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Universität Basel
Offentliche Bibliothek.

Geschenk

von Hen . Rectergymn.

Fr. J. R. Burckhar .
dt

1872.
Catalog

Le
L è V. 44.
Lu
Frontispice

ARISTOTE

LES ADMIRABLES
SECRETS
D'ALBERT
LE GRAND
LES ADMIRABLES

SECRETS

T
D'ALBER

LE GRAND
CONTENANT
Plufieurs Tranésfar la Conception des Fem
mes , des vertus des Herbes , des Pierres
précieufes & des Animaux..
Augmenté d'un Abregé curieux de la Phi
fionomie , & d'un préferyatif contre la
Pefte ,les Fièvres malignes ,les Poifons,
& l'infection de l'air,
TIRES ET TRADUITS
Sur des anciens Manufcrits de l'Auteur , qui
n'avoient pas encore parus, cequ'on verra
plus amplement danslaTable,& de ce qui
auraétéajouté dans cette dernier e Edition.
divifés en quatre Livres,

Chez lesHéritiers deBERINGOSFratres


à l'Enfeigne d'Agrippa .

M. DCC. XXIX
FEVIBEKI

sgqingAbou
G
UITY.

BL
PU
BL
BI S
NSE
LLE
BAI
4206827(*) x†x (*) •& •x
の タート

EPITRE.

Son cher Confrere en JESUS-


ACHRIST , N..…. …. Clerc…………….
Le fujet de ce Livre est un être mobi
le appliqué à la connoiffance des Par
ties fecretes des Femmes , afin qu'é
tant malades on puiffe leur procurer
Les remèdes propres pour les guérir,
& qu'en les confeffant on leur donne
des pénitences proportionnées auxpé-
chés qu'elles auront commis.
ALBERT LE GRAND divi-
Je ce Livre en deux Parties; dans
la premiere il écrit à un defes Amis,
dans la feconde il fatisfait à la
demande d'un Prêtre 1 qui le prioit
AVCE
Mystel.mebr¶ ol 5
EPI TRE.

avec inftance de lui apprendre quelque


chofe touchant les fecrets des Femmes ,
parce qu'elles font tellement remplies
de corruption quand elles ont leurs
Regles que de leur vue elles empoison-
nent les Animaux , infectent les En
fans au maillot , tachent le miroir le
plus propre , enfin donnent la vérole
on des chancres à ceux qui les connoif-
fent pendant ce tems- là . Et comme
L'on n'évite le mal qu'autant qu'on le
connoit , il est néceſſaire que ceux qui
yenlent s'abftenir du Coit , fachent
lesfaletés qui l'accompagnent , & plu-
fieurs autres chofes que l'on enfeigne
dans ce Livres (cette raiſon parut ſi
Forth &fi jufte à ALBERT , qu'il
ne pût s'empêcher d'accorder ce qu'on
lui demandoit ) La Sagaffe eft une
connoiffance de Dieu, & defes mer-
veilles * ce qui a fait dire au Phi
ċ lofophe,
* In Prom. Metaph.
EPITR E.
lofophe , qu'à proprement parler , il
n'y a point de fcience certaine de
Dieu ; & Averroes affure que c'eft
Punique chofe qui mérite d'être re-
cherchée , parce qu'elle feule fait no-
tre bonheur en ce monde. C'est pour
cela que notre Auteur pNE l'ac-
croiffement & la félicité de cette vie
& avec raifon , parce qu'un homme
avec cette Sageffe devient agréa
a Dieu ,
ble à s'attire en même-
tems l'eftime & l'amitié de tout le
monde.
Après toutes les fupplicationsjuftes,
& preffantes
s que m'a fait votre So-
de
ciété , de lui écrire quelque chofe tou-
chant les fecrets qui regardent la
Nature & la difpofition des Fem-
mes. Sur le champ, & fans diffé
rer , je me fuis mis a compofer ce
petit Traite ; mais mon efprit qui
par fa foibleffe ordinaire fe laiffe at
tiren
* In Prolog. Phyf.
EPIT RE.
tirer aux objets felon fa capacité, &
les occafions qui fe préfentent , pour-
roit me fervir d'excufe ; cependant
n'aiant en vue dans cet Ouvrage que
votre fatisfaction particuliére, Je
vous écris cette Lettre , dans laquel-
..
le vous trouverez une partie de ce
que vous fouhaitez; je me fers tan-
tot d'un ftile de Philofophe , d'autres
fois de celui d'un Médecin , a propor-
tion que la matiere femble le deman
der. Je vous prie de ne pas lire cet
Ouvrage en préfence de jeunes gens ,
ni devant de petits efprits , je vous
promets , Dieu aidant , fi vous le fai-
tes , que je vous envoierai non feule-
ment un Traité de chofes que vous
fouhaitez , mais encore de plufieurs
autres qui regardent la Médecine.
ALBERT dans cet endroit don-
ne une raifon qui devroit , ce me
Jemble , l'empêcher de continuer cet
Ouvrage, & il dit qu'il fe fie fi
adlend hopen
EPITRE
peu fur fon efprit , qu'il n'ofe pref
que rien entreprendre , en quoi il
montre combien il méprife l'orgueil ,
& la vanité , parce qu'on n'appelle
un efprit foible & petit , que celui
qui eft capable de petites chofes ;
quoiqu'à proprement parler , lefprit
ne puifle être petit de foi - même
ni par accident , parce qu'il ne peut
saugmenter ni diminuer. Cependant
il y a deux défirs dans l'homme , le

Naturelle Spirituel ; ils fe ren-


contrent tous deux dans notre fujet,
cefut un défir naturel qui obligea
ce Prêtre d'écrire à notre Auteur
pour apprendre de lui les Secrets &
la conftitution des Femmes , il y eur
auffi le Spirituel voiant l'utilité qu'il
pourroit tirer de cette connoiffance
Ce qui fait dire aux Philofophes
que les hommes font naturellement cu-
rieux de fçavoir quelque chofe .
Le Philofophe parlant des Ani-
S maux
EPITR E.

maux qui font engendrés , dit que la


Génération perpétuelle eft comparée à
un cercle ; & il fe fert de cette
erai
rai-
fon pour prouver cette continuité dans
la Génération des Animaux , que
tout individu par un inftinet qui lui
eft naturel , défire d'engendrer fon
femblable : En effet tous les Animaux
tachent de conferver , fi - non eux-
mêmes , du moins leurs efpeces. Ceft
ce qui a obligé le Commentateur dans
fon Traité de l'Ame , de dire que la
Nature n'aiant pu faire que l'homme
reftât toujours dans fon même état ,
lui a donné par commiferation , la
puiffance de perpétuer fon efpece , &
il ajoûte que cette faveur lui eft de
beaucoupplus avantageufe , que s'il en
avoit étéprivé , ou qu'il fut demeuré
- dans le néant..
On trouve dans le Traité de la
Génération & de la
f corruption , la
raifon pour laquelle les Animaux , &
principale-
EP ITR E..
principalement les hommes ne peuvent
pasfe conferver la même Nature , a
même matiere & dans le même état
dans lequel ils ont été créés ; parce .
que la fubftance de leur corps eft fur
jette à la corruption , & ne peut pas
fervir à plufieurs les uns après les au-
tres , maisfe perd avec le corps qu'elle
compofe ; cela étant la fubftance du
corps de l'homme étant auffi corrupti-
ble,fa génération ne peut être conti-
nuelle que dans l'efpece , & non dans la
pluralité; cependant cela n'empêche pas
qu'il ne foit le plus parfait de tous les
animaux , parce qu'il eft la plus noble
de toutes les Créatures ,fuivant le rai-
Jonnement d'Ariftote en plufieurs en-
droits , & fur tout dans fon Livre de
l'Ame: & Bocce dansfa Confolation
de la Philofophie dit , que les hommes
par la raifon , fontfemblables à Dieu.
On s'étonnera peut être qu'ALBERT
parle confufément de laGénération des
*6 hom-
EPITR E.
Hommes & des Animaux : cependant
ce qu'il a dit des Animaux n'est que
pourfervir d'éclairciſſement à ce qu'il
doit dire de la Génération humaine
comme on le verra dans lafuite..

AVIS
AVIS

AU LECTEUR.

E Nom d'Albert le
LE
Grand parle affez en
faveur de ce Livre dont il

eft l'Auteur. Il eft bien dif-


férent d'un autre qui a pa-

ru fous ce même Nom

comme on le pourra voir


en les lifant tous deux . Ce-

lui qui l'a traduit , s'eft fer-


vi d'une ancienne Copie

de ce fçavant Homme ; &


a
7
A VIS

a fuivi le plus fidélement

qu'il a pû fes fentimens, s'il

n'y a pas réuffi au conten-

tement de tout le monde ,


il avoue ingénument qu'il

avoit pourtant le deffein


de le faire , & il fupplie le
Lecteur d'excufer fes fau-

tes , s'il y en trouve , & de


les attribuer à la petite é-

tenduede fon génie dans la


langue , peut -être réuffira-
t'il mieux dans la feconde

impreffion , du moins il re-


tranchera ce qui déplaît ,

ou il ajoûtera ce qui man-

que ,
AU LECTEUR.

que , oubien enfin il corri-

gera les fautes qu'il aura


faites . Il affure qu'il n'a pas

fait cette traduction pour

fe faire connoître , mais

pour l'utilité duPublic, qui

étoit privé foit par igno-

rance du Peuple , ou la né-


gligence de ceux qui le

pouvoient faire, de tant de


Secrets admirables que ce

grand Perfonnage avoit


recherché avec un travail

de plufieurs années , & un

foin infatiguable ; le Tra-


ducteur a choifi de tous fes
Ouvra
AVIS

Ouvrages les endroits qu'il

a cru les plus curieux & les


plus néceffaires prefque à
toutes fortes de perfonnes ,

de quelqu'art , ou de quel-

que profeffion qu'elles


foient. On verra dans ce

petit Volume un Traité


de douze à treize Chapi-

tres , des Secrets des Fem-

mes , & un Abregé de tout

ce que la plupart des plus


fameux Médecins ont dit

fur cette matiere ; enfuite


on a mis un Recueil des

vertus de quelques Her-

bes ,
AU LECTEUR .

bes , de plufieurs Pierres


précieufes , & de certains
Animaux . On trouvera a

près uneTable fort curieu-


le & tres-exacte de la do-

mination des Aftres , &


des Planetes fur toutes les

heures des jours & des

nuits de la ſemaine , qui


fervira d'introduction au

Lecteur pour l'intelligen-


ce de plufieurs endroits de
ce Livre.

On avertit les Curieux

qu'ils trouveront plus de


huit cens Secrets faciles à

éprou
A VIS

éprouver, prefque tous ex-


périmentés par Albert le
Grand , non-
non - feulement

pour leur divertiffement

& leur plaifir , mais enco-


re pour leur ufage , & leur

fanté, on y ajoûte unTrai


té des fientes qui, quoique

viles & méprifables , font


cependant ineftimables fi
on s'en fert comme on le
be
prefcrit , & de la manière

qu'on le dir.
Pourrendre enfin ce Li-

vreparfait,onya ajoûtéun

petit Abregé fort fçavant


de
AU LECTEUR.

de Phifionomie fur toutes

les parties du Corps hu-

main , avec un petit Traité


des Fièvres Malignes , &
les
de la manièred'en éviter
mauvaife

fuites . Il y a

tout lieu d'efpérer que ce


petit Ouvrage ferabien re-

cu ; & que l'on fcaura bon

gré à celui qui l'a traduit ,

& au Libraire qui a bien


voulu faire dés dépenfes

confidérables pour le plai-


fir & l'utilité du Public.

PRIE-
PRIER E.

N Dieu qui avez éclairé


Mnon efprit dans cet Ouvra-
ge , & dans plufieurs autres ; je
vous en rends grace , & je vous
demande pardon , fi j'y ai oublié
quelque chofe , & j'implore le fe-
cours de votre divine Grace , qui
éternelle , quagefle & la vie
la
j'efpere que vous
m'accorderez par votre bonté
Mon Dieu qui êtes Tout-puiffant ,
Tout - glorieux & le Maître Uni-
verfel de routes chofes , je vous
demande tte grace , mon Sau-
veur qui régnez avec le Pere &
le Saint Efprit , & qui faites &
ferez la tranquillité , le repos , le
bonheur & la joie des Saints pen-
dant l'éternité. Ainfi loit-il.

LA
LA PEN SEE

DU PRINCE

DES

PHILOSOPHES

Voici la Penfée du Prince des Philofo-


phes touchant l'Homme , de quel-
le manière il eft formé , raifonne-
ment des Médecins , & des Philofo-
phes fur ce fujet , &c.

E Prince des Philofophes , dit que


PHomme eft ce qu'ily a de plus par
fart & de meilleur dans le monde
que le monde eft un compofé gé
néralement de toutes les Créatures actives.
& paffives. Cela fuppofé , on doit raiſonner
de cette manière. Si la bonté d'unechofe vient
de la nobleffe defon principe , il faut nécef-
fairement avouer que l'homme étant le plus
arenoble.
PENSE'E DU PHILOSOPHE

noble de tour ce qui eft créé , il est auffi le


meilleur. Ceraifonnement eft clair & incon-
eftable , parce que fon corps eft formé du
Jang le pluspur de l'Homme , & de la Fem-
me , mělé ensemble , de la manière que le
fromage fe fait avec du lait qui eft pris , fi
l'on en veut croire les Médecins. Mais les
Philofophes raifonnent durement,
autrement, &y difent
que dans la Génération le fang de la Femme
en la matiere , & la femence de l'Homme la
forme , de forte que l'Homme eft à l'égard
de la Femme, cequ'eftl'Artifan à l'égard de
fon Ouvrage. C'eft la penfée d'Averroës ,
&le fentiment du † Philofophe. Cependant
quoique l'on en dife la matiere dont l'Homme
eft compofé , eft la plusmoble & la plus pré-
cienfe de toutes. On peut apuier ce que l'on
vientde direpar une autre raifon quiprouve
que l'on connoit ce qui eft bien lorfqu'il eft
uni, s'aproprier pour ainfi dire , la Nar
ture de ce qui eft le plus excellent & leplus
relevé. Sur ce fondement on → avance que
Homme eft donc ce qu'il y a de meilleur
dans le monde, parce qu'il y a une commis-
nication & unegrande fympatie entre ku.✪
les fignes du Ciel , qui eft au- defus de toute
la
* 7. Mesaph Digrel.deidem . roma
5. Meta, he c. 10.
PENSE E DU PHILOSOPHE
ta Nature, Cette véritéparot évidemment
par la correfpondance que tous les mem-
ont avec les douze
bres du Corps humain our
Signes Celeftes. Le Belier , par exemple ,
les Gemaux & le Lion communiquent par
une vertu merveilleufe , leur chaleur au
Cœur , au Foie & aux Tefticules ; l'Ecre-
viffe , le Taureau & la Vierge par une
même puiffance , communiquent leur froi-
deur aux Inteftins , à la Veffie & au Dia-
phragme. De même le Scorpion , le Ver-
feau & les Poiffons quifont des Signes hu-
mides , influent leur humidité dans le Cer-
veau, l'Eftomac & le Poumon ; le Capri-
corne , le Sagittaire , & la Balance do-
minentfur la Rate, le Fiel & les Reins.Ce qui
afait dire à (*) Ariftote , que le Ciel eft un
compofé contenu , & quife communique.
Les Curieux doivent s'appliquer avecfoin
à la lecture de ce Livre , qui traite de lagé-
nération humaine, & dont Albert le Grand
eft l'Auteur , quoiqu'il ait pris beaucoup de
chofes dans les Ecrits d'Ariftote , & fur-
ront dans celui où il parle des Animaux
qu'il a compofé après avoir parcouru tout le
monde avec Alexandre ; On le met à la
tête de la Philofophie naturelle parce qu'il
en
PENSE E DU PHILOSOPHE

en a fait un autre qui ne traitte pasſen


lement des chojes naturelles , mais en-
core de celles qui regardent la Méde-
Gine.

LES
*

LES ADMIRABLES

SECRET S

DALBERT

LE GRAND.

LIVRE PREMIER

CHAPITRE I.

De la génération de l'Embrion & de


quelle maniere l'homme eft engendré
Comment fe fait la conception ,
ce que c'est que les Menstrues & le
Sperme , & c.

Yant fuffifamment inftruit


le Lecteur du fujet que l'on
doit traiter dans ce Livre,
on croit à propos & même.
néceffaire d'en venir à l'ef
fet , & de commencer cette matiere
A par
LES SECRETS

par l'Embrion. Il faut pourtant remar


quer , & fçavoir que tout homme qui
eft naturellement engendré , eft fui-
vant le fentiment des Philofophes , &
des Médecins , formé de la femençe de
fon pere & du pur fang de fa mere : a-
vec cette difference qu'Ariftote foutient
que le Fatus fe forme du feul fang de la
mere , & qu'enfuite la femence de
l'homme s'évapore ; au contraire les
Médecins difent que toute la femence
que l'on appelle Sperme à l'égard de
l'homme ,& Sang ou Menftrue à l'égard
de la femme , fe joint enfemble à la
formation du Foetus.
Après avoir examiné de part &
d'autre l'opinion d'Ariftote & des Mé-
decins , il faut voir de quelle manière
& comment la femme reçoit ces fe-
mences. La femme lorfqu'elle eft en
action éjacule fa femence dans le mê-
me tems que l'homme jette fon fper-
me , & ces deux fortes de femences fe
joignant enfemble dans la matrice de
la femme , elles commencent à fe mê-
ler , & c'eft dans ce moment que fe
fait la conception. On appelle conce-
voir ,
D'ALBERT LE GRAND.

