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7Lsi,
•-w1 ...
t
PARIS. IMPHIMKHIK Dfi H. V. DK SUBCY ET Ce ,
R1JK DV ■«fcV8BS ,
TRAITÉ

DU PARADIS
ET
DES MOYENS QUE L'ON DOIT EMPLOYER
POUR Y PARVENIR.

par VMbé p. flascat.

Mcrves vestra copiota csi in


cœ1is*
Une Mai . v ., m. *«tn est re
recompense
servee dans 1es cieux

PARIS» .
A LA SOCIÉTÉ DE SAINT -Ni COLAS ,
BUb DE S1i» RliS, 3j>.
1843.
AVANT-PROPOS.

Parlerons-nous du Paradio ? N'en


parïerons-nous pas ? Telles sont les
deux questions que nous nous som
mes proposées avant d'entreprendre
ce petit ouvrage.
iVen joarlcrons-nous pas? C'est le
plus sûr. Combien ont échoué à cet
écueil ! Combien d'autres , en plus
grand nombre encore , ont craint le
naufrage , et n'ont pas voulu s'enga
ger sur une mer si dangereuse ! De
tant de livres écrits sur toutes sortes
de matières , voyez s'il s'en trouve
beaucoup qui parlent du Paradis.
Parmi tant de sermons prêches de
vive voix , ou consignés dans les li
vres, voyez s'il en est un grand nom
bre qui traitent du bonheur dont on
jouit en Paradis. Tous les Prédica
teurs vous souhaitent le Paradis à
la fin de leurs instructions , mais en
est-il beaucoup qui vous montrent
le chemin qui y conduit, et qui s'ef
forcent d'exciter en vous un saint
désir de cette céleste patrie ? Ne se
rait-il pas plus prudent d'imiter leur
silence, que de dire du Paradis des
choses qui seront toujours infini
ment au-dessous de ce qu'il est réel-
ment ? Les enfants d'Israël , exilés à
Babylone, se croyaient incapables de
chanter les cantiques de Sion dans
une terre étrangère , comment de
pauvres bannis du ciel pour leurs
péchés, penchés vers les objets de
la terre , oseront-ils parler du bon
heur du Paradis au milieu des mi
sères dont ils sont environnés ? Voilà
desraisons quiontfait sur nous lesplus
vives impressions, et nous ont pres
que fait tomber la plume de la main.
Parlerons -nous du Paradis? On
prend naturellement plaisir à enten
dre parler de ce que l'on aime ; quoi
de plus aimé, quoi de plus désiré
que le Paradis ? Que peut-on enten
dre de plus doux que le mot Paradis?
— VII —
surtout, quoi de plus capable, depor
ter les hommes à lapratique des vertus
que la pensée du Paradis ? Quoi de
plus capable de les encourager, de les
consoler dans leurs peines ? Nous
parlerons donc du Paradis. La force
de ces dernières raisons nous a con
duit à cette conclusion. Puissions-
nous le faire le moins indignement
possible ! INôus ne craindrons pas de
nous approprier les richesses d'au-
trui , lorsque nous rencontrerons
dans les livres que nous avons sous
les yeux des choses convenables à
notre but. Inspirer aux hommes l'a
mour de la vertu , les porter à mé
priser, comme indignes d'eux, les
voluptés mondaines et passagères ,
pour obtenir celles qui n'ont point
de fin, tel est notre dessein, tels sont
nos vœux ardents. Tout ce qui pour
ra contribuer à un but si noble nous
sera toujours infiniment précieux.
Ce petit Traité sera divisé en sept
chapitres. Dans le premier , nous
montrerons combien il est impor
tant de s'occuper du Paradis ; dans
les suivants, nous parlerons de l'exis
tence du Paradis , de la grandeur
des délices qu'on y goûte, et des
moyens qu'on doit mettre en usage
pour y parvenir. Nous terminerons
par un court exposé des inarques
de prédestination, et par quelques
prières et quelques exemples relatifs
aux matières.
Mon Dieu , mon très-bon et très-
doux Seigneur, qui nous avez créés
pour un bonheur si grand , que ce
lui de jouir de vous et de voir votre
beauté dans la vraie terre des vi
vants ; mon Dieu , bénissez mon
petit travail , bénissez tous ceux qui
prendront la peine de le lire, afin
qu'après avoir connu par la foi votre
Paradis sur la terre , après l'avoir
admiré , désiré, demandé, nous mé
ritions de vous y contempler à décou
vert, et d'y chanter vos divines louan
ges dans la magnifique assemblée de
vos élus. : .
Ainsi soit-il. ,;
TRAITÉ DU PARADIS,
et

Xte moyens que l'on îroit employa


pour y parofiiir.

CHAPITRE PREMIER.

COMBLES IL EST IMPORTANT DE S'OCCUPER DU


PARADIS.

La plupart des hommes, entraînés par les


objets qui frappent leurs regards dans ce
monde visible, plongés dans un tourbillon
d'affaires sans cesse renaissantes, occupés nuit
et jour des besoins du corps, négligent le
soin de leur âme, s'occupent peu de leur
grande affaire qui est celle de leur éternité
\
ne lèvent jamais les yeux et leur cœur vers
ces beaux cieux pour lesquels ils ont été
créés. Le but de ce premier chapitre est de
leur montrer l'imprudence de leur conduite ,
et de les réveiller, s'il est possible, d'un as
soupissement si dangereux par l'exposé des
avantages que l'on peut retirer de la grande
pensée du Paradis.
I. D'abord, rien de plus imprudent que de
rester dans l'indifférence sur ce qui regarde
le Paradis , notre bonheur ou notre malheur
éternel. Ecoutons sur cet objet les paroles
d'un célèbre écrivain, t II est si important
pour nous, dit Pascal, il est si important
pour nous de savoir s'il existe un Paradis ,
qu'il faut avoir perdu tout sentiment pour
être dans l'indifférence de savoir ce qui en
est. Toutes nos actions, toutes nos pensées
doivent prendre des routes si différentes,
selon qu'il y aura des biens éternels à espérer
ou non, qu'il est impossible de faire une dé
marche avec jugement, qu'en la réglant par
la vue de ce point qui doit être notre dernier
objet. »
Afin de mieux faire sentir combien sont
malheureux et coupables ceux qui refusent
de s'occuper d'une matière si sérieuse et si
importante dans ses suites, le même auteur
met ce raisonnement insensé dans la bouche
de l'impie :
« Je ne sais qui m'a mis au monde, ni ce
que c'est que le monde , ni que moi-même.
Je suis dans une ignorance terrible de toutes
ces choses... Tout ce que je connais, c'est
que je dois bientôt mourir; mais ce que
j'ignore , c'est cette mort même que je ne
saurais éviter. Comme je ne sais d'où je
viens, aussi ne sais-je où je vais; je sais seu
lement qu'en sortant de ce monde je tombe
pour jamais , ou dans le néant , ou dans les
mains d'un Dieu irrité, sans savoir à laquelle
de ces deux conditions je dois être éternelle
ment en partage. Voilà mon état plein de
misères, de faiblesses, d'obscurités ; de tout
cela je conclus que je dois donc passer tous
les jours de ma vie sans songer à ce qui me
doit arriver, et que je n'ai qu'à suivre mes
inclinations, sans réflexions et sans inquié*
tude, en faisant tout ce qu'il faut pour tom
ber dans le malheur éternel , en cas que tout
ce qu'on m'en dit soit véritable. Peut-être
que je pourrais trouver quelque éclaircisse
ment dans mes doutes ; mais je n'en veux pas
prendre la peine... Je veux aller sans pré
voyance et sans crainte, tenter un si grand
événement, et me laisser conduire à la mort,
dans l'incertitude de ma condition future. *'
Peut-on imaginer un raisonnement plus
insensé? Raisonne-t-on de la sorte lorsqu'il
s'agit des intérêts temporels? Quel homme,
menacé de quelque grand malheur, n'emploie
pas tous ses efforts pour le prévenir? Et
lorsqu'il s'agit d'une éternité de bonheur ou
de malheur on demeure dans une mortelle
indifférence. Où est la foi? où est la raison?
où est ce sentiment naturel que nous avons
pour notre bonheur?
H. Quelque judicieuses, quelque persuasi
ves que soient les réflexions que nous venons
de faire, pour montrer l'inconséquence des
hommes qui négligent les vérités éternelles,
le tableau que le Saint-Esprit a tracé , dans
le livre de la Sagesse , de ces hommes infor
tunés, est bien plus capable de faire impres
sion sur nous, et de nous porter à tout
entreprendre pour éviter l'abîme où l'oubli
des fins dernières et leur mauvaise vie les a
précipites. Voici comme il nous peint la vie
de ces insensés et leur triste fin :
« À peine les pécheurs sont-ils formés ,
qu'ils s'éloignent de Dieu , qu'ils s'écartent
des sentiers de la justice, qu'ils courent avec
ardeur dans le chemin de l'erreur, du vice
et du mensonge : Alienati sum peccatores à
vulvâ , erraverunt ab utero (Ps. lvii , 3). i
Remarquons ces expressions : Dès leur for
mation , dès le sein de leur mère. Le Saint-
Esprit pouvait-il mieux nous peindre l'em
pressement avec lequel les impies se pré
cipitent dans le mal ? Pouvait - il mieux
nous représenter ces petits hommes qui sont
déjà de si grands pécheurs ? Tantillus puer
et tantus peccator (S. Arc). La suite de leur
vie répond à ces tristes commencements. Crai
gnant, pour ainsi dire, de perdre un moment,
ils se disent dans l'égarement de leurs pen
sées : le temps de notre vie est court et
fâcheux, l'homme après la mort n'a plus
rien à attendre, on n'en connaît point qui
soient revenus de l'autre monde pour donner
— 6 —
des nouvelles de ce qui s'y passe : Non est qui
agnitus sit revenus ab inferis ( Sap., D, 1.).
Nous sommes nés de rien , et après notre
mort nous serons aussi réduits au néant;
notre corps sera changé en poussière, et notre
esprit se dissipera comme un air subtil, et
'bientôt après notre nom et nos actions seront
effacés de la mémoire des hommes ; car le
temps de notre vie n'est qu'une ombre qui
passe , et après la mort on ne revient plus :
Umbrœ enim transitus est tempus nostrum, et
non est reversio finis nostris (Ib.).
Voilà le langage que le Saint-Esprit met
dans la bouche des impies. Voilà comment ils
ouvrent la carrière de leur vie criminelle.
Qui n'a été témoin de ces propos irréligieux
dans le malheureux siècle où nous vivons?
Mais continuons à exposer la conduite indi
gne de ces infortunées victimes de l'enfer,
sans rien ajouter aux oracles divins.
« Puisque notre vie est si bornée , disent
ces insensés, puisque notre vie est si bornée,
et que le temps passé tout est passé, ne per
dons pas un instant. Venez donc, amis,
venez; jouissons des biens présents, ne
- 7 - .
laissons pas passer la fleur de la saison , ni
le temps de notre jeunesse, enivrons-nous
des vins les plus excellents , couronnons-
nous de roses avant qu'elles se flétrissent :
Coronemus nos rosis antequàm marcescant ;
qu'il n'y ait point de lieu où nous ne
laissions des marques de notre joie ; c'est là
notre partage et le sort qui nous est échu :
Hœc est pars nostra, et hœc est sors (Ib.).
Encore une fois mangeons, buvons , car de
main nous ne serons plus : Comedamus et
bibamus, cras enim moriemur (1b.).
Gomme les justes pourraient les troubler
dans leurs plaisirs criminels , voici comment
ils raisonnent , comment ils se conduisent à
leur égard. Persécuteurs de la religion , de
l'innocence et de la vertu , tyrans , impies ,
pécheurs , vous allez reconnaître votre lan
gage.
« Quant au juste, se disent les méchants ,
ne négligeons rien pour l'opprimer. La force
est entre nos mains. Vous voyez combien il
nous est incommode, que sa vie est la cen
sure de notre conduite par l'opposition
qu'elle a avec la nôtre; vous voyez qu'il nous
reproche sans cesse la transgression des lois
de Dieu , qu'il nous couvre de honte en blâ-
manthautementnotremanière de vivre, qu'il
nous considère comme des hommes qui ne
s'occupent que de choses vaines. Sa vue seule
est insupportable : Gravis est nobis etiam ad
vïdendum (Ib.). Venez donc, n'épargnons ni
outrages, ni tourments pour ébranler sa
constance; condamnons-le à une mort infâ
me : Morte lurpissimâ condemnemuseum (Ib).
Le Saint-Esprit, après avoir ainsi exposé
la vie des méchants, conclut en disant , que
ces infortunés ont pensé , parlé et agi de la
sorte, parcequ'ils ont ignoré les secrets de
Dieu, qu'ils n'ont point cru , ou espéré la
récompense qu'il a promise aux bonnes
œuvres; que la cause de leur malheur a été
leur aveuglement volontaire, et la malice de
leur cœur corrompu : Excœcavit enim illos
malida eorum (Ib.).
Considérons maintenant le méchant à la
mort. C'est le moment de la colère du Sei
gneur. Il va commencer à se venger de ses
ennemis. 11 va les briser dans sa fureur :
Commovebit illos (Ib.). Alors, ils se livreront
à des gémissements amers; ils paraîtront
pleins d'effroi au souvenir de leurs crimes,
et leurs péchés s'élèveront contre eux pour
les accuser. Dans cette extrémité, ils auront
(peut-être pour la première fois) recours au
Seigneur qu'ils n'ont cessé d'outrager, ils
imploreront son secours, mais ce sera inuti
lement ; ils l'appelleront et il fera la sourde
oreille : je vous ai appelés , leur dira-t-il au
fond du cœur, je vous ai appelés, et vous
n'avez point voulu m'écouter : Vocavi et
renuistis ( Prov., i, 24). J'ai tendu la main
et personne n'a daigné me regarder; vous
avez méprisé tous mes conseils , vous avez
négligé mes réprimandes; vous vous êtes
moqués de moi pendant votre vie , à mon
tour je rirai de vous à votre mort, je vous
insulterai, lorsque ce que vous redoutiez
vous sera arrivé, lorsque le malheur viendra
tout-à-coup fondre sur vous, et que la mort,
semblable à un voleur, vous environnera de
toutes parts, lorsque vous vous trouverez
surpris par l'affliction et par les angoisses
les plus déchirantes. Alors ces malheureux
impies, dit le Seigneur, m'invoqueront; mais
4*
je ne les écouterai point ; ils se lèveront dès
le matin pour me chercher, et ils ne me
trouveront pas. Je me cacherai d'eux parce-
qu'ils ont eu en horreur ma loi sainte, et
qu'ils n'ont point eu ma crainte devant les
yeux, qu'ils ne se sont point soumis à mes
conseils, et qu'ils n'ont eu que du mépris
pour toutes mes réprimandes. Ainsi ils man
geront le fruit de leur voie : Comedent igiinr
fructus viœ suœ, et ils seront rassasiés du
fruit de leurs conseils pleins de folie. Voilà
comment l'égarement où les enfants des
hommes se laissent entraîner, est enfin cause
de leur ruine; voilà comment la prospérité
des impies les conduit à leur perte éternelle.
Si nous voulons consulter l'histoire et l'ex
périence, nous verrons qu'en effet, c'est dans
d'étranges alarmes , c'est dans l'abandon de
Dieu et souvent des hommes, que les mé
chants , que les grands impies surtout, ren
dent le dernier soupir. Quelle vie! quelle
mort! oh! qu'il est vrai de dire que le plaisir
de mourir sans peine, vaut bien la peine de
vivre sans plaisir-
Mais suivons les impies après la mort,,
— 11 —
considérons-les entre les mains du plus re
doutable des juges, considérons-les entrant
dans la triste maison de leur éternité. Oh !
qu'il est non-seulement terrible,mais affreux,
mais horrible de tomber entre les mains
du Dieu vivant quand on l'a méprisé pendant
sa vie : Horrendum est incidere in manus Dci
viventis (Hlebr., x, 31). Oh! que les impies
sont alors témoins d'un grand spectacle! Us
sont en présence de ce grand et terrible Dieu,
qu'ils ont refusé de reconnaître, de servir et
d'aimer. A cette vue ils sont saisis, troublés
par une crainte que l'Écriture appelle horri
ble, ne pouvant trouver d'expression plus
forte pour représenter l'état désespérant des
pécheurs : Turbabuntur timorc horribili
(Sap., ib.). Ils invoquent les montagnes , et
les supplient de les dérober à la fureur de
leur juge irrité : Montes cadite super nos
(Ujc, xxiii, 30). Mais tout est inutile; il faut
boire le calice de la fureur du Seigneur jus
qu'à la lie. Alors les méchants commence
ront à s'élever contre eux-mêmes , et
deviendront leurs propres accusateurs.
Ecoutez leurs tristes et inutiles regrets , et
— 12 —
profitez-en vous tous qui vivez comme ils
ont vécu, et qui marchez comme eux dans
les voies de la perdition.
• Nous nous sommes donc trompés, disent
en gémissant ces malheureux, nous nous
sommes donc trompés, nous n'avons donc
pas marché dans les sentiers de la vérité?
Ergà erravimus à via veritatis (Sap. , n, 5).
La lumière de la justice n'a pas lui pour
nous, et ce soleil de l'intelligence ne s'est
point levé sur nous. Nous nous sommes con
duits en insensés : Nos insensati (1b.). Mais au
moins , infortunées victimes de l'enfer, au
moins trouvez-vous quelque consolation dans
le souvenir de vos plaisirs passés? Hélas!
non, s'écrient alors les réprouvés, hélas !
non. Nous disions pendant la vie que nous
étions heureux, nous vantions nos parties de
plaisir; mais toute cette joie n'était qu'appa
rente; jamais elle n'a pénétré jusqu'au fond
du cœur. Nous nous sommes lassés dans les
chemins de l'iniquité : Lassati sumus in vià
iniquitatis (Ib.). Les chemins du vice que nous
avons parcourus étaient remplis de difficul
tés , de peines et de fatigues : Ambulavimus
— 13 —
vias difficiles (Ib.). Que nous servent et à quoi
nous ont été utiles l'orgueil dont nous étions
enflés, les richesses dont nous étions envi
ronnés, tous les plaisirs nouveaux que nous
ne cessions d'inventer? Quid nobis profuit
superbia? Tout cela a cessé : Transierunt
omnia Ma (Ib.). Tout cela a passé comme
l'ombre qui se dissipe, comme le courrier
qui court , comme le vaisseau qui fend les
eaux de la mer, comme l'oiseau qui vole à
travers les airs sans laisser de traces de son
passage, comme une flèche lancée vers son
but sans qu'on puisse remarquer par où elle
a passé. C'est ainsi que nous n'avons pas
plutôt commencé d'exister que nous avons
cessé de vivre ; nous n'avons pu montrer en
nous aucune trace de vertu , et nous avons
élé consumés par notre propre malice : In
malignitate nostrâ consumpti sumus (Ib.).
Voilà, dit le Saint Esprit, qui pénètre le
fond des cœurs, et qui sait ce qui se passe
dans l'âme des pécheurs après leur mort,
voilà ce que ces malheureux ne cesseront
de dire éternellement dans l'enfer; voilà ce
qu'ils penseront des honneurs, des richesses
- 14 -
et des plaisirs de cette vie auxquels ils ont
sacrifié leur bonheur éternel : Talia dixe-
runt in inferno hi qui peccaverunt (Ib.).
Ces tristes aveux, ces gémissements la
mentables ne serviront de rien aux impies.
Il n'y aura plus pour eux de temps pour faire
pénitence, pour mériter le bonheur éternel.
Mais autant ces regrets tardifs seront alors
inutiles aux réprouvés , autant ils peuvent
servir sur la terre pour ramener les âmes à
Dieu, pour les éclairer sur leurs véritables
intérêts, pour les déterminer à tout entre
prendre pour éviter un malheur éternel,
pour mériter une couronne de gloire qui ne
se flétrira jamais. Nous supplions tous ceux,
qui auraient eu le malheur d'oublier ces
grandes vérités, de les méditer à loisir, d'en
examiner les conséquences. Ce sont elles qui
ont converti le monde, qui ont ramené à
Dieu une multitude de personnes de tout état,
de tout sexe et de toute condition ; elles pro
duiront aujourd'hui les mêmes effets sur
ceux qui les considéreront attentivement.
Elles les détacheront des vanités du monde
et du péché, et les transformeront en des
— 15 —
ionimes tout nouveaux, en des hommes qui
auront des pensées toutes nouvelles , qui
opéreront des œuvres nouvelles et dignes
de /a vie éternelle : Memorare novissima tua
et in œlernum non peccabis ( Eccl., vu, 40).
lll. Autant la pensée du Paradis bien mé
ditée est capable de nous détacher du mal ,
autant elle est efficace pour nous porter au
bien. On peut dire qu'il n'est point de motif
plus puissant pour encourager les hommes
dans la pratique des bonnes œuvres, et même
les porter à l'héroïsme de toutes les vertus,
que la pensée du ciel, que l'espérance de
la céleste patrie. Donnez -moi un homme
pénétré de cette grande vérité : Je suis im
mortel , il ne tient qu'à moi , aidé de la
grâce de Jésus-Christ, mon Sauveur, d'ac
quérir un royaume éternel ; donnez-moi un
tel homme, et il sera capable de tout pour
se procurer un si grand bonheur. Vous le
verrez bientôt renoncer à tous les vices et
pratiquer toutes les vertus. Celui qui pense
sérieusement aux vérités éternelles, méprise
la douleur, compte pour rien les plus grands
sacrifices, et s'écrie avec l'Apôtre : Tout ce
— 16 -
que je puis souffrir n'est rien en compa
raison de la gloire qui en doit être la ré
compense : Non sunt condujnœ pnssiones
hujus tempori» ad fuluram gloriam quœ reve-
labitur in nobis ( Kom., vin , 18 ). C'est pour
cela que saint François recommandait sou
vent aux prédicateurs de son Ordre de prê
cher sur le bonheur du ciel , et c'est en
imprimant vivement dans les cœurs cette
grande vérité de la religion qu'ils opérèrent
tant de merveilles dans les âmes.
IV. Qui a éiabli la religion chrétienne
sur la terre? Qui a répandu le sang des
martyrs ? Qui a peuplé les déserls, fait fou
ler aux pieds tant de grandeurs humaines,
fait mépriser tant de richesses et de plai
sirs? Pourquoi tant de Saints ont-ils en
duré av ec joie les feux, les chaudières d'huile
bouillante, les gibets, les roues, les cheva-
leis, les jeûnes, les veilles, tout ce qu'il y
a de plus dur et de plus crucifiant? C'est
qu'ils avaient lu dans l'Evangile: Le royaume
des cieux souffre violence, et ceux qui se
font violence l'emportent. C'est qu'ils
avaient médité ces paroles : Bienheureux
les pauvres , parceque le royaume des deux
est à eux ; bienheureux ceux qui souffrent,
pareequ'ils seront consolés ; bienheureux
ceux qui sont persécutés pour la justice,
parcequ'une grande récompense les attend
dans le ciel. A peine ces divines maximes
fuient- elles connues dans le monde, qu'au
grand étonnement de l'univers on vit des
millions d'hommes jeter, pour ainsi dire,
leur or et leur argent par les fenêtres ,
quitter les trônes de ce monde pour acqué
rir celui du ciel , en un mot, ne craindre
aucun sacrifice pour obtenir des biens éter
nels. Au contraire, si nous voyons aujour
d'hui la charité refroidie , le péché si com
mun, à quoi pensez- vous qu'on doive en
attribuer la cause? Au manque de foi, à
l'indifférence pour les biens futurs. La plu
part des chrétiens, entraînés par les objets
sensibles qui les charment, par mille affaires
temporelles qui les dissipent, par mille pas
sions qui les séduisent , perdent de vue les
biens éternels. Semblables aux vieillards
dont il est parlé dans l'histoire de Suzanne,
ils détournent les yeux pour ne point aper
- 18 -
cevoir le ciel , et s'abandonnent comme eux
aux désirs criminels d'un cœur corrompu.
Faites revivre sur la terre la foi et l'espé
rance de la gloire éternelle, et vous verrez
bientôt la vertu en honneur, vous verrez
le vice déserté, et la vie innocente et pure
des premiers siècles reparaître dans les der
niers.
V. Rien de plus intéressant que d'enten
dre l'Apôtre des nations exciter les premiers
fidèles à la vertu par l'exposition des biens
éternels qui les attendaient dans le ciel.
Voyez les athlètes, mes frères, leur disait-il,
voyez les athlètes ; voyez comme ils se pri
vent de tout, et pourquoi ? Pour gagner une
couronne sujette à la corruption ; tandis que
celle qui nous est réservée est incorruptible :
llli quidem ut coiruptibilem coronam acci-
piant nos autem incorruptam (Cor., ix, 24).
Nos souffrances sont les souffrances d'un mo
ment : Momentaneum ct leve tribulationes
nostrœ (it. Cor., iv , 18). Et ces afflictions
momentanées et si légères seront récompen
sées du poids éternel d'une gloire souveraine
et incomparable : Supra modutn in sublimi'
- 19 —
taie œlernum glorîce pondus operatur in no-
bis (lb.). Détachons-nous donc des biens pé
rissables et portons tous nos désirs vers les
biens invisibles qui ne passeront jamais; car
tout ce qui frappe maintenant nos regards
n'a qu'un temps, tandis que les biens invi
sibles sont éternels : Quœ enim videntur, tem-
poralia sunt; quce autem non videntur, œier-
nasunt (Ib.)«
Ecoutons ce qu'il écrit aux Hébreux pour
les porter à la ferveur et à la patience dans
les maux qu'ils avaient à souffrir : «Travail
lez courageusement à la grande affaire de
votre salut , leur disait-il ; ne vous laissez
pas entraîner dans un relâchement indigne
des promesses qui vous ont été faites. Pour-
riez-vous douter de la solidité de ces pro
messes ? Souvenez-vous qu'elles sont ap
puyées sur deux fondements inébranlables ,
la parole de Dieu et le serment, qui sont
deux choses qui ne peuvent nous tromper ,
et qui doivent nous inspirer une consolation
à toute épreuve à nous tous qui recherchons
avec ardeur les biens qui nous ont été pro
rais : Ut per duas res immobiles , quitus im-
- ÎO -
possibile est mentiri Deum , fortissimum sola-
tium habemus qui confugimus ad propositam
spem (ïLeb., vi, 18), Animons-nous donc ,
mes frères, soyons remplis d'une sainte ar
deur, empressons-nous d'entrer dans ce re
pos éternel qui nous a été promis, efforçons-
nous de pénétrer jusqu'au dedans du voile
où Jésus-Christ est entré le premier comme
notre précurseur ; ayons sans cesse les yeux
arrêtés sur cet auteur de notre foi , qui , mé
prisant la joie dont il pouvait jouir, a porté
avec courage la croix, et supporté sans peine
la honte et l'ignominie attachée à ce sup
plice, et qui , pour récompense de ses tra
vaux et de ses humiliations, est maintenant
assista la droite du trône de Dieu. Il vous
en coûtera sans doute pour marcher sur ses
traces, pour supporter toutes les peines qu'il
plaira à Dieu de vous envoyer; car tout châ
timent, quand en le reçoit, est un sujet de
tristesse ; mais ensuite il fait recueillir, lors
qu'il a été reçu avec soumission et dans une
profonde paix, des fruits de justice à ceux qui
ont été ainsi exercés. C'est pourquoi relevez
vos mains languissantes, fortifiez vos genoux
aflàiblis: Propter quod remissas mamis et so-
iuta genua erigiie (Hjeb., xn, 12). » Qui pour
rait entendre ces paroles enflammées sans se
réveiller en quelque sorte de son assoupisse
ment, et sans se sentir animé d'une sainte
ardeur pour les biens éternels.
VI. Comme l'exemple a un pouvoir singu
lier sur le cœur de l'homme, et que rien *
n'est plus capable de le porter aux grandes
choses, saint Paul propose aux Hébreux
l'exemple des Saints de l'Ancien-Testament,
et il le fait d'une manière divine : « C'est par
la foi des choses qui nous ont été promises,
dit-il, que les anciens Pères ont fait pour
Dieu tout ce qu'ils ont fait. C'est cette foi
qui porta Abel à offrir à Dieu une plus ex
cellente hostie que Caïn ; c'est par cette foi
que Noë bâiit l'Arche pour sauver sa fa
mille, et devint ainsi héritier de la justice
qui vient de la foi. C'esl par cette foi qu'A
braham quitta son pays pour obéir à Dieu
qui l'appelait, et qu'il se rendit dans un lieu
inconnu, qu'il demeura dans la terre qui lui
avait été promise, comme dans une terre
étrangère, habitant sous des tentes, ce que
- 22 -
firent aussi Isaac et Jacob qui devaient être
héritiers avec lui de cette promesse. Cette
foi lui faisait espérer cette cité ravissante et
inébranlable dont Dieu lui-même est le fon
dateur et l'architecte : Expcctabat enim fun-
damenta habcntem civitatem, cujus artifex et
conditor De us {Hjek. , xi, 10). Tous ces Saints
* confessaient qu'ils étaient étrangers et voya
geurs sur la terre , et soupiraient après une
autre patrie qu'ils ne voyaient pas, mais
qu'ils saluaient de loin ; oubliant leur patrie
terrestre, ils désiraient avec ardeur la patrie
céleste infiniment préférable à la première:
Nunc autem meliorem appetunt , id est , cœ-
lestem (Ib. ). Aussi Dieu ne rougit- il pas
d'être appelé leur Dieu, puisqu'il leur a pré
paré une cité bienheureuse comme à ses en
fants : Ideo non confunditur Deus vocari Deus
corum; paravit enim illis civitatem ( Ib. ).
Le grand Apôtre* continuant à nous mon
trer les effets admirables de la foi des biens
futurs dans les justes de l'Ancien-Testament,
s'exprime ainsi : « C'est par la foi que Moïse,
devenu grand, renonça à la qualité de fils de
la fille de Pharaon , et qu'il aima mieux être
affligé avec le peuple de Dieu , que de jouir
du plaisir si court qui se trouve dans le pé
ché , estimant que l'ignominie de Jésus-
Christ était un plus excellent trésor que
toutes les richesses de l'Egypte. Qui le por
ta à tant de sacrifices? le voici : il envisa
geait la récompense éternelle qui l'atten
dait: Asplciebat enim in .remunerattonem
(Ib.).
Que dirai-je davantage , conclut le grand
Apôtre ? Le temps me manquerait si je vou
lais parler encore de Gédéon , de Baruc , de
Samson , de Jephté , de David , de Samuel et
des Prophètes qui, par la foi, ont conquis
des royaumes, ont accompli les devoirs de la
justice et de la vertu , ont reçu l'effet des
promesses. Les uns ont été cruellement
tourmentés , ne voulant point racheter leur
vie présente, afin d'en trouver une meilleure
dans la résurrection. Les antres ont souffert
les moqueries et les fouets, les chaînes et les
prisons. Ils ont été lapidés, ils ont été tués,
ils ont été éprouvés en toutes manières, ils
sont morts par le tranchant de l'épée; ils
ont été vagabonds , couverts de peaux de
- 24
brebis et de peaux de cbèvres, ils ont été
abandonnés, affligés, persécutés, eux dont le
monde n'était pas digne. Voilà ce que la foi
des récompenses éternelles a fait souffrir à
ces grands hommes. Saint Paul , après cette
longue énumération, tire.cette conclusion :
Puis donc que nous sommes environnés
d'une si grande nuée de témoins qui nous
ont précédés dans la voie de la foi , et qui y
ont marché courageusement et constam
ment, malgré les difficultés qu'ils y ont ren
contrées, dégageons-nous aussi de tout ce
qui nous appesantit et des liens du péché
qui nous serrent si étroitement , et courrons
par la patience dans cette carrière qui nous
est ouverte : Per paticntiam curramus ad
propositum nobis certanun (Ib. }. Ne fau
drait-il pas, en effet, être de fer pour résis
ter à des paroles si engageantes et à des
exemples si admirables ?
VII. A ces exemples, cités par l'Apôtre
des nations, ajoutons celui des sept enfants
Machabées et de leur admirable mère. Qui
leur inspira un courage si fort au-dessus de
la nature? La foT des récompenses éter
-28-
toelles, comme le prouve l'abrégé de leur
histoire que nous rapportons ici. Quand on
eut arraché la peau de la tête avec les che
veux au second de ces heureux enfants, et
gu'il sevit sur le point de mourir :« très mé
chant prince, dit-il au tyran, tu nous prives
de la vie présente; mais sache que le roi du
monde nous ressuscitera un jour pour la vie
éternelle. » Les bourreaux étant sur le point
de couper au troisième la langue et les mains,
il s'écria : < J'ai reçu ces membres du ciel,
mais je les méprise maintenant pour la dé
fense des lois de Dieu, pareeque j'espère
qu'il me les rendra un jour. » Le quatrième
étant sur le point de rendre le dernier sou
pir, dit : « il est avantageux de mourir de la
main des hommes, lorsqu'on espère que
Dieu rendra la vie au jour de la résurrection. »
Lorsque le cinquième et le sixième eurent
succombé aux tourments , on se prépara à
immoler le septième qui était le plus jeune.
Antiochus pour l'ébranler lui fit les plus
magnifiques promesses; il lui assura qu'il le
rendrait riche et heureux , qu'il le mettrait
au rang de ses favoris, s'il voulait abandon
9
ner la loi de ses pères. Le jeune homme ne
se laissant point ébranler par ces belles pa
roles , le roi exhorta sa mère à lui inspirer
d'autres sentiments. Alors cette digne mère
prenant son fils à part : t Regarde le ciel, mon
fils, lui dit-elle, regarde le ciel; reçois de
bon cœur la mort à l'exemple de tes frères,
afin que je te reçoive de nouveau avec eux
dans cette gloire que nous attendons de la
miséricorde de Dieu. « Elle n'avaitpas achevé
son discours que ce jeune homme se mit à
crier :t Qu'ai tendez-vous de moi? je n'obéi
rai point au commandement du roi, mais au
précepte de notre loi. Je vous détiare que
vous n'éviterez point le jugement de Dieu
qui peut tout , qui voit tout. Pour ce qui me
concerne, j'abandonne volontiers, comme
mes frères, mon corps et ma vie pour la dé
fense des lois de mes pères.» C'est ainsi que
l'espérance d'une vie bienheureuse rendit
invincibles ces généreux martyrs.
VIII. Les saints du Nouveau- Testament
n'ont pas été moins convaincus de la vérité
des biens invisibles , ni moins ardents à les
rechercher, ni moins patients dans les peines
- 27 —
qu'il faut souffrir avant d'entrer en possession
de ce bonheur ineffable. Le premier exemple
que nous citons est celui de saint Paul lui-
même. Que ne lui a pas fait endurer le désir
des biens célestes et la soif ardente de procu
rer aux autres le même avantage? Ecoutons
cet homme divin : « Je considère toutes les
choses de ce monde comme des ordures au
prix de Jésus-Christ et de sa connaissance ; je
désire ardemment participer à ses souffrances,
devenir une image de Jésus crucifié , et par
venir ainsi à la résurrection glorieuse; c'est
pourquoi je poursuis ma course, pour tâcher
d'atteindre la récompense que Jésus- Christ
m'a destinée. Oubliant ce que j'ai déjà fait,
et mélançaut vers ce qui est devant moi , je
cours incessamment vers le bout de la car
rière, pour tâcher d'emporter le prix de la
félicité du ciel , à laquelle Dieu nous a appelés
par Jésus-Christ : Quœquidem rctro sunt obli-
viscens, ad ea verà quœ sunt priera, extendens
meipsum, ad destinatiim persequor, ad bra-
v'mm supernœ vocationis Dei in Christo Jesu
(Phil., m, 13). » Quelles belles paroles ! Quelle
conviction que celle de ce grand apôtre! Il
- 28 -
est disposé ù tout sacrifier pour s'assurer le
bonheur infini qui lui a été promis, et dont
il a pour garant la parole même de Dieu. «Je
ne rougis point, écrit-il à Timothée, je ne
rougis point des maux que je souffre, car je
sais à qui je me suis confié : Scio enim cui
credidi, et je suis persuadé qu'il est assez
puissant pour me garder mon dépôt jusqu'à
ce grand jour auquel j'espère recevoir de lui
une vie glorieuse et immortelle : Et cerius
sum quia potens est depositum meumservarein
illum diem (2 Tim., i , 12). Je fais tout pour
l'Evangile, dit- il ailleurs, dans le désir de
participer aux grâces qu'il donne et aux biens
éternels qu'il promet; je traite rudement
mon corps , comme un ennemi qui s'oppose
à mon salut , et je le réduis en servitude , de
peur qu'ayant prêché aux autres et leur ayant
enseigné les voies du ciel , je ne sois moi-
même réprouvé : Ne forte cum aliis prœdica-
verim, ipse reprobuscfficiav(lCoR., ix, 27). »
Ce grand serviteur de Dieu, ce grand apôtre
de Jésus-Christ, ne voulait pas, pour ainsi
parler, faire seul son entrée triomphante au
Paradis, il brûlait de zèle pour procurer le

i
— 29 —
même bonheur aux autres : de là tant de
prédications , tant de voyages, tant de fati
gues, tant de persécutions et de prisons qu'il
a endurées de bon cœur pour l'amour des
élus, afin qu'ils parvinssent aussi bien que
lui au port du salut éternel qui ne peut
s'obtenir que par Jésus-Christ : Ideo omnia
sustineo propter electos ut et ips'i saluteni con-
sequantur, quœ est in Chrislo Jesu cum gloriâ
cœlesti (2 Rom., n, 10). » Qu'il est beau de
voir ce généreux saint s'oublier en quelque
sorte lui - même pour s'occuper du salut de
ses frères, consentir à devenir anathème
pour leur procurer le plus grand des bon
heurs. « Je ne ments pas, dit-il , Jésus-Christ
en est témoin , et ma conscience me rend ce
témoignage par Jésus-Christ , que j'eusse dé
siré de devenir moi-même anathème pour le
salut de mes frères : Opiabam enini ego ipse
anathema esse a Chrislo pro fratribus mets
(Rom., îx, 3).» Quels admirables sentiments!
Quelle généreuse disposition ! Voilà l'hé
roïsme auquel la foi des vérités éternelles
a élevé ce grand homme, voilà ce que la foi
produirait aussi en nous si nous en étions
pénétrés. 2"
- 30 -
IX. Considérons maintenant l'impression
que faisait sur les martyrs la pensée du cie).
Considérons avec quel courage ils bravaient
tous les tourments pour mériter ce bonheur
ineffable. Il faudrait ici transcrire tous les
actes des martyrs , si l'on voulait rapporter
tous les exemples de constance qu'ils nous
offrent ; nous nous bornerons à citer quel
ques-unes des paroles les plus remarquables
qui y sont rapportées.
— Saint Pulycarpe, parlant à ses persécu
teurs, leur dit : Mettez en usage tous les sup
plices qu'il vous plaira; mon âme est prépa
rée à tout ; je ne crains ni la honte, ni la
douleur. La grandeur de mes peines sera celle
de ma gloire.
— Les Églises de Vienne et de Lyon écri
vant les combats de leurs marlyrs, s'expri
ment ainsi : Les généreux soldats de Jésus-
Christ ont été couverts d'opprobres ; ils ont
enduré toutes sortes de supplices ; ils ont été
frappés, traînés sur le pavé, dépouillés de
tous leurs biens, accablés sous des monceaux
de pierres , jetés dans des prisons obscures ;
mais ils ont tout supporté avec joie en vue de
- 3i —
la gloire que Jésus- Çhrist leur promettait. Ils
om appris aux hommes , par leur exemple , à
ne point craindre les maux de celle vie, qui
n'oni aucune proportion avec le bonheur de
l'autre. La joie que les fidèles chrétiens goû
taient d'avoir confessé Jésus-Christ, l'amour
tendre qu'ils sentaient se redoubler pour lui
dans leur cœur, et l'espoir de la récompense,
rendaient leurs chaînes légères, et adoucis
saient leurs peines. Ils étaient persuadés que
quiconque meurt pour la gloire de Jésus-
Christ, reçoit une nouvelle vie dans le sein
du Dieu vivant.
— Les Actes du martyre de saint Alexandre
et de saint Epipode de Lyon , sont très pro
pres à exciter dans les âmes une noble ar
deur pour le ciel , et un saint désir de tout
sacrifier pour y parvenir. Ces générenx mar
tyrs, disent ces Actes, ont combattu, non
pour un roi de la terre et pour un prince mor
tel, mais pour le Roi du ciel et pour un
prince dont la puissance est infinie et la du
rée éternelle. Si on les a vus courir au trépas,
ce n'est pas pour une patrie terrestre, mais
pour celle du ciel, pour la véritable patrie
— 32 -
dont les saints sont les fondateurs et dont les
habitants sont immortels, où l'on jouit d'une
liberté que l'anfer, avec toute sa violence',
ne peut jamais ravir, où l'on est comblé
d'une gloire toute divine. Saint Epipode di
sait au tyran : t Lorsque nous périssons par
vos ordres, que font tous vos tourments,
sinon nous faire passer du temps à l'éternité,
et des misères d'une vie mortelle au bonheur
d'une vie qui n'est plus sujette à la mort. Je
confesse que Jésus-Christ est un seul Dieu
avec le Père et le Saint-Esprit , et il est juste
que je lui rende une âme qui est sortie de ses
mains et qu'il a rachetée de son sang. Ainsi
. la vie ne m'est point ôtée, elle n'est que
changée en une plus heureuse, et il m'im
porte peu de quelle sorte ce corps cesse de
vivre, pourvu que l'esprit qui l'anime re
tourne à Celui qui lui a donné l'être. » Saint
Alexandre, son compagnon, disait au juge :
t Pensez-vous avoir fait périr ces âmes que
, vous avez chassées de leurs corps à force de
supplices? Désabusez-vous; elles sont dans
le ciel, où elles régnent... Apprenez que les
âmes auxquelles vous croyez donner la mort
s'échappent de vos mains , et prennent leur
essor vers le ciel, où un royaume les attend,
au lieu que vous descendrez aux enfers avec
vos dieux. En faisant mourir mon cher frère,
vous avez assuré son bonheur, et je meurs
d'impatience de le partager avec lui. >
— Le juge qui condamna saint Symphorien
d'Autun, le pressait de violer la loi de Dieu
et lui promettait des honneurs et des ri
chesses, f Je refuse , répondit ce généreux
chrétien , je refuse tous les avantages qui me
sont offerts par une autre main que par celle
de Jésus-Christ, mon souverain Seigneur.
Les biens dont il nous comble avec une pro
fusion digne de Dieu, sont incorruptibles.
Tout ce qui fait l'objet de vos désirs finit bien
tôt, et est entraîné par le torrent rapide des
années dans le vaste sein de l'éternité. Il n'y
a que notre Dieu qui puisse donner une féli
cité durable. » Comme on conduisait au sup
plice ce grand martyr, sa mère, aussi recom-
mandable par sa vertu que par son âge, lui
criait : Mon fils Symphorien , mon fils, ne
perd point de vue le Dieu pour qui tu donnes
ta vie; aie -le toujours dans ta pensée. Mon
— 34 —
cher fils , prends courage , la mort n'est
pas à craindre lorsqu'elle ne fait que nous
conduire à la vie ; regarde le ciel , et que ton
cœur suive tes yeux ; arrête-les sur celui qui
y règne. C'est aujourd'hui que tu vas échan
ger une vie sujette à la mort , contre une vie
immortelle. O mon fils, l'heureux échange!
— Saint Maximilien ayant paru devant le
juge, celui-ci le menaça de la mort. « Qnoi~
que je quitte la terre, répondit le saint, mon
âme vivra dans le ciel avec Jésus-Christ , mon
bon maître. » 11 n'était âgé que de vingt et
un an ; il fut condamné à avoir la tête tran
chée. Comme on le conduisait au supplice, il
disait aux chrétiens qu'il rencontrait : « Mes
chers frères , que le plus ardent de vos désirs
soit d'arriver promptement au terme où je
me trouve. Soupirez de tout votre cœur après
ce moment bienheureux qui doit vous faire
jouir de la vue de notre Dieu, et ne cessez
point de prier que vous n'ayez obtenu de sa
bonté une couronne pareille à celle que je
vais recevoir. • Et se tournant vers son père,
il lui dit avec un visage gai : t Je vous prie,
mon père, de donner mon habit neuf, cet
habit que vous m'avez fait pour aller à l'ar
mée, a cet honnête homme qui va me couper
la tête. Puissiez-vous, après avoir reçu pour
cette bonne œuvre le centuple sur la terre,
être bientôt réuni dans le ciel à votre fils,
pour louer ensemble et bénir éternellement
le Dieu de gloire qui y règne. » En achevant
ces mots, il reçut le coup qui mit fin à sa vie.
— Saint Théodote allant au supplice ,
voyant les fidèles tout en pleurs, leur dit :
i Pourquoi pleurez-vous, mes frères; bénis
sez plutôt notre Seigneur, de ce qu'il me fait
la grâce de terminer glorieusement ma course
par la victoire. Je vais au ciel, où je vous ser
virai à l'avenir d'intercesseur. »
— Saint Léon, martyr, ayant été con
damné à être traîné à travers les pierres et
les cailloux, s'écria : « Il m'importe peu de
quelle manière je meurs; celui qui espère
que le ciel sera sa récompense, peut-il n'être
pas content? Seigneur, ajouta-t-il , je vous
offre ma mort avec joie ; je vous l'offre pour
satisfaire aux péchés de ma jeunesse. Je re
mets mon âme entre les mains de vos Anges.
Dans peu, je serai remis en liberté, et ma
- 56 —
destinée ne dépendra plus de l'injustice des
méchants. Accordez-moi la grâce de souffrir
patiemment pour votre gloire. »
— Sainte Omise , vierge , voyant plusieurs
chrétiens qu'on venait de lapider, se jeta sur
les corps des saints martyrs qui respiraient
encore, et leur adressant la parole , elle leur
disait : « Pourquoi voulez-vous aller au ciel
sans moi ? Je veux mourir avec vous , pour
vivre éternellement avec vous. » Ses vœui
furent exaucés ; elle eut la tête tranchée.
— Le proconsul qui interrogeait l'illustre
martyr saintLucien, hiiayant dit: « Comment
pouvez-vous servir un Dieu qui vous laisse
prendre , souffrir et mourir ? S'il vous aimait,
vous laisserait-il entre les mains de la jus
tice?» Nous avons déjà dit, reprit le saint
martyr, que les chrétiens tenaient à grand
bonheur la gloire de souffrir pour Jésus-
Christ. Oui, le Seigneur donnera une vie qui
n'aura point de fin , à celui qui aura méprisé
les tourments pour son amour.
Encore une fois , nous ne finirions pas, si
nous voulions rapporter tout ce que la foi vive
des récompenses éternelles a opéré dans les
martyrs et dans tous les Saints de tout âge, de
(out sexe, de tonte condition et de tout pays.
Le peu que nous avons dit, extrait fidèlement
des monuments les plus authentiques de l'an
tiquité , doit suffire pour confondre notre
lâcheté, pour nous encourager à conquérir
le royaume du ciel à quelque prix que ce
soit, et quoi qu'il en puisse coûter. Ces Saints
ont tout quitte , tout sacrifié , tout souffert
avec une patience héroïque pour gagner le
ciel; qu'avons-nous fait , que faisons-uous ,
que ferons-nous à l'avenir pour le mériter?

m
- 38 -

CHAPITRE H.

