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6132
12. f . lol.1263
1.
#

Plombie
Claude de la
)
334958

RETRAITTE
SPIRITUELLE
DU R. P. CLAUDE

LA COLOMBIERE
de la Compagnie de Jesus.
où ſont marquées les graces do
les lumieres particulieres que
Dieu luy communiqua dansſes
Exercices Spirituels durant
trente jours .
VOLAVIC
UTL
AJBL

LYON
1990
A LT ON,
Chez ANISSON , PośUEL
& RIGAUD .

M. DC. LXXXIV .
AVEC PRIVILEGE DV ROY .

come
f
*

2
A MADAME
LA DUCHESSE
D'AUMONT.

M ADAME ,

Comme ce Livre ne
contient que des maxia
mes d'une pieté ſingulie
re , j'aicru qu'il ne de
voit être addreſé qu'à
une perſonne qui la pra ...
tiqueavec éclat ; nulne
EPITRE
pouvant mieux autori
ſer les enſeignemens de
la vertu que ceux qui les
ſuivent. Toute la Fran
ce fait (MADAME )
la profeſion que vous
faites de cette vertu ;
elle voit cet attache
mēt inviolable que Vous
avés au ſervicede Dieu;
mais à quel point elle
l'admire dans Vous ,
combien elle en reçoit
d'édification , c'eſt ce
que vôtre humilité Vous
fait peut - être ignorer,
Es c'eſt cependant ce
EPI TR E.
qui eſt dans la bouche
de tous ceux qui vous
connoiſſent. Vörre illu
ftre naiſance Vous afait
paroître dans une Cour
capable d'arréter par ſon
éclatceux qui l'ont venë,
En encore plus ceux
qui la compoſent ; Vos
grandes qualitez Vous
y ont distinguée : le me
rite ſignalé de votre
maiſon , la gloire d'être
née avec tant d'avan
tages de la nature , tout
cela ſembloit devoir
3
EPITRE.
Vous attacher au mon
de > aux yeux duquel
Vous paroiſiez ſi par
faitte , & qui ne pou
voit avoir pourVous que
des plaiſirs:lorſque trom
pant les veuës des hom
mes , Vous avez quitté
toute cette vaine gran
deur pour ſuivre lavoie
des humbles au ſervice
de Jesus- CHRIST.C'eſt
làſans doute prendre le
bonparti,quand on quit
te des biens , grandsſeu
lemêt en apparence , pour
EPITRE.
des avantages réels es
Solides ; mais comme ce
choix n'eſt pas commun ,
E qu'il faut bien des lu
mieres pour le faire ; on
admire que Vous l'aiez
fait(MADAME ) S
de ſi bonne heure , er en
facrifiant tant de quali
tez naturelles , dont la
moindre ſuffit pour rete
nir dans le monde une
infinité de perſonnes.
Apres ce grandfacri
fice (MADAME ; )
tout ce que la Religion
EPITRE .
a de plusSaint , tout ce
que lapieté a de plus
grăd eſt devenu l'exerci
ce côtinuel de vôtre vie:
rien n'eſt de vôtre goût
que ce qui peutVousdonn
ner de nouvelles lumieres
dās laſcience des Saints.
C'eſt pour cela que je ne
doutepas que l'Ouvrage
queje Vous preſenten'ait
de quoi Vousplaire. Il
part d'unė perſonne dé
minente vertu , qui s'eſt
perfectionnée dans ſon
état en s'attachant à en
EPITRE
obſerver toutes les loix .
Son Nom ne Vous eſt pas
incõnu ( MADAME)
le Pere la Colombiere a
eû des emplois trop con
fiderables pour nefe pas
faire connoître ; il a eu
la direction de Prince
ses e de perſonnes de la
premiére qualité ; mais
de plus Vous l'avez vous
même reconnu pour un
directeur tres -éclairé
en le conſultant ſur les
voies de la perfection.
Son Livre eft un portrait
EPITRE
de ſa grande ame , Vous
y verrez ſes ſentimens
exprimez avec finceri
té , puiſqu'en les écri
vant , il n'a jamais pré
tendu qu'autreque lui
les deuſt lire : Vous ad
mirerez la haute idée
qu'il avoit de la perfe
étion ; quelle a été fon
ardeur à s'y avancer , 69
les meſures toutes parti
culieres qu'il a priſes
pour y arriver : enfin cét
Ouvrage.Vousfera voir
d'ous venoit à ce Pere
EPITRE
f
cette onction particulie
S re , qui rendoit ſesparo
les fa directionſ in .
finuante , c'eft (MA
DAME ) qu'il n'est
pas mal - aiséde perſua
der à autrui la vertu ,
quand parſa propre ex
perienceon eſt convain
n
cu du bonheur qu'on a
de laſuivre.
Cet ouvrage n'eſtpas
leſeul qui nous reſte de
ce grand homme, je don
1 ne au public quatre vo
lumes de Sermons un
ÉPITRE
ringuiéme de Reflexions
Chrétiennes de la même
main ; je ſuis convaincts
par avance qu'ils ſeront.
bien receus , puiſqu'on
ne peut manquer d'y
trouver avec un grand
fond de vertu de
fience , beaucoup de net
teté d'eſprit , ſur tout
une grande delicateſe
de pensées jointe à une
entiére pureté de langa
i retrait
ge. l'ai choiſſa
teſpirituelle pour l'impri
mer en premierlieu , afin
EP IT RE:
de faire connoître dan
bord le caractere de la
vertu ſublime de l'Aun
teur ; ce caractere
je m'aſſeure , ne contri
buera pas peu à donner
vogue àſes Livres. Vô
tre nom & votre protes
&tion (MADAME
acheveront de leur atti
rer l'eſtimegénérale ,ſur
tout quand on ſaura que
l'Auteurvivant à meri
tévôtre approbation , & "
que Vous la donnez en
core aprés fa mort à ſon
EPITRE.
Ouvrage. Ce m'eſt un
bonheur particulier de
pouvoir vous préſenter
cét Ouvrage , pour vous
aſſeurer du profond ref
pect avec lequel jeſuis.
MADAME ,

Vôtre trés-humble &


trés- obéiſſant feryi
teur, ANISSON.
sites : 求
wwws akses:West 2
PREFACE
Our expliquer le
tiltre de ce Livre ,
il faut informer le
Lecteur , que les Jeſuiſtes
ont coûtume avant qu'ils
faffent une profeſlion fo
lemnelle de leurs væeux de
paſſer une troiſiéme année
dans les exercices du Novi
tiat.: Commec'eſt environ
l'age de trente ans qu'ils font
ces exercices , ils font capa
bles de faire des réflexions
meûres & folides ſur tous
leurs engagemens. Er afin
A
PREFACE.
qu'ils pénétrent mieux lo
bligation indiſpenſablelan
dáste
fierleurs´meurant de
dre l'eſprit de la Sainte
Compagnie 'où ils ont pris
parti; S.Ignace a ordonné
qu'ils fiſſentune retraitre de
trente jours, en commen
çant cette derniere Proba
tion. On peur avec la gra
ce de Dieu ſe connoître
durant une fi longue ſuite
d'oraiſons : on peut conce
voir une juſte idée de la
perfection :& il eſt difficile
qu'on ne ſoit touché du de
Gir d'accomplir tous ſes de-
voirs. Ceux qui ont de
PRE FACE.
grans ſentimens de Dieu ne
manquent pas alors de ſe
faire un plan de vie digne
deleurvocation , & d'arrê
ter des réſolutions qui les
conduiſent à la ſainteté.
Le Pere la Colombiere
tira de cette retraitte tous
les avātages qu'on pouvoit
fouhaiter d'uneauſſi grande
vertu que la ſienne. Il y ap
porta d'excellentes diſpo
ſitions à une haute ſainteté ;
auſſi attendoit - il ce temps
heureux côme çelui auquel
il ſe détacheroit pourjamais
des créatures , c'eſt en effet
ce qu'il fit.On n'a qu'à lire le
veu qui eſt inſeré dans la
A 2
PREFACE,
Préface du premier volume
de ſes Sermons ; & je ne
penſe pas qu'aprés cela on
ait beſoin d'autres connoiſ
ſances pour juger du fruiç
de ſes Exercices Spirituels.
Mais aufli comment s'y
prit il pour réüllir dans le
deſſeinqu'il avoit d'en pro
fiter ; on ſera ſurpris en li
ſant ce Livre,del'exactitude
avec laquelle il marquoit
toutes les penſées, tous les
mouvemens de ſon cæur.
Dieu a permis pour la gloi
re de ſon ſerviteur qu'ilait -
écrit luy méme le détail
qu'on publie icy de ſes orai
fons , de ſes lumieres & des
PREFACE ,
ſentimnens qu'il y a concëûs.
On ne doute point que le
Lecteur ne ſoit charıné de
la ſincerité de ſon ame, &
il en admirera tout enſem
ble la pureté & l'élevation.
On foủaite qu'il apprenne
encore par cet ouvrage ce
qu'il faut répondre à Dieu ,
quand il ala bonté denous
parler par ſa grace , & de
nous demander nos ſervi
ces ,

On a crû encore qu'il


eſtoit à propos d'ajoûter à
cette Préface une maniere
d'inſtruction que le Pere la
Colombiere dřeſla pour dif
poſer aux Exercices Spiri
A 3
PRE FACE
tuels les jeunes Jeſuiſtes du
College de Lion qui y étú
dient en Philoſophie aprés
leur Novitiat ; on luy con
fia l'education de ces jeunes
Philoſophes à ſon retour
d'Angleterre , il lesdirigea
pour ces fortes d'exercices
qu'ils font à la fin de l'année,
& pour leur en faire ti
rer le fruit que la Copagnie
fe promet de cette ſainte
Pratique ; il leur donna les
avis ſuivans ; qui peuvent
être tres-utiles & font mé
me néceſſaires à tous ceux
qui s'engagent à de pareil
les retraittes , outre que co
muniquant au publie les
PREFACE
graces que Dieu fit au Pere
la Colombiere pendant la
retráitte , on ſera peut-être
bien alle de ſçavoir avec
quelles diſpoſitions il y eni
tta.

i . Les Exercices Spirituels


ne ſe devroient faire qu'éni
certains tenips où l'ante ati
tirée de Dieu à la ſolitude
par le degoût des choſes du
monde , ou parquelque lu
miére & quelque mouve.
menic extraordinaire qui la
porte à ſe réformer ou à ſe
fantifier,cherche les moyens
de ſatisfaire cet attrait , ou
lorſque touchée par la velle
deſés deſordreselle conçoit
A 4
PREFACE.
des delirs d'une veritable
penitence.sk
2. Alors il faudroit entrer
dās la retraitte pour ſe don
ner le loiſir d'examiner ce
qui ſe paſſe en nous-mêmes;
ce que cette grace que l'on
ſent,exige denous & com
menton pourra la ſatisfaire,
3. C'eſt une tres - bonne
diſpoſition d'entrer dans la
folitude à deſſein de chan
ger de vie & de ſe fanţifier;
mais pour ceux qui ne ſont
pas dans cette réſolution ;
je croisqu'ilsdoivét entre:
prendre les Exercices pour
enviſager ferieuſement l'e
tat de leur ame, pour yoit
PREFACE,
de ſens froid s'ils ſont en
voïe de Salut , fi vivant
comme ils vivent, ils ne ha
zardent rien pour l'éternité;
s'il y a quelque choſe à
changer , ou s'ils ont lieu
de vivre en repos & de lui
vre la route où ils ſont en
gagez .
4. S'addonner à cela uni
quement, & n'admettre au
cune autre affaire quelle
quelle ſoit. Il eft julte de
/
donner à Dieu & à notre
ame toute l'applicationqué
demande l'affaire la plus
importante que nous aïons
à traitter en la vie .
‫گ‬.. Une fólitude entiere.
A S
PREFACE.
6. Une pureté de coeur &
une exactitude parfaite à
garder toutes les regles &
toutes lesadditions, ce n'eſt
que pour huit jours. Une
faute légere peut mettre un
grand obſtacle aux lumiéres
du Ciel & rebutter Dieu,
7. Une grande indifferen
ce pour les conſolations.
Ne s'y point attendre, ſe re
foudre à toutes ſortes d'en
nuis , de fechereffes & de
defolations.On en eft digne
& au cas qu'il plaiſe à Dieu
pous les envoier , ce feront
huit jours d'exercice de pan
tience & de penitence .
8. Si l'on n'eſt pas dansla
PREFAE E.
reſolution de ce faire Saint;
par cesExercices, il faut du
moins etre dans la diſpo
fitionderecevoir les graces
qu'il plaira à Dieu de nousy
faire, & de ne réſiſter pas
aux bons mouvemens que
lę S. Eſprit pourroit nous
donner par la miſericorde
infinie, Mon Dieu je neme :
ſensnul derxide cette haute)
perfection , peut- être en aïa
je même un fort grand éloir
gnement maisfi par un efr
fet de vôlké divinę bangé .
Vousvoulież me changer ,
m'inſpirer plus de courage ,
m'enlevet:malgré moi-mér.
me aumonde, j'eſpere que
P-RE FACE
je vous laiſſerai faire, vous
ſayez les moiens qu'ilfaut
prendre pour me vaincre ,
ces moïens fontentre vos
mains , vous êtes lemaître.
La vie parfaite mefait peur,
Vous pouvezme guerir de
cette fauſſe crainte ,8t mel
rendre agréable tout ce qui t

me paroît rebuttant, vous


ſeulêtes capabledelefaire.
9. Grande confiance en
Dieu. Il m'a cherché loro
que je le fuïois jau milieu
du monde de des occupa -t
tions , ilne m'abandonnera
pas lorſque je vais le chert:
cher dans la retraite Loan
brocaS000
P. R E FACES
du moins lorfque je ceffe
de le fuïr.
10. Grande humilité à fe
découvrir au Directeur ; ne
deuft- il dire autre choſe fie
ce n'eſt qu'il ne ſent rien ,
qu'il ne voit rien , qu'il n'eſt
porté à rien de bon ; s'en
tenir auxpoints qu'il don
ne , & aux lectures qu'il
preſcrit , quand meme on
jugeroit que quelqu'autre
choſe vaudroit mieux. Cer
te ſimplicité eſt d'un grand
mérite & attire de grandes
benedictions.
11. Le jour qui précede
les Exercices ilfaut exciter
PREFACE .
en ſoy le defir de la ifolita ..
de. Quis dabit mihi pennas.
Le defir de la perfection ,
Beati qui efuriunt eficiant
juſtitiam , quoniam ipfi futu.
rabuntur. '

09

" IMUTH

BURNS

ci siin
Loud
ip
CD Cory 7 201
RETRAITTE
SPIRITUELLE
DU REVEREND PERE
Claude la Colombiere de
la Compagnie de Jesus.
onefont marquées les graces de
lés lumiéres particulieres que
Dieu luy communique dans les
Exercices Spirituels durant
trente jours.
'AI commencé ce

TE me femble , avec une


volonté affez détermi
née par La grace de Dieu ,
à ſuivre tous les mouvemens
du ſaint Efprit , & ſans au
cune attache qui me falle
RETRAITTE
appréender d'étre àDieufaris
réſerve. Refolu à ſouffrirpour
Dieu toutes les ſecherefles &
toutes les defolations inté
rieures qui me pourroientar
river, & que jen'ai que trop
mérit ées parl'abus que j'ai fait
des lumières & des conſola
C
tionsque j'ai receûös autre
fois. 1. Je me ſuis propoſé de
faire ces exercices comme s'ils
devoient étre les derniers >

& que je deûſſe mourir im NE

1 mediatement aprés. 2. D'y


être extrémement fidele &
ſincere, & de vaincre en ce
pointl'orgueïl qui trouve une
grande repugnance à ſe dé
couvrir . 3. De ne faire ’ nut
fonds fur moi , ni fur mes
ſoins, c'eſt pourquoi je me
fuis mis dans la néceſſité de
ne lire inul. écrit ni aucun
SPIRITUELLE . 3
livre ſpirituel extraordinaire,
quoi que je ſentiſſe une gran
de paſſion pour certains qui
traittent de la vie ſpirituelle
d'une maniére plus releyée ,
comme fainte Térele , le
Chretien Interieur , & c. J'ai
crû que Dieu me feroit trou
ver dansles points quele Pere
ſpirituelme marquera , &
dans les livres qu'ilme dont
nera ;j tout ce qu'il a deſfein
de me faire trouver & fentir
en certe retraitte. Je me trou
ve extrémement bien de ce
détachement & ije reinércie
/ Dieu de m'avoir inſpiré de
lui faire ce facrifice qui étoit
le plus grandqueje lui püffe
faire en ceste occafion . I
J'ai ſenti une grandecont
fuſion deceque Dieu m'aiàng
faiaChonneur de medeftiner
4 RETRAITTE
à l'aimerj'ai paſſé une di gran
de partie de ma vie ,non -feu .
lement fans l'aimer, mais més
me à l'offenſer ; j'ai admiré
avec un ſentiment fort doux
la pacience & la miſericorde
infinie du mêmeDieu , qui
voïant le mépris que je faifois
d'une fin fi glorieuſe , & par
conſequent ne lui étant bon
à rien danslemonde, au cont
craire nuiſant à ſes intereſts ,
il n'a pas laiſſé de m'y foufs
frir , d'attendre que je voul
luſſe bien penſer à ce pour
quoi jủy écois,&de m'enfaire
refſouvenir de tems en tems
je n'ai ſenti aucune peine a
lui promettre de ne vivre à
l'avenir que pour le fervir,&
pour le glorifer.1. in
Tous les emplois , tous les
lieux,tous les états où le corps
SPIRITUELLE .
peutſe rencõrrer ſain ,malade,
perclus, vif,mort, ine ſont par
la grace de Dieu tres-indiffe
réts.Ilme ſemble mémeque je
porte envie à ceux que l'aveu
glement, ou quelque autre in
diſpoſition habituelle fepare
i de tout commerce du monde,
les obligeant à vivre commé
s'ils étoient déja morts. Je ne
fçai ſi c'eſt la veûö des com
bats que je prévois qu'il mei
faudra rendre dans laſuitede
la vie qui me fait trouver des
charmes à ces états , où je vi
vrois peut-écre dans un plus
grand repos, & dans un déta- >
chement qui me coûteroit
beaucoupmoins. Quand on
veut étre à Dieu à quelque
prix que ce foit, il est aisé à
comprendre comment on de
fire les plus étranges moiens
6 RETRAITTE
lorſqu'ils paroiſſent les plus
ſeứrs. Dans le deſir ardent
que Dieu me donne de n’ai
mer jamais rien que lui & de
conſerver mon cæur libre de
toute attache aux créatures,
une priſon perpetuelle , où
yne calomnie m'auroit jetté ,
me ſembleroit une fortunein
comparable , & je ne crois pas
qu'avec le ſecours du Ciel je
m’yennuiaſſe jamais.
C Je ne me ſuis pastrouvé un
fort grandzele pour travailler
au falut du prochain. Lorſ
que j'ai conſideré la fecon
de de nos regles, ilme ſemble
que j'en avois plus autrefois.
Je ne ſai ſi je me trompe .
Mais je crois que ce qui me
refroidit en ce point c'eſt la
crainte que jai,, qu
quee dans les
emplois où ce zele ſe produit,
4

SPIRITUELL E. Ž
je ne me cherchemoi-méme,
car il me ſemble qu'il n'en eſt
aucun où la nature ne trouve
ſon compte , ſur tout quand
on réuſſit , comme on le doit
ſoûaitter pour la gloire de
Dieu . Il fautune grande gra
ce & une grande force pour
réſiſter au charme que l'on
trouve à changer les caurs ,
& à la confiance que pren
nent en vous les perſonnes
qu'on a touchées.
Il faut que le peché ſoit bien
horrible puis qu'il a obligé
Dieu à danner des créatures
auſſi parfaites & auſſi aima
bles que les Anges.Mais quel
le eſt donc vôtre Miſericor
de , ô mon Dieu , de me fouf
frir aprestant de crimes , moi
qui ne ſuis qu’un peu de bouer
de me rappeller à vous ,de
8 RETRAITTE ?
ne vouloir pas me perdre.
Qu'il faut que votre amour
ſoitgrand pour balancer,pour
vaincre cette épouvantable
averſion que vous avez natu
rellement pour lepeché, il eſt
vrai que cette conſideration
meperce le cæur, & me rem
plit,ce me ſemble,d'un amour
trés rendre pour Dieu .
Dans la veuë de mes deſor
dres à la confuſion que j'en ai
concellë a fuccedé une douce
penſée , que c'étoit l'a une
grande matiere pour exercer
la mifericorde de Dieu , & une
eſperance tres ferme qu'il ſe
glorifiera en me pardonnant.
Repofita eft hæc Spesin finu meo,
cette eſperance eſtfi fort éta
blie en mon coeur , qu'il me
ſemble qu'avec la grace de
Dieu on m'arrachera plûtôt
SPIRITUELLE .
la vie que ce ſentiment. En
fuite, je me ſuis jetré entre les
bras de la fainte Vierge, elle
m'a reçell, ce me ſemble,avec
une facilité & une douceur
admirable , ce quim'a d'au .
tant plus couche que je me
fens coupabledel'avoir mab
fervie julğu'ici. Mais je fuis
venu ici avec un grand deſ
fein de ne rien oublier cette
année pour concevoir un
grand amour pour elle., &
pour me tracer un plan de
Devotion envers elle, que je
Eâcherai de garder toute ma
vie , je me ſensfort confolé.
dans la penſée quej'aurai le
loifir de travailler à cela , &
que j'y réüffirai avec l'aide de
cette même fainte Vierge.
Nôtre Dame m'aiant donc
reçêû avec cette facilité elle
1
IO RETRAITTE ?
m'a préſenté, ce me femble,
àſon fils ,lequel à la conſide
ration m'a enviſagé , & m’a
ouvert ſon ſein , comme fija
vois êté le plus innocent de
tous les hommes.
Avant quede faire la me
ditation de lamortj'avois eû
un entretien qui m'avoit jetté
dansquelqueinquiétude,cau.
fée d'un côté par la crainte
que j'avois d'y avoir contente
ma yanité ; & de l'autre pa
par
l'appréenſion que ce que j'a
vois dit ne me fut une ſource
de confufion, étant allé à l'o
ratoire plein de ces mouve
mens , je fus prés de demi
heure à les combattre pour
rentrer dans le calme qu'ils
m'avoient été ; mais enfin
m’érant toutd'un coup tour
né du côté de la miſericorde
de
SPIRITUELLE.
de Dieu pour la faute que j'a
-vois faitei, & de l'autre aiant
accepté toute la confuſion
qu'elle me pouvoir attirer , 8C
m'étant même refolu de la
prévenir & de l'aller cher
.cher , il ſe fit en un moment
un ſi: grand calme en mon
cæur qu'ilme fembla avoir
-retrouvé Dieu que je cher
chois , ce qui me cauſa un
momentdela plus doucejoie
que j'aye goûtée en ma vie.
.

