauy au ciel, laiſſa tomber par terre fon man
teau,lequel Eliſee recueillit receuant le dou
ble eſprit qui estoit en luy à prophetifer & fai
re ſignes & miracles. Ainſi nous a Ieſus Christ
laiſfè fa chair, comme le manteau de fa diuini
té:& d’auantage. Car au Sacrement nous auốs
& la robbe, & celuy qui en eſt vestu. C’est Ie
- fus
|
|- D E L’ A s c E N s I o N. 7ο9
ſus Christ en ſa diuinité & en ſon humanité.
Cecy est prins de S.Iean Chryſoſtome hem.2.ad
populum Antiochenum & lib.3.defacerdo.De ce
fte matiere vous pourrez amplement veoir en
noſtre liure des Sainćts Sacremens,au chap. 16.
traićtant de la fainćte Eucharistie. Prions no- oraiſon.
fire bon Dieu & pere eternel,que quand vien
dra la iournee de la depoſition de noſtre chair,
laquelle doit mourir, nos ames qui toufiours
viuent , puiſſent monterés cieux à celuy qui :
les a creezà fon image, & defon precieux &
digne les a rachetees, à fin que auec luy
elles puiſſent demeurer à tout iamais, pour
eternellement le glorifier.Amen.
D I M E N C H E E' S O C T A V E S
* D E L’A s c E N s I o N.
Fl Vm venerit paracletus, quem ego mit
| tam vobis à patre Spiritum veritatis,
qui à patre procedit: ille testimonium
ŻS-SÉ| perhibebit de me , & vos testimonium
perhibebitis, quia ab initio mecum estis. L'histoire
Euangelique d'auiourd'huy(Chrestiens) est di
uifee en trois parties. En la premiere Ieſus
Christ prometà ſes de leur enuoyer le
S.Eſprit pour leur confolation.En la feconde il
propoſe & predićt les maux aduenir. Et en la
derniere, illes admonneste de retenir en leur
cæur & memoire les chofes fuſdićtes. Cùm ve
nerit paracletu.Quand le conſolateur,àfçauoir
le S.Eſprit ſera venu: lequel vousconfolera en
Yy 3
71o D 1 M E N c H e es o c r.
Propre du S. toutes voz tribulations. Icy nous faut noter
Estrit.
que le Sainét Eſprit confole les eſleuz & amys
de Dieu en diuerfes manieres & façons. Pre
mierement il confole par la preſence de fa cha
rité & grace, ceux qui font en calamité de
Sap. 12. corps, & afflićtion d'eſprit: comme dit la Sa
pience: Quam fauis est ſpiritus tuus domine. O
Seigneur, combien ton eſprit est bon & doux
Røzm. rf. & gracieux: il confole les troublez par la pa
tience & confolation des eſcritures , à fin
qu'ils ayent eſperance : tellement qu’ils fe
glorifient en leurs tribulations, eſtimans eſtre
grand honneur fouffrir outrages & perfecu
r. Cor.7.
tions pour l'honneur de Dieu & exaltation
de fon ſainćt nom. Secondement il confole
les pecheurs qui pleurent leurs propres pe
chez , & les pechez de leurs prochains , qui
eſt vne tristeſſe felon Dieu, par eſperance de
pardon & de mifericorde diuine , à fin que
par trop grande trifteffeils ne foyent englou
tis & abyfmez par defeſpoir de leur falut:
comme Iudas & Cayn. Tiercement il confo
le ceux qui font fruićts dignes de penitence,
en aidant leur foibleſſe. Car ils ne fçauent
point ce qu'ils doyuent prier comme il appar
tient. Mais le Sainét Eſprit faićt requeſte pour
eux, par gemiſſement qu'on ne fçauroit dire:
& par lequel ils font fortifiez, & peuuent fai
Philip.4. re toutes choſes plaifantes à Dieu : Quarte
ment il confole ceux qui ont ferme eſperance
en luy,les adoptaut,choifiſſant,& prenant pour
- les

D E L’ A s c e N s 1 o N, 7Ir
les enfans de Dieu,comme dit l'Apostre: Vous Rºm.s.
auez receu l'eſprit de l'adoption des enfans de
Dieu,auquel nous crions: Abbapere,pere,pere.
O admirable confolation & douceur inesti
mable du fainét Eſprit. Voicy,nous eſtions in
dignes d'eſtre feruiteurs: mais par la confola
tion du fainét Eſprit, & par les abondantes ri
cheffes de fes graces, nous ſommes faićts en
fans du Dieu , freres de Ieſus Christ,
citoyens des Sainćts, de Dieu,
temples du fainét Eſprit. Et fi nous faifons
la volonté de Dieu, nous fommes les meres,
foeurs & freres de Ieſus Christ. C’eſt le fainćt
Eſprit qui rend teſmoignage en noſtre eſprit
que nous ſommes enfans de Dieu. Et fi nous
fommes enfans, nous fommes auffi heritiers,
heritiers certes de Dieu , & coheritiers de
Chriſt, voire fi nous fouffrons auee luy : à fin -

que nous foyons auſſi glorifiez auec luy. Par ****


lequel la charité de Dieu est efpanduë en nos
coeurs. Voyons donc icy, mes amis & freres
Chreſtiens, comme la fapience diuine fage- #: Apienee
ment parle. Car premierementauant que par- ; ;í:
ler du teſmoignage du fainćt Eſprit , il declare if i
remierement fa perſonne, à fin qu'aucun ne les herefeife
penſe
tance. fon teſmoignage
Si tu estre
confideres fa de petiteprócede
perſonne,il impor- º“”
373g23f.

de Dieu,& eſt Dieu auec le Pere & le Fils, en


Trinité de perſonnes, vn feul & vray Dieu. Si
tu demandes affeurance fans doute, c'eſt l'ef
prit de verité, & la meſme v eternelle, la
y 4
712 D 1 M E N c H E E s o c r.
quelle ne peut mentir. Si tu defire la vertu &
effećł de teſmoignage, c'eſt le confolateur
qui parle,non en l'aureille,mais au coeur. Son
teſmoignage n'eſt pas en parolle, mais en ver
tu & puiſſance,& qui parfa fapience infallible
abbat & confond les herefies aduenir. Car
remierement, quand il dit: Quem ego mittam,
ie vousenuoyeray,clairementil demon
ftre contre l'erreur des Grecs, que non ſeule
K mét il procede du Pere:mais auſſi du Fils eter
nellement, qui toutefois par le Pere & par le
Fils eſt enuoyé temporellement. Secődement,
quand il dit, mittam à patre, lequel ie vous en
uoyeray de mon Pere : clairement il demon
ftre qu'il eſt d'vne meſme ſubſtance auec le
Pere. Car le Pere & le Fils ont vn meſme ef
prit : contre l'erreur des Arriens. Tiercement,
quandil adiouſte: Quiàpatreprocedit, qui pro
cede du Pere, clairement il demonſtre que le
fainét Eſprit n'eſt point creature, mais crea
teur: contre l'erreur d'iceux meſmes Arriens:
çar ce qui procede de Dieu, eſt Dieu : mais
- les creatures ont eſté formees de rien, & non
Les Estrit de la ſubſtance de Dieu: Spiritum veritatis:l'ef
#raifonsest mö- prit de verité : cela eſt dict. Premierement,
o •

mëparia tou Pou e que le fainét Eſprit procede de Ieſus


she de verite, Chriſt, qui est la meſme verité. Secondement,
frit de veri-pource
far,
qu'il toute
de faufleté, enfeigne
veritéfans aucunepour
neceſſaire meſlange
le
lut. Tiercement , par-ce que ceux lefquels
de fa grace il remplit , il les faićt veritables
CI1
- D E L’As c E N s 1 o N. 713
en parolle & en æuure.Car ils ayment,parlent, "º":"*
& font la verité:ils cheminét en verité, ils s’ef
iouyſſent à la verité, ils font fermes en verité,
ils ne font rien contre la verité, ains font tou
'li
teschoſes pour la verité.Finablement,il eſt ap
pellé l'eſprit de verité,à la difference du maling Ioan.s
eſprit,qui eſt l'eſprit méteur,& le pere de men
fonge, duquelles mébres, cốme leur pere font
1
méteurs,qui de menſonge font leur fe
deffendent par menſonge,ne s'accordent point
à verité, mais croyét à menſonge & à iniquité,
aymãs méſonge & vanité. Ainſi le pere de mê
fonge les deçoit & trompe, les pour
n'obeyr,ains reſiſterà verité,& blaſphement la 2. rimoth.a.
voye de verité.Mais apres qu'ils aurőt labouré -

impieté,ils moiſſonnerőt iniquité, & cueillirőt


le fruit de méſonge, qui eſt damnation & mort
eternelle. Car l'homme cueillira ce qu'il aura Gal“.º.
femé. Mais l'eſprit de verité,qui enſeigne tou L'Eglist ne
te verité, ne permet point que fon Egliſe tre peut errer,es'
*
buche en erreur:car elle est regie par la maistri pourquoy.
ſe & gouuernement du S.Eſprit, qui iamais ne
la delaiſſe ou abandonne , teſmoignant Ieſus
Chriſt: Ieprieray mon Pere,& il vous donnera
yn autre conſolateur. Item Ieſus Chriſt priant
Dieu le Pere,diſoit:Pere fainćt, garde ceux que Ioan.re.
tum'as donné en ton nom.S.Paul : L’Egliſe de _.
Dieu viuant , columna & firmamentum veritatis, '°'"'*
colomne & fermeté de verité. Doncil eſt tout
clair & manifeſte que l'Egliſe qui eſt la colom
ne &ferme pillier de verité, conduite par ſon
- - Yy f
714 p 1 M E N o H E e s o c r.
eſpoux & chef Ieſus Chriſt, regie par la mai
ftrife & gouuernemết du fainćt Eſprit, ne peut
errer. Encores moins croyable, que toute l'E
glife Catholique & vniuerfelle ait erré mille
cinq cés ans, comme difent les nouueaux dog
matiſtes, apaſtelez de la mortifere poifon d'he
refie.Ipſe testimonium perhibebit de me,iceluy rẽ
dra teſmoignage de moy. Voylà l'effećt du S.
Eſprit,& vtilité,à fçauoir,qu'ila rendu teſmoi
gnage de Ieſus Chriſt à fes diſciples, leſquels
****: il a tellement cőfirmez en la foy, & en l'amour
d'iceluy, que nulle creature ne les a peu ſepa
If “rer de la foy & amour d'iceluy. Il a rendu tef
moignage de Ieſus Christ aux Apostres, en plu
# fieurs & diuerſes manieres. Premierement,leur
Apostres, e inſpirant la vraye & fyncere intelligence des
******* Efcritures fainćtes. Comme diſoit le Sauueur:
. Scrutaministripturas,ipſe enim testimonium perhi
Ca bent de me.Examinez les eſcritures,car elles ren
4á.e. dent teſmoignage de moy. Ainſi par les eſcri
tures ils ont cogneu que toutes les promeffes
de Dieu, toutes les ombres & figures de la loy,
tous les oracles prophetiques eſtoyent accom
plis en Ieſus Chriſt: Qui eſt la fin de la loy. Et
que tous les Prophetes luyrendent teſmoigna
A.m.e. f: * qu'il n'y a point de falut en autre qu'en
". luy. 2. Il leur a rendu teſmoignage de Ieſus
Chriſt, en ce qu'il leur a donné bouche & fa
pience, à laquelle n’ont peu refiſterny contre
dire tous leurs aduerſaires. Car ce n’eſtoyent
pas les Apoſtres qui parloyent, mais le fainće
Eſprit
de l’As c e N s 1 o N. 7ry
Eſprit qui par eux & en eux parloit. Tierce
ment en communiquant fes dons à ceux qui
croyroyent à Ieſus Christ. Car Dieu le pere
faiſoit contestation par fignes & miracles, par
diuerfes vertus & operations, & par les diſtri
butions du fainét Eſprit que Ieſus Chriſt eſtoit
le fils de Dieu, & fon Euangile veritable, car
ce meſme eſprit opere toute les diuifiốs degra r. Cor.rz.
ces, operations & miniſtrations, en Heb. 2.
fant & diſtribuant àvn chacun ainſi qu'il veut.
Quartementil a rendu teſmoignage, quandil
a amolly & adoucy comme la cire fondue les
cæurs des auditeurs plus afpres & durs que
pierre ou marbre, pour receuoir la foy de Ie
fus Christ,auquel premierement ils ont refisté,
outragé, nié,blaſpheme, calomnié,machiné ſa
mort,iugé, condamné, attaché, cloué, crucifié
en la croix. Mais qu’eſt il aduenu finablement:
Ceque le Prophete auoit predićt: Emitte Spi ‘Pfal. res.
ritum tuum,&c. Enuoye ton eſprit & ils feront
créez, & tu renouuelleras la de la terre:
Ioan.9 •
carceux qui premierement auoyent dit: Ceft
homme n’est pas de Dieu, ila le diable: & qui
au temps de fa paſſion ont crié, ofte, ofte,cru
| cifie,crucifie leiceux meſmes en apres ont dit,
Quidfaciemus,&c. Que ferons nous,& apresa
noir demandé confeil aux Apoſtres,ils ont esté
baptizez au nom de Christ: Et vos testimonium
perhibebitis,quia ab initio mecum estis.Et vous ré
drezteſmoignage de moy , car vous eſtes dés
lecommencement auecmoy : vous auezouy
IF1A
716- D 1 M e N c H E e s o c r.
ma doćtrine, vous auez veu ma vie & conuer
fation, les admirables ſignes & miracles que
3/ , nul autre a faićt. Icy nous faut faire vn recueil
ges de Christ
par leſquels des teſmoignages de Ieſus Chriſt, par leſquels
- - - , si -

r., í - nostre foy eſt affeuree & renforcee. Premiere


tifee. ment le pere de mifericorde a rendu teſmoi
gnage de fon fils en fon fainét bapteſme, en ſa
Mestf.3.
glorieuſe transfiguration, & finablement au
Matt. 17. temple où tout le peuple estoit preſent.Secon
Ioan. 12. dement le fils vnique du pere celeſte a rendu
teſmoignage de foy meſme, diſant:Ie fuis qui
réds teſmoignage de moy-meſme,& mon tef
moignage eſt veritable, & les oeuures que ie
fais au nom de mon pere, rendent teſmoigna
ge de moy. Tiercement le S. Eſprit a rendu
1. Ioan.f. tefmoignage de Ieſus Chriſt. Il en y a trois qui
donnent telmoignage au ciel:le pere,le verbe,
& le fainct Eſprit Erces trois font vn.Aufſien
- y a il trois quí donnent tefmoignage en la ter
re,l'eſprit,l'eauë,& le fang.Et cestroisfont vn.
Si nous prenons teſmoignage des hommes, le
teſmoignage de Dieu eſt plusgrand. Car ce
ftuy eſt le teſmoignage de Dieu, par lequelila
teſmoigné de fon fils. Qui croit au fils de Dieu
il a teſmoignage de Dieu enfoy-meſme.parle
quel Dieu nous a donné la vie eternelle:& ce
fte vie eſt en ſon fils: qui a le fils , il a la vie:
qui n’a point le fils de Dieu, il n'a point la vie.
Quartemét les eſprits angeliques en fa ioyeu
fe natiuité, glorieuſe reſurrećtion, & triom ||
phante Aſcenſion viſiblement fe font appa
$ ... IUS,
D E L’ A s c E N s I o N. 717
rus,qui fuffiſammết luy ont rendu teſmoigna
ge. Le ciel luy a rédu tefmoignage.Car quand
il est nay, il a enuoyé l'eſtoille,laquelle a con
duićt des fages Roys en Bethlehem.Luy mou--
rant le Soleil a retiré ſes reluyfans rayons, & a
eclypfé. Voyla pluſieurs teſmoings de la partie
du ciel, qui rendětteſmoignage de IeſusChriſt.
De la partie de la terre, tous les Prophetes luy
donnent teſmoignage: Que quiconque croira
en luy, il receura remiſſion des pechez parfon Ioan.r,
nom. Monfieur Sainćt Iean Baptiſte eſt venu
pour rendre teſmoignage de la lumiere, à fin
que tous creuſſent par luy. Les fainéts Apo
ftres par grande vertu rendent teſmoignage
de luy: la terre en fa paſſion a tremblé:les pier- uate.az.
res fontfendues, le voile du temple diuiſé, les
fepulchres des morts ouuerts. Eſtant viateur
en ce monde, la mer & les vents luy obeyf
foyent: à fa parole le figuier eſt demeuré fec : à
fon commandement toutes maladies ont eſté
dechaffees. Defquelles choſes les fainćts Apo- /*

ftres & Euangelistes font teſmoings, & l’ont -

apertement & franchement teſmoigné. Pre


mierement par paroles,par leſquelles ils annő
çoyent par grande vertu au peuple les chofes
qu’ils auoyent veu & ouy. Item par ſignes &
miracles, par leſquels nostre Seigneur renfor
çoit fa parolle. De la partie des enfers pour fu
perabondans teſmoignages ; les diables for
toyent de pluſieurs, criãs & difans:tu es Chriſt
le fils de Dieu. Donc iuſtement & fans excu
- fation
718 D 1 M E N c H E E s o c r.
fation ceux qui recuſent & refuſent donner
foy à tant de teſmoings, font coulpables de
damnation.S’enfuit en l'Euangile:Hecloquutu
fum vobis. Ie vous ay dićt ces chofes, moy qui
fuis voſtre maistre, & doćteur, de ma propre
bouche,non parla bouche des Prophetes,com
me iadisi'ay faićtà vos peres, vt non standalize
mini, à fin que ne foyez point ſcandalizez.Par
ces paroles, il confirme & fortifie fes Apoſtres
en la foy:illes corrobore & rend fermes en ef
perance, & à ſon exemple il les enflambe en
charité:& à ſon exemple il les incite & prouo
que à la vertu de patience. Leſquelles chofes
preferuent de ſcandale:cartelapreuifa minufe
riunt, les fleſches preueuës moins endomma
gent, & qui deuant la bataille penſe à la cou
ronne & aux fruićts de tribulation, il les em
braſfera auec toute gayeté & lieffe de coeur:
car elles purgent la coulpe, diſpoſent à grace,
oſtent l'amour du monde, contraignent aller à
Dieu,font cognoiſtre l'homme,enflambent en s
l'amour de Dieu,conforment & accordét à fon
fils Ieſus Chriſt, deliurent de la damnation e
ternelle, & par maniere de dire , pouflent de
grande roydeur pour aller au ciel:Abfque fỹna
gogisfacient vos. Ils vous ietteront hors des Sy
hommes indignes de viure,
peſtilentieux,heretiques,excommuniez, & in
fideles, à fin que par voſtre dangereux attou
chement & maladie contagieuſe, les autres ne
foyent maculez & foüillez. Mais quand les
InC
D E L’ A s c E N s 1 o N. 719
| meſchans ont chaſlé les bons de la ſynagogue
de Satan, Ieſus Chriſt les a receus au parc &
bergerie de fon Egliſe militāte:& finablement
les inthroniſera en fon Egliſe triomphante de
fon royaume celeſte. Mais l'heure vient que
quiconque vous fera mourir, penfera faire fa
crifice à Dieu. Et hæc facient vobis,quia non noue
runt Patrem nequeme.Et feront ces choſes pour
tant qu'ils n’ont cogneu ny mon Pere,felon la
eternelle , ny moy fon Fils vnique,
elon ma nature propre & diuine, ny felon ma
nature humaine , comme prinſe du Verbe di
uin.Maisie vousay dit ces choſes, comme pere
pitoyable, mifericordieux & fecourable,com
me bon maiſtre, regent diuin & doćteur cele
ste. Vobis,à vous,mes enfans,diſciples & amis.
Vt cùm venerit hora, eorū reministamini, quia ego
diri vobis. A fin que quand l'heure fera venue,
il vous en fouuienne que ie les vous ay dićtes:
àfçauoir, que ces mots predits demeureront &
s'arreſteront en vous. Car le monde fe refiouy
ra: & vous plorerez & lamenterez: vous ferez
comme brebis au milieu des loups, comme le
lisentre les eſpines: comme pauures entre les Ioan.is,
riches:mais ayez memoire qu’en vostre patien
ce vous poſlederez vos ames. Cependant il
nous faut noter, quand nostre Seigneur dit, à
fin que vous ne foyez point ſcandalizez, que
c'eſt que fcandale.Scandale eſt vn dićt ou faićt seandale,
mauuais, baillant à autruy occaſion de ruine,
lequel est double à fçauoir aćtif & paſſif Actif
equel
72o D IMENcHE E s o c T. ,
lequel baille à autruy occafion de ruine,lequel
en toute diligence on doit fuir & euiter. Car il
Matth.rs.
eſt eſcrit en S. Matrhieu : Qui standalıZauerit
vnum expuſillis istis,qui inme credunt,expedit,crc.
Quiconque ſcandalize vn de ces petits icy, qui
croyent en moy,il luv eſt plus expedient qu'on
luy pếde vne meule de moulin au col,& qu’on
le iette au profond de la mer. Malheur au mon
de pour les ſcandales. Car pluſieurs auec Ba
laam,& mauuaifes oeuures,enfeignét les fcan
dales,comme yurongner, ioüer, paillarder, de
traćter, blaſphemer, dogmatifer, & par leurs
fauffes & corrompues doctrines, font perdre
& perir ceux pour leſquels lefus Christ en fon
r.Cor. 3 • corps a enduré cruelle mort. Mais maledićtion
à celuy par lequel fon frere est offenſé en fa
conſcience foible, en la foy est fcandalizé, en
fa vie & conuerſation. Et comme ce meſme
Rozm. 14. Apoſtre dit: Il est bon de ne manger chair, &
de ne boire vin,ne faire chofe parquoy ton fre
re ſoit offenfé, ou ſcandalizé, ou debilité en
~~
la foy : & eſtre fans offenfe & ſcandale à tous.
r.Cor.ro.
Mais à ſon exemple plaire en bien à tous, s'ab
2.Cor.8.
ftenir de toute mauuaife eſpece. Les enfans de
Belial & de Satan font les fcandales, comme
les heretiques qui enſeignent ce qu'il ne faut
enfeigner, pour leur gain & profit particulier.
Les mauuais conſeillers font les fcandales, en
donnant mauuais confeil, comme Achitophel
à Abſalon:Ionadab à Amon: Caiphas aux Pre
ftres & Sacrificateurs.Duquel ſcandale P Ieſus
D E . L’ A s c E N s 1 o N. 721
Ieſus Chriſt,diſoit ainſi : Si oculus tuua standali- Matth.s.
Katteserue eum.Si ton æil te fcandalife,arrache
le & le iećte de toy. Sita main & ton piedt'em
peſchent couppe les & les iećte de toy.Carilte
vaut mieux qu'vn de tes membres perille que
tout ton corps ſoit iećté en la gehenne. Mais
c'eſt choſe bien rude & rigoureuſe d'arracher
- fon oeil,coupper la main ou le pied. Ie confeſ
| fe que la choſe eſt duresaſpre, & rude. Mais les
ſupplices de par delà incomparablement font
plus aigres & rigoureux, fi nous n'accomplif
fons ceſte parolle par æuure & verité. L'oeil est
vn tres-noble membre de l'homme, la main
grandement neceſſaire pour acquerir les cho
fes necellaires, pour l'entretenement de la vie
mortelle. Le pied tres vtile pour euiter & fuyr
les offences & pechez , & pour procurer les
choſes vtiles. Donc fituas vn amy ou confei
ler pour fagement donner confeil, lequel f’est
cher & bien aymé comme ton ceil ou la main,
c'està dire, vn laboureur fidelle,ou le pied,c'eſt
à dire, la perſonne de toy aymce » comme ton
ied,ſi le conſeiller, fi l'quurier, fi l'aimé te có
, induiſent, & enſeignent occafion de
ruyne, de pecher, de faire contre l'honneur de
Dieu, contre la charité de ton prochain,ſepare ,
toy de ce mauuais conſeiller, & l'arrache deta. . . .
cốpagnie, couppeta main,c'eſtà dire,ne vueil
le point meſurer combien ce labouteur ou- - - -
urier te profite pour amaſfer richeſſes. Mais ** *
combien il t’incommode & t’empeſche pour.
* Z Z -

/
| 712 D 1 M E N c H E E s o c r.
auoir la grace de Dieu en ce monde, & le thre
for celeſte au fiecle aduenir. Couppe ton pied
lequel aux eſcritures fainctes fignifie amour &
, comme la main fignifie les oeuures
* que nous faifons. Si donc tu as vne perſonne
enuerstoy que tu aimes comme toname, fi el
le t’est occaſion de pecher,ou que tu ne la puiſ
fe auoir fans pecher, comme font concubines,
paillardes, & autres perſonnes pecheurs ou pe
chereſſes, qui te prouoquent à peché, il les te
faut enfermer dehors , reietter, & debouter,
fuyr, & refuſer comme vne ladrerie , comme
vne peſte, comme vn diable, & comme vne
meſme mort. Mais voicy vn mal douloureux:
tous les iours nous ſommes ords & falles, nous
iettons telles parolles derriere le dos , & les
meſpriſons comme fonges ou menſonges , &
toutefois nous difons tous que la parolle de
Dieu demeure eternellement. Or donc il te
- faut confester que c'est la parolle de Dieu, &
alors elle te condamnera: ou dire que les Apo
ftres & Euangeliſtes ont de leur teste entre
meſlé ou controuué telles parolles. Et par ainſi
tu leueras & osteras toute la foy & auctorité
des Euangelistes.Si vous fçauez ces chofes(dit
1ean.rs. Ieſus Christ)& vous les faićtes,vous ferez bien
*****: heureux. Si vous les fçauez, & ne les faićtes,
vous ferez battus de maintes playes; & auec le
e mefchantferuiteurlespieds & mains licz,vous
ff. ferez iettez & plongez aux tenebres exterieu
res,où il y aura pleurs & grinffements de dents,
- par
DE L’ A s c e N s 1 o N. 723
ar tous les fiecles des fiecles.Scandalle paffif, .
prend par le dire ou faire d'au
truy,eſt fort perilleux, & lequel doit eſtre foi
gneuſement fuy & euité : lequel procede par
l'occaſion de l'exces ou peché d'autruy. Com- :
me le ſubiećt voyant fon maistre abonder en
delices,faire les voluptez de la chair,tranſgreſ
fer les iuſtes loix de Dieu,meſpriſer les louan
ges diuines, & il enfuit fes veſtiges,fans confi
derer que ceux qui enſuiuent le condućteur,
aueugle.tombent auec luy en la fofie:autquels "catt.rs.
| arlant fainét Iean,n'enfuiuez pas le mal:mais "***
bien.Car la terre s'ouurant & fendant foubs
lepied de Choré, Dathan & Abiron, les a en
glouty tous vifs. Ainſi la mer non ſeulement Ex, u.,,
a couuert Pharao: mais auſſi toute fon armee: Gene
ainfi le deluge a fait defloger tous les habi- Genfrº.
tans de la terre,excepté huićtinnocens qui ont
eſté fauuez à l'arche de Noé. Ainſi la flamme
deuorante a conſommé les habitans des cinq
citez circonuoifines,& pource: Noli emulari in Pſal.so.
malignantibus,neque zelaueris facientes iniquita
tem.N’aye point enuie aux meſchans, ny aux
operateurs d'iniquité.Carlegierement comme
le foin ils fecheront, & comme les herbes deſ
cherront. Mais pluſtoſt eſpere en Dieu, & fais
bonté. Et le Dieu de bonté te fera mifericor- .
de en ce preſent fiecle, & en l'autre t'introdui
ra. Pour lequel obtenir vn chacun de nous
preſentement le priera,& humblement le ſup
pliera, que par la grace de l'eſprit de verité, il
Zz 2
724 d 1 M. E' s o c T. D E L' A s c.
nous vueille enfeigner toute verité neceſſaire
pourle falut de nosames, nous faire veritables
en parole & en ceuure,c'eſtà dire, aimer, par
ler,& faire la verité,cheminer , s'efiouyr, eſtre
ferme en verité, ne rien faire contre la verité,
nous entretenir en la foy,& en la verité de le
fus Christ & de fon Eglife , indubitablement
croire aux tefmoignages de Ieſus Chriſt, par
leſquels noſtre foy eſt alleuree & renforcee,
euiter & fuir tous fcandales: à fin que par bon
ne vie & exemplaire conuerſation, nous auec
11OSi , & nos prochains auec nous,
puiſſions paruenir à l'adoption de la vie eter
nelle, pour en icelle eternellement glorifier
Dieu le Pere, Ieſus Chriſt fon Fils, & le fainćt
Eſprit,vnfeul & vray Dieu, qui regne & vit au
fiecle des fiecles. Amen.

F I N D V V O L V AM E D E
puis l'Aduent iufques à la
Pentecoste.
SER

-
GEL I Qy E s ET AP o sToLI
Q_y E s , s v R LE s FEs rEs so
lennelles de toute l'annee, où ſont contenue plu
fieurs belles fentences, tirees de lafainšte Estri
ture cớ anciens Dočteurs.

Sermon de Sainćt Nicolas.

Sint lumbi vestri pratinäide -

§ : T O s T R E Euangile en ſomme Luc.12.


BN & nous inſtruićt de la vertu des
& de la fin que ils
-
N
NV3|||| Chrestiens,
\\ } :
doyuent pretendre en icelle, &
ſpeciallement nous instruićt de
la vie des Pasteurs pour les imiter. Et pource
auiourd'huy elle nous propoſe lavie de fainćt
Nicolas,laquelle est eſcrite en Suydas, en peu
de termes,& fort propres en declarất pluſieurs
miracles, & entres autres , qu'il a reffuſcité
trois Capitaines. Nostre Euangile donc nous
baille l'office d'vn Chrestien , & principale
ment d'vn Eueſque : où il faut premiere
ment proceder du cæur, ºsmn; il eſt dićt au
|- z 3:
716 LA F E sre -

Pfalme quarentèquatre autrement Dieu met


tra fa part auecles hypocrites, & n'aura aucu
ne recompenfe: car ce qu'il a faićt, il l'a faićt
par hypocrifie, & non pour l'honneur de Dieu.
Reproche Ieſus Chriſt aux hypocrites, difant:
vous eſtes ſepulchres blanchis: mais dedans il
n’y a que pourriture. Donc la principalle ver
tu d'vn Chreſtien eſt en l'interieur. Il eſt in ca
ftitate, pour dompter la chair: Nam ſpiritus Do
mini non potest effe in homine, quandiu caro domi
natur in illo. Non habitabit , ait Dominus, am
plius ſpiritus meus in homine, quia caro est. L'autre
raifon eſt, pource que nos corps font temples
de lefus Chriſt. Nous ne pouuons donc oster
nos corps à Ieſus Chriſt, fans le perdre, &
pource, les membres des Chreſtiens doyuent
eſtre chaftes. C’eſt pource que la vertu & puiſ
-
* y fance du diable conſiste aux reins, comme de
clare Iob chapitretrentefixieſme.La troifieſme
raiſon eſt noſtreEuangile,de paour
que le diable ne vienne à nous furprendre en
defarroy , & ne foyons condamnez auec l'au
-

theurde damnation. Et pource dit noſtre Sei


gneur:Sint lumbi vestriprecinčti, & lucerne, &c.
Il nous faut eſtre continens. Regardez vnpe
tit combien parles incontinens grands incon
. ueniens aduiennent. La cauſe du deluge,
premiere deſtruction du monde, a esté par in
continence. L’euerfion de Sodome, quant au
particulier, auſſia eſté par incontinence.L'ex
termination des grands prestres, a eſté auſſi
- - pour
D E S. N I C O L A S. 727
pour meſme cauſe, vt dicitur 1. Regum.Sembla- . Krzem,
blement auſſi au iour du iugement le mõde fe
ra ſurprins en cela, on ne parlera que de boire
& mấger, vt dicitur Matth.24.Tellemét que in- Matth.24.
continence,c'eſt vne des marques de la cőfom
mation du monde. Or S. Nicolas a tafché par
bons moyens à garder continence.Comme fai
foyent femblablement les Chrestiens de la pri
mitiue Egliſe. Eufeb.lib.2.c.17. de fon hiſtoire, En/et.Hist.
dit que Christiani continentiam tanquam aliarum Eeelestast.lib.
virtutăfundamentă custodiebant,deinde alias vir- *“?“7”
tutes/uperadificabāt.Iuſtin marryrapolog.2.en dit Infiin*:
autant.Il dit que on accuſoit les Chreſtiens de
incontinence : mais il monſtre cela eſtre faux.
Car qui concupistentiam diligit in eo fe conferuare
vult. Mais quant à nous, offrons librement nos
corps à la mort, & ne tenons aucun compte de *

noſtre vie. Tertullian en dit autấtin apolog.cap. ********


4f.parlant des Gentils,leſquels voyans que les
femmes Chrestiennes eſtoyent fi chaftes, qu'el
les aymoyent mieux mourir, que commettre
incontinence quand ils en prenoyent quelque
vne. Non adleonem fed ad lenonem clamatis(in
quit.) Car au parauant on les bailloit aux lions:
mais apres ils crioyent au bordeau. Et cela les
Chreſtiens eſtimoyent estre plus grãd fupplice
d'eſtre menezau bordeau,que de mourir. Hie
ronymus in vita Paulieremitæ,parlant de la vie de
deux Empereurs tyrans, qui excogitoyent tous
enres de ſupplices pour affliger & tourmenter
# Chreſtiếs:mais ils ne vouloyent par la puni
Zz 4
728 LA -F EsTE
tion du corps : mais l'ame. Et pource ils taſ
cheoyent à leur faire perdre la chafteté. Il reci
te vne belle hiſtoire d’vn ieune enfant, lequel
quandil fut fur l’eſchaffaut, on luy enuoya des
femmespubliques pour luy faire perdre la cő
Ftithani" tinence:maisils ne peurentrien faite. Epipha
nius recite de Origene , lequel eſtoir pres du
tyran pour eſtre martyré. On luy offre,il faut
que tu faces de deux chofesľvne, ou bien que
tu t'adonne à quelque fernme, ou que tu ado
re l'idole. Origene fçachant la grande conti
nếce des Chreſtiens, maluit incẽfam offerre idolo
quàm castitatem amittere. Or le plus grád estude
des Creſtiens a eſté d'entrerenir leur chasteté.
Ita vt maiorem accuſationem nõ haberent Christia
ni, nist quod obijteretur eis incontinentes effe, vt ait
Iustinus.Tellemét que les Payens reprochoyent
aux Chrestiens, qu'on ne trouuoit plus de pu
tains au bordeau: mais que les Chrestiens les
retiroyent.Il eſt vray (dit Iustin) nous les retirős
arnener à falut. Clemens Alexan. lib.de .
edagogio en đit autant. Les bordeaux publics
teſmoignent affez que nous ne ſommes point
paillards, car nous auons retiré les paillardes
du bordeau,pour les amener à falut. Nous en
fuyuons en cela la loy eſcrite de noſtre Sei
gneur Dieu Deuteron.23.& Leuit.3.Tu ne per
mettras point qu'il yait vne fille d'Iſraël pail
lardemáis qu'elle foit lapidee. Voylà ce quia
tant efmeu les Chrestiens d’obſeruer contineri
ce. Il ne fe faut donc eſmerueiller fi S. Nico
- - - las
D E S» N I C O L A S. 729
las a racheté des filles du bordeau: caril eſtoit
Eueſque.Mais maintenant nous qui les deuons
retirer, pluſtoſt les deſbauchons & corrom
pons par argent. Constupranturerste perffra
gianon venduntur officia. Voylà vn Iuge à Pa
ris, il luy faut bailler vne fille pour ſe defdui
re,& toutefois c'est à luy à y prendre garde.Or
dit Iuſtin,indignum est Christianosincontinentiam
fequi. Lefquels mots font in Cod. de Theodo
fien. Les Chreſtiens n'ont point accouſtumé
de laister aucun mourir de faim,& fe prostituer
publiquement. Et pource quand Theodoſe fut
Chreſtien,les Chreſtiens luy feirent vne reque
fte que les peres n'euffent plus de puiſſance de
vendre leurs filles. Il y a des histoires de la con
tinence dedans Eufebe lib. y. auquel il parle de
AMaxentius & Maximinu,quiinfidiabanturpudi
citiæ mulierum Christianarum. Et pour les faire
addonner à incontinence, proferoyent paroles
vilaines & laſciues. Mais au contraire les fem
mes Chreſtiếnes venoyent à ſe coupper la gor
ge de peur d'eſcouter telles Telle
ment que fainét Augustin ne les veut pas pour
ceſte cauſe ſanctifier: mais auſſine les veut pas
condamner. Or donc voylà la façon de la pu
dicité aux Chreſtiens, laquelle a eſté en fainét
Nicolas,&laquelle nous deuons tous fuiure,&
principalement le clergé. Nam Deu non habitat
vbi est pollutio. C'est pourquoy au vieiltestamét
il admonnestoit toufiours les prestres d'estre
chaftes. Santti estore, quoniấego fanċtu fum:Ideº
Zz 5
73o - ,: , L A F E S T E

quãdiu feruiebant Deo,nõ habitabāt cum vxoribus,


có fumebant alia vestimēta quando ingreffuri erant
in templum. C’eſt l'argumét de tous les anciens,
fi l'homme & la femme fe veulent preparer à
feruir Dieu , il eſt neceſſaire qu'ils fe contien
nentsad aliquod tipus, vt ait Paul.ı:Corint. 7.Veu
que l'Eueſque eſt ordonné pour feruir à Dieu
toufiours.Neceffe ergo est vt perpetuò fe contineat.
La premiere raiſon pourquoy l'Euefque ſe
doit contenir,eſt de la part de Dieu. Dauanta
ge Epistopus mediator est inter Deum & populum
vt offerat dona & facrificia profuis,itaque debet effe
maioris cãtinētie. La troiſiefmeraiſon,c'eſt qu'il
doit eſtre exemple aux autres, à ſon troupeau.
Quomodofieri poterit, vt qui adulterfit,audeat mo
mere cateros nefnt tales? Car on luy pourroit dire
le prouerbe: Clodius accuſabat mæchos: Catilina
Cethegos. Clodius estoit paillard,& accuſoit les
autres de paillardiſe, Catilina eſtoit coniura
teur, & toutefois accuſoit les autres, comme
Cethegus » de la coniuration. Et pource diſoit
Sainét Paul à ſon diſciple Timothee 1. Timoth.
4. In omnibus prahe teipfum exemplum fidelium. In
charitate,patiētià,caštitate.Si tu te veux biếmő
ſtrer, il faut que tu fois l'exemple de ce que
tu monſtre. Que tu fois chafte.Et comment fe
ra-il poſſible que tu exhortes le peuple en luy
monſtrant exemple du contraire? Illuy fera ad
uis que tu te mocqueras de luy,de dire l’vn, &
faire l'autre. Il faut donc eſtre chafte, pour
exhorter les autres à chafteté. Les Payens &
=- here
de s. n 1 c o 1 A s. 73r
heretiques n’ont ſceu iamais diffuader plus fa
cilement,ny mieux,la doĉtrine des Chreſtiens,
que dedire qu'ils eſtoyết incontinens.Meſmes
les luifs reprochoyent à nostre Seigneur qu'il
eſtoit impudique, qu’ıl hantoit auec les fem
mes, & les heretiques font le femblable. Il eſt
eſcrit en Gregorius Nazianzenus, de ce pauure
fainćt Bafile, ils tafcherent par trois moyens à
l'auoir.Premieremét par parolles,faićtes
voſtre bourſe,& ne vous fouciez de rien. Puis
apres n’ayant encores rien faićt, on l’accuſa de
trahifon, qu'ilauoit voulu trahir l'Empereur,
qu’il le vouloit vendre aux ennemis: mais ils
n'ont encores rien gaigné.A la fin ils ſe propo
fent de l'auoir par incontinence,de luy impo
fer qu'il estoit paillard, & pource ils font en
trer de nuićt vne garſe publique , & le lende
main l'amenét deuãt le peuple: & biếm'amie,
où auez vous couché ceste nuict?Elle reſpond,
auec nostre Eueſque Bafile. Incontinếttout le
peuple ſe prendàrire. Sainćt Iean Chryſoſto
me,epistola ad Cyriacum,diſoit que toufiours les
heretiquestafchoyent à le prendre en adulte
re.S.Auguſtin dit que les Donatiſtes tafchoyết
à faire coucher quelque putain auec luy. la
mais les Caluinistes n’ont eu de plus grand
moyen contre noſtre religion, que de dire, les
noſtres font incontinens & paillards. Et mon
amy,encore que ainfi feroit,pourtãt la doćtrine
n'en eſt pas plus meſchante:Etenim ſuper cathe
dram Moyst/ederunt Scribe ó Pharisti : qua di
C4Mf,
732 L A F E S T B .. .

cunt,facite:quafaciunt,nolitefacere. Il faut faire


ce qu'ils diſent, & non ce qu'ils font. Dieu a
auſſi bien vfé d'vn mefchant homme, pour an
noncer verité, comme d'vn bon : comme de
Pilate. Et ils le confeffent en leur confeſſion,
dixhuićtiefme chapitre, contre les Donatiſtes,
que le ministre n’empeſche point,& tant mau
uais ſoit-il, ne peut empeſcher l'effećt du fa
crement, Orbien, ils nous reprochent que nos
Prelats font paillards: mais fion vouloit eſpier
leur vie, on trouuera qu'il y a plus de Caluini
stes adulteres,que de Paſteurs de l'Egliſe pail
lards. Et cela demonstre qu'ils fontheretiques,
car la paillardife amene auec foy herefie, &
herefie amene paillardiſe. C’est ce que dit S.
Paul ad Galat.s. Caro concupiſcit aduerfus ſpiri
tum. Manifesta funt autem opera carnis, quefunt
fornicatio,immunditia,impudicitia,idolorum ferui
tus, contentiones, fecie, homicidia, cớc. C’eſt vn
abyſme de vice que paillardife, & abyffus abyfC .
fuminuocat. Depuis que vous estes paillards,
vous eſtes tant charnels que ne vous fouciez
plus de rien, & par conſequét eſtes heretiques.
Or monſieur fainćt Nicolas a eſté fort chafte,
& non feulement a gardé ſon corps de pail
lardife: mais auſſia voulu em les au
tres de tomber en ce peché. Il a deliuré trois
panures fe vouloyent prosti
tuer à estreputains, à cauſe de la grande pau
ureté de leur pere.Ce voyant,le bon fainćËNi
colas, ila ierté par pluſieurs fois vne bourſe
- pleine
D E S. N I C O L A S. 733
pleine d'argent,par le moyen duquel elles ont
eſté mariees; & fauuees de ce peché. Nous
trouuons és liutes Eccleſiastiques d'Euſebe,
queS.Iean eſtoit tant curieux de pudicité, qu'il
a couru quelque fois la poste, pour empeſcher
que quelqu’vn ne tombaft en ce peché:c'estoit
où il prefchoit quand il s'en voulut aller, il re
commãda vn pauure ieune homme qu'il auoit
gagné,à vn Eueſque, qu'il print garde Ime

tombaft derechefen ce meſme peché. Ce bon


Eueſque tafcha par tous moyens de l'empeſ
cher: mais il ne peut tant faire qu'il ne fedeſ
bauchaft,& fut addonné à tout vice. Quelque
temps apres, vint S.Iean, qui demanda à cest
Euefque où eſtoit celuy qu’il luy auoit baillé,
incontinent ce bon Euefque fe print à pleurer,
& à luy dire,qu'il auoit toufiours tafché à l’em
peſcher,mais qu'il n’auoit peu fi biếfaire,qu'il
ne s'addonnast à paillarder. S.Jean fçachant le
lieu, print la poſte, & le trouua: ce pauure pe
cheur ſe proſterne à terre, & luy demande par
don,& depuisila veſcu fainćtement.Mais files
Euefques autant de peine fur leur
troupeau,il n'y auroit tant d'abus. Le Roy a eu
quelque eſgard à eecy,defendát qu'il n'y eust
plus de bordeaux. Et entre vous meffieurs du
chapitre vous deuriez defendre que tout pre
ftre qui y feroit trouué,fust degradé,nonobstất
raiſon quelconque: les Caluinistes n'auroyent
plus d'occafion de crier apres les prestres: ils
rougiroyent de honte,& à Dieu que
-
l!
734 L A " F E S T E

fust faićt. C'est pourquoy il est dićt en nostre


Euangile:Sint lumbi vestripreciniti, il nous faut
auoir les reins ceinćts de force & conſtance,
defquelles il faut vn chacun eſtre aorné pour
refiſter au diable. C’eſt ce que dićt S. Paulad
Epheſ Induite armaturam Dei, vtpoſitis stare ad
uerfus infidias diaboli,quoniam non est vobis collu
étatio aduerste carnem & fanguinem, fed aduerfas "
principes tenebrară hară.Armez vous des armes
de Ieſus Christ, pour refifter aux forces du dia
ble,à la chair,à la tentation. Item, i.ad Theffa.2.
State ergo fuccinčti lūbos vestros in veritate,& in
duite loricam iustitie, & calciatepedes in prepara
tionẽ Euangelij pacts.Il faut auoir le glaiue du S.
Eſprit qui eſt verité,c'est la parolle de Dieu. Et
pourquoy prend-il plustoſt les reins que vne
autre partie ? C’eſt à cauſe qu'en iceux toutes
les forces conſiſtent, meſmes ainſi que difent
les medecins:& pource,quand l'eſcriture parle
des reins,elle entend toufiours forcé, conſtãce,
iuſtice, & comme ie vous ay monſtré de fainćt
Paul: Il faut que nos reins foyent armez de
conſtance, de peur de ſuccomber au diable,
à la concupiſcence. Et Dauid difoit Pſalm.37.
Läbi meiimpletifunt illuſionibus, helas mes reins
font pleins de vices, non est fanitas in carnemea.
Si vne fois,Chreſtiens, vous lafchez la bride à
vos appetits defordonnez, c’est faićt de vous,
non estfanitas in carnevestra. C’eſt pourquoy le
Prophete Efaie crie: Ve vobis quiperdidistis con
štantiam. Vous tournez à tous vents,comme le
- - coq
D E Si N I Č O L A S. 735
coq au feſte du cloché. Or il faut estre con
ftant, c’eſt vne vertu requife à vn Paſteur,il faut
qu’il monſtre le chemin aux autres, qu’il mar
che deuant cóme vn capitaine,il faut qu’il met
te fa vie pour mes brebis. Bonuspaſtorponit ani
mam faam pro ouibus fuis.Il faut refifter à ce dia
ble,qui circuit querens quem deuoret. Noſtre Sei
gneur a baillé le premier exemple, il eſt mort
pour nous deliurer des mains du diable. Il a re
fpãdu fon fang pour racheter ceſte pauure bre
bis: Et malheureux font les Eueſques s'ils ne
tafchent à l’imiter. Il fe cốplainćt d'eux en Eze
chiel 34.Vepaſtoribus quipafcũt feipſos,lac come
debatis,& lanis induebamini,quod craffum erat oc
cidebatis,gregem autem meum nõ
ne péfez qu'à remplir vosbourfes de la laine de
vos pauures brebis : ce qu’il y a de bon en eux
vous le mangez,& au reſte ne vous en ſouciez
pas, vous leur arrachez la laine ſur le dos. He
las Chreſtiens, fi iamais Ieſus Chriſta eu occa
fion de crier contre les Paſteurs, c'eſt mainte
nant qu'il a iuſte cauſe, ils ne péſent qu'à rem
plir leursbourfes,le loup est entré dedãs laber
gerie mais ils n'ont pas deffendu l'entree, Dieu
vous en punira.Gregem meũnon pafcitis,mais au
contraire vous le tuez , & tant s'en faut qu'ab
bayez apresle loup, que vous battez les pau
ures chiens qui font ce que vous deuriez faire,
estis canes muti, non valentes latrare. Voire vous
eſtes le loup meſme:qui plus eſt,Greg. Nazian
zene dićt, Summa est calamitas,càmpastores lupi
fiunt.
736 L A F E S T E

fiunt. C'eſt grand pitié, quand celuy qui de


uroit deffendre la brebis y entre le premier
pour l'aflaillir:qui deuroit empeſcher les here
tiques, il les laiſſe entrer, & ce pendantfunt ca
nes muti,qui ne fe foucient que de remplir leurs
Exteh. ** bourfes, regarde que dićt Ezechiel loco citato:
Quod infirmă fuit non/olidasti, quodagrotum non -
, fanastis,quodfatium erat nöalligaftis,quodperie
rat non questuištis. Allez meſchans qui ne vous
fouciez fi la brebis eſt malade, mais au cốtraire
vous y laiſſez entrer le loup:elle estoit malade,
& vous ne l'auez point guarie : elle estoit per-
due & vous ne l'auez point cherchee. Et en
Ieremie 33. Dieu menace fort tels pasteurs, Va
pastoribus qui dilacerant gregẽpafcua mee. Ideò di
cit Dominua: Ecce ego viftabofi per vos malitiam
fudiorum vestroră. Vous diſperfez mes brebis,
maisie recompenferay vos beaux faićts,les Pa-
fteurs,les Eueſques ne fe font pas oppofez aux
heretiques comme ils deuoyent, mais Viuo ego,
dicit Dominus, quia pro eo quod fäčtifunt greges
mei in rapinã, & oues mea in deuorationē, quia non
effetpaftor, Ecce ego fuperpafiores requiram oues
meas de manupastoră,& ceffarefaciä, vt vltrà non
astant. Vous en rendrez comptelie vous ay tất
baillé de brebis,il n'y en a plus, où ſont elles? le
loup les a deuorees , mais vous en rendrez
compte,ne penfez pas eſchapper: Or c'est l'of
fice du Paſteur ; d'auoir foing de fon troup
peau. Lifez 46.diffinči.t.canon de officiopastorii,
Voyez l'Epistre de fainét Bafile aux Eủefques
de
D E s, N I c o L. A s. . 737.
de France 16. 9. & 7, vous trouuerez vne pro
de ce pauure fainét Baſile la plus verita
le qui foit. Nous ſommes en ſigrande miſere
que le loup est entré dedans noltre trouppeau,
il tue vne partie des chiens , & qui eſt beau
coup pire , les aurres ne veulent plus abbayer,
ils veulét plaire aux dames,ils n'oſent abbayer
qu'il faut estre pudique, & chaste : qu'il faur
ieufner,car ils perdroyent leur credit. Et tou
tefois Meſſieurs de France, vous n'auez aucu
ne pitié de nostre deſaſtre : mais Dieu per
mettra quelque fois le loup entrer dedans vo
ftre trouppeau , & lors vous cognoiſtrez voſtre
mifere. Voylà la prophetie qui a esté accom
plie. En Socrates & Sozomene eſt faićte vne
queſtion des Prophetes anciens: Cur in Scythia
non funt tyhicines,quia non fant vites. Auſſi pour
en Scythie n'y a-il point d'herefie,a cau
qu'il y a de bons Euefques qui les empef
chent. La constance de Sainćt Ambroife, a
faićt que les heretiques , & meſmes l'Em
pereur n'a fceu entrer en fon trouppeau.Sainćł
Athanafe a empefché quarante ans le loup.
Sainét Augustin a empefché vn Donatus, vn
Manicheus & autres heretiques qu'ils n'ayen
rien gasté de fon trouppeau. Or Chrestiens
la plus grande deſolation qui ſoit auiourd'huy ·
c'eſt que les Paſteurs dorment, & ce pendant
ils laiſlent la bergerię ouuerte, le loup entre
dedans, il deuore tout. Et fainét Hieroſme di
foit, Beata Gallia quemoniiris
- -
“. Mais main
a 2.

y -*

* f
738 LA F Es r E
tenant s'il viuoit il diroit, Infælicistima Gallia
que monstris abundat. Iamais pays ne fuſt tant
affligé par les heretiques, qu’eſt maintenant
ceſtuy-cy. Regardez, faićtes indućtion : En
tout temps il y a eu de grands perſonnages, qui
ont reſiſté aux heretiques. Simon Magus le
ɔremier heretique : il y a eu Sainćt Pierre qui
a faićt rompre le col. Du temps des Ar
riens, Sainćt Baſile. Du temps des Donatiftes
& Marcioniſtes, fainćt Auguſtin, fainćt Am
broife & pluſieurs autres. Et du temps que
les heretiques venoyent en France, fainćt Hy
laire,fainćt Irenee. Mais maintenant où trou
uerez vous vn qui s'oppoſe pour tous. Mais au
contraire pluſieurs font loups, les autres abie
runtpost auaritiam,ils ne tafchent qu'amalfer ri
cheffes. Ils ne confiderent point l'hiſtoire qui
eſten Efaye de ce grand Pontife qui amaffa des
richestes, & puis il s'en alla en fon pays faire
bastir pluſieurs fomptueux edifices , vn beau
monument pour estre enfeuely eſtant mort,les
Prophetes crient apres luy : Reuiens, reuiens,
le loup entre en la , mais il n’en faićt
rien. Efaye dićt alors, Helas tu ne confideres
as comme tu feras emporté ſous le manteau,
& tu fais baſtir vn ſepulchre de la laine de tes
brebis. Et il dićt au cinquante fixieſme chapit.
Ipstpaštores ignorauerunt intelligentiam, omnes in
viam ſuam declinauerunt , vnufặufguepost auari
tiamfaam, a fummo adnoußimum videntes vana:
dormientes ó amantes fomnia, & nestierunt fecu
ritatem.
D E S. N i c o 1 A s. 739
ritatem.Orçà c'est l'office du paſteur d'estre vi
gilant en fon office.Origen.homi.4.& 6.in Leui
tic.& in Exod. Il diſpute des habillemens que
auoyent les grands preſtres au viel teſtament.
Voyez le ſeptieſme & vingthuićtiefmecha
pitre d'Exode. Premierement il luy falloit
deux grofles ceinćtures, qui fignifioyent force
& conſtance , & il les falloit mettre fur fes
reins, de peur que le grand Pontife ne vint à
fuccomber au peche de la chair. C'eſt pour
quoy il eſt dićt en nostre Euangile: Sint lumbi
vefiri precintti. Apres on luy bailloit vn quar
reau au milieu de la poićtrine, qui fignifie la
parolle de Dieu. Le pasteur eſtant armé de ces
deux vertus, il peut affeurément annoncer la
parolle de Dieu, fans auoir crainte de ſuccom
ber. Il faut qu'il monſtre le chemin au peuple.
Il dit en apres, & lucerne ardentes in manubiu
vestris. Or apres que nous fommes bien re
ftraincts par force & conſtance, il nous faut a
uoir la parolle de Dieu en nos coeurs,des flam
beaux en nos mains. Voyez les Apoſtres eſtans
ainfi armez, virtute magna loquebantur verbum
Dei. Ceſte lumiere c'est la parolle de Dieu, qui
toufiours eſt claire. Dauid Pſalm.119. dit, Lu-
cerna pedibus meis verbum tuum Domine,& lumen
femitis meis. Ma lumiere eſt la parolle de Dieu
qui me conduit. S. Pierre au chapitre
dit: Et virtutes annunciabitis eius, qui eripuit vos
de tenebris,in admirabile lumen fuum. Entre voüs
autres qui auez la parolle de Dieu par les Pro- i
Aaa 2
74o LA FEsTe
phetes & Apoſtres, vous huez la lumiere de
Dieu, maintenant nous le confeſions & co
gnoiſlons par fa parolle, comme par vn enig- .
me , mais les bien-heureux le cognoiſtront e
uidemment facie ad faciem,en la propre forme.
Les parolles donc de Dieu font nos lumieres,
par leſquelles ſommes conduićts à la vie eter
nelle , par la cognoillance & eſclarcistement
qu'ils nous baillét. Et outre la parolle de Dieu,
nous auons encore vne autre lumiere,qui ſont
les gens de bien. Regardez en fainćt Luc 1o.
fainét Iean Baptiſte eſt appellé lucerna ardens:
à cauſe qu’il monſtroit la voye aux luifs : il
nous faut confiderer la vie des fainéts perſon
nages, laquelie nous feruira de guide pour al
ler en paradis. Si ie voy la maniere de vie d’vn
fainct perſonnage, dont il a acquis paradis,
cela me fert de lumiere, qui m'illumine.Con
fiderez la vie de fainct Nicolas , comme il a
ieufné, il a esté chafte, & par ce moyenila ac
quis paradis. Si ie fais comme luy, Dieu n’eſt
accepteur de perſonnes, il me baillera la vie
eternelle comme à luv. Et nosheretiquestaſ,
chết à eſteindre ceste lumiere que nous auons:
ils ſe mocquent de l'honneur que nous por
rọns aux ſainćts: il ne s'en faut efmerueiller,çar
ils font femblables aux larrons, leſquels vou
lans defrobber quelqu’vn, s'il a vne lurniere,
ilstafchent premierement à l'eſtaindre. Aufſi
eux voyans que les fainćts nous feruent de lu
miere,ils taſchết à l'eſtaindre,ils veulent qu'ils
* . :- - - foyent
D E S. N I C O L A S. 741
foyent fous le lićt. Et mon amy: Nemo accendit
lucernam,& ponit eam fab modio. Luc dixiefme.
Ce font nos lumieres, & tu veux qu’elles foyết
cachees, on ne met pas la chandelle fous le
lićt , mais fuper candelabrum, on la met fur le
chandelier, au milieu de la maiſon, qui est l'E
glife:Domus mea, domus orationis vocabitur, dit Matth.2 r.
Ieſus Chriſt: il faut qu'ils foyent au milieu de
l'Egliſe, à fin qu'ils foyent veus, & qu'en les
voyant nous nous fouuenions de leur vie. Et
voylà pourquoy nous leur portons honneur.Or
nous parlerons au Quareſme de l'adoration des
Sainćts. Donc nous auons deux lumieres.La 1.
est Ieſus Chriſt,Ioan.1. Erat ille lux vera. Et puis
il y a encore les fainćts qui nous feruent de lu
miere. Or ce n’eſt affez de fçauoir qu'ils ont
bien veſcu,mais ille faut monſtrer par nos oeu
ures ce que nousen croyős:Wt videāt bona opera
vestra.Il faut que les Eueſques monſtrent leurs
bonnes oeuures, à fin qu'ils foyent imitez du
peuple. Mais nos Caluinistes difent, ils font
idolatres,paillards & hypocrites:Vides festucam
oculo,&c.Conſidere quel tu es: Nam tu mæ
chando, mæcharis. Tu ne veux point auoir de
lumiere:nevideantur operatua mala. Comparez
vn petit la vie des Martyrs & Apoſtres à celle
de Caluin,& vous verrez la difference qu'il y a.
Or donc il faut auoir lucernas ardentes, non pas
que ſeulement ils nous feruent, mais auſſi à la
poſterité, qu'ils foyent illuminez par nos bon
nes ceuures. Et pource fainét Paul admonne
Aa a 3
742 L A., F E s T E *

stoit fon diſciple Timothee : In omnibus depost


tum custodi,ớc.monſtre ta bonne vie. Et nous
auons des dons de Dieu:aucuns fontEuefques,
Archeuefques, Abbez. En ces offices il nous
faut imiter fainct Nicolas, maiorum vitia incre
pabat, il reprenoit aigrement les vices, & prin
cipalement des Princes. Il ne craignoit de dire
la verité. Il nous a donc laiſſé ſa lumiere apres
fa mort: pour aller à luy. Il nous faut faire com
me les Atheniens, apres qu'ils auoyent couru
auxieux, portanstoufiours le flambeau ardant
en la main,& eſtans laſſez,ils difoyent aux au
tres, Lampada tibi trado. Et Platon en fesli
ures de Republica, admonesta les peres d'eſtre
la lumiere de leur posterité, qu'ils facent aćtes
genereux, à fin que la poſterité tafche à les en
fuyure. Auffi, Chreſtiens, il nous en faut au
tant faire de nostre coſté. Et entre vous meſ
fieurs les Eueſques monſtrez bon exếple à vo
ſtre poſterité: il ne vous faut pas refigger vostre
Euefché à vn de vos parens ou amis, fi vous ne
fçauez bien qu'il en ſoit capable,pour annőcer
la parolle deDieu pour bien remốſtrer au peu
ple. Carautrement vous en reſpondrez deuant
Dieu, & ferez punis plus griefuemết que ceux
aufquels vous aurez refigné.Regardez S.Paul,
il defend de mettre aucũ de fes parés à vn bene
fice s'il n’en est digne:il ne faut pas penfer faire
vos parés riches par cela:carles de l’Egliſe
ne font pasà vous: Bona Eccleste bona funt paupe
rum.Il n'en faut pas entretenir pages, laquais,
- che
-
~

D E S. N I C O L A S. 743
cheuaux & autres. Les Sainćts ne vous ont pas
baillé ceſte lumiere. Or voicy la concluſion de
noſtre Euangile.Eugeferue bone in modicofidelis,
fpra multate constituam. Dieu nous appelle fes
feruiteurs , & vrayement nous le fommes, il
faut donc faire ce qu'il nous commande , il
nous a commandé de faire bonnes æuures, il
luy faut obeyr, il eſt noſtre Createur & Sei
gneur, illuy faut referer toute chofe. Si quel 3

qu’vn a vn Euefché: il ne faut dire, le Roy, la


Royne me l'adonné, ie n'en fuis tenu à per
fonne. Il faut faire comme vn marchant qui va
fur la mer, c'eſt pour pouruoir à fa posterité,
pour entretenir fon mefnage. Hoc marefþacio
fum, nous ne ferons pas condamnez pour eſtre
bien nourris, richement veſtus, non plus que
le mauuais riche , qui non fuit damnatus quod
fplendidè indueretur, mais à cauſe qu'il a mal vſé
de ſes biens. Nous ferons condamnez comme
les threforiers qui ne payent pas leurs mai
ftres. Comme dićt Sainćt Iean Chryſoſtome,
homilia quadam de Lazaro. Ces threforiers du
temps de la guerre ils amaſſent l'argent de .
leur maistre , auquel ils portent les großes
chauffes , mais quand ce vient que la paix eſt
faićte,on demande le compte de l'argent qu'ils
ont amaffé aux deſpens du pauure peuple, ils
font muets, on les met en priſon les pieds &
mains liez.C’eſt ce que dićt meſme noſtre Sei
gneur, Ligatispedibus & manibus projcite eum in
tenebras exteriores, vbi erit fletus, &c. Or ils ne
Aaa 4
744 d e l’A c d N c'e r r r on D E ,

font pas punis pour porrer de groffes chauffes,


où autres habits fuperdus durất la guerre, mais
à cauſe qu'ils fe font faičts riches du biế du pau .
tire peuple,qu'ilsauoyết colligé pour leur mai
stre Autanten fautifdire des Eủeſques qui ne
diſtribuēt pas le bien durát leur vacation,durất
la guerre,aux pauures aufquels il appartient. A
eeŘecaufe Dieu leur dethändera coinpre & de
ce bien, & de fes brebis. C’eſt ce qui eſt diten
Ezechiel, Sicut viſitat bonus pastor oues in medio
ouium difipatarum fc ego viftaho,C:c. Il deman
dera le compte des ames du peuple aux Euef
quescar ils auoyent prins la charge:&par ainfi
s'ils ne font leur deuoir il leur fera dit Ligatis
pedibus & manibus proicite eos in tenebras exterio
Oraiſon. res. Nous prierős Dieu,qu'il luy plaiſe leur đő
A
nerfon S.Ëſprit,pour biếs'y gouủerner.Arnen.
S E R M ON P O V R LE I O V R E T
FE sT E D E LA co Nc E P rioN <
de la Vierge Marie. -

"Pful.92. i : s ; Omum tuam, Domine,decetfanštitudo


Exod. 12.
\\|in longitudinē dieră. Deuot auditoire
nous lifons en la Sainéte Bible en
*{& Exode,comme le cruel Pharao Ro
d'Egypte, oppreſſeur du þauure peuple, voyant

& deuenoyent puiſſans, & rempliffoyết


la terre ; diſtà ſon peuple: voicy le peuple des
enfans d'Iſraël qui est plus grand &plus puiſ
fant que nous.Orfus befoignősfagernent con
- tre
1 A v 1 = R e E M A R i z. 745
tre luy,à fin que parauanture il ne multiplie,&
que s'il aduenoit guerre cốtre nous, il ne s'ad
ioigne à nos ennemis,& que nous eſtans venus
en bataille, il fe retire du pays. Il constitua par
deſfus eux des maiſtres des æuures pour les af
fliger en charges. Mais d'autất plus į ils les op
primoyent, & q les Egyptiens hayoyent les en
fans d'Iſraël,& les tourmentoyent foy moquấs
d'eux,& les vexoyent amerement par dure fer
uitude, en mortier & en briques,& en toute fer
uitude, de laquelle ils estoyent affligez en ou
urages de terre, d'autất plus ils ſe multiplioyent
& accroiſſoyết. Lors Pharao cốmanda à tout fon Exºd.i.G 2.
peuple, difant:Tout maſle qui naistra,iettez-le
en la riuiere, mais referuez toute femelle. Or
apres ces choſes vn hőme de la maiſon de Leui
la & print vne fille de fa lignee,laquelle con
ceut & enfantavn fils : & le voyant estre beau,
elle le cacha par trois moys, & quand elle ne le
pouuoit celer, elle print vne naffe ou vn
petit coffre faićt de ioncs, & l'enduit, & plaſtra
de poix & de mortier, puis miſten iceluy le pe
tit enfant, & l'expoſa fus l'eau pres de la riue du
fleuue:& ſa foeur s'arresta de loing pour fçauoir
qu’il en aduiendroit. Or la fille de Pharao de
ſcendoit pour felauer au fleuue, & fes cham
brieres alloyent für la riue du fleuue, & quand
elle veit la naffe & le petit vaiſſeau ou coffret *4

elle y enuoyavne de ( chắbrieres,& eſtát ap


'porté, l'ouutit: & voyant en icelle l'enfant qui
płoroit,elle eust compaſſion deluy,& dict: cest
- Aaa í
746 DE LA coNcep r1oN D E
enfant eſt des Hebrieux. A laquelle la foeur de
l'enfant dit, iray-ie pour t'appeller vne femme
des Hebrieux qui puiſſe nourrir l'enfant, & el
le reſpondit,va:& la fille s'en alla,& appella fa
mere.A laquelle la fille de Pharao dit. Emporte
ceſt enfant & le me alaite:&ie te donneray ton
falaire. Et la femme receut l'enfant & le nour
rit, & l'adopta au lieu de fils,& appella fon nom
Moyſes, difant: pource q de l'eau iel'ay prins.
Sous l'eſcorce de la lettre & fuſdite hiſtoire eſt
caché le myſtere de la fainéte Conception de la
treſſacree Vierge &mere pour la reueréce dela
quelle nous ſommes icy aſſemblez.Par le cruel
Pharao qui tenoit les enfans d'Iſraël en la mi
V
ferable captiuité & dure ſeruitude d'Egypte,
nous eſt repreſenté fathan infidiateur de nos
ames, lequeliadis nous opprimoiten gráde ty
rannie: de façon que tous les enfans eſtoyent
noyez au fleuue de peché originel, lequel per
fonne n'a euadé ou eſchappé,ſinon lefus Chriſt
noſtre Sauueur,& fa treſlacree mere la Vierge
Marie. Par Moyſe qui a tiré le peuple d'Iſraël
hors la feruitude de Pharao nous entếdős Ieſus
Chriſt,vray legiſlateur & Redếpteur, qui nous
a deliuré de la feruitude de peché, de la tyran
nie de fathan,& des priſons infernales,& nous
a introduićt & inthronizé en la terre de pro
miſſion là fus en la region des viuãs. Par la mer
rouge nous entendős le S.Bapteſme & ſacré la
uemét, lequel prend ſon efficace au rouge fang
de Ieſus Chriſt. Par le petit vaiſſeau, bien en
ì - , clos
1 A v r e R G E M A R I E. 747
clos & fermé, où les eauësn'ont peu entrer de
dans, nous entendős la treſſacree vierge Marie»
laquelle est le vaiſſeau bien clos & fermé, dans
lequel peché originel n'a peu entrer. Et cốme
Moyſe aeſte recogneu au i
eſtoiten
fant des Hebrieux,ſemblablement Ieſus Chriſt
a eſté recogneu furles eauës de bapteſme,qu'il
estoit fils naturel de Dieu le pere, comme luy
meſme le teſmoigne, difant: Hic est filius meus Matt.j.
dilettu,in quo mihi benè cõplacui:ipsă audite.Voi
cy,cestuy est mófils biếaimé,auquel i'ayprins
mon bő plaifir,oyez-le. Marie donc est le vaif
feau pur& entier,vaiſſeau d'hốneur & de fain
ćteté,vaideau virginal, qui onques ne fut foüil
lé par aucune tache ou de peché. Car
elle a eſté preferuee en ſa fainéte cốception du
peché originel,veniel & mortel,cóme teſmoi
gne le S.Eſprit,auliure des Cătiques de Salo Cantie.4.
mon: Totapulchra es amica mea,é macula nõ est
in te. Mő amie tu es toute belle,& macule n’eſt
point en toy. Et cốbié que ladićte autorité ſoit
entendue de l'Egliſe, eſpouſe de Ieſus Chriſt: Epheſ.r.
laquelle cốme dit S.Paul:Non habet rugã,neque
maculam,n’a aucune macule ou ride: toutefois
elle peut eſtre entếdue de la vierge Marie : car La vierge
cốme la mere des Chrestiés l'EgliſeCatholique e2carie refer
uee en fa cā
4.'

