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EX BIBLIOTHECA

P. P. C. LAMMENS .

Ex fibrisijfucas
Col.med .Antu.Socie.

FEK GENT
‫‪Ace 2120‬‬
‫می رسی کار‬

‫‪{6‬‬ ‫‪.‬‬
‫و‪C‬کم‬

‫اور ان کیا ت‬
‫نی کا‬
‫نیمی از ایدهای را به اوج‬ ‫را در بین از‬ ‫و چه ای‬

‫)}‬ ‫‪cope‬‬
RELATION
DE LA GVERRE
DE

FLANDRES
en l'année 1667

40000 dove

A PARIS ,
Chez CLAVDE BARBIN , au
Palais , ſur le ſecond Perron de
la Ste Chapelle.
M. DC . LXVIII .
AVEC PRIVILEGE DV ROT ,
2
赛 类 美 类 , 美 类选美 善
茶类 金 至 主要 参
A MONSEIGNEVR

MONSEIGNEVR
LE D V C
1
DE LA

ROCHEFOVCAVT ,
Pair de France.

M
ONSEIGNEVR ,

La Campagne du Roy
étant un Ouurage qui re
garde en quelque ſorte la
a iiij
EPISTRE.
gloire de SaMajeſté, j'ay
osémepromettre que vous
neluy refuſeriez pasl'hon
neur de votre Approba
tion; & que la dignité du
Prefent vous faiſant ou
blier la main quiprendla
liberté de vous l'offrir
Vous regarderiez moins
ce petitLiure , comme un
effet de mon zele , que
comme une Relation fi
delle des Auantages que
noſtre grand Monarquea
remportez la Campagne
paßée. Si l'honneur de pu
blier vos loüanges eftoit
EPISTRE.
permisà une plumecomme
la mienne, je vous dirois,
MONSEIGNEVR
, que
voſtre Approbation fait
aujourd'huyla deſtinée des
Ouurages lesplus accom
plis denoſtre Siecle ; le
vous demanderois l'indul
gence de ce diſcernement
admirable que Vous pola
-1
fedez,deceslumieres d'ef
prit penetrantes , qui font
qu'vne Naiſſance tres-it
Luftre , la Dignité d'un
Rang tres - Eminent , ne
fontque les moindres para
ties desqualitez qu'onad
EPISTRE.
miredansVotrePerſonne.
Mais ,MONSEIGNEVR ,
cesfortes de Panegyriques
n'eſtant ny de mon genie,
ny du reſpect que ievous
dois, je le laiferay à ceux
qui ſontplusdignes de le
remplir , die me conten
teray de prendre toute ma
vie auec une foümißion
tres-profonde, celuyde
MONSEIGN EVR ,

Votre rres-humble , tres - obeïta


fant, & tres- loûmisſeruiteur
BARBIN.
Extrait du Priuilege du Roy.
A R Grace & Priuilege du Roy, donné
à Saint Germain en Laye le s. Aouſt
1668. Signé , Par le Roy en ſon Conſeil,
Lors , il eſt permis à ĆLAYDS BAR
BIN , Marchand Libraire , de faire
imprimer yn petit Liure de la compofi
tion du Sieur de Vandeuvres , intitulé , La
Campagne du Rog , pendant le temps & ef
pace de ſept années ; Et deffenſes ſont
faites à tous autres de l'Imprimer , ſur pei
nede trois mille liures d'amende ' , de tous
dépens, dommages & intereſts , comme il
eſt plusau long porté par leſdites Lettres,
de Priuilege.

Acheué d'imprimer pour la premiere fois le 18.


Aouft 1668.

Les exemplaires ont eſté fournis.


Regiſtré ſur le Liure de la Communauté des
Imprimeurs & Libraires de Paris, fuiuant de
conformement à l'Arreſt de la Cour de Parle.
ment du 8. Auril 1653. do celuy du Conſeil
Primé du Roy, du 5. Feurier 1665.
ANDRE' SOVBRON , Syndic.
>
.

SIN
RELATION
DE LA GVERRE

DE FLANDRES
en l'année 1667.
A Guerre eſtant
recommencée en
tre la France &
l'Efpagne en l'année 1667 0

& me trouuant ſans em?


ploy dans l'Armée ; je crûs
que ie ne pouuois choiſir
whe occupation plus hon
A
ż Relation de la Guerre
neſte, & plus vtile pendant
la campagne , que celle d'é
crire ce qui s'y pafferoit,
afin den’eſtre plus expoſé,
comme j'ay eſté,apres 17,
ou 18. ans que j'ay ſervy
dans les Troupes, à cher
cher inutilement dans ma
meinoire , les choſes dont
ie mc voulois fouuenir. Ic
ne mc méle point de faire
plan exact de l'eſtat des
affaires ‫ ;ܪ‬mon deffein n'é
tant pas de compoſer vne
Hiſtoire, mais ſeulemet vn
lournal . Ie ne veux point
auſſi parler des droits de la
Rcyne ſur les Païs-bas , la
de Flandres en 1667. 3
Tuſtice en ayant eſté aſſez
authentiquelment eſtablie
par leManifeſtequele Roy
a fait publier ;& ieme con
tenteray de raporter d'une
maniere ſimple & ſans or
nement , ce que j'ay veu
& ce qui eſt venu à ma con
noiſſance.
La Paix qui ſe traittoit
à Breda entre la France ,
l’Angleterre , & la Hol
lande , eſtoit preſte à con
clure , quand le Roy qui
auoit laiſſé écouler 18. ou
20. mois depuis la mort
de Philippe IV .Roy d'Ef
pagne , pour donner temps
A ij .
4. Relation de la Guerre
à la Reyne ſa veuve de luy
faire raiſon des pretencions
qu'il auoit ſur diuerſes Pro
uinces des Païs -bas, comme
il le luy auoit fait entendre
par pluſieurs Lettres &
par pluſieurs inſtances de
ſon Ambaſſadeur , étonna
tous ſes voiſins & ſurpric
la pluſpare de ſes Sujets, en
donnant ordre dés le mois
de Mars & d'Ayril , que
preſque toutes les troup
pes qu'il deſtinoit pour ſer
uir en cette expedition , s'a
uançaſſent ſur les frontic
res de Champagne , & de
Picardie , fous pretexte_de
de Flandres en 1667. S
faire de grandes reucuës
comme il auoit accoûtume
depuisquelques années >

où les Regimens & les


Compagnies campoient
auſi regulierement , com
me ſi l'on euſt eſté dans yne
guerre ouuerte.
Apres la reueuë . qui ſe
fit à ſaint Germain vers la
fin du mois d'Avril , on
commença de publier que
c'eſtoic tout debon qu'on
s'alloir mettre en campa
gne,àmoinsque le Conſeil
des Eſpagnols ne ſe portaſt
à donnerau Roy vne bon
qu'il
ne partie des choſes
A. iij
6 Relation de la Guerre
pretendoit : On nomma
d'abord des Officiers ge
neraux ; On parla de diſtri
buer de l'argent pour l'Ar
tillerie & pour les viures :
On fir direaux Comman
dans des Regimens qu'ils
auerriſſent ceux qui eſtoient
ſous leurs charges de ſon
ger à leurs équipages , &
enfin on donna tous les or
dres neceſſaires quand on
veutfaire la guerre .
Cependant le Manifeſte
où eſtoient expliquez les
droits de la Reyne ſe pu
blia ; & dés le commence
ment du mois deMay l'on
do Flandresen 1667. 7
en enuoya des exemplaires
imprimez par toute l'Euro
!
pe , mais particulierement
en Eſpagne & à Bruxelles ;
Ce qui eltant vneſuffiſante 72
declaration de guerre , Te
Roy ſe diſpoſa d'en aller
attendre la réponſe à la
tefte deſon Armée.
Il partit de ſaint Ger
main le 16. du meſmemois
auec la Reyne', accompa
gné du petit nombre de
gens de la Cour' , qui ſe
trouuerenten eſtat de le ſui
ure ; la pluſpart des grands
Seigneurs & des Courti
fans, eſtancdemeurez pour
A iiij
& Relation de la Guerrë
donner ordre à leurs équi
pages de guerre. Mais pour
laiſſer vn peu de temps à
ceux qui le vouloient ſui
ure , il fut cinq iours par
les cheniins auant que de
ſe rendre à Amiens , où il
arriua le vingtiéme du
mois . Au meſme temps ,
les Officiers Generaux par- .
tirent pour aller aſſembler
les Troupes en diuers , en
droits ; Les vns à la Fere ,
les autres à ſaint Quentin ,
à Guiſe , à Mezieres , à Pe
ronne , à Dourlens , & à
Hefdin ; Enfin toutes les
Troupes , s'eſtendoient de
de Flandres en 1667. 9
puis la Meuſe juſquesà la
Mer de Calais , & en dif
ferens corps , qui ſe pou
uoient neantmoins aflem
bler en si ou 6; jours , ſe
lon la reſolution qui ſeroic
priſe.
Le Marefchal d'Aumont
Gouuerneur de Paris , fur
deſtiné pour commander
yn corps de7. à 8000. hom
1
mes du coté de Dunker
que , & il auoit ſous luy
pour Lieutenans Generaux,
le Comte du Paſſage & le :
Duc de Roanés , qu'on ap
pelloit auparauant leComte :
de la Feuillade ;‫ & ܪ‬pour
A.V:

)
10 Relation de laGuerre
Mareſchaux de Camp le
Comte de Lorge & Saint
Lieu . Son Infanterie eſtoit
compoſée des Regimens
de Nauarre , de Norman
die , du Pleſſis - Praſlin ,
d'Harcourt , de Sourches ,
& de la Reyne ;. & la Ca
uallerie commandée par la
Cardonniere Commiſſaire
General, eltoir diuiſée en
trois Brigades , à la teſte
deſquelles. eſtoient le Mar
quis de Rouuray , le Mar
quis de Genlis & Cal
10 .

Le Marquis de Crequy
nouuellement rappelle àla
de Flandres en 1667. II
Cour , d'où il auoit eſté ſix
ans éloigné , fut enuoyé
pour commander ſur la
frontiere de Luxembourg,
& du colté d'Alſace , auec
3. ou 4000. hommes ; &
Deſpence pour Mareſchal
de Camp auec luy. Il n'a
1

uoit que deux Regimens


d'Infanterie , ſçauoir Pied
mont, & faint Vallier, auec
1000. Dragons. Sa Caual
lerie eſtoic auſfi diuiſée en
trois Brigades, ſous le com
mandement du Marquis
de loyeuſe, de la Feüillée,
& du Marquis de Mont
caurel , qui obeyſloicot
:
Avi
12 Relation de laGuerre
tous à Rochepere qui ſe:
trouuoit l'ancien .
En meſme temps on en
uoya le Duc de Noailles às
Perpignan ‫و‬,dont
. il eltoit
Gouuerneur , afin d'auoir
ſoin du Rouſſillon , pen -

dant que le fort de la guer


re feroit en Flandres. Ce : 1

Duc cut peu dc troupes 1


,
parce qu’liy auoit peu à en
treprendre, & on luy donna
ſeulement quelques Regi
mens de Cauallerie auec 1

Foucaut pour Lieutenant :


General.
On jugea aiſément que:
le Royauoitquelque grand
de Flandres en 1667. 13
deſſein , quand on vit qu'a
uant que de partir de Saint :
Germain , il eſtablit pour
demeurer auprés de la Rey
ne vn Conſeil,dont eſtoient
le Chancelier de France , &
le Mareſchal d'Eſtrée , auec :
deux Secretairesd'Eſtat, lai
Vrilliere ; & Guenegaud :.
Puis l'ayant declarée Re:
gente du Royaume pen
dantſon abſence , il manda :
les Cours Souueraines , pour
leur dire que la volonté
eſtoit qu'ils la reconnuſſent
en cette qualité,tant qu'il
ſcroit éloigné .
Le Prince de Condé des
14 Retation de laGuerre
meura à Chantilly , fois
qu'il fût indiſpoſé , ſoit ,
comme on a veu depuis
que le Roy le reſerualt pour
d'autres emplois quand la
guerre feroit plus allumée :
Sa Majeſté témoignant de
ne ſe vouloir ſcruir dans le
cours de cette campagne ,
que du conſeil du Vicomte
de Turenne ,Mareſchal de
Camp General ,qui par ce
moyen ſe vit au plus haut
degré de gloire, où il fuſt
encore paruenu .
Pour les Miniſtres, dont
le Roy ſe ſeruoic ; c'eſt à di
ce, Melliours leTellier., de

1
de Flandresen 1667. 15
Lyonne Secretaire d'Eſtat,
& de Colbert , ils ne parti
rent de Paris que fixiours
apres fa Majeſté , & furent
droit àla Fere pour ſe ren
dre où l'on les appelle
roit .
Quant au Marquis de
Louuois Secretaire d'Eſtat,
il auoit pris les deuans dés
le quatorziéme du mois,
afind'auercir tout le mon
de de la marche du Roy ,
& du deſſein qu'il auoit de
faire yoir à la Rcyne , ce qui
ſe trouueroit de Troupes
aux enuirons de Peronne ,
ou leurs Majeſtez ſe des
16 Relation de la Guerre
uoient rendre le 26.deMay..
Mais auant que de paſſer
plusoutre; il eft;ce me fem
ble, à propos dedire quelles,
eſtoient les forces de l'E
tat, quand le Roy conceurs
de telles entrepriſes .
Toute l'Infanterie Fran
çoiſeeſtoit diuifée en 1200
Compagnies , payées ſur le
pied de go. hommes chacu
ne ; mais comme quantité
de jeunes gens de qualité
auoient depuis peu pris le
commandement des Regie
mens , il y en auoit beau
coup , quipourfaire mieux
leur cour,augmentoient &
de Flandres en 1667. 17 :

embelliffoient tous lesiours ,


les troupes qui eſtoient ſous
leur charge, & qui leuoient
à leurs dépens des Compa
gnics beaucoup plus nom
breuſes qu'on ne les leur
demandoit. Outre cela , le
Roy auoit les deux Regi
mens de la GardeFrançoi
fe & Suiſſe , & enuiron 20.
Compagnies franches de
Suiffes nouuellement le
uées, toutes leſquelles trou
pes d'Infanterie pouuoient
faire enſemble ſur le pied
que le Roy les payoit ,
70000. hommes , fans y
comprendre'milla Dra.
gons ..
18 Relation de la Guerre
Quant à la Cauallerie ,
elle confiftoit en 200.Com
pagnies de so. Maiſtres cha
cune , qui faiſoient 10000.
cheuaux, ſur le pied queTe
Roy les payoit. Sa Maiſon
luy faiſoit encore enuiron
3000. chcuaux ,en Gardes
du Corps, Mouſquetaires à
chcual , Gens d'armes , &
Chevaux-legers d'Ordon
nance ; mais des troupes les
plus leítes qu’on cuſt ſans
doute iamais veuës.
De tout cela les places
eſtant munies , & la reparti
rion faite , ſelon les di
uers Corps dont le Roy ſe

1
de Flandres en 1667, 19
:

vouloit ſeruir en differens


endroits > ſelon ce que
j'ay deſia dit , l'on faiſoit
eftar que l'Armée Royale
ſeroit compoſée de 24. à
25000. hommes de pied ,
& de 9. à 10000. cheuaux,
dont voicy,à peu prés le dé
tail.
L’Infanterie eſtoit fepa
rée en quatre Brigades,dong
la premiere & la plus forte
eſtoit celle des Gardes; elle
eſtoit compoſée de vingt
huit Compagnies du Regi
ment des Gardes , de dix
neuf Compagnies desGar
des Suiſſes , & de vingt
20 Relation de la Guerre
quatre Compagnies du Rc
giment du Roy.comman
dé par le Marquis d'Anjau,
qui faiſoient enſemble on
ze Bataillons ; ſçauoir les
Gardes Françoiſes quatre ,
les Suiſſes quatre , & l'autre
Regiment trois.
La ſeconde Brigade eſtoit
celle de Picardie , dont
eſtoient le Regiment qui
porte ce nom , commandé
par le Comte de la Mark ,
celuy de Saux par le Comte
de Saux de Leſdiguieres ,
celuy de Lyonnois par le
Marquis de Villeroy , &
celuy de Turenne que com :
de Flandres en 1667. 21
mandoit le Marquis de Sil
lery. Tous ces Regimens
faiſoient chacun deux Ba
taillons.
La troiſiéme eſtoit celle
de Champagne , compoſée
du Regiment de ce nom ,
commandé par le Marquis
d'Ambres , & de ceux de
Caſtelnau , de Louuigny ,
d'Orleans; le premier com
mandé par le Marquis de
Caſtelnau , le ſecond par le
Marquis de Louuigny , le
troiſiéme par le Marquis de
Beaufort ; chacun de ces
quatre Regimens faiſoit
aufli deux Bataillons.
1

22 Rlation de la Guerre
Dans la quatriéme eſtoit
le Regiment d'Auuergne
commandé par le Duc de a
Chevreuſe , le Royal com
mandé par Pierrefite , celuy
de Rouſſillon ou des Cate .
lans commandé par Cara
magne , & celuy d'Alſace
commandé par le Comte
de Naſſau , qui tous ne fai
ſoient que lept Bataillons;
Rouffillon n'en faiſant
quºvn.
La Caualleric Legere
commandée par le Duc de
Coallin quien eſtoit Meſtre
de Camp General , eſtoit
diuiſée en douze Brigades ;
de Flandres Èn 1667. 23
mais comme il ſeroit bien
long de nommer icy tous
les Regimens qui les com
pofoient, ienemettray que
le nom des Brigadiers à qui
elles obeïſſoient,qui eſtoiét
le Baron de Montclar , des
Fourneaux , Beauuezé , le
Marquis de Reſnel, Billy ,
Montauban , le Cheuallier
de Fcurilles , le Comte de
Choiſeul , Artagnan , le
Comte de Roye, les Mar
3
quis de Rochefort & de
Villequier .
On attendoit encore les
Troupes auxiliaires que le
Duc de Lorraine deuoit en
24 Relation de laGuerrè
uoyer , qui ſe trouuerent
compoſées de quatre Regi
mens de Cauallerie , faiſant
enuiron 15oo. cheuaux , &
de deux d'Infanterie qui
faiſoient peut-eſtre 900. ou
looo, hommes .
L'Artillerie fut priſe à la
Fere & à Amiens : l'entens
les groſſes pieces; car le Roy
auoit ordonné des lecom
mencement du mois , aux
Meſtres de Camp & aux
Commandans des Corps ,
que chaque Bataillon me
nât auec ſoy vne piece de
trois ou quatre liures de
balle, & il auoit fait deliurer
de
de Flandre en 1667.'25
de l'argent pour acheter des
cheuaux , &lereſte de l'at
tirail qui ſe trouuoit necef
ſaire pour cette conduitte.
C'étoit ſaint Hilaire Licu
tenant de l'Artillerie qui
commandoit tout l'équi
page deſtiné pour cette ar
méc ,dont Colbert le Maî
tre des Requeſtes eſtoit
l'Intendant . Voila quelles
eltoicnt les forces de terre .
Quant aux forcesdemer,
j'ay apris qu'il y auoit dou
ze ou treize Galcres dans la
mer du Leuant , & que le
Duc deBeaufort Admiral ,
eſtoit aux coſtes de Breta
В.
26. Relation de Guerre
gne & de la Rochelle aucc
25. Ou 30. Vaiſſeaux.
Le Roy eſtant donc arriué
à Amiens le 20. de May, il
en partie le vingt-cinquié
meaprés s'eſtre ſeparé de la
Reine , qui au lieu de fe
trouuer à la reucuë qui ſe
deuoit faire à Peronne ,
comme on auoit crû qu'el
le feroit , s'en retourna
par Montdidier à Compie
gne,& ce meſme jour vingt
cinquiéme le Roy alla caper
auec ce qu'il auoit de Ca
uallerie proche d'Encre , &
le lendemain au mont ſaint
Quentin proche de Peron,
de Flandres en 1667. 27
ne , où il trouua beaucoup
de troupes , particuliere
ment d'Infanterie qui s'y
eſtoit aſſemblée ou aux en
uirons ; enſuite, il alla cam
per à Gouy, prochele Ca
telet ; delà à Briatre, proche
le Cateau Cambrelis , &
puis à Villerpol auprés du
Queſnoy, le iour ſuiuant à
Taiſnieres proche de Ba
uay : Apres à Peronneual
proche de Binch , qui eſt
vne petite ville du Hai ,
nault , ſans fortifications,
qui en temps de guerre eſt
toûjours au Maiſtre de la
Campagne, & ou l'on trou.
B ij
28 Relation de la Guerre
ua à propos de laiſſer quel
ques troupes pour en tirer
des commoditez , pendant
que l'armée feroit à Char
leroy , où le Roy auoit fait
deſſein d'aller des fon dé
part d'Amiens ; Et enfin il
alla camper à Piéton , Vil
lage ſitué ſur vn ruiſſeau de
meſme nom ,qui apres quel
que detour vient tomber 1

dans la Sambre, enuiron à


vne lieuë de ce village.
Cetre riuiere & ceruiſſeau
font yn angle en ſe joi
gnant du colté de leurácf
cente , dont le terrain eſt
allez éleuć , où il y auoit

I

de la Flandre en 1667. 29
autrefois un petit village
nommé Charnoy. Son al
fiette ayant ſemblé fort
auárageuſe à Caſtel Rodri
gue Gouuerneur des Païs
bas pour le Roy d'Eſpa
gne,à cauſe que la Sambre
eſt dégarnie de places for
tes depuis Landrecies , qui
eſt preſque à la ſource, iuf
ques à Namur , où elle ſe
perd dans la Meuſe. Il auoic
reſolu dés l'année prece
denteauec le Conſeil de ces
Prouinces , d'y baſtir vne
fortereſſe quipût s'oppoſer
aux courſes que pourroient
faire les garniſons que les
B. iij. -
i