voir , quand les deux femences font


reçûes dans la matrice , ou dans l'en-
droit deftiné de la Nature pour la for-
mation du Fetus. Après cette récep
tion des femences la matrice fe ferme
de tout côté comme une bourfe , de
telle maniere qu'il n'en peut rien
fortir, & lorfqu'elle eft ainfi fermée.
les femmes n'ont plus leurs mois , ni
leurs ordinaires.
Surquoi il faut remarquer que les
Menftrues dans la femme ne font autre
chofe qu'un aliment fuperflu , comme
eft le fperme dans l'homme , lequel
n'eft néanmoins pas inutile. On les ap-
pelle ainfi parce queles femmes ont ce
Aux de fang pour le moins une fois
tous les mois , dès qu'elles ont atteint
l'âge de douze , treize & le plus fou
vent de quatorze ans : & ceflux n'eft
réglé chaque mois , quepour purgerfa
Nature; il arrive à quelques- unes pen-
dant la nouvelle Lune, à d'autres après.
Ainfi toutes les femmes ne l'ont pas
dans lemême tems , ni nefouffrent pas
la mêmé douleur ; les unes fouffrent
plus , les autres moins , & quelques-
A2 unes
4 LES SECRETS

ines fluent plus long-tems fuivant leur


complexion & leur tempérament.
Mais fur toutes les chofes que nous
venons de dire , il y a plufieurs doutes ;
le premier eft de fçavoir comment , &
par quelle chaleur fe fait ce flux de
fang Sur quoi il eft à remarquer , que
dans toutes les femmes il a la couleur
du fang , excepté dans celles qui font
corrompues , & remplies de méchan-
tes humeurs , qu'il reffemble à la cou-
leur de plomb. Quand je parle de cel-
les qui font corrompues , je n'entens
pas celles qui ont perdu leur virginité ,
car qu'elles foient vierges ou non ,
pourvû qu'elles aïent l'âge, elles y font
toutes indifferemment fujettes. Il y a
plufieurs fignes pour connoître quand
elles ont ce flux ; mais nous en parle-
rons dans la fuite.
Le fecond doute eft fi les Menftrues
fluent par l'endroit où fe purge ordi-
nairement le ventre , ou bien en uri-
nant par la matrice , à quoi l'on ré-
pond en peu de mots , que les Men-
itrues fortent de la matrice > comme
du fang crus & délié,
En
D'ALBERT LE GRAND. f
En troifiéme lieu on demande pour-
quoi le flux de fang , qui n'eft que le
fuperflu des alimens , arrive plûtôt aux
femmes qu'aux hommes , qui ont le
Sperme qui fe forme de la même ma-
nière : il faut répondre à cela que c'et
parce que la feinme eft de fa nature
froide & humide , & que l'homme
au contraire eft chaud & fec. Et com-
me la nature de l'eau eft de couler
fuivant les Philofophes , l'humide qui
eft dans les femmes reffemble à l'eau ,
& celui des hommes à l'air , à caufe de
la chaleur naturelle qui l'agite conti-
nuellement. Et parce que la Nature në
fait rien d'inutile & en vain , les fem-
mes aïant beaucoup moins de chaleur
que les hommes , & tous les alimens
qu'elles prennent , ne pouvant fe ré-
duire en chair , la Nature qui fait tout
pour le mieux , ne retient que ce qui
leur eft néceffaire, & renvoie le fuper-
flu dans l'endroit où fe confervent les
Menftrues. Il ne faut pas s'étendre da-
vantage fur cette matiere , de peur d'en
dire plus que le fujet ne le demande .
On demande en quatrième lieu d'où
A3 vient
6 LES SECRETS

vient qu'une femme éjacule lorfqu'elle


eft en action avec un homme , après
avoir dit , que dès qu'elle a conçu , la
femence eft tellement renfermée dans
la matrice qu'elle n'en peut plus fortir;
fi cela eft , comment peut-il faire qu'el-
le éjacule dans ce moment - là. Onré-
pond en premier lieu , que lorfqu'une
femme conçoit, les Menftrues ne font
pas tellement retenues dans la matrice
que le Fatus qui eft dans fon ventre
n'en tire fa nourriture ; & en fecond
lieu ondit que quand la femme eft dans
cet accouplement amoureux pour lors,
à caufe du plaifir qu'elle y prend , par-
ce que la verge de l'homme qui eft
dans la matrice, châtouillant les nerfs
& les veines qui y font , fait que la ma-
trice en fe dilatant éjacule , & cette
action eft naturelle à l'égard du Coït
qui eft auffi naturel , quoiqu'il foit
contraire aux flux des Menftrues. De
plus il fe forme tous les jours une nou-
vellematiere des alimens qu'elles pren-
nent , qui n'eft propre que pour le
Coit. C'eft qui fait qu'il n'y a point
de doute que les femmes groffes ne
foient
D'ALBERT LE GRAND. 7.

foient plus amoureufes que les autres ,


parce que le défir ne vient que d'une
abondance de matiere fuperflue des
alimens ; & comme les menftrues font
retenues , & qu'il s'en forme tous les
jours de nouveau , la matrice étant
échauffée par cette abondance de ma-
tiere , il s'enfuit par conféquent que les
femmes groffes arant plus de chaleur
que les autres , fouhaitent auffi avec
plus d'ardeur le Coït.
XXGERRETGEREK K
CHAPITRE. II.

De qu'elle manière fe forme le Fatrs.


Influences des puiffances Celeftes
fur le Foetus , &c.
Yant fini le Chapitre précédent ,
Ail eft àpropos de montrer com
ment fe forme le Fetus. La premiere.
matiere que reçoit la matrice, pendant
fix jours reffemble à du lait ; & ce qui
contribue le plus à lui donner cette
couleur , c'eft la chaleur naturelle qui
fort du fperme de l'homme , jointe
avec celle de la matrice de la femme.
A4 De
LES SECRETS.

De telle forte que cette matiere par le


moïen de cette chaleur devient blan-
che comme du lait , enfuite dans l'ef-
pace de neufjours elle fe change , &
prend la couleur d'un fang épais , &
bien cuit , après quoi les inembres du
Fatus en douze jours fe confolident ,
& fe joignent enfemble.
Il faut cependant remarquer après
les Philofophes , que chaque individu
eft compofé des quatre élémens , en
forte que la matiere terreftre fert à la.
compofition des os , de même l'aqueu-
fe contribue à celle qui lui convient ,
& ainfi des autres. Enfuite la Nature
en dix-huit jours a foin de former le
vifage , & de donner au Fetus fa lon-
gueur , fa largeur & fa profondeur ;
& depuis ce tems-là le Fetus , jufqu'à
la fortic hors du ventre de fa mere
prend de plus en plus de nouvelles for-
ces. On doit pourtant remarquer que
le Fatus d'une femme fe forme en qua-
torze jours. Tout ce que l'on vient de
dire par beaucoup de paroles , & en
' un long difcours eft renfermé dans ces
quatre vers.
Pen
D'ALBERT LE GRAND.

Pendantfixjours au lait lafemence reffem-


ble
Et après neufdufang elle prendla couleur,
En douze les membres s'uniffent tous enfem
ble ;
En dix-huit fe fait l'homme , enfuite prend
vigueur.
Ily en a qui s'imaginent que quel-
qu'une des Planetes domine fur toutes
les heures du tems , & parce que cette
fcience fert beaucoup pour compren-
dre ce que l'on traite dans ce livre, &
de peur qu'on ne croïe que je l'ai ou-
blie par ignorance , j'en dirai quelque
chofe. Il faut fçavoir , comme dit Avi-
cenne , qu'il y a trois fortes d'accidens ;
les uns fuivent la difpofition de la ma-
tiere , & lui font attribués ; d'autres
fontdans la forme ; & quelques-uns en-
fin confiftent dans la forme & dans la
matiere tout enfemble; & comme ce
compofé matériel & formel eft natu-
rel , on nomme les accidens qui s'y ren-
contrent de trois manières. Il y a auffi
des accidens à l'égardde l'ame, comme
lapuiffance d'aller & de fe mouvoir; &
nous fuivons le fentiment de quel-
As ques-
LES SECRETS

ques-uns qui ont écrit fçavamment de


la Nature ; il faut avouer que toutes les
puiffances que l'ame a, étant renfermée
dans le corps , lui viennent des corps
fupérieurs & céleftes. En effet le pre-
miermobilequirenferme parfon mou
vententjournalier toutes les fpheres in-
férieures,communique par fon influen-
ce à la matiere, la vertu d'exifter & de
fe mouvoir : le globe des étoiles fixes
donne non feulement la puiffance au
Fetus de fe diftinguer fuivant ces diffé-
rentes figures & accidens , mais encore
lui communique le pouvoirde fe diffé-
rencier fuivant les différentes influen-
ces de ce globe. La fphere de Saturne, fi
Fon croit lesAftronomes,eft immédia
tement après le Firmament ; & l'ame
reçoit de cette Planete le difcernement
& la raifon ; enfuite eft celle de Jupiter,
qui donne à l'ame la générofité, & plu-
fieurs autres paffions; Mars lui commu-
nique la haine , la colere , & beaucoup
d'autres ; le Soleillui influe la fcience , &
la mémoires Venus les mouvemens de la
concupifcence ; Mercure la joie & le
plaifir ; enfin la Lune qui eft l'origine de
toutes
D'ALBERT LE GRAND. 11
toutes les vertus naturelles la fortifie.
Quoique toutes chofes viennent de l'a-
me, & qu'elle les ait reçues de plufieurs
parties des Corps Céleltes , cependant
on les lui attribue , & auffi à tout le
corps , parce qu'un fimple accident
n'eft pas fuffifant de les toutes foutenir.
Maintenant à l'égard du corps qui eft
créé,& formé de l'Embrion par les effets
& les opérations des étoiles , que l'on
appelle Planetes ; il faut remarquer en
premier lieu que la matrice de l'hom-
me qui doit être engendré , étant prife
& ferrée par la froideur , & la féche-
reffe de Saturne , reçoit de cette Planete
une vertu fortifiante & végétative avec
un mouvement naturel ; & c'eft pour
cela que les Médecins difent qu'on at-
tribue à Saturne la chûte du fperme dans
la matrice , pendant le premier mois
de la conception , & dans la fuite ; par
ce que par fa froideur , & fa féchereffe
il fait prendre & durcir la Semencé.
De ce raifonnement il fe forme un
doute , fçavoir fi Saturne domine à la
conception de tous les Embrions , fur
quoi on doit remarquer que la matiere
Ava pre-
12 LES SECRETS

premiere dépend des Corps Céleftes ,


& de leurs mouvemens , & c'eft ce qui
a fait dire aux Philofophes , ( a) que
tout ce qui eft inférieur eft fujet à ce qui
fui eft fupérieur , & fe regle par fon
mouvement. Cela fuppofé il eft nécef-
faire que tous les êtres inférieurs d'ici-
bas dépendent univerfellement , & en
particulier de ceux de tout le Corps
Celeſte , parce qu'il ne fe peut rien
créer des Elemens fans leurs participa-
tions & leurs influences. C'eft pour
cette raifon que le Commentateur dit ,
(b) que la Nature n'agit & ne fait rien
fans la direction des intelligences fupe-
rieurés. Cependant les Aftres con-
courrent en particulier avec les êtres
terreftres , par exemple , une telle Pla-
nete a la propriété de produire une tel-
le forme déterminée & fpéciale , une
autre Planete , une autre forme diffé
rente ; ce qui s'accorde à l'opinion du
Commentateur , qui foutient dans fon
premier Traité de la Génération , &
corruption , que tous les corps infé-
rieurs font réglés , & confervés par le
mou-
(a) 2. Methoor (b) 2. Metaph
D'ALBERT LE GRAND. T
mouvement alternatifdes Céleftes , &
des Elémens qui entrent généralement
dans la compofition des Mixtes. I
ajoute que les animaux dépendent en-
tiérement des Planetes , qui leur déter-
minent , & leur donnent l'être qu'ils
doivent avoir de forte que tous les
corps inférieurs , tant en particulier
qu'univerfellement , recoivent les in-
Auences de ceux qui leurs font fupé-
rieurs. Si tout ce qui eft créé dépend
& eft fujet aux Corps Céleftes , il eft
néceffaire que quelque Planete lui don-
ne une forme déterminée de quelque
efpece , car s'il en recevoit une géné-
ralement de tout le Corps Célefte en-
femble , ce ne pourroit être qu'une tel-
le ou une telle forme indifféremment
parce que le motif qui l'obligeroit de
donner une telle forme , le contrain-
droit d'un autre côté à lui en donner
d'autre ( toutes les formes étant indif
ferentes dans le premier moteur ,com-
me l'affure le (*) Commentateur) &
par conféquent un corps étant difpofe
par le premier moteur , il faut qu'il re-
A7 çoive
(*) 2. Metaph.
14 LES SECRETS

çoive par l'influence de quelque Plane


te particuliere la difpofition à une cer-
taine forme ou efpece , puifqu'une
caufe phyfiquene fuffit pas même avec
l'influence commune des corps fupé-
rieurs. Cela eft clair , indubitable ,
parce que la femence qui est entrée
dans la matrice , confervant la même
puiffance qu'elle avoit avant qu'elle y
fut , & cette puiffance étant réglée in-
differemment par les Corps Cèleftes
il s'enfuivroit que bien loin que cette
matiere reçut la forme qu'elle devroit
avoir , elle en auroit une autre qui lui
feroit naturellement contraire. C'eft le
raifonnement d' Ariftote dans fon fecond
Livre de la Génération & la corrup-
tion , où il dit , qu'au lever du Soleil
les animaux font pleins de vie , & que
lorfqu'il fe couche ils deviennent lan-
guiffans. Ce qui fait voir que toutes
les Créatures après avoir été prépa-
rées , & difpofées par la premiere in-
telligence , ont encore befoin des in-
fluences fpéciales de quelque figne Cé-
lefte , qui leur imprime une forme
particuliere.
De
D'ALBERT LE GRAND. IS

De cette manière on voit qu'il y a


deux puiffances dans Saturne , l'un de
préparer la matiere en général , & l'au
tre de lui donner une certaine forme
particuliere. Mais parce que l'on dit
que Saturne domine toujours dans la
conception de l'Embrion,cela s'entend
feulement qu'il communique une telle
difpofition qu'une autre partie célefte
ne peut pas lui communiquer. Ainfi fi
Saturne ne regne pas à de certaines
heures du jour ou de la nuit , & que
fes influences pendant ce tems- là cef-
fent , c'eft parce qu'une Planete ou une
étoile differente , influe une autre for-
me qui eft contraire à Saturne ; ou parce
que les Actifs n'agiffent quefur un fujes
bienpréparé. Que fi quelqu'un demande
d'où vient que toutes chofes font ain
difpofées on peut & on doit leur
répondre que Dieu l'a ordonné de cet-
te manière , qu'il regle & gouverne
tout fouverainement , & donne à cha
que chofe une vertu propre à propor-
tion que le demande fa nature.
Après avoir dit que pendant le pre-
mier mois Saturne domine à la concep,
tion
16 LES SECRETS

tion de l'Embrion , Jupiter prend fa


placedansle fecond ; & par une faveur
fpéciale & une vertu qui lui eft fingu-
liere , il difpofe la matiere à prendre ,
& à recevoir les membres qu'elle doit
avoir. De plus il renfonce par une cha-
leur merveilleufe la matiere du Fetus ,
& humecte toutes les parties qui
ayoient été defféchées par Saturne dans
le premier mois. Pendant le troifiéme,
Mars avec fa chaleur fait la tête , en-
fuite diftingue tous les membres les
uns des autres ; par exemple , il fépare
le col des bras , les bras des côtes , &
ainfi du refte.
Le Soleil dominant au quatrième
mois , imprime les différentes formes
du Fœtus , crée le cœur , & donne le
mouvement à l'ame fenfitive , fi nous
en croions les Médecins & quelques
Aftronomes ; mais Ariftote eft d'un au-
tre fentiment , & foutient que le cœur
eft engendré avant toutes les autres
parties , & que c'eft de lui qu'elles
fortent. D'autres voulant encherir là-
deffus , difent que c'eft le Soleil qui
eft la fource & l'origine de la vie.
Venus
D'ALBERT LE GRAND.

Venusdans le cinquième perfection-


ne par fon influence quelques mem-
bres extérieurs , & elle en forme d'au-
tres , comme les oreilles , le nez , les
os , la verge ou le prépuce dans les
mâles , la Nature ou la Vulve & les
mammelles dans les femelles. De plus-
elle fépare & diftingue les mains , les
pieds & les doigts.
Pendant le fixième mois fous la do-
mination & les influences de Mercure
fe forme les organes de la voix , les
fourcils & les yeux ; fous la même
Planete les cheveux croiffent , & les
ongles fortent au Fatus.
La Lune acheve dans le feptiéme
mois ce qui étoit commencé par les
autres Planetes , car elle remplit par
fon humidité tous les vuides qui fe ren-
contrent dans la chair, Venus & Mercure
humectant tout le corps , lui donnent
la nourriture qui lui eft néceffaire.
On attribue le huitième mois à Sa-
turne, qui par fon influence refroidit &
feche beaucoup le Fatus , & par confé-
quent le refferre , c'eft pour cela que les
Aftronomes difent que le Fous qui eft
engen
18 LES • SECRETS.

engendré dans cemois-là eft moribond


ou même mort , comme on le fera voir
dans la fuite. Mais Jupiter qui regne au
neuvième , réjouit le Fatus par fa cha-
leur & par fon humidité ; & celui qui
naît dans ce mois eft fort , fain & de
longue vie , la chaleur lui donnant la
force , & l'humidité une longue vie.
Mais il faut encore remarquer que
tous les membres du corps dépendent
des douze Signes du Zodiac. Le Belier
eft le premier de tous les Signes Cé--
leftes , lequel , lorfqu'il renferme le
Soleil avec modération , communique.
le chaud & l'humide , & excite à la
génération. C'eft pour cette raifon que
l'on appelle le mouvement du Soleil
dans le Belie , la fource & le principe
de la vie , ainfi on lui attribue la tête
de l'homme avec toutes fes parties.Car
de même que la tête eft la plus noble
'partie du corps , le Belier dans le Ciel
eft le plus noble de tous les Signes: &
cela avec raifon , puifque le Soleil con-
courant avec lui , meût & excite le
chaud & l'humide de la Nature , de la
même manière que la tête dans l'hom-
me
D'ALBERT LE GRAND. 19

me le eft principe des efprits vitaux.


Le Taureau domine fur le col ; les Ju-
meaux fur les épaules ; l'Ecrevice fur les
mains & fur les bras ; le Lion fur la
poitrine , le cœur & le diaphragmes
laVierge fur l'eftomac , les inteftins , les
côtes & fur les mufcles . Tous ces Si-
gnes partageant le Ciel , ne régiffent &
ne gouvernent que la moitié du corps.
La Baleine regarde dans la feconde par-
tie les reins , & eft l'origine & le prin-
cipe des autres membres ; le Scorpion les
endroits propres à la concupifcence
tant à l'égard de l'homme qu'à l'égard
de la femme ; le Sagitaire le nez & les
excrémens , le Capricorne les genoux
& ce qui eft au- deffous ; le Verfeau les
cuiffes; & le Poiffon qui eft le dernier
de tous communique fes influences fur
les pieds voilà en peu de mots ce qui
regarde les douze Signes du Zodiac ,
touchant les differentes parties du
corps. Cependant il ne faut pas croire
que ces chofes foient feintes & ima-
ginaires ; parce qu'on en peut faire des
experiences en plufieurs endroits . Que
l'on fcache donc qu'il eft dangereux
d'offen
10 LES SECRETS

d'offenfer quelque membre , lorfque la


Lune eft dans le figne qui le domine ;
la raifon de cela , c'eft que la Lune en
augmente l'humidité : comme on le
verra clairement , fi on expofe de la
chair fraîche pendant la nuit aux
raions de la Lune , il s'y engendrera
des vers ; quoique cela n'arrive pas
toûjours , ilarrive ordinairement dans
la pleine Lune.
Pour bien comprendre ce que nous
venons de dire , il faut remarquer avec
(a) Albert le Grand , qu'il y a quatre dif-
ferens états dans la Lune. Dans le pre-
mier elle eft chaude & humide , dans
le fecond elle eft chaude & feche juf-
ques dans fa plénitude ; enfuite dans
le troifiéme elle devient froide à me-
fure qu'elle décroit , & dans fon der-
nier quartier elle conferve fa froideur
jufqu'à ce qu'elle s'approche du Soleil ;
c'eft dans cet état particulierement
qu'elle corrompt ce qui eft humide ,
& comme pour lors elle augmente
l'humidité dans les membres , on n'en
fçauroit offenfer aucun fans le blefler
dan-
(a) In Tract. deft. Solis & Luna.
D'ALBERT LE GRAND. 21
dangereufement , parce qu'on ne peut
ajouter l'humidité à l'humide fans
danger.
Vous fçaurez, mes Freres, que quoi
que quelques femmes n'aïent aucune
connoiffance ni experience de cette
chofe , il s'en trouve plufieurs qui en
fçavent les effets , & qui s'en fervent à
faire beaucoup de mal lorfqu'elles ont
à faire avec un homme , il arrive
fouvent que les hommes contractent
de très-grands maux de l'infection de
la verge , par le moyen d'un fer dont
fe fervent certaines femmes abandon-
nées , lorfqu'elles font experimentées
encette forte de malice,j'en dirois bien
quelque chofes'il m'étoit permis, mais
parce que je crains Dieu monCreateur,
je n'en parlerai point pour le préfent.
Onpourroit par une autre expérience
montrer ici l'effet de la Lune dans fon
dernier quartier , parce que les raïons
s'infinuant pendant la nuit dans la tête
d'une perfonne qui dort , ils lui don-
nent la migraine , & lui caufent un
rhume. On en a donné la raiſon ci-
devant.
CHA-
£2 LES SECRETS
********************** *****
CHAPITRE III.