eſt toute belle,blãche,& fans macule,fembla ception, de la


blement & à plus forte raiſon la mere de Ieſus macule ori
Chriſt est toute belle,blãche,& fans macule ou gineue,
ride:qui eſt la premiere raiſon oùie me fonde,
enfuyuất en cela les anciens peres & doćteurs
facrez,
748 DE LA c o NcF PTIoN DE
facrez,lefquels n'ont pas fait difficulté de citer
cant.* celieu des Cantiques: Tota pulchra es amica
mea, & macula non est in te. Pour defendre &
prouuer l'integrité de la ruere de Dieu,comme
Epiphaniu, Heftchiu,Andreas Hieroſolymitanus,
é Čhryſippus preſbyter Hieroſolymitanus,en leur
traićté de landibus Deipare Virginis, & les Peres
du fixieſme Concile general, aſſemblé à Con
stantinople,& du Concile de Bafle.Et pourtant !
fainét Augustin au liure de natura & gratia,cha
36. diſputant contre Pelagius , dit fort
ien,que quand on parle des pechez,il faut ex
ceptertoufiours la Vierge ſacree , pour l'hon
neur & reuerence de fon fils. Voyez les argu-
mens & raiſons de Pet.Galat. hőme trefdočte, |
c.6.7.8.9.li.7. de arcanis catholicæ veritatis. Mais :
auất que proceder plus auant, il eſt de beſoing i
fçauoir la diffinition du peché
le felon les faincts & facrez Docteurs approu
uez de Dieu & de fon fainćt Eſprit, en | COI1

gregation de l'Egliſe vniuerfelle est telle:Pe


- ché originel eſt la priuation de iustice origi
nelle. Et pour mieux entendre ce propos, il
nous faut auffi fçauoir qu’eſt-ce que iustice
originelle, de laquelle l'homme eſt priué par
le peché originel, qui autrement est
- peché de nature, ou naturel, comme dit fainét
. Ephe.a. Paul:Eramu natura filijire.Nous eſtions de na
ture enfans d'ire & d'indignation. Mais pour
reſpondre à la fufđićte question & diffinition,
nous diſons que iustice originelle c'est vn don
- de
LA V I E R G E , M, A R I E. 749
de Dieu, grace ou iuſtice originelle,donnee au
premier homme, en ſon origine ou naiſſance,
par lequel don l'homme estoit ſubiect à Dieu,
volonté à la raiſon, ſenſualité à la volonté, la
chair à l'ame,le corps à l'eſprit,les forces infe
rieures aux ſuperieures, les beſtes brutes aux
hommes. Et l'homme demeurant en celt eſtat,
à fauoir de iustice originelle , comme difent
les Doćte urspoterat non peccare, & non mori, il
pouuoit ne pecher, & ne mourir : car les for
cesinferieures eſtoyết ſubiectes aux ſuperieu
res, & le corps ne pouuoit repugner à l'ame?
de forte que ſi le premier homme n’euſt pas
peché, il n'euſt pas esté obligé à la mort. Et
faut entendre que noſtre premier pere Adam,
auoit receu de Dieų çeſte iuſtice originelle,
**
pour luy & toute ſa posterité. Et quand il a per
du ceſte iustice, il l'a perduë non ſeulement,
pour luy » mais auſſi pour tous ſes enfans, qui
de luy, & par luy ont herité la macule de peh,
ché: de façon que tout a eſté renuerſë , & par
- l'homme a eſté inobedient à Dieu, vo
onté à raiſon, ſenſualité à volonté, la chair à ,
l'ame, le corps à l'eſprit, les forcesinferieures
aux ſuperieures , & de foy-meſmes
s'est lié & engagé à peché, & par conſequent à
la mort, Car peché est le pere de la mort,com
me la mort est la mere de damnațió. Pour plus,
facilemét entendre la fufdicte diffinition,nous
emprunterons de nature vn exemple familier,
Le Roy a donné à vn de fes annuta G
75o D E L A C O N C E P T I O N D E

fiefnoble,pour luy & fes hoirs, promettant luy


donner entree en ſa cour, & demeurer en cre
dit enuers luy,& estre de l'ordre de fes cheua
, liers,tant luy que les fiens, moyennãt qu’il luy
foit fidelle, & qu'il recognoiffe tout tenir de
luy, en faiſant foy & hommage.Certainement
fi ceſtuy Gentil'homme commet quelque cri
me de leze majeſté,il perd fon fief noble qu’il
tenoit du Roy, & en iuſtement priuez fes
enfans, & n’a grace aucune enuers le Roy , ne
acces ou entree en fa falle royalle, fi le Roy
de fa bonté ne luy pardonne fon offenfe &
peché. Dieu le createur est le Roy des Roys,
& Prince de tous, qui à Adam, comme Baron
trefnoble, auoit donné paradis terreſtre en fief
noble,pour luy & les fiens, auec grace & fami
liarité enuers luy: par condition qu'il luy fe
röit obeyſſant, comme fon vaſſal & ſubiećt, &
à la fin auroit entree en la falle du palais triom
phant,en paradis auec Dieu Mais partất qu’il a
eſté orgueilleux & deſobeyſſant au commãde
ment de fon Roy, il a perdu la grace enuers
Dieu, & a eſté dechaffé & bãny deparadis, luy
& fa poſterité, fans auoir entree en la cham
|
bre du Roy, là haut en paradis. Mais le Dau
phin de paradis, pour nous faićt chair & hom
me, & par la vertu du bapteſme & incorpo
ration de nous à luy , par la foy & merite de
fon fang,nous a tous lauez& rachetez, en payát
nos debtes. Ceſte loy a eſte generalle pour
tous les enfans qui font deſcendus d'Adam,
CX
L A V I E R G E M A R 1 E, 751
excepté la treſſacree Vierge Marie. Car il n'y a
regle tant vniuerfelle ſoit elle, qu’elle ne ſouf
fre quelque exemption. Comme il appert par
la fanćtification de Hieremie , & de Sainćt
Iean Baptiſte , & par les enfans d'Iſrael qui
n'ont eſté circoncis le huićtiefmeiour, ce pen
dant qu'ils ont eſté au defert, combien que le
commandement de Dieu fuſt expres. Ce que
facilement nous prouuerons par la beneuo
lence du fainét Eſprit, par profondité d'argu
mens,par raifons euidentes & inuincibles ou
tre la premiere raiſon fus alleguee : à fçauoir . ., .
que comme la mere des Chreſtiens, l'Egliſe :
Čatholique est fans macule & ride.Semblable
ment la mere de Ieſus Christ eſt fans macule & concenë fans
fans ride de peché originel. Noſtre Seigneurthé ergi
en la premiere origination de ce monde il a nel.
donné aux Anges en leur creation grace & in
nocence: mais la Vierge Marie deuoit estre fo
lennellemét efleuee par deſſus tous les Anges.'
Parquoy elle a esté preferuee de la macule ori
ginelle. Tiercement, ce feroit choſe eſtrange
& barbare, croire que la Vierge Marie fille de
Dieu le Pere, mere de Ieſus Chriſt, eſpouſe du
S.Eſprit, quelquefois auoir eſté en haine & in
dignation de Dieu obligee à peché, veu qu'el
le eſtoit la tres-aymee mere du Fils de Dieu.QDr.
est-il que par peché originel la perſonne eſt
nommee, comme nous auons ja dit, fille d'i
re & d'indignation, digne de fupplice eternel.
Ce que nul ne peut fans herefie manifeſte, ap
pro
751 D E. L A C O N C E P T I O N *

proprier à la facree Vierge Marie. Quartement,


fi noſtre premier pere Adam a eſté creé en
Ecclef; rr. grace & iuſtice originelle, comme dit l'Eccle
fiaſtique: Inueni quod Deus fecit hominem rečtum.
I'ay trouué que Dieu a creé l’homme droićt.
Il s'enfuit que plus excellemment ceſte grace a
eſté faićte à la Vierge Marie que à l'homme:
ioinét qu'elle eſt plus cheremétaimee de Dieu
que toute autre creature. Car autremét les va
lets & feruiteurs auroyent plus de credit,excel
lence & dignité que leur maiſtreffe,àfçauoir la
Vierge Marie Royne des cieux, Dame du mon
de,Imperatrice des Anges, reparatrice de l'en
tier honneur des femmes.C'est l'argument que |
font les anciens Doćteurs, ſpeciallemét fainét
Iean Chryſoſtome, & Epiphaniu contra Anti
dicomarianos, qui ſe fondét fur le dire de fainćt
Paul au chapitre premier de l'Epiſtre aux He
brieux, où l'Apoſtre voulant monſtrer l'excel
lence de Ieſus Christ par deſſus les Anges, dit
que Christus est tãto excellētior angelisfactus, quã
to excellentiu nomen hereditauitpre illis. Cui enim
angelorum aliquando duċium eff, filius meu es tu?
Semblablement nous pouuons inferer que les
graces, dons, & perfećtiơns que Dieu a don
nees à la glorieuſe Vierge, font plus excellétes |
& plus grandes, que celles qui ont eſté confe
rees à Hieremie, Şainćt Iean Baptiſte, & meſ
mes aux Anges : veu que à nul d'iceux Dieu
n'a faićt ceſt honneur de donner le nom de la ,
mere de Dieu , & de nul d'iceux il n'est eſcrit.
De
L A v 1 E R G E M A R I E. 753
Dequa natu est Iestu. Puis donc que fainćt Iean
& le Prophete Hieremie ont eu cest honneur
d'estre fanćtifiez au ventre de leur mere, lef
quels toutefois n’eſtoyent que feruiteurs de
Dieu, il faut neceſſairement confeffer que la
Vierge a eſté honoree d'vne forte de fanćti
fication plus noble & plus excellente que eux.
Or fi elle estoit conceuë en peché originel:
mais fanćtifiee apres fa conception , la mere
de Dieu n'auroit eù plus grande fanctification
que ces deux Prophetes qui n'estoyent que fer
uiteurs de Dieu. C’eſt donc chofe certaine
qu'elle a eſté du tout preferuee de peché ori
ginel parfon fils leſus Chriſt:veu que ce n’eust
pas eſté honneur à luy de loger en vn lieu foüil
lé ou attaint d'aucune pollution,ſoit ſpirituel :
le ou corporelle. D’auantage,& comme le pre
mier pere Adam terrestre a eſté formé au chấp
Damaſcene de terre pure,virginalle,& n'ayant
receu maledićtion, ainſi le fecond Adam ce
leſte à fçauoir Ieſus Chriſt, qui eſt beaucoup
plus excellent que le premier, à fin que la fi
gure fuſt correſpondante à la verité, il a fallu
qu’il aye prins chair d'vne terre vierge, & non
fubiećte à maledićtion aucune , tant s'en faut
q la chair de la Vierge facree ait eſté ſubiecte à
la maledićtion du peché originel,qui est la plus
grande de toutes. Ie ne dy cecy de moy: mais
apres fainét Irenee cap.21.lib.3.aduerstu herefer,
& fainct Ambroife epištola ad Sabină, leſquels
ont apprins ceſt argumét. ou B
fines.
754 D E L A CO N C EP T I O N D E

ment il n’y auroit point d'apparence, affirmer


que Eue mere de corruption a eſté creée fans
pechê, & que la mere de falut foit conceuë en
peché:veu que la mere de vie incomparable
ment ſurmonte la mere de mort. Ce que pre
uoyant en eſprit de prophetie le Pſalmiſte
Tfalº* Royal Dauid en fes Pfalmes difoit ainfi. Do
mumtuă Domine decet fanttitudo in longitudinem
/ dierum. Seigneur,fainćteté appartienta ta mai
fon. Pour la reuerence de laquelle le chantre
du fainét Eſprit melodieufement dechante ce
cant.". Cantique admiratif. Que est ista queprogreditur
quastaurora confargens pulchra vt Luna,eletta vt
Sol,terribilis vt castrorum acies ordinata ? Qui eſt
celle qui vient s’efleuãt comme l'aube du iour,
za viergeae-belle comme la Lune , eſleuee comme le So
*õP4ree*"** leil, terrible comme l'armee des batailles bien
. equippee ? Où il nous faut noter que le Pro
raiſons. hete de Dieu accompare la Vierge Marie à
'aube duiour, pour pluſieurs raiſons. Premie
rement, L'aube du iour eſt prenunciatrice du
beau & clair iour aduenir: & móſtre auffi la fin
de la nuićt.Semblablement la Vierge mere est
prenunciatrice du iour de grace qui eſt en l'ad
uenement de fon Fils Ieſus, & du iour de gloire
qui fera obtenu par fon Fils au iour de lumiere
& gloire diuine : auſſi elle monſtre comme la
nuićt de la loyancienne de peché, de mort,d'i
norance,& de dánation infernalle a paffé,& a
le iour de grace & de gloire, duquel a
eſté prenunciatrice la treſſacree Vierge Marie
appor
L A V I E R G E M A R I E. 755
apportant ioye à tout le monde. Secondement
la vierge Marie eſt accomparee à l'aube du
iour, pour fa blăcheur & reſplendiffante pure
té pourtant on l'appelle l'aube du iour,comme
l'aube ou la blancheur. Pareillement la vierge
mere a esté blãche & pure, tant au corps que à
l'ame. Car en la chair n'y a eu rebellion con
tre l'eſprit, ne corruption de peché: mais tou
te blancheur & ſpeciofité, pource qu'elle a
roduićt le plus parfaićt en beauté fus tous
, à fçauoir Ieſus Chriſt noſtre Sei
gneur & Sauueur : duquel auoir predićt le
Pſalmiſte Royal Dauid: Specioſus forma pref-Pfal “.
lijs hominum. C'eſt le plus beau des hommes.
Tiercement, comme par l'aube du iour, apres
on vient au beau & clair iour. Ainſi par le
moyen de Marie, mere de mifericorde , fon
taine de grace , aduocate de humaine nature,
les pauures pecheurs & pechereffes paruien Heb. 4.
nent à ſon trefgracieux & mifericordieux fils,
qui est le vray throſne de grace, pour obtenir
mifericorde en temps opportun & cốuenable.
Et comme les enfans d'Iſraël receurét la man
ne pour leur nourriture. Ainſi par ceste claire
aube du iour, qui eſt la vierge Marie, nous auős
receu nostre vraye mãne pour la refećtion,non
feulement corporelle, mais auſſi ſpirituelle en
ce monde inferieur,& eternelle au monde fu
perieur. Voyla quant à la proprieté de l'aube
du iour, à laquelle eſt comparee noſtre Dame,
la vierge Marie : laquelle eſt auſſi comparee
B bb 2
756 D E L A C O N C E P T I O N D E

za vierge à la Lune, comme dit le texte pulchra vt Luna,


Marie terä- belle comme la Lune, laquelle luit en la nuićt:
?“*“ Ainſi est claire & reluiſante nostre Dame au
Lune, par - - - - -

, „i milieu de la nuiét de tous humains, conceus


fons. en obſcurité de peché. Secondement, comme
la Lune prend fa clarté du Soleil,ainfi la vierge
Marie prend ſa clarté du Soleil de iuſtice eter
nelle, à fçauoir de fon fils Jeſus Chriſt noſtre
Seigneur & Sauueur. En figure dequoy il eſt
eſcriten Geneſe, chapitre premier: Fecit Deus
duoluminariamagna : luminare maius vt preeffet
diei:ớ luminare minus vt preeffet notti.Dieu feit
deux grãds luminaires,le plus grand luminaire
pour dominer auiour, & le moindre luminai
re pour dominer à la nuićt. Ainſi pour l'Eglife,
Dieu à mis Ieſus ſon fils comme le grand lu
minaire , qui eſt le vray Soleil de iuſtice, qui
aux iustes luit par grace, & illumine tout hom
Ioan.t. me qui vient en ce monde: mais noſtre Da
me eſt le moindre luminaire, comme la Lune,
qui par le luſtre de fa fainćte vie, luit aux pe
cheurs, leur donnant exemple de vertu, & par
la lueur de fa priere enuers Dieu les addreſſe
à bien.Tiercement:Comme la Lune est appel
lee Royne du ciel: ainſi la vierge Marie eſt la
Royne & Dame du ciel, comme chante l'E
glife: Regina caliletare.Royne du ciel refiouys
toy. Quartement:Comme la Lune entre tous
autres aſtres & planettes eſt plus prochaine
de la terre : ainfi nostre Dame fus tous les
Sainćts & Sainćtes de paradis, qui font com
- -

/
parez
|

L A v I E R G E M A R I E. 757
parez aux estoilles, elle eſt plus prompte, plus
puiſſante pour nous fubuenir & fecourir par
fes dignes interceſſions, enuers fon Fils no
ftre Seigneur Ieſus Chriſt. Quintement,la Lu
ne croiſt & decroiſt: ainfi la vierge Marie
toufiours croiſſoit en vertus, & toutefois de
croiſſoit en humilité ; s'abbaiſſant & faiſant
petite,comme elle-meſme dit en fon cantique:
Reſpexit humilitatem ancillafue. Dieu a regardé Luc.a.
l'humilité de ſon ancelle.Sixiefmement. Fina
blement,quand le Soleil eſt couché,il n’eſclai
re plus par fa clartésains la belle Lune nous il
lumine en la nuićt: ainſi quand le Soleil de iu
ftice eternelle s’eſt couché en l'arbre de la
croix, puis monté en la glorieuſe dextre de la
maieſté paternelle, la Vierge mere conſtante
& pleine de foy, pureté de coeur & de corps
en bonne conſcience , & ayant conferué en
fon coeur & memoire les myſteres de nostre
redemption, elle inſtruiſoit & illuminoit les
Apoſtres & diſciples de fon fils Ieſus Christ,
de ce qu'elle auoit plus veu & ouy des parol
les de vie eternelle, & doćtrine celeſte. S’en
fuit l'autre proprieté & comparaiſon de la Vier o„arain.
ge mere au Soleil,ainſi que dit le texte : Eletta ä, i, viége
zt Sol. Efleuë comme le Soleil.Premierement, Marie **
comme le Soleilfurpaſſe tous autres astres en *""·
lumiere & clarté : auſſi la vierge Marie en la
gloire celeste est eſleuë fus tous les glorieux
eſprits de tous les Sainćts & Sainćtes de pa-
radis, & plus excellente en , comme
758 b e 1 a co N c e r r i o n d e .
ſeule mere du fils de Dieu, redempteurd'hu
maine nature. Secondement, comme Ieſus eſt
efleu entre tous les hommes: Auffi fa mere eſt
efleuc entre toutes les femmes. Tiercement,
comme le Soleil eſt ſeul, & n'a point de fe
cond: Auſfi la vierge Marie eſt ſeule, & n'a
point de ſeconde. Quartement, comme le So
leil eſt clair,ſans macule, & n'est point foüillé,
corrompu,ou infecté,combié qu'il enuoye fes
rayons fus les fumiers & puantes charongnes:
auſſi la bonne Dame est impolluë, fans macule
en ſa conception & vie, combien qu'elle foit
nee au monde entre pecheurs,& de parens qui
ont eſté foüillez par peché originel. La der
niere proprieté & fimilitude , comme dit no
, ſtre texte des Cantiques: Terribilis vt castrorum
“”“”“/” acies ordinata. La Vierge eſt terrible comme
de la Vierge , * - J "A
l'armee des batailles bien ordonnee. C’est à
mee bie» e- ſçauoir, à l'ennemy infernal. Car comme Par
4 : fºr mee bien ordonnee, & en bon equipage, eft
v “ difficille de rompre & furmonter: mais plustoſt
* afle partout, & abbat toutes puiſſances: ainſi
eſt-il de la vierge Marie,tant elle eſt munie de
. . . graces & vertu, qui la deffendent comme géf
, d'armes. Car les ceuures de vertu font les ar
* - meures ſpirituelles, leſquelles l'aduerſaire ne
' ’ peut vaincre ne ſurmonter. Secondement, la
Vierge eſt accomparee à l'armee terrible &
eſpouuentable à l'ennemy,lequel nenous peut
nuyre,n’endommager,quãdla Vierge des vier
gesspar ſes prieres & dignes interceſſions,plai
. - doye
L A v 1 E R G E M A R I E. 759
doye & deffend noſtre cauſe deuant le grand
Preſident Ieſus Chriſt en la cour celeſte. Þour
ce l'ennemy craint plus les prieres de la Vier
ge que vne armee. Car ſon oraiſon nous eſt
vne armeure contre les aflaux & alarmes de
ce faux dragon lucifer & de tous ſes miniſtres
infidiateurs de nos ames. Ce n'est pas de mer
ueille fi fa priere nous fert d'vne armee de def
fence. La raiſon eſt peremptoire. Si par l'o
raiſon de Moyſe, & par la priere de Iudas Ma
chabæus, le peuple fut plus fort à vaincre leurs
ennemis que parglaiue,lance,bouclier,ou au
tres armeures: par plus forte raiſon, la Vierge
des humains fpecialle aduocate,finguliere me
diatrice, nous vaut plus que vne armee contre
les ennemis & aduerfaires. Pourtant mes amis
& freres Chreſtiens, ie vous inuite & prie de
chanter auec l'Egliſe ce ioyeux & admirable
Cantique à l'honneur & loüange de la Vierge
Marie, en la cốception de laquelle toutes crea
tures tãt terreſtres que celeſtes,tant hőmes que
Anges fe refiouyflent & la difent bien heureu
fe,defchantans & par grãd'armonie & melodie
difans: Que est ista queprogreditur quastaurora
confargens. Quj eſt celle qui vient foy eſleuant
cőme l’aube du iour,belle cóme la Lune,eſleuë
ainſi que le Soleil, terrible commevne armee Oraifon.
biếordőnee.O tres-heuree Vierge,c'eſt à vous
principallementà qui nous deuons auoirrefu
ge & recours pour auoir de vostre Fils ayde &
fecours. O ſacree Vierge & digne mere,nous
Bb b 4
76o P O V R L E I O V R

vous ſupplions pour nous vouloir parler & ad


uocafferenuers voſtre Fils, qui comme il vous
a eſleuë deuant la creation du mõde pour eftre
fa mere,& qui en voſtre cốception vous a pre
feruee de la macule originelle, luy plaife nous :
fanćtifier par la grace de fon S. Eſprit, par la
treſſainćte & facree predication de fon S. & fa
cré Euấgile , & que par voſtre moyen nos ames
foyent reblấchies & laueespar vostre Fils Ieſus
Chriſt qui eſt noſtre iuſtice & fanćtificatió, no
stre grace & faluation. Ainfi ſoit-il.Amen.
P O V R L E I O V R. S. T H O M A S.
ES: H o M A s autem vnus ex duodecim,
|
|| &c. Il eſt eſcrit Pſalmo 36. Glorio/a
|dičia fant dete ciuitas Dei. O cité de
| Hieruſalem, que choſes merueil
dictes de toy que les Prophetes ont
annoncé chofes glorieufes de toy ? O que les
fainétes Eſcritures ont predićt choſes mer
ueilleuſes de toy! O Egliſe eſpouſe de Ieſus
e Augustin. Chriſt? Et pource Sainćt Auguſtin in Pfal. 3 o.
ir "fal-sº: Cant.2. recite cinq chofes admirables de ceſte
Eglife. La premiere eſt qu'elle est tãt excellen
7 d. te que les eſcritures ont parlé plus d'elle que
i'Egliſe de de Ieſus Chriſt. Toutes eſcritures ont tefmoi
Pie". - gné du fondement de ceſte Egliſe. La ſecon
- de eſt de la grande eſtendue d'icelle. C’est ce
que dit Sainćt Auguſtin libro 2. contra Gauden
tium cap.12.Noſtre Seigneur partãt de ce mon
de
d e s. r H o M A s. 761
de a voulu laiffer de bons gouuerneurs de ce
fte Egliſe, qui augmentaſient ſon renom. Il
a laiſſé les Apoſtres pour annoncer l'excellen
ce de fon Egliſe.Eritis mihiteftes in Hieruſalem,
crin omnibus gentibus. Ils ont esté par tout. In
omnem terram exiuit fonus eorum,crc. Et pource
noſtre Seigneur partant de ce monde l'a plus
recommandee que foy-meſme. La troifieſme,
c'eſt qu'il a commandé qu'on obeiſt plus à fon
Egliſe que à luy meſme. Si quis Ecclestä nõ au
dierit, fît tibi,&c. Si quelqu’vn ne veut ouyr le
commandement de l'Egliſe, qu'il ſoit comme
vn ethnique & infidelle, qu'on le fuye comme
vn Payen. Or Ieſus Chriſt n’en dit autant de fa
parole. Il n'a pareillement dit, fi quelqu'vn ne
veut ouyr ma parole,qu'il foitietté,qu'on n’en
tienne compte. La quatrieſme,il a voulu touſ
iours qu’on obeyt à fon Egliſe, & que ceux
qui ne veulent croire à l'Egliſe, & qui outre
paffent festraditions, qu'ils foyent punis. Il a
voulu qu'on adiouſte plus de foy à fon Egliſe
que à ſes commandemens. C’eſt ce qui est dit
en noſtre Euangile:Beati qui nõ viderunt & cre
diderunt. Bien-heureux font ceux qui croiront
à mon Eglife. Il n'a pas dit cela de fa parole:
mais de l’Egliſe. Il parloit à ſes Apostres, & à
fainćt Thomas, qui n'auoit point voulu croire
aux Apostres repreſentans l'Eglife, l'vnion des :
Apostres luy dist : vidimus Dominum. Et c'eſt
pourquoy ila reprins fi afprement fainćt Tho
mas , à cauſe de fon infidelité, qu'il n'auoit
Bbb 5
762 p o V R L E I O V R.
voulu croire à l'vnion de l'Eglife. Il a donc
voulu qu'on ait creu à fon Eglife. La cin
quieſme, c'eſt que nostre Seigneur eft toufiours
curieux du fondement pour baſtir ceſte Egli
fe. Il a cerché vne bonne pierre pour la fonder.
Et pource il s'adreſſe à fainćt Pierre, & l'inter
roge: Petre amas me ? c'eſtoit pour fonder ceſte
cătrele: Fa-Egliſe fur charité & amour enuers Dieu ; &
feur, e | fon prochain. Et pource Chrestienssie ne fçay
. que nous ferons quand nous ferons trouueż fi
rite. peu charitables enuers Dieu : que meſme ceux
qui deuroyent monſtrer exemple aux autres,
tant par parole que par faicts, il les faut ad
monneſter:& encores n'en font ils rien. Apres
ils ont tous receu le fainćt Eſprit: Accipite ſpi
ritum fanttum,quorum remiferitis,&c. Il l’a don
né à tous tant prefens que abſens , comme à
Sainćt Thomas, qui n'y eſtoit lors que Ieſus
Chriſt veint. C’eſt ce que dit Sainct Cyrille
Alexandrin lib. 12. in Ioannem cap.36. Dieu n'a
voulu donner fon Sainćt Eſprit ſeulement à
ceux qui estoyent preſens: mais auſſi aux ab
sainā Tho- ſens, comme à Sainćt Thomas: iaçoit qu’il ne
: fust preſent alors qu'il leur bailla ceſte com
receu le S.E/ ..., :
prit. mistion & la puiſſance de remettre les pechez.
Si eſt-ce qu'il a eſté auſſi bien gouuerneur de
fon Egliſe comme les autres qui eſtoyent pre
Epheſ,. ſens. Pour monſtrer que Dieu n'a donné fon
Joan.rs, fainct Eſprit pour vn temps : mais pour touf
* iours, zfque ad conſummationem feculi. Il ne l'a
voulu donner ſeulement aux prefens : mais
'.
* auſſi
- -- D E s. T H o M A s. 76;
auſſi à ceux qui viendront apres.Tellemét que
les abſensont autant receu que les prefens. Et
pour declarer cecy, fainćt Cyrille apporte vne
fort belle hiſtoire,eævndecimo cap. Numerorum,
où il est dićt que Moyſe ne pouuoit fatisfaire
tout ſeul à fa charge,tant au gouuernement de
la ſynagogue, que du peuple. Et pource Dieu
luy dit,voulất bailler gouuernemét de la fy
| nagogue: Elige tibi feptuaginta viros,& effundam
fuper eos deſpiritu meo,qui inte est. Moyſe le fait
ainfi. Et en amene foixante & huićt: il en reſte
deux qui ne viennét point auec les autres mais
ils demeurent au camp:toutefois ils receurent
auſfibien le S. Eſprit & le gouuernement de
la ſynagogue, comme ceux que Moyſe con
duit. Pour monstrer que Dieu ne donne fon
eſprit ſeulement à ceux qui font preſens: mais
auſſi à ceux qui font à l'aduenir, pour le gou
uernement de fon Egliſe. Voilà comme il a eſté
curieux d’elle : Glorioſa dicta funt de te, ciuitas
Dei.Mais outre cela,il y a encore vne ſplếdeur
qui la rend plus glorieuſe que les precedentes:
C'est que d'autất plus qu’elle est perſecutee &
Tant plus
affligee,d’autant plus elle est ferme. Tant plus l’Eglife est |
S.Thomas a eſté obſtiné contre elle, tant plus afstigee, tant
elle s'est monstree ferme cốtre luy. Si pareille plus elle est
mentil n’euſt dit, Non credam, nist videro.Ieſus ferme.
Chriſt ne luy fuſt apparu particulierement,
pour luy dire: Quiavidisti me Thoma, credidisti.
Or il a eſté obſtiné, mais il a eſté vaincu. Or
Chreſtiens, c'eſt pour nous monſtrer que tant
- |- plus,
764 P O V R L E I O V R -

lus vous voyez ceste pauure mere ſpirituelle


- parfes enfans,ou pluſtoſt vipe
res,d'autant plusil nous faut affeurer de fa vi
ćtoire. Et pourtantil nous faut monſtrer con
ftans.C'eſt auſſi pour nous monſtrer qu'il ne fe
faut efmerueiller, fi fouuent vous voyez grãds
perſonnages tomber en herefie. Vous auez veu
que Ieſus Chriſt n'auoit que douze Apoſtres,
dont l'vn a eſté traiſtre: vous voyez S.Thomas
qui eſt tombé en herefie, & a eſté obſtiné con
viestiu, Liri- tre l'Eglife.C'eſt auſſi ce que dit Vincentius Li
městs aduer- rinenſis,Mon amy,ne t'eſtonne fi tu vois tant de
faprophana: grands perſonnages tomber en erreur , comme
y 0 tf/772 770 f41* - A - --

tates, vn Neſtorius tres eloquét, vn Manichee ſubtil


fophiſte:non non, fçache qu'ils ne font les pre
miers:mais les Apoſtresont biếeſté incőstans.
Et pourtantil ne fe faut deſconforter, il ne les |
faut pas croire.C'eſt-ce qui eſt dićt Deut.13. Si
furrexerint inte falſipropheta, dicentes: fequamur
deos alienos,& c. Si des faux prophetes viennent
quitafchết à te feduire auec belles parolles,di
fans: foyons idolatres, garde toy bien d'eux:car
Pourquoy apres qu'ils t’auront prins en leurs lacs, ils te
A “ diront,ſuyuons des dieux estrãges. Mais fay les
|- tuer:& faches que Dominus mittit eoszt tentēt te,
phetei. ' c'eſt pour approuuer fi tu feras conſtant en ta
foy,ou bien fi tu branſles,&tournes à tous véts.
Il ne fe faut donc efmerueiller, fi maintenant
nousauons beaucoup de maux c'eſt pour expe
rimenternoſtre constance. Et d'autãt plus nous
nous monstrons estre constans, d’autant plus il
- Il OllS
D E S. T H O M A S. 765
nous enuoyera des afflićtions, à fin que noſtre
conſtáce ſoit plus manifestee à vn chacũ,& que
noſtre doćtrine foit experimentee & approu
uee,fi elle eſt veritable par les Doćteurs:&c'est
lors qu'il s'y faut plus arreſter qu'auparauant. Tert.de pre
C'eſt-ce que dit Tertu.lib.deprestript. haretico tript.
rum. Herefes oriuntur, vt fides tentandoprobationẽ
accipiat, à fin que la doćtrine ſoit approuuee,
qu'on cognoiſſe la verité de la doćtrine. D.Hi- Hilar.lib. z.
larius lib.7.de Trinit.dit, Magna est vis veritatis, * Trinit.
quia cùm feipfa intelligi non pofit, aduerfa
apparet: elle eſt fortifiee par choſes contraires. La verité
Firmitatẽ'acquirit per ea quæ ſibi aduerſantur.Hoc #
enim est propriii eccleste, vt tum vincat cum leditur: /
tum intelligat,cùm arguitur. Alors quetu penſe- res.
ras qu’il n'y ait plus de Chreſtiés, que tu diras,
vien vien à mon Egliſe, il n'y a plus que toy de
Papault, c'eſt alors qu'il y en aura d'auantage.
Et puis il dit,tum obtinet cùm deferitur,alors elle
gaignera,quand tu penferas qu'elle foit delaiſ
fee des bons fidelles,il y a toufiours vn bon or
dre en l'Egliſe que Dieu a estably.S.Icá Chry- / .
foſtome en dit autant en vne homilie qu'il a "
faićtezantequãiret in exilium. Ce pauure S.Iean
Chryſoſtome fut enuoyé en exil, à cauſe qu'il
reprenoit Roy, Royne , Princes, & autres qui
eftoyent de mauuaife vie.Le peuple voyant ce
pauure fpećtacle, fe defconfortoit: & alors le . .
bon homme s’en va les reconforter. Helas que -

vous faire?Penfez vous que Dieu laiffe


es meſchans impunis ? & que pluſtoſt il ne les
,^ deffa
766 r ovR LE Iov R
deſface, qu'ils puillent faire aucun effort con
z'Eglist est tre le roc de l'Eglife? Non, non , voyez vn pe
“”“” “ tittant plus les fiots font , ils viennent
pluítost à fe rompre contre le roc. Auffi tant
plus fera grande la tyrannie des mefchans,tant
plustost ils fe briferont la teſte. Qu'eſt deuenu
vn Neſtorius, vn Arrius ? leur memoire n’eſt
lus en ce monde qu’auec vn reproche & deſ
Auffi,mes amis,ne penfez pas moins
de ceux-cy,qui nous perſecutent, Dieu les di
uifera & brifera. Donc confortez vous, & re
tenez ma doćtrine fans tergiuerfer. Or, Chre
ftiens, il eſt impoſſible de battre contre ceste
Egliſe, fans ferompre la teste, Dieu y a mis vn
trop feur fondement:1pfe enim fundauit eam al
tißimus. Et fainćt Paul dit, An emulamur Do
mino, anfortiores illo fumus ? Il a fait le ciel & la
terre, & oferons nous bien nous bander con
tre fon Eglife ? He Chreſtiens, n'auons nous
veu toutes les forces du diable affem
lees contre nous? contre l'Eglife? fans qu’au
cun Prince, Magiſtrat, ou Chancelier s’en
foyent meflez ? Mais Dieu fe vengera d'eux,
quoy qu’il tarde.Et cependant,Chreſtiens,c'eſt
noſtre confolation,pour eſtre plus fermes. D’a
uantage, voyez quel dommage il y a de fe fe
parer de l'Eglife. Si fainćt Thomas ne fe fust
Qui est le tõ
feparé
a'
de l'Eglife, iamais n'eust eſté heretique:
me mce mezi ? tellement que la ſeparation de l'Eglife, c'est la
d'hereste. premiere herefie. Carle commencement d'he
refie , c'eſt fe ſeparer du fainét Eſprit , autheur
de
| D E S. T H O M A S. | 767
de verité. Or le fainét Eſprit n'habite qu'en
l'Eglife. Vous prenez vn autre fondement de
l'Egliſe , c'eſt la parole de Dieu & du fainćt
Eſprit. Vous vous ſeparez de l’vnion pour
auoir vne particuliere opinion , comme feit
fainćt Thomas. Non,non, ie n'en croiray rien,
fi ie ne le voy. Ie veux auoir ma particuliere
opinion. Aufli voyla le commencement d’he
refie de vouloir pluſtoſt s'arreſter à fa particu
liere opinion, qu’à l’vnion de l'Eglife. Or leur
particuliere opinion eſt, qu'ils veulent auoir Atheifne; des
robation des plus grands fecrets de Dieu à °*******
fenstbus. Ils veulent tout voir, tout toucher,aụ
trement ils n’en croyront rien. Voy là aufli l'a
theiſme de nos Caluiniſtes, de ne vouloir rien
croire, s'ils n’ent ont probation à fenstbus. Et
pourquoy ? Pource qu’ils ne font Dieu non z., calaini
plus qu'vn corps naturel, & ſouſtiennent qu'il stes fontinen
n'est tout puiſſant. Or pour mieux entendre Pie"
l'herefie de fainćt Thomas, il faut fçauoir, que Z antraf
incontinent qu'il eſt venu,les Apostres luy ont
dićt, Vidimus Dominum , nous auons veu no
ftre bon maiſtre, mais il eſt entré ceans auec
vne façon fort eſtrange. Tout eſtoit fermé &
huys & feneſtres , & toutefois il eſt entré. Les
Apoſtres auſſi ont esté en herefie , mais fainćt
Thomas a plus perfiſté qu'eux. Point, point, ie
n’en croyray rien, fi ie ne voy fixuras clauorum.
C’eſt quelque phantoſme , ou vn eſprit qui
nous veut tromper. Voylà comme il demande
la probation du precieux corps de Ieſus Chriſt
à fen
768 P O V R L E I O V R.

à/en/thu.Origeneslib.6.contra Celfdićt que tous


les Philoſophes ont eſté de ceſte opinion que
ils eſtimoyent les eſprits prendre vn corps en
l'air pour fe faire viſibles.Ět pource fainćÈTho
mas à cauſe qu'il voit vn aćte en Dieu qui paf
fe nature, il n'en veut rien croire. Mais Ieſus
Chriſt vint huićt iours apres: Me voicy n’en
doute plus. Les Prophetes & l'Eſcriture fain
ćte ne vous l'ont-ils pas declaré? Les Apoſtres
ne le pouuoyent encore cognoiſtre à cauſe de
l'aćtion ſupernaturelle parce qu'il auoit paſſé
au trauers des portes. Et s'il fuſt entré comme
les autres hommes, ils l'euflent pluftoft creu.
Et pource que cela repugne à nature qu’vn
corps paſſe au trauers d'vn autre corps, pource
ils doutent fi c'eſt le Sauueur:ils attribuent les
proprietez naturelles à vn corps ſupernaturel.
Voylà l'herefie de nos heretiques. Pourquoy
nient ils le corps de Ieſus Chriſt eſtre au S. Sa
cremét?à cauſe qu'il eſt au ciel:& cela repugne
à nature d'eſtre en deux lieux. . Auffi on ne le
voit point. Et n'eſt-ce pas le fondement de S.
Thomas? Nous ne croyős pas qu’il y foit,à cau
fe que nous ne le touchons ny voyons pas. Ils
ne fe font contentez de tomber en l'herefie de
Sainćt Thomas,mais auſſi ils la veulent defen
dre,ils ſouſtiennent ceſte propoſition:Nist vide
caluin pire
ro,non credam. Caluin demãdoit à Seruet,com
que Seruet.
me luy-meſme recite: Viençà,d'où vient que
tu ne peux croire que le Fils eſt coëternelau Pe
re?quia eain intellectum cadere non poſſunt,que fab
/en/tem
D E s. r H o M A s. 769
fenfam non cadunt. Mais Caluin est encore plus
mefchant que Seruet. Car il veut faire Dieu
autheur de ceſtatheiſme,diſant.lib.4.cap.17.nu:
mer.39.Christi testimonio veri corporis veritas pro
batur, cùmpotest videri & palpari. Alioqui verum
corpu effe nö creditur. Voylå fatheiſme de Cal
uin cộtre Ieſus Christ, de dire que Ieſus Chriſt
a baillé la probation de ſon corps par l'àtou
chement & palpation. Et ce pauure à Lafco &
Vvestphalus Allemans y font tombez. Si ie ne
voy la gloire & ſplendeur de Dieu au fainét
Sacrement, ie ne croiray qu’il y foît : & mef
me fiie ne le touche, cốmeafaict fainét Tho ** ett av :
, sanè
mas. Brence reprochoit à Beze:Comment vous *
• •

. .. .. .
*

ne croyez vn vray corps fi vous ne le voyez; &


ɔ - *

vous n'auez doncaucune foy, vrayement đóne zesferàmà.


ce pauure Luthera biendićt,hoc vnă crede quòd :
facramentarh nihil credant.Bezeluyreſpondino-"“"
ftre argumentation eſt bonne: c'est celle đe Ic
fus Christ,& celle de fainét Ican en fa premiere
Canonique: Qugd vidimus ab initio,quod manus
contrečiauerunt de verbo vitæ, & c. Pour pròưuer
fa doćtrine il dićt:Ce que nous auons veu,tou
ché & frequenté, nous vous l'annonçons, Îl
faut donc voir Christi corpus in Sacramento. Et
c’est l'argument des anciens contre Manicheế,
difant, que Ieſus Christauoit vn corps fanta
ftique. Or voylà l'herefie de fainét Thomas
fouſtenue par les Caluinistes:iene croyray que
fon fon fang foyent au fainét Sacre
ment, fi ie ne le mange & boy comme la chair
Ccc
77o Pov R L E I ov R
ás la boucherie : fi ie ne le goufte. Car il faut
auoir la probation de fainct Thomas. Or à fin
que vous entendiez leurs erreurs, ie vous de
mande fi la probation du corps de Ieſus Chriſt
Par les ſens euſt pleu : pourquoy euſt-il re
# fainct Thomas fiaigrement? Ieſus Chriſt
'a appellé incredule:mais Beati qui non viderăt
& crediderunt. Il parloit de ſon corps, & diſoit
que ceux qui le croyent fans le voir, feront
bien-heureux. Donc pour eſtre bien-heureux,
il faut le croire fans le voir : & pource tu es
pire que fainét Thomas, cartu deffens ſon he
comment est
refie contre l'expreſle parole de Ieſus Chriſt.
bonne la pro Il eſt vray que la probation d'vn corps par le
bation par le
fens est bonne . Carihs'enfuit bien, Ie l'ay veu,
fens. . . ie l'aymanié, Ergo il est vray corps. Mais il ne
s'enfuit pas, Ie ne l'ay point veu, Ergo il n’eſt
vray corps. Or il nous faut croire fon vray
corps fans le ſens, fans le voir. Car ſa parole
eſt fuffiſante pour le faire croire : fa puiifance
auſſi, par laquelle il a paſſé au trauers des por
tes. Auffi les anciens iamais n'ont vſé de ceſt
argument negando,mais affirmando,contre Ma
nichee: Il a eſté veu & touché, Ergo il eſt vray
corps. Mais il ne s'enfuit pas, on ne l'a point
veu encores,ny manié, Ergo il n’eſt vray corps.
Ag contra re nos Caluiniſtes en ont toustours
yfénggando. Ils argumentent ainſi : C’est con
tre le naturel d'vn corps de paſſer au trauers
d'vn'autre,quia effet dimenſioni penetratio, Car fi
.
** *4 **, * * * ** -** * o ry: , -, , , , , ·
. . . . . . Ieſus
-, ,
D E S. T H O M A S. 771
Ieſus Christ a paflé au trauers des portes, vn
corps a paſſé au trauers, d'vn autre,
Ergo, &c.
Et mon amy, ta propoſition ne vaut rien , ſi tu
ne prens le corps de Ieſus Chriſt pour yn
corps naturel , comme le nostre. Mais Ieſus
Chriſt eſt ſupernaturel : & confequemment
ta conclufion eſt fauffe. Regardez Tertullian
contra Martionem, & S.Hieroſme contra Ioan
nem Hierofolimitanum, & Theodoret fecundo li
bro herefon.Ils ont tous dit,il a eſté veu, il a eſté
mangé, ila eſtétouché, Ergo il est vray corps.
L’inſtitution du fainćt ſacrement, c'eſt vn aćte
fupernaturel, ce n’eſt vn faićt naturel. C’eſt la
que nous donnons à nos Caluini
ftes, quand ils nous font telles obiećtions. Or
quant à ſes oeuures naturelles, ſon corps a eſté
veu: tellement qu’eſtant en ce monde,fon hu
manité a esté veuë, & non fa diuinité. Et en fa
transfiguration fes diſciples ne l'ont peu re
garder,mais proni in terram ceciderunt,tellemét
que pluſieurs fois il s'eſt faićt inuiſible par ſa
diuinité, comme quand on l'a voulu lapider.
Or l'oeuure du fainét Sacrement est ſuper
naturelle , felon la puiſſance de Dieu. Car
naturellement il ne |
peut faire, que vn
corps foit en deux lieux. Et tant s’en faut
qu'il le faille veoir par les fens, que celuy
qui ne le croit, iam iudicatus est. D’auantage,
nous difons, que c'eſt vn des plus grands
ceuures de Dieu que cestuy-là,C&c qui
/ c 2
ſe peut
772 P O V R. L E - I O V R.

feulement apprehender par foy , & non par


fcience,ny parle ſens.Or s'il est ainſi que felon
fainét Paul la foy eſt:Rerum non apparentium: il
faut donc qu’au facrement Ieſus Chriſt y ſoit
inuiſible,& nôn viſible:car autremét il n’y au
roit aucune foy,& ne feroit pas ſacremét:Nam
facramentum dicitur fignum viſibile rei inuiſibilis:
sile eert“: Et ceſte chofe inuiſible, c'est le corps de Ieſus
.t Christ Ergo est inuiſibile. Nous voyons les eſpe
cit. „flere ces de pain , mais non pas ce qui y eſt contenu
ment de l'au reallemét fous icelles,ce que nous ne pouuons
sel-su:" au cốprendre des fens exterieurs,mais interieurs,
; " par la foy: à cauſe que Ieſus Chriſt dit : Hoc est
- corpus meum. L'argument d'attouchement, de
goust,de vifion,n'y est point:& s'il y eſtoit,il ne
vaudroit rien d'auantage , s’il le failloit veoir.
Ergo il ne feroit en la Cene, pour autant que
vous confeſſez fouz le pain eſtre contenu le
corps de lefus Chriſt reallement (ainſi qu'ont
confeſſé le Caluiniſtes, en la conferéce de Ber
ne) mais vous dićtes que ſeulement il le faut
comprendre par les yeux de la foy.C’est pour
quoy anciennemết on difoit,i'ay veu Dieu. Et
c'eſt bien parlé cela: car vous le voyez par les
yeux de vostre foy:non pas la ſubstãce meſmes
du corps,ains les accidens du pain. Comme en
voſtre corps vousne fçauriez veoir vostre ſub
ftance : & tout ce que vous voyez,c'eſt la cou
leur : toutefois vous dites, i'ay veu vne telle
*- chofe: Aufſi ne croyez vous pas que vous auez
vne ame,& toutefois vous ne la fçauriezveoir.
Mais
, de s. r H o M A s. 773
Mais quand vous voyez vn homme vif, vous
dites, ceſt homme a vne ame, parce que vous
voyez le corps qui la contient: auſſi vous pou
uez bien dire, i'ay veu Dieu, à cauſe que vous
auez veu les eſpeces contenantes le corps &
fang de Ieſus Chriſt. Et il faut confeſſer que
vncorps diuin iamais ne peut eſtre veu que
par les eſpeces, & non parla ſubstance.Com
ment il eſt dićt en fainét Iean troifieſme: Super -
guem videris Spiritum ſanctum defendentem,öre.
N'eſt-il pas vray que le fainét Eſprit eſtinuifi
ble?pourquoy eſt-il dićt:Super quem videris,crc.
C'eſt pource qu'on l'aveu,non pas en ſubſtan
ce viſible : mais par l'eſpece de colombe, &
toutefoistu ne voy pas la ſubstance meſme, ny
la ſplếdeur de la diuinité,mais ſeulemét l'eſpe
ce. Donc les anciens difoyent bien, i'ay veu
Dieu.S.Augustin episto. 4 3.reſpond à vn payen
qui luy demandoit: Quis estillis Deusquem vosin
abditis locis cernere dicitis,quémque videre Pagani
non valent ? Vous dites que vous voyez voſtre
Dieu en vos fecrets,& vouschaffez les Payens
de paour qu'ils ne le voyent. C'estoit anciếne- iourd'huy
cen staan
ment la coustume, quand on vouloit leuer le que leschre
de Ieſus Chriſt, qu'on chaſſoit ceux qui
n’eſtoyent point Chreſtiens:& le diacre crioit, qu'en la Mef
Sančia fantiis:de paour qu’on ne vint å femoc fe on voie
‘Diese. .
**

quer de ce myſtere. C’eſt pourquoyce Payen


demande pourquoy on chaſſoit les Payens:
ce fecret lieu eſtoit l'autel ſur lequel estoit fa
crifié le corps de Ieſus Christ : & c'est ce fa
Ccc 3
774 p ovR LE IovR
crement.Beze & Pierre Martyr difent que c'eſt
la maniere de parler des anciés, qui eſt hyper
Chryſºstene bolique,mais ils en ont mếty.Car S.Iean Chry
foſtome,lib.defacerdotio, les deſment, hoc enim
fit præſentium omnium oculis,quodre vera videmus.
Non pas que nous voyons la ſubſtance viſible
s. cyriu. A. nos ſens: mais par nostre foy. Sainct
" Cyrille expoſant l'Euangile du jourd'huy lib.
sz. lib. 12. in 12.comment.in Ioa.cap.f7.dit:viſibiliter vt homo,
Ioannem. inuiſibilitervt Deus videtur,il eſt au fainét Sacre
mentinuiſible,quant à fa diuinité.Caron ne le
peut veoirlà corporellement, pource qu'on ne
peut veoir qu’vne rotondité & blancheur. Et
Similitude. di urce quand nous voyons les accidens, nous
fons,voylà le corps de Ieſus Chriſt. Comme
quand nous voyons les habillemés d'vn hom
me,nous diſons,voylà vn homme.Ainfiles an
ciens ont dit que le corps de Ieſus Christ eſt au
Sacremét viſiblemét par accidens,& inuiſible
Chryſop. bo- "º"! felonla diuinité. C’eſt S:Iean Chryſoſto
„ili , in me,homil, 83.in Matthæum, & homilia fo.ad po
Matt e ho-pulum Antiochenum, pour monstrer la diffe
rence qui eſt à dire, ie voy le corps de Ieſus
Chriſt, felon les accidens, & dire, ie voy vn
**v* , , , ,* homme. Car vous ne voyezin vtroque que les
- - *

accidens. C'eſt donc grand erreur de dire , ie


- veux veoir par mes yeux corporels la ſubſtan
ce, la gloire & ſplendeur du corps de Iefus
Chriſt au fainćt Sacrement de l'autel. Or ceſte
º herefie est de S. Thomas, laquelle ſouſtiếnent
les Caluinistes,& l’approuuent fauffement.En
quoy
D E S. T H O M A S. 775
quoy ils ne font differens de Sainét Thomas,
duquel nostre Seigneur a eu pitié ; & luy a
voulu oſter ceste infidelité. En quoy il faut'
noter, que aucuns heretiques y a qui ne font fe- .
parez de l'Egliſe, combien qu'ils ayết quelque
particuliere opinion. Sainct Cyprian auoit vne
opinion hererique qu’il falloit rebaptizer ceux
qui auoyent eſté baptizez par les heretiques:
mais fainćt Auguſtin dit que pourtant il ne
laiſſe à estre fauué,tant à cauſe de fon martyre,
que auſſi parce qu'il ne s'est ſeparé de l'Eglife.
Âinfi ſainċt Thomas ne s'est fềparé de l'Egliſe de ceux qui
fié
des Apostres,ce pendant qu'il a eſté heretique:
"H" ne fe faparie
à cauſe dėquoy nostre Seigneura itié de point de l'E
fon infidelité, & s'eſt apparu à luy, à n qu'il glife.
euſt probation, à fenſibu:Ainfi qu'il est dit Ž4ii.
1o. Hunc Deus fuſcitauit die tertio 6 dedit eữ ma
nifesti fieri,nö omnipopulo, ſed testibupraordina
tis à Deo,nobis qui bibimus & manducauimus cũeờ
postquàm à mortuisferrexit. Mais pourtant il ne
faut conclurre. Ergo vt credamus corpus Christi
in facramento oportet videre & guitare. Et de ce
cy il nous faut noter vn bel exemple en Ieſus
Chriſt, quand nous voyons quelqu’vn defbau
ché & ſeparé de la vrayereligion, il ne le faut
incontinent laiffer aller: mais toufiours luy re
monstrer qu'il fe retourne à la verité. C'est ce
que remonstre fainét Paul ad Galatas 6. Fratres ' , :,, , , >,
& ftpreoccupatuferit homo in aliquo delitto, vos *,, , \ , v
qui fþitituales estis huiuſmodi instruite infiritule-
nitatis, confiderans teipfum ne & tu tenteris. Il le
C cc 4
776 P o v R L E I o v R. -

faut admonneſter, attendant que Ieſus Chriſt


aye pitié de luy. Or la deſſus ie ne ſçay com
Il fiat taf mérnous ferons excuſables deuant Dieu.Car il
;: e s'eſt foučié pour vn ſeulement,& nous ne nous
uoyeR: fọucions point pour pluſieurs. Nous voyons
tant de pauures defuoyez,& on ne tafche point
à les reduire.Ie parle aux plus grands qui ont la
principalle charge de l'Eglife. Carils en font
tres-malleur deuoir,& ne veulent pas les petits
non plus faire leur deuoir. C'eſtgrandpitié:on
ne parle que d'eux à leur grand deshonneur, &
zus, * * , ils ne s'en foucient point. Les Galuiniſtes ne
" : "nous reprochent aufre chofeils ne s'amendent
point. Qt bien Dieu a voulu anoir pitié du
, pauure fainét Thomas defuoyé. Il s'eſt apparu
à luy » en luy difant : Thomas » regarde mes
mains & mes pieds» ils ſon percez auec gros
çloux regarde mon coſté tráſpercé de lance, &
noli effeincredulus/ed fidelis. Mais çớbien que ie
te face ceſte grace, ce n'eſt pourtantà dire que
i apprọuue ton herefie. Tu es infidelle,tu n'as
pas voulu croire aux Apostres. Mais regarde
moy. Il met le doigt en ſon coſté, & inconti
nentil s'eſcrie, Dominus meu & Deus meu.C'e
ftoit qu'il eſtoit frappé d'ardent feu de la gra
ce de Dieu. Depuis que Sainćt Paul a esté vn
petit touché,ila bien chấgé de propos. Il auoit
deliberé d'aller tuer les Chrestiés,il tombe à la
s. Hylaire ti. renuerſe,& dit, Dominequid me visfacere?Sainét
7**"* Hylairelih.z.de Trinit. iis rebu impulstu clamare
capit : voyant fon costé tranſpercé, iespieds &
- .
* - --
* \ Ima1I1S
D E S, T H O M A S. 777
mains cloüez. Par cela il a veu fon herefie con
fondue : ll s'eſcrie, mon Dieu, mon Seigneur.
Et comme dit fainćt Athanaſe oratione in Ar- s.Athanast.
rianos, voylà vne belle confeſſion, elle est plus
belle que celle de fainét Pierre.Tellement que za torfeo»
les Arriens nioyent que la fecốde perſonne de 4 fºi
la Trinité fuſt le Fils de Dieu. Quand on leur ; ::
apportoit la confeſſion de Sainćt Pierre, tu es .
Chrišžus filius Deiviui. Ils difoyent nonnaturalis
nec propriu Dei filiu.Mais quãd on leur appor
toit, celle de Sainét Thomas, ils ne fçauoyent
que reſpondre : combien qu'elle ne foit pas fi
entierre que celle de Sainćt Pierre.Caril auoit
veu pluſieurs miraclestant deuant que apres la
reſurrećtion: & puis mettant fon doigt, il eſt
contrainćt de crier. Dominus meus & Deus meus.
Mais Sainćt Pierre n'auoit pas veu tout cela,
Et il dit,Tues Christufilius Deiviui. Et pource
fainćt Pierre a eu loüange par Ieſus Christ. Bea
tus es Simon Bariona, quia caro,&c. Et à Sainćt
Thomas,quia vidišti me Thoma,credidišti. Illuy
a reproché qu'il n'auoit aucune foy(car il auoit
experience) & fainét Pierre auoit foy fans ex
perience. Et fides experimentum nefeit. Et d'autất cenx qui one
plus qu'il y a de foy, d'autant plus ily a de de-plu de fo.
uotion. Tellement qu'il ya plus de deuotion : plus de
en fainét Pierre qu'en fainét Thomas. Il crioit“
donc, Dominu meus & Deu meus. Depuis que
Dieu touche quelqu’vn, il ſemble qu’il mette
le doigt dedans le feu. Sainćt Paul incontinent
qu'il a eſtétouché a dit: Domine quid me vis fa
, ’ Ccc f
778 P O V R. L E I O V R
cere? Sainét Eſtienne voyant Ieſus Christ en fa
gloire, il s'eſcrie. Domineffcipe ſpiritum meum.
. Ét qui faićt cela? c’eſt l'ardante charité de Ieſus
Christ, Sainćt Thomas donc a receu la foy &
creu en Ieſus Chriſt. Or Chreſtiens,quãd nous
venons au fainét Sacremét de l'autel, nous de
, urions crier, Dominus meus & Deus meus. Et il ſe
e donne à nous, non moins que à fainót Pierre
& à fainćt Thomas. Et ceux qui deuroyent
monſtrer exemple aux autres font les plus pa
reffeux. Et mon amy, Dieu t'a faićt tant d’hon
neur de celebrer la Meſſe, de le receuoir, & tu
ne t'en foucie point!Tu t'amuſe plus à ta bour
fe que à communier. Il n'eſt poſſible que Dieu
Le peuple puiſſe endurer tout cecy. Il y a encore vne au
doit commu- tre chofe, c'eſt qu'il faut que le peuple foit
*“/* exhorté de communier plus fouuent.Car il n'y | ,
a rien qui efchauffe plus le coeur à deuotion *

enuers fon Dieu,comme difent les anciens. Et


meſmes s'ils auoyent quelque petit trouble,ils
|
auoyent recours au fainćt Sacrement, comme
dit fainét Cyprian lib.l. epist.3. iuſques aux pe
tits enfans. Quelquefois on le gardoit dedans
ars . . . . le coffre pour en vfer en la neceſſité. Il te dit
, , auflifermone de lapsts.Il s'enfuytapres en noſtre
texte: Beati qui non viderüt & crediderunt. Nous
ne fommes plus en l’eſchole de philoſophie
pour auoir experience des choſes. if faut croire
fans experience. C’eſt ce que dit S. Chryſosto
me homilia 24.in Ioannem. Homo non est amplius
animal rationale fed fidele. Autant en dit fainét
- Augustin
Ak"

D E s. T H o M A s.
Auguſtin ferm.i.de Trinitate,& Orig.li 6.contra 4“g fºrm.t.
Celfum. Anciennement au ſacrifice de la Meſſe, Orig.
- - - - 1b. óT, cozy trag

on diſoit:Credite aut abite à cauſe quelefonde


ment de noſtre religion, c'est de croire. Orça
donc,Chreſtiens,vous voyez: Quod dominus non
querat mortempeccatoris, fed conuerſionem. L'E
glife eittoufiours preste de receuoir en fon ſein
ceux qui ſe retournent.Il nous faut donc eſtre
comme S.Thomas, & nous retourner à elle, à
fin que nous puiſſions auoir la grace de Dieu
en ce monde, & la gloire eternelle en l'autre,
ad quam nosperducat,&c. Amen.
A V I O V R S A IN C T
E S T I E N N E.

E TRØ.
W. | Tephanus plenusgratia & fortitudine, -4°.7
RÍ faciebat prodigia & fgna magnainpo
pulo. Monfieur fainét Luc en l'epi
= A || ſtre d'auiourd'huy nous preſche cő
me fainct Eſtienne plein de grace & de force,
faiſoitlechoſes
entre peuple.merueilleufes,
O la belle &&noble
grandsliaifon,
fignes :::: alliace * a)

* c :” de grace er
à fçauoir, de grace & force.Grace viuifie,iuſti- af
fie, beatifie, & glorifie. Et force furmonte le
monde, peché , la chair, & Satan. Il faiſoit
choſes merueilleuſes, & grands fignes entre le
peuple, pour la confirmation de la foy, & de
la doćtrine Euangelique. Mais l'ennemy ce
faux dragon,infidiateur de nos ames & de no
ftre falut, a par ſes malignes fuggeſtions fuſci
té guerre & bataille contre le # , iuſte, &
1I1 IMO
78o A V I O V R *

innocent. Carincohtinentil a dreſſé hommes


pestilencieux , corrőpus de penſee, aduerſaires
- de toute bonté, & fauſſaires de verité, contre
monſieur fainĉt Estienne,leſquels quand ils ont
ouy la faine & falutaire doćtrine, & veu fa vie
Angelique, ont eſté enflambez, & afprement
courroucez à l'encontre de luy,pour fa doćtri
ne & vie, comme il eſt dićt: Surrexerunt autem
quidam defnagoga,que appellatur Libertinorum,
Cyrenenfium & Alexandrinorum, & eorum qui
erant à Cilicia,có Asta.Et aucuns enfans de Be
lial, de la ſynagogue du diable , & de l'Ante
christ,qui de cinq lieux eſtoyết aſſemblez pour
faire la guerre au Cheualier de Ieſus Christ,
pour vaincre par multitude celuy quipar argu
mens, par teſmoignage des eſcritures,par veri
té & euidentes raiſons, ils ne pouuoyent fur
monter.Ceſte fynagogue eſtoit appellee des Li-
bertins,& des Cyreniés, & des Alexandrins,&
de ceux qui eſtoyent de Cilice,& d’Afie : tous
vaiſſeaux d'iniquité, d'ire,& cốtumelie:reprou
uez à croire:tous femblables,d'vn meſme cou
rage & volonté affectionnee, pour refiſter à la
verité, blaſphemer la voye de Dieu, perfecu
ter les fainćts & innocens : qui fe font leuez
pour diſputer contre fainét Estienne,prefcheur
de verité,& de la foy de Ieſus Chriſt: fans la
quelle il est impoſſible de plaire à Dieu,& estre
**" ſauué. Et non poterant refĦerefapientia & ſpiri
tui quiloquebatur. Et ne pouuoyentrefiſter: ils
le vouloyent, & en cela ils eſtendoyent
-
* :
eurs
S A I N C T E S T I E N N E. 781
leurs nerfs , & employoyent toutes leurs for
ces : mais ils ne pouuoyent refiſter à la fapien
ce, & au S.Eſprit,par lequel il parloit. Icy no
ftre Seigneuraccompliſſoit fa promeſſe, quand
il dit:Ciem steteritis antereges & preſides,nolite co
itare quomodo aut quid loquamini , dabitur enim e3ťatt.ro.
vobis in illa hora quid loquamini. Quand vous fe AL MC.2 I.
rez deuant les roys &preſidens,ne foyez pas en
foucy comment & quelle chefe vous reſpon
drez:Ie vous donneray eloquence & ſapience,
à laquelle tous vos aduerſaires ne pourront re
fifter. Car ce n’eſtes vous pas qui parlez, mais
c’eſt l’eſprit de voſtre pere qui parle en vous.
Monſieur fainét Estienne reſpondoit verita
blement à toutes leurs calomnies & fauffesac
cuſations,les confondant par la profondité des
eſcritures fainćtes.Et finablemét voyant qu'ils
ne pouuoyent entendre pour croire, ne faire
bien,pour eſtre fauuez,lors durement & afpre
ment, auec toute auctorité & puiſſance les re
prend & redargue,diſant: O gens de dure cer
uėlle, incirconcis de coeur & d’aureilles: Vos
Ać7.7.
femperSpirituifančio restitistis fcutpatres vestri,
ita & vos quem Prophetarumnā funtperſecuti pa
tres vefiri?Vous refistez toufiours au S. Eſprit,
comme vos peres ont faićt, ainfi faićřes vous.
Lequel des Prophetes n'ont perfecutė vos pe
res? Ils ont occis ceux qui predifoyent de l'ad
uenement du iuſte , duquel maintenant vous
auez eſté traistres & homicides, vous qui auez
receu la loy,par la diſpoſition des Ang Ime

- ’auez
782 - A V I O V R. -

l'auez pointgardee. Eux oyãs ces choſes,à fça


uoir les parolles de vie,les confeils de falut,les
enfeignemens de verité, par grande fureur &
felonnie (lefquelles font à Dieu execrables &
abominables) creuoyent de deſpit.Car ils n’a
uoyent pas iuſte cauſe de le mettre à mort , &
º comme chiens , par grande rage grin
çoyent les dents, faiſant grand bruit auec grin
s.Estienne cemét & ferrement de dents contre luy. Voicy
formulair de Chreſtiens, vn formulaire de vertu: à fçauoir
7» ertu. de conſtante & ferme confeſſion de la foy , &
***“ de verité. L'apostre S.Paul dit:Cordecreditur ad
iustitiam, ore autem confeſio fit ad falutem. On
croit de coeur pour eſtre iuſtifié : mais on con
nel... feste de bouche pour eſtre fauué. Car l'eſcritu
re dit: Qui credit in eum , non confundetur. Qui
Matt.ro. conque croira en luy,ne fera confus ou cõfon
du.Et Ieſus Chriſt: Qui me confeffiafuerit coram -
hominibus,crc. Tout homme qui me confeſlera ;
deuant les hommes,ie le confeſſeray auffi de- |
uant mon pere qui est és cieux. Pource celuy
qui veut eſtre bon Chreſtien,à l'exemple de S.
Eſtienne, il ne faut pas auoir honte ne erube
fcence de publiquement, & deuant les tyrans
& infidelles,confeffer la foy de Ieſus Chriſt, de
fon nom,& de fon Eglife,ayans ceſte promeſ
fe de falut, comme dićt l'Apostre : voire &
Ioan. 12 combien que la vie ſoit perdue en ce fiecle,
Luc. 12. pour la confeſſion de la foy. Toutefois elle fe- |]
ra trouuee en la vie eternelle,& s'ils mettent à |
mort le corps,comme dićt noſtre Seigneur, ils ||
- ' Il C
S. E S T I E N N E. 784
ne peuuent tuer l'ame,dont ne le craignez pas.
S'enfuit, Cum autem effet Stephanuplenus Spiritu
fàncto,intendens in cælum, vidit gloriam Dei,& Ie
fum stantem à dextris Dei. Et S.Eftienne eſtant
lein du Sainét Eſprit, regardant au ciel des
yeux de l'eſprit, & du corps, qui eſt le lieu,le
quel nous deuốs tous defirer, dict Dauid, com- "/*****
me le cerf defire les fontaines des eaux, quand
il eſt pourfuyuy des chiếs & challeurs, & qu'on
le cherche à le faire mourir : ainſi le cheualier
de Dieu fans reproche , Monſieur S. Eftienne,
commeil eſtoit perſecuté, il defiroit allerà no
ftre Seigneur:qui est la vraye & viue fontaine:
& pour apparoittre deuant la face de Dieu, &
pour le voir face à face: car il fçauoit bien,que
comme dićt S. Paul aux Romains 8. Non fînt
condigna paſiones huius feculi ad futuram gloriam
que reuelabiturin nobis. Les afflićtions que nous
endurốs en ce móde ne font pas equipollentes
à la gloire que nous en aurons. Et en ce defir,
vidit gloriam Dei,il a veu la gloire de Dieu, pour
fa fortification & conſolation par vne ſpecia
le grace , auquel nostre bon Dieu & createur a
demőftré la couronne de gloire à luy preparee,
& pour laquelle virilement & vertueuſement
il batailloit: car Efficiunt pænāpremia magnale
uem, cốme dit le Poëte,la grandeur du guerdon
diminue & fouuent du tout ofte la douleur du
fupplice.Il a veu la gloire de Dieu,& Ieſus eſtãt
à la dextre de Dieu.Et a dićt cela pour cőfirmer
la reſurrećtion & aſcenſion de Ieſus Chriſt
C1C 1:
--
784 A V I O V R.

ciel:ce que ne croyent pas les infideles Iuifs. Et


~) , pource que telles viſions fe font felon la cőue
nance des choſes leſquelles ils ſignifient,pour
vistãs diuines ce S. Eſtienne a veu Ieſus Chriſt eſtant droićt,
|lon la conue- fignifiant qu'il estoit prest & appareillé pour
. » . ,** .