30 Relation de la Guerre
François tiennent entre la
Sambre & la Meuſe, c'eſt à
dire , dans Philippeville ,
Auernes, & Mariembourg,
places qui nous furent ce
dées par la paix des Pyre
nées. Ce deſſein auoit eſté
continué auec tant de cha
leur , & de dépenſe , que la
place eſtoit preſque en dé
fenſe, quand on eut au Pais
bas les premiers auis de
l'intention du Roy , d'aller
luy -meſme à main armée
demander les Prouinces , &
les places qu'il pretendoit
appartenir à la Reyne.
Cette place que Caſtel
de Flandres en 1667. 3?
Rodrigo fit nommer Char
leroy, eſtoit de ſept baſtions
reueſtus d'vne ſorte de pier
re fort dure & aſſez groſſes
qu'on auoit fait venir du
païs de Liege.La pluſpare
des baſtions & des courti
nes eſtoient déja éleuées juſ 1

ques au cordon , & les de


hors en eſtoient achieuez , &
en ſi bon eſtar , qu'on n'en
voyoit point de meilleur en
Flandres .
Cependant Cartel Rodri
go, voyant que c'eſtoit tout
de bon que le Roy tournoic
la teſte vers luy , craignit
que ces travaux nouuelle ,
Bilij
32 Relation de la Guerre
ment faits , & la pluſpart
pendant l'Hyuer, ne fuſſent 1

pas, en cſtat d'eltre long


temps defendus, fi l'on les
venoit attaquer ; & comme:
il n'auoit pas aſſez de trou
pes pour conſeruer tant:
d'autres places, qui luy ſem
bloient auſli, conſiderables
que celle-là , il aima mieux
l'abandonner : Et en ayant
reciré le canon & les mu
nitions qu'il y auoit déja:
fait mettre, il reſolur de la
ruiner : Si bien qu'auec des
mines il fit fauter tout le
corps de la place , & on la
trouuamieux raſée quepeut
de la Flandre en 1667: 33
eſtre iamais fortereſſe. l'air
elté, à l'exception toutefois
des dehors qui demeure
rent entiers , & qui paru
renc encore ſi beaux aux :
yeux du Roy , qu'il vou
lut la faire ceſtablir. Ceca'
te reſolution fut priſe ſur
ce qu'il jugea que ce
poſte qui n'eſt éloigné de :
Namur que de fix licuës,,
d'enuiron autantde Monts,,
& peut - eſtre de 12. OU 13.
de Bruxelles , ſeroit d'vne :
grande conſequence pour
le deſſein qu'on auoit ſur
le Brabant, & ſur le reſte
du Hainault. Il y eut mels
By
34 Relation de la Guerre
me encore d'autres raiſons
qui firent prendre ce party;
car comme le Roy eſtoit
ſorty de France aſſez ino
pinément , & que la ſaiſon
eſtoit encore peu auancée ,
l'Hyuer ayant duré long
temps, il ne ſetrouuoit pas
aſſez de fourages. De plus,
on auoit ſipeu de chcuaux
d'Artillerie , que tout ce
onn en auoit pû mettre
qu'o
enſemble, ſuffiſoit à peine à
mener huict ou dix pieces
de gros canon, auec les mula .

nitions neceſſaires pour leur


ſeruice , & pour celuy de
l'Infanterie. L'équipage deş
de Flandres en 1667. 35
viures n'eſtoic guerre plus
complet , la pluſpart des
quaiſſons n'eſtanc pas en
core en eſtat de ſuiure l'ar
mée que l'on vouloit faire
entrer dans le païs. Il ſe
pouuoit faire aulli qu'on
vouloit bien attendre quel
que temps pour voir quel
effet la publication du Ma,
nifeſte feroit ſur l'eſprit des
peuples, la guerre n'eftant
pas encore ſi bien refo
luë , que ſi l'on eût donné
au Roy quelque eſperance
d'vne prompte ſatisfaction ,
il euſt pû ſe rendre aux
raiſonnables propoſitions
B vi
36 Relation de la Guerre
qu'on luyeût faites,& .épar
gner ainſi à ces Prouinces ;
tous les degats que ſes ar
mes ont fait depuis. Quoy:
qu'il en ſoit , on conſumna.
plus de quinze iours à
reparer ce que l'on puſt:
des fortifications ruinées ,;
l'arniée y, trauaillant aucc :
toute la diligence. pofli:
ble.
Dans ce commencements ,
comme on ne voyoit point :
encore d'ennemis en cam
pagne , on ne faifoit pas,
auſſi beaucoup d'actes d'ho
ſtilité , le Roy faiſant viure :
ſestroupes dansvnc diſci,
de la Flandre en 1667; 37
pline plus exacte que s'il
ellt: eſté dans ſes propres
Eſtars ; On ne laiſſa pour
tant pas d'enuoyer à la
guerre , dés : que l'armée.
partit des enuirons du Ca
Iteau Cambrelis ; Et Pilois:
Meſtre de Camp de Caual
lerie fut détaché auec cinq
cens cheuaux pour entrer :
dans le pais , afin d'y pren
dre languc , & d'obſeruer :
s'il ne s'y faiſoit point quel
que mouvement. La pluſ
part des 'gçns de quali
té de l'armée defirerent
d'aller volontiers , dans ce .
party; mais le Royne le pers
28. Relation de la Guerre
mit qu'à quelques - vns ;
dont les plus conſiderables
furent le Duc d'Enguien , le
Comte de faint Paul, & le
Duc de Boüillon , mais leur
cmpreſſement fut alors inu
cile ; car aprés auoir eſté
trois ou quatre iours de
hors , ils reuinrent au Camp
ſans auoir trouué occaſion
de rien faire.
Pendant le fejour que l'ar
mée fit à Charleroy , la Rei
ne , comme j'ay dic , eſtoit
retournée à Compiegne ;
mais elle s'auança iulqu'à
Aueſnes , pour jouir de la
preſence du Roy qui s'y des
de Flandres en 1667. 39
uoit rendre ,& pour profi
‫و‬

ter du peu de temps qu'il


î
pourroit dérober aux foins
qu'il vouloit prendre luy
meſme de voir r'accommo
der la place.
Le iour qu'elle y deuoit
arriuer,le Roy auec yn bon
nombre de Cauallerie vint
deux ou trois lieuës au de
uant d'elle , & pendant les
quatre ou cinq iours que
leurs Majeſtés furent en
ſemble, Monſieur qui eſtoit
demeuré-au Camp , y don
na tous les ordres nccef
faires.
Quelques -vns ont voulu
40 Relation de la Guerre
dire, que ce qui auoit mené
le Roy de ce cofté-là,n'eſtoic :
pas ſeulement le deſſein ſur
Charleroy, qu'ilſçauoit bien
eftre ruiné auant que de
partir:mais qu'ayat de long
temps meſnagé des intelli-
gences dans Namur , ou
dans Luxembourg , il auoit :
haſté fa marche , pour en
ſolltenir l'entrepriſe. le ne
fuis pas aſſez bien informé
des ſecrets du gouuerne
ment pour en ſçauoir la ve?
rité: Ic ( çay ſeulement que
ce furent les Partiſans de la
maiſon d'Auttriche qui fi
rent courir ces bruits-là ,, 5

1
de Flandresen 1667. 41
pour rendre la conduite du
Roy plus odieuſe à leurs
peuples. Enfin , apres qu'on
eut en quelque façon réta
bly Charleroy , qu’on y eut
laiſſé tout le gros canon ,qui
eſtoit au Camp ,& qu'on y
eur mis le regiment de la
Ferté en garniſon ., . auec
d'autres Compagnies déta
chées de pluſieurs corps ,
dont on en compoſa vn ,
qui deuoit porter le nom .
de Regiment Dauphin , &
que Phiſica , autrefois Lieu
tenant Colonel du : Regi
ment de Turenne , deuoit
commander .; On donna le.
42 Relation de la Guerre
Gouuernement de la place à
Montal , auec ordre d'en fai
re continuer le reſtabliſſe
ment ſans intermiſſion .
On laiſſa auſſi aux enuirons
de Charleroy 300. cheuaux : .
apres quoy le Roy voulue
entrer dansle païs,pour pro
fiter de l'eſpouuante qu'vne
auſſi grande armée que la
ſienne auoit jetrée dans ces
Prouinces.
Il partit vers le 15.du mois
de luin ; & prenant fa mar
che du coté deBruxelles , il
campa aſſez prés deNiuelle;
ou ayant enuoyé deux de ſes 1

gardes en fauuegarde , à la
de Flandres en 1667. 43
priere des Habitans ; ils fu
rent neantmoins contre la
bonne foy , menez priſon
niers à Bruxelles, ou ils de
meurerét plus de deux mois .
De Niuelle , l'armée paſſa au
deſſus de Mons, vers Braine
le-Comte ; & apres quelques
iours de marche , elle s'ap
procha d'Ath , qui eſt vne
petite ville fituée preſque à
la ſource de la riuier e de
Dendre , ſans aucune forti
fication ;mais elle fut trou
uée fort aiſée à fortifier ; ſi
bien que le Roy reſolut d'y
laiſſer quelque garniſon , &
en fit Gouuerneur, des Lan
44 Relation de la Guerre
des , qui auoit autrefois fer
uy ſous le Prince de Condé..
On détacha donc quelques
Compagnies de diuers Re
gimens, qui faiſoient enui- .
ron 400: hommes auec 100..
cheuaux que l'on у laiſſa
pour harceler toûjours les
Villes du Brabant, & parti-
culierement Bruxelles, dont
ce poſte n'eſt éloignéque de
huit lieuës, ſans qu'il ſetrou
ue entre-deux aucun ruiſ-
ſeau de conſequence.
Toutes ces marches fe fi-.
rent ſans autre empeſche
ment , que celuy des mef 1
1

chans chemins, les Ennemis;


de Flandres en 1667. 45
ne s'eſtant preſentez nulle
part , ſinon que quelques
Crauates qui cherchoient à
piller , donnerent ſur les
bagages ; mais Rommecour,
Lieutenant d'une Compa
gnie des Gardes du Corps,
fe trouuant fortuitement
embuſqué auec quelque Ca
ualerie proche de l’Euchoit,
où le deſordre auoit com
mencé, chargea ces preneurs
de cheuaux &
, leur fiſt quic
ter leur butin ,apres en auoir
tué quelques -vhs de noſtre
cofté; ie ne croy pas qu'on
perdiſt perſonne®, ic* fçay
eulement que leComtede
46 Relation de la Guerre 1

ſaint Geran , qui ſeruoit


alors d’Ayde de Camp, auec
le Marquis de Belle-Font, y
fut bien bleſſé.
L'Armée ne demeura
pas là , comme elle auoit
fait à Charleroy & on
ſe contenta de laiſſer à
la Garniſon quelques pa
liſſades · pour commencer
à ſe fortifier ; Apres quoy
le Roy decampal , pour
aller aſſieger Tournay
place de grande repu
tation , mais aſſez mal
pourueuë de gens de guer
re , & dont les Habitans
qui y ſont en aſſez grand
de Flandres en 1667. 47
nombre ne haïſſoient
pas les François , Tous la
domination deſquels ils
ont fi long -tenips veſcu ‫;ز‬
car il n'y a guere plus
d'un ſiecle que cette pla
ce a eſté fouſmiſe à la
maiſon d'Auſtriche Il
jugea d'ailleurs que la pri
ſe de cette place , feroit
vne conqueſte fore conſi
derable, parce qu'elle eſt ſi
tuée ſur la riuiere de l'E[
caut , entre Condé & Ou :
denarde, & pouuant incom
moder également la Flan
dre Vvallonne , dont elle
faiſoit partie , le Hainault
48 Relation de la Guerre
& le Brabant. Ils y achemi
na dés le 20. du mois de
luin "; mais auparauant il
auoit donné ordre au Com
te de Lillebonne , Prince
de la Maiſon de Lorraine, 1

qui commandoit les trou


pes que le Duc de Lor
raine auoit enuoyées au
Roy , & qui n'ayant pasen
core joint l'armée , ſe trou
uoient alors du colté d'Ar
ras , qu'aprés que la bri
gade d'Artagnan, qui eſtoit
auſſi en ces quartiers là,
l'auroitjoint,il euſtà paſſer
au pont Auendin , & à venir
inueftir Tournay du coſtě
de
de Flandres en 1667.49
de Lille; ce qui fut executé,
& les ponts de communi
cation eſtant faits , le Roy
paſſa le lendemain la riuie
re auec la pluſpart de l'ar
mée , & prit ſon quartier
au village de Froyenne;
ayant ſeulement laiſſé de
l'autre colté de l'eau le
Marquis d’Humieres , &
le Comte de Duras , auec
lestroupes qu'on crût no
ceſſaires pour aflieger la
place, du coſté qui regarde
le Hainault & le Brabant ;
& fans donner le temps
aux aſſiegez de ſe recon
noiſtre , il fut reſolu dés ce
с
so Relation de la Guerre
ſoir-là qu'on ouuriroit la
tranchée.
La place eſtant donc re
connuë , on l'attaqua du
cofté de cercains moulins à
vent qui ſont ſur vne pe
rite hauteur peu éloignée
du bord de la riuiere auant
qu'elle entre dans la Ville.
Le premier bataillon des
gardes Françoiſes que com
mandoit d'Ortic, premier
Capitaine de ce corps, com
mença de trauailler ſur la
droite, & les Regimens de
Picardie & de Caſtelnau ,
crauaillerent ſur la gauche.
Mais ces derniers s'eſtang
de Flandres en 1667. 51
égarez à l'entrée de la nuit;
commencerent leur atta
que aſſez tard. Cependant
on ne laiſſa pas d'auancer
tour autant que l'on vou
lur, la défenſe eſtant fi foi
ble, & le feu des aſſiegez fi
mediocre , qu'il n'eſtoit
preſque pas beloin de ſe
couurir : Ily cut peu de fol
dars tucz & quelques -vns
de bleſſez .
Ce meſmc iour Monſieur
cſtant allé à la tranchée,
trouua en s'en reuenant le
Roy , qui l'alloit auſſi viſi,
ter ; Action peu ordinaire
aux autres Roys , & dont
Cij
52 Relation de la Guerre
Les exemples ſont rares dans
l'Hiſtoire.
Ce ne ſeroit iamais fait ,
ſi l'on vouloit dire les noms
de tous les Volontaires qui
ſe trouuerent à ces atta
ques : La preſence du Roy
qui s'expoſoit dans les en
droits dangereux , & qui
voulant luy-meſme voir
tout ce qui ſe paſſoit, eut en
faint le tour de la place , vn
de ſes pages bleſſé derrie
re - luy d'un coup de ca
non , & quelques cheuaux
tuež redoublant dans le
cæur de tous les gens de la
Cour , le deſir de le faire re
4

į
de Flandres en 1667: 53
marquer dans ces premie
res occaſions. Entre les Vo
lontaires qui ſe ſignalerent
le plus , on nóma le Comte
de ſaint Paul, qui dans yne
ſortieque firent les afliegez
pouffa des premiers à la
contreſcarpe , & y diſputa
aſſez long -temps yne pique
auec vn des ennemis: Saint
Sandoux, Capitaine au Re.
giment des Gardes, fur fort
bleſſé dans cette ſortie.
Lelendemain , le premier
bataillon des Gardes Suiſ
ſes, commandé par Molon
din leur Colonel , la mala
die du Comte de Soiſſons
Ciij ,
$4 Relation de la Guerre
Icür General ne luy ayant
pas encore permis de pou
uo ir joindre l'armée , rele
ua les Gardes Françoiſes ?
mais vers le minuit, les en
nemis demanderent à capi
tuler ; ſi bien que la ſuſpen
fion d'armes eſtant faire, la
Ville fe rendit , fans que
l'on tiraſt vn feul coup de
canon , dont on n'auoit pas.
encore vne ſeule piece de
batterie ; car on en attendoit
par vn grand conuoy qui
deuoit venir d'Arras , & qui :
vint en effet ceiour-là , au
nombre de 15. à 1600. char
cettes chargées de toute ſors
de Flandres en 1667.55
te de viures & de muni
tions , & de huit pieces de
gros canon , done l'armée
auoit vn extrême beſoin .
La Ville eſtant renduë, le
Gouuerneur ſe retira au
Chaſteau auec fa garniſon.
Ce reduit eſt fore grand &
feparé de la Ville jar la ri
uiere de l'Eſcaule : On dic
que c'eſt vn ouurage des
Anglois du temps qu'ils te
noient cette place , & qu'ils
l'auoient conquiſe ſur les
François: Les fortifications,
quoy qu'anciennes , n'en
ſont pasmauuaiſes ; mais
comme faute d'auoir eſté
Cüij
so Rlation de la Guerre
entretenuës , elles ſe trou
uoient en meſehant eſtat,
les troupes ne ſi défendirent
pas mieux qu'elles auoient
fait dans la Ville ; car à pei
ne tinrent- elles vn iour Tans
capituler ; de ſorte que dés.
1 € 26. elles en ſortirent ſans
canon , ny autres auanta
ges , au nombre d'enuiron
troisou quatre cens Fancaſ
fins fort mal en ordre , &
trois. Compagnies de Ca
ualleries d'enuiron cent
Meſtres en aſſez bon eſtat,
Ils furent conduits à Bru
xelles par Pruines , Exempo
des Gardes du Corps aues
de Flandres en 1667. si
vingt - cinq ou 30. de ſes
compagnons ; & il n'y eut
de bleſſez de marque que
Tracy Capitaine aux Gar
des , qui y receut vn coup
de nouſquet dans la jouë.
Cependant , le Maref
chal d'Aumont n'eſtoit pasi
demeuré ſans rien faire ; car
eſtant entré en Flandres par :
le neuf foſſe , entre ſainti
Omer & Aire , il s'eſtoic:
auancé iuſques auprés de:
Bergues ,ou , ayant apris:
qu'il n'y auoit dans la place:
aucunes troupes reglées , ill
ne cruſt pas y deuoir faire :
yn liege regulier : maiss.
G VV
58 Relation de la Guerre
ayant fait approcher la
meilleure partie deſon In
fanterie , il en fic attaquer :
les , dehors par deux en
droits ſur les neuf heures:
du ſoir..
Ces deux attaques étoient
commandées , l'vne par le:
Comre du Paſſage, & l'au ,
tre par le Duc de Roânez ,
tous deux Licurenans Gea
neraux , donc le dernier ,
fans s'aniufer à faire de
tranchée , ſe rendit incon
tinent Maiſtre, & de la con-.
treſcarpc, & de la demic Lu
ne : L'on y trouua d’ebord
de la reſiſtáce, les Bourgeois
de Flandres en 1667. 59
ayant pris les armes auec
quelques païſans refugiez;
mais dés qu'il fut iour, la
Ville parlementa, & ſeren
dit au mefme temps à des
conditions honeftes. Il en
couſta pourtat la vie à quel
ques braues hommes ; car
faint Lieu , Mareſchal de
Campdanscette arınée,fore
eſtimépour ſon courage &
pour fes longs feruices , y
fur tué de deux coups de
mouſquet , & cinq ou fix
Officiers des Regimens de
Nauarre & de la Reyney fu
rent tuez ou bleſfez , auec
enuiron 200. ſoldats de
Cvji
63 Relation de la Guerre
tous les autres Corps , la:
pluſpart du coſté du Duc
de Roânets ;. car de celuy
du Paſſage,on y perdit peu
de gens.
Aprés la reduction de Bere.
gues , l'armée décampa , &
pric la routedeFurnes , afin
de donner vn peu plus de
liberté à la garniſon de
Dunkerque. La reſiſtance
de.Furnes ne fur guere plus
longue que celle de Ber
gues. Le ſecond iour de
tranchée ouuerte , la place
ſe rendit, & nous en fuſmes ,
les Mạiſtres pour la troisou ..
quatriéme fois.
de Flandres en 1667. Or
Ce General n'en vouloir :
demeuré - là ; mais comme
il eſtoit ſur le point de mar
cher à Dixmude ; il receut
ordre du Roy de s’auancer à
Armentieres. Cetce place,
ſur le Lis, auoit acquis af
ſez de reputation du temps
du Mareſchal de Gallion ,
qui l'auoit fortifiée dés .
l'Hyuer de l'année 1645.
mais les Eſpagnols l'avoiết
ruinée depuis,en telle force,
que desle moisdeMay que
lė Roy eſtoit à Peronne, Ar- .
tagnan qui y auoit eſté en
uoyé auec quelques troupes .
y:entra commeil voulur, y.
62 Relation de la Guerre
ayāt meſme trouuele Gou
uerneur en repos dans ſa
maiſon. Le deſſein quiauoit
obligé le Roy d'y faire ve
nir le Mareſchald'Aumont,
eſtoic apparemment pour
faciliter le paſſage des vi
ures de la grande armée ,
pendant que le ſiege de:
Tournay durcroit ; car ce
furent ces meſmes troupes
là qui conduiſirent au Cáp
du Roy le grand conuoy
dont j'ay deja parlé.
Tournay cſtant rendu , le 2