Depuis ce tems- là ilme ſem


ble que je ſuis reſté extreme
ment fortifié contre le ref
pect humain & les jugemens
des hommes & à vaincre les
repugnances que j'avois à de
couvrir mes foibleſſes.
5
En ſuite penſant à l'état où
la mort nous reduit à l'égar
de toutes les choſes créées,je
B.
IL RETRAITTE
penfai que cela me feroit peu
de peine, ne ſentant pas d'at
tachement à quoi que ce ſoit;
je me fis. donc à moi-même
certe demande : Puiſque je
n'aurois pas de peine à mou
srir préſentement, & par con
ſequent à être privépourtoû..
jours de tout ce qui peut faire
quelque plaiſir" ou quel
qu'honneur dans la viepour
quoi ne me refoudrai-je pas
à vivre deformais , comme ſi
j'étois mort en effet ? Je me
fuis répondu queje n'aurois
- nulle peine àmefeparer réel
Clement de toutes choſes, de
ſorte que je paſlalle le reſte
demes joursdans un tombeau ,
ou dans une priſon avec tou
tes les incommoditez & tou
te l'infamie poſſible. Mais je
prévois qu'il me faudra ren
SPIRITUELLE. 13
dre bien d'autres combats, fi
je veux vivre dans un parfait
détachernét d'affectio,au mi
lieu du monde où nos emplois
nous engagent , j'ai pourtant
reſolu de le faire avec la gra
ce de Dieu, qui ſeul peut ope
rer ce miracle en moi.
Enfin ſongeant à ce qui
fait de la peine à la mort qui
font les pechez paſſez & les
peines à venir , il s'eſt d'abor
preſenté un parti à mon eſprit,
que j'ai embraſſe de tout mon
cæur & avec une trés-gran
de conſolation de mon ame.
Ca, êté qu'à ce dernier mo
ment de tous les pechez qui
ſe préſenteront à mon eſprit,
ſoit connûs , ſoit inconnûs,
j'en ferai comin'un blot que
je jetterai aux piés de notre
Sauveur ,pour être conſumé
B 2
14 RETRAITTE
par le feu de ſa miſericorde,
plus le nombre en ſera grand,
plus ils me paroîtront énor
mes,d'autant plusvolõtiers les
lui offrirai-je à cõfumer,parce
que ce que je lui demanderai
ſera d'autant plus digned'elle.
Il me ſemble que je ne ſçau
rois rien faire alors de plus
raiſonnable , ni de plus glo
rieux à Dieu , & dans l'idée
que j'ai concellë de fa bonté
je n'aurai pas de peine à me
r
déterinine à cela , parce que
je m'y ſens porté de tout moi
même. Pour le Purgatoire,car
il me ſemble que je ferois tort
à la miſericorde de Dieu de
craindre Enfer le moins du
monde, quand je laurois plus
merité que tous les Demons.
Pour le Purgatoire , je ne le
cra ns point, je voudrois bien
SPIRITUELLE . 'S
ne l'avoir pas mérité , parce
que cela ne s'eſt peû faire fans
déplaire à Dieu ; mais puiſ
que c'eſt une choſe faite , je
fuis ravi d'aller ſatisfaire à ſa
juſtice de la maniére la plus
rigoureuſe qu'il ſoit pofliblę
d'imaginer, & même juſqu'au
jour du jugement. Je lai' quç
les tourmens y font horribles;
mais je fai qu'ils honorent
Dieu , & ne peuvent alteres
les ames , qu'on y eſt aſſeûré
de ne s'oppoſer jamais à la
volonté de Dieu, qu'on ne
lui ſaura point mauvais gré
de la rigueur , qu'on aimera
juſqu'à la ſeverité , qu'on at
tendra avec patience qu'elle
ſe foit entiérement ſatisfaite ,
Ainſi j'ai donné de toutmon
cæur toutes mes ſatisfactions
aux ames de Purgatoire , &
B 3
16 RETRAITTE
cedé même à d'autres tous
les ſuffrages qu'on fera pour
moi aprés ma mort , afin que
Dieu ſoit glorifié dans le Pa
radis pardesames,qui auront
mérite d'y être élevées à une
plus grande gloire que moi.
J'ai auffi été extrémement
perſuadé en cette première
Temaine que les hommes ne
fauroient fatisfaire la juſtice
de Dieu pour la moindre fau
te ; cela m'a donné de la joie
1° Parce que cela me tire de
l'inquietude où je ferois éter
nellement, fi j'en aurois aſſez
fait pour mes pechez, car je
me dirois toûjours à moi-mê
me,Non tu n'as pas aſſez fait;
Pour la coulpe cela n'eſt pas
en ton pouvoir, il fautle Sáng
d'un Dieu pour l'effacer;Pour
la peine il faut ou une éterni
SPIRIT U'ELLE. 17
té ou lesfouffrances de Jesus
CHRIST ; Or & ce Sang &
ces fouffrances font entre nos
mains. 20. Il ne faut pas laiſ
fer d'expier par la penitenco
les. Ļéreglemens de fa vies
mais cela fans inquietude,
parce que lepis qui puiffe ar
river quand on a bonne vom
lonté ;& qu'on eſt foamis à
l'obéiffance ,c'eſtd'être long
téms en Purgatoire , & l'on
peut dire , ce me ſemble , en
un bonſensque ce n'eſt pas
là unfort grandmal. De plus
j'aime-mieuxdevoirma grace
à la miſericorde de Dieu qu'à
mes foins, parce que cela eſt
plus glorieux à Dieu, & me le
rend beaucoupplus aimable.
Je me trouve trés bien de.m'ê
tre fait regler mes penitences.
Cela me fauve ou de la va
B 4
18 RETRAITTE
nité ou de l'indiſcretion , our
de l'inquietude que; mayroit
cauſée la crainte ou j'aurois
été de me flatter, jeferois ing
failliblement tombéen quel
qu'un de ſes piéges ,& peut
être en tous les trois.! pierci
Au jugement ce ſera une
grandecõfuſionpour les-per
fonnesvaines,quiontmistout
leur bon-heuràçerehonorez
& eſtimez desshomes qui ont
recherché à fe faire diftin
guer en toutes choſes , de fe
voir pour lors confondus par
mi la plusvile canaille & dans
un mépris incroiable de ceux
qui les ont le plus conſideré
dans la vie. Au contraire
quelle joże pour les ames
humbles quepourl'amour de
Dieu auront affecté une vie
obſcure & commune de ſe
SPIRITUELLE. 19
voir tirer & ſeparer de la fou
le pour être produites dans le
plus grand jour qui fut ia
mais , fansqu'il y ait plus rien
à craindre pour leur vertu.
..Je trouve que de tous les
tems celui de la fecherefle &
de la deſolation eſt lepluspro
pre pourmériter. Une amequi
ne cherche que Dieu , fup
porte ſans peine cet état , &
s'éleve aiſément au deſſus de
tout ce qui ſe paſſe dans l'ima
gination ,& dansla partie in
ferieure de l'aine où fonit la
plûpart des conſolations. Elle
ne laiſſe pas d'aimer Dieu ;
de s’humilier , d'accepter céu
état même pour toûjours:
Rien de fi ſuſpect que ces
douceurs, & rien de fi dange
reux , on s'y attache quelque
fois; & fouventaprés
B
qu'elles
S
20 RETRAITTE
ſont paſſées on ne fe fentpas
plus de ferveur pourle bien,
au contraire. Mais c'eft pour
moi une conſolation ſolide de
penſer au milieu des ariditez
& même des tentations , de
penſer,diſ-je, que j'ai un cæur
libre & que ce n'eſt que par
ce cæur que je puis ou méri
ter ou démeriter , que je ne
plais, ny ne déplais à Dieu
par les choſes quine ſont pas
en mon pouvoir , telles que
font les goûts ſenſibles, & les
penſées importunes qui ſe
préſentent à l'eſprit malgré
qu'on en aïe. Ainſi dans ces
états, je dis à Dieu ,mon Dieu
que le monde, que le Demon
même ait pour ſoi ce que je
ne puis pas lui ôter , ce dont
je ne fuis pas le maître. Pour
mon cæur que vousavez bien
SPIKITU ELL E. 21
voulu mettre entre mesmains,
ils n'y auront jamais de part,
il eſt à vous , vous le favez,
vous lę vojez , du reſte vous
le pouvez prendre, il ne tient
qu'à vous,vous le ferez quand
ilvous plaira.Un homme à qui
Dieu donne un veritable de
fir de le fervir ne ſe doit troy
bler de rien . Pax hominibus
bone voluntatis. Cela fait en
core que j'eſpere avec la
ce deDieu former des actes
d'une veritable contrition ,
parce que je vois à peu prés
les motifs intereſſez , qui peu
vent nous porter à la douleur
de nos pechez ; & d'une vo
lonté pleine , avec une en
ciére deliberation je renonce
à tous ces motifs , je ſuis per
ſuadé que Dieu eft infiniment
aimable , qu'il mérite feal
.22 RETRAIT TE
d'être conſidere ,qu'il eſt juſte
que nous lui ſacrifions tous
nos intereſts pour ne ſonger
qu'à fa gloire. Ou cela eſt
poſſible , ou il ne l'eſtpas', s'il
étoit impoſſible Dieu ne me
conſeilleroitpas , ou ne m'or
donneroit pas de le faire "; s'il
eſtpoſſible ,avec la grace je
le fais , car je fais & je veux
· faire ſincerement & de bon
ne foitout ce que je puis.
Je ne crois pas d'avoir ja
mais été ſi conſolé qu'à la
méditation du faint Sacré
ment quieſt la derniere de la
prémiere ſemaine. Dés le
prémier moment que j'ai été
a l'Oratoire , & que j'ai envi
ſagé ce miſtére , je me ſuis
- fenti tout pénetré de doux
mouvemens d'admiracton &
de reconnoiffance pour la
1
SPIRITUELLE . 23
bonté que Dieu nous a té.
né en ce miſtére . Il eſt
moigné
vrai quej’yai reçeûde ſi gran
des graces & t que j'ai reſſenti
Ti fenſiblement les effets de
-ce pain des Anges, que je ne
-ſaurois y penſer fans être en
-inême tems touché d'une trés
grande gratiqude. Je t'ai ja
mais conçeû une fi grande
confience que je perfevere
rai dans le bien , & dans le
deſir' que j'ai d'être sout à
Dieu , nonobſtant les effroïa
bles difficultez que j'imagine
dans la ſuite de ma vie . Je di
raila Meffe tous lesjours voila
mon eſperance , yoila mon
unique reffource , Je suis
CHRIS I pourra bien peu,
s'il ne peut me foûtenir d'un
joura l'autre. Il ne manquera
pasde me reprochermon re
24 RETRAITTE
lâchement dés que je com
mencerai à m'y abandonner,
il me donnera tous les jours
de nouveaux conſeils denou
yelles forces, il m'inſtruira , il
me conſolera , il m'encoura
gera, & m'accordera ,ou m'ob
tiendra par ſon ſacrifice tou
tes: les graces que je lui de
manderai
Si je ne vois pas qu'il eſt
préſent,je le ſens, il me ſem
ble que je ſuis comme ces
aveuglesqui ſe jettoient à ſes
piés, & qui ne doutoient pas
qu'ils ne le touchaſſent , quoi
qu'ils ne le villent pas, il me
ſemble que cette meditacion
a beaucoup aumenté en moi
la foy de ce miftére.
J'ai été beaucoup touché ſoit
en conſiderant les penſées
que Jesus-CHRISTpeut avoir
SPIRITUELL E. 29
de moi lorſque je le tjensen ;
tre les mains, ſoit en conſide
rant celles qu'il a pour moi,
c'eſt - à -dire , la diſpoſition de
fon cæur, fes defirs, ſes del
feins,&c. Que de douceurs,
que de graces recevroit en ce
Sacrement une ame bien pu
re & bien détachée !
Le ſeptiéme jour je me ſuis
fenti le matin attaqué de pen
fées de défiance à l'égar du
projetde vie que je fais pour
l'avenir. J'y vois d'extrêmes
difficultez. Toute autre vie
me paroîtroit aiſée à paſſer
faintement , ce meſemble , &
plus elle feroit auſtere , foli
taire, obſcure, féparée de tout
commerce,plus elle me paroi
troit douce. Pout ce qui ef
fraïe pour l'ordinaire la natu
re , comme les.priſons,lesma
26 RETRAITTE
ladies continuelles, la mort
même tout cela me paroît
doux en comparaiſon de cet-,
teguerre éternelle qu'ilſe faut
faire à ſoi même,de cette vi
gilance contre les ſurpriſes
du monde & de l'amour pro
pre ,de cette vie morte au mi
lieu du inonde. Quand je
penſe à cela il meſemble que
la vie me va paroître furieu
ſement longue, & que la mort
ne viendra jamais aſſez tôt,
j'ai compris ces paroles de
ſaint Auguſtin , Putienter vi..
vit o dele &tabiliter moritur.
Jai encore compris que la vie
que Jesus-CHRIST à choiſie
eſt aſſeûrement la plus par
faite , & qu'il eſt impoſſible
de donner une idée plus hau
te de la ſainteré que celle d'un
parfait Jeſuite. Cela fait un
SPIRITT U ELLE. 27
bon effet en moi, qui eſt de
me bien convaincre que ſijuſ
qu'ici,j'ai prattique quelque
détachement quoi - que fort
imparfait, il s'en faut bien que
ce ne ſoit par moi -même que
je l'ai fait, & qu'il faut bien à
kayenir que Dieu metre lą
inain à l'æuvres'il veut faire
quelque choſe de bon demoi,
car je ſensbien l'impuillance
ou je fuisde'rienfairefansfa
grace.osb 111 ? DI
! Je remarque qu'il y a bien
des pas à faire pour arrivere
la -ſainteté: & qu'à chaque
pasqu'on fait ) on croit que
c'eſttoutautant quede le fais
re , & aprés qu'on l'a fait on
trplye, que ce n'eſt rien , &
qu on n'a pas encore.com ,
mencé , un homme qui vą
quitter le monde regarde
28 RETRAITTE ?
cette action comm'une choſe
aprés quoï-il ne reſtera plus
rien à faire mais quand il ſe
trouve dans la religion avec
toutes ſes paſſions, qu'il a ſim
plement changé les objets, &
qe'il eſt mondain hors du
monde, il s'apperçoit qu'ileſt
bien loin de fon compte . Il
fe préſente donc un autre
pas à faire quieſt de ſe déra
cherdes objetsdonton n'eſt
pas entiérement détaché par
fon état, de retirer du monde
juſqu'à ſon cæur, & de n'a
voir de l'amourpour aucurie
choſe créée. Ceft bien au
tre choſe que de quitter le
monde & le faire religieux
Quand cela eſt fait il y a en
core un pas à faire qui eſt de
ſe détacher de foi-même , de
ne chercher que Dieu dans
SPIRITU ELLÉ. 29
Dieu même , non - ſeulement
de -ne chercher dans la fain
teré nul intereſt temporel qui
feroit une imperfection groſ
fiere , mais de n'y chercher
pasmêmenos intereſts ſpiri
tuels, de n'y chercher que le
pur intereſt de Dieu. Pour en
venir là , mon Dieu , il faut
que vous travailliez forte
ment vous même. Car com
ment une créature pourroit
elle par elle-même parvenir
à ce degré de pureté. Quis
poteft facere mundnm de ime
mundo conceptam ſemine ? Non
ne Tu qui folus es ?
Une veûë qui me conſole
fort , & qui eſt capable , ce
me ſemble , avec la grace de
Dieu de calmer une partie de
mes troubles , c'eſt que pour
ſavoir ſi l'on eſt attaché hu .
30 RETRAITTE
mainement aux choſes ou
l'obéiſſance nous engage , fi
l'on déplaiſt à Dieu en pre
nant par exemple les nécefli
tez de la vie , ou dans la jollëſ
fance d'une grande réputa
tion, dela gloire qui fuit nos
travaux, du plaiſir qu'il·:y a à
converſer, même faintement,
& c . Pour ſavoir , diſ-je , s'il
ne ſe gliſſe rien d'humain en
toutes ces choſes, il n'en faut:
pas juger, ce meſemble , pap
le fentiment, parce que dans
le cours ordinaire ,il eſt autant
impoſſible de ne fentir pas le
plaiſir que cesfortes de biens
portent avec eux, comm'il eſt
impoſſible de ne ſentir pas le
feu quand on l'applique à des.
parties fenſibles . Mais il faut
examiner 1º. Si on a cherché
en quelque ſorte que ce ſoit
SPIRITUELLE. 31
le plaiſir qu'on goûte. 29. Si
on auroit quelque peine à le
quitter. 3° . Si la gloire de
Dieu étant égale , & le choix
nous étant libre, nous choiſi
rions plûtôt les choſes deſa
gréables & obfcures. Il me
femble que quand on eſt en
cette difpofition , il faut tra
vailler avec une grande liber
té & un grand courage à
l'auvre de Dieu , & mépri
ſer tous les doutes & tous les
ſcrupules qui pourroient ou
nous arrêter ou noustroubler.
Seconde semaine ,

Lapremiere Meditation,
A j'aiété agité de quelques
penſées au ſujet de quelque
foibleſſe où j'étois tõbe le jour
precedent. Mais ayant, ce me
femble , découvert la cauſe
32 RETRAITTE
pourquoi Dieu avoit permis
les fautes que j'avois faites,
qui étoit pour me guerir d'u
ne vaineeſtime que je com
mençois à concevoir de moi
même ; cette vellë m'a cauſé
un calme & une joïe tresſen
ſible. L'aï apperçêû avec un
plaiſir qui n'eſt pas aſſeûre
ment naturel, que je n'étois
pas ce que je penſois , & je
ne me reſſouviens pas d'avoir
jamais découvert aucune ve
rité avec tant de ſatisfaction
que j'ai découvert ma miſere
en cette rencontre .
Dans l’Incarnation. Je ne
trouve ici qu'anéantiſſement,
qu'humilité. L'Ange s'ab
baiſſe au pié d'une Fille,MA
RIE prend la qualité d'une
Servante , le Verbe ſe fait ef
clave, & JESUS -CHRIST con
SPIRITUELLÉ. 33
çëù dans le fein de fa Mere,
s'anéantit devant Dieu de la
-maniére la plus fincere & la
plus profonde , qu'il eſt pof .
lible d'imaginer: Mon Dieu ,
le beau ſpectacle pour vousde
voir des ſujets i excellens
s'humilier à vos yeux d'une
maniére fi parfaite , dans le
tems que vous les honorez de
vos plus rares faveurs ,que
j'ai du plaiſirà conſiderer les
fentimens interieurs de ces
perſonnes divines ; mais ſur
tout ce profond anéâtiſſemét,
par lequel Jesus - CHRIST
commence à glorifier fon Pe
re , & à reparer tout le torc
que l'orgueil des hommes a
fait à fa Majeſté. Pour moi
je ne puis mhumilier à cette
vello, caroù me mettre puif
que- je trouve Jesus CHRIST
34 RETRAITTE ?
même dans le néant ? Voilà
bien dequoi rabattremon or.
gueil , le Fils de Dieu anéan
ti devant ſon Pére, je n'avois
jamais compris qu'à cette
heure, le mot de faint Ber
nard , quelle inſolence qu'un
ver s'enfle d'orgueil roù le
Fils unique du Pere s'humi
lie & s'anéantit.
3. A la: Circonciſion j'aï
conçell que la vie d'un Apô
tre demande une grandemor
tification. 1º. Sans cela Dieu
ne ſe communique pas.2º .On
n'édifie pas le prochain. Un
homme quiſe retranche les
plaiſirs, & qui travaille ſans
ceſſe à reprimer fes paſſions,
parle avec bien plus d'auto
rité , & fait bien une autre
impreſſion. Comme je ſuis
porténaturellement à l'amour
du
2
SPIRITUELLE . 35
du plaiſir, j'ai refolu de veiller
ſur cette mauvaiſe inclina
tion.
La fuſte en Egypte à ne
conſulter que la prudence
humaine paroiſfoit bien dure
& bien déraiſonnable. Que
faire parmi un peuple incon
nû & idolâtre ?Maisc'eſt Dieu
qui le veut , il faut bien que
cela ſoit expedient, raiſonner
ſer l'obéiffance quelque ex
travagante qu'elle paroiſſe,
c'eſt le défier de la prudence
de Dieu , & croire qu'avec
toute ſa ſageſſe , il eſt des or
dres qu'il ne fauroit rapporter
à ſa gloire & à nôtre profit. 1

Quand il arrive des comman


demens où la raiſon humaine
ne voit goutte ; un homme
quia de la foi doit ſe réjouïr
dans la penſée que c'eſt Dieu
с
36 RETRAITTE
ſeul qui agit, & qui nous pré
pare d'autant plus de biens
qu'il doit les envoier par des
vojes cachées , & que nous
ne faurions prévoir. Pour
moi je n'ai Dieu merci nulle
peine à cela , parce que l'ex
perience m'a inſtruit.
A la Preſentation , quelle
offrande qu'elle ſe fait bien &
de la part de Jesus , & de la
partdeMARIE ! Quel hõneur
rendu à Dieu en cette ren
contre ! J'offre la même Of
frande à la Meſſe ſi je le fai
fois avec les mêmes ſenti
mens , les mêmes deſirs de
plaire à Dieu. Je prends plai
ſir à confiderer dans le Can
tique de Simeon , la Prophe
tie claire & nette de la con .
' verſion des Gentils. Salutare
tuum , quod paraſti antefaciem
SPIRITUELLE. 37
omnium populorum . Lumen ad
revelationem gentium . Ce ſaint
Hommeetoit bien éclairé ,il :
falloit qu'il euſt une grande
ſainteté pour mériter des fam !
veurs fi ſignalées. Il y a peu
de veritables Saints ; mais il
en a pourtant, & il y en a eût
en tout tems,
J'ometcois la Nativité, où il
me ſouvient que je demandai
à Dieu avec beaucoup d'area
deur durant prés de demi- ;
heure le parfait détachement
dont Jesus nous donna l'ev
xemple , je le demandai par
l'interceſſion de ſaint Joſeph ;!
de la ſainte Vierge, & par Je
sus -CHRIST - inême. Parmi.
mes dévotions à la ſainte :
Vierge j'ai reſolu de nejamais
rien demander à Dieu en au- :
cune priére que jeC n'emploïe
2
38 RETRAITTE
l'interceſſion de MARIB .
Quid eſt quod me quareba
tis, ec. En cette meditation
j'ay été fort touché de la dou
leur que la fainte Vierge ref .
fentit durant les trois jours
qu'elle fut privée de la pré
ſence de fon Fils. Mais enco-.
re plus du calme de ſon cour
qui ne fe troubla point en
cette rencontre qui s'exerçoït
en cherchant Jesus en des
actes de la réſignation la plus
ſollmiſe, & la plus héroïque
qui fur jamais.* in his qua
tris mei ſunt oportet me effe.
Pai trouvé de grandes leçons
pour moi dans ces paroles.
Toute la terre deuſt elle ſe -S

revolter contre" moi , fe


moquer de moi, ſe plaindre,
me blâmer, il faut faire tout
ce que Dieu me commande,
!
SPIRITUELLE 39
tout ce qu'il m'inſpire pour
fa plus grande gloire. Je l'ai
promis & j'eſpere de l'obſer
ver avec la grace de Dieu .
Cela demande une grande
vigilance ſans quoi on le laiſ+
ſe aiſémentſurprendre au rel
pect humain , ſur tout quand
on eſt foible comme je le ſuiś.
Et erat ſubditus illis , creſce
bat etate &Sapientiâ. l'ai fait
réflexion qu'au lieu de croi
tre en vertu à meſure qu'on
ayance en âge , on décroît
bien ſouvent, & fur tout en
fimplicité & en ferveur à l'é
gar des humiliations exté
rieures, & de la dépendance
pour notre conduite ſpiri
tuelle. J'ai été touché de rés
connoître qu'à meſure que le
nombre des bien - faits de
Dieu s'aumente, nôtre amour
C 3
40 RETRAITTE
& nôtre reconnoiffance ſe re
froidiſſe: Pourquoi fe défaire
des vertus des Novices ? J'a
voûe qu'elles ne ſuffiſentpas,
& qu'il y en faut ajoûter d'auż
tres ; mais il y a bien de la
differance entre aquerir de
nouvelles vertus & fe defaire
des anciennes , il faut forti
fier les premiéres & non pas
y renoncer.
En fecond lieu , cét amour
de la ſolitude , m'a paru bien
conforme à l'eſprit de Dieu.
C'eſt l'eſprit du monde qui
fait qu'on ſe hâte,qu’on cher
che à ſe produire , qu’on ſe
perſuade qu'on n'y ſera ja
mais aſſez-tôt. L'Eſprit de
Dieu a des mouvemens, tout
contraires, trente ans obſcur,
inconnû malgré tous les pré
textes ſpecieux que la gloire
SPIRIT UELL E. 41
de Dieu pourroit fournir à
un zele moins éclairé. Je de
meurerai dās la ſolitude autăt
de tems que l'obéiſſance me
le permettra. Nulle viſite de
pure civilité ſur tout aux
femmes , nulle habitude par
ticuliere avec aucun feculier,
du moins je n'en chercherai
aucune , & ne ferai rien pour
l'entretenir à moins qu'il ne
ſoit tout à fait viſible que l'in
tereſt de la gloire de Dieu
demande que j'en uſe d'une
autre maniére . Voila un de
mes propos .
En troiſiéme lieu : Cét inte
rieur de Jesus -Christ qui
rélevoit ſi fort la ballelle de
ſes actions m'a fait découvrir,
ce me ſemble , la veritable
voie de la ſainteté. Dans le
genre de vie que j'ai embraſ
с 4
42 RETRAITTE
fé ,il n'y a que cemoïen de fe
diſtinguer auprés de Dieu;
parce que tout l'exterieur est
commun . C'eſt auſſi à quoi
je me ſuis fenti extrémement
porté , à m'appliquer defor
mais à faire les plus petites
choſes avec de grandes in
tentions, à prattiquer ſouvent
dans le ſecret du cæur des
actes des plus parfa ittes ver
tus d'ané antiſſement devant
Dieu , de defir de procurer
fa gloire , de confiance , d'a
mour , de réſignation , & de
facrifice parfait. Cela ſe peut
faire par tout lors même
qu'on ne fait rien.
Quoi que toutce que nous
faiſons pour procurer la gloi
re de Dieu ſoit bien peu de
choſe, & que cette gloire
même exterieure ſoit un trés
SPIRITUELLĖ. 45
petit bien à fon égar, il n'eſt
pourtant pas fi petit', que le
Verbe Eternel n'ait bien you
lu s'incarner pour cela. C'eſt
merveille que pouvant par lui
même convertir toute la ter
re il ait mieux-aimé le faire
par fes Diſciples,ila emploić
toute ſa vie àles former , il
femble que des ehofes néceſ
faires pour la converſion du
monde il n'aitpris pour lui
que les épineufes, comme la
mört , & laiffé aux hommes
les éclattantes . Quel amour
pour quelques hommes,de
vouloir fe fervir d'eux pour
fántifier les autres , quoi qu'il
le puſt aiſément faire ſans
eux !

Au Baptéme j'ai conçen


qu'un homme quieft appellé
à la converfion des hommes
Cs
44 RETRAITTE
a beſoin de grandes vertus, &
ſur tout d'une grande humi
lité & d'une obéiſſance ado
mirable. Il y a des occaſions
où l'on peut imirercette con
duite,il ne les faudra pas laiſ
fer échapper,tourner les cho
fes us on

ble ſuivre le conſeil qu'on


ue l'inſtru
donne, & n'être qque
ment, l'orſqu'on eſt l'ouvrier,
cela facilite l'exécution des
choſes & ſert à l'humilité . Je
n'ai nulle peine d'attribuer
tout à Dieu , comment pour
rois-je par moi-même faire
quelque choſe pour la ſanti-,
fication des autres , vell que
je fens fi fort l'impuiſfance
où je ſuis de me guerir des
moindres imperfections,quoi
que je les connoiſſe , quoi-,
que j'aïe, pour ainſi dire, en
SPIRITUELLE. 45
tre les mains mille fortes d'ar
mes pour les combattre. J'ai
refulü d'être obéiſſant toute
ma vie comm'un enfant , fur
tour à l'égar des chofes qui
regardent en quelque ma
miére l'avencement du ſer
vice de Dieu. Parce que
fans cela il eſt dangereux
qu'on ne s'y cherche ſoi-mě
ine. Quelle illuſion de pen
fer ſervir Dieu & le glorifier
ou plus ou autrement qu'il
ne lui plaiſt: Quand vous ſe
riez le plus grand homme du
monde , quelle difficulté d'o
béïr à un homme en tout ?
C'eſt l'homme de Dieu, vous
obéiſſez bien à une cloche.
De plus d'honorer tousceux
qui travaillent au falut des
ames, de faire valoir leur mi
niſtere autant qu'il me fera
TTE
46 RETRAI
poſſible d'entretenir avec eux
une grande union , de me
réjoûïr de leur ſuccés. Une
conduite oppoſée à celle -ci,
eſt la conduite la plus ridi
cule , la plus imparfaite , la
plus vaine , la plus éloignée
de l'eſprit de Dieu , que puiſſe
garder un homme qui s'em
ploïe au ſalut des ames.
Au deſert. Il ſemble que
trente ans de préparation de
voient ſuffire , Non JESUS
CHRIST n'a pas plûtôt la
miſſion de ſon Pere que le
faint Eſprit le conduit au de
fert pour y practiquer la mor- ,
tification , & les autres vertus
néceſſaires à l'emploi d'un
Apôtre. J'aï fait propos de
fuïr toute forte de délicateſſe
au manger , aux habits , & c .
De ne jamais rien demander
SPIRITUELLE. 47
pour la nourriture en pré
ehant , & ne me plaindre ja
mais de rien . Non in folo pane
vivit homo. Secondement de
n'avoirjamais rien de particus
lier pour les habits même de
campagne , & de faire tous
mes voïages autant qu'il ſera
poſſible ;‫ ز‬de les faire ,diſ-je , a
pié. Il eſt aiſé de faire cela
lans beaucoup d'incommo
dité , & cela outre les autres
bons effets ‫ ;ز‬humilie l'eſprit.
J'aï encore fait propos de
faire mes exercices fpirituels,
& toutes mes retraites avec
une fidelité inviolable , &
avec le plus de ferveur que
je pourrai. De mediter beau
coupla vie de Jesus CHRIST,
qui eſt le modele de la nôtre.
J'ay compris le mot de Berce
mans. Mortificatia maxima vis
48 RETRAITTE
ta communis , Elle mortifie le
corps & l'eſprit. Tout le reſte
n'eſt le plus ſouvent qu'un
effet de la vanité qui cherche
à ſe diſtinguer. En tout cas
avant que de rien faire d'ex
traordinaire je voudrois faire
toutes les choſes ordinaires,
& les faire dans toutes les cir
conſtances que demandent
lesregles, cela va loin & me
me à une admirable ſainteté.
l'aï conçeû en liſant nos re
gles un grand deſir de les ob
ſerver toutes avec la grace de
Dieu. Cela demande à mon
fens un grand courage , une
grande ſimplicité, une gran
de recollection , une grande
force & une grande conítan
ce , & ſur tout une grande
grace de Dieu.
JESUS -CHRIS I choiſiſt
SPIRITUELLE. 49 .
pour Apôtres,premiérement
de pauyres gens , des gens
idiots , & à juger humaine
ment , trés peu propres pour
fon deſſein . Non qu'il faille
être d'une naiſſance obſcure
& ſans lettres pour travailler
au ſalut des ames; mais pour
faire entendre à tous ceux
qui y font appellez combien
leurs talens naturels ou aquis
ſont peu néceſſaires, & que
cela n'eſt pas la cauſe du fuc
cés qu'ils peuvent avoir en
leur emploï. Il a encore choiſi
des peſcheurs, & c. Pour nous
montrer que ce n'eſt pas ici
le métier des délicats , qu'il
faut eſſuier mille fatigues, &
ſe préparer aux plus rudes
travaux. Je m'y ſuis fenti dif
poſé Dieu merci , nultravail
ne me fait peur ; je mourrois
go RETRAIT TE
avec plaiſir en travaillant à
cela ; Mais je me ſens fi indi
gne de cette grace que je ne
fai fi Dieu voudra inème fe
fervir de moi en quoi que cet
foit.
Beati pauperes ſpiritu, mites,
mundo corde. Ces trois Beati
tudes ont,ce me femble ,quel
que rapport & ne peuvent
être l'une ſans l'autre. J'aibien
compris que ceux-là ſont ve
ritablement heureux qui ſont
détachez de toutes chofes, &
qui ont arraché de leur coeur
juſqu'aux vitieuſes inclina
tions , mais certainement je
me ſuis trouvé extrémement
éloigné de cet état. Pai ſenti
ſur la fin de cette féconde ſe
maine", que la pente à la vai ~
ne gloire eſt encore en mon
ceur preſqu'aulli vive que
SPIRITUELLE. SI
jamais , quoi- qu'elle n'ait pas
les mêmes effets, & queje re
prime les mouvemens avec la
grace. Il me ſemble que je ne
me ſuis jamais ſi bien connû,
mais je me connois ſi miſera
ble , que j'ai honte de moi
même, & certe veûö me cauſe
de tems en tems des accez de
triſteſſe , qui me porteroient
au deſeſpoir , fi Dieu ne me
foâtenoit. En cécétat rien ne
me conſole tant comme la rée ,
Alexion que je fais , que cette
triſteſſe même eſt un effet
d'une trés grande vanité, que
cette connoiffance & ce fen
timent de mes miſeres eſt une
grande grace de Dieu, & que
pourveủque j'eſpere en Dieu,
& que je lui ſoisfidele à com
battre la nature , il ne permet
tra pas que je perille. Je me
S2 RETRAITTE
Toûmets à ſa volonté en tou
tes choſes , & fuis preft , s'il
le veut ainſi à paffer ma vie
en ce combat importun , pour
veû qu'il m'enpéche par fa
grace dy ſuccomber. Je crois
néantmoins qu'onétouffe cét
appetit de vaine gloire à for
ce de reprimer fes mouve
mens. On étouffe bien à la
fin les remorts de la conſcien
ce , quoi-qu'on ait à combat
tre en eux & la grace , & la
nature , & l'éducation .
A la meditation des trois
degrés d'humilité. Outre que
j'aï fenti avec beaucoup de
douceur, de confuſion , & de
crainte que Dieu m'appelle
au troiſiéme qui conſiſte à
retrancher juſqu'aux mauvai
ſes inclinations , & à aimer
tout ce que le monde haït.
SPIRITUELLE, 53
Outre que je vois que je ſerois
le plus mal-heureux des hom
mes ſi je me contentois de
quelque choſe de moins, mil
le raiſonsme perſuadent qu'il
faut y tendre de toutes les
forces. Premiérement Dieu
m'a trop aimé pour me ména
ger deſormais avec luis cet
te ſeule penſée me fait hor
reur..Quoi n'être pas tout à
Dieu aprés la mifericorde
dont il a uſé envers moi ? Me
réſerver quelque choſe aprés
toutce que j'ai reçell de lui ?
Jamais mon cæur ne conſen
tira à prendre ce parti. Secon
dement quand je vois le peu
que je ſuis, & ce que c'eſt que
- je puis faire pour la gloire de
Dieu en m'emploiant tout en
tier à ſon ſervice , je rougisde
penſer ſeulement à lui retran
54 RETRAITTE
cher quelque choſe. Troiſié
mement il n'y auroit pas 14
de
ſeûreté pour inoi à prendre
untemperament , je me con
nois , je tomberois bien- tôt
dans une mauvaiſe extrémité.
Quatriémement il n'y a que
ceux qui ont été à Dieu fans
réſerve, qui doivent s'atten
dre à mourir avec douceur,
Cinquièmement il n'y a que
ceux -là qui ménent une vie
douce & tranquille. Sixiéme.
ment pour faire beaucoup
pour Dieu il faut être tout à
lui,pourpeu que vous retran
chiez vous devenez peu pro
pre à faire de grandes choſes
pour le prochain. Septiéme
ment c'eſt dans cet état qu'on
conſerve une foi vive & une
eſperance ferme, qu’on de
mande à Dieu avec confiance
SPIRITU EL LE. 55
& qu'on obtient infaillible
ment.
A la meditation des trois
Etats ou des trois Claffes. J'ai
réfolu , & ce me ſemble , d'af
fez bonne foi Dieu merci d'ê
tre de ceux qui veulent gue
rir à quelque prix que ce ſoit.
Et comme j'ai bien reconnu
que ma paſſion dominante eft
fe defir dela vaine gloire : J'ai
fait un ferme propos de n'ob
mettre aucune humiliation
de toutes celles que je puis
me procurer, fans bleſſer la
regle, de ne fuïr jamais celles
qui ſe préſenteront. Pai re.
marqué que ce ſoin continuel
de s'humilier & de ſe morti
fier en tout, cauſe quelque
fois des triſteſſes à la nature,
qui la rendent lâche & moins
diſpoſée à fervir Dieu . C'eſt
56 RETRAITTE ;
une tentation , qu'on peut
vaincre ce meſemble en
ſongeant que Dieu n'exige
cela de nous que par amit
tié que nous nous attachons à
cét exercice , comm'un bon
ami s'applique en toute ren
contre à plaire à ſon ami , ou
un bon fils à ſervir, & à réjoûïr
ſon bon pere , fans qu'il ſoit
beſoin pour cela qu'il ſe con
traigne, conſervant une cer+
taine liberté d'eſprit au miz
lieu des ſoins les plus aſſidus
& les plus petits, laquelle li
berté eſt une des marques les
plus ſenſibles du vrai amour,
On fait avec plaiſir ce qu'on
croit devoir être agréable à
la perſonne qu'on aime bien.
A la repetition des deux
dernierest, aiantd'abor com
mencé avec un alliz grand
SPIRITUELLË. 57
ſentiment, dans la vellë,ce me
ſemble de l'orgueil que ren
ferme un peché commnis de
propos deliberé, & de l'aveu
glement des hommes qui
mettent en deliberation, s'ils
doivent ſe borner à la fuite
du peché mortel,& c.Comme
ſi un plus grand bien ne de
voit pas étre préferé ſans ba
lancerà un pluspetit, cedoux
mouvement a été comm'é-,
teint parune penſée de vaine
5 complaiſance qui ni’eſt ſurve
nuë , & qu'il a fallu combat
5 tre . Je ne ſaurois dire com
7 bien cela m'a humilié. J'ay
1 paſſé tout le reſte de l'Orai
1 fon dans une veûë continuel
le de mon néant , & de mon
indignité à l'égar de toutes
ſortes de graces& de conſo
lation. Jay accepté avec une
8 RETRAITTE
foûmiſſion entiere la priva
tion de ces fortes de biens
pour toute ma vie , & d'être
juſqu'à la mort comme la
chouëcte, & le joûöt des De
mons & de toutes ſortes de
tentations. Il me ſemble que
j'ai reconnu avec les ſenti
mens de la Chananéene , que
je ne devois avoir nulle part
au pain des enfans. Je n'ai
demandé à Dieu que cequi
m'eft preciſément néceſſaire
pour me foûtenir de telle ſor
te que je ne l'offence pas. Je
ne deſeſpere pas pourtant de
parvenir au degré de fainteré
que demande ma vocation,
mais c'eſt.une choſe que je
prévois qu'il me faudra de
mander long- tems.A la bon
ne heure , je ſuis reſolu Dieu
merci à une longue perſeve
,
SPIRITUELLE. 59
rance , c'eſt quelque choſe de
fi grand & de la précieux que
la ſainteré , qu'on ne lauroit
l'achetter trop cherement.
C'eſt en cette rencontre que
preſſé extraordinairemétd'aco
complir le projet de vie que
je meditois depuïs trois ou
quatre ans, & qu'avec l'agré
ment de mon Directeur , je
me ſuis tout de bon donné à
vous , à mon Dieu ! Que vos
miſericordes ſont grandes en
vers moi Dieu de Majeſté!
hé qui ſuis-je que vous dai
gniez agréer le facrifice de
mon cæur ? Il ſera donc tout
à vous , les créatures n'y au
ront plus de part ; auſſi n'en
valent elles pas la peine. Soïez
doncaimable Jesus mon pere;
. mon ami , mon maître ,mon
tout,puiſque vous voulezbien
D
60 RETRAITTE
être content de mon cæur,
feroit - il pas lui - même dé
raiſonable s'il n'étoit pas
content du vôtre. Je ne veux
donc deſormais vivre que
pour vous & vivre long
tems, ſi c'eſt vôtre bon plai
fir , pour ſouffrir davantage.
Je ne demande point la mort
qui abbregeroitmes miſeres;
Ce n'eſt pas vôtre volonté que
jemeure à la même année que
vous ; foïez en benit,maisdu
moins il me ſemble qu'il y a de
la juſtice que je commence de
vivre à vous & pour vous en
l'année que vous étes mort
pour tous les hommes & pour
moi en particulier,qui me ſuis
ſi ſouvent rendu indigne d'u
ne ſi grande grace. Recevez
donc aimable Sauveur des
hommes ce facrifice que le
SPIRITUELLE. 61
plus ingrat de tous les hom
mes vous fait, pour reparer le
tort que juſqu'à cetteheure je
n'aï ceſſé de vous faire en
vous offençant.
PROJET D'UN VOEU .
Iuravi, dy ftatui cuſtodire judia
cia juſtitia tua.