, luy ayder en ceste bataille, (comme dit fainét


f, testueues Ambroife epist. 82. & Beda) en laquelle il ba
ils Égnifient tailloit contre leroy d'orgueil, & prince deste
nebres. Car c'eſt chofe propre d'estre droićtà
celuy qui veut aider: mais estre aſſis,eſt propre
au iuge qui regne, & eſt aſſis en fon
*****". Pource monſieur S. Marc quand il deſcrit le
royaume de Ieſus Christ, il dićt qu'il eſt aſſis
à la dextre de Dieu aux hauts lieux. Ainſi accor
de ces deux paſlages S.Aug in quest.nouitestam.
quest. 88. alleguant auſſi vn lieu d'Efaye, où il
dićt qu’il a veu noſtre Seigneur affis. Et ait:Ec
ce video celos apertos, é filium hominis stantemà
dextrus virtutis Dei. Et il dićt:Ie voy les cieux ou
uerts. Ce qu'il faut entendre, cốme il eſt dići,
qu'au bapteſme de Ieſus Chriſt les cieux ont
\ esté ouuerts, ou biếcốme il est dićten Geneſe,
cataratiecelifierāt aperte aufquels lieux il fem
ble estre dićt que le ciel s'ouure, mais ce n'est
pas i les corps celeſtes qui de leur nature font
incorruptibles, ayent eſtez rompus ou diuifez,
mais pource á les cieux n’empefchent pointles
s. Eftienne « yeux de S.Eftienne pour voir Ieſus Chriſt, ha
birantau ciel.Et que les cieux font ap
romment, parus ouuerts à S.Eftiếne par quelque reſplen
- - - - •

diſfante lumiere,par la glorieuſe lueur, iettans


des
, d e s. E s T 1 E N N E. 793
des clairs & lumineux rayons procedãs du glo
rieux corps de Ieſus Chriſt, comme aux grâdes
coruſcations & eſclairs: ainfi le Fils de l'hőme,
c'est à dire de la Vierge mere,eſtoit droićt pour
luy ayder à la dextre de la vertu de Dieu.Cer
tainement c'eſt choſe iuſte que le premier ref- * **
moing de Ieſus Chriſt, qui en ce monde pour
l'exaltation de fa foy & de ſon nom, volontair
rement # expoſé fa vie, qu'ilveir les cieux ou-
uerts à ľuy,& la recompence que le fouuerairi
Dieu & Pere Sauueur a preparé à ſes enfans,
Voyons icy pour plus grande cóſolation la maa
lice des Iuifs pour confondre leur infidelité &
meſcreance (comme dit le venerable Beda ex
poſant ce paſlage) non ſeulement ille nomme
Fils de Dieu, pour laquelle choſe ils l'ont mis
à mort:(car il s’est faićt Fils de Dieu) mais auſſi
il l'appelle le Fils de l'hőme,qui leur auoit esté
d'Abraham & de Dauid, & celuy qud
es Iuifs cóme hőme ont faićt mourir au bois,
ils le deuoyết croire estre Dieu, S.Estienne dit
que c'eſt luy meſme qu'il voit à la dextre de la
maieſté &gloire paternelle auxhauts lieux. Eał
zlamantesautēvoce magnacötinueruntaures staa.
Et iceux s'eſcriãsà haute voix, à fin quelesowq>
ritables paroles de S. Estiếne ne fuflentouyes,
ils estouperét & boucherent leurs oreillespo -

n’ouyr les parolles du teſimoing de verité: leſ **.**. :


:;
quelles par leur fauste estimation ils iugerent *
estre execrables & pleines de blaſphemes. „Fit“
preneraihtaisyen rake » -
* A ----

796 3 4 A V I O V R I
feintifes & fimulations auoir le zele de Dieu,
comme s'ils ne pouuoyent ou vouloyent ouyr
ny endurer les blaſphemes de S.Eftienne, les
ennemis de toute verité, forgeurs de menfon
ges, fongeurs defauffes doćtrines,qui ne peu
Sap. r. uent fouſtenir faine & faincte doćtrine. In male
uolamenim animă nõ intrabit/apiētia,dit le Sage,
La fapiéce n’étrera point en vne ame maligne,
comme elle ne peut entrer en l'ame de ces ma
lings Iuifs,felon le S.& ſacré Euangile.Lesen:
fans du diable, de l'antechrift,& de tóute fauf.
feté,ont bouché leurs oreillesà la verité, laquel
le furmőte toutes choſes. Et impetă fecerăt vna
nimiter in eum. Et d'vn courage,c'eſtà dire d'v
ne pareille malice & volontéobſtinee,vindrent
impetueuſement, efmeus non par raiſon, ains
parrage & furie diabolique:Eijcientes eum extra
ciuitatem,lapidabant eum. Et le fetterent comme
homme peſtilentieux,ſeditieux & perturbateur
de la cité & republique,comme vne brebis ga
leufedommageable & dangereufe,infećtãt les
autres parfon attouchement & frequentation !
le lapidoyent non conuaincu,non confeſſé ains
fans reproche & tache de reprehenſion. En
quoy trefmanifeſtement ils mentoyent de dire
qu'ils obſeruoyếtła loy,ſelon laquelle les blaf
Zeuit.24,
phemateurs deuoyét estre lapidez hors la cité.
Ettestes.Et les refnoings q fauffemét l'auoyent
: Af accuſé de blaſpheme.O faux teſmoingsforgez
tefmoings. à la tauerne qui venez au iugement pour & en
faueur des meſchás fauflement & meſchấment
: Ci depoſer
S A I N C T , E S T I E N N E. 797
depoſer contre les iuſtes & innocens, ne crai
gnez vous point la fentéce de Dieu, ne redou
tez vous point l'ire de Dieu, le tonnerre du iu-i
gement de Dieu:quand vous y penfez, ne faićt
il point trembler vostre coeur dans le corps,
quãd fi aigre & fi aſpre punition fera faićte des
faux & damnables teſmoings, quand il faudra
comparoir deuãt la face du iuge tref efpouuã
table? Eſcoute faux teſmoing,e coute:& tere-
ueille,miferable creature , qui fauflemét cốtre
l'innocết depoſe.Eſcoute d'oreilles eſtendues, . * , * *

voy à yeux ouuerts de quelle peine & punition ~ , A


\

feront punis les faux teſmoings.Premierement ** * * *

..\, .
les faux teſmoing, doyuent eſtre punis tempo
rellement. Car le iuste & equitable iuge doit faux "tef.“
condamner le faux tefmoing à amende pecu moings.
niaire & peine temporelle.Secondement leiu
fte iuge doit condamner le faux teſmoing ci
uilement. Cartelle maniere de gens,felon les
droićts,font infames,indignes de la compagnie
des fidelles & catholiqueschrestiés,incapables
& inſuffiſans de procurer,accuſer, condamner
teſmoigner, iuger,ne tenir aucun office ne be
nefice.Tiercemét les faux tefmoings ferőt pu
nis corporellemét:car par le iuste iugement de
qu'ils ſont frappez de
pluſieurs griefues maladies corporelles, & au-
cunefois priuez de l'vfage d'aucuns de leurs
membres:cóme de la veuë, ouye, parole, trem
blement de mains, ils deuiennent tous fecs &
arides,comme il est eſcritaux Prouerbes de Sai Treu.ro.
D dd 2
798 A v 1 o v R
lomon,testis falſia non eritimpunitus, & qui men
dacia loquitur,non effugiet. Le faux tefmoing ne
fera impuny, & qui parle menfonge,n’eſchap
pera la punition.Quartemét, le faux tefmoing
fera puny ſpirituellement. Car fouuent il ad
uient que telles gens meurent fans confeſſion,
fans teſter, & aucunefois enragez & infenfez.
Finablement, eternellement feront punis en
': ** l'autre fiecle.Car il estefcrit:Testis mëdaxperi
****** bits. Et, nõloqueris falſum testimoniü.Le faux tef
r„ „e moing perira: Tu ne diras point faux tefmoi
„eing /en - gnage cőtrető prochain. Le faux teſmoing est
blable à Iu- à Iudas,qui vendit Ieſus Christ.Car
í 1 qui par argét depoſe contre la verité, cóme Iu
““ das il véd IeſusĊhrist,qui adit,le fuisla verité.
Voylà la premiere offenfe qu'il cómet,àfçauoir
contre Dieu,qui eſt la fouueraine verité &vie.
Secondement,il offenfe le iuge, quand par fon }
faux tefmoignage il deçoit le iuge.Tiercemét,
fon prochain,quand en faueur dumefchant, il
depoſe & teſmoigne cốtre l'innocent, cóme il
appert par l'exếple à tous notoire de fainćte Su
|
fanne. Finablemét,il offenfe foy-meſme, quád
parfon faux teſmoignage il oblige fon ame, ,
pour auec les monstres diaboliques eternelle
mét estre dáné aux abyfmesinfernaux. Et pour
ce quád il est queſtion de depoſer,il y faut pen
fer meuremét & fagement. Si on tefmoigne de
laverité, ce n'eſt pas peché. Mais teſmoigner
antrement,c'est vn treſgrief& dãnable peché.
„. “Et pource l'Apoſtre fainét Paul nous enſeigne
- : depo
D e s A 1 N c t e s T 1 E N N e. 799
deponentes mēdacium,loquimini vnufậuifļue veri
tatem cumproximofuo.Oſtez menfonges,& par
lez en verité chacun auec fon prochain : car
nous ſommes membres les vns des autres. Et
testes depoſuerunt vestimētafaa ad pedes adolestã
tả, qui vocabatur Saulus. Et les faux teſmoings
qui fauffement auoyent accuſé S. Estienne de
faux blaſpheme,meirét bas leurs vestemếsau
des pieds d'vn adoleſcēt, qui eſtoir appel
lé Saul: lequel estoit conſentant en ceſte lapi
dation. Car il gárdoit les veltemés des tyrans,à
fin que plus aifemết & fans empefchement ils
le feiffent mourir: qui comme de la main de
rous lapidoit le fainċt martyr, & premier tef
moing de Ieſus Christ. Sed obtinuit mistricor
diam à Deo, vt efferfidelis:Maisiła obtenu mife
ricorde de Dieu, pour eſtre fidelle. Carigno- *

rammentita fait cela. Depuis il a esté nommé : in:


Paul. Maintenant monſieur S. Luc produit :
en lumiere la parfaićte patience & charité at
dante,dont S. Estienne a vaincu & furmonté de s. Estiin.
la malice des tyrans & bourreaux inhumàihs
qui le liutoyentà la mort:Et lapidabant Stepha
numinuocantem & dicentem, Domine Ieſufiistipe
ſpiritum meum. Et les enfans du diable & de
perdition lapidoyent S.Estienne, inuoquant,
Dieu,&difant:Domine,Seigneur qui peuxtou
tes choſes, Iefa , c’eſtà dire Sauueur : qui ne
veux que perſonne periffe, ainsſoit fauué, re
çoy mon eſprit. Carvolontairement i'expoſe
mori corps à la mort re" ; & exalta
- D dd 3
-

----

8oo - - -1 E I o v. R. . . -

tion de ta gloire. Maisie te prie que mon ef


prit foit de toy receu & fauué. Eufebe liure
cinquieſme de fon hiſtoire, chapitre quatrief
sme,recite queles Martyrs du tếps paſſé, quand
ils mouroyent,vfoyent de ces parolles de mon
fieur S. Eſtienne: Domine Iefa fastipe ſpiritum
meum. Pour nous apprendre à auoir ces belles
parolles en la bouche,à l'heure de nostre mort.
Et S.Auguſtin meſmes, lih. 22. de ciuitate Dei,
cap 8.feci te auoir veu de fon homme
extremement malade,non baptiſë , duquelles
parens destrans fort qu'il fust baptiſé, & voyás
qu'il n'envouloitrien faire, n'ont peu s'adui
fer d'vn moyen plus expedient, que de prier
monfieur fainćt Estienne pour, luys & prendre
des fleurs quiestoyent fur l'autel, ſous lequel
estoyent les reliques de S.Eſtienne. Leſquelles
„ºrv. fleurs ils n'eurent pas plustost iettees fur ledict
imalade,qu'il demanda bapteſme.Il futbaptiſé,
-& mourut quelque temps apres i mais estant
se v.: , : en agonie, ne ceſſoit de direcęs mots: Domineț
lest fastipe ſpiritum meum. Combien que per-f
-fonne ne les luy euſt apprins, & qu'il n'eut
oncouy parlar que fainét Estienne en eust vf:
quandon le lapidoir. En ce chapitre font reci
.tez pluſieurs miracles de S.Estienne.Poſitisau
-tengenibus clamauit uocemagna,dicens: Domin
- nefatuarillis hoepeccatum. Et quand il eut mi
les genoux à terre.O grãde, profonde & ardá
ste charité quand il prie pour ſoy-meſme, ilest
droićł, & quandil veut prier pourfes ennemi
|-
*
* ** * :
d e s. E s r 1 E N N E. 8or
& perſecuteurs, il fe met à genoux en terre,
criant à haute voix,& difant:Domine, Seigneur
du ciel & de la terre, ne leur impute point ce
peché. Voylà vne chanfon de grande douceur,
qui comme le cigne tout blanc fentant fa mort
prochaine chante plus doucement qu'il n’a de
couſtume: il prie pour ceux qui le lapident, fe
rendant aduocat pour fon aduerfe partie: fup
pliant Dieu pour fes ennemis, par clameur &
cryd'oraifon,laquelle fut tant ſuffiſante,que S.
Augustin dit,Si Stephanu nõoraffet,eccleſia Pau
lum non haberet. Si faint Estiennen'eust prié,
l'Egliſe n'auroit pasmófieur fainct Paul.G cas
merueilleux!S.Eftienne demande pardon pour
ceux qui le tourmentent : qui au contraire à
l'encontre de luy font grand bruit, s'accordans
pour le lapider,& violemment faire mourir. O
parole depatience admirable,& de charité inė
narrable: il ne s'arreste point aux imiures qu'on
luy faićt,& he faićt eſtime de fon mal. Ilmon
ftre ne point ouyr les contumelies à luy infe
rees , ayant compaſſion de ceux qui luy font
paſſion. Il medecine ceux qui le bleflent. Il
procurent la vie à ceux qui le liurent à la mort.
Et cùm hoc dixiffet,obdormiuit in domino. Et quãd
il eust-ce dit, il dormit en nostre Seigneur: &
noſtre Seigneur receut fon eſprit en fon Roy
aume celeſte,à fin que où est Ieſus Christ,fainćt
Estienne ſoitauec luy,& maintenant affis en la
table de Paradis auec Abrahã, Iſaac, &Iacob.
Penfę (ôbốme Chrestien)& auec quelle
- : '.' D d 4
8oz . Av ,1o vR = u
iøye,triomphe,& lieste, ceſte bien heuree ame
a esté portee par les fainćts Anges au Royau
me des cieux, où maintenãt elle eſt abbreuuee
du torrent de volupté,viuất d'vne ioye laquel
letoufiours dure. Pourquoy donc (ô homme
uiorrel) demande tu vengeance, & differe tu
Admenition faire remiſſion à celuy qui t'a offenfé? Aye re
falutaire. gard au Roy de gloire qui remet toute mali
gnité & contumelie,qui comme la lampe hau
fementefleuee en la croix rompue fur les fra
ćłeûrs d'icelle, faićtample effuſió de l'huile de
graqe&de miſericorde. Il a les mains & pieds
clotiaz:la lágue eftfeulemét deliure, & d'icelle
illouë ſon pete, conſole fa mere, & prie pour
despecheurs fes ennemis & perſecuteurs. La
alameur de ceſte oraiſon a percé & penetré
Mès coeurs de pluſieurs, qui retourrians du mont
-de Caluaire frappdycntrleur poičtrine , & di
foyentdeur peccanis pierres & roches, ciel &
-terre,drient vengeanca & iustice, & noſtre Sei
gneur demandemiſericorde. Et à ſon exemple
ifainét Eſtiéne priepbur ceux qui luy font nui- |
|fance,difant(Domine) Seigneur me leur impute :
pasce peché. Il ne demande pas à Dieu qu'il
enųoye du ciel fusila terre, feu & foulphre
pour conſommer & foudroyeri fes ennemys,
cơnáme anciennement il a faićł fus Sodome &
(Gomorre. Il ne requiert pas que nostre Sei
gneur face ouurir & fendre la terre pour en
gloutir fes perfecuteurs: comme iadisil a faict
-
à Dafhan,Choré& Abiron. IIneprie pas Dieu -

- *: : : qu'il
D E S. E S T I E N N E 8o;
qu'il enuoye vn deluge pour faire defloger de
#
deſſus la face de la terre es aduerſaires. Mais .
fainét Eſtienne nous vous prions dićtes nous
des nouuelles,que demandezvous à Dieu ? Ne
fatuas illis hocpeccatum. Ne leur impute point
ce peché. Quelqu'vn me pourra repliquer:Ie
fus Chriſt eſt Dieu immortel & homme treſ
parfaićt, ie ne le pourrois fuyure, il va trop fort
pour moy.Ie te propoſe fainét Estienne homme
pur : tu ne peux maintenant pretendre aucun
manteau d'excuſation. Et fitu me dis autremết
ie t’en donneray vn des enfers, à fçauoir Iu
les Ceſar, duquelil est dit en fes loüanges,qu’il
auoit la memoire fi freſche & de fi grande te
nacité, qu'il n'oublioitiamais rien,ſinon les in
iures. Qui eſt contre ceux, qui comme vieux
pots rompus & caffez,ne reçoyuent que plume
ou vieux charbons pour allumer le feu, & ne
peuuết contenirbốne liqueứr, ilsgardent hai
nes long temps en leur coeur , & prient Dieu
qu'il puniffe leurs ennemis , leurs enuoyant la
mort, ou autre mal. Certainement noſtre Sei
gneur leur peut dire, ainſi qu'efcrit fainét Au s As »
gustin au fermon d'auiourd'huy. O homme * ** **

Čhrestien, veux tu eſtre iuge & me constituer


ton bourreau ? tu iuges à mort ton ennemy, & * * *, t.

veux que ie luy enưoye la mort. Ce que iene -v * ,


*

feray. Nolo enim mortem peccatoris,fed magis vt -


*

***
a *

*
conuertatur & viuat. Car ie ne quiers pas la
mort du pecheur, ains qu'il fe conuertiffe &
qu'il viue. Atrendons dönc tous icy, & amol
, 3. *** Ddd 5
- N
8o4 A v 1 o v R : D E s. 1 E A N
liffons nos coeurs à aymer bons & mauuais: &
prier non feulement pour nos amys & bienfai
ćteurs en Dieu : mais auſſi pour nos ennemys
& perſecuteurs,&pour l'honneur de Dieu,que
vraye paix & cốcorde ſoit reformee entre nous
& eux & que toute haine,rãcune, & malueuil
lance foit oſtee de leurs coeurs, & qu’il vueille
diſſiper & destruire les mauuais confeils qu'ils
l’encontre de nous, & que toutes
choſes contraires à la tranquillité Chreſtienne
foit dechaffee du milieu de nous,à fin que nous
puiſſions viure en paix auec Dieu & nos pro
chains:& que finablement par les dignes inter
ceffiốs du glorieux eſprit de mőſieur S. Estien
ne, nous puiſſions paruenir auec luy au lieu de
paix ſupernelle, laquelle nous vueille donner
| Pere,le Fils,& le S.Eſprit.Amen. r : ft f : : , ,

TFTSVETETTNETTERNT
L' E v A N G E L 1 s T e.
rea».zr. HēF) I x 1 r Iestu Petro:Sequere me. Mes
Pfal. 72. \\|amis & freres *

Matth.ro. On [ tend ’eſt ch f.


Chofe bonne Aluons enten que e cno ç »n
i li #$1|ne & ioyeufe d'eſtre auec Ieſus
christ, e au Chriſt, à l'exemple de Monfieur Sainćł Pier
“ “ re: & au contraire que c'est choſe perilleuſe
.. d'estre ſeparé de luy. Car quand il eſtoit auec
i Ieſus Chriſt , il l'a confeſſé pour estre fauué
Mare.e. qu'il estoit le vray fils de Dieu viuant, & lors il
merita benediction quand noſtre Seigneur luy
dict:Beatuses Bar-iona,quia caro 6 fangui; nörs
| i. ' , i uelauit
1’ E v A N G E L 1 s T e. 8o;
uelauit tibi. Tu es bien-heureux Pierre : car ce
que tu viens de dire de moy , ne t'a pas eſté re
uelé de la chair & du fang, mais de Dieu mon
pere.Mais au contraire, quand au temps de la
paſſion,il a eſté ſeparé d'auec Ieſus Chriſt pour
crainte de la mort, par trois fois ila renoncé la
vie. Quand les diſciples estoyent ſeuls,tribula
tion & angoiſſe leurs furuenoyent, & à grand'
difficulté euffent-ils euadé ou eſchappé le pe
ril de ſubmerſion & nauffrage,& qu'ils ne fuf
fent esté noyez & enfoncez en l'eauë,en fihor
rible tempeste de la mer : mais quand Ieſus
Chriſt s'eſt approché d'eux,les flots, vagues &
ondes feteindrent coy, & fans faire bruit, le ,
vent cella,& fut faićtegráde trãquillité, doux, ... ,,
& beau tếps en la mer. De forte qu'auec gran
de admiration ils difoyent quel eſt ceſtuy-cy?
Carles vents & la mer luy obeyffent. Ce
Dauid,homme felon le coeur de Dieu, penfant Pſal.72.
diſoit: Mihi autem adherere Deo meo bonum est,
ponerein Deeſhem meam, vt annuncië omnespradi
cationes tuas. I'ay estimé bonne choſe de s'ad
ioindre à Dieu. I'ay mis mon eſperãce au Sei
gneur Dieu,à fin que ie raconte toutes tes ceu
ureş. Et au contraire ceux qui s'eſloigneront Luc.rs.
de toy, periront. Le fils plusieune en la mai
fon paternelle estoit poſſeſſeur de tous biens:
mais quand il s'en eftdeparty,il a eſté enuiron
né de tousmaux,iuſquesà estre contrainct de pai,,.
manger en la table des pourceaux, fait com- ffat., s.
me vn cheual ou mulet qui n'a point d'enten
i
* } dement,
1
8o6 A v 1 o v R d e s. 41 e A N · |
dement, & eſt accomparé aux beſtes qui font
fans raiſon & entendemết,& faićt ſemblable à
icelles parfa coulpe & faủte, qui par la fapien
ce diuine auoit eſté creé & faićt à l’image &
femblance de Dieu. Le Prince des Apoſtres {
fainćt Pierre, quand il a esté fequeſtré de Ieſus
Chriſt par crainte de la mort, & par fragilité ||
humaine, par trois fois il a defaduoué Ieſus
Chriſt, qui eſt la vie,feignant ne le cognoiſtre |
& n'estre fon diſciple,comme chacun fçait,par i
le diſcours de la paffion de nostre Seigneur. . . .
Mais icy au contraire par trois fois d'vn vif &
sayur. in. Y Y til confeſſe qu'il aime fon Seigneur
Ieſus Christ. Et alors Ieſus Christ luy dit : Se
es comment. quere me.Suymoy,en defaduoüất toy-meſme,
orte la croix apres moy:autrement tu n'es pas
mon diſciple,ne digne de moy. Sequere me. En
faifantbonté,en cheminant en la loy de noſtre
. . . Seigneur;frućtifianten toure bonne æuure, en
faiſant, non pas ta volonté, ains celle de ton
pere qui eſt aux cieux. Sequereme. Par l'excel
lente voye de foy, eſperance & de charité, dit
le Seigneur & Sauueur de tous les hommes:
Conuersta Petrus vidit illum diſcipulum quem dili
s. Iean taist gebatIostu.Et Pierre ſe retournährveit le difci-
}, ple lequel Ieſus aimoit.Sainct lean par grande
pourquoy, & profonde humilité taiſt fon nom. Iefus aî
moit tous les Apostres : mais plus familiere
ment fainét Iean, comme dit fainćt Hierofme
* eſcriuant ad Principiam virginem,oùil fait com
paraiſon defainét Pierre & de fainét Iean,
*e
&
expo
L’ E v A N G E L 1 s T e. 8o7
expoſe la cauſe pour laquelle fainét Iean eſtoit
le plus aimé.Iacob auoit douze enfans, qui ont
esté les douze Patriarches, & par deflus tous
les autres freres , il aimoit mieux le petit Io
feph. Et noſtre Seigneur auoit douze Apoſtres
comme fes enfans:entre ces douze S.Iean a le
nom d'eſtre le diſciple aimé. Et pourquoy, S.
Pierre n'eſt-il point le plus aymé, veu que par
les Euangeliſtes on peut coniećturer que #
il aimoit Ieſus fon maistre? Reſponſe, tous pierre er
deux font biếaimez,l'vn à la garde de l'eſpouſe Iean fontai
demere
la Dieu,dequi est l'Egliſe : l'autre
DieuMarie:l’vne à lades
eſt mere garde de
Chre- /
Có cõ

ftiens,& l'autre de Ieſus Chriſt. Mais l'amour


. **
que porte Ieſus à S.Pierre, eſt comme l'amour
du pere à ſon enfant:&l'amour de noſtre Sei
gneur à Sainćt Iean, c’eſt comme l'amour de
la mere à ſon fils. Le pere aime tellement fon
enfant, que toutefois il ne luy eſpargne pas la
verge, & ſe monſtre plus graue & feuere que
la mere,laquelle aime tendrement fon fils,l'ac
colle,& le baife,& ne veut point qu'il foit bat
tu. Dieu aime fainét Pierre, comme le pere
aime le fils, lequela voulu endurer la croix de
uant que luy donner fon heritage: mais fainćt
Ieán a eſté aimé tendrement. Car Dieu n’a
point voulu qu'il foit mort par tourment de
perfecution,comme les autres Apostres: com
bien que Tertullian dit qu’il ait beaucoup en
duré fous Neron: mais toutesfois il n'eſt pas
mort par martyre. Lequel toutefois ne dit
- CCl2.
8o8 A V I O V R. D E S, I E A N

cela par gloire, comme fi Ieſus Christ l'aimoit


par plus affećtionnee amour que les autres,cő
me meilleur ou plus digne que les autres de ce
fte amour, maisil parle de ceste familiere a
mour,par laquelle Îefus s'est rédu plus familier
à S.Iean qu'aux autres. Et pource, ce mot n'eſt
pas de gloire ou d'oſtentation, ains de confeſ
fion & magnificence,de la bonté, grace, & be
Difference nignité diuine.Les enfans des hőme, amateurs,
des iustes e & zelateurs de gloire mondaine & faueur po
iniustes. pulaire, font auec les Pharifiens leurs oeuures,
pour eſtre veuz & honorez des hommes. Et à
ceſte fin ils les recitent en meſprifant;iugeất &
condamnát les autres:comme faifoit le Phari
Luc.
* fien,qui priant au temple,difoit: Non /amficut
ceteri hominum,raptores,adulteri iniusti,velut etiă
hiepublicanus. Ie te rédsgraces,ô Dieu, dequoy
ie ne ſuis point cốme les autres,rauiſſeur, adul
tere,iniuſte,comme eſt ce publicain qui te prie
icy pres de moy.Mais ils taiſent,diffimulent &
deffendent leurs maux,leurs iniuſtices, impie
tez;malices,vfures & rapines,defquels ils font
pleins iuſques à la gorge.Mais lesbős & iuſtes
n'eſleueront point par gloire mốdaine, ou par
oſtếtation populaire, & pour estre louez, leurs
bonnes ceuures. C’eſt donc l'abondance des
graces deſquelles fa liberale bonté l'a enrichy:
Qui in cæna ſuperpetius eius recubuit.Lefquelles
parolles ſont diligément examinees par Tertu.
li de prefe.Origene ho.1.in Leu.S.Hilaire li. 6.de
Trin. & S.Augustin lib.4ide conf Euang. c. vlt.
. : Le
L’e v A N c e 1 1 s r e. 8o9
Lequel en figne d'amour principale & fa
miliere s'eſtoit incliné à la Cene fus la poi
ćtrine de noſtre Seigneur. Et luy dict: Quis
est qui te tradet ? Qui eſt celuy qui te liurera?
Quand donc Pierre veit iceluy, il dićt à Ieſus
Domine, hic autem quid? Maiſtre, & ceſtuy-cy
quoy ? Comme voulant dire , Par quelle fin
veux tu que ton diſciple lequel tu aymes, te
glorifie? Car il fautentendre que Ieſus auoit
declaré à Sainćt Pierre, qua morte clarificatu
rus effet eum , à fçauoir, de quelle mort il de
uoit clarifier Sainćt Pierre : & partant Sainćt
Pierre vouloit fçauoir ce qui aduiendroit à
Iean. Ieſus luy reſpond : Sic eum volo manere
donec veniam. Ie veux qu'il demeure ainfi iuf
ques à ce que ie vienne, Quid ad te? Qu'en as
tu affaire ? Les Latins ( comme Sainćt Am
broife,& Sainćt Augustin) liſent ceſte fenten
ce affirmatiuement, Ie veux qu'il demeure
ainfi, c'eſtà dire : Iene veux pas qu'il meure en
Iean a beu
la croix comme toy. Et cela n'empeſche point S.e calice
- - * r* - * de no
ce que autres fois Ieſus Chriſt diſoit de Iean
& Iacques freres : Certainement vous boyrez es comment.
mon calice. Et combien que ſainćt Iean ne foit
mort par glaiue : neantmoins veritablement il
a beu le calice de noſtre Seigneur. Premiere
ment , quand il eſtoit fous la croix de no
ftre Seigneur, lors il beuuoit du calice de la
tres-amere mort de Ieſus Chriſt. Seconde
ment, quand il fut mis par le cruel Domitian
dans vn tonneau all f :
- 112.
81o A v 1 o v R D e s. 1 E A N -

il a este preferué de mort, cốme la falemandre


du Roy celeſte, laquelle demeure au feu fans
fe conſumer. Les Grecs liſent ceſte fentence
conditionnellement. Si eum volo manere donec
veniam,quid ad te?Si ie veux qu'il demeure iuf
ques à ce que ie vienne à luy à l’heure de la
mort pour le receuoir à moy, fans cruauté de
perſecuteur, fans execution du glaiue materiel
& fans mourir,quidad tefqu'en astu affaire:Les
autres interpretent ce donec veniam,de la
tion des Iuifs par les Romains. Car il eſt cer
tain que fainćt Iean a veu la ruyne & destru
ćtion de Hieruſalem. Tu me fequere, toy fuy
moy. Icy nous faut diligemment confiderer
que par le confeil diuin eternela eſté faićt que
le diſciple aymé de Dieu n'ait point receu la
triomphante couronne de gloire immortelle,
par propre paffion de martyre , car aurrement
on pourroit penfer que les ſeuls martyrs fe
royent fauuez. Mais maintenant nous voyons
qu'il y a autre voye , laquelle nous eſt ouuerte
pour estre fauuez,fans paffion de martyre,c'est
à fçauoir par la foy, eſperance & charité, par
bapteſme, par l'obſeruance du fainét Euangi:
le, par penitence, contrition, confeſſion, fatif.
faćtion , par oraiſon vers Dieu & les fainéis,
ar aumofne aux pauures, par maceration de
| chair,à fin qu'elle ne foit rebelle à l'eſprit,&
qu'elle ne renonce à l'obeýſlance de la loy &
foy de Dieu. Exit ergafermointerfratres quoddi
stipulas ille non moritur. Ceſte parole donc cou
- Illt
- L’ s v A N G E L 1 s T e. 81f
rut entre les freres, que ce diſciple ne meurt
point. Et Ieſus ne luy auoit pas dict : il ne
meurt point:mais fi ie veux qu'il demeure iuf
ques à ce que ie vienne , qu'en as-tu affaire?
Noſtre Euangeliſte reitere ce propos , à fin
de nous donner à entendre plus plainement
ceste parole de nostre Seigneur. Et pource il
dićt:Non dixit Iestu,non moritur. Et Ieſus ne luy
auoit point dićt , il ne meurt point. Car per
fonnene peut euader ou eſchapper la fenten
ce de la morts comme dićt l'Apoſtre Sainćt
Paul:Statutum est hominibus femel mori. Il eſt or- het.».
donné aux hommes de mourir vne fois. Et
pource il ne dict pas fimplement, ie veux qu'il
demeure ainſi, mais il adiouſte, donec veniam,
iufques à ce que ie vienne, à fçauoir l'appeller
par la mort à la vie eternelle. A cauſe de ces
mots de nostre Seigneur, il a esté autrefois dia s
fputé fi Sainét lean estoit mort, ou s'il auoit
eſté tranſporté, comme nous tenons d'Enoc &
d'Elie Toutefois S.Augustin fur l’Euangile du
iourd’huy,& fermon.14øigr Chryſostomiin cap.r.
ad Roman. Sainćt Hierofme in cap.6, ad Galar:
& pluſieurs autres tiennent coinmunement
qu’il foit mort: dequoy tu peux lire Nicephore
libr. 1. cap.33.6 libr.2.cap.36. & George Trape, s. . . r
zunce qui a faićt vn liure expres, pourprouuer vs . . ev.
qu’il n’est pas mort,qui diſcourent fort bien de * * *
toutes ces doutes, Čertainement Ieſus Christ.. . . .
viendra en la fin du monde, mais cependant il . . .
vient en la mort d'vn chacun. Et de cest adue
:- , ! Eee
812 A v. 1 o v R. s. 1 E A N
nemétil parle icy. Hic est diſcipulus ille qui testi
manium perhibet de his, & stripfit hæc, & ſcimus
quia verum est testimonium eius. C’eſt le diſciple
quirend teſmoignage de ces choſes, à fçauoir,
1, , » . " que Ieſus Chriſt commande de faire & enfei
gner, & les a eſcrites pour la gloire de Dieu,
pour l'vtilité & conſolation des croyans, &
nous qui ſommes Chreſtiens, fçauons que fon
teſmoignage eſt veritable. Et S.Iean certifie de
la verité de toutes les choſes qu'il a dićt en fon
Euấgile,& que nous auons ouy pour deux rai
... ay fons:la premiere à cauſe de fa perſonne. Caril
fe monſtre teſmoing idoine & digne, de foy.
Car outre qu'il eſtoit diſciple, tout ce qu'il a
eſcrit,il l'a veu & ouy, tant des fens exterieurs,
& corporels, comme des yeux interieurs & ſpi
rituels par foy & reuelation. Et c'eſt ce que luy
meſme ditailleurs, Quydfiutabinitio,quod audi
uimnes,quod vidimus oculis naširis,ťý manus nostra
contrettauerunt, ốc, Nous vous annonçons,ce
que housaũons ouy, veu & touché, à fçauoir,
touchantenostre Seigneur. Et pource il rend
refmoignage de verite.Premierement,par viue
yoix-Secondement,pareſcrit. Car deux choſes
fourprincipalement requiſes à vn vray teſmoi
»eux chofsgnage.Premieremét,que la perſonne ſoit idoi
requists: vn ne Secốdement,que ce qu'il dit ſoit veritable.
“/”" Et S.Jean nous propoſe ces deux choſes de fa
..., a, perſonne. Nul ne doute que ce ne ſoit celuy
uleges ae - -

s lequel Ieſus ſpecialement aymoit. Auffi per


fonne ne doute que ſon teſmoignage ne ſoit
- . -- verita
E’E v A N G E L 1 s T e. 812
veritable. Pource il reſte que nous croyons, &
qu'affeurément nous receuions ſon tefmoi
gnage:Icy nous pouuons recueillir les grandes
prer gatiues & priuileges de monſieur S. Iean
aimé de Dieu. Premietement, comme nousa
uons jà dićt,au temps de la pastion, par grande
familiarité,il inclina fa teſte fus la poićtrine de
noſtre Seigneur. Et la luy ont esté reuelez les
fecrets diuins.Carà ceſte heure la,& en ce tor
rent il puiſa l'edu viue, où ſont les threfors de
fapie ce & ſcience diuine, pour laquelle il a
esté faict doćteur, & maistre regént pour en
feigner la verité. O le grand clerc & maiſtre de
verité, doćteur de l'Egliſe de Dieu, qui para
uant estoit poiſlonnier, pecheur & pefcheur,
pour auoir incliné ſa teſte ſus l'eſtomach de Ie
fus Christ,a esté faićt le grand doĉteur de l'E
gliſe Chrestientre!O immenfe charité de Dieu
& meſſager demőftree & com
à ton. feruiteur
muniquee des chofes ſpirituelles, celestes &
eternelles. Secondement,autre familiarité de
noſtre Seigneur à S.Iean demonſtree; c’est que
noſtre Seigneur celebrant auec fes Apostřesla
Cene,il leur dift: Amen,amen dico vobis;vnus ve
frum metraditurus est. En verité, en verité ie
vous dis,l'vmde vous autres me trahira. A ce
fte voix, les Apoſtres ont eſté grandement
esbahis & estonnez; fe regardans l'vn l'autre,
perſonne n’oſoit parler ne repliquer à noſtre
Seigneur : toutefois Sainćt Iean , comme le
plus aimé & familierluy
-- C C 2.
lewe
814 A V I o V R D E ... s. I E A N
est-ce qui vous trahira? & nostre Seigneur fa
milieremết luy reuela le fecret,difant: Cui por
rigam intinitum panẽipfe metraditurus est.Celuy
à qui ie bailleray vn morceau faulſé dans le
plat, celuyme trahira. Et incontinent nostre
Seigneur bailla au traiſtre Iudas vn morceau
de pain faulſé dans le plat où estoit l'Agneau
- paſchal. Estimons icy quelle priuauté auoit le
diſciple à ſon maiſtre, de s'enquerir de fon fe
cret , & luy demander qui eſtoit ſon traiſtre
proditeur. Si le Roy eſtoit ennuyé & troublé,
& quelqu’vn de fa cour s'approchant familie
rement de luy , luy demandoit : Sire, qu’auez
vous, qui vous a moleſté ou fafché ? Certaine
ment on que tel perſonnage a grand
credit vers le Roy, & est grandement de fes
mignons. Autant en faut eſtimer de fainćt
Iean l'Euangeliste, qui fi amiablemét s'enquiſt
de Ieſus, de la trahiſon de fa perſonne, qui de
uoit estre faićte par vnde ſes diſciples.Tierce
ment, noſtre Seigneur a demonſtré à fainćt
Iean la grande amitié qu’illuy portoit, en luy
conferant & communiquant les priuileges de
tous les Sainćts. Car en fes Epistres il est nom
mé l'Apostre de Dieu : en ſon Euangile il est
appellé Euangeliste : en ſon Apocalypſe, Pro
phete i en patiefnment endurant, il eſt martyr,
confeſſeur & doćteur de l'Eglife de Dieu, con
ftainment & viuement annonçant la parolle
de Dieu:tout virginal,& de corps, & de coeur,
& d'ame: non fans bonne raiſon il est appellé
r Îe
L’ E v A N c e L 1 s T e. 8ıf *v

le diſciple que Ieſus aimoit.Quartemết,nostre


Seigneur monſtre l'amour qu'il portoit à fainét
Iean,luy recốmandant fa mere:où il nous faut
noter que nostre Seigneura chº- w str. si
fes en ce monde,leſquellesila fingulierement . ..
recốmandees. Premierement fon corps, qu'il artefesrsehe
recommandé
au Doćteur deaula noble Ioſeph d'Arimathie,
loy Nicodeme, &/es
pour l'enfe- en recen
mandation.

uelir.Secondement fon ame, qu'il a recommã


dee à Dieu fon pere.Tiercement,la fubſtáce té
porelle,laquelle comme chofe vile,il a recom- -

mandé au plus vil de fa compagnie, au traiſtre * *


Iudas,lủy baillant la bource. Quartement,ſon -

Eglife, qu'il a recommandee à fes Apoſtres: &


leſquels Apostres il a recommandez à Dieu
fon pere, difant : Paterfantte ferua eos quos mihi
tradidisti. Pere fainét, garde ceux que tu m’as
donné. Et finablement , il a eu fa trefdigne
mere, laquelle il a recommandee à fainét Iean.
Apres que nostre Seigneur eut ietté la veuë,
& qu'il eut apperceu fa mere, & le diſciple
qu'il aimoit, diſt à ſa mere: Mulier, ecce filius
tuus;deinde dixit diſcipulo,ecce matertua. Femme,
voila ton fils.Et apresil diſtà fon diſciple:voi
la ta mere. commutation & change
ment?Premierement vn vn fils
naturel. Secondement’Iean pour Ieſus.Tierce
ment, le feruiteur pour le Seigneur. Quarte
ment, le Fils de Zebedee pour le fils du Dieu
viuant. Quintement, vn pur homme pour vn
Dieu eternel,tout-puiſſant,& immortel.O pa
* E ee 3
816 AV IO V R D E S T I E A N

rolle toute pleine de pitié & d'equité, & insti.


ce , quand luy eſtant conſtitué à l'extremean
goiſſe de la mort,n'a point oublié à pouruoirfa
mere,laquelle eſtoit aupres de la croix plorant
amerement larmes de pitié, & le doux Heſus l'a
contéplee en telle preſſure & angoiſſe. O Chre
ftiens,tenons compagnie à la Royne blanche,
au pied de la croix,Marie mere de Dieu,nőfans
cauſe ainfi nommee. Car amere eſt ſa peine, &
grande comme la mer,fon viſage ne tient plus
fa couleur, &ton tainćt eft perdu & fansvaleur,
Ieſus appelle
la Vierge
laquelle noſtre Seigneur nomme femme , &
femme, G’
non mere.Raifon:Carle nom maternel eſt tant
znon mere, 89° doux & amiable, que fi de la facree bouche &
pourquoy. langue doree fuſtparty le nom de mere,la pei
ne fuſt aggrauee & augmentee au fils & à la
mere. Et quand noſtre Seigneur diſt à fainćt
Jean, voyla ta mere, defignant noſtre Dame, il
la faiſoit & eſtabliſſoit mere, non ſeulement à
fainét Iean , mais auſſi generallement
b à tous
Chreſtiens, qui portent le nom de fon fils. Et
tout ainſi que par le moyen de nostre Dame,
Ieſus Christ eſtnoſtre frere. Auffi par luy no
ftre Dame est noſtre mere, qui eſt vne fiance
tresheureuſe, refuge tres-haut & alleuré. Et
pource l'Egliſe chante en l'hymne de la vierge
Marie:Monstrate effe matrem fumatper tepreces,
quipro nohisnatus,tulit effe tuua Monſtre toy que
tu es mere, que celuy qui eſt nay de toy pour
nous, reçoiue tes prieres. Car la mere de Dieu
cstnoſtre mere: le iuge est nostre frere: la gra
: : : - CC

L’ E v A N G E L 1 s T e. 817
ce à Dieu nous fommes pourueus auec fainét
Iean d'vn bon pere & d'vne bonne mere. Voy
là mesamis & freres Chreſtiens,l'excellence de
la garde baillee à noſtre Dame.Sainćt Eftienne
remply de grace eut la charge des bonnes ma
trones conuerties à la foy Chreſtienne. Sainćt
Iean interprete garde à la charge de la mere
de grace Marie : ie ne fçay que ie dois mieux
dire, ou que la mere gardoit fon fils & difci
ple, ou que le fils & diſciple gardoit fa mere
& maiſtreſſe Marie. O Dame des cieux, Roy- oraiſon 2 ta
ne du monde, Imperatrice des Anges, repara- Vierge.
trice de l'honneur des femmes, finguliere ad
uocate d'humaine nature, refuge des pauures
pecheurs & pechereffes , nous vous fupplions
que vous foyez toufiours noſtre mere ; & que
toufiours nous foyons vos enfans, en nous re
ceuant en voſtre protećtion & fauuegarde, par
le moyen de vos fainétes & dignes intercef.
fions. Nous vous prions auec les prieres de
l'Eglife, monstrez vous estre mere, que celuy
qui pour nous a voulu eſtre vostre fils , par
vous vueille receuοir nos prieres , à fin que
par vos dignes interceſſions, & de monfieur
fainét Iean l'Euangeliste voſtre fils & diſciple,
our la reuerence duquel nous fommes icy af
blez,voſtre tres-doux,tres-gracieux,& mi
fericordieux Fils Ieſus , par la charité de fori
Sainét Eſprit , nous doint la grace apres le
cours de ceste preſente vie , que nous puiſ
fions paruenir au port de falut perpetueł, pour
- - - - -> Eee 4
818 * A V - I O V R.

auec vous eternellement glorifier voſtre Fils,


qui regne & vir auec le Pere, & le fainét Ef
prit, au fiecle des fiecles, au Royaume de Pa
radis, Amen.

TAV TõVR DES TNNõēENS.


l’E s r vne choſe ordinaire qu'il y a
|viciflitude de chofes contraires.Vo
=<É ||lupté n’eſt iamais perpetuelle:
eſt ordinairement accompagneemais
de
quelque triſteſſe. C'est ce qu'a remarqué Salo
mó en fes Prouerbes, Rifus dolore mistebitur. Et,
extrema gaudhlutius occupat.C’est vne choſe or
dinaire que volupté vient douleur & faſ
cherie, apreslabeuf repos; apresproſperitésad
uerfité. C'eſt Dieu qui l'a ainfi ordonné,il veut
que routes chofesayét leur temps. Parquoy luy
qui nous veut donnerfelicité en l'autre móde,a
ordonné qu'en ceſtuy, nous viurons en mifere,
calamité.Regardez en S.Matthieu
cinquieſme chapitre, les beatitudes: où ſont
prononcez heureux par noſtre Seigneur,nő pas
ceux qui viuenticy à leur plaifir, & ont tout à
fouhait, richeſſes en abondance, honneurs, &
offices: Ains tout au contraire. Beatipauperes
fpiritu, &c. Voulez vous estre riche eternelle
ment,& n’aụoir difette de rien? Soyez pauures
our vn temps en ceſte vallee de mifere. Vou
lez vous auoir vne ioye eternelle ? Plorez icy.
Voulez vous eſtre toufiours à voſtre aife? En
* durez
d e s 1 n n o c e N s. 819
durez en ce mởde perſecutions, afflićtions,&c.
Bref, il eſt impoſſible qu'en ce monde & en
l'autre aye fes aiſes. Regardez
la raiſon que donne Abraham au mauuais ri
che, qui faiſoit requeſte, AMitte Lazarum,crc.
Mon enfant conſidere qu'eſtant au monde re
cepišti bona, Lazarus verò mala.Comme voulant
dire. Souuiéne toy qu'il y a vne viciſtitude des
choſes. Au monde tu t'es refiouy, & as veſcu à
ton aife, & maintenant tu endures triſteſſes &
tourmét. Mais le pauure Lazare qui a tant ſouf
fert de pauureté & de mal, est maintenãt à fon
aiſe. Et c'est ce que nous enfeigne fainćt Paul
quádil veut l'induire à bien trauailler.2.ad Ti
mot. 2. Nö coronabitur nist qui legitimè certauerit.
Il ne faut pas s’attendre de receuoir courốne de
vićtoire, on n'a virilement ba
taillé.Ce qui auoit esté anciennemét figuré par
ce que Dieu voulut introduire fon peuple en
la terre de promiſſion, terre fertile & abondan
te en tous biens. Mais regardez comment y a
il eſté conduit par le defert: où il endure mille
tribulations, perſecutions, ennuys, & fafche
ries. Et s'il nous faut deſcendre iuſques au par
ticulier, regardez ceux qui ont eſté les mieux
aymez de Dieu, comment ont ils esté traićłez
en ce móde,en toute peine & afflićtion? Com
mencez à Abraham, dés qu'il a esté appellé de
Dieu qui luy feiſt commandement de quitter
fon pays, & laiffer ſes parens pour le fuyure, &
venir où il luy monſtreroit: que luy aduint-ilº
Eee 5
82o A V I O V R.
fut-il incontinent introduićt en vne belle terre
fort fertille & abondante en tous biens ? Rien
moins:mais il endura vne grande famine pour
fon cómencement. Toutefois il ne refiſta pas à
la volonté de Dieu qui l'auoitietté du premier
coup en la fournaiſe de tribulation. Regardez
pareillement lebon Iſaàc : à grand' peine pou
uoit-il parler, que voicy incontinent vn mau
uais garfon Iſmaël fils de la chambriere Agar,
ui l'a perſecuté. De cecy faićt bien fon profit
Paul ad Galat. 4.difant: Sicut is qui fecun
dum carnẽ natus fuerat, perfequebatur eum qui /2
cundum ſpiritum,ita & nunc. De façon que c’eſt
vn grãdargument que Dieu ayme vne perfon
ne, quand il luy enuoye tribulation. Apres Ia
coba eſté en perpetuelle guerre contre Eſau.
Et Ioſeph n'a il pas eſté perſecuté de fes fre
res? Vn Moyſe n’eſt pas pluſtoſtnay, qu’il fut
expoſé au peril d'eſtre noyé. Et Dauid com
menta-il eſté perfecuté, nőfeulemét par Saul:
mais auſſi par fes propres enfans. Voylà com
me les efleus & amys de Dieu ont toufiours
commếcé par perſecution & tribulation. C’est
ce qu’on dit cõmunemết qu'il ne faićt pas bon
manger fon pain blanc le premier. Il faut tra
uailler auất que d'auoir quelque bien. Et vous
le voyez auiourd'huy facillemét par l'Euāgile,
qui nous remet deuant les yeux comment no
ftre Seigneur a cómencé ſon pelerinage en ce
monde par afflićtion,pauureté, & perſecution.
Quand est il nay?entếps d'hyuer.En quel lieu:
- çT\
DEs 1 N N o c e N s. 8zi
en pais envne pauure eſtable.Com
ment a-il veſcu ? en douleur & labeur. Il a elté
circoncis le huićtiefme iour, & s'eſtallubiećły:
à la loy commune comme les autres.Voicy vn.
Herodes, cruel tyran & inhumain , qui le per
ſecute, & le cherche pour le tuer, incontinent
qu’il a entendu la voixde ces Sages,qui estoyét
venus de loingtain païs, pour l'adorer: Vbi est
qui natus est Rex Iudeorum: il delibere de le met
tre à mort, à fin qu'il demeuraſt toufiours Roy,
& vſurpast le royaume de Iudee par force &
tyrannie. Mais Dieu ne voulant permettre que
fon fils moruſt fitoſt, & fi ieune, a enuoyé vn
de fes Anges aduertir Ioſeph, qu'il euitast la
fureur d'Herodes,comme il est recité parfainét
Matthieu, en l'Euangile du iourd’huy, où il eſt
dićt:Angelus Domini apparuit infomnis Ioſeph,di Matt.z.
cens:firge,& accipe puerum & matrem eius,& fu
ge in Aegyptum: & esto ibi vſque dum dicam tibi,
futurum est enim vt Herodesquerat puerii adper
dendum eum. L'Ange du Seigneur s'est apparu
par ſonge à Ioſeph,diſant:leue toy, & prens le .
petit enfant & fa mere, & t’en fuy en Egypte:
& fois là iuſques à tant que ie le te die. Car il
aduiendra que Herodes cherchera le petit en
fant, pour le mettre à mort. Icy nous auons
premierement à noter, que la principalle eau
fe pourquoy Marie a esté eſpouſee à Ioſeph:
certainement eſtoità fin que Ioſeph eust dili
gente folicitude de le nourrir, & phereur
pour ſeruir de confolateur à la treſſacree Vier- quoy.
ge
322 A V, , ,I O V R.

ge en fi loingtaine region. Vray est que Ori


gene homilia 6.in Lucam,& fainćt Hierofmead-
uerstu Heluidium, apres fainét Ignace, fecond
Eueſque d'Antioche apres fainét Pierre, en
l'epiſtre onzieſme,quaest ad Ephefeſtimét qu'el
le a eſté marieeà Ioſeph, pour cacher au dia
ble ce myſtere de l'incarnation, & la virginité
de fa mere : iaçoit que Caluin en fon Harmo
nie, fe mocque d'Origene en cela.Sainét Am
broife au liure de l'inſtitution de la Vierge, réd
encore vne autre raifon:àfçauoir:vt non adulte
rium virginitatis, fed deſponſate partus legitimus
crederetur,à fin qu'on ne penſaſt point que ce
fuſt vne femme adultere: mais vne honneſte
femme, qui n’eust faićt faute: car fi elle n’eust
eſté mariee, les Iuifs luy euffent faićt de la faf-
cherie, & l'euffent accuſee d'adultere, apres
fon enfantement. Et par là il nous eſt demon-
ftré comme noſtre Dieu, qui eſt le pere de tou
te mifericorde, & le Dieu de toute confola
tion, a cure & foing de fes enfans & fidelles
feruiteurs. Prens l'enfant & fa mere. Il ne dit
pas,prens ton fils & ta femme : pour demon
ftrer que Ieſus Chriſt n'estoit point fils de Io
feph,ains de la Vierge.Fugein AEgyptum. Fuis
en Egypte. Cecy nous denote la grãde & pro
fonde humilité du fils de Marie, qui non |

lement a voulu prendre l'estat d'vne perſonne


feruille, ains felon la coustume du genre hu
main,a permis estre mis en exil & en banniffe
ment.Il pouuoit esteindre & fuffoquer Hero
- de:
D E S I N N O C E N S. 823
de: & preferuer l'enfant,ſans qu’illuy fuſt be
foing prendre la fuitte: maisil eſtoit neceltaire Dieu ordine
genre confirmer
pour humain, pour foy, pour le
noſtrel'instruction desprofit du
fidelles, hºst:
des

pour la recommandation & loiiange de la bon


té diuine. Et pource Ieſus Christ fuit. Premie- refu christ
rement pour fermer, clorre & boucher la bou- fuit,e pour
che de pluſieurs heretiques, qui voudroyent 1":
nier que Ieſus Christ n'auoit pas prins vraye
chair humaine:quitoutefois a voulu eſtre fem
blable en toutes choſes à ſes freres,excepté pe
ché. Secondement,Ieſus Chriſt fuit pour net
toyer Egypte, laquelle estant pleine de ſuper
stitieuſes & monstrueuſes adorations des ido- »

les & fimulachres ( comme dit Eufebe li.1o.de , Y

preparat. Euangel cap. 3. & 4.) par fa preſen- Ieſus Christ


cel'a ſanctifice.Au circuit de la terre estoyent /
deux regions, leſquelles eſtoyent comme deux uenement .
tauernes de malice & impurité, à fçauoir Ba- destruist te:
bylone & Egypte,& toutefois Ieſus Chriſt les ::“
areceu toutes deux. Premierement, Babylone :
par les fages Roys qui le ſont venus chercher, -

trouuer & adorer en Bethlehem. Secondemét,


par fa preſence il a ſanctifié Egypte. Tierce
ment, Ieſus Chriſt fuit,à la fimilitude du ban
ny Adam, qui fut mis en exil & banniſſement
auec fa posterité, en la vallee de ce miferable
monde, à fin que par fon banniſſement & fui:
teles bannisfuſſentintroduits au pays celeste.
Car il est auſſi nay pour reparer nostrenature
corrőpue. Quartement,il fuit,non neceſitate, fed
- pote
814 A V : ( I / S V R.

potestate & diffenfatione,vt ait Fulgentius ferm.de


- -- - - . . .." Épiphan.Non pas pour crainte de la mort, ains
, pourdőner exemple à fes enfans, pour patiem
, ment endurer les perſecutions & aduerfitez.
S’il eſt ainſi,comine il est vray qu'il a patiem
, : , ment fouffert les perſecutions de fes perfecu
e º teurs, leſquels en vn momếtil pouuoit eſtein
: dre, voire dés fon enfance & commencement
defon entree en ce monde, quelle choſe con
uient endurer aux pauures pecheurs ? Quinte
ment,il fuit,a fin que là verité correſponde à la
i frh. figure. Car toutainſi que loſeph fut dechaſſé
re de Ieſus& vendu par fes freres,& incontinent qu’il fut
: •. / ' , . • ** - - .

Christ. afriué en Egypte, il l'adeliuree du peril de fa-


Genérer. mineslaquelle opprimoit & accabloit toute la
* , terre. A ceſte cauſe il a esté nommé le fauueur
d'Egypte: ainſi Ieſus Christ repouffé & dechaſ.
, - fé des Huifs, achangé de logis, & s'en eſt allé
* * * aux Gentils:lefquels il a deliurez de ceſte hor
rible famine ſpirituelle:àfçauoir , d'idolatrie,
, laquelle oppreſſoittoute celle terre. S'enfuit
en PEuangile : Et Ioſeph admonitus ab Angels,
confirgens,accepitpueriëer matrem eius, & fecef
fit in Aegyptum, & erat ibi vſque adobitum He
rodis, vt adimpleretur quod dittă est à Domino per
Prophetă dicentế, ex Aegypto vocaut filium meũ.
Et Ioſeph admonneſté par l'Ange fe leua, &
print le petit enfant mere, & fe retira en
Egypte, & fut là iuſqu'au trefpas d'Herode, à
fin que fust accomply ce que le Seigneur auoit
dićt par le Prophete, difant : l'ay
* : : *
triler - i11S
D E S H N N O C E N S. 82;
Fils hors d'Egypte. Ce que diſoit le Prophete
sentendoit proprement des Iſraelites tirez de
Egypte : mais Sainćt Matthieu l'accommode oste tr.
myſtiquement à noſtre Seigneur. Noſtre bon ºtrº *
Dieu & Pere dee miſericorde, a celte coustu- gneur
- "" est:";
» d'en
me de myxtionner & entremeſler l'eau de tri- tre mester tri
stelle dans le vin de lieffe, pour donner en ce stºff auer lief
monde à boire à fes faincts & efleus amys. / “ “”
Pour vn temps il leur donne ioye & confo- a y“o

lation , & puis foudain il enuoye occaſion de po /, , % S.


tristelle , ennuy & defolation , & apres l'en- chryſosiome
nuy & faſcherie vient plaifir & reconfort: "
Comme appert clairement en Ioſeph , & no- “
ſtre Dame. La peine leur eſtoit grande d'al- --
let en Bethlehem , felon le commandement . . .
de l'Empereur Ceſar , pour faire profeſſion
d'hommage , alors que nostre Dame estoit - - -

pres du terme pour enfanter , & encores


n'ont trouué aucun logis. Car quand ils font
atriuez en la ville , ils ont eſté contraincts
fe retirer en vn petit diuerſoire, où la natiui
té de Ieſus Christ, a esté faicte. Mais apres
estant enfuyuie la confolation des Anges , &
, despaſteurs qui font venus l'adorer, la triſteſ
ſe est apres l'effufion du fang
de Ieſus en ſa Circonciſion: mais apres eſten
. fuyuie la ioye pour l'eſtoille, & les trois Roys
d'Orient, qui font venus l'adorer auec nota
bles prefens. Et maintenant voicy la dou
leur qui fe renouuelle , pour Herodes qui
veut occire & mettre à mort l'enfant Ieſus.
|- * * * Tribu
'826 A V IO V R

Tribulation Tribulation & vertu font compagnes inſepa


/” rables, Car Dieu n'enuoye pas toustours pro
... fperité, à fin qu'ils ne s'en orguillistent: auſſi
n/eparables. * / \ J •

n'enuoye-il pastoufiours aduerſité, à fin qu'ils


ne defaillent par impatience, & defeſpoir de
bon falut: mais il destrempe l'vn dedans l'au
tre.C'est ce qui est dićt en Tobie,Post tipefiatë
tranquillum facis,có post lachrymationem & fletum
evultationem infundis: Apres la pluye,tu enuoyes
le beau temps : & apres les larmes & pleurstu
nous enuoye lieffe. Ioſeph, dićt l'Ange, leue
toy,prens l'enfant & la mere, & t’enfuis en E
gypte. O quel refueille-matin pour le pauure
Leüange de homme! O quelle nouuelle à fon leuer!Herode
s. Ioff"; /* veut tuer l'enfant: toutefois Ioſeph cốme ver
ge.
“ fcandaliſé
tueux,cốstant & fage,
pour toutesn’aces
en paroles:
rien eſté ileſmeune
ne nie
point, & ne doute point à ce q dit l'Ange, il ne
reſpondpoint, & n'allegue point la choſe eſtre
incertaińe.Qui peut,ô Ange de Dieu,iuger des
choſes à aduenir? tu m'as par cy deuất annőcé,
que c'est Ieſus qui fauuera fon peuple,& main-
tenant il ne peut fauuer foy-meſmes des perils
& dangers fans prendre la fuyte: ou s'il le peut
faire, que nous eſt-il beſoing de faire pelerina
ge fi loing,allans en pays filoingtain? Les faids
que i’apperçois contrediſent à tes parolles. Il
ne propoſe rien de toutes ces chofes. Carile
ftoit bongiuste & fidele, croyant bien en Dieu,
Et ne demande point curiofité quand il
retourneroit d'Egypte. Car l'Ange Fuair -

,, . - X
D E S I N N O C E N S. 827 ,
fixle temps determiné, mais ſeulement tu re
uiendras quand ie le te diray. Obeyflant à
Dieu en tout & par tout , il reçoit toutes tri
bulations & aduerſitez fans murmurer, & louč
Dieu de fa volonté qui luy eſt manifeſtee. V

D’auantage nous voyons icy que Ieſus Chriſt


dés le commencement de fon enfance, com
mence de fouffrir, endurer & porter fa croix:
pour nous donner à entendre que toute la vie
de l'homme Chreſtien, n'eſt qu’vne perpetuel
le croix & tourment. Et c'eſt ce que dićt Iob Grey * s.
au ſeptiefmechapitre. Militia est hominis vita .
faper terram. La vie de l'homme,c'eſt vne vraye ch, gae
guerre ſur la terre : & ailleurs, Homo natus de perpetueue
muliere,repletur multis miſerijs. L’homme ne vit trºi*:
ueres, & ſi eſt remply de miferes infinies. Ie
Chriſt eſt venu de l'autre mőde en ce mon
de, & comme pelerin & estranger il a veſcu en
ce monde. Parquoy ce n'eſt pas de merueilles,
s'il a eu peu de gens qui luy ayent fauoriſé &
dốné ſupport, ains pluſieurs ennemis & aduer
faires. Cardifficilement trouue l'estranger des
amis.Ioinćt auſſi que la vie & doćtrine de Ieſus
Christ estoit contraire au monde. Car tout ce
qui est au monde concupistentia carnis est, & con- ""***
cupistentia oculorum, & ſuperbia vite ; c'eſt con
cupiſcence de la chair, ou concupiſcence des
yeux, & orgueil de vie.ce qui n'eſt pas du pere
des lumieres,ains du monde. Et le monde paf
fe, & fa concupiſcence: mais qui faićt la vo
lonté de Dieu demeure eternellement. C’eſt
F ff
828 \, A V I O V R.

à nous maintenant à penſer comment Ioſeph


feleuant de fon formme, a declaré ces nouuel
les à la Vierge. O trefdouce & benoiſte Vierge,
fuyons maintenant de ce lieu: car Herode,ain
fi que m'a reuelé l'Ange, cherchera voſtre fils
peºreer
la Vierge.
*pour le tuer.O quelle peur & crainćte a faifia
lors la Vierge!O quelle afilićtion a penetré fon
coeur à ouyr tel rapport! Ie penſe qu'alors fans
tarder ne differer la Vierge a prins fon Fils en
tre fes bras, & s'est miſe en chemin ceſte deli
cate pucelle pour aller en Egypte, paſſant par
les deferts & lieux de folitude,incogneus. Cő
temple maintenant, ame deuote, combien de
nuićts ils ont paſſees fans dormir, combien de
indigéces ils ont eu par ces deſerts,& combien
de peine & trauail ils ont enduré.Aye compaſ
fion, homme Chreſtien , voyant l'enfant & la
mere s'enfuyr en pays eſtrange, comme s'ils
eſtoyent bannis,eſtime mon amy & frere Chre
ftien,& penſe la douleur de la Vierge d'aller au
pays des incredules & idolatres d'Egypte , la
quelle autrefois iettoit dans la mer les enfans
maſles des Iuifs perſecutoit & affligeoit les pe
res & meres. Mais ie fçauroy volontiers quel
train meine la Vierge & mere de Dieu, Royne
des Anges.Combien a elle de feruantes & da
moyfelles d'honneur apres fa queuë? où eſt la
lićtiere de drap d'or tapiffee? où ſont les pages
d'honneur ou laquais pour conduire fes che
"uaux ou haquenees? Penfe à cecy ô Chreſtien,
& voy que noſtre Dame femeità chemin, ainſi
A que
D E S I N N O C E N S. 829
que l'eſpouſed vn pauure charpentier,conten
te de luy ſeul: pour auoir le foucy de nourrir
l'enfant,& teſmoignage de fon hőneſteté.Voi
cy la Royne de Paradis, qui fait fon entree és --/

citez d'Egypte,fans feſte ou pópe quelconque,


en pauure & humble eſtat, n'ayant vne ſeule
chambriere, incogneuë au monde, ignoree du
que noſtre Euangeliste a deſcrit
a fuite de Ieſus Chriſt en Egypte: maintenant
il declare la cauſe de ladićte fuite: Tunc Hero
des videns quòd illufus effet à Magis,iratus est val
dè,& mittens occidit omnes pueros qui erant in Be
thleem,àbimatu & infrà,fecundum tipus quod di
dicerat à Magis.Et lors Herode fe voyant deceu
des Sages,fut fort courroucé:& apres auoir en
uoyé fes gens, feit occir tous les enfans qui e
ftoyent en Bethleem, & en toutes les marches
d'icelle,de deux ans & au dellous,felon le tếps
duquel il s'estoit diligément enquis des Sages.
Et par ce moyen les a faićts martyrs de Ieſus
Chriſt,voire les premiers martyrs: ainfi comme
difent S. Cyprian inferm. destella di Magis. S.
Irenee li.3.cap.18.Origene in cap. 2. Matthei, S.:
Chryſoſtome hom.de Innocētibus.Fulgentius fer.
de Epiphan.& S.Bernard.Combien que le for
faićt d'Herode ſoit abominable:toutefoisceluy L'estritare
qui voudra conſiderer les iugemés de Dieu, en /ainde fait
pourra recueillir quelque vtilité Car l'eſcritu-
re fainćte ne fait mention des bős ne des mau- ." ,
uais,pour autre chofe, finon pour faffe enten- pourque,
dre la bonté de Dieu aux bons, & les moyens,
Fff 2.
83o A V I O V R.

parleſquels ils peuuent paruenir à la grace de


iDieu : Et l’ire de Dieu aux mauuais, & les
moyens par leſquels ils ont encouru l'ire de
Dieu, le motif de telle occafion fanguinaire,
eſtoit grandement iniuſte: de maniere qu’il ne
faut pas dire que la fuite de Ieſus Christ aiteſté
la cauſe de la mort de ces enfans, mais bien la
meſchanceté d'Herodes. Et c'eſt la reſolution
de S.Iean Chryſoſtome: NonChristi fuga paruu
lis mortis cauſa extitit,fed crudelitas regis. Car le
dićt cruel & inhumain tyran Herode faiſoit
faire telles boucheries de petits enfans, adole
fcens & innocens, à fin qu'en fi grande mul
titude Ieſus Chriſt fuſt occis : lequel en par
riculier point ne cognoiſſoit : & toutefois icel
speátacle pi luy ſeul cherchoit.Confiderons icy, ô hommes
toyable. raiſonnables, quelle deſtreffe & angoiſle a fai
fi & occupé les pauures meres, voyans le fruićt
de leur ventre, leurs petits enfans en aage ten
dre, delicat & puerile,par grande violence,ty
rannie & cruauté, eſtre arrachez d'entre leurs
bras, par les cruels & fanguinaires bourreaux,
pour inhumainement les tuer & meurtrir.
Mais ie vous demande, mes amis, quelle mere
fe pourroit trouuer au monde fi cruelle , voi
re ſi elle n'euſteſté allaićtee du laict des tigres,
& beſtes inhumaines, ayant le coeur plus rude
& dur & afpre que rocher ou marbre, qui ne
euſt compaſſion du fruićt de fon ventre , le
voyant par les tyrans estre meurtry & occis?
Veu que nous voyons entre les beſtes bru
tCS
D E s 1 N N o c e N s. 831
tes, meſmes entre les oyſeaux, les meres & fe
melles auoir grand' douleur pour le rauiſſemết
de leurs petits,& de la mort d'iceux, tellement
que le plus fouuent les pauures meres s'expo
fent à la mort, pour fauuer la vie à leurs petits.
A ce propos fainćt Auguſtin au fermon d’au
iourd’huy,dit grande guerre eftoit entre la me
re & le bourreau. La pauure mere tenoit fon
petit enfant tendre & innocent,entre fes bras,
pour le deffendre,& le cruel bourreau par grã
de violence & fureur arrachoit l’enfant d’en
tre les bras de la dolente,& larmoyấte mere, &
lequel en preſence de la mere plongeoir le
poignard dedans l'eſtomach dudićt enfant:
Mais auſſi ce forfaićt fi abominable fut cauſe
que Herodes mourut le plus malheureuſement
que iamais feit homme,comme on peut veoir
dans Ioſephe liure dixſeptiefmedes Antiqui
tez, chapitre huićtiefme, neufieſme & dixief
me,& auſfidans Nicephore.Iete laiffe mainte
nant à penfer quelle angoiffe a la pauure mere,
de veoir le rouge fang de fon petit enfant di
ftiller & couler par deſſus la terre ? O homme
raiſonnable,tu euffes veu & ouy la pauure me
re, qui diſoit au bourreau, pourquoy fepares
tu d'auec moy ce que i'ay engendré de moy?
Tu euffes veu l'autre mere qui crioit apresle
bourreau qui emportoit ſon enfant violément,
difant: pourquoy ne metues-tu auec monen
fant, ou bien me tuer & laiffer viure mon fils
innocent? Efueillez veci : & Chre
- F 3
832 . A V I O V R.