EXISTENCE DU PARADIS.

Autant il est certain qu'il y a un Dieu ,


autant nous sommes assurés de l'existence
d'une autre vie où la vertu sera récompensée.
Il n'est point de vérité plus incontestable
et plus généralement admise depuis le com
mencement du monde. L'autorité des livres
saints et de l'Eglise catholique,le témoignage
général de toutes les nations qui ont été et
sont encore sur la terre, des raisons invinci
bles sont les fondements inébranlables sur
lesquels est appuyée cette consolante vérité :
Il y a un paradis. Ce chapitre ne regarde
pas proprement les vrais chrétiens ; un mot
de l'Evangile est d'un plus grand poids pour
eux que toutes les raisons du monde ; néan
- 39 —
moins nous pensons qu'il ne leur sera pas
inutile; car, comme a fort bien dit Racine :

Celai que sa grandeur remplit de son ivresse


Relit avec plaisir ses titres de noblesse ;
Ainsi le vrai chrétien recueille avec ardeur
Les preuves de sa foi, titres de sa grandeur.

I. D'abord la vérité du Paradis est appuyée


sur nos livres saints.
L'auteur du livre de l'Ecclésiaste s'exprime
ainsi à ce sujet : « l'homme ne doit pas
toujours habiter la terre; il ira dans la
maison de son éternité: Ibit komo in domiim
œternitatis suœ (Eccl., xii, 5.) , et pendant
que le corps pourrira dans le sein de la
terre, l'âme affranchie de ses liens retournera
à Dieu d'où elle est sortie. » Oui, telle sera sa
destinée, si sa vie la rend digne de rentrer
dans le sein de Dieu, d'où elle est venue.
Le saint homme Job exprime encore plus
clairement le dogme que nous défendons, et
il montre que l'immortalité glorieuse n'est
pas seulement réservée à l'urne; mais que le
corps participera à son bonheur, comme il
a eu part à ses souffrances et à ses travaux.
40 —
«Je sais, dit-il, que mon Rédempteur est
vivant, et que je sortirai au dernier jour de
la terre où mon corps aura reposé. Je sais
qu'alors je serai de nouveau revêtu de ma
peau, et que je verrai mon Dieu dans ma
propre chair. Je le verrai moi-même et non
un autre; je le contemplerai de mes propres
yeux; c'est là l'espérance que j'ai et qui re
posera toujours dans mon sein : Reposita
est hœc spcs in sinn meo (Job, xix, 27).
Pourquoi dans l'Ancien Testament, la mort
est-elle partout désignée sous le nom de som
meil, et la vie représentée comme un voyage?
N'est-il pas visible qu'une telle façon de par
ler, n'a d'autre fondement que la foi des
biens invisibles. Si la mort est un sommeil ,
nous nous éveillerons donc un jour; si nous
sommes comme des voyageurs ici-bas, il y a
donc plus haut une patrie céleste à laquelle
nous devons aspirer.
Dans la loi nouvelle, dans la loi de grâce
dont l'ancienne n'était qu'une faible figure,
Il n'y a pas un mot qui n'ait pour but
de délacher l'homme de la terre et de porter
ses pensées et ses affections vers le ciel. Le
— 4i —
divin Maître a commencé ses sublimes et cé
lestes prédications , par ces belles paroles :
« Faites pénitence; car le royaume des cieux
est proche : Appropinquavit enim regnum
cœlorum (Mat., iv, 17); » comme s'il disait :
Jusqu'ici cet ineffable royaume n'a pas été
montré a découvert ; l'ancienne loi n'y con
duisant pas directement et par elle-même,
cette grande vérité y était en quelque
sorte cachée à travers les ombres ; mais
aujourd'hui que celui qui a créé le ciel a
paru dans le monde, maintenant on décou
vre ce beau ciel par la foi comme si on le
voyait des yeux du corps; maintenant la
route qui y conduit est tracée, celui qui se
renoncera lui-même et se fera violence l'ob
tiendra infailliblement : Violenti rapiunt
iltud (Mat. , xi, 25). Jésus-Christ ajoute :
Que celui qui a des oreilles pour entendre,
écoute mes paroles: Qui habet aurcs audiendi,
audiat : paroles mystérieuses et profondes
par lesquelles ce divin Sauveur s'efforce d'en-
ilammer nos désirs, et de nous porter à faire
tous nos efforts pour acquérir les biens im
menses de l'éternité. Ensuite exposant la
— 41 —
nature des joies célestes, il nous dit que les
justes brilleront comme le soleil dans le
royaume de Dieu qui sera leur père, et que
leur royauté, ainsi que la sienne, «'aura
pas de fin : Turic justi fulgebunt sicut sol in
regno putris eoriim (Mat., xm, 43). Les justes
brilleront comme des soleils dans le firma
ment celeste, quelle gloire! Ils seront vrai
ment les enfants de Dieu, quel bonheur! Cette
gloire et ces délices ne finiront point, quelle
durée!
L'Évangile nous apprend donc clairement
qu'il y a un paradis. Et, en effet, s'il n'y
avait pas un lieu de délices pour récompen
ser vos élus après la mort, pourquoi donc,
aimable Sauveur, pourquoi seriez-vous des
cendu sur la terre? Pourquoi y auriez-vous
vécu dans la pauvreté et dans la souffrance?
Pourquoi auriez-vous rendu le dernier sou
pir entre deux scélérats sur un infâme gibet
comme le plus méchant de tous les hommes?
N'est-il pas évident que vous n'avez payé si
cher notre rançon que pour nous procurer
un bonheur infini et éternel ?
IL Cette grande vérité est attestée par la
tradition et la foi de tous les peuples de l'u
nivers anciens et modernes. Ouvrez les anna
les des divers peuples qui ont couvert la face
de la terre, et vous serez convaincus qu'il
n'est point de vérité plus universellement
reconnue. Dans la vraie religion, dans cette
religion enseignée par un Dieu en personne,
par un Dieu descendu du ciel par un effet de
son amour infini, dans la vraie religion rien
de plus clair que le dogme d'une autre vie
réservée aux justes après la mort. Toutes les
liturgies de l'Église, toutes ses prières en
font mention ; cette vérité est exprimée dans
tous les symboles, enseignée dans tous les
catéchismes, annoncée par tous les pasteurs
des âmes, soutenue par tous les théologiens.
Elle a été confirmée par le sang de plusieurs
millions de martyrs, et elle l'est encore tous
les jours par les sacrifices généreux de tant
de personnes , qui renoncent à tout pour
suivre Jésus - Christ pauvre et souffrant ,
qui traversent les mers au milieu de tous
les dangers pour le faire connaître, et ra
vir ainsi eux-mêmes le royaume des cieux,
qui font jivec courage une guerre conti
nuelle au démon , au monde corrompu et
à leur propre chair , afin que vivant dans
la justice et clans la sainteté , ils puissent
se rendre dignes du royaume céleste et des
magnifiques promesses qui leur ont été faites.
Qu'un tel témoignage est fort! Quelle preuve
plus efficace de la plus entière conviction?
Et qui pourrait douter sur la parole d'un
Dieu?
Mais ce ne sont pas seulement les peuples
chrétiens qui ont cru l'existence des récom
penses éternelles de la vertu , toutes les na
tions infidèles, quelque ridicules qu'aient été
leurs dogmes, quelque corrompue qu'ait été
leur morale, toutes les nations infidèles ont
cru, ont toujours cru, qu'après cette vie, il
y aurait des récompenses pour les gens de
bien , comme il y aurait des supplices affreux
pour les méchants. La connaissance d'un
seul Dieu a pu s'effacer sur la terre ; mais le
sentiment de l'immortalité de l'âme n'a pu
s'effacer du cœur des hommes. Ils se sont
tous accordés à admettre une région que nos
ames habitaient après la mort, et où elles
étaient heureuses ou malheureuses selon
- 45 —
qu'elles avaient pratiqué le bien ou le mal
pendant le temps qu'elles avaient passé sur
la terre. Pourquoi ce soin si extraordinaire
pour sa sépulture et pour celle de ses pa
rents et amis? Pourquoi ces offrandes faites
en leur honneur et pour leur soulagement?
Pourquoi ces couteaux, ces provisions de
bouche mises en terre avec eux ? Pourquoi
ces magnifiques mausolés élevés à leur mé
moire? Pourquoi ce désir si ardent de vivre
après sa mort dans le souvenir de la posté-
rité soit par des victoires, soit par des ou
vrages d'esprit, soit en écrivant son nom
sur des murs ou sur des arbres, si on n'a
pas d'autre moyen de l'immortaliser? Pour
quoi tout cela, je le demande, si tout périt
avec l'homme? Tous ces usages, et autres
semblables ont ils et peuvent-ils avoir un
autre fondement que la persuasion d'une
autre vie ? Voit-on rien de semblable parmi
les animaux? D'où peut venir cette diffé
rence, si ce n'est que les animaux destinés à
être anéantis après leur mort, ne s'occupent
que de la vie présente, taudis que l'homme
réservé pour l'éternité, porte, comme mal
3*
— 46 -
gré lui, ses pensées et ses affections au-delà
du temps et des lieux ?
III. Une multitude de raisons solides con
firment une vérité déjà si évidente par
l'autorité de l'écriture et la tradition de
tous les peuples. Elle est une suite néces
saire de l'existence de Dieu. Peut-on croire
à un Être juste et bienfaisant sans croire
qu'il récompensera l'homme vertueux ? Sur
la terre on voit souvent le vice prospérer,
tandis que l'homme vertueux est dans l'op
pression ; il faut qu'il y ait un autre monde,
où les inégalités cruelles de celui-ci soient
réparées, où l'homme juste soit remis à sa
place, et où les oppressions cessent. Oui, si
les hommes pervers sont heureux sur la
terre, s'ils abondent de biens et de jouis
sances, si l'homme vertueux et opprimé im
plore vainement le secours du ciel, je ne
crains pas de dire que le ciel n'a pas de Dieu.
Cependant on ne saurait disconvenir de
l'existence d'un Dieu infiniment sage; ja
mais vérité ne fut si incontestablement dé
montrée; il est donc nécessaire de recon
naître qu'il existe une autre vie, un autre
monde 'où ce Dieu infiniment juste rendra
à chacun selon ses œuvres. C'est ce que
nous enseigne le Sage dans les paroles sui
vantes : t J'ai vu sous le soleil l'impiété dans
le lieu du jugement,» et l'iniquité dans le lieu
de la justice. Alors j'ai dit dans mon cœur:
Un jour viendra que Dieu jugera le juste et
l'injuste, et le temps viendra où toutes
choses rentreront dans l'ordre {Ecct. III, 16).
Le temps dont parle ici Salomon est la vie
qui doit suivre celle-ci, qui sera heureuse
pour les bons, et malheureuse pour les mé
chants. L'âme survit donc à la dissolution
du corps auquel elle est unie.
Un écrivain, d'ailleurs irréligieux, pré
sente cette vérité d'une manière intéres
sante dans les paroles suivantes: «Quand je
n'aurais d'autre preuve de l'immortalité de
l'âme que le triomphe du méchant et l'oppres
sion du jusie, cela seul m'empêcherait d'en
douter. Une si choquante dissonnance dans
l'harmonie universelle, me fera chercher à
la résoudre. Je me dirai : tout ne périt pas
pour nous avec la vie; tout rentre dans
l'ordre à la mort. » Marmontel a dit aussi :
- 48 -
« Laissez venir le moment où celui qui d'un
souffle a produit mon âme, l'enveloppera
dans son sein, et nous verrons si les méchants
y viendront troubler mon repos, j II a raison
de s'exprimer ainsi. Dans le ciel, dans le sein
de Dieu, il n'y a plus d'injustices, plus de
persécuteurs, plus de troubles ; mais un
bonheur sans fin proportionné aux bonnes
œuvres que l'on aura faites pendant la vie.
Un grand poêle exprime ainsi la même
vérité:

Sur la terre, il est vrai, je vois dans le malheur


La vertu gémissante et le vice en honneur ;
Mais j'élève mes yeux vers le maître suprême,
Et je le reconnais dans ce désordre même.
S'il le permet il doit le réparer un jour.
Oui , pour un autre temps, l'Être juste et sévère
Ainsi que sa bonté réserve sa colère.

Il est donc clair que ces choses , un


Dieu, un paradis ou un enfer, sont des vé
rités intimement liées. Point de Dieu sans
justice ; point de justice sans peines pour le
crime et sans récompenses pour la vertu ;
point de peines pour le crime, ni de récom-
penses pour la vertu sans un paradis ou
un enfer ; il existe donc un paradis et un
enfer.
IV. Une preuve bien évidente de l'exis
tence du paradis , ce sont ces désirs im
menses du bonheur que rien n'est capable
de satisfaire en ce monde. Quelques con
naissances que je puisse acquérir, je souhaite
toujours avec ardeur aller plus loin. Quand
je posséderais la terre entière sans partage
et sans contradiction, je sens que je suis ca
pable de posséder une félicité plus parfaite.
Il me faut un bien infini; Dieu tout entier
est le souverain besoin de mon cœur. Otez
le moindre degré de perfection à l'objet qui
doit me rendre heureux, ce n'est plus là ma
fin dernière, comme ce n'est plus là mon
Dieu. C'est parceque rien ici-bas n'ap
proche de ce bien suprême, que tous ces
biens particuliers que nous poursuivons avec
tant d'ardeur, laissent toujours en nous un
vide immense. Donnez à l'ambitieux tous
les honneurs qu'il désire, à l'avare tous les
trésors après lesquels il soupire ; l'un tt
l'autre seront toujours plus affamés de gran
i
- 50 —
deurs et de richesses. Le conquérant dési
rera un autre univers à conquérir comme
Alexandre , l'avare cherchera toujours à
ajouter possession sur possession et ne dira
jamais; c'est assez. Voyez s'il en est de même
des animaux destinés à des jouissances pas
sagères. Ecoutez l'oiseau sur les arbres et
dans les airs, et il vous dira par son doux
ramage que rien n'est plus heureux que lui.
Voyez le lion qui a dévoré sa proie, ses dé
sirs ne sont-ils pas satisfaits? L'homme seul
créé pour un bien infini, ne peut trouver
de parfait contentement qu'en Dieu seul;
cette soif de la félicité sera rassasiée. Dieu
qui met tant d'ordre dans les corps, n'en met
pas moins dans les esprits ; c'est en tout la
même sagesse et la même bonté. Il ne se
joue pas d'une faible créature en la flattant
par le désir invincible d'un bonheur qu'il ne
lui prépare point.
De tout bien qui périt mon âme est mécontente,
Grand Dieu, c'est donc à toi à remplir mon attente.
Si je dois me borner aux plaisirs d'un instant,
Fallait-il pour si peu me tirer du néant?
Et si j'attends en vain une gtoire immortelle,
— 51 -
Fallait-il me donner un cor ur qui n'aimât qu'elle t
Que dis- je î libre en tout je fais ce que je veux,
Mais dépend-il de moi de vouloir être heureux t
Four le vouloir, je sens que je ne suis plus libre :
C'est alors qn'en mon cœur il n'est plus d'équilibre,
Et qu'aspirant toujours à la félicité
Dam mon ambition je suis nécessité.
Quoil l'homme n'est-il pas 1'ouvrage d'un bon ruait re?
Puisqu'il veut être heureux, il est donc fait pour l'être.

Jugeons par tout ce que nous venons de


dire combien sont malheureux, combien sont
à plaindre ceux qui, oubliant les biens éter
nels pour lesquels ils ont été créés, cherchent
le repos et le bonheur dans cette vallée de
larmes et de misères.
V. La morale lout entière repose sur ce
dogme. Si on admet une fois qu'il n'y a point
d'autre vie, pourquoi ne pas s'abandonner
aux excès d'une aveugle concupiscence!
Pourquoi ne pas se plonger dans toutes les
voluptés? Pourquoi respecter la vie et les
propriétés d'autrui lorsque j'y trouve mon
intérêt? Une malheureuse expérience n'a
que trop prouvé que telles ont été les suites de
l'erreur que nous combattons !« Si depuis la
naissance du Christianisme, dit un grand
Archevêque, si depuis la naissance du Chris
tianisme, les mœurs publiques n'ont jamais
été si corrompues ; s'il n'y a jamais eu
tant de perfidies dans les sociétés, tant d'au
dace et de noirceur dans les intrigues de
l'ambition, tant de prodigalités dans le luxe,
tant d'infidélités dans les mariages , tant
l'impudence et de raffinement dans la vo
lupté ; si des forfaits autrefois inouis sont
devenus communs parmi nous ; si nous en
tendons dire que des hommes faibles et
atroces ont terminé de leurs propres mains
une vie que leur lâcheté ne pouvait plus
supporter, n'en doutez pas, c'est dans les
degrés de l'irréligion qu'il faut chercher la
cause de tous ces malheurs.
VI. L'anéantissement d'un être, dit Ber
nardin de saint Pierre, est pour nous incon
cevable. Nous n'en avons aucun exemple
dans la nature. Pourquoi craindrions-nous
pour nos âmes, qui sont infiniment plus
nobles|que les corps , l'anéantissement que
nous ne craignons pas pour aucun corps.
Tout change sur la terre, et rien ne s'y perdl'
Aucun art humain ne pourrait anéantir la
plus petite particule de matière. Ce qui fut
raisonnable, sensible, vertueux, pourrait-il
périr, lorsque les éléments dont il était re
vêtu sont indestructibles ?
VU, Rien de plus ôpposé aux sentiments
de la nature que la croyance de notre en
tière destruction. La seule pensée a toujours
excité l'indignation, chacun en particulier
désire naturellement ne point finir. 11 a le
sentiment de son immortalité gravé au fond
de son âme ; et il ne lui est pas maître de
s'en affranchir. C'est dans ce dogme univer
sel de l'immortalité que les grands hommes
ont puisé l'héroïsme et les vertus : elle sou
tient le malheureux dans l'infortune, et
le juste dans ses combats ; cette radieuse vé
rité , transmise de siècle en siècle, des pre
miers hommes jusqu'à nous, et que les gé
nérations à venir se transmettront jusqu'à
la fin des temps , est consignée dans toutes
les annales du monde , dans les monuments
de toutes les nations, et gravée sur tous les
temps. Notre âme est donc immortelle, elle
est destinée à un bonheur sans fin si elle s'en
54 —
rend digne pendant qu'elle est sur la terre
par une vie pure, sainte, remplie de bonnes
œuvres. Encore une fois, quelle pensée plus
capable d'encourager la vertu , de consoler
le malheur, de fortifier le eourage? Quel
homme bien persuadé de l'éternité de gloire
qui l'attend, ne préférera mille fois la mort
que de rien faire qui puisse lui faire perdre
une si belle couronne ! G est l'exemple que
nous ont laissé les Martyrs et des millions
de Saints qui ont tout sacrifié à l'espérance
du Paradis. Nous pouvons donc dire du Para
dis ce qu'un auteur célèbre dit de l'existence
de Dieu, savoir, que s'il n'existait pas il fau
drait l'inventer, « Si j'avais le malheur de
douter de l'immortalité de mon âme, dit un
écrivain (Thomas), je chercherais bien plu
tôt à me faire illusion. Je me garderais bien
d'ôter cette consolation au faible, ce frein à
l'homme puissant, cette ressource aux mal
heureux; plus l'homme aura une grande
idée de son être , plus il sera disposé à në
rien faire d'indigne de lui-même. » Quand
l'immortalité de l'âme ne serait qu'un nom,
dit Montesquieu, je serais fâché de ne la pas
— 55 —
croire. Je ne suis pas si humble que les
athées ; je ne sais pas comment ils pensent ;
mais je ne veux pas troquer l'idée de mon
immortalité contre le bonheur d'un jour.
VIII. Que l'impie ne dise donc plus : Il n'y
a point d'autre vie; il n'y a point de Paradis,
puisque la raison seule démontre le con
traire d'une manière si évidente ; puisque la
raison seule nous apprend que c'est anéantir
la justice de Dieu et Dieu lui-même, que
c'est aller contre le sentiment intime de tous
les hommes, que c'est agir contre le bien de
la société et de chaque homme en particulier
que de révoquer en doute l'existence du Pa
radis. Qu'il ne dise plus que personne n'est
revenu de l'autre monde pour donner des
nouvelles de ce qui s'y passe, puisque nous
lui avons démontré que celui même qui a
fait le monde, que le Fils même de l'Eter
nel a daigné en quelque sorte descendre de
son trône pour nous apprendre en quoi con
siste le Paradis, quel est son prix, quel che
min nous devons prendre si nous voulons y
parvenir. Pourraient-ils douter de la divinité
de Jésus-Christ? N'a-t-il pas opéré mille mi
— 36 —
racles publiquement pour prouver sa mission?
Jean Baptiste envoie vers lui deux de ces
disciples qu'il voulait instruire et convaincre
par eux-mêmes , pour lui demander en son
nom : t Êtes-vous celui qui doit venir, ou de
vons-nous en attendre un autre ? » — « Allez
dire à Jean, leur répondit Jésus, ce que vous
avez entendu et ce que vous avez vu : les
aveugles voient..., les morts ressuscitent...
(Mat. xi, 5). » Est-il une preuve plus con
vainquante et plus touchante en même
temps de la mission de ce divin Sauveur?
Les Juifs, les païens de tous les siècles n'ont
pu révoquer en doute les miracles de Jésus-
Christ tant ils sont évidents, comment les
incrédules de nos jours pourraient-ils refu
ser d'y ajouter foi? mais enfin , disent-ils
encore, je voudrais voir quelqu'un ressusci
ter et apprendre de lui-même ce qu'il aurait
vu et entendu dans l'autre monde. Nous
n'avons qu'une réponse très courte à faire à
cette demande; c'est celle qu'Abraham donne
à un réprouvé dans la parabole du mauvais
riche. Celui-ci du fond des Jenfers priait
Abraham d'envoyer le pauvre Lazare dans la
— 57 —
maison de son père avertir ses frères de ne
pas suivre ses mauvais exemples , de peur
qu'ils ne vinssent eux-mêmes dans le lieu où
il était tourmenté. Abraham lui repartit :11s
ont Moïse et les prophètes: qu'ils les écou
tent. Non, répondit le mauvais riche , non,
père Abraham ; mais si quelqu'un d'entre
les morts allait les avertir du danger auquel
ils s'exposent , ils feraient pénitence. Abra
ham lui répondit : S'ils n'écoutent ni Moïse,
ni les prophètes, ils ne croiront pas non plus,
quand quelqu'un des morts ressusciterait :
Neque si quis ex moriais resurrexerit, credent
(Lie, iG, 31). C'est ce que nous disons aux
incrédules qui demandent des morts ressus-
cités pour croire : oui , si vous refusez de
croire Jésus-Christ et d'ajouter foi à sa doc
trine céleste, après les preuves multipliées
qu'il vous a données de sa mission divine,
oui, je soutiens que tons les morts ressusci
teraient que vous ne croiriez pas, ou du
moins que vous feriez sembhnt de ne pas
croire, afin de pouvoir donner un plus libre
cours à vos penchants corrompus, et tâcher
de vous faire illusion à vous-mêmes. Mais
mes frères et mes amis dont le salut 'm'est
infiniment cher, considérez ici sérieusement
que vous ne gagnerez rien par les sophismes
et les fausses raisons par lesquelles vous tâ
chez de vous étourdir? Que vous croyiez ou
que vous ne croyiez pas la vérité des ré
compenses et des peines éternelles, elles n'en
sont pas moins réelles, et si vous ne voulez
point des récompenses de Dieu, vous senti
rez éternellement le poids de ses vengeances.
C'est en vain, dit Pascal, que les impies dé
tournent leurs pensées de cette éternité qui
les attend., comme s'ils la pouvaient anéantir
n'y pensant point. Elle subsiste malgré eux,
elle s'avance, et la mort qui la doit ouvrir,
les mettra dans peu de temps dans l'horrible
nécessité d'être éternellement malheureux.
Prévenez, mes frères bien-aimés, prévenez
un si grand malheur; renoncez à des passions
qui avilissent votre nature, et vous ravalent
au-dessous de la bête. Rangez-vous sous les
étendards glorieux de la vertu, pratiquez la
justice, soyez zélés pour la gloire de votre
Dieu, accomplissez ses saintes volontés, faites
du bien pour l'amour de lui à vos semblables;
soyez humbles, patients dans l'adversité, et
bientôt vous ne douterez plus de l'existence
d'une autre vie ; car, comme l'a fort bien
dit un auteur célèbre, personne ne nie l'exis
tence d'une autre vie, que celui qui est per
suadé que s'il y en a une elle ne sera pas
pour lui. Tenez votre âme en état de désirer
toujours qu'il y ait un Dieu, qu'il y ait un
Paradis, et vous n'en douterez jamais.
Quant à vous qui croyez fermement à l'im
mortalité de votre âme, à une vie éternelle
ment heureuse pour les justes,souvenez- vous
que tout n'est pas fini, qu'il faut travailler à
la mériter par de saintes œuvres, qu'il faut
faire des efforts proportionnés à la grandeur
des biens qui vous sont promis, et par con
séquent qu'il ne faut craindre aucun sacri
fice pour vous procurer ce bonheur après
votre mort. Il n'y a point de conséquence
plus sensible que celle-là ; cependant com
bien de grands esprits , après avoir reconnu
et prouvé invinciblement cette vérité, ont
négligé cette conséquence et perdu le Para
dis. Afin que ce malheur ne vous arrive pas,
de grâce, que votre conduite réponde à votre
— 60 -
croyance, afin qu'après avoir honoré Dieu
par votre foi et par vos œuvres, vous puis-
siea avoir part aux délices éternelles qu'il
a promises à votre fidélité.
CHAPITRE III.

qu'est-ce que le paradis?


I

I.Le mot Paradis, dans son étymologie, dé-


digne un jardin, un lieu planté d'arbres agréa
bles à la vue et produisant des fruits d'un
goût exquis. Ce terme est toujours employé
dans l'Écriture pour signifier un séjour
charmant et délicieux.
Le premier lieu que les livres saints nom
ment paradis, c'est le jardin de délices où
Dieu mit le premier homme. «Le Seigneur-
Dieu, dit Moïse, avait planté un paradis dé
licieux, rempli de toutes sortes d'arbres,
beaux à la vue, et dont les fruits étaient
agréables au goût, et il y plaça l'homme
qu'il venait de former (Gen., h, 8.] ; une
4
- Cî -
source féconde sortait de ce lieu enchanteur
qui en arrosait toutes les plantes, et cette
source se partageait en quatre fleuves dont
l'un surtout coulait paisiblement sur un
sable d'or et de pierres précieuses. «Voilà la
première demeure destinée à l'homme, et où
il serait encore sans la désobéissance de nos
premiers parents. Là,exempls de maladies,de
travaux pénibles, de chagrins, de vieillesse '
et même de la mort, unis à Dieu par une
contemplation aisée et ravissante, nous au
rions coulé nos jours dans un printemps
continuel, et enfin, au moment fixé par
notre Créateur , enlevés au ciel en corps et
en âme par une venu secrète de la Divini
té, nous aurions été jouir dans le sein de
Dieu d'un bonheur infini et éternel. Ainsi
donc Dieu ayant nommé paradis terrestre,
le Jardin de délices où Adam fut placé après
sa création , il éiait naturel de donner par
extension le même nom, au séjour des Bien
heureux dont il n'était que la figure.
II. Le Paradis est souvent désigné dans
l'Écriture sous le nom de Ciel. Ce mot Ciel
dérive d'un mot grec qui signifie creux,
- 63 —
concave , parceque le ciel visible parait aux
yeux comme une grande voûte , comme une
immense concavité.
Le Paradis et le ciel signifient la même
chose dans l'acception commune, cependant
il y a une différence entre ces deux termes.
Le ciel est proprement le séjour de la gloire,
et le Paradis celui de la béatitude. Dans le
premier sens on dit le royaume des cieux, et
dans le second le bonheur du Paradis.
Les interprètes fondés sur saint Paul(coB.,
xii, 2) distinguentordinairement trois cieux,
celui des planètes , celui des astres propre
ment dits, et enfin le ciel empyrée où Dieu
réside, et où résident avec lui pour l'éter
nité les Anges et ceux des hommes qui, par
leurs vertus, se sont élevés au-dessus de la
chair et du sang, ont méprisé pour l'amour
de Dieu la terre et tout ce qu'elle renferme,
et ont dit avec un. Saint : Je suis né pour de
plus grandes choses : Ad majora natusstm-
Ce beau lieu est appelé empyrée ou lieu
embrasé , pareequ'ôn y jouit d'une lumière
pure et de la splendeur de la divinité qui
est si éclatante et si admirable, que quand
- 61 -
le soleil et les étoiles du firmament seraient
cent mille fois plus brillantes qu'elles ne
sont, leur lumière serait obscurcie par cette
ineffable splendeur.
III. Le Paradis est un royaume, c'est un
royaume puissant , admirable, éternel , cé
leste : Regnum cœlorum. Le Roi qui y fait sa
demeure est autant au-dessus des rois du
monde que le ciel est élevé au-dessus de
la terre et infiniment davantage ; il a pour
manteau royal son immortalité, pour trône
l'immutabilité, pour couronnesa gloire, pour
sceptre sa toute-puissance. Ce Roi des rois
est très-haut , très-grand , très-bon , très-
constant, très-fort, incompréhensible, im
muable, toujours ancienet toujours nouveau,
toujours agissant et toujours paisible, don
nant toujours et ne demandant jamais rien,
n'ignorant rien , voulant , faisant et ordon
nant tout. Le nombre des courtisans qui en
vironnent son trône est comme infini, des
milliers d'Anges et de Saints font sans cesse
retentir les voûtes célestes de ces divines
louanges. « Je contemplais l'Éternel, dit le
prophète Daniel, au milieu de la gloire ; je
— 65 -
le vis s'asseoir sur son trône avec majesté ;
son vêtement était blanc comme la neige,
et ses cheveux étaient comme la laine la
plus blanche et la plus pure. Son trône était
des flammes ardentes, et les roues du trône
un feu brûlant. Un fleuve de feu très-rapide
sortait de devant sa face. Mille millions le
servaient, et dix mille centaines de millions
assistaient devant lui : Milita tnillium minis-
Irabant ei et decies milites centena milita as-
sistebant ei (Dan., vu, 10). La beauté de ce
royaume est ineffable. Saint Jean le vit sous
la forme d'une ville magnifique qui était
percée de douze portes merveilleuses ; ses
fondements étaient de pierres précieuses, ses
murailles de jaspe , ses murs et ses places
pavés de l'or le plus fin , et enrichi d'éme-
raudes. Cette admirable cité n'avait besoin
ni du soleil ni de la lune pour l'éclairer,
parceque la clarté même de Dieu y formait
une lumière ineffable, et que l'Agneau de
Dieu était comme nne lampe divine, qui ré
pandait dans ce beau séjour une clarlé inef
fable : Claritas Dei illuminavit eum, c1 lucerna
ejus esi agnus (Apoc, xxi, 23). Les portes de
A*
— 66 —
cette cité ne se fermaient jamais, parcequ'on
y jouit d'un jour continuel, et qu'on n'a rien
à craindre des excursions des malfaiteurs
qui n'en sauraient approcher. Saint Jean vit
entrer dans cette ville admirable l'honneur
des nations, c'est-à-dire, les élus de tous les
pays du monde, ces hommes dont la terre
n'était pas digne, qui se sont élevés par leurs
vertus au-dessus de la chair et du sang, qui
ont triomphé du démon, du monde et des
passions de la chair , ces généreux martyrs,
ces Apôtres zélés, ces vierges sans tâche, et
une immense multitude d'autres Saints venus
de toutes les parties du monde. Rien de
souillé ne pouvait enti er dans ce fortuné sé
jour : Non intrabit in eam aliquod coinquina-
fMm(Apoc.,xxir,27). A la porte on entendait
ces paroles terribles. Qu'on laisse dehors les
chiens, les empoisonneurs, les impudiques,
les homicides, les idolâtres et tous ceux qui
font et aiment le mensonge : Foris canes, et
venefici , et impudici , et homicidœ , et idolis
servientes , et omnis qui amat et facit rnenda-
cium (Apoc, xxn, 27 ). Ceux-là seuls qui
avaient lavé leurs éloles, c'est-à-dire, leurs
- 67 —
âmes dans le sang de l'Agneau avaient droit
à l'arbre de vie, et pouvaient entrer dans la
ville (Ib.); ils régneront avec Dieu dans les
siècles des siècles : Rcgnabunt in secula secu-
lorum (Ib.;. O quel royaume! Quel Roi!
Quelle noblesseJ Quels vassaux ! Quels sujets!
Qui a jamais vu un roi qui ait voulu que
tous ses sujets régnassent avec lui, et fussent
rois comme lui? C'est cependant ce que fait
Dieu par rapport à ses élus ; ils sont rois et
jouissent comme enfants du Dieu des rois et
comme ses héritiers de toute liberté, de tout
honneur, de toute puissance, de toutes sor
tes de biens et de contentements. Bienheu
reux donc, mille fois heureux ceux qui
mangent du pain dans le royaume des cieux:
Beatus qui manducabit panent in regno Dci
(Luc, xiv, ii ).
IV. «Le Paradis est un lieu où l'on contem
ple la face de Dieu : Videbunt faciem ejtts
(Apoc, xxn, i). C'est un lieu où on le voit
et où on est vu de lui d'une manière inef
fable. L'Apôtre ne sachant comment expli
quer ce regard réciproque de Dieu et de
l'âme, dit que maintenant nous ne voyons
Dieu que comme on se voit dans un miroir
et de loin ; mais qu'au jour où nous serons
favorisés de la gloire céleste , nous le ver
rons face à face: Videmusnunc per speculum
in œnigmale ; tune autem facie ad faciem
(Cor., xiu, 12J. O merveilleuses expressions!
Quoi! dans le ciel, si je m'en rends digne, je
verrai l'Être des êtres, la beauté infinie, et il
me verra , il me regardera sans cesse et je
contemplerai toujours sa divine face? Si un
seul regard d'un roi est si précieux pour
ses courtisans , que penser des regards de
Dieu, de ce regard dont il nous honorera?
Un tel regard serait une récompense trop
grande pour une éternité de services.
Mais voici quelque chose de plus grand
encore. Non seulement nous verrons Dieu et
il nous verra ; mais nous le connaîtrons
comme il nous connaît : Cognoscam sicut et
cognitus *«m(Ib.). Qui pourrait rendre par
des paroles ce qui est renfermé dans ces
courtes expressions'' Voir Dieu et le connaî
tre tel qu'il est : Sicuti est (Joan., ni, 4). Le
connaître comme on en est connu, c'est-à-
dire, connaître non d'une manière générale,
- 69 -
ce qui serait déjà un excessif honneur, un
bonheur inconcevable,mais connaître à fond,
en détail , les secrets éternels renfermés en
Dieu ; mais contempler attentivement l'es
sence divine et tontes ses perfections, con
templer l'infinité de sa nature, l'immensité
de sa grandeur, l'éternité de sa durée, l'émi-
nence de sa majesté, la fermeté de son trône,
les lumières de sa sagesse, les abîmes de ses
jugements, la douceur de sa bonté, les ten
dresses de sa miséricorde, la rigueur de sa
justice, la grandeur de sa puissance, les
charmes de sa beauté et le brillant de sa
gloire; connaître le mystère profond dela
sainte Trinité, l'unité de son essence, la dis
tinction des personnes, comprendre com
ment par amour ce grand Dieu a daigné se
communiquer au dehors par sonVerbe et pour
son Verbe; voir tout cela à découvert dans les
splendeurs d'une très-claire lumière , avec
toute l'assurance et l'évidence qu'une chose
peut être connue, quelle gloire! quel bon
heur ! quelle sublime et délicieuse occupa
tion !
Expliquons une autre parole mystérieuse
70 -
de saint Jean : Lorsque le Seigneur, dit-il,
paraîtra dans sa gloire, nous le verrons tel
qu'il est , et en le voyant ainsi , nous lui de
viendrons semblables. Cùm appartient similes
et erimus , quoniam videbimus eum sicuti est
(Joan. m , 4) . Alors il réfléchira sur nous la
lumière de son visage , et nous serons trans
formés et consommés en lui. En admirant sa
beauté nous deviendrons beaux comme lui ;
étant inséparablement unisà la lumière, nous
deviendrons lumière ; en contemplant son
éternité, nous deviendrons éternels. Quelle
gloire incompréhensible !
Si donc nous sommes fidèles à Dieu, et si
nous observons ses divins commandements
pendant les courts moments de notre triste
pèlerinage sur la terre, nous le verrons
dans une gloire et une majesté inexprima
bles. Cette gloire en laquelle nous verrons
Dieu surpassera infiniment toutes les choses
de ce monde où nous voyons plus d'éclat et
de beauté; elle surpassera ce qu'il a de plus
achevé et de plus beau dans l'or, dans l'ar
gent, dans les plus charmants paysages, dans
les étoiles, dans les Anges mêmes ; parceque
— 71 -
tout cela n'est qu'une faible image de la
beauté et de la perfection de celui qui est le
principe et la source de toutes les beautés et
de toutes les perfections. Rassasiés de tant
de charmes, les bienheureux s'attacheront à
l'objet de leur félicité, ils le verront sans Gn,
ils le connaîtront sans obscurité, ils l'aime
ront sans dégoût, ils le loueront sans ennui.
0 quel bonheur !
V. Dans le Paradis nous verrons Jésus-
Christ, ce Verbe divin en qui sont renfermés
tous les trésors de la sagesse et de la science
de Dieu , cet Homme-Dieu , ce Dieu Sauveur
à qui nous sommes redevables de notre salut
éternel , ce plus beau des enfants des hom
mes, ce Uoi des rois, ce Saint des Saints, dont
la beauté charme les Anges, les ravit et les
transporte d'admiration. Nous envions le
bonheur de ceux qui l'ont vu dans les jours
de sa vie mortelle , que sera-ce de le voir
glorieux et triomphant dans le ciel environné
de tous ses élus? Voyez ce qui se passe sur
leThabor. Ce divin Seuveur voulant rassurer
le cœur de ses disciples, et les encourager à
tout souffrir pour son amour, les mène sur
— 72 -
une montagne élevée. Là , il se transfigure
devant eux, il laisse échapper au dehors
quelques rayons de sa gloire, son visage
devient brillant comme le soleil,ses vêtements
blancs comme la neige. Saisis de ce spectacle,
les Apôtres ne savent presque plus ce qu'ils
disent, ni ce qu'ils font , et quoique sur une
montagne escarpée, saint Pierre prie son
divin maître de fixer sa demeure en un lieu
devenu si charmant par ce doux spectacle.
Si un seul rayon de cette divine lumière
cause des effets si surprenants , que sera-ce
donc quand le soleil de justice paraîtra dans
tout son éclat aux yeux de tous les élus ?
Nous envions le bonheur de Zachée qui non
seulement le vit , mais le reçut dans sa mai
son , cependant il ne le vit qu'en passant et
revêtu de nos faiblesses; tandis que^lans le
Ciel , nous le verrons dans sa gloire et sans
crainte de le perdre jamais. Voyez le pa
triarche Abraham; il ne connut cet aimable
Sauveur que par la foi, et il ne le vit que de
loin, et cependant il brûlait d'amour pour lui:
Vidit et gavisus est (Joan. via , 50). Voyez le
saint homme Job ; l'espérance ferme qu'il a
- 73 -
de voir un jour ce divin Réparateur du genre
humain le comble de tant de joie qu'il ne sait
comment l'exprimer. Qui ne serait touché des
paroles dont il se sert pour manifester le
bonheur qu'il attend? « Je sais, dit-il, que
mon Rédempteur est vivant et que je ressus
citerai un jour, que je serai encore revêtu
de cette peau , que je verrai mon Dieu dans
ma chair, que je le verrai, dis-je, moi-même
et non un autre, et que je le contemplerai
de mes propres yeux. Je conserverai toujours
dans mon cœur cette douce espérance. (Job,
xix, 36). Qui connaîtrait Jésus-Christ sans
soupirer après sa présence comme ce patriar
che, sans se réjouir dans la pensée qu'il aura
un jour ce bonheur! La reine de Saba était
venue des extrémités de la terre pour voir
Salomon, et entendre les oracles de la divine
sagesse qui sortaient de sa bouche. Quand
elle vit par expérience, dit la sainte Écriture,
quand elle vit la sagesse que Dieu lui avait
donnée, quand elle vit la maison qu'il avait
Mtie, la manière dont sa table était servie,
les appartements de ses officiers, les diverses
classes de ceux qui le servaient, la magnifi
5
cence de leurs habits , ses échansons , et les
holocaustes qu'il offrait dans la maison du
Seigneur, elle était hors d'elle-même : JSori
habebat ultràspirUum{5 Reg.,x,5). Et elle dit
au roi : « Ce qu'os m'a dit dans mon royaume
de vos entretiens et de votre sagesse est très-
véritable. Je refusais néanmoins d'y ajouter
foi; j'ai voulu m'en assurer par moi-même;
mais depuis que j'ai tout vu de mes propres
yeux, je reconnais qu'on ne m'avait pas dit
la moitié de ce qui en est; votre sagesse
et vos actions surpassent tout ce que la
renommée m'avait appris de vous. Heu
reux ceux qui sont à vous ! heureux vos
serviteurs qui jouissent toujours de votre
présence, et qui écoutent votre sagesse!
Béni soit le Seigneur votre Dieu qui a mis
son affection en vous, qui vous a fait asseoir
sur le trône d'Israël, parcequ'il a aimé Israël
pour jamais, et qu'il vous a établi roi, pour
régner avec équitéct pour rendre la justice. »
Voilà la figure, le ciel est la réalité. Là règne
Jésus-Christ, Roi des rois, au milieu d'une
cour magnifique ; dans le lieu de notre exil
nous entendons dire des choses ravissantes de
- 75 -
ce souverain Seigneur, de sa sagesse infinie,
du nombre de ses serviteurs, de ses richesses
immenses; mais quand nous le verrons de nos
yeux, tout hors de nous-mêmes, nous nous
écrierons avec la reine de Saba : Heureux
ceux qui sont à vous ! Heureux vos serviteurs
qui jouissent toujours de votre présence, et
qui écoutent votre sagesse! Béni soit le Sei
gneur votre Dieu qui a mis son affection eu
vous, qui vous a fait asseoir sur le trône
d'Israël, parcequ'il a aimé Israël pour ja
mais , et qu'il vous a établi Roi pour régner
avec équité et pour rendre la justice. Oh !
quand aurons-nous ce bonheur ? Quand au
rons-nous le bonheur de contempler celui qui
nous a sauvés , de le bénir et de le louer ?
Saint Ignace de Loyola avait des désirs si
ardents de contempler le Sauveur des hom
mes qu'il desséchait du chagrin de voir son
exil prolongé. En cela i! marchait sur les
traces de saint Ignace, martyr, son patron et
son modèle. Qu'elles sont touchantes les pa
roles dont il se sert pour manifester l'ardeur
de son amour! «Rien ne me touche, dit-il,
que l'espérance de posséder Jésus-Christ. Que