Des influences des Planetes. De quelle


manière elles agiffent fur le corps.
D'où vient qu'il fe forme fouvent
plufieurs Fetus dans la Matrice ,
& comment, &c.
Left à propos maintenant de traiter,
1 & de veniraux influences des Plane-
tes, que les Anciens ont appelle le Dieu
de la Nature qui domine fur l'homme.
tant à l'égard du corps que de l'ame.
Saturne quieft plus élevé , plus ob-
four , plus pefant & plus lent que tou-
tes les autres Planetes , fait que celui
qui nait fous fa domination a le corps
de couleur obfcure , les cheveux noirs,
& gros, latête groffe & barbue , l'efto-
mac petit , il a auffi des fentes aux ta-
lons , à l'égard de l'ame , il eft mé-
chant , perfide, traître , colere, mélan-
colique , & de mauvaife vie , il aime
Pordure & fe plaît à avoir de méchans
habits , il n'eft point fujet à la luxure,
ni à la paillardife , au contraire il la
hait. En un mot l'on peut dire fuivant
le
D'ALBERT LE GRAND. 23
le fentiment de monMaître qui eftfort
expérimenté dans cette fcience , que
tout homme qui vient au monde fous
la Planete de Saturne , a toutes les mau
vaifes qualités du corps & de l'ame.
Jupiter qui eft une Planete douce ,
brillante , tempérée & heureufe , don-
ne à l'homme qui naît fous lui le vifage
beau, les yeux clairs, & une barberon-
de; de plus cet homme a les deux
dents fuperieures grandes , & égale-
ment éloignées l'une de l'autre , il a
auffi la couleurdu vifage blanche , mê-
lée avec du rouge, & les cheveux longs.
Pour ce qui regarde l'ame , il eft bon ,
honnête & modefte , & vivra long-
tems , ilaime l'honneur , les beaux ha-
bits & lesparures , il fe plaît aux goûts
agréables & aux odeurs ; il eft mifer-
cordieux , bienfaifant , magnifique
agréable , vertueux , fincere dans fes
paroles , & grave dans fon marcher
regardant le plus fouvent la terre.
L'hommequi naît fous la Planete de
Mars , immoderé dans fa chaleur & fa
fechereffe , eft de couleur rougeâtre
femblable à ceux qui font brûlés du So-
leil
44 LES SECRETS
leil; il a les cheveux courts , les yeux
petits , le corps courbé & groffier , il
eft inconftant , trompeur fans honte ,
fujet à fe fâcher , traître ,. fuperbe ,
& capable de femer la difcorde & la
diffention.
Le Soleil que l'on appelle ordinaire-
ment l'œil & la lumiere du monde
donne à celui qui vient au monde fous
fa Planete beaucoup de chair , un vifa-
ge beau , de grands yeux , affez de
barbe , avec de longs cheveux ; quel-
ques-uns écrivent que l'hommefous la
domination du Soleil eft hipocrite , &
n'a qu'une belle apparence , d'autres
difent qu'il aime les fciences , & de-
vient fort fçavant ; il s'en trouve qui
croient qu'il eft régulier , pieux , dé-
vot , fage , riche , aimant les bons ,
fuiant & haiffant les méchans.
Celui qui naît fous Venus qui eft une
Planete bienfaifante , eft beau & ales
yeux & les fourcils charneux & éle
vés , il eft d'une moïenne grandeur ;
en ce qui regarde l'ame , il eft franc ,
plaifant , fçavant , aime la mufique ,
le plaifir , les divertiffemens & la dan-
fe;
Pag. 25.

?
D'ALBERT LE GRAND. 25
fe; il fe plaît d'avoir de beaux habits
& fon marcher eft agréable.
Mercure que les Aftronomes difent
être toujours auprès du Soleil , dont il
tire fa lumiere , fait que l'homme qui
naît fous fa domination eft bien fait de
corps , a une taille ni trop haute ni trop
petite & une belle barbe ; quant à l'ame.
il eft fage , fubtil , aime la Philofophie
& l'étude, il parle jufte, fe fait des amis
& n'a jamais beaucoup de richeffes
cependant il donne de bons confeils ::
eft fincere , tient fa parole , eft incapa-
ble d'infidelité & de trahifon , & ne
confeille jamais à mal faire , ni ne fe
trouvejamais en méchante compagnie.
LaLune qui eft beaucoup plus agitée
que les autres Planetes , fait l'homme
errant & volage , véritable dans fes
paroles , & qui n'eft propre à rien
agréable & d'une médiocre grandeur;
il a les yeux inégaux , dont l'un eft tou
jours plus grand que l'autre.
Il faut fçavoir que toutes les Plane-
tes , & les autres parties de la Sphere
Célefte influent , & fe communiquent
par une vertu divine , & agiffent tou-
B jours
260 LES SECRETS

jours néceffairement ; & ainfi l'on


peut foutenir fans crainte de ſe trom-
per , fuivant ce que l'on a dit ci-devant,
que toutes les chofes terreftres font
gouvernées par les fupérieures & les
Céleftes ; & que les Sacrifices , & les
Holocauftes que l'on fait dans le mon-
de , font inutiles , & ne peuvent pas
empêcher les influences des Corps Cé
leftes , qui donnent la vie ou la mort.
Peut-être que quelqu'un croira que
je fuis tombé dans deux grands dé-
fauts;le premier, que n'examinant feu-
lement que la fuperficie de mon dif-
cours , on pourroit conclure de mes pa-
roles qu'il s'enfuivroit que rien n'arri-
veroit dans le monde que par néceffité,
& abfolument , & le fecond , que je
voudrois dans ce Livre obfcurcir , &
détruire la Foi Catholique : mais j'ai
expliqué fi amplement tout ce que j'ai
avance , & j'ai parlé avec tant de clar-
té & fi utilement des Planetes , &
des autres Corps Céleftes touchant les
influences à l'égard des corps infé-
rieurs , que je crois inutile , & hors de
propos d'en dire davantage. Il faut
pourtant
D'ALBERT LE GRAND. 27

pourtant remarquer qu'il fe forme


quelquefois plufieurs Foetus dans la
Matrice , & cela à caufe de la fepara-
tion de la femence , qui rencontrant
plufieurs petites chambres , s'y renfer-
me dans chacune en telle quantité
qu'il y en a fuffifamment pour former
un Foetus ; & voilà en peu de mots ce
qui fait qu'il s'y en trouve fouvent qua-
tre ou cinq ou davantage tout à la fois.

CHAPITRE 1 IV.

Comment s'engendrent les Animaux


imparfaits. Les effets admirables
des cheveux d'une femme. Diverfité
des Animaux , & d'où elle vient.
Our donner un plus grand éclair-
Pone dentà
ciffement à ce
ce que l'on aa dit juſ-
ques ici , & montrer comme fe for
ment quelquefois dans la Matrice plu-
fieurs Foetus, & d'où naiffent plufieurs.
enfans , comme deux Jumeaux , il eft à
propos , & mêmé néceffaire de quitter
pour quelque-tems , & de faire dif-
greffion de la génération humaine ,
B 2 pour
28 LES SECRETS
pour parler de celle des animaux im-
parfaits , qui s'engendrent de la cor-
ruption & non pas de femence. Sur
quoi il faut remarquer que ces ani-
mauximparfaits, font parexemple , les
mouches , les vers & beaucoup d'au-
tres de cette nature , qui fe forment
d'une matiere corrompue , & par con-
féquent d'une matiere différente &
contraire aux animaux parfaits , qui
font engendrés & formés de femence.
Il y en a plufieurs qui doutent files
animaux imparfaits s'engendrent de
femence ou de corruption : Avicenne
dans fonTraité du déluge , croit qu'ils
peuvent fe former de femence , &
fans femence , & il le prouve de cette
manière , parce qu'il pourroit arriver
un autre déluge univerfel , & que
dans un tel déluge tout ce qui feroit
vivant feroit corrompu. Or , tous les
animaux vivans étant corrompus ,
ils viendro ent des influences fur ces
cadavres morts , & pour lors par une
vertu furnaturelle & Celefte , il s'en-
gendreroit d'autres animaux fembla-
bles à ceux qui étoient auparavant : de
forte
D'ALBERT LE GRAND. 29

forte qu'un étant formé de ces cada-


vres pourris , il en engendreroit d'au-
tres de fa femence qui lui reffemble-
roient ; donc les animaux imparfaits
peuvent être formés de femence , &
fans femence indifféremment. Il mon-.
tre cela clairement par un autre exem-
ple. Prenez , dit-il , les cheveux d'une
femme qui aura fes regles , mettez-les
fous de la terre graffe , où il y aura
eu dufumjer pendant l'hyver , au com-
mencement du Printems ou de l'Eté
lorfqu'ils feront réchaufés par la cha-
leur du Soleil , il s'en formera un fer-
pent , qui enfuite de fa femence en-
gendrera unautre de la même efpece. Il
fait voir la même chofe dans un rat
qui fut formé de fon tems de pourri-
ture , & qui enfuite en fit un autre. On
pourroit en donner plufieurs autres
raifons ; mais celles qu'on a apportées
fontfuffifantes par
qu'il feroit trop
long de raconter tout ce qui regarde
cette matiere.
Mais on peut dire en peu de mots
que l'opinion d'Avicenne eft fauffe : la
raifon en eft , fi cela étoit poble , que
B 3 de
30 LES SECRETS
demême que chacun a une matiere qui
lui eft propre , il devroit auffi avoir un
agent & une forme qui lui feroient
particulieres ; & comme ces animaux
ont différentes formes , il faudroit par
conféquent qu'ils euffent différentes
matieres & différens principes de
génération. Cependant le Philofophe
dit que ces mêmes animaux , du moins
quant à l'efpece , peuvent être engen-
drés de femence , ouformés de corrup-
tion , de la même manière que la fanté
peut être confervée par l'art auffi-bien
que par la Nature : en quoi le Philo-
fophe ne s'accorde pas avec Avicenne,
qui dit , que les animaux parfaits ne
peuvent être engendrés fans femence ,
& Avicenne eft différent & contraire
au Philofophe qui veut que le déluge
univerfel par le feu ou par l'eau , foit
impoffible à l'égard de la Nature ; Al-
berten donne cette raifon, parce , dit-il,
que le déluge ne peut venir que d'une
conftellation humide ou chaude ; ainfi
à mesure que l'humide inonde la partie
de laterre qu'elle regarde , la chaude à
proportion feche celle fur laquelle elle
domine
D'ALBERT LE GRAND. 31

domine , par conféquent il ne peut`


doncy avoir de déluge univerfel , donc
ce qu'a dit Avicenne eft impoffible.
Pour répondre à cette queftion , on
dit que les animaux imparfaits peu-
vent être engendrés fans femence; &
le (*) Commentateur en : donne une
raifon , difant que la chaleur divifant
un corps mêlé , & tirant une matie-
re fubtile, & laiffant ce qui eft groffier,
en forme un nouveau ; mais à propre-
ment parler , cen'eft pas une chaleur ,
mais plutôt l'influence d'une conftella-
tion Célefte, Le fentiment de ce Phi-
lofophe eft , que la matiere dont eft
formé un animal , eft une certaine hu-
midité fubtile , fur laquelle agit une
chaleur naturelle par le moien d'une
puiflance fupérieure , & cette même
chaleur étant proportionnée à la ma-
tiére , lui donne la forme d'un tel ani-
mal , & la fépare de toutes les autres
Parties groffieres de ce corps terreftre.
Il foutient de plus que cette génération
eft anivoque virtuellement, & non pas
formellement , en quoi il leve le doute
dans lequel font quelques-uns qui di-
(*) 4. Meteor. B 4 fent ,
32 LES SECRETS

fent , que tout ce qui s'engendre uni-


quement & de même efpece ,'le doit
être par un autre qui lui foit fémbla-
ble ; ce qui eft vrai , comme on a déja
dit , virtuellement ou formellement ,
parce qu'il arrive fouvent que de la
même matiere naiffent différens ani-
maux imparfaits ; par exemple des ex-
crémens d'un cheval , il fe forme des
mouches , des guefpes & beaucoup
d'autres de couleurs & de figures diffé-
rentes.
Mais la caufe de la diverfité de ces
animaux eft la divifion de la femence
dans la mattice ; ce qui eft véritable ,
fur- tout à l'égard de ceux qui font par-
faits. Il faut fçavoir qu'il y a plufieurs
petites cellules dans la matrice ; & que
le perejettant une partie de fa femence
dans chacune , il s'y engendre plufieurs
Foetus : la même chofe fe fait dans les
animaux imparfaits , qui au lieu de ma-
trice & de femence , font formés d'une.
autre matiere , & ainfi ces animaux fe
multiplient àproportion que l'humidi-
té fe divife en fortant par les pores d'un
corps pourri & corrompu, & ce qui
fait
D'ALBERT LE GRAND . 33.
fait qu'il s'en forme de plufieurs efpe-
ces , en même-tems vient de la reffem-
blance ou de la différence de l'humide ,
qui fort du même cadavre en petites
parties femblables ou différentes.
Si certains animaux font grands ,
longs , déliés , & d'autres font petits ,
cela vient de la diverfité de l'humide.
Celui qui eft chaud , fec & bilieux for
me un corps long , mince & menu ,
par le moïen de lachaleur qui l'étend ;
celui qui eft froid & flegmatique , fait
l'animal court & large , à caufe de l'eau
qui s'écarte & du froid qui refferre.
Mais celui qui a la couleur du fang &
qui eft chaud engendre l'animal ni trop
petit ni trop grand à caufe du mêlange
tempéré du chaud & de l'humide: l'hu-
mide mélancolique, rend l'animal fort
petit & refferré , parce que la fécheref-
fe & la froideur l'empêche de s'étendre
& de s'alonger : l'animal enfin qui eft
formé d'un humide bilieux mêlé par
hazard avec du chaud , eft long & fort
menu , à caufe de la chaleur qui l'étend
extrêmement , & de la féchereffe tem-
pérée qui le délic ; & il faut remarquer
B que
34 LES SECRETS

que le bilieux eft de couleur jaune , le


fanguin eft rouge,le mélancolique noir
& le flegmatique blanc. Il n'y a point
de doute que de ceux dont la nature
eft mêlée , la qualité & la couleur ne le
foient auffi. On a montré dans ce Cha-
pitre de quelle manière s'engendrent
lesanimaux parfaits & imparfaits,ony
a fait voir comment fe forment plu-
fieurs Foetus , & on a donné la raifon ,
pourquoi un animaleft courtoulong, &
d'où vient qu'il eft d'une telle couleur,

CHAPITRE V.
De la fortie du Foetus . Raifon pour-
quoi les Femmes accouchent dans le
fixiéme mois, & pourquoi l'unefouf-
freplus que l'autre dans l'accouche-
ment , &c.

L faut maintenant reprendre notre


Il faut mainte
2 nant pone
dit de la génération & formation de
l'Embrion dans le ventre de la mere, &
montrer de quellemanière il en fort. Il
faut
D'ALBERT LE GRAND. 3.5
faut fçavoir en premier lieu comment,
& quand ces trois puiffances de l'ame ,
la végétative , la fenfitive & l'intellec-
tuelle conviennent à la matiere du Fœ-
tus ; cependant quoique cela ne regarde
pas précisément notre fujet on en tou ..
chera quelque chofe en peu de mots.
Le fperme étant ramaffe dans la ma-
trice de la femme , s'augmente auffi-
tôt qu'il y eft , & que la matrice eft
bien fermée : cette augmentation ou
cet accroiffement vient de la puiffance .
de l'ame végétative par une communi-
cation du pere ou de celui qui engen-
dre enjettant le fperme , comme on le
voit dans le fecond Livre des animaux
où il eft dit que cette puiffance végéta-
tive a deux effets , l'un d'engendrer ,
& l'autre de fe fervir des alimens , par-
ce qu'une plante engendre une plante ,
& un animal , un animal. On connoît
par ce que l'on vient dedire , qu'il y a
une vertu générative qui fert & con-
vient à la génération de l'Embrion , &
qu'enfuite , fuivant que la Nature fem-
ble le demander, il s'y joint uname fen-
fitive, & enfin uneame d'une telle efpe-
B6. ce.
LES SECRETS

ce. Ces deux puiffances , fçavoir la vé-


getative & la fenfitive font diftinguées
par leurs opérations , qui outre cela
font différentes dans leurs objets , elles
font pourtant femblables quant à leur
effence , quoique ce ne foit pas de la
même manière , comme le dit le Philo-
fophe. (a )L'Embrion vitpremiérement
comme une plante ; en fecond lieu , il a
une vie animale ; enfin il vit commeun
animal de telle efpece ; l'homme a de
plus une vertu intellectuelle qui ne
s'engendre pas avec la matiere , mais
qui lui eft infufe & communiquée du
Ciel, c'eft ce qui fait qu'on l'appelle la
fin & laperfection de toutes les formes
qui font dans l'Univers. Les Médecins
difent que la premiere vie eft cachée ,
la féconde apparente , & que la troifié-
me eft excellente & glorieufe. Que le
fens naturel vient de la premiere , que .
la feconde donne les fens animaux , le
fentiment , la vue ,louie & le mouve-
ment volontaire , & la troifiéme le
fens fpirituel , d'où fe forme le difcer-
nement , la raifon , & ainfi du refte:
Le
(a) Lib. 16. de Anim.
D'ALBERT LE GRAND. 37