ſtiennes, & vous approchez, vous qui auez le


coeur pitoyable, & voyez par pitié la paſſió des
petits enfans, & la compaſſion des pauures me
res. Voyez ces maudićts & malheureux bour-
reaux, qui comme chiens enragez d'vne rage
enragee,& felonaie diabolique, mettent leurs
mains ſacrileges auec glaiues & eſpees fan
glantes,& enfanglantees du rouge ſang virgi
nal & innocent,qui onques ne penferent à dire
ou faire aucun mal. Et toutefois non parlant,
mais mourant en leuraage tendre, ils rendent
teſmoignage du Royal fang de Ieſus Chriſt.
Malheureux & maudićts, que cherchez vous?
Vous n'en cherchez qu’vn, & en faićtes mou
rir pluſieurs. Et celuy lequel ſeul vous cer
chez , trouuer ne le pouuez. Voicy comment
z 'ennemy orgueilleux & oultrecưidé Lucifer,
, commence de mener la guerre par fes ſoldats
Christ. & tyrans, & meſmes par ſon lieutenant crimi
nel,le cruel & tyră Herode, pour deuorer l'en
fant de la Vierge, des meres la lamentation, &
des petits enfans l'oblation penetroit & per
Apocal. r2. fut accomply ce qu'auoit
- eſté dict par le prophete Ieremie,diſant: Vox in ,
"***" Rama audita est ploratus &rvlulatus multus, Ra
chel ploransfilios ſuos,& noluit conſolari, quia non
fant. La voix a eſté ouye en Rama, complain
, ćte,pleurs, & grand brayement. Rachel plore
fes enfans,& n'a voulu estre confolee i pource
qu'ilsne font plusen vie. Voy ſainćt Augustin,
aux queſtions ex veteri & nouo Tattamen. &
, ! - Ru
D E S I N N O C E N S. 833
Rupert ſur ce paſſage. Nemoladitur nifàfemet
ipſo,dit fainct Chryſostome en l'homelie faićte Nel chrestis
de cecy.finon
offenſé Notons que l'homme
de foy-meſme. Chrestien
Que n’est
peut ofter la : foy
creature finon le temporel? Herodes a grande
mét profité aux innocés en les faiſant mettre à
mort. Car ce pendát il leur a donné entree à la
vie eternelle,de forte que fon amour n’eust tất
profité que fa haine a porté de profit aux pe
tits enfans: car par ſa haine il leura forgé vne
couronne de gloire au Royaume celeſte. Quel
dommage a fait Sathan à ce grand threforier de
patience Iob?Non ſeulement illuy a augmenté Iob t.
fon merite: ains l'a rendu & faićt plus clair &
reſplédiflant. Lebon Iob homme des douleurs
a eſté plus excellent,quand patiemmentila en
duré la mort de fes enfans,la perte de fes biens,
la douleur de fon corps, qu'il n'eſtoit au para
uant quãd il prioit pour fes enfans,& commu
niquoit la ſubſtance de fes biens aux pauures.
uelle nuifance a faićł Saul au Roy Dauid?
Nabuchodonofor aux trois enfans ? les tyrans Dan.s.
aux martyrs,& tő aduerſaire à toy-meſme? rien
du tout,ains luy-meſme fe bleſſe.Ie te deman
de lequel des deux eſt plus endommagé, ou
celuy qui offenfe, ou celuy qui eſt offenfé? Ef
coute l'eſcriture : anima que peccauerit ipfa mo- EKtch.rs.
rietur. L'ame qui pechera mourra. Lequel des
deux peche? Sans doute, celuy qui faićt tort à
fon prochain. Dont il s'offenfe foy-meſme, & .
non ſon prochain. Car celuy qui peche n'ay
4
834 A V J O V R.

me pas ſon ame, pource tu n'as pas occaſion


de re courroucer à ton aduerſaire,ou de te ven
ger de luy , ains pluſtoſt tu dois auoir compaſ.
fion de luy,de fon peché, & de fa folie. Com
me Ieſus Chriſt qui prioit Dieu fon pere pour
Matth.f. ceux quile liurpyent à la mort, difant: pater mi
parce illis,quia neſciūt quid faciunt. Mó pere par
donne leurs,carils ne fçauent qu'ils font:car ils
/ fe blellent eux meſmes, & profitent aux autres,
pource Ieſus Chriſt nous enfeigne : aymez vos
ennemys, & priez pour Dont
perſonne ne te peut offenfer finon que toy
meſme tu t'offenſe:perſonne ne te bleſſe, finon
ui t'oſte Dieu, ou te rend courroucé : & per
onne ne peut faire cela fans peché. Il eſt ef
Ierea.st. crit en Ieremie. Le Seigneur le dit ainſi,la voix
de lamentation , de grincement, de pleur amer
eſt ouye , In Rama. C’eſtà dire en haut, Rachel
qui ploroit fes fils & refuſoit d'estre conſolee
fureux pource qu'ils n'estoyent pas. Ainſi iuge
le monde, comme fi les Sainćts & bons Chre
comment il stiens eſtoyent du tout perdus apres qu'ils font
fles morts.
f er trefpaſſez: & toutefois c'est lors qu'ils encom
- -

mencent de viure felon ce que dit le Prophete.


luftorum animæ in manu Dei fant,& nã tanget eau
tormentum mortis.Les ames des iuſtes font en la
main de Dieu, & le tourment de la mort ne les
touchera point. Il ſembloit aux yeux des fols
qu’ils moutoyết, & l'iſſue d'iceux a esté estimee
afflićtion.Et que quãd ils paſſoyent denous, ils
periiloyent: mais ils font en paix. Et combien
-i qu’ils
D E s 1 N N o c E N s. 835
qu'ils ayent ſouffert tourmens deuất les hom
mes, leur eſperance eſt plaine d'immortalıté.
Cela nous enfeigne que nous ne deuons plo
rer les morts indiſcrettement. Nous pouuons
plorer à la mort des bons Chreſtiens, ou nostre
mifere, ou que les bons font oſtez de la terre.
Et que les mauuais demeurent, non pas toute
fois indiſcrertement,à fin qu'il ne ſemble point
que nous ayons doubte de leur reſurrećtion.
Pource noſtre Seigneur dechaſſa telles ma
nieres de gens,quand il reſfuſcita la fille,diſant:
recedite,non enim est mortua puella feddormit. De- Matth.9.
artez vous,car la fille n’eſt pas morte: mais el
dort. Se font les pecheurs qu'il faut plorer:
car viuant en leurs delices,ils font morts.Com
me il appert des innocens & de Herode : du
quel parle fainét Auguſtin au fermon duiour
d’huy,diſant ainfi.O Herode,que penſe-tu fai
re, quand la cauſe iudiciale fera plaidoyee de
uant le iuſte & equitable iuge, deuát la face du
quel il te faudra comparoiſtre, & que tu ver
rasvn fi grand nombre d’innocens contre toy,
le ſang deſquels fi inhumainemét tu as faićt ef
pancher en la cité de Bethlehem, qui apparoi
Ítront & formeront leurs complainćtes à l'en
contre de toy, deuant iceluy lequel tu penfois
mettre à mort, & pour lequel leur ſang a eſté
reſpandu?Que fera ce de toy?que diras-tu?que
feras-tu?que deuiédras-tu?Cecy nous enfeigne
Chrestiés de viure fidellemét,iustement, & pu
rement, que ne foyons confondus auec le cruel
F ff 5
836 A V I O V R

Herode. Mais que nous foyons beatifiez &


fauuez auec les fainćts Innocés. S'enfuit main
tenant le retour de Ioſeph,de Marie, & de l'en
fant Ieſus en Iudee:pource oyons la fin de no
ftre Euangile, Defuncto Herode. Apres que He
rode fut mort, voicy l'Ange du Seigneur s'ap
parut en Egypte par ſonge à Ioſeph , difant:
Surge & accipe puerum & matrem eius & vade in
terram Iſrael. Leue toy, pren le petit enfant &
fa mere, & t’en va en la terre d'Iſrael: car ceux
font mort quicherchoyent de tuer le petit en
fant, & fa mere : & s'en veint en la terre d'If
raël:mais quandil ouyt que Archelaus regnoit
en Iudee au lieu de Herode fon pere,il craignit
d'y venir. Et luy admonneſté diuinement par
fonge,feretira és parties de Galilee, & y eſtant
venu, il habita en la cité qui est appellee Na
Num. 6.
zareth, à fin que fuſt accomply ce qui est dit
Iud.13.
par le Prophete. Il fera appellé Nazarien. No
ître Euấgeliste faićtmétion de la mort du cruel
Miferable er & tyran Herode, pour nous donner aduertiffe
vile condition
des hommes. ment de noſtre vile & miferable códition pour
cőſoler les bons, & pour eſpouuenter les mau
uais. Lequel Herode non ſeulement eſt mort
de vne ſimple & naturelle mort : ains de vne
horrible & damnable mort,comme tous les au
tres tyrans. A fçauoir Pharao, Holofernes,Ar
chitofel, Amon, Abſalon, Iezabel, les faux Iu
ges de Suſanne, le Roy Antiochus,& tous au
tres inhumains oppreſſeurs des pauures, leſ
quels font la verge de Dieu,pour la
*
sensº çS
-- -- - - - -- --- -aa
- D s s 1 N N o c e N s. 837
des bons, leſquels venus à amendement,la ver- Lesmesthans
ge fera iettee au feu. Finablement,Ioſeph apres / -
auoir obey à la parolle de Dieu , laille Egypte, i *
& vient en Nazareth. Ieſus Chriſta exhibé & the cinn -
manifeſté fa preſence en pluſieurs lieux. Il est maniff /.
conceu en Nazareth, nay en Bethleem. Il fuit ? /*****
en Egypte. Il retourne en Nazareth. Il eſt cer
ché par les fages Roys en Hieruſalé, à fin qu'il
fuſt cogneu à pluſieurs. Il demeure en Naza
reth,cité meſpriſee. Toutefois Dieu l'a eſleuë
pour eſtre la cité de fa conception & nourritu
re,pour confondre tout orgueil mondain. Na
zarenus vocabitur.C’eſt à dire,le fainćt que tous
les oracles prophetiques ont prophetizé Ieſus
eſtre le fainćt, non ſeulement en foymeſme,
pour n’auoir commis aucun peché:mais auſſi à
nous, nous fanćtifiant par ſon fainét Eſprit. oraiſon.
Nous te prions noſtre bő Dieu & pere fauueur,
que par les dignes interceſſions des glorieux
eſprits de tous les faincts martyrs & Innocens
de paradis, pour l'honneur & reuerence def
quels nous faiſons en nostre Chriſtianiſme .
ioye & feſte folennelle, nous donner la grace,
apres lesennuis de ce preſent fiecle, que nous , •

puiſſions paruenir auec eux à l'adeption & cő


fecution de l'heritage celeste, pour auec eux
glorifier Dieu le Pere, au nom de fon fils Ieſus
Chriſt, par la grace & beneuolence de fon
fainét Eſprit au celeſte Royaume de paradis.
Amen. - -

, AV
838
AV I O V R D E LA
C I R C O N C I S I O N.

L see.2. Ostquam confiammati funt očto dies, vt


| circuncideretur puer, vocatum est no
men eius Iestu.Quand les huićt iours,
* SÁNY) depuis la natiuité de Ieſus Christ
furentaccomplis,c'eſtà dire que le huićtiefme
iour fuſt commencé pour circőcir l'enfant, fon
nom fut appellé Ieſus. Lequel auoit eſté nom
mé par l’Ange,deuant qu'il fuſt conceu au vé
tre de la Vierge.Monfieur S.Luc en peu de pro
pos eſcrit la circoncifion de noſtre Seigneur Íe
fus Chriſt:toutefois en ceſte briefueté de paro
les, nous eſt demonſtré vn excellent threfor de
grands biens.Lefquels nous declarerons felon
noſtre mediocrité portee,&capacité parla gra
ce du S. Eſprit, & moyennant vos prieres &
oraiſons.Premierement nous expoſeronsen ge
neral la diffinition de circóciſion. Secondemết
nous parlerons de la circonciſió de IeſusChriſt,
& finablement nous parlerős du tresbening nố
Diffinition de Ieſus Chriſt.Donc circoncifion eſtoit vn Sa
de la circon
cifon. crement de l'anciéneloy,par laquelle quelque
portion de chaireſtoit couppee de l'enfant en la
partie ſecrette, en figne & certification d'ap
poinćtemết & traićté de paix & d’alliance que
Dieu auoit promis auec Abraham & fa femen
ce.Et pour mieux entendre ce myſtere, il nous
faut quel eſt ce traićté de paix, d'ac
cord, & paćtion que Dieu a faićt auec Abrahã
& fa
* -
D E L A C I R C O N C I S I O N. 839
& fa femence. Ceſte paction eſt eſcrite en Ge
nefe: Egofum: & ponampačium meũ tecum,eri/ğ, Gen frz.
pater multarumgētium,&c.Ce fuis-ie, & ie met
tray mon alliance auectoy, & tu feras pere de
maintes gens, & ton nom nefera plus appellé
Abram,mais ton nom fera Abraham,carie t'ay
constitué pere de maintes gens.Si te feray fru
ćtifier & te feray croiſtre en
gēs,& Roys qui procederőt de toy. I'eſtabliray
auſſi mon alliance entre moy & toy,& entre ta
femence aprestoy,en leurs generations,par al
liance perpetuelle: à fin que ie foye ton Dieu,
& de ta femence apres toy, & ie donneray à
toy,& à ta femence apres toy, la terre où tu es
eſtranger : à fçauoir toute la terre de Chanaan,
en poſſeſſion perpetuelle:&ie feray leur Dieu.
Puis Dieu diſtà Abraham:Eritá, paftum meum,
& in carnevestra in fædus eternă: maſculus cuius
praputý caro circumciſa non fuerit,delebitur anima
illa de populofao.Tu garderas donc mon allian
ce, toy & ta femence aprestoy, en leurs gene
rations.C'eſt mon paćt que vous garderez en
tre moy & vous , & entre ta femence apres
toy:Tout mafle qui eſt entre vous fera circon
cis , & circoncirez la chair de voſtre prepuce,
c'eſt à dire, la peau qui est auec la glande du
membre de l'homme, & fera en figne de mon
alliance entre moy & vous. Tout enfant maſ
le de huićt iours ſera circoncis entre vous &
vos generations. Et le maſle incirconcis du
quella chair de fa prepuce ne fera circoncife,
ceſte
8 o A V I O V R.

ceſte perſonne là fera exterminee de fon peu


ple,partất qu'il a rompu mon alliance.En apres
Dieu dist à Abrahã: tu n'appelleras plus le nom
de ta femme Saraï:car ſon nom fera Sara:Ethe
medică ei,có ex ea dabo tibi filium, cui benedicturu
fum.Car ie la beniray, & auffi d'icelle ie te dő
neray vn fils,& elle fera pour croistre en natiós
auffi Roys & peuples procederont d'icelle:adóc
Abraham fe proſterna fur fa face. Tout ainfi
si
des testamëts
qu'aux contraćts,paćtions &testaments ciuils
ciuils. premierement les lettres font eſcrites par les
Notaires:eſquelles les articles des conuếtions
& paćtiős font par ordre,& de poinćt en poinâ
recitez.En apres, à fin que plus grande foy ſoit
donnee auſdićtes lettres, font fignees par
les ſignets manuels,cachets,& feaux des hono
rables perſonnes:à fin que tous ceux qui verrót
les fignets d'vn chacun, ils foyent des
conuenances cốprinſes aufdićtes lettres. Ainſi
nostre Dieu & Seigneur createur,voulant fai
re telle alliance auec Abraham & fa femence,
comme nous auons recité : premierement, ila
traićté & manié ceste alliance par reuelations,
par parolles, & deuis. Et apres, à fin què cela
qui auoit eſté traićtë par parolles mutuelles,
fuſt confirmé & fortifié, il a adiouſté & baillé
la Circoncifion , comme tref-certain fignacle
& teſmoignage , laquelle a eſte instituee de
Dieu, à la femence charnelle d’Abraham.Pre
mierement, pour eſtre vne note ou marque,
(comme dit Hieroſme, in cap. 3. epist. ad
Gal.

D E L A c 1 R c o N c 1 s 1 o N. W 841
Galat.& fainćt Auguſtin quest. 1o.ex veteri testa
mento ) par laquelle les Iuifs feroyent diſtin
guez & diuiſez tel ſigne d’entre les Gen
tils: comme par le Bapteſme & autres Sacre- "tilité de le
mens nous ſommes distinguez & diuifez d'en- ';
tre les Iuifs & Turcs. Secondement,elle a esté ”
instituee pour fignifier vne ſpirituelle Circon
cifion,par laquelle nous ſommes inſtruićts cő
ment nous deuons circoncire & coupper de
toutes parts tous les defirs charnels & toute
noſtre naturelle concupiſcence ; & rebellion à
la loy de Dieu ( comme dićt fainćt Bernard
fermon.i.de Circun.)Ainſi Moyſe interpretoit la
Circonciſion, difant: Circumcidet Dominus Deus Pest.sº.
cor tuum & corfeministui, vt diligas Dominū,&c.
Le Seigneur ton Dieu circoncira ton coeur,
& le coeur de tes ſucceſſeurs pour aymer le
Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, & de
toute ton ame, afin que tu viues. Et le Pro
phete Ieremie, Vous hommes de Iuda & ha
bitateurs de Hieruſalem, Circumcidimini Domi- Here”.*
no , & auferte praputia cordis vestri. Soyez cir
concis au Seigneur, & oſtez les prepuces de
vos coeurs, à fin que parauanture ma fureur
ne iffe comme le feu , & qu'elle ne ſoit allu
mee, & qu'il n'y ait perſonne qui l'eſteigne,&
ce pour le mal de vos oeuures. Et fainćt Paul
- t:Vos circuncifestis circuncistone nõ manufa- º""/*
čła. Vous eſtes circoncis de Circonciſion faićte
fans main, quand vous auez deſpouillé le corps
des pechez qui font de la chair par la Circon
ciſion
842 A V I O V R.

cifion de Ieſus Chriſt. Car comme les Iuifs ont


circonci vn membre de leurs corps: ainſi les
Chreſtiens doyuết circoncire tous leurs mem
Aetih.“ bres. Cardićt Ieſus Chriſt: Si oculus tuus dexter
fandaliKat te,erue eum, & projce abste. Si tő oeil .
dextre te ſcandalize,ou t'empeſche,arrache-le,
& le iette de toy. Car il te vaut mieux qu’vn
de tes membres periffe, que tout ton corps ſoit
Matth. rt. ietté en la gehenne. Et en vn autre lieu:Si ma
nu tua, vel pes tuusftandalizat te,abſcinde eŭ, &
projce abste: bonum tibi est vnum oculum habětem
intrare in vitä eternã, quàm duos oculos habentem,
mittiin gehennam ignis. Si ta main ou ton pied
, couppe-le, & le iette de toy. Car
mieux te vaut entrer boyteux ou manchot en
la vie eternelle, qu'auoir deux mains ou deux
pieds,& eſtre ietté au feu eternel. Et fi ton ceil
t'empeſche, arrache-le,& le iette de roy: car il
te vaut mieux entrer borgne en Paradis, qu'a
uoir deux yeux, & eſtre ietté en la gehenne du
feu.Et ce qui eſt dićt des yeux,mains, & pieds,
le faut entendre pareillement desoreilles,de la
bouche,de la lãgue, & de tous les membres du
corps humain. Leſquels il faut circoncire, de
peur qu'ils ne foyent les organes & inſtrumens
par leſquels les pechez font commis & perpe-
trez. Mais en quelle partie & par quel glaiue
les faut-il circoncire? A fçauoir fi nous deuons
circoncire la partie exterieure & viſible, & tel-
lement la detrőquer & mutiler par glaiue ma
. teriel, & du tout la coupper du corps & ietter
de
D E L A C I R C O N c I S I O N. 843
de nous:Certainement perſonne ne fe doit fai
re telle iniure, & eſtre le propre bourreau de
foy-meſme. Et c'est pourquoy Origene eſt re
prins , à cauſe qu’il entendoit ces paroles crue
ment & non myſtiquement. Mais il faut cir
concire les membres de nostre corps en la par
tie en laquelle les prennent leur force.
Car ils prennent la puistance de pecher au z, cæur est le
cæur, lequeleſt le lieu dont procedent toutes receptacle de
meſchãcetez & iniquitez. Ex corde exeunt cogi- ******
tationes male, cædes, adulteria furta,falſa testimo
nia. Du coeur partent mauuaiſes penfees,meur- Matth.ri.
tres, adulteres, paillardifes, larrecins, faux tef
moignages,blaſphemes. Ce font les chofes qui
foüillent l'hőme.Et le Prophete Ieremie: Pra
uum est cor hominis, & inſcrutabile. Le coeur de
l'homme eſt mauuais & inſcrutable , c'eſt à di
re, qui ne peut eſtre caché : pource quand le
coeur de l'homme fera circoncis, tous les au
tres membres qui font les organes & instru
mens du coeur feront circoncis. Et quand Îe
coeur fera mutilé, tous les autres membres fe
rontinutiles à pecher. Les yeux feront circon
cis, pour ne voir ce qu'il leur plaiſt, & ce qui
eſt contre l'honneur de Dieu , & la charité du
prochain, ains leur faire voir ce qui leur def
plaiſt,cốme pauures aueugles, ladres,meſeaux,
paralytiques, les offemens des morts. Sic de
alijs membris.Mais de quel glaiue fera faićte ce
fte circốcifion de coeur? Certainemét tu ne fe
ras rien,fi par glaiue materiel tu ruines les pro
G gg
844 A V I O V R.

fonditez de ton coeur. Ce fera par le glaiue ſpi


rituel, qui est la foy & eſperance, que tu dois
auoir à la predication de Ieſus Chriſt, par vraye
& viue foy,ferme eſperance,& charité ardente,
que tu dois à Ieſus Chriſt,&à tốprochain : c’eſt
la vraye & ſpirituelle circoncifion, laquelle la
vraye circoncifion corporelle des luifs repre
1 fu christ a fente. Voyons maintenant de la circoncifion de
»oulu estre
circoncir »
Ieſus Chriſt, & pourquoy ila voulu eſtre circő
pourquoy. cis,veu que circonciſion eſtoit vn figne & iuge
ment de ſuperfluité & peché en l'enfant. Mais
en Ieſus Chriſtil n'y auoit point de ſuperfluité
pour circoncire, ou de peché
pour effacer. S.
Ambroife nous admonneſte en vn mot,Circun
cistopurgationemſignificat delittorum. La circon
cifion ſignifie la purgation des vices & pechez.
Il eſt vray Dieu de Dieu le Pere, lumiere pro
cedante de lumiere eternelle , fans admixtion
d'aucunes tenebres.A quoy donc luy eſt neceſ
faire la circoncifion? Ioinćt qu'il n'a point cő
mis ou cốtracté aucun peché. Qu'il n’ait point
commis peché l'aage le demonſtre & declare.
Qu'il n'ait contraćté peché, la verité du Pere,
& l'integrité de la mere amplement le teſmoi
gnent. Mais S.Ambroiſe fur ce paſſage appor
te la raiſon de ce faićt, prenant ce que S. Paul
Galat.4. diſoit de luy:Fačius est fiab lege, vt eos qui erāt fub
lege,redimeret. Il s'est rendu la loysà fin que
il rachetaſt ceux qui eſtoyent fous la loy. Eter
nellement il a vn pere, maisil est Dieu, auquel
ne peut tomber offence : temporellement il a
- V ne
D E L A c 1 R c o N c 1 s 1 o N. 845
vne mere, mais elle est vierge pure & entiere:
&n'a peu incorruption engendrer corruption.
Pourquoy donc baille-on à cest enfant fainćt
& innocent la circoncifion ? mais penfez vous
qu'il ſoit du nombre de ceux deſquels la loy
est, que tous les maſles periront, qui ne feront
circoncis?O admirable bonté diuine! O enfant
vrayement petit, bien humilié & abaiſſé, qui
iuſtifie les pecheurs. Il prend le remede donné
contre peché. A le bien prendre , ce n'eſt pas
choſe eſtrange, fi le chefa eſté circoncis pour
fes membres,qui pour eux a eſté crucifié. Sou
uent iladuient que pour la faute d'vn membre
humain, qui eſt malade,l’autre eſt bleſſé. Com
me pour guerir vn mal de teſte,la veine cepha Similitude,
lique eſt au bras ouuerte: ainfi noſtre Seigneur
a enduré auiourd'huy diminution &
de fon fang, pour nostre falut. Le chefa eſté
cauterifé, pour refequer la pourriture qui e
ftoit par tout le corps. Le celeſte marchant qui
eſt venu marchander nos ames, & les acheter
du prix de fon fang,commence en fa circonci
fion à bailler les arres & deniers à Dieu,qui re
tournera au iour de pleine lune, & portera fa
leine boitte pour faire fa ſolution totale fur
| banc ou contoir de la croix, en baillant tout
fon fangpour nostreredemption: c'eſt le thre
for inappreciable,lequel à ce iour a eſté ouuert
pour nous en estrainer en bon an. Qui pour
ra trouuer vn Prince fi liberal & magnifique
aux Histoires & Chroniques ? Certainement
Ggg 2
846“ A v 1 o v R.
nul n’approche de fa liberalité. Grande est la
Diference de difference de Ieſus Chriſt, & des riches de ce
37., monde. Les riches de ce fiecle donnent ce que
moins ils estimét entre leurs biens: voicy Ieſus
fecle. qui donne le meilleur & le plus beau.Secőde
ment,les autres donnent ce qui eſt ſuperflu:Ie
fus donne ce qui eſt neceſſaire: voire fi neceſ
faire,que fans luyon ne peut viure:car(comme
disét les medecins & philoſophes)le fang eſt le
fiege de l'ame. Tiercement,les autres donnent
vn peu:mais noſtre Seigneur donne tout. Quar
tement, lesautres donnent ce qui eſt veu par
dehors : cestuy du plus ſecret qui ſoit en luy.
Quintement,les autres donnét à la mort,com
me pluſieurs riches, chiches, vfuriers & rapi
neurs, qui en leur vie ríe donnent ſous l'atten
te de donner de leurs biens paraumoſne apres
leur mort ceſte aumoſne n'eſt pas liberalle, car
les biens les laistent. Noſtre Seigneur n'a pas
fait ainfi: il ſe haſte de donner en ſa naiſſance,
en fa vie,& en fa mort:il n’a encores que huićt
iours, & fait deſia ſa liberalité. Sixiefmement,
les autres donnnent or & argent : ceſtuy don
ne ſon fang. Septiefmement, les autres don
nent aucunefois à gếs non neceefſiteux,& auf
quels l'aumoſne n'eſt pas bien employee:mais
ce precieux fang nous a eſté donné à noſtre
grande neceſſité: c'eſtà fçauoir,pour la remiſ
fion de nos pechez. Car ainſi que dit S. Paul
auxHebrieux:Sine effuſione /anguinis, non est re
miſſiopeccatorum. Sans l'effuſion du ſang, n’est
- point
D E L A c 1 R c o N c 1 s 1 o N. 847
point peché remis & pardonné. O le precieux
dont. Mets (ô Chreſtien) en la phiole de ton
cæur vne goutte de ce ſang , & la garde pour
precieuſe & digne relique. Ce precieux & di
gne fangenflãbera ton coeur en l'amour de ton
Dieu & createur. S’enfuit:Vocatum est nomē eius
Ieſus,quod vocatum est ab angelo priu/guam in vte
ro conciperetur. Son nom fut appellé Ieſus, le
quel auoit eſté nommé par l'Ange, deuát qu'il
fuſt conceu au ventre. Ainſi auoit dit l'Ange à
Marie: Vocabis nomen eius Ieſum. Tu appelleras
fon nom Ieſus. Et en S.Matthieu il dit la raiſon
de ce nom : Ipſe enim faluum faciet populum Matt.i.
fuum à peccatis eorum.Car il fauuera ſon peuple :
de leurs pechez. C'eſt le nom impoſé par di
uine ordonnance,annoncé par l'Ange, duquel
a eſcrit Efaie: Vocabitur nomen nouum , quod os Efa. r2.
domini nominauit.Par vn nouueau nom feras ap
pellé,lequella bouche du Seigneur a nommé.
C'eſt le nom que toute creature doit venerer
& adorer,teſmoignant S. Paul: In nomine Iefu, Philip.2,
flettatur omne genu cælestium,terrestriữ, cớ infer
norum. Au nom de Ieſus, tout genoilfe ploye,
de ceux qui font és cieux,& en la terre, & aux
enfers.C'eſt le feul nom, comme prefchoit S.
Pierre, par lequel nous pouuons eſtre fauuez:
Non est aliud nomen datum hominibus , in quo -43. *:
oporteat nos faluos fieri, nist in nomine domini Ieſu
Christi. Il n'y apoint d'autre nom donné ſous
le ciel aux hommes, par lequel il nous faille
eſtre fauuez, finon au nom de noſtre Seigneur
* · G gg 3
848 A V V O V R. '

similit*** Ieſus Christ.Au tếps de guerre,quand vne vil


le eſtafliegee,comme nous auons experimenté
n'agueres au téps des troubles & feditions des
aduerſaires, & qu'il nous falloit faire la veille
& fentinelle de nuićt, de paour des ennemis,
que ne fuſions furprins, pas ne falloit oublier
le mot du guet,car ceux qui ne le fçauoyết di
re,eſtoyent reputez traiſtres,& incontinent oc
;: mot
cis. Semblablemét pour entrer au royaume de
de paradis, nous conuientauoir ce nom de Ieſus
s» au coeur & à la bouche, autrement n’y aurons
Ioel. 2. point d'entree. Car la fainćte eſcriture nous
preſche : Quicunque inuocauerit nomen Domini
Jaluus erit. Toute perſonne qui inuoquera le
nom de noſtre Seigneur, fera fauué. Et de là
vient que toutesles prieres de l'Egliſe ſon pre
fentees au nom de Ieſus.Car à la fin des colle
ćtes y a: Per Dominum nostrum Ieſum Christum.
Exaucez nous. O Dieu pere tout-puiſſant, &
nous faićtes miſericorde, au nom de voſtre fils
Ieſus noſtre Seigneur & Sauueur. Auffi il a
promis en l'Euangile:Quicquid petieritis patrem
""" in nomine meo,dabit vobis. Que tout ce que nous
demanderons en ſon nom, nous l'obtiendrons
de ſon pere. C'eſt vn nom qui ne fe peut dire |
en foy,finon parle S.Eſprit.Comme dit fainćt
„cor.is. Paul:Nemopotest dicere Dominus Iestu, nistin ſpi
rituſančio. Nul ne peut dire en vraye & viue
foy nostre Seigneur Ieſus.C'eſtà dire, Ieſus est
noſtre Seigneur, finon par le S. Eſprit. C'eſt
à dire,finon qu'il ſoit eſmeu, remué, pouſſé, &
*
'. - III CI
D E L A c 1 R c o n c i s i o n. 849
incité par le fainét Eſprit, diſtributeur du don
de la foy,comme il eſt eſcrit. Omnis qui confite-r.Ioan.s.
tur Ieſum Christū in carne ex Deo est. Ayős
dốc toufiours ce nom de Ieſus en noſtre coeur,
& le difons toufiours de bouche, en foy, à fin
que le fainét Eſprit ſoit toufiours auec nous.
C’eſt le nom qui a eſté mis au deſſus du chan
delier de la croix,pour eſclairer par tout,quand
Pilate eſcrit. Iestu Nazarenurex Iudeerã. Ieſus
de Nazareth Roy des Iuifs.Situ penſes ou par
les fans le nom de Ieſus, tout eſt aride, fec, &
inutile,ſoit en beuuant ou mangeant,dit fainćt
Paul. Tout ſoit au nom denostre Seigneur Ie
fus Chriſt. Ieſus eſt miel à la bouche, melodie
à l'ouye, iubilation au coeur. Si tu eſcris & ie
ne trouue Ieſus, tes eſcris ne me font plaiſans
dit fainćt Bernard, ie ne trouue point de gouft.
Le nom de Ieſus eſt de fi grande efficace & vertu de ws
vertu,que fi douleur & triſteſſe d'aucun casad-*lºſ*.
uenu a faićt playe au coeur pour la guerir, ne
faut que ſe fouuenir du nom de Ieſus. Secon
demét, fi l'homme pecheur pour l'enormité de
fon peché eſt en danger de deſeſpoir, ne faut
que fe fouuenir du nom de Ieſus, & l'appeller
en fon ayde, & il fera fauué, felon ce que dit Rom.rº.
l'eſcriture. Tiercement, ſi perſecution & tri
bulation nous tourmente, difons auec Dauid.
Adiutoriumnoštrăin nomine Domini. Noſtre ay- Tfal.les,
de ſoit au nom de Dieu : & nous experimente
rős la vertu du nom de Ieſus. De laquelle Ori
gene au dernier fueillet du liure premier con
G gg 4
85o A V -- I O V R.
tra Celſum, & en l'homelie vnzieſme fur Exo
de, & en l'homelie premiere ſur Ioſué, & Ar-
nob.lib.io aduersta gētes, & S.Iean Chryſostome
Oraiſon. hom.g.in ačia Apoštol.difent merueilles. Prions
donc noſtre bon Dieu & Pere Sauueur,que fe
lon ſon nom il nous vueille ſauuer:& tout ainſi
que auiourd'huy tếporellement & corporelle
mentila eſté circoncis, il luy plaife circoncire
fpirituellemét les fuperfluitez de tãt de pechez.
qui font en nos ames, à fin que tout ce qui eft
mauuais foit oſté & dechaſſé, á tous Chreſtiens
& Chreſtiennes purement de coeur & de bou
che,nous puiſſions adorer,dőner hőneur loüan
ge & gloire à ſon trefbening & treſſainćt nom,
fi que de nos ames ſoit refequé tout amour ter
reſtre, & demeure le feul amour celeſte, ayans
fans fin Ieſus en nos penfees, en nos coeurs, en
nos bouches ; que finablement nous puiſſions
paruenir à la fruition de la vie eternelle. Amen.

A V I O V R D E S R O Y S.
Matth.2.

de in diebus Herodis regis : ecce Magi


venerunt Hieroſolymam dicentes , vbi
| est qui natus est rex Iudeorum ? Tout
ainfi (Chreſtiens) que au nouueau couronne
ment d'vn Roy, les Ducs , Princes, Barons,
. & vaſſaux luy font hommage, en teſmoigna
ge de la ſuperiorité de leur fouuerain Roy , à
qui ils baillent le fermét de fidelité. Et en figne
- de
D E S R O Y S. 851
de leur fubiećtion, proteſtans eſtre fes fidel
les feruiteurs & ſubiećts. En ceſte façon a
eſté faićt auiourd'huy à noſtre nouueau Roy
nouuellement nay, & couronné de noſtre hu
manité. Car comme dit noſtre Euangeliſte,
quand Ieſus fut nay de la Vierge felon l'oracle
prophetique d'Efaye. Ecce virgo concipiet &# E/A.7.
rietfilium. Voicy la Vierge conceura & enfan
tera vn fils en Bethlehem cité de Iuda, à la dif
ference d'vn autre Bethlehem en la lignee de
Zabulon , où Sainćt Matthieu nous met trois
moyens en la natiuité de noſtre nouueau Roy,
par leſquels il prouue le fils de Marie eſtre le
vray Roy des Iuifs promis en la loy par les
Prophetes. Premierement,par le lieu de fa na
tiuité.Car il est nay en Bethlehem cité de Iuda,
felon que le Prophete Michee diuinementin-Mich.s.
fpiré auoit predit,difant: Ettu Bethlehem Ephr4
ta, ex te mihi egredietur qui fit dominator in # {
De toy,ô Bethlehem, naiſtra celuy qui fera do
minateur en Iſraël.Secondement,par le temps:
Car il eſt dit au temps du Roy Herode cruel
& eſtranger: & par ainſi la prophetie de Iacob
a eſté accomplie, pour defchaller l'incredulité
des Iuifs, & les conduire à la cognoiſſance du
Fils de Dieu enuoyé de fon Pere, & lequel il a
inthroniſé dans le circuit de la terre. Noſtre
Seigneur a voulu naiſtre au temps que auoyent
preconifé les faincts Prophetes de Dieu. Com
me le bon patriarche Iacob , qui auoit predit
le temps de ſon aduenement en ce monde, di
G gg 5
~

852 A V IO V R

Genf 49.fant: Nö aufereturfceptrum de Iuda, neque dux de


femore eius, quouſque veniat qui mittendus est, cá
ipſe erit expectatio gentium. Le ſceptre ne fera
point oſté de Iuda, ne le Duc de fa cuiſſe, iuſ
ques à ce que ceſtuy vienne qui doit eſtre en
uoyé. Et ceſtuy fera l'attére des Gentils.Suyuất
ladićte prophetie,Ieſus eſt nay, dit l'Euangile,
au temps que Herode eſtranger regnoit en Iu
dee. Et ainfi eſtoit ofté le ſceptre Royal de Iu
da, & nul regnoit ou regentoit, qui fuſt de la li
gnee de Dauid. Pour monftrer veritablement
Dan. 9.
que Ieſus eſt le vray Meſſias nay autếps que les
Prophetes auoyent predit. Et en Daniel. Cum
venerit fančius ſanctorum, &c. Quand le Sainćt
des Sainćts fera venu, lors ceflera voſtre on
ćtion, c’eſt à dire, voſtre dignité facerdotalle
& Royalle. Car au temps que les Iuifs eſtoyết
foubs la domination des Roys & Ducs de leur
propre & naturelle lignee , Dieu leur enuoya
des Prophetes:mais quand ils eſtoyent gouuer
Joan.s.
nez par les eſtrangers & idolatres , lors noſtre
Seigneur leur a enuoyé fon propre fils, non vt
iudicet mundum, &c. Non pour iuger le mon
de: mais à fin que par luy le monde fust fauué.
Tiercement,la cốduite de la nouuelle eſtoille,
Num.24.
felon que auoit predit Balaam. Orieturstella de
Iacob : & confarget virga de Iſrael. Vne eſtoille
procedera de Iacob , & vn ſceptre s'eſleuera
d'Iſraël, cốme il s'enfuit. Ecce,voicy choſe mer
ueilleuſe toute nouuelle & admirable, laquel
le on doit ouyr & retenir. Et confarget virga de
* * Iſrael,
D e s R o Y s. 8f3
Irraël.Les Sages,non pas Magiciens, ou enchã
teurs dommageables,comme ceux dePharaon,
qui contredifoyent à Moyſe, & aux merueil
leux fignes qu'il faiſoit, par la vertu diuine.
Mais ceux cy ayans veu feulement vn figne de
Dieu, à fçauoir l'eſtoille qui leur est apparue,
font incontinent conuertis, & comme ceux da
Egypte par infidelité ont trouué ce qu'ils a
uoyent deferuy, c'eſt la peine eternelle. Auffi
les Sages par leur credulité font paruenus à la
gloire immortelle. Defquels il eſt dićt aux hi
ftoires,qu'ils eſtoyentgens fages, fçauans, qui
par ſciếce de nature,& cognoiſſance des astres,
& fignes du ciel,iugeoyent de choſes fecrettes
& occultes.Et tout ainſi que les Grecs auoyent
leus philoſophes, & les Egyptiens leurs pre
ftres,les Latins leurs Doćteurs,& les Iuifs leurs
Rabins, les Gaulois (que nous appellős auiour
d'huy Frãçoys)leurs Druides, les Indiens leurs
Gymnoſophiſtes, les Babyloniens leurs Cal
dees. Ainſi les Arabes auoyent leurs Mages,
c'est à dire leurs Sages,qui veindrent d’Orient
en Hieruſalem.Iaçoit que la plusgrande partie
des anciens Peres ne font pas les
appellerMagiciens,ſans deſguiſer les matieres:
comme Tertullian au liure de idololatria, & lib.
contra Iudeos,Iustinus martyrin dialogo cum Try
phone, Origene furl'Euangile du iourd'huy.
Sainćt Hilaire lib. 2. &- 4.de Trinit. Sainćt Ba
file homilia infantiam natiuitatem Christi.Sainćt
Hieroſme in cap,19.6 34. Efaia. Sainét Augu
ftin,
854 A v 1 o v R
ftin, quest. 6 y.in nouum Testamentum, leſquels
donnans raiſon de leur dire, difent que noſtre
Sauueur a voulu auoir teſmoignage & eſtre
manifeſté parfes ennemis meſmes. Car ceux
qui ont plus repugné à noſtre loy & doćtrine
Euangelique, ont eſté les Philoſophes, qui fe
mocquoyent de noſtre religion , parce qu’elle
n’eſtoit pas fondee fur raiſon naturelle: mais
fur vn Credo. Et toutefois noſtre Seigneur a
fait que ſes ennemis font ceux qui le viennent
adorer lespremiers. Paſſons plus outre. Con
uenablement ils viennent d'Orient pourado
rer noſtre Seigneur:du Soleilleuant font venus
veoir le Soleil de iustice, qui eſtoit nay. O la
ferueur grande!O ardeur & diligence digne de
loüange! Certainement ceſt exemple confond
noſtre negligence. Les fages Roys viennent de
pays loingtain adorer noſtre Seigneur, & fe
mettent en fon feruice:&nous l'auons à la por
te,& n’en tenons compte. En nous est bien ve
rifié le Prouerbe: Pres de l'Eglife,& loing de
Dieu.Sainćt Iean Chryſoſtome homil. debeato
Philogonio, & homil,24, in epifi. 1. ad Corinth. &
homil. 23. in acta Apostol. & lib. 6.de facerdotio,
& fainét Ambroife cap. 12. lib. 3. deſhiritufan
čło,accommodent cecy au ſacrifice de la Meſ
fe,pour nous inciterà adorer le corps glorieux
& immortel de Ieſus Chriſt à l'autel, veu que
ces Roys barbares l'ont adoré, enueloppé de
drapeaux en vne crefche.Nous fçauons le lieu
dontils font venus,à fçauoir, d'Orient. Main
- tenant
- ' D E S R O Y 3. 855
tenant faut fçauoir le lieu auquel ils font ve
nus, à fçauoir en Hieruſalem cité fameufe,
Royalle & Sacerdotalle au pays de Iudee, où
eſtoit la fcićce de la loy,la veneration de Dieu
au temple: estimans que le Roy des Roys, le
Roy de gloire deuoit naistre, felon l'opinion
des hommes,en cité royalle.Mais ils font gran I/a.ff.
demết deceus. Les hommes cherchent les hau
tes & grandes chofes, & Ieſus Chriſt a regar
de les chofes petites & humbles: Que stultaſunt r. Cor. I,
mundi eligit Deus, vt confundat/apientes: & infir
ma mundi elegit Deus, vt confundatfortia, dict S.
Paul : Dieu a choiſi ce qui femble fot au mon
de,pour confondre les fages: & les choſes baſ
fes pour confondre toute arrogance & force.
C'eſtoit en fa puiſſance de choiſir vne falle
royalle, palais triomphant vne mere trefriche:
maisila efleu Hieruſalem pour fa paffiő, Beth
lehem pour fa natiuité, Nazareth pour fa con
ception & nourriture : pour nous enfeigner
que n'ayons point peur ne crainte de pauure
té:veu que noſtre vray Meffias,le Roy de gloi
re,le Dieu des vertus,premier que nous l'a ex
perimenté, & pa fa pauureté il a conſacré no
Ítre pauureté. En Hieruſalem estoyent les gran
des richeffes,toutes ſuperfluitez, excez, & dif
folutions en viandes, en habits, & autres cho
fes:en Hieruſalem regnoyent le cruel tyrá He
rode, l'arrogãce, preſumption & outrecuidan
ce des Scribes, l'ambition & trop grande con
uoitiſe d'honneur & de gloire,l'hypocrifie,Imul
fi
856 A V I O V R.
mulation & faux femblant des Pharifiens,l'in
fatiable auarice des prestres.Ne trouuans point
en tels lieux Ieſus Christ,ils difoyent:Vbi est qui
natus est Rex Iudæorum?En demandant fans au
cune crainte: Où eſt celuy qui eſt nay Roy des
Iuifs:C'eſt vne choſe merueilleufe que les do
meſtiques & grands clercs ne parlent point
de Dieu.Ils ne fçauent s'il eſt nay. Et voicy les
eſtrangers qui viennent de loing pour le co
gnoistre.Lefquels difent trois chofes. La pre
miere est,Vbi est,Où est-il,voila vne interroga
tion. La Seconde, Qui natus est,qui eſt nay:voila
vne trefconſtante confeſſion : Nous croyons,
fçauons & atteſtons qu'il eſt nay.La tierce, Rex
Iudæorum, Roy des Iuifs : ils confeffent trois
chofes , leſquelles pouuoyent eſmouuoir le
Roy Herodes.Premierement, qu'il est nay.Se
condement, qu’il eſt Roy. Tiercement, des
Iuifs, fus leſquels il auoit domination, au
étorité & puiſſance de commander, iuger &
gouuerner. S'ils euffent dit: Où est celuy qui
eſt nay roy de France , ou d'Eſpaigne & d'An
gleterre? autrement ne s'en fuste foucié. Mais
qui font ceux cy qui veulent adorer noſtre roy
nouuellement nay? Combien que fainćt Mat
thieu n’exprime point de quelle eſtoffe ils e
ftoyent : toutefois par la prophetie de Dauid
il appert qu'ils eſtoyent Roys. Vn chacun de
mande ſon pareil & femblable. Les paſteurs
ont cherché le grand Paſteur, & voicy les roys
qui cherchent le Roy des Roys. Le fainćt Roy
-
&
D E S R O Y S. 857
& ſacré Prophere nous prefche difant, Proci
dent coram eo Aethiopes,c inimici eius terramlin
gent : reges Tharfis & infula munera oferent, reges
Arabum & Saba dona adducent. Les Ethiopiens
ſe proſterneront deuant luy, & fes ennemis le
cheront la terre : les Roys de Tharfe, & des
illes apporteront preſens, les Roys des Arabes,
& de Saba ameneront des dons, Adorabunt eum
omnesregesterre, omnes gentes feruient ei: & tous
les Roys de la terre l'adoreront, toutes gens le
feruirőt. Par laquelle prophetie nous eſt donnê
à entendre que tout empire mondain, hốneurs
ordres, & potentats baiſſeront le col, & fe ren
dront ſubiets à noſtre Seigneur, luy offrans
dons & prefens, à tout le moins de leurs per
fonnes. De ce Roy eſt faićte auiourd'huy l'en
queſte: Vbi est, Où eſt celuy. Quand quelque
chofe eſt nouuelle,on defire & on demande, où
eſt-ce qu'elle eſt. Ainſi les fages Roys cherchết
le nouueau Roy nouuellemét nay, où il eſt. Vbi
ô l'excellent miracle ! auiourd'huy eſt apparu
le treſſainćt reliquaire de Paradis, qui parauant
auoit eſté caché au ſacraire des cieux. Vbi est!
Selon la diuinité il n'a point de Vbi:ou s'il en a,
fon Vbi eſt partout:mais quant à la nature qu'il
a prins, ils demandent, où eſt l'enfant qui eſt
nay Roy. O la grande hardieffe & conſtance
en la foy de ces trois Roys.Sçauent-ils pas bien
qu’Herode regne en Hieruſalem? ignorent-ils
la iuſtice de la loy,par laquelle quiconque (vi
uant le Roy en fon Royaume) en afferme vn
alltIC,
858 ... A V I O V R.- -

autre,il merite eſtre mis à mort, fans aucun re


fpit ? Ne craignent-ils point vne efmeute du
peuple, qui leur coure fus? l’effroy de la com
mune, & le trouble du peuple feditieux , eſt
fort à redouter : car on ne les peut
appaifer ny contenter.Choſe merueilleuſe:en
core ils n’ont pas veu le Roy, & fi font delibe
rez de mourir pour luy,ne faiſans eſtime d'He
rode, ne de fa puiſſance & cruauté, preſts à
mourir pour la confeſſion de la foy. Ce qu'ils
croyent de coeur ils le confeffent de bouche:
Rom.ro,
Corde enim creditur ad iustitiä , ore autem confeſio
fit ad falutem. De coeur on croit à iuſtice, mais
de bouche on faićt cőfeſſion à falut. Celuy qui
les auoit touché au coeur pour le venir cher
cher,trouuer, & adorer, les auoit interieuremết
confirmez en tel fainét propos. Ils n'interro
guent pas s'il eſt nay, ou s'il eſt Roy. Car nul
fors que luy eſt nay Roy. Nous ſommes tous
ruſtiques, conceus en villennie de peché ori
ginel, iuſqu'à tant que foyons regenerez par le
lauoir de Bapteſme, renouuelez parla grace du
S.Eſprit, ennoblis par le noble & digne fang
de Iefus Chriſt. Mais ceſtuy-cy eſt nay Roy,&
gếtil-homme de race,de nom & d’armes. C’eſt
le Roy immortel, duquelle regne n’a point de
L tec. r.
fin:ớ regni eius non erit finis. Ainſi que dićt Ga
briel paranymphe celeſte, à Marie Vierge fans
air. Les autres font couronnez Roys, ou par
elećtion,ou felon la couſtume du pays,ou bien
par force:mais Ieſus Christ est nay Roy,auquel
C
D E S R O Y S. 879
le pere a donné toute puiſſance pour regner,
tant au ciel qu'en la terre. Ils font auſſi appel
lez ſages.Caranciennemét les enfans des Roys
& Princes en leur ieuneſſe eſtoyent inſtruićts
premierement aux ſciences & bonnes lettres,
non Pas comme les enfans des Princes Chre
stiens, qui premierement font inſtruits aux ar
mese, & menez aux chaſſes: parquoy s'enfuiſt
qu'ils regnent fur leur plus par puiſlan
ce & violence,que par ſcience & prudéce.Vidi
mus enim stellam eius in Oriente & venimus adora
re eum. Nous auons veu ſon eſtoille en Orient,
laquelle par fa clarté nousa demonſtré fonou
urier & createur. Car les eſtoilles luyſent pour
faire feruice à celuy qui les a faićtes. Les É
ont veu l'eſtoille,les paſteurs, l'Ange, les Iuifs,
le Roy. Les fages Roys & paſteurs ont creu &
font fauuez : mais les Iuifs ont contredićt &
n'ont pas creu : parquoy iuſtement ils font re
prouuez & damnez. C’eſt ce queremonſtre S.
Paul doctemét: propter incredulitatem factifunt Rºm.tr.
rami,tu autem fidestas les rameaux (à fçauoir les
Iuifs) ont eſté couppez à cauſe de leur incre
dulité : mais toy, ô Gentil(comme eſtoyent ces
Roys) tu demeures par foy. Et font venus per
fonnellement: car nous fommes certains qu'il
est nay , & pour ce nous n'auons pas enuoyé
nos feruiteurs explorateurs pour s'enquerir de
la verité:ains nous-meſmes & en propres per
fonnes ſommes venus pour l'adorer fingulie
rement, comme vray Emmanuel,vray Dieu &
86o A V I O V R.

vray homme en vne perſonne. Bien-heureux


font ceux qui auec les Roys viennent pour a
dorer le fils de Marie: O enfans des hommes
pauures & riches, ie vous confeille mes amys
& freres Chreſtiés auec le Pſalmiſte royal Da
uid,Venite adoremus,& procidamusante eum plo
remus coram Domino qui fecit nos,quia ipſe est Do
minus Deus noster: Venez, adorons noſtre Sei
(gneur , & nous proſternons , plorons deuant
luy , il nous a faićt, car il eſt noſtre Seigneur &
Dieu, & nous ſommes fon peuple, & les bre
bis de fon parc.En Orient s’eſt apparu l’eſtoille
nouuellement creée à l'honneur & gloire du
Roy:laquelle alloit deuant les Roys,leur mon
ftrant le cherhin. Pour autant elle eſt appellee
l'eſtoille de noſtre Seigneur par luy produićte
à ſon feruice & honneur pour demonſtrer fa
gloire: & auffi que c'eſtoit le fils d'Abraham,
par lequelles humains receuroyent la benedi
ćtion de Dieu,& feroyent misen Paradis, com
. , s.s. W me claires & lumineuſes estoilles au ciel, en
multitude fi grande, comme font les eſtoilles
au firmament; felon la promeste de Dieu faićte
à Abrahain. S'enfuit maintenant la maligne in
quiſition du Roy Herodeq Audiens autem He
rodes,ớic.A ces nouuelles que les Roys ont ap
portees, qui pour cela deuoyent eſtre les bien
Mauuais le
venus, & feſtoyez parle Roy & fa Cour. Nous
prince , maa voyons icy; clairement que la puiſſance peſti
seais les fub lentieufe apporte mal & dommage à vne Re
fiefs.
publique:tel le Prince, tels font les ſubiets:tel
f i, , - feigneurs
D E S R. o Y s. 86r -
feigneur, tel est le feruiteur : & tel maiſtre, tel.
eſt le valet:quel eſt le rećteur d'vne cité,tel eſt
le peuple qui habite en icelle. Voicy le Roy
mefchát,qui a des feruiteurs meſchäs. Le chef
mefchant,fait fes ſubiećts conformes à fa mef
chanceté.Le Roy infidele ou ſchifmatique fait
fes fubiectstels comme luy. O que noſtre bon
Dieu & pere,plein de mifericorde,a fait beau :
coup pour Il OllS aut TCS Françoys, de 11OllS auoir C & 720p23.
donné vn chef treſchreſtien , bras dextre de
l'Egliſe,& propugnateur de la foy. Si en ce ca
lamiteux tếps, le chef eut eſté empoifonné d'er
reur heretique,las c’eſtoir fait de la Frãce. Viue.
le bon & treſchrestien Charles,par la grace de
Dieu Roy de France,ferme bouclier de la foy: '
encore qu'il foit ieune & tendre d'aage,fi a-il
l'eſpritraffis & façonné par la doulce & debő
naire prouidence,à la volőté de Dieu, & à ſon
plaifir,diſpoſé à receuoir les fainćts comman
demens de Dieu , & qui n’eſt pas moins affe
ĉtionné à fon Egliſe que fesancestres.Auſſi l'a
il bien móſtré,& mốſtre tous les iours au gou
uernemét de fon royaume, tant troublé de di- .
uerſitez d'opinions,& faćtions, que tout hom-
me bien experimenté y perdroit terre, ſi Dieu
ne luy affiſtoit de pres,& ne luy tenoit la main:
femblable à ce grand oracle de fapience le fa
ge Salomon, qui à douze ans print en main &
gouuernement le royaume d'Iſraël : & de Io
fias, qui fi bien en fes ieunes ans remit ſus la
police de fon peuple, & feit refleurir la Loy
- Hhh 2
862 A v I o v R.
fainćte:Non est abbreuiata manus Domini,chan
te fouuent le prophete Efaïe. La main de no
ftre Dieu abbregee, ains eſt auffi puiſ
fante que iamais.Prions noſtreDieu & fauueur
qu'il luy plaiſe le maintenir en longue vie &
heureuſe proſperité,fuyuant le vray fil & cours
de la loy qu'il fouſtient,fous la douceur de fon
Egliſe Catholique & Romaine. En cela noſtre
Seigneur nous fera vn bien & grace ineſtima
ble.Car en ce l'on cognoiſt que Dieu aime fon
peuple, quand il luy enuoyevn bon & fage
Prince, tel que par heureux commence
mens nous cognoiſſions eſtre le noſtre. Mais
Job,34. au contraire facit regnare regem hypocritam pro
pterpeccatapopuli.Il fait qu’vn roy hypocritere
gne à cauſe des pechez du peuple: comme en
ce propos miſerable est la cité de Hieruſalem,
où regne Herode, faićte participante de fa ma
-lice:Et congregans omnes principes facerdotum,é
c /Gribas populi, ſcistitabatur ab eis vbi Christus
naſceretur.Il ſemble qu'il veut fçauoir la verité
de la naiſſance de noſtre Seigneur pour l'ado
rer.Mais c'estoit pourle tuer.Il a dićt
le texte,les princes des preſtres, qui felon l'or
donnance de Dauid miniſtroyent au temple,&
les ſcribes du peuple , les docteurs qui enſei- . '
gnoyent au peuple la loy de Dieu. Le Roy fait
congreger & aſſembler vn concile, où font ap
pellez les Eueſques,gens Eccleſiastiques,& Îes
Doćteurs,aufquels appartient magiſtrallement
& doćtorallement decider de ce qui touche
*

&
DEs R o y s. 86;
& concerne la foy. Ce n'est pas aux marchans,
laboureurs, mechaniques, & artiſans d'estre
appellez aux Conciles, pour auoir leur aduis
fus les difficultez qui fourdét de l'eſcriture,en
matiere de la foy. Ils iugeront mieux de leurs
marchãdifes,quinquaille,& labourage, que de
parler de S.Paul, ou du fainct Euangile. Ce
n'est pas fuſee à demeſler pour eux. Comme
dit Horace,trattent fabrilia fabri. Que les for
geurs traićtét & fe meſlent de leurs forgemens.
Donc apres auoiraſſemblé tous les principaux
preſtres & ſcribes du peuple:Scifcitabaturab eis
vbi Christunasteretur.Ils'enqueroit d'eux où le
Christ,c'eſtà dire,leur Roy grand preſtre,& fa
cré Prophete deuoit naiſtre. Et iceux luy di
fent,in Bethlehem Iuda. En Bethlehem de Iu
dee.Donc non parignorance, ains par certaine
& obſtinee malice de coeur, ils n’ont pas vou
lu croire. Pource Ieſus Chriſt leurreprochoit: Ioan.s.
Si vous eſtiez aueugles & ignares, vous n'au
point de peché, à fçauoir contre le fainét
ſprit, par lequel vous refistezà la verité : &
combien que la cognoiſfiez, toutefois vous la
repugnez, & combattez à l'encontre d'elle.
C’estoit la coustume des luifs de toute ancien
neté,comme leur reproche S. Estienne,femper
restitistis Spirituifančio, ſicut patres vestri. Vous
& vos péres auez toufiours reſisté au fainćt
Eſprit:Sic enim striptum est per Prophetam.Caril Mich.s.
eſtainfi eſcrit par le prophete Michee : Et toy
Bethlehem, terre de Iuda , tu n'es pas la plus
- Hhh 3
864 A V , I O V R.

petite entre les Princes de Iuda. Car de toy


forrirale códućteur,qui gouuernera mon peu- :
. ple d'Iſraël. Ceſte prophetie nous
quatre choſes.Premierement,la cité,à fçauoir,
s Bethlehem. Secondement, la region: car il eſt
diét,terre de Iuda.Tiercemét,la dignité : car tu
n’espas la plus petite entre les Princes de Iu-
da. Quartement, la cauſe de la dignité : car de
toy fortira le condućteur, c’eſt à dire, Ieſus
v Heb. 13,
Christ, qui au temps paſſé fut leur condućteur
de leur chemin au defert: Nam Ieſus Christus
heri, & hodie, ipſe & in fecula. Car Ieſus Chriſt
hier, & auiourd'huy , il eſtà tout iamais : qui
gouuernera mon peuple d'Iſraël, non felon la
- chair,ains felon l'eſprir, à fçauoir, ceux qui par
foy font d'Abrahã, & enfuyuết la trace & exế-
ple d'Abraham,qui eſt le pere de tous croyans.
Ceux-cy voyết Dieu par foy, & auec le fidelle
Abraham font beneiſts. Ils font circoncis, non
en la chair, mais en l'eſprit. O que bien-heu
reux font ceux qui ſuyuent tel condućteur par
les voyes & fentiers de vertu. Car finablement
ils paruiendront à la vie eternelle. Et ceux qui
ne l'enfuyuront auec leurs condućteurs aueu-
gles & aueuglez, tomberőt en la foſſe de dam
nation eternelle. Herode ayant le confeil de
ceux qui s'entendoyent en l'eſcriture,&la fou
loyent manier, apres qu’il a ouy leur reſponſe,
qu'en Bethlehem deuoit naiſtre le
pella en ſecret les trois Roys, dicts les Sages
d'Orient: Et diligenter didicit ab eis tempus stella
- . q* e
D E S R O Y S. 86;
que apparuit eis. Diligemment s'informa d'eux,
en quel temps l'eſtoille s'estoit apparue, & les
enuoyant en Bethlehem, leur dit: Ite & interro
gate diligēter depuero,& cùm inueneritis renuncia
te mihi,vt & ego veniès eŭ adorem. Allez,& vous
enqueſtez du petit enfant,& quãd
vous l'aurez trouué, faićtes le moy fçauoir, à
fin qu’auffi i’y aille,& que ie l'adore. O hypo- Hypocrite die
crite, qui de bouche dit vne chofe, & de coeur "" , º fen/?
enfe vne autre ! Ce n'est pas ſon intention de “”“
f , en recognoiſlance de ſon fouuerain:
mais de le mettre à mort s'il peut, comme par
apres il a manifeſté en des Innocens.
Le diable eſtoit plus troublé que Herode, &
par luy machine la mort de noſtre Seigneur,
doutant qu'il ne luy ofte fa proye.Maisie vous * * *

prie voyons comment l'orgueilleux Herode


parle. Il dit: Ite & interrogate de puero. Allez Matth.a.
vous en interroguer de l'enfant. Il n'a garde
de dire qu'il eſt Roy: comme les Roys ont de
mandé, difans:où eſt celuy qui eſt nay Roy des
Iuifs ? Par là nous voyons l'enuie du diable,
contre le falut des hommes. Qui cùm audiffent
regem,abierunt. Et quãd ils eurétouy le Roy,ils
s'en allerét. Et ecce stella quam viderant in oriente
antecedebat eos,vfậue dum veniensstaret/upra vbi
erat puer.Et voici l'eſtoille qu’ils auoyết veu en
Orient,alloit deuant eux, iuſquesà tant qu’elle
vint, & s'arresta ſur le lieu où eſtoit le petit en
fant. Et quand ils virent l'eſtoille,ils s'efiouy
rent de moult grãd'ioye. Et entrãs dans la mais
Hhh 4 -
866 A V I O V R.

fon,ilstrouuerent le petit enfant auec Marie ſa


mere:& feiertansà terre l'adorerent. Et apres
auoir deſployé leurs threfors, ils luy preſente
rent dons, or, encens, & myrrhe. En la cour du
Roy Herode, les Roys ont perdu l'estoille. En
la cour du Roy Pharao, Ioſeph a perdu fon
manteau. En la cour du Roy Herode Sainćt
Iean Baptiſte a perdu la teſte. En la cour des
Roys,pluſieurs y perdent la vie.Mais quand les
Roys partisde la cour du tyran, ils ont veu
l'eſtoille qui les a conduićts iuſques en Beth
lehem, & s'eſt arreſtee fus le lieu où eſtoit nay
l'enfant:comme difant, voicy le lieu où eſt nay
l'enfant , lequel ils ont trouué auec Marie. En
către les he: deſpit des heretiques Antimariens qui veut
reti1"“"ºf trouuer Ieſus, le cherche, & il le trouuera auec
***“",
es', anemi, de Marie
Marie :: laquelle
laquelle n'est pasſansluv-ou
pas tans luy:ou elle
eile 1l' a en
Ph. er de fon vếtre virginal,ou elle le tient entre fes bras,
Marie. ou elle l'adore en la creche, ou elle eſt pres de
hane a refu- ſes pieds
! . à la croix, ou elle le foustient ſurfes-

::::: genoils apres fa mort, ou la fusen fon Paradis,


fie 7 r. elle est pres de luy en fon throſne Royal &
noble pourpris: ie dis plus pres de fon Fils que
nul autre. Entrans donc ces trois Roys en la
Joſeph n'a riểmaiſon où eſtoyent la mere & le fils. Icy n'eſt
: : point faićt mention de Ioſeph: pour nous don
nerà entếdre que Ioſeph n'auoitrien de com
mun en ceſte fainćte generatió de Ieſus Christ.
Et procidentes adorauerunt eum. Et apres l'auoir
trouué, ils fe proſternerent en terre, & l’ont
adoré » à fçauoir Dieu & homme en la chair,
ils
r–

D E s R o y s. 867
ils ont adoré le Verbe diuin en enfance, ils ont
adoré la ſapience diuine : en foibleſſe, puiſſan
ce: en pauureté, richeſſe : en humilité Roy des
Roys, en forme d’homme ils ont adoré le Dieu
des Dieux, le Roy des Roys, le Seigneur des
Seigneurs, le Dieu des vertus , le Prince de'
maieſté , & de gloire immortelle. O fages
Roys, que faićtes vous? vous n’auez pas adoré
le Roy Herode, & adorez vn enfant : vous n’a
uez pas adoré le Roy Herode en ſon palais
triomphant, & adorez en vne estable le petit
enfant : vous n’auez pas adoré le Roy Herode
vestu de drap d'or, de pourpre, & de foye, &
vous adorez l'enfant couuert de petits drap
peaux ? S'il est Roy,où est fon eſcuirie, où eſt
fon throſne Royal? où eſt fa cour? où font les
Princes , Seigneurs & Dames, pages, ferui
teurs, où est la falle Royalle. A la verité voicy
vn Roy d'eſtrange façon, tout au rebours des
autres. Pour ſa cour il a Ioſeph & Marie : pour
fon eſcuirie, l’afne & le boeuf: pour ſa falle
Royalle, vne eſtable: pour tappis, petits drap
peaux: pour ſon throſne,vne creche. Les trois
Roys diuinement inſpirez,ont cogneu la diui
nité cachee en l'humanité: parquoy ils l’ont
adoré , & apres auoir deſployé leurs threfors ..
luy ont faićt de notables prefens : l'oblation d # :
deſquels est grandement loüee en l'Euangile.
Premierement ; à raiſon de leur preciofité (car ſubstance , à
il eſt dit, threfors) contre ceux qui donnent à l'exemple 4“
Dieu le pire.S'ils ont quelque pain moiſy,de la ""
5 -
868 A V I O V R -

chair pourrie & puante, qu'eux ne leurs ferui


teurs ne daigneroyent voir, manier, encores
moins mãger,& du vin tourné,ou efuenté, ils le
donnent aux membres de Dieu.Telle aumoſne
n’eſt pas aggreable à Dieu.Les Roys offrent les
threfors. Secondement, l'oblation des prefens
eſt loüee,à raiſon de la proprieté: car il est dit,
Suà, leurs propres threfors. Contre ceux qui
donnent le bien d'autruy, comme larrons,rapi
neurs, & vfuriers, qui font du cuir d'autruy
large courroye. Ils donnent vn denier, & deſ
robent vn efcu. Il faut donner à l'exemple des
fages Roys de fon propre bien. Tiercement, à
raiſon de liberalité & largelle. Car il eſt dit,
Apertis. Ils ont ouuert. Contre les riches chi
ches,qui au temps de cherté,ferment leursgre
niers, & ayment mieux que les poux & la ver
minerőgent & gaſtent leur bled, que fi les pau
ures de Dieu le mágeoyent. Mais le temps viế
dra que la chance fera tournee. Carles pauures
mangeront leurs bleds, & la vermine rongera
la charongne de tels blatiers, vfuriers, & rapi
neurs. Quartement,à raiſon que ceſte oblation
eſt volontaire & faićte de plain gré. Car fans
eſtre tenaillez ou contraincts, Obtulerunt. Ils
ont offert. Contre ceux qu'il faut prier mille
a. (br.9.
fois auất que obtenir quelque chofe d’eux. Hi
larem datorem diligit Deus. Dieu ayme celuy qui
donne ioyeuſement. Quintement, à raiſon de
celuy à qui est faićt le preſent.Caril eſt dit, Ei,
c'eſtà dire, à Ieſus: auquel eſt faićt le preſent.
Contre
DEs R o y s. 869
Cốtre ceux qui ne donnét pas leurs biens pour
l'honneur de Dieu,ains à batteleurs, à ioueurs,
à femmes impudiques, prodigallement em
ployent à toutes voluptez & vani
tez Sixieſinemét,la liberalité estauffi móstree.
Car il eſt dićt, Munera.Ils ont preſenté des dős,
non pas cela qui fuſt deu,ou à quoy ils fuffent
obligez par main de notaire. Septiefmement,à
raiſon de la fignification des dons. Car il eſt
dićt: Aurum, thus, & myrrham. En quoy faut
auffi cốfiderer la valeur & excellence des dons:
à fçauoir,or,encens,& myrrhe.Pour ceſte obla
tion ils confeffent vouloir entretenir la foy.
Carils offrent l'or,comme au Roy, confeſſans
fa puiſſance royalle. L'encens, pour ſacrifice,
comme à Dieu, confeſſans fa diuine majeſté,
La myrrhe,comme à l'homme mortel, confeſ
fans fon humaine mortalité. Car Ieſus Chriſt
a eſté oinćt de la myrrhe,apres que par ſa mort
nous a rachetez en la croix. Et par ces trois
dons, ils ſignifient & croyent en Ieſus Chriſt
puiſſance royalle, majesté diuine, & mortalité
humaine : par laquelle mort il a destruićt no
ftre mort, & nous a impetré la vie eternelle.
Ainſi l'ont expoſé S.Hieroſme, ſur ce paſſage:
Iuuencu Preſbyter,Theophilaćte & fainét Gre
goire,& Leo Papa, Magiquem adorant, etiã my
fficis muneribupredicant,auro regẽ,thure Deum,
myrrha verò mortalē. Ou biếquant à la lettre,ils
ont offert l'or,pour la ſubſtentation du pauure
enfant.Encés,cốtre la puanteur de l'eſtable: &
myr
87o A V I O V R.
myrrhe cőfort des membres debiles dư
petit enfant.A l'exemple des trois Roys nous
deuons offrir,croire,&cőfeffer les choſes ſigni
/ fiees par les trois dons & preſens.Premieremét,
la vraye foy cognoiſt & cốfeſſe que IeſusChriſt
****.**. est le Roy des Roys,& que data est ei omnis po
testas in celo,& in terra,6 habet claues vitæ & mor
tis.Qu'il a toute puiſſance tant au ciel qu’en la
terre,& qu'il a l'Empire & les clefs de la vie &
de la mort. Ceſte confeſſion de vraye foy nous
donne vne grande & conſtante affeurance cő
Rom.s tre toutes aduerfitez,comme dit S. Paul: Quis
'nos feparabit à charitate Dei?ớc.Qui nous ſepa
rera de l'amour de Dieu?fera-ce tribulatiő, an
goiffe,affliction,faim,ou nudité, &c. non. Car
nous fçauons que noſtre Redempteur vit eter
nellement.pour nous aider & confoler.Secon
dement,celuy offre encés,qui croir de coeur &
confeffe de bouche que Ieſus Chriſt est le grãd
& føuuerain Prestre, qui s'est offert luy meſme
en facrifice,pour nous reconcilier au Pere cele
fte, pour nous deliurer de l’ire diuine, & Im OUIS
donner entree en la beatitude eternelle. Ceſte
confeſſion nous dóne gráde & affeuree confiá
ce cốtre la fureur de Dieu,en fon terrible & eſ
pouuentable iugement.Car celuy qui cognoi
ftra que Ieſus Christ eſt le grand & fouuerain
Preſtre, ne ſe defeſperera de fon falut,à cauſe
de fes pechez:ains confiera au merite & mi
fericorde de Dieu. Tiercement, celuy offre la
myrrhe, qui confeſſe Ieſus Chriſt eſtre mort
- pour
A
D E S R O Y S. 871
pour nous,fans auoir veu corruption: ains qu'il
eſt retourné en vie. Ceſte confeſſion eſt grăde
ment neceſſaire. Car elle reduit en memoire -
cõment nos pechez,noſtre mort & maledićtion
font effacez, non par chofes corruptibles , ains
par la tref-innocếte & treſſacree mort de Ieſus
Christ,& par le prix de fon tref-precieux & di
gne fang:Et reſponſo accepto infomnis,neredirent
ad Herodē per aliā vtă reuerffant in fuã.
Et apres qu'ils eurent eu relponſe en leur dor
mir,de ne point retournerà Herode,ils s'en re
tournerent par vn autre chemin en leur pays:
ainfi nous faut-il faire, pour la crainte du cruel
Herode, qui repreſente le diable, il nous faut
fuyure l'admonition de l'Ange & inſpiratiố di- 44menition
uine,parvne autre voye , en delaiſſant peché, F***
fuyuẩtverturetourner en nostre regió celeste,"
& pays Oriental, là fus en fa gloire eternelle.
Per aliam viā,par autre voye les ſagesRoys font
TetourneZ Cn regiố,non pas à Herode le ty
ran,nő aux Scribes auaricieux,nő aux Pharifiés -

ambitieux, non aux Iuifs obſtinez, ains par au


tre voye.Aleur exemple nous faut retourner à
noſtre pays celeſte. Pour laquelle choſe obte
nir,nous prierons nostre bon Dieu & pere eter- Oraiſon.
nel,que par lesdignes interceſſiós des fainćts&
fages Roys,pour la reueréce deſquels nous ſom
mesicy aſſemblez, il luy plaife enrichir nos
coeurs de l'or de charité,& que par deuotion &
oraiſon nous foyons comme encens, & par có
fideration de fa mort & paſſion, nous foyons
CO1Tl

*
872 A V · I O V R.
comme la myrrhe, à fin que ne retournions en
la voye de peché:mais par les fentiers de vertu
nouspuiſſions retournerà nostrepais Oriental,
& paradis celeſte:auquel nous vueille condui
rele Pere,le Fils,& le fainét Eſprit.Amen.
S E RM O N A V I O V R
S A I N C T H I L A I R. E. -,

Honne urac- |Ệ)


F] Ertu a tellement hőneur conioinćt
compaigne à foy, qu'il eſt impoſſible ſeparer
Bye?"*M, | l’honneur de vertu: & encores que
#\%\ ; l'enuie des hommes ne permette
aucunefois que gens vertueux foyent honorez
durãt leur vie,fieſt-ce que malgré les enuieux,
vertu à tout le moins eſt honoree apresla mort:
Liuor enim post fata quieſcit.Comme dit le Poë
te.Nature a tellementimprimé cela en l'eſprit
de l'homme, que les Payens meſmes qui n'a
uoyent cognoiſſance de Dieu ; ont toufiours
porté honneur à vertu : de forte qu'au temps
paſſé,quand quelques grands & celebres per
fonnages auoient trauaillé pour la republique,
óu qu’ils auoyent inuenté quelque chofe, la
quelle redondoit au bien cómun & profit pu
. . blic, où qu'ils eſtoyent morts en bataille, pour
la defenfe de la patrie, ils estoyent grandement
par eux celebrez & honorez , & quelques fois
couché au catalogue desDieux,felon l'excellé
ce de leur vertu: & en faifant feſte grande, cő
me d'Hercules, Æſculapius, & leurs ſembla
bles,ainfi que recite Theodoret lib. 8.Græc.affe.
f' . . . g??
D E s. H I L A I R Ę. 873
intitulé de Martyribus. Remonſtrant par là aux
Payens qu'ils ne deuoyent trouuer eltrange- fi
nous faiſons quelque honneur & donnons
loiiange aux faincts martyrs, aux gens de bien, *

& de vertu qui ſont morts en la grace de Dieù:


veu qu'eux meſmes honoroyent les gens qu'ils
reputoyentsfages & vertueux : tant ils auoyent. |
en recommandation vn aćte heroïque & de
vertu. Et toutefois telles gens n'auoyent que le :
nom & ombre de vertu, d'autant qu’en tout ce . :
qu'ils faifoyent , ils ne cherchoyent que leur tu.
gloire. Mais le Chreſtien, s'il faict fes ocuures,
comme Dieu le commande, faict veritable
ment oeuures de vertu,& pour ce digne d'hon
neur & de loüange, pour autant qu'il les refe-
re où il les doit referer, c'eſt à fçauoir, à la
gloire de Dieu, fuyuant le bon aduertiflement
de fainét Paul Colof.4. Quacunquefacitis,inglo- ref
riam Dei facite,fue in verbo, fue in opere. Si donc .
t.
ce qui empruntoit fauffement le nom de vertu ar aanres.
eſtoit honoré, c'eſt bien raiſon que vertu foit 1

honoree & prifee. D’auantage il y a vne autre , !


choſe, qui nous doit inciter à loüer & eftimer
vertu,c'eſt que l'honneur que nous luy portons
retourne toufiours à l'ouurier & autheur d'i
celle, qui eſt Dieu. Si vous pếfez quelque bốne
choſe & vertueuſe,cela vient de Dieu. Nö enim º Cºr.s.
fumus ffficiētes,ex nobis,quasternobis cogitare ali
huid boni,f2d fifficiētia nostra ex Deo est.Et cőme
dićt S.Iacques, Omne dată optimă,& omne donii Iac.r.
perfectum defarfum est destendēs à patre luminum.
Et
874 A V I O V R.