Roy ſe logea dans la Ville,


auec toute ſa Maiſon . Il
choiſit Renoüart, Capitais
1

1
dě Flandres en 1667.63
ne au Regimentdes Gar
des, pour commander dans
la place auec quatre Com
pagnies de ceRegiment,&
trois de celuy des Gardes
Suiſſes ; & pour Caualleric ,
trois Compagnies du Re
giment de faint Sierge ;
mais il fic loger toutes ſes
troupes dans le Chaſteau ,
pour décharger les Habi
tansdela Ville de l'incom
modité du logement des
gens de Guerre , & pour
montrer par là à ſes nou
ucaux Sujets, combien ſa
domination feroit douce.
La 28.du mefme mois,
64 Relation de la Guerre
tous les ordres pour la con
feruation de la place eſtant
donnez , il fit éloigner l'ar»
mée de Tournay &
; la fai
ſant marcher du colté de
Gand , chacun crût que.
que l'on alloit attaquer
Oudenarde ou Courtray.
Ceux qui vouloient qu'on
allaſt à Oudenarde, diſoient
que cette Ville, ſituée. fur.
l'Eſcaut à ſept lieuës au
deflous de Tournay , euſt é
tendu nos conqueſtes tout
le long de cette riuiere iuf-.
ques à Gand ; & que quoy :
quela place ne fuſt pas bo
DIG ,, eftant commandée du
de Flandres en 1667. 68
colté d'Aloft d'une fort
haute montagne ; neant
moins le poſte en eſtoit
auantageux pour trauerſer
par vne forte garniſon ,
qu'on y laiſſeroit, le con
merce de Gand à Bruxelles,
qui ſont les deuxplus gran .
des Villes des Pais -bas. Les
autres penſoient auoir plus
de raiſon , en diſant que
l'on alloit à Courtray
place ſur le Lis , d'aſſez
grande conſideration , de
puis que le Mareſchal do
; Gaſſion y eut fait baitir vne
citadelle, tenant également
en ſujettion , & la Flandre
66 Relation de laGuerre
Vyallonne , & la Flandre
Flamande . Cette opinion
eſtoit d'autant plus plauſi .
ble, que tous les priſonniers
qu'on faiſoit , diloient qu'il
n'y auoit dedans que 200.
hommes de guerre , & que
les principaux habitans de
la Ville conſultoient déja
pour ſe rendre , & ne fai
ſoient qu'attendre l'appro
che du Roy , pour ſe ſouſ
mettre à ſon obeïſſance ;
mais l'vne & l'autre de ces
opinions ſetrouuerent fauſ
ſespar l'cuenement; car l'ar
mée qui demeuroit cepen
dant campécà. Helchin, à
de Flandres en 1667. 67
trois lieuës de Courtray, à
quatre lieuës d'Oudenar
de, & à quatre ou cinq de
Lille , reuint tout d'vn coup
ſur ſes pas le 30. du mois; &
le Roy qui dés le iour pre
cedent en auoit détaché le
Comte de Duras, auec deux
brigades de Cauallerie , &
le Comte de Lillebonne
auec tous les Lorrains ,
auoit tourné fes deſſeins ſur
Doüay: Et ces troupes l’é
tant allé inueftir , toute l'ar
mée ſuiuit à grandes jour
nées ; de ſorte que le 2. de
Juillet, la placefut afficgée
de tous coſtez
68 Relation de la Guerre
D'abord le Roy voulut
prendre ſon quartier à Bar
bieres , village ſur la Scarpe,
prés du cheniin de Doüay à
Arras.; mais comme ce vil
lage eſtoit aſſez éloigné, &
qu'on crût que le liege
demanderoit vne circon
uallation , il ſe logea dang
la cenſe de la Motte, plus
proche de la ville & plus ai
ſée à enferiner.
Pendant que l'on mar
quoit les camps , fa Majeſté
qui auoit diſné au village
d'Eſquierchin , apperçeut
en remótant à cheual, quel
ques, ennemis.qui eſtoicno
de Flandres en 1667. 69
fortis de la ville , & qui s'é
toient auancez iuſqu'à vne
petite Chapelle à 7.ou 800.
pas de leur contreſcarpe.
Cela luy fit naiſtre. l'enuie
de voir leur contenance de
plus prés ; & ayant com
mandé à vne petite garde
du Regiment Colonel, qui
ſe trouua ſur ce chemin ,
de pouſſer ceux qui paroiſ
ſoient, & d'eſſayer de faire
quelques priſonniers,Ma
zel , Eſcuyer du Vicomte
de Turenne , & quelques
autres, joignirent cette gar
de qu’on fic follcenir par
deux eſcadrons des Gardes
70 Relation de laGuerre
du Corps ; & fans s'amuſer
à l'eſcarmouche , on pouſſa
droit à la barriere, derriere
laquelle les ennemis s'é
tant retirez , les noſtres de
meurerent ainſi expoſez à
tout le feu du canon , & du
mouſquet des aſſiegez. Il
n'y eut pourtant que deux
ou trois perſonnes de bleſa
ſez ,dont Leftang, Enſeigne
des Gardes du Vicomte de
Turenne en fur yn , & vn
autre nommé faint Rur.
Quelques gens de qualité ſe
déroberent auſſi d'auprés
du Roy pour eftre de cette
action ', ou le Comte de
de Flandres en 1667. 71
Soiſſons ſe trouua des pre
miers , auſſi bien que le
Comte d'Auuergne.
Il n'eſt pas difficile de
comprendre les raiſons qui
porterent ſa Majeſté à allies
ger Doüay , puiſque cette
ville eſtant dc fort grande
conſequence dans les Pais
bas, a fliſe ſur la 'riuiere de
Scarpe , à cinq lieuës au def
ſous d'Arras , propre à lo
ger vn grand corpsde trou
pes , & à faire de grandes
prouiſions pour la ſubfi
Itance de l'armée on ne
pouuoit faire de conqueſte
plus importante , & plus
72 Relation de la Guerrë
commode , pour aſſeurer 4

celle de Tournay , qui fans


cette communication ne ſe
fut pas facilement conſer 1

uée ; outre qu'on auoit auis


que la garniſon n'en eſtoit
pas aſſez forte pourdéfen
drelong-temps cette gran
de place, & que le fort de
Scarpe , qui elt vn fort de
cinq baſtions , baſty dans
les Marais que fait la riuie
re dont il porte le rom à
enuiron vne portée de ca
non au deſſous de Douay ,
eſtoit auſſi fort dégarny .
Ces raiſons firent que le
Roy ſe reſolut d'attaquer
en
de Flandres en 1667. 73
en meſme temps, & la ville
& le Fort , afin d'étonner
par là les aſſiegez , & ofter
le temps & le moyen aux
ennemis de dehors , de fe
courirny l'vn ny l'autre: Ce
qui euſt eſté aſſez aiſé à fai
re dans vne autre conjon
cure , veu que iamais place
n'obligea à vne plus gran
de circonuallation, n'eſtant
d'ailleurs pas poſſible d'at
taquer la Ville ſans Te Fort,
ny Te Fort ſans la Ville , ås
moins que de les enfermer
tous deux dans yne meſme
ligne , pour en empeſcher
les ſecours. Mais l'étour
D
574 Relation de la Guerre
diſſement , ou la foibleſſe
des ennemis , les lumieres ,
& la vigilance du Roy , &
de ſes Capitaines, ſurmon
terent toutes ces difficultez;
car dés le ſoir du troiſié
me du mois, on y fit ouurir
deux tranchées , l'vne par
quatorze Compagnies du
Regiment des Gardes , où
le Marefchal de Gramnione
leur Colonel , tout incom
modé qu'il eſtoit, ne laiſſa
pas de ſe trouuer , de mel
me qu'il auoit fait à Tour
nay ; les Gardes commen
cerent leur trauail , comme
li l'on cuſt voulu attaquer
de Flandres en 16672 75
le rauelin de deuant la porte
qui regarde le village d'El
quierchin ; & l'autre ſur
la gauche par les Regimens
de Picardie , & du Roy, qui
conduiſirent le leur vers
vne demy-Lune , qui re
garde le village de Quin
chy. Il n'y eut rien de fin
gulier en ces attaques , fi
non que les tranchées ayant
eſté faites fort larges , &
fort ſcures; on fit auſſi des
cette meſme nuit vne bat
terie de dix canons entre les
deux attaques , qui fur en
eſtar detirer des quatre heu
res du matin ; Le Ronché,
D ij
76 Relation de la Guerre
Capitaine dans ce Corps , y
fut bleſſé ,mais legerement ,
& l'on n'y perdit preſque
perſonne. Le ſoir du qua
triéme iour, Tes Gardes Frá.
çoiſes furent releuées par
les Gardes Suiſſes , c'eſt à
dire, par ſept de leurs Com
pagnies , à la teſte deſquel
les ſe trouuoit alors le Com
te de Soiſſons , General des
troupes de cette Nation qui
ſont au feruice de France .
Les Suiſſes entrerent donc
dans la tranchée ſur les ſept
heures du ſoir , quoy que
cette entrée fuſt fort expo
fée au-canon de la Ville, qui
de Flandres en 1667. 77
eſtoit en aſſez grand nom
bre, & peut-eſtre auſſibien
ajuſté queiamais canon l'ait
eſté. Le Roy qui viſitoit
alors la tranchée, approuua
leur fermeté ; mais il eut
bien plus de ſujetde ſe louer
d'eux, quand il içeut le len
demain, que les 400. pas qui
reſtoient de terrain , depuis
la teſte du trauail des Gar
des juſques au foſle de de
uantla contreſcarpe,auoient
efté occupez par le crauail
de la nuit 9 . & que les
tranchées qui auoient eſté
faites , fe trouuerent en bon
eftat d'és fix heures du mas
Diij
78 Relation de la Guerre
tin. Ce ne fut pas tout ;
car le Marquis d'Humieres ,
Lieutenant general de jour,
ayant propoſé au Comte de
Soiſſons de tencer la def
cente du foſfé , d'eſſayer de
le ſonder , & d'y jetter quel
ques Faſcines pour auancer
le trauail de la nuit ſuiuante,
les Suiſſes aniniez par l'e
xemple de leur General, qui
vouloic eftre preſent à tout,
ne témoignerentpoint eftre
laffez; & la ſappe ayant eſté
commencée à huit heures
du matin , le fofle ſe trouua
percé fur le midy , quoy
qu'on n'eut ny planches, ny
de Flandres en 1667. 79
blindes , ny chandeliers , ny
preſque aucune des choſes
neceſſaires à ces ſortes d'en
trepriſes.
Il ſe trouua deux Officiers
dans la tranchée , dont l'un
eſtoit Aſpremont, Capitaine
au Regiment des Gardes
Françoiſes , qui ſans faire
l'Ingenieur , auoit conduit
tout le trauail , & paroiſſoie
auoir beaucoup d'intelligen
ce ; Et l'autre efroit Sainte
Fere , Capitaine de Caualle
rie, lequel ſe trouuoit alors
dans la troupe des Volontai
res qui accompagnoient le
Marquis d'Humieres . Ces
D iiij
80 Relation de la Guerre
deux Officiers deſirant ſe ſi
gnaler par quelque action
extraordinaire , propoſerent
enſemble aux commandans
de la tranchée de paſſer le
follé à nâge , & d'allerfe lo
ger de l'autre cofté , afin de
rendre la fabrique du pont
plus aiſée, & d'eſpouuanter
les ennemis en les obligeant
peut-eſtre d'abandonner la
pointe de leur chemin cou
uert par la hardieſſe de leur
entrepriſe. On applaudit à
leur propoſition, quoy que
contre les regles d'vn grand
ſiege ;: & ayant demandé
quelques ſoldats qui fçeuſe
de Flandres en 1667. 81
ſent nâger pour trauailler
auec eux, ils ſe dépoüille
rent lur le champ , Sainte
Fere & ſept ſoldats Suiſſes,
ſans autres armes que des
pics & des pelles trauerſe
rent le follé ,lepoſterentſur
l'autre bord ,& trauaillant
à fe couurir le mieux qu'ils
pouuoient , leur logement :
s’auançoit , quand Sainte
Fere , qui eut la curioſité de
ſe leuer tout droit pour voir
dans le chemin couuert , y
receut vn coup de mouſquet
dans le corps, dont il mou
rut vn quart d'heure aprés.
Cependant Aſpremót eltoit
Dy :
82 Relation de la Guerre
dans le foſſé auec quelques
autres Volontaires ; & des
Suiſſes qui trauailloient à le
combler ; & des fept qui
auoient paſſé l'eau ,l'vn ayant
eſté tué , les ſix autres tra
uaillerent ſi bien , qu'ils mi
rent leur logement en eſtat
d'eſtre defendu ; & ſur les
cinq heures du ſoir le Pont
ſe trouuant en eſtat d'y paſ
ſer à pied-fec, on enuoya de
l'autre coſté va Sergent &
douze ſoldats armez , pour
garder le trauail qu'auoient
fait leur ſix cainarades.
Tout cét ouurage couſta,
tant la nuit que le iour, en ,
de Flandres en 1667. 83
uiron quarante ſoldats , &
deux Officiers tuez , ou bleſ
fez; mais des Volontaires,il
y eut quantitáde perſonnes
de qualité bien mal-traitez .
Le Marquis deNoiſy Mau
peou y fut bleſſé la nuit d'yn
coup de mouſquet à la teſte
qu'on jugea mortel , mais
dont il eſt guery. Le Com
te du Broutay. , autrefois
Meſtre du Camp du Regi
ment de Nauarre , y receut
vn coup au -deſſus de l'aif
ne , done il mourut quel
gues jours apres: Le Mar,
quis de Termes fur bleſſé à
· la cuiſſe : Le Comte de
D vi
+
84 Relation de la Guerre-
Combourg au pied :Mon
montà l'élpaule ; & vn peu :
auant que la tranchée ſere
leuaſt , le Comte de Blin у.
receut vn coup de faucon
neau au haut du bras , droit
qui luy fracaſſa l'os , & qui
fit juger dés.- lors qu'il en
mourroit, comme il fit; Il
y eut auſſi beaucoup de
gens bleſſez du canon , en
tr'autres le Prince d'Eſpi
noy , qui le fut au bras , &
Brillac Lieutenant des Gar
des du Corps , vn peu au
deſſous du genouil; ce ſont:
ceux dont il me fouuient.
Quant à l'attaque de Ping
de Flandres en 1667. 553
cardie , elle auoit eſté rele
uée par le Regiment d'Au
uergne ; mais comine ic n'y
eſtois pas , ie diray ſeule
1
ment que Vauban Capitai
ne au Regiment de Picar
die , qui conduiſoit cette
attaque, y receuc vn.coup
de mouſquet dans le viſa
ge. Pour la meſme raiſon ,
ie ne parleray guere de ce
qui ſe paſſa à l'attaque que :
fic faire le Comte deDuras,
n'en ayant rien apris,ſinon
que fe trouuant campé du
colté de la Ville qui regar
de Cambray & Valencien
nes : 2 & voulant que les
86 Relation de la Guerre
troupes qu'il commandoit
cuſſent leur part de l'hon
neur , il auoit demandé au
Roy qu'il luy fuft permis
de faire vne attaque de ſon
coſté , où ayant mené le Re
giment de Saut le ſoir du
quatriéme , & n'ayant pas
trouué grande defenſe , il
ne luy fuc. pas difficile de ſe
loger , dés- la meſmenuit , 1

ſur lå contreſcarpe : Deſor


te , que les ennemis ſe voyát
preſſez de tous coltez , &
perſuadez d'ailleurs, par les
raiſons du Cote de Gram .
mont , que le Roy auoit en
uoyé les ſommer, ils des 1
de Flandres en 1667. 87
manderent à capituler, &
l'on fit ſuſpenſion d'armes
dés le ſoir meſmedu cin
quiéme, au moins du coſté
des Gardes ; car du coté de
l'attaque de Saut , les Regi
mens de Lyonnois & de
Louvigny , qui apparem
ment ne ſçauoient pas qu'il
ycult Tréue, paſſerent deux
foſſez , & ſe vinrent loger
ſur la demy-lune; ce quine
fic pas grand effet, lesoſta
ges eſtant déja donnez.
Tout le jour d'apres ſe
paſſa à faire la capitulation
qui fut que les gens deguer
re qui pouuoient eſtre au
88 Relation de la Guerre
nombre d'enuiron trois
censhommes de pied ,mel
chans ſoldats , & maléqui
pez ,auec trois Compagnies
Cauallerie
de , failant en
uiron 120. Maiſtres, ſorti
roient armes & bagages , ' ,
ſans canon, & feroient con
duits à Valenciennes ; ce
qui fur executé le Jeudy. 7. -
du mois .
Pour le fort de Scarpe, il 2

auoit eſté attaqué ſeparé


ment par le Comte de Lil
lebonne , & par quelques
troupes d'vn quartier que
commandoit le Bret , Ma
Teſchal de Camp , que le ..
de Flandres en 1667. 89
Roy auoit chargez decette
affaire. On y fit ouurir la
tranchée désle ſoir du qua
triéme , par le Regiment de
Champagne , qui ayant
commencé ſon attaque le
long du marais , conduiſit
ſon trauail juſqu'à prés de
de vingt pas de la contref
carpe , ſans y perdre preſ
que perſonne. Le lende
main ce Regiment fut re
leué par celuydeCaſtelnau,
qui voyant la molle refi
ſtance que faiſoient les af
fiegez ,paſſa le foſſéde de
uant la contreſcarpe , fic
deux grands logemens aus
90 Relation delaGuerre
pied des paliſſades du chc
min couuert , qu'il perça
1

auſli , & obligea les enne 1

mis d'abandonner vn grad


corps de garde de brique, &
generalement tous les de
hors: Si bien qu'ils deman
derent à parlementer & *

leurcompofitioneltant fai
te , ils ſortirent de la place
auec leurs armes , & leurs
drapeaux , ſans , &
furent auſſi conduits à Va
lenciennes. De ſorte , que
Doüay , qu'on n'auoit ia
22전 mais oſé attaquer pendant
vingt -cinq ans de guerre,
& apres le gain de pluſieurs
de Flandres en 1667. 91
batailles , fut pris en trois
jours , auec fon Fort qu'on
croyoit imprenable , à cau
fe des eaux & des eſcluſes
quipeuuent inonder la plus
grande partie des enuirons
du Fort & de la Ville. Le
Roy miſt pour commander
dans la place le meſme Af
premont qui auoit tant co
tribué à la Prendre , auec
huit Compagnies des Gar
des Françoiſes , & fix des
Gardes Suiſſes comman
dées par Sury , Capitainc
de ce Corps. Il n'y laif
ſa point de Cauallerie , à
cauſe que fa Maiſon , &
92 Relation de la Guerre
la pluſpart des équipa
Cour
ges des gens de la
s'y eſtoient logez , pen
dant que le Roy, qui par
tit pour Compiegne des
le ſoir du huitiéme feroi
ſon voyage .
De ſçauoir pourquoy, ſa
Majeſté quitta l'arınée, c'eſt
ce qui n'eltpasvenu iuſques
à moy ; : Ce que ie fçay,
c'eſt que beaucoup de gens
le fuitirent , dont quelques
vns ne jugerent
neceſſaire
pasqu'il fuſt
retourner
de .
Pendant tout ce temps -là,
l'armée du Marefchal d’Au
mont eſtoit toûjours des
de Flandres en 1667. 93
meurée à Armentieres , où ,
pour ne la pas laiſſer inutia
Ic , on auoit commencé
d'en reſtablir Tes fortifica
tions ruinées ;mais dés qu'il
jugea que de garni
le peu
fon qu'on y vouloit laiſſer,
y pourroit eſtre en quelque
ſeureté, le Mareſchal délo
gea delà , faiſant approcher
les troupes aux enuirons de
Lille, & vintcamper proche
de Hautbourdin , à deux
lieuës de cette place , afin
d'en reſſerrer la garniſon ,
. qui faiſoit tous les ioursdes
courſes, ou ſur nos Conuois,
ou juſques aux portes de
Tournay.
94 Relation de la Guerre
Pour incommoder enco
re dauantage cette grande
Ville , il fit mettre le feu à
tous les moulinsà ventqui
eſtoient à l'entour , dontle
nombre ſe montoit bien à
: so. ou 60.Ce qui ne pûts'e
xecuter ſansquelques eſcar
mouches , & lans que le ca
non des ennemis y eſtropiâr
toûjours quelqu'vn. Ce fut
ence temps-là que les Regi
mens di’nfanterie de Nor
mandie , & dela Reyne, s'é
tant rencontrez la nuit fans
ſe reconnoiſtre , ſe charge
rent;& l'on dit dans leCamp
du Roy qu'il y eſtoit bien
de Flandres en 1667.95
demeuré trente ou quarane
hommes tuez ſur la place.
Le 9. du mois, le Mareſ-
chal de Camp general eſtant
demeuré ſeul maiſtre de la
Guerre, leua le piquer de de
uant Douay, & alla camper
à deux lieuës de cette place,
proche vne Abbaye de filles
appellée Flines , ſur le che
min de Lille; & delà , l'armée
s’auança encore iuſques à
Coutice , à vne demy-lieuë
d'Orchies , ou l'on fit deſſein
d'attendre le retour du Roy .
Durant les is . jours que
l'armée demeura dans ce
Çamp , il ne s'y palla rien de
96 Relation de la Guerre
remarquable , les ennemis
n'ayant point de troupes en
campagne , & ſe conten
tant ſeulement de faire lor 1

tir de leurs Villes de petits


partis , pour venir incom
moder nos fourages , &
nos Conuois , d'où ils
ne retournoient guere 1
1

fans auoir fait quelque


butin . Lamezan , autre - fois
Enſeigne des Gens - d'ar
mes du Roy,& trois ou qua
tre autres Volontaires qui
alloient auec leur équipage
d'Arras à Dourlens , tombe
rent malheureuſement en
tre leurs mains : Lamczany
fuc
de Flandres en 1667. 97
fut tué : Vn aurre Volon
caire nommé Bretoncel
les bleſſé, & le jeune Vil
larccaux pris dans yn bran
cart où il eſtoit malade:
mais ces Partiſans penſe
rent bien faire vn plus beau
coup : Car le Duc d'En
guien , le Comte d'Arma
gnac,le Duc de Boüillon, &
quelques autres gens de
qualité, qui eſtoient retour
nez en France auec le Roy,
ayant apris à la Cour que le
ſiege de Courtray s'alloir
faire, & que les Regimens
qu'ils comandoient étoient
détachez pour cette entre-:
E
9,8 Relation de la Guerre
priſe; ſçauoir, celuy duDuc
d'Enguien auec la brigade
de Biffy , dont il eſtoir , &
celuy du Duc de Boüillon
auec la brigade du Comte
de Roye , voulurent repaf
ſer en Flandres à quelque
prix que ce fuſt. De forte,
que s'eſtant mis en chemin
pour Arras , ſans autre el
corte que de gensà eux, &
de quelques Officiers de
l'armée qui vouloient auſi
la rejoindre, il ne s'en faluc
preſque rien qu'ils ne fuf
ſent pris à deux ou trois
lieuës deDourlens , par des
troupes qui paroiſoientves
de Flandres en 1669. 99
nir d'Arras ; Et fans des Ro 1

ches Capitaine des Gardes


du Prince de Condé , qui
s'auança pour les recon
i noiſtre, &qu'il penſa d'a
bord eſtre yne eſcorte qu'on
cnuoyoit pour le Duc d'En
guien mais qui de prés
trowuant que c'eſtoient des
ennemis , s'en fit prendre
pour ſauuer les autres ,tous
ces Meſſieurs cuſſent cous
ru la mefme fortune.
l'oubliois à dire que le
Roy auant que de partir,
auoit refolu que l'armée du
Mareſchal d'Aumont qui
n'auoit preſque rien faic
E ij
100 Relation de la Guerre
pendant ces deux ſieges,
iroit attaquer à ſon tour
quelque place plus auan
cée. Pour cet effet,on luy
enuoya de la grande ar
née quatreRegimens d’In
fanterie ; ſçauoir , Chani
pagne , le Royal,Orleans,
& Rouſſillon , & trois bri
gades de Cauallerie ; le tout
Tous le commandement du
Marquis de Peguilin Ma
reſchal de Camp , qui mena
auec luy huit pieces de gros
canon ; car le Mareſchal
d'Aumont n'en auoit point ,
On apprit bien -coſt aprés
quedés le 12. du mois, ce
de Flandres en 1667. 101
Mareſchal eſtoit party du
Pont- à - Treſin proche de
Lille , où il eſtoitcampé,&
qu'auec le renfort de Pegui
lin il auoit marché à Cours
bien
tray , où l'on ſçauoit
que la Garniſon eſtoit tresa
foibles : Cependant le Vi
comte de Turenne détacha
encore cinq brigades de
1 Cauallerie , ſous les ordres
du Marquis de Bellefons,
Lieutenant general,poural
leraider au Marefchalà fai.
re plus ſeurement ſon liege.
Elles furent poſtées à Har
lebec , qui eſt vn Bourg ſur
le Lis à yne lieuë au deſſous
E iij
102 Relation de la Guerre
de Courtray. On auoit auſſi
laiſſé prés de Doüay , deux
brigades de Cauallerie , &
le Regiment d'Infanterie
d'Alſace ,pour attendre le
Roy, en cas que l'armée fuſt.
obligée de marcher au ſe
cours des affregcans, fi les
ennemis s'aſſembloiét pour
faire quelque tentatiue :
mais ils y auoient déja jec
té ce qu'ils auoient pû, &
lc Baron de Limbec , auec
300. cheuaux y auoit con
duit quelque Infanterie dés
leiz. dumois,vn iour auanc 3