E me l'obſ
ſens ervat
portéà voûër à
Dieu ion de nos
Conſtitutions ; des Regles
communes , des Regles de
modeſtie , & de celles des Pré
tresen la maniere qui ſuit.
1. De travailler toute ma
vie à ma perfection particu
liere par l'obſervation des re
gles , & à la fanctification du
prochain enprofitant de tou
tes les occaſions que l'obéïla
D 2
62 RETRAITTE
fance & la providence me
donneront, de produire mon
zele fans choquer les regles
de la diſcretion , & de la prus
dence Chrétienne.
2. D'aller indifferemment
ſans exception , fans replique
par tout où l'obeïſſance m'en
Voira.
3. Conferer avec le Supe
rieurdes penitences exterieu
res , & de ne point omettre
fans néceſſité celles qu'il aura
trouvébon que je faile. Faire
la confeſſion générale tous les
ans , l'examen de conſience
deux fois le jour ; d'avoir un
Confeſſeur ſtable , de lui dé
couvrir toute ma conſience.
4. De n'aimermes parens
qu'en JE SUS - CHRIST ,
Il mefemble que par la grace
de notre Seigneur je ſuis
SPIRITUELLE . 63
déja en cette diſpoſition , &
ainſi ce point ne me peut faire
nulle peine.
5. De trouver bon qu'on
me reprenne , qu'on averciffe
les Superieurs de mes defauts,
& les avertir de ceux de mes
fréres dans les cas où je juge
rai y étre obligé parla Regle.
6. De loûa iter d'étre o !l
tragé, accablé de calomnies,
& d'injures; de paſſer pourun
infenfé , fans toutefois y don
ner occaſion , & fi Dieu n'y
étoit point offencé. Il me ſemi
ble que pourcela je n'ai qu'à
demander à Dieu qu'il me
conſerve les ſentimens qu'il
m'adéja donnez par fa mile
ricorde infinie.
2 Touclant la plus-gran
de abnegation de ſoi-méme &
la -mortification continuelle .
D 3
64 RETRAITTE
Il ſemble qu'avec la grace de
nôtre Seigneur je puis voûër,
1 ° De n'avoir jamais de vo
lonté efficace touchantla vie,
la ſanté, la proſperité, l'aver
fité , les emplois , les lieux
qu'autant que cette volonté
ſera conforme à la fienne .
20 De foûaiter autant qu'il
ſera àmon pouvoir tour ce qui
fera plus contraire à mes in
clinations naturelles; ſi cela
n'eſt point oppoſé à ſa plus
grande gloire.Etil me ſemble
que par ſa bonté infinie il m'a
mis à peu -présen cette diſpo
fition . 3 ° De ne rechercher
jamais ce qui flatte les ſens;
comme les ſpectacles, les con
certs , les odeurs , les choſes
agréables au goût , ni ce qui
peut ſatisfaire la vanité ;de ne
le rechercher, diſ -je, ni en
SPIRITUELLE. 65
mes diſcours > ni en mes
actions , & pour les meubles,
& les habits de me conten
ter de ce qu'on me don
nera , à moins que l'obéif
ſance ou la regle de la ſanté
ne m'oblige d'en uſer autre
ment. 4 ° De n'éviter aucune
mortification de celles qui ſe
preſenteront , à moins queje
ne juge ſelon Dieu , que je
dois en uſer autrement pour
quelque raiſon qui me paroî-.
tra veritable. gºDe ne jamais
goûter aucun plaiſir de ceux
où la neceſſité m'engage ;
comnine boire , manger , dor
mir , ni de ceux qu'on ne peut
éviter en la Compagnie fans
quelque affectation , ou fin
gularité ; comme les recrea
tions, les mets extraordinai
res ; & c. De ne les jamais
D 4
66 RETRAITTE
prendre pour le plaiſir que la
nature y trouve ,mais d'y re
noncer en mon cæur, & de
m’y mortifier en effet autant
que Dieu m'inſpirera ,& que
je le pourrai ſans me faire trop
remarquer .
8. Les quatre regles ſui
vantes ſont renferınées dans
toutes les autres. Pour la dix
ſeptiéme qui eſt de la pureté
de l'intention, je puis voûër,
ce me ſemble, 10 De ne faire
jamais rien avec le ſecours de
nôtre Seigneur , que pour la
gloire de Dieu,du moins avec
réflexion . 2 ° De ne jamais
rien faire, ni rien omettre par
reſpect humain. Ce dernier
poinct me plaît fort;& ilme
ſemble qu'il m'établira dans
une grande paix interieure .
9. Ce preſent you ren
SPIRITUELLE. 67
ferme,li je ne ine trompe l'ob
ſervation de la dix -neuviéme.
- 12. Pour la vint- uniéme,
je puis voûër, 1 ° De ne man
quer jamaisdefaire monorai.
fon , & d'obſerver ſoit dans la
préparation , ſoit en l'action
Inéme les additions de Saint
Ignacé., à moins qu'une rai
fon ou de neceflité , ou de
charité ou quelqu'autre aufli
bonne ne me portaft à me
diſpenſer de quelcun de ces
points. 2º A l'égarde la Mela
ſe,& de l'Office divin de garm
der les regles des Prêtres.
.. 11. Pour la Pauvreté , j'ai
déja fait væud'obſerver tou
tes les regles quenous.en a
donné Saint Ignace.
1 2. Pour la Chaſteté,dene
jamais regarder nulobjet qui
puiſſe inſpirer D
des penſées
S
68 RETRAITTE
contraires à cette vertu , du
moins de deſſein formé ; ou
fans néceſſité indiſpenſable,
de ne rien lire , ni entendre
dire qui ne ſoit chaſte,à moins
que la charité ou la néceſſité
de mon emploï ne m'y enga
ge ; de garder les regles des
Prêtres pour la confeſſion , &
les viſites des femmes.
13 De manger toûjours
avec temperance ,inodeſtie, &
bien - ſéance ; de dire la bene
diction & graces avec reſpect
& dévotion .
14. Pour l'Obéiſſance , j'ai
déja voûé de la pratiquer ſe
lon nos Regles.
15. D'obſerver ce qui re
garde les lettresqu'on envoïe,
ou qu'on reçoit comme les
Superieurs follhaiteront qu'il
s'obſerve.
SPIRITUELLE. 69
16. De rendre compte de
confience ſelon la formule
que nous en avons en nos
conſtitutions.
17. De n'avoir rien de ca
ché pour mon Confeſſeur, du
moins de ce qu'il doit ſavoir
pour me conduire.
18. Ce qui regarde l’union
& la charité fraternelle , les
affaires purement ſeculieres,
le ſoin de la fantésil n'y a pour
moi nulle difficulté ; non plus
qu'à la maniére d'agir qu'on
doit obſerver, quand on eſt
malade.

REGLES COMMUNES.
1. De faire tous les jours
deux fois l'examen de con
fence , & l'examen particu
lier, & d'en marquier le profit
ſelon l'inſtruction de S. Igna .
70 RETRAITTE
ce. La lecture ſpirituelle
quand je le pourrai . De ne
m’abſenter point du Serinon
fans congé lors que je ſerai à
la maiſon . De ne me confef
fer qu'à mon Confefſeur or
dinaire . L'abſtinencedu Vene
dredi, de ne point précher
fans l'approbation des Supe
rieurs. Les trois ſuivantes
regardent la pauvreté, toutes
les autres me paroiſſent ſans
difficulté. On peut voûër , ce
me ſemble,de ne s'en diſpen
fer jamais ſans congé.
Il faudroit ſe' reſſouvenir
en arrivant à une maiſon de
demander ces congez au Su
perieur.1. D'avoir des Livres.
2. De voir ſouvent les mala
des , ſi ce n'eſt pas l'uſage de
demander congé chaque fois
qu'on les va voir. 3. D'entrer
1
SPIRITUELLE. 78
lle pour un moment en la cham
ne bre de certaines perſonnes
mon en certaines occafions , com
me pour prendre de la lu
ef miére, pour rendre un Livre,
or &c. 4. De parler à la maiſon
avec les externes, & les ap
ner peller s'il étoit beſoin . S. De
e faire les conmiſſions de ceux
tes de déors dans la inaiſon , & de
tes ceux de la maisõaudéorsquad
ENS on en eſt prié , lors qu'on ne
ce jugera pas qu'il y ait rien d'ex
traordinaire. 6. D'écrire des
Lettres, bien entendu qu'on
ir les montrera à qui il faut,fice
de n'eſt pas l'uſage de demander
1 congé chaque fois qu'on veut
S.
écrire.
210 Les Regles de modeſtie
Le ſont compoſées de telle forte
is qu'elles ne peuvent faire.all
cune peine.
72 RETRAITTE
Celles des Prêtres ne con
tiennent rien , ce me ſemble,
qui puiſſe faire de la peine.
Celle qui recommande l'in
ſtruction des enfans n'impoſe
pas, à mon avis ,de plus-gran
deobligation ,que celle qui eſt
renfermée dans le væu qu'en
font les Profez.
On pourroit voûër les re
gles des emplois particuliers
à meſure qu'on y feroit ap
pliqué.
MOTIFS DE CE VOEU.
1° Pour s'impoſer une né
ceſſité indiſpenſable de rem
plir autant qu'il eſt poſſible
les devoirs de notre état , &
d'être fidele à Dieu , méme
dans les plus- petites choſes.
2° Pour rompre tout d'un
coup toutes les chaînes de l'ass
SPIRITUELL E. 73
mour propre , & luy retran
cher
pour toûjours l'eſperan
ce de ſe ſatisfaire en quelque
rencontre ; laquelle eſperan- ;
ce me ſemble toûjours vivre
dans le cæur , dans quelque
état préſent de mortification
qu'on puiſſe être
3°. Pour aquerir tout d'un
coup le mérite d'une trés
tonguevie ,dans l'extrémne in
certitude où 110us ſommes de
vivre feulement un jour , &
ſe mettre en état de ne pas
appréender que la mort
yienne nous ravir les moïens
de glorifier Dieu davantage ;
car cette volonté qu'on ade
le faire éternellement ne peut
manquer d'être priſe pour
l'effet, puis qu'on s'oblige fi
étroitement à l'accomplir .
4 °. Pour reparer les irregu
74 RETRAITTE
laritez paſſées par la nécef
fité où l'on ſe met d'être regu
lier autant de temsqu'il plai
ra à Dieu de nous prolonger I
la vie. Ce motif me touche
beaucoup, & me preſſe beau
coup plus que tous les autres ,
so. Pour reconnoître en
quelque forte les mifericor
des infinies que Dieu a exer
cées en mon endroit,en m'en .
gageant indiſpenſablement à
exécuter ſes plus-petits or ,
dres.
6°. Par reſpect à la volonté
Divine, gui merite bien d'ê .
tre exécutée ſous peine de
dannation éternelle , quoi,
que Dieu par ſa bonté infinie
ne nous y engage pas toug
jours fous defi grièves peines,
70. Pour faire de mon côté
tout ce qui eſt en mon polk
SPIRITUELLE. 75
voir pour être à Dieu fans ré
ſerve , pour détâcher mon
cæur de toutesles créatures,
& l'aimer de toutes mes for
ces , du moins d'un amour ef
fectif.

QUELQUES CONSIDE
RATIONS QUI M'ENCOURA
GENT À FAIRE CE VOEU.

1 ?. Je ne trouve pas plus


de peine à obſerver tout ce
que ce væu renferme ; qu'un
homme porté naturellement
au plaiſir en doit avoir à gar
der la chaſteté, laquelle l'en
gage à tantde combats, & à
tant de vigilance.
2°. Dieu qui a inſpiré nos
Regles à S.Ignace, a préten +
du qu'elles fuſſent obſervées.
Il n'eſt donc pas impoſſible de
le faire, non pas même d'une
76 : RETRAIT TE
impoſſibilité morale. Or te
væu bien-loin d'en rendre
l'obſervation plus-difficile, la
facilite au contraire ,non -ſeu
lement parce qu'il éloigne les
tentations par la crainte de
commettre un peché grief;
mais encore parce qu'il en
gage Dieu à donner de plus
forts ſecours dans l'occa
fion .
že. Berehmans a paſſé cinq
ans en la Compagnie , fans
que ſa conſrence lui repro
chiaſt l'infraction d'aucune
Regle ; pourquoi avec la gra
ce de Dieu ne le ferai -je pas,
en un âge où l'on doit avoir
plus de force , & où on eft
moins expoſé aux reſpects hu
mains, qui ſontles plus dan
gereux ennemis qu'on ait à
combattre,
SPIRITUELLE. 77
4. Je n'appréende pas que
cela m'ôte le repos de lame,
& me ſoit une pierre de ſcan
dale. Pax multa diligentibus
legem tuam , de nos eft illisſcan .
dalum . C'eſt un article de
Foi , & par-conſequent plus
on aime cette Loi , plus on ſe 1

trouve tranquille. Ambulabo


in latitudine ,quia mandata tua
exquiſivi. Le foin exact d'oe
béïr aux plus-menuës obſer
vances , met l'eſprit en liber
té, au lieu de lui cauſer de la
contrainte .
se. Il me ſemble que de
puis quelque tems je vis à
peu-préscommeje ſerai obli
gé de vivre aprés ce Vau;
c'elt plûtôt par le deſir de
m'engager à perſeverer ,que
par celui de faire quelque
choſe de nouveau & d'ex
78 RE TRAITTE
traordinaire que j'ai pris cette
penſée.
6. Il me ſemble que la ſeule
penſée de faire ce Væu me
détâche des choſes dit mon
de , à peu-prés comme ſi je
ſentois la mort s'approcher.
7. Je ne m'appuïe ni ſur
ma réſolution , niſur mes pro
pres forces ;‫ ز‬mais fur la bonté
de Dieu , laquelle eft infinie,
& ſur la grace qu'il ne man
que jamais de communiquer
abondamment & d'autant
plus qu'on s'efforce de faire
davantage pour fon ſervice.
Non delinquent omnes qui Spea
rant in eo.
8e. Il me ſembleque cela
ne m'engage qu'à un peu
plus de vigilance que je n'en
ai ; carà cette heure même il
me ſemble que je ne voudrois
SPIRITUELLE 79
pas rompre aucune de ces
Regles de volonté déliberée.
9€. Pour aller au devant des
ſcrupules je puis ne m'enga
ger à rien dans le doute.
je Je puis m'engager fous
cette condition. Que fi aprés
quelque tems je trouve que
ce Væu me cauſe du trou
ble , l'engagement ceſſera,
finon qu'il ne finira qu'avec
la vie.
11 °. Quand on a congé on
ne rompt point de regle , du
moins lorſqu'il s'agit d'une
regle exterieure; car il fau
droit être bien mal-heureux
pour aimer-mieu rompre une
regle , & déplaire à Dieu,
quand mêmeil n'y auroit pas
d'obligation de peché mortel,
que de dire un mot au Supe
rieur.
80 RETRAITTE
12€. Je ne prétens pas être
obligé à rien en toutes les oc
cafions , où un autre pourroit
ſe diſpenſer de la regle ſans
rien faire contre la perfe
ction
13°. La penſée de cér en
gagement me réjoûït bien
loin de m'éffraïer. Il me ſem
ble que bien -loin de me ren
dre eſclave,je vais entrer dans
le roïaume de la liberté , &
de la paix . L'amour propre
n'oſera plusme chicaner lorf
qu'il y aura un ſi grand peril
à ſuivre les mouvemens.Il me
ſemble que je touche à mon
bon -heur , & que j'ai enfin
trouvé le tréſor pour lequel
il faut tout donner.
149.Ce n'eſt point une fer
veur paſſagere , il y a long
teins que je médite ce deſſein ,
SPIRITUELLE. 81
mais je in'étois toûjours rés
fervé de l'examiner à fons en
cette rencontre & plus le
temps s'approche de l'exécu
ter, plus j'y découvre de faci
lité ; & plus je me ſens de
force & de réſolution.
15. Nonobſtant tout cela
j'attendrai la réſolution de
vôtre Reverence avant que
de paſſer outre. C'eſt pour
quoi je la ſupplie d'examiner
un peu cét écrit , & de faire
réflexion ſur tout à ces der.
nieres conſiderations dans
el leſquelles elle trouvera peut
al être des marques de l'Eſprit
de Dieu ; ſinon elle n'a qu'à
. me dire qu'elle nejuge pas
propos que j'exécute ce pro
jet, & j'aurai pour ſon fénti
ment le même reſpect que je
dois à la parole de Dieu.
82 RETRAITTE
Dans la meditation de la
Miſſion des Apôtres je, com
mence , ce me ſemble,à con
noître ma vocation & l'eſprit
de la compagnie, & il me ſem
ble auſſi que par la grace de
Dieu je commence à m'ap
percevoir que cet eſprit naiſt
& fe fortifie en moi, ſoit à
cauſe d'uneaffection particu
liére & d'une grande eſtime
que je ſenspour toutes les re
gles,ſoit à cariſe qu'il me fem
ble que mon zele s'aumente
& fe purifie.
Sur cette parole qui renfer
me la Miſion des Apôtres:
Docete omnes. J'aï compris que
nous ſommes envoïez à toute
ſorte de perſonnes , & que
quelque part que ſe treuve un
Jeſuite , en quelque compa
gnie qu'il ſoit , il y eſt comme
envoïé
SPIRITU E LLE . 8.3
comme enyoïé de Dieu pour
traitter de l'affaire du ſalut de
ceux avec qui il ſe rencontre;
& que s'il n'en parle , s'il ne
-profite pas de toutes les occa
ſions pour l'avancer il trâi
ſon miniſtére & ſe rend indi
gne du nom qu'il porte. J'ai
donc refolu de me reſouvenir
de cela en toute rencontre &
d'étudier les mojens de faire
tourner la converſation ſur
les choſes qui peuvent édifier
avec qui que ce ſoit que je
me trouve, de forte que per
ſonne ne ſeſepare davec moi
qu'il n'ait plusde connoiſſan
ce de Dieu que quand il eſt
venu à moi, & plus de deſir,
s'ileſt poſſible,de fe fauver.
En meditant ſur le zele . Le
deſintereſſement & l'indiffe
rence qu'il doit avoir m'ont
E
84 RETRAITTE
occupé tout le tems.Je remer
cie Dieu de ce que je n'ai
trouvé en moi aucune repu
gnance à m'occuper à l'in
îtruction des enfans & des
pauvres ; il me ſemble au con
traire, que j'embraſſerai ces
emplois avec plaiſir ; ils ne
ſont pas expoſez à la vanité,
& ils ſont pour l'ordinaire plus
fructueux. Aprés tout l'ame
d'un pauvre eſt auſſi chere à
J E sú s -CHRIST que celle
d'un Roi,& il importe peu de
qui c'eſt qu'on rempliſſe le
Paradis. Parmi les marques
que Jesus-Christ donne de
la Miſſions celle-ci eſt une
desprincipales,Pauperes evan.
gelizanutr, & c'eſt à cette mar
que qu'on peut reconnoître
que c'eſtl'cłprit de Dieu qui
a fondé la Compagnie, car le
SPIRITUELLE. 85
Catechiſme & le ſoin des
pauvres gens , eſt un de ſes
principaux foins, les conſti
tutions ne nous recomman
dent rien tant que cela , il me
ſemble qu'on a ſujer d'eſperer
qu'on eſt envoie de Dieu, &
que c'eſt lui qu'on cherche,
quand on a cette indifferen
ce. C'eſt pourquoi j'ai reſolu,
foit dans lesConfeflions, ſoit
dás les Prédicationsd'aimer à
ſervir les pauvres, & quand it
ſera à mon choix de les pré
ferer même aux riches, ceux
ci ne manqueront pas de gens
qui les fervent.
Dans la meditation de la
pauvreté Apoſtolique j'ay re
folu de me faire toute ma vie
un honneur & un plaiſir de
cette vertu ,d'avoir la conſola
tion de pouvoir toûjours dire:
E 2
86 RETRAIT TE
je n'ai rien ,au lieu que lemon
de & l'amourpropre trouvent
tant de ſatisfaction à voir & à
comter ce qu'ils poſſedent;ſur
tout point de livres,cela m'os
bligera à beaucoup lire & à
bien lire ceux que je croirai
les plus néceſſaires, pourtout
le reſte je n'aurai nulle peine
à m'en paſſer.
Dans la mortification. J'ay
conçeû qu’un Apôtre n'eſt
pas appellé à une vie molle ni
au repos, il faut ſuer & fati
guer , ne craindre nile chaud,
ni le froid, ni les jeûnes ni les
veilles. Il faut uſer ſa vie &
fes forces een cet emploi ,le pis
qui puiſſe arriver c'eſt de
mourir en ſervant Dieu & le
prochain , je ne vois pas que
cela doive faire peur à per
fonne. La ſanté & la vie me
SPIRITUELLE. 87
ſont pour le inoins indiffe .
rentes ; mais la maladie ou la
mort ,‫ ر‬lorſqu'elles m'arrive
ront pour avoir travaillé au
falut des ames me feront trés
agréables & trés précieuſes.
Ce même jour aprés le dif
ner , aïant leû dans la vie de
Berchmans,la mort de ce ſaint
jeune homme , je fus extré
mement touché de ce qu'il
dit alors,qu'il avoit une gran
de confolation de n'avoir ja.
mais rompu aucune regle , &
faiſant réflexion à ce que je
pourrois dire touchant cet ar
ticle , s'il me falloit rendre
compte à Dieu , je concells
toutd'un coup une fi grande
douleur d'avoir ſi mal obfer
vé mes regles, que j'en verſai
des larmes avec abondance.
Je fis enſuite mon Oraiſon
E 3
88 RETRAITTE
dans laquelle je fis de gran
des réſolutions d'être meil
leur Jeſuite que je n'aï été juf
qu'ici, j'invoquai avec gran
de confience ce Bien - heu
reux jeune - homme & le
priai par la ſainte Vierge qu'il
a tant aimée,& par la Compa
gnie à laquelle il a été fi fi
dele de m'obtenir la grace,
de vivre juſqu'à la mort com
m'il a fait durant cinqans. Je
fus tout le reſte de la journée
pénetré de douleur,aïanttoû:
jours devant les yeux mesre
gles mépriſées & violées fi
ſouvent , j'en pleurai trois ou
quatre fois, & il me ſemble
qu'avec la grace de Dieuil ne
fera pas aiſé à l'avenir de me
porter à les rompre. Mais je
ne laiſſe pas d'étre inconfola
ble pour le paſſé , je n'avois
SPIRITUELLE . 89
jamais appréendé le mal que
j'ai fait en cela. Je penlois
que fi on avoit voulu follici.
ter Berchmans de rompre une
regle à l'heure de la mort , il
n'y a point de conſideration
qui l'euſt pû porter à faire
cette faute, aprés avoir paſſé
fa vie ſans avoir jamais man
qué à rien ‫ ;ز‬Ornous avonsáu
tant de raiſon de réfifler à ,
toutes les tentations de cette
nature. En rompant aujour
d'hui le Glence je ne déplai
rai pas moins à Dieu, je mé
priſe un ordre inſpiré par le
Taint Eſprit à nôtre ſaint Fon
dateur, il ne tient pas à moi
que la regularité ne ſoit
anéantie, ce n'eſt pas ſi peu
de choſe que cette regle que
tout le bien du corps n'en dé
pende .
E 4
୬୦ RETRAITTE
Pour le mépris du monde,
il me ſemble que l'uſage de la
prétence d . Dieu eſt bien ef
ficace. Cett une penſée de
ſaint Baſile qu'un homme qui
a pour témoin de ce qu'il
fait un Roy & un laquais ,ne
ſonge pas ſeulement au la li
quais, mais ſeulement à avoir
l'approbation du Prince. C'est
une étrange & bien mal
heureufe fervitude que celle
d'un homme qui cherche à
plaire aux autres hommes.
Quand eſt- ce que je pourray
dire. Mihi mundus crucifixus
eft & ego mundo ? J'ai deman
de inſtamment à Jesus
CHRSIT & à la ſainte Vier
ge , qu'ils m'accordent cette
diſpoſition
Dans la meditation de l'hu
milité. Il eſt vrai & je le com
SPIRITUELLE. 91
prens, elle doit être grande
dans un homme Apoſtolique,
& la crainte de n'en avoir pas
aſſez me tiendra , ce me fem
ble , toute ma vie dans une
grande fraïeur. Il me ſemble
néanmoins que pour cela il
ne faut qu'être ſur ſes gardes
& éviter l'inconfideration .
Car quiconque fait réflexion
à ce qu'il eſt , à ce qu'il a
été, à ce qu'il peut faire par
ſoi-même, il eit mal-aiſé qu'il
s'attribue rien à ſoi - même,
pour faire crever l'orgueil, il
n'y a qu'à ſe reſſouvenir que
la premiéremarque de la ver
tu c'eſt de ne s'eſtimer rien du
tout. Secondement il ne faut
qu'enviſager Jesus - CHRIST
anéanti de bonne foi, & qui
reconnoît devant Dicu qu'il
n'eſt rien , & que de tout ce
E S
92 RETRAITTE
qu'il fait,la gloire en eſt delle
uniquement à ſon Pere. Mais
on me loûë, on ſe trompe, c'eſt
une injuſtice qu'on fait à
Dieu. C'eſt comme ſi on
loûoit un Comedien des vers.
qu'il recite, & qu'un autre a
fait, de plus on ne nous eſtime
point tant que nous penſons,
on connoît tous nosdefauts,
on en connoît même qui nous
échappent ; pour le nioins on
ne penſe gueres à nous. Mais
je veux qu'on faſſe de grandes
choſes , ou pour mieux parler,
que Dieu faſſe de grandes
choſes par nous . Il eſt bien
digne d'admiration & de
towange de faire un fi bon
uſage de fi méchants inftru
mens ; mais je n'en ſuis pas
pour cela meilleur, & il peut
arriver que Dieu me danne
SPIRITUELLE. 93
aprés en avoir fauvé pluſieurs
par mon moïen , comm'il ar
rive qu’un Peintre jette un
charbon dans le feu , aprés
s'en être fervi pour tracer un
deſſein admirable & de trés
excellentes figures. La prat
tique de la fainte Vierge eſt
adinirable, elle avoûe de bon
ne foi que Dieu a fait de trés
grandes choſes en elle , que
cela lui attira les loûanges de
tous les ſiécles , mais au lieu
de s'en élever,Mugnificat ani
ma mea Dominum .
A la repetition de cette
même meditation. A présavoir
reconnu & avoûté devant
Dieu que je ne ſuis rien &
que je n'aï jamais rien fait par
moi-même, j'aï compris com
bien il eſt juſte que Dieu feul
foit glorifié , & il m'a ſemblé
94 RETRAITTE
qu'un homme qui ſe voit loûé
pour quelque vertu ou pour
quelque bonne action , doit
être auffi honteux qu'un
homme d'honneur qui ſe voit
pris par un autre & qu'on
loûe de ce qu'il n'a pas fait.
Mais ſi nous ſommes aſſez
vains pour nous enfiler de ces
qualitez ſoit naturelles , ſoit
ſurnaturelles qui ne nous ap
partiennent pas. Quelle lâ
cheté :Quelle confuſion lorf
qu'au jourdu jugement Dieu
produira cet homme vain ,
& que faiſant voir aux yeux
de toute la terre tout ce qu'il
a reçell & tout ce qu'il a de
foi même , il lui dira en lui
reprochant fa vanité. Quid
babes quod non accepiſti , fi au
tem accepiſti quid gloriaris ?
Il me ſemble de voir un cos
SPIRITU E L L E. 95
quin qui s'écant fait paſſer
quelque tems pour un hon
neſte homme à la faveur d'un
manteau dérobé , vient à être
découvert en bonne Compa
gnie , & reçoit une horrible
confuſion. Mais ce ſera bien
pis ; Mon Dieu ! lorſque vous
ferez voir que non -ſeulement
je n'avois rien, dont je deûſſe
me glorifier, mais que je n'a
vois pas même ce dont je me
ſerai glorifié. Lorſque vous
découvrirez mon hipocriſie,
l'abus que j'ai fait de vos gra
ces , mes miſeres interieures,
&c. Dieu m'a fait voir à moi
inéme en cette occaſion fi
difforme , ſi miſerable, ſi dé
pourvell de tout mérite de
toute vertu qu'il eſt vrai que
je ne me ſuis jamais tant, dém
plû à moi-même, il me ſem
96 RETRAITTE
bloit que je l'entendois au
fond de mon ceur , qui par
courant toutes les vertus, me
faifoit voir clairement que je
n'en avois aucune , je l'ai prié
inſtamment de ine conſerver
toûjours cette lumiére. J'a
voúë queje trouve que cette
connoiffance de moi- même
qui croiſten moi de jour en
jour affoiblit beaucoup , ou
du moins modere une certai
ne confiance ferme , que je
confervois depuis long-tems
en la miſericorde de Dieu. Je
n'oſe plus lever les yeux au
Ciel , je me trouve fi indigne
de fes graces que je ne ſai
preſque ſi je ne leur aurai
point fermé toute entrée. Ce
fentïment me vient ſur tout
de la comparaiſon que je fais
de ma vie & de mes crimes,
SPIRITUELLE. 97
& de mon orgueil, avec l'in
nocence & l'humilité de nos
Saints.
A la meditation de la dé
fiance de ſoi - même , je ne
trouve rien de fi aisé aprés la
meditation précedéte.Quand
on connoît ce que c'eſt que
fauver une amé & ' ce que
nous ſommes , on eſt bien tộc
perſuadé qu'on n'y peut rien.
Quelle folie de penſer qu'a
vec quelques paroles qu'on
dit en paſſant, on puiffe faire
ce qui a tant coûté à Jesus
CHRIST ? Vous parlez & une
ame fe convertit, c'eſt coin
m’au jeu des marionettes, le
valet commande à la poupée
de danſer & le maître la re
muë par le moien d'un reſſort.
Le commandement n'y fait
rien du tout. Exià mes quia
AI TTE
98 RETR ":
homo peccator fum , Domine. Le
beau ſentiment en une ame ,
en qui qu par qui Dieu opere
quelque choſe d'extraordi
naire. 1
4