- 76 -
le feu me réduise en cendres , qu'une croix
me fasse périr d'une mort lente et cruelle,
je souffrirai tout avec joie pourvu que j'arrive
par là à la possession de Jésus-Christ. Tous
les royaumes de la terre, quand j'en serais le
maître , ne sauraient me rendre heureux , et
il m'est plus glorieux de mourir pour Jésus-
Christ que de régner sur tout le monde;
mon cœur soupire pour celui qui est mort
pour moi. » Quels beaux sentiments, mais
qu'ils sont justes! 0 Sauveur de mon âme,
serai-je encore long-temps sans vous voir, et
ne vous posséderai-jepas bientôt? mon cœur
se fond quand il pense aux délices et aux plai
sirs que vous lui préparez s'il vous est fidèle.
VI. Dans le Paradis nous serons dans la
plus illustre compagnie qui fut jamais; nous
tiendrons notre rang parmi les troupes an-
géliques, avec tous les Saints qui auront
vécu sur la terre pendant la durée des siècles.
Nous serons dans la compagnie de la Mère
de Dieu, reine des Anges et des Saints. Nous
la verrons vêtue du soleil, couronnée de
douze étoiles, ayant la lune sous les pieds ;
c'est-à-dire , surpassant en gloire tous les
- 77 -
bienheureux , comme elle les a surpassés
en grâce et en mérite; oh ! qui pourrait ex
primer l'excès de lumières dont elle sera en
vironnée, et de bontés dont elle sera rem
plie ?
Nous y serons avec cette multitude d'es
prits angéliquesdont le nombre surpasse les
étoiles du firmament, et dont la beauté est
infiniment au dessus de celle du soleil. Cette
beauté est telle, selon les saints docteurs,
que le dernier des Anges possède plus de
beautés que n'en renferme tout le monde
visible quand elles seraient toutes réunies en
un seul objet; elle est telleque la vue d'un
seul Ange serait capable de rendre une âme
plus heureuse que si elle goûtait tous les
plaisirs de la terre ensemble. Que sera-ce
donc de voir tous les chœurs angéliques et
leurs offices propres? Que sera-ce d'admirer
le zèle des Anges, la ferveur des Archanges,
les triomphes des Principautés, la joie des
puissances, le pouvoir des Dominations, l'é
clat des Vertus , la gloire des Trônes, la lu
mière des Chérubins, et l'ardeur des Séra
phins qui tous à l'envie chanteront les
louanges du Dieu trois fois saint.
78 —
Nous serons dans l'assemblée de tous les
Saints de tous les temps, de tous les lieux,
de toutes les conditions. Quelle admirable
compagnie! Elle fut montrée en esprit à saint
Jean qui en parle dans les termes suivants :
« Je vis ure multitude que personne n'était
capable de compter; et il y en avait de toute
nation, de toute tribu, de tout peuple et de
toute langue. Ils étaient debout devant le
trône et devant l'agneau, vêtus de robes
blanches, etdespalmesétaienten leurs mains;
ils chantaient à haute voix: Gloire à notre
Dieu qui est assis sur le trône et à l'agneau.
(Apoc, vh, 10).» Quelle joie de voir les pa
triarches et les prophètes si admirables par
la vivacité de leur foi et l'ardeur de leur
zèle! Quel bonheur de contempler les Apô-
îres , ces hommes divins dont le monde n'é
tait pas digne, qui ont porté l'Évangile
jusqu'aux extrémités de la terré , qui ont
sanctifié l'univers par leurs prédications,
par leur exemple, par ,des travaux immenses!
Quelle félicité ne goûterez-vous pas lorsque
veùs verrez ces glorieux martyrs qui ont
versé leur sang pour Jésus-Christ , ces

/
— 79 —
•vierges si pures qui, pour récompense de
leur fidélité à leur divin époux, ont le pri
vilège de chanter un cantique nouveau et de
le suivre partout où il va, ces grands rois qui
ont défendu l'Église, ces saints docteurs
qui l'ont secourue ; en un mot, cette infinité
d'autres Saints qui ont signalé leurs vies par
les plus héroïques vertus? Pour comble de
bonheur non seulement vous les verrez
brillants comme autant de soleils dans le
royaume de leur Père céleste, mais vous
converserez avec eux, vous louerez avec
eux votre commun Seigneur. Oh ! auelle
gloire! quelle joie! quel bonheur! Qui ne
désirera faire partie d'une assemblée si il
lustre, composée de tout ce qu'il y a eu de
grand, de pur, de saint dans tout l'uni
vers ? BC l,vyfô (. i w
VII. Le Paradis est un lieu où l'on jouit
de la vraie paix, où il n'y aura nulle adver
sité, nulle contradiction à souffrir ni de soi-
même, ni des autres, nulle jalousie. Ce sera
le règne de la charité parfaite. Chacun ai
mera Dieu, et Dieu aimera chacun infiniment
plus qu'il ne s'aime lui-même. Plus une âme
- 80 —
aura acquis de perfection sur la terre, plus
Dieu se communiquera à elle, plus elle sera
heureuse ; car la béatitude consiste à avoir
plus ou moins de Dieu en soi, et parceque
ce bienheureux aura plus de Dieu en lui,
plus aussi il sera aimé des autres Saints,
parceque, dit saint Thomas , le bonheur de
chacun est véritablement le bonheur de tous
à cause de la charité parfaite qui les unit .
Chacun sera content de son sort et de sa
place. Comme dans le corps naturel le doigt
ne veut point devenir œil , chacun des
membres étant dans la place qu'il doit oc
cuper en cette structure de tout le corps qui
est si réglé ; ainsi nul des Saints ne voudra
recevoir le rang qu'il n'a pas mérité, étant
uni par le lien d'une parfaite charité à celui
qu'il verra élevé au dessus de lui. Or, comme
le nombre des Bienheureux est comme in
fini, la gloire d'une âme deviendra comme
infinie, tant en elle-même que par rapport
à chacun des autres qui y prendront part.
Oh! qui pourrait comprendre la gloire qu'un
Bienheureux goûte à chaque instant en Pa
radis? L'héritage du ciel, dit saint Grégoire,
est un et est tout pour chacun comme s'il
était seul, parceque chacun reçoit autant de
joie de la joie et de la félicité des autres,1
que s'il la possédait en particulier.
VIII. L'ignorance sera bannie du Paradis.
Le dernier des élus en saura infiniment plus
que n'en ont su les plus fameux docteurs.
Là, dit saint Fulgénce, on connaîtra sans
peine la génération éternelle du Verbe, le
mystère profond derincarna'tion^Là on com
prendra par quelle bonté Dieu nous a tirés
du néant, par quelle prédilection il nous a
appelés pour faire partie du royaume de son
Fils bien-aimé, par quelle miséricorde il nous
a justifiés, rendus ses héritiers et les cohéri
tiers de de son Fils. Là, on verra comment les
œuvres de la justice s'accordent avec celles de
la miséricorde ; comment Dieu sauve les uns
par grâce, et réprouvre les autres pour leurs
fautes. Là, on connaîtra tant de coups admi
rables dont^ la Providence S'est servie pour
nous détacher du monde, pour nous atta^-
cher à son divin service et nous faire opérer
notre salut. Là nous verrons en Dieu tout ce
qui se sera passé dans le monde, tant d'évé
— 8S —
nements divers que la Providence aura opé
rés ou permis, et qu'elle aura su diriger ira-
ipanquablement à ses fins? Quelle^nierveil-
leuse science! Ellejette les Bienheureux dans
un ravissement inexprimable. , i . .
Dans le, Paradis le corps ilui-même parti*
ciperaau bonheur de l'âme, et avec justice.
Ayant eu part aux combats, il doit en avpjp
aux triomphes. Au temps de la résurrection,
générale, dit l'Apôtre, Jésus-Christ réforr.
mera ce corps vil et méprisable auquel notre
âme est unie, et le rendra semblable à soa
corps glorieux. Ici-bas il est sujet à la cor*
ruption, et alors il sortira de terre incorrup
tible, glorieux et spiritual isé : Surgetcorpua
$piritale ( 1. Cor., xii, 44 ). Comme celui
du Sauveur des hommes il jouira de quatre
qualités admirables, savoir: de la ctarté qui
rendra les corps glorieux comme des soleils
daus le firmament céleste ; de ïhnptwsibilitéi
q^.iles.aÉ^aijchHa, de toute douleur; de ;Jft
wfoUhé. par .laquelle ils pénétreront sans
#fficulté lfJ5 corps les plus durs, comme le»,
rayo»s. du soleil pénètrent le vçrre sansle
rompre j fstâpi ted'agilité .qui les. fera par-n
courir en un moment des espaces immenses.
Outre ces qualités générales , chaque sens
aura un bonheur particulier , les yeux seront
réjouis par la vue d'une multitude d'objets
plus charmants les uns que lesautres ; l'ouïe
y sera charmée pur les concerts mélodieux
d'une multitude d'Anges; l'odorat y ressen
tira les plus doux parfums; les autres sens
auront leur satisfaction, mais d'une manière
infiniment élevée au dessus de nos idées ter
restres et charnelles; ainsi que notre Sau
veur nous le fait entendre par ces paroles:
Après la résurrection les Bienheureux seront
comme les Anges de Dieu dans le ciel : Eruni
sicm Angeli Dei in çœlo ( Mat. , xx, 30 ).
X. Le Paradis est un lieu où toute la gran
deur, toute la beauté, toute la magnificence,
toutes les richesses , tout l'éclat, toute la
gloire, toute la splendeur, toute l'opulence,
toutes les délices se trouvent réunies en un
degré infini. Que peut-il manquer où Dieu
se trouve , et où il manifeste ses divines

fo 5 U.V^ L»t;U H'*' * <*


é pour mon
lontrè} dans [toute 'l'étendue de
non h
— 84 —
l'éternité sa gloire, sa puissance et sa bonté,
et pour récompenser d'une manière digne
de lui ses fidèles serviteurs. Oh ! que cette
pensée doit nous donner une haute idée du
bonheur du ciel ? Si ce grand Dieu s'est
montré si libéral pour l'homme coupable en
lui donnant pour palais le monde merveilleux
que nous habitons, que n'aura-t-il pas fait
pour ses Saints? J'ajoute "que lér ciel est le
prix du sang de Jésus-CÉfrist; or,- ce prix est
infini, et Dieu est trop gfa'n'd et trop juste
pour donner à son fils moins que ne vdùt Cé
qu'il lui a offert pour l'obtenir. Maintenant
formez-vous du Paradis toutes les idées que
vous voudrez, elles seront toujours au dés-
sous de la réalité, parcequ'elles ne seront
jamais infinies. Figurez-vous tout ce qu'il
y a de plus merveilleux dans la nature, dans
les ouvrages.sortis de la main des hommes;
,;Ggurez-vous les plus magnifiques palais,
les jardins les plus enchantés ; l'harmonie là
plus chaînante;, et mille autres» choses, 'tout
cela n'aura aucun rapport avec là gloire qui
^pus est réservée dans le pj^j si vous vous en
rendez digne. Isaïe, saint Paul nous parlant
- 85 -
de ce bonheur , se contentent de nous dire
que l'oeil de l'homme n'a rien vu de sem
blable, que son oreille n'a jamais rien en
tendu de si charmant , et son cœur rien
goûté de si délicieux. Le prophète royal,
tout hors de lui-même en pensant à ce bon
heur, s'écrie : Les Saints, ô mon Dieu, seront
tout enivrés des délices de votre maison, ils
les boiront comme par torrents: Inebria-
buntnr ab ubcrtatc domûs tiue, et torrcntc
voluptatit tnœ potabis eos ( Ps. xXxix, 9 ).
Quelles expressions ? Etre tout hors de soi
comme un homme ivre par l'abondance des
délices de la maison de Dieu ; boire la joie
et le plaisir , non-seulement à longs traits,
mais par torrents, oh ! quel bonheur ! quelle
sainte ivresse ! Oui, dit encore le même pro
phète, c'est là que Dieu se montre grand,
c'est là qu'il se montre tel qu'il est, c'est là
seulement qu'il est magnifique. Aussi quels
ardents désirs n'avait-il pas de posséder un
jour ce bonheur? Avec quel abandance de
larmes ne demandait-il pas jour et nuit à
Dieu une place dans ses divins tabernacles.
Un jour, ayant reçu cette assurance , il dit
- 86 -
dans l'excès de sa joie: je rao suis réjoui par*
cequ'on m'a dit, que nous entrerons upjouK
dans la maison du Seigneur. 0 Jérusalem ,
qui es bâtie comme. une ville, et dont toutes
les parties sont dans une parfaite union,
•ntre elles, ô Jérusalem, quand mes pieds
se fixeront-ils dans ton Quinte, quand poui-
rai-je célébrer les louanges de mon Dieu avec
Las.tribus du Seigneur ^ui, ï spnt déjfypax.?
venues? , \ ,^- ,\) U/,■■x y, ^
XI. Le Paradjs, disent les saints pères, est
un mot aisé à prononcer, mais difficile à ex*
pliquer. L'éternité seule pourra en remplir la
signification.' Saint Augustin , dans ses ser
mons, dit que le banlieue du ciel est si grand,
qu'une seule goutte de cet océan de délices
répandue dans l'enfer, en adoucirait Lnconti'
nent l'amertume et les. supplices affreux. 0
parole admirable! Quoi, une seule goutte,
mi seul atome des délices du ciel suffirait pour
adoucir les peines affreuses, de l'enfer V 0 que
le bonb«ur dont on jpuitjdojti^ejgrajflî
Çe bonheur est ^gp^fld , djj ne s^rinj,., dflgr
te^.que. guaud on ne dejfait,ei* jouir, qu'wf
wm™uw■àw&*\Wfr, <^.^1 .épi
— 87 —
de délices, mépriser toutes les délices du
monde , et supporter les peines les plus sen
sibles de la vie. Le même Saint ayant entre
pris d'écrire sur le bonheur du ciel, fut tout-
à-coup ravi hors de lui-même , et il entendit
une voix qui disait : • Que prétends-tu, Au
gustin ? sache que le ciel , dont tu veux dé
crire les beautés , est ihfmilnertt au-dessus de
tout ce qu'on en peut dire. Oui , il serait plus
aisé de renfermer le ciel, la terre et les mers
dans la main d'un enfant , que de parler di
gnement du bonheur dont Dieu comble ses
élus dans la terre des vivants. > Ces paroles
l'obligèrent de se désister de son entreprise,
aimant mieux n'en point parler, que d'en
parler si imparfaitement. 11 était cependant
tellement pénétré de l'idée du bonheur du
Paradis, qu" il assure lui-même que , quand
la suite de son discours le portait à parler
desbiecs éternels, il ne pouvait presque plus
parler d'autre chose : « Je ne saurais finir,
dit-il i lorsque je parle de la Jérusalem, d'en
haut : (Juaudo de illâ loq1wr finire non-pos-i
sum (S. Xvo.,inPs. lxxxiv). i J^esudèlesconr
fiés à ses soins, de leur côté, étaient si vi.»
- 88 —
Tement frappés de cet objet, qu'ils inter
rompaient , par des soupirs , les discours de
saint Augustin , lorsqu'il leur en faisait
naître l'idée , comme il le remarque lui-
même. . • •. : -it " I .;.
Saint Bernard nes'exprime pas avecmoins
de force sur ce sujet. *ba joije que l'on goûte
dans le ciel , dit-il , est si grande, qu'elle ne
peut être mesurée ; elle est si^longu^.,- qu'on
n'en sa«rait trouver, ia fin ; elle est si variée*
qu'on ne saurait nombrer la multitude des
délices qui s'y trouvent réunies; elle est.tfi
précieuse , qu'on ne saurait l'estimer autant
qu'elle le mérite. Autant l'océan l'emporte
Sttv une goutte d'eau , autant les joies du Pa
radis surpassent toutes les joies que l'on
peut goûter sur la terre jusqu'à la fin des
siècles». ,'!.;. '•>«' • ,.<'<;;i p. ..••!, 1
">' L'auteur d'un livre intitulé : Abrégé de la
Théologie, ne craint pas de dire que les joies
du Paradis sont si variées et si grandes, que
tous les mathématiciens du monde réunis ne
sâuraîent en faire le calcul. Prenez, dit-il, si
Vous le désirez, tous les hommes qui ont été
et paraîtront dans le monde jusqu'au dernier
jour, employez-les tous à former des chiffres,
mettez-les à l'œuvre dès le premier jour du
monde, laissez-les continuer à ajouter chiffre
a chiffre jusqu'au dernier jour de l'univers.
Quelle longue suite de chiffres! A peine l'ima
gination peut s'en faire une idée. Cependant
elle serait insuffisante pour exprimer toutes
les joies du Paradis. Tous ces nombres ,
comme infinis , ne seraient rien , ne seraient
que comme un zéro ou comme l'unité par
rapport à tous les nombres imaginables. O
mon Dieu , que vous êtes magnifique envers
vos élus !
XII. En un mot , le Paradis est la réunion
de tous les biens; c'est le complément de
tous les désirs ; c'est le repos éternel ; c'est
pour Dieu la jouissance pleine et entière de
ses œuvres ; c'est la complète manifestation
de sa gloire , de sa puissance , de sa bonté,
de sa sagesse , de ses ineffables perfections ;
c'est le règne d'un père chéri sur des enfants
dociles ; c'est l'épanchement immense , éter
nel de son amour en eux et de leur amour en
lui.
Dans le ciel , la mort sera absorbée par la
vie , selon l'Ecriture; l'accusateur de no»
frères sera précipité dans l'abîme ; la justice
et la paix seront inséparablement unies et
dans un concert parfait, La vue de l'Agneau
immolé pour notre amour et élevé sur un
trône plus éclatant que le soleil , charmera
les cœurs des élus et les enivrera d'un torrent
de délices. Là , il y aura de nouveaux deux
et une nouvelle lune : plus de voleurs, plus
de famines, d'incendies , de tremblements de
terre. Là , une vie immortelle , accompagnée
de toutes les jouissances sans aucun mélange
de mal. Les richesses et la gloire du Paradis
ne diminuent pas avec le nombre de ses pos
sesseurs. Le ciel est tout à tous les justes ,
et tout à chacun d'eux sans se partager. 11 en
est à peu près comme de la lumière du soleil
qui éclaire autant chaque homme en parti
culier que tous les hommes ensemble. C'est ,
dit saint Augustin, la possession parfaite
d'une vie qui n'a point de terme ; c'est une
possession dont on jouit en entier à chaque
instant , et qu'on possédera toujours sans
aucune succession de temps. ,;,)!
Le Paradis est la merveille des merveilles,
—M —
le miracle de la nature ; c'est un océan de
plaisirs, un trésor immense de richesses, le
gouffre de tous les biens ; c'est le domicile de
Dieu , le palais de la divinité , le cabinet de
l'auguste Trinité ; c'est le Louvre des Anges,
la cour des Bienheureux ; c'est notre patrie ;
c'est la terre des vivants ; c'est un jour sans
nuit ; c'est un lieu de pures délices ; c'est un
lieu si beau, si agréable, si magnifique,
qu'on ne saurait y éprouver la plus légère
peine , que tout y est plaisir et pour toujours;
que tout y est lumière sans mélange de ténè
bres. Là, régnent la vie sans mort, la beauté
sans laideur, la force sans faiblesse , la joie
sans tristesse, le repos sans travail, la vérité
sans erreur. Tout ce qu'on voit sur la terre
de plus beau et de plus éclatant , n'est rien ,
n'est que fumée, n'est que fumier en compa
raison des beautés du Paradis.
Mais ce qui distingue surtout le bonheur
du Paradis de tout autre bonheur, c'est l'é
ternité ; c'est que ce bonheur ne finira ja
mais. Jésus-Christ , notre Sauveur, nous l'a
promis de sa propre bouche : Les justes iront
dans la vie éternelle : Ibnnt justi in vitam
— 92 —
œiernam (Mat., xxi, 46). Ils régneront dans
les siècles des siècles : Regnabunt in secula
seculorum (Apoc, xxii , 5). Un bonheur qui
finit, on ne craint pas de le dire, un bonheur
qui finit, celui du ciel même, n'est rien, n'est
pas un vrai bonheur. La pensée qu'il doit finir
empêche d'en goûter la douceur parfaite
ment; aussi tel n'est pas le bonheur des Saints
dans le ciel ; leur félicité durera autant que
Dieu même. Quand un Bienheureux entre
dans le ciel , il est sans doute ravi , charmé
des richesses de la maison de son Dieu ; mais
quand il vient à considérer que rien ne pourra
lui enlever son trésor, que la révolution des
siècles ne servira qu'à l'affermir, c'est alors
qu'il s'abandonne à tous les charmes qui
l'entraînent dans un abîme de toutes sortes
de délices. Sur la terre, on se lasse d'aimer
les choses les plus agréables ; mais, dans le
ciel , on ne se lassera jamais de considérer
Dieu et de l'aimer, parceque, étant immense
et infini , il ne peut jamais être compris ; de
sorte qu'il paraît toujours nouveau. Plus on
le connaît et plus on désire le connaître ; plus
on le voit et plus on désire le voir ; plus on
— 93 —
l'aime et plus on désire l'aimer. O quel sé
jour ! ô que Dieu est magnifique dans ses ré
compenses ! Si un prince sur la terre donnait
à ses soldats autant de biens et de repos dans
leur vieillesse qu'ils ont couru de périls et
souffert de fatigues pour lui pendant leur
vie , il n'y aurait pas assez de bouches pour
louer une telle magnificence. Si vous agissiez
de même envers vos élus, ô mon Dieu ! si
pour une année de services vous donniez une
année de repos et de délices , vous seriez
juste, et à ce prix , il n'est personne qui ne
dût vous servir. Si vous donniez pour chaque
minute de service un jour de récompense,
pour chaque jour une année, pour chaque
année un siècle, vous seriez non-seulement
libéral, mais en quelque sorte prodigue,
et votre magnificence irait jusqu'à l'excès.
Mais, ô mon Dieu ! vous ne vous bornez pas
à une si grande récompense ; pour quelques
années employées à vous servir, que dis-je?
pour un jour, pour une heure, pour un mo
ment, pour un simple désir, vous donnez
non-seulement mille, cent mille années de
repos, niais une éternité tout entière. O
- 96 -
et l'accomplissement de tous leurs désirs.
0 sainte Sion ! cité de mon Dieu ! on m'a
raconté de toi de grandes choses : Gloriosa
dicta suntde te civitas Dei{Ps. lxxxvi, 3). Mais
qu'est-ce tout ce qu'on m'a dit auprès de la
réalité ? 0 cité magnifique et pleine de déli
ces, pourquoi es-tu oubliée, méprisée même
de la plupart des hommes ' pourquoi te sa
crifient-ils à quelques vains honneurs , à
quelques richesses périssables, à quelques
plaisirs d'un moment ? O beau ciel ! je suis
hors de moi-même quand je pense à l'indif
férence des hommes pour toi. Je désirerais
être sur une tour si élevée, que je puisse me
faire entendre des quatre coins de l'univers,
et m'écrier avec le prophète : Enfants des
hommes , jusqu'à quand aurez-vous le cœur
appesanti, jusqu'à quand rechercherez-voùs
la vanité et le mensonge? 0 ciel! ô ciel!
chère patrie! chère patrie! ô terre des vi
vants où est mon trésor! comment vivre ici,
"éloigné de toi! Oui, comment chanter un
cantique au Seigneur dans une terre étran
gère 1 0ui , si je viens à t'oublier, ô Jérusa
lem ! que j'oublie l'usage de ma main droite,
CHFMIN DU CIF[.
- 97 —
que ma langue immobile demeure attachée à
mon palais (Ps. cxxxvi, 2). 0 Jérusalem cé-

qu'en toi on voit à découvert cette beauté


toujours ancienne et toujours nouvelle , py is-
qu'en toi on possède son Dieu, cette mer in
finie de toute beauté, cet abîme de douceur,
d'excellence, de sagesse, de sainteté, de vé
rité , de noblesse , de majesté , cet océan de
puissance, de libéralité, de miséricorde et de
toute perfection ; en un mot, puisqu'en toi je
jouirai parfaitement et éternellement de mon
Dieu, .tu seras l'objet de tous mes désirs , la
fin de toutes mes peines , le but de tous mes
travaux. O Jérusalem, mère des vivants ! ô
chère conquête de Jésus-Christ mon Sauveur,
que mon cœur a d'amour pour toi , et que
mon âme désire de jouir de ta beauté ! Que
mon âme sera heureuse si une fois je mérite
de voir ta gloire, ta splendeur, tes portes,
tes murailles, tes maisons, tes places publi
ques, tes illustres citoyens , ta Reine et ton
roi dans la grandeur et dans la magnifi
cence de sa majesté. 0 mon Dieu! mon âme
soupire après vous, comme le cerf altéré sou
6
pire après les eaux rives ; je soupire après le
ciel, parceque vous y faites votre demeure.
Je ne voudrais pas donner un seul de mes
soupirs pour cette céleste demeure , si , par
impossible , vous n'y étiez pas. Elle serait ,
même pour moi , une affreuse prison , si on
ne vous y aimait pas ; parcequ'il n'y a que
votre amour seul qui soit capable de faire
tout mon bonheur. O quand pourrai-je vous
y posséder sans jamais craindre de vous per
dre ! Accordez-moi la grâce de vous servir
si fidèlement pendant ma vie, que je mérite
de vous y bénir, de vous y louer, de vous y
aimer éternellement avec tous vos élus.
— 99 -
oïij z.m aLnom DR JiNiimnon-n ni

. • .• . CHAPITRE
i . IV. 99a»l■■ ' fiiiii
rturioy
i. . ianRvJ ii»-- Jm■i ftnoqgçn 9è r^lMnzur.
DU CHEMIN DU PARADIS.
i .;• *nn■ 55jp7nJ[. m rv;(dnq
m ? lup y i j 'tup t<> . .vd.irrav A j«t ruuh
I ireiJCfbTIÎloVcv .nioq rtfOJ Uroi

Jésus-Christ, Sauveur des hommes, Lu


mière du monde , nous dit , dans son Evan
gile , que c'est lui qui est le chemin , le vrai
chemin qui conduit à la vie éternelle : Ego
MM via, et Veritas et v'ita (Joan. , xiv, b).
Avant sa venue , la route du ciel était peu
connue et peu fréquentée. Quelques hommes
privilégiés seulement , s'élevaient au-dessus
de la chair et du sang , et portaient leurs
pensées vers les biens invisibles. Jésus pa
raît; sa première parole en public est d'an
noncer le royaume des cieux , et de montrer
aux hommes le chemin qui y conduit. Ce
chemin , c'est la pénitence; ce chemin, c'est
i soi-même ; ce chemin , c'est
le renoncement au monde et aux choses du
mondé. Pour marcher sûrement dans ce che
min qui est très glissant , il faut lutter sans
cesse contre la nature corrompue, et se faire
une violence continuelle. Par ces paroles,
auxquelles se rapporte tout son Evangile , il
publie en quelque sorte que le royaume des
cieux est à vendre, et que ceux qui sacrifie
ront tout pour l'avoir, l'obtiendront. Ce di
vin Législateur ajoute l'exemple aux leçons, •
et martihe luUmême le premier dans le che
min qu'il a montré. Il natt dans la pauvreté,
et vit. dans les souffrances et les privations
de toute espèce, et meurt enfin au milieu des
plus affreux tourments. Voilà donc la route
du ciel enseignée et frayée par un Dieu. Ani
mées par sa voix, soutenues par ses exemples,
une multitude innombrable de personnes
dè tout pays , de tout âge , de tout sexe , de
toute condition, se sont mis en chemin pour
le Paradis, s'il est permis de s'exprimer ainsi.
Pour acquérir un si beau royaume, pour ob
tenir dés biens si magnifiques , les martyrs
âoDt' montés par millions sur les échafauds,
tes déserts se sont remplis de fervents soli-
- 101 —
taires, une multitude de vierges chrétiennes
ont renoncé au monde et à elles-mêmes , et
n'ont voulu avoir d'autre époux que Jésus-
Christ ; une multitude de fidèles de toute
condition et de tout âge , des rois et des
esclaves , des pères et mères de famille, des
riches et des pauvres , des grands et des pe
tits, sont entrés dans la voie étroite, la seule
qui conduit au ciel, et y sont parvenus,
malgré les tentations du démon, malgré les
scandales du monde, malgré la faiblesse d'une
chair de péché qui s'élève sans cesse contre
l'esprit. Ils ont été fidèles à Dieu jusqu'à la
fi» , et ont obtenu la couronne immortelle
promise à leurs efforts et à leur fidélité. Tel
est le chemin du ciel ; voilà la route que
nous devons suivre, si nous voulons parvenir
au bonheur éternel.
Mais il ne suffit pas de montrer d'une ma
nière générale le chemin du ciel. Comme il
est très étroit et très difficile, selon la parole
du Sauveur Jésus , il est nécessaire d'entrer
dans quelques détails; il est nécessaire de
bien montrer d'abord comment on entre
dans ce chemin , et ensuite comment on y
6*
— 103 -
doit mâreher pour ne pas s'égarer ; enfin ce
qu'on doit faire quandion est vers la fin de
la rotfte», quand on est sur le point d'entrer
dans ce lieu flô t?epos éternel, après lequel
en!a tant soupiré.pottr lequel bn a tant Com
battu, ponn èèijucl on a entrepris tant de
travaux et enduré tant de fatigues. C'est ce
qae nous allons; tâcher' de faire dans les ar
ticles suivants; 7 Ja J'y- :«s a ii:p
«•.il «J'r'"'-!.';:'! «ni'rirjh ! h .j.T.iii 'ii'>* »s:
lr 6e Centrée rfans /e e/wmin du Paradis.