Et pourtanten honorất & loüant vn Chrestien


de ſes vertus, vous loüez & honorez Dieu, qui
|
de ſa liberalité & magnificence a mis & planté
en luy ces bonnes ceuures & vertus. Et tout re
tourne à la gloire de Dieu,comme au principal
ouurier. Ce que vous entendrez aifement Par
similitude ceſte ſimilitude. Quand nous difons voylà vne
belle peinture:à qui en retourne la loüange?eſt
ce à la peinture? non:c'eſt au peintre. Et quand
on louëvne Epigramme bien faićte,la loüange
en retourne au Poëte qui l'a cốpoſé. Sictu dum
laudas virum bonum ob virtutes/uas, Deum laudas,
qui y a mis fes vertus.Celuy là donc fe monſtre
ennemy de vertu qui ne la veut louër. Or s'il
eſt ainſi que vertu merite eſtre honoree, c’eſt
chofe fainćtement instituee en l'Egliſe, qu’on
celebre de toute antiquité & tradition Apo
ftolique, la feste des Sainćts qui ont eſté coo
peux teufs perateurs à la grace de Dieu : tant pour rendre
pour ' . graces à Dieu
e graces qui luy a, pleu
& recognoiſtre les pour
mettre en eux vertus &
reſi
Sainti. fter aux tentations du monde, de la chair, & du
diable, à fin d'eſtre couronnez apres auoir bien
& vaillamment combattu en ce móde : comme
pour leur congratuler, & nous refiouyr de leur
felicité & credit qu'ils ont enuers Dieu, d'au
tant qu’ils font comme nos peres, & que nous

1.cerra fommes mébres d'vn meſmes corps.Car fi l'en


fant auoit fon pere, ou l'homme fon amy qui
fuſt fort honoré & exalté, ne fe refiouyroit il
pas de fon bon heur, comme du fien meſmes:
il
I- -

| D E S. H I L A I R. E. 875
il n’en faut aucunement douter.Et fi vn mem
bre d'vn corps endure,il y a telle ſymmetrie &
fympathie entre tous les membres d'vn corps
que les autres compatiſfent: & au contraire fi
vn membre fe refiouyt, cõgaudent cetera mēbra,
De là vient qu'en l'Egliſe , quand on veut ce
lebrer la memoire de la Vierge Marie, ou de
fainćteGeneuiefue,ou de quelque autre fainćt,
on cốmence biếfouuết l'office de la Meffe par
ceſt introite, Gaudeamus omnes in Domino,ớc,de
façon que la celebratiố des feſtes des Sainćts,
n’eſt autre choſe qu’vne aćtió de graces à Dieu
& vne refiouyſlance de la felicité des Sainćts . . .
auec loüange.Et à la verité c’est biếeſtre enne
my de vertu,& ſe monſtrer enuieux, & vouloir
empefcher de faire bonnes æuures, quand on
est marry de la loüange qu'on dőne aux Sainćts
qui ont esté gens vertueux. Y a-il en ceux-là
quelque ſcintille de charité, qui ne veulentau- niffes galai
n'y a
cunement congratuler à la felicité des Sainćts aucune rha
rreſpaſſez?non certainement, Auſſi leur maistre, .
Cafuin cốfeffe que luy ny fes femblables n'ont
aucune cőionćtion auec les Sainćts de Paradis.
Mais nous diſons & croyons le cőtraire, & l'E
glife Catholique ſe cőformant à l'eſcriture ce
febre leur memoire, Mar.14, Heb. 11. Ecc.44.6
Prou. to.AM iusti cum laudibus. Voylà dốc
deux des cauſes pour leſquelles de
Bastl.in Gor
tout téps!'Egliſe Catholiĝa celebré toustesans dinm marty
au iour de leur trefpas la memoire des Sainćts rem,
trefpaſſez: cóme a bien remarqué S.Bafile
/ I ii
876 A V I O V R

au fermő qu'il faićtin Gordii mart.Primàpropter


Deũ,vt Deus glorificetur:deinde propter ipſos cele
c-Antiqnité hramusfestum fanttorum.Mais demandera quel
SaintHr, “qu'vn
receuëest-ce vne choſe
en l'Eglife , q lesanciéne,& de long tếps
festes & memoire des
origene. Sainćts? Ouy. Ie m'en rapporte à Origene qui
eftoit enuiron 2oo. ans apres noſtre Seigneurs
lequelinterpretãt ce lieu de S.Matt.2.chap. Ra
chel plorăsfiliosfilos,recite á l'Egliſe celebroit de
fontếps la memoire & feſte des petisinnocens,
& dit que ceſte couſtume estoit ja de long tếps
receuë en l'Eglife.Si cela ne vous cốtente, lifez
zafel.libr. e. qe qu'eſcrit Euſeben l'hiſt Eccleſ.lib.4.cap.1 r.
hist.Eccl.e.r. & ne le dit de foymeſme, mais le recite ex epist.
Smyrnenſium, deſquels le paſteur S. Polycarpe
auoitenduré la mort pour la cőfeſſion du nom
de Ieſus Chriſt. Voylà le texte. Nous auons re
cueilly les oſlemens & reliques de ce glorieux
* martyr, & les estimós plus q tout l'or du mốde,
- * & pro more,les auons mis ainſi qu'il appartient,
“ ” Et que faićtes vous? Quo in loco etiam nunc præ
stante Domino, folēnes agimuscelebréfque cõuentus,
maximè quidēin die paſionis eiuss/ed & că eo me
morias eorum quipriuspaßiferant celebramus, vt
fequentiñ animi adprecefforum viam exemplis inst
gnibusfaſcitentur, Sicela ne vous contente,lifez
Nº jº"* encores S.Gregoire Nazianzene, in Cafariana,
& enl’Oraiſon des Machabees fainét Bafile au
a tai lieu preallegué, fainét Ambroife au fermon 91.
: " & en pluſieurs autres fermons,qu'il a faićt de la
feste des Sainćts, & S.Auguſtin auſſiin Pſalm.
- 68.&*
sA1 N cT H I L A 1 R. E. 877 -

63.& lib.z o.contra Faustum,ca. 21.& aux fermős ** *; **"/°


de Sanctis.La troiſieme cauſe pour laquelle l'E
glife catholique celebre tous les ans la memoi-fa
re des Saincts,comme remonttre S.Baſile,c'eſt sainās.
pour noſtre bien & vtilité, vt ad ipſorum imita
tionem excitemur. Autant en dit S. Auguſtin,con
cione 2. in P/al. 88.& un enarrat. P/a.6 8.& au lieu
preallegué,lib. 8. de ciutate, cap. 27. & fermone
47. de Sanctis.& lib.2 o. contra Faustum, cap. 21.
Et Eufebe au lieu preallegué, à fin que nous
foyons incitez à imiter leurs vertus , & faire
comme eux. Mais ie vous prie confiderer que
l'Egliſe eſt bien gouuernee en cecy. Primò,elle
louë Dieu & les Saincts par pſeaumes,hymnes
& cantiques : apres elle lit les leçons qui con
tiennét la vie des Sainćts,comme il a eſté bien
inſtitué en fon bas aage, comme il a prouffi
té & augmenté toustours en vertu , & à la fin
comme il eſt paruenu à lá gloire eternelle.Eſt
ce chofe mauuaife de reciter ou eſcrite l'hi- : - -

ftoire d’vn homme de bien ? Que fait autre / g


choſe fainćt Luc, quand il eſcrit les Actes des f., ,
Apoſtres? Caluiniſtes,cela vous fait-il tant mal sainās,con
au coeur, queautant
Sainćts,pour vousque
ayeż
nousoſté les feſtes
recitons des mistes,
les ver- " Celui

tus des gens de bien, & celebrons la memoire


des amis & fideles feruiteurs de Dieu ? Eſtes
vous tant, amateurs du monde, que ne vou
liez ouyr parler d'vn homme , qui a fuy le
monde , pour fe retirer en folitude ? Eſtes . .
vous tant addonnez à volupté, & à vos menus
- Ii i 2.
878 A V – I O V R

plaiſirs, qu’ayez malau coeur d'ouyr parler de


vn hőme chafte & amateur de toute pudicité?
Les biens du monde vous font-ils en fi grande
recommãdation:eſtes vous fi frians de nos cali
ces d'or & d'argent ? Eſtes vous tant fur voſtre -
bouche, vostre vétre eſt-il tãt voſtre Dieu, que
ne vouliez ouyr parler d'vn homme fobre, qui
prenoit plaiſir à ieufner , & macerer fa chair?
Tant s'en faut que vous deuffiez trouuer cela
mauuais,& boucher les aureilles qųãd on reci
te la vertu d'vn fainćt,que cela deuroit aiguil
lonner à vertu,& vous inciter à les imiter. Exế
la enim mouent,comme dit S.Baſile in 40. mar
tyr.Quand les feruiteurs oyent reciter ou liſent
ce qui eſt eſcrit en Geneſe, que le bon Ioſeph
estãt ſolicité par ſa maiſtreffe, n'a iamais voulu
cőſentir à faire yn tel deshốneur à ſon maiſtre:
ne font-ils pas excitez à ſon imitatiố à eſtre fi
deles à leur maiſtre ? Quand les femmes oyent
reciter l'hiſtoire deS.Suſanne,laquelle a mieux
aimé estre cốdamnee honteufement à la mort,
que de faire vn faux bód à fon mary,nę font el
les pas excitees à garder la foy qu'elles ont pro
miſe à leurs maris,à l'exéple de S.Suſanne? Et
pour venir à la feſte du jourd’huy, quand par
la lećture de la legende de monſieur S. Hilai
re, nous entendons qu'il eſtoit fi bon catholi
Il me faut bậ
que deuant qu'il fuſt Eueſque, qu'il ne vouloit
ter ny mäger iamais boire ny manger, ny frequenter aucu
auec leshere nement auec les heretiques, ny meſme les fa
#s4ues. -
luer, tant illes auoit en horreur:n’eſt-ce pas vn
coup
id e s. H I L A 1 R e. 879
coup d'eſperon pour nous faire abhorrer & fuir
la compagnie des heretiques,comme de ladres
qui infectent les autres de leur puante halaine?
Quãd nous entendons qu'il n'arié eſpargné,ny
fa peine,nyfa vie ; pour deffendre la religion
Catholique, & reſiſter aux ennemis de Dieu &
de fon Eglife.Cela ne doit-il pas nous inciterà
employer tous les moyens que Dieu nous a dő
nez,pour fouſtenir la querelle de Dieu;&refi
fter aux heretiques, fans eſpargner nos biens, L les
ny la vie,fi meſtier eſt? O les exemples font de / .
edification.Ce n'eſt dốc ſans cauſe que difrain.
ainćt Bafile en l'homelie in 40. martyres, dit safl. in es:
que pittores & ſcriptores ad fortitudinem excita- "*""·
runt multos: En peignant ou eſcriuant lesbeaux
faićts desgens de bien. Comme quand nous
voyons craticulampittamin manu diui Laurenti):
Il nous fouuient de la conſtance qu'a eu fainét
Laurent, endurant le tourmét pour la querelle
de nostre Sauueur.Et fommes par celaincitez
à ſuyure ſon exemple. Et pourtant fainét Paul u.t.,,.
voulant inciter les Iuifs à toute vertu,& à rece
uoir la foy Chrestienne,leur propoſe l'exemple
de leurs anceſtres,Abel,Enoch, Abraham, Ia
cob, Ioſeph,Moyſe.Et apresauoir faićt vn dif
cours & vne recapitulation des vertus grandes,
& de la foy des bons Peres, vient à conclurre
au trezieſme chapitre: Mementote prapoſitorum
vestrorum, qui vobis locutifunt verbum Dei, quo
rum intuentes exitum conuerſationis, imitaminifi
dem. Souuenez vous de vos anceſtres, & de cs
Iii 3
88ö . . . A v. , 1 o v R -

qu'ils vous ont dit. Soyez imitateurs de leur


foy & de leur conuerſation , regardans quel
chemin ils ont tenu, pour paruenir au lieu de
repos eternel, & quelle a eſté leur fin, fi vous
voulez paruenir au Royaume celeſte, comme
eux. Ces parolles de fainct Paul s’addreſſent à
nous,auſſi bien comme aux Hebrieux. Carnous
ne paruiendrons iamais au Royaume de para
dis auec fainct Hilaire & les autres Sainćts, fi
nous me fommes imitateurs , & de leur foy, &
de leur vertu. Et c'eſt pourquoy l'Eglife gou
. . . uernee par le fainćt tous les ans
: la feste de fainét Hilaire, & des autres grands
perſonnages, pour rafraifchir la memoire de
leur vertu, & nous propoſer leur exemple , &
- nọus inuiter à imiter leur vertu, leur doćtrine,
Pourquoy les -

i & leur foy. Ne vous esbahidez donc plus,


veulē pas ce- pourquoy les heretiques ont ofté les feſtes des
tre la feste Sainćts. C’eſt parce que le diable ne veut pas
des Sainéis. qu'ils imitent leur bonne vie, ny leur foy , qui

eſtoit Catholique,& contraire à celle des Cal


uiniſtes & autres heretiques : comme remon
ſtre fainct Ambroife,fermo.g1.de inuentio.corpo
rumfancti Geruasti & Prostasti. Et parce que par
la foy d'iceux, ils ont toufiours eſté conuain
cus d'herefie. Auffi ont eſté conuaincus les
Valentiniens par fainét Irenee, lib.4.cap. 14. &
Eunomius par fainét Bafile, & Vigilantius par
fainét Hieroſme , & Iulianus Pelagianus par
fainét Auguſtin, cap.2.lib. i.aduerstu ipſum, &
tous autres heretiques par Tertullian, au liure
- de
v'
D E s. H I L A 1 R e. 881
deprestriptionibus.Parquoy fi les Caluinistes ce
lebroyét la feſte de fainćt Hilaire & des autres
Doćteurs de l'Egliſe,ils fe cốdamneroyent eux ' - ',

meſmes,comme gens qui ne les veulēt pasimi- -

laire à qui
ter,& ont bruflé
Poićtiers, & delesfainét
offemens de àfainét
Irenee Lyon,Hi-& "v te/area
des E
de pluſieurs autres Sainćts,l'an 1562.vtteitantur; :ofế
historia.Sila memoire desgés de bien qui nous claud, de
Ont precedé , eſtoit bien imprimee & engra- saindes.

uee en noſtre
fermon coeur, il ne faudroit
& aduertiſſement, point autre
pour corriger no- . :ar

ftre vie, & aſſopir les herefies de nostre temps.


Ils nous ont laiſſé de merueilleuſement beaux
exemples, ſi nous voulons les imiter: mais ſpe
ciallement fainćt Hilaire, duquel nous
auiourd'huy la feſte en l'Egliſe Catholique:
laquelle pour nous donner à cognoiſtre qui
eſt fainét Hilaire, luy accommode en l'Epiſtre
du iourd'huy ceſte loüange prinſe du quaran
tequatriefme chapitre de l’Eccleſiaſtique. Ecce
fàcerdos magnus. Voulez vous fçauoir qui eſt
fainćt Hilaire, duquel on faićt auiourd'huy la
feſte? C'est yn grand Prestre & bon Paſteur,le
quel pour fa bonté & vertu a à Dieu , &
a appaifé fon ire. Orfainćt Hilaire est loüé de
trois choſes.Premierement,de fa dignité facer
dotalle.Secondement,de fa grandeur.Troiſief
mement, pour auoir pleu à Dieu, de forte que
qui nous demanderoit pourquoy faićt on feſte
de fainét Hilaire ? On reſpondroit, c'est pour
autant qu'il a esté Prestre & Eueſque. Et quel:
I ii 4
882 Av,1 o v R
grand. Et pour autant qu'il a pleu à Dieu, corn
me il nous a faićt cognoiſtre par beaucoup
za dignité/a d'arguments. La dignité de laquelle Dieu a le
ter tale / plus honoré nature humaine, a eſté la dignité
la plus gräde
qui foit au facerdotalle,principallemét celle qui est fecun
-

*
monde,
: * -
dum ordinem Melchiſedech. De laquelle eſt chef
* ,
noſtre Seigneur Ieſus Christ , lequel Sainćt
Paul Hebr.4.appelle pontificem magnum. Vous
ne fçauriez parler d'vn Prestre, que vous ne
parliez d'vn grand Miniſtre. Caril est Miniſtre
de Dieu. A qui à dit Ieſus Christ: Qecunque li
gaueritis ſuper terram, &c. Et quorum remiferitis
resta christ apeccata,& c. Non regi,nã imperatori,non etiaman
döné plu gră ,fed foli facerdoti. Comme remonſtre fort
e
de ********
au prestreque
bien S. Íean Chryſoſtome libr. 3. de facerdotio.
• ,* • - -

Et pourtant diſoit S.Paul 1.Timoth.J. Qui bene


aux Anges. preſunt presbyteri, duplici honore dignifunt. Vous
deuez double honneur aux preſtres qui font
biếleur deuoir,& s'acquittét bien de leur char
Meri ge. C’eſt vne marque certaine pour cognoistre
cognoisire vn
vray Catho que vne perſonne eſt biếaffećtee à fa religion,
lique. quand elle reuere les Preſtres & Miniſtres de
l'Eglife. Car c'eſt vn des plus grands moyens
que l'on ayt pour entretenir & donner pied
& authorité à fa religion. Ce que cognoiſſant
Refe de Iulia Iulian l'Apoſtat ( comme recite Nicephore
l'Apofiat. libr:1o.cap.4.) pour dilater fes fimbries, & am
plifier l'idolatrie,il fçeut bien auoir ceſte indu
ftrie d'inſtituer qu'on feroit grand honneur aux
facrificateurs & miniſtres de fa religion : pre
uoyant bien q fadićte religion ne prendroit
al
d = s. H 1 1 A 1 R. E. 88;
aiſément pied, & ne l'eſtimeroit on pas beau
coup files miniſtres d'icelle eſtoyết vilipendez
du peuple & des gráds Seigneurs.C'eſt la mef
n1c our laquelle tous les Roys anciens
ont honoré leurs prestres, & leur ont donné de
grands priuileges , non pour l'amour d'iceux:
mais pour l'entretenement & augmentation oy leg

de la religió par ce qu'ils voyoyent: ſi ces per- }


fonnagesicy font de nous fauoriſez & priuile- exempts de
giez,le peuple y aura plus grande reuerence.Là i er tri
où s’ils estoyent tributaires, ils feroyent com- but an Rey.
me le commun, & n'en tiendroit on compte.
Parquoy il leur faut donner de grands priuile
ges. Et pource vous auez en la loy de nature
ainfi cốme il eſt eſcrit en Geneſe,ą les prestres
d'Egypte ne payoyent point de tribut au Roy:
ains du temps de la famine furent nourris des
greniers communs. Auiourd'huy pareillement
ceux de la nouuelle religion, à fin de donner
plus d'authorité à icelle honorent & reuerent
grandement leurs miniſtres. Et s'il eſt question “
de leuer deniers pour executer leurs malheu- {::::
reuſes entrepriſes contre Dieu, contre l'Egli-
fe Catholique, contre le Roy , contre leur pa
repospublic,ils fe garderont bien
de y cortifer leurs ministres. Et nous au con
traire, il femble que nous tendions à la ruine
de noſtre religion Catholique, & que ne cher
chions autre chơfe.Car s'il eſt question auiour
d'huy de parler d'vn Preſtre ou d'vn Eueſque
en quelque compagnie, Dieu fçait comme ils
|
- I ii ;
884 A v 1 o v R.
font vendangez & denigrez : il n’est pas fils de
bonne mere qui ne iette vne pierre en leur iar l

din. S’il eſt question de leuer quelques deniers


& faire quelques emprunts, ce font les pre
miers taxez que les gens d'Eglife, nonobſtant
leurs priuileges donnez par les anciens Roys.
1 argent que C'est bien loing deles augméter.Et que deuiết
on prend fier
i Egliſe,porte tout ceſt or
& argent que on leue furles gens
amalheur. d'Eglife? On le peut à bon droićt appeller au
rum Tholofanum. Car il porte malheur à ceux
qui le prennent. Le Roy en eſt-il acquitté? Le
Royaume en eſt-il pacifié & debrouillé ? Le
peuple en eſt-il moins foullé & le
m'en rapporte à l'experiếce.Ie croy termement
que cela ne vient pas de l'inuention du Roy:
mais de quelques vns qui font aupres de luy,
aufquels on preſte trop l'oreille,qui ne deman
dent que la ruine de l'Egliſe quelque bốne mi
ne qu’ils facent. Et qui ont bien ceſte aſtuce de
preuoir que c'est vn vray & propre moyen pour
diminuer & abolir peu à peu noſtre religion
Catholique, de mettre les Ministres d'icelle
au rang du commun, & leur ofter leurs priuile
ges pour les rendre contemptibles au peuple.
Parquoy fi vous voulez que la Religion Catho
lique perfeuere en France & foit maintenue
en ſon entier, gardez vous bien de contemner
& peu eſtimer les gens d'Egliſe, comme font
pluſieurs : ains au contraire portez leur l'hon
neur & reuerence que leur deuez, cốme à ceux
qui font vos peres ſpirituels, & Ministres de
Dieu
D e : s. H I L A 1 R. E. 88;
Dieu viuant: & par ainſi on cognoistra que
vous eſtes bien la religion Catholi
que. Or voicy monfieur fainct Hilaire qui a
eſté en ſon temps Sacerdos magnus. Par O11

peut entendre qu'en l'Egliſe Chreſtienne il y


a vn facerdoce. Dont il s'enfuit qu'il y a vn fa- " : "E
crifice propre à icelle, qui eſt offert par le feul : :
preſtre de la loy Euangelique, ainſi comme ...
auoit predićt le prophete Malachie, chap. 1. te- qui ne peut
fe Iraneo,
cap.3 cap.32.lib.
r.lib.18.de 4. aduerstu
ciuitate Dei,6- lilherefes,
19 p.23August.
& in , "ºfer:le
Pfal.1 o 6.& cap.2 o.lib.ı.contra aduerflegis&pro- -

phet. Euſeb. Caſtr.cap. vltimo, lib. 1. demonstra.


Euangel. Chryſostom.orat.2.contra Iudeos, Dama
ften.cap.14.lib.4.defide,& Hierony. atque Theo
doret. in Malachiam. Or eſt-il ainſi, qu'il n'y a s.Hilaire c.
Huguenot tantacrifice
ftret vn autre maling distinct,
ſoit-il, quiqui
fceust
ſoit mon-
offert les ditArestres
la
- - effe,comme
ar le feul prestre de la loy Euangelique,&que
| peuple ne puiſſe offrir finon le ſacrifice du tay Emange
corps & fang de Ieſus Christ. Puis donc que lique.
fainćt Hilaire a eſté preſtre, il a offert ce ſacri
fice, & a dit la Meffe, comme fes predeceſ
feurs Sainćt Pierre, Sainćt Paul, Sainćt Mat
thieu,fainét André,& les autres Apoſtres, ain
fi comme recite Abdias en leur vie:Omnis enim
pontifex ex hominibus affumptus pro hominibus cõ
ftituitur, in ijs qua funt ad Deum vt offerat donacó- -

facrificia propeccatis non faistantùm fed etiampo- Quel est l'of


- » fce du prestre
puli. Hebreo. r. Qui eſt | office d'vn preſtre &
d'vn Euefque ? autãt que nous pouuons extrai- ueſque.
Te
/

886 . A v ,1 o v R |
|
re de ce lieu de fainét Paul, & autres lieux de
l'Eſcriture fainéte,c'est preſenter à Dieu lefa- ,
crifice de la Meſſe (car nous n'en auons point :
d'autre propre aux preſtres) prier & eſtre me
diateur entre Dieu & les hommes, enfeigner |
le peuple, & diſtinguer entre lepram & non le |
pram. Monſieur S.Paul 1. Timot. 3. & ad Tit. i.
deſcriuant les condititiós d'vn Eueſque & d’vn
bố Paſteur,les depeint de ces naïfues couleurs,
il faut, que
vm Rey é di fant: Oportet epiſcopum irreprehenſibilem effe,
yzt

F. 4, & fine crimine/obrium,caffum,č potentem exhor


nent exemple tari in doctrinafana,& eos qui veritati cõtradicit,
coarguere. Pour eſtrepreſtre & Eueſque de l'or
"" dređenostre Seigneur, quiest Prince desin
nocens,il faut eſtre fans crime, il faut que nulla
palleſcat culpa, fa vie ne ſoit ſcandaleuſe,
pour deſtourner fes ſubiećts de la cognoiſſance
de Dieu, & de l'obſeruance de fes comman
demens: Nam regis & pasteris ad exemplumtotu
componitur orbis. Comme a fort bien dit Clau
dianus. Tel a eſté fainćt Hilaire, comme nous
cognoiſſons par fa legende. Et pourtant qu'il
a eſté tel, l'Egliſe dit de luy: Ecce facerdos ma
gnus. O le grand Eueſque qu'a eſté fainćt Hi
laire? Ila merueilleufement bien fait fon offi
ce. Il auoit bien retenu la leçon que fainét
Aa ritum r. Paul auoit faićte à ſon diſciple Tite,cap. 1. &à
* Timoth. *: Timothee, t.epi.4.cap. Exemplum teipſum prehe
in omnibus bonorum operum.Il auoit bien practi
qué la leçon que noſtre Sàuueur auoiffaictà
fes diſciples,&à tousceux qui ont charge d'au
- truys
D E S» H I L A I R. E. 887
truy: Sicluceat lux vestra coram hominibus vt vi
drát,id est, viderepoſint,opera vestra bona,c'glo
rificent patrem vestrum qui in calis est. Outre est
did : Õportet Epifcopum Dottorem effe. Il faut
qu'il foit docte (comme interprete S.Hierofme Il est neceſsi
ſur ce paſſage ) pour enfeigner les autres. Car re qu'»n E.
*e/que/ois
s'il est ignorant, comment eſt il poſſible qu’il doćře.
enſeigne les autres, comment pourra-il mettre
difference interfantium di prophanum, s'il ne le
fait pas? A ce propos difoit le prophete Ma Malach.s,
lachie,chap.3. Labiafacerdotis custodiunt ſcientiä
ởlegem de ore eius requirêt. C'eſt biế raiſon que
les paſteurs foyent doctes, Car fi vous regardez
leur office, Dieu veut qu'ils enfeignent les au
tres auſſi que le peuple ſe rende ſubiectà eux.
Et s'il a quelque au prestre qu'il
fe faut addreſſer, pour fçauoir ce qui en eſt, &
ce qu'il en faut tenir,& comme il fe faut gou
uerner, comme nous liſons en Deuteronome Dewr.ty,
17. où il est dićt que Dieu commandoit d'o
beirau preſtre, auec vne telle rigueur, que fi
aucun contemnoit ſa definition , Dieu vouloir
quepar la fentếce,& arreſt de celuy cui exoffi
º tio incumbebat, qu’il fuſt mis à mort inconti
nent, & n'auoit le de luy don
: nerfa grace. Dieu ne dit pas , Si vous auez
quelque difficulté de la Loy, venez à moy : le
pouuoit-il pas bien faire?ouy:Mais il veut que
on aille au prestre: pour monstrer de quelle
authorité a toufiours eſté la dignité facerdo
tale.Orfainét Hilaire n'a pas manqué de ceste
COIR
888 •A V I O V R.

condition requife en vn paſteur , & n'a cesté


iamais d'enſeigner les autres, & leur faire part
de fa ſcience, foit par predications, que par ſes
eſcrits,comme nous pouuós cognoiſtre par ſes
oeuures & fa legende, où il eſt dićt de luy: Qui
nunc hos ad piereligionis opera commouens, nācil
los de confeſſione fančie Trinitatis informans, nunc
reliquos promiſione regni calestis inuitans,nö ceffa
bat inplebe verba veritatisfruttum fidei redŭdan
tia/Gminare.Outre dit S.Paul: Oportet epiſcopum
ampletti eum qui fecundum doctrinam est, fidelem
fermonem, vtpotensfit exhortari in doctrinafana,
& eos qui contradicunt arguere. S. Hilaire n’a il
pas eſté tel? Ie m’en rapporte à Gregorius Turo
nenſis, libroprimo de Historia Francorum, où il
appelle S.Hilaire,Defenſorem Trinitatis, & à S.
Auguſtin,lequel cap fecundo,libriprimi, aduersta
s. Hilaire Iulianum,appelle fainćł Hilaire, acerrimum de
grandenen fenforem Eccleste catholice, aduerstu hæreticos. Ce
loué par S.
c-Augustin. ui eſt plus amplement declaré en fa legende,
où il est dićt de luy : Cumtempore Constanti, Im
eratoris pullularet hærests Arriana,vt cancer,qua
//ignifer belligeratorinter hostiles fremitus , inter
hereticorum gladios, fe ingerebat Christi charitate
feruidus; nihilde ſua morte formidans: illud /Glùm
metuens , ne iudicium religioni illatum præuale
ret. Apres la mort de Constantin le grand, e
ftant Empereur, fon fils Constantius, qui auoit
eſté ſeduićt par vn malheureux Arrien , l'he
refie d'Arrius, contraire à la foy Catholique,
croiſſoit & s'augmentoit de iour en iour,com
Im G
D E S. PI I L A I R. E. 889
me vn chancre , qui a prins pied vne fois en
quelque partie du corps, (Sermo eorum vt can
cer ferpit,inquit Apostolu,) & comme loups ra
uiflans , entroyent les Arriens en la bergerie
de noſtre Seigneur, & perturboyent & infe
ćtoyent de leur venin toute la Chreſtienté. - -

Ce que voyant Sainċt Hilaire, s'oppoſa hardi- Hilaire re.


ment
té, & vaillamment
comme vn vaillant à&leur fureur
hardy & impie-
capitaine: & . cºli- »

confirmant les François en la foy Catholi
que de la fainéte Trinité leur refiſta virile- .
ment, tant par fes eſcrits, que par diſputes &
predications : refutant leur herefie, qui enfei
gnoit que, le fils de Dieu eſtoit vne creature,
& n’eſtoit pas conſubstantiel à Dieu fon pere,
ny eſgal en puiſſance & eternité, il s'eſt mon
ftré en cela Sacerdos magnus , vray Eueſque,op
ponens/? vt murum pro domo Iſrael. (Ce que re
quiert aux Eueſques le Prophete Ezechiel,
chapitre trezieſme,) id est pro Ecclestafantia.Et FR-eh.".
fans ex aduerfo ne inimici veritatis poffent preua
lere. Ce qui a eſté cauſe que les François ont e
fté cőferuez en la foy Catholique de la Trinité,
& que l'herefie d'Arrius n'a peu prédre pied en - *

France.Vigil.Ofælix
uersta De qua ob eãGalliaquefola
cauſam dixit D. Hierony,ad-
caruit mõširis. France.g***
Et pleuſt à
Dieu que nos Euefques de France,
depuis 4o.ou yo.ans, euffent eſté imitateurs de
S.Hilaire, tant par eſcrits que par predications
& remonſtrances, refistans virilement à l'here
fie de Luther, & de Caluinsha nous ne fuſions
* * - : ** pas
89o A V I O V R.
pas tombez en tel defaſtre ny telle miſere que
nous voyons auiourd'huy en France de la
quelle on peut bien dire:Infæliæ Gallia que fca
tet monstris: O pauure France qui est toute plei
ne de monſtres, & en partie par la negligence
centre!
sefques
&
fe ignorance des Eueſques
font pas oppoſez, vt murum&pro
Pasteurs qui ne
domo Iffael,à
i "*"* Fimitatió du bon faina Hilaire,qui n’est pour
neant appellé Sacerdos magnus. Car vrayement
il a eſté grand non feulement en fes progeni
s. Hilaire de teurs ( qui estoyent des plus nobles de toute
nelle rece l'Aquitaine) mais auſſi en humilité,& fain&e-
*“1":"*" té de vie,& zele pour la religion, ieufnes, veil
les, oraiſons, abſtinences & toute forte de ver
tus qu'il eſt poſſible s'exercer. S. Hilaire est
dićtgrãd en fa doćtrine, laquelle il a bien faićt
cognoistre par les liures qu'il nous a laiſſez, &
ar les diſputes qu'il a fouſtenues pour la re
Catholique contre les Arriens. Outre
cela il a eſté Magnus,en conſtance & magnani
mité, laquelle a eſté cogneuë, par ce qu'il n'a
iamais perdu courage en temps d'aduerfité,
Carles Arriens voyans que Sainćt Hilaire, &
rr,i ton, E- deux autres Eueſques, c'eſtà fçauoir, Mediola
xe/ques ont nensts & Vercellensts, empeſchoyent que l'here-
tr *fie Arrienne ne peust aiſément prendre pied
en l'Egliſe Occidentale, par ce que c'estoyent
trois pasteurs qui veilloyent iour & nuićt fur
leur trouppeau , & faifoyent tout ce qu'ils :
Í pour rembarrer les loups qui vou-
oyent gaster leur trouppeau, par le conſeil &
|- - mence "
| D E "S." H I L A I R E. 891
menee de Saturninus Eueſque d'Arles , com
me dićt Sainćt Hieroſme in libro de Scriptoribus . -
Ecclestasticis, s'aduiferent de perſuader à l'Em- Rafº des he
pereur
& qui parConſtantius
l'eſpace de: vingt-quatre
( qui eſtoit deans,n’a cef- ;: :
leur fećte, 44 •

fé de perſecuter l'Egliſe de Dieu, & la Reli


gion Catholique, banniſſant, menaçant & in
timidant les Catholiques,& pillant leurs biếs)
qu'il feroit bon d'enuoyer en exil. Sainét Hi
laire, qui les rendoit muets (Deus enim illi dede
rat os & fapientiam, cui non poterantreffteread
uerfarij, comme il auoit promis, Luca 21.) Et
deux autres Eueſques Catholiques, à fin qu'ils.
euffent meilleur moyen d'entrer fans refistan
ce fur le trouppeau d'iceux Eueſques, & fe
mer leur zizanie, & infećter ledićt trouppeau V
de leur malheureuſe doćtrine, cependant que
ils feroyent fans leurpasteur. Ce que FEmpe
reur feit. Car par la fuaſion de Vrſatius & Va
lens, qui eſtoyent ennemis de noſtre religion,
(vt testatur Epiphanius hereſ? 68.) il enuoya en Epiph.hart.
exil ces trois bons Eueſques, & commanda à ***
Sainćt Hilaire eſtantin Synodo Byterenſi,de for
tir hors de fon Empire,& aller en exil en Phry
gie, où il a demeuré quatre ans entiers, eſtant -

banny hors de ſon pays, pour auoir conſtam- )


ment defendu la verité & Religion Catholi
que. Auquel commandement a obey Sainćt
Hilaire fe refiouyffant, quòd effet habitus dignus, 4*°.
pro nomine Iest contumeliampati,dece que Dieu
luy auoit faićt tant d'honneur ; de permettre
N Kkk
*
892 { * A V I O V. R " ":

qu'il endurast iniure & oppropre la que


s. Hilaire di-relle de noſtre Sauueur,tant s'en faut qu'il per
3de martyr.”dist courage pour cela, qu'il eſtoit preſt d'en
endurer mille fois dauantage. C’eſt pour
. x quoy au dernier reſponds du ſecond Noćtur
ne, & à l'Antienne derniere de Matines , l’E
glife chante de luy. Et fî huius animam fančtif:
fimam gladius perfecutoris non abstulit, palmam
tamen martyri non amifit. Et pourtant le faut
estimer comme martyr: fuyuant la reigle de
Sainćt Cyprian libro tertio , epištola ſexta , qui
eſcrit » Preſbyteris Cff- diaconis : dies eorum quibus
excedunt, annotate, vt commemorationes eorum in
termartyrum memorias celebrarepofimus. Quod in
illis est tolerauerät,quicquid tolerareparatifierant,
Non enim ipsttormētis/ed ipſistormenta defuerunt.
Il n'a tenu à eux qu'ils n'ayent eſté martyrs.
Parquoy iaçoit qu'ils n'ayent enduré le fup
plice de la mort violente, mais que mort na
turelle foit enfuyuie: fi est ce que vous deuez
marquer leiour de leur decez : à fin que nous
en facions memoire, comme des martyrs.Là il
parle des bons Chreſtiens, leſquels pour auoir
conſtamment confeſſé Ieſus Chriſt, auoyent
eſté mis en prifon, & ne faifoyent qu'attendre
l'heure du ſupplice, pource qu'ils perfiſtoyent
en la confeſſion du nom de Ieſus Chriſt. Et
bien lors que le monde contemnoit & ne te
compte de fainćt Hilaire, Dieu a-il aban
- noit

donné ſon bon & fidelle ſeruiteur? Non, non:


- - - -> 4 . Il
D E • S• H I L A I. R. E. 893
Ila bien monstré qu'il eltoit Sacerdos magnus, s. Hilaire
ila manifelté
eſtant fa grandeur
en exil,ila parmort
refuſcité vn miracles. Carf*i* lamiracles
par fa ptie-
re : & eſtant entré en vne iſle pleine de - “ e las

pens, ayant faićt le figne de la croix:Qmnes an-ı


te fe fugauit in extremam inſule partem. Il
les a contrainćts fe retirer tout au bout de l'if
le. Vous voyez en cela que funct Hilaire n’e
ftoit pas Huguenot, & ne ſe moquoit pas de:
ceux qui font le ſigne de la croix , ſgachant,
bien qu'il auoit la vertu & puitſance de chaf-, |

fer les ferpens viſibles x inuiſibles. I'ay grand' .. . . . .


peur que Dieu ne permette que tels ſerpens ' ’
venimeufes ne reuiennent en ce Royaume de,
France, pour faire la guerre aux ennemis de . . . . "
la croix, & à ceux lefquels craignans de per- as . . .
dre leurs biens, ou la faueur qu’ils auoyent,
enuers les grands, ne fe font pas beaucoup.
fouciez de deffendre la croix de nostre Sei
gneur, qui eſt le ſigne : In que viuimus, & qua
conferuaturimperium. Qui conferue les royau
mes,les villes, & donne la vićtoire. Venons au
reſte de noſtre epistre: Qui in diebus fuis pla-,
cuit Deo. En fesiours il a eſté trouué en la gra
ce de Dieu. Quand l’Eſcriture parle du Iuge
ment, elle ne dit pas que ce foit noſtre iour:
mais de la vie preſente, elle dit que ce font
nos iours. Ainſi eſt-il eſcrit en Iob vingt. &.
vniefmechapitre: Ducunt in bonis dies stas: &.
in punëto ad inferna defendunt. En ce monde
nous viuons comme nous voulons, & faifons
Kkk , 2
894 * A v 1 o v R
- vne partie de ce qu'il nous plaist. Mais quand
7 nous ferons partis,& que le iugement de Dieu
viendra,comme appellez vous ce iour là? C'est
dies Domini,nõ autem hominum.Car lors ny vous
ny moy ne ferons plus en liberté de faire ce
que nous voudrons. Or donc lainćt Hilaire a
eſté àDieu agreable,in diebus fuisìc'eſtà dire,ce
pendant qu'il eſtoit en fa puiſſance de bien
faire , ou mal faire, il a bien veſcu, perfeuerất
en l'obſeruance des fainćts commandemens
de Dieu: Et inuentus est iustus. Mais qu’appellez
Hiero. lib. 2. vous vn homme iuste? Sainćt Hieroſmelibro 2.
1 Plg. fait dốne la
de iugerde la P utiố:C'est vne choſe bis difficile de iuger
insti d'vn de la iustice d’vne perſonne.Pourquoyểpourau
bimevinant, tant qu’il faut premierement eſtre iuſte,
que toutes fesceuures foyếtreferees à la gloire
de Dieu. Siie fais aumofne, fi ie ieufne, &c.
Ie fuisbien iuste deuant les hőmes:toutefois il
peut aduenir que deuant Dieu c'est vn æuure
d'iniustice & d'iniquité.Carie cherche ma pro
pre gloire ou commodité, & non pas l'hon
neur & gloire de Dieu. Mais d'en iuger,il est
difficile: parce que vous ne cognoiſlez mon
coeur,ny l'intention quei'ay en teloeu
ure.Vous n’en fçauriez qu’en dire. Car il voùs
eft defendu de iuger de ma coſcience. Or de
mande S. Hieroſme; pour estre appelléiuste,
faut il qu’vn homme foit fans peché A lepren
dre ainfià la rigueur , il ne s'entrouueroit pas
,.Ioan.i.vn. Car comme dit fainét Iean 1. can. Si dixe
----- rimus
d e i s H 11 A 1 R e. 89;
rimus,quia peccatum non habemus,notipſos/educi
mus,& veritas in nobis non est. Et Salomon en fes
Prouerbes,chapitre vingtiefme:Quispotest dice
re,mundum est cor meum purus firmà | *.

fidicat, Nemo.Et pource diſoit tất bien Dauid,


Pfal.18. Delišta quis intelligit ? Pour ceſte cauſe,
aboccultis meis munda me domine. Ce que confi
derant S.Paul diſoit: Nihil mihi conſcius fiem,fed "Cºr.“
non in hoc iustificatus fum. Ie ne penſe point que
ma conſcience foit greuee de peché, toutefois
pour cela iene m'eſtime pasiuste deuant Dieu.
Ainſi vne perſonne ne peut pas bien iuger fi
elle estiuſte, encores beaucoup moins vn au
tre Quiſera
Iustos donc iuste,
effe affirmo,qui reſpond
funtfine S. quales
crimine Hieroſme:
multi o, e.a:y

reperiuntur, non autemfine peccato.Il y a bien des :


perſonnes quine voudront defrober,tuer, por
ter faux tefmoignage, commettre adultere,
ny faire aucun tort à leur prochain. Mais qu'ils
ne difent quelque parolle ioyeufe & oyſeuſe,
qu'ils ne fe courrouſſent quelques fois, ou,
qu’ils n'ayent quelque autre petite imperfe
ćtion, il ne s'en trouuera pasvn:Iustus enimca
dit in die fepties. Prouerbior. 24. Que appellez
vous donc vne perſonne iuste? celuy qui non
foit pecheur, vit fans crime & re
f ion deuant Dieu & le monde. Ainſi dit
'eſcriture de Zacharie & Elizaberh, parens de
fainét Iean Baptiste: Quod erant iusti ambocoram zuri.
Deo & hominibus. Sainét Paul qui deferit yn
Euefque parfaict, & armé de pied en cap, dit
*
: :::: Kk k 3
896 , , " : 'A W H I O V R : -

entre autres conditions neceſſairesad Titum 1.


qu'il doit eſtrefine crimine. Or tel a eſté fainét
Hilaire 's Hilaire, qui eſtoit homme fobre & fort hum
| / ble; fort charitable enuers les pauures. Il ne N

bailloit pas à ſes chiếs le bien quiappartiếtaux


pauures. Il ne theſauriſoit pas en terre du bien
du Crucifix.Il n'acqueroit pas des terres & fei
' gneuries pour enrichirfes parens. Il ne tenoit
pas lesordres pour auoir de l'argent. C'eſtoir
ennemy capital d'auarice & autres vices fcan:
daleux. Ce n'estơit pas vn ambitieux , qui eust
brigué & employé tous fes amis, ou baillé ar
, mau, gent, ou faict quelque ſeruice deshốnelte pour
esteu Eueſque audir l'Epiſcopati Ilauditeſte elleu via Spiri
Four/ diiritus fancii,à la requeste de tout le peuple quico
* 9 ſaia--tion
dtete,
gnoilloit la fainctete
qui eſtoit en luy.de Encorestauoitail
vie,& la grande erudi
faićł
grande difficulté d'accepter ceste charge,ſe re
putant indigne d’vnetelle dignité, & cognolf
fant la grandeur de ceste charge: ainfi consme
autresfois l'auoit refuſeer: pour ceste cauſe
Nazianz,.in .”“ • -

fainét Gregoire Nazianzene,commelny mef:


me confeſie en ſon Apologetique. A la verté !
quandon celebre la feste de ces bonsEueſques,
ie croy que la plus part des Eueſques duiour
d'huy rougiſient de honte, s'ils confiderent la
grande difference qui eſtentre eux & les anciés
Ëueſques. SainchHilaire preſchoit, confutoit
...sa les heretiques ilieufnoitsil estoit fort charita
i ble. Et quels ſonraujourd'huy nos Eueſques:
: Pleuità Dieu qu'on n'en veist ziens A toutle |
: ! !A - ' moins |
D E . s. H I 1 A 1 R. e. 897
moins quand ils liſent fa vie, cela les deuroit
inciterà eux corriger, Les bons Eueſques font
le bon peuple: mais auſſi est-cevne choſe cer
taine que le bon peuple faićt les bons Paſteurs. He perple
Ne reiettons donc point les fautes vns fur
les les bons

les autres. Car s'il falloit ietterle fort comme ""


du temps de Ionas,ie croy qu'il n'y a celuy qui
ne tremblaſt de peur que le fort ne tombast ' **
fur luy. Si le peuple eſt bon, il faićt le Pasteur .
bon. Voulez vous auoirde bons Pasteurs,priez ***
Dieu qu'il les conuertiffe & ofte leurs imper- - -

fećtions. Ou bien qu'il vous en baille d'autres.


Car fi nous eſtionstels que nous deuons eſtre,
nous aurions toufiours de tels Paſteurs que ;
nous meritons. Er pource il est eſcrit Iob 36.
Qui regnarefacit hypocritamregem propterpecca
tapopuli. Et c'est dequoy Dieu menaçoit ſon
peuple. Oſee 13. Dabo vobis Keges in furore meo.
Et par Efaye troifieſme chapitre. Dabo vobis
viros effeminatos qui dominabunturvobis. Or ce
peuple d'Aquitaine ne reſſembloit à celuy qui
y est auiourd'huy. C'estoit vn bon peuple -

qui auoit prié Dieu de leur donner vn bon Pa- : ;


fteur. Aufſi Dieu ne defaillit à leur requeſte.
Ne vous efmerueillez fi vousauez de mauuais * R * ?. -- Yi
,
Paſteurs. Il s'en faut prendre à vous meſmes. ,,
Car s'il eſt queſtion de mettre vn Abbé, vn , e ases,
Eueſque choifiraon le plus docte & le plúshá*
me de bien?à propos. baillera cela au plus
vitieux &à plus d'imperfections:
Voylà comme on y procede. Et pource au
- i - .-- Kkk 4
*
898 . . .. ; A V I O V R ·

iourd'huy il y a peu d'Eueſques defquels on


puiste dire comme de fainét Hilaire. Et inuen
tus estiuštis. S'enfuit apres. Et in tempore iracun
** * * diafačius est reconciliatio. 'C'eſt à dire,au temps
*** que nous dónons à Dieu occaſion de fe cour
roucer contre nous. Helas auiourd'huy en
tous eſtats,nous donnons bien occaſion à Dieu
*****/:
fe . “ de fe courroucer
nostre ambition, contre nous.
& autres Noſtre
grands auarice,
pechez que
nous commertons, meritent bien les maux que
nous auons. Nous meſpriſons & contemnons
l'honneur de Dieu. Nous ne renons compte
des ſacremens ny de l'inuocation des Sainćts,
& autres myſteres de noſtre religion, &c. Bref
nous prophanons tout. Parquoy nous don
nons grande occafion à Dieu d'eſtre mal con
tent de nous, & pouuons bien dire que nous
fommes auiourd'huy in tempore iracundia. Est
il poſſible voir vn temps plus remply de l’ire
de Dieu ? auquel les heretiques en pluſieurs
lieux font tant d'infolences & contre Dieu &
contre l'Egliſe, &c. Nous ſommes au temps
auquel Dieu nous donne des verges. Mais il
indt mous menace de frapper du bafton. Et que fe
tons nous en ce temps auquel Dieu est ainſi
i , courroncé contre nous ? Regardez à trouuer
de neu fier. vn qui foſt nostre reconciliation. Qui fera-ce?
fainst Hilaire.Ouy,mais,á-il puiſſance de prier
pour notis? Demandez vous cela ? Voyez ie
vous prielle malheur auquel nous fommes ve
nusauiourd'huy.Lifez tous les anciens & com
* - - -- IIlC4)CCZ
d e s. H I 1 A 1 R e. 899
mencez aux Apoſtres, & venez aux Papes, aux
Euefques, aux Martyrs,aux Docteurs, iufques
à noſtre temps. Vous trouuerez que telle a
eſté la foy de nos peres qu'eſt la noſtre, tou
chant l'inuocation des Sainćts: à la priere def.
quels ils fe recómandoyent de bon coeur.com- *

me Anacletus epištol.3.Orig. in Iob lib.2. Sainét º


Gregoire Nazianzene orat. in laudem patris fui,
& Athanatij, & Baſilġ, Sainét Hieroſme inepi- is .
taphio Paule, Sainét Augustin au liure des me
ditations cap. 24.6 lib. 2o.contra Faustă cap.21.
Sainćt Bafile homil. in 4.o. martyres( vbi eos in
uocat crappellat custodes humanigenerisprotetto
réfque potentifimos)& Theodoret.lib.8.Græcarum
affectionum. Ont ils perdu leur credit enuers
Dieu,z't exprobrat Vigilantio D.Hieronymus?Ont
ils perdu leur charité enuersnoustontils moins
de priuilege en paradis de fçauoir les ſecrets
de nos coeurs qu’ils n'auoyent en ce monde?
comme Daniel qui fçauoit bien ce que auoit
fongé Ñ Pour eſtre beatifié, a
il perdu ce don ? Les Sainéts ont ils moins de
credit que les Anges? (in calo enim erimus ſimiles
angelis, cốme il est dit Luc. 22.) leſquels fe ref
iouyſſent cognoiſſans l'interieure conuerſion
des pecheurs ? La distance des lieux empeſ
chera elle plustoſt les Sainéts d'entendre nos
prieres que Abraham celle du mauuais ri
che? (Car Caluin in Harmonia é opuſculis, con
feſſe que c'eſt vne hiſtoire, & que celuy erre
qui dit le contraire.) Sommes nous plus loing
Kkk 5
9ơo 4 * #Av , 1 o v R
des Sainćts de Paradis que le mauuais riche
ze; sainiten estoit d'Abraham ? Si l'ame d'Abraham a
bien ouy le mauuais riche,& le mauuais riche a
bien coģneu &ouy Abraham, pourquoy est-ce
na cap.r.eet. que lés Sainćts n'entendront nos prieres, foir
hierare. -que nous parlions ou non? Quant au vouloir
ie ne meperſuaderayiamais qu'ilsn'ayentcha
ritéenuers nous(quianiquam excidittefie Apo
2.des or-...stolo 1. Cor.13) & par cófequent bonne volon
's. e libr.4. tétont ils oublié nos neceſſitez? Ie dis que non,
2.J. CB’32. * & qu'ils les ſçauent bien. Carils ont autrefois,
- - -

** - esté en telle neceſſité que nous fommes. Par-


-quoy ils cognoident bien que nous auons be
á foing d'aide. ne faut pas douter
zqu'ils n'ayent.bo vouloir de nous aider,& que
-
.
:de faićtils ne nous aident. Quant au pouuoir
zcela est tout clair qu'ils peuuētbien nous aider.
• Car l'eſcriture nous apprend que apud Deum
afidua iustideprecatio plurimum valet. Iacor. Et
itant plusily a de iustice en la perſonne plusel
sle eſt conioinćte à Dieu ; & a plus de faueur&
-de credit enuersluy. Ortels font les Sainéts de
** Paradis. Carils n'ont plus de meſlanges de ce
* ", -monde,ny d'imperfections quiles puiſſent de
aftourner de Dieu. Parquby nous ne ferons
aucune difficulté de nous addreller à eux, &
· : nous recommander à leurs prieres : mais ſpe
- ciallement de monfieur Sainct Hilaire, duquel
'; -nous celebrons auiourd'huy la feſte eni'Egliſe
, ! oCatholique. Mais ce n’est pas pour aller iouët,
-
danſer,hấterles
* .... ..
meruens 21IC:
d e º s. H I 1 A 1 R e. 9or
faire banquets fomptueux (commeremonstre
aux Chreſtiếs S.Gregoire Nazianzene:Oratio
ne in Christi natiuitatem,orat.in Penterosten,or.in
fan&dumin & ora.2.in Iulianum, & S.Augustin
concione 2.in Pfal. 87.6 ferm. 21.defanátis) mais
our glorifier Dieu en fes Sainćts, qui leura
aićł tant de graces,& à la fin les a ſanctifiez,&
r le prier qu'il nous face la grace de lesimi
ter, & de nous amender, par les merites de S. ......
Hilaire, & de nous garder de tomber en erreur
' st« - »
& herefie , & de perfeuerer en la foy de nostre *** . ::
mere faincte Eglife, infques à la fiń& refister
de tout noſtre pouuoir aux heretiques,ennemis
de Dieu & de fon Egliſe,à fin qu'eſtans imita
teursde la foy & bonne vie de S.Hrlaire, nous
puiſſions auec luyparuenir quelques iours à la
gloireeternelle:Adquam nosperducat,quistnef
ne viuit & regnat Deus. Amen. : eo: ' '. , ,

s E R M O N D E LA CONv ER :
º si o n d e M o n s 1 E v R s. ..
- } &', ' , ' ' , Paul Apostre.- -, , 2 ; :jv,, , ,, , (}
,; ; ; ; , , ,, , , :
a Aulus adhuestirans minară cread. ***
indistipulos Domini, acceſſit adprin
B) ier”facerdotum, & petit ab eo epi
-| -24 . folasin Damastum adfinagogas,ztf?
quos inueniffet huius vie viros ac mulieres vinčios
perduceret in Hieruſalem. Deuot auditoire, le
tres-heureux & veritable Euấgeliſte monſieur
fainét Luciaux Actes des Apostres, parlant de
z ż, - la
9oz d e L.A c on v e Rs 1 o N -

la conuerſion de monfieur fainét Paul, ditain


fi:Saul enflambé encores de menaſies & maſſa-
cres contre les diſciples du Seigneur, veint au :
grand facrificateur,&luy demandalettres pour :
porter en Damas aux ſynagogues, à fin que s'il
rencontroit quelques vns de ceſte voye, c'est
àdire dece religion, hommes & femmes, il
les amenast liez en Hieruſalem. Icy nous faut
uistriera, au commencemét de la preſente histoire noter
e patiente diligément la grande miſericorde & profonde
de nostressi- patience de Ieſus Christ nostre Seigneur &
-***** . Šauueur.Saul encores grandemét enflambé de
menaffes & tuerie : il ſignifie que depuis qu'il
fut vne fois abreuué du fang des Chrestiés, il a
toufiours pourfuyuy vne meſme cruauté de
puis ce malheureux apprentiffage, comme en-
ragé d'vne rage & audace enragee , comme
vnebeſte farouche & fauuage, comme s'il a-
uoit esté neurry & allaićté du laićt des tigres
fauuages,lyősenragez,loups affamez, leopards
cruels & inhumains,ayant la bride lafchee,em-
ployoittous fes nerfs, & deſployoit toutes fes
forces pour abolir & engloutir tous ceux qui
faifoyentprofeſſion de la loy, religion & foy
de Ieſus Chriſt,defon fainét Euangile, & de
fon Egliſe Catholique. Et comme dit fainét
Luc, il eſtoit enflambé comme vn feu enflam
bé, ardant & bruſlant de menaffes contre les
Chrestiens abſens, & de tuerie cőtre les Chre-
ſtiens prefens, lequel vint au grand ſacrifica-
teur, & luy demandalettres pour sien:c
i '
D E S A I N C T P A V L» 9O3
de force & puiſſance, pour endommager les
Chreſtiens. Quand il eſt dićt qu'il impetra let
tres du grand facrificateur, pour les lier & me
ner en Hieruſalem,non content d'exercer con
tr'eux telles tyrannies en Hieruſalem , il a de
mandé lettres pour femblablement tourmen
ter les pauures Chreſtiens qu'il trouueroit en
la cité de Damas,notamment il eſt dićt, Accef,
fit, il alla non appellé, ains de fon plein gré ila
demandé lettres pour eſteindre le nom de Ie
fus Chriſt, & furieuſement deſtruire tous les
fidelles Catholiques Chrestiens. Par là nous
voyons donc le defordonné appetit, & infa
tiable defir qu'il auoit, pour faire mourir tous
les Chreſtiens & Chreſtiennes. . Il fait men
tion des femmes, pour nous donnerà cognoi
ftrede quelle furie il eſtoit embrafé, d'eſpan
cher le fang humain, fans auoir aucun
au ſexe feminin, ne à l'infirmité d'iceluy. Car
les genfd'armes en fureur de guerre eſpargnét
les femmes. Mais Saul eſt mené de telle rage
qu'il n'eſpargne rien.Voilavne beſte fauuage,
laquelle noſtre Seigneura aſſubiety non feu
lement en fon obeiſlance, mais auſſi l'a rendu
tout autre qu'il n'eſtoit au parauant. Car ce
loup fi cruel non ſeulement a eſté conuerty en
brebis, mais auſſi en paſteur de brebis, pref
cheur de verité, & grand doćteur de l'Egliſe
vniuerfelle. Voylà la grande mifericorde de
noſtre Dieu pere createur. Nous voyons auſſi
la profondeur & grandeur de fa patience, en
CC
9O4 DE L A CO NVE RS IO N
ce qu'il a permistelle cruauté eſtre exercee par
le loup rauiſſant contre fes brebis.Semblable
ment, nous voyons & experimentons en nous
meſmes la grande pariếce de Dieu, qui differe
prendre vengeance de nos pechez, aimant
mieux pardonner nos offenſes, qu'en faire pu
nition & vengeance: toutefois donnons garde
den'abufer de la patience de Dieu. Cőme dit
*** S.Paul Ignoras, quoniambenignitas Dei adpæni
tentiam teadducit ? Ne fçais tu pas que la beni
gnité de Dieu t'a amenéå penitēcei de laquel
Plußeurs a- lepluſieurs abuſent. Premierement , ceux qui
, , viuent iniuſtement, & toutefois ils proſperent
patience de punis
en corps & en biens.ilsEtcroyent
pource que
qu'ilsDieu
ne font
Diete. incontinent, ne
voit pas leur peché, ou qu'il ne s'en foucie pas,
ou que peché n'eſt point fi grand mal, comme
on le deſcrie & blafme. Ainſi à l’occaſion de
leur proſperité & impunité, ils eſperent qu’ils
efchapperont le iugemét de Dieu. Mais il faut
qu'ils pếfent que viure en profperité tếporelle
& fanté corporelle,& cependant ne venir à pe
nitence,à amendement & repentance de leurs
pechez,eſt vn certain argumết, indice & iuge
mér,que l'ire de Dieu eſtgriefuemếtindignee,
& grandementenflambee contr'eux.Seconde
ment,ceux auffi abufent de la patiếce de Dieu,
qui fontattendus plus longuement à peniten
ce,& cependant ils viuent plus meſchamment.
Tiercement, ceux abuſent de la patience de
Dieu,qui combien qu'ils ont receu plus -

* * 1CIAS
S A I N C T- P A V L, 9of.
.
biens de Dieu, toutefois plus grieuemét ils pe
chent contre l'honneur de Dieu.Car comme il
leur a donné plus grands biens, & plus enduré
patiemment, & attendu plus longuement, cer
tainement ils feront iugez & condamnez plus
grieuement & rigoreuſement. Et cumiterface
ret, contigit vt appropinquaret Damaſco, & ſubitò
circumfulfiteŭ lux de cælo,&c.Aduint qu'en che
minantil approchade Damas, & foudainemét.
vne lumiere reſplendit du ciel: & eſtant cheu.
en terre, il ouyt vne voix qui luy diſoit: Saul,
Saul,pourquoy me perſecutes tu? Ceſte lumie
re repreſentoit la viuification , &
vraye illumination du fainét Eſprit, pour chaſ
fer les tenebres d'ignorance, de rit & en
tendement de Saul Sainćł Chryſoft.hamil.4.de
laudibus Pauli,faićt vne queſtion : Si Dieu vou
loit fe feruir de S.Paul, & en faire vn Apostre,
pourquoy ne l'a-il appellé & illuminé plustost?
Là & en l'homelie3s. fur S.Matthieu,il reſpőd
que Dieu nous appelle quãd il voit qu'il y faićt
bon, & que nous ſommes preſts de luy obeyr.
Il n’eſt point faićt mention icy des merites &
bonnes oeuures de S.Paul. Car l'eſprit de Dieu grace e mi
nous dốne à entendre la grãde & gratuite bon-/ ** **
té & mifericorde de Dieu, & l'amplitude de fa : ""
grace diuine pour la cognoiſtre , confeſler & -

croire:cőme dit S.Paul, Donā Dei est, nõ ex operi


bus,nequis glorietur:c'eſt le dő de Dieu que nous
foyős appellez à la grace de Dieu,& en la gloire
celeſte,non point pour nos ocuures ne mcrites,
* a à fin
9o6 D E L A c o N v e Rs 1 o n.
à fin qu'aucun ne fe glorifie. Car le commen
cement de noſtre falut vient de Dieu, & non
Ioane, rf. de nous. Comme luy meſme a dit: Non vos me
elegiftis,fedego elegi vos. Vous ne m’auez pas ef-
leu, mais moy ie vous ay eſleu. Et comme dićt :
Ephefa. fainét Paul,Gratiaſaluatieftisperfidem.Par gra-
ce vous eſtes fauuez, & par la foy. Et cadens in
terram, Et eſtant cheu en terre. Le voylà main-
tenant contrainét & maugré foy de rendre o-
beyſlance à noſtre Seigneur. Voylà la gueule
du loup affamé & enragé ferree & fermee,auất
qu'entrer en la bergerie de noſtre Seigneur.
Voylà l'orgueil domté: l'impetuoſité fi cruelle :
amollie & adoucie:la ferueur boüillấte d'vn tel
zele peruers appaifee & pacifiee: la beſte pluſ-
que deſbordee maintenãtarrestee. Voylà le có
mencement de l'abaiſſement & humiliation de .
S.Paul, à fin qu'il fuſt rédu docile & beneuole
à eſcouter la voix de noſtre Seigneur, laquelle
ar orgueil il meſpriſoit lors qu’il eſtoit
ur fon cheual.Sainćt Augustin homil.1 s.de ver
bis Apoštoli,& Chryſost. homil, de laudibus Pauli,
donnent la raiſon, pourquoy noſtre Seigneur
a faićt tomber Saul,& l'a aueuglé: quia erat fer-
uenti & furenti animo , par ce que c'estoit vn
homme furieux & haut à la main,Dieu l'avou- :
lu punir & chaftier deuant fa conuerſion, à fin
d'amollir fon coeur felon, & d'vn loup en faire
vn agneau. Mais nostre Seigneur pour mon
ftrer fa puiſſance & bonté admirable, l'a guary
peu apres: & a faićt ce qu'ildićt en l'eſcriture:
Perch
s A 1 N c T P A v L. 9o7
Percutiam,& fanabo:occidam,có viuere fàciam. Et
eſtát cheu en terre, il ouyt vne voix qui luy dit:
Saul, Saul pourquoy me perſecutes tu ? Ceſte -
arole redoublee recommande; & rend loüa
la mifericorde de Dieu: lequel fe plainćtà
Saul, lequel damner il pouuoit. C’eſt vne gran
de grace ouyr Dieu | plaindre auec le pe
cheur. Curmeperfequeris ? Pourquoy me perfe
cutes tu ? Il demóſtre la grauité & peſanteur du
peché & du pecheur, qui ne peche point con
tre l'homme, ains contre Dieu: choſe terrible,
deteſtable & horrible. Icy nous faut noter que
Ieſus Christ ne dict point, pourquoy perſecu- Bien per
tes tu mes mébresì ains moymeſme:car il fouf-/ -
fre fesennuys en fes membres , & les perſecu- “
tiốs faićtes en iceux, illes repute & eſtime cő
me à luyfaićtes:comme auſſiil eſtime & repu
te les biens qui font faićts à ſes freres & mem
bres comme à luy meſmes,quand ildićt, Estri- {aith.ºr.
ui & dedistis mihi manducare, &c. Quodenim vni
ex minimisfecištis,mihi fecistis,& è contra. I'ay eu *

faim,& vous m’auez donné à manger. I'ay eu


foif,vous m’auez donné à boire. Ie vous dis en
verité,que ce qu’auez faićt au moindre de mes
freres qui fonticy,vous me l’auez faićt.Car Ie- Iesta christ
fus Chriſt
corps. auec
Caril est l'Eglife
le chef &&l'eſpoux
les croyans, est vn est vn "gif"
de l'Eglife, corps.

laquelle eſt nourrie & renforcee parfon eſprit.