Le tems auquel lé Foetus fort duven-


tre de fa mere , eft le plus fouvent dans
le neuvième mois , il arrive cépendant
à quelques-unes dans le huitième , à
d'autres dans le dixième & l'onzième,
& quelquefois plus tard.
Certaines femmes ont coûtume
d'accoucher dans le fixième mois , &
fe font bleffées , & bien loin de mettre
un homme aumonde , elles ne produi
fent qu'une matiere charneufe & blan-
che comme du lait , il y a plufieurs
caufes de cet accident ; car ou il vient
de ce que la matiere des menftrues s'eft
corrompue , ou bien parce que la ma
trice s'eft rompue , par une trop gran-
de agitation , ou enfin de quelqu'autre
endroit , c'eft pour cela que les fem
mes abandonnées & celles qui font ex-
perimentées dans cette malice , lorf-
qu'elles fentent qu'elles font groffes ,
changentfouvent de lieu , & vont d'un
païs en un autre , danfent & s'agitent
ou enfin ont fort fouvent à faire avec
des hommes , afin que par ce mou-
yement elles empêchent la concep-
tion , & que par le plaifir qu'elles pren-
qu
B 7 nent
38 LES SECRETS

nent dans le Coit , elles oublient plus


facilement la douleur & les maux que
caufe l'avortement du Foetus.
Or, il faut remarquer que les jeunes
femmes fe bleffent fouvent de crainte ,
ou par un coup de tonnerre , parce
que file Foetus qu'elles portent , eft vi-
vant , il meurt, ou que s'il ne l'eft pas,
il fe peut faire que la femence par ce
mouvement naturel perdroit la forme
humaine qu'elle devoit avoir. La cauſe
de cela vient de la peur qui changeant
tout le corps , le difpofe à une mala-
die , & par ce moien offenfe & étouffe
le Foetus , ou bien du foudre qui péné
trant jufqu'au dedans , détruit & brûle
ce qu'il y rencontre , quoique néan-
moinsil ne paroiffe aucune marque de
brûlure , à caufe de la fubtilité de cette
vapeur qui eft quelquefois fi forte qu'il
donne la mort à l'homme , plutôt par
la rudeffe du coup , que par la chaleur ,
& fouvent fuivant la difpofition natu-
relle & intérieure dans laquelle fe trou-
vele Fetus; après avoir confumé parfa
chaleur tout fon humide radical , il le
tue. Il ne faut pas s'imaginer que ce
que
D'ALBERT LE GRAND. 32

que l'on vient de dire foit faux , parce


qu'Albert affure, parlant des effets du
tonnerre , qu'il a vu un foulier tout-à-
faitbrûlé par la foudre fans quele pied
fût aucunement offenfe , & au contrai
re qu'une autre fois le pied fut entiére-
ment confumé par te tonnerre , fans
que le foulier en fut endommagé. On
a vâ auffi les poils qui font autour de
la nature brûlés ,fans avoir touché au
corps ; ce qui fait évidemment voir
que la fondre penetre , de la manière
qu'on l'a dit,dans les parties intérieu-
res. Il eft certain qu'un ferpent veni
meux frape d'un coup de tonnerre *
pourrit en peu de jours , & engendre
beaucoup de vers ; il eft encore certain
qu'un tonneau troué par un coup de
foudre , demeurât quelque tems après
fans que le vin qui étoit dedans fe ré-
pandît. Il feroit inutile & même fuper-
Au de s'étendre davantage fur ces cho-
fes ni fur leurs caufes , après ce que l'on
en dit.
Mais comme il fe pourroitformer
plufieurs doutes fur ce que l'on a avan-
cé ci-deffus dans le Texte , j'en donne
fur
LES SECRETS

fur le champ les folutions. Le premier


eft de fçavoir s'il eft poffible que dans le
même-tems quel'homme eft en action
avec la femme , il furvenoit quelque
accident de lá foudre , la femence au
moment de l'éjaculation en recevroit
une nouvelle impreffion , qui la difpo-
feroit à prendre une autre forme toute
différente de celle qu'elle devroit avoir
de fa nature particulière.
Le fecond eft , fi lors de l'éjaculation
de lafemence, la foudre peut empêcher
les influences des Planetes , & fi la ma-
tiere de la femence tant du pere que de
la mere > en eft auffi offenfee,
Le troifiéme eft de fçavoir , fi la fou-
dre peut communiquer à la femence
une vertu capable de former un mâle,
après avoir été difpofé pour une femel-
le , & au contraire fi cette même vertu
peut changer en une femelle la femen-
ce qui avoit été auparavant deftinée &
préparée pour un mâle.
Pendant le feptiéme mois le Fœtus
qui eft dans le ventre de fa mere fe por-
te bien , parce que le mouvement lui
eft naturel; mais s'il y refte jufques au
hui.
D'ALBERT LE GRAND. 41

huitiéme, pour lors il commence à tra-


vailler pour fa fortie , néanmoins s'il
fort pendant ce mois-là , il meurt auffi
tôt ,à caufe des fatigues qu'il s'eft don-
né pendant le feptième , qui l'ont tout-
à- fait affoibli. Pour celui qui vient au
monde le neuvième , il eft fein , parce
que pendant tout le huitième mois , il
s'eft repofé des travaux qu'il avoit fouf-
fert pendant le feptième.
Sur quoi il faut fçavoir qu'il y a des
femmes qui fouffrent plus les unes que
les autres , parce qu'il arrive que dans
l'accouchement le Fatus en fortant ,
préfente la main ou le pied , ce qui im-
manquablement caufe de grandes dou- .
leurs. Pour lors quoique les Sages-
Femmes repouffent adroitement le
Foetus , il ne fe peut faire que la mere
n'en reffente de cruels maux; d'où vient
que beaucoup de femmes , fi elles ne
font extrêmement fortes & robuftes ,
s'en trouvent tellement foibles qu'el-
les font en danger d'en mourir. Il arri-
ve auffi quelquefois dans l'accouche
ment de la femme que la matrice fe
rend jufqu'au fondement , & en forte
que
42 LES SECRETS

que ces deux trous n'en font plus qu'un


alors ;les Sages-Femmes qui font expé-
rimentées & qui fçavent leur métier,fe
fervent d'un certain onguent , dont el-
les frorent la Vulve , & enfuite remet-
tent habilement la matrice dans fa pla-
ce ordinaire , parce que la matrice eft
fouvent offenfée , & s'ulcere dans la
Vulve; c'eft pourquoi celles qui veu-
lent femêler d'accoucher des femmes ,"
doivent être fort habiles. Et j'ai appris
de quelques-unes , que lorfque le Fo
tus enfortant préfentela tête la premie
re l'affaire va bien , parce que les autres
membres la fuivent & fortent facile .
ment, ce qui rend l'accouchement fort
doux , & moins douloureux. Sur la fin
de ce Chapitre on fait une queſtion
fortcurieufe,& l'on demande d'où l'en
fantquieft dans la matrice tire fa nour
riture,puifqu'elle eftfermée de tout cô
té. Sur quoi il faut remarquer , qu'à la
vérité le Fætus eft bien renfermé dans
la matrice; mais c'eft par une puiflance
naturelle qui eft très-cachée & incon-
nue. Il y a en premier lieu une certaine
veine qui traverfant la matrice,va droit
dans
D'ALBERT LE GRAND. 4岁
43

dans lésmammelles, qui auffi-tôtque le


Fatus eft conçu & formé fe durcitent,
parce que la fubftance des Menftrues
s'y jette après que la matrice eft fer-
mée ; & cette fubftance étant cuite par
une chaleur violente devient blanche ,
ce qui fait qu'on lui donne le nom de
lait , lequel étant cuit de la manière
qu'on vientde dire , retourne parcette
veine dans la matrice, & le Foetus s'en
nourritcomme d'urraliment qui lui eft
propre & naturel.C'eft cette veine que
les Sages-Femmes coupent à la fortie
du Fœtus , & ce qui fait qu'on lie le
nombril aux enfans nouvellement nés,
de peur qu'il ne leur forte riendu corps
par cette veine qu'on a féparée de la
matrice, & qui fe nomme le nombril.

20setza

CHAPITRE VI.

D'un Monftrede Nature , & commens


ilfe forme , & c.

Riftote dans fon fecond Livre de


APhysique, dit que la Nature a fes
défauts
44 LES SECRETS

défauts auffi-bien que l'art. La penfée


de ce Philofophe convient fort , & fert
beaucaup à l'éclairciffement de notre
fujet ; parce que les monftres dans la
Nature ne font autre chofe que des
individus de quelqu'efpece , à qui il
manque quelques parties , ou qui en
ont plus qu'ils ne devroient avoir ;
cela fe voit fouvent dans les hommes
qui viennent au monde avec une main
ou un pied feulement , ainfi du refte ;
mais il faut remarquer que ces défauts
que les Philofophes appellent monf-
tres de Nature viennent de plufieurs
manières , tantôt de pas affez , d'au-
tres fois de trop de matiere , cela fe
fait différemment. Premiérement , la
Nature qui eft fage & ingénieufe fait
fon poffible pourformerles principaux
membres qu'un enfant doit avoir , &
après les avoir formé & rangé dans
leur ordre , elle travaille à faire les au-
tres de la matiere qui lui refte ; que fi
elle en fait quelques-uns de plus petits,
cela vient de peu de matiere , & c'eſt
ce qui fait le défaut ou le monstre de
Nature ; & voilà d'où vient quelque-
fois
D'ALBERT LE GRAND 45

fois quela tête d'un animal eftplus grof


fe ou plus petite que faNature ne le de-
mande,parce que s'ils'y fut trouvé fuf-
fifammentde matiere,la tête de cetani-
mal eût été proportionnée à la nature
de fan individu;ainfi, comme le difent
lesNaturaliftes & lesMédecins , on peut
juger de-là & conclure de tous les au
tres membres, En fecond lieu , on at-
tribue le défaut de matiere à quelque
Conftellation qui domine fpéciale
ment fur certains membres...
Suivant la penfée du Philofophe , ce
qui eft mêlé & compofé,vient de qua-
tre Elémens , de forte que ce qui tient
de la nature du feu , en conferve la qua-
lité,& ce qui tient de la terre en fait de
même, il en eft à proportion des autres
Elémens . Que l'on ne s'imagine pas
queje veuille dire que lesElémens font
formellement dans les mixtes , ce qui
feroit contraire au fentiment duPhilo-
fophe,qui ditdans le premierLivre de
la Génération , qu'ils n'y font que vir
tuellement , & par puiffance. Cepen-
dant il fe peut faire que quelquefois la
femence foit diminuée par quelque
empê
46 LES SECRETS

empêchement particulier & fpécial ;


mais fi cette diminution vientde la ter-
re , on la connoît dans les os, qui en ti-
rent la principale & la premiere ma-
tiere de leur formation. Quand la ma-
tiere vient à manquer on voit des
enfans naître avec un pied ou un doigt,
d'autres fois fans bras ; mais lorsqu'elle
cft abondante , pour lors ils naiffent le
plus fouvent avec huit doigts aux
mains ou aux pieds , avec deux têtes ,
ou bien avec quelque autre chofe de
femblable.
Il faut donc remarquer que ce Mon-
ftrede Nature ne vient pas feulement
du côté de la matiere,comme on a déja
dit,mais encore fouventde la mauvaiſe
difpofition de la Matrice , laquelle , fi
elle eft fujette à lubricité & vicieuſe
ne retient pas toute la femence , mais
la rejette quelquefois avant qu'elle fe
foit jointe enſemble ; & pour lors n'é-
tantreçue que par force , & la matrice
étant fermée,il ne fe trouve qu'un peu .
de femence dont le Foetus doit être
formé.Cetaccident arrive de plufieurs
manières ; mais comme il feroit trop
long
D'ALBERT LE GRAND. 47
long d'en parler , on dira feulement
que quand femblable chofe arrive,elle
vient effectivement de la matrice.
Quelquefois le Coit contre nature
contribue beaucoup à ce défaut ; car
lorfqu'un hommedans le tems qu'il eſt
en action avec fa femme , eft dans une
difpofition contraire,il fait unMonftre
de Nature. On raconte d'un certain
homme qui s'étant mis de côté pen-
dant le Coit , fa femme fit un enfant
boffu d'un côté & boiteux d'unejambe
à caufe qu'il l'avoit connue contre Na-
ture.
D'autres fois la trop grande quantité
de matiere n'y contribue pas peu , ce
qui fe fait auffi différemment , & de
plufieurs façons ; parce que quand la
mariere eft en plus grande abondance.
dans toutes les parties que ne le de-
mandent laNature & la forme, & qu'il
paroît dans les membres des tumeurs,
cela vient de ce que la Nature aïant
plus qu'il ne lui faut de femence
pour former un corps , fait fouvent.
deux têtes ou deux pieds , dont l'un
eft toujours de beaucoup plus gros que
l'autre
E TS
48 LES SECR

l'autre , ou bien fait une boffe fur l'ef


tomac , ou fur le dos.
Mais le plus furprenant de tous les
accidens , eft celui qu'Albert affure être
arrivé à un enfant qui vint au monde,
avec deux parties honteufes , l'une de
P'homme & l'autre de la femme , de ,
forte qu'il pouvoit faire dans le Coït
les deux fonctions de mâle & de fe-
melle,‫ &زر‬on n'en peut donner d'autre
raifon , finon qu'il fe trouva affez de
matiere pour former ces deux mem-
bres;Avicenne& Albert traitent , comme
on le verra dans la fuite, de cette abon-
dance de femence , de laquelle fe for-
ment ordinairement de tels membres.
Avicenne remarque que fi la femence
tombe dans le côté gauche de la matri-
ce , il fe forme une Fille , & que fi elle
tombe dans le droit c'eft un Garçon ,
mais fi elle fe trouve dans le milieu ,
c'eft un Hermaphrodite qui tient moi-
tié du mâle & moitié de la femelle ,
qui conferve toujours l'efpece & la
forme de l'homme. Albert dit , que s'il'
y a des monftres de corps , il y en a
auffi d'efprit ; car il parle de deux Ju-
meaux ,
D'ALBERT LE GRAND . 49
meaux , dont l'un avoit dans fon côté
droit une vertu avec laquelle en quel
endroit qu'on le portât,il ouvroit tou-
res les ferrures qui étoient fermées
lorfqu'on les oppofoit à fon côté ; &
l'autre par une puiffance contraire
qu'il avoitdans la gauche, fermoit tou-
tes celles qui étoient ouvertes , quand
on les approchoit de lui, (cela s'entend
d'ouvrir & de fermer les ferrures qui
font aux portes des maifons.) Il n'y a
pas de doute que cela ne vient pas de
la matiere , ni même feulement d'une
Conftellationfpéciale duCiel;mais en-
core d'une difpofition particuliere de
la matiere pour un tel effet ; parce que
les actifs n'agiffent que fur une matie-
re bien difpofée & fur un fujet prépa-
ré , comme on l'a dit ci-devant.
Et afin qu'on ne croie pas que ce
qu'on a avancé foit faux , on voit fou-
vent la même chofe dans certaines
pierres après qu'on les a divifées , dans
lefquelles uneConftellation particulie-
re a par fes influences imprimé une fi-
gure & une forme d'homme, ou quel-
que autre efpece. C'eft pourquoi on ne
C doit
LES SECRETS
doit pas s'étonner , fi ces accidens fe
rencontrent dans deux Jumeaux , puif-
qu'on le voit arriver dans plufieurs au-
tres chofes;cependant ces défauts ou ces
Monftres de Nature ne fe forment que
de deux manières principales ; lapre-
miere , quand la matiere manque , &
c'eft le fentiment d'Avicenne dans fon
fecondLivre de Métaphifique , & d'Arifto-
te dans le troifiéme des Météores ; le fe-
cond , par l'indifpofition ou le peu de
préparation de la matiere à prendre la
forme d'une telle efpéce , à caufe des
empêchemens & de la réfiftantce de
la matrice .
Peut-être que quelqu'un demande-
ra , s'il fe rencontroit des Monftres , il
s'enfuivroit quela Natureferoit privée
de fa fin, qui eft d'agir par regles & in-
failliblement;maison répond avecAvi-
cenne,qu'iln'eft pas toujours poffibledu
côté d'uneNature particuliere que tou-
te matiere tend à fa fin , parce que lorf
qu'elle eft privée de fes actions ordi-
naires ,elle n'en a point;ainfi il n'y aau
cun different fur la maladie , ni fur la
mort , parce qu'elles ne viennent pas
propre
D'ALBERT LE GRAND.
St
proprement de laNature,mais de celui
qui la gouverne qu'on appelle Intelli-
gence , fuivant les Philofophes qui ont
traité fçavamment de la Nature ; mais
on en a affez parlé.
2008an.ca (*+* ) 20622068*
CHAPITRE VII.
Des Signes de la Conception , &c.
Près avoir fuffifamment traité de
Ala manière dont s'engendre &
fe forme le Foetus , & des accidens qui
lui peuvent arriver , il eft tems de finir
notre difcours mais pour ne rien ou
blier de ce qui femble néceffaire à no
trefujet, & pour le rendre parfait ,il eft
a propos de dire quelque chofe des Si-
gnes de la Conception qui font en
grand nombre.Le premier eft, lorfque
la femme étant en action avec un hom-
me, fentun friffon ou une douleur aux
cuiffes , c'eft une marque qu'elle a
conçû ; le fecond,fi elle n'a éjaculé que
peu ou point du tout de femence , c'eſt
un figne qu'elle a auffi conçu..
Ily a encore plufieurs autres Signes
G2 de
52 LES SECRETS

de la Conception ; fi Phomme dans.


l'action fent que la verge foit attirée
& en quelque manière renfermée dans
laVulve de la femme.
Si la femme après le Coït le defire
continuellement , mais cela n'eft vrai
qu'à l'égard de quelques-unes , parce.
qu'il s'en trouve d'autres , qui , quoi-
qu'elles ne conçoivent pas , le defirent
& le fouhaitent davantage. Si après
le Coït les Menftrues ne coulent pas
comme à l'ordinaire , & que la femme
fente un châtouillement à l'entrée de
la Matrice.
On connoît enfin fi les femmes ont
conçu , lorfqu'elles ont le vifage chan-
gé , car elles l'ont ordinairement rouge
après la conception à caufe de la cha-
leur , ou bien quand elles ont fantaifie
de quelque chofe , comme de la terre ,
du charbon, des pommes, des meures,
des cerifes , &c. Voilà en peu de mots
les Signesles plus communs de la Con-
ception dans les femmes.

CHA
D'ALBERT LE GRAND. f3
Coby Co * **** £06 2003 † ob 8003 2004 2007 £ 5+
CHAPITRE VIII.

Des marquespour connoître fiune Fem-


me eft enceinte d'un Garçon,
ou d'une Fille , & c.