Dans la meditation de l'o


raiſon. Comme je me ſens par
la miſericorde de Dieu allez
d'attrait à la priére. J'aï de
mandé à Dieude grand cæur
par l'intercellion de la ſainte
Vierge, qu'il me faſſe la gra
ce d'aimer toûjours davanta
ge cét exercice juſqu'à la
mort. C'eſt l'unique moïen
de nous purifier de nous unir
à Dieu , & de faire que Dieu
s’uniſſe à nous pour faire !
quelque choſe pour ſa gloire.
Il faut prier pourobtenir les
vertus Apoſtoliques, il faut
prier pour les rendre utiles
au prochain ,il faut prier pour
SPIRITUELLE. 99
ne les perdre pas au ſervice .
du prochain. Ce conſeil, ou
ce commandement,Priez läns
interruption , me paroît ex
trémement doux & nulle.
ment impoſible, il renferme
la pratique de la préſence
de Dieu , je veux avec l'aide
de notre Seigneur tâcher de
leſuivre ‫ ;ز‬nous avons toûjours
beſoin de Dieu , il faut donc
le prier toûjours, plus on prie,
plus on lui plaift, pluson ob
tient. Je ne demande point
ces douceurs que Dieu fait
ſentir dans la priére à qui bon
lui ſemble , je n'en ſuis pas
digne , je n'ai pas aſſez de
force pour les ſupporter.
Les graces extraordinaires ne
font point bonnes pour moi,
ce feroit bâtir ſur le fable que
de m'en donner, ce Siriter
VILLA
LE

LYON

1896
100 RETRAITTE
fer une liqueurprécieuſe dans
un muid percé, qui ne peut
rien retenir. Je demande à
Dieu une Oraiſon ſolide, ſim
ple , qui le glorifie , & qui ne
m'enfis pas ,la fechereffe , &
la déſolation accompagnées
de la grace de Dieu me font
fort utiles, ce me ſemble , je
fais alors avec plaiſir les actes
des plas excellentes vertus;
je fais effort contre la mau
vaiſe diſpoſition ‫و‬, & je tâche
d'étre fidele à Dieu, & c.
Pourla conformité à la vo
lonté de Dien . Dés le com
mencement de l'Oraiſon je
me ſuis fenti porté à en faire
des actes. Je les ai fait fans
peine , parce qu'en effet je
n'en fens aucune par la grace
de Dieu pour aucun état , &
ilme femble qu'avec la même
SPIRITUELLE TOI
grace j'accepterois avec foûn
miſſion les plus fâcheux acci
dens que la providence pour
roit permettre àmon égar, du
moins y ſerois-je aflez tôt re
folu , ſi Dieu ne m'abandon
noit pas. Je me ſuis ſur tout
réſigné à me fanţifier par la
voïe qu'il plaira à Dieu, par
la ſouſtracīion de toute dou .

ceurſenſible,s'il le veut ainſi,


par les peines interieures, par
Les combats continuels contre
mes paſſions, voila ce qu'il y a
pourmoide plus rude dans la
vie,je m'y loûmets néanmoins
e
de tout mon coeur & d'autant
e plus volontiers que je com
prés,que ce chemin eſt leplus
feûr, le moinsſujet aux illu
fiops,le plus court pour aque
rir une parfaite pureté de
cæur , un tres grand amour
1 02 RETRAITTE
de Dieu , & de tres grands
mérites.
Troiſiéme Semaine.
La premiere Meditation
A
qui eſt de la préparation à la
Paſſion . En conſiderant le
defir ardent que JE s U s
CHRIS- I avoit de ſouffrir,
mon eſprit s'eſt d'abord atta
ché au deſir qu'ont eù les
Saints de mourir , lequel de
fir fait que lamort a pour eux
des douceurs inexplicables,
C'eſt l'effet , ce me ſemble ,
d'une fidelité inviolable à ré .
pondre à toutes les graces de
Dieu , à faire pour luitout le
bien qu'ils ont pû faire durant
pluſieurs années. Cette vella
à allumé en mon cæur un
grand defir de neperdre point
SPIRITUELLE. 103.
de tems , de faire au plûtôt
tout le bien que je pourrai,
afin d'être en état de deſirer
la mort, & de la recevoir avec
joïe. En ſuite j'aï penſé qu'un
homme qui deſire veritable
ment de ſouffrir beaucoup
pourJesus -Christ'eſtcom
m'une perſonne affamée ou
extrémement alterée ,laquelle
en attendant qu'il ſe préſente
dequoi ſe raſlaſier, prend ce
pendant avidementle peli de
nourriture ou de boiſſon qui
ſe préſente. Je me ſens un af
ſez grand deſir de ſouffrir
pour Dieu, & je ne vois gue
res de genre de douleur que
je n'acceptaſſe, ce me ſemble,
avec grand joïe ; mais j'eſti
-me que c'eſt une grace que
Dieu ne fait qu'à ſes amis , &
je m'en trouve fi indigne que
104 RETRAITTE
je ne crois pas que Dieu me
faſſe jamais cette faveur.
A la priſe deJesus - CHRIST.
Deux choſes m'ont extreme
ment touché, & m'ont occu
pé durant tout le tems. La
premiére c'eſt la diſpoſition
avec laquelle Jesus-CHRIST
alla au devant de ceux qui le
cherchoient , avec la même
fermeté, le même courage , la
même contenance'exterieure ,
que fi fon ame euſt été dans
un calmeparfait. Son cæur
eft plongé dans une horrible
amertume, toutes les paſſions
font déchaînées au dedans de
lui, toute la nature eſt décon
certée , & à travers tous ces
defordres , toutes ces tenta
'rions , le cæur ſe porte droit
à Dieu , ne fait pas un faux
pas , ne balance point à pren
SPIRITUEL L E. ros :
dre le partique la vertu & la
plus haute vertu lui ſuggere.
Voila un miracle que le feul
Eſprit de Dieu eſt capable
d'operer dans un caur,qui eſt
daccorder laguerre & la paix,
le trouble & le calme. La de
ſolation & une certaine fer- :
veurmaſle,que la nature , les
Demons & Dieu même qui
ſemble s'armer contre nous
ou du moins nous abandon
ner : Que tout cela , dif-je,ne
peut ébranler.
Le ſeconde chofe c'eſt la
diſpoſition de ce méme cæur
àl'égar de Judas qui le trâiſo
ſoit ,des Apôtres qui l'aban
donnoient lâchement , des
Prêtres & des autres qui
étoient les auteurs de la per- .
ſecution qu'ilſouffroit; Il eſt
certain que tout cela ne fuſt 1
106 RETRAITTE
pas capable d'exciter en lui
le moindre reſſentiment de
haine ou d'indignation , que
cela ne diminua nullement
l'amour qu'il avoit pour ſes
Diſciples,& pour ſes perfecu .
teurs, qu'ils'affligea extréme
ment & de bonne foi dui tort
qu'ils ſe faiſoient à eux-inê
me, & que ce qu'il ſouffroit
bien loin de le troubler,adou
ciſſoit en quelque ſorte ſa
douleur,parce qu'il voïoit que
ſes douleurs pourroient être
un remede aux maux de ſes
ennemis . Je me répréſente
donc ce cæur fans fiel , ſans
aigreur , plein d'une veritable
tendreſſe pour ſes ennemis ,
que nulle perfidie , nul mau
vaistraitemết ne peut émou
voir à la haine. En fuite m'ad
dreſſant à MARIE pour lui
demander
SPIRITUE LLE. 107
demander la grace de mettre
mon cœur en méme diſpoſi
tion , je m'apperçois que le
ſien y eſt parfaitement. Qu'el
le eſt abimée dans la douleur,
fans rien faire contre la bien
ſéance , & qu'elle ne perd
point le jugementdans une
conjoncture ſi terrible.Qu'el
le ne veut point de mal aux
bourreaux de fon Fils , qu'el
le les aime au contraire &
l'offre pour eux. J'avole que
ce ſpectacle me ravit , qu'il
me donne un amour incroja
ble pour la vertu, & qu'il me
caufe le plus grand plaiſir que
je puiſſe reſſentir.
O Cæurs vraiment dignes
de poſſeder tous les cæurs,
de regner ſur cous les caurs
& des Anges & des hommes:
Vous ſerez deſormais ma re
E
108 RETRAITTE :
gle , & dans de pareilles OC
caſions, je tâcherai de pren
dre vos ſentimens. Je veux
que mon cæur ne ſoit defor
mais que dans celui de Jesús
& de MARIE , ouou que celui
de Jesus & de MARIE ſoit
dans le mien , afin qu'ils lui
communiquent leurs mouve
mens, & qu'il ne s'agite, qu'il
ne s'émeuve que conforme
ment à l'impreilion qu'il rece
vra de ces ceurs.
A la repetition. Amice. Il
eſt vrai que Jesus l'aimoit , il
ne l'auroit pas appellé ſon
ami ſi cela n'euſt été. JEsus
CHRIST avoit bien envie de
le convertir ', il avoit bien
choiſi le trait , auſſi Judas en
eût-il le cæur percé ; mais il
en fut de lui comme de ces
.malades deſeſperez à qui l'on
SPIRITUELLE. 109
donne les plusforts remedes,
ils font leur effet , mais le ma
lade qui n'a pasallez de force .
pour réſiſter à l'operation ,
rend l'ame en rendant les
mauvaifes humeurs. Tout eft
admirable , Jesus.- CHRIST
traine , Jesus - CHRIST de
vant le Juge ſur la ſcabelette,
accufé & le taiſant.Il m'a fein
blé que je ſouffrirois avec la
grace de Dieu , d'être calom
nie & traitré en fcelerat , je
trouverois -là dedans l'anéans
tiſſement entier de l'ainour
propre ; il me ſembl
ſemblee que dans
unepareille occaſion , je re
mercierois Dieu de tout mont
cæur & que je lui demande:
rois bien inſtamment de me
laiſſer inouriren cet état; Mais
1

c'eſt perdre letems que d'y


penſer, je ſens que ce n'et
F 2
110 RETRAITTE
pas là une faveur pour moi,
il faut être unſaintpour cela,
il faut tâcher de profiter des
petites occaſions qui ſe pré
fentent, & prendre garde que
tandis que je m'entretiens en
ces deſirs chimeriques, je ne
coure cependantaprés la vai
ne gloire du monde , & ne
laiſſe échapper les petites oc
caſions qui ſe préſentent,
: . En meditand fur la cheûre
de faint Pierre j'aï conçeû
avec étonnement & avec
fraïeur,coinbien nousfommes
foibles , cela me fait fremir,
j'aï en moi les fources & les
femences de tous les vices,
il n'y en a pas un que je ne
fois capable de coinmettre ; il
n'y a entre moi & l'abiſme de
tousles deſordres que la gra
ce de Dieu , qui m'empéche
SPIRITUELLE. FII
de tomber. Que cela eft huu
miliant ! Que cette penſée !

doit donner de confuſion


aux plus faintes amés. Voila
pourquoi faint Pauldit,in ti
more trembre ,dc. JE S Us
CHR FST paffà toute cette
nuit lié, fervant de jollët à
l'infolencedesſoldats. Lebeau
ſujetde meditation que les
penſées de Jesus durant rou
té cette nuit. Quoi de plus
admirableque de voir laSa
geffe Incarnée,Je sus-CHRIST
traité de fou par Herodes &
par toute fa Cour. Le monde
n'a point encore changé de
4
fentiment à l'égar du Fils de
Dieu , il y paſſe encore pour
fou. Quel courage à Jesus
CHRISTd'avoir mépriſé tou
te la gloire-, tout le reſpect
qu'il pouvoit ſi aifentent s'at
F : 3
112 RETRAITTE
tirer de toute cette cour D'a
voir bien voulu laiſſer cei
Prince & tous ſes Officiers
dans la penſée qu'il étoit in -i:
ſenſé. Quel , facrifice à ſon
Pere: Que cela eſt glorieux "
Que nous fommeslâches nous
quifaiſons tant decasdes ſen ,
timens des hommes ; & qui
nousrendons eſclaves deleurs i
pēſées: Quád eſt -ce quenous
ſecoûërons ce joug honteux ?
Quand eſt - ce que nous nous
éleverons au deſſus du mon - a
de ? Qu'il eſt digne d'une
ame Chrétienne de fouffrir
une confuſion qu'on pourroit
éviter , & de ſe contenter
d'avoir Dieu ſeul pour té
moin d'une verité qui nous
elt avantageuſe. Mon Dieu
je veux me faire faint entre
vous & moi, & mépriſer toute
confuſion , qui ne diminuğra
SPIRITUELLE. 113
point l'eſtime que vous pour
riez avoir pour moi. La vellë
de ces actions généreuſes &
qui font fi fort au deſſus dela
nature élevent, ce me ſemble,
mon ame au deſſus d'elle mê.
me & de tous les objets crées.
Quel ſpectacle de voir JE
sus- Christ remene ver Pi
late à travers de Jeruſalem vê
tu en fou ? Pilate le condam :
ne à étre fouëté. Quelle juſti
ce : Jesus-CHRIST ne s'en
plaint point , quoi qu'il en
voie la cauſe dans la jalouſie
des Prêtres & dans la fauſſe
complaiſance du juge, quoi
qu'il prevože la cruauté de ce
fupplice. J'ai fait comparai
fon de ce procedé avec la
conduite que nous tenons
lorſqu'on nous fait tort ' en
quelque choſe. Comment
F 4
114 RETRAIT TE
peut-on ſe plaindre à la vellë
de cet exemple ? J'ai été ex
trémement confus au ſouve
nir du paſſé. Mon Dien les
belles occaſions que j'aï per
duës : elles ne reviendront ja
mais, je n'en ſuis pas digne.
Jai refolu de ne me plaindre
jamais de rien. J'ai été con
vaincu que de quelque ma
niére qu'on me craitte ,on ne
fauroit me faire injuſtice.
Rien ne me touche tant
dansla flagellation que lemé
pris qu'on y fait de JESUS
CHRIST. Le plus fcelerat des
hommes trouve de la com
paſſion quand ileft condamné
au fupplice,onlapide lebour
reau s'il fait trop ſouffrir un
voleur, un affaſlin , & voila
Jesus abandonné au caprice
des ſoldats qui le déchirent,
SPIRITUELLE. TIS
qui ajoûtent peine ſur peine,
qui le traittent à leur gré, im
punement, comme s'il n'euſt
pas été un hoinme. Il ne ſe
plaint point, il fe met encore
plus bas en préſence de fon
Pere , il accepte de fa main
toutes ces peines , il eſt ravi
de pouvoirlui rendre un hon
neur ſouverain par cót épou
vantable abaillement. On lui
met une couronne d'épines
far la tefte , c'en
cette pafſion horrible , d'être
par tout les Rois , d'exceller,
de l'emporter für tous les au
tres en toutes choſes.
Pilare le produit, Ecce homo,
il falloit qu'il fuft en un pi
toiable état. C'eſt pour ceux
quiaimentlesgrands Téatresi
& les applaudiſſemens. On
lui préfere Barrabas. Voila
116. RETRÁITTE ?
qui eſt étrange. Nous nous
plaignons des avătages qu'on
faitaux'autres.Jesus CHRISTI
ne fe plaint point, il ſe met.
encore plus bas qu'on ne le
mettoit par cette injuſte coin
paraiſon. En ce méme téms
il diſoit en fon cøur à fon :
Pere , Ego vermis de non homo.
On crioit , Crucifige ; & il y
conſentoir de tout ſon coeur ,
ſur cet exemple,ſurce mode
le , y a-t-il des Chrétiens au
monde . Si toutes les fois
que
par reſpecthumain on - rompt
une regle, on faifoit réflexion
qu'on préfere un homme à
Dieu , je ne crois pas qu'on le
fit ſouvent. Cette penſée m'a
touché, & il m'a fémblé qu'à
l'avenir je ſerai inflexible fur
ce point. Un homme m'a pa
Eu La peu de choſe que je ne
SPIRITUELLE. 117
pouvois comprendre com
ment on ſe met tant en peine
lques - uns,
plaire ntà queoin
de éu
Di éta tém de nos
actions.Mais helas mon Dieu ,
tous ces ſentimens ne s'éva
noüiront - ils point à la pre
miére occaſion .
Je ne ſuis pas trop étonne
de l'injuſtice de Pilate qui
condanne Jesus - CHRIST;
mais j'ai été extrémement
touché de voir JESUS
CHRIST , qui ſe foûmet à
ce jugement injuſte ,qui prend
la Croix & s'en charge avec
une humilité , une douceur ,
une réſignation admirable ,
qui étant arrivé au haut de la
montagne , ſe laiſſe dépouil
ler , s'étend ſur cette Croix ,
tend les mains & les piés pour
étre , percé , & s'offre à ſou
118 RETRAIT'TE
Pere avec des ſentimens que
lui ſeul eſtcapable de former.
Il eſt vrai que certe vellë me
rend la Croix fi aimable, qu'il
me ſemble que hors de la je
ne faurois être heureux . Je
regarde avec reſpect ceux que
Dieu viſite par des humilia
tions,desaverſitez de quelque
nature qu'elles ſoient, ce ſont
fans doute les favoris , pour
m'humilier je n'ai qu'à me
comparer à eux tandis que je ,
ferai dans la proſperité.
En conſiderant Jesus
CHRIST mourant ſur la Croix
j'ai trouvé que le vieil hom
me eſt encore tout vivant en
moi, & que fi Dieu ne me
foûtient d'une grande grace ,
je me trouverai aprez trente:
jours de retraitre & de medi
tation aufli, foible qu'aupara
SPIRITU'ELLE 119
vant. Il faut que Dieu falſe
un grand miracle pour me
faire mourir entiérement à
moi-même. Adhuc vivit in
me vetus homo, non eſt totus cru
cifixus, di non eft perfe &tè mor
tuus ; bella movet inteftina , nec
regnum anime patitur effe quie..
tum . l'aï remarqué que toutes
les fois qite Dieu m'a donné
cefentiment vif de mes miſe
res , & que je ſuis entré en
l'Oraifon aprés quelque fau:
te ou quelque foiblelle , qui
m'avoit fait connoître à moi
même mes imperfections, j'ai
éré conſolé ſur la fin de l'O.
saifon , & en fuis forti beau
coup plus fort , Iratus , es &
mifertus es mei , converfus eft
furor tuus , eu confolatus es me.
Cela m'arrive même hors de
l'Oraiſon , après avoir vaincu .
120 RETRAIT TE
grace de
la tentation par la
Dieu. Cela m'eſt arrivé en
celle-cij'en ſuis forti avec une
réſolution toute nouvelle de
ne donner point de quartier à.
mon amour propre , & d'être
furmes gardes contre ſes fur
priſes. J'ai demandé cette gra
ce à JESUS-CHRIST avec
beaucoup de ſentiment,en lui
expoſant mes miſeres & mes
foibletes que je découvre tous
les jours être plus grandes.
A la ſepulture. Voſant en
core combien je ſuis éloigné
d'être en l'état où Jesus
CHRIST s'eſt reduit pour
honorer ſon Pére, & pour me
fauver. Mon Dieu , ai-je dit
avec un grand ſentiment,eſt
il poſſible que tant de dou
leurs, un fiprofond anéantif
fement, une mort li cruelle ,
SPIRITU ELLÉ. 121
& fi infame , que tout cela ,
diſ-je, ait été enduré pour flé
chir vôtre colere à mon égar,
pour m'attirer vos graces &
vos benedictions, & que ce
pendant je fois encore ſi im
parfait : Pere Eterpel,n'eſt-ce
pas aſſez fait pour mefaire un
faint ? D'où vient que je ne
ne
fens pas en moi un change
ment quiſoit à beaucoup prés
proportionné à tant de tra
vaux ? Voila une grande fom-'
me , mais permettez moi de
vousle dire,il ſemble que vous
ne m'aïez pas encore donné
des graces qui répondent à ce
prix. J'attens de grands effets
du zele de vôtre Fils, mais je
ne les ſens pas encore tels
que j'ay ſujet , ce me ſemble.
de les eſperer. C'eſt peut- être
que je neveux pas les éprou
IL RETRAITTE
ver ceseffers.Mais mon Dieu,
fi cela étoic je ne vous offri
rois pas lamort de vôtre Fils
& le Sacrifice de la Meſſe,
pour les reſſentir , on n'em
ploïe pas des moïens fi puiſ
fants que ceux là quand on n'a
pas envie de rien obtenir. Il
faudroit vivre comme ſi on
étoit déja mort & enterré.
oblivioni datus ſum tanquam
mortuus à corde. Un homme à
qui on ne fongeplus, qui n'eſt
plus rien dans le monde , qui
n'eſt de rien ; voila l'état où il
faut que je ſois à l'avenir au
tant qu'il fera poffible , & que
je foûaitre d'y être entiére ,
ment en effet.
A la Reſurrection ,. Quelle
poïe pour ceux qui, avoient ,
fouffert avec Jesus- CHRIST,
& qui avoient été veritable
SPIRITUELLE. 123
ment touchez de ſes doul
leurs , comme MARIE , faint
Jean , Magdelaine , & c. Car
pour les autres , ils prennent
auffi peu de partà cette Fête ,
qu'ils en avoient pris aux tri
ftes miſtéres qui ont précedé,
Avec quel plaiſir & quelle
profuſion Dieu récompenſe
t-il les douleurs, & les igno
minies defon Fils ? Sans parler
du Ciel oùeſt fa grande gloi
re, ſurla terre , pour un Judas.
1 qui l'a vendu , combien de
millions d'hommes ſe dépouil
leront de routes choſes pour
le poſſeder, pour une ville in
gratte & facrilege qui l'a de
lavoûé pourſon Roicombien
deRoiaumes & d'Empires foll
mis à ſon pouvoir , il s'eft vell
renoncé par S. Pierre. Com
bien de millions de Martirs
124. RETRAITTE
foufriront la mort plô - tốt
que de le renoncer, combien
d'Autels pour la ſcabelette,
combien de veritables adora
tions pour les railleries des
ſoldats,de quelles richeſſes ne
révêtira -t’ on pas ſes Temples
& ſes Autels , pour ce man
teau de pourpre , pour certe
robe blanche , & c.
En meditant l'impaſſibilité
de Jesus - CHRIST . Jay exa
miné ce qui pouvoitme tou .
cher encore j'aï lenti une ex
tréme repugnance à obeïr en
certaine circonſtance ', je l'ai
vaincuë par la grace deDieu,
& je me ſens preſtà tout. J'aï
fait réflexion , qu'il eſt dan
gereuxide faire des projets
même en des choſes de pea .
d'importance , à moins qu'on
ne ſoit bien reſolu à tout quit
SPIRITUEL LE. 125
ter , pourobeir; & pourexer
cerla charité. Toute occu - i
pation qu'on quitte avec pei-
ne & qu'on aimne mieux rete
nir que de faire quelque autre
choſe oumême quedene rien
faire , lorſque Dieu le veut
ainſi , il eſt dangereux,qu'on
ny ſoit attaché humaine
ment. J'ai bien reſolu deme
tenir ſur mes gardes en ce
point. Il faut avoir cette con
ſolation avec la grace de Dieu
de n'accorder rien à la natu- :
rę.Il faut avec l'aide de Dieu,
avant que de ſe déterminer à
quoique ce ſoit,ſurquelque
propoſition qu'on mefalle, il
faut,diſ-je conſulter Dieti,
& m'accoutumer de prévenir
le mouvement que les choſes
l'ame,
élevation d'eſprit àDieu. Et i
126. RETRAIT TE
voir quel ſentiment j'en dois
avoir ſelon les regles de l'E
vangile à moins que d'avoir
ce loin , il eſt impoflible de
conſerver la paix du cæur&
, parce pas
de netomber que en
toutesles
bien
fäutes ,
choſes qui arrivent ont une
face agréable ou deſagréable
à la nature, & ce n'eſt pas par
là qu'il lesfautenviſager Pour
ne te pas faire , il n'y a pas
d'autre moien que cette mé
tode d'élevation à quoi fe rapus
porte tout ceque je viens de
marquer. nr .
Lametode deſaint Ignace
de faire un examen , ou unë
déliberation au commenče.;
>
menede chaque adtion & fur
tout de celles ou l'on eſt en
plus grand danger de faire des
fautes , cette métode , dif-je, .
S PIRITUE LLE. 127
eft incomparable , j'ai reſolu
de m'en ſervir , elle ne peut
manquerde produire avec le
tems une grande pureté &
d'entretenirune grande tran
quillité dans la conſience Ce
la n'eſt pastrop mal-aisé avec
la grace de Dieu , non plus
que l'examen qui doit ſuivre
la mémeaction . Quand on a
un grandzelede ſa perfection,
on fait cela comme naturelle
ment, & quali lansy penſer.
Le beau mot. Opus confu
maui quod dediſti mihi , utfa
cerem . Jesus & MARIE ont
pû dire cela en mourant: J'aï
remarqué que lorſque je me
determine à imiter en cela
Jesus- CHRIST toute ma vie,
je ſens que la nature eſt com
me étonnée de ce projet ,
& que je me fens plus fort
128 RETRAITTE ?
pour le faire actuellement
pour me reſoudre par exem
ple à paſſer ce mois , cette an
née , à faire tout ce que je
pourrai pour rendre mes
actions agréables à Dieu , &
les plus parfaittes qu'il ſera
poflīble, pour cela, il fautune
grande vigilance,& -la pratti
que des regles du choix& des
frequens examens joints à la
priére,pour obtenir beaucoup
de.graces a siis
A la repetition de l’Aſcen
-fion . J'ay, remarqué que JE
SUS - CHRIS T aprés avoir
ſouffert, étre mort,reſſuſcité
ſort de Jeruſalem ,monte ſur le
haut de la montagne, & aprés
tant d'épreuves détaché en
tiérement du monde & de la
terre , il s'éleye ſans peine au
Ciel . Ce qui empéche que
SPIRITUELLE. 129
nous ne le ſuivions, c'eſt que
nous ſommes encore ou vi
vans d'une vie naturelle , ou
enſevelis dans le peché , ou
engagez dans le commerce
des hommes, ou attachez à la
terre où nous trouvons 'en
core nôtre bon-heur. Saint
Paul diſoit , Converſatio nofira
in Çelis eft. Bien-heureux ſont
ceux quipeuvent dire la mê
me choſe pour moije deman
de à Dieu , de pouvoir vivre
entre le Ciel & la terre , fans
joûïr ni des plaiſirs d'ici bas
ni de ceux du Paradis , dans
un détachement univerſel,
n'étant lié qu'à lui ſeul qu'on
trouve par tout . C'eſt à nous
de nous ſouſtraire tous les
plaiſirs de la terre , du moins
de n'en prendre aucun par le
mosifdu plaiſir , en détacher
130 RETRAITTE
fon cæur ſi l'on ne peut pas y
renoncer réellement ; s'en fai
re une peine , par le deſirar
dent qu'onauroit de s'en pri
ver pour l'amour de Dieu,
pour ceux du Ciel , il faut
laiſſer faire Dieu, quiconnoît
nos forces , & qui a ſes def
ſeins, & vivre dans une gran
de indifference & tout dil
poſé à s'en paſſer.
A la meditation de l'amour
de Dieu. J'ai été fort touché
à la vellë des biens que j'ai
reçells de Dieu depuisle pre
mier moment de ma vie juſ
qu'ici , quelle bonté , quel
foin , quelle providence , &
pour le corps & pour l'ame,
quelle patience , quelle dou
ceur ! Certainement je n'aï
pas eû de peine à me donner
tout à lui , ou du moins à des
ſirer
SPIRITUELLE. 131
ſirer de tout mon cæurd'étre
à lui. Car je n'oſe encore me
flatter , d'avoir bien fait le fa
crifice; l’experience ſeule eſt
capable de m'aſſeûrer ſur ce
point. La verité eſt que je
me croirois le plus ingrat , le
plus mal-heureux detous les
hommes , li je me réſervois,
quoi que ce ſoit : Je vois qu'il
faut abſolument que je fois
à lui , & je ne pourrois ja
mais conſentir à aucun par
tage. Mais il faudra voir ſi
dans la pratique j'aurai aſſez
de force & de conſtance pour
folltenir ce beau ſentiment.
Je ſuis bien foible, il eſt im
poſſible queje le faſſe par
moi - même , je touche cette
verité. Si je ſuis fidele , mon
1 Dieu , vous en aurez toute la
gloire , &je ne ſai comment
! G
132 RETRAIT TE
il ſepourroit faire que je m'en
attribuaſſe quelque choſe. Il
faudroit bien m'oublier.
A la ſeconde meditation de
l'amour de Dieu. Dieu m'a
fait pénetrer ce me ſemble,
& voir clairement cette ve
rité. Premiérement qu'il eſt
dans toutes les créatures. Se
condement qu'il eſt tout ce
qu'il y a de bon en elles.Troi
ſiémement qu'il nous fait tout
le bien que nous recevons
d'elles , & il m'a ſemblé de
voir ce Roi de gloire & de
majeſté appliqué à nous é
chauffer en nos habits , à
nous rafraichir en l'air, à nous
nourrir dans les viandes , à
nous réjoûïr dans les fons, &
dás les objets agréables,à pro
duire en moi tous les mouve
mens néceſſaires pour vivre
SPIRITU ELLE . 133
& pour agir,quelle merveille:
Qui ſuis- je ô mon Dieu ,pour
être ainſi ſervi par vous , en
tout tems , avec tant d'alli
duité, & en toutes choſes avec
tant de ſoin & d'amour ! Il
agit de même dans toutes les
autres créatures , mais tout
cela pour moi , comme un
Intendanr zelé & vigilant,qui
fait travailler dans tous les
endroits du Roiaume pour ſon
Roi. Ce qui eſt de plus ad
mirable c'eſt que Dieu fait
cela pour tous les hommes,
quoi - que preſque perſonne
n'y penſe, ſi ce n'eſt quel
qu'ame choiſie, quelqu'ame
lainte , il faut du moins que
jy
noiffant
j'en ſois recon
penſe , que m'imagine
. Je que
comme Dieu a la gloire pour
derniere fin de toutes les
G2
1 34 RETRAITTE
actions, il fait toutes ces cho.
ſes principalement pour l'a
mour de ceux qui y penſent,
& qui admirent en cela fa
bonté, qui lui en favent gré,
qui prennent de là occaſion
de l'aimer , les autres reçoi
vent lesmêmes biens comme
par hazard & pár bonne for
tune,à peu préscomme quand
on donne une fête à une
perſonne', une ſerenade mil
le perſonnes joûïllent de ce
plaiſir, parce qu'elles ſe trou
vent dans la maiſon où eſt la
perſonne pour qui la choſe ſe
fait , à cela ſe rapporte ce que
Dieu difoit à fainte Térele
que s'il n'avoit pas fait le
monde, il le créeroit pour la
mour d'elle.
A la troiſiéme . J'ay fait ré
flexion que les Offices que
SPIRITUELLE . 135
Dieu nous rend par les créa
tures devroient nous tenir
dans une grande confuſion,
& un grand recueillement :
Quand c'eſt un valet qui nous
ſert on reçoit ſouvent le ſer
vice , en faiſant cependant
quelqu'autre choſe, on cauſe
avec une autre perſonne , on
: s'endort ; mais ſi une perſonne
qualifiée s'abbaiſſoit juſqu'à
- youloir nous ſervir , certai
nement cela nous tiendroic
fort'éveillez. , Domine tu mihi
lavas pedes. Cela eſt éton
i nant à qui a un peu compris
ce que Dieu eſt ; & ce que
nous ſommes.
Dieu rapporte inceſſain
: ment à nous l'étre , la vie , les
actions de tout ce qu'il y a de
crééedans l'Univers. Voila ſon
- occupation dans la nature , la
G 310 }
136 RETRAITTE
nôtre doit être de recevoir
fans ceſſe ce qu'il nous en
voïe de toutes parts , & de le
lui renvoïer pardesactions de
graces en le loûant, & recon
noiſſant qu'il eſt l'Auteur de
toutes choſes. J'ay- promis à
Dieu de le faire autant que je
le pourrai; C'eſt un exercice
que celui de la préſence de
Dieu , d'une utilité admira
ble , mais on peut dire que
c'eſtun don de Dieu trés fin
gulier que de le continuër
" avec cette douceur fans quoi
il deviendroit nuiſible. Or je
ne demande à Dieu que ſon
amour & la grace, & unamour
qui ait plus de ſolidité que
d'éclat, & de douceur.Ceque
j'ai promis de faire avec fa
grace , c'eſt de ne commen
cer nulle action que je ne mo
SPIRITUELLE . 137
reſſouvienne qu'il en eſt té
moin , & que c'eſt lui qui la
fait avec moi & qui me don
ne tous les moïens de la faire;
de n'en finir aucune que je
ne prenne la même penſée,
lui offrant cette action com
me lui appartenant, & dans
le cours de l'action , toutes
les foisque la même penſée ſe
préſentera de in'y arreſter
quelque tems, & renouveller
le delir de lui plaire. Sur ces
paroles , amorem tuifolum ,& c.
Je me ſuis trouvé diſpoſé, à
me paſſer toute ma vie de
toutes confolations même ſpi
rituelles , je me contente de
fervir Dieu avec une grande
fidelité, ſoit dans la fecheref
fe , ſoit méme dans les tenta
tions.
Pour recevoir comm'il faut
G 4
138 RETRAITTE
ce que je vois que la nature
appréende. Il faut bien me
reſſouvenir que ſi cela arrive ,
je lay demandé à Dieu. C'eſt
une grande marque qu'il m'ai
me, & j'ai grand ſujetde tout
eſperer de la bonté . C'eſt une
ſuite qui me confirmera dans
la douce penſée ,que ce qui
eſt arrivé juſqu'ici, eſt arrivé
par une providence bien par
ticuliere , Je fais væu de l'ac
cepter , comme je ferois la
choſe du monde la plus agréa
ble fans rien témoigner àqui
que ce ſoit des inclinations
de la nature .