que nos troupes euſſent for


mé le ficge.
de Flandres en 1667. 103
Ce fut en s'en retournane
de cette expedition ; que le
Marquis de Bellefons, qui
auoit eu nouirelles de ſa
marche , ſe mit à le ſuiure,
& l'atteignit dans vn villa
geà 4. ou s. licuës delà , ou
ce Baron faiſoit repaiſtre.
Ce village , heureuſement
pour les Ennemis , ſe trou -
1
va fermé de barrieres ; de
force', qu'on ne les pût ſur
prendre pied à terre; & ayát
cule loiſir de monter à che
ual , & les plusdiligenseſtát
venus faire ceſte à vn ponc
qu'ilfalloit paſſer pour en
trer dans le village, ils y ar
E iiij 1
104 Relation de la Guerre
reſterent les Coureurs de
nos troupes , & aprés quel
que combat ſe retirerent
vers Gand, ſans y auoir per
du beaucoup demonde.
Courtray fur donc aſſiege
le 14. & Ta tranchée ouuerte
dés Te foir du 15. ſans auoir
fait de lignes. Cefut le Re
giment de Champagne qui
ent la premiere attaque , ſe
trouuant là leplus ancien de
cette armée , parce qu'il
auoir le Semeſtre ſur Na
uarre ; mais ny ce Regi
ment ; ny les autres troupes
qui monterent la tranchée,
n'ayant pas trouuégrande
de Flandres en 1667. 105
reſiſtance à la Ville , ils en
emporterent les dehors dés
la premiere nuit , & le len
demain les Bourgeois capi
tuterent , & Terendirent.
Les gens de guerre ſe reti
rerent dans la Citadelle , ou
ils furent attaquez dés le
ſoir du 17. que l'on youurit
deux tranchées , l'vne par
3
l'eſplanade du coſté de la
Ville , & l'autre par le dem
hors ‫ ;ز‬mais quoyque cette
Fortereſſe fuit en aſſez bon
eſtat , & paſſablementpour
ueuë de monde , elle ne ſe
défendit pourtant pas plus
long.temps quela Ville ,&
Ev
106 Relation de la Guerre
ſe rendir le lendemain à
compoſition ; quatre a şoo .
fordats qui eſtoientdedans
furent conduits à Gand
dansdes batteaux.
Cependant le Roy reuint
de Compiegne , accompa
gné de la Reine , à qui on
vouloit montrer toutes ces:
conqueſtes, & luy faire co
noiſtre que le Roy quiſoû
cenoit ſes pretentions,eſtoit
en eſtat de luy faire fairerai
fon par force , quand l'opi
niaſtreté des Eſpagnols les
empeſcheroit dela luyfaire
autrement;peut-eſtrequ'on
vouloit aulli faire voir à ces .
de Flandres en 1667. 107
peuples nouuellement con
, ne Princeſſe du ſang
quis v
d'Auftriche , qui venant
en perſonne demander ſes
droits , deuenus communs
auec ceux du Roy parſon
mariage,les pult empeſcher:
de s'apperceuoir du chan
gement de domination , &
d'y trouuer rien à redire.
On la mena d'abord à
Doüay , où elle fut receuë
auec toures les acclama
tions pollibles ; ce qui fit
naiſtre l'enuie de la condui
tant
re iuſqu'à Tournay
pour ofter à cette villele fu
jet qu'elle eût eu de ſe plain
E vj .
108 Relation de la Guerre
dre d'auoir eſté moins con
ſiderée que Doüay,ſi la Rei
ny n'y fuft pas allée , que:
pour faire connoiſtre à cou 1

te l'Europe que nous eſtiõs:


m
les maiſtres abfolus de la
campagne ; puiſque dans
toutes ces marches on n'ap
prehendoit pas ſeulement
que la Reine , ny toutes les
Dames de la Cour , euſſent
la moindre allarme,ny en
tendiflent tirer yn coup de
mouſquet. Encore donc
que ce trajet ne ſe pût faire
ſans paſſer à la veuë de la
ville de Lille , & fans cô
toyer l'Ille deſaint Amant,
de Flandres en 1667. 109
qui eſtoit preſque encore
toute entiere aux ennemis ,
on ne laiſſa pas de faire par
tir les Fourriers de la Cour
dés le 25. afin d'aller à Tour
nay faire le logement pour
le lendemain ,que le Roy ,
la Reine , & toure leur ſuite
s'y acheminerent : mais
1
comme le chemin eſt aſſez
long de l'vne à l'autre pla
ce, & fort incommode pour
la marche d'vne armée , ou
il y auoic de fort grands
équipages, qui ne pouuoiét
défiler que par vn ſeul en
droit , toute la Cour vint
coucher au camp de Cou :
no Retation de la Guerre
tice , qui eſtoit auancé de:
deux lieuës ſur la route qu'il
falloit tenir.Ce qui ſe paſſa
là cette nuit , n'eſtantpas
vne matiere de guerre, ne
doit pas ſe deſirer dans ce
lournal ny s'écrire non
plus , particulierement par
vne perſonne qui n'a pas
grande connoiſſance des
affaires de la Cour : le diray
feulement que cous ceux
qui ſe trouuerent auoir des
maiſons dans le quartier du
Roy, les offrirent aux Da
mes; leurs Majeſtez n'ayant
voulu prendre pour elles
que le logis du Vicomte de
Turenne.
de Flandres en 1667. ITT
Le lendemain on arriua
à Tournay dés dix heures:
du matin , ou les peuples té
12 moignerent beaucoup de
joye,& en donnerent coutes.
les inarques qu'ils purent:
deux jours ſc paffcrent là ,
fans qu'on parlaft d'autre
choſe que de fe diuertir :
Aprés quoy , la Reines'en
retourna. à Doüay pour ga
gner Arras ,ou elle deuoit
attendre le retour du Roy ,
qui de ſon coſté ſc diſpoſoit
à entrer plus auant dans le
pais ennemy , & à conti
puerſesconqueſtes.
Il l'a fut conduire iuſqu'à
112 Relation de la Guerre
deux licuës delà , d'où reue
nant à ſon Camp;accompa
gné ſeulement de la briga
de de Rochefort, & de quel
ques Volontaires , il vit de
loin de la pouſſiere , & en
tendit tirer quelquescoups:
Surquoy quelques-vns s'é
tant auancez pour recon
noiſtre, on vit que c'eſtoit
les ennemis qui eſtoient
venus à la grande garde du
coſté de Lille , pour eſſayer
de l'enleuer .
C'eſtoit vn eſcadron des
Gens -d'armes du Roy qui
auoit la garde ceiour-là,&
qui eſtoit commandéparle
de Flandres en 1667. 113
Prince de Soubize , ſous
Lieutenat de la Cópagnie,
dont le petit corps degarde
s'eſtoit preſque laiſſé ſur
prendre par vne troupedes
ennemis, quicontrefaiſant
les Lorrains, & diſant; Vi
ue Turenne tuerentd'a
bord troisou quarre Gens
d'armes ſur la place; mais
les autres s'eſtant reconnus ,
fe meſlerent fort hardi
ment auec les attaquans,
quoy que beaucoup moin
dres en nombre; les Enne
mis eſtant foûtenus de qua
tre autres troupes qui s'a
uançoient cependant au
114 Rlation de la Guerre
trot , pour aller à Feſcadron
de la garde. Cér eſcadron
auoit auſſi pris l'alarme , &
marchoit pour ſolltenir les
fiens : De force , qu'il n'y
auoit plus qu'vn chemin
creuxentre les troupes en
nemies & les noſtres, quand
les Volontaires qui s'eſtoiét
détachez d'auprés du Roy
commencerentà arriuer; &
cómele Roy en eſtoit aulli
fort proche , & que les troui
pes qui l'accompagnoient
faiſoient vne fort grande
pouſſiere,les ennemis voyar
qu'on paſſoit le chemin ,
Lalcherentlepied , & ſemi

5
r de Flandres en 1667. IIS
rent à fuir ſans ordre & ſans
reſiſtance. On les fuiuir
iuſques à la veuë de Lil
le ; Le Duc d'Enguien qui
fut des premiers , à cette
pourſuite fic bien voir en
cette rencontre , de mel
me qu'en toutes celles ou
il ſe trouua pendant la
Campagne , que la valeur
ne luy eſtoit pasmoins na
turelle qu'au Prince de
Condé ſon pere ; ſi bien que
de deux cens Maiſtres qu'ils
eſtoient commandez par
Macier, hommede reputa
tion parmy eux,il s'en fauua
à peine la moitié , le reſte
116 Relation de la Guerre
ayant
nier.
eſté tué ou fait priſon.
Le lendemain 28. de Iuil
let , l’armée décampa d'au
prés de Tournay, & paſſant
I'Eſcaut demie lieuë au def
fous de cette place , elle alla
camperà Herines,& leiour
fuiuant à Luperken , villa
ge aſſez proche d'Oude
narde.
Cette Ville, que l'Eſcaur
fepare preſque par la moitié
eſtant déja inucftie de l'un
des coſtez par le Comte de
Lillebonne auec les Lor
rains , & de l'aure par les
troupes que commandoiét
de Flandresen 1667. 117
Bellefons & Peguilin, qui
n'auoiene point encore re
joint le corps de l'armée,
depuis qu'ils en auoient'efté
détachez pour aller à Cour
tray , l'on voulutdés le ſoir
meſme ouurir la tranchée
de tous les deux coſtez ,mais
on ne l'ouurit que de celuy.
de Bellefós qui eſtoit arriué
le prensier, parce que l’In
fanterie Lorraine qui ,
comme i’ay dit , ſe trouuoit
la plus auancée, n'eſtoit ny
allez nombreuſe , ny aſſez
bien arméc pour entrepren
dre l'attaque d'vne place,
qui faiſoit aſſez bonne con .
u8 Relation de la Guerre
tenance , & qui paroiſloit
aſſez bien fortifiée, j'entens
pour lesdehors; car le corps
de la place nevaut pas grád
choſe. On remit donc la
partie au lendemain ; & on
laiſſa faire pour cette nuit
là , les Regimens de Cham
pagne & de Caſtelnau, qui
ayant ouuert la tranchée
par le Fauxbourg qui va à
Courtray, emporterent d'a
bord la contreſcarpe, & tra
uailloient déja à remplir le
foſſé , laiſſant à gauche vne
demy-lune que lesennemis
auoient abandonnée , quád
le iour d'aprés ſur les dix
de Flandres en 1667 , 119
heures , le Roy fit auancer
quantité de canons ſur yne
hauteur qui n'eſt qu'à vne
portée de mouſquet de la
place , & qui commande
dans tous les dehors de ce
coſté- là ( qui eft celuy qui
regarde le Brabant . ) Cette
bacterie, & meſme la plus
part des petites pieces que
les Regimens menoient à
la teſte de leurs bataillons ,
n'ayant ceſſé de tirer coucle
ipur , les ennemis n'oſoient
paroiſtre ; & craignant d'ê
tre emportez de force la
nuit ſuiuante , ils capitule
cent ſur les quatre heures
120 Relation de la Guerre
du ſoir; les conditions fu
rent , que les gens de guerre
demeureroient priſonniers.
Il s'y trouua quatre à cinq
cens hommes de pied , ſans
Cauallerie. Cette conqueſte
couſta peu de monde, &
l'on prit en moinsdevingt
quatre heures vne place,
dont Strada fait tant de
bruit dans ſon hiſtoire des
Païs-bas , & loüe extraor
dinairement le Duc de Par
me de l'auoir conquiſe en
deux mois. Les Regimens
qui attaquerent , n'eurent
qu'vn Officier bleſſé , &
quelques ſoldats. Il y eut
auſli,
de Flandres en 1667. 121
auſfi , du coſté du Roy vn
Volotaire bleſſé d'un coup
de fauconneau au gras de la
jambe , & de deux autres
coups demouſquet, en s'a
uançant à la ceſte du Faux
bourg pour voir les défen
ſes de plus prés. Il s'appel
loit Royecourt, & auoit eu
des emplois conſiderables
dans les gurres de Piedniot
& d'Italie du temps de la
Regéce de Madame Roya ll
le Ducheſſe de Sauoye .
Cette Ville, qu'on n'auoit
attaquée qu'en chemin -fai
ſant eſtant priſe , Tarmée
marcha dés le lendemain
F
122 Relation de la Guerre
deuxiéme d'Aouſt , & prit
le chemin d'Aloft ; le Com
te de Duras ayant eſté déta
ché dés la mefme nuit, auec
cinq brigades de Caualle
rie , & 1500. Mouſquetai
res , pour aller ſe poſter en
tre Bruxelles & Dendre 1
monde , & donner par là
de la jalouſie à ces deux pla
ces. En paſſant il fit ſommer
Aloft , qui ſe rendit apres
quelques coups de mouf
quet tirez ; car il n'y auoiç
dedans qu'enuiron trente
Caualliers qu’on tenoit là
pour donner auis de noſtre
marche .
de Flandres en 1667. 123
Il ſe trouua tant de Vo
lontaires auec ce détache
ment qu'ils formerent des
troupes ſeparées , & voulu
rent entreprendre quelque
choſe de leur chef:Leur def
ſein eſtoit d'aller entre Bru
xelles & Viluorde , pour ef
ſayer de prendre vnc des
Barques de paſſage , qui
vont tous les ioursd'vn de
ces lieux à l'autre , tout le
long d'vn grand canal : mais
ſoit que leurs meſures fuf
ſent mal priſes, ou quepaf;
my des gens ramaflez', il
n'y eut pas toure l'obeiffan
ce neceſſaire , l'entrepriſc
Fij

1
124 Relation de la Guer
ne reüflir pas : D'ailleurs,
pluſieurs autres partis fu
rent encore commandez
pour aller à la guerre , &
l'enuie de rencontrer les
ennemis preoccupoit celle
ment les eſprits, qu'vne
de ces troupes que condui
ſoit Chazeron , Lieutenant
des Gardes du Corps , en
vint aux mains auec vne
autre denosgens,perſon
ne ne voulants'expliquer,
ſur le qui viue , & l'on ne
ſe reconnue qu'aprés que
Royer Dubreuil , Capitai
ne du Regiment Colonel,
у eut eſtétué.
de Flandres en 1667. 125
Le troiſiéme du mois
l'armée alla căper à Hoch
ſtrate , village entre Aloft
& Dendremode : d'ou l'on
enuoya Truel, hommefort
entendu > pour recon
noiſtre la ſituation de cet
te derniere place , voir ſu
par vne ligne on la pour
roit enfermer , & ſi bes.
eaux , qui y eſtoient rete
nuës par des efcluſes, fai-:
ſoientvne grande inonda ,
tion .
Truel raporta que l'on y
pouuoit prendre des quar
tiers aſſez aiſément ,deſor:
te , quedés le quatriemele
F iij
126 Relation de la Guerre
Roy y fit marcher les pon
tós de l'artillerie , pour fai
re vn pont ſurl'Eſcaut, &
fit defcendre le long de la
Dendre , d'autres batteaux
qu'on trouua dans Aloft,
pour faire vn autre pont
ſur cette meſme riuiere. Le
lendemain cinquiéme, le
l'Eſcaut ſe trouua
pont de
fait à vn village nommé
Apels., qui clt éloigné de
Dendremonde d'enuiron
demie lieuë , audeſſus de la
place , & du coſté que l'on
vient de Gand : Mais on
employa à la conſtruction
de ce pont , tous les vingt

1
de Flandres en 1667. 127
Pontons qu'on auoit , &
ne s'en trouuant plus pour
faire yne autre Pont au
deffous de la Ville , & du
cofté d'Anuers , ou l'Ef
caut eſt beaucoup plus
large , & ou la ‘marée
remonte , beaucoup plus
haut , on fut contraiirt
de laiſſer ce chemin libre
au ſecours quipourroit ve
nir. Cependant le Marquis
de Bellefons ne laiſſa pa's
de paſſer ſur le pont qui
eſtoit fait,auec cinq briga
des de Caualierie , & qua
treou cinq Regimés d'In
fanterie, qui inueſtirent la
F iiij
128 Relation de la Guerre
place de l'autre coſté de la
riuiere ; & qui ayant ren
contré vn païs fort coupé,
& fort couuert, purent fa
cilement la bloquer de fort
prés , & ſe mettre en eſtat
d'empeſcher qu'elle ne fuſt
fecouruë par terre , de ce
coſté-là. 1

Le Roy pritſon quartier


au village d'Apels , dont
i ay déja parlé , quieſtoit
tuut proche le pont , & oc 1

cupa auec les troupes qu'il


retint auprés de luy , tout
cét eſpacequi eſtoitdepuis
l'Eſcaut , iuſques au pont
que l'on auoit fait ſur la
de Flandres en 1667. 129
Dendre . Le Comte de Du
ras auec ſon détachement ,
& le Comte de Lillebon
ne auec les Lorrains , oc
cuperent le terrein qui ſe
trouua entre la Dendre, &
l'Eſcaut , du coſté qui re
garde Bruxelles & Vil
uorde . Les quartiers eſtant
ainſi pris , tout le monde
crut qu'on alloit attaquer
cette place ;.mais pluſieurs
conſiderations firent pren
dre yne reſolution con
traire .
Ceux qui pretendoient
que l'on Gift le ſiege , di
ſoient , que la place eſtoit
FV
130 Relation de la Guerre
foible, & les fortifications
en meſchant eſtat , qu'il
n'y auoit que huit ou neuf
cents hommes dedans, de
mauuaiſes troupes ,& qui
n'eſtoient pas ſuffiſantes
pour reſiſter à vne armée
puiſſante comme la noſtre,
& animée de la preſence du
Roy. Que les eaux donton
faiſoit tantdebruit ſe pou
uoient facilementſaigner ,
' encoupant les digues de
.

l'Eſcaut, quirecenoient les


eaux de la Dendre, & qui
n'auoient eſté faites que
pour rejetter le cours de
cette derniere riuiere dans
de Flandres en 1667. 131
la Ville, en contraignát ſa
pente naturelle , qui eſtoit
de tomber dans l'Eſcaut
I
plus d'vne portée de mouſ
quet au deſſusde la place.
Er en effet, Trüel auoit dé.
ja fait faire deux ouuertu
res à cette digue, & com 2
mencé vne troiſiéme par
où il eſperoit , ſelon le ra
port desmarinieres d’aloſt,
& de Dendremonde meſa
mequi eſtoient au Camp,
efcouler toute l'eau en
quatre ou cinq iours ,
fi bien qu'on euſt pû at
taquer la Ville par deux
la Ville
endroits , & en yenir fa
F vj
132 Relationde la Guerre
cilement à bout , à cauſe
de la foibleſſe de ſes dé
fenfes.
Ceux qui vouloient
qu'on leuaft le piquet, alle
guoient au contraire que:
ce deſſeichement eſtoitim .
poſſible; parce queles éclin.
fes eſtoient dans la Ville ,
que les ouuertures de la
digue de l'Eſcautne ſerui
roient qu'à rendre l'inon
dation plus grande, en ou
urant le paſſage aux eaux
de la marée , qui remonte
en cet endroit de plus de
fix pieds ; & cela deux fois
en vingt- quatre heures : 1
de Flandres en 1669. 135
De forte, qu'on ne trouue
roit iamais moyen de faire:
vn trauail ſolide', puis qu'il
feroit arrofé, ou peut- eſtre:
noyé deux fois tous l'es.
jours. De plus , que tant,
que l'Eſcaut feroit libreau
deffous, & qu'outre le pont
qu'on y feroit, il n'y auroit
pas encore des Itacades,
d'arbres , & de chaiſnes de
fer ; les ennemis le rom
proient toutes les fois qu'il
leur plairoit , puis qu'il
.

eſtoit conſtant qu'auec vn


vent, tantfoit-il peu fauo
rable; & l'aidede lamarées,
on pouuoit venir d'Anuers,
134 Relation de la Guerre
juſques là , en quatre heut
res de temps,auec tel nom
bre de Vaiſſeaux qu'on
trouuoit à propos ; & apres
auoir briſé tous nos ouura
ges , mettre dansla place
tous les raffraichiffemens
dont les aſſiegez auroient
beſoin . D'ailleurs , que la
Ville eſtoitmunie d 'noin
mes & de choſes neceſſai
respourvne longuedefen
ſe , puis qu'on auoit eu le
loiſir d'yfaire entrer aucc
Louuigny , homme fort
eſtimé dans les Païs- bas ,
toutes les troupes qu'on
auoit voulu . Enfin , que ce
1
de Flandres en 1667. 135
poſte eſtane auſſi auancé
qu'il eſtoit , les Ennemis
n'auoient qu'à ſe poſter à
Nienoue , & affamer l'ar
mée en quatre iours , puiſ
que le pain commençoit
déja à y eſtre fort rare,quel
apportaſ
ques ſoins qu'y naires
fent les munition par
l'ordre de Colbert l'Inten
dant . Cét auis eſtoit ap
puyé de tant de gens , &
feurs raiſons parurent ſi
vray- ſemblables , que le
Roy ſe reſolut à laiſſer ce
ſiege , qu'on luy faifoit fi
difficile,pouren aller faire
vn autre , qui ne fut pas de
136 Relation dela Guerrë
moins d'éclat,ny peut eſtre
de moindre conſequence .
Pendant les deux iours.
qu'on demeura deuantcet
te Ville,il neſe paſſa preſ
que rien de conſiderable,
excepté que les ennemis yу
tirerent force coups de ca
non qui ne firent pas
grand mal , & dont ie:
ne crois pas que plus de
12. ou is. hommes ayent
eſté tuez , deſquels le plus
connu fut vn jeune Gen
tilhomme de qualiténom
mé Villars, qui eſtoit Vo
lontaire auprés du 'Mar
quis de la Valliere.,,Lieute
de Flandres en 1667. 137
nant des cheuaux legersde
Monſieur le Dauphin. Il
y eut auſſi quelquerencótre
de Cauallerie de l'autre cô
té de l'Efcaut , auant que le
pontfuſt fait;car leRoyy
auoit fait paſſer so. Gardes
1 du Corps,commandez par
Lanſſon , qui eſtoic Lieư
tenant d'vne des quatre
Compagnies , dans yn d'es.
pontons qui deuoient fer
uir au pont, les Caualliers
qui paſſoient dedans me
nant leurs cheuaux deffel
lez en main , & les faiſant
nâger iuſques à l'autre
bord. Si-toft qu'ils eurent
138 Relation de la Guerre
remis les felles, ils montea
rent à cheual, & prenant le
chemin de Dendremonde
tout le long d'vne digue ,
fort couuere d'arbres, ils
rencontrerent enuiron 120 1

des Ennemis dans yn che.


min eſtroit , & les pouſ
ferent d'abord juſques à
d'autres troupes qui les
foûtenoient , & qui rame
nerent nos Coureurs affez
viſte : Mais Lanfſon qui
fuiuoit , ayant chargé, les
ennemis plierene , ſi bien
qu'il y eii eut quelques
yns de ruez & de priſon
niers. Nous y perdiſmes
de Flandres en 1667. 139
auſſi des Caualiers , & il y
eu quelques Volontaires
bleſſez , entr'autres le Mar
quis de Courcelles Lieute
nant de l'artillerie , & ce
meſme Mazel , dont j'ay
déja parlé, aprés quoy , la
nuit ſepara lescombattans,
& le lendemain matin le
pont ſe trouuant fait , on
ne trouua plus perſonne.
Deux jours aprés, le Mar
quis de Bellefons ayant re
paſſémeauec fes troupes ſur
le ſme pont , qu'on
rompit auſſi-toſt , l'armée
décampa de deuant cette
place.
140 Relation de la Guerre
Quelques -vns ont vou- .
lu dire , que beaucoup de
gens de l'armée, & enti'au
tres de ceux que comman
doit Bellefons, & qui s'é
toient écartez dans le païs
de Vâés pour butiner, n'é
toient pas tous repafſcz, &
qu'ayant à leur retour,trou
ué le pont rompu , il en
eſtoit tombé plus de deux
mille entre les mains des
ennemis; mais cela n'eſt pas
vray , & il eſt certain qu'il
ne s'y en perdit pas deux
sens.