Es marques & les fignes qui fui-


L vent , font véritables & affürés
pour connoître fi c'eft un garçon ou
une fille qui foit dans le ventre d'une
femme ; parce que dans le tems de la
conception d'un garçon , la couleur.
du vifage eft rouge & le mouvement
leger.
Si le ventre fe groffit & devient
rond du côté droit , c'eft un garçon.
De plus , fi le lait fortant des mam-
melles paroît épais , de telle forte que
le mettant fur quelque chofe bien pro-
pre , il ne fe fepare point , qu'au con-
traire , fes parties fetiennent enfemble.
fans couler ‫ او‬c'est une marque auffi
fûre que les précédentes. De même
fi on prend du lait d'une femme grof-
fe , ou une goute de fang qu'on lui
aura tiré du côté droit , & que le jet-
C3 tant
14 LES SECRETS
tant dans une fontaine d'eau claire , ou
dans fon urine il va directement au
fond , elle eft groffe d'un garçon , fi
au contraire il demeure au- deffus , c'eft
une fille ; ou bien fi elle a la mammel-
le droite plus groffe que l'autre, c'eft un
garçon; fi la gauche eft la plus groffe
c'eft une fille : ou bien fi le fel que l'on
met fur le bout des mammelles ne fe
fond pas , c'eft un mâle.
Il y a encore un autre Signe pour
fçavoir fi c'eft un garçon , il faut pren-
dre garde fi la femme remue toujours
le pied droit le premier. Et pour con-
noître fi c'est une fille , il faut voir fi
la femme eft pefante & pâle , fi elle a
le ventre long & rond du côté gauche
tirant fur le noir , fi fon lait eft noir
indigefte , livide , aqueux & délié ; fi
le mettant fur quelque chofe, il fe fépa--
re , ou le jettant dans une fontaine , it
nage fur l'eau , & ainfi des autres.Tout
cela marque qu'une femme eft groffe
d'une fille. Il y a outre ceux-là, que l'on
vient de dire , plufieurs autres fignes ,
comme fi elle fent de la douleur du cô-
té gauche , c'eſt une fille , fi elle en fent
du
D'ALBERT LE GRAND. 55
du côté droit , c'eft un garçon. J'enfçai
de plus un autre qui eft véritable , & a
été expérimenté.Si quelqu'un veut fça-
voir fi une femme eft groffe ou non
qu'il lui faffe boire du Mellicrate,fi elle
fent quelque chofe autour du nombrik
qui la pique , il eft für qu'elle eft grof-
fe,fi elle n'en a point fenti, elle ne l'eft
pas. Le Mellicrate eft une potion faite
avec de l'eau & du miel mêlé enfem-
ble,qu'on fait prendre à lafemme dans
le tems qu'elle fe couche , ou auffi-tôt
après. Mais comme ily en a d'affez ru-
fées qui connoiffant la chofe diroient le
contraire , quand on leur en veut faire
boire , il ne faut pas leur parler de grof-
feffe , mais attendre qu'elles fe plai-
gnent,comme elles ont de coutume de
faire , de quelque douleur de tête , out
d'ailleurs , & auffi - tôt leur dire qu'une
telle potion eft tout-à-fait fouveraine
pour ce mal. Après qu'elles l'auront
bûe, on pourra leur demanderle lende-
main matin , fi elles n'ont reffenti au-
cune douleur dans leurs corps , fi elles .
difent qu'elles en ont fenti proche du
nombril, il faut croire qu'elles ont con-
C4 ធម៌
$6 LES SECRETS

cû , finon elles ne font pas groffes.


Mais celles qui fe doutent de cette fi-
neffe , ne difent jamais la vérité , mais
toujours le contraire.
********************* *********
CHAPITRE IX .
La manière de connoître quand une
Fille aperdu fa Virginité , & c.

Yant parlé des fignes de la concep-


tion , il faut paffer à ceuxde la per-
te de la Virginite; fur quoi on doit re-
marquer qu'une fille qui a perdu fon
Pucellage a Ta Vulve fi large , qu'un
homme peut la connoître fans fouffrir
aucune douleur à la verge ; & les jeunes
femmes la premiere fois qu'elles ont
affaire avec un homme , fouffrent pen-
dant quelque-tems des douleurs dans
la Vulve , parce qu'elle n'eft pas encore
difpofée auCoit .Il y en a encore une au-
tre , c'eft lorfque la pellicule qui eft
dans la Vulve eft rompue ; ainfi plus
elles fe fervent du Coït , plus auffi s'y
accoutument-elles.
On ajoûte à la fin de ce Chapitre un
fecret
D'ALBERT LE GRAND.
$
7
fecret pourfçavoir fiune fille eft Pucel-
le , ou fi elle ne l'eft pas ; il n'eft pas
moins curieux que facile , & fort pro-
pre pour ceux qui appréhendent de fe
marier à quelque bête épaulée , ou de
prendre une femme à louage. Mettez
de la poudre bien menue, qui fe trouve ,
entre les fleurs de lis jaunès , & enfuite
faites-en manger à celle que vous foup-
çonnez , foyez affurés que fi elle n'eft
pas pucelle , elle ira piffer peu de tems
après. Cefecret fembleêtre peu de cho-
fe en apparence , mais il a été fouvent
expérimenté avec fuccès.
20kH 1903 1903. 1003, 59003 2002 2003 2003 6063
CHAPITRE. X.

Des fignesde la chafteté & le venin que


les vieilles femmes communiquent
aux enfans par leurs regards , &c.
Es fignes de la chafteté , font la pu-
I deur , lahonte , la crainte , un mar-
cher honnête & modefte , une parole
douce, & ne s'approchant des hommes:
qu'avec refpect ; mais il s'en trouve:
d'affez fines & diffimulées , qui obfer-
vent
ETS
18 LES SECR

vent toutes ces chofes en apparence;&


lorfqu'on s'en apperçoit , il faut avoir
recours à leur urine , parce que celle
des vierges cft claire , luifante , quel
quefois blanche , d'autres fois verte ou
couleur d'azur , que fi elle a la couleur
de l'or , qu'elle foit claire & pefante ,
elle marque un tempéramment fujet au
plaifir de l'amour , ce qui fe peut trou-
ver dans celles qui ne font pas corrom-
pues. Mais l'urine de celles qui ont
perdu leurvirginité, eft troublée ,& on
voit au fond dufperme d'homme. L'u
rine de celles qui ont leurs regles , a la
couleur du fang; & quand une femme
fouffre lorfqu'elle les a , elle a les yeux
eux
bleuâtres , le vifage d'une autre cou-
leur , & ne mange qu'avec dégoût.
Pour lors, que l'on prenne garde d'a-
voir affaire avec elle, parce qu'imman-
quablement on prend du mal;c'eft d'où.
vient que les femmes qui font pruden
tes fçavent fe conferver , & fe féparer
de leurs maris , pendant que leurs
Menftrues coulent.
Or il eft à remarquer que les vieilles
femmes qui ont encore leurs regles ,
&
D'ALBERT LE GRAND. 59

& certaines autres, dans lefquelles elles


font retenues,fi elles regardent des en-
fans couchés dans le berceau, elles leur
communiquent du venin par leur re-
gard , comme le dit Albert dans fon Li-
vre des Menftrues: la caufe de cela dans
les femmes , aufquelles elles coulent ,
vient de ce que le flux & ces humeurs
étant répandues par tout leur corps ,
offenfent les yeux,& les yeux étant ain
fi offenfés infectent l'air , & l'air infec-
te l'enfant , fuivant le fentiment du
Philofophe. On demande auffi d'où
vient que les vieilles femmes à qui leurs
regles ne fluent plus , infectent les en-
fans ? On répond que c'eft parce que
la rétention des Menftrues engendre
beaucoup de méchantes humeurs ; &
qu'étant âgées, elles n'ont prefque plus
de chaleur naturelle pour confumer ,
.& digérer cette matiere, & fur tout les
pauvres qui ne vivent que de viandes
groffieres,qui y contribuent beaucoup,
celles-là font plus venimeufes que les
autres.

C& CHA
60 LES SECRETS

CHAPITRE XI.

Du défaut de la Matrice , & une Hif


toire que Gallien raconte d'une fem-
me fuffoquée par la Matrice , &c..
Na
ON a fuffifamment
trues parlé
dans le Chapit des Men-
re précéd ent,
il eft tems & même à propos de paffer
au lieu où elles fe tiennent , & d'en-
feigner les accidens qui arrivent à la
Matrice LaMatrice eft fujette fouvent
à la fuffocation , qui refferrant les ef
prits vitaux par quelque défaut de Ma
trice , empêche que les femmes ne ref-
pirent , & ce mal leur arrive toutes les
fois que la Matrice eft hors de fa place;.
car alors ces femmes tombent en fin-.
cope par une froideur qui vient du
cœur, ou bien ont des grands maux de
cœur , quelquefois auffi la tête leur
tourne. Gallenus fort expérimenté dans
la Médecine dit , qu'une certaine fem-
me étant fuffoquée par la Matrice,per-
dit auffi-tôt la parole , & tomba com-
me fi elle avoit été morte ; ceux qui
étoient
D'ALBERT LE GRAND.
ent l p q
- à réf , voï n
ens ant u'elle 'a-
voi auc fig de vie , app
t un n e
plu Méd e , qui la voïllerenen
fie eci an t
u r
cet éta s, & n'e fsça n pas la catu ,
dir t n c h a f e
q
en ue érit
v nt cett fem
e m
étoi tmor ; maiablGeaml y éta fure
t te s elnet
nus nt -
ven , & apr avo exa d'o pou
u ès ir min ù -
voi ven cet acc , la égué & la
t ir id ri
dél en peu de teemnt de cett fitn .
i s e cop
Cet vramal nev aux fem quee
t a i
d'u e gra dieabo ent de Mem e
nf s
n nde n a
cor e , & ved n nce ; & iltfreu roeist
rom ime
bon & pàupero q c uff , tell
s pos ue es eesmme e
qu'e foi ,j o v s , euf-s
l ent eunes u ieille
fen floesu affa ave des homs ,
t ven i c me
& ufa tdu Core po ch c es
ffe it u af tte
mat cno
t rr , celr eft nféecr
i a eff
pri ere ompa j
uuex eune ,p arc u'ereq a i
n ec l
les ocnitpb al eeau d'h s . Et 'eft la
mecnou umi
rai pou t p les jeude fem .
f rqcu nes
lorf on oomim à fe fer mesdu
qu'e e vir
Coi , ldleevs nfcoe gr , ava
t ien rnt t affes nt
qu'e con nent , & ne fon nul
l l ç o g e -
lem es aux eni ven , parc que n
fa let cha
e n t e
gri n, tfui le sPhi dan les
n v l s
Sec d anSt , faoitfodpehv v ,,
ret es ecret enirl ifeux
ce qu i sn e p a roî p a s
s e n e l les. e s em-
t C7Et mes
62 LES SECRETS

mes qui ont beaucoup d'humidité ,


fouhaitent plus ardemment & dayan-
tage le Coit , à caufe de l'abondance de
cette matiere. C'eft pourquoi c'eft une
faute bien grande dans la Nature de
les en empêcher , & de leur défendre
avec celui qu'elles aiment, quoique ce
foit un péché dans les mœurs:mais cela
ne fait rien à notre fujet. J'ai appris en
confeffion d'un certain homme , qu'é-
tant couché avec une jeune fille qu'il
aimoit , il fe trouva après le Coit le
ventre jufqu'au nombril teint de fang,
ce qui lui caufa une grande fraïeur ,
n'en fçachant pas la caufe ; & ce qui
fit qu'il n'ofa fe retirer d'auprès d'elle
à caufe de l'amour qu'ils avoient l'un
pour l'autre.Ce qui fait que fouvent le
flux des Menftrues fert à la femme, &
d'autres fois il lui nuit , fuivant que la
matiere eft plus ou moins abondante ;
& ce n'eft pas dans le Coit les Menf
trues qui fluent , mais la femence par
une abondance de matiere.

CHA
D'ALBERT LE GRAND . 61

CHAPITRE XII.

Des empêchemens de la Conception , &


d'où ils viennent , & lesfecrets pour
faire concevoir une Fille ou un Gar
çon àune Femme.
Ifons maintenant quelque chofe
Ddes empecheinens de la concep
tion qui font en grand nombre : les
uns viennent d'une grande humidité ,
les autres d'une grande froideur , quel-
quefois de féchereffe , & fouvent de
trop de graiffe , parce que la graiffe
bordant l'orifice de la Matrice , la ref
ferre , & empêche que la femence de
l'homme n'y entre. Cela fe voit dans
les femmes qui ont les rognons enfon
cés , & tout-à-fait couverts de graiffe ;
que fices femmes reçoivent du fpermet
dans le Coït , elles le rejettent en uri-
nant , parce qu'il ne peut entrer dans
la Matrice. C'eft pourquoi fi après le
Coft on garde leur urine , on connoîtra
facilement que la femence eft restée
dans la Matrice qunon ; file fperme n'y
64 LES SECR
ETS
eft pas demeuré , leur urine paroîtra
trouble à caufe du mêlange de l'hom-
me; que fi cette femence n'eft pas
rejettée toute à la fois , c'eft que celles
qui font chaudes la confument par leur
chaleur naturelle. Il s'en trouve d'au-
tres qui ont des Matrices fi tendres &
fi lubriques , qu'elles ne peuvent pas
retenir la femence. Ces empêchemens
viennent encore de plufieurs autres
caufes ; mais on n'en parlera point
pour le préfent.
Or il faut remarquer que fi la fem-
me ne conçoit pas , il vient fouvent de
l'homme , qui ne jettant dans la Ma-
trice qu'une femence déliée & liquide
comme del'eau, en tombe peu de tems
après par fa liquidité ; quelquefois la
froideur & la féchereffe des tefticules
nuit beaucoup à la conception , & fe
Sperme qui en fort , fi l'on en croit les
Médecins , n'eft pas propre pour la
génération. Mais fi l'on veut fçavoir
duquel des deux , de l'homme ou dela
femme , vient ce défaut , on peut fe
fervir de cette expérience : Que l'on
prenne deux pots , & que l'on mette
Purine
D'ALBERT LE GRAND. 65
Purine de l'homme dans un , & celle
de la femme dans l'autre ; enfuite que
l'on jette dans tous deux du fon de fro-
ment , après cela que celui qui en fait
l'expérience ait foin de les tenir bien
bouchés pendant neufjours , & plus ;
fi le défaut vient de l'homme , il trou-
verades vers dans fon pot , ou s'il y met
un chaudron fur le même pot , il s'y en-
gendreraune grenouille puante , ou un
Crapaut ; fi c'eft de la femme , il trouve-
ra dans fon pot des Menftrues : fi c'eft
de deux tout enfemble , il verra dans
les deux pots quelque chofe de ce que
l'on a dit ci-deffus.
Si quelqu'un veut qu'une femme de-
vienne groffe, & qu'elle conçoive un
garçon , il n'a qu'à prendre la Matrice
& les entrailles d'un lièvre , les faire
fécher ,, & réduire en poudre , & en-
fuite les faire boire à la femme mêlées
avec du vin ; ou bien qu'il faffe la mê-
me expérience avec les tefticules d'un
lièvre , & qu'il lui donne à prendre à
la fin de fes regles , enfuite elle conce
vra un mâle > fi elle fe fert inconti-
nent après du Coït, De même fi une
femme
66 LES SECRETS

femme prend une ceinture de poil de


chevre , trempéedans du lait d'âneffe ,
& qu'elle fe l'attache fur le nombril-
jufqu'à ce qu'elle ait été connue de
fon mari , immanquablement elle con-
cevra. Je dis cela , pourvû qu'il n'y
ait point d'autres caufes ni empêche-
mens. Que fi l'on demande quels peu-
vent être ces empêchemens , on ré-
pond qu'il ne faut que lire , & exami
ner avec attention tout ce que l'on a dit
jufqu'à préfent; de plus que l'on prenne
le foie avec les tefticules d'une jeune
porc , qu'on les faffe fécher & réduire
en poudre tout enfemble, enfuite qu'on
en donne à boire à l'homme , & à la
femme ; fi l'homme étoit impuiffant ,
il fe trouvera capable , & propre à la
génération , & fi la femme n'avoit pû
encore devenirgroffe,elle le deviendra.
Il faut néanmoins foigneufement ob-
ferver ce qui fuit; fçavoir , que quand
Fon fçait qu'une femme eft enceinte,de
ne nommer jamais en fa préfence quel-
que chofe que fe foit , dont elle pour-
roit prendre appétit , fi on ne peut pas
la lui donner , au cas qu'elle la deman-
de
D'ALBERT LE GRAND. 67

de ; parce que fi elle la demandoit ,


& qu'on la lui refufât , cela feroit ca-
pable de la faire avorter , à caufe de la
réfiftance qu'on feroit à fon appétit ;
earleFoetus qui fe trouve pour lors dans
fon ventre , devient foible & meurt.
Ainfi on doit avoir foin de donner aux
femmes ce qu'elles demandent, comme
du charbon , ou quelque chofe de fem-
blable. J'ai vu une certaine femme ,
laquelle étant groffe , demanda des
pommes qui nefuffent pas encore mû
res, & n'en aïant pu avoir, fe mit au lit,
où elle demeura un jour & une nuit
fans prendre ni pain ni vin. Et comme
il ne fe trouva auprès d'elle que des
jeunes femmes & des fervantes , qui
n'avoient point fait d'enfans , & quine
fçavoient pas cela ; elles lui en refufe-
rent , lui difant qu'on n'en pouvoit
point trouver , croïant qu'il étoit dan-
gereux de lui en donner , puifqu'on les
défendoit à ceux qui avoient la fièvre ,
en quoi elles furent trompées; car cette
femme après ce refus devint fi foible ,
qu'elle accoucha d'un enfant mort
avant le terme , & eut de grandes dou-
leurs
SECRETS
LES
&2
leurs pendant deux jours & deux nuits,
elle avoit auparavant jetté dú fang par
le nez deux jours durant & une nuit >
qui reffembloit à celui des Menftrues;
ce qui faifoit juger que le Fœtus étoit
mort, fuivant ce que dit Hipocrate, qu'il
eft impoffible que le Foetus fe porte
bien pendant que la mere à fes regles.
C'eft pourquoi , afin d'éviter tous ces
accidens à l'égard des femmes encein-
tes, il eft bon d'en avoir foin , de ne les
pas laiffer fortir , & d'empêcher qu'el-
les n'agiffent beaucoup , il faut auffr
leur donner à manger des viandes ten-
dres & fucculentes , & tout ce qu'elles
demanderont.
Mais avant que de finir ce Chapitre
& changer de difcours , on donnera un
figne affuré pour connoître fi une fem-
me eft groffe d'un Garçon. Que l'on
prenne de l'eau nette dans une fontaine
pure & claire , que l'on y jetté une
goute de fang ou de lait du côté droit
de la femme , fi le,fang ou le lait va
à fond , c'eft un garçon , s'il demeure
fur l'eau , c'eft une fille ; ou bien fi elle
alamammelle droite plus groffe que la
gauche,
D'ALBERT LE GRAND. G

gauche , c'eft un mâle; au contraire fi


la gauche eft la plus groffe , c'eft une
femelle.
GOOD DODG

CHAPITRE XIII.

De la nature & de la digeftion du


Sperme.
Our ne rien oublier de ce qui eft né
Polaire àla perfectionde ceLivre,
il faut paffer de la matiere des Menf
trues à celle du Sperme de l'homme,
qui n'eft autre chofe que le fuperflu
des alimens qui ne fe changentpoint en
la fubftance de celui à qui ils fervent de
nourriture , fur quoi il faut remarquer
queles Médecins difent qu'il y a quatre
fortes de digeftions dans l'homme, qui
fe nourrit de cette manière. Premiére-
ment , ce que l'on mange va de la bou-
che dans l'eftomac , où fe fait la pre-
miere digeftion , & où le pur terreftre
fe fépare de l'impur , qui allant dans
les entrailles , eft enfuite jetté par les
conduits ; mais le pur s'en va au foie ,
ON
70 Lis SacCRETS

où fe fait la feconde digeftion , & où


de nouveau fe fépare l'humide pur de
l'impur,qui tombant dans la veffie,fort
en urinant , le pur eft porté droit au
cœur , & c'eft-là que fe fait la troifié-
me digeftion , qui divife encore le pur
d'avec l'impur : l'impur fe répand dans
les waiffeaux de la femence , d'où fe
forme le Sperme dans l'homme , & les
Menftrues dans la femme ; le purfe
change en fang , qui du coeur le ré-
pand dans les grandes veines qu'on ap
pelle Capillaires , & de ces veines dans
tous les autres membres , & c'eft là où
fe fait la derniere & la quatrième di-
geftion. Le fang eft pur ou impur;lim-
pur fort dans les fueurs & ailleurs ; &
de pur fe change en fubftance. L'on
voit par ce que l'on a dit , ce que
c'est que le Sperme , qui eft ordi-
nairement blanc à caufe de la chaleur
des tefticules. L'homme qui éjacule
plus qu'il ne faut , devient fec, parce
que le Sperme alavertu de rendre hu-
mide & d'échauffer : Or , n'aïant ni
humide ni chaleur , la fanté s'affoiblit
& la mort vient enfuite. Ceft pour
cela
D'ALBERT LE GRAND. 71

cela que ceux qui fe fervent trop fou-


vent du Coït , ne vivent pas long-
tems.