Le premier pas à faire, dit saint Augustin,


quand on veut £iire la conquête du ciel, c'est:
de se. donner à Dieu avec ferveur et pour
toujours ; c'est d'être bien résolu de ne riea
refuser à h* igrûce qui appelle une âme à un
bonheur si grand. Un homme bien résolu es*'
capftble de toup et pour une entreprise éter-
nelteiiJ: .f'ïHt sdùjQsliiiftkge et dfl la générosité.
Saj^françpjs pppefuit #*?ires mottehes ceux
q>*i (#mm4)nçaie{)t!i'îeuvi'e de leur sanclifi-
QSd,io<*avec lAi'heié.iAu^HfHireyrfeo ne I*
QMl^aj£aajfctf:tfiBa ^(ittj ^oa«u*l de plus.i
a>u^s.es£é^t:esHUgu§ Jorsqiti'jJ. voyait un,
-
pécheur entrer avec courage dans la carrière
delà pénitence, ne redouter aucun sacrifice,
ne croire jamais en faire assez, et ne mettre
d'autres bornes à ses sacrifices que celles qui
lui étaient prescrites par l'obéissance. Un
homme ainsi disposé, un homme qui cor
respond fidèlement à la grâce de sa vocation,
qui laisse le Seigneur opérer en lui selon
l'étendue de ses desseins éternels, un tel
homme est bientôt un Saint , et laisse loin
derrière lui une multitude !de lâches chré-
liens , qui se sont engagés au service du
grand Roi et du souverain Seigneur avant
luit rneiiubéà na fadWWalSdo
Vous donc , qui que vous soyez, riche ou
pauvre, jeune ou vieux, qui entrez dans le
chemin du ciel , qui voulez arriver sûrement
au terme d'un si beau voyage, marchez à
pas de géant au commencement de la car
rière; voui trouverez plus tard assez d'ofo-
siacles qui ralentiront votre marche, surmon
tez avec courage les premières difficultés;
le Seigneur viendra à votrç secours et vous
aidera de sa grâce. Dites donc généreuse
ment avec le Prophète : « Mon cœur est prêt,
— 101 —
Seigneur, mon cœur est prêt; il est disposé
à tout sacrifier à votre amour ; dans la pros
périté , dans l'adversité je vous serai fidèle.
Je veux vous appartenir, braver le respect
humain , et faire connaître par mes œuvres
que je suis votre serviteur. Faites en moi et
de moi, pour le corps et pour l'âme, poui; la
santé et pour la maladie , pour la gloire et
pour l'ignominie, pour la vie et pour la
mort, pour le temps et pour l'éternité , tout
ce qui vous plaira et vous glorifiera davan
tage. Vous êtes mon Dieu, mon maître, mon
insigne bienfaiteur; je vous dois, à tous les
titres , une obéissance , un amour sans ré~
serve. Assez longtemps j'ai vécu pour le dé
mon, pour le monde et pour moi-môme; il
est temps de travailler pour votre gloire et
pour le salut de mon âme. La résolution en
est prise, et avec votre grâce elle sera invio
lable : Jitrûvi et statuivhsiodire judicia justi—
tiœ tuœ (Ps. 118, 105). 0 mon Dieu, ô mon
Père , ma faiblesse est extrême, aidez- moî
de votre grâce , sauvez-moi. 9iv ;
On pourra, pour se donner entièrement à
Dieu , se servir de la formule suivante que
— 105 -
propose saint Ignace, dans les exercices spi
rituels.
« Agréez, Seigneur , que je vous consacre
ma liberté dans toute son étendue ; recevez
ma mémoire , mon entendement et ma vo
lonté , mon âme avec toutes ses puissances :
c'est vous qui m'avez donné tout ce que j'ai
et tout ce que je suis, c'est à vous que je dois
rendre sans réserve tout ce que j'ai reçu de
vous. Je le fais en m'abandonnant à la très
juste disposition de votre volonté. Je ne vous
demande rien autre, sinon que cette volonté
sainte s'accomplisse en moi. Accordez -moi
cette grâce; c'est assez pour moi ; votre vo
lonté fait toutes mes richesses ; mon cœur
ne "désire que cela. » . " ' i
Le deuxième pas qu'il faut faire dans le
chemin du Paradis, c'est de purifier sa cons
cience des œuvres mortes , comme parle
l'Apôtre, c'est-à-dire, du péché qui la met
en état de mort devant Dieu. C'est ce que
pratiqua saint Ignace après sa conversion,
et c'est ce que nous devons faire à son
exemple, si nous voulons jeter les fonde
ments d'une solide perfection. Le bon la
— 106 -
boureur, qui veut recueillir une excellente
récolte , commence par arracher de son
champ les ronces et autres mauvaises herbes
qui pourraient étouffer le bon grain. Imi
tez-le; arrachez de votre cœur par une
bonne confession toutes les racines du mal,
tout ce qui pourrait mettre obstacle au
règne de Dieu dans votre âme. C'est le con
seil que vous donne saint Paul par ces belles
paroles: Mes frères, dit-il, purifiez -vous
du vieux levain : Expurgate vêtus fermentum.
(1 Cor., v, 7), afin que vous soyez une pâte
toute nouvelle : Ut sitis nova conspersio.
C'est-à-dire, afin que, devenu un nouvel
homme, vous produisiez des fruits de salut
pour la vie éternelle ;~a fin qu'après avoir dé
posé le poids énorme du péché qui vous ac
cablait , vous couriez par la patience dans
le chemin du ciel qui vous est ouvert (Heb.,
xii, 1). On ne peut trop vous engager à com
mencer la nouvelle vie que vous méditez par
une confession générale de toute votre vie.
Mettez-vous en retraite , si vous le pouvez ;
c'est là que Dieu parlera fortement à votre
cœur, que les vérités du salut feront sur vous
— 107 -
les plus vives impressions, et que vous vous
déterminerez généreusement à tous les sacri
fices que Dieu exigera de vous. L'expérience
prouve que ce n'est ordinairement que dans
la retraite que les pécheurs reviennent à
Dieu de tout leur cœur, et portent ensuite de
dignes fruits de pénitence. Pendant ces jours
de salut, vous entrerez au fond de votre
âme, vous en sonderez tous les replis pour
découvrir tous vos péchés, et vous tâcherez
de connaître combien vous êles coupable en
en considérant l'énormité et le nombre ; vous
les mettrez en écrit et par ordre , et afin
d'obtenir la contrition , sans laquelle les pé
chés ne peuvent être remis , vous la deman
derez continuellement à Dieu , et vous vous
y exciterez par tous les motifs de la religion,
par la vue des supplices de l'enfer que vous
avez mérités, par l'espérance du bonheur cè
leste que vous avez perdu par le péché
le souvenir de la passion de Jésus-Christ ,
dont vous avez été la cause, et surtout par
la vue des perfections du Dieu que vous avez
offensé. Un pécheur , quelqu 'énormes que
soient ses péchés, s'il les déleste par la raison,

r
— 408 —
que par ces péchés ii a outragé les perfections
de Dieu , qu'il a'offensé un Dieu infiniment
parfait, infiniment aimable, possède la con
trition parfaite, et devient aussitôt l'ami de
Dieu, et est justifié avant même d'avoir reçu
l'absolution du prêtre. Comme les ténèbres
et la lumière ne peuvent se trouver réunies ;
ainsi le péché et la contrition ne peuvent se
trouver ensemble dans un cœur. Dites donc
souvent, avec le publicain : Dieu , soyez-moi
propice, parceque je suis un pécheur (Luc,
xxvni, 15). Ou avec le prodigue : Père, je ne
suis pas digne d'être appelé voire fils (Lcc,^
xxiv, 18). Comme ses illustres pénitents, es
timez-vous indigne de vous servir de cette
douce et tendre expression f mon Dieu, mon
Père. Dites avec le prophète : Hélas! le nom
bre de mes péchés surpasse celui des sables
de la mer et des gouttes d'eau de l'Océan); ils
sont plus nombreux que les cheveux de ma
tête (Ps. xxxix, 12). J'ai déplu à mon grand
Dieu; j'ai résisté à ses volontés; j'ai trans
gressé ses saints commandements, violé ses
lois pleines d'équité Je me suis exposé mille
fois, cent mille fois à perdre mon Dieu pour
— 109 —
toujours. Je me suis très exposé à perdre le
Paradis, à des supplices affreux dans l'enfer.
Oh! mon Dieu, qu'ai-je fait pour mériter une
faveur refusée à tant d'autres ? Pourquoi
m'avez-vous attendu si longtemps, et pré
servé de mille accidents qui pouvaient me
donner la mort et me faire tomber dans les
flammes ardentes de l'enfer ? Oh ! mon Dieu,
que tout en moi se réunisse pour détester
mes ingratitudes, pour pleurer tant d'excès
commis contre un Dieu si bon , et qui mé
ritait si peu d'être offensé ; que mes yeux
ne cessent de verser des larmes abondantes;
que les pleurs ne cessent jamais de couvrir
mon visage; que pendant les nuits, lorsque
les autres se livrent au repos , que le cruel
souvenir de mes péchés se présente alors à
mon esprit, déchire mon cœur et fasse sortir
de mes yeux des fontaines de larmes si abon
dantes, que ma couche en soit inondée ; que,
pendant le jour, lorsque les âmes innocentes
prendront leur nourriture , moi , infortuné
pécheur, je n'aie d'autre pain que la cendre,
ni d'autre boisson que mes larmes , d'autre
vêtement que la haire et le cilice. Hélas ! j'ai
7
- 110 -
perdu mon Dieu , j'ai violé sa loi sainte en
mille manières, et vous voulez que je me ré
jouisse ; non, il n'en sera pas ainsi ; je ne dois
pas avoir d'autre consolation que de pleurer
tant d'excès et de me réjouir des miséricordes
de celui qui m'a arraché de l'enfer que j'ai si
souvent mérité. Ce n'est pas pour mes mé
rites que j'ai reçu une si grande faveur, je
n'ai mérité autre chose que l'enfer, c'est par
la pure bonté de mon Dieu; ah! qu'il soit
béni , ce Dieu si bon , qui m'a prévenu de
tant de miséricordes : Benedicius Deus qui
non amovit orationem meam, et misericordiam
tuant à me (Ps. lxv, 49). Ainsi parlait, ainsi
agissait le roi David , ce grand pénitent , ce
modèle que doivent imiter tous ceux qui veu
lent entrer dans la route du Paradis, dont ils
se sont malheureusement écartés. Ils ne doi
vent rien négliger pour assurer leur récon
ciliation avec Dieu ; ils doivent se préparer à
cet insigne bienfait par des prières , par des
aumônes, par des humiliations et des morti
fications. Ils se confesseront ensuite comme
s'ils devaient mourir aussitôt après leur con
fession , et ils ne sortiront de leur retraite
- iH -
qu'après s'être tracé un plan de vie auquel
ils se proposeront d'être très fidèles. S'ils ne
peuvent se retirer ainsi dans quelque soli
tude pour vaquer uniquement , pendant une
semaine , à l'affaire essentielle de leur salut,
ils s'efforceront d'y suppléer en donnant à
des exercices de piété tout le temps qui ne
sera pas employé à des devoirs indispen
sables, qu'ils auront soin de sanctifier par
le recueillement et un recours continuel à
Dieu.
Voilà de quelle manière on rentre dans le
chemin du ciel ; voilà comment on recouvre
la robe nuptiale que l'on avait reçue dans le
baptême et que l'on avait perdue par le pé
ché. Heureux ceux qui recouvrent ainsi l'in
nocence baptismale ! heureux ceux qui sont
de nouveau purifiés de leurs souillures dans
le sang de l'Agneau par le baptême labo
rieux de la pénitence ! plus heureux ceux qui
persévèrent dans la nouvelle vie qu'ils ont
embrassée. C'est à eux que nous allons main
tenant adresser la parole.
— 112 —

H. Du vrai chemin qui conduit au Paradis.

Le Prophète-Roi, désirant ardemment con


naître le fortuné chemin qui conduit à un
bonheur aussi grand que celui du Paradis,
se fiiit cette demande dans le Psaume vingt-
Iroisième : Quel est celui qui montera sur
la montagne du Seigneur ? Quel est celui qui
se reposera dans son lieu saitit V Quis ascen-
dit in montent Domini ? Aul quis stabi1 in loco
sancto ejus (Ps. xxm) ? Paroles remarquables
qui nous apprennent que le ciel est une haute
montagne qu'il faut escalader, une forteresse
qu'il faut emporter de force , un lieu saint où
rien de souillé ne saurait pénétrer. Il se de
mande donc qui pourra entrer dans un sanc
tuaire si pur et si élevé ? Quis ascendet in mon-
tem Domini ? La réponse du Prophète, ou plu
tôt le St. .Esprit qui parle par sa bouche, est
d'une simplicité toute divine , d'une onction
ineffable : Ce sera celui dont les mains sont
innocentes et dont le cœur est pur ; ce sera
celui qui n'a pas reçu son ànie en vain , ni
fait un serment trompeur à son prochain ; ce
- 113 -
sera celui-là qui sera béni du Seigneur et
qui recevra miséricorde de Dieu son Sau
veur. C'est là la race de ceux qui cherchent
véritablement le Seigneur ; ce sont là ceux
qui veulent sincèrement voir la face du Dieu
de Jacob. Levez vos portes , ô princes , qui
veillez à la garde de son Tabernacle ; et
vous, portes éternelles , levez-vous , afin de
laisser passer ces âmes généreuses : Aiiolliie
portas, principes , vestras; et elevamini portœ
œternales, et introibit Rex gloriœ (Ps. xxiii,
7 ). O Dieu , que vos paroles sont douces!
Qui ne désirera conserver son cœur pur et
ses mains sans taches, pour voir un jour la
face du Dieu de Jacob dans son lieu saint ?
Le même Prophète , dans le Psaume qua
torzième , étend davantage sa pensée. Ce
Psaume a été traduit d'une manière élé
gante par un de nos poètes lyriques. Nous
allons transcrire ici sa traduction.

Seigneur , dans ta gloire adorable


Quel mortel est digne d'entrer r
Qui pourra, grand Dieu, pénétrer
Ce sanctuaire impénétrable .
- ni -
Où te* Saints incliné» , d'un œil respectueux ,
Contemplent de ton front t'éclat majestueux l

Ce sera celui qui du vice


Evite le sentier impur,
Qui marche d'un pas ferme et sûr
Dans le chemin de la justice ,
Attentif et fidèle a distinguer sa voix ,
Intrépide et sévère à maintenir ses lois.

Ce sera celui dont la bouche


Rend témoignage à la vérité ,
Qui sous un air d'humanité
Ne cache point un cœur farouche,
Et qui, par des discours faux et colomnieux,
Jamais à la vertu n'a fait baisser les veux.

Celui devant qui le superbe ,


Enflé d'une vaine splendeur
Paraît plus bas, dans sa grandeur,
Que t'insecte cachée sous 1'herbe :
Qui, bravant du méchant le faste couronné,
Honore la vertu du juste infortuné.

Celui, dis-je, dont les promesses


Sont un gage toujours certain ;
Celui qui d'un infâme gain
Ne sait point grossir ses richesses :
- 115 -
Getui qui, par les dons du coupable puissant,
Fi 'a jamais décidé du sort de l'innocent.

Qui marchera dans cette voie ,


Comblé d'un éternet bonheur
Un jour des Élus du Seigneur
Partagera la sainte joie ;
Et les frémissements de l'eufer irrité
Ne pourront faire obstacle à sa félicité.
J.-B. Rousseau,

Voilà donc le vrai chemin du Paradis


trouvé. Ce chemin, c'est la pratique des
bonnes œuvres. 11 ne suffit donc pas pour
être sauvé d'éviter le péché, il faut encore
pratiquer les bonnes œuvres. Il est de foi
que tous les adultes qui mourront sans
bonnes œuvres méritoires, n'entreront point
dans le royaume des cieux.
Cette vérité est si clairement énoncée
dans l'Évangile, qu'il est impossible de la
révoquer en doute. Jésus-Christ nous assure
que tout arbre qui ne produit point de boni
fruits, sera coupé et jeté au feu; que tout
ceux qui lui diront: Seigneur, Seigneur,
— 116 -
n'entreront point dans le royaume des deux;
mais seulement ceux qui accompliront la
volonté de son père ; que le serviteur inutile
qui n'a point fait valoir le bien de son maître,
sera jeté dans les ténèbres extérieures , ou il
y aura des pleurs et des grincements de dents :
llluc eritfletus etstridordentium (Mai h., xxv,
30). Partout lts saints Apôtresuous exhortent
à faire tous nos efforts pour assurer notre
vocation et notre élection par nos bonnes
œuvres. Est-il .une comparaison dans l'É
vangile qui ne nous montre cette nécessité?
Le ciel est un royaume qu'il faut emporter
par force et par violence ; qu'il faut conqué
rir par les travaux, par les fatigues, par la
victoire. C'est une récompense abondante,
vraiment digne de Dieu, qui ne se donne qu'à
ceux qui l'ont méritée par leurs sacrifices,
par leurs actions, par leurs souffrances. C'est
un salaire qu'on n'accorde qu'aux ouvriers
qui ont travaillé dans la vigne du Seigneur,
qui ont porté le poids du jour et de la cha
leur. C'est un trésor caché, une perle pré
cieuse, qu'on ne peut acquérir que par le dé
pouillement de tout ce qu'on possède, et le
- 117 —
renoncement à tous les biens passagers. C'est
un prix qu'on remporte en courant dans la
lice, en s'abstenant de tous les plaisirs, et de
tous les divertissements du monde. C'est
une couronne de justice immortelle, qu'on
n'accorde qu'à ceux qui, par leur foi, ont
remporté la victoire sur le monde, sur la
chair et ses inclinations déréglées, sur le
péché et sur tous les vices. C'est la patrie
céleste dans laquelle on ne reçoit que ceux
qui ont vécu comme pèlerins et étrangers
sur la terre, et qui ne se sont attachés à rien
dans le monde. C'est une noce et un festin
divin, où l'on n'admet que ceux qui sont re
vêtus de la robe nuptiale de la charité. C'est
un Paradis de délices, dans lequel on ne
peut entrer que par la patience, par la pé
nitence et par le sacrifice des folles joies du
monde. C'est la cité permanente, où rien de
souillé ne saurait entrer. C'est le tabernacle
éternel où Jésus-Christ est entré le premier
comme notre précurseur, et où nous ne sau
rions pénétrer après lui que par les souf
frances et les humiliations : Si tamen corn-
patimur,utetconglorificemur{Koii., VIU,17).
7*
- 118 -
Enfin , le Paradis est la gloire de ï)ieu, où
il régnera avec ses élus, où il comblera de
ses faveurs et rendra participants de sa féli
cité ceux qui l'auront glorifié sur la terre
par les bonnes œuvres qu'ils auront pra
tiquées. Rien donc n'est plus nécessaire pour
être sauvé que la pratique des bonnes
œuvres.
Vous serez donc sauvés vous tous qui ne
vous bornez pas à éviter tous les péchés qui
excluent du ciel ; mais qui pratiquez toutes
les vertus, toutes les bonnes œuvres, sachant
que vous moissonnerez en son temps, que
vous recueillerez ce que vous aurez semé.
Vous serez sauvés vous tous qui rapportez
à Dieu toutes les actions de votre journée,
qui lui offrez votre travail et vos diverses
occupations; qui assistez tous les jours, au
tant que vous le pouvez, au divin sacrifice
de nos autels, pour vous y immoler à la
gloire de votre Dieu ; qui visitez souvent
votre Sauveur qui demeure dans nos églises
nuit et jour pour l'amour de nous, comme
un prisonnier de la charité. Vous serez
sauvés vous tous qui approchez souvent
— 119 —
avec componction du tribunal de la péni
tence, qui recevez avec amour votre Dieu
dans le sacrement de son amour, qui sanc
tifiez les jours consacrés au Seigneur par
des exercices de piété, qui écoutez la divine
parole , qui la lisez et la méditez. Vous serez
sauvés vous tous qui avez une foi ferme en
la parole du Dieu de vérité, qui vous fiez en
ses promesses, qui aimez de tout votre cœur
le Dieu de charité, et qui marchez sans cesse
en sa présence. Vous serez sauvés vous tous
qui donnez à Jésus-Christ dans la personne
du pauvre, du pain pour le nourrir, des habits
pour le vêtir, des remèdes pour le guérir,
des consolations pour supporter ses peines,
des maisons pour le loger, des maîtres pour
l'instruire. Vous serez sauvés vous tous qui
pratiquez ce qui est marqué dans les huit
béatitudes, qui êtes pauvres d'esprit et dé
tachés des biens de ce monde, qui êtes doux
envers tout le monde et surtout envers vos
ennemis, qui avez faim de la justice, qui
avez le cœur pur, qui aimez la paix et vous
efforcez de l'établir partout, qui souffrez
persécution pour la justice. C'est par ces
— 120 -
bonnes œuvres et autres qui y ont rapport
que vous assurerez votre vocation et votre
élection, que vous éviterez beaucoup de
péchés, et que vous vous ménagerez une
pleine entrée dans le royaume éternel de
votre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ:
Hœc enim facientcs, nonpeccabitisaliquando,
sic enim abundanter minis1rabitur vobis in-
troitus in œternum rcgnum Domini noslri ct
salvaloris Jesu-Christi (2 Petr., I, Il J.

III. Du terme \du voyage qui conduit au


Paradis.

Le terme est le moment le plus intéres.-


sant du voyage ; il importe peu de s'être mis
en route, d'avoir marché longtemps avec
courage si l'on n'arrive enfin au terme désiré
de sa course. Parmi les chrétiens, dit saint
Jérôme, on fait peu de cas du commence
ment; ce que l'on considère par dessus tout,
c'est la fin. Que sert à Saiil, à Judas et à tant
d'autres réprouvés d'avoir bien commencé?
Au contraire, nous regardons comme bien
— 121 —
heureux saint Paul et sainte Marie Magde-
leine , parceque, après avoir mal commencé,
ils ont eu le bonheur de bien finir. L'incerti
tude sur un point si important faisait la plus
vive impression sur l'Apôtre ; quoique élevé
au troisième, quoique accablé de travaux
pour la gloire de son divin maître, il trem
blait encore pour son salut éternel. C'est
pour cela qu'il châtiait rudement son corps
et le réduisait en servitude, dans la crainte,
disait-il, qu'après avoir annoncé l'Évangile
à tant de peuples différents, je n'aie le mal
heur de périr misérablement et d'être du
nombre des réprouvés : Castigo corpus meum
et in servhutem redigo ; ne forte cum aliis
prœdicaverim , ipse reprobus efficiar ( 1
Cor., IX, 27 ). Ce qu'il appréhendait pour
lui-même, il le craignait pour les autres ; il
était toujours dans une tendre sollicitude
pour leur persévérance. J'appréhende tou
jours, disait-il aux Corinthiens, qu'ainsi que
le serpent séduisit Eve par ses artifices,
ainsi vous ne veniez à vous corrompre et à
dégénérer de la simplicité de la foi qui est
en Jésus-Christ; défiez-vous donc, mes chers
- 422 —
enfants, défiez-vous de la malice de l'ancien
serpent et des faux docteurs qui sont ses
suppôts; que celui d'entre vous qui croit
être ferme, prenne bien garde à ne pas
tomber: Itaque qui se existimat stare, vidcat
ne cadat{ l Cor.. X, 12 ). Voyez nos pères;
ne fui ent-ils pas tous également couverts de
la nuée miraculeuse? ne passèrent-ils pas
la mer Rouge ? ne furent-ils pas tous nour
ris d'une nourriture spirituelle et excellente?
persévérèrent-ils tous dans le service de
Dieu ? plusieurs ne tombèrent-ils pas dans
l'idolâtrie, dans la fornication, dans le mur
mure ? profitons de leur exemple et de la
punition qui en fut la suite; ne nous laissons
pas entraîner aux appétits déréglés d'une
aveugle concupiscence. Tout cela a été
permis de Dieu et écrit de sa part pour
notre instruction: Hœc autem omnia in figurâ
contingebant Mis; scripta sunt autem ad cor-
reptionem nostram [ 4 Cor., X, il ).
Que nous apprennent tous ces exemples ?
C'est qu'il ne faut jamais présumer de soi-
même ; c'est que, loin de se relâcher et de
perdre courage, on doit au contraire redou
-123 —
bler d'ardeur en voyant le grand jour ap
procher ainsi que l'Apôtre nous y exhorte
encore ailleurs ( Heu., X, 25 ). Mais quels
sont les moyens qu'on peut employer pour
arriver heureusement au terme du voyage,
pour obtenir une sainte et heureuse mort qui
nous ouvre la porte du Paradis ? 11 y en a de
généraux, il y en a de particuliers. Quand il
s'agit d'une matière si importante, quand il
est question d'un royaume éternel, on ne doit
rien négliger.
Parmi les moyens généraux, le meilleur, le
plus efficace de tous, celui sans lequel tous
les autres ne sont que des illusions, c'est de
mener une vie vertueuse. Pour mourir de la
mort des jusies qui est si précieuse devant
Dieu, il faut vivre de la vie des justes, il
faut s'adonner à la pratique des bonnes
œuvres. Vivre en réprouvé et vouloir mou
rir en prédestiné , c'est chose contradic
toire et impossible sans miracle. Espérer
qu'à la mort on trouvera les prières, les
actes de charité, de patience et autres qui
sont les dispositions et les causes de la
bonne mort qu'on n'aura pas pratiqués
— 124 —
pendant la vie, ce serait imiter celui qui
voudrait, au temps de la moisson, aller re
cueillir du blé dans un champ où il n'aurait
rien semé. A-t-on jamais vu, dit la vérité
même, a-t-on jamais vu cueillir des raisins
sur des épines ou des figues sur des ronces
( Math., VU, 16 )? C'est chose impossible:
de même celui qui prétend mourir sainte
ment sans vivre saintement, est dans une
grossière comme dans une dangereuse er
reur. De plus a-t-on jamais vu un homme
exceller dans un art auquel il ne s'était ja
mais exercé? Non assurément. Comment
doncpouvez-vous espérer pouvoir mourir en
pénitent et en chrétien, lorsque vous n'aurez
pas vécu en pénitent et en chrétien?
Parmi les dispositions prochaines et par
ticulières que vous devez employer, la prin
cipale c'est la prière. La persévérance finale,
dit saint Augustin, est la grâce des grâces ;
nous n'y avons aucun droit de nous-mêmes;
mais nous pouvons la mériter par une
prière humble et fervente. Demandez-la
donc instamment à Dieu, demandez-la par
l'intercession de la sainte Vierge, parce
- 125 —
qu'elle a le pouvoir de nous assister parti
culièrement à cette dernière heure. Offrez-
lui à cette intention tous les jours quelques
prières, et surtout les litanies composées en
son honneur, qui ont une efficacité spéciale
pour obtenir une bonne mort.
A la prière ajoutez la vigilance que le Fils
de Dieu vous a si souvent recommandée.
Soyez prêts, dit-il, et veillez, car yous ne
savez ni l'heure, ni le jour. Je viendrai
comme un voleur, craignez d'être surpris;
en conséquence tenez-vous toujours en état
de paraître devant Dieu. Mettez-vous tous
les jours, au soir, dans l'état où vous vou
driez être trouvé à l'heure de votre mort.
Le Fils de Dieu, votre souverain Seigneur
et maître, vous ordonne encore l'aumône.
Faites-vous, dit-il, des amis avec les richesses
sources de tant d'iniquités, afin que, quand
vous viendrez à manquer, les pauvres aux
quels vous les aurez distribuées, vous re
çoivent dans les demeures éternelles ( Luc,
xvi. 9 ). Chose admirable ! s'écrie saint
Ambroise, Dieu aime tant les pauvres, qu'en
leur considération, il pardonne aux pécheurs
— 126 —
qui l'ont outragé, et oublie toutes leurs of
fenses, et promet de les recevoir dans les
tabernacles éternels.
Faites encore' dire quelques messes pour
obtenir cette grâce; car le sacrifice de nos
autels étant la représentation de la mort du
Fils de Dieu, a une yertu particulière pour
obtenir une bonnemort. Comme il est impos
sible que Jésus-Christ ne soit exaucé, de
même il n'est pas à craindre que celui pour
lequel il se sera si souvent sacrifié, fasse une
mauvaise mort. Faites encore la sainte
communion avec ferveur pour la même fin,
car le Sauveur a promis la vie éternelle à
celui qui mangera dignement son corps et
son sang. Celui, dit Alyer, qui aura souvent
été uni au Fils de Dieu pendant sa vie, ne
saurait être séparé de lui après sa mort.
— 127

CHAPITRE V.

DES MASQUES DE PRÉDESTINATION.

Le terme prédestination, dans le langage


des théologiens, exprime le dessein que Dieu
a formé de toute éternité de conduire , par
sa grâce, certains hommes au salut éternel.
Comme Dieu ne conduit l'homme au salut
éternel que par la grâce , on distingue deux
sortes de prédestination : la prédestination
à la grâce et la prédestination à la gloire.
Tous ceux qui sont prédestinés à la grâce
ne sont par pour cela prédestinés à la gloire,
parceque plusieurs résistent à la grâce et ne
persévèrent pas dans le bien. Au contraire,
ceux qui sont prédestinés à la gloire le sont
aussi à la grâce ; Dieu leur accorde le don
de la vocation à la foi , de la justification et
— 128 —
de la persévérance , comme l'explique saint
Paul (Rom., viu, 30).
II. La prédestination à la gloire est le plus
grand des dons que Dieu puisse accorder à
ses créatures. Le Père Louis de Grenade
parle de ce grand don d'une manière si tou
chante, que nous ne pouvons nous dispenser
de citer ici ses paroles, avec quelques modi
fications : « Nous pouvons , dit-il , appeler
la grâce de la prédestination la grâce des
grâces , parcequ'elle se donne avant le mé
rite , par la seule bonté de Dieu , qui , sans
faire tort à personne , et donnant à tous les
hommes des secours nécessaires et suffisants
pour opérer leur salut, étend sur les autres
les richesses de sa miséricorde , comme un
roi qui est le maître absolu de ses dons. »
Cette prédestination est encore justement
appelée la grâce des grâces , non-seulement
parcequ'elle est la plus grande qu'on puisse
recevoir, mais aussi parcequ'elle est la cause
de toutes les autres. Car Dieu , ayant choisi
un homme pour sa gloire, il lui donne, en
considération de cette première grâce, tous
les autres moyens nécessaires pour l'acqué-
- 429 —
rir. C'est ce que nous apprend le Prophète
Jérémie par ces paroles : « Je vous ai aimé
d'une charité éternelle ; c'est pour cela que
je vous ai attiré, c'est-à-dire, c'est pour
cela que je vous ai accordé ma grûce, afin
que par elle vous parveniez à ma gloire. »
L'Apôtre nous a encore fait connaître plus
clairement cette vérité : « Ceux que Dieu ,
dit-il, a prédestinés pour devenir conformes
à l'image de son Fils, ceux-là il les a appe
lés; ceux qu'il a ainsi appelés, il les a justi
fiés ; et ceux qu'il a justifiés, il les a glo
rifiés (Rom.', viii, 30). » En effet, comme
Dieu dispose toutes choses avec douceur et
avec ordre, dès qu'il a choisi quelqu'un pour
sa gloire, il a dû lui donner en même temps
tout ce qui lui était nécessaire pour y par
venir. En cela il agit à l'égard de ses Elus
comme un père à l'égard de ses enfants.
Lorsqu'un père de famille destine quelqu'un
de ses enfants à l'état ecclésiastique ou à
tout autre , il a soin dès l'enfance de l'occu
per de choses relatives à l'état qu'il doit
embrasser ; ainsi le Seigneur , ayant choisi
un homme pour sa gloire , il lui donne tous
— 130 -
les moyens nécessaires pour parvenir à la
fin qu'il lui a préparée.
Encore une fois, quelle grâce que celle
d'avoir été écrit dans ce livre dont Jésus-
Christ, parlant à ses Apôtres', dit : Ne vous
réjouissez pas tant de voir que les esprits ma
lins vous sont soumis , que de savoir que vos
noms sont écrits dans le livre de Die (Luc, x,
49) ! Quelle grâce que celle d'avoir été aimé
et choisi de Dieu de toute éternité , depuis
que Dieu est Dieu , d'avoir été renfermé
comme dans son sein, et choisi pour son
enfant adoptif ! Pour vous convaincre plus
intimement de l'excellence de cette grâce ,
considérez toutes les circonstances de cette
élection divine, et vous verrez qu'il n'y en a
aucune qui ne doive vous porter à une vive
reconnaissance pour un si grand bienfait.
Quel est celui qui vous a élu ? C'est ce Dieu
infiniment riche , infiniment puissant , qui
n'avait besoin ni de vous , ni de personne.
Qui a-t-il élu? Une personne infiniment in
digne de cette grâce, une misérable créature
sujette à la mort et à toutes les misères de
cette vie, et destinée pour ses péchés à souf
- 131 -
frir les peines éternelles de l'enfer. Ajoutez
à cela la sublimité de cette élection; il ne
peut y avoir rien de si relevé, puisque cette
prédestination a pour but de vous élever à la
dignité d'enfant de Dieu, de vous rendre hé
ritier de son royaume et participant de sa
gloire. Quoi de plus gratuit que cette grâce,
puisqu'elle prévient, comme nous avons dit,
toutes sortes de mérites et qu'elle n'est que
le seul effet de la volonté de Dieu , et qu'elle
n'est donnée, comme dit l'Apôtre, que pour
la gloire et pour la louange de l'immense
libéralité de Dieu et de sa grâce (Eph., i, 6)?
Quoi de plus ancien que cette élection ? Ce .
n'est pas seulement au commencement du
monde que vous avez été ainsi choisi de
Dieu , mais de toute éternité. Oui, vous avez
toujours été aimé de Dieu , vous avez tou- .
jours été en sa présence , et il vous considère
toujours avec la même affection , toujours
résolu de vous accorder cette faveur. Enfin,
est-il une grâce plus spéciale, et qui marque
une plus grande prédilection pour vous ?
Qu'avez-vous fait à Dieu, pour vous choisir
préfiérablement à tant de nations barbares.
— 134 — (
pour vous séparer de cette masse de perdi
tion , pour vous élever à l'union la plus
sainte avec les Anges et les Bienheureux ?
Ne cessons donc de le répéter : quelle grâce !
quelle insigne grâce ! Admirons en silence la
grandeur de ce bienfait, qui est d'amant
plus excellent que le nombre des élus est
plus petit.
Telle est la grâce de la prédestination.
Pour achever d'en avoir une haute idée, je
suppose que vous connaissiez par révélation
qu'un pauvre mendiant de votre connais
sance est un prédestiné. Je vous le demande,
pour peu que vous ayez de religion , ne se-
rez-vous pas pénétré, pour ce pauvre, d'une
estime infiniment supérieure à celle que vous
avez pour les plus grands rois du monde?
Je vous le demande , ne vous courberez-vous
pas pour baiser la trace de ses pieds? Ne
courrez-vous pas après lui pour vous pros
terner à ses genoux et lui donner mille bé
nédictions ? Ne vous écrierez-vous pas : O
Bienheureux ! est-il possible que vous soyez
de cette glorieuse troupe des élus? Est-il
possible que vous soyez prédestiné pour
— 155 —
voir un jour notre grand Dieu dans saJbeauté?
Est-il possible que vous deviez avoir votre
place parmi les chœurs des Anges , et jouir
de leur musique céleste ; que vous deviez
voir le visage resplendissant de Jésus-Christ,
et celui de sa sainte Mère? Heureux le jour
de votre naissance ; plus heureux celui de
votre mort, puisqu'il doit vous mettre en
possession d'une vie éternelle ! Béni soit le
pain que vous mangez, et bénie soit la terre
sur laquelle vous passez, puisqu'elle porte
en vous un trésor incomparable. Benis soient
surtout les travaux que vous endurez, les
afflictions que vous éprouvez, puisqu'elles
doivent vous ouvrir le chemin du repos
éternel! Qui pourrait se défendre de ces sen
timents, s'il connaissait un homme assuré de
sa prédestination? Si un prince destiné à
s'asseoir sur un des plus beaux trônes du
monde, passait par une ville, tous ne s'em
presseraient-ils pas d'aller au devant de lui ,
de voir un homme destiné à une si haute
fortune? Combien plus devrions-nous mon
trer d'ardeur pour voir un mortel choisi
avant sa naissance , non pour régner sur la
8*
— 134 —
terre, mais pour régner éternellement dans
les Cieux ?
Voilà comment notre pieux auteur s'ef
force de nous donner une haute idée de la
grâce de la prédestination. Voilà comment
il s'efforce d'exciter notre reconnaissance et
de nous porter à servir un Dieu si magni
fique dans ses récompenses. Et, en effet, qui
pourra'jamais assez remercier son Dieu pour
une si grande grâce ? Quel esprit pourra la
comprendre, quel cœur la sentir, quelle
langue l'exprimer , quels services la recon
naître? Qui voudra attendre la fin de sa vie
pour aimer un Dieu qui l'a aimé de toute
éternité? Qui voudra changer cet ami pour
un ami mortel ? nous voyons, dans l'Écriture,
que rien au monde n'est plus précieux qu'un
vieil ami , que penser d'un ami éternel ? et,
si c'est un crime de sacrifier un vieil ami
pour en choisir un nouveau , qui pourra se
résoudre à laisser son Dieu qui l'aime éter
nellement, pour donner la préférence à
quelque autre ami que ce soit ? Knfin, s'il est
vrai, comme les lois civiles de tous les peu
ples le disent ; s'il est vrai qu'une possession
immémoriale vaut titre et donne droit sur
une chose; quel droit le Seigneur, qui nous
possède de toute éternité, n'a-t-il pas sur
nous, sur notre esprit, sur notre cœur et sur
toutes nos actions?
III. Vos réflexions sont bien justes , dira
quelqu'un, mais, hélas ! qui sait s'il est digne
d'amour ou de haine? Qui sait s'il sera assez
heureux pour être du nombre de ces heu
reuses créatures qui auront le bonheur de
contempler Dieu pendant l'éternité, de l'ai
mer et d'en être aimées? #
11 est bien vrai, disent les docteurs, que
personne ne peut, sans une révélation par
ticulière, avoir des preuves assurées de sa
prédestination; puisque nous en voyons plu
sieurs qui, après avoir longtemps vécu dans
la sainteté, se sont démentis vers la fin de leur
vie, et qui, après avoir bien commencé, ont
fini misérablement. Il est bien vrai, en général,
que la prédestination est un secret que Dieu
s'est réservé ; mais il est vrai aussi qu'il est
avantageux pour nous d'ignorer ce mystère.
Dieu, en le cachant aux plus justes, veut les
préserver de la présomption , et les main
- 156 —
tenir sans cesse dans la vigilance, dans l'hu
milité et la prière. Loin donc de désirer une
connaissance qui pourrait nous devenir si
nuisible, nous devons de grandes actions de
grâces au Dieu de bonté, qui sait tirer de si
précieux avantages de noire ignorance à cet
égard. Reposons-nous donc avec confiance
sur la bonté de celui qui n'a pas commencé
l'ouvrage de notre perfection pour le laisser
imparfait , comme parle l'Apôtre , mais qui ,
si nous ne lui résistons pas, disposera de tout,
se servira même de nos fautes pour nous faire
parvenir au salut éternel. Nous nous confions
à nous-mêmes qui sommes nos plus grands
ennemis , qui ne sommes rien , qui ne pou
vons rien que péché, et nous refuserions de
mettre toute notre confiance en la bonté
d'un Père qui nous chérit , qui étant infini
ment bon, veut notre plus grand bien ; qui
étant tout-puissant, peut nous procurer ce
bien malgré les efforts du démon et des
hommes, et qui étant infiniment sage, con
naît les moyens les plus efficaces pour nous
procurer ce bien qu'il nous veut. Déposons
donc nos craintes trop inquiètes dans le sein
- 137 —
de ce bon Père , le ciel et la terre s'écrou
leraient plutôt sur leurs fondements, que
notre Dieu manquât à quiconque se repose
sur lui et sur sa bonté infinie.
Je dis plus, et en avouant qu'il est vrai
que nul ne peut être assuré de son salut
éternel, et qu'en conséquence, chacun doit
espérer son salut avec crainte et tremble
ment; je dis donc qu'il y a des marques de
prédestination, qu'il y a des marques qui
peuvent nous faire raisonnablement pré
sumer que nous serons un jour du nombre
des Élus : c'est de ces marques que j'ai des
sein de parler dans ce chapitre. Les Théolo
giens , fondés sur l'Écriture et la tradition
des saints Pères , en rapportent un grand
nombre, comme la parfaite Religion envers
Dieu, la dévotion envers la sainte Vierge et
les Saints; la charité, l'amour des pauvres,
la vraie humilité, la patience, l'amour des
ennemis, la bonne vie, la fréquente et digne
réception des Sacrements , la délicatesse de
conscience, le désir d'entendre la parole de
Dieu , l'amour de la prière , la pratique des
conseils évangéliques et autres. Nous nous
contenterons de parler des principales et en
peu de mots.

Premières marques de prédestination.

La dévotion envers Dieu, envers Jésus-Christ, en


vers la sainte Vierge, envers les Saints.