L'armée ayant donc ainſi


quitté Dendremonde , le
de Flandres en 1667. 141
Marquis d'Humieres futdé
taché auec quatre brigades
de Cauallerie pour aller in,
ueftir Lille , qu'il y auoit fi
long - temps qu'on mar
chádoit; le Marefchal d'Au
monc,depuis & auant le fie.
ge de Courtray , ne l'ayant
ianiais éloignée de plus de
1 deux ou trois lieuës, preſt à .
l'inueftir toutes les fois que
les ennemis en cuſſent you,
lu retirer leurs troupes .
Ce ſiege n'eſtoit pasvne
entrepriſe de peu d'impor
cance; car l'on ſçauoit qu'il
y auoit dans la place ync
garniſon conſiderable , fur
142 Relation dela Guerre
tout de Cauallerie , tous
les priſonniers diſant qu'il
y auoit plus de 1200. che
uaux , & 3000. hommes
de pied . Cela n'empeſcha
pourtant pas le Roy d'en
former le deſſein , ſoit que
le Vicomte de Turenne le
conſeillaſt ainfi , ſoit que
le Roy ſe laſſaſt de faire des
‫ܐ‬

conqueſtes auec tantde fa


cilité. Ainſi toute l'armée
apres quatre iours de mar
che , vint prendre ſes quar
tiers dcuát cette gráde ville.
Le Roy ſe campa d'a
bord au village d'Eſguer
mes , d'où il délogea le Ten
de Flandres en 1667. 143
demain , à cauſe du canon
des aſſiegez qui incommo
doit ſon logement,& il ſe
recula iuſques au village de
Laos,ſur la riuiere de Deul
le , occupantauec les trou
pes de ſon quartier, toute
la plaine qui eſt depuis
Loos , iuſques au village
d'Heleſmes , où le Marquis
d'Humieres auoit pris le
ſien ; puis les Lorrains pri
rent leur terrain en allant
vers la riuiere de Marque :
1 Enſuite le Marquis de Bel
lefons ſe poſta , auec les
troupes qu'on luy donna ,
j depuis les Lorrains juſques
144 Relation de la Guerre
à la riuierede Deulle , vers
l'Abbaye de Marquette. Er
enfin le Comte de Duras
fut poſté au delà de cette ri
uiere, dont le Camp s'éten
doit du coſté du village de
Lamberſart, & reuenant à
la riuicre de Deulle , ache
uoit ainſi le tour de la cir
conuallation .
Les choſes eftant ainſi
diſpoſées dés le ſoir de l'on
ziéme , toute l'arınée pric
les armes ſur les 9. heures ,
& chaque troupes ayant des
outils , on s'approcha de la
place à enuiron ſept ou 800.
, ul'on commença en
pas o
meſme
de Flandres en 1667. 145
meſme temps vne ligne de 22
contreuallation pouraſſeu
rer Tes Camps contre les
fortis de la Ville, qui eſt des
plus grandes des Païs -bas ,
& ſans comparaiſon plus
peuplée qu'aucune de celles
qui ſont de l'obeiſſance du
Roy d'Eſpagne ;car ilſe di
ſoit qu'il y auoit bié 20000.
hommes portant les armes,
ſans compter la garniſon.
Cét ouurage ne fut pas
acheué la premiere nuit ,
mais il le fut entierement
les deux ſuiuantes: De for
te , qu'on y mena dés le
13.quantité de petites pieces
G
146 Relation de la Guerre
de canon , de celles que les
Regimens menoient à leur
teſte, pour en garnir les re
dans de la ligne , & tenir
/

par là les afliegez en bride,


en cas qu'il leur prit enuie
de forcir. Ce qu'ils ne té
moigncrenc pas ; car ſans
venir intercompre ce tra
uail, ils ſe contenterene de
tirer quantité de coups de
canon dans nos camps , &
ſur tout au quartier duRoy,
où ils voyoient le plus de
monde.
Comme donc ce ſiege pa
roiſſoit d'une extréme con
fequence, de quelque colté
de Flandres en 1667. 147
qu'on le conſideraft,
voulut
le Roy
mettre
fe auſſi en
eſtat d'en venir ſeurement
à bout , & de faire , auant
que d'ouurir la tranchée,
toutes les prouifions qu'il
faloit pour de ſemblables
entrepriſes. On fit venir
des Paifans de tous coſtez
pour trauailler à la circon
uallation. Diuers Conubis
furent enuoyez à Arras , à
Bethune ' , à Tournay , & à
Doüay, pour en tirer du ca
non , des poudres , des bou
lets , & des meſches. Enfin ,
on donna ordre à ne point
manquer de toutes les au
Gij
148 Relation de la Guerre
tres fournitures neceſſaires
aux ſieges.
Ce fut en cetenips - là que
le Roy apprie l'inquietude
où la Reine eſtoit de ſon
abſence , & de l'indiſpoſi
tion de Monſieur le Dau
phin. Il cacha neantmoins
les ſentimens qu'il en auoit,
auſſi bien que des autres fâ
cheuſes nouuelles qu'il re
cout au commencement de
ce ſiege; où il apriſt que le
Prince de Ligne ayant ren
contré 300. cheuaux des
garniſons deCharleroy , &
de Philippeville , les auoit
entierement défaits , & priş
9
de Flandres en 1667. 149
priſonnier le Marquis de
Vaubrun-nogent,qui com
mandoit ce party , auec la
pluſpart des autres Ofi .
ciers ; ſans compter ceux
qui demeurerent ſur la pla
ce. Il eut auſſi auis que les
garniſons de Cambray &
de Valenciennes auoient
pillé & brûlé Riblemont ,
Marle,& quelquesmaiſons
auprés de la Capelle , pour
faire quelque forte de di
uerſion ; &que Marſın ve
noit à Ipre , pour donner
de l'inquietude, & du cofté
du Camp , & du colté de la
mer où nos places n'é
G iij
iso Relation delaGuerre
toient pas trop bien mu
nies . On vint encore auer
tir que les ennemis paroiſ
ſoient vers Oudenarde , &
l'on craigniſtmeſmesqu'ils
ne reprifl'ent auſſi aiſément
cette place ſur nous , que
nous l'auions priſe ſur eux;
ce qui fait qu'on y enuoya
Beauuezéauec quelque Cae
yallerie , quitrouua que ce
n'eltoit rien , & raporta que
les Ennemis s'aſſembloient
touſiours à Aloft , où l'on
n'auoit point laiſſé de gar
niſon, en feretirantdeDen
dremonde. D'ailleurs , le
Roy eſtoit incómodé d'un
de Flandres en 1667. IST
mal de dents qui luy duroit
depuis quatre ou cinq iours ,
& qui n'étoit pas ſur le point
de diminuer, tant qu'il cóti
nueroit de coucher au Bioü
uac , comme il faiſoit toutes
les nuits , expoſé auxbroüil
fards qui s'élevoient tous les
foirs, à cauſe des chaleurs ex
traordinaires de la ſaiſon. If
falloit encore veiller à la
conſeruation de ſes con
queſtes; deſorte qu'vne ame
moins grande que la ſienne
auroit pû s'ébranler , en ayát
d'auſli raiſonnables ſujets,&
dans de pareils embarras :
Neantmoins il donna toû
G iiij
152 Relation de la Guerre
iours également ordre a
tout , & ſans autrement re
gler la conteſtation tou
chant le commandement
que pretend auoirle Mareſ
chal de Cáp General ſur les
autres Mareſchaux de Fran
ce , il enuoya le Marefchal
d'Aumont ſe camper ſous
Tournay ,auec le reſte des
troupes de ſon armée.
Elle eſtoit peu nombreu !

ſe pour lors , parce qu'on en


auoit tiré deux Regimens
d'Infanterie pour venir fer
uir au ſiege de Lille ;‫ ܪ‬c'é
toient celuy du Pleſſis & ce
luy d Harcourt: en eſchan
1
de Flandres en 1667. 153
ge dequoy on ne luy auoit
donné que celuy d'Alſace ,
que la Campagne auoitfort
affoibly la pluſpart des Al
lemans dont il eſtoit com-,
pole ,ou eſtant malades, ou
ayant deſerté comme font
preſque tousles nouueaux
Regimens de cette Nation
qui viennent ſeruiren Fran
ce. De plus, le Comte de
Lorges,Mareſchal de Camp
de cette armée , en auoit eſte
1 détaché auec mille cheuaux,
pour venir aider à inueftir
Lille, & ne l'auoit point re
joint , parce que depuis le
ſiege formé, il auoit
G
eſté en
V
154 Relation de la Guerre
uoyé auec ſes troupes , gar
der les paſſages de la riuiere
du Lis , conime Varneton ,
Comene , & Menene , de
peur que les ennemis ne vin
fent par là tenter de jetter
quelque ſecoursdans la pla
ce. De forte, qu'il ne reſtoit
au Mareſchal que quatre ou
cinq cens cheuaux. L'on tira:
encore de Tournay Tes qua
tre Compagnies des Gardes
Françoiſes , & les trois de
Suiſſes qui en compofoient
la garnilon, & il fallut que
ſon Infanterie ſe chargeaſt
de garder la place ; de plus, .

ileſtoit obligé d'auoir l'ail


de Flandres en 1667. 155
ſur Ach , & de prendre gar
deaux paſſages de l'Eſcaue
& de la Scarpe com me

Mörraigne , ſaint Amand ,


& Marchiennes,oùil falloit
fouuent enuoyer du mon
dė ; & enfin , c'eſtoic preſa
que à luy ſeul àprendre le
foin de toutes les affaires du
dehors , & à pouruoir à la
feureté de la Campagne;
car le Marquis de Crequy
n'eſtoit pas encore arriue
auec le corps de troupes
qu'il amenoit de Luxem
bourg, où il eſtoit demeus
ré iulqu'à ce temps-là .
Pour retourner au ſiege:
G vi ,
156 Relation de la Guerre
de Lille , le Roy voulut que
tous les ioursdepuis le di
xiéme iuſques au dix -hui
tieme fuſſent employez à
aſſeurer les Camps par des
lignes , & contre la Ville, &
contre les dehors, & à fai
re toutes les prouiſionsde
viures & de municiós , donc
on crût auoir beſoin . Le
Marquis de Louuoy , dont
le genie agillant prenoit
connoiſſance de tout , &
meſme du détail de l'artil
leric , trauailloit inceſſam
ment > afin que rien n'y
manqualt; car le Roy auoit
deffein de faire voir en ce
de Flandres en 1667. 157
ſiege quelle eſtoit ſa puiſ
fance ; auſſi y alloit- il de ſa
reputation dans toute l'Eu
rope; tout ce quel'on auoit
fait iuſques-là,eſtát plûcoſt
yn effet dela terreur de ſes
armes , qu'vne veritable
1
eſpreuue deſes forces. D'ail
leurs , dans toutes les ar
mées , & particulierement
quand il y a beaucoup de
gens de la Cour , com
me celle de S. M. en
eſtoit remplie , il ne man
que iamais d'y auoir de ces
i eſprits qui ne ſçauroient ap
prouuer les deſſeins aux
conſeils, deſquels ils n'ont
158 Relation de la Guerrë
point eu de part , & qui
prennent toûjours à taſche
de décrier les entrepriſes
douteuſes , comme eſtoit:
celle de Lille , afin que ſi el
les ne reüſliſſent pas , ils
puiſſent faire valoir leurs
opinions , ou diminuer au
moins pour vn temps la:
gloire de celuy qui eſt char
gé de l'affaire : Il y en auoic
là pluſieurs de ce caractere,
qui par le mauvais tour
qu'ils donnoient à la choſe ,
redoubloient l'enuie de la
voir reüſſir .
Le Roy n'y eſpargnoit
doncny ſoins, nyveilles,ny
de Flandres en 1667. 159
dépenſe ,non pas meſme ſa
perſonne ,neconſultant en
cette occaſion que lesmou
ueniens de ſon courage , &
ne conſiderant que ce qu'il
croyoit pouuoir contribuer
à l'augmentation de fa
gloire .
Vne de ces nuits là que
le Roy paſſoit toutes au
Bioüac , & le plus fouuent
au Camp desCheuaux le
gers de Monſieur le Dau
phin , ou pour ce repoſer, il
entroit quelquefoisdansles
Tentes du Marquis de la
Valliere ; le feu ſe priſt au
logis de la Majeſté,quibrû
160 Relation de la Guerre
la preſque tout entier; mais
par le ſoin qu'on y aporta ,
il ne s'y perdit preſque rien.
Le Vicomte de Turenne
de ſon coſté paſſoit les iours
& les nuits à chcual , &
n'oublioit rien de tout ce
qu'il auoit apris par ſon ex
perience ; voyant bien que
quoi qu'ils arriuaft, il y aloit
ou de l'augmentation de la
gloire, ou de la diminution
de fon credit. Toutes choſes
eſtant donc diſpoſées les
mieux qu'elles le pouuoient
eſtre en ce temps-là ,on ou .
urit la tranchée le ſoir du
18. & l'on attaqua la place
de Flandres en 1667. 161
du coſté qui regarde le vil
lage de Heleſme.
En cela , l'opinion d'Af
premont, qui fit durant ceta
te Campagne le meſtier
d'ingenieur, & celle de Val
ban , homme fort entendu
en matiere de ſieges, preua
1 lurent ſur les anis de plu
fieurs autres , qui vouloient
qu'on fit les attaques,lesyns
à la porte desmalades, fon
dez ſur ce quetous les pri
ſonniers qu'on auoit , &
les gens qui ſortoient tous
les iours de la place,diſoient
que c'eſtoit l'endroit le plus
foible, & qu'il n'y auoit là
162 Relation de la Guerre
que trois pieds d'eau dansle
foffé ; les autres du colté de
la baſle - Ville , où il n'y
auoit qu'vne fortification
nouuelle, & quin'eſtoit pas
encore en estar de defenſe ;
fi bien qu'en l'emportant
d'emblée, on ſe trouueroit
d'abord ſur la contreſcarpe
de la Ville , ſans autre pei
ne, que celle qu'on auroit à
certe premiere attaque. Ils
diſoient de plus, que céren
droit eſtoit plus proche du
quartier du Roy , & du parc
de l'artilleric , d'où l'on tire
roit plus aiſément les ſe
cours neceſſaires, ſans com
de Flandres en 1667. 163
pter l'aide & l'auantage
qu'on receuroit de la quan
tité de bois, & de materiaux
propres à des ſieges,qu'on
trouueroit dās les maiſons
de ce Fauxbourg enfermé.
Mais toutes ces raiſons ces
derent à celles des deux
hommes que j'ay nommez ;
auſſi eſtoit - il en quelque
façon raiſonnable de s'ac
coinmoder å lcur ſens,dans
vne entrepriſe ou des gens
de leur profeſſion doiuent
auoir tant de part ; outre
qu'il ne paroiſloit du colté
qui regarde Heleſme, que
deux baſtions fort éloignez
164 Relation dela Guerre
l'yn de l'autre , & qui ne ſe
défendoient quedu canon ,
puis qu'on voyoit trois de
my -lunes ſur vne melineli
gne pour couurir la lon
gueur dela courtine; au mi
lieu de laquelle ily auoir
pourtár vne porte ſous vne
vieille tour , mais dont les
flancs ne donnoiene pref
que point de défenſe.
Ce lieu ayant elté choiſi
pour l'atraque , oa ouurit
la tranchée le leudy au ſoir,
en deux endroits differens,
& éloignez de deux ou trois
cens pas l'vn de l'autre. Les
Gardes Françoiſes prirent
de Flandres en 1667. 165
la droite , comme c'eſt l'or,
dinaire , ce n'eſt pas qu'ils
nç puiſſent choiſir le poſte,
quand ils y trouuent leur
auantage; mais iugeant que
les ſorties feroient moins à
craindre en cét endroit- là ,
parce qu'ils laiſſoient vn
marais . , & vn ruiſſeau ſur
leur droite, & que les enne
mis ne pouuant venir que
difficilement à eux, ils pour
roient en moins de temps
s'attacher au corps de la pla
ce , ils prirent la droite , co
meiay dit , & commence
rent leur trauail le long
d'vn chemin paué qui iş
166 Relation de la Guerre
trouue auprés de l'Egliſedu
Prieuré de Fire . Ils l'auan
cerent extraordinairement
cette nuit-là ; mais leurtran
chée ſe trouua ſi mauuaiſc ,
& fi enfilée , par la mépriſe
de ceux qui la traçoient,ou,
parce qu'il eſt preſque im
poſſible que cela n'arriuc,
quand onattaque de gran
des places , dont le front eſt
toujours fort eftendu qu'on
n'y eſtoit à couuere nulle
part. Ils neperdirent neant
moinspreſque perſonne,les
ennemis n'ayant commen
cé à tirer que ſur le mi
nuir.
de Flandres en 1667. 157
Les Regimens de Picar
die & d'Orleans firent leur
ouuercure ſur la gauche. Ils
n'auancerent pas tant qu'a
uoient fait les gardes ; mais
ils firent yn fort beau tra
uail , & de belles tranchécs
bien ſolltenuës de places
d'armes, & deredoutes,ſans
perdre , non plus , que cres
peu de gens.
Le lendemain qui eſtoit
le Vendredy 19. les enne
mis firent vne ſortie , mais
qui par la ſuite,fic voir que
ce n'eſtoit que pour nous
taſter , & pour nous faire
découurir , afin d'ajuſter.
168 Relation de la Guerre
mieux leur artillerie ; car
leur Cauallerie qui n'eſtoit
que d'enuiron 60. cheuaux,
ny leur infanterie qui eſtoit
auſſi en petit nombre, n'é
loignerent iamais leur con
treſcarpe de cent pas ; & à
peine ſe montrerent -ils vn 1

peu , qu'ils furent auſſi-toft


rechaſſez dans leur chemin
couuert , par la Cauallerie
qui eſtoit à la queue de nô
tre tranchée, & par l'Infan, 1
i

terie des Gardes, qui ſortit


pour aller à eux , dans la
quelle ſorcie, Caſtelan ,Ma
jor de ce corps , fut bleſſé
d'yne contuſion au haut de
la cuiſſe. Pou

!
de Flandres en 1667. 169
Pour fóûtenir nos atta
ques , cinq eſcadrons mon
toient tous les ſoirs derriero
des épaulemens à la queuë
des trauaux , ſous le com
mandement d'vn Briga
dier , & outre ceux-là ona en
poſtoit trois autres vn peu
plus éloignez , & derriere la
ligne de contreuallation ,
pour s'en ſeruir au beſoin .
D'ailleurs la plus- part des
Volontaires qui cherchoiér
1
l'occaſion , s'aſſemblerent
les premiersiours de ceſie 1
ge , & reſolurent entr'eux
de former des efcadrons ,
donc yn ſe deuoit trouuer
H
170 Relation dela Guerre
chaque foir, auec la Caual.
lerie quiſeroit à la tranchée,
pour y ſeruir comme des
croupes reglées , ayant
meſme choiſi des com
mandans , qui eſtoient le
Cheualier de Rohan , Fol
leuille , Te Marquis de
Grignan , & le Comte de
Maré : Car on n'aprehen
doit rien que les ſorties des
Ennemis, s'illeur euſt pris
enuie d'en faire,veu le nom
bre de Cauallerie qui eſtoit
dans la place, qu'on ſçauoir
eſtre certainement de ſepe
ou 800.cheuaux , & d'allez
bonnes troupes ; & de l'In
A
3
de Flandres en 1667. 197
fanterie , ils en auoient aſſez
par le grand nombre d'ha
bitans qui ſe trouuoit dans
la Ville.
Mais ces craintes ne du
rerec que lespremiers iours,
& l'on ſveut dans la ſuite
du ſiege quele Gouuerneur
neur ( c'eſtoic le Comte de
Broüay ) ne ſe voyant pas
aſſez de troupes reglées ,
pour garder des fortifica
tions d'auſſi grande eſten
duë que celles de Lille ,
auoit fait mettre pied
terre à vnepartiede la Ca.
uallerie & que l'autre ſuf
fifoit à peine à faire les gar
Gij
172 Rlation de la Guerre
des neceſſaires & dedans &
dehors: car quoy qu'il fuſt
allez aimé des Habitans , &
qu'il pallalt parmyeux , &
parmy lesgens Guerre,pour
homme de ceur & aſſez
experimencé , il ne laiſſoic
pas de prendre garde aux
Bourgeois , qui accouſtu
mez detout temps à la doy
men
ceur de la vie , & à aug
ter leur bien , s'eſtonnoicnt 1

de voir leurs maiſons rui


nées des bombes qu'on leur D

jetroit , & des coups de ca


non qui cſchapoient par
deſſus les remparts. Ils s'en
nuyoicnt auſli, à ce qu'on
de Flandresen 1667.173
diſoit , de contribuer tous
les jours à la ſubſiſtance
des nouuelles leuées qu'ils
auoient faites , & au paye
ment des trauaux & des re
parations neceſſaires pour
la defenſe de la place ; on
commença meſme à dou
ter s'ils ſortiroient pour de
fendre les dehors , en cas
que les troupes de la garni
fon quiy eſtoienrcampécs,
euſſent beſoin de ſecours; &
I ec fat ,peur-eftre, vne des
raiſons qui fitque l'ordre
eſtably parmy les Volon
taires ne ſubſiſta que les
deux premiers iours; ſi l'on
H iij
174 Relation de la Guerre
n'aime mieux croire que
tant de Gentilhommes Frá
çois differens d'humeur co
me de qualité , ne fu
rent pas capables de de
meurer long-temps demel
me ſentiment , & feredyi
re à s'obzir les vns aux au
tres .
D'abord on ne fçeut pas
bien preciſément ce qu'il y
auoit de troupes reglécs; car
tous les priſonniers & tous
les transfuges en parloient
diuerſement , ou ſelon leur
paſſion , ou ſelon leur con
noiſſance ;on s'en tint pour
tant à croire qu'il n'y auoic
I de Flandres en 1667. 175
que ſix Cópagnies d'Eſpa
gnols naturels, faiſant en
uiron 250. hommes ; pref
que,autant d’Italiens ; vn
Regiment de Vvalons,nó
medeRache; & peut-eſtre
trois ou 400. Anglois ou
Irlandois. Auec cela , ils
auoient enuiron 2000. Cur
lins,c'eſt ainſi qu'ils appel
loient les milices qu'ils
auoient leuées dans leur
Chaftellenie : Ce qu'il y a
de vray , c'eſt qu'ils tiroient
beaucoup au com'mence
ment des attaques , & que
de plus de vingt ſieges que
j'ay veus en ma vie , ie n'ay
H iiij
176 Relation de la Guerre 1
iamais veu faire ſi grand
feu ; ce qui fit juger d'abord
que les Bourgeois ſe mé I
loient auec les troupes,puiſ 5

que , ſelon les apparences,


ces dernieres n'eſtoient pas
ſuffiſantes pour entretenir
cette défenſe.
Le ſoir du 19. quatorze !