Abſit mihi vel gloriari , vel


latari niſi in cruce Domini noftri
Iefu Chriſti.
Mihi autem pro minimo eft
ut à vobisjudicer , aut ab hu
SPIRITUELLE. 139
mano die ; qui autem me ju .
dicat Dominus eft.

- , Vivre au jour la journée.


Eſperer qu'on mourra dans
l'occupation qu'on a entre
les mains,
Les perſonnes vraiment
humbles ne fe fcandali ent
de rien , parce que leur foi
bleſſe leur eſt parfaittement
connuë, ils ſe voient eux mê
mes fi prés du précipice , &
craignent ſi fort d'y tombet,
qu'ils ne s'étonnent pas que
les autres y tombent.
Quel honneur , à précher
s'ilne plaiſt pas à Dieu queje
le faſſe , diſoit le P.B. Alvarez,
& qu'y a -t-il de bas dans les
emploïs les plus vils , ſi je plais
à Dieu en m'y occupant ?
A quelque prix que ce ſoit
G5
140 RETRAITTE
il faut que Dieu ſoit con
tent.

Il eſt étrange combien d'en


nemis on a à combattre du
moment qu'on forme la ré
ſolution de ſe faire un ſaint.
Il ſemble que tout ſe déchaî
ne, & le demon par ſes artifi
ces ; & le monde par ſes at
traits, & la nature parla réſi
ſtáce qu'elle oppoſeà nos bons
deſirs. Les loûanges des bons,
les railleries des méchants,les
follicitations des tiédes. Si
Dieu vous viſite la vanité eſt
à craindre, s'il ſe retire la ti.
midité, ledeſeſpoir peut ſuc
ceder à la plus grande fer
veur. Nos amis nous tentent
par la complaiſance que nous
avons coûtume d'avoir pour
eux les indifferens par la
crainte de leur déplaire.L'in.
SPIRITUE L'IE. 141
diſcretion eſt à craindre dans
la ferveur , la ſenſualité dans
la moderation & l'amour pro
pre par tout. Que faire donc.
Non eft alius qui pugnet pro no
bis niſi tu Deus nofter ? Nefcien
tes quid agere debeamus , hoc
unum habemus refidui, ut ocua
los noftros dirigamus ad te. Sur
tout la ſainteté ne conſiſtant
pas à être fidele un jour ou
une année , mais à perſeverer
& croître juſqu'à la mort . Il
faut que Dieu nous ferve de
bouclier , mais d'un bouclier
quinousenvironne,parce que
c'eſt de toutes parts qu'on
nous attaque , ſcuto circumda
bit te. Il faut que Dieu faffe
tout. Tant mieux il ne faut
s
pas craindre qu'il manque à
rien . Pour nous nous n'avons
2
qu'à bien reconnoître notre
,, 142
1
RETRAITTE
impuiſſance, & à être fervents
& conſtans à demander du
ſecours par l'interceſſion de
MARIE , à qui Dieu ne refu
fe rien , mais cela même nous
ne le pouvons qu'avec une
grande grace, ou plûtôt avec
pluſieurs grandes graces de
Dieu.
Il me ſemble que je ſens
un peu plus de force par la
miſericorde infinie de notre
Seigneur contre les tentations
de vaine gloire. Les mêmes
objets ſe préſentent,mais avec
bien moins de force , ils ne
font plus tant d'impreſſion. Ils
commencent àmelaſſer & à
me paroître moins charmans;
les raiſons qui en font voir la
vanité me perſuadent bien
mieux , qu'elles ne faiſoient
autrefois. Cela eſt ſur tout
SPIRITUELLE , 143
arrivé depuis que je fis un
propos ſincere d'y renoncer
entierement par une voie ex
trêmement efficace & infail
lible , la réſolutionen fut tou
te formée en mon eſprit , & il
n'eût pas tenu à moy avec la
grace de Dieu que je ne l'euf
fe exécutée,dés le lendemain ,
ſi comme je l'avois prévell on
ne m'euft fait connoître que ศ
je ne devois pas m'y attendre .
Quando bene erit fine illo aut
quando male cum illo.
Quand on ſent dans la prié
re certaine inquiétude qui
fait qu'on trouve le tems
long , par l'impatience où l'on
eſt de paſſer à quelqu'antre
occupation , on ſe peutdire à
foi-même avec profit. Eh
quoſ mon ame tu t'ennuïes ;
144 RETRAITTE
avec ton Dieu ? tu n'es pas
contente de luy ? Tu le poſte
des & tu cherches quelqu'au
tre choſe ? Où peux -tu être
mieux qu'en fa compagnie ?
Où peux - tu faire un plus
grand profit ? J'ai experimen

que cela calme l'eſprit, &
l'unit à Dieu .
Comme la perfection con
filte à chercher en tout à
plaire à Dieu , & à ne plaire
qu'à Dieu , j'ay éré convain
cu d'une maniere plus forte
qu'à l'ordinaire , qu'il ne faut
pas balancer dans les occa
fions, où l'on peut plaire à
Dieu , quoi-qu'en déplaiſant
aux hommes,& aquerir quel
que eſtime auprés de lui en
perdant quelque choſe de
celle que les hommes ont pour
nous. C'eſt pourquoi j'ay re
SPIRITUEL LE. 145
3
folu de ne point balancer dans
les occaſions qui ſe préſente
ront de m'humilier & de me
faire connoître aux hommes
tel que je ſuis, & que j'ai été;
je n'y aurai pas de peine , fi
Dieu me fait la grace de me
faire reflouvenir que moins
on eſt eſtimé des hommes
plus on l'eſt de Dieu , & que
c'eſt à lui ſeul que je veux
plaire. Quand je paſſerois
pour un ſcelerat , & que cet . '
te réputation n'aumenteroit
pas mes mérites, je la devrois
conſiderer comme une choſe
indifferente, vell que ce n'eſt
pas auprés des hommes que
je veux faire fortune ; mais
ſi cela m'avance auprés de
Dieu je le dois confiderer
comme un grand bien.
J'ay encore compris que
146 RETRAITTE
c'eſt un grand bon -heur d'ê
tre tout à Dieu, veû ſa gran
deur infinie. Dieu nous ho
snore bien de nous appeller à
la ſainteté. J'ai compris cela
par la comparaiſon d'un Roi
qui choiſit un de ſes ſujets,
pour être uniquement à lui,
& qui ne veut pas qu'il rende
aucun ſervice à qui que ce
foit , ſi ce n'eſt à ſa propre
perfonne , qui veut avoir tou
te fon amitié , ſur tout ſi le
- Prince eſt d'un grand mé
rite.
On aime le Roi quoi-qu'on
ne l'ait jamais vell , qu'on ne
le doive jamais voir, quoi
qu'il ne nous aime point,qu'il
ignore nos ſentimens , qu'il
ne nous connoiſſe pas , & que
quand il nous cõnoîtroit, ilne
deuſt faire nul érat de nous.
SPIRITUELLE. 147
Et Dieu que nous ne vožons
pas à la verité , mais que nous
verrons éternellement qui
>

nous voit , qui nous aime, qui


nous fait du bien , qui eſtté
moin de toutes nos penſées,
nous ne pouvons pas l'aimer.
C'eſt que le Roi eſt nôtre
maître. Et Dieu ne l'eſt - il
pas, & de plus nôtre créateur,
& nôtre pere, & c. ?
Si Die ! regne en nous, tout
lui obéïra , tout s'y fera au
moindre de ſes commande
mens >rien ne s'y fera que
par ſes ordres. De plus on
tâchera de lui plaire en tou
tes choſes, on étudiera ſes in
clinations , on ira au devant
de ſes deſirs , on fera toûjours
& en tout ce qu'on croira de
voir lui plairedavantage , car
ce ſont les deux choſes qu'on
148 RETRAITTE
a à l'égar desRois , une ſoll
miſſion aveugle, & une extrê
me complaiſance , faire ce
qui plaît à Dieu , & ce qui lui
plaît davantage .
La Grace de Dieu eſt une
femence , qu'il ne faut pas
étouffer , mais qu'il ne faut
pas auſſi trop expoſer. Il faut
la nourrir en fon cour , & ne
la pas trop faire paroître aux
yeux des hommes. Deux ſor-
tes de graces petites en appa
rence & d'où néanmoins
peut dépendre, & nôtre per
fection , & nôtre ſalut. 1º. Une
lumiere qui nous découvre li
une verité , il faut la réc 12
lir foigneuſement , & prun
dre garde qu'elle ne s'éteigne
par nôtre faute , il faut s'en
ſervir comme d'une regle ,
dans toutes nos actions , voir
SPIRITUELLE 149
à quoi elle nous porte, & c.
2º . Un mouvement qui nous
porte à faire quelque action
de vertu en certaines occa
fion il faut être fidele à ces
s,
mouvemens, parce que cette
fidelité eſt quelque fois le
næü de notre bonheur. Une
mortification que Dieu nous
inſpire en certaines circon
1 : { tances; ſi on écoute ſa voix,
produira peut- être de tres
grands fruits , & la ſainteté
o en nous , au lieu que le mé
pris qu'on feroit decette pe
Etite grace , pourroit avoir de
e tres funeſtes conſequences ,
comme il eſt arrivé que des
favoris ſont tombez en dif
grace, pour avoir manqué de
complaiſance en de tres peri
tes choſes.
Aïant fouffert avec cha
150 RETRAITTE .
grin une petite mortification
à quoi je ne m'attendois pas;
? j'en ai eû une tres grande
. confuſion ;reconnoiffant par
là le peu d'amour que j'ai pour
la croix, de ſorte que j'ai lieu
de croire que titous
s
les defirs
es
que j'ai reſſen en diverſ
occaſions de ſouffrir & des
douleurs & des humiliations ,
ont été des deſirs apparens ,
ou du moins que j'ai enviſagrée
dans ces maux quelqu'aut
choſe que Dieu & la Croix
de Jesus - CHRIST ; a cette
confuſion , nộtre Seigneur
continuant par la miſericor
de infinie , à prendre occa
fion de mes propres ingrati
tudes de me faire de nouvel
14

les graces , nôtre -Seigneur,


dis -je, a fait ſucceder à cette
confuſion , une lumiére qui
SPIRITUELLE. ISI
in’a fait comprendre quee l'a
mour de la Croix eſt le pre
mier pas qu'il faut faire pour
lui être agréable ; que je ſuis
encore à commencer , puis
que je ſuis ſi éloigné des fen
timens des Saints, qui ſe ré
joùäfſoient des occaſions que
Dieu leur envoïoit de ſouf
frir. Quelle lâcheté à la vellë
du Seigneur ; recevoir en
grondant une petite mortifi
cation qu'il nous préſente.
Toutes ces penſéesont pro .
duit en moi, je ne ſai quelle
force que je n'avois point au
paravant , pour eſſuier tout
ce qui ſe préſentera , & mê
me pour rechercher ce qui
ne ſe préſentera pas. Il me
ſemble que cela m'a gueri de
je ne ſai quelle timidité, de ,
certaine délicateſſe qui me
132 RETRAITTE
faiſoit appréender eritre au
tres choſes la rigueur de la
ſaiſon , & aimer certains fou
lagemens dont on peut ſe pal
ſer fans grand peril. Loûée
foit éternellement la bonté
infinie de mon Dieu , qui
bien loin de me punir de mes
fautes comme je le mériterois,
m'y fait trouver au contraire
de ſi grands tréſors de gra
ces.
Le jour de S.André, o bona
Crux. J'ai été touché de voir
ce Saint ſe proſterner ſubite
ment à la veûö de la croix ,
ne pouvoir retenir ſa joïe &
la faire éclatter par des paro
les ſi paſſionnées Bona , utile,
honorable , agréable : C'eſt
tout ſon bien , c'eſt l'unique
bien dont il eſt touché. Diu
defiderata , non - ſeulement il
SPIRITU ELL E. 153
la defiroit , mais avec ardeur,
d'où venoit que le tems lui
duroit , Diu follicitè amata
L'amour ne peut être ſans foll
ci , ce Saint recherchoit la
croix , avec l'empreſſement
& la crainte d'un homme qui
appréende de ne trouver pas,
quine peut trouver aſſez tôt;
auffi diriés-vous qu'il a trou-
vé un tréſor dés qu'il la ren
contre; le tranſport qu'il fait
paroître eſt d'un amant pof
ſedé d'un amour extrême. Sin
ne intermiſſione quaſita. Voila
nôtre regle , & ce fut par là
qu'il mérita de la trouver. Et
aliquando , ce mot marque
un grand deſir. Il falloit qu'il
aimaſt bien Jesus Christ
pour trouver tant de plaiſir
en la croix. On aime ſous
vent les hommes pour les
154 RETRAITTE
biens qu'ils poſſedent, mais
aimer leurs miſeres pour la
mour d'eux , cela eſt inoûï,
c'eſt merveille ſi on ne les
haït pas à cauſe de leurs mi
ſeres: Majorem charitatem ne
mo habet quam ut animam po
nat pro fratribus fuis , mais il
y a des degrez en ce facrifi
ce , car mourir avec cette
joïe, avec cér empreſſement,
c'eſt un amour incomparable.
Quelle foi !
Le jour de ſaint François
Xavier. Ce Saint parloit de
Dieu en toutes rencontres, à
toutes ſortes de perſonnes.
Sa premiére penſée quelque
part qu'il ſe trouvaſt;quel fer
vice puis-je rendre à mon pro
chain : il y a cent occaſions
de porter les hommes à Dieu,
& ſouvent on y réüſlit mieux
que 1
SPIRITUELLE. Iss
que par la prédication ; per
ſonne ne s'entretenoit avec
Bercmans qu'il n'en fuſt tout
enflammé. Du moins ajons
5
ce zeleles uns pour les autres.
Dequoi nous entretenons
nous avec les Seculiers , dans
nos recréations, parlons-nous
en Jeſuites. Je parle peu de
vous, mon Dieu ! c'eſt queje
penſe peu en vous , c'eſt que
je ne vous aime gueres .
Nous le pouvons par l'e
xemple. Bercmans , le bien
heureux Louis de Gonzague,
le Frere Alphonſe Rodri
gues ; par nôtre modeſtie en
vers les étrangers , envers les
domeſtiques par la regularité,
par la pratique de toutes les
vertuis. Ne ſuis -je point au
contraire une pierre de ſcan
dale , ſi l'on ſuivoit mon exem
H
156 RETRAITTE
ple, y.auroit-il de la regula
rité , de la mortification dans
la Maiſon . Il ne tient pas à
moi que la Compagnie ne
ſoit une aſſemblée de gens
fort libres & fort ſenſuels.
Nous le pouvons par nos
priéres & par nos bonnes au
vres. La prédication eſt inu
tile ſans la grace , & la grace
ne s'obtientque par les prie
res. Saint Xavier commen
çoit toûjours par là , témoin
ce Carême entier qu'il paſſa
dans de fi horribles auſterités,
qu'il en fut malade un mois
durant , pour obtenir la con
verſion de trois ſoldats qui vi
voient dans le deſordre. En
effet , ſans cela auroit - il fait
tant de fruit ? Tant de prédi
cateurs lui ont ſuccedé , qui
n'ont pas moins préché quoi
I
7
SPIRITUELLE. 157
qu'ils aïent moins fructifié.
Il у a fi peu de converſion
parmi les Chrétiens , c'eſt
qu'il y a peu de perſonnes
qui prient , quoi qu'il y en
ait beaucoup qui préchent.
Que ces priéres ſont agréa
bles à Dieu . C'eſt comme
quand on prie une mere de
pardonner à ſon fils.
L'obéiſſance de S. Xavier
paroît bien digne d'admira
tion , on lui parle de faire un
voſage de ſix mille lieuës , il
eſt preſt auſſi -tôt qu'on lui en
*parle. Saint Ignace lui dit
fimplement , il y faut aller.
Il ne ſe défend pas un feul
moment ; Il faut quitter tous
ſes amis , ſes parens, lesdou
ceurs de la patrie , aller tout
ſeul en un autre monde . Il
ne fautpoint de diſcours pour
H 2
158 RETRAIT TE
le lui perſuader. Il part ſans
viatique , ſans équipage, ſans
livres , &c. Obeï- je ainſi,
fuis je preſt de le faire , eſt
ce qu'on me comınande des
choles plus difficiles. J'ai fait
yeu , il n'en avoit pas encore
fait: n'eſt-ce pas de la partde
Dieu qu'on me parle ?
Il le fait avec joïe , il ſe
jette aux piés de S.Ignace : il
s'eſtime heureux quecechoix
ſoit tombé ſur lui , il l'en
remercie . C'eſt une occaſion
d'un grand mérite , il croit
que Dieu lui parle par fa
bouche. Et nous murmurons
fi l'on nous commande des
chofes difficiles ou contrai
res à nos inclinations , nous
les faiſons en grondant , nous
croïons que le Superieur nous
en veut , nous lui en fayons
1
SPIRITUELLE. 159
mauvais gré. Cependant il
faudroit conſiderer cela com
me une grace , nous n'obéiſ
fons quequand on nous com
mande ce qui nous plaiſt,
nous le faiſons parce qu'il
nous plaiſt , & non parce
qu'il eſt commandé .
Il ſoumet ſon jugement.
Quelle apparence de rappel
en Europe l’Apôtre des In
des , l'appui de la Religion
dans la moitié du monde , &
dans le tems qu'il est ſur le
point d'entrer dans la Chine,
expoſer une vie ſi précieuſe,
il n'y a pas de raiſon ;‫ ز‬auſti
n'en attend - t'il pas. Hé nous,
quand nous ſommes dans un
lieu où nous ſommes bien ,
où nous croïons bien faire ,
dans un emploi où nous réüſ
fiffons , dans une maiſon où
Η 3
160 RE TRAITTE
nous ſommes utiles ; que ne
diſons-nous pas contre les or
dres qui nous appellent ail
leurs ? C'eſt pour lors qu'il
faut obéir , c'eſt Dieu qui
agit alors , contre toute rai
fon humaine , pour des rai
ſons qui nous font inconnuës
mais trés avantageuſes. Le
mal eſt que nous ne nous
fions pas à lui. Mais cét air,
mais ce ſuperieur, cette oc
cupation ;‫ ز‬allez au nom de
Dieu , Omnem folicitudinem ve
ſtram projicientes in eum , quoe 1
niam ipfi eft cura de vobis.
Saint Xavier s'eftimoit in .
digne de rien obtenir de Dieu
par lui même , il emploïoit
les mérites de ſaint Ignace ,
les priéres de ſes freres, cel
les des petits enfans ; il ſe
croſoit un grand pecheur , &
SPIRITUELLE . 161
attribuoit à ſes pechez lesob :
ſtacles qui s'oppofoient à la
propagation de la Foi , & c'é
toit par un veritable ſenti
ment d'humilité ; Quelmira
cle , que l'humilité en un ſi
grandhomme! mais l'orgueil
en nous n'eſt-il pas encore un
1 plus grand miracle ? Qu'a
vons-nous fait de compara
ble à ce qu'a fait ce grand
homme ? Quelle difference
en la maniére de faire les mé
mes choſes ? Quelle confu
fion de nous voir ſi differens
mais ſi nonobſtant cette dif
ference nous avons de la va
nité , c'eſt un ſujet de confu
fion encore bien plus grand.
Il eſtimoit les autres , faint
Ignace ceux qui lui écri
voient d'Europe , les autres
Eccleſiaſtiques, il faiſoit cas
H 4
162 RETRAIT TE
de tout le monde , leur par
loit avec une douceur & une
bonté admirable , les ſervoit,
leur rendoit les plus vils offi
ces , nous n'avons ſujet de
mépriſer perſonne. Unhom
me humble ne voit que ſes
défauts , & c'eſt une marque
de peu de vertu de remarquer
lesimperfections d'autrui, tel
eſt imparfait aujourd'hui qui
dans peu de jours ſe recon
noiſſant s'élevera à une haute
ſainteté. De plus, nôtre re
gle nous oblige de regarder
tous les autres commenos Su
perieurs. Inde honor , reve
rentia , prompta ad ferviendum
unicuique voluntas.
Qand on ſe connoît bien
miſerable, on ne trouve point
mauvais qu'on nous mépriſe,
parce qu'on voit que cela eſt
SPIRI TUELLE . 163
juſte ; c'eſt pourquoi faint
Xavier recevoit avec patience
& même avec une joïe trés
grande les mépris & les ou
trages des Bonzes , ne s'em
portant jamais , leur répon
dant avec douceur. Un pau
vre mandiant ne fe trouble
point de voir qu'on le refuſe,
qu'on ne le faluë point, qu'on
lui donne le rebut de toutes
choſes ; un homme humble
quelque mauvais traittement
qu'on lui faſſe, croit qu'on lui
fait juſtice. Les hommes ne
m'eftiment pas , ils ont rai
fon , ils conviennent en cela
avec Dieu & les Anges. Un
homme qui a mérité l'enfer,
trouve que le mépris lui eſt
bieu deu.
Mirabilis Deus infan &tisfuis.
Alagnificus in ſanctitate. Ce
HS
164 RETRAITTE ,
n'eſt pas faint Xavier que j'ad
mire , c'eſt Dieu qui peut
faire de fi grandes choſes
d'un homme, de ſi grandes
choſes dans un homme, de fi
grandes choſes pour un hom
me ; C'eſt - à -dire l'élever à
une ſi grande vertu. Lui don
ner un fi grand don de con
templation , & faire de fi
grandes converfions & de fi
grands miracles. Cela m'a
donné ce me ſemble une gran
de idée de Dieu , & m'a fait
comprendre que c'eft une
grande gloire de le ſervir. Il
eſt étrange qu'on néglige le
ſervice d'un li grand Maîtfe !
que ſi peu de perſonnes veuil
lent ſe devoûër eptiérement
à lui. Quel prodige que de
converſions qui devoient être
fi difficiles, & qui fe fontfaiz
SPIRITUEL LE. 165
tes en ſi peude tems , par un
étranger, un pauvre mal vê
tu , qui fait ſes courſes à pié
tout ſeul, qui ignore le lan
gage des Nations qu'il pré
che ! Céc homme fait chan .
ger de mours & de religion
aux Rois , aux fayans , aux
peuples , à la moitie du mon
de en dix ans , à des peuples
ſéparez par des diſtances fi
effroïables, qu'il ſemble in.
croïable qu'il lesait peu par
courir dans un ſi petit eſpace
de tems. J'ai conçeûun grand
defir de la converſion de ces
peuples abandonnez. J'ai prié
Dieu que ſi c'étoit ſa volonté,
que j'allaſſe leur porter la lu
miére de l'Evangile,qu'il enſt
la bonté de m'en ouvrir les
voïes , ſinon qu'il ſe formaſt
des ouvriers dignes d'un fi
166 RETRAITTE
grand honneur , dont je vois
bien queje ſuis tout-à - fait in
digne.
Je me ſuis ſenti porté à tra
vailler à faire connoître & ai
mer Dieu en toutes les ren
contres,& par tous les moïens
poſſibles à ma foibleſſe ſoûte
nuë de la grace de Dieu ,
fortifiée par les exemples de
ce grand Saint , & la puiſ
ſante interceſſion auprés de
mon Dieu . Car lui ai- je dit
ſi vous avez eû tant de zele
pour un barbare & un incon
nu que vous êtes allé cher
cher au bout du monde , re
buterez-vous un de vos fre
res , négligerez-vous ſon fa
lut : aidez -moi grand Apôtre
à me fauver , & je n'oublie
rai rien pour aider au falut
des autres. Tout d'un coup
SPIRITUELLE, 167
il s'eſt fait un grand jour dans
mon eſprit, ilmeſembloit de
me voir couvert de fer & de
chaînes , & traîné dans une
priſon , accuſé , condanné,
parce que j'avois prêché Je
sus crucifié & del-honnoré
par les pecheurs. J'ai à niê
me tems concell un grand de
fir du ſalut des miſerables qui
font dans l'erreur , il me fem
bloit que je donnerois volon
tiers juſqu'à la derniere gou
te demon ſang,pour tirer une
ſeule ame de l'Enfer , quel
bonheur pour moi , fi je pou
vois à l'heure de la mort dire
à Jesus - CHRIST , vous avez
verſé vôtre Sang pour le ſalut
des pecheurs, & j'aiempéché
que tel & tel ne le le rendif
ſent inutile ; mais que dirai
je moi - même ſi fongeant a
168 RETRAITTE
convertir les autres, je neme
convertis pasmoi-même,eſt .
ce que je travaillerai pour
peupler le Paradis, & j'irai
remplir l'Enfer , non mon
Dieu vous êtes trop bon ,vous
m'aiderez à me fauver , vous
me fortifierez dans les tra
vaux par leſquelsje veux bien
mériter le Paradis. Eſt-ce
que je dois mourirpar la main
d'un bourreau , dois-je être
def -honnoré par quelque ca
lomnie , ici tout mon corps
friſſonne, & je me ſens com
me faiſi d'horreur , Dieu me
jugeroit-il digne de ſouffrir
quelque choſe d'éclatátpour
fon honneur & pour fa gloire.
Je n'y vois point d'apparence,
mais fi Dieu me faiſoit cét
honneur, j'embraſſerois de
bon cæur quoi que ce fuft ,
SPIRITUELLE. 169
priſon , calomnie , opprobre ,
mépris, maladie , tout ce qui
fera de ſon goût , & il n'y a
quenos fouffrances qui lui
plaiſent. Je ſens, je ne ſai ſi
je me trompe, mais il me ſem
ble que Dieu me prépare des
maux à fouffrir , envoïez - les
cesmaux , mon aimable Sau
veur ! Procurez lesmoigrand
Apôtre, & éternellement j'en
remercierai Dieu , & vousen
loûërai. Beati eritis cum vos.
oderint homines de vos perfecum
ti fuerint. Envoïez - les-moi
Seigneur ces maux , je les
fouffrirai valontiers.
Le jour de la Conception
immaculée de la Sainte Vier
ge , j'ai refolu de m'abandon
ner tellement à Dieu qui elo
toûjours en moi & en qui je
fuis & je vis queje neme met
170 RETRAITTE
te nullementen peine de ma
conduite ,5 non ſeulement ex
terieure,mais mêmeinterieu
re , repoſant doucement en
tre ſes bras, ſans craindre ni
tentation , niilluſion , ni prof
perité , ni averſité , ni mes
mauvaiſes inclinations, ni mes
fantes mêmes , eſperant qu'il
conduira tout par ſa bonté &
fa ſageſſe infinie , de telle for
te que tout réüſſira à ſa gloi
re . De ne vouloir ni être ai
mé , ni être ſoûtenu de per
ſonne , voulant avoir en lui
& mon pere & ma mere , &
mes freres & mes amis, & tout
ce qui pourroit avoir pour
moi quelque ſentiment de
tendreſſe. Il me ſemble qu'on
eſt bien à fon aiſe en un azile
fa feûr & ſi doux , & que je
n'y dois craindre ni les hom
SPIRITUELLE. 171
mes, ni les demons , ni moi 3