Nous aurions pu réduire toutes nos mar


ques à une seule, la charité. Oui, celui qui
aime son Dieu, qui aime ses frères pour l'a
mour de Dieu, qui a une charité bien ordon
née pour lui-même, sera sauvé. Pour le prou
ver, il suffit de rappeler la réponse que le
Sauveur des hommes fit à un docteur de la
loi. « Maître, lui dit celui ci ; Maître, que
faut-il faire pour arriver à la vie éternelle? »
Jésus lui répondit : « Qu'y a-t-il d'écrit dans
la loi? Qu'y lisez-vous? » Le docteur répon
dit : « Vous aimerez le Seigneur votre Dieu
de tout votre cœur, de toute votre âme, de
toutes vos forces et de tout votre esprit, et
votre prochain cômh)e vous-même. » Jésus
lui dit : a Vous avez fort bien répondu ; fai
tes cela et vous vivrez éternellement » (Luc.
- 139 —
x, 28). Dans cet article , nous ne parlerons
que de la charité envers Dieu, envers Jésus-
Christ, envers la sainte Vierge et les Saints.
Par rapport à l'anlour de Dieu, voyez si
vous reconnaissez en votre âme. un amour
fort, généreux , persévérant envers Dieu ; si
vous êtes pénétré d'un respect profond pour
sa divine majesté, d'une religron affectueuse
pour tout ce qui a rapport à son culte, d'un
saint zèle pour soutenir ses intérêts et ne ja
mais rougir d'être son Serviteur. Si vous
reconnaissez en vous ces signes , remerciez
Dieu, car vous sentez dans votre âme des
marques de sa prédestination. Et comment
ne seriez-vous pas destiné au bonheur éter
nel ? La sainte Ecriture ne' noiis dit-elle pas
partout que la charité ne meurt point, qu'elle
dure éternellement ; et qu'au contraire celui
qni n'a pas la charité est mort?
L'amour de notre Seigneur Jésus-Christ
n'est pas une marque moins évidente de no
tre prédestination éternelle. N'est - il pus
écrit que celui qui n'aime pas notre Seigneur
Jésus-Christ doit être anaihème(l.CoR. xvr,
22)? N'est-il pas écrit que ceux qui par
— uo —
amour pour lui travailleront à le faire con
naître des hommes et à lui gagner des cœurs,
auront la vie éternelle : Qui elucidant me
vitamœternam habebimt ^ëccli., xxiy, 31).
Pour ce qui regarde la dévotion envers les
Saints, c'est une chose remarquable que ceux
que Dieu a destinés au bonheur céleste, il
leur a en même temps inspiré un respect pro
fond, une dévotion très tendre pour la sainte
Vierge et les Saints du Paradis. Comme il y
a des traits de ressemblance entre les mem
bres d'une même famille et qu'ils ont entre
eux une sympathie particulière et un certain
esprit de famille, de même il y a entre les
membres du grand Père de famille, qui est
Dieu, des liaisons de charité ineffables; il y a
entre ceux qui sont arrivés déjà au port et
ceux qui sont encore voyageurs sur la terre,
une communication intime que l'Eglise ap
pelle la Communion des Suints. Ceux qui
sont sur la terre honorent, aiment et invo
quent ceux du ciel, et ceux qui sont déjà
auprès de leur père dans les cieux, intercè
dent pour leurs frères qui combattent, pour
la gloire de Dieu, le démon, le monde et la
- Mt —
chair. Comme toutes les chaires chrétiennes
retentissent surtout de cette consolante vé
rité que la dévotion à la Mère de Dieu est
une des marques des plus communes et des
plus assurées de vocation au Paradis , nous
allons nous y arrêter plus longuement.
C'est le cri unanime de tous les siècles,
qu'un vrai serviteur de Marie ne saurait pé
rir. Dieu, dit saint Liguori, n'accorde cette
grâce d'une solide dévotion envers sa Mère,
d'un tendre amour pour Marie, qu'à ceux
qu'il veut sauver.
Le vénérable Louis de Montfort voulant
faire comprendre sur quoi est fondée cette
opinion générale, ce cri universel, fait à ce
sujet des considérations dignes de sa tendre
dévotion envers la Mère de Dieu. Nous allons
extraire quelque chose de ses profondes pen
sées.
« O quel ouvrage admirable! s'écrie-t-il.
0 quel ouvrage admirable que celui de no
ire sanctification! La poussière changée en
lumière, l'ordure en pureté, le péché en
sainteté, la créature tranforméeen son Créa
teur et l'homme en Dieu, voilà la sanctifica
— us -
tion. Ouvrage si admirable, que la création
de l'univers n'est pas un si grand chef-d'œu
vre que celui dont nous parlons. Nous som
mes tous appelés à cette sainteté. Dieu veut
le salut de tous, ainsi que les saintes lettres
et l'autorité de l'Eglise nous l'apprennent.
Mais l'homme par lui-même est-il capable
d'un si magnifique ouvrage? Non, il n'y a
que celui qui a fait l'homme qui puisse sanc
tifier l'homme par sa grâce, et ce dernier
ouvrage lui coûte infiniment plus que le
premier, que la création elle-même. Pour
créïr, il n'a eu besoin que d'une parole, que
d'un acte de sa volonté ; au lieu que , pour
sanctifier une âme, il a donné sa vie, et il
opère sans cesse en elle d'une manière inef
fable. 11 n'y a donc que Dieu par sa grâce,
et par une grâce abondante et extraordi
naire, qui puisse venir à bout d'un si grand
ouvrage. Cette grâce si nécessaire est donnée
à tous plus ou moins grande, car Dieu, quoi
que infiniment bon , ne donne pas sa grâce
également forte à tous, quoiqu'il la donne
suffisante à tous. L'âme fidèle avec une
grande grâce fait une grande action, et avec
- 143 —
une faible grâce fait une petite action. Le.
prix et l'excellence de la grâce donnée de
Dieu et suivie de l'âme, fait le prix et l'ex
cellence de nos actions.
• Cette grâce si précieuse , si nécessaire
pour devenir Saints, comment l'obtiendrons-
nous? Par Marie et en Marie. Il n'y a point
de moyen plus facile et plus sûr de l'obtenir
de Dieu. En voici les raisons : 1* Marie seule
a trouvé grâce devant Dieu , et pour elle et
pour chaque homme en particulier; c'est
pour cela qu'elle est appelée la Mère de la
grâce ; 2° Marie ayant donné l'être et la vie à
l'auteur de toute grâce , a reçu par là une
certaine juridiction sur ces grâces ; 3° Dieu
le Père, de qui tout don parfait et toute
grâce descend , comme de sa source essen
tielle, ayant choisi Marie pour la trésorière
et la dispensatrice de toutes ses grâces, il en
résulte que toute grâce, tout don parfait
passe par ses mains , de sorte , dit saint Ber
nardin, qu'elle donne à qui elle veut, comme
elle veut et autant qu'elle veut, les grâces du
Père céleste, les vertus de Jésus-Christ et les
dons du Saint-Esprit ; 4" comme, dans l'ordre
— U4 —
naturel, il faut qu'un enfant ait un père et
une mère, de même, dans l'ordre de la grâce,
il faut qu'un vrai enfant de l'Eglise ait Dieu
pour père et Marie pour mère , et s'il se glo
rifie d'avoir Dieu pour père, n'ayant point la
tendresse d'un vrai enfant pour Marie, c'est
un trompeur qui n'a que le démon pour père ;
5° enfin , puisque Marie a formé le chef des
prédestinés, elle doit former les membres de
ce chef, qui sont les vrais chrétiens, car une
mère ne forme pas le chef sans les membres,
ni les membres sans le chef. Quiconque donc
veut être membre de Jésus-Christ , plein de
grâces et de vérité, doit être formé en Marie
par le moyen de la grâce de Jésus-Christ , qui
réside en elle en plénitude , pour être com
muniquée en plénitude à ses vrais membres
et à ses vrais enfants. »
Voilà le solide fondement sur lequel est
appuyée l'opinion générale qui fait regarder
la dévotion à la glorieuse Mère de Dieu
comme une marque de prédestination. Qui
pourrait n'être pas touché de ces raisons 'l
Qui ne s'empressera de se mettre sous la pro
tection de cette glorieuse et puissante mé
— 445 —
diatrice, afin d'obtenir, par son secours, les
grâces dont il a besoin pour opérer son sa
lut? Oui, si, une fois, il a trouve Marie, et
par Marie , Jésus, et par Jésus, Dieu le Père,
il aura trouvé tout bien, disent les saintes
âmes. Qui dit tout n'excepte rien : toute
grâce et toute amitié auprès de Dieu, toute
sûreté contre les ennemis de Dieu, toute vé
rité contre le mensonge, toute facilité et
toute victoire contre les difficultés du salut ;
toute douceur et toute joie dans les amertu
mes de la vie. Ce n'est pas que celui qui a
trouvé Marie par une vraie dévotion soit
exempt de croix et de souffrances , tant s'en
faut; il en est plus assailli qu'aucun autre,
pareeque Marie étant la Mère des vivants,
donne à tous ses enfants des morceaux de
l'arbre de vie, qui est la croix de Jésus;
mais c'est qu'en leur taillant de bonnes croix,
elle leur donne la grâce deles porterpatiem-
ment, et même joyeusement , ou s'ils sentent
pour un temps l'amertume du calice , qu'il
faut boire nécessairement pour être ami de
Dieu , la consolation et la joie que cette
bonne Mère donne et fait succéder à la tris-
9
— U6 -
teste, les anime infiniment à porter des croix
encore plus lourdes et plus amères.
Ainsi parle le grand serviteur de Dieu et
de sa sainte Mère. Il termine en disant que
tant de privilèges attachés à la dévotion à la
sainte Vierge, ne sont accordés qu'à une
vraie dévotion , qu'à une dévotion éclairée
qui évite le péché mortel et porte l'âme à
remplir tous ses devoirs ; qu'à une dévotion
tendre qui se fait remarquer par des senti
ments d'estime , d'amour, de confiance pour
la sainte Vierge; qu'à une dévotion agissante
qui porte à honorer ses images et ses autels,
à publier ses louanges, à s'enrôler dans ses
congrégations, à l'invoquer sans cesse avec
confiance; enfin, qu'à une dévotion géné
reuse qui engage l'âme à se consacrer à
elle, sans réserve et pour toujours. Telle est
la vraie dévotion à la sainte Vierge. Telle est
celle qui est une vraie marque de prédestina
tion. Puis^e-t-elle être la nôtre !
Deuxième marque de prédestination.

La charité envers le prochain et surtout pour les


pauvres.

Ce que nous avons déjà dit au commence


ment de ce chapitre , montre que la charité
fraternelle est un signe de prédestination.
Nous nous contenterons ici, pour le prouver,
d'ajouter un texte de l'Apôtre qui est très
clair et très coneluant. Revêtez-vous , dit-il
aux Oolossiens, revêtez-vous, comme élus de
Dieu, de tendresse et d'entrailles de miséri
corde , de bonté , d'humanité , de modestie ,
de patience , vous supportant les uns les au
tres , chacun remettant à son père tous les
sujets de plaintes qu'il aurait contre lui , et
vous pardonnant réciproquement comme le
Seigneur vous a pardonné ; mais surtout re
vêtez-vous de la charité, qui est le lien de la
perfection. Voulons-nous donc que Dieu nous
pardonne ? pardonnons aux autres. Voulons-
nous être parfaits? possédons la charité.
Voulons-nous être des élus de Dieu , des pré
destinés t soyons charitables et pleins de
— m -
support pour les défauts du prochain, pleins
de compassion pour ses misères : Induite vos
s'icut elect[ Dei sancù ct dilecti viscera mise-
ricordiœ (Col., m, 12).
Mais c'est surtoux l'amour des pauvres que
l'Evangile et les Saints nous donnent pour
une marque assurée de notre prédestinai ion
éternelle. Ecoutons les paroles consolantes
de Jésus-Christ : « Quand le Fils de l'homme,
dit le divin Sauveur , qnand le Fils de
l'homme viendra dans sa majesté , accompa
gné de tous ses Anges , il s'asseoira sur un
trône éclatant de gloire. Toutes les nations
étant assemblées devant lui , il séparera les
uns des autres. Il placera les brebis à sa
droite et les boucs à sa gauche. Alors le Roi
dira à ceux qui seront à sa droite : Venez
les bénits de mon Père, possédez le royaume
qui vous a été préparé dès le commencement
du monde. Car, j'ai eu faim , et vous m'avez
donné à manger ; j'ai eu soif et vous m'avez
donné à boire ; j'étais étranger, et vous m'a
vez reçu ; j'étais nu, et vous m'avez revêtu ;
j'étais malade, et vous m'avez visité; j'étais
en prison, et vous êtes venu me voir. Alors
— 149 —
les justes lui répondront : Seigneur/quand est-
ce que nous vous avons vu avoir faim, et que
nous vous avons donné à manger , ou avoir
soif, et que nous vous avons donné à boire?
Quand est-ce que nous vous avons vu sans
logement, et que nous vous avons logé, ou
sans habits et que nous vous avons revêtu ?
Et quand est-ce que nous vous avons vu ma
lade ou en prison, et que nous sommes venus
vous visiter ? Le Roi des rois , le Seigneur
des Seigneurs leur répondra : » Je vous le dis
en vérité, qu'autant de fois que vous avez
rendu ces devoirs au moindre de mes frères
que voici , c'est à moi-même que vous l'avez
fait (Mat., xxvi^ 40). «Peut-on entendre des
paroles plus consolantes, plus capables d'ex
citer l'ardeur des fidèles pour les œuvres de
miséricorde ? On aime à recevoir les princes
de ce monde, les frères des rois ou leurs am
bassadeurs ; on se tient honoré de se montrer
généreux à leur égard. Quel honneur donc
peut être comparé à celui de recevoir Jésus-
Christ , de recevoir ses frères , ses lieute
nants? Quel bonheur d'assister ce divin
Sauveur, de donner à celui de qui on a tout
- 150 —
reçu, et qui promet en récompense de ces
services la vie éternelle. Oui , n'en doutons
pas , si nous sommes généreux envers les
pauvres , si nous les aimons pour l'amour
de celui qu'ils représentent, si nous sommes
touchés de leurs besoins, de leurs afflictions,
comme nous aurions été touchés de compas
sion en voyant Jésus-Christ transi de, froid
sur la paille de la crèche, ou accablé d'in-
ures et d'outrages dans les rues de Jérusa
lem ; oui, n'en doutons pas, nous sommes
destinés à entrer dans les murs de la céleste
Jérusalem , nous sommes des prédestinés t
nous verrons un jour le Roi des rois sur son
trône de gloire dans le ciel. « Je ne me sou
viens pas, dit saint Jérôme, d'avoir jamais
lu que quelqu'un ait fait une mauvaise mort,
après avoir aimé à répandre son bien dans le
sein des pauvres. » La raison qu'il en ap
porte est belle et solide, t Celui , dit-il , qui
assiste les pauvres a beaucoup d'interces
seurs, et il est impossible que les prières de
plusieurs ne soient exaucés de Dieu : Habet
enim multos intercessores , et impossibile est
muliorum preces \non exaudiri.
- 151 -
Mais souvenons-nous que l'aumône spiri
tuelle est encore plus excellente que celle
qui n'a rapport qu'au soulagement du corps.
Tâchez donc de pourvoir, selon votre état et
vos moyens , au salut de vos frères. Quand
votre prochain «sera tombé dans quelque
faute , employez tous vos soins pour le ra
mener à son devoir, priez pour lui , donnez-
lui des avis salutaires avec douceur et humi
lité. Si vos moyens le permettent , donnez
les fonds nécessaires pour une mission, pour
une retraite ; si vous saviez les fruits abon •
dants qui résultent de ces exercices extra
ordinaires, combien de restitutions sont
faites, combien de confessions sont réparées,
combien de haines sont éteintes , combien
de conversions sont opérées , vous ne vou
driez pas mourir sans avoir procuré un si
grand bien à quelque paroisse ? En un root,
instruisez les ignorants, soit par vous-même,
soit par d'excellents instituteurs , consolez
les affligés et apprenez-leur à sanctifier leurs
souffrances , assistez votre prochain , pour
voyez à ses besoins corporels et spirituels ,
et vous aurez la consolation d'entendre un
— 152 —
jour de la bouche de Jésus-Christ cette déli
cieuse sentence : t Venez, le bénit de mon
Père, posséder un royaume éternel.

Troisième marque de prédestination.

L'Uumilité et la Patience.

Les marques dont nous avons parlé jus


qu'ici regardent directement Dieu ou le pro
chain ; celles dont nous allons nous occuper
ont rapport à nous-mêmes. Nous les rédui
sons à deux ; l'humilité de cœur et la pa
tience dans les peines de cette vie.
1° L'humilité. Il suffit d'ouvrir les saintes
Ecritures pour se convaincre que rien n'est
plus nécessaire pour aller au ciel que l'hu
milité ; que cette sainte vertu est le vrai ca
ractère des prédestinés. Qui sera un jour
sauvé ? Ce sera, dit le Psalmisie , l'humble
d'esprit : Humiles spiritus salvabit (Ps. xxxm,
18). « Ce sera, dit Jésus-Christ, quiconque
deviendra comme un petit enfant par les
sentiments d'humilité de son cœur ; celui qui
prétend entrer dans le royaume des cieux
par une autre voie, n'y entrera jamais (Marc,
x, ii). » — f Humiliez-vous, dit saint Pierre,
sous la puissante main de Dieu, afin qu'il vous
élève au temps de sa visite (1. Pet., v, 6). »
Comme l'orgueil est le principe de tout pé
ché , ainsi que nous l'apprend le Saint-Es
prit, que celui qui y demeure attaché sera
rempli de malédictions et y trouvera enfin sa
ruine ; ainsi l'humilité est le fondement de
tout édifice spirituel, le principe de toute
bonne oeuvre ; celui qui l'a prise pour com
pagne sera comblé de bénédictions , et par
viendra enfin au port du salut éternel. De
mandons par conséquent à Dieu le mépris de
nous-mêmes ; aimons à nous humilier à la
vue de notre néant et de nos innombrables
péchés ; reconnaissons que tout le bien qui
est en nous est le fruit de la grâce de Dieu,
et regardons-nous toujours comme des ser
viteurs inutiles. Avouons sans cesse devant
Dieu que nous sommes la faiblesse et l'in
constance même, que nous ne valons rien et
ne pouvons rien, et ne soyons jamais assez
téméraires pour nous préférer à qui quesoit.
Le Sauveur, dans l'Evangile, dit un petit
9*
- 194 — .
mot bien capable de confondre la vaine con
fiance des hommes présomptueux. Je vous
assure, disait-il aux Pharisiens orgueilleux *
je vous assure que les Publicains et les fem
mes de mauvaise vie sont plus près du
royaume de Dieu que vous. Prœccdent fos»
ils vous précéderont, c'est-à-dire ils y entre
ront plutôt que vous. .L'humilité peut faci
lement leur en ouvrir les portes, tandis que
l'orgueil les tiendra fermtes pour vous. Mé
ditons ces paroles; elles nous tiendront dans
une salutaire humilité, et seront la cause de
notre salut éternel.
2° La patience dans tes afflictions. Nous
venons de voir que la porte du ciel est très
étroite, comme le dit le Sauveur; que les
hommes enflés d'orgueil ne sauraient y pas
ser; qu'il faut nécessairement devenir petit,
s'abaisser, si on veut pénétrer dans le royau
me des deux. Mais l'humilité ne suffît paspour
entrer dans les murs de la céleste Jérusa
lem, il est nécessaire d'avoir été taillé et
poli par les marteaux du divin Architecte,
c'est-à-dire qu'il faut avoir été éprouvé par
les souffrances. Point de marque de prédes
- 155 —
tination plus assurée. Point de vérité plus
souvent et plus fortement inculquée dans les
saintes Ecritures, dans les écrits des saints
Pères et des maîtres spirituels... Il n'y aura
de prédestinés, selon l'Apôtre, que ceux qui
seront semblables à Jésus^Christ, qui seront
devenus ses vives images : Quos prœscivii et
prœdeitinavit conformes fieri imaginis filii sui.
Or, ce n'est que par les souffrances que nous
pouvons devenir les images de l'homme de
douleur par excellence; ce n'est qu'en por
tant notre croix comme lui que nous lui de
viendrons semblables. C'est encore saint Paul
qui nous l'apprend. Si nous mourons avec
Jésus-Cbrist, dit-il, nous vivrons aussi avec
lui ; si nous souffrons avec ce divin Sauveur,
nous régnerons avec lui : Si'sustinebimus,
conregnabimus (2 Tm., n, 12). Dieu nous
a fait la grâce de devenir ses enfants j
eomme enfants nous serons héritiers de
Dieu , cohéritiers de Jésus-Christ. Quelle
grâce! Quelle gloire! Quel héritage réservé
à de pauvres créatures ! Eh bien ! cette
gloire , cet héritage , qui le partagera avec
Jésus-Christ? Celui, répond l'Apôtre, qui
— 156 —
souffrira avec lui : Si tamen compatimur, ut
et conglorificemur (Rom. vm, 17). C'est une
condition indispensable, absolument néces
saire. Ce que l'Apôtre ajoute est fort conso
lant : Ce que je vous dis, mes frères bien-
aimés, ne doit pas vous paraître trop dur ni
vous faire perdre courage, car je suis per
suadé que les souffrances de la vie présente
n'ont point de proportion avec cette gloire
qui sera un jour manifestée en nous (//;.).
Dans son épitre aux Hébreux, ce grand Saint
parle ainsi aux Chrétiens pour les animer- à
souffrir avec patience : « Ne vous lassez
point de souffrir. Souvenez-vous que Dieu
vous traite .en cela comme ses enfants ; car
quel est l'enfant qui ne soit point châtié par
son père? Si vous n'êtes point châtiés, tous
les Saints l'ayant été, vous êtes donc des en
fants adultérins et non des enfants légiti
mes. » Après ces paroles, toujours un peu
dures pour noire délicatesse, quelque per
suasives qu'elles peuvent être , l'Apôtre en
vient encore aux consolations et ajoute :
Tout châtiment, quand on le reçoit, semble
être un sujet de tristesse et non de joie ;
— 157 -
mais ensuite il fait recueillir dans une pro
fonde paix des fruits de justice à ceux qui
auront été ainsi exercés (Heb., xn, M). Mé
ditons ces divines paroles; elles nous ap
prendront qu'on ne peut aller au ciel sans
souffrir, et nous encourageront à porter gé
néreusement notre croix après Jésus-Christ,
car il a fallu que le Christ souffrit : Oportuit
pad Chrisium, et ce n'est que par ses souf
frances qu'il est entré dans sa gloire. Ce ne
sera de même que par beaucoup de souffran
ces et de tribulations que nous pourrons en
trer dans le royaume de Dieu. Combien donc
sont trompés ceux qui croient être mal avec
Dieu quand il leur envoie des peines et des
afflictions? Dans quelle erreur ne sont pas
ceux qui demandent à Dieu la fin de leurs
souffrances afin de le mieux servir? Ce seul
mot : Dieu soit béni ! prononcé dans la souf
france, vaut mieux que cent prières dans la
prospérité. La gloire éternelle est le terme
que nous désirons, mais les souffrances en
sont le chemin. Renoncer à souffrir et re
noncer au ciel , c'est la même chose. Une vie
sans souffrance ne mérite pas le nom de vie,
— 158 —
c'est une vie sans bonnes oâuvresi De là ces
expressions étonnantes des Saints : Ou souf
frir ou mourir; souffrir et être méprisé pour
vous, ô mon Dieu ! non mourir, mais souffrir.
Si nous ne sommes pas assez généreux pour
entrer dans leurs sentiments, au moins ne
repoussons pas la main paternelle qui nous
corrige pour notre bien, ne murmurons pas
comme les Israélites ou comme le mauvais
' larron ; mais bénissons Dieu comme le bon
larron, baisons la main qui nous châtie, afin
qu'après avoir été éprouvés dans cette vie ,
nous ayons l'espérance d'être consolés dans
l'autre : Gloriamur in tribulationibus , scien-
tes quod tribulatio patientiam operatur; pa-
tiemia autem probationem; probatio vero
spem; spes aulem non confundit (Rom., v, 3).
Telles sont les principales marques aux
quelles on peut reconnaître qu'on est du
nombre des prédestinés. Heureux ceux qui
sont marqués au front du caractère des en
fants de Dieu, qui l'aiment comme leur bon
Père céleste, et le prochain comme les enfants
de ce Père chéri et pour l'amour de lui* qui
portent dans leurs ûmes et dans leurs corps
— 189 —
l'humilité et la mortification de Jésus-Christ,
ils verront un jour leur Dieu dans sa beauté*
et leur Sauveur dans la splendeur des Saints.
Si vous reconnaissez en vous quelques-unes
de ces précieuses marques, rendez à votre
Dieu de toute l'étendue de votre âme des ac
tions de grâces pour un don si excellent j
efforcez-vous d'affermir tous les jours votre
vocation par vos bonnes œuvres ; souvenez-
vous que c'est peu d'avoir commencé, si l'on
ne parvient au terme; souvenez-vous que
comme la plus assurée marque qu'on est en
grâce avec Dieu, c'est la bonne vie, de même
le signe le plus certain qu'on est du nombre
des prédestinés , c'est la persévérance dans
la bonne vie. Telle vie, telle hiort, telle éter
nité ; les exceptions sont des miracles dans
l'ordre de la grâce. Celui qui aura persévéré
jusqu'à la fin, dit la vérité même, sera sauvé
(Mat., x, 21). Commencez dès votre jeunesse
a porterie joug aimable du Seigneur, car il
est écrit que l'homme ne se détournera pas
dans sa vieillesse du chemin qu'il aura suivi
étantjeMne(PROV.,xxu, 6). Tenez bien votre
couronne de crainte qu'elle ne vous soit ën
— 160 —
levée (Apoc, ut, 6). Conservez-vous dans l'a
mour de Dieu malgré les ennemis de votre
salut acharnés à votre perte; n'ayez pas
moins de zèle pour le salut de votre chère
âme, qu'ils n'en ont pour procurer sa ré
probation. Vivez dans l'espérance de la vie
éternelle. Que cette espérance vous fortifie,
vous console, vous détache du monde et de
ses vains plaisirs ; que la Toi des récompenses
éternelles soit le mobile de toute votre con
duite, qu'elle dirige toutes vos démarches,
qu'elle sanctifie toutes vos actions et toutes
vos souffrances. Souvenez- vous que les jours
de vos épreuves ne sont que d'un moment.
Combattez donc avec courage, car vous avez
besoin de confiance et de patience pour
accomplir la volonté de Dieu, et parvenir
ainsi aux récompenses infinies qui vous ont
été promises. Imitez la vie de Jésus-Christ,
votre souverain Seigneur et divin modèle,
afin que, quand il paraîtra, vous paraissiez
aussi avec lui dans sa gloire (Col., ui, 4).
Quant à vous qui portez le caractère de la
béte infernale, qui reconnaissez' en vous les
marques de réprobation, tremblez! Entre
t
- 161 -
vous et le démon dont vous êtes l'enfant ,
entre vous et l'enfer que vous avez mérité par
vos péchés mortels, il n'y a peut-être qu'un
pas , peutrêtre qu'un moment. Peut-être ne
vous releverez-vous plus du lit de votre re
pos. Pendant qu'on transportera votre cada
vre en terre, où sera votre âme infortunée?
Ah ! de grâce, efforcez-vous d'effacer ces ca
ractères honteux ; voyez où vous en êtes, et
en quel état votre âme se trouve devant
Dieu. N'êtes-vous pas insensible pour Dieu
et pour tout ce qui concerne son culte, pour
Jésus-Christ votre^Sauveur, et pour tout ce
qu'il a fait et souffert pour vous, pour Marie
qu'il vous a donnée pour mère et pour les
Saints qui sont vos frères? L'orgueil ne vous
domine- 1- il pas? L'impureté ne vous sa
lit-elle pas ? Ne retombez-vous pas fréquem
ment dans vos premières fautes, après avoir
promis souvent de vivre dans la grâce et
dans la sainteté? Ne portez-vous pas l'im
piété jusqu'au mépris de Dieu, de sa religion
sainte, de la piété, jusqu'à les persécuter
avec une haine plus digne du démon que
d'hommes raisonnables et chrétiens? N'êtes
— m —
vous pas dur pour Dieu et insensible pour le
prochain ? Ah ! si vous reconnaissez en vous
ces signes affreux , s'ils sont écrits sur votre
front comme surcélui de Cain, encore une
fois trembjez pour votre éternité. Les en
nemis de Dieu disparaîtront de la terre,
mais leurs supplices ne cesseront jamais
dans l'enfer. Les blasphèmes de l'impie au
ront une fin, mais ses tourments dàns l'en
fer dureront éternellement. Prévenez ce mal
heur, cet abîme sans fonds, sans rivage;
prévenez ces regrets éternels et irréparables;
revenez au Seigneur votre Dieu , qui ne vous
a pas créés pour vous perdre ; aimez celui
qui vous a créés pour un bonheur aussi grand
que l'est celui du Paradis. Si vous n'avez pas
le courage de vous déclarer hautement pour
votre Créateur, pour votre Sauveur, comme
tout vous en fait un devoir, ah ! du moins ne
l'irritez pas par vos blasphèmes , conservez
pour lui une grande vénération, n'en parlez
qu'avec respect, ayez horreur de voir de
petits insectes oser attaquer celui qui les
nourrit et les soutient, conservez encore
quelques restes de religion, adressez du pro->
— 163 —
fond de vos misères quelques prières vers ce
lui qui vous a donné l'être, vers celui qui est
mort sur une croix pour vous, vers la douce
Marie qu'il vous a donnée pour mère et
pour médiatrice auprès de son divin Fils.
Ce faible reste de dévotion pourra deve
nir pour vous comme pour tant d'autres
un principe de salut, une cause de votre pré
destination éternelle, et de cette sorte, après
avoir mal commencé , comme saint Paul et
saint Augustin, vous aurez , comme eux, le
bonheur de bien finir et d'être reçu un jour
dans les tabernacles éternels.
*VVA*VVV\VV»*VV\*VVVVVVVVVV\**VVVWVVVVVVVVVVVV\W^VVW* VWMW

CHAPITRE VI.

RECUEIL DE PIÈCES RELATIVES AU PARADIS.

I. Belles réflexions sur le Paradis, tirées de


l'Imitation de Jésus-Christ.

Voici comment l'auteur de cet excellent


livre fait parler Jésus-Christ au sujet du Pa
radis :
V Mon fils, ne perdez point courage dans
les travaux que vous avez entrepris pour
moi, et ne vous laissez point abattre par les
afflictions. Que mes promesses vous forti
fient et vous consolent dans tous les événe
ments. Je suis assez puissant pour vous ré
compenser au-delà (de toutes bornes et de
toutes mesures.
Votre travail ici-bas ne durera pas long
— 1C5 -
temps , et vous ne serez pas toujours dans
les douleurs. Attendez [un peu , et vous ver
rez bientôt la fin de vos maux. Le moment
viendra où toutes vos peines et toutes vos
agitations cesseront. Tout ce qui passe avec
le temps est peu considérable et de courte
durée.
Faites donc bien ce que vous faites; tra
vaillez fidèlement ,à ma vigne , et je serai
votre récompense. Ecrivez , lisez , chantez ,
gémissez, gardez le silence , priez , souffrez
courageusement les adversités. La vie éter
nelle mérite bien d'être acquise par tous ces
exercices, et par des combats encore plus
grands.
La paix viendra un jour qui est connu du
Seigneur , et ce jour ne sera pas suivi de la
mort, comme les jours dont nous jouissons
maintenant. Ce sera une lumière sans fin ,
nae clarté infinie , une paix solide, un repos
assuré. Vous ne direz-pas alors : Qui me dé-
livrera de ce corps de mort ? Vous ne vous
écrierez plus : Hélas! que mon exil est long !
Parceque la mort sera précipitée dans l'a
bîme, et que vous jouirez d'un contente
— 166 -
ment inaltérable. Alors plus de chagrins,
mais une joie ineffable dans la société la
plus douce et la plus honorable qui fut ja
mais.
Oh ! si vous aviez vu les couronnes immor
telles des Saints dans le ciel, et à quelle gloire
sont maintenant élevés ceux que le monde
regardait autrefois avec mépris, et qu'il ju
geait indignes de vivre, bien certainement
vous prendriez plaisir à vous abaisser pro
fondément, et que vous aimeriez mieux obéir
à tous , que de commander à un seul. Vous
ne désireriez pas les beaux jours de cette
vie ; mais vous vous réjouiriez de souffrir
encore davantage pour Dieu , et vous regar
deriez comme le plus grand gain pour vous
d'être compté pour rien parmi les hommes.
Oh ! si vous goûtiez bien ces vérités ! si
elles pénétraient jusqu'au fond de votre
cœur ! Non , vous n'oseriez jamais vous
plaindre de quoi que ce soit. Ne doit-on pas
supporter toutes sortes de peines pour ac
quérir la vie éternelle ? Ce n'est pas une
petite affaire que celle où il s'agit de gagner
ou de perdre le royaume de Dieu.
— 167 —
Levez donc les yeux au ciel où je suis , et
où sont avec moi mes Saints qui ont soutenu
de grands travaux pour ma gloire. lis sont
maintenant dans la joie ; ils sont en assu
rance et en repos, et ils demeureront éter
nellement avec moi dans le royaume de mon
Père.
2° Mon fils, lorsque vous vous sentez ins
pirer d'en-haut le désir de la béatitude éter
nelle, et que vous souhaitez sortir de la pri
son de votre corps , pour être en état de
contempler ma lumière sans ombre, et sans
aucune alternative d'obscurité, ouvrez votre
cœur, et recevez cette sainte inspiration avec
toute l'ardeur possible.
Rendez de très grandes actions de grâces
à la souveraine bonté , qui vous traite d'une
manière si favorable , qui vous visite avec
tant de douceur, qui vous soutient d'une
manière si puissante, de peur que le poids
de la nature corrompue ne vous entraîne
vers les choses de la terre. Car la sainte ar
deur que vous ressentez pour les choses d'en-
haut ne provient ni de vos pensées, ni de
vos efforts ; c'est un don de la grâce céleste,
— 168 —
un effet du regard divin, afin que vous avan
ciez en vertu, que vous ayez plus d'humilité,
que vous vous prépariez aux combats à ve
nir,, que vous vous efforciez de vous unir à
moi de tout votre cœur, et de me servir avec
plus de zèle et de ferveur.
Mon fils , souvent le feu brûle , mais la
flamme ne s'élève point sans fumée. Ainsi,
quelques-uns brûlent du désir des choses du
ciel, et cependant ils ne sont exempts , ni
de tentations , ni des affections charnelles.
C'est pourquoi ils n'agissent pas encose pu
rement pour la gloire de Dieu dans ce qu'ils
lui demandent avec tant d'instance. Tel est
aussi souvent le désir que vous me repré
sentez comme si ardent. L'amour- propre
gâte tout, et ce qui est mêlé de quelque in
térêt particulier, n'est ni pur, ni parfait. -
Demandez non ce qui vous plaît et vous
accommode ; mais ce qui m'est agréable et
glorieux; car, si vous jugez sainement, vous
devez préférer mes ordres à tout ce que vous
pouvez désirer. Je sais quels sont vos désirs ;
j'ai souvent entendu vos gémissements. Vous
voudriez déjà jouir de la glorieuse liberté
— 169 -
des enfants de Dieu ; vous pensez avec plai
sir à cette maison éternelle , à cette céleste
patrie où la joie est pleine et parfaite. Mais
l'heure n'en est pas encore venue. Vous avei
encore un autre temps à passer, un temps de
guerre, un temps de travail et d'épreuves.
Vous souhaitez être rempli du souverain
bien, mais vous ne pouvez l'obtenir mainte-
nant. C'est moi qui suis ce souverain bien.
Attendez-moi jusqu'à ce que le règne de
Dieu arrive.
Il faut que vous soyez encore éprouvé sur
la terre et exercé en diverses manières. Il
vous sera accordé de temps en temps quel
ques consolations; mais il ne vous sera pas
accordé une pleine satiété ; montrez donc de
la force et du courage pour faire et pour
souffrir ce qui est contraire à la nature.
Revêtez-vous de l'homme nouveau, et devenez
un autre homme.
Il faut que vous fassiez souvent ce que
vous ne voudriez pas faire, et que vous
abandonniez ce que vous voudriez faire. Ce
qui plaît aux autres réussira , et ce qui vous
plaît ne réussira pas. On écoutera ce que les
10*
— 170 —
autres diront , et ce que vous direz sera
compté pour rien. Ils demanderont et ils re
cevront; et vous, vous demanderez et vous
n'obtiendrez rien. On parlera des autres avec
de grands éloges , et l'on ne dira rien de
vous. On leur confiera telle ou telle affaire,
et on ne vous jugera pas propre à quoi que
ce soit. La nature s'en attristera quelquefois,
et aura de rudes combats ; mais vous y ga
gnerez beaucoup, si vous supportez tout cela
sans vous plaindre. C'est par ces épreuves et
par d'autres semblables, que Dieu a coutume
d'éprouver ses fidèles serviteurs , afin qu'ils
apprennent à se renoncer, et à rompre en
tout leur propre volonté.
A peine y a-t-il rien où vous ayez plus be
soin de mourir à vous-même , que quand il
faut voir et souffrir ce qui contrarie votre
volonté , surtout lorsqu'on vous ordonne de
faire des choses qui vous paraissent déraison
nables et peu utiles. Et parceque vous êtes
soumis à un supérieur, vous n'osez résister
à son autorité, et c'est pour cela qu'il vous
paraît bien dur de vous conduire selon la
volonté d'un autre , et d'abandonner votre
propre sentiment.
Mais considérez, mon fils , le fruit de ces
travaux , leur fin prochaine et la grandeur
de la récompense , et alors vous n'y aurez
plus de peines, mais vous y trouverez une
très grande consolation. Car pour avoir sa
crifié de bon cœur la légère satisfaction de
faire^votre volonté sur la terre , vous la ver
rez éternellement satisfaite dans le ciel.
Là, vous trouverez tout ce que vous vou
drez, tout ce] que vous pourrez souhaiter.
Là, vous posséderez toutes sortes de biens,
sans crainte de les perdre. Là, votre volonté
toujours unie à la mienne , ne désirera rien
hors de moi. Là, personne ne vous résistera,
personne ne se plaindra de vous , personne
ne vous embarrassera, ni ne vous traversera.
Là , tous les objets de vos désirs s'offriront
à vous tout à la fois , ils contenteront plei
nement, et rempliront toutes les affections
de votre cœur. Là, je rendrai la gloire pour
les affronts soufferts , un vêtement de joie
pour les larmes répandues, une place au
royaume éternel pour la dernière place occu
pée ici-bas. C'est là qu'on verra la récom
pense de l'obéissance , que les travaux de la
- 171 -
pénitence seront changés en joie, et que
l'humble soumission sera couronnée de
gloire.
Humiliez-vous donc à présent sous la main
de tous , et ne vous informez pas quel est
celui qui vous parle ou qui vous commande;
mais ayez un très grand soin, quand votre
supérieur , ou votre égal , ou votre inférieur
vous demande ou vous commande quelque
chose, de prendre tout en bonne part, et
appliquez-vous à l'accomplir avec une affec
tion sincère.
Que l'un recherche ceci et l'autre cela;
que celui-ci se glorifie en ceci , et celui-la en
cela, et qu'ils en reçoivent mille et mille
louanges; pour vous, ne vous réjouissez ni
en ceci , ni en cela , mais dans le mépris de
vous-même, et dans l'acomplissement de ma
seule Volonté , et dans ma gloire. Ce que
vous devez désirez , c'est que Dieu soit tou
jours glorifié en vous , soit par votre vie ,
soit par notre mort.
3°. 0 très heureuse demeure de la céleste
cité! O jour brillant de l'éternité, que la
nuit n'obscurcit jamais , et que la souveraine
173 —
vérité éclaire sans cesse! Jour éternel de
joie et de sécurité! Jour exempt de toute
vicissitude.
Oh ! plût à Dieu que ce jour fût déjà venu ,
et que tout ce qui est temporel eût pris fin .'
Il luit cet heureux jour pour les Saints, dans
tout l'éclat de sa lumière éternelle;mais il ne se
laisse entrevoir que de bien loin , et comme
en un miroir, à ceux qui voyagent encore sur
la terre. Les citoyens du ciel éprouvent com
bien ce jour est rempli de joie , tandis que
les enfants d'Eve gémissent dans leur exil des
amertumes et des ennuis de cette vie.
Les jours de cette vie sont courts, en pe
tit nombre et fâcheux; ils sont remplis de
douleurs et de peines. L'homme y est souillé
de mille péchés, enchaîné par les passions,
resserré par différentes craintes , déchiré de
mille soins, dissipé parles curiosités, em
barrassé par mille vanités, environné d'er
reurs, accablé de travaux, fatigué de tenta
tions, amolli par les délices et tourmenté
par la pauvreté.
Oh ! quand viendra la fin de tant de maux !
Quand serai-je délivré du malheureux escla
10*
- 174 -
vage des Vices ! Quand ne me souviendrai-je
plus que de vous seul, Seigneur! Quand
goûterai-je en vous une joie parfaite ! Quand
serai-je sans aucun embarras, dans une
pleine liberté , sans aucune peine d'esprit et
de corps !
Quand viendra cette paix solide, cette
paix inaltérable et assurée, paix en dedans
et en dehors, paix affermie de toutes parts!
Aimable Jésus! quand paraitrai-je pour vous
voir! Quand contemplerai-je la gloire de vo
tre royaume! Quand me serez-vous tout en
toutes choses! Oh! quand serai-je avec vous
dans ce royaume, que vous avez préparé à
vos élus de toute éternité!
. Je suis un pauvre abandonné, et banni
dans une terre ennemie, où les combats sont
continuels et les disgrâces très grandes.
Consolez-moi dans mon exil, adoucissez
mes douleurs, pareeque mon cœur ne sou
pire que pour vous. Tout ce que le monde
m'offre pour me consoler m'est à charge. Je
désire jouir iniimemeut de vous; mais je ne
puis y parvenir. Je voudrais ne, tenir qu'aux
choses du ciel ; mais les temporelles et mes
- 175 -
passions immortifiées me rabaissent toujours
vers la terre. Je voudrais selon l'esprit être
élevé au dessus de tous les objets sensibles ;
et je suis forcé malgré moi d'être asservi à
la chair. Ainsi, malheureux que je suis! je
suis en guerre avec moi-même, et je me suis
devenu insupportable à moi.même, l'esprit
voulant se porter en haut et la chair tou
jours en bas.
Oh ! quelles peines intérieures je ressens,
lorsque méditant les choses du ciel, une
foule d'objet charnels viennent se présenter
à mon esprit et interrompre ma prière!
t Mon Dieu, ne vous éloignez pas de moi, ne
vous détournez pas de votre serviteur dans
votre colère. Faites briller vos éclairs, et
dissipez ces illusions. Décochez vos flèches,
et que tous ces fantômes de l'ennemi soient
dissipés. Réunissez en vous mes sens; faites
que j'oublie toutes les choses du monde, et
que je rejette promptement et avec mépris
toutes les images des vices. Secourez-moi,
vérité éternelle, afin que la vanité ne fasse
aucune impression sur moi. Venez, douceur
céleste, et que toute impureté disparaisse
— 176 —
devant vous Pardonnez-moi aussi, et usez
envers moi de miséricorde et d'indulgence
toutes les fois que dans ma prière je pense à
autre chose qu'à vous; car je confesse avec
vérité, que je suis sujet à beaucoup de dis
tractions. Souvent en effet je ne suis point
où mon corps est debout ou assis , et je suis
plutôt où m'emportent mes pensées. Je suis
où est ma pensée, et ma pensée est ordinai-
rement où est ce que j'aime. Ce qui se pré
sente d'abord à mon esprit, est ce qui me
plaît naturellement, ou ce que l'habitude me
rend agréable. C'est pour cela que vous avez
dit clairement, ô éternelle vérité: Où est
voire trésor, là aussi est votre cœur. Si j'aime
le ciel, je pense avee plaisir aux choses du
ciel. Si j'aime le monde, je me réjouis avec
lui de ses prospérités, et je m'attriste de ses
adversités. Si j'aime la chair, mon imagina-
tion s'occupe souvent de ce qui regarde la
chair. Si. j'aime l'esprit, je prends plaisir à
penser aux choses spirituelles. Je parle et
j'entends volontiers parler de toutes les
choses que j'aime, et j'en emporte chez moi
les images avec plaisir.
— 177 —
Heureux celui qui, pour l'amour de vous,
ô mon Dieu, bannit de son cœur toutes les
créatures; qui fait violence à la nature; qui
par la ferveur de l'esprit crucifie les convoi
tises de la chair , afin qu'ayant la conscience
tranquille, il Vous offre Une prière pure, et
que dégagé au dehors et au dedans de tout
ce qu'il y a de terrestre, il soit digne de se
mêler parmi les chœurs des Anges ( Imit.,
chap., 17 etc. ).

II. Belle parole d'un Solitaire.

tin de ces fervents Solitaires


Qui regardent leur corps comme leur ennemi ,
Traita si mal le sien que , tout couvert d'ulcères,
Ce rude pénitent ne vivait qu'à demi.
Sa langue seule usée aux divines louanges
Du mal qui le rongeait évita la rigueur.
Sa voix, avait tant de douceur
Qu'un chasseur l'entendant crut entendre les Anges ;
A son puissant coursier donnant toute la main ,
Il pousse droit au lieu d'où cette voix éclate,
Et voit couché sur une natte
Un fumier animé plutôt qu'un corps humain.
- 178 -
D'horreur, d'étonnement son âme est interdite :
i Mais quel mortel , dit-il , des accents de sa voix
• La céleste harmonie en ces forêts imite t
■ C'est moi, mon fils, lui dit le vénérable Ermite :
« Vous f en t'état où je vous vois ,
l Qu'ave2-vous à chanter d'une âme si contente t
Hélasl dit l'homme saint, n'en ai-je pas bien lieu F
XI n'était que ce mur qui me cachât mon Dieu.
II tombe selon mon attente ;
Ne voulez-vous pas que je chante ?

III. Paroles consolantes adressées aux fidèles


far saint Cyprien.