Compagnies des gardes 1

Françoiſes qui eſtoient à la


tranchée , & que comman
doit Dorcie , furentreleuées !
par huic Compagnies des
gardes Suiſſes , auec le Co
re de Soiſſons icur Gencral.
Elles n'auancerentpas beau
coup cette nuit-là , parce 1
de Flandresen1667. 177
que le trauail que les Gar
des laifloient , eſtoit en ſi
mauuais eſtat , que le Vi.
comte de Turenne défen
dit abſolument , d'aller en
auant , qu'enuiron 100. ou
120. pas , & commanda
qu'on employaft les trauail
leurs à reparer ſculement
l'ouurage que l'on auoit
mal fait la nuit precedente,
en l'élargiſſant , & l'appro
fondiſſant, de maniere qu'o
y pult eſtre à couuert; ce qui
fut executé comme on le
defiroit ; car toute la nuit
on trauai la à faire d'autres
boyaux , ou l'enfilade eſtoic
нү
178 Relation de la Guerre
ſans autre remede, & à mé
nager des retours où l'on
eſtoit vn peu moins veu ; fi
bien que le lendemain au
4
iour ceux qui vinrent à la
tranchée , ne la reconnoiſ
foient plus, parce qu'on y 1

cſtoit en ſeureté par tout.


On ne perdit preſque per
ſonne cecte nuit-là , à cauſe
qu'on n'auoit guere trauail
lé en auant. Dés le matin ,
les Ennemis firent encora:
mine de vouloir ſortir , &
30. ou 40.de leurs Caualiers
s'eſtant auancez enuiron à
so. pas de leurs contreſcar
Po, des Volontaires qui és
de Flandres en 1667. 179
toient auec noſtre Caualle
rie , pouſſerent auſli - toſt
vers la place ; & comme il
y auoit parmy eux des per
fonnes de qualité ,dont
l'empreſſement ſe faifoit
toûjours diſtinguer , en
tr'autres . le Comte de ſaint
Paul & le Prince de Mar
fillac ; Lanſſon , qui eſtoit
de garde auec les Gardes du
Corps , & qui ſe trouuale
plus prés , s’auança auec 40.
Maiſtres pour ſolltenir les
Volontaires , & tous en“
femble furent juſques aux
paliſades , à couuert def
quelles les ennemis ſe reti
H vj
180 Relation de la Guerre
rerent d'abord. Là le Chea
ualier de Fourbin , Major
des Gardes du Corps , fut
bleſſé à la gorge d'vn coup
de mouſquet ,deux Gardes
du Corps y furent cucz , &
vn pris priſonnier , pour
s'eſtre trop engagé; on prit
auſſi vn des Ennemis , mais
il ne dit rien de nouucau ,fl
non, que les Bourgcois pre
noient aſſeurément les ar
mės , & ſe méloient auec les
Troupes, pour leur defen ,
fe commune.
Les Suiſſes furent relcuez
le ſoir du 20. par quatorze
autres. Cópagnics des Gara
de Flandresen 1667. 181
des Françoiſes que com
mandoit Magallori, & cette
nuit- là on ne trauailla en
core guere en-auant , parce
que l'on s'occupa à faire
vne ligne de communica
rion auec la tranchée de Pi
cardie , à quoy on n'auoit
point encore trauaillé, & il
n'y cuir d'Officiers bleſſez
gue Rémond Enſeigne.
A l'autre attaque , j'ay
dit que ce furent les Regi
mens de Picardie & d'Or
leans, quiouurirentla tran
chée. Ils furent releucz par
Champagne & le Pleſſis
Praflin , quicontinuerent à
182 Relation de la Guerre
faire de fort bons trauaux,
fans perdre que fort peu de
gens,& ie croy qu'il n'y eut
d'officiers bleſſez que le
Cheualier du Pleſſis , Me
ſtre de Camp du Regiment
de ce nom , & deux Cam
pitaines du Regiment de
Champagne : le troiſiéine
jour ces deux Regimens fu-
rent releuez par ceux d'Au
uerg ne & deRouſſillon ,qui
trauaillerent aſſez en auant ,
& ne perdirent preſque per
fonne , n'ayant point eu
d'autres officiers bleſſez
que le Duc de Cheureuſe ',
encore nelefut-il quelege
de Flandres en 1667. 183
rement au deffus du nez .
Dés le matin du 4 . iour ;
nos Batteries commence
rent à tirer , c'eſt à dire ,
vingt-quatre pieces de ca
non , dont il y en auoit
quelques -v nes de 33. liures
-vnes
de bale , & les autres de
24. Mais comme la face
que l'on attaquoit eſtoit
de fort grande eſtenduë ,
& que les Ennemis nous
i oppoſoient plus decanon
quenous n'en auiós,quel
que fracas quenoſtre artil
lerie pût faire ceiour-là , &
le ſuiuant , ils ne laiſſerent
pas d'incommoder toll
184 Relation de la Guerre
jours beaucoup & č noſtre.
batterie & les cranchées ,
part iculierement de cinq .
ou ſıx pieces qu'ils auoient
fogéesſur yn baſtion bien
loing ſur la droite de l'at
taque, & vers lequel il n'y
auoit pas vre de nos em
braſures tournées ;de forte,
que pendant tout le fiege,
cette batterie des ennemis
fit beaucoup de mal ; &
parce qu'elle eſtoit plantée
au pied d'vnmoulin à vent ,
qui eſtoit ſur le baſtion, on
appelloit les coups qui en
venoient , les coups du
mcunier. On eſſaya ncant
de Flandres en 1667. 185
moins le ſoir du quatriéme
jour d'auancer vne battc
rie de quatre pieces ſur la
droite de l'attaquedes gar
des , à deſſein de s'oppoſer
aux pieces du baſtion , qui
nous tourmentoient ; mais
comme ce trauail eſtoit af
fez prés de la contreſcarpe,
los crauailleurs , dont il y
en cut quantité de tuez ,
ne fuiuirent peut - eſtre
pas trop ce qu'on leur
auoit tracé; de ſorte , que
quand il fut iour, on s'ap
perçeut que cette bat
terie ' n'eſtant pas encore
bien tournée , elle neferui
186 Relation de la Guerre
roit de rien contre le ba
Ition d'où tiroit le Meu
nier , jointqu'elle en eſtoit
encore trop éloignée. On
vint pourtant à bour de l'a
cheuer , & la nuit du cin
quiéme on y logea quatre
pieces pourbattre la demy.
lune de la droite , en cas
qu'on la vouluſt attaquer ,
comme quelques -vns en
eſtoient d'auis ; car les au
tres ne vouloient attaquer
que celle du milieu qui
couuroic la porte de Fire ,
diſant que c'eſtoit trop
em braſſer de terrain , que
d'attaquer trois demy-lus
5
de Flandres en 1667. 187
nes à la fois. Cependant le
trauail ſe pouſſoit toû
1 jours, & les ſept Compa
gnies Suiſſes qui releuerent
14. Compagnies Françoi
ſes auancerent aſſez prés de
la contreſcarpe, pour faire
juger qu'on n'en eſtoit plus
qu'à 8o . pas.
Ce jour là Monſieur fut
à la tranchée de l'attaque
des Gardes , où eſtoient les
Suiſſes , auec le Comte de
Soiſſons ; il en viſita les
trauaux juſques aux poſtes
les plus auancez, ayant fait
la meſme choſe à l'autreat
taque , le iour que les Re
188 Relation de la Guerré
gimens de Saux & de Har
court y eſtoient ; où quoy
qu'on luy půc dire , il s'ex
poſoit touſiours beaucoup
plus, que les perfonnes de
fonrang nele deuroient
raiſonnablement faire.
A l'autre tranchée.ce fue
rent les Regimens de Ca
ſtelnau & de Turenne qui
montcrent; & quoy qu'ils
approchaffent de certaines
Capponieres que les Enné
mis auoient faites deuane
les angles de la contreſcar
pe, ils ne laiſſerent pas d'a
wancer paſſablemétla nuit,
& pendant le iour ils tra
de Flandres en 1667. 189
uaillerent beaucoup à la
Lappe. On perdit aſſez de
ſoldats cette nuit- là , dans
les Suifles , dont le Major
appellé Démer , en traçant
cur la jambe percée d'vn
coup de mouſquet; ce qui
fut vn fort grand domma
ge pour leur Corps , parce
que c'eſtoit vn vieil Off
cier , fort braue, & fort en
tendu en tout le détail de la
guerre ; Il n'y eur point
d'autres officiers bleſſez ,
& le nombre des ſoldats
morts , ou bleſſez, ſe trou
ua d'enuiron 60. Iene ſçay
pas bien ce que perdireng
190 Relation de la Guerre
les Regimens qui faiſoient
l'attaque de la gauche, ain
fi ie n'en diray rien.
Ce iour- là les aſſiegez
firent encore comme s'ils
euſſent voulu ſortir ; leur
Cauallerie s'eſtant fait voir
le long de leur contreſcar
pe entre les attaques , & la
porte des malades : mais le
Roy qui eſtoit auec Tes ef
cadrons degarde à la con
treuallation , parce qu'il y
auoit vn des Regimens qui
porte ſon nom , comman
dé par le Prince de Marſil
łac marcha luy-meſme
auec ces troupes du coſté
de Flandres en 1667. 191
que les Ennemis paroiſ
foient; ce qui leur fit perdre
l'enuie de venir plus auant ,
s'eſtant contentez de faire
vn fort grand feu de canon
& de mouſquet , ſur tout
ce qui parut dansla plaine.
La nuit du cinquiéme,
les tranchées furent rele
uées , celle des gardes par
les Regimens de Lyonnois
& de Louuigny; & celle de
Picardie par les Regimens
de Saux & d'Harcourt .
Çes Regimens auancerenç
toûjours, & par logemens
& par ſappes , n'y ayant
eu que quelques Officiers
192 Relation de la Guerre
bleſſez , & peu deſoldats.
Le 6. le Reiment du Roy
releua les Regimens qui
eſtoient à l'attaque des
Gardes : Il n'auança pas
beaucoup , à cauſe qu'on
crouua vn grand chemin
paué, & des ruinesde mai .
ſons, quirendoient le tra
uail fort difficile ; cepen
dant on jugea quand il fuč
iour que l'on n'eſtoit plus
guere éloigné de la con
creſcarpe, parce qu'il y eut
pluſieurs Officiers bleſſez,
& qu'on y perdit bõ nom
bre de ſoldats.
Sur la gauche , le Reo
giment
de Flandres en 1667. 193
giment Royal & les Lor
rains entrerent dans la trā -
chée, qu'ils auancerent iuf
ques à 12. Ou 15. pas d'vne
caponniere , ils n'y perdi
rent pas grand mondc ; &
degens connus , il n'y eut
de tuez que le Cheualier de
Signac, jeune Gentilhom
me volontaire , & qui ai,
doit toutes les nuits à con
duire le trauail , s'expoſant
autant qu'on le peut faire
dans ces fortes d'emplois .
le ne marque point iour
par iour le nom des Offi
ciers generaux qui com
mandoient aux tranchées,
I
194 Relation dela Guerre
il ſuffit d'eſtre informé,
qu'il y auoit dans l'armée
du Roy quatre Licutenans
generaux; ſçauoir, leMar
quis de Bellefons, le Mar
d'Humieres, le Comte
quis
de Duras , & Pradelle ; &
quatre Mareſchaux deCáp,
qui eſtoient, le Marquis de
Viuonne , le Marquis de
Peguilin , Podvvits , & le
Bret, dont deux , c'eſt à di
ra , yn Licutenant general,
& i yn Mareſchal de Camp ,
montoient chaqueiour à la
tranchée; & de plus, don
noient encore l'ordre pour
la garde du Camp; ſi bien
de Flandres en 1667. 195
qu'aprés auoir paſſé ou la
nuit entiere, ou vne partie
alix attaques , dont ils al
loient rendre compte au
Roy & au Mareſchal
General , ils ſe portoient
apres ou le beſoin les
appelloit. 11 у auoic auſſi
tous les iours yn des Aides
de Camp du Roy , quial
loit à la tranchée pour auoir
l'æil à ce qui ſe faiſoit , &
il у demeuroit autant de
temps queles troupes, auec
leſquelles il eſtoit monté.
Ils eſtoient ſix qui ſe rele
uoient tour à tour;ſçauoir,
le Comte du Lude , le Mar
I ij
196 Relation de la Guerre
quisdeSoyecourt, le Com
te de Chamilly , leMarquis
de Villars , Biſcarras&
, le
Baron de la Garde,deſquels
le Marquis de Soyccourt
eſtant tombé malade en cę
temps- là , leMarquis d'Ar
cy -Martel fut choiſi par le
Roy pour ſeruir en la place.
Les troupes du Mareſchal
d'Aumont eſtant diſperſées
en divers endroits , pendant
la ſiege de Lille , le Comte
de Lorges , qui en eſtoit
Mareſchal de Camp , en
auoit eſté détaché pour ai
der à inueftir la place , d'où
il auoit eſté enuoyé ſur le
de Flandres en 1667. 197
Lis , pour en garder les pal
fages; mais lebeſoin qu'on
auoit de Troupes da ns les
lignes , fit qu'on l'y r'appel
la . Il fut à la tranchée le
iour que le Regiment de
Saux & de Harcourt y étoiét,
où il receut vn coup de
mouſquet au deflous des
reins ; ce fut le ſeul Officier
general bleſſé ; car le coup
qu'y receut le Bret , auſſi
Mareſchal de Camp , ne fuc
pas conſiderable.
Pendant que ces choſes
fe paſſoient au Camp, il ve
noit des auis de tous coſtez
au Roy que les Ennemis
I iij
198 Relation de la Guerre
s'aſſembloient, & qu'ils fai
ſoient forcir toutes leurs
troupes de leurs garniſons,
pour eſſayer d'en former
vn corps , & de pouuoir
jetter quelqueſecours dans
la place ; ce qui fic qu'on
manda au Marquis de Cre
quy de s'auancer à gran
des journées ; de ſorte q, u'il
entra dans les lignes dés le
marin du 23. d'Aouſt, alicc
ſa Caualleric & fes Dra
gons ſeulement, ayant eſté
obligé pour faire plus gran
de diligence, de laiſſer ſon
Infanterie derricre , auec
ſes bagages ‫و‬, les poudres, &
de Flandres en 1667. 199
les municions qu'il amenoit
ſous la conduite de d'Eſpen
ce qui eſtoit Mareſchal de
Campſeruant auec luy. Si
toſt qu'il fut arriué , le Roy
trouua à propos de ne gar
der au Camp que quelques
vns de ſesRegimensde Ca
uallerie auec cinq cents
Dragons , & de l'enuoyer
auec le reſte à Comene ,
paſſage ſur le Lis, oùl'on
craignoit le plus que les
ennemis ne fe vinſſent
poſter , parce que n’eſtant
là , qu'à trois licuës du
Camp , ils pouuoient don
ner beaucoup d'inquietude
I iiij
200 Relation de la Guerre
aux quartiers de Duras , de
Bellefons , & des Lorrains, $

ou il y auoit le moins de
troupes ; car d'ailleurs ,
onne craignoit pas qu'en
partant de loin, ils pul
ſent venir iuſques à nos
lignes ſans qu'on en fuſt
auerty .
On auoit encore tous les
jours. d'autres nouuelles de
leurmarche. On mandoit
d'Ach , qu'ils s'en appro .