Pource quand l'Egliſe eſt affligee, ou le moin
dre des croyans, Ieſus Chriſt eſtaffligé : lequel
du ciel aux perfecuteurs crie , & haute
* L
9ο8 DE LA coNV ER sI oN
- ment parle,pourquoy me perſecutes tu? Voicy
e fºlatien grande aux bons qui en leurs tri
““ Þulations,aduerſitez & perſecutions,par la foy
& efperáce en Dieu font feurs & affeurez. Au
iourd'huy ſemblablemét Ieſus Chriſt de gran
des menaces, menace les tyrans & mondains,
qui crie apres eux,pourquoy me perſecutes tu?
Le ſemblable eſt en Zacharie:Qui vos tã
git,tangit pupillam oculi mei.Celuy qui vous tou
che, touche la prunelle de mon ceil. Qui dixit,
Quis es Domine? Et ille.Egofum Iefia quētu perfe
.. . queris. Lequel dit, Qui estu Seigneur? Et le Sei
- gneur dit,le ſuis Ieſus,lequel tu perſecutes,du
rum est tibi cõtra stimulă calcitrare. Il t'eſt dur de
regimber cốtre l'aiguillon.Voicy celuy qui au
parauát ne faiſoit que degorger blaſphemes, il
eſt maintenãt preſt & appareillé d'ouyr ce que
luy fera commádé. Ego fam Iestu Nazarenu.Ie
fuis Ieſus lequel tu perſecutes.ceſte võix a per
cé le coeur de Paul, quand il a confideré qu'il
auoit faićt la guerre à Dieu iuſqu'à preſent : ce
qui le fleſchit à vraye ſubmiſſion & humilité,
cốfiderất qu'il ne demeureroit impuni, fi outre
il pourſuyuoit Ieſus Christ en fes mẽbres:
* <-- la puiſſance duquel il ne pouuoit euiter, fuir,
Aduertiff- ou efchapper. Icy nous pouuons recueillir plu
aaa fieurs aduertiffemens falutaires. Premieremét
quãd les Chreſtiếs font afflige z pour le teſmoi
gnage du S.Euấgile,& de la fainćte Egliſe Ca
tholique, ils oyenticy qu’ils ont le fils de Dieu
aſſocié auec eux pour leur ay der à porter leur
croix
- - sAINcT P A v L. 9d9
croix,&qu'il eſt touché d'vne meſme cốpaſſió,
cóme fi fes ennemis luy perçoiết font ſacré co
fté,luy clouoyent & crucifioyent fes amiables
mains & pieds precieux, qu'on doit adorer:cő
me continuellement il crie du ciel, que tout ce
que nous endurons,il endure auſſi.2.Autre ad
uertiſſement, horrible iugement eſt appareillé
aux perſecuteurs de l'Eglife de Dieu , leſquels
le ciel,cőme les Geans du temps paſſé,
& leſquels dardent des incő
tinent cherrőt fur leurs teſtes.Car en troublant
le ciel, ils embrafent la foudre de l'ire & iuge
ment de Dieu contr'eux. 3. Finablement, nous
fommes tousicy enſeignez que nul ne face tort
à ſon prochain & frere Chreſtien:autrement il
rencontrera le Fils de Dieu pour fon iuge,iuste
& equitable en fes iugemens. Et pource que
nul ne combate cốtre la verité de Dieu, & fon
Egliſe, & ne luy face la guerre parvne rage a
ueuglee, ſous couleur du zele du diuin culti On ne peus
uement: Dură est tibi cõtrastimulum calcitrare:Il refster contra
eſt dur de regimber cótre l'aiguillon, c'eſtà di la votonte er
re, c'eſt chofe difficile, & pour mieux dire,im; /*nee de
Diete,
poſſible, reſister & contrarier à la puiſſance de
Dieu:car celuy qui refiſte,ilfe perd ſoy meſme.
Cőme il appert en Pharao, Sennacherib, Ieza
bel,Manaffes,Caiphe,auec le peupleIudaique,
Dõt il t'eſt dur de ruer des pieds,& regimber cố
tre l'aiguillon,c'eſtàdire,talóner contre l'eſpe
rő.Cecy est vne fentéce prouerbiale prinſe des Sentice pro
beufs ou des cheuaux, qui ne gaignent rien de uerbiale.
2.
91o D E LA CO NV E R S I O N
ruer des pieds,ou regimber cốtre les aiguillons
ou eſperons: car par là ils redoublent leur mal.
hommes qui veulent refiſter & batail
ler contre Dieu,comme les afnes ou boeufs fe
rőt fuiets,veulent ou non, à baſtonnades & ai
guillons. Icy nous est demonstré le commen
cement de noſtre conuerfion. Car Dieu fans
estre appellé ne cherché de nous, il nous vient
chercher & appeller le premier, pour faire chã
ger les affećtions obstinees de nos coeurs, pour
nous rendre plus dociles,pour ouyr fa fainćte
& faluifiante parolle:Ettremens acstupens dixit,
Domine,quid me visfacere?Lequel tremblant &
Premier de
effrayé diſt, Seigneur, que veux tu que ie face?
gré à falut Et le Seigneur luy diſt:Leue toy,& entre en la
quel. ville,& là il te fera dićt ce qu'il te faut faire. Le
premier degré à falut eſt trembler & eſtre eſtő
né à la parolle de Dieu: carfur telles manieres
de gés l'eſprit de Dieu fe repoſe.Seigneur, que
veux tu que ie face:Voylà le fruićt de ceſte af
pre reprehếfion,par laquelle & parvne ſeule pa
role le loup cruela eſté cốuertien brebis inno
cente:car tout incontinét il crie,Seigneur, que
veux tu que ie face:cốme difant,Ie mainte
nant tout preſt & appareillé pour executer tes
cốmandemens,& parapres leur obeyr,lefquels
n'agueres fieremết & arrogamméti'auois meſ
priſez, Alamienne volonté que nous fuſions
de fi prompte & diligente obeiſſance à la cor
rection de nostre Seigneur Ieſus Chriſt,quãdil
nous repréd & admoneſte par ſa parole,il nous
II) C 113
- sA1nc r p A v t. 911
menaffe,il nous eſtonne. Il vient quelque-fois
iuſques à battre,pour nous diſpoſer à conuer
fion & humiliation, par pluſieurs & diuers
moyens:ce que nous ne pouuonsfaire de nous
mefines,ne paruenir auec bon fruićt en la gra
ce de Ieſus Chriſt, & illuminatiố de ſon ſainćt
Eſprit:Et Dominus adenm dixit,Jurge,& ingrede
re in ciuitatem,cribi dicetur tibi quid te oportetfa
cere.Et le Seigneur luy diſt, leue toy, & entre
en laville,& làílte fera dićt ce qu'il te faudra
faire. Ce qui eſt aduenu lors viſiblement, cela
auffi aduient en la conuerſion du pecheur.No- pien terle
ftre conuerfion commếce de Dieu,qui en qua
tre manieres parle au pecheur. Premierement, \
*

il eſpouuente & effraye, comme quand il di


foit: Saul, Saul, pourquoy me perſecutes tu?
Voilà la parolle de la loy, laquelle abbat, ierte
en bas & par terre l'arrogant & orgueilleux pe
cheur.Secondemét,il adiouſte & met d'auấta
gela parolle de l'Euangile,difant:Ie fuis Ieſus.
Ēt ceste parolle eſt pleine de toute cőfolation.
Tiercement,il propoſe & met au deuất ſon ire
& menaffe,quandil dit:Il t'est dur de
contre l'aiguillon.Quartement,quandila affez
redićt & repeté la loy & l'Euangile, & leiuge
ment aduenir,ſalutairemét il enſeigne, quãd il
dit : Leue toy,àfçauoir de tespechez, & entre
en la ville,c'est à dire,en l'Egliſe de Dieu: là il
te fera dićt ce qu'il te faudra faire. Et par ce
moyen noſtre Seigneur a voulu eſprouuer la
modeſtie de S. Paul, quand ille renuoye à ſes
* * Ll l 3
yi). D E L A c o n v's Rs 1 o N
diſciples pour eſtre enfeigné, leſquels ilauoit
eu en fi grand meſpris, & perſecuté en fi grande
cruauté. Et quand fainċt Paul eſt renuoyé à
Ananie, cela a eſte faićt pour magnifier & au
étoriſer la doćtrine des Doćteurs, Prelats, &
Preſcheurs de la fainéte Parolle en l'Egliſe de
Dieu,qui nous annonce fa faincte volonté, en
faiſant: refonner les fainéts oracles propheti
ques & fermons Euangeliques en la bouche
l
d'vn homme, qui fidellemét, purement, & vri
lement prefche & euangeliſelapaix de Dieu,
vºs & le Royaume des cieux : toutefois il fe faut
e adminitië danner garde de deux vices: Le que
falutaireaux les preſcheurs ne fe glorifient foubs couleur
fr/theºr“ de l’excellence de leur charge. Secondement,
que la baffc condition de leur perſonne ne de
roguerien de l'honneur,loüange,& gloire,qui
appartient à la ſapience celeste : Viriantem illi
qui comitabantur cum eo stabant stupefatti audien
tes quidem voćem, neminem autem videntes.Or les
hommes qui cheminoyếtauec luy s'arresterét,
estonnezoyấs bien la voix:mais ne voyans per
fonne. Icy nous voyons le iugement de Dieu:
fainét Paul eſt conuerty, fes compagnons de
meurent en incredulité. Cela nous enfeigne
comme nous deuons perfeuerer en la crainte
de Dieu. Et pour mieux dire, luy rendre grace,
de ce qu'il nous a appellé en fa grace, en re
iettant & chaſſant arriere les autres. Nous
se de, voyonsicy la nature des mefchans, ils oyent &
* entếdent la parolle de Dieu; & toutefois ils ne
font
s A 1 N c r p A v L. 913
font point eſleuez ou efueillez:mais ſeulement
eſtonnez. Ils voyent les vns cốuertis, les autres
unis,ils font eſtonnez,& non amendez. Ieſus
Chriſt eſt venu pour fauuer tous les hommes:
mais la malice obstinee des meſchans,eſt cauſe
qu'ils font abãdonnez,aueuglez, & finablemét
iugez & cốdamnez.Surrexit antem Saul deterra }
apertisá, oculis nil videbat.Et Saul fe leua de ter
re, & ouurant fes yeux ne voyoit goutte. Par
quoy ils le conduirent par la main, & le mene
rent en Damas, où il fut trois iours fans voir,
& fans mangerne boire.Caril fut rauy de la vi
fion celeſte, laquelleluy faiſoit porter la faim.
Le ſecond degré à falut,c'est quảdle pecheura " '
cogneu fon peché,
rifant lesbiens il fe leueaymant
terreſtres, de la terre,en meſ.
& defirant P.r. ".
biens celeſtes, & ouurant fes yeux, ne voit
goutte. Cela nous donne à entédre que la pei
ne eſt correſpondante au peché. Et comme
S. Paul auoit lors les yeux du corps ouuerts,
& toutefois il ne voyoit goutte,tel eſtoitil pre
mielement en l'ame. Ses compagnons le con
duirent parla main, & le menerent en Damas:
ils le menent au lieu où il eſt illuminé, & ceux
qui le menent ne font pasilluminez. Voylà la
figure de ceux qui enſeignent aux autres bon
nes & falutaires choſes, qui toutefois viuent
mefcháinent & damnablement.ll est mené par
les autres, il eſtoit venu pour conduire les au
tres à la droićte voye des fainéts commande
mens de Dieu, & fut troisiou
: :..a L 4
mans“nc!
914 D E L A c o N v E Rs 1 o R
boire, durant lefquels troisiours il a eſté en
feigné & illustré par la grace du fainét Eſprit
en la fapience de Ieſus Chriſt. Ce n'eſt donc de
merueilles s'il n'auoit point diferte de la viãde
corporelles veu qu'il eſtoit nourry de la viande
fpirituelle,à l'exemple de Helie & Moyſe. Erat
autem quidă diſcipulus Damasti nomine Ananias,
crc. Or y auoit-il vn diſciple en Damas nom
mé Ananias, auquel le Seigneur dit en vifion
(laquelle vifion a eſté neceſſaire à Ananias, à
fin qu'il ne refuſast la charge d'inſtruire fainét
Paul: ): Et le Seigneur luy dist : Ananias, &il
diſt, me voicy Seigneur. Et le Seigneur luy
* * * * diſt, leue toy, & t'en va en la rue qui eſt nom
** mee droićte , & cherche en la maiſon de Iudas
yn nommé Saulde Thrace, car voylàil prie. Il
luy marque les circonſtances des lieux, & des
perſonnes,à fin qu'il ne faille aucunement:Or
auoitil veu en viſion vn homme nommé Ana
nias,entrát & mettãt la main ſur luy, à fin qu'il
recouuraſt la veuë.Iuſques icy fainćł Luca ef
crit l'occaſion de la vocation de fainét Paul,
& de la puiſſante main de noſtre. Seigneur,
contre l'imbecillité2 & impuistànce des ty
rans. Maintenant il eſcrit l'admirable vocation
de fainét Paul à la loy, religion, & foy Catho
lique. Dixit adillam,&c. Paul aueugle,eſtendur
& couché fus la terre, il ne fçait quelle chofe
Dieu vouloit faire auec luy.Cependant Dieua
diligente cure & folicitude de luy,l'ordohnant
Preſcheur & ministre de falut
: : :
semel, s allt

*
- s A 1 N c t P A v 1. 915
fiant que Dieu a folicitude des fiens, combien
qu'ils ne lefgauét & penſent pas,comme ilap
pert par pluſieurs anciens exemples, comme de
Ioſeph, qui par fesfreres fut vendu en Egypte,
femblablement des Iſraëlites. Aufſi nous faut
il donner garde en ceſte preſente histoire, que
Dieu non ſeulement eſt le cómencementimais
auſſi la perfection de tout bien en nous.Car ce
luy quia commencé,iceluy meſmeaccomplira
le bon vouloir, la bonne parole, & la bonne
oeuure. Car c'eſt luy ſeul qui opere,& quidon- Philier.
ne accroiſſement à toutes bonnes choſes : les
forces naturelles font ſuffiſantes aux oeuures
exterieures: mais aux oeuures de noſtre falut,il
faut attendre la rofee celeſte, c'eſt à dire, la
grace de Dieu. Partant dira le bon Chreſtien.
Nonin arcu meoſperabo. Ie n'eſpereray point en
mon arc, c'eſtà dire,en mes forces. Ory auoit
il vn diſciple en Damas nommé Ananias. Ce
mot nous donne entendre que Dieu cognoiſt pien cogneist
les gens de bien par leur nom,comme il appert" º
de Moyſe. Mais au contraire au dernier iour ,
du grand iugement qu'il fera dit aux meſchãs,
combien qu'ils foyent vierges, & qu'ils ayent
faićt miracles. Neſcio vos, diſcedite à me. Ie ne 4(atth:7.
vous cognois point, departez vous de moy.
Ce pendant auſſi nous admonneſtez
de nostre coſté de chercher les brebis perdues
& efgarees, & que nous foyős plus prompts &
foigneux à ce faire que nous ne ſommes pas.
Il eſt dit que le Seigneur dit ha l
Lll f
:916 D E L A C O N V E R S I O N

de ſignifie certain tefmoignage de la prefence


de Dieu:de laquelle Dieu ſouuent a vfé enuers
les Prophetes & anciens Peres de noſtre foy.
Aufquelsila parlé parvifion & par figne:Ana
nias reſpond: Ecce ego Domine. Me voicy Sei
gneurs comme te recognoillant mon Dieu qui
parle à moy. Et le Seigneur luỷ dist: Surge &
vade in vicum, &c. Leue toy, & t’en va en la
rue qui est nommee droićte, & cherche en la
maiſon de Iudas vn nommé Saul de Thrace:
toise : * car voyla il prie Dieu. Par le moyen de Ana
ane par l'hom nieilailluminé Saul.Semblablement & enco
Bfe resil ayde vn homme par vm. autre : à fin que
nous ayons tous occafion d'exercer charité, &
de nous humilier. Orauoit il veu en viſion vn
homme nommé Ananias, entrant & mettant
la main fur luy, à fin qu'il recouuraſt la veuë.
Icy fainct Paulest confolé parvifion, à fin qu'il
ne tombe en defeſpoir : qui nous eſt vne gran
de conſolation. Et Ananias reſpődit:Seigneur,
i'ay ouy parler à pluſieurs de ceſt homme,com+
bien de maux il a faićt à tes Sainćts en Hieru
falem. Icy nous voyons que la chair a en hor
reur la croix, & la mort, comme il appert des
Sainćts & Sainćtes de Paradis, tãt du vieil que
du nouueau teſtament. Et meſmes de Ieſus
Chriſt comme vray homme : vrayement il a
craint la mort au mont des Oliues,comme plus
amplement vous pourrez voir en nostre liur
intitulé,Paſſionale Christi. 21, , . ; ;; ;
Et Ananias reſpondit: Domine audiui à mul
, ffő
sA 1Ncr p A v 1. 917
tir de viro hoc, &c. Seigneur, i'ay ouy parler à
luſieurs de ceft homme,combié de maux il a
faićtà tes Sainćts en Hieruſalem.Par ce moyen
ilmonstre vn figne d'vne reuerence & crainte
de Dieu excellente. Car combien qu'il ait en
horreur la mort, & qu'il face le pareſſeux du
cõmencement:toutefois foudainement il s'ou
blie foy-meſme, & va promptement où Ieſus
Chriſt l'appelle. Leſquelles parolles pourront
estre auſſi prinſes comme adiuratiues & ad
miratiues , comme difant: Si tu conuertiffois
vn tel perſonnage , ce feroit vn admirable ac
croiſſemét,ſeruice & augmentation de ta gloi
re. Car tu m’enuoyes à vn meurtrier & bour
reau fanguinaire. Icy nous pouuons veoir vn
defir de rendre obeyſſance, entremeſlé auec
crainte: meſmes dit Ananias, ila authorité de
par les Princes des prestres, de lier tous ceux
qui inuoqueront ton nom. Par ces parolles
nous pouuons recueillir que fa renommee de
la perſecution que Sauliournellement exer
çoit cốtre les Chreſtiens, eſtoit eſpanduë bien
loing: & pourtant fa conuerſion deuoit estre
lus magnifique & renommee. Et le Seigneur
ade, quoniam vas electionis mihi est išže,
cớc.Va,car iceluy m’eſt vn vaiſſeau efleu pour
porter mon nom deuất les Gētils, & les Roys,
& les enfans d'Iſraël, Grande confolation au
diſciple Ananie, lequel ne retourneroit fans Loiange de
l, toutefois auecgrand fruićt.En fes parol-/ a rani.
es eſt contenue haute & grande ku : de
ainćt
- 918 D E L A C O N V E R S I O N

fainét Paul.Premierement, cariceluy m’eſt vra


vaiſſeau efleu. Secondement, vn vaiſſeau non
tel quelicar c'est vn vaiſſeau d’election,non de
ire ou contumelie. Tiercement, caril portera
de coeur,de corps, de langue, de conuerſation,
d'eſprit, & de ame, le nom de Ieſus Christ.
Quartement,non ſecrettemét, mais deuant les
Gentils,les Roys,& les enfans d'Iſraël. Quin
tement il fouffrira beaucoup,non pour fes ma
lefices: mais pour le nom de noſtre Seigneur.
Choſe admirable,celuy qui auparauant de tou- |

tes fes forces s’eforçoit opprimer le nom de


Ieſus Chriſt, maintenãt a commiſſion & char
ge de le porter deuant tout le monde. Et abit
Ananias. Donc Ananias s'en alla, & entra en
la maiſon, à fçauoir, où estoit logé fainét Paul,
& mettant les mains fur luy,dift:Saul,frere, le
Seigneur Ieſus qui t'eſtapparu au chemin, par
lequel tu venois, m’a enuoyé, à fin que tu re
couure la veuë, & que tu fois remply du fainét
Eſprit. Ananias nomme fainét Paul frere, le
quel auparauantil ne cognoiſſoit pas: mais il
auoitouy de Ieſus Chriſt, qu'il eſtoit plaifant
à Dieu, là où il eſt dict que le Seigneur lefus
qui t'eſt apparu au chemin, par lequel tu ve
thu chriti nois. Par ceſte apparition , quand noſtre Sei
est au ciel af gneur diſtà fainót Paul, ie ſuis Ieſus, lequel tu
É, à la des- perſecutes. Par là nous voyons que Ieſus n’est
pasattaché
e pere, es en I a fi estroictement au ciel, qu'il ne
- - * *

puiſſe eſtre en autre lieu. Il eſtoit au ciel du


en la terre, quel ne fe bougera iuſques auiour du grãdiu
gement. |
|gement. S A I N C T P A V L. 919
Et fi eſtoit en terre, quand il parloit à
ằinét Paul,difant:Ie ſuis Ieſus.Ce que ſe preu
ue auſſi par le dire de S. Ananie, qui luy dist:
Saulfrere, le Seigneur Ieſus qui s'eſt apparu à
toy,au chemin,m'a enuoyé à toy. Si dốcil s'ap
parut au chemin,il y eſtoit fin'auoit
as delaiſſé le ciel.Pource il luy est facile quád
illuy plaiſt eſtre preſent en terre, fans delaiſfer
leciel miraculeuſement,& par maniere ſuper
naturelle,de par fa parolle omnipotente,
ſa treſſainćte & puiſſante volonté: Et confestim
ceciderunt ab oculis tanquam fquame, có vifum
recepit, &c. Et foudainement cheurent de fes
yeux comme deseſcailles,& recouura la veuë:
puis il ſe leua,& fut baptifé,& ayant mangé,il
reprint force. Ainfi Saul fut par aucuns iours
auec les diſciples qui eſtoyent en Damas,& in
continent entrant és fynagogues, il preſchoit
Ieſus Chriſt: car c'eſt la fomme & le but de la
predication de fainét Paul enuers les Iuifs,
encores attendoyent le fainét & facré Meſſias
promis en la loy par les Prophetes. Dont tous .
ceux qui l'ouyrent estoyent estonnez , & di
foyent:Nónne hic est qui expugnabatin Hieruſalẽ
eos qui inuocabant nomen istud?ớc. N’eſt-ce pas
cestuy-cy qui a destruićt en Hieruſalem ceux
qui inuoquoyent ce nom:&eſtvenuicy , à fin
qu'il les emmenaſt liez aux Princes des Pre
stres? Mais Saul s’efforçoit de plus en plus, &
confondoit les Iuifs qui habitoyent en Da
mas, confirmant que ceſtuy-cy estoit le Chriſt.
Nous
92o D E L A C O N V E RS I O N -

s. Paul sten Nous auons icy la raiſon pourquoy S. Paul a


4t eſté efleu de Dieu en la dignité Apoſtolique
*"*" à fin que la gloire de Dieu plus clairement fut
manifeſtee.Et cóbien que les mefchans voyent
& s’efmerueillent de la conuerſion des pau
ures pecheurs,toutefois eux-meſmes ne s’amé
dent point,mais recitent les pechez paſſez aux
conuertis en Ieſus Chriſt, par foy, & par peni
tence. Et fainćt Paul confondoit les luifs qui
habitoyent en Damas, non pas en repliquant
& reprochant leurs pechez, mais en alleguant
des teſmoignages des fainćtes & facrees eſcri
tures. En ceste maniere les Chreſtiens & bons
catholiques doyuent confondre les ſchiſmati
ques,ſacramétaires & heretiques S.Luc pour
fuit le grand bruit & prouffit que la conuer
fion de S.Paula apporté, à fçauoir, que tout .
incontinent qu'il s'est monstré & declaré eſtre
diſciple de Ieſus Christ, en s'expoſant à lahai
ne & rage des ennemis, & comme port'enfei
gne il combatiuſqu'au danger extreme, pour .
maintenir ſa gloire, laquelle il maintient par
fortes & viues raiſons,par leſquelles il confon
doit les Huifs, & les rendoit conuaincus. Caril
eſtoit garny deteſmoignages de la fainéte ef
criture, & autres munitions & ornemens du S.
Eſprit:ilaccabloit(par maniere de dire) fesen
nemis. Car ce mot de confondre, fignifie que
fainét Paul les preſſoit outre meſure, & les
touchoit fi viuement, de façon qu'ils ne fça
uoyent que dire ne reſpondre. Le moyen
- - . ICS
S A I N C T P A V. L. 921.
les confondre eſt exprimé, quand fainét Paul,
afermoit que Ieſus eſt le Chriſt. Lequel hum-ºrºiſºn
blement nous fupplierons, comme il a enfei-'
né l'vniuers du monde par la predicarion de
fondićt Apostremonſieur S.Paul,qu'il nous fa
ce ceſte grace, que nous qui auiourd'huy cele
brons fa fainćte & miraculeufe conuerſion,par
fes fainćtes & dignesinterceſſions apresles en
nuys de ceſte mortelle vie, nous puiſſions par
uenir à la conſecution de vie eternelle, pour
eternellement auec monfieur S. Paul glorieu
fement regner , & paruenir au tres-glorieux &
heureux Royaume des cieux, pour illec adorer.
la ſainćte Trinité,au pays promis,& celeſte Pa
radis. Auquel nous vueille conduire le Pere,le
Fils,& le fainét Eſprit.Amen.

P O v R L E 1 O v R D E LA
p v R 1 P 1 c a T 1 o n.
Et ecce homo iustus,cui, &c. Luc. 2.
K O s T R E Seigneur qui eſtoit ve
| nu en ce monde pour fauuer tous,
(1
{ NN | tess'estdevoulu manifeſter à toutes for- Pourque, te
perſonnes : pour monſtrer ft de Die"
qu'il eſtoit nay pour appeller à falut le Iuif &
le Gentil,le grand & le petit, l'hőme & la fem- , manifester
me,le maiſtre & le feruiteur,il a voulu manife- à toutes fir
fter le haut myſtere de fon incarnation à tous. tes degens.
Nous voyons en l'hiſtoire Euangelique, qu'au
parauant qu'il fuſt nay, l'Ange Gabriel s'appa
Il t
-

, * -

922 F o V R L E I o V R.
rut à Zacharie , & luy diſt, qu'il auroit vn en
fant precurfeur du Meſſias.Voylà donc ce bon
Preſtre quia reuelatió de l'incarnatiố de noſtre
Seigneur. Et cela ſuffira de preuue pour l'estat
facerdotal,& des grands. Et quant aux petis,les
Paſteurs meſmes en on ouy parler, lors qu'ils
veilloyent fur le troupeau que l'Ange s'appa
rut à eux,difant: Refiouyſſez vous: Èuangeliz?
vobis gaudium magnum, voſtre Sauueur eſt nay.
Dốc les grans & les petis(comme vous pouuez
voir) ont eu declaration de ceſte bőne nouuel
le.Et quant pour le ſexe feminin, toutes fortes
de femmes en ont ouy parler:La Vierge Marie
famere premieremét,à laquelle l'Ange Gabriel
a annoncé qu’il feroit Dieu & homme.Voulez
vous exemple de l'eſtat de mariage? Elizabeth
femme de Zacharie,viſitee par la Vierge Marie
prophetize de luy,& dict: Vnde hoc mihi vt ve
niat mater Domini mei ad me ? Ma coufine vous
auez vn enfant en vostre ventre,iele fçay bien,
lequel eſt mon maistre & Seigneur, & vouse
ftes ſa mere. Voylà vne femme mariee qui a cő
gratulé à la Vierge facree mere de nostre Redế
pteur. Si vous voulez de l'estat de viduité, les
veufues en ont cogneu quelque chofe. Ie m'en
rapporte à S.Luc qui faićt mention d'vne bõne
veufue, nőmee Anne,laquelle estoit Prophete,
& iour & nuićt elle vaquoit à oraiſons & ieuf.
nes fans partir du tếple: & à l'heure que nostre
Sauueury fut apporté,elle y eſtoit, & conſoloit
tous ceux qui eſtoyent là prefens, donnant tef.
- moignage
D E L A P v R I F I c A T I o N. 923
moignage de luy qu’il eſtoit le Meſſias. Voy là
voſtre Seigneur & maiſtre,duquel les Prophe
tes ont tant parlé : Apres les petis enfans l'ont . '
recogneu, Exultauit infans in vtero, dićt S.Luc Luc.r.
(parlãt de S.Iean Baptiſte) pour la prefence de
nostre Seigńr qui eſtoit au ventre de la Vierge.
Voylà donc tous eſtats,& toutes fortes de gens
qui ont eu cognoiſſance de noſtre Seigneur.Et
quãd des vieux,nous en auős exemple en noſtre
Euangile,où il eſt dićt:Et ecce homo erat in Hie
ruſalem, Voicy encore chofe nouuelle,& digne
d'admiration,vn homme de bien, & craignant -

Dieu, qui eſtoit ja tout decrepit, tellemết qu’il


ne faiſoit plusqu'attendre la mort,quia donné
teſmoignage de luy. Outreplus il s'eſt manife
sté aux Iuifs, & apres aux Gentils:comme vous
auez des Paſteurs, & des Sages venus de Perfe
en Bethlehem pour l'adorer. Pourquoy cela Ie
prens la pluspart de ceſte dedućtion de S.Bafi
le ferm.2.de natiu. Domi.Il s’eſt manifeſté à tou
tes fortes de gens, dićt S. Baſile, à fin que tous
prinffent de luy cốfolation & refiouystance de
celuy qui eſtoit venu pour tous,vult enim omnes 1.Timoth.z.
faluos fieri. Or donc il s’eſt manifeſté & reuelé:
à qui? à tout le monde. Car pour auoir falut il
faut auoir cognoiſſance de luy. Mais regardez
bien à qui il fe manifeſte. Ha ce n’eſt pas à gés
oyfeux, mais à ceux qui font trefbien leur offi-
ce.Et pource ne penfez pas cognoiſtre la verité
en vaquant à toute volupté. Carle plus grand
chemin qui ſoit pour tomber en herefie, c'eſt
- Mmm 2
924 pov R Le 1ov R
gourmandiſe. Ceux-là ont ja vn pied en en
fer. Regardez premierement qui a eu reuela
tion de noſtre Seigneur. Zacharie homme de
bien fungebatur officio facerdoti),il eſtoit en fa fe
Le Fils de maine,& faiſoit ſon facrifice.Donc noſtre Sei
pien nestre gneur ne s'apparoiſt pas à tous, mais fi nous
zuele finon à - - -

voulons cognoistre Ieſus Chriſt, faifons nostre


teur deuair. deuoir chacun en fon eſtat. Quand eſt-ce que
l'Ange a reuelé Ieſus Chriſt aux pasteurs ? à
l'heure qu'ils faifoyent leur office,& veilloyết:
fe reuelauit Christu pastoribus, ſed vigilantibus.
Et quand il s'eſt manifeſté à Anne, où eftoit
elle?au temple,& prioit Dieu. Et quand fainćt
Symeon a-il trouué Ieſus Chriſt? Quando ve
nit in ſpiritu in templum. Or donc perfeuerons
en ieufnes,veilles,prieres, &c. & Dieu ne nous
delaiſfera fans la cognoiſſance de noſtre fa
lut. Or le bon Symeon ayant rencontrê no
ftre Seigneur, l'a embraffé , & ne ſe pouuoit
faouler de le tenir. Et quel homme eſtoit-ce?
Et homo ifieiuštus. Qu'appellez vous iuſte:Cő
bien que iuſte & pecheur foyent oppofites, ce
n'eſt pas à dire, qu'vn homme iuſte ne peche
iamais, autrement iamais ne fe trouueroit vn
homme iuſte,quia nemo mundus à forde. Toute
fois icy Symeon eſt dićt iuſte , & de Zacharie
& Elizabeth parents de fainét Iean Baptiſte, il
- eſt dićt que erant ambo iusti coram Deo. Ils e
ftoyent gens de bien & de bonne conſcience,
non ſeulement felon la conuerſation exterieu
re, mais deuant Dieu. Car ils ne faifoyent pas
leurs
D E L A P v R I F I c A r 1 o N. 97;
leurs ceuures pour la gloire du monde, mais
eſtoyent gens de bien & irreprehenſibles, &
estoyent iuſtes, ils n'estoyent pas pecheurs.
Iuſtice ne repugne elle pas à peché ? Ceſte
queſtion a eſté amplement traićtee par fainćt
Hieroſme ad Rufficum, où il deduićt fort bien Hier.ad Rø
cecy, comme ſe doit entendre qu’vn homme :
eſt iuſte. Et contre les Pelagiens , ad Crest- “
phontem, On n'appelle pas vn homme iuſte,le- -

quel ne peche iamais, mais celuy eſt iuſte,


lequel combien qu'il peche, il fe releue in
continent. Et à ce propos il traićte ce que
dićt Salomon en fes Prouerbes: Septies in die
cadit iustus, & refurget. Là deflus il demande,
Si vn homme eſt iuſte , comment peche-il
fept fois? Or ceſtuy eſt appellé iuſte , lequel * * *,

nonobſtant qu’il faille, il fe retire incontinent: . -


mais pecheur , c'est celuy qui en faićt ordi
naire. Or ceux là font appellez pecheurs en
l'Eſcriture, qui font accouſtumez à mal-faire:
mais vn homme de bien , qui aucunefois fe
colere, & incontinent fe retourne à Dieu,par
penitence, ha !il eſt iuſte:Caditſiquidem,fed cõ
tinuò reſurgit. Il y a vne autre expoſition de ce
cy, du meſme fainét Hierofme. Cestuy là est
iuſte qui ne peche fouuent , & ne tombe en „..
grandes & lourdes fautes , comme fi c'est vn
homme qui a de grandes perfećtions ; il eſt in.
charitable & grand aumoſnier, &c. Et pour
autant que fes imperfećtions font petites, au
regard de ſes vertus , ceſt homme eſt iuſte.
- M mm 2
926 Po v R LE Io v R
S.Auguſtin in epist.9 j.ad Innocentii primü,con
tre les Pelagiens, qui s'eſtimoyent tant iuſtes,
monſtre qu’il n'y a fiiuſte qui ne peche,& s'ai
de de meſmes lieux de l'Eſcriture que S. Hie
roſme, Premierement diſt-il de Zacharie, n’eſt
il pasdićt qu'il eſtoit iuste?& toutefois au mef
me texte il y a qu’il fuſtincredule,car dit l'An
*"*", ge, Pourautant que tu ne m'as voulu croire,en
peine & punition de ton incredulité, tu de
meureras muet iuſques au iour de fa natiuité.
Or combien qu'il foit appellé iuſte , le voilà:
Peccator, quia infidelis. Donc puis que nous
voyons en vn meſme texte, qu’vn homme eft
appellé iuſte,& toutefois il tombe en peché, ce
n'eſt pasà dire qu'il faille qu'vn homme nepe
Idem contra che point pour estre iuſte. Et contre les Pela
Pelag. giens, il allegue ce que dit Salomon en fes
Prouerbes:Iustuprior est accuſator/ui.Il eſt iuſte
en ce qu’il s’accuſe ſoy-meſme.Et voicy la de
dućtion que faićt fainćt Auguſtin. Ne dićt pas
Iae.2. fainét Iacques:In multis offendimus omnes. Nous
pechons tous , voire en beaucoup de fortes:
& pource il n'y a homme qui fepuiſſe excuſer
de peché. C’eſt fainćt Iean qui le dit luy meſ
1.Ioan. r.
mes:Si dixerimus quòd peccatum nõ habemus, nos
ipſos/educimus,& veritas in nobis non est.Et fainćt
Auguſtin envne infinité de lieux amene ce que
ie vay dire.Il n'y a homme qui ne foit tenu dire
fon oraiſon Dominicale:car IeſusChrist a com
mandé la dire. Or en icelle nous difons, Et di
mittenobis debitanostra. Et mõami,ſi tu esfiiuſte
* ** * * que
D E L A P V R I F I c A T I o N. 927
que tu n'en euffes point,pourquoy dis tu cela?
O c'eſt par humilité. Mon amy, Dieu ne veut
point que on mente,comme dit Iob: Deus non
eget vestro mendacio, vt pro illo loquamini dolos.
Parquoy fi tu as ceste opinion que tu ne fois
point tranfgreffeur de la loy de Dieu, tu n’as
que faire de dire : Dimitte nobis debita nostra. Et
ne faut pas excufer les Prophetes ny les Apo
ftres de peché:car ils ont dit:Dimitte nobis debita
nostra.Or donc: Non qualecunque peccatum tollit
iustitiam fed graue,ait Augustinu in libro deperfe ,4ngin liti
fiione iustiti. Il y a doncvn peché que nous ap-*****""·
pellons veniel: car qui est celuy qui ne tombe
CI1 d'iceux dit ſainćt
Auguſtin,qu'il y a vne infinité de moyếs pour
les effacer,comme en difant:Dimitte nobis debi
ta nostra.Oratio Dominica (inquit) :
Or donc il est dit de Symeon,qu'il estoit hom
me iufte,c'eſt comme nous appellons homme'
de bien, qui ne demande qu'à faire plaifir à
tous,fa conſcience fauue. Ainſi eſtoitiuſte Sy-
meon.Et quoy d'auấtage, Et timoratus.Il eſtoit
iuſte & craintif.Que veut dire cela?c'est pour
nous enfeigner qu'il ne nous faut confier en
noſtre iustice, comme les Pharifeens, leſquels
ainſi que leur reproche Ieſus Chriſt, fe iuſti
fioyent deuant les hommes, comme vous auez Luc.rs.
en fainét Luc, que l'vn d'entre eux veint prier
au temple, & difoit: Seigneur, ie vous rends n., faut
graces de ce que ie ne fuis point comme les ,..
autres qui fontgens pecheurs. Mais ie ieufne nostre iustice.
M mm 3
928 PovR LE IovR
deux fois la fepmaine. Je paye mes diſmes: &
peut estre qu'il diſoit vray : & estoit ainfi af>
feuré de ſa iustice,tellement qu’illuy eſtoit ad
uis que Dieu eſtoit de retour à luy , tant eſtoit
uperbe & arrogant. Or ce Pharifien n’eſtoit
pastimoratus : mais le pauure publicain, qui ne
oſoit leuer les yeux au ciel, & en frappant ſa
poićtrine,diſoit en toute humilité: Deus propi
tius esto mihi peccatori,s'en retourne iuſtifié. Or
donc voilà le propre d'vn homme iuſte, qu'il
•’ “ noteroit direzie encore qu'il le foit,
. ,,cerz, c’eſt que difoit de luy fainét Paul: Nihil mihi
constilastım,ſed nonin hociustificatus fum. Et dốc
oferez vous bien dire qu'eſtes iuſtes ? Sainćt
Paul nel'ofe pas dire deluy. Pourquoy ? Il re
gardoit, peut estre, qu'ily a en moy des fautes
qui me font cachees: Itaque qui me iudicat do
minus est. Et pource encores que n’ayons en
cores de en nostre conſcience , fi nous
ut-il toustours dire auec Dauid Ab occul
:

ºſalls tà weis munda me: Peut eſtre, Seigneur Dieu,


que iefilis coulpable deuant voſtre majeſté, à
ceſte cauſeie vous ſupplie hüblement me par
donner mes pechez cachez, defquelsie ferois
penitence, & les confeſferois, fi i'en auois la
cognoiſſance.Et cõment y a-ilen nous tant de
fautes? ouy. Regardez qu'il dit: Deličia quis
a intelligit? Et pourautant que fouuent nous pe
chons, que nous penſons bien faire, difonsà
** -- toute heure:Ab occultis meis munda me.Voila S.
Paul quin'oſe pasſe dire iuſte: & ferons nous
.
DE LA P V R I F I C A T I O N. 929
fi arrogans auiourd'huy de dire ie fuis iuſte?
non, ſi nous ſommes gens de bien: mais ferons
toufiours en crainćte de n'auoir pas faićt no
ftre deuoir. Car ceſte craincte eſt vne partie
de la iuſtice & perfećtion Chreſtienne. Et voi
cy en quoy faillent lourdement nos Pharifeés
Caluiniſtes, qui ſe difent eſtre fanćtifiez,ab vte
ro matris. Apres ils affeurent que croire aux er
reurs & dočtrine peſtifere de Caluin , c'est º fr:
estre iuste. Carla foy(ſelon Caluin)est vneaf-*"*
feurance certaine de la grace de Dieu en foy:
tellement que felon Caluin, ie ne fuis pas des
eſleus, fi ie ne fuis affeuré eſtre des predeſti
nez. Or ça, où auez vous apprins ceſte affeu
rance ? La trouuerez vous en l'Eſcriture? mon
ftrez moy aucun aſſeuré en iuſtice,& qu'il per
feuerera en la grace de Dieu iufques à la fin
fans tomber. Il ne s'en trouuera pas vn feul:
mais tout au contraire par l'eſcriture qui dit
que quand Dieu te aura perdonné ton offenfe,
& qu'il te fera propice, fi faut-il que tu crai
gnes toufiours. De propiciato enim peccato noli ef: Feder.
fe fine metu. C'eſt le propre d'vn vray Chreſtien
toufiours craindre n'auoir pas faićt fon de
uoir. Et Dieu demande cela de nous parfon
Prophete Malachie. Si enim ego dominus,vbi ti
mor
plus ?ilLe
eſtChreſtien d'autant
en crainćte. plus qu'il
En voulez vouseſtiuſte,
vn plus Le infie f?
est
iuſte que fainét Paul apres fa conuerſion?ťou- """""
tefois regardez comme il a parlé. Que diſoit
il?diſoit il eſtre fans crainćte?ha non. Sed caffi
- Mmm 4
93o -P O V R - L E I O V R.

go,inquit,corpus meum, & in feruitutem redigo : 776°


forte că alụs prædicauero,ipſe reprobus efficiar. I'ay
þien eſperance à la grande bonté & mifericor
de de Dieu , ſi eſt-ce que ie ne laiſſe pas à cha
ftier mó corps.Pourquoy:Ie crains,quand i’au
ray bien prefché aux autres,que ie ne fois trou
ué entre les reprouuez. Voyez la craincte que
auoit fainét Paul d'eſtre damné : & ce pendant
pauure miſerable, tu te laiffes abufer par Cal
uin, qui te ſouffle aux oreilles, fi tu veux eſtre
des efleus, afleure toy que tu es des predeſti
nez:autrement tu n’en feras point. Et comment
estu plus affeuré que fainćt Paul?qui dit:Casti
7.Cor.ie, go,ne reprobus efficiar. Et en la meſme Epistre au
chapitre fequent, regardez qu'ildit. Qui fe exi
ftimat stare,videat ne cadat. Celuy qui s'eſtime
bien tenirdebout, fe garde de tőber, & prenne
garde à foy. Or ça ie vous demande y a il bien
homme fi afleuré qui puiſſe dire certainement.
Ego sto ? ha non. Sainét Pierre qui penſoit eſtre
Matth.26. stable & conſtant, & le difoit comme il le pen
foit. Si omnes fandalizati fuerint, ego nunquam
fcãdalizabor, a bien eſté deceu de fa perfuaſion.
Car à la fimple voix de vne chambriere,a renié
fon maistre, & eſt tombé. Toutefois vn Cal
uiniſte dira:moy.ie fuisafleuré. Et ne voyÎà pas
«Atfurditez vne malheureufe & tres-pernicieuſe doćtrine,
qui enfo" qui ne tend que à la ruine & perdition des
“hommes caraủoir la foy de Caluin, c’eſt croire
ce qu'il croit, croire qu'on eſt des predeſtinez,
& en eſtre affeurez. Et s'il eſtoit ainfi, il ne
. .^ * faudroit
D E L A P v R 1 F 1 c a T 1 o N. 931
faudroit pas que ie Dieu (& c'est l'ar
gument duquel vſe fainćt Auguſtin contre au
cuns preſumptueux) carie ne dois demanderà
Dieu ce que i'ay. Donc par ceſt erreur tu oftes
la vertu & efficace d'oraiſon & de penitence.
Pourquoy ? le n'ay que faire de pardonner à
mon ennemy , puis que ie fuis affeuré de mon
falut. Or voyez les maux que apporte ceſte
pernicieuſe doćtrine de Caluin, donne li
cence & aſſeurance à tout mal faire, deſtourne
de faire penitence,& de prier Dieu.Pourquoy?
Ie fuis afleuré & certain d'eſtre eſleu:tellement
que tous ceux qui font fortis d'auec nous pour
fe rendre Caluiniſtes, ſe difent eſtre affeurez de
estre fauuez. Mais c'eſt tout à l'oppoſite: af
feure toy d'estre damné fi tu ne fais penitence.
Or Symeon eſtoit iuſte , & toutefois il eſtoit
crainćtif. Aufſi fi tu n'as qu’vne iuſtice qui te
foit imputee, ta iuſtice est friuole & de neant.
Et pource dit ſainći Pierre: Vix iustus faluabi- i Petri.
tur.A grand'peine fera fauué l'homme de bien,
& qui aura gardé toute fa vie les commande
mens de Dieu. Et toy Caluiniſte que deuiédras
tu? mais tu es plus que iuſte,qui ne crains leiu
gement de Dieu. Voylà vne pernicieufe do
ćtrine. Expečians conſolationem Iſrael. Vn hom- ja henne de
me de bien regarde plus au profit d'autruy que
au fien propre. Charitas non quarit que fuafant. .
Si auiourd'huy nous n'auons autre efgard au fi proprt.
quand nous prions Dieu & faifons bonnes
oeuures,finon de dire:n’eſtoyent les Huguenots
Mmm 5
932 P o v R, L E I ov R .
nous viurions en paix, & ferions grand’ chere:
cela n’eſt pasbó.Aufli ie croy que cela eſt plan
té au coeur des bons Chreſtiens, qu'il leur faićt
mal que tant d'ames periffent, & que Dieu ſoit
ainfi blaſphemé & deshonoré : & pource ils at
tendent la conſolation de l'Egliſe , eſperans la
voir quelque iour remiſe en liberté, & reſti
tuee en fa priſtine fplendeur par la grace de
Dieu. Et ne deſirent pas cela pour leur profit
ny bien particulier : mais pour le bien public,
ainſi que le bő Symeon, qui quærebat communia
non fua,Or le fainét Eſprit eſtoit en luy,qui luy
auoit faićt vne reuelation, qu'il ne mourroit
iamais, que au preallable il n’euſt veu le Mef
fias. Nicephoreliure premier chapitre vnzief
me,dit que ce bon Symeon eſtoit fort &
qu'il penſoit comment le temps du Meſſias est
Efa.7.
proche : toutefois que ayant leu ce que dit
Efaye. Ecce virgo cõcipiet & pariet filium,il com
mença à douter. Mais le fainćt Eſprit l'affeura
{ lors. Non vifurū fè mortem niſiprius videret Chri
ftum domini. Nous liſons de beaucoup qu'ils
ont eu reuelation ne mourir point tant qu’ils
euffent veu quelque chofe que Dieu leur pro
mettoit, & ont bien entendu de quel genre de
:« , mort ils deuoyent mourir: mais nous ne trou
uons point par eſcrit que le iour ny l'heure de
: " leur mort leur ayt eſté reuelee. Vous auez
*

Hoan. 2o.
pour le gére de mort qu'il fut dit à fainét Pier
re. Cùm fenueris,alius te cinget & ducet quò tu non
- vis Luy donnant parcela affez asmen
- CIO1t
D E L A P v R I F I c A T 1 o N. 933
feroit crucifié, & qu’il mourroit de mort vio
lente ? Il auoit bien efté reuelé à fainćł Pierre,
tempus fue refolutionis instare. Et fainét Symeon
auỏit bien eu ceſte reuelation : Tu ne mourras Dieu reuele
point que tu n'aye veu le Meſſias. Mais l'heu- |
fe & leiour delá mort,il n'y en a aucũ teſmoi-
gnage en l'eſcriture: Nam de die illo & hora ne- le journ;
mofcit. Vigilate itaque, quia ne/citis diem neque l'heure
horam.Mais pourquoy luy auoit eſté reuelé ce
la? pour fa confolation. Ie ne doubte pas que
auiourd'huy il ne faſche de viure à pluſieurs,
voyans les troubles, les blaſphemes, & la cor
ruption desdemoeurs.Et
Polycarpe c'eſtvoyất
fontemps, ce que
les diſoit fainćt
herefies qui de S.

pulluloyent,& toutefois n'eſtoyent telles que“”“”“


celles duiourd'huy. He Seigneur Dieu: In que
tempora mestruasti? Il eſtoit marry d'ouyr blaf
phemer Dieu, & deshonnorer par les hereti
ques. He Seigneur Dieu, diſoit-il, ne ferez,
vous point ceſte grace de m'oster de ce mon
de ? Nous lifons aux liures des Roys de ce bon
Roy Iofias, qui n'a eu fon pareil, que Dieu le dieu/auuen,
feit mourir , & le feit predire par ſon pro- este de se më
phete : le vueil qu'il foit tué. Et pourquoy? Ie : .
neles
te vueil qu'il
maux quevoye la maledićtiố,
ie vueil ne qu'il
enuoyer fus fen-g
Hieruſa- ..
*. .

lem. Et pource ie l'osteray: Ne videat mala que


immiffurus fum. Ie dy doncques quand Dieu en
retire aucuns de ce monde, il le fait pour leur,
grand bien : Ne videant mala que immistrus est.
Mais quand il veut enuoyer quelque benedi
- . .. / - ćtion,
994 - p o V R LE I o V R
ćtion, il laiſſe les fiens, à fin qu'ils ayent leur
part de la confolation: comme vous auez icy
de Symeon. Et ie ne doubte pas qu’il y ayt
plufieurs gés de bien qui ayent ce defir, & qui
difent:O fii'auois veu l'Egliſe reformee & en
bonne vnion, ie ferois content de mourir, &
mourrois ioyeuſement. Or ce bon Symeon
auoit ce defir,& nostre Seigneur luy a faićt ce
bien,voire d’auantage qu'il ne demandoit. Car
non ſeulement il aveu noſtreredempteur:mais
Eph.f.il l’a embraffě.Et c'eſt ce que dit S.Paul: Ei au
tem quipotens est omnia ſuper abundanter facere
quodpetimus aut intelligimus, &c.q.d. Non feule
ment Dieu tient ſa promeſſe: mais il faićt plus
qu'il n'a promis. Si Symeő eſtoit prestre ou nő,
ce font queſtiốs qui ne font pas de grande edi
fication:tant ya qu'il estoit fort vieil. Et pource
apres auoir prins l'enfant entre fes bras: Bene
dixit Deum.Patris est benedicereflys. Maisfàcer
dotis,omnibus.Or ce bon Symeon venit in ſpiritu
intemplum. Pouſsé du fainét Eſprit, il eſt venu
au temple, & y eſt arriué à l'heure que la vier
ge Marie & fon pere nourricier Ioſeph y ont
amené noſtre Seigneur : Secundùm confitetu
e ungust. » dinem legis. Sainét Augustin en fes queſtions
Leuit.
fus le vieil Testament in Leuiticum, a noté que
fainćt Luca fort bien dit fecundum legem Moy
fi, non neceſitatem. Car il n'estoit
pas obligé à la lov comme les autres: toutefois
ils ont payé pour luy,ſelon la coustume. Et au
iourd'huy on ne tient compte des coustumes,
* * * * - COIIl.
*
D e 1 a p v R i r i c a T i o n. 995
combien que de toute antiquité ayent eſté ob
feruees en l'Egliſe, & ie m’esbahis comme il y
a gens fi efceruelez& deſpourueus d'entende
ment, de croire & fuyure vn folaftre, qui vien
dra dire: Point, point, ne gardez rien de tout
cela.Moy,ie ſuis plus ſçauant que ne furentia
maistous les anciens.Et comment pauure abu
fé,es tu bien fi fot de penſer que Dieu ait laiffé
fon Egliſe pour fouffler en la teſte d'vne telle
beſte que Caluin ? toutefois de Beze dit de Arrogāce des
heretiques.
luy, qu'il a plus ſceu que tous les anciens: Se
cundùm conſuetudinem legis, c'eſt pour monſtrer
qu'il y auoit des ceremonies obſeruees entre
les Iuifs, qui n'eſtoyent eſcrites,aufquelles s'eſt
voulu aſſubietir nostre Seigneur. Alors Symeő
prend ce petit enfant, & l'embraſſe, & donne
loüange à Dieu. Penfezievous prie,qu'il eſtoit
ioyeux de tenir telioyau precieux, tant defiré,
& de fi long temps attendu. Et pour monſtrer
la ioye,incontinent la langue parle.Ie vous dy
qu'il n'eſt pas poſſible que nous ayons bonne
deuotion, que la langue ne parle, & erumpat in
laudem. Donc Symeon a parlé incontinent,
donnant loüange à Dieu, & chantant ce beau
cantique : Nunc dimittis feruum tuum Domine.
Sainćt Hieroſme ad Nepotianum, dit que les Hier. ad Ne
vieilles gens ont meilleure eloquence que les Pºti*"*".
ieunes : & compare Symeon à vn cygne qui
chante fort melodieuſement, quand ce vient
qu'il approche de la mort.Ie confidere icy que
ceux qui ont receu grandes graces de Dieu,
936 povR LE I oVR
fe font contentez de ſimple loüange, mais ont
,“ chanté les
quelques hymnes ou cantiques. Qu'est
pfalmee hy- pfalmes de Dauid? ce n’eſt pas loüã
272224’s, ce que les plaimes de Dauid: cen eit pas loua
ge ſimple,mais il les faut cháter.Etleshymnes
qui font de grãde antiquité en l'Egliſe, qu’est
ce? Estlaus Dei cum cantico.Et cecy de tout téps
a eſté obſerué,meſme vousvoyez,que la vierge
Marie a chanté,& faićt ce beau cátique: AMa
gnificat anima mea Dominum. Et Zacharie pere
de S.Ieã Baptifte,ceſt autre:Benedittus Dominus
Deus Iſraël,&c.& icy Symeó, Nunc dimittis.Icy
ie me veux arreſter.Il eſt certain que l'vfage de
chantereſt fort ancié en l'Egliſe,Eufli.12.cha.
Fºf li". ". 12.deprap.euang.voulãt móſtrer aux Gentils que
**: de les Philoſophes auoyết obſerué ce qu’on faićt
rrer.enars en l’Eglife.Regardez (dit-il) vostre diuin Pla
ton,s'il a pas obſerué ce que nous chantons en
l'eglife, & s'il a pas ordonné en fa republique,
que les enfansapprennét à dire choſes loüables
en chất,& vituperer chofes mauuaifes:& fa rai
fon eſt:Sunt adhuc rudes & incapaces rerū diffici
lium,mais lors il faut leur apprédre ce que doi
uent croire,& cốme il faut viure, & nő pas à fe
battre l'vn l'autre, & rédre iniure pour iniure:
ains quelque chofe bőne miſe en chant: & que
foit biếtournee,& c'eſt-ce que dit Euſebe, En
nos egliſes nous faifons que les petits enfans,
distātodas Prophetarë. Ainſi vous voyez que dés
la primitiue eglife,ils chantoyent cantiquesti
rez de l'Eſcriture fainéte. Autant en dit-il au
rdem cap.is, chap.16.parlãt de la muſique:mais qu’on ne re
gar
D E L A p v R I F I c A T 1 o N. 937
gardast pas tãt à la modulatió qu'à la ſubſtance.
Eftimez vous que les Pfalmes de Dauid, puiſ- -

fent eſtre iugez de toutes perſonnes; & puis v


ne femme voudra iuger de l'eſcriture, fi elle eſt
fainćte & canonique, & de l'interpretation d'i
celle, & vous ne luy cómettriez pas l'interpre
tatiő d'vne loy naturelle ou ciuile. Et toutefois
elles font fi arrogantes de leur inſpiration inte
rieure,qu'elles s'eſtimết capables pour iuger de
l'Eſcriture fainćte & canoniquc,& de l'intelli
gence d'icelle. Voyez vous pas qu'il n'y a nulle
apparence en cela:Ordit Euſebe,ce n'eſt pas le
tout 4 babiller hymnes ou chấfons aux enfans
en muſique: mais faut auoirgés de bő iugemết
& d'eſpritraffis,& fans paſſion leſquels difcer
neront ce qui fera bon & vtile pour le Bafl. prefin
à la ieuneſſe,&à chanter en l'Eglife.S.Bafile au Pfal.
proëme qu'il faićt ſus le 1. Pſalme de Dauid,en
dićt autant qu'Eufebe,c'est qu'en l'Egliſe pour
attirer le peuple en deuotion on vſe du chất:&
pource fi on ne faićt que reciter Do
mine labia, &c. on n'eſt pas fi excité à deuotion,
que quãd on le chante.Toutefois ie n’approuue
pas beaucoup ce menu fa (ő vous appellez mu
fique) ſi est-ce q i’entếs bien qu'il faut cốceder
quelq choſe à l'imperfećtiốdes perſonnes.Ceci
a eſté de fi grãde cőfequence anciennement en
l'Egliſe,que Nicephoreliu.9.recite qu’vn grád
heretique nommé Bardafenes qui eſtoit mufi
cien,ayant vn fils qui estoit doćte,il feit mettre Poiſon.
par luy fes herefies en carme, & parla douceur
&
998 P ov R L E I o v R
& modulation du chant il attira beaucoup de
peuple en fon herefie,& abufa. Mais vn hom
me doćte & de bon eſprit, nommé Effraim,
voyant cela, & ayant compaſſion de ce pauure
peuple feduit & trompé , & qui tomboit en
herefie par ceſte muſique, s'aduifa pour anti
cötrepoifon. dot & remede contre l'herefie compoſer en
carme,& mettre en muſique la faine doćtrine:
& encores qu'il ne fuſt fi eloquent, ny euft di
ćtion fi friande que les heretiques,il entretinſt
en la vraye religion le peuple, & fi en retira
beaucoup. Austi ie ne doute pas que la pſalmo
die Marotique en rithme Françoiſe n'ait feduit
& attiré beaucoup de peuple en herefie, com
bien qu'ils ne les chantaffent pas tant par de
uotiố qu'ils y euffent que par paſſetemps. Ain
fi ie penſe qu'il feroit bon que gens doćtes &
de bon eſprit miſfent la main à la plume, ou
bien s'ils n’eſtoyent bons Poëtes Fráçois (com
meil en eſt affez)aux plus experts en ceſte poë
fie baillallent matiere & doćtrine pour cou
cher en rithme Françoife , par laquelle fuffent
refutees les pernicieuſes herefies de nos Hu
guenots.Ouyſmais,n’en pourroit il point adue
nir quelque incốuenient le croy que non. Ni
cephoreliu.io. chap.8. recite que les Arriens à
la maniere de nos Huguenots, alloyent faire
prefche hors la ville,& pour leur marque & in
dices,ils chantoyent , comme font encores au
iourd'huy nos reformez. Ce que voyãs les Ca
tholiques, meus d'vn bon zele,& pour empeſ
che i
D E L A P V R I F I c A T I o N. 999
cher entant qu'ils pouuoyent les hereſies,arre
fterent entr'eux:& nous chanterős tout au con
traire des Arriens.Et comme dićt l'hiſtoire: ces
Arriens aux feſtes & dimenches ſe leuoyent de
nuićt,& alloyent hors la ville en grandes trou
& bandes faire leur fabbath, chấtans chan
ons heretiques. Les Catholiques pour y refi
fter firent de plus belles & grandes proceſſions
qu'eux, & portoyent de belles croix d'argent,
chantás chanfons qui cőtenoyent doćtrine Ca
tholique.Aduint qu'ils ſe récontrerent,& y en
eust de bien frottés.Cela fut faict du temps de
Theodoſe Empereur.Vo” dićtes dốc,que vous Pourquoy il
trouuez bon que nous chantons en la maiſon ne faut chan
ter les P/al
quelques beaux petits cãtiques. Or dono nous mes de Ma
chanterons les Pfalmes de Marot. O ie ne dis rof.
pas celà, à Dieu ne plaife que i’y conſente,ains
ie vous dis que c'eſt trefmal fait chấter les Pfal
mes de Marot & de Beze, & que c'est offencer
Dieu grandement,& qu'il y ait charge de con
ſcience,iele móſtre: Premierement, quất pour
la verfion,les autheurs ne valết rien de Beze,n *** * .

Marot. Secondement,il y ades falſitez & here *** ** **

fies apertes,ſans d'autres qui font couuertes &


cachees. Outreplus il y a pluſieurs corruptions
& fauffes interpretations.Dauantage c'eſt faire
grandeiniure à Dauid. Commétappellez vous
Pfalmes de Dauid, qui font ainfi corrompus &
falſifiez maisie vous prie de confiderer que l'E
glife abien en plus grấde reuerence l'Eſcriture
faincte que ces folaſtres. L’Eſcriture de foy est
. . . Nnn
IGO O 2 P O V R L E ,I O V R

obſcure,& ont eust bien peu eſclarcir les Pfal


mes de Dauid,toutefois l’Egliſe códuite du S.
Efprit,ne l'a voulu permettre, mais a ſeulemét
permis tourner de mot à mot laiſſant au S.Ef
::::::::: rit de reueler le fens d'icelle. Ainfi vous liſez
a.fast i/u-bić Homilia aut expoſitiotalis doctoris, vt Augusti
re pour iuste ni, Hieronymi, Chryſostomi, Bafilij,&c. leſquels
cauſe. ont interpreté l'Eſcriture fainéte : mais nous
nous gardős biếde faire ceſte irreucréce à l'Ef
crirurefaincte de dire,ấles homelies & expofi
tiốs des doćteurs font eſcriture fainéte.Et ceux
cy en font ils ainſi q nous?difent ils:Voicy l'ex
t .. . . . pofirió de Marot & de Beze qui ont esté gés mal
. viuans,cóme chacun cognoiſtinon, maisils di
fent,c'est la verſió des Pfalmes de Dauid, felon
' la verite Hebraïque.He pauures gésleſtes vous
pas bien abufez de dire, nous chantős les Pfal
mes de Dauid?Ouy certes,car ce que vous chấ
tez font les herefies de Marot & de Beze,& les
adinuentiốs de leur cerueau : cóme meſme i'ay
**ret eer-icy obſerué ſus ce cãtique de Symeon, Năc di
": : mittis, voicy que Marot y adiouſte, pour l'ouyr
avsf0M, & le croire,Reflource des Gếtils, Voylà qu'il a
adiouſté pour faire venir en cadence fa rithme.
Et donc appellerez vous cela eſcriture fainćte?
Et c’eſt toute badinerie, de fuyure la fantaſie
d'vn hóme qui veut tout changer & renuerfer.
Parquoy ie vous prie ne prendre cela pour ef
criture fainéte.Mais comme i’ay dićtie defire
rois bien, que quelques cantiques fustent bien
compoſez,& qu'il vous fut permis (apres
* -
:
CitC
| , D = 1 a r v h l r 1 c A T 1 o N, ioci
| eſté approuuez)les chanter envos maiſons,non
pas des cháfons impudiques:ou bien qu’vne E
glife Gallicane,ou vne faculté de theologie eut
approuué quelque bốne expoſitió mife en cã- .
tiques.Or S.Aug.en fes questions fur le Leuit. s. s-aus. m.
parlant de la mort du grand preſtre Aaron, cite in Lenii. c
ce cãtique de Symeon: Nunc dimittisferuã tuữ ' *: :
bien tenu à vous, qui m’auez faićt la gracefuis
Domine,comme s'il difoir: O mon Dieu ie
de g. G proph.

veoir le Meſſias, ie voy & apperçoy bien que


vous eſtes fidelle en vos promeſles: & pource
maintenantie vay mouririoyeuſement & fans
regrer: Quia viderunt oculi mei falutaretuữ.Tuă;
id est,à te mifum, Est Saluatortuus.Non pas qu'il
te ſauue, mais: Saluator tuus,id est , à te mifus.
Voyez ce bon Symeố qui prophetize & reco- symeon est
gnoist IeſusChrist fauueur du mõde: Quod parafrºphete.
fi antefacië omniŭ populorum.Au precedēt Dieu
n’eſtoit que le Dieu d'Abraham, d'Iſaac,& des . .
Huifs, & n'auoit baillé ſaloy qu'au peuple Iu: „a
daïque:Notus in Iudea Deº: mais maintenãt mố '/al,7r. , ,
Dieu, vous auez enuoyé voſtre fils pour estre
cogneuşembraſsé & receu de toute natiố.Voi
lavne grãde reuelatiőqui luya esté faicte. Re-
gardezen quelle cecité eſtoyết lesGếtils,deuất · -
Îa venuë de Ieſus Chriſt ilsadoroyết les beſtes,
les estoilles,&c. mais, ô bốDieu,vous les auez
illuminez, & retirez de ces tenebres obſcures,
par l’illuſtratiố de l'Euăgile,& leur auezreuelė
vostre lumiere:Lumen ad reuelationë Gētium.Or
ce n’est pas fans cauſe qu'auiourd'huy on porte
:- - Nnn 2
1oo 2 p ovR L E Iov R
lumiere & cierges en l'Eglife.Pauures gens fe
duićts & abufez par les heretiques, il eſt bon à
voir que vous ne cognoiſſez rien. I'entés bien,
Pourquv q pour porter vne chãdelle fimplemét,ie ne fe
1 ray pasiuſtifié: mais pourautất qu'auiourd'huy
. Ieſus Chriſt eſt venu en ce mőde,toutes les te
termin nebres d'ignorãce & d'erreur font chaffeesspar
à reienr. ceſte chãdelle ou cierge allumé que nous por
tős nous proteſtős que par Ieſus Chriſt qui eſt
lux vera,nous ſommes illuminez.Orçaie vous
demande, eſt-ce mal-faićt porter auiourd'huy
des cierges allumez en cóſiderất que ie fuis de
fcếdu des Gentils qui eſtoyết aueuglez par er
reur & idolatrie, mais Ieſus Chriſt la vraye lu
miere nous eſt venu illuminer ? & en proteſta
tion de cela,ie portela chãdelle allumee. Ie ne
diray plus que ce mot.Vigilãtius heretique, qui
eſtoit du tếps de S.Hieroſme, fe mocquoit des
* Chreſtiés qui portoyết des cierges, & des chã
delles allumees en l'Eglife,& diſoit:Vousbru
6 lezle iour.Or reſpond S.Hieroſme,tu es mar
ry de ce que nous allumős des lumieres en l'E
glife.Voire mais les Payés en font autát deuãt
leurs idoles,cốme vous faites deuất vos fainćts.
Restonſ. Ie te diray,ce qui ſe faiſoit à l'hőneur des ido
les(qui estoit mal-faići)cela eſt cốuerti auiour
d'huy à l'honneur de Dieu. Autant en diſoit S.
4 *** Augustin vous vfez des ceremonies des Gétils
"*" & idolatres en vos Egliſes,diſoit Fauste Mani
chee:reſpőd S.Auguſtin.Il eſt vray,mais ce que
les Payếs font à leurs idoles,nous le preſentons
- !
-

&
D E S. M A T H I A S, roof
& offrons à Dieu.Donc de toute antiquité on a
porté & offert chandelles en l'Eglife. Et pour
quoy trouue tu cela mauuais?neveoy tu pas que
l'eſcriture vſe de fes metaphores & façons de
parler:Sint lübi vestriprecintti, & lucerna arden
tes in manibus vestris. Et Ieſus Chriſt dit de luy- leant,
meſme:Ego fum lux mundi.Et pourquoy n'vfe
rons nous des choſes qui nous repreſentết ceste
vraye lumiere, qui eſt Ieſus Chriſt, auffi bien
que la parolle? Or maintenons & perfeuerons
toufiours en ceſte foy. Ainſi ſoit-il.
P O V R L E I O V R
S. M A T H I A S.

Exurgens Petrus, &c. Act.1.