Saint Cyprien, voyant les chrétiens dans la


consternation, au sujet d'une peste horrible
qui désola toute l'Afrique pendant quinze
ans, composa pour les consoler un beau
livre qui a pour titre: De la mortalité. Il y
montre par de solides raisons que les chré
tiens loin de craindre la mort doivent la dé
sirer. Ce qu'il dit du bonheur du ciel qui
leur est réservé est frappant; voici ses pa
roles:
« Il faut, mes frères, leur dit-il, il faut
que vous considériez et que vous ayez sans
— 179 —
cesse dans la pensée, que nous avons renoncé
au monde dans notre baptême et que nous
vivons ici-bas comme des étrangers et des
voyageurs qui ne font que passer. Soupirons
donc après ce jour de bonheur, où délivrés
de nos liens et des maux de ce siècle de mi
sères, nous entrerons dans le royaume cé
leste, et prendrons place parmi les Bienheu
reux. Il y a dans ce fortuné séjour un grand
nombre de nos amis, de nos parents, de nos
pères, et de nos enfants qui nous attendent.
Il s'y trouve une multitude de personnes
qui, assurées de leur bonheur éternel, n'ont
de sollicitude que pour uotre salut, et dé
sirent ardemment que nous leur soyons
réunis. Oh! quelle joie pour eux et pour nous,
quand nous les verrons, quand nous les em
brasserons! »
« Considérez, mesfrères,leplaisirque nous
aurons dans le ciel, lorsque nous ne crain
drons plus de mourir et que nous serons assu
rés d'une vie éternelle: Quel bonheur! quelle
félicité! Quanta illic cœlestium regnorum vo-
lupias, sine timore moriendiet cum œtemitate
vivendi! Là nous verrons le chœur glorieux
— 180 —
des Apôtres, la belle et agréable compagnie
des Prophètes , l'armée inombrable des mar
tyrs, tous la couronne en tête, digne récom
pense de leurs victoires et de leurs triomphes.
Là, nous admirerons la troupe éclatante des
Vierges qui ont triomphé de la chair et du
sang. Là nous verrons les personnes qui au
ront pratiqué les œuvres de charité et de
miséricorde, qui, pour récompense des
biens temporels qu'ils auront donnés aux
pauvres, ont gagné le riche héritage du ciel.
Hatons-nous, mes frères bien-aimés, d'aller
leur tenir compagnie ; désirons avec passion
de leur être bientôt réunis, et de jouir de la
présence de Jésus-Christ : Ad nos, fratres di-
lectissimi, avidâ cupiditate propcremut , et
cum his cito esse; ut cito ad Ckrisium ventre
contingat oplemus. Ayons toujours en notre
esprit, cette résolution et ce désir, puisque
les récompenses seront d'autant plus grandes,
qu'on les aura plus désirées.

IV. Importance du Salut.


Pour faire mon salut je sens que fe suis né ;
Que je doive mourir, rien n'est plus infaillible.
- 181 -
Ne voir jamais mon Dieu, vivre à jamais damné
Est un sort effroyable , et cependant possible.
Possible , et je m'endors , je badine et je chante ,
J'aime un monde trompeur que l'homme juste
craint ,
Que fais-je ? A quoi pensé je ? Et quelle erreur
m'enchante ?
Oui, oui, je suis un fou, si je ne suis un Saint.

V. Admirables sentiments de sainte Thérèse.

Ces sentiments sont tires des méditations


de sainte Thérèse : ils expriment en même
temps et les désirs ardents qu'elle avait de
quitter la terre, et le moyen le plus assuré
de parvenir au ciel qui est la conformité à la
volonté de Dieu. Les voici :
« O mon Dieu ! ô Sagesse sans bornes et
sans mesure, «élevée au-dessus de tout ce
que peuvent concevoir les hommes et les
Anges! O Amour! qui m'aimez plus que je
nesaurais m'aimer moi-même, et plus que je
ne puis le concevoir, pourquoi désirerais-je
autre chose que ce que vous voulez me donner?
Pourquoi vous demander avec tant d'ardeur
ce que je désire, puisque vous seul savez ce
— 182 -
qui m'est convenable, et quelle sera la fin
des pensées que forme mon esprit et des
affections de mon cœur? Ne peut-il pas arri
ver que ce que je me persuade devoir contri
buer à mon bonheur devienne la cause de
ma perte et de mon malheur ! N'ayez donc,
Seigneur, égard aux désirs que je forme,
qu'autant qu'ils seront conformes à votre
volonté, aux desseins éternels que vous avez
sur moi.
Oh! que la sagesse des hommes est aveugle
et que leur prévoyance est incertaine ! Faites
que la vôtre, ô mon Dieu, par les moyens
que vous jugorez les plus propres, porte mon
âme à vous servir à votre gré et non selon
ses fausses lumières. Ne me punissez pas en
m'accordant ce que je demande ou ce que je
désire, lorsqu'il ne sera pas conforme aux
desseins de voire amour, qui doit être mon
unique vie. Que je meure à moi-même, et
qu'un autre qui est plus grand que moi, et
qui m'aime mieux que je ne m'aime, vive en
moi, afin que je puisse le servir selon sa di
vine volonté très-sainte et très-juste.
Mais , hélas ! mon Dieu , on est toujours
— m -
dans les dangers pendant cette vie mortelle,
on est toujours exposé à perdre celle qui ne
doit pas finir. O vie ennemie de mon bon
heur, que ne m'est-il permis de te finir! Je
te souffre, parceque mon Dieu le veut; j'ai
soin de toi, parceque tu es à lui ; mais ne
me trahis point et ne me sois point ingrate
en devenant la cause de mon malheur. Hélas!
mon Seigneur , que mon bannissement est
long! Il est vrai que ce n'est rien pour ac
quérir votre éternité; mais un seul jour et
une seule heure dure beaucoup à ceux qui
craignent de vous offenser, et qui ne savent
pas s'ils vous offensent. O libre arbitfe, que
tu es à craindre, si tu n'es conduit et guidé
par l'amour et la crainte de celui qui t'a
créé? Hélas! quand viendra cet heureux
jour ou la te verras abîmé dans cette mer
infinie de la souveraine Vérité, où tu n'auras
plus la liberté, ni le pouvoir de pécher, et
■où tu ne voudras pas l'avoir, parceque tu
useras alors affranchi de toutes les misères, et
heureusement réuni et comme naturalisé
^avec la vie de ton Dieu, de ton Créateur et
«de ton Maître'' Ne m'abandonnez pas, mon
— m —
Dieu, puisque ma confiance est toute en
vous. Ne trompez pas mon espérance ; faites-
moi toujours la grâce de vous servir, et
après cela disposez de moi comme il vous
plaira.
Hélas! hélas! ô mon Dieu, que le temps
de mon bannissement est long , et que j'y
souffre de peines par le désir que j'ai de vous
voir! O souverain Créateur, mon Dieu et mes
délices, quel remède donnerez-vous à une
âme qui n'en trouve point sur la terre, et
qui ne peut prendre aucun repos qu'en vous?
O vie longue, vie pénible, vie qui n'est point
une vie, ô solitude profonde, ô mal sans re
mède! Jusques à quand, Seigneur, jusques à
quand? Que ferai-je, ô mon bien? Que fe-
rai-je? Désirerai-je de ne pas vous désirer?
Hélas ! Seigneur , l'excès de ma douleur me
force à me plaindre, et à dire qu'elle est
sans remède si vous n'en êtes vous-même le
remède. Mon âme est dans une prison trop
pénible pour ne pas désirer sa liberté ; mais
en même temps elle ne voudrait pas, pour
obtenir ce qu'elle désire, s'éloigner d'un
seul point de ce que vous avez ordonné
d'elle.
v - 185 —

0 mort! ô mort! je ne sais qui peut te


craindre, puisque c'est dans toi que nous
devons trouver la vie. Mais comment ne te
craindra pas celui qui aura passé une partie
de sa vie sans aimer son Dieu? Puisque tel a
été mon aveuglement, ô mon Dieu, pardon-
nez-moi tous les péchés que j'ai commis
contre vous. Je vous offre pour ma rançon le
sang de mon Sauveur qui est d'un prix in
fini. O mon âme, que ta seule consolation sur
la terre soit de souffrir pour ton Dieu, pour
satisfaire à sa justice offensée. O mon âme,
repose-toi sur la bonté et la puissance de ton
Seigneur, et abandonne-toi à sa volonté,
c'est le seul parti qui te convienne. Ne désire
pas de jouir sans avoir souffert; ô mon âme,
attends avec patience; garde-toi bien de
t'endormir, veille sans cesse, afin que quand
le maître arrivera tu puisses avec confiance
aller au-devant de lui. O mon Seigneur et
mon véritable roi ! je ne saurais faire ce que
je dis, si votre main toute-puissante ne me
soutient , et si la grandeur de votre miséri
corde ne m'assiste; mais avec cela je pourrai
tout.
- 186 -

VI. Cantique de sainte Thérèse après la


Communion.
TEXTE.
Je vis, mais c'est en Dieu qui vient de me nourrir,
Et j'attends dans le ciel une si belle vie
Que pour contenter mon envie ,
Je me meurs de regret de ne pouvoir mourir.
GLOSE.
h
Dieu s'unissant à moi par un heureux mélange,
Fait sentir à mon cœur son amour pur et vif.
Je suis libre, il est mon captif,
C'est tui qui sous mes lois de lui-même se range.
Quoi! mon Dieu, mon captif? Ah Ile puis-je souffrir!
Dans ce renversement étrange
Je me meurs de regret de ne pouvoir mourir.
II.
0 qu'il me reste encore une longue carrière !
Que cet exil est dur qui m'arrête en ces lieux !
Que le séjour est ennuyeux
Qui retient dans les fers mon âme prisonnière 1
Attendant que ta mort vienne me secourir :
Mais ignorant l'heure dernière ,
Je me meurs de regret de ne pouvoir mourir.
- 187 -
III.
La vie est à mon goût d'une amertume extrême;
Est-ce vivre, Seigneur, que de vivre sans vous?
Si l'amour que je sens est doux
Le terme de t'attente,hélas! n'est pas de même,
Ce faix rude et pesant m'empêche de courir,
Et toujours loin de ce que j'aime,
Je me sens de regret de ne pouvoir mourir.
IV.
La vie habite au ciel , heureux qui l'y peut suivre.
Faisons pour la trouver un généreux effort ;
Ici la vie est une mort,
Dont la mort cependant à la fin nous délivre.
Approche, douce mort, qu'on ne peut trop chérir :
Dans l'ardeur de mourir pour vivre,
Je me meurs de regret de ne pouvoir mourir.
V.
Absente de mon Dieu, je languis triste et sombre,
Qu'est-ce que je puis voir où je ne le vois pasP
Ma vie est un affreux trépas :
Mon jour est une nuit et ma lumière une ombre ,
La source de mes maux sans lui ne peut tarir :
Lasse d'en voir croître le nombre
Je me meurs de regret de ne pouvoir mourir.
VI.
En vain pour soulager les transports de mon km»,
— 188 —
Je vous cherche, Seigneur, srfr vos sacrés autels;
Invisible aux yeux des mortels,
Vous suspendez ma joie et redoublez ma flamme.
Ce n'est qu'après la mort qu'on peut vous découvrir.
Viens donc, ô mort que je réclame ;
Je me meurs de regret de ne pouvoir mourir.
VII.
Mettez fin, mon Sauveur, à ma longue agonie ;
Sans vous je ne puis vivre et je meurs pour vous voir;
Ne retardez plus mon espoir,
Rompez, brisez les fers d'une âme assez punie.
Il est temps qu'à mes cris le ciel se laisse ouvrir.
Brûlant de m'y voir réunie,
Je me meurs de regret de ne pouvoir mourir.
VIII.
Mais non, je dois, Seigneur, pour apaiser votre ire,
De ma vivante mort prolonger les douleurs.
Je dois tes yeux baignés de pleurs,
Expier mes forfaits par un juste martyre.
Ah! quand si vivement pourral-je m'attendrir,
Qu'il soit enfin vrai de vous dire,
Je me meurs de regret de ne pouvoir mourir?

VU. Désirs de la vie éternelle tirés des


soliloques de Thomas Akempis.
1° Délivrez mon âme de sa prison, à mon
— 189 -
Dieu ! car la douleur me force de rompre le
silence. Pourquoi faire un plus long séjour
dans le monde? Je ne sais comment j'y vis;
je n'avance guère, et je voudrais même être
assuré de ne point déchoir.
Que vous me feriez une grande grâce,
Seigneur , si vous me retiriez bientôt du
monde , et des occasions du péché auxquel
les je puis succomber ! La douleur me fait
souvent soupirer, mais je n'en deviens pas
meilleur. Si vous me châtiez, je me révolte
quoique ce soit pour mon bien.
Pourquoi n'enlevez-vous pas du monde
votre serviteur? Pourquoi occupé-je la place
d'un homme qui la remplirait bien plus di
gnement que je ne le fais ? Mais, Seigneur,
ne dites point contre moi dans votre colère
cette parole terrible : Coupez l'arbre el le je
tez au feu.
Je vous fais un aveu sincère de mes pé
chés afin que vous me pardonniez. C'est à
vous à me consoler par votre miséricorde
accoutumée. /
-Ce n'est point pour moi une consolation
de vivre. La mort est préférable, puisque ce
— 190 —
n'est que par elle que l'on peut parvenir à la
vie éternelle. Voilà pourquoi mes désirs se
tournent vers le ciel; mon cœur soupire
après le repos éternel. J'ai assez vécu, ô mon
Dieu, prenez mon âme que vous avez rachetée
par votre précieux sang.
Ouvrez moi la porte de votre royaume;
donnez-y entrée à un pauvre étranger qui re
tourne de son exil. Écoutez ma prière, Sei
gneur, et brisez les chaînes qui m'attachent
à mon corps.
2° Seigneur, j'ai aimé la beauté de votre
maison , et le lieu où vous faites votre de
meure. Si vous voulez que je vive plus long
temps sur la terre, j'obéirai à vos ordres;
mais afin de supporter plus facilement mon
bannissement, je penserai souventau bonheur
dont les Saints jouissent dans le ciel.
C'est là que la Vierge Marie, la très glo
rieuse Mère de Dieu, orne par sa beauté la
cour céleste, où elle se trouve environnée
d'une troupe de vierges, mille fois plus bril
lantes que l'aurore.
C'est là où sont les Anges et les Archan
ges disposés dans leur ordre, appliqués in
cessamment à louer Dieu.
C'est là où sont les Patriarches et les
Prophètes, qui, inspirés de Dieu, ont prédit
la venue du Messie. Us voient maintenant ce
Dieu sauveur, l'objet de tant de désirs, et lui
donnent cent millions de louanges.
C'est là où sont les Apôtres de Jésus-
Christ , environnés de ceux qu'ils ont in
struits dans la foi, et priant pour l'Église
qu'ils ont formée.
C'est là que le vénérable Jean-Baptiste,
l'ami particulier de l'Époux, est revêtu d'une
gloire éclatante ; que saint Pierre qui tient
la clé du ciel; que saint Paul, ce docteur in
comparable; qu'André, Jacques et Jean et
les autres apôtres jouissent du repos éter
nel.
Élève-toi, ô mon âme, au-dessus des cho
ses visibles et contemple ces merveilles. Vé
ritablement ce lieu est saint et Dieu y l'ait sa
demeure. Une paix et une joie éternelle,
l'abondance de tous biens sans aucun mé
lange de mal, voilà ce Paradis qui t'est pro
mis.
5" 0 Jérusalem céleste! o bienheureuse
cité de Dieu ! ô vie bienheureuse et Iran
.— 192 -
quille! ô séjour des plus pures délices! ô
bienheureuse région où l'on voit mon Dieu
face à face, où l'on vit de la vie de Dieu, et
où on vit éternellement avec Dieu! O Para
dis, quand luira ce jour des jours où je pour
rai entrer dans tes murs et contempler les
merveilles que lu renfermes!
O Vierge sainte, Reine de ce royaume cé
leste, ayez compassion de moi, aidez-moi de
votre puissante protection, afin que je mé
rite de participer au bonheur dont vous
jouissez !
O mon saint Ange, ne m'abandonnez pas !
O bienheureux Saints et Saintes du Paradis
qui avez ressenti les effets des prières de ceux
qui vous ont précédé dans la gloire, obtenez-
moi de celui qui est notre commun Seigneur
et père , qu'il ôte de moi tout ce qui lui
déplaît , qu'il me donne la patience dans les
peines, et une conformité parfaite à sa sainte
volonté ! obtenez -moi surtout , aimables
Saints, la grâce d'une bonne mort, afin que
je puisse un jour louer avec vous mon
seigneur et mon Dieu dans la terre des
vivants. Ainsi soit-il !
— rjô —

IX. Belle traduction de l'hymne du dimanche


0 LUCE QUI MORTALIBUS...

0 Dieu ! qui, dans les feux des clartés éternelles,


Nous cachez ce séjour, où les esprits heureux
Dans un saint tremblement se couvrent de leurs ailes.
Voyant de votre front l'éclat majestueux.
Dans ce bas univers, un voile épais et sombre
Couvre nos pas errants, la foi seule nous luit.
Mais votre jour, Seigneur, dissipera cette ombre,
Et fera sans retour disparaître la nuit.
Ce jonr, cet heureux jour, figuré par nos fêtes,
Vous nous le préparez , 6 Dieu plein de bonté !
Le grand astre qui brille en son plein sur nos têtes»
N'est qu'un faible rayon de sa vive clarté.
Que vous tardez longtemps pour une âme fidèle,
O jour après lequel nous devons soupirer 1
Mais pour jouir de vous, û lumière éternelle,
Du poids de notre corps il nous faut délivrer.
Ab ! quand de ces liens notre âme dégagée
Jusque dans votre sein portera son essor;
Du torrent de vos biens saintement enivrée,
Vous louer, vous aimer, sera son heureux sort.
Suprême Trinité, faites par votre grâce
Qu'à ce bonheur promis nos désira soient iixés,
— 1!H —
Et qu'un jour éternel succède au court espace
De ceux qu'en cet exit tous nous avez prêtés.

X. Avis donnés par un Bienheureux à un


homme vivant encore sur la terre au milieu
des tentations.

Homme mortel, ne considérez pas ce que


la mort m'a ôté , mais le bonheur immense
dont elle m'a mis en possession.
J'ai laissé sur la terre des amis exposés
tous les jours à la mort , et j'en ai trouvé
d'immortels dans le sein de Dieu où je repose
à jamais.
J'ai abandonné dans la région des morts
des biens périssables, et j'en ai trouvé dans
la terre des vivants qui ne finiront jamais.
J'ai offert à mon Dieu des sacrifices légers,
et je jouis dans le ciel de délices ineffables.
Dieu vous donne comme à moi un temps
pour vivre saintement, pour vivre en pré
destiné , pour mériter une vie éternelle ; si
vous avez de l'amour pour vos véritables
intérêts, pour le salut éternel de votre âme,
vous profiterez demon expérience.
J'ai éprouvé que le détachement de tout
était le plus sûr chemin du ciel ; je n'ai rien
apporté au monde, etje n'en ai rien emporté ;
ce que j'ai envoyé au ciel par les mains des
pauvres , est le seul trésor qui me soit resté.
Heureux ceux qui ont faim et soif de la jus
tice, ils seront rassasiés dans le ciel. Heu
reux ceux qui souffrent surtout pour la
justice, ils seront un jour consolés.
Souvenez-vous que votre vie n'est qu'un
atome imperceptible eu comparaison de la
durée infinie de l'éternité ; et cependant cette
vie si courte peut , si vous savez en profiter,
vous procurer les biens éternels que Dieu a
promis à ses élus.
La vertu , la solide vertu , conduit au Pa
radis. Le vice, le péché mènent à l'Enfer.
Choisissez entre un bonheur ou un malheur
éternel. Le Seigneur ne vous ôte pas le libre
arbitre qu'il vous a donné; mais sachez que
le Paradis une fois perdu tout est perdu et
pour toujours; sachez que si la mort vous sur
prend en état de péché mortel, votre malheur
éternel dans l'Enfer sera irrévocable.
Considérez souvent que Jésus-Christ est
— 1% —
la vie et le salut des hommes. Vivez en lui ,
mourez en lui, et vous vivrez éternellement.
Heureux les morts qui meurent dans le
Seigneur : Beati mortui qui in Domino mo-
riuniur (Apoc. , xiv, 13). Ils entreront en
Paradis accompagnés de leurs bonnes œuvres
et s'y reposeront à jamais.

XI. Soupirs d'une âme vers le ciel.


Non, Je ne suis point fait pour posséder la terre.
Quand ne serai-j« plus avec moi-même en guerre ?
Qui me délivrera de ce corps de péché ?
Qui brisera la chaîne où je suis attaché!...
Avec tant de faiblesse aisément on succombe?
Ah! qui me donnera l'aile de la colombe î
Loin de ce lieu d'horreur, de ce gouffre de maux ,
J'irais, je volerais dans le sein du repos.
Là , de ce corps impur les âmes délivrées ,
De la joie ineffable à sa source enivrées ,
Et riches de ces biens que l'œil ne saurait voir,
Ne demandent plus rien, n'ont plus rien à vouloir.
De ce Royaume heureux Dieu bannit les alarmes ,
Et des yen* de ses Saints daigne essuyer les larmes.
C'est là qu'on n'entend plus ni plaintes ni soupirs :
Le cœur n'a plus ators ni craintes ni désirs.
L'Église enGn triomphe , et, brillante de gloire,
Fait retentir le Ciel des chants de sa victoire.
-197 -
Elle chante, tandis qu'esclaves , désolé»,
Pions gémissons cncor sur la terre exilés.
Près de t'Enphrate assis, nous pleurons sur aei rires i
Une juste douleur tient nos langues captives.
Et comment pourrions-nous, au mitieu des méchants,
O céleste Sion , faire entendre tes chants?
Hélas 1 nom nous taisons : nos lyres détendues
Languissent en silence aux saules suspendues.
Que mon exil est long 1 O tranquille Cité !
Sainte Jérusalem ! ô chère Eternité !
Quand irai-je au torrent de ta volupté pore
Boire l'heureux oubti des peines que j'endure F
Quand irai-je goûter ton adorable paix ?
Quand verrai-je ce jour qui ne finit jamais?
Racine fils.
XII. JésuS'Christ inspire à ses disciples la
pensée du Ciel.
Mon fils, je suis votre Maître, j'ai les
paroles de la vie éternelle; écoutez- moi et
mettez en pratique la salutaire leçon que je
vais vous donner.
Je vous invite à ne pas perdre de vue le
ciel pour lequel vous avez été créé , que je
vous ai mérité au prix de mon sang et où je
vous ai préparé une place. Ne faites rien qui
ne soit accompagné de quelques réflexions
— 198 -
sur le ciel. Que tout ce que vous voyez vous
rappelle le ciel, anime votre désir pour le
ciel. N'habitez sur la terre que de corps ; que
votre âme soit toujours dans le ciel», c'est
là où vous devez mettre vos délices, ce
n'est que là où vous en trouverez de bien
pures.
Après que vous aurez fait un acte de Foi ,
dites : Dans le ciel je verrai clairement ce que
je crois.
Après un acte d'Espérance, dites : Dans le
ciel je posséderai celui après lequel je sou
pire.
Après un acte d'Amour de Dieu, dites :
Dans le ciel j'aimerai mon Dieu parfaitement
et je serai assuré de l'aimer aussi éternelle
ment. Je serai toujours dans le ravissement
de son infinie beauté. Il sera toujours le seul
objet de mes complaisances.
Après un acte de Contrition , dites : Dans
le ciel quelle horreur n'aurai-je pas du péché!
Toutes les tâches que le péché a faites en moi
seront parfaitement effacées; je serai dans
l'heureuse impossibilité depêcher ; je n'aurai
- 199 -
plus de larmes à verser sur tant de péchés
dont je me suis rendu coupable.
Lorsque vous entrez dans une Eglise, dites :
Cette Église est la figure du ciel, puisque
Jésus-Christ y est réellement, et qu'il y est
adoré par des légions d'Anges; mais quelle
différence entre ce temple et le ciel qui est
le temple de la gloire de Dieu !
A la fin de vos différentes prières, pensez
que dans le ciel vous prierez sans interrup
tion , sans distraction , sans lâcheté et sans
dégoût, éprouvant dans ce saint exercice
des douceurs inexprimables.
Dans vos exercices de piété, quels qu'ils
soient, réjouissez-vous en pensant avec
quelle ferveur et quelle tendresse de dévotion
vous serez uni à Dieu lorsque vous habiterez
parmi les Saints du ciel.
Quand vous vous apercevrez que vous vous
êtes rendu coupable de quelques fautes, dites :
Heureux les Saints du ciel! Mon Dieu, que
je me repens de vous avoir offensé! Fixez
mon cœur qui est si inconstant. Je désire
ardemment le ciel afin de ne jamais rien faire
qui vous déplaise.
- 200 -
A voire réveil, faites cette réflexion : Voici
encore un jour à vivre sur la terre. Mon
Dieu, je suis tout à vous ; je vous offre toutes
mes actions; qu'elles me servent toutes pour
le ciel. Ah! jusqu'à quand mon exil sera-t-ir
prolongé! 0 mon père, quand vous verrai-je
dans le ciel, ma patrie!
En vous habillant : Si je me revêts ici-bas
de Jésus-Christ mon Sauveur, entrant dans
ses sentiments, je serai un jour dans le ciel
couronné et tout revêtu de gloire.
En prenant de l'eau bénite : Sang de Jésus-
Christ , purifiez-moi si parfaitement que je
puisse être admis dans le ciel dès que j'aurai
rendu mon dernier soupir.
Avant vos principales actions : Je veux tra
vailler pour le ciel. O mon Dieu , je ne veux
agir que pour vous, étant intimement uni
avec Jésus-Christ. Reine du ciel , qui êtes
ma tendre mère, priez pour moi. Saints du
ciel, assistez-moi.
Pafidant le travail : C'est en esprit de pé
nitence, pour faire votre volonté et pour
vous plaire que je travaille ; j'espère de votre
— «01 —
infinie bonté que je me reposerai éternelle»
ment dans le ciel.
Pendant vos repas : Je suis invité au festin
des noces de l'Agneau. Si c'est pour la gloire
de Dieu que je nourris mon corps , si je
m'approche bien dignement de la table sacrée
pour y nourrir mon âme , je serai rassasié
éternellement dans le ciel du pain des Anges.
Pendant la conversation , dites intérieure
ment : Je ne dois rien dire qui soit indigue
de celui qui est héritier du ciel. En conver
sant avec les créatures ma conversation doit
être dans le ciel avec mon créateur. Je dois
faire estimer et aimer la piété , désirant que
les personnes avec qui je m'entretiendrai se
rendent' dignes du ciel ; je les recomman
derai à leur Ange gardien que je verrai des
yeux de la foi.
Vers la fin de la journée, donnez quelque
temps à la méditation de la gloire et du bon
heur du ciel , disant souvent : Que la terre
est méprisable à mes yeux, lorsque je consi
dère le ciel ! Rendez ensuite vos hommages
successivement à Dieu le Père, au Fils de
Dieu qui est votre Sauveur , à l'Esprit saint ,
— 202 —
à la très sainte Vierge, aux Anges, parcou
rant les divers chœurs de ces esprits bien
heureux , à tous les Saints, implorant l'assis
tance des saints Patriarches, Prophètes, Apô
tres, Martyrs, Pontifes, Confesseurs de Ja
foi , Anachorètes, etc. , vous recommandant
spécialement à vos saints Patrons. Cette es
pèce de visite que vous ferez aux heureux
habitants du ciel vous obtiendra de grandes
grâces et vous procurera souvent des con
solations spirituelles.
Étani au lit, occupez-vous du ciel jusqu'à
ce que vous vous endormiez , reconnaissant
que vous vous en êtes rendu indigne, le dé
sirant ardemment en l'attendant, avec con
fiance par les mérites de Jésus-Christ. Goûtez
ce que cette pensée a de consolant : Que je
serais heureux si je m'éveillais demain dans
le ciel. .
Mon fils, vous devez être un homme du
ciel ; que tout ce qu'il y a ici-bas vous déta
che de la terre et vous fasse soupirer
après le ciel. Que ces considérations soient
toujours présentes à votre esprit.
• Ici-bas je suis sujet anx infirmités et à la
- 203 -
mort ; mon corps est l'organe de la douleur
que je redoute tant et dont je suis si souvent
la victime: je sens ce misérable corps se dis
soudre peu à peu; mais dans le ciel nulle
misère; je serai impassible et immortel. Ici-
bas que d'épaisses ténèbres dans mon esprit!
quelle rébellion continuelle dans ma volonté !
quelle affreuse corruption dans mon cœur!
mais dans le ciel, Dieu sera ma lumière; je
n'aurai point d'autre volonté que la sienne; il
régnera parfaitement dans mon cœnr qui
sera très pur. Ici-bas je suis environné d'en
nemis qui ont conjuré ma perte ; mais dans le
ciel, le monde ne m'éblouira plus par le faux
éclat de ses biens; les passions ne me feront
plus la guerre et l'esprit tentateur ne pourra
plus me séduire. Dans le ciel, que je verrai
et que j'entendrai de choses ravissantes ! Avec
quels transports je louerai et j'aimerai mon
Dieu! Abîmé dans la joie du Seigneur, de
quels torrents de délices je serai enivré! 0
ciel! ô ciel ! ô ciel , ma désirable patrie!
- 104 -

IX. La Transfiguration.)

Rien de plus capable de vous donner une


idée du bonheur singulier que nous procure
la vue du Sauveur Jésus que ce qui se passe
surleThabor lors de sa Transfiguration.Voici
la paraphrase de ce que nous lisons sur ce
mystère dans le saint Évangile.
Entraîné parle désir de se livrer à la prière
dans toute l'effusion de son cœur, Jésus
porte ses pas jusque sur le sommet de cette
montagne. Aussitôt son âme est embrasée des
feux de la plus sainte ferveur ; elle s'aban
donne tout entière dans le sein de son Père
éternel. Là comme au centre de toutes ses
affections et de toutes ses délices , elle s'y
livre pleinement, elle s'en abreuve à longs
traits.
Cependant la nuit était survenue. Le silence
le plus morne et le plus profond exerçait son
empire sur toute la terre. Tout-à-coup , au
milieu de ce calme et de cette tranquillité
générale de la nature , tout-à-coup la face de
Jésus change, elle est revêtue d'un nouvel
- SOS —
aspect ; elle se montre toute inondée des plus
vives clartés aux yeux des trois Apôtres qu'il
avait amenés avec lui , pour être témoins
de sa transfiguration. Tel brille l'astre du
jour, lorsqu'élevé au plus haut période de
sa carrière , il semble s'y arrêter tout écla
tant de beautés, et que de là il lance sur tout
l'univers ses rayons étincelants que ne peu
vent soutenir les faibles yeux des mortels;
telle parut la face divine du Sauveur. Ses
habits étaient devenus aussi blancs que la
neige; il s'en échappait de toutes parts des
torrents de lumières ; ces reflets étaient si
enflammés, si ardents, qu'aucun regard ne
pouvait tenir, ni résister à la splendeur des
traits qui en rejaillissaient. Moïse et Elie
étaient à ses côtés , et lui tenaient compa
gnie au milieu de cette scène toute merveil
leuse et toute céleste. Comme ses ministres
fulèles et ses amis les plus chéris , ils l'assis
taient animés etcommeenivrésdeson amour.
Ils participaient à sa gloire , ils s'en abreu
vaient; ils s'en rassasiaient à leur gré. Ces
deux insignes et saints Prophètes, confidents
si intimes du Tout-Puissarit , et dépositaires
12
de ses plus importants secrets, s'entretenaient
avec son divin Fils, cet objet unique de toutes
ses complaisances et de son amour, sur la
passion et la mort dont bientôt , pour l'a
mour des hommes , il allait se voir la triste
victime, au sein môme de Jérusalem. Cette
fatale et sanglante perspective les pénètrent
sans doute encore de plus de tendresse , de
reconnaissance et d'admiration envers ce
charitable Rédempteur qui, après s'être cou
ronné de tant de majesté sur le Thabor, com
me le plus insigne monarque des Cieux , de
vait peu après ce moment d'une si grande
gloire, paraîtresur le Golgotha comme le plus
vil des scélérats , en proie à toute espèce de
tourments et d'opprobres. x
Cependant Pierre, Jacques et Jean, étaient
alors accablés sous le poids du plus pesant
sommeil; mais les ténèbres ayant été repous
ses par les soins de cette divine lumière ,
aussitôt leurs yeux en furent frappés , ils
s'ouvrirent à leur pénétrante splendeur.
Eveillés ainsi tout-à-coup et en sursaut , le
premier objet qui s'olfre à leur vue , au mi>
lieu de cet océan de clartés si éblouissantes,
— 207 —
fut leur divin maître , tout rayonnant de
gloire , environné de tout ce que la majesté
d'un Dieu peut présenter de plus sublime et
de plus incompréhensible. Les deux Prophè
tes revêtus d'habits magnifiques se tenaient
auprès de lui , mais dans une attitude pros
ternée. Le visage incliné avec modestie , ils
lui prodiguaient dans cette humble posture ,
le tribut de leurs plus profonds hommages
et de leurs plus respectueuses adorations.
Ces deux grands et saints personnages
étant enfin sur le point de se séparer de Jé
sus , Pierre , à ce spectacle enchanteur , ne
sejpossèdeplus, son âme est plongée dans l'ex-
taseetle ravissement. Que dis-je? Ah! plutôt,
saisie de la plus douce ivresse , elle tombe
dans une sorte de délire , de transport et
d'amour. Oui , elle se croit au milieu des
d'eux mêmes. Ne pouvant plus alors répri
mer la force des élans de son cœur, il s'écrie
tout hors de lui-même : Ah ! Seigneur ! ô mon
cher et adorable maître ! qu'il nous serait
bon ! qu'il nous serait délicieux de demeurer
ici pour jamais! oui, si vous le vouliez, nous
ferions sur le sommet de cet te montagne trois
- 208 -
tabernacles : un pour vous , un aussi pour
Moïse , un autre pour Elie. Alors , ils ne se
verraient pas obligés de s'éloigner de votre
divine personne. Pierre en parlant à Jésus de
ses projets de tabernacles, de demeurer sur
le Thabor, manifeste clairement que son âme
était absorbée, exaltée, ou plutôt en désor
dre à la vue des célestes beautés qui le frap
paient. Non , il ne lui était plus possible de
faire usage de sa raison. Les deux autres
Apôtres étaient animés des mêmes sentiments
que lui ; tous trois se sentaient également ,
mais de telle sorte abreuvés de ce peu de
rosée du Ciel et des ineffables délices dont
étaient inondés leurs cœurs, qu'ils se
croyaient désormais pour toujours étrangers
à ce monde visible. Ah! oui, ils s'imagi
naient être à jamais les fortunés citoyens de
l'étemelle et céleste Jérusalem.
Si un seul rayon de gloire répandu sur la
personne adorable du Fils de Dieu a pu ravir,
transporter à un tel point l'âme de ces saints
Apôtres , que sera-ce de voir ce soleil de
Justice dans toute sa beauté ? que sera-ce de
contempler celte bouche d'or qui a répandu
— 209 —
sur la terre tant d'oracles de la divine sages
se ? que sera-ce de voir ces yeux divins qui
ont converti saint Pierre? que sera-ce de
contempler pour toujours ce Dieu-Sauveur ,
ce Fils bien-airaé du Père, cet objet ineffable
de ses divines et éternelles complaisances?
Ah ! que le désir de jouir de ce spectacle di
vin nous excite à marcher sur ses traces , à
porter à sa suite avec courage notre croix ,
afin d'avoir un jour part à sa gloire.

X. Ardents désirs de posséder Dieu dans le ciel.

Comme le cerf poursuivi des chiens sou


pire avec ardeur après la fraîcheur des eaux;
ainsi mon âme soupire après vous, ô mon
Dieu. Je me suis réjoui , lorsqu'on m'a as
suré que nous irons dans la maison du Sei
gneur.
O belle ville de Jérusalem ! ô sainte cité
de Sion dont les habitants sont liés par des
liens indissolubles de concorde et de paix!
t) Dieu des vertus ! que vos tabernacles sont
beaux! qu'ils sont riches ! qu'ils sont aima
- 210 -
bles ! Mon âme languit du désir d'entrer daus
votre Palais, et de vous louer dans la com
pagnie des Anges ! O sainte cité demon Dieu,
quand me sera-t-il donné de contempler
votre beauté et de me promener dans vos
rues admirables!
Je suis ici sur les bords du fleuve de Ba-
bylonne , où je mêle mes pleurs avec le cou
rant des eaux. On me dit : prenez votre
harpe , et chantez devant nous les beaux
cantiques de Sion. Hélas! comment pour-
rais-je chanter des louanges du Seigneur
daus une terre étrangère ! 0 Jérusalem !
ô sainte Sion! si je t'oublie jamais, que ma
main droite soit mise en oubli ! Que ma lan
gue demeure attachée à mon palais, si je ne
me souviens de toi !
Venez, Seigneur mon Dieu, venez au plus
tôt me rappeler de mon exil ; tirez mon âme
de sa prison afin qu'elle bénisse votre saint
nom. Les justes m'attendent; hâlez-vous de
m'appeler, afin que je vous loue avec eux
dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
- 211

CHAPITRE VU.

TRAITS DIVERS RELATIFS AU PARADIS.