choient, & que vray-ſem 1

blablement ils attaqueroiét 1


1

cette place, où il y auoit peu 4

de troupes., quandce neſe


roit quepour releueryn peu
de Flandres en 1667. 201
le courage des peuples ,qui
fe plaignoient d'eltre en
tierement abadonnez ,puis
quone faiſoit pas lemoin
dre effort pour les prote
ger ,ny pour les défendre:
On apprenoit de Courtray
que les ennemis deuoient
paſſer à Gand' ;. & prenant
la roure de Bruges, s'auan
cer vers la mer , ou nos gar
niſons eſtoient foibles , &
les places en mauuais eltat ;
fi bien qu'il y auoit lieu
d'aprehender qu'ils n'y for
maſſent quelque entrepri
fe ; veu meſme que puis
qu'ils faiſoient embarquer
102 Relation delaGuerre
du canon ſur le canal de
Gand à Bruges , ils ne pou
uoient apparemment pas
auoir d'autre deſſein .
Tous ces bruits , non plus
que le murmure de quel
ques courtiſans,ne faiſoient
pas halter le Vicomte de
Turenne , & il refiftoit tout
ſeul aux conſeils de ceux
qui vouloient qu'on me
naft les afliegez vn peu plus
bruſquement , ne recom
mandant rien auec tant de
foin aux Regimens qui
monjoient la tranchée, que
de crauailler ſeurenient ,
fans prendre garde à ce
de Flandres en 1667. 103
qu'ils auançoient; de ſorte,
que le ſeptiéme iour on é
toit encore à 15. ou 20. pas
de la contreſcarpe. Ce qui
ne s'accommodant pas à
l’impatience Françoiſe,plu
ſieurs perſonnes, prenoient
delà ſujet de le décrier , di
fant , qu'il vouloit trop fai
re valoir cette entrepriſe ,
& que ſi on euſt attaqué
Lille comme Tournay &
Doüay , la place ſe ſeroit
déja renduë, que la garni
ſon n'en eſtoit pas plus vi
goureuſe, quel'eſtoit celle
des autres places , puiſque
toute ſa reſiſtance aboutil
I vi
204 Relation de la Guerre
ſoit à tirer des coups de:
mouſquet , la pluſpart par
ſalves , & le plus ſouuent
mal ajuſtez. Qu'il eſtoic:
vray que le canon de de
dans eſtoit aſſez bien feruy;
mais qu'il ne tenoit qu'à
nos batteries , où il y avoit
28. pieces de gros canon,
de faire taire celuy des En
nemis, ſi les gens qui les ſer
uoient cuſlene voulu n'y
rien épargner; qu'à Peſgard
de ces cinq ou fix pieces qui
eſtoient ſur le baſtion de la .
droite , & où , comme i'ay
déja dit , nos Batteries no
pouuoient aller , il.cſtoit ai?
de Flandres en 1667.205
fé de leur rendre cét auan
tage inutile , fi l'on vou
loit mettre cinq ou 6. pie
ces des noſtres ſur vne pe
tite hauteur qui ſe trou
uoit deuantle quartier des
Lorrains, d'où l'on voyoit
ce baſtion à reuers , & d’ow
l'on pouuoit aiſément bat
tre les pieces ennemies en :
roüage. Tout le but de ces
raiſonneurs n'eſtoit: ap
paremmens , que de nuire
au Marefchal de Camp ge
neral, quine vouloit, à ce:
qu'ils diſoient , que faire
durer la guerre , afin de
continuer ſon credit.
206 Relation de la Guerre
On n'entendoit donc au
tre choſe dans la pluſpart
des quartiers de l'arméque
ces diſcours , qui ne fai
ſoient pourtant pas que le
fiege en allalt plus viſte: Er
les gardes Françoiſes, & le
Regiment de Picardie, ayat
recomencé leur tour , pour
la ſepriéme nuit , on dou
toit encore ſi la contreſcar
pe ſeroit attaquée cette
meſme nuit -là ; mais le
Marquis d'Humieres eſtár
de iour, diſpoſa dés le foie
toute les troupes de garde
à entreprendre le logemet;
ſi bien qu'ayant fait tirer
de Flandres en 1667.207
ſur les onze heures trois
coups de canon à nos Bat
teries , pour auertir les trou
pes des deux attaques , de
donner en meſme temps ;
les Gardes à la droite , &
Picardie à la gauche , forti
rent auſſi - toft, & leurs gens
cominandez marcherent à
la paliffade; la reſiſtance y
fut aſſez grande au com
mencement, & la pluſpart
des détachez ayant eſté mis
hors de combat , il fallut
que les bataillons entiers
auançaſſent, ce qui fic l'ef
fet que l'on en attendoit ;
car les ennemis ſe voyant
.
208 Relation de la Guerre
attaquez de toutes partsy.
commencerent à diminuer
leur feu , & la paliſſade que
le canon auoit rompuë en
diuers endroits , laiſſant le
paffige ouuert aux troupes
& aux Volontaires qui
donnoient; ils furentbien
toſt chaſſez duchemin.cou.
uert , & les logemens ſe fi
rent auſſi grands & auſſi
bien qu'on le pouuoit de
firer : Il y eut mefme des
Volontaires, à la reſte def
quels eſtoit le Marquis de
Rambures , quimonterent
iuſques dansla demy-lune
de deuant la porte i mais
de Flandresen 1667.209
comme ils n'eſtoient que
fept ou 8. & que les ſoldats
&les Officiers des gardes
trauaillaient à leur loge
ment , ils ne furent point
foûtenus , & ce Marquis ,
fon neueu , & trois ou qua
tie de cette petite troupe ,
ayant elté bleſſez ,ils furene
obligez à fe retirer , & ainſi
les. Ennemis demeurerene
encore maiſtres de la de.
my-lune qu'ils auoiét pref
que abandonnée. Les af
fiegez firent auſſi ſaurer
quelques fourneaux quić
toient ſous la pointe de la
contreſcarpe , à l'attaque
210 Relation de la Guerre
des gardes ; mais ſans autre
effet, que d'auoir remué au
tant de terre qu'il en fal
loit pour faciliter le loges
nient. Cauois & le Cheua
lier d'Alligny , tous deux
Lieutenans aux gardes , fu
rent tuez à cette attaques
auec quatre ou cinq Ser
gens , & il y eut environ
cent ſoldats tuez ou bleſ .
fez .
Du coſté de Picardie il
y eut deux Capitaines de
tuez ; ſçauoir , Preuigny
Rambouillet, & Villedieu;
des ſoldats,ie n'en ſçay pas
le nombre , il y eut auſſi
de Flandres en 1667. 211
quelques Volontaires de
bleſſez à ces attaques , en
tr'autres le Comte de ſaint
Paul au bras, & le Cheua
Tier de Lorraine à Ta jambe ;
mais tous deux aſſez lege
rement. Le lendemain qui
fue le leudy 24. les Suiſſes
releuerent les gardes Fran
çoiſes dés dix heures du
matin , les Officiers & les
ſoldats qui auoient paffé la
nuit aux attaquesn'en pou
uant preſque plus ,à cauſe
du mauuais temps qu'il
auoit fait. Les Suiſſes pouſ
ferent leur trauail de la
nuit tout le long de la pa
212 Relation de la Guerre
liffide , enuiron 80. pas,
pour s'élargir ſur la gau
che , iuſques à l'Angleren
trant , ou ils firent encore
vn retour d'enuiron ſix ou
ſept toiſes , & en meſme
te nps ils commencerent
deux fappes pour entrer
dans le chemin couuert ,
auec deffein de tenter lelo.
gement de la demy lune ,
auſli-coſt qu'e'les ſeroient
ouuertes. L'vne de ces ſap
pes setant trouuée en
eſtat des deux heures apres
minuit , Aſpremont qui
conduiſoit ce trauail , ne
futpoint d'auis qu'ondon
de Flandres en 1667. 213
naſt , à cauſe , diſoit- il,
i qu'il s'eſtoit trompé de 7.
ou 8. toiſes, & que le trou
de la ſappe eſtoit enfilé de
la droite , pour ne s'eſtre
pas couuert de la pointe de
la demy-lune ; de forte que
le reſtede la nuit ſe paſſa à
acheuer l'autre , où plu
ſieurs Volontaires s'arme
renc inucilement, leſquels
y eſtoient venus chercher
l'occaſion , & la pluſpart
pour accópagner le Comte
de Soiſſons ,qui ne quitoit
point la teſte du trauail,
quoy qu'il couchaft deux
fois aux tranchees contre
214 Relation de la Guerre
les autres vne , voulant
touſiours eſtre de garde
auec les Suiſſes , quimon
toient à cette attaque deux
fois en ſixiours , auſſi bien
que les Gardes Françoi
fes.
Quand il fut iour , on
ne ſongcoit plus à rien en
treprendre ; toutefois le
Marquis d'Humieres eltát
venu des te matin voir le
trauail de la nuit , & en
ayant conferé auec Pra
delle , Lieutenant general
deiour , & auec le Comte
de Soiſſons; ces deux der
niers reſolurenr de faire yn
+ de Flandres en 1667. 215
M logement dans le chemin
: couuert , auant que d'eſtre
7. releuez , afin de faciliter par
JI
cette auance l'attaque de la
EN
deniy -lune aux gardes Frá
çoiſes, qui deuoient relcuer
les Suiſſes ; ce qui fut entre
1 pris ſur l'heure , & executé
aſſez heureuſement; il n'y
cut qu'vn ſoldat de cué , &
deux de bleſſez , quoy que
lachofe ſe fiſt en plein iour,
& à la veuë de toutes les déo
fenſes de la place : Ainſi, lo
logement ſe trouua en eſtat
ſur leMidy , & capable de
loger 25. ou 30. honimes .
A cette heure- là meſme,
216 Relation de la Guerre
les Gardes Françoiſes rele
uerent la tranchée , & on les
mit en poſſeſſió de cepolte,
qui ſembloit aſſez aiſé à
garder ; mais les ennemis
ayant remarqué l'impor
tance de ce trauail , firent
couler quelques ſoldats .

dans le foſſé de la demy- lu


ne, qui eſtoit preſque fec, &
où il y auoit vne eſpece de
fraiſe" , dont les pointes
eſtoient renuerſées du coſté,
& en dedans du foffe , &
plantées ſur l'extremité du
chemin couuert ; ouurage
que ie n'auois iamais veu
ailleurs, & aſſez bien inuen

배 de Flandres en 1667. 217
. pour rendre
difficile vne
deſcente de foſſe; au deſſous
1
duquel les Ennemis ſe re
nant à l'abry , ils commen
3 cerent delà à jetter des gre
nades dans le logement, &
faiſant grand -bruit , com
me s'ils euſſent voulu for:
tir , eſtant ſolltenus du feu
de toute la courtine , & des
trauerſes qu'ils tenoient en
core vers la demy-lune de la
droite , ils étonnerent la tê
te de la tranchée . Godonit
Lieutenant, d'étaché à celo
gement, y fut tué d'vn éclar
de grenade; Briçonnet, qui
vint prendre ſa place, y fu ,
K
218 Relation de laGuerre
tué auſſi ; & Deryille Lieu
tenant y cſtant venu à ſon
tour , y reccut trois coups
de mouſquet , dont il fic
mis hors de combat , puis
ſaint Marcel & ſaint Seine,
tous deux ſous-Lieutenans,
у furent encore bleſſez:Ma
galorci, qui commandoit le
bataillon de garde , cut vn
coup de mouſquet dans le
coſté. Bonvizi Capiraine, y
en receut vn dans la bou
che , qui luy calla quelques
dents, Biſcarras y eut vn
coup de mouſquet au bras; 1
& Montgimont , Aide Ma 1
jor du Regiment des Gar
de Flandresen 1667. 219
des, y eut vne bleſſure, dont
il mourut peu de temps
apres: Il y eut de plus, quel 1

ques Sergens & vn nombre


aſſez conſiderable de fol
dars tuez ; & lelogement ſe
trouuant abandonné les en
nemis auec des hallebardes ,
& des piques , en renuerſe
rent quelques faſcines , &
quelques tonneaux ; & ce
qu'on pût faire de micux ,
ce fur de reboucher le trou
i dela fappe, en attendant la
nuit.
Ce qui s'eſtoit paſſé à la
tranchée , ayant eſté rapore
té au Roy , à qui la difficuls
K ij
220 Relation de la Guerre
té du ſiege commençoit à
donner de l'impatience de
le voir bien - toſt ache
ué , d'autant plus que les
pluyes incommodoient
beaucoup , & queMarcin
eſtoit arriué à Ipreauec on
ze ou 12000. hommes , à
deſſein de tomber ſur quel
qu'vn de nos quartiers , des
qu'il en pourroit trouuer
l'occaſion ; S. M. enuoya
commander aux deux Co.
pagnies de Mouſquetaires
de monter la tranchée ce
ſoir -là , afin d'attaquer la
demy-lunedetant de côtez,
que l'on pult s'en rendre
I
de Flandres en 1667. 221
maiſtre , ce quireüſſit com
me on l'auoit penſé : Les
Mouſquetaires donnant en
meſme temps par la droite
& par la gauche de la poin
te de la deiny- lune , & les
gardes Françoiſes par la
gorge , les Aſſiegez ne pu
rent reſiſter à tant d'efforts,
& furent contrains , apres
quelque reſiſtance,delerce
cirer dans la Ville , auec af
fez de confuſion , Taillant
toutes leurs armes , & quel
ques -vns des leurs morts

ſur la place ;on en prit mef


me fept ou huit de priſon
niers; apres quoy lesMouſ
K iij
222 Relation de la Guerre
queraires de la premiere
Compagnie auec Baltines ,
& le Cheualier de Noailles ,
Mareſchaux des logis , qui
en comandoient les gés dé
tachez, commencerent à s'y
loger ; puis il y vint des tra
uailleurs du Regiment des
gardes , & le Cheualier de
Cauueſso & Camilon Ca
pitainedétaché de ce Regi
ment, y fit yn fort beau lo .
gement, qu'il garda iuſques
dix ou onze heures du len
demain que les Suiſſes ve.
nant pour le releuer , les en
ncmis qui virent d'ailleurs ,
que la demy -lunc de la gaus
1
de Flandres en 1667. 223
che auoit auſſi eſté empor
téc , battirent la chamade ,
& demanderent à capituler.
Cette derniere demy -lune
auoit eſté attaquée par tes
Regimens d’Auuergne &
de Rouſſillon , & par 200 .
hoinmes détachez du Re
gimentdu Roy ,dont preſ
que tous les Officiers qui
commandoient le détache
ment furent bleſſez , & quel
ques -vns des autres Regi
mens auſfi. De morts , ilne
demeura que quelques Ser
gens , & des ſoldats en aſſez
bon nombre. Il y eut ſept
pu huit Mouſquetaires du
K iiij
224 Relation de la Guerre
Roy tuez à l'autre attaque ,
& 15. ou 20. de bleſſez; mais
de leurs Officiers il n'y eut
que Colbert , Capitaine de
la feconde Compagnie , qui
y receut vn coup de Mouſ
quet , dont la bleſſure fut
aſſez legere. Pluſieurs Vo
lontaires y furent auſli blefa
ſez , & entr'autres le Mar
quis de Bourbonney perdit
yn eil : Des Gardes , on y
perdit aſſez de ſoldats; mais
il n'y eut d'Officiers cuez
que d'Arcis-Catinat , Capi
taine dans ce Corps, qui fut
bleſſé d'un coup de moul
quet au genou ,dont il mous
de Flandres en 1667.225
rut quelques iours apres.
Enfin la ceſſation d'armes
1
eſtant faite , le Samedy ,
enuiron à Midy , la nou
uelle en furbien -coſt portée
au Roy , & ce fut aſſeure
ment yne des plus agrea
bles qu'il pouuoit rece ,
uoir: Carl'Infanterie com
mençoit à ſe rebuter des fa
tiguesdu ſiege, & du mau
uais temps , qui du dura
preſque touſiours les cinq
ou ſix dernieres nuits. D'ail
leurs, les Bioüacs fe faifoiếc
auec bien plus d'exactitu
de, qu'au commencement ,
parce qu'on ſçauoit que les
KY,
226 Relation de la Guerre
ennemis eſtoient à Ipre ,
& qu'il eſtoit de la derniere
conſequence pour la repu
tation des armes du Roy ,
qu'il n'entraſt point de fe
cours dans vne place qui
s'en alloir priſe.
Aufli eſtoit -ce cette con:
fideration qui l'auoit obli
gé de quiter ſon quartier
de Loos , pour aller loger
à Helefmes , quartier du
Marquis d'Humieres. Il
y auoit mené de renfore
tous les Gardes du Corps ,
& deux bataillons de gar
des Françoiſes & Suiſſes ,
eſtant-là , bien plusà pors
de Flandres en 1667.227
tée de ſecourir les quartiers
foibles, & ſur tout celuy des
1
Lorrains , où il n'y auoit
point d'autre Infanterie
que les deux Regimens de
.
cette Nation , ſur leſquels
on ne faiſoit pas grand
fonds, tant pour leur petit
nombre , quepar ce qu'ils
- n'eſtoient pas trop bien ar
mez. De plus, le Roy eſtoit
là , à la queuë dela tráchée,
dont il auoit des nouuelles
à tous momens , & ſa pre
ſence faiſoit , & que l'artil
leric eſtoit mieux ſeruie, &
que toutes choſes s'execu
toient auec plus de ſoin , &
K vj
228 Relation de la Guerre
auec plus de promptitude.
Les Ennemis ayantdonc
‫ܬ ܕ‬ demandé à capiruler , ils fi,
rent ſortir le Marquis de
Richebourg pour venir fai
re leurs propoſitions; il fut
Tece
lefounsparle
LieuMarq
tenant deBel
uisgene ra
de iour , & mené au Roy ,
auquel il demanda d'abord
trois ou quatre iours pour
attendre du ſecours , pro
mercant , s'il n'en venoit
point , de ſe rendre à des
conditiös raiſonnables. Ce
diſcours n'ayant pas plu ,dás
l'impatience oùl'on eſtoit
desaffcurer cette Conques
1 de Flandres en 1667..229
te , le Roy lerenuoya aſſez
[ bruſquement , & comman
da au Marquis de Bellefons
de faire recommencer
trauail , & de cótinuer à fai
retirer : mais quelques -vns
qui s'en retournoient auec
Richebourg ,luy ayant fait
connoiſtre quece qu'il de
mandoit n'eſtoit pas à pro
pos en l'eſtat où eſtoit la
place , puiſque les dehors
eſtoient pris ,& que lerem
part qui reſtoit eſtoit pref
que fans defenſe ;‫ ܪ‬qu'il y
S
alloit de la prudence du
Gouuerncur , & du ſalut de
la garniſon qu'il auoit, iul
230 Relation de laGuerre
qnes -là , ſi bien ménagée ;
de ne pas irriter te Roy par
vn recardement de quel
ques heures , qui ne feroit
qu'empirer ſa condition , &
celle des peuples , qui ſe
roient au hazard du pilla
ge, & de tous les malheurs
d'vne ville ſaccagée ; de
plus , qu’on auoit trouué
w fort à redire qu'iln'eutpoint
amené aucc luy de Bour 1

geois , veu qu'ils compo


foient yn corpsaſſez confi
derable ,pour auoir ſoin de
leurs intereſts dans ync ca
pitulation . Toutes ces rai
fons, foit qu'il en fuſt effc,
de Flandres en 1667. 230
&tiuemét perſuadé, ou qu'il
euſt ordre du Gouuerneur
de ſe relaſcher de ſes pre
mieres demandes ,le porte
rent à propofer qu'on luy
donnalè quelque téps pour
rentrer dans la place , &
qu'on luy laiſfaſt le loiſir de
conferer avec les autres in
tereſſez. Enfin ,apres quel
ques allées & venuës qui
durerent iuſques à huit heu
res du foir, l'affaires'accom
moda .
Le Gouuerneur & les
Bourgeois ayant dóné con
jointement des oftages, le
Regiment de Caſtelnau qui
232 Relation dela Guerre
eſtoit à la tranchée de la
gauche, fue mis en poſſeſſió
d'vne des portes de la Ville
ſur les onze heures du ſoir,
& le lendemain au matin ,
fur leshuit ou neufheures ,
la garniſon ſortit
auec ar
mes & bagages.La Cauale
rie eſtoit compoſée de fix
Compagnies du Regiment
de Maciet ; dequatredece
luy d'Erbais ;de trois de ce
luy deGauelans;de deux de
celuy de Richebourg, & de
quelque autre dont ie ne
Içay pas lenom ;lc tout pou
uantaller à ſept ou huit
cens cheyaux. L'Infanterie !

1
de Flandres en 1667. 233
la confiſtoit en trois cens El
0
pagnols naturels ou enui
ron , gens détachez de di
I uers terces , preique autant
23 de Napolitains , mais qui
十7 n'eſtoient pas de vieilles
troupes , à peu présmeſme
nombre d’Anglois,& p;
eſtre 150. Irlandois bien
faits , & qui anoient bica
mine devieux ſoldats. Ily
auoit,auec cela , vnc partie
du Regiment de Rache,
qu'on diſoit n'eſtre que de
fıx Compagnies , mais qui
faiſoient plusde 600, hom
mes ; ce qui fit croire, qu'é
tant compoſé de Vvallons,
234 Relation de la Guerre
comme il eſtoit ,la pluſpart
des Curlins dela Ville , ou
des nouuelles leuées , s'éo
toient miſes dans ſes Com
pagnies, joint qu'ilne pa
rut perſonne de cecte ſorte
de milice , quoy qu'on creût
pendant le liege qu'il y en í
auoit bien isoo .C'eſtoit - la
toute l'Infanterie , ſi l'on
ajoûte la Cópagniccu Gov.
uerneur , qui pouuoit bien
eſtre de 130. homes ; tout ce
la fut conduit à Ipre, par va
Exépc des gardes du Corps
auec 20. Gardes ſeulement;
Lc Córe deBroüay n'ayant
point voulu aller ailleurs,

1
1
de Flandres en 1667. 235
fondé, cómcic penſe , ſur ce
o qu'il couroit vn bruit dans
0 l'armée qu'on alloit encore
| attaquer cette place.
1 Pendant que la Garniſon
7 ennemie s'en alloit , & que
ý la brigade de Champagne,
-1 auec deux brigades de Ca
ualcric cntroient dans la
1
Ville ; ſçauoir, celle de Biſ
fy &tcelle deRon el,leRoy
é
auoi donn ordr e de faire
3
marcher l'armée, & de voir
t oyéde
s'il n'y auroit poinm
rencórrer celle des ennemis.
Il eſt à remarquer que des
quc $ . M. ſçeut quela place
deinandoit à parlementer ,
236 Relation de la Guerra
ſa ſeule inquietude fur de
ſçauoir comment il pour
roit joindre les troupes en.
nemies , pendant qu'elles
eſtoient enſemble. Aprés
donc en auoir conferé auec
le Vicomte de Turenne, il
fit marcher dés le Samedy
au ſoir le Marquis de Cre
, ec la Caualerie & les
quyau
Dragons qu'il cuoio zuec
luy : On donna aulli ordre
au Comte de Lillebonne,
qu'auec les Lorrains il fui.
uiſt ceMarquis le plus prés
qu'il pourroit:De ſorte, que
cesitroupes eſtant allées re
paiſtre à Menene , elles fu
de Flandres en 1667. 137
I rent le lendemain camper
oi au delà de Harlebec . Delà,
! ayant paſſé le Lis à Deinſe,
elles sauancerent iuſques
e ſur le canal de Bruges à
I Gand . Le Roy , de ſon
cofté , marcha dés le Di
- manche aprés midy, n'ayát
& fait que paſſer au trauers de
Lille, & n'y eſtant demeu
6. ré qu'autant de temps qu'il
li en fallur pour chanter le
• TE - DEVM : Aprés quoy ,
comme il eſtoit déja fort
tard , on ne pût aller cam
per ce jour - là qu'à trois
quarts de lieuë de cetteVil
· lc , & ce fut proche de l'Ab
238 Relation de la Guerre
baye de Marquette. Leiour
ſuiuant qui fut le Lundy 29.
on marcha de grand matin
pour aller camper à Harle
bec ,d'où les deux brigades
i de Caualerie , de Choiſeul
& dc Fourilles , furent en
core détachées auec le Mar
quis de Bellefons, pour s'a
uancer toûjours vers Gand,
en ſuiuant la piſte du Mar
quis de Crequy,& des Lor
rains, Le lendemain l'ar
mée paſſa le Lisa Deinſe,ou
le Roy prit ſon quartier, les
troupes fc campant ſur le
chemin parou l'on pouuoit
aller ſolltenir le Marquis de
en de Flandres en 1667. 239
cio Crequy , en cas qu'il cult
beſoin de ſecours,&la nuit
12 mémeon enuoya Podvvits,
Mareſchal de Camp , aucc
41 les deux brigades de Caual
lerie d'Artagnan & de Mó
tauban , joindre le Marquis
de Bellefons, Ce dernier
ayant fçeu que les autres
auoienc déja paſſé le canal
1 prés du village de Vinder
1 hout , à troisquartsde licuč
deGand » ſuryn des ponts
que les habitans du païsy
tiennent pour la facilité de
6 leur commerce,pritlemeſ
me chemin , & les trouua
. fampez en deux villages,
240 Relation de la Guerre
enuiron yne licuë & demy
au delà du pont: Le Marquis
de Crequy eſtant toûjours
le plus auancé de demy
lieuë afin de couper che
min aux Ennemis en cas

qu'ils vouluſſent reuenir à


Gand , comme le Roy &
le Mareſchal general ju
geoient qu'ils deuoient fai
re . En quoy l'on connût
qu'ils ne s'eſtoient pas tró
pez ; car ſur l'auis qu’euſt
Marcin qui cſtoit à Ipre que
Lille capituloit , qui fut
le Dimanche ſur le Midy ,
& fçachantébien qu'is l n'é
toit demeur aucune troll
pes
1 de Flandres en 1667. 241
m
pes à Gand , à Bruxelles, ny
iU generalement en Brabant,
ny en Hainaut , il vit qu'il
11 falloit faire diligence pour
remener ſes troupes au ſe
cours des places qui en
pourroient auoir beſoin ; de
į forte , qu'il décampa vne
0 heure apres la nouuelle re
1 ceuë, s'acheminant à Bruges,
1 pour delà paſſer à Gád , auec
‫و‬

fa Caualerie ſeulement, par


1I ce qu'il jugea bien que fon
Infanterie ne le pourroit ſui
1 ure :Ce qui l'obligea,dela fai
re embarquer ſur les canaux
d'Ipre à Dixmude. Marcin
eſtant donc arriué à Bruges
L
242 Relation de la Guerre
auec le plus de diligence
qu'il auoit pû , apprit par les
gens du païs, que le Marquis
deCrequy auoit paſſé le ca
nal , & qu'il eſtoit engagé
auec peu de troupes dans vn
païs faſcheux pour la Caua
Ierie , & d'où il auroit peine
à ſe retirer , ſi on marchoit à
luy. Sur cét auis , il fit re
monter à cheual , & s'eſtano
mis à la telte d'enuiron 40.
Eſcadrons, il marcha ſur la
route de Gand,ſanspreſque
faire repaiſtre, vers l'endroit
où il apprenoit qu'eſtoient
nos troupes ; à quoy il em
ploya vne partie dela nuit;
de Flandres en 1667 , 243
ent
maiscomme il s'approchoit
touſiours , & que ſes partis
luy eurent amené quelques
priſonniers , il ſçeut que le
Marquis de Crequy n'étoit
pas là toutfeul ,que les Lor
rains l'auoient joint,que Bel
lefonsn'eſtoit pas loin ‫& ;ܪ‬
10
qu'enfin le Roy ayant paſſé
le Lis à Deinſe , toutes les
troupes filoient inceffam
ment de ce coſté - là, le ne
.