5] 'Hiſtoire de la feſte du iourd’huy,
$\| qui eſt de l'elećtion S.Matthias, eſt
eſcrite és Aćtes1.chap.où il eſt dićt
que S. Pierre fe leua au milieu des
Chreſtiens, qui n'eſtoyết encores pour lors que
fix vingts ou enuiron. Et cốmença à haranguer
& remốſtrer,diſant:Mes freres, il faut que l'eſ
criture foit accomplie en Iudas: Il a eſté chef
de ceux qui ontliuré à mort Ieſus Chriſt. Il a
aimé le loyer d'iniquité,auſſi l’a-il receu.Pour
ceſte cauſe le champ qui a eſté acheté de l'ar
gết,a eſté nommé le champ du fang, & luy, il
s’eſt pendu,Vos estis ciuesjančłorum & domestici
Dei. Èphef. 2.dit monfieur S.Paul, reſcriuát aux
Chreſtiens de Epheſe:Vous estes domeſtiques,
- N nn 3
I $ 34 P O V R.: I L'E". I O Y R
citadins,& bourgeois,auec les Sainćts de la ci "

té de Dieu,fondez & baſtis fus le fondemét des


Apoſtres & des Prophetes: & ce qui vous y tiết
ioinćts c'eſt la pierre angulaire, noſtre Sauueur
Marque de lefus Chriſt. Où nous remarquerons, puis que
gt!/e.
nous ſommes
ftres.Il baſtis fusqui
faut cognoiſtre le fondement desApo
font les vrays Apo

' ſtres,fus leſquels no” deuốs fonder & appuyer


Nous debattons auiourd'huy auec les hereti
ques,& trauaillons à cognoiſtre vne choſe en
ce temps fi turbulent & nebuleux, à cauſe des
z., marques diuerſes herefies. On demande qui eſt la mar-,
de l'Églif que de la vraye Eglife: Les heretiques en ont
. “toufiours baillé deux,fçauoir eſt, la vraye do
: ćtrine, & legitime adminiſtration des facre
/ .. " mens. Les Catholiques ont toufiours debattu
au contraire, & dit, que ces deux marques ne
fuffiſent pour cognoiſtre & difcerner la vraye
Egliſe,eſpoufe de Ieſus Chriſt,d'auec les fauf
fes & adulteres: Mais ont fouftenu que à ces
deux marques, il faut adiouſter vne troifieſme,
& comme la plus neceſſaire & principalle,qui
eſtla plus veritable & certaine, pour cognoi
ftre la vraye Eglife, qui est la Prelature & fuc
ceſſion des Apoſtres. Et la raiſon eſt la meil
leure du monde, & le mieux à propos : pour
autant que ie ne fçay qui eſt la vraye doćtrine,
fiie ne cognoy qui c'eſt qui la doit prefcher: &
ne peux diſcerner qui font lesvrays ſacremens,
fi ie n’entends qui font les vrays Miniſtres d'i
ceux,quiles doiuét adminiſtrer. C'eſt la raiſon
meſme
s A 1 N c T M A T H 1 A s. 1oos
meſme de fainét Paul,quidit: Quomodopredica- Rom.r.
bunt nist mittantur.Comment aucuns s'ingerent
ils de venir vous prefcher, s'ils ne fçauent bien
qu’ils foyent enuoyez ? Or puis que nous fom
mes fondez fus le miniſtere des Apostres, il
nous faut au preallable cognoiſtre qui font les
fucceſſeurs des Apoſtres. Voylà que nous a
uons toufiours defendu contre les heretiques,
& defendrons toufiours. Premierement, que
fçauez vous qui eſt la vraye doćtrine, ne qui
font les vrays Sacremés,fine cognoiſſez le vray
miniſtere. C’est l'argument que faićt Sainćt
Paul, donnant la raiſon pourquoy nostre Sei- Fthf*.
gneur a mis & constitué en fon Egliſe des A
postres, Euangeliſtes, Prophetes, Docteurs, &
Paſteurs. Vt iam nonfimus paruuli fluctuantes &
circumferamur omni verbo doctrina in nequitia ho
minum,in aštutia ad circunuentionem erroris.A fin
que nous ne flottons à tout vent, & ne foyons
incertains de noſtre religion, comme petis en Premier 69
fans. Or attendu donc que le fondement dela, .
religion Chreſtienne ne gift proprement en la dement de la
cognoistance de la vraye doćtrine & admini- religis chrº
ftration legitime des Sacremés (car chacun he stienne.
retique en peut abufer) nous difons qu'il gift
& confiſte en la cognoiſſance du vray mini
ftere. C'eſt là deſſus que nous deuons appuyer
noſtre foy & religion. C’eſt pourquoy nous
ne pouuons renier , ains nous faut confeffer
cela en moſtre histoire, que la choſe dont les
Apoſtres apres l'Aſcenſion de nostre Seigneur,
- Nnn 4
tocó - P O V R L E I O V R.

ont deliberé & aduifé entre eux, a eſté d’or


donner l'Apoſtolat, qui eſtoyent ceux qui en
deuoyent eſtre:pour autant que Iudas en eſtoit
party,il a fallu boufcher ce trou, & mettre vne
autre pierre au lieu de celle la qui s'eſtoit de
molie du fondement. Parquoy il eſt tout clair
que la premiere chofe où commencent les A
poſtres, c'eſt au fondemét du ministere & fuc
ceſſion à l'Apoſtolat, à fin que ceux qui y
fuccedent,nous prenons la vraye doćtrine & la
legitime adminiſtration des Sacremens, pour
autant qu’elle procede de ceux là. A ceſte occa
fion fainćł Pierre s'est leué entre les Apoſtres
& Chreſtiens,lequel a faićttelleremonſtrance.
Viri fratres oportet implerifcripturam,crc. Voicy
Sainét Pierre qui execute rreſbien fa charge.
C’eſt luy qui a le premier eſgard à ceux qui
doyuent eſtre vrays Ministres, & la raiſon eſt
peremptoire. Nous trouuons en l'Eſcriture
. . . . que noſtre Seigneur parlant à fainćt Pierre en
. la perſonne de tous, luy diſt deux chofes. Pre
-, - Luc. 22. mieremét. Ecce expetiuit Sathanas vt cribaret vos
ficut triticum. Pierre,c'eſt à toy principallement
que ie m'addreſſe. Voicy le diable qui a demá
dé à vous tenter en voſtre foy,& à vous cribler
en voſtre religion, comme est le grain dedans
vncrible. Ragaui autē prote.Mais i'ay prié pour
toy,& confequemment pour tous Chreſtiens.
Vt non deficiat fidestua. Et tu aliquando conuerfus
confirma fratrestuos. Et pour l'oraiſon ſpecialle
quei'ay faićte pour toy,ie vueilque tu remon
ftres
s A 1 N c T M A T H 1 A s. Ioo7
ftres aux autres,& enſeigne le vray fondement
de la religion Chreſtienne. C’eſt à toy à rad
dreffer tes freres qui failliront. Et pource quãd
il eſt queſtion de religion, és Aćtes nous trou
uons toufiours Sainćt Pierre qui s'en meſle,
c'eſt luy qui propoſe & : non pas luy
tout ſeul: mais auec les autres. Toutefois c’eſt
luy principallement qui ſouſtient:y a-il vn Si
mon Magus qui s’efleue en l'Egliſe?c'eſt fainćt Aã.t.
Pierre qui faićt teſte cốtre luy. Pourautant que
fa charge eſtoit de combattre contre les here
tiques, & confirmer fes freres. Simon Magus
eſtoit venu à Romme : incontinent noſtre Sei
gneur enuoya fainét Pierre apres, vt inquit Eu
febius:& ne le laiſſe point tant qu'il fe ſoit rom
pu le col : y a-il quelqu’vn qui ait mal verſé en
fa charge,comme vn Iudas, c'eſt fainćt Pierre
qui y a eſgard, & met ordre que ceſte place ne
foit pas vacáte. Oportet,inquity/cripturam imple
ri. Ortout
ce fiege ainſi que
de fainét noſtre
Pierre, Seigneur
pour a estably
combattre tous reu hertti
t. zsf

- - - • I 2 ez, constre le
heretiques. Auffi depuis Simon Magus, il n'y Pape.
a eu vn feul heretique qui n'ait contredit au
Papat,& à la ſucceſſion & chaire de Romme.Si
vous voulez bien voir ceſte matiere, liſez vn
beau paſſage qui eſt en fainćt Augustin in libro
de vtilitate crededicap.17.où il dit. Sedi Petrinon
tribuereprimas partes/amma est impietatis & præ
cipitătis arrogantie. Et laraiſon pourquoy fainét
Auguſtin diſcerne ceſte chaire des autres &
la recognoist par deffustoutes, c'est que circun
Nn n 5
Ioo8 p ov R L E, 1 o v R :
firepentibus hereticis damnatis cõciliorum iudicio.
Pourautant que nous auons, dit-il, toufiours
experimenté que tous heretiques l'ont astaillie
toufiours de tous coſtez : & toutefois tous
ceux qui luy ont liuré la guerre , n’ont iamais
failly qu'ils n’ayent eſté en fin condamnez.To
tiuspopuli iudicio conciliorumgrauitate, diuinorum
miraculorum auttoritate. Et ce pendãton a expe
rimenté les miracles & chofes prodigieuſes
que Dieu a enuoyé à ceſt effećt. Ortout ainfi
que fainét Pierre a eu eſgard à cela que le mi
niſtere de Iudas ne fuſt vacant: mais y a mis or
dre. Auffi c'est le premier poinét que nous de
uons remarquer en noſtre hiſtoire que nous
auons toufiours cogneu en l'Eglife Catholi
que que le Pape ſucceſſeur de fainćt Pierre,
c'est luy qui a condamné tous les heretiques:
c’eſt luy qui comme fainćt Pierre veut rem
plir le fiege de Iudas d'vn homme de bien. Si
vous voulez regarder entre les Payens, vous
trouuerez de cecy vne belle histoire en Eụfe
be libro 7.cap.3o.de vn Paulu Samo/atenus, qui
eſtoit vn meſchant Eueſque & heretique, le
quel fut condamné en vn fynode qui fut con
gregé de ce temps là. Eſtant condamné par les
Euefques de ce pays là, on luy ſignifia. Il fant
que vous quićtiez voſtre Egliſe, elle n’eſt plus
voſtre : ceſt heretique n’en voulut rien faire,
mais voulut tenir bon. Les autres Eueſques
s'en vont à Aurelianus Empereur ethnique, &
luy preſentent requeſte, qui cốtenoit semm:
1.IS
d e s. M A T H i A s. 1οο9
ils l'auoyết condamné &excommunié,le ſup
plians y preſter la main,pour mettre la choſe à
execution.Ce Samoſatenus refiſtoit & fe defen
doit tant qu'il pouuoit. Nonobſtát ceſt Empe
reur Aurelianus,inſtruićt par les Euefques) car
autremét ne l'euft ſceu,veu qu’il eſtoit Payen)
va ordőner & ſtatuer: Quydin dogmate omnes cõ
cordes effent cum epiſcopo Romano. Ie vueil que
Paulus Samo/atenus cede, s’il n’eſt concorde &
conforme en doćtrine auec l'Euefque de Ro
me.Enuiron ce temps là,ou bien toſt apres : S.
Cypr.lib.s.
Cyprian libro 3.epist 13. reſcrit au Pape Estien epist.is.
ne d'vn Eueſque d’Arles nommé Martianus,
& dit,nous auons lettres des Eueſques de Frã
ce,qui contiennent que ce Martianus s'eſt mis
de l'herefie de Donatus. Vous entendez bien
voſtre charge, c'est de reſcrire au peuple qu'il
ne communique auec luy. Voilà ce que tou
fiours ont recogneu en la primitiue Egliſe,que
la charge du ſucceſſeur de S. Pierre, eſtoit de
pourueοirau ministere. L'histoire est toute cő
mune d'vnCecilianu,tát deprauee qu'elle puiſ
fe estre par Caluin, lequel eſtoit accuſé com
me s'il eust baillé les ames desChrestiens pour
eſtre bruſlez des Payens.Les Donatiſtes le cő
damnent, & à tort. Nonobſtant vont preſenter
requeſte à Conſtãtin,au nom de s pour
eſtre iugé de luy en ſon palais (combien que
Caluin deguiſe tant qu'il peut fainct Augu- celuindegui
Rin, fiest-ce qu'il ne peut deprauer l'histoire: /; les matie:
carelle eſt bien amplemét dedãs Opta- "“
- tus)
IO I O .P O V R. L E I o V R
tus) cóment,dit Cőſtantin,m’entremeſleray-ie
de cognoiltre de voltre religion ? vostre iuge
eſt au ciel, allez à voſtre ordinaire. L’Euefque
de Rome,ą eſtoit pour lors Melchiades, lequel
aſſemble vingt Euefques, dont y en auoit trois
de France.Les Donatistes cóme heretiques font
toufiours remuans , viennent à Conſtantin ſe
laindre,que Cecilianus auoit esté ſouſtenu par
|Pape,luy demandãs qu'il leur donnaſt vn au
Heretizues tº iuge,pour lors il ſe teint vn autre Concileà
importuns. Arles,il les y enuoya.Non contens de ce Con
cile,ils retournét pour la troifieſme foís à l’Em
pereur Conſtantin:lequel fe met en chaire,non
pas pour iuger du droićt, mais du faićt, à fça
uoir, fi Cecilianus auoit baillé les liures des
Chreſtiens à bruſler aux Payens,& là il deliura
ledit Cecilian” innncét. Oron n’aiamais veu au
trement aduenir,finőconfirmafratrestuos.Apres
est venu vn Theodoſe & vn Gratian , qui ont
faićt loy,pour cognoiſtre & fçauoir qui on doit
iuger heretique.Ils ſe trouuoyent lors en fi grã
de perplexité, parce que l'vn difoit, cestuy est
heretique,l'autre diſoit que non. O, difent ces
95' ſent les bons Empereurs,nous recognoiſſons pour Ca
Catholiques. - - - - -

tholiques ceux qui auront conuention & ſocie


té auec le fiege de S. Pierre, & auec Damastu,
lequel est auiourd'huy affis audićt ſiege. Voila
que ces Empereurs ont prononcé.Si Theodoſe
eust peu,croyez qu'il euſt fauoriſé fa ville de
Constantinople, ville capitale de fon Empire.
Mais il fçauoit bien la praćtique de l'Eglife
Ca
- D E s. M A T H I A s. IOI I

Catholique, & de l'eſcriture faincte. Or exur


gens Petru,&c. Puis qu'il eſt queſtion de veoir
en l'Apoſtolat,ſi tout fe porte bien,& que c'eſt
qu’il faut ordonner. Veritablement c'eſt à
fainét Pierre, & à ſon ſucceſſeur le Pape. Mais
auffi il faut que nous confeſſions pas
tout feul. Et pource il est dićt : Stansin medio
fratrum, dixit: Il faut qu'il communique auec
les freres: carnous ne difons pas que le primat
foit comme d'vn Roy,qui dit:
Sic volosſic iubeo,fitproratione voluntas,
Mais nous difons qu’il faut qu'il ait fes freres
autour de luy. Vray eſt que nous confeſſons
qu'il eſt le primat,ci dominus Eccleſie. Mais cố
me noſtre hiſtoire nous remarque,il n’a qu’vne
partie du miniſtere, qui est toutefois la
raine:& le reste qui font ſucceſſeurs des Apo
fires,tiếnent partie du ministere auec luy:Ain
fi dit S.Pierreparlant de Iudas,& fortitus est fôr
tem ministeri) huius.Il est tout certain que Iudas
auoit la douzieſme partie du ministere, lequel
appartenoit à fainét Pierre,comme au premier,
& à celuy qui auoit la fouueraineté. Caril faut
qu’vne totalité qui fe diuife,commence par vn
qui ſoit le chef. Et c'eſt-ce que tresbien re
marque fainct Cyprian inlib. Defimplicitatepræ- Cypr de fim
latorum. Noſtre Šeigneur diuifant le miniſtere ?"*******
en douze , il en , baillé la plus grand part à
fainct Pierre: car il eſt certain puis qu’il faut
qu'il y ait ordre en l'eglife , noſtre Seigneur
ne deſtitue fon Egliſe d'vn chef, & premier,
qui
I OI 2. Po vR LE IovR -

qui a la primatie, & duquel depend tout, de


peur qu'il n'y euft confufion. Il faut donc que
en l'Egliſe il y ait vn & premier fus le total.
Vray eſt que le ministre de l’Egliſe n’eſt que
vn: duquel dit fainét Cyprian Eueſque : Par
tem tenemus nos Epifcopi,& à chacun fa part ap
partient, comme à S. Pierre la totalité, pour
veoir & regarder fi chacun faićt fa charge. S.
Et ””- Cyprian declare cecy amplement,inlib.de Vni
““/ tati Eccle.Iudas auoit part en ce miniſtere s'par
ce que ce n’eſtoit qu’vn miniſtere & feruice
de Ieſus Chriſt, ordonné pour toutefon Egli
fe. Mais en cest Apostolat faut qu'il yait vn
premier qui ait efgard fur tous,& tous ſur luy:
& parce que la totalité eſt plus grande que la
z.c„di, est partie nous difons: quòd Concilium est stipra Pa
par defu iepam. Et voilà comment nous praćtiquóns l'e
Pape. fcriture, depuis S. Pierreiuſqu’à nous. Donc
fainét Pierre faiſant fon deuoir en fa charge,
prend garde que le miniſtere ne foit vitié &
corrőpu parfauffe doćtrine ou trahiſon , com
me auoit eſté par Iudas. Et pource il commen
ce à dire: Vi i fratres, oportet impleristripturam:
Mes freres, vous fçauez qu'il faut que ce qui
eſt eſcrit de Iudas,ſoit accompli.Icy enpremier
lieu fainćt Pierre nous aduertiſt, & preuient à
vne obiećtion que font les heretiques, qui ſe
fcandalizent de l'eſtat Eccleſiaſtique , & crient
contre le Papat & abus des Eueſques, & mau
uaifes moeurs des gens Eccleſiaſtiques. Or à
fin qu'on ne ſoit trop eſtonné, qu'on ne fe
. ? - - , -
iu: c
*
| D E • S• M A T H I A S. IoI3 A

fe pas eſbrāler pour cela,il nous aduertit & pre- : 7.


uient difant : Ne foyez fcandalizez de cela,car ,
dés le commencement de l'Eglife,il y a eu cor-des atu. des
ruption & deprauation, meſme au ministere, ** /test.
& en la compagnie de Iefus Chriſt. Et pource
il faut quel eſcriture s’accốpliffe, & n'est cho
fe cafuelle:mais noſtre Seigneur a preneu que
ainfiaduiendroit, & le preuoyất le feit predire
par fes Prophetes. Ainſi parlant de fa mort &
reſurrećtion à ſes diſciples,il diſoit:Egodixiva "****
bis priufậuāfiat, vt cùmfàčtă fuerit,credatis. Auffi
à fin que vous cognoiſſiez que ce n'eſt pas fur
prife, & par faute de bien cognoiſtre la malice : :
de Iudas, que noſtre Seigneur a eſté mis & li-.
uré à mort parfa trahifon,il l'a fait predire long v , s

tếps deuant par fes Prophetes. Semblablement


auiourd'huy quand on nous propoſe la depra
uatiố des meurs qui eſt aux Euefques & au Pa
pe,la première reſpőce que nous auons à faire, w

il faut que nous ayons recours à l'eſcriture, qui


dićt:Super cathedră Moyffederăt Scribe & Pha
rifei, quæcunque dixerintferuate & facite:/ecădum
autē opera eorii nolite facere. Voylà dequoy nous
a admonneſté Ieſus Chriſtíl y a longtemps.
Pour ceſte cauſe nous pouuons remonſtrer à
tous heretiques:dequoy vous fcãdalizezvous?
ne faut-il pas que ce qu'a dićt Ieſus Chriſt, . . .
foit accomply? Il a faićt efcrire par l'vn de fes · ·
fecretaires fainét Matthieu, que deſſus la chai
re Sainét Pierre qu'il y aura des Ministres &
Prelats qui ferontgens meſchans & deprauez:
- * CC
IOI4 P o v R L E I o V R
ce qu'on voit meſme en fon diſciple Iudas.
Dequoy donc vous eſtonnez vous , quandº
• vous voyez gens Eccleſiaſtiques mal verfer en
leur eſtat ? S'il aduenoit autrement vous pour
riez arguer Ieſus Chriſt & les Prophetes de
menſonge, qui ont predićt qu’il y auroit des
fucceſſeurs au miniſtere eccleſiaſtique, qui fe
royent mefchans & malheureux. Mais ce pen
dant il fe faut bien garder de tomber en l'er
reur pernicieux, où eſt tombé ce malheureux
caluin attri- Caluin, in libro de Predestinatione, & in Inštitu
bue à Dieu |tione,quand il traićte de ceſte matiere de Prede
i stination, & de la Reprobation, de la f :
, e la dence de Dieu,& du liberal arbitre. Là il tient
redemptiž de expreſſement que la trahiſon, & le peché de
nature , ** Iudas, est auffi bien procedé de l'ordonnance
""“ de Dieu, que nostreredemption. N’eſt-ce pas
là vn execrable blaſpheme: Et pour autant que
noſtre Euangile eſt longue,ie ne m'y arreſteray
d'auantage : mais ſeulementie veux bien vous
aduertir de la raiſon fus laquelle il fe fonde:
c'eſt que, Oportet impleri fcripturas,& fur ce qui
eſt eſcrit aux Aćtes, Hunc definito Dei confilio,
... &c. Or nous diforis que la predićtion de l'ef
4t criture fainéte n’éporte aucune neceffité,c'est
des eferitures y -

n'impofe ne à
dire, il n'est pas predićt,à fin qu'il foit faićt:
nie aux mais pour autant que toutes chofes font pre-
ehosts. fentes à la maiesté deDieu,pour le : auquel
elles ſe font. Et pour monſtrer qu’il cognoist
toutes chofes en vn moment,il predićt par l’ef
criture les chofes ainſi que doyuent aduenir,
&
S A I N C T M A T H I A S. 1o 15
& qui font futures, quant pour noſtre regard,
mais qui font preſentes à Dieu.Parquoy la pre
dićtion de Dieu n'eſt que pournostre regard,&
conſequemment n'eſt cauſe que la choſe pre
dićte aduienne ainſi, mais c'eſt à caufe qu'il
fe faićt,que Dieu le cognoiſt. Comme fi ie voy
faire vn meurtre,ie dis bien,on faićt vn tel cas.
Or l'aduertiffement que ie donne n'eſt pascau
fe que cela fe face:Ainſi Dieu ayất toutes cho
fes preſentes deuant luy, fa OLI CO
· · : «--
gnoiſſance n’eſt cauſe que es choſes ainfiad
uiennent, mais le cognoiſſant certainement il
le faićt predire, & la prediction fe faićt pour . . . . .* * *

nostre regard. Dieu donc n'est autheur ny cau


fe de la reprobation ou perdition de Iudas,
mais trop bien qu'il a ordonné fa damnation 'à
quelque bonne fin. Car il eſt fi induſtrieux &
habile, que d'vn mal il en ſcait tirer vn bien.
Ie vous eſclairciray cecy pour exemple, ll est
eſcrit en Geneſe, que Ioſeph distà fes freres, Gen. 4 s. S'yo.
Vos cogitastis de me malum,fed Deus vertit illud in
bonum, vt exaltaret me ficat inpreſentiarum cerni
tts,z,t faluos faceret maltospopalos. Dieu a biếvfé
de vostre mauuaife volonté, & l'a addreſſee à s' e º
voſtre deliurance, m’enuoyant icy chez Pha
raon pỏur auoir moyen de vous nourrir en ce
temps de famine, & pluſieurs autres. Aufſi
Iudas qui a mal penſé, & machiné contre le
fus Christ, ce n'est pas à dire que Dieu ſoit
cauſe de fa male verſation & trahiſon : il ne
luy a pas donné ceſte mauuaiſe intention: ains
- * . O oo
IoI6 P ov R L E I o v R
il a tafché par tous moyens le destourner. Mais
luy qui eſt fage fur tous, de ceste vendition fai-
ćte par Judas de Ieſus Chriſt, il a tiré vn bien,
c'est à fçauoir la redemption de nature hu
:maine : comme de la vendition de Ioſeph , la
deliurance de fes freres de la famine. Ainſi
donc noſtre Seigneur n'eſt cauſe du peché de
Iudas , ny des hommes , mais il eſt ſi fage &
fi puiſſant, qu'il ne permettroit vn mal aduenir
s'il n'en fçauoittirer yn bien. Ordićt apres S.
Jamai, l'here Pierre: Qui fuit dux eorum qui comprehenderunt
f:: ;: Ieſum, Nous deuons icy remarquer vn ſecond
„oyé, des e-poinćb en noſtre hiſtoire , c'eſt que nous n’a
"estues. uonspas cauſe de nous estőner (ainſi que nous
auons dićt (voyant vn mauuais ſucceſſeur des
Apoſtres, pour autất que noſtre Seigneur nous
l'apredićt par l'eſcriture : & comme dićt ſainćt
Pierre,Oportet impleriſcripturam,mais auſſi nous
deưős regarder quel eſtoit Iudas qui l'a trahi. Il
* - º eſtoit Apoſtre, cela nous faićt entendre qu'il
n'y aiamais vne bonne trahiſon de Ieſus Chriſt
& de fon Egliſe, ſi vn Eueſque ne s’en meſle.
Ieſus Chriſt n'eust peu eſtre mis à mort fans
Iudas, Les Iuifs n’euſſent ſceu en venir à bout
gºf.“ fans
kerest. libro luy:Hudas duæfut
de herestbus, eorum.Sainćt
L'herefie Augustin
de Iouinian in
(dićt-il)
- i n'a eu pied en l'Egliſe:attendu qu’elle n’a trou
ué vn ſeul Eueſque qui l'ait voulu fouſtenir.
Parquoy elle a eſté auffi tost esteinćte qu'in
uehtee. Mais l'herefie des Arriens, a prins ra
cine, & a duré long temps en l'Egliſe, par ce
* - - que
B E S. M A T H I A S. 1o17
que Arrius trouua vn qui eſtoit Eueſque de
Nicomedie, la foeur de l'Empereur, & beau
coup d'autres Eueſques. Voilà qui a eſté cau
fe que l'herefie Arrienne a duré plus de trois
cens ans, pour autant que les Euefques luy
ont ſouſtenu le menton. Autant en dit a
pres fainét Auguſtin, Epiphaniu de hærestbus.
Or comme nous voyons les Heretiques a
uoir ſuyuy Iudas, pour trahir Ieſus Chriſt &
la verité : auſſi faut-il que ils l'enfuyuent en ,
punition. Or eſt-il ainſi comme refere fainćt a.
Pierre, que diffuſa fint vistera eius. La qua- -

trieſme punition c'eſt, fiat commoratio eius de


ferta. Et la cinquieſme, & epistopatum eius ac
cipiat alter. Il ne faur point qu'il ait de fue-zou hereti
ceſteur, à fin que fa memoire periffe du tout. 3 Per
Si vous regardez les hiſtoires, vous trouuerez A.
ue tous herctiques qui ont fuyuy la trahi- , de
on de Iudas, s'en vont en terre , comme Co- meurez, fans
ré, Dathan & Abiron, figure de la trahifon deſ ff ;
nostre Seigneurt-leſqueis incontinent qu'ils“”“
fe fontefleuez contre Moyſe, la terre s’eſt ou
uerte, & les a tranfgloutis. Et ainſi s'en font :
allez à damnation eternelle. . Vn Arrius qui
auoit iuré follement deuant l’Empereur, qui
luy demandoit , Veux tu croire ainſi que le
Concile a determiné ? Il auoit deux confeſ
fions de foy, l'vne qu'il tenoit en fa mainshon
ne & catholique, l'autre en fon fein, qui estoit :
fauffe & heretique : il s'eſcrie, difant : Ie croy.
ainſi que ie tien » & frappoit en fon fein, z
- Ooo 2
Io18. Þ o V R. LE I O V R.

Par ce moyen il auoit impetré eſtre remis en


fon eſtat, & eſtre abſouls:mais le bon Euefque
Alexandre, qui cognoiſſoit bien la mefchan
ceté de l'homme commence à fe retourner à
Dieu par prieres, & s'eſcrier: Seigneur Dieu,
ie veoy bien qu'il y a de la fallace, n’en voulez
vous pas faire comme de Iudas? Dieu qui ne
defautiamais au coup , quand on le prie en fa
neceſſité,le lédemain qu'il alloit à ſes neceſſi
tez le feit creuer, & ſic effufa funt vifcera illius
miferrimi hominis.Vous auez ſemblablement en
Epiphanius.
Epiphanius d'vn Georgius epiſcopus, lequel cre
ua malheureuſement. Bref, il n'y a eu iamais
Eueſque ny Empereur heretique qui n'ait re
- v ceu ceſte punition de Iudas:Fiat commoratio eo
- rum deferta.Vn Valens,vn Conſtantius,vn Iu
lian l'Apoſtat, point de ſucceſſeurs ny d'en
-, , , , fans. Puis que vous auez prins le party de Iu
s das pour trahir la verité,il faut que difundan
tur vistera,fous herefie vous penfez vous auan
cer par pilleries & faccagemens d'Egliſes , &
faire des maiſons grandes, c'eſt tout au re
bours, ce fera voltre ruine : & à la fin comme
il y a en l'Adage : Pro theſauro inuenit laqueum.
Vous ferez pendus miferablement en ce mon
de par tribulation & afflićtion, & partirez les
peines defquelles Dieu menaffe les mefchans
en Deuteronome vingt & huićtiefme chapi
tre,entre leſquelles eſt ceste cy : Vous bastirez,
& ne iouirez point de vos beaux logis:&quand
vous penferez estre au deſſus de nos affaires,
'. , c'est
D e s. M A T H 1 A s. 1o19
c'est lors que effundentur vistera. Si vous vou- za mort
lez regarder quelle a eſté la mort de Luther,
vous ferez bien eſtonnez. Le foir apres auoir '. -
fait grand’ chere, & eſtre enyuré,s’en alla cou- *

cher tout faoul,& le lendemain au matin on le


trouua mortsla langue traićte d'vn pied de lóg,
comme qui l'euſt eſtranglé. Apres #VOUIS VOu
lez confiderer la mort de Caluin , ſeulement
ainſi que la deſcrit Beze. Il eſt frappé au der
riere,ſes entrailles ne peuuét tenir en vn lieu,
l'eſtomach luy bruſloit, & auoit les emorrhoi
des, qui le tourmentoyent comme le feu d'en
fer. Mais Beze a bien,ſceu taire que quand il
veoyoit ledićt Beze, il crioit qu'il veoyoit vn
diable. Et fi vous regardez de pres,vous trou
uerez autant de maladies en Caluin, qu'il y a
eu en Maxence,Herodes, Antiochus,& autres
tyrans:Percufit eos inposteriora, fem
piternum dedit illis. Ilauoit ſept fortes de mala
dies, aucuns difent dix,autant que de playes en
Egypte) mais de Beze, pour pallier & empeſ
cher de cognoiſtre que c'eſtoit punition de
Dieu,diſt qu'il ne vouloit qu'on allaſt le veoir,
de paour qu'il ne fust adoré.Il faut aufſicőfef- 4 panities
fer ce qui eſt aduenu de noſtre temps. Les : :
Dames qui ont le plus perſecuté la religion
Chreſtienne, & plus faićt mourir de preſtres, on perficié
elles ont ietté leurs entrailles, & ce qui fortoit"Eglist.
de leurs corps, le falloit bruſler. Et le diable
de Laon ne fçachant plus que crier,diſoit:Ie te
baille le ventre d’vne telle. Notez que ce n’eſt
O oo 3
iozo , po v R 1 E 1 o v R * .

asieu de s'attaquer à Dieu, & perfecnter la


*
-*
-« *A verité. Il n'y a homme qui puiſſe empeſcher la
unition de Dieu. Il faut qu'elle forte à
on effećt,bon gré ou malgré : Fiat commoratio
eorum deferra,&epistopatum eius accipiat alter:ľa
mais n'y a eu Empereur heretique, ny autre
uelque grand perſonnage que ce foit, qui ait
laiffé ſucceſſeur.Regardez tous heretiques de
puis que leur herefiarche a esté mort, ils l’ont
quitté & abandonné:Fiat commoratio eorum de
fërta. Dieu a toufiours permis que les efcho
liers ny les enfans n'ont ofé fe renommer de
leur maiſtre, & les enfans ont renoncé leur
pere. Iamais vous ne trouuerez qu'ils ayent
compté leur ſucceſſion , mais ont toufiours
dit qu'ils eſtoyent les premiers, les maistres, &
les plus grands. Or nous auonsicy vne chofe
qui eſt biếà noter,pour entếdre le fondement
du miniſtere de Chriſt. Il ſemble y auoir
icy vne chofe contraire. Car il eſt dićt que fon
habitation & demeurance demeure deferte.
Toutefois apresil s'enfuit qu'il y ait vn autre
en ſa place. Voylà où il ſemble auoir quelque
*; ** contrarieté, mais non. Et c'est en quoy nous
n'a pas effe
fucceſſeur deuons recognoiſtre vne fucceſſion Apoſto
Jwdas. lique. Carvoicy le fens: La punition de Iu
* a*-
: das a eſté telle,que iamais n'a eu de ſucceſſeur:
mais S.Mathiasa eu la place, & le propre fon
dement de Iudas, qu'il deuoit tenir & auoir
s’il euſt perfeueré. Regardez que deuoit tenir :
Iudas, s'il n'euſt point trahy ſon maistre Ie
à : - fus
. d e s. M A T H I As. rozr
fus Chriſt. Car Sainćt Mathias a esté mis au
rang des douze Apostres, comme euft eſté Iu
das: mais il n'a pas ſuccedé à Iudas,pourautant
ue Iudas a perdu ce priuilege d'auoir ſucceſ
en fa place. Et pource ceux qui ont fuc
cedé à Sainćt Mathias n’ont pas esté appellez
fucceſſeurs de Iudas: mais de fainćt Mathias.
Mais ie m’efmerueille comme aucuns ont eſté
fi impudents de dire que les Apostres n'ont eu
de ſucceſſeurs non plus que Iudas. Or fi fainćt
Pierre n'a eu de ſucceſſeur, comme veut dire
Caluin , & que la religion Chrestienne ayt in
continent defailly apres, les Apoſtres auroyent
eſté punis de ceſte meſine peine que Iudas:
mais nous voyons icy tout le contraire. C'eſt
que les Apoſtres n'ont pas eſté eſtablis ſeule
ment pour leur vie:mais pour auoir des ſucceſ
feurs iuſques à la conſommation du monde,
comme dit S.Paul aux Epheſiens. Orauiour Ephef4,
d'huy vous me direz: mais ce pendant la fuc
ceſſion a defailly en pluſieurs Egliſes en Oriết
& ailleurs,en Aſie,&c.Or tant y a,la ſucceſſion
que nous mettons eſt de doćtrine & des per
fonnes. Et depuis que la ſucceſſion de doctri
ne a defailly, auffi a la ſucceſſion des perfon
nes,& tant que la ſucceſſion de doćtrine a con
tinué, auffi a la ſucceſſion des perſonnes. Ie le Quelle est la
vous monstreray par les anciens quand ils ont fucceſſion de
TEgliſe G're
voulu monſtrer le fondement de leur doćtrine, ligion Chre
ils ont dit, nous la tenons des Apoſtres, allez stienne.
voir à Rome vn tel a ſuccedé à fainét Pierre,
- O oo 4
Io22 P o v R LE I o vR ,
& a creu comme luy,& ainfi ſucceſſiuemét en
continuant. Pource nousne mettons pas feule
ment ſucceſſion des perſonnes: mais auſſi fuc
ceſſion de doćtrine qui a contenu les perfon
nes leſquelles ont esté au miniſtere l'vn apres
l'autre:mais depuis que l'vn vient à trahir Ieſus
Christ comme Iudas, il perd ſa place, & lors
fa ſucceſſion ceffe. Fiat commoratio eius deferta,
& epiſcopatum eius accipiat alter. Ainſi les autres
Egliſes Catholiques remonſtrent depuis quel
temps vous auez perdu voſtre place , & com
ment, à fçauoir par la trahiſon faićte à Ieſus
Chriſt. Voicy donc où nous remarquons la
e 4 quay º” verité d’vne doćtrine Catholique. C'eſt qu’el
le prend pied des Apoſtres, & nous cognoiſ
legitime. fons fi vn Miniſtre eſt legitime par la ſucceſ
fion qu'il a des Apoſtres, & non ſeulement que
noſtre doćtrine que nous tenons a eſté tenuë
des Apoſtres & de leur temps : mais que ce
luy qui a ſuccedé à fainćt Pierre, l'atenuë ain
fi,& puis ſucceſſiuemétiuſques à nous. Et c'est
l'argument duquelvfent les anciens quandils
veulent fouſtenir la verité d'vn poinćt debattu
par les heretiques, cốme quanda esté queſtion
de parler de l'intelligence d'vne Eſcriture fain
ćte, à fçauoir fi l'intelligéce qu'on luy bailleest
des Apoſtres ou non , le moyen qu'on a tenu i
depuis Egefippus a eſté, i'ay faićt cela, ie croy
-- '* * * ainſi.On eſtallé demander par les Egliſes fon
dees par les Apoſtres, croyez vous ainſi, &
vos ſucceſſeurs l'ont ils creu ainfi? Ouysie vous
L* e
s a 1 n c r M A T H 1 A s. 1o13
le monstreray par le liure auquel ont eſté ef
crits les noms des Euefques qui ont ſuccedé,
foit à fainćt Iaques en Hieruſalem, & à Sainćt
Iean en Grece , à Sainćt Pierre en Rome. Et
voylà comment toufiours on a eſté affeuré đe
la verité d'vne doćtrine, tellement que depuis
que vne herefie s'efleuoit en vne Egliſe , elle
eſtoit incontinent eſteinćte, & tous les diables
n'ont iamais eu la puiſſance de continuer vne
fucceſſion d'Euefquesheretiques:mais a touſ
iours eſté verifié:Fiat commoratio eorum deferta.
Depuis qu'on laiffe la ſucceſſion des Apostres
quant à la doćtrine, quand & quand la ſucceſ
fion des perſonnes ceſſe. Mais en l'Egliſe nous
trouuons toufiours vraye & legitime ſucceſ
fion des perſonnes & de la doćtrine , par les
liures qui ont eſté eſcrits de temps en temps.
C’est l'argument duquel vſe Tertullian depra
fcriptionibus aduerstu hereticos, & duquel apres
luy il nous faut vſer pour la defenſe tát du vray
Miniſtre que de la vraye doćtrine. Iamais n’
a eu heretique qui n'ait dit qu'il estoit
feur des Apostres: maisiamais n'ont voulu re
cognoistre apoštolicos viros. Or nous auons de
couſtume leur demander vn poinćt,dit Tertul
lian, depreſcript. Editenobis origines Ecclestarum
vestrarum. Nous vous prions de nous monstrer
où a commencé vostre Eglife, a elle commen
cé aux Apoſtres, & continué iuſques à nous?
Et pourautant que ne pouuez nous monſtrer
voſtre ſucceſſion & continuation de doćtrine ,
O oo 5
*
io24 Pov R L E |I o v R ,
& de perſonnes, nous difons que vous eftes
heretiques, car vous ne nous monſtrez ny le .
lieu où la doćtrine a duré , ny le miniſtere,
pourautant que là où nous cognoiſſons que le
miniſtere dure, par meſme moyen nous enten
dons que la dočtrine perfeuere. Or voylà no
Irene. lib.s. ftre ſucceſſion. Irenee liure troifieſme chapi
cap. s. tre troiſiefme en ditautant. Allez à Rome,vous
trouuerez qu'ils ont tenu meſine doćtrine que
nous. Et lib.4.cap.63. Et fainét Augustin libr.2.
cõtra Parmenianum,Optatus Mileuitanns, Sainct
Hieroſme contra Luciferianos combattét de ceſt
argument les heretiques. Or voicy le fonde
ment. Il faut neceſſairement que les Apoſtres
ayent eſtably l’Eglife, & ayent rnis des Euef
ques pour ſucceſſeurs, autrement ils feroyent
comme Iudas à qui Dieu n’a faićt ceſte grace
de faire vne Egliſe, auoir des ſucceſſeurs. Il
faut dire qu'il ayt faićt dauantage aux Apo
ftres que à Iudas, & qu'ils ayent eu des ſucceſ
feurs , & baſty vne Eglife. Parquoy auiour
d'huy ce n'est pas affez de dire , ie fuis aux
Apoſtres. Il faut que vous monſtrez que vous
eſtes & appartenez aux ſucceſſeurs des Apo
ftres: mais celle qui iamais ne fut veuë ne co
gneuë eſt celle de Iudas, non des Apoſtres, &
pource, Fiat habitatio eorum deferta. Car c'eſt la
unition que Dieu a promiſe à Iudas, & à fes
qu'il n'y auroit iamais ſucceſſeurs
d'iceux. Mais au contraire, l'Egliſe Catholi
que a toufiours eu & iufques à preſent de tếps
. " C11
- D E s. M A T H I A s. to25
en temps fucceſſeurs de fainét Pierre, & de la
| doctrine qu'on tient auiourd'huy à Rome. Il
y a douze voire quatorze cents ans qu'on te
noit la doćtrine qui y eſt auiourd'huy. Ainſi
nous tenons cela des Apostres par ſucceſſion,
& voylà vn grand priuilege & grace ſpecialle
de fainćt Pierre & des Apoſtres qui ont eu
ceſte ſucceſſion, tant de doćtrine que de mini
ftere. Vray eſt que aucuns ont eu ceſte ſucceſ
fion plus long temps que les autres, ainſi qu'il
a pleu à Dieu en diſpenfer: mais depuis qu'en
leur place font venus des Iudas, la ſucceſſion
a ceſſé en eux. Comme fi vous demandez,
quand a ceffe la ſucceſſion en l'Egliſe d'Afie?
elle a ceffé du temps de l'herefie d'Arrius: Fiat
commoratio eorum deferta. Voicy le fondemét de
la religion, & en quoy nous deuons recognoi
ftre le miniſtere: carfi nous ne le recognoiſ
fons, nous ne pourrons fçauoir là où fera la
vraye doćtrine, & la vraye administration des
facremens, & le moyen de cognoistre le mini
ftere, est par la ſucceſſion : car la promeſſe fai
ćte par Ieſus Chriſt aux Apoſtres , eſt de la
fucceſſion, & toute perſonne n'auoir eſté &
fuccedé aux Apoſtres & Euefques, il a ſucce
dé à ludas, pource qu'ilne peut monstrer: Et
epistopatum eius accipiat alter.Voicy qui eſt bien
à remarquer. Quiconque dit que la vraye do- „...
ćtrine a failly auec les Apoſtres, il faićt tous :
les Apoſtres Iudas, qui dit qu'il n'y a eu ſuc- | c-Apostres
ceſſion au fiege de fainćt Pierre ny de tous les Iudai.
- alltICS
1o26 - p o V R L E I o V R.

autres Apoſtres, il les faićt tous Iudas. Qui


veut donc fçauoir la verité de la doćtrine
Apoſtolique, & qu’il monſtre, on a creu cela
de main en main, depuis les Apostres iuſques
à nous, & en recognoiſſant le vray miniſtere,
nous cognoiſtrons la vraye doćtrine & la le
gitime adminiſtration des ſacremens. Or au
„iourd'huy
Succeſsion les heretiques nous impoſent & di
*

A fent; Vous ne parlez que de la ſucceſſion des


hf. en hommes. Cela eſt faux, car nous mettons ſuc
trois chefs, ceſſion en meſme foy, & en meſme doćtrine,
\
auſſi biế qu'en miniſtere. Mais depuis que au
cuns ont delaiſſé la continuation de la doćtri
ne, Dieu n’a iamais permis qu’ils ayent tenu
non plus que Iudas: mais leur fiege a eſté tráf
porté:Et epistopatum eius accipiat alter.Nous te
nons de ce lieu que les Eueſques font ſucceſ
- feurs des Apostres. Parquoy fi vous voulez
' vrays
egi font les fçauoir qui font les Apoſtres & vrays Mini
Mini- • - - -

| 2. stres de Ieſus Chriſt.Ie dy, quodfunt epistopi qui


Christ. adherent fedi Apoštolicæ. Et tous ceux qui ont
adheré, ont eſté recogneu pour Catholiques.
Et pource comme a trefbien remarqué S. Au
guſtin in libro de vtilitate credendi. Au contraire
tous ceux qui ont refiſté à ce fiege, tout cela
eſt paſſé comme fumee: Nam porte inferi non
praualebūt aduerfus eccleſiam.Or dit fainét Pier
re,il nous faut faire election d'vn qui tienne la
place de Iudas, c'est à dire, qui ſoit Apostre,
tout ne plus ny moins que fi iamais Iudas ne
l'anoit eſté, lequel tienne fon Apoſtolat. Et
pource
D E S. M A T H I A S. 1o27
pource fainét Mathias n'a point esté ſucceſ
feur d'vn autre Apostre, mais l'a eſté en telle
forte, comme fi Ieſus Chriſt l'eust eſleu & po
fé en la place
uiniſtes de en
faillent ludas.
cecyIelourdement.
trouue que nos
Car Cal-
l'A- :“calaini
abafent

oſtolat & furueillance ils ne la veulent bail- , ;


à celuy qui a charge d'enſeigner & con- d'éno/que.
duire le peuple,quant à l'ame,lequel ils appel
lent Miniſtre.La plus grande dignité de l’egli
fe eſt l'apoſtolat ou furueillance , laquelle ils
baillent à l'vn des moindres de leur eglife:
mais c'est noſtre Seigneur qui permet cela
ainfi aduenir,pour autant qu'ils v & ſe
ingerent à vne charge qui ne leur appartient
pas, & à laquelle ils n’ont pas eſté appellez. Il
n'a point voulu qu'ils ayết vfé de ce mot, mais
pluftoft d'vn mot commun aux bourreaux. Ce
pendant ilstafchent à vilipender le nom d'E
ueſque, en le baillant à leurs feruiteurs, mais
pour cela ils ne gaigneront rien:Oportet ergo ex
his viris qui nobifcum funt congregati, testem
refurrectionis eius nobifcum fieri vnum ex istis. Il
faut eflire vn au lieu de Iudas, de ceux qui ont
esté de noſtre compagnie, & ont conuerſé fa
milierement auec noſtre maiſtre Ieſus Christ,
depuis le bapteſme de S.Iean,iuſqu'à fonAſcé
fion,pour estre teſmoing auec nous de fa refur
de faire, Icy
rećtion. nous
& les trouuonsrequifes
conditions le patron, la façon
pour eflire Condit ions
vnbon Eueſque, leſquelles font deux en ſom requifes
- - * - vm futur
en

me choiſies parfainét Pierre.La premiere, c'est en/que,


qu'il
Io28 p ov R LE Io vR
qu'il n'y faut venir brigues,& par ambitiő,
mais faut eſtre appellé d'autruy, comme dit S.
Paul : Nemo affumitfibi honorē, fed qui vocatur à
Deo tanquam Aaron. Pource a dit , Choififfez:
depuis qu’on y pretend par ambition, iamais
on n'y frappera bon coup. Le fecond moyen,
c'eſt que nonfit neophytus,il faut qu'il foit expe
rimenté. Et pource il dit: Prenons vn de no
stre compagnie,qui a toufiours eſté auec nous,
& conuerſé priuément in omni tempore que in
trauit & exiuit inter nos Dominus Iestu. Parquoy,
comme il y a en l'Adage commun : Ignarus na
tandi,non ducat nauem , il n'est pas raiſonnable,
que ceux qui ne font encores experimentez és
choſes eccleſiastiques,foyent promeus és estats
eccleſiaſtiques. Pource dit S. Pierre, Choifif
fez deux d'entre vous. Il meticy vne códition
preallable & neceſſaire: Choifiſſez,dit-il, non
de toute la compagnie qui eſt icy aſſemblee,
mais de ceux-là qui ont eſté preſens auec nous
cepédant que noſtre maiſtre viuoit, & conuer
foit en ce monde,à fin d'eſtre teſmoin oculaire
comme nous.Et voilà pourquoy ilfalloit choi
fir vn qui euft veti tous les faićts & aćtes de Ie
fus Chriſt, comme les autres Apoſtres. Et en
cecy fainćt Pierre nous inſtruićt, que fi nous
voulons bien eflire vn paſteur & curé du peu
x / - le,il Chriſt:mais
a Ieſus faut qu'il foit inſtruićt
voyez en la diſcipline
auiourd'huy de
les grands
i, abus qui ſe commettent en cecy, on leur de
auiourd’huy, mande,& bien auez vous veu la Bible? encore
, ’ - qu’ils
D E -S, M A T H I A S. IO29
qu'ils n’en ayent veu que la couuerture, ils re
fpondent que fi, & pource nous fentons les
maux de la ruine de la Chreſtienté, qui en vien
nent au grand ſcandale de tous. Et pource qui
conque foit appellé à l'epiſcopat, il faut vt po
tens fit exhortari in doćirina/ana, & eos qui contra
dicunt arguere. Or S. Pierre apresauoir remon
ftré ces deux qualitez requiſes de la part des
hommes,il remet l'affaire à Dieu, par cela nous
enſeignant, que quand nous voulons mettre
vn Paſteur en l'Egliſe,il faut remettre l'affaire à
Dieu, & luy demander fon vouloir par priere:
car ce n’eſt pas raiſon de mettre vn feruiteur
en la maiſon d'vn feigneur fans luy demander
confeil s'il luy plaist & eſt agreable. Et pource
les Apoſtres n'ont iamais mis Ministre en l'E
gliſe fans priere, & faris ieufne, comme nous , .
auons aux Aćtes 13. & 14. Orauiourd'huy c’eſt
la diſpute, à fçauoirà qui appartient l'election :
& à mettre les Eueſques. Ör de tout temps on
a debatu de cela, & encores auiourd'huy aucũs
desheretiques, difent qu'il faut que toute l’E
glife foit aſſemblee. Beze le nie, & qu'il ſuffit
aſſembler le confistoire & les Seigneurs. Nous
trouuons deux manieres d'eleĉtion. En la pri
mitiue Egliſe les Apostresont aſſemblé le peu
ple, mais depuis que l'Egliſe eſt venue à croi
fire, & à fe dilater par les prouinces,on n’a plus
gardé ceſte forme, car fi dés le tếps meſme des
Apoſtres,l'elećtion euſt esté au peuple, S.Paul
n'euſt pas dict à Tite & à Timothee ſes
ples:
1o3o P ov R L E I o V R
ples : Gardez vous bien de mettre les mains, &
ordonner vn homme Eueſque,fi ne le cognoiſ
fez bien.Et fi elećtiố n'euſteſté en la puiſſance
de fondiſciple Timothee auquel ſpecialement
il reſcriuit cecy, en vain illuy euft remonſtré,
ne te haſte point d'eflire vn homme au mini
ftere eccleſiaſtique: car fi le peuple euft eu ce
fte puiſſance d’eflire incốtinent f en euſt choi
fi vn: & fuſt allé le prefenter à vn autre Eueſ
que pour le confirmer. Et fainćt Paul paffant
par pays deputoit des Euefques pour le gou:
uernement du peuple. Dauantage, en vain il
bailleroit par qualitez qu’on doit con
fiderer en vn homme qu'on veut eflire Eueſ
que,fi cela eſtoit en la puiſſance du peuple. Et
2.ad Tim.3. quãt est de luy il a efleu & ordonné Tite & Ti
mothee Euefques fans le peuple. Tant y a tou
refois qu'en la primitiue Eglife on a requis le
conſentement du peuple.Apres eſtaduenu que
le peuple postulahat,comme du temps de fainét
Cyprian lib.n.epist.2, & 3. où il dićt, qu'il appar
tient au peuple d’eflire, toutefois lib.2.epiĦol.3.
il monſtre que le clergé efliſoit, & pour accor
der cecy , il faut entendre, que quand on vou
loit eflire yn Eueſque, on le propoſoit au peu
ple pour fçauoir s'il le vouloit, au contraire &
reciproquement en propoſoit , & demandoit
fembloit, & fi le cler
gé auoit quelque choſe à dire contre luy , il le
remonſtroit au peuple & le peuple femblable
ment difoit ce qu'il fçauoit contre celuy qui
- - luy
d e s. M a T H 1 A s. 1Q34
luy estoit preſenté de la part du clergé. Depuis - ,s\, - /
,, º ve i
en l'aſſemblee du peuple on efliſoit & prọnon ****** : -A
çoit , vn tel ſera nostre Eueſque. Et pource và: As
Šainét Augustin reſigna à ſon ſucceſſeur pu
bliquement deuant le peuple, ainſi qu'ilaliọir
esté efleu par ſon predeceſſeur. Mais depuis
que le peuple eſt venu à s'augmenter, de peur
de ſedition & partialitez on a oſté cela, Da * * * * * s- >

uantage on a veu que depuis qu’vn . . . . A è ai


mis yn Eueſque ou Curé, il le veut faire fon
varlet: & les plus fages meſmes. Valentinian
bien ſage Empereur ne peut toutefois f con
tenir de reprocher cela à Sainét Ambrộífe: Ie
fçauois bien que tu asmanuaiſe teste,&que tu
parlerois bien à ma reuerence: Or est aduenu
que depuis les Princes & les Roys y 9ņrmis la
:main, mais ils ont fait pis quele peupleny,que
le clergé, le voudrois qu'ils eųflențþiçnrsmar
qués ceguiețeſcrit 3 Kg 13. ut 4. çü ile;
Ĝla ruine de la maifondr Ierobọã
a esté par ce qu'il ſe mestoit de merticles mini
stres de la Loy à ſon plaifir
& affections, & aucunefoisen prenoit de l'ar
gent. On remarqueracecyfi onvențiques &
-quantes fois qu'ily a eu troublçs eņķR$ligian
parles herefies; le meilleur moyen : le plus
expedient que l'Egliſe a trouué,a eſtá regardér
qu'on auoit failly aux elections des
par ce que les Rays & Prinçesyanoyentmis
les mains.Regarde4lęConcile fécond deCon
stătinople, qui fut general, ain Ni
ro32 povR L E IovR
Nicephore. cephore ; les peres du Concile remonstrerent
D'où procede l'Empereur que la ruyne de l'Egliſe procedoità
la ruyne de
l'Eglife. de ce que les Princes qui estoyent Huguenots
mettoyé des Eueſques à leur poste,& eſtoyent
de leur réligion:pource requirent-ils que l'ele
étion fust remiſe au clergé,autrement qu'il n'y
auộiť point moyen d'eſteindre les herefies. Et
Concilium
au troiſiefme Concile general tenu en Epheſe,
Ephestnum. lės perés du Concile referirét ad Theodostā ma
gnum qưequelqu’vn qui auoitesté mis gouuer
neur du peuple,nepermittatur.Et au 6.7.8.Con
ciles generaux, vous trouuerez qu'ils ont esté
tenủscốtre les herefiesgrandes qui regnoyent:
& que cependant les Roys & Empereurs a
tiöyếteritreptins de mettre les Euefques. Mais
tớửsles Conciles n'eſprirent rien de bien,fion
rererneri'elećtion au clergé. Et meſmes aucũs
attribưết cecy au Cốcile de Niceficut inquiunt:
à patrihu Nirenis constitutum est,voylà cốme ils
cegiad perſonnage S.Atha
Häfe, vöúlåtit remonſtrer de quelque quidã qui
'fi'èstóit Eủeſque,ildir, Le peuple ne l'a approu
#:; nýIếelergéeſléư;& n’a non plus esté con
firm parles Èuefques prochains:
T
c'est
y.Apres in epist.
Greg. Na
4h; pro patre.Ne cecy mauuais,
irrit ilaứihấgistrat, Vous me pardonne
tezelfgelấ;#i'ay faict vn Eueſque, pourautant
que ce ft à vộus qu'il appartient : en toute
ấưtre chofEřevou sgbèyray fors en cela que ie
vous pertierte estire vn qui ſbit en ma place
;; apres
D E S. * M A T H I A S. Io33
apres moy. S. Bernad de fon temps fut accuſés Bernard.
au roy de Frãce,qu'il vouloit empefcher leroy
de mettre les Eueſques. Il luy refcrit en ceſte
maniere. Sire,ce font gés qui vous abufent,lef
quels vous difent ces propos. Il est tout certain
que les gráds Empereurs,bons & fages,n’y ont Les bons er
iamaisvoulu mettre la main.Il est recité6 3.dist. / Fres
de ce bon Empereur Valérinian, que le peuple .
vint à luy,& le pria de mettre vn Eueſque.Ha!/ ":
reſpond-il,cela ne m'appartiết pas,c'eſtà vous. confrer les
Il est bien vray que l'Empereur Charlemagne “esthez
& ſon fils eurent pour quelque temps admini
ftration & collation des Euefques. Mais apres
y auoir penfé,ils dirent: Nous ne voulous plus
empeſcher la liberté eccleſiaſtique, car nous
voyons les dangers aufquels nous en fommes.
Recitatureadem distin. 63.& du temps de ce bon
Roy de France S.Loys,vn Boymardus,lequela
eſcrit fa vie, recite que fon amballadeur qui
eſtoit allé à Rome pour quelques affaires, fai
fant du bon varlet, impetra pour luy vn cốcor
dat ou priuilege demettre les eueſques en Fra
ce. Orreſpond ce bon S. Loys vne parolle di-ua, „s
gne d'vn Roy Chreſtient Quòdmandata mea di- rati, d, s.
ligenter & fideliter executusfueris, habeo gratiam: Lºys.
quòd autem diplomata attulisti non agnoſco neque
admitto, intelligo fatis quanto cum diferimine ista
agerẽ. C'eſt pour-autất que iene ferois maistre
de moy, poury mettre feion Dieu , & y pour
ueoir en conſcience gens debién, & ceux qui
en feroyent capables: carie ferois tant impor
P pp 2.
Jo34 P o v R LE Io v R
tuné, que mal-gré moy ie ferois còntrainét y
mettre mefchans gens. Et pource il print les
bulles , & les ietta dans le feu. Or nous fom
mes auiourd'huy tombez à ceſte extremité,
qu'on pouruoit tres-mal aux benefices, & aux
. . . euefchez encores pirement. Mais ie fçay bien
- - qu’on remonstre & faićt on entendre au Roy
, rout le contraire de ce que iedy, & qu’on taſ
*a che à faire pis que iamais, & auſſi pis que ia
;: : mais nous aduiendra.Or quất à l'elećtion d'vn
****** Apostre au lieu de Iudas, les Apoſtres ne fe
font fiez à leur confeil ou elećtion, mais ont
remis le tout à Dieu,lequel cognoiſt les fecrets
xdescoeurs. Et c’eſt pourquoy Ieſus Christ de
manda tant de fois à fainćł Pierre, deuant que
luy commettre la charge de fon Egliſe apres fa
reſurrećtion:Petre, amas me plus his ? &c. Par
i. quoy les Apoſtres craignans d'eſtre trompez,
remettent tout à Dieu, pour nous enfeigner
que ne nous trouuions estonnez, fi aucunefois
on y eſt trompé. Mais parce que Dieu ne peut
eftretrompé,on ne faut iamais de
... , , , luy, & rapporter tout à ſon ordonnance. Pour
, -, -, -- ceſte cauſe les Apoſtres ſe font rapportez à
" " Dieu,dugouuernement de l'Eglife. Äinfide
uons nous faire,en le priant que la maledićtion
de Iudas, pour ſa male verſation ne nous ad
uienne, mais qu'il nous face la grace’de de
meurer & perfeuerer toufiours en la ſucceſſion
des Apoſtres,Amen. . ... * * r.: ,, ,

* -ro . . .. , , , , , . . . . . . .. . . .. : AV
.* ' , .
iott
Av Io v R D E L' ANN ON
c1 A T1o N D E LA .
vierge Marie. v

r Ifflu est angelu Gabriel à Deo in eini-ta...


tatem Galilæa,cui nomen Nazareth,ad.
|virginem deſponſatam viro, cui nomen
(9 erat Ioſeph,de Domº Dauid, & nomen
virginis Maria. Mes amis & freres Chreſtiens,
auiourd'huy nous reduifons en memoire le có
mencement de la redemption humaine,quand /

noſtre Seigneura veu du ciel mistriam inopum, "/**"


& gemitumpauperum,l'affliction de fon peuple,
& ouy le gemiſfement des priſonniers ,&
le cry des oppreſſez. Lors nostre Seigneur n'a
peu d'auantage fermer & retenir en fon ire la
multitude de fes compaſſions & miſericordes:
mais a enuoyé fon meſſager & paranymphe
celeste à la Vierge fans prix, laquelle il auoit
efleuë & choiſie deuant la conſtitution du mő
de,non ſeulement à fin qu'elle fuſt fainćte &
immaculee deuant fa face, en foy & charité:
mais auſſi qu'elle fuſt l'eſpouſe trefaimee de
Dieu le pere celeſte , la mere trefdigne & fa-
cree de fils Ieſus Chriſt, le temple trefpur,
facré,& magnifique du S.Eſprit. Et comme dit
S.Paul: Cum venit plenitudotemporis. Quand la Galat...
plenitude du tếps,est venue,letéps de mercy,le
temps acceptable,& leiour de falut quád Dieu,
le pere a voulu enuoyer fon fils en la terre 3 & .
recốcilier le monde à foy pariceluy, Miffus est.
*, **, y Ppp 3
/
1Þ35 Av 1 o v R D E L' A N N o n c.
Gabrielangelu. L'ange Gabriel fut enuoyé de
Dieu en vne cité de Galilee, qui auoit nom
Nazareth, à vne vierge eſpouſee à vn homme
qui auoit nom Ioſeph , de la maiſon de Dauid,
aos & le nom de la vierge estoit Marie. En ce
fainét Euangile quatre choſes principalement
font declarees. Premierement,qui eſt celuy qui
enuoye,c'eſt Dieu:pourtấtil eſt dićt (à Deo) de
Dieu. Secondement, qui eſt celuy qui eſt en
uoyé. C'est Gabriel l'Ange. Tiercement,à qui
, il est enuoyé, & en quel lieu, c'est à la Vierge
*** estant en la cité de Nazareth. Quartement,
pourquoy est faićt le meſſage, ou qui eſt la rai
fon que le meſſager est enuoyé : c'est pouran
noncer la venue du Fils de Dieu au monde.
Ce qui fera veu en la falutation de l'Ange, &
és parolles enfuyuantes: Ecce concipies in vtero,
& paries filium.Voicy,tu cốceuras en tố ventre,
& enfanteras vn fils. Quant au premier, c'eſt
Dieu, qui a enuoyé l’Ange, & qui a pitié de
nous, & fe veut meſler de nos affaires. Car au
temps de plenitude il a enuoyé fon Fils pour
reparer la ruine des hommes. Ceſte legation
eſt bien contraire à celle que feit le mauuais
ange à la premiere femme. Car fans eſtre en
uoyé de Dieu, il veint à elle:c'est de foymeſme
*** qu'il a prins telle audace de parler à elle: en
uie l'a eſineu de l'honneur de l'homme, & a
pourperifé en foy de le ruiner. Pourtất parla-il
Genesta. de Dieu en mauuaife forte, quand il dist: Cur
precepit§vobi. Detuvi
. .
nã comedereti, ex omniligne
* - para
| B e l A v 1 E R G E M A R 1 e. 1o37
p4radist? Pourquoy Dieu vousa-il deffendu de
manger du fruićt qui eſt au milieu de Paradis
terrestre? Voylà trop irreueremment parlé de
fon maiſtre. A femetipſº loquitur. Il parle de luy
meſme:il n'a lettres aucunes de credit de Dieu,
au contemnement duquel il parle à Eue. Tels
font auiourd'huy les faux Prophetes & nou
ueaux dogmatiſtes, qui parlent en menſonge
& de leur eſprit:lefquels Dieu n'a pas enuoyé,
ainſi qu'il dit par le Prophete. Currebant & non Ierem.as.
mittebam eos. Ils courent fans que ie leur aye en
chargé d'aller:& cőbien qu'ils parlent de Dieu,
ce n'est que pour abuſer les fimpliciés & com
mun peuple, par leur deceuable parler, faux
blafons, babil, & iargon, pour enlacer en leurs
lacs les coeurs des innocens, & lesprendre à la
pipee, comme l'oyfeleur les oyſeaux. Secon
dement,le fainét Euangile d'auiourd'huy nous
monſtre celuy qui eſt enuoyé, c'est l'Ange Ga
briel : & non pasluy ſeul, car le Pere y enuoye
fon Fils : le Pere & le Fils y enuoyent le fainét
Eſprit. Le Pere,le Fils, & le fainét Eſprit y en
uoyent l'Ange Gabriel. Le Fils de Dieu y vient
pour prendre chair humaine en fon ventre. Le
fainét Eſprit y vient, pour y former le corps de
Ieſus Christ. L'Ange Gabriel y vient,pour an-
noncer fes grands &ioyeux myſteres. Et com
me fourrier des logis y vient pour marquer &
diſpoſer le logis au Roy des Roys , & comme
, . paranymphe & meſſagier celeste, il vient an
noncer le mariage entre Dieu & nature hu
* , r: ; ; ' - Pp p 4
fo38 A v ro v R D E L’ A N n o n c. . .
maine : & pour preparer l'eſpouſe & auoir le
conſentement de la Vierge. Tiercement,le S.
Euangile nous demonſtre à qui eſt enuoyé le
rheſfågfet, & en quel lieu, à la Vierge estant en
la cité de Nazareth. Sainćt Luc a noté le tếps,
temps: car au moys,
fixieſme.Le lieu,en Nazareth.La perſonne,à la
Vierge.Dutemps il dit, In menſe/exto,au fixieſ
. . . -, º ***
methoys, c'eſtà fçauoir depuis que fainét Iean
estoit conceu au ventre de fa mere Elizabeth.
Ainſi que dit l'Ange en ce meſme Euangile
parlantà la Vierge de fà couſine Elizabeth. Ce
inoys fixieſme, c'est le moys de Mars, auquel a
esté faicte ceste ioyeuſe Annonciation, qui est
le premier moys aux Hebrieux, où commence
le Printemps, & toutes chofes ſe reuerdiffent
& fieriſſent,Tres conuenablement en ce moys
ceſt'annoncé nostre falut, & eſt conceu nostre
-Sauueur qui eſt venu pour renouueller toutes
choſes & fire reflorir vertu,commencemết de
la creation & reparation de l'homme. Et pour
tant que le fixieſme iour fut produit l'homme
& offetiçå Dieu, & fut condamné par fon mef-
-faićt à la mort.Dieu recapitulant ce iour en foy
meſine, en ce iour a voulu mourir pour l'hom
- me, auqueliouril à eſté conceu. Voylà quant
* aü temps,aŭquell'Ange Gabriel est enuoyé. Il
faut maintenant parler du lieu. En la cité de
Galilee que on nomme Nazareth, où rostre
Seigneura esté conceu, pourtantil a esté nom
- mé Ieſus de Nazareth. Galilee estoit vne pro
- e g : - uince |

|
. . . . . . . - - - - - - - - - -- - ----

d e E A v 1 e R G E M A R 1 E, tołp
uince en la terre de promiſſion , où Iuifs &
Gentils habitoyent,ainfi que pouuons recueil- -