(STS).

Penfée d'Avicenne fur le Sperme.

L faut encore remarquer quelque


Lchofe fur la matiere du.Sperme ,
qui eft quelquefois dur & bien cuit
par la chaleur des tefticules ; de forte
qu'il eft joint enfemble comme du
lait pris & caillé ; il eft blanc &
épais de fa nature , & le Foetus qui
en eft formé , eft fort & robufte : il
y a un autre Sperme qui reffemble à
du petit lait , & qui eft délié & li-
quide dans fes parties ; le Foetus qui
s'en forme , eft mince & de foible
complexion ; il arrive fouvent des foi-
bleffes de nature au Fœtus , comme à
la tête ou ailleurs ; la caufe vient de ce
que la matiere dont le Foetus qui eft
dans le ventre devroit être nourri,fert
d'aliment à celui que la mere alaite.
Cet accident arrive encore tous les
jours
72 LES SECRET'S

jours , parce que la plupart des fem-


mes l'ignorent. C'eft pourquoi lorf-
qu'elles ont conçu , & qu'elles fe fen-
tent groffes , elles ne doivent point
nourrir un autre enfant , à caufe de ce
que l'on a dit ci-devant.

LES
Pag.73
LES ADMIRABLES

SECRET S

D'ALBERT

LE GRAND.

LIVRE SECOND.

CHAPITRE I.

De la vertu de quelques Herbes , Pier-


res , & de certains Animaux , avec
une Table des Aftres , des Planetes,
GunTraité des merveilles du mon-
de . &c.

E Philofophe diten plufieurs


endroits , que toute fcience
L eft bonne de foi-même , maiš
que fon opération eft bonne
ou mauvaife , fuivant la fin à laquel
le on la dirige , & l'ufage que l'on
en fait , d'où l'on conclut deux chofes ,
D la
74 LES SECRETS

la premiere,que laMagien'eft point dé


fendue ni mauvaife,puifque par fa con-
noiffance on peut éviter le mal & fai-
re le bien. La feconde , c'eft que l'on
loue l'effet par fa fin , & que fouvent
une fcience-n'eft pas approuvée , parce
qu'elle ne tend pas au bien ou à la yer-
tus cequi faitque toute forte defcience
eft bonne qu mauvaife , comme on le
voit dans la Magié , qui eft fuivant ce
que l'on a dit, une bonne connoiffance,
mais fort dangereufe , lorfque l'on s'en
fert pour connoître les chofes naturel-
les, comme je l'ai appris de plufieurs
Auteurs. Je commencerai ce Traité en
parlant de la vertu de certaines Her-
bes , enfuite de celles des Pierres ; en-
fin le traiterai de certains Animaux &
de leurs vertus, & c.
Les noms des Herbes , dont nous
devons parler , font Héliotrope , Juſquta-
me, Nepte ,Orties , Verge de Pafteur , ou
Verge de Bergers , Chelidoine , Pervinca ,
Ou Pervenche , Langue de Chien , Lis,
Guy de Chêne , Centaurée , Sauge , Ver-
vene , Meliffe , Serpentine.
Les Chaldéens appellent la premiere
Herbe
D'ALBERT LE GRAND. , 75

Herbe Ireos , les Grecs , Mutichiol, & les


Latins Heliotropium. Cette interpréta-
tion vient d'Elios , qui fignific le Soleil,
& deTropos,qui veut dire changement,
parce que cette Herbe fe change au
Soleil. Elle a une vertu admirable ; fi
on la cueille dans lemois d'Août, pen-
dant que le Soleil eft dans le Signe du
Lion ; car fi étant envelopée dans uner
feuille deLaurieravec une dent deLoup,
on la porte fur foi, perfonne ne pourra
mal parler , ni nuire par de méchantes
paroles à celui qui la portera , au con-
traireonn'en dira que du bien. De plus
celui qui la mettra fous fa tête pendant
la nuit , verra & connoîtra ceux qui
pourroient venir le dérober. Bien plus
fi on met dans une Eglife cette Herbe
de la manière que l'on a dit ci-deffus ,
où ilyaura des femmes , celles qui au-
ront violé la fidélité qu'elles avoient
promiles à leurs maris , n'en pourront
pas fortir, fi on ne l'ore de l'Eglife. Ce
fecret eft affure, & a été fouvent ex-
périmenté.
La fecondeHerbe eft appellée par les
Chaldeens Royb , par les Grecs Olteri
D2 bus
76 LES SECRETS

bus , & parles François Ortie. Qui tien-


dra cette Herbe dans fa main avec du
Millefeuille n'aura point de peur & ne
fera point effraié à la vue de quelque
fantôme. Que fi on lajoint avec dujus
de Serpentine , & qu'après s'en être fro-
té les mains, on jette le refte dans l'eau,
on prendra facilement avec la main ,
tous les poiffons qui s'y trouveront.
Que fi l'on retire les mains de l'eau,les
poiffons retourneront dans les mêmes
endroits où ils étoient auparavant.
Les Chaldéens nomment la troifié-
me Herbe Loromberot,les Grecs Allomos,
& lesFrançois Verge de Pafteur, prenez-
-en, mêlez-la & la détrempez avec du
fuc de Mandragora , enfuite fi on la don-
ne à une Chienne ou à quelqu'autre bê-
te, elle deviendra pleine & fera un pe-
tit animal de fon genre & de fon efpé-
ce. Si l'on prend une des dents maxil-
laires de cet animal , & que l'on lui
faffe toucher de la viande ou tremper
dans du vin, ceux qui en mangeront ou
en boiront,fe chercheront querelle les
uns les autres ; & ceux qui voudront
les accorder , & mettre la paix entre
eux ,
D'ALBERT LE GRAND. 77
eux ,leur donneront du fuc de Vervene ,
& aufli-tôt on les verra auffi tranquil-
les qu'ils étoient auparavant.
La quatrième eft nommée A uilaire
par les Chaldéens , parce qu'elle naît
dans le tems que les Aigles font leurs
nids; par les Grecs Valis, & par lesFran-
çois Chelidoine. Cette Herbe vient auffi
lorfqueles Hirondelles nichent. Si quel-
qu'un la porte avec foi , avec le
d'une Taupe , il fera au deffus de tous
fes ennemis , & fe tirera de toutes for-
tes d'affaires & de procès. Que fi on
la met de la manière que l'on a dit , fur
la tête d'un malade , s'il doit mourir ,
il chantera à haute voix, s'il en doit re-
venir , il verfera des larmes.
La cinquième , que les Chaldéens
appellent Verifi , ou Iterifi , les Grecs Vo-
rax,& les Latins Pervinca , & les Fran-
çois Pervenche , étant réduite en poudre
avec des vers de terre,donne del'amour
aux hommes & aux femmes , s'ils la
mangent parmi leurs viandes ,> ou bien
fi on jette ce compofé avec un peu de
fouffre dans un étang, tous les poiffons
qui y ferant , mourront. Que fi on la
D3 donné
78 LES SECRETS

'donne à un Bufle,il crevera incontinent


par le milieu. Ce Secret a été éprouvé
par les Modernes. Si on la jette dans le
feu, il deviendra fur le champ bleuâtre.
La fixième s'appelle en Chaldéen Bi
cith , en Grec Retus , & en François Nep
ze. Cette Herbe , fi elle eft mêlée avec
une pierre qui fe trouve dans le nid des
Hupes , & que l'on en frotté le ventre
d'une bête , a la vertu de la rendre plei-
ne, & l'animal qu'elle portera fera fort
noir. Que fi on en met dans le nez de
quelquesanimaux,ils tomberont morts
à terre , & fe releveront peu de tems
après ; ou bien fi on en frotte l'endroit
où fe tiennent les Abeilles, elles n'en for-
tiront pas , au contraire elles s'y affem-
bleronttoutes; fi les Abeilles fontnoïées
ou prefque mortes , il ne faut que les
mettre dans cette compofition , & une
heure après, elles recouvreront la vie.
La même chofe arrive , fi l'on mer des
mouches noïces fous des cendres chau-
des , peu de tems après on les verra té-
vivre.
La feptiéme Herbe fe nomme en
Chaldeen Ageil, en Grec Orum , & en
Fran-
D'ALBERT LE GRAND. 79

François Langue de Chien. Que l'on


mette cette Herbe dans l'endroit que
l'on voudra , avec le cœur & la matri
ce d'une petite Grenouille auffi - tôt
tous les Chiens des environs s'y affem-
bleront. Si quelqu'un la porte fous le
gros doigt du pied , il empêchera les
Chiens d'aboier , ou fi on la pend au col
d'un chien , il tournera toujours , juf
qu'à ce qu'il foit tombé mort. Tout ce
que l'on vient de dire , a été expéri-
menté de notre tems.
On appelle la huitiémeen Chaldéen
Manfefa , en Grec Ventofin , & en Fran-
cois Jufquiame ; prenez cette Herbe , &
la mêlez avec du Réagal , & des Her-
modactiles , enfuite faites - la manger
parmi quelque chofe à un Chien en-
ragé , il mourra incontinent. Si vous
mettez de fon fuc dans une taffe d'ar-
gent , elle fe rompra' en morceaux , ou
bien fi cette Herbe eft mêlée avec du
fang d'un jeune Lièvre , & qu'on la
garde dans fa peau , tous les Lièvres
qni feront à l'entour , s'affembleront
dans le lieu où on l'aura mife , jufqu'à
ce qu'on l'ait ôtée.
D4 Les
80 LES SECRETS

Les Chaldéens appellent la neuvié


me Ango , les Grecs Aniala & les Fran-
çois Lis. Si vous amaffez cette Herbe
pendant que le Soleil eft dans le Signe
du Lion , & fi vous la mêlez avec du
fuc de Laurier , & qu'enfuite vous la
mettiez pendant quelque-tems fous du
fumier, il s'y engendrera des vers , lef
quels étant réduits en poudre , & mis
autour du col , ou dans les habits de
quelques uns , les empêcheront de
dormir tant qu'ils y demeureront. Ou
bien fi on frotte quelqu'un de ces vers
qui naîtront dans le fumier de cette
compofition , il prendra auffi-tôt la
fièvre. Si l'on met du Lis , comme def
fus , dans quelque vafe où il y aura du
lait de Vache , & qu'enfuite on couvre
ce vafe d'une peau de Vache de même
couleur , toutes celles des environs
perdront leur lait. Cette expérience a
étéfaite dans ce tems.
La dixième eft appellée par les Chal-
déens Luperax , par les Grecs Elifena ,
& par les François Guy de Chêne. Elle
croît dans les Arbres qui font percés ,
& étant jointe avec une autre que l'on
nomme
D'ALBERT LE GRAND. 81

nomme Sylpium , ouvre toute forte de


ferrures. Que fi on la pend à un arbre
avec une aîle d'Hirondelle , tous les oi-
feaux s'y affembleront de deux lieues
& demi , ce que j'ai expérimenté &
éprouvé moi-même plufieurs fois.
Les Chaldéens nomment la onzième
Ifiphilon , les Grecs Orlegonia , & les
François Centaurée. Les Magiciens af-
fûrent que cette Herbe a une vertu
merveilleufe : car fi on la mêle avec du
fang d'une Hupe femelle , & qu'on en
mette dans une lampe avec de l'huile
tous ceux qui fe trouveront-là préfens,
s'imaginerontêtre des Magiciens , par-
ce qu'ils verront leurs pieds en l'air &
leurs têtes en bas. Et fi l'on en jette
dans le feu lorfque les Etoiles brillent,
il femblera qu'elles courent les unes
après les autres & qu'elles s'entrecho-
ende
quent. Ou bienpr fi on en met au nez de
quelqu'un , il tout es
une peur ,
qu'il s'enfuira &
fes forces. Ce fecret eft certain &
véritable.
Onappelle en Chaldéen la douziéme
Colorio , ou Coloricon , en Grec Clamor ,
Dr em
LES SECRETS

en Latin Salvia , & communément en


FrançoisSauge.Cette Herbe étant pour-
rie fous du fumier dans une fiole de
verre , il s'en forme un certain ver , ou
un oifeau , qui a la queue comme un
Merle;fi de fon fang on en frotte l'efto-
mac de quelqu'un , il perdra le fenti-
ment pendant plus de quinze jours.
Que fi l'on fait brûler ces vers , &
qu'on enjette la cendre dans le feu , in
continent on entendra comme un hor-
rible coup de tonnerre ; ou bien fi on
met cettepoudre dans une lampe qu'on
allume enfuite , il femblera que toute
la chambre fera pleine de Serpens. On
en a fait plufieurs fois l'expérience.
Les Chaldéens nomment la treizie
me Olphanas , les Grecs Hilioron , & les
François Vervene. Cette Herbe, fuivant
les Magiciens , étant cueillie lorfque le
Soleil eft dans le Signe du Belier, & mê-
lée avecde la graine deRivoine d'un an,
guérit ceux qui font fujets au mal ca-
duc. Si on la met dans de la terre graf-
fe pendantfept femaines , il s'en forme-
ra des vers , qui en touchant les hom-
mes ,les feront mourir. Que fi on la
nier
D'ALBERT LE GRAND 83

met dans un Colombier , tous les Pi


geons d'alentour s'y affembleront ; ou
bien fi on expofe au Soleil de la poudre
de cette compofition , il paroîtra bleuâ
tre. Si on jette de cette poudre dans
une compagnie , ou entre deux amans ,
ils auront peu de tems après des diffé-
rends ; & des bruits enfemble.
La quatorziéme s'appelle cn Chal-
déen Celeyos , en Gree Cafini , en Latin
& en François Meliffe , dont parle Ma-
cer. Si l'on amaffe cette Herbe verte ,
& qu'on la jette avec du fuc de Cyprès
d'un an dans du potage ou de la bou-
lie, il femblera être plein de vers; & ce-
lui qui la portera fur foi , fera doux ,
agréable , & au-deffus de tous fes en-
nemis. Que fi l'on attache cette Herbe
au cou d'un boeuf , il fuivra celui qui
la lui aura attachée : ou bien fi l'on
trempe dans ce jus mêlé avec la troi é
me partie de la fueur d'un homme
rouffeau , une courroie , elle rompra.
fur le champ par le milieu.
Les Chaldéens appellent la quinzié-
me Elgerifa , les Grecs thinus , & les
François Rofe. Cette plante porte une
D6 Heur
$4 LES SECRETS

feur qui eft fort connue. Prencz-en


ungrain avec ungrain de moutarde , &
le pied d'une Bélerte , pendez-les à un
arbre , il eft fûr qu'il deviendra ftérile ,
& n'apporterajamais de fruit. Que fi
on met ce compofé dans des filets ,
tous les poiffons y viendront , ou bien
fi on jette cette compofition au pied
d'un Choud fec & mort , il reverdira
l'espace d'un demi jour après. De plus
fi on la met dans une lampe allumée ,
tous ceux qui feront préfens femble,
ront être noirs comme des Diables. Que
fi on mêle cette poudre avec de l'huile
d'olive & du Souffre vif, & qu'on en
frotte une maison pendant que le So-
leil luit , il femblera qu'elle fera toute
en feu.
La feizième cft appellée par les
Chaldéens Cartelin , par les Grecs
Quinquefolium , & par les François Ser-
pentine. Cette Herbe nous eft
connue. Si on l'enterreavec une feuille
de Triolet , il s'en formera des Serpens
rouges & verds , qui étant réduits en
poudre , & mis dans une lampe allu-
inée , a on ne verra tout autour que des
Ser
D'ALBERT LE GRAND. S
Serpens ; oubien fi on la met fous la tête
de quelqu'un qui foit au lit , il ne dor
mira point pendant tout le tems qu'el-
le y fera.
La manière de fe fervir des Secrets
quel'on vient de montrer ci-deffus , eft
de fçavoir la domination des bonnes
ou mauvaifes Planetes, avec leurs heu-
res & leurs jours.
Les fept Herbes fuivantes , fi l'on en
croitl'Empereur Alexandre,tirent leurs
propriétés des influences des Planetes.
La premiere eft de Saturne , & s'ap
pelle Offodilius. Son fuc eft fort bon
pour appaifer & guérir les douleurs de
reins , & les maux des jambes. On la
donne auffi à ceux qui font incommo-
dés de la veffie. Que fi on fait tant foit
pcu cuire fa racine , les Démoniaques
& les Mélancoliques qui la porteront
dans un linge blanc , feront délivrés ;
enfin cette même racine chaffe les ma-
lins efprits des maifons.
La feconde eft du Soleil , & fe nom-
mePoligoine , Corrigiale ou Renouée ; elle
tire fon nom du Soleil , parce qu'elle
eft fort fertile , quelques - uns l'ont
D7 auff
86 LES SECRETS

auffi appellé la maifon du Soleil. Cette


Herbe guérit les douleurs du cœur &
de l'eftomac. Celui qui touche cette
Herbe , a une vertu qui lui vient des
influences de fa Planete qui a dominé
à fa naiffance. Que fi quelqu'un en
boit,elle l'exciterabeaucoup à l'amour,
& lui donnera des forces pour ufer du
Coït ; ou bien fi on en porte fur foi la
racine , elle guérit du mal des yeux :
elle foulage beaucoup les Frénétiques
qui la portent fur l'eftomac. Elle eft
bonne aux Poulmoniques, & leur don-
ne une bonne haleine & une libre ref
piration , elle fert auffi aux flux de fang
des Mélancoliques.
La troifiéme eft de la Lune , & on
Pappelle Chrynoftates , fon fuc purge
les acreurs de l'eftomac. La fleur de
cette Herbe nettoie les reins , & les
guérit , elle croît & diminue comme la
Lune. Elle eft fort bonne au mal des
yeux , rend la vûe bonne. Si on-met
de fa raciné pilée fur l'oeil , elle eft
merveilleufe pour augmenter , &
éclaircir la vue , car les yeux ont une
grande fimpatie avec la Lune , & de-
pendent
D'ALBERT LE GRAND 87

pendent beaucoup de fes influences..