3
ſçay pas bien le party qu'il
voulut prendre en cette ren
contre ; mais il eſt certain
qu'vne troupe d'enuiron
100. cheuaux vint à la petite
garde du Marquis de Cre
L ij
244 Relation de la Guerre
quy , enuiron deux heures
apres minuit , & qu'ayant
ſeulement donné l'alarme ,
ils ſe retirerent .
Le Marquis de Crequy ,
qui toute la nuit auoit fait
demeurer ſes gens à cheual,
les fit ſuiure incontinent
par les 25. Maiſtres , & le
Cornette qui compofoient
cette petite garde, auec or
dres au Cornette de luy ra
mener quelques priſonniers,
ou de ſe faire prendre luy
meſme ; il fut aſſez heu
reux pour reuenir vne heure
apres auec quelques Caua
liers des ennemis , qui cires
En
de Flandresen 1667 245
ure
rent leMarquis de l'inquie
mie
tude où ileſtoit , de ſçauoir
quelles gens luy auoient do
nél'alarme ; ſi bien qu'ayant
fait marcher à l'inſtant mef
me toutes ſes troupes , jet
II
tant ſeulement deuant luy
‫܂ܐ‬ le Regiment qui auoit la
mt
garde , c'eſtoit ce iour-là le
le Regiment du Roy , que
commandoit le Comte de
Torigny-Matignon , & qui
eſtoit le premier dela briga
de du Marquis du Rouvray.
Il n'eut pas plâtoſt fait vne
lieuë ouenuiron , en cét or
dre, qu'il rencótra trois trou
pes des ennemis, quifaiſoiét
L iij
246 Relation de la Guerre
tefte, & qui occupoient tout
le terrain , qui ſe pouuoit
prédre en ce lieu-là.Les Cou
reurs, chargerent d'abord :
Mais comme ils auoient af
faire à des géspoftez, qui eſt
vn auantage fort confidera
bleen des païs ſerrez , ils ne
les ébranlerent pas beau
coup , & letout fe feroit pal
ſé en eſcarmouches , li le
Marquis de Crequy n'euſt
fait mettre pied à terre à
cent Dragons commandez ,
par Ranqueil , quiayant pris
à droite & à gauche du che 1

min ,& faitleurs deſcharges.


d'allez prés , étonnerent les

1
de Flandres en 1667. 247
on
Ennemis , en ſorte , que luy
DUU
& le Marquis de Peguilin,
5 Cal
quiauoit eſté enuoyélà auec
du Maref
bo: quelques troupes
chal d'Aumont , le Comte
ni
de Torigny Te Marquis ,
du Rouuray , & dix ou
der
douze , ou Officiers , ou
Volontaires , qui ſe trou
uerent auprés d'eux , ayant
chargé la troupe qui rem
cul
pliſſoit le chemin,ils l'a ren
uerſerent; ainfi tout ce qui
re!
faiſoit teſte prit la fuite ; &
de
quelque effort que puſſent
faire les Officiers des Ennen
78
mis , il n'y eut pas moyen
20
d'empeſcher la déroute ; fi
ces
L iiij
248 Relation de la Guerre
bien qu'on les pouſſa plus
d'vne lieuë,aprés quoy ,quel
ques troupes firent encore
ferme ; mais ce ne fut pas
pour long -temps ; car elles
furent encore enfoncées, &
miſes en ſi grand deſordre ,
qu'on les ſuiuit plus de deux
lieuës, ſans qu'il y euſt per
ſonne qui tournalt teſte, que
quelques Oficiers qui paye
rent aſſez bien de leurs per
ſonnes; il y en eut beaucoup
de tuez , pluſieurs des plus
conſiderables furent bleſſez ,
& faits priſonniers , entre
leſquels ſetrouuerét le Che
ualier de Villeneuue,Com

L
Guer de Flandres en 1667 , 249
lapt miſſaire general de leur Ca
7,99 ualerie, le Prince de Salme,
enco :
utat pas le jeune Rhingraue, Vaude
ar elke mont, & pluſieursautres
Officiers , dont ie n'ay point
ées, &
Ordre ſçeu les noms ‫ ;ز‬il y eut auſſi
deus deux paires de timballes pri
les , & trois ou quatre eften
Zper darts gagnez,auec beaucoup
e,que de cheuaux & de Caualliers,
aye: dont on diſoit que le nom
per bre ſe montoit bien à trois
coup ou 400. De ſorte, que les
plus Ennemis furent chaſſez iuf-.
eflez ques fur les terres des Hol
entre
landois. Nous y perdiſmes;
Che quelques gens , entr'autres;
31
l'Eſcuyer du Marquis de
L. Vi
250 Relation de la Guerre
Crequy. Gallay -Matignon
y fur bleſſé auec quelques
autres , & les Marquis de
Crequy & de Peguiliny eu
fent leurs cheuaux bleſſez
ſous eux.
D'autre coſté le Marquis
de Bellefons , qui , comme
i ay déja dit, eſtoit venu là
auec quatre brigades de
Caualerie
, voyant qu'il
eltoit à la queuë de touty,
& qu'apparemment en ſui
uant couſiours les autres , il
ne verroit point les Enne.
mis, nepouuant paſſer ny à
droite, ny à gauche , à cau-
ſe deshayes , & des follezi:
e) de Flandres en 1667 , 251
tiga voyant,deplus, que les En
elas nemis , dans le deſordre ou
Tuis ils eſtoient, ne ſe pouuoiene
рус. retirer qu'à Bruges, il laiſſa
plella aller les troupes de Crequy,
& les Lorrains; à la pourſui
arquis te des fuyards, & ayant fait
mK faire volte- face à celles qui
nul. le ſuiuoient- il prit vn che
de min à droit , & fic enuiron
deux lieuës , ſans rien ren
qu'il
Lout contrer ; mais alyant vn peu
lui. repris à gauche , il ne mar
es,il cha pas long - temps ſans
tomber ſur la piſte deMar
nya. cin, quiſe retiroit auecplus
Caus. de 3000. cheuaux , & qui
chi dés qu'ú. anoitveu la telte:
I vj

2
2: 2 Relation de la Guerre
de ſes troupes renuerſée,
auoit laifle le chemin libreà
ceuxquifuyoiét,d'ou repre
nant la route de Bruges, il
marchoir en aſſez bon or
dre , ayant laiſſe à ſaqueuë
les Crauates , & le Regi
ment d'Holſtein , en qui il
auoit grande confiance , aà.
cauſe que c'eſtoit vn vieux
Regiment ,, dont le Colo
nel , qui eſtoir Danois),
n'ayát pastrouué ſon cópte,
à feruir l'Empereur ,,auoit:
fait vn traité plus auanta
geux auec l'Efpagne L'ar
uant-garde de Bellefons
ayant atteint l'arriere- gar:
de Flandresen 1667. 253
!
de des ennemis , il les fic
charger par les Compa
gnies de la Reyne & de
Monſieur : La premiere
commandée par Villiers,&
l'autre , par Valſemé , qui
faiſoient la teſte de la bri
gade de Choiſeul, dont les
Coureurs ayant eſté d'abord
bié receus,n'oſoiét pafferyn
petit pont que les ennemis
auoient deuát eux ; mais peu ,
apres le gros de nos trou
pes eſtant arriué , ce Regi
ment d'Holſtein , quoy qu'il
ſe rallialt Touuent, & qu'il
loûtinſt brauemér les char
ges qu'on luy faiſoit,futen
254 Relation de la Guerre
fin , contraint de ceder , &
de fuir ; mais non pas auec
tant de confuſion , qu'il y
en auoit eu du colté dc Cre
quy. Il s'y fit toutefois ens
uiron 150. priſonniers , en
tre Teſquels il y auoit des
Officiers de confideration,
comme eſtoit le Lieutenát
General de la Caualerie ,
nommé Dom Antoine de
Cordouë , Ton gagna de
plus, quelques timballes; &
quelques eſtendarts. H y
eur de noſtre coſté quel
ques Caualliers de télez,par
ticulierement dedeux Có
pagnics de la Reyne, & da:
de Flandres en 1667.257
Monſieur, qui auoient toû
jours tenu la teſte de tout :
& des Officiers , la Salle ,
Cornette des cheuaux -le
gers de Monſieur , y fur
Bleffe.
23 Ces combatans ne furent:
Pas long-temps auxmains,
ſans qu'on en euſt des nou
uellesauCamp , dont Pra
delle ayant fait auertir le
Roy , quoy qu'il ne fuſt que
cinq heures du matin , Sa
Majeſté, quipourlors eſtoit:
à.Deinſe ", ſe troua plâtoft
à chcual , que la pluſpare
des liens n'en apprirent lo
3 fujęt; & prenant au grandi
256 Relation de la Guerre
galop le chemin quime
noit au pont du canal, à pei
croupe
ne ſes cr pess le purent - el
les ſuiure. En approchant
de ce pont il ſe mit à la teſte
de la brigade de Rochefort;,
puis s'eſtant remis quelque
temps au pas pour donner
le loiſir aux traiſneurs d'ar
riuer, il y fit alte , & y atten .
dit des nouuelles du Vi
comte de Turenne , qui
l'ayant déja palle auec les
brigades de Monclar & de
Desfourneaux, s'eſtoit auá
cé iuſques au village , ou
auoient campéles Lorrains,
pour ſolltenir. toûjours de:
de Flandres en 1667.257
plus prés, ceux qui en pour
roient auoir beloin . Mon
ficur , & preſque tous les
gens de qualité de la Cour,
& les Volontaires , eſtoient
de la partic; mais comme il
у auoit encore là vn fort
grand defilé, à cauſe d'vn
vieux canal , ſur lequel il y
auoit vn pont de pierre ,le
VicomtedeTurennen'y fic
pas paſſer les croupes, & il
y demeura,juſques à ce qu'il
eult des nouuelles aſſeurées
du Marquis de Crequy ; de
force qu'on y fut iuſques à
deux heures apres midy,
qu'on apprit par les priſon
158 Relation de la Guerre
niers qu’on amenoitdetéps
en temps , que les Ennemis
fuyoient toûjours, & enfin
que nos troupes reuenoient
à leur Camp. Cela fit que
chacun s'en retourna aupres
du Roy , qui eſtoit demeuré
fur le canal : ou apres auoir
deliberé quelque temps auer
le Mareſchal general , il
fût refolu de demeurer là
iuſques àce que l'on euft des
nouuelles certaines du Mar
quts de Bellefons, dont on
fut aſſez long -teps en peine,
n'eſtant reuenu qu'à la nuit.
La reſolution eſtant donc
priſe , de camper prochede
2 de Flandres en 1667. 259
del
Gand , le Roy y fit venir de
Deinſe 3000. hommes de
DICI
pied de la brigade des gar
des , n'y ayant là pour toute
Infanterie , que quelques
un
gens détachez des Regimens
de la Ricine,& de Sourches
201
que le Marquis de Crequy.
Lia
auoitauec luy, & qu'il auoit
diſperfez deçà & delà, ſelon
le beſoin .
des
Cependant, quelques vns
propoferent auRoyde faire
011
ſommer Gand , diſant que
C. cette grande Ville fe trou
1.
uant fans autre garniſon que
C d'enuiron 200.hommes qui
TE eſtoient dansle chaſteau ,&
160 Relation de la Guerre
voyantles troupes qui ve
noient à ſon ſecours, mal
menées , & preſque défai
tes, elle prendroit peut-eſtre
22
le party de la neutralité ſous
la protection de France ,
qu'on diſoit auoir déja eſté
propoſée par les principaux
deſes habitans ; ces melmes
perſonnes ajouſtoient,qu'il
falloit ſe feruir du temps ,&
ne pas negliger ces fortes
d'occaſions qui ſont rares :
qu'au bout du compte , il
n'en pourroit arriuer de
mal , & que cette tentatiue
ne preiudicieroit à rien ;
maisle Roy ne goûtaipas ces
deFlandresen 1667: 261
propoſiciós,& dic à ceux qui
luyen parlerent qu'il n'eſtoit
pas là en eſtat de faire ces
auances. On trouua neant
moins yn expedient qui fuc
approuué, c'eſtoit d'enuoyer
le Comte deChamilly aide
i
l
de Camp , qui, comme de
S
luy- metime , demandaft à
parler à quelques gens de la
Ville , de fa connoiſſance,
ne pouuant pas qu'il n'y
fe
cn euſt encore du téps qu'il
auoit demeuré en Flandre
auec le Prince de Condé, &
qu'il eſſayaſt ſous ce pre
texte d'entretenir quelques
Bourgeois pour leur faire
262 Relation de la Guerre
entendre quelle eſtoit l'in
tention de la Majeſté, taſ
chant de découurir quel ef
fet , auoit fait ſur leurs ef
drics,& la perte de Lille , &
la déroute de Marcin; mais
ce cómerce n’alla pas bien
loin ; car le Gouucrneur ne
voulutpoint laiſſerentrer
Chamilly ,ny ſouffrir qu'il
parlaſt à perſonneen parti
culier ; de ſorte , qu'il s'en
reuint commeil eſtoit allé ,
& lors on ne penſa plus à
la conqueſte deGand. Dés
le lendemain matin, qui fut
le dernier jour d'Aouft , le
Roy s'en reuint auec toutes
de Flandres en 1667. 263
1
les troupes à Deinſe ,d'où il
partit le premier deSepteni.
bre pour reuenir à Lille, laiſ
ſant au Camp le Mareſchal
1
general , auec qui il eſtoit
apparemment conucnu de
1
ce que l'armée dcuoit deuc
01
nir. L'on dit , dés ce temps
- là ,, que la reſolution eſtoit
1 de ne plus rien entrepren
i dre ,&de mettre les troupes
-1
en quartier d'hyuer , dés la
fin du niois d'octobre , le
plus que l'on pourroit,dans
les places nouuellemét con
! quiſes, afin de leur donner
E5 plus de temps pour ſe re
mettre des fatigues de la
264 Relation de la Guerre
campagne , quiauoit com
mencé de fort bonne heu
rc , & qui ayant eſté aſſez
rude ,à cauſe des grandes
marches que l'on auoit fai
res ‫و‬, les auoit miſes en affez
meſchant eltati la plus-part,
aprésvnepaixde ſeptans,
n'eſtant pas encore bien ac
couſtumées aux incommo 1

ditez de la guerre.
Le Viconice de Turenne
demeura donc à Dcinſe : &
de Lille le Roy alla à Arras,
où la Reine l'attendoit.
D'Arras,leurs Majeſtez paſ
ferent à Peronne , & furent
de retour le 6. Septembre à
ſaint
2012
de Flandresen 1667 , 265
COM
faint Germain .
hes Cependāt le Mareſchal ge
E all neral ayát cu auis enuiron le
ando
9.ou leio. de ce méme mois
ei que lesEnnemis eſtoiét re
allo uenus à Aloft, & qu'ils tra
Park
uailloient à s'y fortifier , il
cans,
y marcha inceſſamment, &
en ac s'y eſtátrendu en trois trois
umo iours, ceux qui eſtoient de
dans n'ayant pas voulu en
enne tendre parler d'ouurir les
portcs , il leless fifitt attaquer le
fe:& jour meſme qu'il y arriua :
rras,
doit
& ſans faire de cranchées,
les Regime des gardes
zpalt Françoiles ns
& de Picardie ,
uren
breá auec quelques gens déta . M
laine
266 Relation de laGuerra
chez donnerent par deux
ou crois differens endroits.
Il s'y trouua plus de reſi
ſtance qu'on n'auoit penſé
& l'on y perdir aſſez demó
de particulierement du Re
giment de Picardic, qui y
cut 13.ou 14.officiers blek.
ſez , & bcaucoup de foldars
tuez. Des gardes:il y eutvn
Enſeigne de cuć., & quel
ques ſoldats , & Bartillas
Licurenant yreceutyn coup
de mouſquetdans le corps.
Les Enncmis ne laifferent
pas de ſe rendre le lende
main , & fortirent de la pla
Se auec leurs armes ſelon la
de Flandres en 1667.267
la capiculation . Inconti
nant apres , on trauailla à
i démolir ce poſtequi, en ce he

temps - là nenous feruoit de


I rien ;mais quinous euſt fort
1 incommodez ſi l'on euſt
donné le loiſir aux Enne.
mis des'ymaintenir. L'ar
į mée demeura donc laquel
1 que temps , puis elle alla
o camper à Likerque , où il y
| auoit vn chaſteau qui fix
OL minc deſe defendre ; mais
qui ne q tint pas long
TE temps. On demeura quel
ques iours dans ce poſte,
c'eſt à dire tant qu'il s'y
grouua des fourrages , &
Mij
268 Relation de la Guerre
en ſuite en changeant de
quutier , l'armée marcha à
Gamerage, entre Ath &
Bruxelles , afin de manger
touſiours le pais ennemy lc
plus qu'il ſe pourroit en
conſeruát nos conqueſtes. 1

La ſaiſon eſtant enfin ve


nuë de ſe retirer dans les
garniſons , les troupes fu
rent ſeparées , & chaque
Officier general qui eſtoit
deſtiné pour les comman
der , s'en alla au poſte qui
luy eſtoit aſſigné. LeMar
quis de Bellefons deuoit
commander à Lille , Or
chies , Douay , Courtray ,
‫و دیا‬ 27 )
post foga?
de Flandresen 1667.271
precedente. On mit auſſi
des troupes dansOrchjies,
dans ſaint Amand , & dans
plufieurs autres poltes qu’s
jugeoit eſtre propreà faci
liter la leuées des contribu
tions. Le Marquis de Cre
V代 quyfut renuoyé dans le Lu
xembourg, auec la pluſpare
des troupes qu'il auoit co
mandées pendant la cam
pagne, & eutauec luy pour
7 Officiers generaux Pod
ovvits , & d’Eſpence : Le
Comte de Viuốne demeu
ra à Lille auecle Marquis
d'Hu nieres. Enfin , tous
les Officiers Generaux , qui
M
272 Relation dela Guerre
auoient feruy à la Campa
gne, excepcé Pradelle , &
le Marquis de Pequilin fu
rent encore employez pen
dant l'Hyuer.
Beaucoup de gens fe font
étonnez de ce que le Roy
interrompit ſi toft lecours
de ſes conqueſtes, veu qu'il
eſtoit abſolument maiſtre
de la Campagne ,& qu'a
prés la défaire de Marcin ,
l'épouuante eſtoit ſi forte
dásles Pais -bas, qu'il ſem
bloit qu'il n'euſt qu'à choi
fir quelle place il voudroit
cncore prendre;mais il faut
conſiderer que la ſaiſon
de Flandres en 1667. 269
& Armentieres ; mais ſoit
que cét employ ne luy plût
pas , ou qu'il cuft d'autres
deſſeins, qui ne m'ont pas
eſté connus, il vint luy-meſ
me à la Cour , prier le Roy
de le faire ſeruir ailleurs:
De forte , que le Marquis
d'Humieres cut ſa place,&
luys'en alla prendre celle
du Marquis d’Humieres.,
qui deuoit commander à
Charleroy , & dans tout le
païs d'entreSábre & Meu
fe. Le Comte de Duras eut
fous ſon Commandement
les troupesquifurentmiſes
了 dans Tournay, Oudenar,
Mij
270 Relation de la Guerre
de , & Ath . Le Comte du
Paſſagefur enuoye du côté
de la mer , auec des troupes ,
pour conferuerBergues, &
Furnes, & faire la guerre de
ce coſté - là. LeGouuerne
ment de Bergue fut donné
à Caſaux, celuy de Furnes
au Baró dela Garde; Cour
tray fut donné à Pertuis ,
Capitaine des Gardes du
Vicomte de Turenne; Gen
liş evit Armentieres ; Lc
Bret fut mis à Douay pour
y commander: Oudenarde
fut donné à Rocheper ,qui
en auoir déja eſté Gouuer
neur pendant la guerre
ving lapra
es 279
hem de Flandr en 1667.
eſtant déja auancée , & que
l’Infanterie ayát beaucoup
diminué, il n'eſtoit pas ai
fé de faire de grandes en
TEL" trepriſes, veu que les places
nini qui reſtoient à prendre, ou
ALERIE
eltoient fortes , & bien mu
rno nies de tout ce qui eſtoie
OUP neceſſaire pour vne longue
UIS
defenſe , ou eſtoient de ſi
à peu d'importance, qu'elles
ten ne valoient pas la peine d'y
It penſer. Outre queles gran
Om des Villes que l'on aubit
ide priſes, comme Lille , Tour
OPI & Courtray,
nay ,Douay , dif
er
eſtoiét de fort ficilegar
r de, & qu'en y laiſſant des
274 Relation de la Guerre
garniſons conuenables , on
n'euſt pas eu afſez de troue
pes pour attaquergou Cam .
bray ou Valenciennes ,
ou monts
ou quelques
vnes des fortereſſes de
ces Prouinces; fi bien que
l'auis le plus aſſeuré fut ſui
uy ; C'eſtoit de conſeruer
ce que l'on auoit pris,
en attendant qu'on viſt le
partyque prendroit la mai
fon d'Auſtriche & fes al
liez . Peut - eftre auſſi que
le Roy ne voulut pas ofter
aux peuples toure eſperan
d'accommodement , tous
fes voiſins s'en eſtant en
de Flandres en 1667.275 ,
1 tremis , & principalement
v les Anglois ,lesSuedois, &
les Hollandois , quiss öf
froient , moyennant vne
ſuſpenſion d'armeds e fai
re faire raiſon à ſa Majeſté:
17 Le Pape meſme eſtoit in
Teruenu , & auoit enuoyé
el exprés vn Nonce à Colo
gne , ou tous les deputez
des Princes del'Europe ſę
deuoient rendre pour aui-,
ſer enſemble aux moyens
de faire la paix .

FIN.
i
3
PE

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