lir,par ce que dit Efaye, trans Iordanem Galilee Efs.p.,


Gentium, outre le lourdain de Galilee des Gen
tils. En ce lieu conuenablement eſt conceu le refu est eieea
Fils de Dieu, non pas en Iudee, où ſeulement º
les Iuifs habitoyent. Car nostre Seigneur est"""
venu fauuer Iuifs & Gentils, & de tous en fai
re vn peuple, vne communauté, & vne Egli
fe,& vnion d'vne Chrestienté. La ville ſe nom- 1/* :
me Nazareth, qui est interpreté lieu floriſſant. , 69°
En ceſte ville a voulu eſtre conceu noſtre sei teºri"v.
gneur, qui estoit petite ville & de peu de renő
mee, non estimee en Iſrael:comme il eſt prou
ué, par ce qu'eſcrit fainét Iean. Philippe trou- Ioanir.
ua Nathanael, & luy dist: Quem stripft Moyſes
in lege & Prophete, inuenimu Ifumfilium Ioſeph
à Nazareth. Celuy que Moyſe en la loy & les
Prophetes ont eſcrit , nous l'auons trouué Ie
fus fils de Ioſeph de Nazareth. Reſpond Na
thanael. A potest aliquid boni effe? De
Nazareth peut-il venir quelque chofe de bon?
Nostre Seigneur n'a pas choyfi les grandes ci
tez & villes metropolitaines: mais les petites,
monstrant que humilité luy plaist, & deſpriſe
ce que les mondains priſent , & prife ce que
les mondains deſpriſent. S'enfuyt de voir la
perſonne à qui l'Ànge Gabriel est enuoyé. A
vne Vierge eſpouſee à vn homme qu'on nom
moit Ioſeph, de la maiſon de Dauid, & le nom
-
-
de la Vierge, Marie. A la Vierge de coeur & de
J Ppp 5
no4o a v rov R D e l’A N N on c.
corps, de laquelle le Prophete Efaye auoit pre-
dit. Ecce virga de radice Ieffe. Voicy la verge de
la racine de Ieſſe, laquelle floriſt fans germe &
femence.Et ceſte verge est fertille,portát fruiét
fans fement virile , & le iettement de fleur n'a
point offenſé la vígueur de la verge, & la pro
duction du ſacré enfantement n'a point offen-
fé l'honneſteté de la Vierge. Desponſatam.Eſ
- pouſee , ce qui eſtoit neceſſaire pour le Fils,
pour la mere, pour le genre humain. Premie
rement, pour le Fils,à fin qu'il ne fust point re
ietté auec contemnement par les Iuifs, comme
illegitime. Et à fin que ce grand facrement fust
caché au diable(comme dit fainćt Ignace epist.
ad Epheſ & Origene homil.6.in Lucam,& fainét
Hieroſme contra Heluidium) & que finablemét
le petit enfant Ieſus fust nourry par Ioſeph, &
qu'il fuſt le confolateur de Marie, en allanten
Egypte, & en retournant ſemblablement. De
la part de la mere , il eſtoit neceſſaire qu'elle
eſpouſee. Car par ce moyen elle a esté
preferuee du mauuais bruit de infamie, de
mauuais nom & renom. Et que auſſi elle ne
fust accufee de adultere pour eſtre lapidee fe
lon la loy (comme dit Sainćł Ambroiſe libr.2.
in Lucam.) De la part du genre humain a esté
neceſſaire qu'elle eſpoufee. Car ainſi par
le teſmoignage de Ioſeph homme treſſainct,
nous ſommes plus certifiez de la verité de no
v ſtre foy, principallement de la virginité imma
culee de la treſſacree Vierge & mere: le nom
. **, *
-4
-
-- ''
- de
d = 1 A v 1 = R G » M A R 1 s. ro41.
de laquelle dit noſtre Euangeliste,estoit Marie.
Lequel nom luy a eſté impoſé par ordonnance
diuine : ainſi que l'Ange à Ioachim.
Comme a eſté faićt de ceux qui en l'eſcriture
entre les autres font plus infignes. Comme
de Abraham en la loy ancienne. Comme de
fainét Pierre,& fainét Iean Baptiſte, en la loy
nouuelle:dont l'vn a eſté nommé Pierre, de la
bouche de Ieſus,qui auparauant estoitnommé
Symon : & l'autre par l'annonciation de l'An
ge Gabriel a eſté nommé Iean. Ce n'est pas
donc choſe incredible, que ſemblable hőneur
ait eſté faićt à la mere de Dieu: de forte que
apres Ieſus, le plus beau nom eſt Marie. No
ftre Seigneur difoit à ſes Apostres: Gaudete,
quia nomina vestrafcriptafunt in calis. Refiouyf
fez vous, d'autant que vos noms font eſcrits
aux cieux. Si leurs noms eſtoyent eſcrits là fus,
il eſt bien plus credible que le nom de la Vier
mere de Dieu, tant aimee, y ſoit eſcrit. En
gnifiance de ce, Gabrielenuoyé à la Vierge,
luy dit : Ne timeas Maria:Ne crains point Ma
rie.Monſtrant bien que fon nom estoit cogneu
aux cieux.Telle fainćteté, pureté,& virginité,
eftemportee en ſon nom Marie. Car fainét
Luc parlant de Magdaleine, pour lors qu'elle
estoit pecheretſe, ne l'a point appellee Marie:
mais quand elle a eſté iustifiee , il l'a nommee
par le nom de Marie, en ſigne de veneration , • •
de ce fainétnom, que Dieu a nommé au nou : --
ueau Testament. Gabrielinterpreté, fignifie la
\ /. : - force
1ο42 . Av i o v R D E L' A N N o N c.
force de Dieu. Pourtant au contraire de Eue,
femme foible, vaincue & gaignee de belles:
parolles & promeſſes à la forte femme, c'està
fçauoir, Marie, est enuoyé le fort Meſſager,
qui nous ſignifie la force de Dieu, par laquel
le le diable fera chaffé, les captifs & prifon
niers deliez, la coulpe ſeparee de nature, le
ciel abaiſféiuſques à la terre, & la terre eſle
uee iuſques au ciel. Dieu fera faićt homme,
vne Vierge fera faićte mere, la foy logee au
coeur humain, qui font chofes difficiles à ve
nir fans la main forte de Dieu.S'enfuyt au tex
te : Et ingreffus angelus adeam,dixit : Aue gratia
- plena, Dominutecũ,benedičia tu in mulieribus.Et
quand l'Ange fut entréverselle,il dift:Iete fa
luepleine de grace, le Seigneur est auec toy:
tu es beneiste entre les femmes. Il est entré,
die l'Euangelifte: mais où? Iene doubte point
que ce ne fuſt au ſecret de fa chambre, de la
quelle elle faiſoit vn oratoire. Et pource que
les Anges affiftent à ceux qui priết Dieu, l’An
ge Gabriel s'est apparu à la Vierge, difant: Ie
te falue. Voila que c'eſt fe tenir à part, folitai
re, hors du bruit du monde. Alors font re
Genf, z.ceus les diuines reuelations. En Geneſe eſt
faićt mention de la fille de Iacob nommee Di
na; laquelle eſmeuë de curioſité de veoir les
filles du païs,fortit de la maiſon paternelle: la
similitude quelle fut rauie & violee. Qui a vn verre dont
il est amoureux, ille garde foigneufemết qu'il
z"“ ne foit caſſé. Austi vous peres & meres, qui
- 27 : ? - allCZ
D F L A v I G R G E M A R i E. 1943
auez des filles, gardez les d'eſtre vagabondes:
car elles font comme le verre, faciles à caſſer.
Iacob demourant en ſa maiſon, obtint la be
nedićtion de fon pere, laquelle Eſau perdit,
durant qu'il estoit à la challe. Le coffre ouuert
ne peut gueres conferuer le threfor qui eſt de
dans. Et la cité qui durant la guerre n'eſt bien
cloſe & fermee, facilement eſt prinſe, Le lićł
de chafteté est gardé entre les eſpines, dont eft
faićte la haye à l'entour: mais au iardinouuert
les pourceaux y entrent, & foullent tout aux
pieds, gastent & perdent tout. Et estant donc
encloſe & fermee en ſa chambre, l'Angela fa
Salutation
luë,diſant: Auegratiaplena:Jete faluë pleine de Angelique.
grace. En ceſte falutarion l'Ange met quatre
choſes de grande loüange en Marie.La premie
re. Qu'elle n’a point de peché,ou vice, difant:
Aue. Voicy vne ioyeuſe falutation, apportant
bonnes nouuelles à la Vierge , & conſequem
ment à tous nous autres: pource bien dit l'An
ge, Aue:comme difant,Joye à vous Marie : car
maledićtion fera transferee en benedićtion.
Eue a apporté douleur, ennuy, tristeſſe, & la
mort: mais par vous viendra à tous ioye, falut
& vie. Eue a eſté cauſe de l'exil&banniſſemét
de l'homme,mis hors de paradis: mais de vous
vient celuy qui le reduira en ſon pays, & cele
fte paradis. Eue a incité l'indignation & guer
re de Dieu contre l'hốme:mais vous auez trou-. . . .
ué grace & paix, comme deduićł fort bien S. ***
Irenee
i
libraduerstu herests. Lafeconde loüan
- - ge
xo44 Av 1 o v R D E L’ A N N o N c.
ge de la Vierge miſeen ceſte falutation, eſt a
ondance de grace, dont elle est remplie : par
celqu'il dit: Iete faluë pleine degrace Lequel
tiltre de ſalutation est fi excellét & magnifique,
i precieux pour fararité, qu'és eſcritures fain
es on ne trouue point qu'autre perſonne en
air esté falué. Iamais à homme ne dit l'Ange
par falutation, ie vous falue pleine de grace. A
a ſeule Vierge est referué l'honneur de telfa
lut honorifique. Car fi noſtre Dame euft ſceu
que telle falutation eust eſté faićte à vn autre,
iamais comme estrange ne l'euft eftonnee ainfi
qu'elle a eſté. Et veritablemét elle est nommee
******* pleine de grace. Car ſon coeur eſt remply de
******...** plein d'honnesteté, & de bon
nes moeurs, fon eſprit plein de cognoiffànce
de Dieu & de la foy, favolonté eſt pleine de
faincte eſperance; & charitė ardante. C’est la
maiſon en laquelle quand le fainét Eſprit eft
entré, il a tout remply, il n'a rien laiste vuide:
qui eſt la raiſon pourquoy peché n'a peu en
Differ : treren elle.Carpuis que le vaisteau eſtoit plein
de vertu, autre liqueur vitieuſe n'y a peu en
ei fa trer. Icy nous faut noter,qu'il y a difference en
tre Ieſus Chriſt, la vierge Marie,& les Sainéts.
IeſusChristala plenitude de grace:mais la vier
gene les Sainéts, n’ont pas la plenitude, mais
ilsreçớyaent de la plenitudes Nous lifons que
4a...la viergeestpleinefáinčts
Hoan. 1.
degrace: faina Estiếne
Aposttesle iour deeſt
la
Pentecofte font
- : -
fem eius Freef: 3.
D E . L A v 1 E R G E M A R I E. Io45.
la Vierge ny les Saincts, n'ont point receu la.
plenitude qui eſtoit en Ieſus Chriſt, mais de la
plenitude d'iceluy. Cartoutes choſes font fai
ctes par luy. Aperit manum faam,& implet omne"/*****
animal beneditiione. Il ouure fa main,& remplit
tout animal de benediction. Quid habes quod à Cºr.".
Deo non acceperis? Quelle choſe as-tu,que tu ne ;de de
l'ayes receu: Dốc la Vierge ny les Sainćts,n'ont 4.
pas receu la plenitude comme Ieſus Christ, ce diuin
mais de la plenitude d'iceluy. Comme la fon
taine eſt toute pleine d'eau, & le ruiſſeau qui
en deſcoule font pleins, & levaiſſeau est rem
- de ceste eau. Et toutefois la plenitude de
'vn est plus grande que dell'autre. Iefuseſt la
fontaine : Marie est le ruiſſeau , & les Sainćts
comme petits vaiſleaux, font pleins de grace,
& tout vient de la fontaine de lefus Christ. La
tierce loüange contenue en ceſte falutation,
est,quand il eſt dićt: Le Seigneur est auec toy.
Ceſte parole eſt la plus excellente & noble en
loüange, qu'on pourroit dire à la Vierge. Le
Seigneur Dieule Pere, qui eſt toufiours auec
fon Fils,eſt auectoy. Et Dieu le Fils en tőven
tre virginal par aſſumption d'humaine natu
re est auectoy. Et le fainét Eſprit par qui eſt
conceu feſus Chriſt eſt auec toy. L'Ange ne
dićt pas pour le que Dieu fera
(, auec elle mais fimplement, Dieu eſt auectoy. **
Dieu auoit enuoyé fon meſſager à Marie, & . . .
voycy quile preuient, & y eſt deuant luy. Ce s,
que regardant l'Angé Gabriel , ne dićt pas,
- ' ’ IIlOIR
1ο46 A v 1 o v R D E L’ A N N o N c.
mon maistre viendra, prepare luy logis : mais
donne à entendre comme le logis eſtoit ja pre
paré,& le feigneur y estoit logé. C'est le fainét
Eſprit qui en auoit faićt ſon ſacraire, ou ſacri
ſtie,auquel il auoit mis la fainćte relique de Pa
radis, que tous doyuent adorer. Donc le Sei
gneur qui est le Pere, eſtauectoy, qui t'a pre
eſleuë pour estre fon eſpouſe : le Seigneur qui
est le Fils, & t'a choiſie pour estre fa mere,esta
uectoy:Le Seigneur qui eſt le fainét Eſprit,est
auectoy, qui ťa conſacré pour estre ſon fainét
temple. Breftu es la falle Royalle, où diuinité
habite. Le Pere auec toy,qui t'a faićt mere du
Fils dont il est Pereile Fils auec toy,quit'a aſſo
ciee pour eſtre cauſe de reparer la ruine adue
nue à nature humaine par l'homme & la fem
me. Le fainét Eſprit eſtauec toy, qui t'a à luy
adioinćłe, pour eſtre des hommes la conſola
tion ou aduocate apres luy , qui eſt l'aduocat
paraclit & conſolateur,Le Seigneur qui eſt par
par tout, mais non par grace, & par
es dons ſpirituels:mais il eſtauec toy non feu
lement par puiſſance, par laquelle puiſſammét
il gouuerne toutes choſes: mais auſſi par grace
& clemence. La quatrieſme loüange contenue
en ceſte falutation ; Tu es beneiste entre les
ta Viergebiểfemmes. La premiere femme a encouru male-
******/º * diction conceuant & enfantant en douleur fes
tre toutes fem .
mes, 69 pour enfans. 1. Mais fans douleur tu conceuras &
enfanteras. 2. Les autres femmes ſouffrent cor
ruption en conceuant & enfantant: mais en
* ** ** - - VOuS
D E L A v 1 E R G E M A R I E. 1ο47
vous demeurera parfaicte incorruption. 3. Les
autres femmes portent leurs enfans en trauail
& peine : mais vous porterez le fruict de vie
fans aucun trauail & peine. 4. Les autres fem
mes n'enfantent que l'homme, mais vous en
faurerez Dieu & homme.s. Les autres femmes
ne font point enſemble meres & vierges: mais
vous ferez vierge enſemble & mere. Mais d’où
rocedera telle benediction? Elizabeth a cou
l'a demonſtré,quand elle a adiouſté,& dit: .
Beneiſt eſt le fruict de ton ventre, c’eſt Ieſus
noſtre Sauueur. Son fruiđt n'est pas beneiſt,
pourtant qu'elle eſt beneiſte: mais au contrai
re, de la benedićtion du fils viết la benedićtion
de la mere. Par le premier fruićt nous auons
eſté maudits: par le fecond fruićt de la Vierge
nous ſommes beneits. O que de bonnes nou
uelles l'Ange Gabriel annonce pour nous à la
bonne Dame ! O admirable, & digne de tout
honneur Vierge Marie ! O femme fur toutes
fingulierement venerable:laquelle nous deuős
faluer apres l'Ange Gabriel! Helas c'est pour
nostre redemption qu'elle eſt faluee, & non
pour celle des Anges. Gabriel l'a faluee de la
part de la benoiste Trinité. Dieu l'auoit en
uoyé : pourquoy donc differons nous à faluer
ceſte digne mere de Dieu ? Les cieux la faluent,
pourquoy non la terre? Ie ne doute, que fi fou
uent par ceſte falutation Angelique la faluons
reueremment, qu'elle nous rendra nostre fa
lut: elle n'eſt pas fideshonneſte & inciuile que
- R rr
1648 va v 1 o v r. d E L' A N N v N. c.
elle ne falue ceux qui la faluent. Ie vous falue
dóc ô royne de Paradis, tref-digne mere de mố
Dieu, dame du monde, imperatrice des Anges
reparatrice de l'honneur des femmes, mere de
miſericorde,fontaine de grace, aduocate d'hu
maine nature, refuge des pauurcs pecheurs &
pechereHes. Ie vous falue Marie, pleine de gra
ce,le Seigneur eft auec vous. Vous eſtes benei
fte entre toutes femmes, & beneiſt eſt le fruićt
de voſtre ventre, Ieſus. Sainćte Marie mere de
Dieu, priez pour nous pauures pecheurs. Ceſte
tantioyeuſe falutation fe prend auſſi pour orai
fon,cóme fi nous voulions admonefter la vier
ge de la ioye ineffable qu’elle a receu en l’an
nonciation de l'Ange Gabriel,quand elle a esté
nommee pleine de grace, & que le Seigneur
eſtoit auec elle. Ainſi nous la faluons & prions,
à fin que par fes prieres,nous foyons participãs
d'icelle grace,& que par fon interceſſion Dieu
foit auec nous. Car c'eſt l'aduocate des pauures
pecheurs (comme difent tous les anciens peres,
mais ſpecialement S.Iren.lib.f. aduerſus herefes
Fulg.in hom.de laud. virgin. Mar. Efrem diaco
nua Eccleste Ediffene in threno fuo, Epiph. Hefic. .
C hryſippus & Andr. Hiero/, de laudibus zirginis,
S.Iean Damaſcene,& S.Aug. fer. 2. de Annun.)
Et de là eſt venu, que les prefcheurs Euangeli
ques au commencement de leurs fermons à
l'exếplc de l'Ange Gabriel, difent la falutation
angelique : à fin que partel preābule,il reduife
gn la memoire du peuple le commencemét de
- noſtre
D E L A V I E R G E M A R I E. IQ49
noſtre falut: Et auſſi à fin que la Vierge hũble
ment faluee,prie tant pour le predicateur, à ce
que diligemment & vtilement il ani once la
parolle de Dieu, que pour les auditeurs, à fin
qu'ils reçoyuent deuotement en leurs coeurs la
femence diuine pour en frućtific r, ſelon la pa
rabole euāgelique. Si donc l'Arge encommen Luc. f.
ce vn æuure fi merueilleux par ceſte falutatiő:
pourquoy ne fera-illicite au predicateur de có
mencer fa predication paricelle mcfme faluta
tion ? la concion populaire n'eſt pas plus digne
que la legation Angelique. Donc ce quia eſté
licite à l'Ange,ne doit eſtre illicite au predica
teur:veu auſſi qu'au commencemét du fermon
& auát la falutation,le ſigne de la croix eſt per
mis,auec l'inuocation de la S.Trinité. Elle fera
toufiours malgré les heretiques honoree & be
neiſte de toute generation, ainſi qu'elle a pro
phetizé en ſon beau cátique,difant: Beatam me
dicent omnes generationes.Toutes generatiõs me
dirőt bien heureuſe.Et celuy qui tant diligem
ment a commandé honorer les pere & mere,
toufiours ilgarde, & gardera l'honneur, la di
gnité & reuerence de fa treſſacree mere. S’en
fuit en l'Euangile. Et quand elle eut ouy, tur
bata est infermone , &c. Elle fut troublee en ſa
parolle, & penſoit quelle eſtoit ceſte faluta
tion. Voyla vne reuerencialle humilité. Car
| vray humble n'eſcoute rien plus admirable,
que fa loüange. C’eſt la façon du bon Ange
de troubler au commencement , & à la fin de
- I 1 I 2.

---- - -= – = = = =
Hoşo I o V R D E L’A N N o N c.
confoler. Et au contraire vint le mauuais An
ge à Eue, en applaudiflant,mais à la fin ietta le
venin. Car il delaiſſa Eue toute deſolee. Les
bonnes Dames furent troublees en la refurre
ćtion, & à la vifion des Anges: mais apres elles
furét confolees. Zacharie fut troublé de veoir
l'Ange à la dextre de l'aurel:& Gedeon fut auf
fi troublé quand il veit l'Ange qui luy parloit:
mais apres l'Ange les a refiouis. Et l’Angeluy
dit: Ne timeas A4aria inuenistu gratiam apud Do
minum : Marie,ne crains point,car tu as trouué
grace deuất Dieu. Conciptes in vtero, & partesfi
luum, & c. Tu conceuras en ton ventre, & en
finteras vn fils, & appelleras fon nom iefus,
Celuy fera grãd, & fera appellé fils du Souue
rain. Et le Seigneur Dieu luy donnera le fiege
de Dauid ſon pere, & regnera fur la maiſon de
Iacob eternellement,& fon regne fera fans fin,
Premierement, l'Ange declare que noſtre Da
me aura vn fils. Secondement, il luy declare
fon nom, lequel fera nommé Ieſus.Tiercemét,
la qualité de l'enfant & excelléce: car il regne
ra comme vn Roy. Mais que veult dire l'Ange
que l'enfant fera grand, veu que le Prophete
Eſaie l'appelle le petit, ou bien petit; quand il
I/a. 9, dit: Paruulus natus est nobis, le petit enfant nous
eſt nay? Reſponfe;il est petit en l'humanité, &
grand en diuinité. Il eſt petit en humilité, &
rand en maieſté. Le petit & le grand font en
Et fon Royaume, dit l'Ange Gabriel,
n'aura iamais fin. Quand on avnieune Prince
pour
D E L A V I E R G E M A R I E. I of I
pour fon Roy, on craint merueilleufemét l'of
fenfer.Car on regarde qu'il regnera log temps
auoir memoire à punir l'offenfe contre
uy commiſe. Comme nous eſperons de no
ftre bon Prince Charles Roy de France, à qui
Dieu doint bon iour, longue vie ; & heureuſe
proſperité. Le temps viendra qu'il fe fouuien
dra des rebelles & ſeditieux qui ont leué les ar
mes cőtre fa Maiesté, fe plus for
tes villes de fon Royaume, ont depopulé &
ruiné fon Royaume, faccagé les Egliſes de fes
villes &villages,à fon grand regret,intereſt, &
dommage: defquels comme ie croy, & plutoſt
qu'on ne penſe,il en fera faire iugement & iu
ftice : & bien-heureux feront ceux la qui au
ront bien verſé ſoubs l'obeiflance de fa Maie I e Roy le/las
fté. Icy nous faut entendre que noſtre Roy regnera eter
- VA » - - - -

& Prince Ieſus regnera à iamais : pource le neuement.


faut craindre. Il regnera en la maiſon de Ia
cob, qui eſt interpreté ſupplãtateur. Nabucho
donoſora eſté vngrand Roy & puistant. Item
Alexandre le grand, Charles le grand, & plu
fieurs autres grands Princes, Roys, Empereurs,
& Monarques: mais tous ont eſté vaincus par
peché. Mais cestuy est fi grand que peché n'a
peu le vaincre ny abbatre, ains a fupplanté le .
diable,la mort,enfer, & peché. Reſpond Ma
r1e: Quomodofet stud,quoniam virum non cogno

fto? id est,voui menon cognituram virum, comme


dit Greg. Nyffenus, en vne homelie de Natiuita
te Domini, & fainét Augustin inlibro de fančia
R rr ;
Io52 I O V R. D E L A N N v N c,
virginit.& fainét Bernard au fermó qui ſe com
mence,Signum magnum apparuit, & la Glofe or
dinaire,in cap.2. Luc. Commết ce fera cela,veu
que ie ne cognois point d'homme? Elle ne
doubte point que la chofe ne fe face : mais el
le demande la maniere, & comment. Car le
prophete Eſaie auoit bien predićt que la Vier
ge conceuroit & enfanteroit: mais il n'aucit
pas declaré la maniere & comment. Pourquoy
elle interrogue l'Ange,lequel reſpond,Spiritus
fančius stiperueniet inte, & virtus altistimi obum
brabit tibi. Le fainćt Eſprit furuiendra en toy,
& la vertu du Souuerain t’enuironnera.C’eſt à
dire, au corps d'humanité fera la lumiere in
corporelle de diuinité. Et comme le corps a
fon vmbre auec foysaufſidiuinité fera auechu
manité, que Ieſus prendra en ton ventre, fans
aucune corruption. Car du fainét Eſprit fera
conceu. Et pourtant le Sainćt qui naiſtra de
toy, fera appellé le Fils de Dieu. Et ecce Elifa
beth cognata tua concepit in fenectute,etc. Et voila
Eliſabeth ta coufine a auſſi conceu vn fils en fa
vieillefie : & ce moys icy eſt le fixieſme à celle
qui eft fterile. Car nulle chofe fera
impoſſible à Dieu. O benoiſte Dame, voila
l'Ange de Dieu qui maintenãt aiouéső roole.
C'eſtà vous de reſpondre. Helas douce Vier
ge,tout le monde attend vostre reſponſe. Vou
lez-vous que nature humaine foit toufiours
priſonniere? on n'attend que voſtre conſente
ment,& incontinent nous ferons deliurez par
la
D E L A v 1 E R G E M A R I E. Io53
la venue du Fils de Dieu tant deſiré. Les ſainćts
Peres attendent aux limbes , & defirent voſtre
conſcntement: Dieu nous veut ayder, l'Ange
y conſent,l'homme le demanderque direz vous
maintenant ? Or eſcoute homme mortel la re
fponſe de la prudente Vierge:Ecce ancilla Do
mini: fiat mihi fecundum verbum tuum. Voicy la
feruante du Seigneur. Il me foit faićt felon ta
parolle: mon coeur, mon corps, moname, tout
mon eſprit,ma volonté eſt à luy : puis qu'il luy
plaiſt me faire ceſt honneur, ie luy feruiray de
bon coeur. Mes yeux luy feruiront à le con
templer & regarder:mes oreilles à entendre & .
ouyrfa falnifiante doctrine , laquelle procede
ra de fa treſſacree & diuine bouche: ma bou
che à le louër, magnifier, & adorer: mes mam
melles luy feruiront de l'alaićter : mes bras à
l'embraffer: mon ventre à le porter: mon coeur
à l'aymer: il me foit faićt felon ta parolle. Ce
conſentement eſtant donné, a eſté incontinent
conceu le Fils de Dieu par l'operation celeſte
du fainćt Eſprit en fon ventre virginal. Prions oraiſon,
donc mes amis & freres Chreſtiens , le tref
doux,tref-mifericordieux,& treſgracieux Ieſus
fils de Marie, Imperatrice des fainćts Anges,
reparatrice de l'hőneur des femrnes,Royne des
cieux,Dame du monde, noſtre ſpecialle aduo
cate, finguliere mediatrice , & refuge des pau
ures pecheurs & pechereffes , laquelle a
en fon ventre le fruićt de vie , qui en iceluy a
n
prins noſtre chair, qu'il -meſpriſer fa
ff 4
1of4 D E L' A N N. D E L A v I e R. M. A.
chair, & qu'en nous ne foit perdu le pris de fá
redemption. Ains faire deſcendre ſur nous fon
immenfe mifericorde, pour effacer nostre pe
ché & ingratitude, le tout par les dignes inter
ceſſions de fa tres-facree & digne mere, luy
plaiſe nous prendre à mercy, que par fa grace
noſtre vie foit amendee , & à la fin en ſon
Royaume celeste rous puiſſions tous auoir
place, pour auec la facree Vierge mere
louër Dieu le Pere, au nom de fon
Fils Ieſus Chriſt par la grace du
fainćt Eſprit, en la gloire
eternelle de Para
dis. Amen. ~

F I N.
T A B L E D E S P O IN C T S
P LvS R E M A R Qy ABLE S S v R
L E P R E M I E R T O M E D F S S E R-

mons de Ianier, pour les Dimenches, com


• mençant au premier iour de l'Aduent, iuſ
ques à la Pentecoſte.
A

B R A H a M s'est fouy de la fiture


natiuité de Ieſus Christ. ý2
|Abuides Mathematiciens é Asirolo
GS}-> gues. 164
Aduenement de Iefia Christ,deux. 2 o.C# 2 1
pourquoy Aduerste{font enuoyez de Dieu, 2s2
Aduertiffement aux meres defamilles. 1J9
Aduertiffement auxriches & auxpauures. 138
pourquoy Adulation & flaterie doit estrefiye. ys
Aduocate despauures est la Vierge Marie, 16;
Afflictionsdesiuites/emblables à lafemme quitra
uaille. 6 p.2
Afflictions bonnes. 6 J9
l'Allee de Iestu Christ à ſon Pere nou estoit neceſ:
faire. . 616.6 617
l'Allerde Ieſu Christ à fon Pere,que c'est. 614
les Amateurs du mõde cöment en voyant ne voyens
point,é en oyant ils n’oyent point. 246
Amen estexpliqué, 63 f
Admirablesiugemens de Dieu, J99
Rrr ;
T A B L E.

Admonitionparlaquelle noua/ommes instruitis que


fî nous auons quelque doute, il nous faut addreffer
aux Eſcritures fàcrees & aux æuures de Dieu le
Createur. JF4 • JJ
Admonition Chrestienne. J1

Amour incomparable du pere celeste enners/esen


fans. 6.f3
Amour ardent. 4 đ7
Amy comment, & pourquoy. 236
les Angespropoſent trois chefes de grande admira
tt071. 21 f

le mot d'Ange est expofế. 63


lebon Angeau commencement effouuante, & à la
fin confole. 111

pourquoy les Angesferontefineux auant leiugemết.


30
l'Angepremierprestheur de l'Euangile. 1 o9
Apologie contre les heretiques quinient l'inuocation
cớ veneration des Sainčis. 6 82

pourquoyles Apoštres n'entendoyentpas le mystere


de la mort de Iefus Christ. 262
les Apoštres ont leur refuge à Iestu Christ, & com
772672t« 201

les Apostresfont des de l'Eglife. 19 o


les Apostres font standalfex: f7
pour Apprendre on ne doit auoir honte, & pour
quoy. 245
Argument des heretiques touchant les bonnes æu
ures.668. reſponce audit argument. 669
Arguments des heretiques contre l'inuocation des
Saintis, - 678
4 Argu
B L E.

Arguments de la diuinité & humanité de Iestu


Christ. 284
les vrayes Armes des ſucceffeurs des Apostres. 44
les Armures de lumiere que c'est. 10

Arrest du dernier iugement vniuerfel. 34


l'auaricieux & lefeu comparez enſemble. 234
Auarice comparée à l'eſpine. 2 JT3

l'Auengle illuminé nou enfeignetrois chofes. 267


Aušterité de fainti Iean. 6o

Authorité depreſcher concedée aux hommes. 41


l'Authorité depreſcher la parole de Dieu. 42.43
B

au vray Bapte/metrois chofes font requifes. s s


au Baptefine deux choſes/ont neceffaires. 4o o
Beatitude confiste en trois chofes. 224.
Benedičtion que Iſaac donna à fon fils. 32
de la Benedićtion. 1 17. i 18
Beneiff a effé lepain trois fois parlesta Christ. 11s
pourquoy Bethleem est cité de Dauid. 97
pourquoy Bethleem a esté esteuë pour la natiuité du
fils de Dieu. 98
le Bien de l'homme n'est point de foy:mais de Dieu.
62o

zrays Biens. 637


les Biens ne font rien,& pour rien estimex, 636
Blaſphemes des keretiques contre les bonnes æu
3/7 62.f. 7o1

fouuent les Bons fouffrent pour les mauuais , & au


C0/2t)^417"C’. 19 5
Bonté de Dieu. 2 o6

Bonté de Iefier Chrišř. 2 16.6 217


Na
T A B L E »
C
nature des Catholiques. 13 F
la Celebration du tour de dimenche. 140
Ceux qui font aux cieux ne murmurentpoint. 236
les Chaines de S.Paul admirables. 46
la Charge de preſcher est accompagnee de beau
coup de perfecutions. 43.6° 44
pourquoy Charitéprecede la foy. 6.f3
la Chair est la partie de l'homme la plus ruineuſe,
& aiste à prendre parle diable. 277
la Chairest fâurde à la predication de la croix. Jør
Charité de Dieu enuers l'homme. 226.&- 227
comment on doit chercher Ieſus Christ. 1J0

plußeurs choſes font donnees à l'homme de Dieu:


mais en les demandant. 631
Chofès efþouuentables au iugement general. 33
fîmilitude des Chreffiens auxieunesfilles. 262
Clemence de Ieſus Christ. 61 f.
trois Commandemensfaiffs au ladre. 178
Cõditions requifes pour estre exaucé en oraisö. 677
Conditions de Ieſus Christ. 284
quatre Conditions requifes en l'oraiſon. 63f
Conditions du maling Estrit. 284
Confeſion neceffaire facramentale falutaired par
droiči diuin commandee. 32
Confirmation de la verité du S.Sacrement. 28 f
Confuſion des prelats. 33
deux Conſiderations requifesle/guelles doiuent pre
ceder nostre oraifon. 67 o
Confolation contre la crainte de la mort. 6 14
Confolation & douleur de la vierge Marie. i sº
Con
T A B L E. N
Constance de S.Iean. 78.79
Constance de l'homme Chrestien. 6o
Conuenance de la parole de Dieu,& dela proprie
té de få femence. 247
Conuerston admirable contre les Ceniffes & /acra
mentaires. 1ó 3

la Correćhon doit effre faićłe en charité. 697


le Courage/e doit fortifier pour deux raiſons. 6 o 2
Coustume des Iulfs. 1 66
les Coustumes du iour du dimenche,/gnifient les
bonnes æuures. 14 1

les bonnes Coustumes nedoiuent estre delaiffees,car


elles ont force de la loy. 133
Ieſus Crie à qui & pour 7uoy. 244.
la Croix de Iestu Christest la vraye voye pourpar
uenir à la gloir. 626
Croire Ieſus Christ, à Ieſus Christ, c en Ieſus
Christ,different. 624
Cultiuement plaifant au pere. ?f2

Degréprochain de prudence. fọ ố
Demander à Dieu que c'est. 633
le Denier est la vie eternelle. 229.230
Dure departie. 34
au Deſert pourquoy Iesta Christ a esté mené. 2 so
pourquoyle Diable est appelé homme. 209
la feste de la Dedicace. 136.137
Dieu le createur comme feul autheur & donateur
de grace & de gloire,doit estreprié. 639
Dieu donne à l'homme pluſieurs chofesimais en les
demandant. 631
- Dieu
T A B L E.
Dieun'est pas autheur depeché. 213.21f.216
Dieu est iffu cinq fois pour l’æuure de nostrefalut.
22 J

Diference entre les prophetes & fainti Iean. , si


Diference entre le baptefine de Ieſu Christ & de
S.Lean Baptiste. 86
Diference de la ioye des iustes & iniustes. 6o 6
Diffinition de la foy. f6
Diffinition d'oraifon. 672
les Diſciples de fainti Iean fontstandalifex: 37
de la Diuinité de Ieſus Christ,argumens. 284
Dottrine chrestienne. F9
la Dottrinepresthee par les Apostres, est diuine et
celeste. 187.188
pourquoy Dieu difere à donner ce qu'on luy de
mande. 643
Donner en pluſieurs manieres. 642
Dons et doüaires des approuueK. 37
les Dons corporels ne nous rendent plus aggreables
à Dieu fans les dons ſpirituels. 162
aux Dormans quels maulx font aduenus. 219

pourquoy Dort Ieſus Christ. 1 99


le Dormir des pasteurs ecclestastiques. 2 08
le Dos del Eglife font les Apostres. 19 o
la Douleurde nostre Dame grande pour trois rai
fons. 149
Doubte des Apostres en l'article de la refurrection
et certification de nostre foy. 698
E.
Efficace de l'oraifon. 129
l'Efficace de l'oraifon. \ 631
#?
Effi
T A B L E.

Efficace du ieufne. 129


l'Egliſe n'erre point,comment,& pourquoy. 22 r
l'Egliſe a esté perfecutee de long temps, par qui,
comment, & pourquoy. 194
pourquoy l'Egliſe est le Royaume des cieux. 224.
2 2.J

les Empe/ehemens de falut. 63


Emphaſe quoy. 82
les Enfans des riches font coustumierement fols &
prodigues des biēs que leurs peres ont acquis auec
grand labeur. J3
apres l'Enfantement pourquoy la fêmme s'estouyt.
6o4
l'Ennemy infernal n'a point de champ propre. 212
Ennemis de la croix de Iefits Christ. J93
Enuie est engendree d'enuie. 17
Erreur des Caluinistes ennemis du fainét Sacre
772e/at. 621

Efferance est vn vray bien. 637


comment & pourquoy l'Effine est auarice. 232
par les Eſpines qu'il est entendu. 2 f1
les Eſcritures ne/epeuuent entendre fans le funti
Eſprit. 62 6
lefaint# Effrit enfeigne toute verité , & comment.
627
comment le finči Eſprit reprendra le monde. 623
pourquoy l'Estat de peché est comparé au fomme.
6.Eý 7
Estat des vefues. 127
les Estoilles cherront auant leiugement. 28
l'Euangile ne doit estre blafinee,f peu de gens par
l’Euan
T A B L E•

l'Euangile ne s’amendent. 23s


l'Euangile en quoy confifte. 67
contre les bönes æuures, arguments des heretiques.
7o1
Exclamation du dernier iugement. 3f
Exemple des gendres de Loth, & des mondains au
temps de Noé. - 3.f
par Exemple Iestu Christ enstigne. 6ó4
Exemple de la femme enceinte. 6 o!
Exemple d'humilité. I ??

definit Expediit que Ieſu Christalast à ſon pere.


6 17 -

- F -

Ieſus Christ a eu Faim. 23f


par les premiers, Fagots/econds, tiers, quatriefmes,
cinquiefmes,& fixtefines,qu'il est entendu. 219
pourquoy la Femme s'estonyt apres l'enfantement,
6 04 { - -

de la Femme enceinte exemple. 6o1

les Festes instituees pourpluſieurs raiſons. 138


pluſieurs Festes celebrees felon la loy par les Iusf.
136 -

te Feu est comparé au peché. F

la Fulle de Iepthéimmolee prefiguroit l'Egliſe. 186


Fils de Dauid, quoy, - 2 67
Fin pourquoy Iestu Christ est venu en ce monde.
272.273
pourquoy Flaterie doit estre fye & chaffee. ys
contre les Flateurs papelards, &flagorneurs, f9 |
Foy n'vſe point deparole ſuperflue. 1 74
la Foy que c'eff. fó
Foy
T A B L E.

Foy,eſperance & charité,dons iustificatif. 164


à Foy & falut & baptefine deux chofes font necef
fures. 7oo
la Foy est vn vray bien. 637
Foy admirable du ladre. 172
noufommes appellez Freres par natiuité,vie,mort,
& iugement. 2

comment & pourquoy le Froment fignifie les esteuŁ


de Dieu. 2.2.2

combien le bon Froment est aymé de Iestus Christ.


2 1 6.2 1 7
G •
la Gloire eternelle est nommee denier. 230
la Gloire mondaine comparee à la vestie. 647
Gloire eternelle à tous egalle en tous endroits. 234
Gloire qui toustours dure aux bien-heurees ames en
Paradis. - « 38
la Gloire de Dieu inegalle. * 23J
de Gourmandife quels maux procedent. 12

Herbe qui a creu où estoyent les plantes des pieds


de Ieſus Christ quand il est monté an ciel. 691
contre les Heretiques. 1 23
Hereffetouchant l'inuocation des Saintis. 678
les Heretiquesplua obstinez que Pharao. 120
les Heretiques ennemys des bonnes coustumes. 134
contre les Heretiques qui ſe parfircent de destruire
la benediction. 117

contre les Heretiques touchant l'inuocation des


Sainčts. 62 o
l'Heritage que les peres & meres doyuent procurer
S ss -
T A B L E.
à leurs enfans. - ft
Herodes est standalixé en Ieſus Christ. f7

l'Heure detierce/exte,& vnze,que ſignifie. 231


pourquoy Hieruſalem est cité de Dauid. 97
pourquoy tout Homme est dit creature. 7 oo

pourquoy l'Homme doit plustost obeyr à Dieu que


les autres creatures. 2 0f

l'Hommenaturellement doit cognoistre la verité.


66 *,

les Hommes feicheront auant le iugement. 29


de l’Humanité de Iestu Christ argument. 284
l'Humilité de Iestu Christ standalizoit les Iuif. 75
Humilitéineštimable de Ieſus Christ. 1 o7

Humilité du ladre. : 173


l'Humilité de Iefia Christ encores offenſe pluſieurs.
f8
I
pourquoy fainti Iean baptife en eau. Ff
nt
comme fainti Iean confeffe la diuinit é de Iefiu
Christ. 37
pourquoy fainti Iean nie qu'il n'estpoint Prophete.
?I
fainčł Iean est nommé Ange,& pourquoy. 63
pourquoy fainti Iean fenomme voix,& non parole.
34
pourquoy fainti Iean est grandement loüé de Iestu
Christ. f9

Iepthé prefiguroit Iestu Christ. 136


- Iepthé immole à Dieu/a fille vnique. 18 f. 186
s pourquoy Iefia Christiugera enforme humaine. 3ı
pourquoy Ieſus Christestpreferé à fainti Iean. 87
-
| Iestu
T A B L E.

řestu Christ ne s'est declaré le Mefie par paroles


manifestes. J3
pourquoy Ieſus Christ s'est apparu a fes diſciples.
69 y
Iestu Christ eftfeul mediateur de nostrefalut. 6 so
Iestu Christ en l'Egliſe est veu par les yeux de la
foy. 22 K
pourquoy Iefas Christ a voulu estretenté. 28 i
Iefia Christ doublefon Iurement, & pourquoy. 641
pourquoy Ieſus Christ louëfainti Iean. f8
Iestu Christenſeigne par paroles. 664
comment Ieſus Christ est mis en ruine ci reſurre
čtion. 120

Iestu Christ fidele dočteur. 6o1

Iestu Christ est nommé lepremier nay. 1 02

comment Iestu Christ est preſent au fainct Sacre


ment de l’autel. 622

pourquoy Ieſus Christa touché le ladre. 17 6


pourquoy Iestu Christ a defendu au ladre de ne
dire à perſonne,crc. 178
Ieſus de Nazareth,quoy. 26 6
Iestu profitoit en fapience, en aage ci grace vers
Dieu & les hommes. 1.f3

Iefia est le vray/gne defalut. 12 1


le nom de Ieſus quoy. 642 .
Ieſus appellefa mere femme. 161
pourquoy Ieſus est demeuré en Hieruſalem. 147
du Ieufne de Iestu Christ, & pourquoy ila ieufné.
28 f. -

Diffinition du Ieufne. 28 f.
quelle chofe nous enfeigne l'Illumination de l'auen
S ss 2

“e
T A B L E.
gle. Y 267
Impieté des heretiques. I9I
. Ingratitude des hommes. 204
l'Intercefion des Saintis nous est neceffaire. 13 s
Inuečtiue contre les nobles. - l 24
Inuettiue contre les fàcramentaires. 28 6
Inuečtiue contre les delicats. 697
plus grandløye a esté en la natiuité de Iesta Christ
qu'en fa refurrečtion & aſcenſion. 93
quatre Ioyes font exprimees en l'estriture fainčie.
647. -

Ioye aux bien-heurees ames en paradis. 38


pourquoy la Ioye des bons est perpetuelle. 6 o6
la Ioye des iustes & iniustes est differente, 6o6
pourquoy Ioſeph & Marie s'eſmerueilloiết de l'en
fant. 11 1
l'Iffue de Dieu. 226.227
au Iugement general chofes efþouuentables. 33
Iugement de Dieu admirable. J99
le Iugement futur combien à craindre. . 22.23
le Iugement de Dieu estincogneu. 26
le Iugement du monde & de Dieu different, &
pourquoy. 237
le Iugement de Dieu incomprehenſible. 217
Iugement deux:l’vnpaffě,& l'autre à venir. 27
Iušies & iniustes portent la croix, mais differem
772e77t. 2 fó
les Iustes ont tristeffè de pluſieurs chofes. f98
la Iustice waye que c'est. 62 f. 62 ó
- L
le Ladre a esté de Iefia Christ pourpluſieurs rai
• - fons
T A B L E.

fons enuoyé au prestre. 177


pourquoy Dieu a enuoyé le Ladre aux prestres. 179
fe Leuer du fomme que c'est. 7
pourquoyilfe faut Leuer legierement dufomme. 8
Liberté de prefcher donnee aux anciens, 42
Lier en fagots,quoy. 2 19
Liures où on trouue la verité. óó

Louange d'Anne prophete. io3


Louange du S.Euangile. 7oo
la Loy depurification, i3 a
la Loydonne force à la bonne coustume. 133
la Loy de Moyſe est vn ombre. 67
la Loy de Dieu commande du fubueniraux pauures.
26 f
la Lune ne donnera lumiere auant leiugement. 28
AM.
la Main de Dieu. 176
Mal triple touche les mefchans à la mort. 6 04
Maladies corporellesprocedantes d'yurongneries Cá
gourmandife. * 14
la Maledičtion des Saintis est en horreur. 129
Malice du diable. 2 o6
Mariages clandestins communement n'ontpasbon
ne iffue. - 1J6
diference de Marie mere,aux autres femmes. 99
Maux aduenus aux dormans. 210
Maux prouenants d'oyſiueté. - 1ó

les Maux qui procedent de gourmandiſ? 6 yuron


7 1
gnerie. 2

Mediateur denostre falut c'est Ieſus Christfeul.


679 } -

Sss 3
T A B L E.

remiere Menace que Dieu a faithe au diable.27z


Mere nourriffe de pluſieurs maux. 16
pourquoy trois Meffes font celebrées à la Natiuité
de nostre Ssigneur. 98
Miracle des miracles. 1 0f

Miracleveritable & fans fraude. 167


Miracles admirables. 1 o&

la Mifèricorde de Dieu est monstrée parfoy, fignes


& æuures. - 17f
la Mifion du fils estfon incarnation. 614
pourquoy la Miston dufainti Eſprita esté diferée
iufặues apreslapastion de Iefia Christ. 619
par la Moiffon est entendu le dernier iugement.
21 7.2 18
les Moiffonneurs de Dieu, qui ilsfont. 218
la Mort ineuitable. .. 3
la Mort nous doit retirer de peché. 22
la AMort de Ieſus Chrift volontaire. 6 12
la Mort des hommesincertaine fî non à Dieu. 611
Ieſus Christliuré à la Mort,pourpluſieurs raiſons.
2 f3 .
Mouuement de tempeste furlamer, pour pluſieurs
raifoas. s I ff

Moyensparlefậuels nous pourrons effre illuminez


spirituellement, à l'exemple des aueugles illumi
nezcorporellement. 269.27 o
Moyenpourzainere Satan. . . 273

Moyens deprier." -4 - 672


le Mysteredela Natiuité de Ieſus Christ, furpaffe
les autres. . , 94
A4ystere de la mort de Ieſus Christ caché aux
. Ape
T A B L e.
Apostres. - 262
Mysteres admirables en la Natiuité de Iestu
Christ. 1 o7 .
N

la Nacelle de Ieſu Christ,c'est l'Eglife. 1 92


femblable Natiuité est commune à tou hommes. 3
la Natiuité de Iestu Christ est celebree en l'Egliſe,
& non fans caufe. - |90,91
la Natiuité de Iefia Christ a effé incogneuë au
monde. - 1 09
la Natiuité de Iefia Christ est diferente de celle
des Roys de ce monde. 1 06
la Natiuité de Iestu Christ pourquoypremierement
est annonceeauxpasteurs. 110
Nature de lafoy. 92
Nature propre de l'hereste. 13 f
Double nature en Ieſus Christ diuine & humaine,
6 13
Nature de la chair doubte de la volonté de Dieu.
6 y6
le Naturel des mesthans. 73
le Naturel des hommes est different. 20

Nazareth,c'est à dire floriffant. . 131


Noiſeengendre enuie. - 17
pluſieurs Noms du diable. - 283
le Nom d'Auguſte. 9.F
aux Nopces Iestu Christ a voulu afifter. 1 ff
- O

il faut Obeyraux ſuperieurs & maieurs. . . . 97


Obeiffance est deuëpremierement à Dieu, 16a
Obeiſſance des enfans à leurs peres & meres à l'e
Sss 4 - -
T A B L E.
xemple de Iefia Christ. - 1 J3
Obiection des heretiques contre efferance, charité,
& bonnes æuures. 64 6
les Oeuures de vertus font nommees æuures de lu
miere. 10

Office des Pasteurs. 199.2 0 0


l'Office des Anges au iour du iugement. 31
double Office dufainči Eſprit. 622
Oraiſon parfaičłe. 2ó6
r
l'Oraiſon est neceffairepou impetrerpluſieurs cho
fes de Dieu. 631
l’Oraiſon est diffinie. 672
Oraiſon à pluſieurs est grandetentation. ó fó
l'Oraiſon requiert quatre conditions. 63 J.
comment l'Oraiſon apluſieurs tentations. 6 42
nos Oraiſons nefont fitost exaucees de Dieu, pour
pluſieurs raiſons. 6 63
quatre Ordres des auditeurs de la parole de Dieu.
249.& ſuyuants. -

Ouyrl'Euangile n'est affez. 2 f1


parles Oy/Gaurdu ciel est entendu les diables. 23 o
d'Oystueté pluſieurs maux procedent. 16
* P

pourquoy de Paraboles a vff Ieſu Christ. 242


Paradis est comparé à vn pere de famille. 223
Pàrdon est donné au perple idolatre par le moyen
de l'oraifön. 632
Pareffe merenourriffe de pluſieurs maux. 16
fapt Paroles que la Vierge a proferé. 1 f7

conuenance dela Parole de Dieu & de laproprieté


de la/emence." 247.248
la
T A B L E.

la Parole de Dieu noas ſubstanteſpirituellement &


corporellement. 286
la Parole de Dieu est vn bouclier. 243
les Pasteurs de l'Egliſe dorment en trois manieres.
2 08

contre les Paſteurs Eccleſiastiques. 1 1 1. 1 99


Pasture de laquelle lespaſteurs doyuent paistre les
brebis duparc de nošire Seigneur. 2 09
les Patriarchesfe font estouys de la Natiuité de Ie
fus Christ. - ý2
fainči Paul nous appelle feres,&pourquoy. 2
fainti Paul nous appelle feres á raiſon de la natiui
té ſpirituelle. 4.
les Pauures felon la loy doyuent estrefecourus. 26 s
pour le peché d'vn mauuais, fouuent les bons en en
durent. 19 6
le Pechéne vient point de Dieu. 213
le Peché est comparé au feu. 8
les Pechez font appellex æuures de tenebres, &
ourquoy. 10

les bons Peres aucunefºis engendrent des mauuais


enfans,& au contraire. 14 UT
les Peres & meres doyuent nourrir ó instruire leurs
enfans pourquoy,& comment. I 43
Perils de la mer. 194
Perfecution compagne des bonspredicateurs. 46
la Perſecution des heretiques enuers l'Egliſe est plus
grande que celle des Gentils. 137
Perfecution des heretiques contre l'Eglife. 189
Perſecution des heretiques de nofire temps contre
l'Egliſe de Dieu. - - 192
Sss r
T. A B L E«

Perfeuerance en oraifon. 6 57
beaucoup de Peuples font appellez:mais bienpeu de
e/leuz. 2J4.
Prediction de Iestu Christ à ſes Apoštres. . 6 og
les Premiers qui ont plus longuement labouré en la
vigne pourquoyfont les derniers. 237
Prefcher aux hommes est vne charge onereuſe ố
honorable. - 42
contre les Prefcheurs quipresthent eux mestnes,cer
chant leur gloire. 242
lepremier Prestheur de l'Euangile. 1 o9
cõment la Prefence corporellede Ieſus Christ n’em
peſchepoint la preſence du fainči 619 #*
Preparer la voye à Iesta Christ que c'est. 63
contre les Prestres. * - 2f9
Prier/ans ceffer. 664
Dieu veut estre Prié,& pourquoy. | 646
les Princes standalistY; f7

moyens de Prier. , 672


nous Prions le Pere au nom defon Fils,&- pourquoy.
64 i - ' . . .

maniere de Prier,enfeigneeparleſaint Eſprit.67s


pourquoy il faut Prier Dieu,veu qu'il fait ce qu'il
nous defaut. , , , 67 6
comment le fils ne Priepas lepere, 6 ft
le Proffit que faiti l'homme eštant en perfecution.
47 , , .
Proefnes des Estenz & amis de Dieu. 222
le Propre de nostre Seigneur est d'entremeſler tri
steffe auec lieffe,& au contraire, , J94
Puiffance ineuitable de la mort. , , 3
|- · Puiffan
T A B L E.
Puiffance depresther est honorable é onereuſe. 42
Panition des damnez & reprouuez. 36
en la loy de Purification trois choſes font recon
mandables. 13 o

aestion comment fainti Í anàlamm a douté


de Ieſus Christ. 4?
Question doubteufe,& reſponſe. 179
Question touchant l'oraifon. 676
K.
Raifons par lefặuelles est declaré que l'Aftenston
de Iefies Christ estoit neceffaire. 617.618
Recompenfe des Apostres pourpreſcher l'Euangile.
184
la Redemption de Ieſu Christ plus ſpirituelle que
temporelle. 13 o
la Religion Chrestienne est diuine & celeste. 184
Reſponces aux friuols argumens des heretiques,tou
chant le fainti Sacrement de l'Autel. 62 t
comme nousferons Reprinsparleſainti Eſprit. 623
faire Requeste à Dieu,que c'est. 633
la Reſurrettion generale fera faitte au huictiefine
aage. 12f

les Riches ne doyuent mestrifer les pauures à l'e


a emple de Iestu. 157
aux Riches aduertiffement. 1 r?
Richeffes & l'eau comparee enſemble. 647
le Roſeau ſignifie pluſieurs chofes. 6o
Rufe du diable. 21 f

Rufes d'vn bon Capitaine d'affaillir fes ennemys.


27.5.276
C0/2
T A B L E.
S.
contre les Sacramentaires. 286
les Sainčis prient Dieu pour nous, au nom de Ieſus
Christ/eulmediateur de nostre falut. ó3o

pour nostre Salut Dieu est forty cinq fois. 2 26


à Salut deux chofes font neceffaires. . 699
la Sapiếce de ce mõde,c'eſt folie deuant Dieu.626
le Scandaledes Pharifiens enuers Ieſus Christ. 57
la Semence engendrefon ſemblable. 248
Semences de Dieu & du diable. , 213
de la Semence qui est la parole de Dieu. 248.249
Sentence du dernier iugement general. 34
Signes qui precederont le iugement. 26
Signes auxestoilles auant le iugement. 28
cinq Signes fuyuront ceux qui croiront. 7 o2
Signes au Soleil auant le iugement. 27
Signes en la mer auant leiugement. 29
Signes aux Anges auant le iugement. 30
Similitude de l'arbre à Iestu Christ. fó
Similitude d'vn camp terrien à Iestu Christ. 31
Similitude du froment. 222
Similitude dupetit enfant au grand. 23f
Similitude dufer & de l'humanité de Iestu. 177
Similitude du fils du Roy, au Daulphin de paradis.
6f8
Similitude de lagrace de Dieu,& de la bague per
due. 1 fl

Similitude de Ieſus Christ à vn apoticaire. 261


Similitude des Chrestiens aux ieunesfilles. 162
Similitude de Iefia Christ au prefire degradé.26 o
Similitude de Ieſus Christ à vn eferimeur. - 273
N- St
T A B L E. "

Similitude d'vnegoutte d'eaue à noz æuures. 279


Similitude du maisire d'e/?hole & de l'enfant Ie
fia. 1 J3
Similitude du malingeſprit. 1J
Similitude de l'o)/eleur. 2.J7
Similitude du pere de famille. J1

Similitude du pere,dumedecin,& de lestu Christ.


644.
Similitude des reprouuez C# de leurspeines. 222
Similitude de la robbe à Ieſus Christ. 17
Similitude du Soleil à Ieſus Christ. 2I4
Similitude des trois vertus theologales. 677
Similitude d'vne viande dedans vn plat de boys,
& c. 24 2.243
Similitude de la voix & de la parole. 33
le Soir c’est à dire la fin du monde. 233
le Soleil fera obſcurcy deuant le iugement. 27
le Somme est l'image de la mort.
en Songeantpourquoy l'homme est deceu. 6
nous ſommes Substantez de la parole de Dieu en
pluſieurs fortesc manteres. 286.& ſuyuant
Supplice des reprouuek: 26
- T.
le Tableau honorable iour du repos, ſignifiereduire
en memoire les benefices de Dieu. 142
Temps opportun pour faire miracles. 16 f.
pourquoy Tentationsfont enuoyees de Dieu. 282
Tentations procedent de la volonté de Dieu. 279
pourquoy a voulu estre Tenté Ieſus Christ. 2& 1
Tefmoignage des Estats eſquels Anne prophete est
approuué. 12 6
Til
T A B L E »
Tiltre de Ieſus. 1f9
Traištres de nature humaine. 277
Tribulation & vertus cõpagnes indiuiſibles. 194
pourquoyla Troupefnyt Ieſus Chrift, 1 F1
la Troupe standaliste. J7
V.
Veilles conſacrees. 1 11
aller Veoir le pere que c'est. f9f
la Veritén’est entre les heretiques: mais en l'Eglist
Catholique. - 7o
Verité est on threfordifficile à trouuer. 6ó

où la Verité fetrouue. 67, 6 ?


la Verité en quoy conſiste. 67
Vertu du nom de Ieſus. 640
Vertu faiti la nobleffe. 124 ||
double Vertuen Ieſus Christ. 704 |
Vertus cớ tribulations cõpagnesindiuiſibles. 594 |
Vices des pasteurs ecclestastiques. 2 00 1'
la Vierge Mariepourquoy est appelleefemme. 161 |
la Vierge Marie a enfantéfansiristeſe,douleur, &
fans corruption. 99
la ViergeMarie n'appella oncques Ieſus Chrift fan
fils que vne fois. I f2 |
contre les vieux & anciens. 26 o "
Væu de Iepthéfaitià Dieu. 183 ||
triple Voye par laquelle Ieſus Christest allé à fon |
pere. 613
preparer la Voye à Ieſus Christ que c'est. . 63
faire les Voyes du Seigneur droičtes. 34.8/ |
- F I N. |
GŽ 53 RG F) ESGRE)
T A B L E D E S P O IN C T S
P LVS R E M A R Q y A B L E S S V R.
L E P R E M I E R T O M E D E S
Sainćts, des Sermons de Ianier,
commençant à l'Aduent,
iufques à la Pen
tecoſte,
A

B/arditeĀ qui enfuyuent la doćirine de


| Caluin. 93 0

# W Aċie memorable de fainti Loys. 1933


# GS > | Admonition falutaire. 8 o2

Admonition à ceux qui fint aumo/nes. - 867


Admonition aux Chrestiens. 87 1
Admonitionfalutaire aux pecheurs. !9 i 2
Aduertiffemensfalutaires, 9 o8
les Affličtions n'equipollent pas à la gloire de Pa
radis. 783
Dieu esten Aide à l'homme par l'homme. 916
l'Alliance de Dieu,c'est la circonciston. 838
noble Alliance degrace & deforce. 779

Antiquité des festes des Sainčis. 876


de l'Apostolatles Caluinistes abuſent. 1 o 27
l'Argent qu'en leuestrl'Egliſeporte malheur.884
Arrogance des heretiques. 99f
l'Astenfon de Iesta Christ est confirmee. 783
Atheifine de Caluin. 767
l'Aube
*
T A B L E• -

l'Aube duiour comparee à la Vierge Marie. 754


Authorité plus gräde est dönee aux prestres qu'aux
Roys & aux Anges. - ? ?2
l'Aumoſhe doit estre faitte de bonne ſubstance, à
l'exemple des Roys. 867.3 63
fesAyfe, vne perſonne ne peut auoir en ce monde
icy cớ en l'autre. 8 19
C
le Calice de Iestu Christ beu parfainti Iean. sog
Caluin meurt de mort malheureufe. 1 o 19
Caluin deſguiſe les matieres. 1 o 09
Caluin attribue à Dieu egallement la trahiſon de
Iudas,& la red ption de nature humaine. 1 o 24
Caluin pire que Seruet. 763
les Caluinistes/ouštiennēt que Dieu n'est tout puif:
fant. 767
qui font les Catholiques. 1 010
Cauſes pourquoy on celebre les festes des Saintis.
876.&fuyuant. - |
Caufe pour laquelle S.Paul a esté conuerty. Foi
qui est Celuy qui faiti tous les Apoštres Iudas. to2;
Charitéardante en fainči Eštienne. 789
Charité aucune n’est aux Caluinistes. 87 y
Charles neufiefine de ce nom loüable. 36 !
cinq Chofes admirables font dictes de l'Eglist de
Dieu. 370 |
deux chofsrequiſes à vn vray tefnoignage. 812 |
nul Chrestien n'est offenfë finon que defoy-mestne,
833 - |
Ieſus Christ est au Ciel afis à la dextre de Dieule
Pere,C en mefine inštant en la terre. 9 if
C0772 mfif |
T A B L E.
comment les Cieux ont esté ouuerts à S. Estienne.
784 -

pourquoy les Chrestiensportent des cierges en leur


main auiour de la Purification. 1 0 0.2
Circoncire fes membres que c'est. 342
la Circonciston est diffinie. 838
fon vtilité cr institution. 841
Dieu Cognoistlesbons,& mestognoist les mesthans.
91 f
qui est le commencement d'hereste. 766
lafaintte Communion doit estre frequente aupeu
ple. 778
Commutation de la mere de Iestu Christ à S. Iean
l'Euangelišře. 31 s
Comparaiſon de la Vierge Marie à l'armee bien
equippee parpluſieurs raiſons. 7f8
de la Conceptiendela Vierge Marie. 746
le Concile est pardeffiule Pape. 1 0 12
aux Concilesne doyuentestreappellez/inon que les
ministres de l'Eglife. 362
Conditions requifes en vn futur Euestue. 1o27
Condition des hommes,est vile & miferable. 336
la Confestion fefaičipar la bouche. 782
il ne nou faut Confier en nošire iustice. 927
Confolation aux bons. - 9 o?
la Conuerſion de fainti Thomas est preferee à celle
de fainti Pierre. 777
Conuerston de fainti Paul. 776
le Corps de Iestu Christest/upernaturel. 771
file Corps de Iestu Christ n’estoit inuiſible au Sa
crement de l'autel, noui n'aurionsfoy ny Sacre
T* t t
T A B L E. i
yy'ef1#, - 772
Contrepoiſon à la muſique. 9 98
il faut Croire fins experience. 778
le Cæur est receptacle de tous maux, 843

fecond Degré a/alut quel. - 913


remier Degré defalut quel. 910
le Defir de funct Symeon accomply. 994
les Defaoycz doyuent estrereducts. 77 6
Deuotion plus que toute choſe efehauffe le Chre
Dieffue n. onne toutes choſes 778.
u ord à l'vtilité des hommes
& 23
Dieupermet les faux prophetes & pourquoy. 764
Dieu est perfecuté ở honoré en fes membres. 9 o7
Dieu a pitié de ceux qui nefefeparent pas de l'E
glife. 77 f
Diference des iustes & iniustes. 8 o8

Diference de lestu Christ , de la Vierge, & des


Saunčis. 1 044
Difference de Iefu Christ & des riches de ce pre
fent fiecle. 846
Diffinition du pechéoriginel. 748
Diffinition de la circoncifon. 838
la Dignitéfacerdotale, est la plus grande qui feit au
de.
les mon &2
Dočteurs anciens de l'Egliſe ontpriéles Sain&čis.
899. -

rt upernicieuſe,
s denefDie
Dontri
Dot à la Vierge Marie. - 929
7ft

Doucenr de la Vierge Marie, & 2 &?


Efficace
T A B L E.

- E
Efficace du nom de Iestu. 349
de l'Egliſe de Dieu,cinq chofes font diffes. 7 6 o
tant plus l'Egliſe est affligee,tant plus est elle ferme.
7 63
l'Eglife est comme vn roc. 766
à qui appartient l'Election des Eue/gues. , 1o29
les bons & fages Empereurs n'ont iamais voulu fe
meſler de conferer les Euesthez. 1033
l'Eſcripture/Ginéte pourquoy fait mention des bons
& mauttais. & 29
l'Estriturefuncte est obſcure, & pour iuste cauſe.
1 0 0 0. *

tous Estats ont eu cognoiſſance de nostre Seigneur.


922. 923
l'Estat facerdotal est prouué. 922
funčł Estienneformulaire de vertu. 7&2
funct Eftienne est caufe de la conuerston de funtt
Paul. &01
funčł Estienne a veu les cieux ouuerts,& comment.
384
Estre auec Ieſus Christ est chofè bonne. 8o4.8 of
contre les Eue/ques negligens & ignares. 89 o
l'Eueſgue doit esire neceſſurement dotte. 887
trois bons Eue/gues ont preferué d'hereste tout l'oc
cident. - 89 o
les Exemples de grande edification. 873
- F
pourquoy les Festes des Saintis ne font celebreespar
les heretiques. 874
Figure de Iefia Christ. 824
* ... T tt 2
T A B L E»

pourquoyle Fils de Dieu venant en ce monde s'est


voulu manifester a toutes fortes de gens. 921
le Fils de Dieu ne fe reuele finon à ceux qui font
leur deuoır. 924
Fleaux & verges de Dieu. 837
lepremier Fondement de la religion Chrestienne.
1 0 0f

Formulaire de vertu. 732


ceux qui ont plus de Foy ont plus de deuotion, 777
pourquoy Fuyt Ieſus Christ, 824

Gracede Dieu enuersfainči Paul. gof


Guerre de Lucifer contre Iefia Christ, 832
* H
il ne faut Hanter auec les heretiques. 373
iamais l'Herefie n'a eu pied que par le moyen des
Euefậues. - - 1 o 16
fon commencement. 766
contre les Heretiques blaſphemateurs grennemis de
l'honneur de Marie. 36 6
tous Heretiques font bandez contre le Pape, looz
Heretiques importuns. 1 0 1 69
tou Heretiques & perfecuteurs de l'Egliſe font touf
jours demeurez/ans facceſſeurs cöme Iudas.io 17
fainti Hilaire n'estoit femblable à noz Euefậues,
89 6
fainti Hulaire faiti miracle par la vertu du figne
de la croix. & 93
faint# Hilaire de noble race d'Aquitaine. 39 o
Jainti Hilaire digne du nom de martyr. 892
fainti Hulaire esteu Eueſque pour fa doctrine c
- fains
T A B L E«
faintteté. / 396
fainči Hilaire a celebré la Meffe. 88 f
funct Hilaire refste virilement contre les hereti
ques. 389
fainti Hilaire grandement loué parfainčł Augu
177. FFF
l'Hippocrite dit d'vn & penſe l'autre. 86 f
Histoire d'vn malade non baptiſë. 8oo

vn Homme de bien regarde plus au profit d'autruy


que au ffen. \s)** 93 t
Honneur accompagne vertu. ?72
les Huguenots font plu fin queles Catholiquer. 883
Hymne que c'est. 996
1
les Idoles de Babylone & d’Egypte ont esté de
struitts à l'aduenement de Iestu Christ. 823
comment S.Lean a beu le calice de nostre Seigneur.
& 99.
faint#Iean taist fon nom,& pourquoy. &o 6
fainti Iean est pun pour incredulité. 926
fainti Iean & S.Pierrefont aymez de IefasChrist,
Cổ cómment. 8o7
Ieſus mot deguet. 348
Ieſus est conceu en Galilee é en Nazarethpour
quoy. 1 039
pourquoylestu appellela Viergefemme,& non me
?re.
e - 316
Îestu Christ est au ciel afis à la dextre de Dieu le
pere,er en mefine inštant en la terre. ^ 918
Iefiuchrist est prouué estrelevray Mefias.831.ssz
lestu Christ auec l'Egliſe est vn corps. 9 07
Ttt 3
T A B L E.
Iestu Christ a manifesté fa prefence en pluſieurs
lieux. . - * 837
Iestu Christ a eu pluſieurs chofes en recommenda
º tion. 81f
Iestu Christ par fôn advenemēr a destruiči les Ido
les d'Egypte e de Babylone. 823
pourquoy Ieſus Christ a voulu estre circoncis. 844
Ieſus Chriši est repreſenté par Moyſe. 748
Ieſus Chriši č les riches de ce mõde differết. 846
Institution de la circoncifon. 84 1
Inuećftue contre les faux tefînoings. 736
Ioſeph patriarche figure de Iefas Christ. . . i 824
Ioſeph n'a rien de commun à la natiuité de Iefas
Christ. 366
il est difficile de Iuger de la Iustice d'vn homme vi
Md74f. - - 8 94
le Iuste est touffours en crainte. 929
qui est le Iuffe. ) 92.5
qui est celuy qui est Iufte. . , 896
les Iustes font fouuent ofieK de ce monde pour leur
grandbien. - ; 933
Iustice originelle que c'est. 748.749

-Louange defainéi Paul, quo3. 9 17


Louange de Iof ph. 3.2 6

Louange de France. . . . . 379


Louange de Iule Ceſar. 8o3
Louange du Roy Charles neufiefine de ce nom. 861
la Lune pour pluſieurs raiſons est comparee à la
vierge Marie. 7f6
Luther meurt malheureusement. 1019
, ' - - - il ne
T A B L E.
AM
il ne faut Mangerauec les heretiques. ?7 f
pourquoy Marie a efté espouste a Ioſeph. 821
AMarque pour cognoištre vn vray Catholique. ss 2
les Marques de l'Egliſe mlfes par les Caluinistes
ne font faffi/antes. 1 o 04
Marque dela vraye Eglife. 1004
AMarot a corrompu le Cantique de Symeon. 1o e i
fainti Mathius n'a pas esté ſucceffeur de Iudas.
1020

la vraye caufe des Maux que nous endurons. 897


cauſe des Maux que nous endurons auiourd huy.
1 o 23

la Memoire des Saints de tout temps a esté cele


bree en l'Eglife. 87 f.876
pourquoy AMention est faičłe des bons & des mau
nais en l'Estruture/Cuncte. 829
les AMefchans font les verges & fleaux de Dieu.
837
la Afeffe a esté celebree par les Apostres. 38 y
à quoy on cognost fvn Ministre est legitime. 1o2ı
qui font les vrays Ministres de l'Eglife. 1 o 26
AMı/Gricorde de Dieu enuers faınčł Paul. 9 of
AMistricorde de nostre Seigneur. 9 o 2.9 03
AMort malheureuſe de Luther & de Caluun. 1 o 19
trois Moyếspar lestuels il est prouuéle fils de Ma
rie effre le vray Roy. 8y1
AMufique non du tout approuuee. 997
la Muſique de Bardafenes, cauſe que pluffeurs font
tombezen herfie. 997
du Mystere de la cõceptiõ dela Vierge Marie:744
Ttt 4
r á B 1 z.
AV
en Nazareth pourquoy Ieſu est conceu. 103 y
pourquoy le Nom defainit Iean estten. 8o4
O
l'Oeuure dufainti Sacrement est ſupernaturel. 771
Oeuures de mifericorde. 907
ilfant referer toutes nos bönes Oeuures à Dieu. 873
quel est l'Office du Prefire & de l'Eueſque. 88 s
Oraiſon à la Vierge Marie. 817
les Offemens des Saintis bru/lex parles heretiques.
F F!
P
Paroles defģuelles les Martyrs z foyent en l'article
de la mort. 300

Dieu Parle aux pecheurs en quatre manieres. 911


contreles Pasteurs & ſuperieurs destituez de cha
rité. - 762
le Paffeur doit donner exemple à fon ſubieči. 886
Patience parfaitte en/Ginči Eftienne. 739
pluſieurs abufent de la Patience de Dieu. 9 04
Patience de nofire Seigneur. 02

pourquoy fainti Paulest fleu Apostre.


- les Payens n'auoyent que l'ombre de vertu. 873
Peché originel que c'est. 748
Peché est le pere de la mort. 749
le bon peuplefaič#le bonpaŝteur. 897
la bonne Peinture doit estre preferee au peintre.
874
Pharao oppreffeur des enfans de Dieu. 744.74 y
pourquoy les Philoſophes ont repugné à nostrefºy.
8.f4 - w -

Pierro
r A » L e.
Pierre & Iean font aymez de Ieſu Christ, c'eom
777e7ff. 3 o7
comment il faut Plorer les morts. | 834
les Saintis ont le Pouuoir ó le vouloir de nous ay
der. 898
la Prediction des eferitures n'impost neceſſité aux
chofès. 1 0 14
Prerogatiues de monsteur fainti Iean. 813.814
la Prefence de Iestu Christ manifestee en pluſieurs
lieux. - 837
pourquoyles Prefires font exempts de taille & tri
but au Roy. 883
les Sainčis entendent nos Prieres. 9 og
le Prince mauuais, mauuais les fubiects. &? ó a
Priuauté de faint? Iean auec Jefus Christ. 314
Priuilege defainti Iean l'Euangelifte. 812.813
comment la Probation est bonneparles fens. 76 e
Promeffe de Iestu accomplie. 781
le Propre de Ieſu Christ est d'entremester trifteffe
auec lieffe,ớ au contraire. 82 f
pourquoylesfaux Prophetes font de Dieu permis.
764
la Prophetie de Michee,Exte enim exiet,&c. est
expliquee. * 863.8 64
pourquoy les Pfalmes de Marot font defendu.999
qu’est-ce que Pfalme. 996
Punition ordinaire des heretiques. 1 o 17
Punition de Iudae far ceux qui denostre temps ont
perfecuté l'Eglife. 1 o 19
Punition des faux tef'noings. 737
contre la Puiffance de Dieu on nepeut reffter. 9 og
Ttt r
r A » L e. ^

Raifons comment la Vierge Marie est conceuëfani


pet héorignel. * - 7J 1.7 52
on nepeut Kefister contre la volonté de Dieu. 909
Regret defainči Polycarpe. 933
les Reliques des Saintis brustees par les heretiques.
... - & & 1

Dieu Reuele aucunefºis le genre de mort: mais non


pas le iour ny l'heure. 933
Refþonce à ceux qui fe/candalizent des abus des
Eue/gues. ' 1 o 13
la Reſurrection de Iestu Christ est prouuee. 783
Il faut qu'vn Roy & vn Pasteur donnent exemple
à leursfibiečis. ' *** 885
d'où procede la Ruine de l'Eglife. 1 030
Rufe de Iulian l'Apostat. . . 38 2
Rufe des heretiques contre lespasteurs. 891

les sacramentaire, n'ont point defy. 767


ilya en l'Egliſe Chreshenne vn Sacrifice externe
qui nepeut estreeffert finon par le prestre. 88 y
la Sentence de la mort uneuitable. 811

Sentence prouerbiale. » . . 9 09.9 19


estre Separé de Iefie Christ, est chofe mauuaufe.
& 04.3 o f. - -

Spečiacle pitoyable touchant les fainéis Innocens.


* . .&3o -

Similitude du temps de guerre, & du Royaume de


e Paradis. 84 8
Similitude d'vn verre & de la virginité. -1 0 4 2
Similitude de Ieſus Christ à Adam. 7.f3
- - Simili
T A B L e.
Similitude de la fontaine et de la grace diuine, to4 r
Similitude de la veine cephalique a Iestuchrist.844
Similitude des testamens ciuils. 84 o
Simulation Angelique. 1 043
le Soleil comparé à la vierge Marie par pluſieurs
raiſons. 7J7
les Subiects mauuais, mauuais le Prince. . &6o
- quelle est la Succeſſion de l'Eglife & religion Chre
ftienne. 1 o 21
la Succeßton Apostolique conſiste entrois chofes.
1 o 26
Suyure Iestu Christ,quoy & comment. 3o6
* Symeon est prophete. | 10 o 1
T
Inuečžiue contre les faux Tefnoings. 786
faux Te/moings femblables à Iudas. 7$$
fiinč# Thomas al fent a receu le S.Efhrit. 762
à vn vray Tefmoignage deux choſes font requiſes.
&12

faux Tefnoingspunis. 787


la Toute-puiſſance de Dieu est niee par les Calui
niffes. 767
Tribulation & vertus font compaignes inſeparables.
82 6 -

pr
par le Waifeau où Moyſe fut expofë, efi entendue
la vierge Marie. 747
Veoir Dieu en la Meffe,c'est vndire des Chrestiens
ez?7C1e72 f. 773
les V.ierges de Dieu. 337
la Verité eftfortifiee par chofes contraires. 76 s
Vertie
r A s 1 e.
Vertu cổ tribulation compagnes inf.parables. 826
Vertu dufigne de la croix. 393
Vertus du nom de Ieſus. 349
il fault imiter la Vertu & foy des Saintis, contre
les Caluiniftes. 377
Vicißitude des chofes,eft ordinaire. 31 3
la Viedes Chrestiens est vne perpetuelle croiæ. 827
la Vierge Marie cöparee à l'aube du iour. 734.73f
la Vierge Marie est conceuëfans peché originel.7yı
la Vierge Marie est comparee au Soleil. 7J7
pourquoy la Vierge bien-heureuſe entre toutes les
femmes. l 04 f

la Vierge Marie est comparee à la Lune,pour plu


fieurs raiſons. - 7f6
elle est comparee à vne armee bien equippee. 738
la Vierge Mariereferuee en/a conception de la ma
cule originelle. 747
la Virginité de la Vierge Marie est prouuee. 743
IViſions diuines font faičles felon la conuenance des
chofes leſquelles elles ſignifient. 784
contre la Volonté de Dieu on nepeult reffter. 9 og
Voye pour effre fauué. . . 810
contre les Vfuriers qui font du cuyr d'autruy large
Cez77ttere. 367

*
v
ở4t
fel. circonciston & institution,& pourquoy.
**

pour l'Vtilité des hommes toutes choſes de Dieu


24:24:#: 823
I *

- Imprimé par laques Rouſin 2

à Lyon.
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