Elle fert beaucoup à ceux qui en boi-
vent pour faire la digeftion des vian-
des dans l'eftomac , ou à ceux qui ont
les écrouelles.
La quatriéme eft de Mars , & on
Fappelle Arnogloffe , fa racine eft bon-
ne pour la douleur de tête ; car on
croit ordinairement que le Belier qui
dominefur la tête de tous les hommes,.
eft la raifon de Mars. On s'en fert
pour les maux des Tefticules , & pour
les ulcéres pourris , lorfque Mars eft
dans le Scorpion , qui eft un Signe qui
retient la femence. Son fuc eft admira-
ble pour la diffenterie , & les hémor-
roïdes, & à l'eftomac quand on lé boir.
La cinquiémé eft de Mercure , & fe
nomme Pedactilius , ou Pentaphilon , cr
François Quinquefeuille. La racine de
cette Herbe guérit les plaies , & les du
rerés , fi on la met en emplâtre. Elle
enleve en peu de tems les écrouelles ,
fi on boit fon fuc avec de l'eau. De
mêmefon fuc guéritauffi les douleurs ,
& les maux d'eftomac & de poitrine.
Que l'on en mette dans la bouche , il
appaife
88 LES SECRETS

appaife les maux de dents , & tous les


autres qu'on pourroit y avoir. Que fi
quelqu'un la porte fur foi , elle lui fera
d'un grand fecours. De plus , fi on veut
demander quelque chofe àun Roi ou à
un Prince , on n'a qu'à la porter fur
fai , elle rend fçavant , & fait obtenir
ce que l'on en fouhaite.
La fixiéme eft de Jupiter, qui fe nom-
me communément Acheron , & par
quelques uns Jufquiame. Sa racine
étant mife fur les ulceres , les enleve
& empêche qu'il ne vienne dans l'en-
droit où étoient ces ulceres, aucune in-
flammation.Si on la porte fur foi avant
qu'on ait eu aucun ulcere ou apofte-
me , il n'y en viendra point. Sa racine.
eft fort bonne pour la goute , fi après
l'avoir pilée on la met fur l'endroit où
l'on fent de la douleur , fur-tout fous la
domination des Signes qui ont des
pieds , ou qui dominent deffus. Que fi
l'on boit fon fuc avec du miel , ou du
Mellicrate,elle eft merveilleufeaux dou-
leurs du foïe, parce que Jupiter le domi-
ne. Elle contribue beaucoup à donner
de l'amour, & à fe fervir du Coït.Ceux
qui
D'ALBERT LE GRAND. 89
qui fe veulent faire aimer des femmes ,
n'ont qu'à la porter fur eux , car ceux
qui en portent font joieux , & fort
agréables.
La feptiéme eft de Venus , & on l'ap-
pelle Pifterion ; quelques-uns la nom-
mentent auffi Colombaire ou Vervene. Sa
racine étant mife fur le col , guérit les
écrouelles , les parotides , les ulcéres &
la perte d'urine , fi on en fait un em-
plâtre , l'on le mettra fur l'endroit où
elt le mal. Elle eft fouveraine pour les
écorchûres qui fe font dans le fonde-
ment , & pour les hémorroïdes. Si on
boit fon fuc avec du miel dans de l'eau
chaude , elle donne banne haleine &
libre refpiration, Elle rend amoureux ,
parce que fon fuc fait beaucoup de
Iperme. De plus fi quelqu'un la porte
fur foi , il fera fort vigoureux dans le
Coït , pourvû qu'il n'ait rien autre que
cette Herbe. Si on la met dans une
maifon , une terre , ou une vigne , on en
tirera de grands revenus. De plus fa ra-
cine eft bonne pour ceux qui veulent
planter des vignes & des arbres , & les
enfans qui la porteront fur eux , feront
bien
LES SECRETS
bien élevés , & aimeront la fcience; ils
feront éveillés , & de bonne humeur.
Elle eft encore fort utile dans les pur-
gations , & chaffe enfin les efprits ma-
lins & les Démons.
Il faut remarquer, & avertir tout en-
femble , que ceux qui voudront fe fer-
virutilement de ces Herbes , ne les doi-
vent cueillir que depuis le vingt-troi-
féme jour de la Lune , jufqu'au trentié-
me, en commençant par Mercure on les
peut amaffer pendant toutes les heures
du jour ; mais on doit fçavoir , qu'en
les arrachant on nommera les vertus de
ces Herbes , & l'ufage que l'on en veut
faire. Enfuite prenez ces Herbes , & les
mettez fur du froment ou de l'orge ,
jufques à ce que vous vous en voudrez
fervir à quelque chofe.

SSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSS

CHAPITRE II.
Des vertus de certaines Pierres , &c.

Yant parlé dans le Chapitre précé-


dent des vertus
dans des Herbes , &
comment
D'ALBERT LE GRAND. 91
comment il s'en faut fervir ; il eft à
propos de traiter dans celui-ci de celles
de certaines Pierres , de leurs effets ad-
mirables. Voici les noms des princi-
pales , & qui font les plus connues.
L'Aiman , l'Ophtalme , l'Onix , le Dia-
mant, l'Agate, le Coral , le Cristal , l'Elio.
trope , l'Epiftrites , la Calcedoine , dite
Granet ou Granate , ou Jayaet , Chelidoine,
Gagates, Bena , Ifthmos, labrice , Feripen-
danus , Silonite, Topafe , Lipercol , Urice ,
Lazules , Emeraude , Iris , Balefie , Gale-
ritates, Droconites , Echiles , Terpifrites,
Facinte , Alectorius , Efmundus , Medor ,
Memphytes , Abafton , Amerife, Beril, Ce-
Lonetes , Chryfolythe , Beratides , Nichomar,
Quirin , Rojane , Orites , Saphir, Saunus.
Si un homme veut fçavoir fi fa fem-
me eft chafte & fage , qu'il prenne la
Pierre que l'on appelle Aiman , qui a la
couleur du fer , & qui fe trouve dans la
mer des Indes , & quelquefois dans la
Thutonic, à préfent la France Orienta-
'il la mette fous la tête de fa fem-
e
m ,fi ellea eft chafte & honnêt , elle
e
er on ari , fi-non elle fe jet-
embraff f m
tera auffi-tôt hors du lit. De plus fi on
mer
92 LES SECRETS

met cette Pierre , après l'avoir réduite


en poudrefur des charbons, aux quatre
coins d'une maifon , tous ceux qui y
feront couchés , en fortiront & aban-
donneront tout ; & pour lors les Lar-
rons y pourront faire ce qu'ils vou-
dront fans crainte .
Pour fe rendre invifible , il ne faut
que prendre la Pierre qu'on nomme
Opthalme , on n'en détermine pas la
couleur , parce qu'elle en a plufieurs.
Cette Pierre a une telle vertu
qu'elle
offufque , & ôte entièrement la vûe
à ceux qui font-là préfens. Conftantin la
tenant ferrée dans fa main , devenoit
auffi-tôt invifible.
Si on veut donner du chagrin , faire
peur & effraïer , ou bien femer des dif
férends & des procès , on prendra la
Pierre d'Onix , dont la couleur eft noi-
re , la meilleure eft celle qui eft pleine
de petites veines blanches , on la trou-
ve dans l'Arabie. Si on la pend au col,
ou qu'on la mette au doigt de quel-
qu'un , il deviendra peu de tems après
trifte , & prendra facilement peur ; il
aura pendant la nuit des fonges ho ri-
bles,
D'ALBERT LE GRAND. 93
bles , & aura des différends avec fes
amis. Ce fecret a été expérimenté de
notre tems.
Si on veut brûler la main de quel-
qu'un fans feu , ou guérir l'étifie , on
prendra une Pierre qu'on appelle Feri-
pendanus , qui eft jaune de fa couleur ;
étant pendue au col d'une perfonne éti-
que , elle la guérit ; & étant ferrée dans
la main , elle la brûle , c'eft pourquoi il
nela faut toucher que très-doucement.
Pour rendre une perfonne joïeufe &
éveillée , on prend la Pierre Silonite ;
qui fe forme dans le corps des Tortues
des Indes ; elle eft blanche , rouge &
de couleur de pourpre ; d'autres difent
qu'elle eft verte , & qu'elle fe trouve
en Perfe , & affurent qu'elle augmente
pendant le croiffant de la Lune , &
qu'elle diminue dans fon déclin. Cer
tains Philofophes avancent , que celui
qui la porte fur foi , voit & fçait les
chofes qui lui doivent arriver. De plus
fi on la met fous la langue , fur-tout en
Lune nouvelle , on fçaura fi une cho-
fe doit fe faire ou non ; fi elle doit
arriver , elle s'attachera fi fort qu'on
aura
94 LES SECRETS.

auradela peineàl'arracher,au contraire


elle tombera d'elle-même. Quelques-
uns ont dit qu'elle guériffoit aufli la
phtifie & les foibleffes.
Si on tient dans la main la Pierre de
Topafe , & qu'enfuite on la mette dans
de l'eau , elle la fera fortir toute fur le
champ cette Pierre prend fon nom
d'un Ile du même nom , ou parce
qu'elle reffemble à l'or. Il y en a de
deux fortes ; celle qui eft femblable à
Tor , eft la plus précieufe, & l'autre qui
a la couleur jaunâtre eft la moins efti
mée. Un de nos Freres a expérimenté
depuis peu à Paris , qu'étant mife dans
de l'eau bouillante, elle l'a fait couler
auffi-tôt. La Topafe eft auffi fortbonne
pour les hémorroïdes.
Si quelqu'un veut faire écorcher fes
mains , ou celles d'un autre , il n'a qu'à
prendre la Pierre Medor , qui tire fon
nom du Païs des Medes. Il y en a de
deux fortes , la blanche & la verte. Les
anciens Philofophes & les Modernes
difent , que le Medor noir étant caffé &
jetté dans de Peau chaude , les mains
de ceux qui s'en laveront feront écor
chées
D'ALBERT LE GRAND. 95
chées , oubien ceux qui en auront bû ,
mourront, malgré tous les remèdes &
le fecours qu'on pourroit leur donner,
D'autres ont dit que cette Pierre étoit
fort bonne pour la goute & pour les
maux des yeux , & qu'elle fortifie la
vuc.pop tub it stullest musthos
Pour empêcher que quelqu'un ne
fente aucune douleur , on prendra la
Pierre Memphite, à qui laVille de Mem
phis a donné le nom. Cette Pierre ,.
fuivant le fentiment d' Aaron & d'Her
mes , a une fi grande vertu , qu'étant
broïée & mêlée avec de l'eau , celui
qu'on devroit brûler , ouqui devroit
fouffrinquelques autres douleurs , de,
aviendra fi infenfible , qu'il n'en fentira
sien.s
Pour faire que le feu foit perpétuel
& ne s'éteigne jamais , qu'on prenne
da Pierre Abafton , qui a la couleur du
-feu , & qui fe trouve le plus fouvent
dans l'Arabie. Si cette Pietre eft une
fois enflainmée , elle ne s'éteindra ja-
mais , parce qu'elle a comme du poil
folet , qu'on appelle la Plume de Sala-
mandre, jointavec un humide épais qui
98 LES SECRETS

lui eft inféparable , ce qui fait qu'elle


conferve long-tems le feu , quand une
fois elle eft enflammée.
Ceux qui voudront être au-deffus
de leurs ennemis , prendront la Pierre
qu'on nomme Diamant , qui eft d'une
couleur brillante , & fi dur qu'on ne
peut le rompre qu'avec du fang de
Boac. On le trouve en Arabie & en
Cypre.Si on l'attache au côté gauche ,
il eft admirable contre les ennemis ,
conferve la raifon , met en fuite les bê
tes farouches & venimeufes, & empê-
che les mauvais deffeins de ceux qui
vous veulent affaffiner , ou faire quel-
qu'autre tout femblable , finit & ter-
minelesdifférends & les procès.Deplus
le Diamant eft fort bon contre les poi-
fons & contre les efprits folets.co
Si quelqu'un fouhaite d'éviter toute
forte de dangers , & ne rien craindre
dans le mondd , ou bien veut être gè
néreux , il prendrade l'Agathe , qui eft
noire , & ades veines blanches ; il y en
a de la mêmeforte qui eft blanche . On
enn trouve encore une troifiéme dans
une certaine Ifle , qui a des veines noi-
res.
D'ALBERT LE GRAND. 97
res. Elle fait éviter les périls , & donne
du courage , elle rend l'homme qui la
porte , puiffant , agréable , de bonne
humeur , & bien reçu par-tout où il
fe rencontre l'Agate eft fort bonne
contre les adverfités.
Si on veut obtenir quelque chofe de
quelqu'un , il faut fe fervir de la Pierre
qu'on appelle Alectorius , qui eft blan-
che , & qu'ontire d'un Cocq de quatre .
ans & plus , que l'on chaponne. D'au-
tres veulent que ce foit d'un vieux
Chapon.Cette Pierre eft de la groffeur
d'une féve , elle fait l'homme agréable
& conftant ; & étant mife fous la lan-
gue , arrête la foif. J'en ai moi-même
fait l'expérience depuis peu.
Si on veut dominer fur toutes les
bêtes, & interpréter tous les fonges, &
dire ce qui doit arriver , on prendra la
Pierre Afmundus , qui eft de différente.
couleur. Cette Pierre eft contraire au
poifon , met au-deffus des ennemis , &
empêche leurs mauvaifes intentions ;
elle fait deviner , & interpréter toutes
fortes de fonges & énigmes.
Pour avoirunbon efprit, & ne s'eny-
E vrer
98. LES SECRETS
vrer jamais , on prendra une Pierre
d'Amerifle , qui eft de couleur de pour-
pre , la meilleure fe trouve dans les In-
des ; elle eft merveilleufe pour les Ivro-
gnes , & rend l'efprit propre aux fcien-
ces. Celui qui voudra fe mocquer de
fes ennemis & finir fes procès , & les
différens , prendra du Berille , qui a la
couleur pâle & tranfparente me
de l'eau. Si on la porte fur foi , on ne
craindra point fes ennemis , on gagnera
fes procès fi on en a. Elle a auffi une
vertu admirable pour les enfans , car
elle les rend capables de s'avancer dans
les Lettres.
Si quelqu'un veut fçavoir ceux qui
auront dérobé quelque chofe , qu'il
prenne la Pierre qui fe nomme Celoni-
te, elle a la couleur du pourpre , & plu
fieurs autres ; elle fe trouve dans le
corps des Tortues. Celui qui portera
cette Pierre fous fa langue , découvri
ra les chofes à venir.
Si on veut appaifer les tempêtes &
les orages , & paffer les fleuves , on
prendra du Corail , ily en aderouge , &
de blanc. Il eft expérimenté & für qu'il
arrête
D'ALBERT LE GRAND.
99
arrête le fang fur le champ , & celui
qui le porte fur foi , a toujours la rai-
fon bonne , & eft prudent. Beaucoup
de perfonnes confidérables & dignes
de foi , l'ont éprouvé depuis peu. Le
Corail eft admirable contre les tempê-
tes , & les périls qu'on court fur les
eaux.
Pour allumer du feu , il faut prendre
du Eriftal , l'expofer au Soleil , & vis-à
vis mettre quelque chofe facile à brû-
ler , auffi-tôt que le Soleil luira, le feu
s'y prendra; fi on le boit avec du miel,
il donnera du lait aux nourrices.
Si on veut devenir fage & ne faire
point de folie , on n'a qu'à prendre une
Pierre qui fe nomme Chryfolite , elle a
une couleur verte & brillante , il faut
l'enchaffer dans de l'or , & la porter fur
-foi.
Pour faire que le Soleil paroiffe être
de la couleur du fang , il faut prendre
la Pierre qu'on appelle Eliotrope , quia
la couleur verte , & qui reffemble à
l'Emeraude , & eft toute bigarée com-
me desgoutes de fang.Tous les Négro-
manciens l'appellent communément la
E2 Pierre
100 LES SECRET S

Pierre précieufe de Babilone ; que fi on


frotte cette Pierre avec le fuc d'une
herbe du même nom , elle fait voir le
Soleil rouge comme du fang de la mê-
me maniere que dans une éclipfe. La
raifon de cela, c'eft qu'en faifant bouil
lir l'eau à gros bouillons en forme de
nuages,elle épaiffit l'air qui empêche le
Soleil d'être vû comme à l'ordinaite.
Cependant cela ne fe peut faire fans
dire quelques paroles , avec certains
caracteres de Magie. C'eft de cette
Pierre , comme je l'ai appris , dont
fe fervoient autrefois les Prêtres des
Temples , pour deviner & interpréter
les Oracles , & les réponfes des Idoles ,
Celui qui la portera aura une bonne
réputation , fe portera bien & vivra
long-tems : les anciens Philofophes di-
fent qu'étant joinre avec l'herbe du
même nom , elle a de grandes vertus ,
elle fe trouve dans l'Ethiopie , en Chi-
pre & dans les Indes.
Si on veut refroidir fur le champ de
l'eau bouillante qui eft fur le feu , que
Ton prenne la Piere nommée Epiftri.
tes ,les Philofophes anciens & moder-
nes
D'ALBERT LE GRAND. ΤΟΙ
TOI

nes difent , que fi on la jette dans de


l'eau qui bouille , elle la fera ceffer de
bouillir fur le champ , & la refroidira-
en peu de tems. Cette Pierre eft bril-
lante & rouge.
Pour chaffer les illufions & toutes
fortes de vaines imaginations , qu'on
prenne la Pierre Calcedoine , qui eft pâ-
le & obfcure , fi on la perce par le mi-
lieu , & qu'on la pende au col avec un
autre Pierre appellée Seneribus , on ne
craindra point les illufions phantafti-
ques. Par fa vertu on vient à bout de
tous fes ennemis , & elle conferve le.
corps en force & en vigueur.
Si quelqu'un veut plaire & être
agréable à tout le monde , qu'il prenne
la Pierre Chelidoine , elle eſt noire &
jaune,elle fe trouve dans le ventré des
Hirondelles. La jaune étant pliće dans
une toile de lin , ou dans la peau d'un
Veau, & attachée fous l'aiffelle gauche,
guérit la phrenéfie , & toutes la mala-
dies anciennes & invétérées. Elle eſt
auffi bonne pour la Létargie & l'Epide
mie. Evax affure que cette Pierre rend
l'homme fçavant , de bonne humeur ,
E3 &
102 LES SECRETS

& agréable. La noire préferve des


bêtes malignes , appaife les quérelles ,
& fait venir à bout de ce que l'on
entreprend. Si elle eft envelopée dans
des feuilles de Chelidoine , elle trouble
la vûe. On doit les tirer toutes deux au
mois d'Août , on en trouve ordinaire-
ment deux dans chaque Hirondelle.
La Pierre qu'on nomme Gagate , eft
admirable pour vaincre fes ennemis ;
& les Philofophes anciens affurent que
le Prince Alcide s'en eft fervi fouvent
avec fuccès , & que pendant qu'il la
portoit , il étoit toujours victorieux.
Elle eft de différente couleur , & ref-
femble à la peau d'une jeune Chevre.
Ceux qui auront envie de fçavoir l'a-
venir, pourront fe fervir heureuſement
de la Pierre Bena , qui eft femblable aux
dents d'une bête. Si on la met fous la
langue ,‫ & י‬qu'on en croïe les Anciens,
on prédira feulement ce qui doit arri-
ver pendant qu'elle y fera.
Pour empêcher qu'un habit ne brûle
point il faut prendre la Pierre Ilmos
qui felon Ifidore , eft femblable à du Sa-
fran , & fe trouve dans quelques en-
droits
D'ALBERT LE GRAND. 103

droits d'Espagne , & proche le détroit


de Gibraltar, ou des Colonnes d'Hercule
elle eft remplie de vent : fi on en frotte
un habit , il fera incombuftible , c'eft
Get-à- dire , que le feu ne pourra le
gâter.C'eft cette Pierre que l'on appel-
le en commun proverbeleCharbon blanc,
Si on veut acquérir de la faveur , &
de l'honneur , il ne faut que porter fur
foi la Pierre qu'on nomme Tabrices, car
les Anciens , comme Evax & Aaron , di-
fent qu'elle rend fçavant , fait aimer &
acquérir de l'honneur , & qu'elle gué-
rit entiérement de l'Hidropifie. Elle eſt
femblable au Cristal,
Pour chaffer les phantômes , & déli-
vrer de la folie , qu'on prenne la Pierre
Chrifolite , qu'enfuite l'aïant mife dans
de l'or , on la porte fur foi ; quelques-
uns difent qu'elle rend la fanté , & eft
admirable pour la peur.
Si on veut fçavoir la penfe,& les def
feins des autres , on prendra la Pierre
Beratide , qui eft de couleur noire , &
on la mettra dans la bouche : fi on la
porte fur foi , on fera gai & joïeux ,
& bien reçû de tout le monde.
E4 Pour
104 LES SECRETS