mêine , ni la vie , ni la mort.


Pourveû que Dieu m'y ſouf
fre je ſuis trop heureux. Il
me ſemble qu'en cela j'ai trou
vé le fecret de vivre content,
& que deſormais tout ce que
je craignois dans la vie ſpiri
tuelle ne me doit plus faire de
peur.
Pourquoi une ſi grande pu
reté dans Marie ? parce qu'el
le devoit loger le Fils de Dieu
en ſes entrailles. Si elle n'euſt
pas été plus pure que les An
ges , le Verben'auroit pû ve
nir en elle avec bienſéance.
Il n'y ſeroit pas venu avec
plaiſir ;‫ ز‬il n'y auroit pû ap
porter ces dons précieux
dont il la remplit au moment
qu'il fut conçeâ en elle. Nous
recevons dans le faint Sacre
172 RETRAITTE
ment de l'Autel le même Je
sus - CHRIST que Marie a
porté neufmoisdans ſon ſein.
Quelle eſt nôtre pureté ?
Quel ſoin prenons - nous de
préparer notre ame ? Que
d'ordures : nous faiſons des
fautes la veille , le jour , dans
l'action même. " Il vient tou
tefois ! Quelle bonté ! Nous
allons à lui, quelle témerité.
Exi à me Domine quia homo
peccator ſum . Mais ce Dieu
de bonté vient -il avec plaiſir,
examinons quels doivent être
ſes ſentimnens. N'eſt -il point
rebuté par la vellë d'une fi
grande corruption ? & nous
allons hardiment , impudem
ment à lui fans confuſion ,
ſans contrition , ſans peniten
ce. Je veux tâcher de prépa
rer mon cøur de telle forte
1
SPIRITÚ ELLE, 173
que vous y preniez plaiſir,
que vous y trouviez vos dé .
lices , ô mon Dieu ! pour ne
point m'oppoſer aux graces
immenfes que je recevrois ,
ſi j'avois foin de me purifier,
ſi je favois ce que je perds.
Mais , mon Dieu , que mon
ignorance juſtifie peu ma né
gligence. Ignore - je ce que
la bienſéance exige de moi,
. quand je dois traitter avec les
] hommes, outre ce qu'on m'en
1 a appris & fait ſuccer , pour
ainſi dire , avec le lait, com
bien de réflexions , combien
de tems perdu à m'en inſtrui
re , & tout cela pour plaire
à qui un moment aprés ſe
1
môque de mois & je n'ai peut
être jamais bien penſé à ce
que je dois éviter pour ne vous
pas déplaire. Que dis-je, ja
174 RETRAITTE
mais bien penſé à ce qui eſt
de mon devoir envers vous ?
y ai - je ſeulement penſé ?
Qu'attens - je ingrat & infi
delle! que vous ſongiez à moi,
& quand eſt - ce que vous
avez ceſſé de le faire ? At
tendrai - je que mes égare
mens vous obligent à ne pen
fer plus à moi! Hélas mon
aimable Sauveur n'y aïez pas
égar, je vous ai donné tànt
d'occaſions de m'oublier , de
me mépriſer, & de ne vous
ſouvenir de moi que pourme
précipiter dans les Enfers.
Vous ne l'avez pas fait Dieu
de bonté , je vousen remer
cie , & veux bien à l'avenir
vous mieux faire ma cour ,
je me mettrai par mes ſoins à
me purifier en étatde profi
ter de vos viſites , & vous
SPIRITUELLE. 175
engager à venir à moi avec
plaiſir. Venez -y mon Dieu,
& vous trouverez avec vôtre
fainte grace mon çæur plus .
pur & plus net , mais ſi une
fois il vous plaît , enlevez -le
grand Dieu , de- peur que les
créatures ne vous le déro
bent. Je n'y conſentirai ja
에 mais , parce que je ne veux
être qu'à vous , je me crains
I pourtant & plusque mes plus
e redoutables ennemis. Je me
IS confie uniquement en vous.
ne Omnia poffum , je dirai encore,
3 de audeo in eo qui me confor
tat. Faiſant réflexion hier à
loir aprés mon oraiſon à ce
qui avoit preſqu'ébranlé mes
réſolutions, j'ai reconnu que
je n'avois pas encor’ étouffé
cette vaine crainte des hom
IS mes , je veux dire le reſpect
176 RETRAITTE
humain , & que quoi-que
par un grand effet de votre
infinie mifericorde mon Dieu :
je me ſois bien tiré d'affaire
en plufieurs rencontres aidé
de vôtre grace toute puiſſan
te ', je reconnois pourtant ma
miſere , & je ſens que c'eſt
vous feul qui faites en moi
tout le bien ; je vous offen
cerois à tout moment & trés
grievement , fi vous neme
tendiez la main pour me tirer
du bourbier, oùmes inclina
tions me porteroient , & où
mon naturel trop complai
fant m'engageroit , ſi vous
n'uſicz à mon égar de ce do
maine que vous avez ſur tou
tes les créatures. Mais ,mon
Dieu , quelles actions de gra
ces vous rendrai -je pourtous
les biens que vous me faites,
SPIRITUELLE. 177
10
quelque indigne & quelque
ingrat que j'en ſois , je vous
en loûërai, mon aimable Saul-,.
veur , & je publierai par tout
que vous êtes le ſeul qui de
vez être aimé , fervi & loûé.
Pour m'établir dans cette ve
rité , vous m'avez fait con
noître que le reſpect humain
nous faiſoit faire le mal de
peur de déplaire aux hom
mes, qu'il nous fait omettre
le bien de-peur de ne plaire
pas aux hommes , qu'il fait
que nous faiſons le bien pour
다. plaire aux hommes. En effet,
je m'apperçois que de-peur
de déplaire aux hommes, on
donne ſans congé , on rompt
le ſilence , on entend médire
& murmurer , & l'on n'aver
tit pas les Superieurs quand
on le doit. Chofe étrange ,
178 RETRAITTE
qu'on aime mieux s'attirer
l'indignation de Dieu , que
de s'expoſer à fâcher un hoin
me . Cui fimilem me feciſtis.
Confuſion, douleur , propos à
la veĝo de Dieu , nonobſtant
.

ſes menaces& ſes promeſſes.


Qu'attends-je de cet homme ?
qu'en crains-je ? N'eſt - il pas
yrai qu'il n'eſt pas poſſible
que dans la Religion ,on n'ait
ſouvent de bons deſirs ? Mais
il eſt étrange que ſouvent on
manque de les exécuter par
la crainte des hommes. Que
dira-t-on , ſi je veux faire l'e
xact , le devot , le mortifié.
J'ai pris un certain train de
vie , ſi c'étoit à recommencer
je ferois autrement ; mais je
paſſerai pour bigot , je fe
rois bien cela & cela, ſi j'ofois,
qui me erubuerit coram homini.
bus
SPIRITUELLE. 179
bus , & Sainte Frontine , ita
timebat Deum ut ab hominibus
timeretur : Aurai- je moins de
force , de connoiſſance & de
réſolution que le Frere Xi
menes qui allant ſe faire Je .

ſuite fit ce væu : Promitto tibi


Deus meus , nihi
nihill me factu
rum quod nonfit amoris tuicau
sâ. Ego enim neſcio quò eam,
ut alicui ſerviam niſi tibi, qui
es Deus meus ac Dominus meus,
Si nous ne ſommes ſur nos
gardes nous perdons preſque
toute la vie par le deſir de
plaire aux hommes. Quelle
obligation leur avons- nous ,
quel bien eſt -ce que nous en
attendons ? nous ſommes en
cela plus malheureux & plus
mépriſables que ceux quitra
vaillent pour gagner de l'ar
gent . Mais quelle eſt mon
I
180 RETRAITTE
erreur ! ces hommes que je
crains follement dans la Re
ligion , s'attendent à me voir
pratiquer tout le bien que
j'appréende de faire à leur
vellë , & ils me traittent de
fou & d'inſenſé , quand j'y
manque ; Ils le ſavent que
c'eſt pour être vertueux ,devot
&mortifié,que je me ſuis reti
rédu mode, & ils voient que je
ne le ſuis pas. Voila un extra
vagant, diſent-ils , qui s'éloi.
gne de la fin ; s'il vouloit vi
vre de la ſorte , que n'eſt -il
reſté dans le monde , où il
auroit peû être fans crime, ce
qu'il eſt avec danger de ſe
perdre dans la Religion. C'eſt
ce que jugent de moi ceux
dont je crains les jugemens:
Neſuis-je pas bien miſerable
mon Dieu de vous déplaire ,
SPIRITUELLE 181
& ne plaire pas aux hommes,
fi j'en faiſois autant pour vous ,
vous me jugeriez favorable
ment , & les hommes n'au :
roient pas le mépris qu'ils ont
de ma conduite : car enfin ,
tout homme de bon ſens eſti
me la vertu , vouluſt - il ne
la pratiquer pas.
Quand je conſidere mon
inconſtance je fremis & je
crains d'être du nombre des
reprouvez. Mon Dieu , quel
deſordre , quelle révolution,
tantôt je ſuis gai, tantôt tri
ſte : aujourd'hui on careffe
tout le monde, demain on fera
comme un hériſſon qu'on ne
ſauroit toucher fansêtre pi
3 marque de peu
qué. C'eſt unemarque
B de vertui , c'eſt que la nature
2 regne encore en nous, quenos
paſſions ne font nullement
I 2
182 RETRAITTE
mortifiées. Un homme vrai
ment vertueux eſt toûjours le
même ; li je fais quelquefois le
bien , c'eſt plûtôt par humeur
que par vertu . Unhomme qui
eſt appuie ſur Dieu quieſt im
mobile , ne peut être ébranlé,
diſoit le P. Caraffe. Quoi
qu'il arrive de fâcheux , on
eſt content , parce qu'on n'a
pas d'autre volonté que celle
de Dieu. O Bien -heureux
état , ô paix , ô calme : il faut
combattre pour y arriver.
Je le reconnois, inon Dieu ,
& mon experience ne me
l'apprend que trop qu'on eſt
bon un jour , & l'autre mau
vais , qu'on ſe relâche inſen
ſiblement ‫ ;ز‬d'où vient que je
ne ſuis plus ce que j'étois au
novitiat ? Eſt - ce que nous
croïons avoir aſſez fait pour
SPIRITUEL LE. 183
païer Dieu , & le Paradis ?
comparons-nos mérites à ceux
des Saints ? Nous avons re
çeûde nouvelles graces,donc
il faudroit aumenter la re
conoiſſance ,nous ſommes plus
prés de la mort , nous fom
mes plus raiſonnables , plus
éclairés , d'où vient que nous
avons donc changé , que la
raiſon nous faffe revenir ? La
moindre occaſion me fait ou
blier mes bonnes réſolutions:
Comment les prévois - je ?
comment m'y comporte - je 3
& c.
Le jour de ſaint Jean Bap
tiſte. Saint Jean, quoi-qu’in
nocent paſſe ſa vie dans une
Ĉ pénitence continuelle. C'eſt
l'eſprit du Chriſtianiſme.
Nous devons toûjours être
1 dans la pratique de cette vers
I 3
184 RETRAITTE :
tu , parce que nous avons pe
ché. Quand nous ne l'au.
rions fait qu'une ſeule fois
nous ne ſavons pas ſi Dieu
nous a pardonné.Quand nous
le faurions , ſaint Pierre &
fainte Magdelaine ont pleuré
juſqu'à la mort. Lai mérité
I'Enfer , j'ai crucifié mon
Dieu, cela me doit tenir dans
l'humilité & nourrir en mon
ceur une fainte haine contre
moi - même. Je peche tous
les jours , à peine fais-je une
action même fainte, où il n'y
ait quelque choſe qui mérite
le Purgatoire. C'eſt pour
quoi l'uſage fréquent de la
contrition eſt trés néceſſaire
& trésavantageux. S. Igna
ce faiſoit un examen aprés
châque action. J'y fais plus
de fautes que lui , & je n'y
SPIRITUELLE. 183
fonge preſque pas. Quel
aveuglement :
Je puis encore pecher, mi
ferable condition de la vie !
que ce peril me la rend amere
& à tous ceux qui aiment
Dieu , & qui connoiſſent le
prix de la grace ! mais qu'il
] leur rend agréable la peniten
ce & la mortification , qui eſt
un moïen ſi efficace pour pré
venir ce malheur , elle repri
me la chair , affoiblit la na
ture , retranche les occaſions,
éloigne les objets , &c. Sain
te penitence ! douce peni
tence !
La confideration des ver
tus de nos freres doit inſpirer
à ceux qui ont une veritable
3
charité des ſentimens de joie,
de ce qu'ils ont ces vertus, de
ce que Dieu ſe glorifie en
I 4
186 RETRAITTE
eux , non gaudet ſuperiniqui
tate, congaudet autem veritati.
Ne nous affligent- elles point,
il faut en loûör Dieu , l'en
remercier,lui demander qu'ils
perſeverent & ſe perfection
nent. C'eſt le moien d'avoir
part à tout ce qu'ils font de
bien , aux confeſſions , aux
mortifications , aux miſſions,
&c. & quelquefois plus de
part qu'eux à cauſe du deſin
tereffement. Saint Auguſtin
diſoit vous êtes jaloux de ce
que vộtre frere eſt plus mor
tifié que vous , réjouiſſez
vous de fa mortification , &
déslors elle eſt à vous. Non
mon Dieu , je ne ſuis point
jaloux des vertus de mes fre
res. Soror noftra eft, creſcat. Je
m'humilie au contraire , & me
confonds en me comparant à
SPIRITUELLE . 187
Cuix . Il en eſt peu en qui je
ne trouve quelque choſe d'ex
cellét queje n'ai pas. Il ſe peut
faire qu'ils aïent desdéfauts,
mais la plûpart ſont involon
taires , & un pecheur com
me moi les doit à peine re
marquer , les excuſer, & te
nir les yeux attachez ſur les
miens , leurs vertus font pour
l'ordinaire de veritables ver
tus . C'eſt pour nous entrete
3 nir dans l'humilité , dans le
reſpect , dans la charité, Le
fais-je ? non : marque d'ora
gueil. Au lieu de cette ja
loufie, allumés en moi, ô mon
1 Dieu , une ſainte envie de les
DI imiter & profiter de leurs
exemples . Ils me condanne
ront au jugement. Ils doivent
m’éxciter & m'encoạrager
aujourd'hui ; Ce ſontdesavis,
IS
188 RETRAITTE
fenſibles que Dieu me donne,
e non poteris quod ifti, &c. Les
exemples des Saints anciens
nous doivent moins toucher
que ceux de nos freres, que
nous avons tous les jours des
vant nos yeux : je les vois
dans une grande retenuëavec
un temperament tout de feu ,
dans la pratique des humilia
tions les plus rebutantes avec
une naiſſance qui les diſtin
gue, je les vois auſteres &
mortifiez quoi- que trés déli
cats de leur complexion.
Quelle honte pour moi , d'a
voir de fi grans exemples
d'humilité dans des perſon
nes de qualité, d'une ſi rude
mortification dans des corps
élevez fi délicatement , & je
n'en profite pas pour être
meilleur.

{
SPIRITUELLE. 189
Dieu eſt au milieu de nous,
& il ſemble que nous ne le
reconnoiſſions pas. Il eſt en
nos freres, & il velit y être
fervi, aimé & honoré, & il
nous récompenſera plus pour
cela , que li pous le ſervions
en la perſonne . Comment
-)
me comporte -je , aime-je ,
honore-je tous mes freres ?
j'en excepte un ſeul , ce n'eſt
pas Jesus - CHRIST que je
conſidere en eux , il ſemble
que je ne l'y connoiſſe pas.
Si je les aime c'eſt pour eux,
pour enêtre aimé, conſideré,
parce que leur humeur fé
3
trouve conforme à la mienne.
Que chacun confidere en ſon
33 frere nôtre Seigneur Jesus
CHRIST.
Il eſt au milieu de nous au
Saint Sacrement. Quelle con
190 RETRAITTE
folation d'être dans une mai
fon où JE SU S - CHRIST
habite ; mais ne diroit -on
point que nous ignorons nô
tre bonheur. Le viſitons
nous ſouvent ? allons-nous à
lui dans nos beſoins ? le con
ſultons -nous dās nos defleins?
lui
portons - nous nos petits
chagrins , au lieu de prendre
conſeil de nos amis , de nous
plaindre , de murmurer , &c.
Medius veftrum ftetit, & 6 .
Dieu eſt au milieu de nous,
Ou plûtốt nous ſommes au
milieu de lui,par tout où nous
fommes il nous voit , il nous
touche à l'oraiſon au tra
vail , à la table , à la conver
fation. Nous n'y penſons-pas,
car comment ferions - nous
nos actions , avec quelle fer
veur , avec quelle dévotion .
SPIRITUELLE. 191
Si lors que je m'occupe dans
mon étude, à ma priére, dans
quelqu'autre emploi je croïois
qu’un Superieur me voit de
quelque 'endroit où il eſt ca
ché. Faiſons ſouvent des ac
tes de Foi ; diſons ſouvent,
Dieu me regarde , il eſt ici
préſent. Ne faire jamais rien
ſeul qu'on ne vouluſt faire à
la veûë de tout le genre hu
main.
Au jour de Noël. J'ai con
fideré avec un goût trés dé
licieux, & une veûë fort clai
re , l'excellence des actes que
la ſainte Vierge pratiqua à la
naiſſance de ſon Fils. J'ai
admiré la pureté de ce cœur ,
& de l'amour dont il brûle
pour ce divin Enfant : Car
rien de naturel n'en a gâcé
la ſainteré, & néanmoins ila
192 RETRAIT TE
furpaſſé en ardeur & en ten
dreife , tous les amours natu
rels de toutes les meres du
monde. Il m'a ſemblé que je
voïois les mouvemens de ce
cour, & j'en étois ravi.
Depuis la veillede Noël, j'ai
été tout occupé d'une penſée
fort confolante ; qui m'a por
ré à pratiquer pluſieurs fois
& avec beaucoup de douceur
les actes ſuivans. De joïe, en
penſant que dans tout le mon
de chrétien , la plâpart des
fideles ſongent à honorer
Dieu & à fe fantifier : fur tout
les perſonnes ſaintes, les fer
yens religieux , pluſieurs fé
culiers choiſis qui vivent d'u
Demaniére trés parfaite , &
qui paffent ſur tout la veille
& le jour de Noël en des
exercices trés faints. Il me
SPIRITUELLE . 193
femble que l'air eſt tout em
baumé de leur dévotion , &
que de toutes les vertus join
tes enſemble , il ſe forme
comm'un parfum admirable
qui monte au Ciel , & qui le
réjoûït infiniment ; D'actions
de graces pour les faveurs que
. Dieu fait aux ames ſaintes &
à tous les Chrétiens. De de
mande qu'il plaiſe à Dieu
purifier & enflammer leur fa
crifice & le mien . Vous ve
nez , mon Dieu , apporter ce
feu fi ſaint , & que defirés
vous, fi ce n'eſt qu'il s'allume
& que toute la terre en ſoit
embrafée , tous vos fideles
ferviteurs travaillent ardem
ment & conſtamment pour
en mériter quelque étincel
le. ‫ܕ‬ & vous récompenſe
5.
sez leurs faints travaux , de
194. RETRAITTE
moi , Dieu de miſericorde ,
je ne vous demande pas des
récompenſes, en effet, qu’ai
je encore fait qui doive être
récompenſé , je vous deman
de ſeulement , Dieu tout
puiſſant, & anéanti que vous

ne me traittiés pas avec ri


gueur , pardonnez -moi mes
infidelités à la vellë de touit.
le bien que font mes freres ,
qui vous ſervent fi religieuſe
ment. Ou fi mes foibleſſes,
& mes égaremens, vouis ont
rebuté & irrité contre moi,
puniſſez -moi en ce monde ,
j'ai un corps qui n'eſt bon
qu'à ſouffrir , faites- lui ſen
tir le poids de vôtre juſtice,
je ne m'en plaindrai pas,inais;
au plus fort de la maladie, &
de la calomnie , dans les pri
fons & dans l'infamieayệc les
SPIRITUELLE. 199
trois enfans de Babilone , je
vous loûërai & benirai , trés
feûr que ſi vous avés la bon
té de me punir en ce monde,
vous m'épargnerez en l'autre.
Je ſentois en moi de grand's
deſirs d'imiter la ferveur des
ſaints Religieux & fervens
Chrétiens , qui paſſent ces
jours dans des communica
tions continuelles avec ce
Dieu humilié, d'offrir à Dieu
quelques mortifications hé
roïques , de me tenir uni à
Dieu devenu enfant , & je
m'y ſentois fi fort attiré , que
je ne pouvois m'occuper d'au
cune autre penſéeſans peine,
faiſant même des incongrui
tez , tant cette penſée m'en
leyoit. Vous êtes bien bon,
mon Dieu , de récompenſer
fi liberalement les violences
196 RETRAITTE
que je me ſuis fait. Ceſſez
mon Souverain & mon aima.
ble Maître de me combler de
vos faveurs, je reconnois com
bien j'en ſuis indigne , vous
m'accoûtûmerez à vous fer
vir par intereſt ,ou vous m'en
gagerez à des excez i car
que ne ferois -je pas , ſi vous
ne m'obligiez d'obéir à mon
Directeur , pour mériter un
moment de ces douceurs que
vous me communiquez . In
fenfé , que dis-je mériter ,
pardonnés-moi mon aimable
Pere cette parolle , je me trou
ble dans l'excés de vos bon
tés, je ne ſai ce que je dis ,
puis-je mériter ces graces &
ces conſolations ineffables ,
dontvous me prévenez & me
comblez. Non mon Dieu ,
c'eſt vous ſeul qui par vos ſouf
SPIRITUELLE. 197
frāces mę moïennésauprésde
vôtre Pere, toutes les faveurs
que je reçois , fożés-en éter
nellement beni , & accablés
moi de maux & de miſéres
pour me donner quelque part
aux vôtres. Je ne croirai
11 point que vous m'aimiés que
OS vous ne m'aïés fait ſouffrir &
beaucoup & long- tems. l'ai
1 fait la faute , eſt- il juſte que
l'enfant ſoit puni pourle ſer
viteur?
Rien de fi pur que les
couches de Marie. Elle a en
fanté Jesus-CHRIS I fans
rien perdre de fon integrité,
nulle tâche , nulle fouilleure
n'a terni la ſainteté de cér
enfantement. C'eſt ainſi que
les perſonnes apoſtoliques
doivent enfanter Jesus -
CHRI'ST dans les caurs . Il
198 RETRAITTE
arrive quelquefois qu’on ſe
fouille en purifiant les autres.
C'eſt même une choſe trés
ordinaire , c'eſt une eſpece de
miracle, quede voir un hom
me qui ne perd rien de fon
humilité , rien de fa fainteré
dans les actions de zele , qui
n'y cherche que Dieu ſeul.
Dieu nousavoit laiſſé tom
ber dans un'abîmede miſeres,
pour avoir lieu de nous ré
moigner ſon amour. Mais
nos miſéres quelque grandes
qu'elles fuſſent, ſe ſont trou
vées bien au deffous de ſon
zele , il ne falloit qu'une gou
te de ſang pour nous guerir ,
fon amour ne pouvoit être
content de ſi peu de choſe ,
il a épuiſé toutes ſes veines,
cela n'étoit pas néceſſaire
pour la gueriſon de nosmaux,
SPIRITUELLE . 199
mais il l'étoit pourla manife
Itation de ſon amour .
Je trouve de la conſolation
à oppoſer aux ſentimens des
hommes qui nous eſtiment,
& nous comtent pour quel
que choſe le jugement de
Dieu,en préſence duquel nous
ne ſommes que des atomes ,
1 qui ne lui ſommes néceſſaires
à rien , dont il peut ſe paſſer
auſſi aiſément que ſi nous n'a
vions jamais été , quifera três
bien ſans nous tout ce qu'il a
7 deſſein de faire ; qui a mille
ſerviteur splus zelez , plus fi
deles , plus agréables à ſes
yeux , qui en peut former en
un moment une infinité d'au
tres encore plus accomplis , &
5 qui peut ſe ſervir du plus mi
ce ferable des hommes pour ſes
deſſeins les plus magnifiques,
200 RETRAIT TE
Qu'elle merveille , Dieu tout
aimable : fi un jour vous vou
liés vous ſervir de ma foiblef
ſe pour retirer quelque mi
ſerable des portes dela mort,
s'il ne faut que le vouloir, je
le veux de tout mon cœur,
il eſt vrai qu'il faut être Saint
pour faire des Saints, & mes
défauts trés conſiderables me
font connoître , combien je
ſuis éloigné de la ſainteté;
mais faites moi Saint , mon
Dieu , & ne m'épargnez pas
pour me faire bon , car je
veux le devenir quoi qu'il
m'en coûte.
Sur cette verité qu'il y a
un Dieu , & que Dieu eſt un
· être qui n'a rien du non être,
qui ne peut rien perdre , rien
aquerir, qui renferme en foi
tout être , qui en eſt la four
SPIRITUELLE. 201
£e , qui ne peut dépendre de
nul être en quoi que ce ſoit,
être , ni pour mieux
ni pour être
être ; j'ai été pénetré d'un
profond reſpect envers cette
grandeur incompréenſible:
que je n'ai ja
mais ſi bien compris le néant
de toutes choſes qu'en les op
poſant à cette idée. Les An
ges , les grands Saints la>