Uu exemple entre mille qui prouve com


bien le sentiment de notre immortalité est
imprimé fortement dans nos âmes, c'est ce
lui des Incas du Pérou. Us croyaient, dit
l'auteur de l'histoire de ce pays, ils croyaient
que l'homme était un composé d'âma et de
corps; que l'âme ne pouvait mieux être
appelée qu'un esprit immortel, et que le
corps, formé de boue, retournerait à la
terre. Aussi nommaient-ils l'homme Alpacu-
Masca, c'est-à-dire, terre animée, et Runa,
pour signifier qu'il était doué d'entendement
et deraison. Ils donnaient aux bêtes le nom
de liama, et leur accordaient une âme végé
tative et sensitive. Ils croyaient qu'après
— 212 —
cette vie il y en aurait une autre meilleure
pour les bons, et plus mauvaise pour les mé
chants. Ils divisaient l'univers en trois
mondes. Le ciel ou le haut monde, le bas
monde ou la terre, le centre de la terre des
tiné pour la demeure des méchants qu'ils
appelaient Cvpaypahuacin, maison dudiable.
Ils croyaient la vie du haut monde corporelle,
et que le bonheur dont on y jouissait con
sistait à mener une vie paisible et libre des
inquiétudes de celui-ci, et exempt des dou
leurs et desmaludiesauxquelles nous sommes
sujets dans le bas monde où nous sommes.
Dans le bonheur de l'autre vie, ils ne com
prenaient aucun plaisir dela chair, et ils en
faisaient consister tous les charmes dans la
tranquilité parfaite de l'ùme et du corps. Ils
mettaient en lieu de sûreté leurs ongles, les
cheveux qu'ils se coupaient ou qu'ils s'ar
rachaient avec le peigne, et Jes cachaient
avec le plus grand soin dans les troncs des
rochers ou des murailles, et quand on leur
demandaitla raison de ce procédé, ils disaient
que devant tous revivre, et leur âme sortir
du tombeau avec leurs corp^, ils voulaient
- 215 -
retrouver sans peine leurs ongles et leurs
cheveux au milieu du tumulte et de la con
fusion qu'il y aurait infailliblement dans
cette journée. Aussi lorsque les Espagnols
ouvraient les tombeaux des Indiens, et qu'ils
en jetaient les ossements, ceux-ci les priaient
avec instance de n'en rien faire, afin que
tous les ossements se trouvassent ensemble
quand il fandrait ressusciter, ce qui prouve
d'une manière irréfragable qu'ils croyaient
à la résurrection du corps et à l'immortalité
de l'âme.
Ce que nous disons ici des lncas a été cru
pour le fond par la plupart des peuples
même les plus sauvages. De là cette coutume
si généralement répandue parmi eux, de
mettre dans la tombe avec le défunt toutes
sortes de provisions de bouche avec des
couteaux et autres instruments nécessaires
pour lu table. De là aussi le cruel usage qui
obligeait les femmes et les serviteurs à se
donner la mort après celle de leurs maris ou
de leurs maîtres, afin d'aller les servir dans
l'autre monde. C'est sur cette persuasion
d'une autre vie, que les Druides, ainsi que
- su -
le rapporte Diodore de Sicile, ne balançaient
pas à prêter volontiers de l'argent, ou autre
chose à condition qu'on le rendrait dans la vie
future, dans l'autre monde. Quelle convic
tion que celle qui commande de tels sacri
fices !
— Le Seigneur ayant tiré les Israélites de
l'Egypte, sous la conduite de Moïse son ser
viteur, résolut de les mettre en possession de
la terre délicieuse, qu'il avait si souvent pro
mise aux Patriarches. Il aurait pu les y établir
par la seule force de son bras, et sans leur
coopération. Mais il voulut que la jouissance
paisible de ce beau pays fnt le fruit de leur
courage et de leurs travaux. C'est pourquoi,
pour les animer à une si glorieuse conquête,
il dit à Moïse : Envoyez des hommes pour
considérer le pays que je dois donner aux
enfants d'Israël. Moïse obéit et choisit dans
ehaque tribu un des chefs pour cette expédi
tion. Us exécutèrent fidèlement leur commis
sion en parcourant tout le pays; et voulant
donner à leurs frères une idée de sa fertilité,
ils coupèrent une branche de vigne avec sa
grappe que deux hommes portèrent sur un
- «s —
levier. Ils prirent aussi des grenades et des
figues qui étaient également d'une grandeur
merveilleuse. Après quarante jours de mar
che, ils vinrent trouver Moïse et Aaron et
toute l'assemblée des enfants d'Israël, et
leur montrant les fruits de cette terre de
bénédiction, ils leur dirent: Nous avons par
couru la terre où vous nous aviez envoyés
et où coulent véritablement des ruisseaux de
lait et de miel, comme vous pouvez en juger
par ces fruits. Mais, ajoutaient-ils, cette
terre si riche et si fertile possède des habi
tants très-forts et de grandes villes fermées
de murailles. C'est une terre qui dévore ses
habitants; le peuple que nous y avons trou
vé, est d'une hauteur extraordinaire; nous
avons vu des hommes qui étaient comme des
monstres ; c'étaient les fils d'Enac de la race
des géants , auprès desquels nous ne parais
sions que comme des sauterelles. A ce dis
cours on entendit parmi les Israélites des
cris, des pleurs, des murmures; « Plût à
Dieu, disaient-ils, que nous fussions morts
dans l'Égypte! » Puis ils se dirent l'un à l'au
tre : Etablissons-nous un chef, et retournons
216 -
en Egypte que nous avons quittée. Josué et
Caleb qui avaient été du nombre des espions,
voyant ce tumulte et entendant ces murmu
res, déchirèrent leurs vêtements pour ex
primer leur douleur, et élevant la voix , ils
firent entendre ces belles paroles : t Enfants
d'Israël , sachez que la terre que nous avons
eunsidérée est excellente , qu'il y coule des
ruisseaux de lait et de miel , et qu'avec le
secours du Seigneur nous en deviendrons
facilement les maîtres , nous en dévorerons
le peuple qui y habite avec la même facilité
qu'on mange un morceau de pain. Il est dé
pourvu de tout secours, tandis que vous
avez le Seigneur pour vous. Ne vous laissez
donc pas aller un moment à la crainte. » Ils
eurent beaucoup de peine à apaiser cette
multitude furieuse qui prit des pierrés pour
les lapider. Mais le Seigneur prit leur défen
se ; sa gloire parut à tous les enfants d'Israël
sur le tabernacle de l'alliance, et prononça
contre les murmurateurs cette sentence ter
rible: « Tous ceux des Israélites qui ont vu
l'éclat de ma majesté, et les miracles que j'ai
opérés dans l'Egypte et dans le désert, et
- 217 -
qui, malgré ses prodiges n'ont pas laissé de
me désobéir et de murmurer dès-lors contre
moi, tous ceux-là ne verront pas la terre
que j'ai promise à leurs pères avec serment ;
le seul Caleb mon serviteur, qui, plein d'un
autre esprit, a suivi le Seigneur son Dieu et
lui a été fidèle, lui seul entrera à la suite de
Josué dans la terre promise. Pour vous qui
avez murmuré contre moi, depuis l'âge de
vingt ans et au-dessus, vous mourrez dans
ce désert, vos cadavres y demeureront éten
dus, et ce ne sera qu'après quarante ans,
lorsque vous serez tous morts dans cette so
litude en punition de vos iniquités, que j'in
troduirai vos enfants dans cette terre qui
vous a déplu : Vt videant terram quœ vobls
displiciïu ( Num., xiv, 31 ). Les Israélites
ayant entendu l'arrêt que le Seigneur avait
prononcé contre eux, se repentirent de leurs
murmures et dirent à Moïse : « Nous sommes
prêts à marcher vers le lieu dont le Seigneur
nous a parlé ; nous reconnaissons que nous
avons péché en refusant de le suivre. » C'était
trop tard; l'arrêt était porté, et il fut exé
cuté avec la dernière rigueur. De cette mur-

— 218 —
titude d'hommes qui montait à plus de six-
cents mille combattants, sans compter les
femmes et les enfants, JosuéetCaleb seuls, en
récompense de leur fidélité, entrèrent dans
la terre promise, Oh ! que cette figure est
vraie, qu'elle est belle et naturelle! Jetez un
coup d'œil sur l'univers chrétien et vous en
serez convaincu. Cette multitude innombra
bles de chrétiens dispersés sur tous les points
du globe étaient esclaves du démon, com,me
les Israélites l'étaient de Pharaon. Jésus-
Christ, pour les délivrer de cette servitude,
les fait tous passer dans le baptême par la
mer rouge de son sang qui leur est appli
quée, et son dessein en leur accordant cette
grâce est de les conduire au ciel, la vraie
terre promise; mais il ne veut pas qu'ils y
parviennent sans efforts et sans combats; en
conséquence il envoie ses douze ministres
promulguer partout les condi tions auxquelles
le ciel sera ouvert. C'est à la pénitence, c'est
à la pauvreté, c'est à l'humilité, c'est à la dou
ceur, c'est à la faim de la justice, c'est à la
pureté du cœur et à la patience qu'il sera
accordé. A ces conditions, hélas ! que de mur
- m
mures! que de défections! combien regret
tent les oignons d'Egypte, les vils plaisirs que
le démon leur offre! Combien renoncent à
ce beau ciel qui leur est promis, à l'éternité
bienheureuse pour laquelle ils ont eté créés
et baptisés, préférant des plaisirs d'un mo
ment et s'exposant à des supplices affreux
qui ne finiront jamais. En vain des hommes,
remplis de l'esprit de Dieu, leur montrent-
ils les conséquences infinies et irréparables
de leur choix; rien ne peut les arrêter; ils
vivent et ils meurent dans le péché, plutôt
que de se faire quelques violences pour ga
gner le royaume des cieux. Qu'arrive-t-il ?
les abîmes de l'enfer se remplissent; une
multitude de chrétiens y descendent pêle-
mêle; alors commenceront ces grincements
de dents éternels, alors commenceront les
morsures du ver rongeur, alors aussi on
commencera à sentir son malheur, on vou
dra réparer le temps passé dans l'éloigne-
ment de Dieu, tout sera inutile. L'arrêt sera
porté et s'exécutera. Enfants des hommes,
entendez ces vérités; de grâce méditez-les
sérieusement ; ne vous exposez pas à des re
grets éternels. Et toi, mon âme, rappelle-toi
Caleb et Josué; voilà tes modèles; sois fidèle
à ton Dieu comme ils l'ont été; appuie-toi
sur la force de son bras, sois humble, pa
tiente, détachée de tout comme ton Dieu te
l'ordonne, et un jour tu entreras dans la vraie
terre promise; pour de petits combats qu'il
te faudra livrer, tu recevras une couronne
de gloire qui ne finira jamais.
— Saint Laurent Justinien disait souvent:
O que volontiers je quitterais la terre, si
c'était la volonté du Seigneur ! Quàm libenter
abircm, si Domino plttcerct! Ayant enfin con
nu par révélation que cette dernière heure
était arrivée: «C'est tout de bon maintenant,
mes enfants, dit-il à ses disciples ; l'époux
est près, allons au-devant delui.» Il leva aus
sitôt les yeux au ciel , et dit : « Je vais à
vous, bon Jésus ; vous savez que cette heure
a toujours été l'objet de mes désirs, quoique
ma vie doit être appelée plutôt une infamie
qu'une vie. Mais ce n'est pas sur mes œuvres,
ô bon Jésus! Ce n'est pas sur mes œuvres
que sont fondées mes espérances , mais uni
quement sur vos miséricordes infinies , qui
- 221 —
me font espérer que vous ne refuserez pas à
une de vos créatures quelques miettes de
votre délicieuse table. Oh! mon Dieu, ce
sera mille fois et cent mille fois trop pour
moi, si vous ne refusez pas à voire pauvre
serviteur une place sous les pieds du dernier
de vos élus et la moindre de vos récom
penses.
; Le bienheureux Pierre de Luxembourg,
se trouvant au lit de la mort à l'âge de dix-
huit ans, disait à Jésus-Christ avec une ar
deur extrême: Quand sera-ce que je vous
verrai ! Oh ! quand sera-ce ? ma soif augmente
à tous moments : 0 iiiinàm! 0 utinàm! Sitio.
Celui-là mérite-t-il d'être regardé comme un
bon serviteur qui ne veut pas être avec son
maître?
— Saint Ignace de Loyola, en contemplant
le Ciel, ce qui lui était ordinaire, disait avec
ardeur: Que la terre me paraît méprisable,
lorsque j'envisage le ciel, ma patrie et la
demeuré de mon Père céleste : Quàm sordvt
tcllus cùm cœlum aspicio !
— On disait au père Picolomini que ses
fréquentes aspirations pourraient avancer su
- 222 -
mort, il répondit : Quand cela serait, qu'im
porte de vivre quelques heures de moins pour
gagner l'éternité bienheureuse? Les moments
sont précieux, il n'en faut pas perdre un seul,
car d'un moment dépend l'éternité.
— Sainte Brigitte nous assure que dans le
Purgatoire il y a un lieu où l'on ne souffre
d'autres peines que le désir excessif de voir
Dieu. Dans ce lieu se trouvent les âmes qui
n'ont pas assez désiré dans ce monde de voir
Dieu et Jésus leur Sauveur.
—Quand on offrit à saint Philippe de Néri
la pourpre romaine, il prit la fuite en s'é-
criant : Paradis .' Paradis !
— Le jour que le cardinal Ruffo devait
mourir pour la foi , il se revêtit de ses meil
leurs habits , en disant : Je vais aux noces.
— On demandait à un jeune enfant delà
campagne, ce que c'était que le Paradis:
C'est un lieu , dit-il , en poussant un long
soupir, c'est un lieu où l'on dit: toujours :
Ah!.. .Ah!.. .Ah!...
— Vous serez bien attrapé, disait un incré
dule à un religieux d'un ordre austère, vous
serez bien attrapé, s'il n'y a point de Paradis,
— vous le serez bien plus, répondit Je reli
gieux, s'il y en a un, comme on ne peut rai
sonnablement en douter. Pour moi , je sais
en qui j'ai établi mon espérance: Scio cui cre~
didi (1 Tim., i, 12). Après tout , la vie est si
courte, les plaisirs qu'on ygoûte sont mêlés
de tant d'amertumes, que je ne perds pas
beaucoup ; au lieu que vous , en perdant le
Paradis, vous perdez tout, vous perdez Dieu,
qui est tout notre bien, vous perdez votre
âme, vous perdez une éternité bienheureuse.
— Oh! que Thomas Morusa parlé sagement,
lorqu'il a avancé que si les méchants vou
laient , il leur suffirait , pour avoir le Ciel,
d'employer la moitié et même le tiers des
peines qu'ils souffrent pour mériter l'enfer.
—Quand Philippe, roi de Macédoine, vit un
modèle de la ville d'Athènes, il en fut si épris
qu'il s'écria : « Je suis résolu de me rendre
maître d'une si belle ville. Voilà ce que doit
dire un chrétien qui médite sur les beautés
du Paradis, et sur la félicité éternelle dont
on y jouit: « Oui, doit-il se dire, il faut, à
quelque prix que ce soit , que je me rende
maître d'un si magnifique palais. «
— 234 —
»-.• Un puissant roi disait : Pour un verre
d'eau avoir perdu un royaume. 0 aveugle
ment! ô faute irréparable! Les réprouvés
* dans l'enfer ne cesseront de dire : Pour un
plaisirbrutal avoir'perdu le Paradis; ô déses
poir! ô malheur!
— Malheureux Judas, pour une corde ven
dre Dieu et le Paradis! Malheureux Esaii, pour
un plat de lentilles renoncer à la bénédiction
paternelle ! Malheureux Saiil , pour un peu
d'envie perdre le sceptre, sa vie, son âme,
le Paradis et Dieu même! Hélas! pourquoi
l'avons-nous donné ce Paradis, ce Dieu qui
devait être notre gloire et notre unique tré
sor dans le temps et dans l'éternité.
— Un serviteur de Dieu ne pouvait penser
à cette expression dont se servaient les mon
dains : // faut tuer le temps, sans gémir pro
fondément. Ils ne savent , disait-il , ce qu'ils
disent. Il n'y a que le démon qui ait pu leur
suggérer une pensée si détestable ; ils ver
ront, mais trop tard, que ce qu'ils estiment
si peu, que ce temps qu'ils veulent tuer, est
d'un prix infini, qu'il vaut le ciel et Dieu
même.
— 22o -
— Un fameux peintre, interrogé pourquoi
il employait tant de temps à ses ouvrages, ré
pondit qu'en les faisant il travaillait pour
l'éternité: Plngo ad œternhatem. To.'iies uos
actions sont des ouvrages éternels , tous nos
actes de patience sont autant de traits de pin
ceau touchés sur le tableau de la bienheureu
se éternité. Oh ! que cette pensée, si on y ré
fléchissait, serait efficace, pour porter les
hommes à la pratique de la vertu ?
— Le Paradis est si grand , nos peines si
petites, nos jours si courts que nous devrions
mourir de honte quand nous nous plaignons
(S. Romuald).
— Sainte Catherine de Sienne , ayant vu
dans un de ses transports un rayon de la gloire
céleste, ne pouvait s'empêcher de s'écrier :
« J'ai vu des merveilles! J'ai vu des merveil
les! » Son confesseur l'ayant priée de racon
ter ce qu'elle avait vu. t A Dieu ne plaise,
répondit-elle ; car je croirais commettre une
grande offense si je l'entreprenais ; parceque
je demeurerais infiniment au-dessous de ce
qui en est. > •
— Une pieuse princesse de France (M" Hen
IV
- 226 -
riette) ayant reçu les derniers sacrements
avec dévotion , se sentit embrasée du désir
du ciel, et pria les personnes qui l'entou
raient de lui laisser voir le ciel matériel qui
est l'image d'un autre que l'œil de l'homme
ne peut voir en ce monde ; on acquiesça à
ses désirs : alors, levant les yeux et les mains,
elle s'écria : Ah! le beau ciel ! mon Dieu , le
beau ciel! Quelques temps après elle expira
avec de grands désirs d'aller habiter la mai
son du Seigneur pendant l'éternité.
— Rien de plus édifiant que les dernières
heures de la vie du saint Berchmans. Tous
sortaient d'auprès de lui ravis et pénétrés. Il
s'entretenait du Paradis avec une foi si vraie
que tous en étaient dans l'admiration. Les
médecins raisonnant entre eux sur les moyens
à prendre, pour prolonger ses jours : « Vous
prenez trop de peine pour moi , leur dit-il
avec sa grâce ordinaire ; mon mal est sans
remède ; le grand Mittre m'appelle. — Et où
vous appelle-t-il, lui demanda l'un d'eux. —
Au ciel, monsieur, au ciel, répondit-il.
Adressant ensuite la parole à un ami ver
tueux qui était présent, il lui dit en le tenant
- 227 -
étroitement embrassé : « C'est tout de bon,
mon cher frère, lui dit-il, c'est tout de bon
que je vous fais le dernier adieu ; voici la
dernière fois que je vous parlerai en cette
vie : je meurs ; mais ma vraie amitié pour
vous ne mourra pas. Comme je vous ai aimé
sur la terre, je vous aimerai dans le ciel.i
Qui ne dira en voyant une si belle mort:
Mon Dieu , que je meure de la mort des
justes!
— La mort d'Alphonse-François, duc de
Modène, qui avait quitté le monde pour en
trer dans l'ordre de Saint-François, n'offre
pas des signes moins frappants de prédesti
nation, et des désirs moins ardents du bon
heur céleste. Ayant demandé quel jour on
ferait l'office du bienheureux Félix auquel il
avait toujours eu beaucoup de dévotion, dès
qu'on eut satisfait à sa question, il répliqua:
« Dieu soit loué , et son saint nom béni ! ce
jour sera le terme de mes peines ; je dormirai
et me reposerai dans le Seigneur. » Instruit
par les médecins que le danger était pres
sant, il pria le gardien de rassembler la com
munauté dans sa cellule, et recueillant le peu
— m —
de force qui lui restait : « Je vous ai fait ap
peler, leur dit-il, pour vous faire part de la
bonne nouvelle que l'on vient de me donner.
On m'a annoncé, et je le savais déjà, que
mon départ s'approche , et j'espère aller
bientôt dans la maison du Seigneur pour y
jouir du dernier effet de sa miséricorde. La
joie que j'en ai reçue est si grande, que je
ne puis la retenir dans mon cœur; les grâces
que j'ai reçues du Seigneur sont si grandes,
que ne pouvant les reconnaître dignement,
je vous prie de m'aider à lui en rendre des
actions de grâces. Récitons donc le cantique
de la sainte Vierge. » Il chanta ensuite avec
les religieux le Magnificat, puis le Benedictus
avec une ferveur céleste. Puis adressant la
parole à son confesseur : « C'est vous, mon
père., lui dit-il, c'est vous qui m'avez aidé à
sortir du siècle et à enti er en religion ; c'est
vous qui m'aiderez à sortir de cet exil pour
entrer dans le Paradis. » Après s'être recom
mandé à Dieu et à la sainte Vierge, il expira
sans donner aucun signe de douleur, les bras
placés en croix sur sa poitrine, les yeux éle
vés vers le ciel après lequel il n'avait cessé
- "2â<J —
de soupirer pendant sa vie. Ainsi meurent
les Saints!
— Dans une mission, un jeune homme qui
menait une vie peu chrétienne, se convertit
à Dieu d'une manière si sincère et si solide,
qu'il résolut de renoncer au monde pour
s'occuper uniquement dans la retraite de la
grande affaire du salut. Plusieurs années
après , le missionnaire dont le Seigneur s'é
tait servi pour le retirer de ses égarements
étant venu dans le monastère où vivait ce
religieux, il demanda à le voir. « Eh bien!
mon cher, lui dit-il en l'abordant," êtes-vous
bien content? Le joug du Seigneur vous pa
raît-il doux? Comment vous trouvez-vous de
la vie du couvent? — J'ai beaucoup à souf
frir, répondit le religieux, de l'abstinence,
des veilles et des jeûnes; ma cellule est une
espèce de prison, et le silence continuel un
v rai supplice pour moi. Mais, mon cher père,
mon vrai père en Jésus Christ, que tout ceci
devient léger et consolant, quand je pense
que par ces peines d'un moment, j'acquiers
un poids immense et éternel de gloire dans
le ciel ! Cette pensée adoucit toutes mes
peines, et me porte à bénir sans cesse le Sei
gneur de la grâce qu'il m'a faite en m'appe-
lanî au port assuré de la vie religieuse. »
— Saint Augustin rapporte qu'un païen
lisant le livre de Platon sur l'immortalité de
l'âme, conçut un si violent désir de jouir de
cette vie heureuse qu'il y promettait aux
hommes vertueux, qu'il allât se précipiter
dans la mer pour jouir plutôt de ce bonheur.
Cet exemple n'est pas à suivre en tout, puis
que le Seigneur nous défend d'attenter sur
nos jours sous peine de l'enfer. Mais quel
sujet de confusion pour des chrétiens d'a
voir moins de foi aux vérités éternelles que
des païens, de croire moins l'Evangile de ve
rité, qu'ils ne croyaient .des hommes sujets à
l'erreur, d'être moins détachés des choses
visibles, que ne l'étaient des hommes plon
gés dans les ténèbres de l'erreur !
— Saint Bernard étant tenté de désespoir,
et le démon s'effbrçant de lui persuader qu'il
n'y avait pas de Paradis pour lui , il dit en
s'adressant au Seigneur : « J'avoue, mon
Dieu, que je ne suis pas digne de jouir du
royaume des cieux , ni d'en espérer aucune
— 231 -
part en vertu de mes mérites. Mais Jésus,
mon Sauveur, mon père , mon frère et mon
ami , mon Dieu et mon tout le possède à
double titre, par droit de naissance comme
votre héritier éternel, et à titre de conquête,
l'ayant mérité par ses souffrances. 11 se ré
serve de le posséder par le premier titre, et
me cède le droit qu'il a acquis. Je ne serai
donc pas confondu , et en vertu du titre que
mon Sauveur m'a cédé, j'espère recevoir une
place dans cette céleste demeure où vous ré
compensez éternellement vos élus. » Telle
fut la réponse que fit saint Bernard au ten
tateur ; telle doit être celle des personnes qui
éprouvent des anxiétés au sujet de leur salut.
Elles peuvent aussi se servir de celle de saint
François de Sales : « Eh bien ! si je ne suis
pas assez heureux pour airner mon Dieu pen
dant l'éternité , je vais m'efforcer de lui
plaire et de l'aimer ce Dieu de bonté et de
beauté, le plus que je pourrai pendant ma
vie. » Elles peuvent encore dire avec sainte
Thérèse : « Je ne crains pas de mourir, par-
ceque en mourant je tomberai entre les
mains de celui qui m'aime infiniment, et que
- 232 -
j'aime par dessus tout et plus que qui que ce
soit au monde. »
—Parmi touslesouvrages merveilleux dont
l'antiquité nous ait transmis le souvenir,
un des plus magnifiques et des plus vantés,
c'est le Poriraii de la reine Hélène, peint par
Xeuxis. On ne pouvait rien voir de plus
achevé. Le peintre pour réussir et former
une beauté parfaite s'était appliqué à retra
cer ce qu'il avait remarqué de plus beau
dans cinq personnes différentes qu'il avait
prises pour modèle. On ne pouvait jeter les
yeux sur ce chef-d'œuvre sans entrer dans
une sorte d'extase et de ravissement. Ju
geons par là de l'impression que fera sur
notre âme la vue de la beauté de Dieu , de
cette beauté qui réunit toutes les beautés
imaginables, toutes les beautés spirituelles
et corporelles, visibles et invisibles, célestes
et terrestres, réelles et possibles. Quelle
beauté que toutes les beautés des Anges réu
nies? Quelle beauté que celle de tous les
hommes unis ensemble! Quelle beauté que
celle du soleil, des fleurs et des autres mer
veilles du monde! Cependant tout cela réuni
— 235 -
ensemble ne saurait nous donner une légère
idée de la beauté de Dieu. La mer est un
abîme dont il est impossible de calculer l'im-
mensiié tant à raison des eaux qui lui sont
propres, que de celles qu'elle reçoit conti
nuellement de tous côtés ; ainsi, ô mon Dieu,
vous êtes un océan immense de perfeciions
infinies, de beautés ineffables, non seulement
parceque vous renfermez éminemment en
vous toutes les perfeciions de vos créatures;
mais encore parceque vous en possédez une
infinité d'autres qui n'appartiennent qu'à
vous seul. O beauté éternelle! ô lumière
sans tâche, quand pourrais je vous contem
pler? Heure désirable de l'éternité bienheu
reuse, quand sonneras-tu pour moi? Ojour
digne d'être acheté au prix de tous les tour
ments imaginables, tu seras sans cesse l'ob
jet de mes vœux ardents, de mes soupirs, de
mes actions et de mes souffrances!
— Saint Laurent, présentant au préfet de
Rome les pauvres que l'Eglise nourrissait et
regardait comme ses trésors, lui dit ces pa
roles remarquables : Ces hommes, qui sont
maintenant le rebut des autres hommes , se
- 854 —
ront un jour brillants comme le soleil : leurs
vils habits seront changés en vêtements de
pourpre, leur tête nue sera couverte de cou
ronnes d'or. O mon Dieu, que vos pensées
sont bien différentes de celles des hommes !
Pendant que le riche voluptueux est enseveli
avec pompe par les hommes, son âme des
cend aux enfers, tandis que le pauvre Lazare,
dont personne ne se souvient sur la terre,
est reçu dans le sein d'Abraham pour y être
comblé de gloire et de délices.
— Pendant les horreurs de la révolution
française , lorsqu'on conduisait au supplice
ceux qui n'avaient pas voulu renoncer à leur
Dieu et à leure devoirs, on les entendait
chanter des cantiques d'actions de grâces, et
répéter avec confiance ces paroles : Quand
on meuri pour son Dieu, on est assuré d'aller
en Paradis. O pensée du ciel, que tu élèves
l'homme! que tu le consoles !
— On lit dans la Vie de saint François de
Sales, qu'il avait toujours présente cette
belle maxime qu'il répétait souvent : « Tout
ce qui n'est point pour l'éternité, n'est que
vanité. > Peu m'importe, disait-il, peu m'im
- «35 -
porte que je sois dans la souffrance et l'humi
liation parmi ces moments passagers, pourvu
qu'éternellement je sois à la gloire de mon
Dieu. Mon âme nous allons à l'éternité; nous
y avons déjà presque l'un des pieds; pourvu
qu'elle nous soit heureuse, qu'importe-t-il
que ces instants transitoires nous soient fâ
cheux? Est-il possible que nous sachions que
nos tribulations de trois ou quatre jours opè
rent tant d'éternelles consolations, et que
nous ne voulions pas les supporter? Ce qui
n'est pour l'éternité , ne peut être qu'une
vanité.
— Les persécuteurs mirent tout en usage
pour engager saint Victor de Marseille à ab
jurer sa foi. On lui représenta que c'était
une insigne folie de perdre l'amitié des dieux
et de l'empereur, de renoncer à tous les
plaisirs et à la vie même pour des biens
qu'il n'avait jamais vus ni goûtés. Mais le
saint leur répondit avec une noblesse digne
d'un guerrier, qu'on devait plutôt regarder
comme un insensé celui qui préfère un moin
dre bien à un autre mille fois plus excellent ;
or, les faveurs des princes, les plaisirs, les
- 256 -
honneurs, les richesses, la santé et la vie
même, ne sont rien comparés au bonheur
éternel que Dieu a promis à ses fidèles servi
teurs. Il faut donc leur préférer les joiesi
ineffables du ciel, et la jouissance du Créa
teur, qu'on possède dès qu'on l'aime, et avec
qui, en le possédant, on possède tous les au
tres biens. Quant aux tourments dont on me
menace, ajouta-t-il , ils ne peuvent m'ef-
frayer : des supplices qui éteignent les feux
éternels, sont plutôt des délices que des sup
plices. On mit en effet sa foi à de terribles
épreuves; mais elle triompha de tous les ef
forts de l'enfer , et après d'horribles tour
ments, il obtint la couronne du martyre.
— Ruffin rapporte qu'un solitaire s'a
dressa un jour à un saint abbé, pour lui
demander quelle pouvait être la cause de
l'extrême peine qu'il avait à se tenir dans sa
cellule? Sachez, mon fils, lui répondit le
saint homme, que vous n'y trouvez le temps
long, que pareeque vous ne songez pas aux
joies du paradis qui doit être la récompense
de votre patience. Si vous y pensiez attenti
vement, quand votre cellule serait remplie
— 257 -
de "vers, vous ^ demeureriez très-content
jusqfu'à la mort.
— On engageait un grand capitaine à
prendre un peu de repos : « C'est dans l'au
tre monde que nous nous reposerons, répon-
dit-il; ce n'est que celui qui travaille aujour
d'hui qui peut se reposer demain. » Profi
tons de cette pensée, travaillons pour l'éter
nité ; nous aurons assez de temps pour nous
reposer.
— Saint Adrien étant encore jeune soldat,
à l'âge de dix-huit ans , et voyant avec ad
miration la constance invincible des Martyrs
au milieu des tourments les plus horribles ,
leur demanda quels sortes de biens ils espé
raient pour tant de souffrances. Ils répondi
rent : t Nous espérons des biens qui surpas
sent tout ce que l'on peut imaginer. Voilà
ce qui nous encourage , et ce qui nous fait
endurer avec joie tous les supplices les plus
cruels. Cette espérance adoucit tellement la
rigueur de nos tourments, que si nous avions
mille vies, nous les donnerions avec plaisir.
Les maux que nous souffrons sont passagers,
tandis que le bonheur que nous espérons ne
- Î38 —
flaira jamais. » Ce jeune soldat fut si touché
de cette réponse, qu'il demanda le baptême,
et eut assez de courage pour donner sa vie
pour Jésus-Christ. Ayons la même foi, soyons
vivement pénétrés de la grandeur des biens
éternels, et nous mépriserons , comme les
saints, tous les biens présents , toutes les
souffrances pour les acquérir.
— Thomas Morus, grand chancelier d'An
gleterre, si fameux par sa fermeté^ défendre
le parti de la vertu, ayant été mis en prison
par l'ordre du roi Henri VIII, qui lui deman
dait une chos>e contraire à ce qu'il devait à
Dieu et à l'Eglise, sa femme vint le trouver
pour essayer de le faire condescendre aux
volontés injustes du roi , en lui représentant
d'un côté, la ruine et la désolation entière de
sa famille, et de l'autre, les grands avantages
que ce prince lui promettait, s'il voulait re
lâcher quelque chose de cette fermeté trop
scrupuleuse pour le temps. Morus, après l'a
voir écoutée, lui demanda combien de temps
il pourrait jouir des bienfaits et de la faveur
du roi... Vous pouvez, répondit-elle, à l'âge
où vous êtes, vous promettre d'en jouir en
core au moins vingt ans. Allez, insensée, ré
pliqua ce grand homme ; quoi ! me croyez-
vous assez dépourvu de raison, pour préférer
quelques misérables avantages d'une fortune
temporelle aux biens infinis que j'espère
dans l'éternité? A Dieu ne plaise que je fasse
un choix si déraisonnable! Sachez que j'aime
beaucoup mieux demeurer toute ma vie dans
cette prison, et souffrir la confiscation de
mes biens, et la mort même s'il est néces
saire, que de perdre le bonheur qui m'est ré
servé dans le Paradis.... Une constance si
généreuse et si chrétienne fut bien récom
pensée ; car elle lui mérita la couronne du
martyre, qu'il reçut à Londres où il eut la
tête tranchée pour la défense de la piété et
de la foi.
— Saint Pierre d'Alcantara , disait : mon
Dieu, se peut-il qu'il y ait des hommes assez
aveugles, assez insensés, assez at tachés à cette
vie si courte, si remplie de misères, pour tout
entreprendre, pour tout sacrifier jusqu'à
leur âme, pour y établir leur fortune ; pour
moi, mon Dieu, j'aime mieux mourir mille
fois que de faire quoi que ce soit au monde
- 210 -
qui me rende indigne de la vie éternelle,
parceque tout mon bonheur et tous mes dé
sirs sont de jouir de votre divine présence.
Faites-moi la grâce, mon Dieu, de mépriser
tous les plaisirs de cette vie mortelle, et de
n'avoir jamais d'autre plaisir que celui de
vous plaire.
— Le bienheureux Albain parle d'une re
ligieuse qui, étant apparue à une autre reli
gieuse, lui dit, que le Seigneur était si ma
gnifique dansles récompenses qu'il accordait
aux moindres bonnes œuvres, qu'elle retour
nerait volontiers au monde pour obtenir un
degré de gloire que mérite un Ave Maria ,
qui ne serait pas même prononcé avec une
grande dévotion. 0 mon Dieu, de quelle
gloire, de quel bonheur ne nous privons-
nous pas en disant tant de fois la salutation
Angélique, toutes nos autres prières, en fai
sant toutes nos actions sans ferveur, sans at
tention, par routine, par respect humain, et
presque sans rapport à vous.
— Sainte Catherine de Sienne avait un si
grand désir de voir Dieu et son divin époux
dans le Paradis, qu'elle était comme un pau
— 241 —
vre cerf brûlé de soif qui soupire après l'eau
fraîche. Tantôt elle flattaii la mon et l'ap
pelait sa belle , sa sœur, son amie, et l'invi
tait de venir à elle avec toutes les paroles
de tendresse qu'elle pouvait inventer ; tan
tôt elle entrait dans une sainte colère, et lui
donnait les noms de cruelle, de barbare,
d'inhumaine, parcequ'elle refusait de venir
trancher le fil de ses jours , et la mettre en
possession du bonheur éternel. Voilà ce qu'on
pense, voilà comme on parle quand on n'est
attaché qu'à Dieu. Efforçons-nous de nous
détacher le plus que nous pourrons du péché
et des objets d'ici-bas, afin de pouvoir mou
rir avec la même confiance et les mêmes dé
sirs.
— Saint Jean Chrysostôme, dans son Ho
mélie pour le jour de l'Ascension, s'écrie :
Cette vie est un composé de paille et de mor
tier; nous en sommes les petits oiseaux.
Faut-il si longtemps pourrir dans l'ordure de
ce mauvais nid ? Que ne nous élevons-nous
avec les ailes de la dévotion? Que ne pre
nons-nous le chemin que notre aigle nous a
tracé le jour de son ascension ? Quoi! croire
U
— 243 -
au Paradis et n'y vouloir pas entrer ! Aimer
Jésus-Christ et fuir sa compagnie !
— Le diacre Paul rapporte dans son His
toire d'Asie, qu'Albonne, roi des Lombards,
ayant goûté quelques fruits d'Italie queNar-
cès lui avait envoyés, les trouva si excellents
qu'il prit depuis un dégoût extrême de ce
qui naissait dans son misérable pays; ce qui
lui donna la pensée de faire la conquête de
l'Italie, qu'il regardait comme un Paradis
terrestre. Il y vint en effet et s'y établit. Ah!
si un Ange descendait du ciel et qu'il vous
apportât des fruits du jardin des délices
éternelles : De pomis fruetuum solis et Itinœ ,
de pomiscollium œternorum (Decter., xxxiii,
14)> aussitôt que vous en auriez admiré la
beauté et goûté la douceur, votre chair si
avide maintenant des délices de la terre, en
aurait tant d'horreur, qu'elle mourrait de
faim plutôt que d'en goûter; votre âme sou
pirerait continuellement vers le ciel, et le
moindre retard deviendrait pour elle un
supplice et lui rendrait la vie insupporta
ble.
— Qu'on apporte des balances, dit un
pieux auteur, qu'on apporte des balances, et
voyons si le chemin du ciel est plus pénible
que celui de l'enfer. Mettez d'un côté les pei
nes attachées au service de Dieu, et de l'autre
celles que l'on trouve dans la vie mondaine,
et voyez de quel côté penche la balance. Que
sont toutes les veilles, tous les jeûnes, toutes
les pénitences des Saints, auprès des fatigues,
des ennuis, des chagrins, des remords, des
craintes des mondains. Oui, si vous aviez fait
pour Dieu , pour le Paradis , la moitié de ce
que vous avez fait pour le démon et pour
l'enfer, vous seriez un grand Saint.
— Un autre auteur se sert, pour nous ani
mer à la conquête du ciel, d'une comparai
son qui n'est pas moins heureuse. Voyez ce
guerrier qui, plein de courage et avide de
gloire, entre en campagne par l'ordre de son
souverain, cherche les périls, demande les
postes les plus dangereux , les ennemis les
plus redoutables. Si le prince est présent à
la bataille, quels prodiges de valeur le guer
rier ne fait-il pas pour se distinguer sous les
yeux de son maître I II ne redoute rien, et se
précipite au milieu des dangers pour mon
— 244 -
trer son courage et sa fidélité. Si, au milieu
de l'action, il voit que son prince fixe ses re
gards sur lui, s'il aperçoil que le monarque
le voit avec plaisir et qu'il admire son cou
rage, quel puissant motif d'émulation pour
ce guerrier! 11 se jette au milieu de la mêlée
et affronte glorieusement la mort. Telle est
l'ardeur des âmes ferventes lorsqu'il s'agit
de souffrir pour Dieu et pour le Paradis.
Elles voient que du haut du ciel il abaisse
ses regards sur leurs actions, qu'il examine
le mérite de chacune d'elles; qu'il voit avec
complaisance ce qu'elles font el ce qu'elles
souffrent pour lui. A cette vue, leur cœur
s'embrase d'amour, elles sont comme trans
portées hors d'elles-mêmes, et n'ont plus
d'autres désirs que de courir après les af
fronts, les tourments et la mort, pour plaire
à leur Divin Maître et lui donner des preuves
de leur reconnaissance. Animées de ces géné
reux sentiments, quelques-unes ont défié les
tyrans et leur ont fait les plus sanglants re
proches de ce qu'ils usaient onvers elles d'une
douceur, d'une modération cruelle, tandis
qu'ils accordaient à d'autres les palmes du
- 245 -
martyre; elles souffraient, elles mourraient
en chantant et leur bonheur et les louanges
de leur bon Maître. Voilà ce qu'opère la foi des
récompenses éternelles dans les âmes qui
sont bien pénétrées de leur immensité.
— L'histoire rapporte qu'un roi de Perse
porta un édit par lequel il promettait une
grande récompense à quiconque inventerait
quelque plaisir inconnu. Ce plaisir trouvé, il
en aurait encore cherché un autre. Pourquoi ?
Parceque rien sur la terre ne peut conten
ter le cœur de l'homme. Le Dieu seul du Pa
radis peut satisfaire la vaste capacité de son
cœur. De là vient que Salomon, au milieu de
tous les délices, s'écriait : Vanité des vani
tés! tout n'est que vanité, tout n'est qu'af
fliction hors le saint amour de Dieu, ainsi
que s'exprime l'auteur de l'Imitation. La
grâce s'est souvent servie de celte insuffi
sance des créatures pour attiror des pécheurs
à son service. C'est ainsi qu'elle a opéré la
conversion d'un officier distingué. Il donnait
un bal dans une ville où il était en garnison.
Parmi les plaisirs bruyants auxquels on se
livrait autour de lui , il se senlit un dégoût
11*
— "2J6 -
si giand, qu'il pria un de ses amis de faire
pour lui les honneurs du bal. Rendu à lui-
même, il fit les réflexions suivantes : « Que
fais-je, dit-il, et où cherehais-je un bonheur
qui me fuit? Pourquoi m 'arrêter aux objets
créés , puisque celui qui a fait ce monde si
magnifique s'offre tout entier lui-même pour
remplir mes vœux? O mon Dieu , s'écria-t-
* il ensuite comme saint Augustin , que c'est
bien en vain que notre cœur se tourne et se
retourne de tous cotés, puisqu'il n'éprouve
partout qu'inquiétude et que tourments lors
qu'il ne se repose pas en vous. C'en est donc
fait, c'est à vous ssul que je veuxm'attacher
pour toujours! » En effet, il mit incontinent
ordre à ses affaires , et se consacra sans ré
serve au service de Dieu. Non content de
faire lui seul la conquête du ciel, il s'efforça
de procurer à Dieu des adorateurs éternels
de son saint nom par ses discours et par son
exemple.
— L'auteur de la vie de sainte Marguerite
de Savoie remarque que cette graude Sainte
vivait dans une crainte continuelle d'être
exclue du bonheur du Paradis pour ses pé
— 2*7 —
chés. Si elle eût fait un peu attention aux
grâces qu'elle avait reçues de Dieu, à la vie
qu'elle avait menée, elle eût trouvé de quoi
se rassurer; elle eût reconnu que ce désir. si
grand qu'elle avait d'être du nombre des
élus était une marque infaillible de sa pré
destination; car, comme dit saint Thomas ,
ce désir suppose une grande charilé dans
l'âme, et la rend plus capable de posséder le
souverain objet de leur amour. Mais les
Saints ont coutume d'être aveugles sur tout
ce qui peut leur donner quelque bonne opi
nion d'eux-mêmes; de sorte que cette belle
âme était dans des peines d'esprit conti
nuelles qui ne lui laissaient aucun repos ni
jour ni nuit. Enfin il plut à son divin époux
de la tirer d'une situation si pénible ; il lui
apparut à peu près comme le vit saint Jean
lorsque ce divin Sauveur lui ordonna d'écrire
de sa part à sept évêques. Il avait une taille
élevée, un visage majestueux, des yeux étin-
celants. Il était environné d'une multitude
d'Anges et tenait en sa main trois lances sur
chacune desquelles étaient écrits ces trois
mots, calomnie, infirmité, persécution. La
- 248 -
Bienheureuse se persuada d'abord que ces
trois flèches étaient une marque de la colère
de son divin époux qui voulait la punir de
ses péchés; mais notre divin Sauveur la tira
bientôt de ces nouvelles agitations et lui fit
connaître ce que signifiait ces trois lances ,
il lui fit connaître que pour être du nombre
des élus, il fallait se préparer à toutes les
souffrances exprimées par les inscriptions de
ces trois lances, que l'homme chassé du para
dis terrestre ne pouvait espérer un paradis
céleste que par le fer et le feu , et qu'il n'y
avait point d'autre clé pour entrer dans le
ciel que celle de notre sang, comme le dit
Tertullien : Tota paradisi clavis sanguis tuus
est. Ensuite il donna à Marguerite le choix
d'une de ses lances, lui assurant qu'à cette
condition , elle mériterait que son nom fut
écrit dans le livre de vie. Semblable a David
qui dans une circonstance semblable ne sa
vait sur quoi fixer son choix , la Sainte se
sentit une répugnance extrême pour ces trois
sortes de peines; la calomnie lui faisait hor
reur, la persécution étonnait sa faiblesse, et
la maladie se présentait à elle sous un aspect
H9
affreux ; mais bientôt, considérant toutes ces
épreuves comme des gages de l'amour desoa
Sauveur, elle se sentit élevée au dessus d'elle-
même et résignée à tout. Cependant elle ne
savait à quoi se décider par rapport à ces
(rois sortes de peines que Jésus laissait à
son choix. Alors les Anges qui accompa
gnaient le Sauveur, lui conseillèrent de ne
faire aucun choix de sa propre volonté, mais
de s'abandonner entièrement à la providence
de celui qui l'aimait comme sa chère épouse.
Alors cetle sainte âme, éclairée d'une nou
velle lumière, s'écria aussitôt : « Mon Dieu,
votre volonté soit faite et non la mienne;
je prends pour mon partage la lance que
vous avez vous-même choisie pour moi ; je
suis prête à souffrir telle affliction qu'il plaira
à votre divine majesté de m'envoyer. Votre
sainte volonté soit faite et non la mienne. »
Le Fils de Dieu, satisfait de cette réponse,
disparut avec toute sa suite et ne tarda pas
à lui faire connaître le choix qu'il avait fuit
pour elle. Le monde inventa aussitôt des
calomnies contre son honneur, le démon
suscita de grandes persécutions contre sa
— m—
personne, et Dieu lui envoya des maladies
capables de lasser toute autre patience que
la sienne. Mais la sainte voyant dans toutes
ces peines des marques de sa prédestination
éternelle et de l'amour de son Dieu, tressail
lait d'allégresse dans le fond de son âme , et
ne cessait de répéter : « Mon Dieu, votre
volonté soit faite et non la mienne; encore
plus, si c'est votre bon plaisir. « C'est pour
cela qu'on représente ordinairement sainte
Marguerite avec trois lances et cette devise :
Non eligit, sed colligit. Elle ne choisit pas
une des lances, une souffrance particulière;
mais elle recueille avec soin toutes celles que
son époux lui envoie. A son exemple, ac
ceptons toutes les souffrances qu'il plaira à
notre divin Sauveur de nous envoyer, re
gardons les plus contraires à nos inclinations
corrompues comme les meilleures pour nous;
n'en perdons pas une parcelle s'il se peut ; le
temps des souffrances est un temps infini
ment précieux; c'est le temps de préparer
une riche moisson pour le ciel; c'est une
marque assurée de noire prédestination
éternelle.
- 2S1 -
— Rien ne marque davantage, dit Pascal,
une extrême bassesse de mœurs que de ne pas
souhaiter la vérité des promesses éternelles.
La religion doit donc regarder comme la
plus méprisable des créatures cette malheu
reuse reine d'Angleterre tant vantée dans le
monde, qui vomit un jour cette parole infer
nale : « Je céderais volontiers à Dieu ma
part du Paradis, s'il voulait me donner qua
rante ans de règne. » Nous détestons une
parole si exécrable; mais, hélas! n'avons-
nous pas imité cette reine sinon dans nos
paroles, au moins dans notre conduite. Elle
donna le Paradis pour un royaume terrestre,
et nous pourquoi le donnons -nous ? pour des
péchés honteux, pour des bagatelles, pour
une poignée d'orge, comme s'exprime l'Ecri
ture, pour un morceau de pain, pour rien.
— Accoutumez-vous, dit Marmontel , ac
coutumez-vous à regarder la vie comme un
petit voyage, où l'on est dans la barque assez
mal à son aise; mais dont le port sera déli
cieux.
— Il y aura un moment qui ne peut être
éloigné, puisque mille ans annoncés ne sont
— 252 -
qu'un moment au jugement de Dieu, où vous
verrez dans un autre jour tout ce qui peut
présentement vous donner de la peine, et
vous connaîtrez jjour lors avec évidence,
que les événements qui vous ont paru les
moins supportables, étaient autant de
moyens auxquels, par une disposition éter
nelle, Dieu avait attaché votre sanctification.
Qui eût pensé que le bon larron trouverait
le Paradis sur la croix ?
— Charles XII, roi de Suède, après avoir
lu la vie d'Alexandre-le-Grand, déclara à son
précepteur qu'il voulait lui ressembler; et
sur ce qu'on lui objecta que la vie de ce
prince avait été courte, il répliqua avec une
espèce d'enthousiasme : « N'a-t-elle pas été
assez longue, puisqu'elle lui a suffi pour con
quérir tant de royaumes!... « Voilà l'impres
sion que doit faire sur nous l'exemple des
Saints. Oh ! que celui qui s'est sanctifié, qui
a conquis le royaume des cieux, a bien em
ployé les années de sa vie, n'eût-il vécu que
peu d'années? Que celui au contraire qui a
vécu cent ans et n'a pas gagné le paradis a
peu vécu! L'Ecriture l'appelle un enfant de
cent ans.
— SjS —
— On rapporte que quand Alexandre
partit la première fois pour la guerre, Aris-
tote, son précepteur, lui dit qu'il ferait
mieux d'attendre l'âge viril pour se mettre
en campagne. « En attendant, répondit-il,
je perdrai l'audace de la jeunesse. » Telle
doit être à peu près la réponse que doit faire
un jeune homme vertueux , auquel on con
seille d'attendre, pour servir Dieu , un âge
plus avancé. En attendant, doit-il répondre,
en attendant, la jeunesse se passera sans mé
rites dont je veux faire une ample provision
pendant ce temps précieux; en attendant, je
peux mourir et être exclus du Paradis. Tan
dis que nous avons le temps, servons donc le
Seigneur.
— On est étonné des goûis frivoles et
presque puérils de certains princes. Artabus,
roi d'Yrcanie, prenait son plaisir à chasser
aux mouches. Héliogabale s'occupait à faire
une collection de mille belettes, de mille
souris, de dix mille livres de toiles d'arai
gnées. Ne les imitons-nous pas, ne faisons-
nous pas quelque chose de plus blâmable,
lorsque nous négligeons les choses du salut
15 .
- J5i -
qui tout éternelles, pour non* occuper d«
choses de ce monde qui ne sont que des ba
gatelles Y
— On lit dans la vie du père Thibaut, re
ligieux carme, que ce saint personnnage,
s'étant vu dans la nécessité de se retirer chez
un laboureur , voulut s'informer de sa façon
de vivre, pour tirer occasion de ses réponses,
de lui donner quelques avis pour son salut :
« Mon père, lui répondit-il dans sa simpli
cité, j'ai toujours demandé quatre choses à
Dieu, dont il m'a accordé les trois premières,
et j'espère la quatrième de sa miséricorde :
Pain, peine, patience et paradis. Je n'ai ja
mais manqué de pain, grâces à Dieu; j'ai
toujours eu beaucoup de peine à gagner ma
vie; la patience ne m'a pas manqué dans
toutes les adversités que j'ai éprouvées. Il
ne me reste que le Paradis , et j'espère qu'il
ne me sera pas refusé à la fin de mes jours. »
Le Père fut fort édifié de cette réponse, et
ces quatre paroles lui demeurèrent si vive
ment imprimées dans la mémoire, qu'il les
eut toujours depuis dans l'esprit et dans le
cœur. Elles sont en effet un abrégé de la vie
- 855 -
de l'homme, et en nous efforçant de mettre
en pratique le sens renfermé dans les trois
premières paroles, nous aurons comme lui
une grande confiance d'obtenir ce qu'indique
la quatrième, c'est-à-dire le Paradis. Puis
sions-nous tous y voir Dieu dans la glorieuse
assemblée des saints.
— La vénérable mère des Fontaines , car
mélite, à peine âgée de quatre ans, entendit
parler du Paradis comme d'un lieu où l'on
jouissait de pures et d'ineffables délices; elle
demanda aussitôt combien on y demeurait.
Lorsqu'on lui eût répondu que c'était éter
nellement , elle fut si frappée qu'elle conçut
les plus vifs désirs de ce bonheur , et qu'on
l'en tendait/ souvent s'écrier :Une éternité en
Paradis!... une éternité en Paradis!...
— Le Sauveur compare le bonheur du
ciel à un grand festin auquel tous les hommes
sont appelés. Quel festin ? On a parlé dans
tous les siècles du fameux festin d'Assuérus
qui dura cent quatre-vingts jours, et auquel
furent invités tous les princes, tous les offi
ciers les plus braves parmi les Perses , les
premiers parmi les Mèdes , les gouverneurs
des provinces, et enfin tout le peuple qui se
trouva à Suze, depuis le plus grand jusqu'au
plus petit. Ce prince , pour faire éclater da
vantage la gloire et les richesses de son em
pire, pour montrer la grandeur de sa puis
sance, avait réglé que le lieu du festin serait
tendu de tous côtés en tapisseries de fin lin,
de couleur de bleu céleste et d'hyacinte, sou
tenues par des cordons de fin lin teints en
écarlate, passés dans des anneaux d'ivoire,
et attachés à des colonnes de marbre ; que
les lits d'or et d'argent sur lesquels on se
metlrait pour manger, seraient rangés en
ordre sur un pavé de porphyre et de marbre
blanc embelli de plusieurs figures avec une
admirable variété; que tous les invités à ce
festin boiraient dans des vases d'or, et que
les viandes seraient servies dans des bassins *
tous différents les uns des autres. Enfin il
voulut qu'on y présentât ses plus excellents
vins, et en grande abondance, comme il était
digne de la magnificence royale, et que l'un
des grands de sa cour fût assis à chaque table,
afin que chacun prît ce qui lui plairait avec
une entière liberté. Quel admirable festin !
— 857 —
quelle mognificence ! Cependant tout cela
n'est rien auprès de celui que le Seigneur a
préparé dans le ciel pour faire éclater la
gloire et les richesses de son empire, pour
montrer la grandeur de sa puissance , et ré
compenser ses fidèles serviteurs. Le repas
d'Assuérus ne dura que cent quatre-vingts
jours , celui qui nous est réservé dans le ciel
durera éternellement; Assuérus n'invita que
ses principaux sujets , Dieu invite tous les
hommes; ceux qui participèrent au festin
d'Assuérus eurent encore faim et soif, ceux
qui auront part au festin céleste n'auront
jamais faim ni soif, leur bonheur ne dimi
nuera jamais, parce qu'ils trouveront en Dieu
sans cesse de quoi satisfaire tous leurs dé
sirs, quelque vastes qu'ils puissent ëtre.
Le Seigneur ayant donc préparé dans le
c\e\ un festin magnifique, a eu soin d'en
voyer, depuis le commencement du monde,
ses serviieurs pour inviter les hommes à ce
banquet divin, ou doivent être célébrées les
noces de son Fils; mais, hélas! les hommes
aveuglés, entraînés par les objets sensibles,
ont refusé, pour la plupart , de se rendre à
- 253 —
cette invitation céleste. L'un a prétexté ses
affaires, l'autre un mariage qu'il avait con
tracté, un autre a donné d'autres excuses.
Le maître du festin, pour témoigner sa bonne
volonté, le désir sincère qu'il a de recevoir
ces aveugles à son festin, envoie de nou
veau ses serviteurs pour les avertir que
tout est prêt. Mais, rejetant ces nouveaux
ordres, les invités s'en vont, l'un en sa mai
son des champs, l'autre à son trafic, quel
ques autres se saisissent de ses serviteurs, et
les tuent indignement. Le Roi , apprenant
ces excès, jure qu'aucun de ceux qu'il a in
vités, ne goûtera à son souper; il envoie
même ses armées pour exterminer ces meur
triers , et en leur place, il fait venir à son
festin tous ceux qu'on trouve dans les rues,
qui étaient des pauvres et des infirmes. Tous
étant assemblés , il se trouve encore des
places vides, et le Roi envoie de nouveau ses
serviteurs dans les chemins et le long des
haies , avec ordre de forcer ceux qu'ils trou
veront de venir remplir sa maison. II entre
ensuite pour voir ceux qui sont à table,
et apercevant un homme dépouillé de la robe
— 8SI -
nuptiale, il lui demande comment il a osé
entrer sans cette robe, et après lui avoir
fait lier les pieds et les mains, il le fait pré
cipiter dans ce lieu de ténèbres où il n'y aura
que des pleurs et des grincements de dents.
Le Sauveur Jésus a fait lui-même en deux
mots l'application de cette parabole, en di
sant: Il y a beaucoup d'appelés, mais peu
d'élus. C'est-à-dire que beaucoup sont ap
pelés au bonheur du ciel , mais que peu y
entrent réellement. Quelle est la cause de
ce malheur irréparable? Ce sont les vains
honneurs de la terre , les richesses péris
sables et les plaisirs de la vie. Ce sont ces
trois branches de la cupidité, qui ont tou
jours empêché les hommes de se rendre à
l'invitation des serviteurs que Dieu a tou
jours eu soin de susciter pour instruire les
hommes de leurs hautes destinées et les en?
gager à s'en rendre dignes par la sainteté de
leur vie. Bien plus, plusieurs de ces fidèles
ministres du Très-Haut, ont été les victimes
de leur zèle; on les a traités indignement, on
les a fouettés et mis à mort. Le ciel cepen
dant n'est pas resté vide, le Seigneur «n *
- 260 -
forcé en quelque sorte à entrer dans la salle
de son festin. Sur le refus des Juifs, il a ap
pelé les Gentils, qui étaient devenus les
victimes de toutes sortes d'erreurs et les
jouets des demons; l'exès de leurs maux, de
leur aveuglement, de leurs infirmités spiri
tuelles les ont comme obligés à chercher un
asile dans l'Église où ils ont trouvé le bonheur
et la paix, et se sont rendus dignes d'être
admis dans le banquet de l'éternité. Hélas!
combien encore dans l'Église même de Dieu,
qui ne penseraient point à leur salut, si Dieu
ne les y obligeait, non en les sanctiflant mal
gré eux, mais en les mettant, par la perte
de ce qu'ils ont sur la terre , par des ma
ladies et des accidents imprévus, dans une
heureuse nécessité d'avoir recours à lui, et
de ne penser plus qu'au ciel. Heureux acci
dents, heureuses pertes, heureuses maladies:
mon Dieu, brûlez, coupez dans le temps,
pourvu que vous épargniez pendant l'éter
nité.
11 ne nous reste qu'à voir si nous avons
l'habit nuptial, c'est-à-dire la charité qui est
cette robe blanche qu'on nous a donnée
dans notre baptême, afin que si nous ne l'a
vons plus, nous tâchions de la recouvrer,
avant que le Roi vienne examiner avec toutela
rigueur de sa justice, l'état de tous ceux qui
sont dans l'Église, pour condamner aux té
nèbres de l'enfer ceux qui s'imaginent qu'il
suffit d'être appelés, et qui ne travaillent pas
à mériter par leur bonne vie, la récompense
promise aux élus.
— Dans une autre occasion, Jésus-Christ,
voulant imprimer fortement dans l'esprit de
ses disciples, la nécessité de se tenir toujours
prêts, de peur d'être surpris par la mort
dans l'état du péché, et d'être à jamais exclus
du banquet céleste, leur proposa les deux pa
raboles suivantes.
La première est celle des dix Vierges qui
prirent leurs lampes allumées pour aller au
devant de l'époux et de l'épouse, et être de
la noce. Cinq d'entre elles, que le Fils de
Dieu appelle folles se contentèrent d'avoir
leurs lampes allumées; mais les cinq autres,
prévoyant sagement que l'époux pourrait
tarder à venir, portèrent avec elles de l'huile
dans des vases, afin qu'elles en pussent re
15* ,
— m—
mettre dans leurs lampes, si elles venaient à
s'éteindre. Ce qu'elles avaient prévu arriva,
l'époux tarda à venir, et elles s'endormirent
les unes et les autres. Sur le minuit, on enten
dit un grand bruit : Voici l'époux qui vient,
allez au devant de lui. Elles se levèrent aus
sitôt, et préparèrent leurs lampes; mais les
cinq Vierges folles, voyant que les leurs com
mençaient à s'éteindre, demandèrent de
l'huile aux Vierges sages, qui leur dirent de
s'adresser aux marchands. Pendant qu'elles
allèrent en acheter, l'époux vint, etles Vier
ges sages entrèrent avec lui. Leurs compa
gnes vinrent ensuite, mais la porte était fer
mée. Elles eurent beau frapper en disant :
« Seigneur, ouvrez nous, » II leur répondit
qu'il ne les connaissait point. Il est aisé de
faire l'application de cette parabole : les dix
Vierges figurent tous les fidèles : les sages
figurent les justes qui ont soin de se mainte
nir dans la grâce de Dieu, et de fortifier cette
grâce précieuse par l'huile des bonnes œu
vres; les folles sont l'image des pécheurs qui
ne se préparent pas à la venue de l'époux,
qui vivent dans l'état du péché, et ne prati
- 1«3 -
quent point les bonnes œuvres. L'e'poux ar
rivera au moment qu'on y pensera le moins ;
alors les justes, riches de leurs bonnes œu
vres, seront reçus dans la salle des noces,
tandis que les méchants en seront exclus i
jamais. Veillez donc, conclut le Sauveur,
parce que vous ne savez ni le jour, ni l'heure
de la venue du Fils de l'homme.
La deuxième parabole est celle d'un homme
qui, devant faire un long voyage, mit son
bien entre les mains de ses serviteurs, et leur
distribua.différentes sommes d'argent, selon
la capacité différente de chacun, afin qu'il le
fissent profiter.' A son retour, il en trouva
qui avaient fait profiterait double les sommes
qu'ils avaient reçues, et dit à chacun d'eux:
t 0 bon et fidèle serviteur, puisque vous
avez été fidèle en peu de choses, j'en mettrai
beaucoup en votre disposition, entrez dans
la joie de votre Seigneur. » Le troisième ser
viteur appelé pour rendre compte de l'usage
qu'il avait fait de l'argent qui lui avait été
confié, répondit brutalement, et déclara que,
connaissant l'excessive exigence de son maî
tre, il avait caché son argent sans le mettre
— 2W ~
à profit. Le maître, irrité, lui fit ôter ce qu'il
avait, et le fit jeter dans un cachot, comme
un serviteur paresseux et inutile. Nous ap
prenons par cette parabole que, pour être
sauvé, il faut Taire un bon usage des grâces
que Dieu nous donne à chacun, selon la me
sure qu'il lui plaît; qu'on sera d'autant plus
récompensé, qu'on aura plus fait profiter les
dons de sa miséricorde, et qu'il n'y a rien de
si dangereux que de cacher et de rendre inu
tile le talent qu'il nous a confié.
A ces paraboles tirées de l'Évangile, citons-
en deux autres qui renferment d'excellentes
leçons :
La première est tirée de saint Jean Damas-
cène. Il y avait, dit-il, dans une ville, une
coutume assez bizarre. C'est que tous les ans
le sénat élisait un nouveau Roi, et détrônait
l'ancien. On choisissait le nouveau Roi parmi
les étrangers, afin qu'il igntfrât la loi du sé
nat, que le peuple ignorait lui-même. Le roi,
pendant le court espace de son règne, dispo
sait à son gré et des peuples et des richesses
du royaume. Mais au bout de l'an, lorsqu'il
s'y attendait le moins, on le dépouillait de
- 165 -
tout, on lui bandait les yeux, et on le faisait
conduire dans une ile fort éloignée, où on
le laissait mourir de misère et de chagrin.
11 arriva une année qu'on choisit pour roi
un nommé Eumènc. C'était un homme fort
sage, et d'une prudence consommée. Dès qu'il
fut sur le trône, il commença à réfléchir sur
la manière dont il y était monté. Il était sur
tout étonné de n'entendre point parler de
son prédécesseur. Il faisait souvent des ques
tions sur sa personne, sur sa famille, sur le
genre de sa mort; mais, au lieu de lui répon
dre, on ne l'entretenait que de sa grandeur et
de sa puissance. Ces flatteries ne faisaient que
le confirmer dans l'idée où il était qu'il y
avait là-dessous quelque mystère. Quand un
roi cherche sincèrement la vérité, il n'est
pas possible qu'il ne la trouve. Un sénateur
charmé des vertus d'Euraène, s'aperçut de
son embarras, et, ayant eu avec lui un entre
tien particulier, il lui découvrit, sous le se
cret, la loi mystérieuse de l'Etat. Eumène
l'embrassa, et lui recommanda de son côté
de ne dire à personne qu'il lui eût fuit cette
confidence.
- m -
Le roi, charmé de cette découverte, songea
à en profiter pour éviter le sort affreux qu'a
vait éprouvé ses prédécesseurs. Il prit aussi
tôt des mesures pour faire passer secrètement
dans cette île abandonnée, tous les trésors
dont il pouvait disposer. Toutes les semaines
il y envoyait une barque remplie de meubles
et de provisions de toute espèce.
Cependant la fin de son règne arriva, et le
sénat vint la lui annoncer. Il n'en fut point
étonné, parce qu'il s'y attendail, et qu'il avait
pris ses mesures; il se laissa dépouiller sans
murmurer, il se laissa embarquer et condu ire.
Des serviteurs fidèles qu'il avait bien traités,
l'attendaient au port. Ilsle conduisirent dans
un lieu agréable, où ils lui remirent tous ses
trésors, et où il mena avec eux, une vie pleine
de charmes et de délices.
Cette île déserte, qui a des lois et des cou
tumes si bizarres, c'est le monde, toujours
vain et insensé, dans lequel ceux qui passent
pour les plus heureux, se trouvent souvent
dépouillés de tout, lorsqu'ils s'y attendent le
moins, et qu'ils ne songent qu'à passer agréa
blement le temps, et à jouir de leurs biens,
— 567 —
comme s'ils devaient les posséder à jamais.
Ils tombent ainsi dans l'Enfer, qui est la
chose du monde la plus éloignée de leurs
pensées, et où ilssont condamnés à vivre dans
tous les siècles dans les larmes et les grince
ments de dents. Ce prince sage et prévoyant
représente ceux qui songent à l'avenir, et
sachant qu'il leur faudra bientôt passer du
temps à l'éternité, travaillent à se faire un
fonds de mérites et de bonnes œuvres. Imi
tez ce bon prince; craignez une éiernité mal
heureuse ; désirez une éternité bienheureuse;
faites-vïms des amis dans le Ciel; envoyez-y
tous vos trésors; pratiquez toutes les bonnes
œuvres que vous pourrez, et quand la mort
viendra vous dépouiller de tout, vous la re
cevrez avec reconnaissance parce qu'elle vous
mettra en possession d'un royaume qui ne
finira jamais.
La deuxième n'est pas moins intéressante;
elle est aussi tirée en grande partie d'un au
teur ancien. La voici :
Un homme eut pendant une nuit un songe,
qu'il raconta le lendemain à peu près comme
il suit : « II me semblait me promener seul
— 268 t.
danslacampagne.J'aperçusdeloinIepIusbeau
palais que j'eusse jamais vu. La curiosité me
fit diriger mes pas de ce côté-là. J 'en étais en
core à une assez grande distance, lorsque
j'entendis un concert mélodieux. Au son de
toutes sortes d'instruments, se mêlaient les
accents d'une multitude de voix humaines v
qui chantaient avec une harmonie sans égale :
Saint, Saint, Saint, est le Seigneur, Dieu
des armées. Béni soit celui qui vient au nom
du Seigneur. Salut et gloire au plus haut des
deux, etc. » J'approche saisi d'enthou
siasme et d'admiration , et je me joins à une
foule de personnes éprises comme moi des
merveilles dont elles étaient témoins. Tout-à-
conp sur un balcon parait un homme d'une
taille majestueuse, vêtu d'une robe blanche,
et tenant en main une lyre d'or. Son visage
rayonnait de joie et de bonheur : « Venez,
mortels, criait-il d'une voix forte, mais d'un
ton affectueux ; venez partager notre félicité;
venez changer vos misères pour des délices
pures et éternelles. Les portes de ce palais
vous sont ouvertes. Ne redoutez point les en
nemis qui prétendent vous en défendre l'en-
- 209 -
trée. Nous sommes tous passés malgré leurs
efforts. La grâce céleste vous fera également
triompher. » Je jette aussitôt les yeux vers
les portes , elles étaient ouvertes à deux bat
tants ; mais tout auprès je vis- une troupe
d'hommes d'une taille gigantesque et d'un
air féroce, qui tenaient en main chacun une
épée nue, et menaçaient de frapper quicon
que oserait approcher. Leur vue glaçait d'ef
froi tous les spectateurs. Tout le monde au
rait bien voulu entrer, mais personne n'osait
entreprendre de force ce passage. Il n'y eût
qu'un homme, d'une figure douce et modeste,
qui ne fut point intimidé du danger. Je le vis
sortir de la foule, avec un air calme et serein,
et s'avancer d'un pas ferme vers la porte.
Toutes les épées se dirigent contre lui. Il est
frappé. Je vois couler son sang. Cependant
il s'obstine à vouloir entrer, et lutte avec
intrépidité contre la multitude d'ennemis qui
l'assaillent de toutes parts. Je-tremblais pour
ses joui s, lorsque j'aperçus une troupe de
cavaliers, armés de loutes pièces , sortir du
palais et voler à son secours. A leur vue les
ennemis prennent la fuite, et le généreux
— 270 —
athlète entre dans le palais aux applaudisse
ments d'une multitude prodigieuse de bien
heureux , qui se pressent aux fenêlres et
couvrant la plate-forme de la maison , n'a
vaient cessé pendant son combat de l'encou
rager de la voix et du geste , avec le plus
tendre intérêt. On le revêtit , dans le vesti
bule," d'une robe blanche, comme celle des
autres habitants du palais. On lui mit en main
une lyre d'or , et il entonna aussitôt un can
tique d'allégresse et d'actions de grâce. Je
partageais pour ainsi dire son honheur, et
je me livrais aux plus doux transports de la
joie, lorsque les cris aigus de la terreur atti
rèrent mon attention sur une scène bien dif
férente. Les hommes féroces qui venaient d'ê
tre écartés de la porte, outrés de dépit et de
rage, s'étaient jetés sur la multitude lâche et
oisive qui se contentait d'admirer de loin le
bonheur des elus , et ils faisaient de ces mal
heureux un carnage horrible. Ceux qui n'é
taient pas encore frappés, cherchèrent à s'en
fuir , mais se trouvèrent arrêtés par la foule.
Dans un instant ce fut une confusion horri
ble. On tombait les uns sur les autres. Je
- 271 -
fus moionême renversé. Plusieurs en fuyant
me marchèrent sur le corps. Les ennemis
approchaient de moi , lorsque je me suis
éveillé tout tremblant et glacé d'effroi.
Le sens de cette parabole n'est pas difficile
à saisir. Le magnifique palais est l'image du
Ciel. Les hommes armés qui en ferment le
passage, sont les démons, la chair et le
monde qu'il faut combattre avec courage, si
l'on veuty entrer. Les cavaliers qui viennent
au secours de l'homme courageux , sont les
Anges chargés de veiller au salut de tous
ceux qui, mettant leur confiance en Dieu, ne
craignent point de s'exposer aux coups de
cette multitude ennemie. Enfin, le triomphe
de ce brave aihlète et la catastrophe qui
suit , prouvent ce que le Sauveur a dit sou
vent à ses disciples , que quiconque voudra
sauver sa vie la perdra , et que quiconque la
sacrifiera pour l'amour de lui , la sauvera.
Armons-nous donc d'un saint courage;
prenons les armes de la foi ; couvrons-nous
du casque de l'espérance , prenons en main
l'épée de la parole de Dieu, et marchons
contre nos ennemis; souvenons-nous que
— 574 -
nous sommes un spectacle aux Anges et à Dieu
même. Si notre courage s'affaiblit, repré
sentons.nous aussitôt cette nuée de témoins
qui, du haut du ciel, observent nos com
bats, et nous encouragent à les suivre dans
la carrière qui les a conduits au bonheur
suprême. La vue de la couronne dissipera
nos tentations , et l'espérance de ce poids
étemel de gloire qui nous attend, nous fera
paraître légères, les peines et les tribulations
de cette vie.
— Les Héros ont tout sacrifié pour la
royauté; ils ont surmonté tous les obstacles
qui les en séparaient. Un duc de Bourgogne
ayant appris que le prince qui devait s'em
barquer pour l'Angleterre afin d'y régner ,
était arrête à Dunkerque par une indispo
sition, dit : « Il faut qu'un prince soit bien
malade , lorsqu'il n'a pas la force de faire le
premier pas qui conduit au trône. » Répé
tons-le avec l'Apôtre : Si on doit être prêt à
tout souffrir pour une couronne de boue, que
ne duit-on pas faire et souffrir pour une cou
ronne immortelle?
— Sainte Mathilde disait que nous avons
- 275 -
sur la terre un grand avantage sur les saints
du Ciel , c'est que nous pouvions mériter à
chaque instant du jour, tandis que le temps
du mérite est passé pour eux. Cette pensée
fortement imprimée dans son esprit,l'excitait
singulièrement au service de Dieu. A son ré
veil elle se consacrait à Dieu avec beaucoup
de joie et de ferveur, et pendant le jour,
elle s'appliquait à tirer des fruits de salut de
tout ce qu'elle voyait , de tout ce qu'elle en
tendait, de tout ce qu'elle faisait. Oh ! quels
progrès nous ferions dans le chemin de la
vertu , si , comme cette sainte , nous étions
pénétrés de quelque grande maxime de l'E
vangile !
— On lit dans les Annales de la Propaga
tion de la Foi un trait d'un enfant de dix
ans, qui prouve un grand courage et un
extrême désir du bonheur du Paradis. Dans
un royaume de l'Asie où les chrétiens sont
aujourd'hui persécutés, on faisait périr les
parents de cet enfant. Celui-ci , au lieu de
fuir et de se eacher, alla se présenter à ceux
qui avaient fait mourir ses parents et leur
dit : < Donnez - moi aussi un coup de sabre
- 174 -
au cou, afin de me tuer et que je m'en aille
dans ma patrie. » — Où est ta patrie, lui ré
pondit-on? — Elle est au Ciel, dit l'enfant.
— Où sont tes parents? — Ils sont au Ciel ,
je veux aller auprès d'eux; donnez-moi un
coup de sabre pour me faire partir.... Mais
les bourreaux eurent pitié de son enfance et
lui refusèrent le coup de sabre qu'il appelait
de tousses désirs.
— Un ecclésiastique se trouvant dans une
voiture publique dans la compagnie d'un offi
cier du génie; celui-ci, comme c'est assez
l'ordinaire dans ces sortes d'occasions, vou
lut dire quelque chose sur la religion.
« Quant à moi, monsieur, dit il à l'ecclésias
tique, je tiens à la religion catholique dans
laquelle je suis né ; mais je ne vous dissimule
pas que mon zèle pour elle ne va pas jusqu'à
présenter mon cou à couper. Je me sufë trou
vé en Afrique au milieu des Bédouins, et je
me suis demandé ce que je ferais si un de ces
barbares me prenant par la gorge, me disait :
» Fais-tois musulman où tu es mort. » J'ai
décidé en moi-même que je répondrais au
plus vite : Je suis Musulman; non pas que je
- *7S -
1e fusse dans le fond du cœur , mais je parle*
rais ainsi extérieurement pour sauver ma vie
à laquelle je tiens. Quant à moi , répondit
modestement l'ecclésiastique , je n'aurais pas
fais une réponse semblable à la vôtre. Voyez-
vous , je sens comme les autres queje suis un
pauvre enfant d'un père coupable ; je trouve
qu'il en coûte beaucoup pour faire son salut
en détail, s'il est permis de parler de la sorte,
de se faire sans cesse violence pour opérer
le bien ; et encore qui sait si on persévérera,
si on obtiendra la couronne? Au contraire si
j'ai le bonheur de donner ma vie pour mon
Dieu , je suis assuré de vivre éternellement
dans le Ciel , la Vérité ayant dit : « Quicon
que donnera sa vie pour moi sur la terre la
trouvera dans le Ciel j quiconque me confes- .
sera devant les hommes , je le confesserai de
vant mon Père céleste, et devant ses Anges, i
J'aurais donc répondu sincèrement, vous
pouvez m'ôter la vie, mais vous ne me ferez
jamais renoncer mon Seigneur et mon Dieu
qui est mort le premier pour moi , et qui ne
m'a jamais fait que du bien depuis que jesuis
au monde.

/
— Saint Louis, Roi de France, se trouvant
au lit de mort, fit venir le prince son fils, et le
tenant par la main , il lui dit : < Mon fils , la
première chose que je vous recommande ,
• c'est d'aimer Dieu de tout votre cœur ét de
toutes les forces de voire âme. On ne peut
être sauvé sans aimer Dieu , et en l'aimant il
est impossible que l'on se damne. Menez-
vous donc fortement dans l'esprit qu'être
sauvé , c'est le plus grand de tous les biens,
et qu'être damné c'est le plus terrible de tous
les maux. Si vous avez celte vérité présente,
vous serez disposé à souffrir tous les maux de
cette vie , plutôt que de rien faire de con
traire à la sainte loi de Dieu. » Prenons ce
salutaire avis pour nous ; aimons Dieu , pen
sons à la gloire du Paradis et nous serons in
failliblement des Saints; car l'amour de Dieu
est eternel comme lui.
— Un snint homme avait coutume de dire
à Dieu : « Seigneur, je vous aime et je dé
sire \oui contempler éternellement dans le
Ciel. Je crains tout de moi-même ; mais j'es
père < ncoi e plus en vous. Si j'avais à choisir
un juge dans 1'aflàire de mon éternité, je n'en
- 2Ï7 —
voudrais point d'autre que vous ; parc» qu'il
n'en est point qui m'aime davantage, et désire
plus sincèrement mon bonheur.... *
— Pendant la persécution du Japon , une
des plus terribles que l'Église aitjamaiseu à
souffrir, on conduisit au supplice une troupe
de chrétiens que l'on avait condamnés au
supplice du feu. Trois d'entre eux sentant les
flammes, et n'en pouvant soutenir la rigueur,
sortirent du bûcher à moitié brûlés , en dé
clarant qu'ils étaient prêts à invoquer Ami-
da, qui est l'idole du Japon. Mais le juge,
indigné de leur lâcheté , les fit jeter de nou
veau dans le feu. Ainsi ils souffrirent deux
fois et furent en enfer par le même chemin
qui conduisit les autres à la gloire. Exemple
terrible et plein d'instruction pour nous. II
nous apprend qu'il en coùtesouvent plus pour
aller en enfer que pour gagner le Paradis ; il
nous apprend que les peines de cette vie, qui
conduisent tant d'âmes en Paradis à la suite de
Jésus, deMan'f',dubon larron et de tant d'au
tres, ne servent qu'à précipiter les méchants
dansles abiines infernaux par les impatiences,
les murmures, et quelquefois les blasphèmes
. 16
- 575 —
auxquels ils se laissent aller. Pensons au Pa
radis, regardons le Ciel comme les Saints, et
nous marcherons avec courage comme eus
dans le chemin de la Croix qui est le seul qui
conduise à l'éternité bienheureuse. Dieu a
mis devant nous la vie ou la mort , le Paradis
ou l'enfer, l'eau ou le feu. Choisissons.
— 279 -

CONCLUSION.

Ce que nous avons dit dans ce petit traité


doit nous avoir convaincus des vérités sui
vantes.
1° H y a un Paradis pour récompenser les
justes. Cette vérité est solidement établie
sur l'idée que nous devons avoir de la justice
de Dieu, qui doit récompenser le juste, qui
est souvent opprimé dans ce monde; elle est
établie sur la bonté de Dieu, qui n'aurait pas
gravé dans le fond de nos cœurs un désir de
bien infini, si ce désir ne devait être rempli.
Le tigre; après avoir dévoré sa proie, est heu
reux. L'homme ne trouve rien sur la terre
qui le contente. Le tigre est créé pour des
jouissances passagères, l'homme pour des
biens infinis; eux seuls pourront remplir la
vaste étendue de son cœur. Aussi tous les
— 280 —
peuples, jusqu'aux plus barbares et les plus
corrompus se sont-ils accordés sur ce point.
2° Le bonheur qui est réservé au juste sera
sans mélange. Dans le Ciel, point de pauvreté
qui dépouille, point d'infirmité qui abatte,
point de tristesse qui consume, point de
crainte qui saisisse, point de laideur qui re
bute, point de passion qui trouble, point d'i
gnorance qui aveugle, point de mort qui dé
truise. Les épines ne naissent point dans ces
îles fortunées ; les tempêtes ne s'élèvent point
sur cette mer de plaisirs; les ombres n'obs
curcissent point ces torrents de lumières.

Les soins, les passions n'y troublent point les cœurs,


l/a volupté tranquille y répand ses douceurs.
Amour, en ces climats, tout ressent ton empire;
Ce n'est point cet amour que la mollesse inspire ;
C'est ce flambeau divin, ce feu noble et sacré
Ce pur enfant des cieux, sur la terre ignoré.
De lui seul à jamais tous les cœurs se remplissent,
Ils désirent sans cesse et sans cesse ils jouissent,
Et gofttent dans les feux d'une éternetle ardeur
Des plaisirs sans regrets, du repos sans langueur.

lu Henbiaoi. ,
v — 281 —
En un mot, ce céleste séjour renferme de»
beautés si grandes, si variées que i'œi! de
l'homme n'a rien vu de semblable ; mais la
plus grande félicité sera pour l'esprit et pour
le cœur, qui trouveront en Dieu tout ce qui
pourra être l'objet de nos désirs les plus
ardents.

Sïon, montagne auguste et sainte


Formidable aux audacieux;
Sion, séjour délicieux;
C'est toi, c'est ton auguste enceinte
Qui renferme le Dieu de la terre et des cicux.

3° La vue de ce bonheur înfini est très


propre pour opérer l'entière conversion
d'une âme et pour la porter aux plus géné
reux sacrifices. A la pensée du Paradis, les
amusements frivoles tombent, les plaisirs les
plus séduisants languissent, les folles joies se
tiennent loin de nous, les richesses embarras
sent, les honneurs sont à charge, les commo
dités de la vie pèsent, les sollicitudes du
siècle se ralentissent, le goût pour le monde
s'évanouit. Cette pensée bien approfondie
16*
— 28Î —
fait que tout nous est indifférent dans le cours
du monde, ou plutôt rien ne nous parait bon
ou mauvais, qu'autant qu'il nous approche
ou nous éloigne du Paradis.
.4° Nous devons désirer le Ciel. Plus un
bien est excellent, plus il mérite d'être re*
cherché avec le plus vif empressement. Nous,
sommes les enfants de Dieu, les cohéritiers
de Jésus-Christ, le Ciel est notre patrie;
comme enfants de Dieu, nous devons désirer
de voirnotrc Père céleste; commecohéritiers
de Jésus-Christ, nous devons désirer de con
templer les perfections divines et humaines
de notre frère aîné et de partager son héritage
comme citoyens du Ciel, pouvons-nous être
indifférents pour notre patrie, et pour une
telle patrie?
O régions si belles
Séjour délicieux !
Ali ! que n'ai-je des ailes
pour m'envoler aux cienx.

5* Nous devons tout faire, tout souffrir pour


le Ciel. Dieu, dit saint Augustin, ne donnera
la récompense après'cette vie, qu'à ceux qui
— 585 —
l'auront méritée par leurs souffrances. Souf
frons donc avecpaiience|lespeines de cette vie;
quiconque refuse de souffrir,refuse d'être cou
ronné. Il en coûte pour aller au Paradis; mais
n'en coûle-t-il rien pour aller en Enfer? Il en
coûte pour aller en Paradis, maisle Ciel ne mé-
rite-t-il pas les efforts qu'on pourra faire pour
l'obtenir? pour une petite peine, une grande
récompense; pour un mom ni l'éternité. Il en
coûte pour conquérir le Ciel, mais pour cela,
faut-il, comme les lâches, céder notre cou
ronne au moindre obstacle, à la moindre ten
tation ? Ne devons-nous pas au contraire re
doubler d'ardeur pour une si noble conquête?
Le vrai courage redouble d'ardeur avec les
difficultés qui s'opposent à un bien qu'il dé
sire. Marchons don» avec courage dans le
chemin du Ciel. Il n'est vraiment aride qu'à
l'entrée, lorsqu'on délibère si on le suivra;
dès qu'on y marche avec ferveur, il est doux,
il est agréable. La grâce de Dieu, l'espérance
d'arriver à un terme infiniment aimable,
adoucissent les peines les plus rudes. Les
Saints étaient pleins de joie dans ce chemin
qui parait terrible. S nous y marchons après
— agi
les Saints et le Saint des Saints, Jésus-Christ,
nous ressentirons la même joie, le même con
tentement à la suite du meilleur de tous les
maîtres.
- 888 —
WV WVvW vWW>V

TABLE DES MATIÈRES.

Préface. p. v
Chapitre 1". Combien il est important de
s'occuper du Paradis. 1
Chap. II. Existence du Paradis. 38
Chap. III. Qu'est-ce que le Paradis? Cl
Chap. IV. Le chemin du Paradis. 99
I. De l'entrée dans le chemin du Paradis. îoa
II. Du vrai chemin qui conduit au Paradis, lia
III. Du terme du voyage qui conduit au Pa
radis. 110
Chap. V. Des marques de prédestination. 127
I. La dévotion envers Dieu , envers Jésus-
Christ, envers la sainte Vierge , envers Us
Saints. tM
II. La charité envers le prochain et surtout
pour les pauvres. 147
III. L'humilité et la patience. i5i
Chap. VI. Recueil des pièces relatives au
Paradis. 164
I. Belles réflexions sur le Paradis, tirées de
l'Imitation de Jésus-Christ. 164
II. Belle parole d'un Solitaire. 177
III. Paroles consolantes adressées aux fidèles
par saint Gyprien. 178
IV; Importance du salut. 180
V. Admirables sentiments de sainte Thérèse. 181
VI. Cantique de sainte Thérèse après la com
munion. 186
VII. Désir de la vie éternelle, tirée des Soti
toqua de Thomas Akempis. 188
VIII. Belle traduction de l'Hymne du Di
manche : O tuce qui mortalibus... fg3
IX. Avis donnés par. un Bienheureux à un
homme vivant encore sur la terre au mi
lieu des tentations. jg4
X. Soupirs d'une âme vers le ciel. 19G
XI. Jésus -Christ inspire * ses disciples la
pensée du ciel. 197
XII. La Transfiguration. ao*
XIII. Ardents désirs de posséder Dieu dans
le ciel. 209
Chap. VII. Trahs divers relatifs au Paradis, 211
Conclusion. 279

FIN DE M TABIE.

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