ſainte Vierge même , & l'hu


manité ſainte de JESUS
CHRIS I qui n'ont rien
d'eux- mêmes, qui dépendent
en tout de Dieu , tout cela
me paroiſſoit comme rien en
comparaiſon de Dieu . Mon
étonnement a été extréme ,
lorſque j'ai fait réflexion que
ce Dieu étant auſſi grand , &
auſſi independant que jemele
répréſentois , il daignaſt pen
202 RETRAITTE
fer aux hommes , s'amuſer ,
pour ainſi dire , à exaucer
leurs priéres , à exiger leurs
ſervices , à conſiderer leurs
défauts. Il me ſembloit voir
un grand Roi qui prendroit
ſoind'une fournillere. Quand
il nous danneroit , qu'il nous
anéantiroit tous ſans autre
raiſon que ſon bon plaiſir , ce
ſeroit comme ſi un homme ſe
divertiſſoit à tuër des mou
ches & écraſer des fourmis.
Ce qui me fait revenir de
mon étonnement , c'eſt qu'au
tant qu'il eſt grand , autant
eft -il bon , mifericordieux, &
bien - faiſant. C'eſt un abîme
de grandeur , il eſt vrai, mais
auſli eſt - il un abîme de miſe
ricorde , voila ce qui me r'a
nime à eſperer, à ofer m'ap
procher de lui , pour parler à
lui
SPIRITUELLE. 203
lui, ſans cette vellë il me ſem
ble que je n'oſerois pas même
penſer à Dieu. P'y penſerai
1 pourtant, mon Dieu, non pas
1: pour vous connoître , il ne
faut plus tenir à la terre pour
vous connoître ., & je ſens
3 combien mon cœur panche
encore aux choſes humaines,
tant de deſirs d'être eſtimé,
aimé . , & loûé , quoi que la
gloire & les loûanges ne forêt
deûës qu'à vous; tant d'amour
de mes propres commodi
tez me fait gemir, car lors
que je me crois le plus à cou
vert des addreſſes de mon
amour propre , je trouve qu'il
m'a ſurpris, & qu'à ma hon
te & confuſion il s'eſt jollé
de moi. Quvrez -moi donc
les yeux , aimable Jesus , De
mine ut videam . Je ne deman
K
204 RETRAI
TTE
de pas de vous voir ni de vous
connoître , donnez -moi feu
lement les lumieres qui me
découvrentmoimême à moi
même, parce que dés-lors que
je me connoîtrai bien moi
inême, infailliblement je vous
connoîtrai. Noverim me , 20
verim te. Je ne puis me con
noître que je ne vous con
noiſle , mes imperfectionsme
donneront un ardent defir de
connoître quelque choſe de
meilleur que la créature ; &
qu'y a - t - il au deſſus de la
créature quivaille mieux que
le Créateur. Ad teomnedefide
rium meum . Tout le reſte me
déplaît & moi-même à moi
plus que tout le reſte, parce
que je ne reconnois rien plus
digne de rebut , plusmépriſa
ble, qui ſoit plus miſerable.
SPIRITUELLE . 205
Cette vellë de la grandeur
& de l'independance de Dieu
d'un côté , & de l'autre du
néant de toutes les créatures,
in'a découvert la baſfeffe &
la lâcheté de ceux qui ſe ren
dent dependans des hommes,
la généroſité & le bonheur
des autres qui ne veulent de
pendre que de Dieu. Il n'y
a que ce ſeul moïen de nous
tirer du triſte néant où nous
fommes , qui eſt de s'attacher
à Dieu , qui adhæret Deo unus
fpiritus eft. Nous nous éle
vons par là de la pouſſiere, &
devenons en quelque forte
femblables à Dieu .
Dans la vellë de la ſpiri
tualité de Dieu , j'ai conçeu
comment c'eſt que Dieu qui
eft tout Eſprit peut être goû
té , entendu , veû , embrallé
K 2
206 RETRAITTE
par les ſens fpirituels. Cette
vellë a été une perſuaſion in
terieure & forte de la pré
ſence de Dieu , que la Foi
rend comme fenfible à l'a
me, de telle forte qu'elle n'en
doute pas ; & que même elle
n'a pas beſoin de ſe faire vio.
lenceni de raiſonnerpouren !
être convaincuë. Cette dif
poſition où je me ſuis trouvé
m'a donné un grand deſir de
mortifier les ſens exterieurs ,
dont les deſordres & les ope
rations ſont les ſeuls obſta
cles qu’ait l'ame dans l'uſage
de ſes fens ſpirituels. Ani
malis homo non percipit ea que
funt Spiritus Dei. Je ne m'é
tonne pas que les hommes
charnels ne connoiſſent gue
res Dieu. C'eſt que Dieu left
Eſprit, & que l'eſprit eſt mort
SPIRITUELLE 207
그리
ou du moins mortifié dans
l'homme charnel.
La ſimplicité de Dieu me
paroît quelque choſe d'admi
rable. Cette nature qui ex
clud toute compoſition de
parties ſoit eſſentielles, ſoit
integrantes , ſoit accidentel
les, qui eſt toutes choſes, &
n'eſt qu'une ſeule choſe, qui
eſt ſa propre exiſtence , qui
eſt tout ce qu'elle a , ſa la
1 geſle , fa bonté, ſon éternité,
fa puiſſance , & c. Je me ré
préſente une fleur qui auroit
les odeurs de toutes les fleurs.
On pourroit peut-être faire
une compoſition où toutes
ces odeurs fe trouveroient ;
mais quelle merveille , ſi un
fimple les avoit toutes , &
dans toutes ſes parties , &
dans la plus grande perfec
K 3
208 RETRAITTE
tion, Un fruit qui auroit tous
les goûts , une pierrerie qui
auroit toutes les couleurs des
autres , une plante qui auroit
toutes les vertus des autres,
plantes , & c. In te uno omnia
habentes non debemus dimitte.
re te. Je me ſuis fenti porcé à
imiter cette fimplicité de
Dieu , en mes affections n'ai
mant que Dieu ſeul , ne re
cevant en moi que ce ſeul
amour, & cela eſt aiſé , puiſ
que je trouve en Dieu tout
ce que je puis aimer ailleurs,
& ainſi mon amour ſera com
me l'Ecriture dit de Dieu ,
Sanétus , unicus , eo multiplex .
Mais mes amis , ils m'aiment,
je les aime. Vous le voïez,
& je le ſens. Mon Dieu : feul
bon , feul aimable ! Faut -il
yous les ſacrifier , puiſque
SPIRITUELLE. 209
vous me voulez tout à vous:
je le ferai ce facrifice qui
me coûtera plus cher que le
EN premier que je vous fis quit
s tant pere & mére . Je le fais
- donc ce ſacrifice , & je le
fais de bon cœur , puiſque
vous me defendez de donner
part à mon amitié à aucu
ne créature . Agréez le ce
facrifice fi rude > mais en
échange, mon divin Sauveur,
foiez leur ami comme vous
voulez une tenir leur place ,
fožez leur à ma płace , je vous
ferai reſouvenir d'eux'tous les
jours dans mes priéres , &
de ce que vous leur devez en
me promettant de vous fub
ſtitüer à ma place . Heureux,
s'ils profitent de cér avanta
ge, je vous importunerai tant
que je vous engagerai à leur
K 4
210 RETRAITTE
faire connoître & eſtimer le
bien qu'ils auront dans le
commandement que vous ne
faites , de n'avoir plus d'ami
pour pouvoir être le vôtre.
Soiez donc leur ami Jesus
le feul & veritable ami : Soïez
le mien , puiſque vousm'or
dõnez d'être le vôtre. 2. Dans
mes intentions. Si oculus tuus
fimplex fuerit totü corpus lucidū
erit. Ne chercher que Dieu,
ne pas même chercher les
biens , ſes graces , les avanta
ges qu'il y a en fon ſervice ,
comme la paix , la joïe , &c.
mais lui ſeul.
Un moïen excellent pour
détacher ſon cœur de toutes
choſes , c'eſt de changer lou
vent de lieu & d'emploi, on
s'attache inſenſiblement , &
l'on prend racine , ce qui
SPIRITUELLĖ 211
paroît à la peine qu'on ſent à
la ſéparation.C'eſt une eſpece
a de mort que de ſortir d'un
lieu où l'on eſt connû , & où
l'on a quelques amis. Ce qui
me fera toûjours ſupporter
7 cette ſéparation ſans trouble,
c'eſt la penſée que Dieu m'ac
1 compagnera par tout , & que
je trouverai le même Sei
gneur où je dois me rendre,
à cet égard je ne change
point. C'eſt ce même Dieu
que je prie ici , qui me con
noît , quim'aime , & que je
veux aimer uniquement.
Quiſolus habet immortalita
tem . 1. Tim . Il n'y a que Dieu
ſeul qui ſoit immortel. Tout
le reſte meurt , lesRois ,les
1 parens, les amis , ceux qui
nous eſtiment , ou que nous
avons obligez fe ſéparent de
K
212 RETRAIT TE
nous ou par la mort ou par
l'abſence , nous nous ſeparons
d'eux , le ſouvenir de nos
bienfaits, l'eſtiine , l'amitié ,
leur reconnoiſſance meurten
eux. Les perſonnes que nous
aimons nieurent, ou du moins
la beauté, l'innocence, la jeu
neſſe , la prudence , la voix ,
la vellë , & c . tout cela meurt
en eux. Lesplaiſirs des ſens,
n'ont,pourainſi parler , qu'un
moment de vie , Dieu ſeuleſt
immortel en toutes maniéres.
Comme il eſt trés ſimple, il
ne peut mourir par la ſépara
tion des parties quile com
poſent, comme il eſt trés in
dépendent , ilne peut défail
lir par la ſouſtraction d'un
concours étranger qui le con
ferve. De plus, il ne peut ni
s'éloigner , ni changer, non .
SPIRITUELLE. 213
1 feulement il ſera toûjours,
mais ils ſera toûjours bon ,
toûjours fidele , toûjours rai
ſonnable, toûjours beau, libe
on
ral , aimable , puiſſant , ſage,
& parfait en toutes maniéres.
Le plaiſir qu’on goûte à le
poſleder eſt un plaiſir qui ne
paſſe jamais, il eſt inaltera
ble , il ne depend ni du tems,
ni des lieux ;il ne cauſe ja
mais du dégoût , au contrai
10
re , il devient toûjours plus
charmant, à meſure qu'on en
joujt.
Dieu eſt parfait en tout
ſens. Il eſt impoſſible detrou
ver en lui quelque choſe qui
ne ſoit pas infiniment bon.
Il eſt ſage, prudent , fidelle,
bon , liberal , beau , doux , ne
mépriſant rien de tout ce qu'il
a créée , faiſant cas de nous,
214 RETRAITTE
nous gouvernant avec dou
ceur ,& méme avec reſpect,
patient , exemt de tous les
mouvemens déreglez des pal
fions ; il a tout ce que nous
aimons dans les créatures,
tout eſt réüni en lui & pour
toûjours , & d'une maniére
infiniment plus- parfaite. Il
n'a aucun des défauts , qui
nous choquent , qui nous re
buttent , qui nous dégoûtent
des objets crééez . D'où vient
donc que nous ne l'aimons
pas uniquement ? Qu'eſt - ce
qui peut juſtifier ce dégoût ?
Quand on a trouvé quelque
choſe de fort accompli en
quelque genre on ne peut
plus rien fouffrir de tout le
reſte. Une belle voix bien
ménagée nous donne un
étrange dégoût des mauvais
SPIRITU EL L E. 215
chanteurs; un homme qui ſe
connoît en peintures , & qui
a étudié durant quelques tems
les originaux des Raphaël ,
& du Titien , ne daigne pas
arrêter les yeux ſur les ou
vrages des autres Peintres.
Quand on a vécu parmi
d'honnêtes gens , & des per
ſonnes polies on ne peut
s'accoûtumer à une converſa
tion moins délicate & moins
fine.
Dieu eſt non - ſeulement
parfait , mais encore il eſt la
fource de toute perfection .
Ce n'eſt qu'en lui qu'on la
peut puiſer : & cela ſe fait en
l'étudiant , en le conſiderant,
fimiles ei erimus , quoniam vi.
1 debimus eum ficuti eft ; ce ſera
1 dans le ciel, & en cette vie ,
nous approcherons d'autant
216 RETRAITTE
de cette reſſemblăce,que plus
nous le conſidererons dayan
tage.. Nous avons une gran
de obligation à être parfaits;
parce que dans un homme
qui préche la vertu , & qui
en fait profeſſion , les imper
fections nuiſent plus au pro
chain que leur vertu ne leur :
eſt utile ; elles donnent occa
fion de croirequ'il n'y a point:
de veritable ſainteré, que c'eſt
quelque choſe d'impoſſible
que la perfection ; quece n'eſt
qu'illuſion ou grimace... Si les
imperfectionsnedonnentpas
ces penſées ,elles perſuadent
aux lâches qu'on peut les
avoir & être Saint tout en
femble. C'eſt aſſez pour en
dormir un imparfait , & pour
nourriren fon cæur une paf
fion qui le flatte & qu'il aime,
SPIRITUELLE. 217
d'en avoir remarqué quelque
ombre en un homme qui a la
réputation d'homme de bien ,
il ſe croit autoriſé par là à
continuër de contenter ſon :
amour propre , & croit qu'il
n'en ſera pas moins Saint pour
cela .
Penſant à l'Eternité de
Dieu , je me la ſuis répré
fentée comme un rocher im
mobile ſur le bord d'un fleu
ve , d'où le Seigneur voit paſ
fer toutes les créatures fans
fe rémuër , & fans qu'il paffe:
jamais lui même. Tous les
hommes qui s'attachent aux:
choſes créées m'ont paru com
me des gens qui étant entraî
nez par le courant de l'eau ,
s'attacheroient les uns à une
planche , les autres à un tronc
d'arbre , les autres à des amas
218 RETRAITTE
d'écnme qu'ils prendroient
pour quelque choſe de ſolide.
Tout cela eſt emporté par le
torrent , les amis meurent , la
ſanté ſe conſume, la vie paſ
fe, on arrive juſqu'à l'Eterni
té porté ſur ces appuis paſſa
gers comme à une grande
mer , où vous ne pouvez pas
vous empécher d'entrer & de
vous perdre. On s'apperçoit
combien on a été imprudent
de ne s'attacher pas au ro
cher , à l'Eternel, on voudroit
revenir , mais les flots nous
ont emporté trop loin au de
là , on ne peutplus revenir ,
il faut néceſſairement perir
avec les choſes periffables.
Au lieu qu'un homme qui
s'attache à Dieu , voit fans
crainte, le peril & laperte de
tous les autres , quoi- qu'il
SPIRITUELLE. 219
arrive , quelque revolution
qu'il ſe falſe , il ſe trouvetoû
jours fur fon rocher , Dieu
ne lui ſauroit échapper , il n'a
embraſſé que lui, il s'en trou
ve toûjours faiſi, l'averſité ne
fait que lui donner lieu de ſe
réjollir du bon choix qu'il a
fait. Il poſſede toûjours ſon
Dieu , la mort de fes amis, de
ſes parens , de ceux qui l'eſti
ment & le favoriſent , l'éloi
gnement , le changement
d'emplois' ou de lieu, lâge, la
maladie , la mort ne lui ôtent
rien de fon Dieu . Il eſt toû
1 jours également content , di
fanten la paix & en la joie de
fon ame : Mihi adhærere Deo
bonum eft, ponere in Domino meo
33 Spem meam. Cette conſidera
tion m'a beaucoup touché, il
me ſemble que j'ai compris
120 RETRAIT TE
cette verité , que Dieu
m'a fait la grace d'en être
perſuadé d'une certaine ma
niére qui me donne un grand
courage & une grande facili
té, à me détacher de tout, &
à ne chercher que Dieu en
toute ma vie par toutes les
voïes , auſquelles il lui plaira
m'engager , ne témoignant
jamais aucune inclination ni
répugnance ,recevant aveu
glement tous les emplois que
mes Supérieurs me preferi
font ; & s'il arrive quelques
fois qu'ils m'en donnentle
choix . Je le promets , mon
Dieu , & j'eſpere par vôtre
fainte grace de le garder, s'il
arrive , dis-je , quemes Supe
rieurs s'en remettent à mon
choix , je promets de vous ré
nouveller le veu que vous
SPIRITUELLE , 22 I
m'avez inſpiré de faire , de
choiſir toûjours l'emploi &
le lieu auquel je fentirai le
plus de repugnance , & où
je croirai ſelon Dieu & en ve
rité , avoir le plus à ſouffrir.
Vous in'en avez donné l'e
xemple , mon aimable Jesus!
& autant que je pourrai ; je
veux me regler par vos exem
ples- & par vos maximes,qui
ſeules peuvent}me conduire
à vous , & me tirer des em
barras de l'ignorance , & des.
erreurs où mes paſſions pour
roient me précipiter.

1
222 RETRAITTE
冰冰 弟弟 弟弟 弟弟 弟弟
Retraitte du Reverend Pére
la Colombiére, faite à Lon
dres , l'an 1677 :
AVIS

Eux qui ſe donneront la


Ce li o
traitre y trouveroient de l'em
barras , ſi je ne leur coinmu
niquois les points du memoi
re dont le Pere la Colombie.
re parle dans le troifiéme &
cinquiéme jour de ce Jour->
nal de ſesExercices ſpirituels:
Ce memoire lui fut donné
fortant de France pour aller
en Angleterre , Prédicateur
1
de fon Alteſſe Roialle Ma
dame la Ducheſſe d’York. La
probité & la vertu de la per
lonne qui donna ce papier,

1
SPIRITUELLE . 223
engagerent ce Pere à le
par
der loigneuſement ', il n'y a
que trois articles , que j'ai
crû devoir mettre ici mot-à
mot comm'ils ont été copiez
d'aprés l'original , ſans y rien
ajoûter.
1. Le talent du Pere la Co
lombiére eſt d'amener les
ames à Dieu , pourquoi les
demons feront leurs efforts
contre lui ‫ ;ز‬même des perſon
nęs conſacrées à Dieu lui
donneront de la peine , &
n'appreuveront pas ce qu'il
dira dans les Sermons , pour
les y conduire , mais la bonté
ſera dans ſes croix ſon loû
tien , autant qu'il ſe confié
ra en lui.
-2 . Il doit avoir une douceur
compatiſſante pour les pe
cheurs , & ne le fervir de la
224 RETRAIT TE
force que lors que Dieule lui
fera connoître.
§ . Qu'il ait un grand ſoin de
ne jamis tirer le bien de la
fource ; cette parole eſt cour
te , mais qui contient beau
coup , dont Dieu lui donne
ra l'intelligence, ſelon l'appli
cation qu'il y fera.
Je me trouve préſentement
dans une diſpoſition toute op
poſée à celle où j'étois il y a
deux ans. La crainte m'oc
cupoit entiérement , & je ne
me ſentois nullement porté
aux actions de zele, par l'ap
préenſion où jétois de ne $

pouvoir me fauver des pié- '


ges de la vie active ; où je
voïqis que ma vocation m'al
loit engager:aujourd'hui,cet
te crainte s'eſt diſſipée , &
tout ce qui eſt en moi me
SPIRITUEL LE 225
porte à travailler au falut &
à la ſantification des ames , il
me ſemble que je n'aime la
vie que pour cela , & que je
n'aime la ſantification qua
dans la veúë que c'eſt un ad
mirable moïen , de gagner
beaucoup de cæurs à Jesus
CHRIST
Il me ſemble que la cauſe
pourquoi je ſuis dans cette
diſpoſition , C'eſt que je ne
me ſens plus tant de paſſion
pour la vaine gloire. C'eſt
‫ام‬
un miracle que Dieu ſeul
pouvoir faire en mor. Les em
plois éclattans ne me tou
chent pluscommeilsfaiſoient
autrefois. Il me ſemble que
je ne cherche plus que des
ames , & que celles des per
tits lieux & des villages mê
me me font auſſi cheres que
226 RETRAITTE
les autres. Deplus , il s'en
faut beaucoup par la miſeri
corde de Dieuque les loûan
ges & l'eſtime des hommes
ne me touchent autant qu'ils
faiſoient autrefois , quoi- que
je n'y fois encore que trop
ſenſible. Mais j'étois aupara
vant fi fort importuné de cet
te tentation , qu'elle m'ôtoit
toute forte de courage , &
me faiſoit quaſi perdre eſpe
rance de pouvoir faire mon
ſalut en fongeant à celui des
autres. De ſorte que ſi j'a
vois été libre , je ne doute
point que je n'euſſe paſſe mes
jours dans la ſolitude.
Cette tentation commen
çaà s'affoiblir parune parole
que me dit un jour N. N.
Car comme on me dit qu'en
priant Dieu pour moi, Notre
Seigneur
SPIRITUELLE. 227
Seigneur lui avoit fait enten
dre que mon ame lui étoit
chere , & qu'il en auroit un
ſoin particulier. Je lui répon
dis, hélas N. N. commentce
la peut-il s'accorder avec ce
que je ſens en moi-même ?
Notre - Seigneur aimeroit-il
une perſonne auſſi vaine que
je le ſuis , une perſonne qui
ne cherche qu'à plaire aux
hommes , qu'à s'en faire con
ſiderer , qui eſt remplie de
reſpects humains, & ho, mon
Pere , me repliquat -on , tout
cela n'habite point en vous.
Il eſt vrai que cette parole me
calma , & que comme jecom
mençai à me troubler moins
de ces tentations , auſſi com
mencerent - elles à s'affoiblir
& à être moins fréquentes.
Mais rien n'a tant contri.
L
1 28 RETRAITTE
bué , ce me ſemble , à me
donner ce defir de travailler
au falur des ames que deux b
choſes. Le ſuccés qu'il a plû yo
à Dieu donner aux petits un
foins que j'ai pris à N. & ce tes
que N. N.me fit dire àmonde
part par N.N. & que je me fis dep
trén
donner par écrit. Je vois tous
Die
les jours des choſes qui me gnei
donnent ſujet de croire qu'on que
ne s'eſt pas trompé. Dieu me long
faſſe la grace de faire un bon
ufage de tant de biens, dont lague
je cro
je in'érois rendu fiindigne. n'agir
La penſée que Dieu m'a J m
fait tout pour lui,m'éleve, ſiémee ja
ce me ſemble , au deſſus des
créatures , & me met dans que le
une liberté , & dans une in pier qy
mon déi
dependence qui produit un lequel po
grand repos dans mon cæur, fort confi
& un grand deſir de me con
que je re
SPIRITUELL E. 229
fumer pour fon ſervice. Je
voudrois bien, s'il étoit poſſi.
ble , ne réfifter jamais à la
voloncéde Dieu . Je me ſens
un grand deſir' de ſuivre tou
tes fes inſpirations, ſur tout
depuis qu'une perſonne ex
trémement familiere avec
Dieu , me dit que Nôtre Sei
gneur lui avoit fait entendre,
que je lui réſiſtois il y avoit
long -tems en une choſe , ſur
laquelle j'héſitois , à ce que
je croïois, par la crainte de
n'agir pas prudemment.
Je me ſuisapperçeû le troi
ſiéme jour de mes exercices,
que le premier point du pa .
pier , qui me fut donné à
nion départ pour Londres ;
lequel point on m'a encore
fort confirmé par une lettre
que je reçeûs il y a environ
L 2
230 RETRAITTE S
deux mois , je me ſuis apper fer,
rois
çeû , dis-je , qu'il n'étoit que
trop veritable : Car depuis & d
ont
mon départ de Paris , le De
mon m'a tendu cinq ou ſix lagr
piéges,qui m'ont fort troublé, mat
& dont je ne ſuis forti que verita
par une grace particuliere; braffe
& aprés avoir commis bien LE
de lâchetez, je ne ſai comme mad
je ne m'en ſuis point apper Pe , 1
du ' m
çet au trouble, que ces cho
ſes me cauſoient, ce n'étoient de FI
pas des objets abſolument Join de
mauvais , mais c'étoient des Sasour
mais
chofes, où j'étois en doute , Dieu
lequel des deux étoient le
mieux , & le parti de la na ce fel
ture étoit tellement fortifié YA. U
par la tentation du Demon , vent

qu'il m'empéchoit de voir le le bien


plus parfait ; ou du moins voir
m '@ toit la force de l'embraf. aiant
SPIRITUELLE. 231
ſer , de ſorte que je demeu
rois dans un grand trouble ,
& dans des inquiétudes qui
ont ceſſées, Dieu merci, par
la grace que Nôtre Seigneur
m'a faite de me faire voir la
verité & de me la faire em
braſſer.
Le cinquiéme jour Dieu
m'a donné , ſi je ne me trom
pe , l'intelligence de ce point
du 'memoire que j'ai apporté
de France. Qu'il ait grand
ſoin de ne point tirer le bien de
ſa ſource ,cetteparole eſt courte,
mais elle contient beaucoap ,
Dieu lui en donnera l'intelligen
ce ſelon l'application qu'il y fe
ra. Il eſt vrai que j'avois ſou
vent examiné ce mot , tirer
le bien de la ſource,ſans le pou
voir penetrer. Aujourd'hui
aïant remarqué que Dieu .
L 3
23 2 RETRAITTE SI
m'en devoit donner l'intelli p
le ort
gence ſelon l'application que pauvre
j'y ferois , je l'ai medité al cheme
fez long -temps,fans y trouver regala
d'autre ſensque celui- ci, que regles,
je devois rapporter à Dieu , d'une
tout le bien qu'il voudroit fai & exte
re par moi , puiſqu'il en eſt actions
l'unique. ſource.; mais aprés qu'en f.
avoir avec peine décourné quelqu
ma penſée de cette conſide j'eulle
ration : Tout d'un coup il me fer
s'eſt fait comme un jour en fectior
mon eſprit , à la faveur du auroit
quel j'ai vell clairement, que penſes
c'étoit la réſolution du doute donno
qui m'avoit troublé les deux à l'amo
türe tre
ou trois premiers jours de
mes exercices, ſur le fujet de pofois
Puſage que je devois faire de qui m
l'argentde ma penſion. J'ai i cupez.
compris que cette parole con de ſcat
tient beaucoup , parce qu'el ce , &
SPIRITUELLE. 233
le porte à la perfection de la
pauvreté , à un grand déta
chement de touce vaine gloi
regà la parfaite obſervation des
regles, & qu'elle eſt la fource
d'une grande paix interieure ,
& exterieure, & de pluſieurs
actions trés édifiantes, au lieu
qu'en ſuivant un autre conſeil,
quelque beau prétexte dont
j'eulle pellmecouvrir. 1º. Je
me ferois éloigné de la per
fection de la pauvreté. 27. IL
auroit fallu demander des dif
penſes fans néceſſité. 3º. Je
donnois à la vaine gloire , &
à l'amour propre une nourri
cure trés délicate . 4º. Jem'ex
pofois à des ſoins exterieurs,
qui m'auroient beaucoup oc
cupez . 5º. Je courois hazard
de ſcandalizèr ceux de Fran
ce , & de leur inſpirer l'a
I 4
234 RETRAITTE
SI
mour du monde , & j'aurois gné ,
du moins privé ceux d'An à Nộti
gleterre d'un bon exemple . cét ég
60. Je m'allois livrer à toutes Loûé 1
les épines dont l'avarice a
coûtume d'être accompa le Seig
faire c
gnée , & je commençois à ſericord
en être fort inquiété . Ce perſont
qui eſt admirable en ceci, & me fair
ce qui fait voir que vous êtes Jait
bien bon, ô mon Dieu ! C'eſt deuxiét
que vous m'avez fait la grace contre
de m'engager par væu à ſui fait bie
vre ce conſeil , ayant que de
m'en donner l'intelligence. que je
tout cla
Je ne ſçaurois dire quelle joïe,
quels ſentimens dereconnoif que je
légar
fance , quelle confiance en les actic
Dieu , quel courage cette ne ſaico
veûö m'a donné , il y avoit du plû
encore quelques points,à quoi loûé q
je n'avois pas étendu le væu, l'intelប
lig
parce que cela étoit fort éloi renoit
SPIRITUELLE , 235 .

gné, máis ine voila s’il plaît


à Nôtre-Seigneur en repos à
cét égar pour toute ma vie .
Loûé ſoit mille & mille fois
le Seigneur , qui a voulu me
faire connoître par lå fa mi ,
ſericorde , & la ſainteté de la
perſonne,par qui il luy a pleû
me faire donner ces avis.
J'ai trouvé encore dans le
deuxiéme article un remede
contre une tentation qui m'a
fait bien de la peine depuis
que je ſuis ici. Ty ai trouvé
tout clairement la conduite
que je devois avoir obfervé å
l'égar d'une perſonne , dont
les actionsmedéplaiſoient, je
ne ſai comme je ne l'ai enten
du plûtôt.; mais Dicu foit
loûé qui m'en à enfin donné
l'intelligence. Ce papier con
renoit juſtement toutes les
LS
236 RETRAITTE S
regles dont j'avois beſoin , que
grand
pour me tirer des pieges du accom
Demon , il n'y a plus qu'un nant
point , dont Dieu permettra qu'il
l'exécution, quand il lui plai
ta , toute ma confiance eft par
fans
ole u
en lui .
liere,
Le fixiéme jour faiſant la fible
conſideration ſur le væu par lai re
ticulier que j'ay fait , je me caur
fuis trouvé touché d'une
grande reconnoiſſance en Seign
vers Dieu , qui m'a fait la que je
grace de faire ce veu , je J'ai
n'avois jamais eû autant de fepties
Dieu
loiſir pour le bien conſiderer, ces en
j'ai eû une grande joïe de me dant C
voir ainſi engagé par mille dans
chaînes à faire la volonté de
traire
Dieu. Je n'ai point été ef
fraïé à la veuë de tant d'obli plus d
gations fidélicates & fi étroit je ne
tes , parce qu'il me fenable point
SPIRITUELLE. 2.37
que Dieu m'a rempli d'une
grande confience , que j'ai
accompli ſa volonté en pre
nant ces engagemen ,
qu'il m'aidera à lui tenir ma
parole. Il eſt tout viſible que
fans une protection particu
liere , il feroit preſque impoſ
fible de garder ce væu , je
l'ai renouvellé de tout mon
cæur , & j'eſpere que nôtres
Seigneur ne permettra pas
que je le viole jainais.
J'ai remarque aujourd'hui
feptiéme jour, que quoi- que
Dieu m'ait fait bien des gra
ces en cette retraitre , cepen .
dant ce n'a prefque point été
dans mes oraifonsati con
traire , j'y ai eû beaucoup
plus depeine qu'à l'ordinaire,
je ne ſçai fi cela ne viendroit
point de ce que j'ai voulu
238 RETRAITTE S
m'aſſujettir aux points ordi- fun ,
ne ſens gue
naires , à quoi je ne vould
res d'attrait , j'aurois paſſé,ce rej
me ſemble , pluſieurs heures j'ena
fans in'épuiſer , & fans me fa forte
tiguer à conſiderer Dieu all n'ai ja
tour de moi & dans moi , me votion
foûtenant & me fecourant , à que je
le loûër de ſes miſericordes, à contir
m'entretenir en des ſentimens je fail
de confiance , en des deſirs tinue
d'être à lui fans reſerve , & fent P
d'anéantir en moi tout ce qui les act
eſt de moi , en des deſirs de quoi
le glorifier & de le faire glo porté .
rifier par les autres,en la vello pas ſu
de mon impuiſſance & du ſembla
grand beſoin que j'ai d'être de plu
aidé d'en haut , en des com nous
plaiſances pour tout ce que dans le
Dieu peut vouloir, ſoit à mon ce ne

égar, ſoit à l'égar des perſon reſpect


nes avec qui j'ai quelque liai. mour
SPIRITUELL E. 239
fun , & cependant lorſque je
voulois conſiderer un miſté .
re j'écois d'abor fatigué &
j'en avois la tête rompuë, de
forte que je puis dire que je
n'ai jamais eâ moins de dé
votion qu'à l'oraiſon : J'ai crů
que je ne ferai pas mal de
continuör à l'avenir comme
je faifois auparavant, de con

tinuër de m’unir à Dieu pré


fent par la foi, & en ſuite par
les actes des autres vertus , à
quoi je me ſentirai le plus
porté. Cette manière n'eſt
pas ſujette à illuſion , ce me
ſemble , parce qu'il n'eſt rien
de plus vrai que Dieu eſt dans
nous , & que nous ſommes
dans lui , & que cette préſen
ce ne ſoit un grand motif de
reſpect, de confiance , d'a
mour de joïe , de ferveur ,
240 RETRAITTE SI
ſur tout l'imagination n'aïant me fe
point de part au ſoin que nous dois
prenons de nous répréſenter comm
cette verité ,& ne nous fervant
m'ent
pour cela que des lumieres de rai à
la Foi .
enner
Ce huigiéme jour. Il me
ma fo
femble que j'ai trouvé un ſerez
grand tréſor , fi j'en fai faire
teur,
mon profit. C'eſt une ferme
confiance en Dieu , fondée ma ſi
fur fa bonté infinie , fur l'ex & ma
à vou
periance que j'aiqu'il ne nous mes
manque point dans nos be
foins. De plus je trouve dans goût:
mesc
le memoire qu'on me donna veux
en partant de France , qu'il luſio
me promet d'être ma force ,
Den
ſelon la confiance que j'aurai
blen
en lui. C'eſt pourquoi je ſuis
refolu, de ne donner pointde ni
Vous
bornes à ma confiance & de
l'étendre à toutes choles. Il dans
pie
SPIRITUELLE. 241
me femble qu'à l'avenir je me
dois fervir de nôtre - Seigneur
comme d'un bouclier qui
m'environne, & que j'oppoſe
rai à tous les traits de mes
ennemis. Vous ſerez donc
ma force, Omon Dieu ! vous
ſerez mon guide, mon direc
teur,mon cõfeil, ma patience,
ma lience,ma paix ,ma juſtice,
& ma prudéce. J'aurai recours
à vousdansmes tentatiós,dans
mes fechereffes, dans mes dé
goûts , dans mesennuïs , dans
mes craintes , ou plâtôt je ne
veux plus craindre ni les il
luſions , ni les artifices du
Demon , ni ma propre foi
blefle , ni mes indiſcretions,
ni même ma défiance ; car
vous devez être ma force
dans toutes mes croix , vous
nie promettez que vous le ſe
242 RETRAITTE S
rez à proportion de ma con mes p
fiance & ce qui eſt adıni ques
ra ble , O mon Dieu ! c'eſt je trou
qu'à même - tems que vous mome
mettez cette condition , il me péche
ſemble que vous me donnez perſev
cette confiance , foïez éternel la vella
lement aimé & loûé de toutes où Dic
les créatures ; O mon trés ai m'appe
mables Seigneur ! Que fe l'Ecritt
rois-je hélas, ſi vous n'étiez perang
ma force ; Mais l'étant com fo rtifie
me vous m'en aſſeûrés, que non con
ne ferois - je point pour votre In pace
gloire ? Omnia poffum in eo requiefc
qui me confort at , vous êtes par ſingular
tout dans moi & inoi dans me ....
vous, donc quelque part que titudo z
mentum
je me trouve , quelque peril,
meuna .
quelque ennemi quime me
nace , j'ai ma force avec moi. mene
Cette penſée eſt capable de ba ....
diſliperen un moment toutes mca Di
SPIRITUELLE, 243
mes peines , & ſur tout quel
ques retours de la nature que
je trouve ſi forte en certains
momens que je ne puism'em
pécher de trembler pourma
perſeverance & de fremir à
la vellë du denûment parfait
où Dieu me fait la grace de
m'appeller. Tout texte de
l'Ecriture où il eſtparlé d'ef
perance me conſole & me
fortifie. In te Domine Speravi
non confundar in æternum .....
In pace in idipſum dormiam do
requiefcam , quoniam tu Domine
fingulariter in pe conſtituifti
me..... Diligam te Domine for.
titudo men.... Dominus firma
mentum meum ofan refugium
meum ... Dominus illuminatio
men &ſalus mea , quem time
ba.... Laus mea a fortitudo
mea Dominus. Il ſera auſſi
244 RETRAIT TE SP
s'il lui plaît , ma:reconnoif douter.
ſance. le dans
Finiſſant cette retraitte ment ,
plein de confiance en la mi conſola
ſericorde de mon Dieu , je fois le
me ſuis fait une loi de procu touchan
rer par toutes les voïes poſſi corps a
bles l'exécution de ce qui me ces du
p
firt preferit de la partde mon cueur ſe
adorable Maître , à l'égar de que je
fon precieux Corps dans le actes de
faint Sacrement de l'Autel , ritez qu
où je le crois veritablement qui eſt
& réellement préſent ; tou & hors
ché de compaſſion pour cés point de
aveugles, qui ne veulent pas ceur ,
ſe ſoûmettre à croire ce grand caſions
& ineffable miſtére. Je don . des dou
nerois volontiers mon fang goû
feritceorrdo
pour leur perſuader cette ve
fité que je crois , & que je les poule
profeſſe, dansces païs ,où l'on êtes bie
le fait un point d'honneur de VOUS con
SPIRITUELLE . 245
douter de votre préſence réel
le dans cét. Auguſte. Sacre
ment , je ſens beaucoup de
conſolation à faire pluſieurs
fois le jour des actes de Foi
touchant la réalité de votre
corps adorable ſous les eſpe
cesdu pain & du vin . Mon
cuur ſe dilate toutes les fois
que je m'attache à faire des
actes de Foi touchant les ve
ricez que l'Egliſe Romaine,
quieſt la ſeule vraïe. Egliſe,
& hors de laquelle il n'y a
point de ſalutà eſperer. Mon
cæur , dis-je , en pareilles oc
caſions s'épanche & reſſent
des douceurs , que je puis
goûter & recevoir de la ini.
fericorde de mon Dieu , ſans
les pouvoir expliquer. Vous
êtes bien bon mon Dieu de
vous communiquer avec tant
246 RETRAIT TE
de bonté à la plus ingrate de foi
vos créatures, & au plus in pe
digne de vos ferviteurs , foiez par
en loûé & beni éternelle VOU
ment. J'ay reconnu que Dieu teu
vouloit que je le ferviſſe en 1
procurant l'accompliſſement à la
de ſes deſirs touchant la deyo . croi
tion qu'il a ſuggerée à une les g
perfonne à qui il ſe commu fait
nique fort confidemment , & & ja
pour laquelle il a bien voulu écric
ſe ſervir de ma foiblefle ; je
que
l'ai déja inſpirée à bien de moi
gens en Angleterre , & j'en mes
ai écrit en France & prié un bon
de mes amis de la faire valoir curio
à l'endroit où il eſt , elle y ſera vir de
fort utile & le grand nombre Eta
d'ames choiſies qu'il y a dans devan
cette Communauté , me fait jourd
croire que la pratique dans de mo
cette ſainte Maiſon en fera ceflive
SPIRITUELLE. 247
fort agréable à Dieu. Que
ne puis- je , mon Dieu , être
par tout , & publier ce que
vous attendez de vos ſervin
teurs & amis.
Dieu donc s'étant ouvert
à la perſonne, qu'on a ſujet de
croire être ſelon ſon cæur ,par
les grandes graces qu'il lui a
fait, elle s'en expliqua à moi,
& je l'obligeai de mettre par
écrit ce qu'elle m'avoit dit,
que j'ai bien voulu decrire
moi - même dans le journal de
mes retraitres , parce que le
bon Dieu veut dans l'exé
cution de ce deſſein ſe fer
-vir de mes foibles ſoins.
Etant, dit certe fainte ame,
devant le faint Sacrement un
jour de ſon Octave , je receûs
de mon Dieu des graces ex
ceffives de ſon amour , tou
248 RETRAITTE S
chée du deſir d'ufer de quel mier
que recour, & de rédre amour taye
pour amour , ilmedit , tu ne dedi
m'en peusrendreun plus grad, pour
lui fa
qu'en faiſantceque je t'aidéja neur
tant de fois demandé , & me
découvrant ſon divin Cæur , sable
voila ce Cæeur qui a tant ai .. pour
mé les hommes, qu'il n'a rien
‫او‬
qu'il
épargné , juſqu'à s'épuiſer & qu'il
ſe conſommer pour leur té tels;
cæus
moigner ſon amour , & pour
reconnoiſſance je ne reçois dre a
de la plus grand parti que Auen
furc
des ingratitudes par les mé
pris, irréverences, ſacrileges honr
& froideurs qu'ils ont pour М.
moi dans ce Sacrement d'a veus

mour , mais ce qui eſt encore fi ch


plus rebutant, c'eſt que ce pech
feroi
ſont des cours ' qui me font
conſacrez. C'eſt pour cela péch
queje te demande quéle pre votr
SPIRITUELLE . 2.49
mier Vendredi d'aprés l'Oc
tave du ſaint-Sacrement , ſoit
dedié à une fête particuliere
pour honorer mon cœur, en
lui faiſant reparation d'hon
neur par une amande hono
rable, Communiant ce jour là,
pour reparer les indignitez
qu'il a receû pendant le tems
qu'il a été expoſé ſur les Au
tels; & je te promets que mon
cæur ſe dilatera pour répan
dre avec abondance les in
Auences de fon divin amour
fur ceux qui lui rendront cét
honneur.
Mais , mon Seigneur, à qui
veus addreſſez - vous ? à une
fi chetive créature & pauvre
pecheur , que ſon indignité
ſeroit même capable d'em
pécher l'accompliſſement de
vôtredeſſein : vous avez tant
250 RETRAITTE SPIRI
d'ames genereuſes pour exé quera pas ,
cuter vos defleins. Hé pau voir
vre innocent que tu es , ne pu que ce
iſſant qu
fait -tu pas que je me fers des rement de
fujets les plus foibles , pour fe confier
confondre les forts, que c'eſt moi .
ordinairement ſur les plus pe Dans cet
tits & pauvres d'eſprit, ſur f a
ſjeembilnies quue
jo
leſquels je vois ma puiſſance
avec plus d'éclat , afin qu'ils a pleû à D
ne s'attribuënt rien à eux ner
ont é
mêmes . Donnez -moi donc , mais auſſi p
je lui dis., le moïen de faire de plus clai
ce que vous me commandez ; Le ſentimen
pour lors il m'ajoûta addref naire que j
ſe- toi à mon ferviteur N. & defir de me
m'oub
lui dis de ma part de faire lier in
ſon poſſible , pour établir cet reme
nt , fel
te dévotion , & donner ce m'en a été
plaiſir à mon divin cæur ; de Dieu ,
qu'il ne ſe décourage point P
pour les difficultez qu'il y sp'aer la er
ſt fervi f
rencontrera , car il n'en man . beauc
oup
quera
SPIRITU EL LE . 251
quera pas , mais il doit fa
voir que celui - la eſt tout
puiſſant qui ſe défie entié .
rement de ſoi-même , pour
fe confier uniquement à
moi .
Dans cette retraitte que
je finis aujourd'hui , il me
ſemble que les lumiéres qu'il
a pleû à Dieu de me don
ner , ont été plus courtes ,
mais auſſi par ſa miſericor
de plus claires qu'autrefois.
Le ſentiment le plus ordi
naire que j'ai eû , a été un
deſir de me délaiſſer & de
m'oublier inoi-même entié
rement , ſelon le conſeil qui
m'en a été donné de la part
de Dieu , comme je crois ,
par la Perſonne dont Dieu
s'eſt ſervi pour me faire
beaucoup de graces. Il me
M
252 RETRAITTE SP
ſemble que j'ai entrevell attaché
quelquefois en quoi conſi ce tems
Itoit cet oubli parfait de péche
ſoi-même , & l'état d'une te châc
ame qui n'a plus de réſer mens
ve pour Dieu ;‫ ز‬Cet état F
qui m'a fait peur ſi long paſſion
réflexio
tems, commence àme plaire, Jay
& j'eſpere que je tâcherai grande
d'y parvenir avec la grace de
la pen
Dieu. Je me ſurprens fou vice de
vent dans des ſentimens op cela va
poſez à ce délaiſſement en
tier, & cela me cauſe bien de que to
Les oc
la confuſion .
monde
Lorſque je ſuis bien à
moi, je me ſens par la mi priſabl
fericorde infinie de Dieu ce qui
dans une liberté de cœur qui Je n
ſus de
me cauſe une joïe incom terr
e
parable. Il me ſemble que d'êtr
rien ne me peut rendre mal e
ble
heureux , je ne me trouve mieuq
x
SPIRITUELLE. 253
attaché à rien du moins dans
có tems-là , car cela nem
péche pas que je ne reſſen
te châque jour des mouve
mens preſque de toutes les
paſſions , mais un moment de
réАexion les calme.
J'ay ſouvent goûté une
grande joïe interieure dans
la penſée que j'écois au ſer
vice de Dieu , j'ai fenti que
cela valoit beaucoup mieux
que toute la faveur des Rois.
Les occupations desgens du
monde m'ont paru fort mé
priſables en comparaiſon de
ce qui ſe fait pour Dieu .
Je me trouve élevé au def- :
ſus de tous les Rois de la
terre par l'honneur que j'ai
d'être à Dieu , il me ſem
ble que je ſens qu'il vaut
mieux le connoître & l'ai .
M 2
254 RETRAIT TE Sp
mer que de regner, & quoi. ſion ſu
que j'aie quelq uefois des pen perſuar
fées d'amb ition & de vaine claire C
nous C
gloire , il eſt certain que tou verſion
te la gloire du monde ſepa trés dif
rée de la connoiffance & de
l'amour de Dieu , ne me ten . Je me
neceſſit
teroit pas. Je porte une cher a
extrême compaſſion à tous
ceux qui ne ſe contentent conſpea
de hur
pas de Dieu , quoi qu'ils pof foi -mês
ſedent ce qu'ils deſirent hors ames
de lui.
J'ai découvert encore , & duite > ſ
tâcher
je découvre tous les jours de
nouvelles illuſions dans le ze .. qu’on a
de
le ; & je me ſuis fenti un ſreentig
grand defir de bien puri m
cela f
fier celui que Dieu m'inſpi grand
re , & que je fens croître tous engagee
les jours. indifc
Jai e encore des ſenti r
milité
mens d'une grande confu
SPIRITUELLE. 255 .
fion ſur ma vie paſſée. Une
perſuaſion trés forte & trés
claire du peu , du rien que
nous contribuons à la con .
verſion des ames , une yellë
trés diſtincte de mon néant.
Je me ſuis apperçeû de la
neceſſité qu'il y a de mar
cher avec une grande cir
conſpection, & une trés gran
de humilité & défiance de
foi -même en la direction des
ames , & en ſa propre con
duite ſpirituelle ; ſe bien dé.
tâcher du trop grand deſir
qu'on a naturellement de fai .
re de grands progrez , par un
ſentiment d'amour propre
cela fait tomber dans de
grandes illuſions , & peut
engager en des choſes fort
indiſcrettes. L'amour de l'hu
milité , de l'abje & ion , de la
M 3
256 RETRAITTE SPIE
vie cachée & obſcure , eſt l'oubli
un grand remede à tous les il faut 1
maux. On ſe compare in juſqu'à
fenſiblement , & fort ridi tuels , pc
eulement aux plus grands la pure
Saints ; & l'on fait par des Je m
motifs fort impurs ce qu'ils plus gra
ont fait par le pur mouve cher à
ment du Saint Eſprit. On regles ,
yeut faire en un jour , & fir tres
dans ſoi , & dans les autres , tiquer >
ce qui leur a coûté bien des exact ,
années, on n'a ni leur pru ble que
dence , ni leur experience , berte po
ni leurs talens , ni leurs dons
ſurnaturels ; en un mot ' ils que cel
au cont
étoient Saints & nous en
pour a
ſommes bien éloignez , & Je regat
cependant nous ſommes fi grande
préſomptueux que de croire reçelle
que nous pouvons faire tout je 11
ce qu'ils ont fait. un pol
Il n'y a nulle paix que dans re , mo
SPIRITUELLE . 257
l'oubli parfait de ſoi-même ,
il faut ſe reſoudre à oublier
juſqu'à nos intereſts ſpiri
tuels , pour ne chercher que
la pure gloire de Dieu .
Je me ſens toûjours un
plus grand deſir de m'atta
cher à l'obſervation de mes
regles , je me fais un plai
fir très grand de les prat
tiquer , plus je m'y rends
exact , & plus il me ſem
ble que j'entre dans une li
bertéparfaite , il eſt certain
que cela ne me geine point,
au contraire ce joug merend,
pour ainſi dire , plus léger.
Je regarde cela comme la plus
grande grace que j'aie jamais
reçellë en ma vie.
Je me trouve miſerable en
un point que je ne puis di
re , mon imagination eſt fol
M 4
258 RETRAITTE SPIE
le & extravagante ; Tou rois-je ?
tes les paſſionsbalottent mon qu'il me
cæur , & il ne ſe paſſe gue que je
res de jour que lesunes aprés Service
les autres , elles n'y excitent fier , m
tous leurs mouvemens les tendre
plus déreglez, tantôt ce ſont lui pla
des objets réels qui les e veille
meuvent , & tantôt des ob vaincu
jets imaginaires , il eſt vrai qu'àla
que par la miſericorde de cere med
Dieu , je ſouffre tout cela ceptur
ſans y beaucoup contribuër lus.es
& fans y conſentir , mais à Se all
tout moment j'attrappe ces : grand
folles paſſions qui agitent ce dec
o
pauvre ceur , cet amour reas
propre fuït de coin en coin , j'aie
& il a toûjours quelque re Yeſ
traitte , j'ai grand pitié de
moi-méme , mais je ne m'en gra
-mets point en colere , je ne
m’impatiente point , qu’y fe
94
SPIRITUELLE. 259
rois- je ? Je demande à Dieu
qu'il me falle connoître ce
que je dois faire pour fon
ſervice - , & pour me puri
fier , mais je ſuis refolu d'at
tendre avec douceur qu'il
lui plaiſe faire cette mer
veille , car je ſuis bien con
vaincu que cela n'appartient
qu'à lui ſeul. quis potest fa
cere mundum de immundo con .
ceptum femine , niſi tu qui ſo,
lus.es ? Pourveû que je puiſ
fe aller avec Dieu avec une
grande ſimplicité & une gran
de confiance,je ſuis trop heu
reux , mon Dieus faites que
j'aïe toûjours cette penſée en
l'eſprit.
: il me ſemble que j'ai un
grand deſir de- bien faire ,
que i'en fai les moiens , &
que pourvell que j'y fafferés
Ms
260 RETRAITTE
flexion je manquerai à peu
de choſes,mais cečte réflexion
(eſtune grande grace de Dieu ,
que je lui demande bien hum r

blement. ; f

Voici des mots qui ne ſe


préſententjamais à inon ef C

prit,quela lumiere, la paix,


la liberté ,la douceur & l'a
mour , ce me ſemble , n'y с
entrent en même temps. Sim .
plicité , Corfiance , Humilité , d
Delaillement entier , pulle Re ç
ſerve , Yolonté de Dieu ; més t

Regles. la
- Je ne goûte point de pa ; f
reille joïe à celle de décou
yrir en moi quelque nou
velle infirmité qui s'étoit
cachée à moi juſqu'à cette
heure, j'ai eû pluſieurs fois
çe plaiſir dans cette rretrait ,
te , & je l'aurai toutes les
SPIRITUELLE. 261
fois qu'il plaira à Dieu me
communiquer ſa lumiere ;
dans les réflexions que je fe
rai ſur moi-même. Je crois
fortement , & j'ai beaucoup
de plaiſir à croire que Dieu
conduit ceux qui s'aban
donnent à ſa conduite , &
qu'il prend ſoin des petites
choſes.
Tous les jours je ſens plus
de devotion pour Saint Fran =
çois de Sales , je prie Nô
tre - Seigneur qu'il me falſe
la grace de me reſſouvenir
ſouvent de ce Saint pour l'in
voquer & pour l'imiter,
Scan

as : " ESTON ? raid


RETRAITTE

Au Coeur Sacré de Jesus


CHRIST .

OFFR ANDE .
ETTE Offrande ſe
Cfait pour honorer ce
divin Cæur le fié .
ge detoutes les ver
tus, la fource de toutes lesbe
nedictions , & la Retraitte de
toutes les ames Saintes.
Les principales vertus
qu'on prétend honorer en
tai , font premiérement: Un
amour trés ardent de Dieu
fon Pere joint à un reſpect
trés profond & à la plus
grande humilité qui fut ja
mais. Secondement , Une pa
tience infinie dans les maux ,
SPIRITUELLE. 263
une contrition & une dou. 1

leur extreme pour les pechez,


dont il s'étoit chargé , la
confiance d'un fils trés ten
dre alliée avec la confuſion
d'un trés grand pecheur.
Troiſiémement , Une com
paſſion trés fenfible pour nos
miſeres , un amour immen
fe malgré ces mêmes miſe
res , & nonobſtant vous ces
mouvemens , dont chacun
étoit au plus haut point qu'il
puſt être , une égalité inal
terable cauſée par une con
formité fi parfaite à la vo
lonté de Dieu , qu'il ne
pouvoit être troublé par au
cun évenement,quelque con
traire qu'il paruft àfon ze
le , à ſon humilité , à fon
amour même , & à toutes les
autres difpofitions où ilétoit.
264 RETRAITTE
Ce Caur eſt encore au
tant qu'il le peut être , dans
les mêmes ſentimens , & ſur
tout toûjours brûlant d'a
mour pour les hommes , tvûs
jours ouvert pour répandre
ſur eux toute ſorte de gra
çes & de benedictions, toll
jours touché de nos maux ,
toûjours preſſé du deſir de
nous faire part de ſes tre
fors , & de ſe donner lui
même à nous , toûjours diſ
poſé à nous recevoir , & à
nous ſervir d'azile , de de
meure , de paradis des cet
te vie .
Pour tout cela , il ne trou
ve dans le cœur des hom
mes que dureté , qu'oubli ,
que mépris qu'ingratitu
3

de , il aime, & il n'eſt point ,


aimé , & on ne connoît pas
SPIRITUELLE. 265
niême fonamour , parce
qu'on ne daigne pas rece,
yoir les dons , par où il vou,
droit le témoigner , niécoû ,
ter les tendres & fecréttes den
clarations qu'il en voudroit
faire à notre cæur.
Pour réparation de tant
d'outrages , & de fi cruel
les ingratitudes , Ô trés ado
rable , & trés aimable Ceur
de mon aimable Je sus !
& pour éviter autant qu'il
eft en mon pouvoir de tom
ber dans un ſemblable mal
heur , Je vous offre mon
ceurs, avec tous les moul
vemens dont il eſt capable ,
je me donne tout entier à
vous & dés cette heure ,je
proteſte trés fincerement ,
ce me ſemble , que je de
fire m'oublier moi-même, &
1
266 RETRAIT TE
tout ce qui peut avoir du
rapport avec moi , pour le
ver l'obſtacle , quipourroit
m'empécher l'entrée de ce
divin Cæur , que vous avez
la bonté de m'ouvrir, & où
je foûaitte entrer pour y vi
vre , & mourir avec vos plus
fidelles ferviteurs tout pé
netré , & embraſé de vô.
tre amour j'offre à ce Cæur
tout le mérite , toute la fa
tisfaction de toutes les Mef
fes , de toutes les priéres , de
toutes les actions de mortifi ,
cation , de toutes les prati.
ques religieuſes , de toutes
les actions de zele , d'humi
lité , d'obéiſſance , & de tou
tes les autres vertus que je
pratiquerai juſqu'au dernier
moment de ma vie. Non
feulement tout cela fera pour
SPIRITUELLE. 267
honorer le Cour de Jesus
& les admirables diſpoſitions,
mais encore je le prie trés
humblement d'accepter la
donation entiére que je lui
en fais , d'en diſpoſer en la
maniére qu'il lui plaira , &
en faveur de qui il lui plai
ra , & commej'ay déja cedé
aux faintes Ames qui font
dans le Purgatoire , tout ce
qu'il y a dans mes actions ca
pable de ſatisfaire la Juſti
ce divine , je defire que ce
la leur ſoit diſtribué , ſelon
le bon plaiſir du ceur de
JESUS .
Cela n'empéchera pas, quo
je ne m'acquitte des obliga
tions que j'ai de dire des
Meſſes, & de prier pour de
certaines intentions, que l'on
béiſſance me preſcrit , que je
268 RETRAITTE
n'accorde par charité des
Meiles à des pauvres gens ou
à mes freres & amis qui m'en
pourroient demander ; mais
comme alors je me ſervirai
d'un bien qui nem'appartien
dra pas , je prétens, comme il
eſt juſte, que l'obéiſſance , la
charice & les autres vertus
que je pratiquerai en ces oc
caſions, ſoient toutes au cæur
de Jesus , où j'aurai pris de
quoi exercer ces vertus, lef
quelles par conſequent lui ap
partiendront ſans reſerve.
Sacré Cæur de Jesus ap
prenez -moi le parfait oubli
de moi-même , puiſque c'eſt
la ſeule voïe par où l'on peut
entrer en vous, puiſque tout
ce que je ferai à l'avenir ſe
ra à vous ; faites en forte que
je ne falſe rien qui ne ſoit
SPIRITUELLE. 269
digne de Vous , enſeignez
moi ce que je dois faire, pour
parvenir à la pureté de vôtre
amour , duquel vousm'avez
inſpiré le deſir. Je ſens 'en
moi une grande volonté de
vous plaire , & une grande
impuiſſance d'en venirà bout
ſans une grande lumiere , &
un ſecours trés particulier
que je ne puisätrendre que
de vous , faites en moi vôtre
volonté, Seigneur, je m'y op
poſe, je le ſensbien , maisje
voudrois bien, ce me ſemble,
ne m'y oppoſer pas , c'eſt á
vous, à tout faire, divin cæur
de Jesus - CHRIST , vous ſeul
aurez toute la gloire de ma
ſantification ,ſi jemefais ſaint,
cela me paroît plus clair que
le jour ; mais ce ſera pour
270 RETRAIT TE
vous une grande gloire , & 5
c'eſt pour cela feulement que
je veux deſirer la perfection.
Ainſi ſoit - il.

F I N.
WILTO

)899.9

1896 F

1
f

n
นิ้ว ว ว ว ว ว 22 นิ้ว
EXTRAIT DU PRIVILEGE
du Roy.

Ar Grace & Privilege du Roy


donné à Paris , le 9. Avril 1683
ſigné Junquieres , & ſcellé. Il eſt
permis à Aniflon, Pofuel & Rigaud,
Libraires de Lyon , de faire impri
mer les Oeuvres du R. P. CLAUDE
LA COLOMBIERE de la Com
pagnie de Jesus ; pendant le teinps
&eſpace de dix années entieres &
accomplies , à compter du jour que
chaque Livre fera achevé d'impri
mer, avec défenſes à toutes perſon
nes de le contrcfaire ou faire contrca
faire , à peine de confiſcation des
exemplaires contrefaits , & de trois
mille livres d'amende ſans dépoft par
chacun des contrevenants , ainſi qu'il
eſt plus au long contenu audit Dri
vilege.
Achevé d'imprimer le 26. Mars 1684 .
HELUE
LYON
1896
.
1

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