Pour vaincre fes ennemis , & fe faire


aimer , la Pierre Nichomar eft admira-
ble , c'eft prefque la même chofe que
L'Albâtre , elle eft blanche & luifante ;
on en fait des onguents pour embau-
mer les bieres des morts.
La Pierre Quirim eft merveilleuſe ,
forfqu'on veut fçavoir la penfée d'un
homme , car elle lui fait dire tout ce
qu'ila dans l'efprit , pendant qu'il dort,
fi on la lui met fur la tête. On trouve
cette Pierre dans le nid des Hupes , &
on l'appelle ordinairement la Pierre des
Traîtres. Thousa
Quand l'on voudra obtenir quelque
chofe d'un autre que l'on porte fur foi
la Pierre appellée Rajane , elle eft noi-
re & luifante , on la trouve dans la tête
d'un Coq , quelque-tems après qu'elle a
éré mangée des Fourmis.
Si on veut empêcher que des Chiens
ne chaffe , ou les Chaffeurs même ne
faffe point de mal à quelque animal ,
il faut mettre devant eux une Pierre de
Jupere , & auffi-tôt cet animal fe vien-
dra mettre auprès . On la trouve dans la
Lybie. Toutes fortes debêtes fe rangent
proche
D'ALBERT LE GRAND. Iof

proche de cette Pierre , qui leur fert


d'azile & de défenfe contre les Chiens
& les Chaffeurs.
Pour brûler la main de quelqu'un
fans feu , on fe fert de la Pierre Urices ;
car fi quelqu'un la ferre fortement
elle le brûlera comme du feu , ce qui
eft admirable & furprenant.
Si on veut guérir quelqu'un de la
mélancolie & de la fiévre quarte , il
faut prendre la Pierre Lazule , qui eft
de lacouleur du Ciel, & a au-dedans de
petits corpufcules dorés. Ce fecret eft
infaillible & éprouvé nouvellement ,
fi on porte cette Pierre fur foi , pour
les maux ci-deffus. Celui qui voudra
devenir fçavant , amaffer des richeffes
& fçavoir l'avenir , prendra la Pierre
que nous appellons ordinairement Eme
raude , qui eft fort nette & brillante, la
jaune eft la meilleure , on la trouve
dans le nid des Griffons , elle fortifie &
conferve. Si un homme la porte furfoi,
elle lui donne de l'efprit & de la mé
moire ; elle fait amaffer des richeffes ,
& fi on la mer fous la langue , elle
communique le don de Prophétie
Es Si
106 LES SECRETS

Si on veut faire paroître un Arc-en-


Ciel , on a qu'à prendre la Pierre qu'on
nomme Iris , qui eft blanche comme
du Cristal , quarrée ou cornue : fi on
expofe cette Pierre aux raions du So-
leil , on verra fur la muraille qui fera
là près , un Arc-en-Ciel , par les réfle-
xions des raions & de la lumiere du
Soleil, Cette Pierre fe trouve en plu-
fieurs endroits , & en quantité dans la
Sicile & dans l'Ethiopie .
Si quelqu'un fouhaite d'avoir une
Pierre qui ne s'échaufe jamais , prendra
celle qu'on appelle Balefie , qui eftfem-
blable à de la grêle , & a la couleur &
la dûreté du Diamant. Quoique l'on
jette cette Pierre dans un feu fort ar-
dent , il eft für qu'elle ne s'échaufera
pas , & la raifon de cela , c'eft que fes
pores font fi ferrés , que la chaleur ne
peut pas les pénétrer. Evax & Aaron di-
fent auffi que cette Pierre étant portée,
appaife la colère , modere la concupif
eence & les autres paffions ardentes.
Pour fçavoir fi une femme eft infidéle
à fon mari , & fi elle en aime un autre,
on prendra la Pierre Galiriate , qui eft
la
D'ALBERT LE GRAND. 107
la même que le Cynabre , on la trouve
en Lybie & en Bretagne. Il y en a de
trois couleurs , de noirey de jaune &
de verte qui tire fur le blanc ; elle gué-
rit de l'Hidropifie , & arrête le flux de
ventre.clamp growlha
-Avicenne dit que fi on pile cette Pier
re ,que l'on la lave , ou qu'on la faffe
laver à une femme , fi elle n'eft pas
chafte, elle piffera auffi-tôt , & non au
contraire.
Pour venir à bout de fes ennemis , il
faut prendre la Pierre Draconite , qui fe
tire de la tête du Dragon ; elle eft bonne
& merveilleufe contre le poifon & le
venin ; & en la portantau bras gauche ,
on eft toujours victorieux de fes adver-
faires.
Si on veut donner de l'amour &
rendre amoureux deux perfonnes , on
prendra la Pierre Echites , q'on appelle.
Aquilaire , parce qu'on la trouve ordi-
nairement dans le nid des Aigles , elle a
la couleur de pourpre ; il y en a fur les
bords de l'Ocean & en Perfe , elle a au-
dedans de for une autre Pierre qui re
tentit auffi- tôt qu'on la touche. Les
EG An-
108 LES SECRETS.

Anciens ont dit que cetté Pierre étanti


pendue au bras gauche , donne de l'a-
mour àun homme & à la femme. Elle :
empêche les femmes groffes d'avorter,
& eft bonne pourle Mal Caduc . De plus
les Chaldéens affûrent que fi on tou-
chede la viande , ou quelqu'autre cho-
fe empoisonnée avec cette Pierre , on
ne pourra la manger tant qu'elle y fe-
ra , fi on l'ôte , on la mangera fans dé-
goût.J'ai vu fairemoi-même l'êpreuve
de ce dernier fecret par un de nos Fre-
res depuis peu de tems.or
Si quelqu'un veut être en fûreté
il doit fe fervir de la Pierre Epiftrites
qui fe forme dans la Mer , & qui a lav
couleur luifante & rouge. On dit que
fi on la porte devant le cœur , elle pré-
ferve de dangers , appaife & termine
les féditions & les quérelles. On dit
auffi qu'elle empêche queles Langoutes,
les Oifeaux , les Nuages , la Gréle & les
Orages ne faffent du mal , & ne nuifent
aux biens de la terre. Quelques Moder--
nes ont expérimenté , & même quel-
ques-uns de nos Freres , qu'étant expo-
fee au Soleil , elle lance des raïons de
feu :
D'ALBERT LE GRAND. 109
feu; ou bien que fi on la jette dans de
l'eau bouillante , cette eau ceffera auffi-
tôt de bouillir , & fe refroidira peu de
tems après.
Si on veut entreprendre un voïage
fans danger , on prendra la Pierre qu'on
appelle Jacinte ; elle eft de différentes
couleurs , mais la verte & celle qui a
des veines rouges , eft la meilleure, elle
veut toujours être enchaffée dans de
l'argent. On lit dans certains livres
qu'il y en ade deux fortes , d'Aquatique
& de Saphirine; l'Aquatique eft jaune
& blanchâtre, & la Saphirine qui eft
la plus précieufe , eft luifante & fans:
aquofité. Les Anciens difent que fi les
Voiageurs la portent au doigt ou au
col, ils peuvent aller par- tout fans
crainte & enfûreté , & feront bien re-
çus dans les logis. La Saphirine a la vertu
de faire dormir , à caufe de fa froideur.
Celui qui voudra éviter divers acci-
dens , & fe garantir des morçures veni-
meufes , portera fur foi la Pierre Orites,
il y en a de trois fortes , de verte , de
noire , & une troifiéme qui eft en par-
tie polie, & en partie rabotteufe, & qui
E7 a
110 LES SECRETS.
a Couleur d'une l'ame de fer , laverte
des taches blanches . Cette Pierre
portée fur foi , guérit les maux & les
accidens que l'on a dit ci-deffus.
Pour mettre la paix entre quelqu'un
on prendta la Pierre de Saphir , qui fe
trouve dans les Indes Orientales , la
jaune qui n'eft pas fi luifante , eft la
meilleure. Cette Pierre portée fur foi,
donne la paix & la concorde , rend dé-
vot & pieux , infpire le bien & modere
le feu & l'ardeur des paffions intérieu-
res.maraku
Celle qui voudra conferver fa Virgi
nité,fe fervira de la Pierre de Saune, qui
fe. trouve dans l'Ifle du même nom.
Cette Pierre fortifie l'entendement de
celui qui la porte ; & fi on la met aux
doigts d'une femme qui eft prête d'ac-
coucher , elle l'en empêchera , & re-
tiendra l'enfant dans le ventre , c'eft
pour cela qu'on défend aux femmes de
la toucher dans ce tems-là. X
On trouveraplufieurs autres Secrets!
fort curieux dans le Livre qu'Evax &
Aaron , ont compofé touchant les nom
bres ; cependant on doit fçavoir que
pour
D'ALBERT LE GRAND. 1111
pour fe fervir avec fuccès des chofes
dont on a parlé ci-deffus , il faut que
celui qui portera cesPierres ait le corps
propre , net & fans tache. VALKA
Avant de finir , ce Traité , on vous
veut faire part d'un fecret qu'Ifidore dif
être merveilleux. Il affûre qu'on trou
ve dans la tête de la Licanie une Pierre
admirable qui eft blanche & fort bon-
ne contre les maladies que les Méde
cins appellent Strangurie ; elle guérit
ceux qui ont peine d'uriner , ou qui
ontla Fièvre-quarte ; les femmes groffes
qui la porteront fur elles , ne fe bleffe
ront point.
20
20cut para 30KĀNO
CHAPITRE III
Des vertus de certains Animaux.
Yant taité ci-devant des Pierres ,
& de leurs propriétés merveilleu
-fes , il ne fera pas inutile de dire quel-
que chofe dans ce Chapitre de cer-
tains Animaux, & des effets furprenans
qu'ils produifent. Voilà les noms des
principaux dont les vertus font com-
munes. L'Aigle
112 LES SECRETS

L'Aigle, le Caffo ou Alouette , le Chat-


huan , l'Expercol , le Lion , leVeau marin,
le Pellican, le Corbeau , & ainfi du refte
qu'on trouvera à la fuite,
De l'Aigle.
'Aigle eft unOifeau conmu,lesChal-
Lage connu lesGrecs
Rimbicus. Evax & Aaron difent qu'il a
une propriété & une vertu admirable ;
parce que fi on réduit en poudre fa
cervelle , & qu'enfuite on la mêleavec
du fuc de Cigue , ceux qui en auront
mangé s'arracherons les cheveux, & ne
fe quitteront point tant qu'ils en auront
dans le corps. La raifon eft que fa cer-
velle eft fi chaude & fi chaloureufe ,
qu'elleforme des illufions fantaſtiques,
bouchant les conduits par fes vapeurs
& fa fumée.
Du Caffo.
E Caffoou l' Alouette n'eft pas incon-
LE nu , il eft nommé par parles
les Chal-
déens Rapa , par les Grecs Orlago. Aaron
affûre que celui qui portera fur foi
les pieds de cet Oifeau , ne fera jamais
perfécuté , au contraire aura toujours
envie de s'avancer. Il fera toujours
victo-
All
D'ALBERT LE GRAND. 113
victorieux , & fes ennemis le crain.
dront. Si on envelope l'oeil droit de
cet Oifeau dans de la peau d'un Loup,
l'homme qui le portera , fera agréable ,
doux & plaifant ; & fi lon met de ce
que l'on a dit ci-deffus parmi de la vian-
de ou dans du vin , on fe fera aimer de
celui qui en boira. Cette derniere expé-
rience a été nouvellement faite. Si on
met le compofé ci-deffus dans du fu-
mier , il s'en formera des Vers fi veni-
meux , que ceux qui en auront mangé ,
dormirons , & ne pourront s'éveiller
qu'après les avoir parfumés avec de
Ariftoloche , & du Maftic.
Du Chathuan.
Ln'y a perfonne qui ne fcache ce que
It myque le Chathuan , que les Chal-
c'eft
déens appellent Magis , & les Grecs
Hiffopus. Les vertus de cet Oifeau font
furprenantes. Si l'on met fon cœur
avec fon pied droit fur une perfonne
endormie , elle dira auffi-tôt ce qu'elle
aura fait , & répondra aux demandes
qu'on lui fera. Un de nos Freres en a
fait depuis peu l'expérience. De plus
fi quelqu'un met ce que l'on vient de
dire
14 LES SECRETS
re fout s fon aiffelle les chien ne
s
r r o n ï e r u te
pou lui abo : que fi on ajo à
e u e e f f u s on oïe u ' o n ende
c q d ,f f ,&q p u x
le toumtbà uronntarbre , tous les Oifea
e le s
s'aff deffu .
Du Bouc.
E Bouc eft un animal que tout le
LE monde connoît ; les Chaldéens le
nomment Erbichi , & les Grecs Mafai.
Si on met fon fang tiede & du vinaigre
bouillir avec du verre , le verre devien-
dra tendre comme de la pâte , & ne fe
rompra point , quand on le jetteroit
contre une muraille : Que fi l'on met
cette compofition dans un vafe , &
qu'enfuite on s'en frotte le vifage , on
verra des chofes horribles & épouvan-
tables ; ou bien fi on la jette dans le
feu , & s'il fetrouve là préfent quel-
qu'un qui foit fujet au Mal- Caduc , en
lui préfentant une Pierre d'Aiman , il
tombera incontinent mort par terre;
mais fi on lui fait boire de l'eau ou du
fang d'Anguille, il fera guéri en peu de
tems,

D#
D'ALBERT LE GRAND. 115
Du Chameau.
E Chameau eft un animal aſſez.com-

Cyboi , en Grec Iphim. Si fon fang eft


mis dans la peau d'un Tarantole , ou Stel-
lion , pendant que les Etoiles brillent
on croira voir un Géant , dont la tête-
femblera toucher au Ciel. Hermes af
fûre l'avoit éprouvé lui-même. Que
fi quelqu'un par hazarden mange , il
deviendra peu de tems après fol , & fi
on allume une lampe qui aura été frot-
tée de ce même fang , on s'imaginera
que tous ceux qui feront préfens au-
ront des têtes de Chameaux , pourvû
cependant qu'il n'y ait point d'autre
lampe qui éclaire dans la chambre.
Du Lièvre.
Ly a peu de monde qui ne connoiffe
le Lièvre . les Chaldéens l'appellent
Verterellum , les Grecs Onolofam. On
raconte des chofes merveilleufe decer
animal : Evax & Aaron difent que fi l'on
joint fes pieds avec une pierre ou avec
la tête d'un Merle , ils rendront l'hom-
me qui les portera fi hardi , qu'il ne
craindra pas même la mort. Celui qui
les
116 LES SEGRETS

les attachera au bras,ira par-tout où il


voudra , & en retournera fans danger.
Que fi on en fait manger à un Chien
avec le cœur d'une Belettes, il eft für
qu'il n'aboïera jamais , quand même
on le tueroit.
De l'Expercol.
"Expercol eft un Oifeau qui n'eft pas
inconnu , fi on fait brûler fon on-
gle , & qu'on endonne à un Cheval , il
ne mangera de trois jours , que fi on le
mêle avec de la Terebenthine , il paroîtra
d'abord luifant , enfuite obfcur & né-
buleux ; que fi on jette un peu de fon
fang dans de l'eau , il fe fera des coups
de tonnerre horribles.
Du Lion.

LELion eft affez connu , les Chal-


déens l'appellent Aalamus,les Grecs
Berurhr. Que fi de fa peau on fait des
corroïes , celui qui s'en ceindra ne
craindra point fes ennemis ; que fi quel
qu'un mange de fa chair , ou boit de
fon urine pendant trois jours , s'il a la
Fièvrequarte, il en fera guéri; que fi l'on
porte les yeux de cet animal fous l'aif-
felle , toutes les bêtes s'enfuiront de-
vant
D'ALBERT LE GRAND, 117

vant celui qui l'aura , en baiffant la


rête.
Du Veau Marin.
Evetu Marin eft un poiffon appellé
Lpar
par les Chaldéens Dulabur, par les
Grecs Labor. Si on prend de fon fang
avec un peu de fon cœur , & que l'on
le mette dans de l'eau , c'eft une chofe
fûre que tous les poiffons d'alentour
s'y affembleront : que fi on le porte.
fous l'aiffelle , on furpaffera tout le
monde enjugement & en efprit ; & le
Criminel qui l'aura , rendra fon Juge.
doux & favorable.
De l'Anguille.
L'Anguille , fi l'on en croit Evax &
Aaron , a plufieurs vertus merveil-
leufes. Si elle meurt faute d'eau tout
fon corps demeurant entier , que l'on
prenne du fort vinaigre , qu'on la mêle
avec du fang de Vautour , & qu'on met-
te le tout en quelque endroit fous du
fumier, il fait reffufciter tout ce quilui
fera préfenté , & lui redonnera la vie
comme auparavant. Si quelqu'un man-
ge fon cœur tout chaud , il prédira les
chofes futures.
D'un
S LES SECRETS

D'un Hupe.
'Hupe eft un Oifeau affez commun,
L'Hupe
nommé un affez
par les Chaldéens Bori &
par les Grecs Ifon. Celui qui porte fes
yeux devient gros , ou bien fi on les
porte devant l'eftomac , on fe récon-
ciliera avec tous fes ennemis ; & de
peur d'être trompé par quelque Mar-
chand , on portera fa tête dans une
bourfe.
Du Pellican,

LEPellican eft fort connu , les Chal-


Iphilari. Cet Oifeau a des vertus admi-
rables , fi on tue fes petits fans offenfer
le cœur , que l'on prenne de fon fang
& qu'on le mette un peu chaud dans
leurbec , ils recouvre la vie comme au-
paravant. Si on le pend au col de quel-
qu autre Oifeau , il volera toujours juf
qu'à ce qu'il tombe mort. De plus fi on
met fon pied droit fous quelque chofe
de chaud pendant trois mois , il s'en
formera un Oifeau vivant , & qui fe
remuera, comme le difent Hermes &
Pline.

Du
D'ALBERT LE GRAND. 119.
Du Corbeau.

LE Corbeau
monde , &eft connu
a des de tout
propriétés le
mer-
veilleufes , fi on s'en fie à ce qu'en ont
dit Evax & Aaron ; fi l'on fait cuire fes
œufs & qu'enfuite on les remette dans
le nid où on les aura pris , auffi -tôt le
Corbeau s'en va dans une Iſle oùAldoricus
a été enfeveli , & en apporte une pierre
avec laquelle touchant fes œufs , il les
fait revenir dans le même état qu'ils
étoient auparavant , ce qui eft tout-à-
fais furprenant. Si on met cette pierre
àunebague avec une feuille deLaurier,
& qu'enfuite on en touche quelqu'un
qui fera enchaîné , ou la ferrure d'une
porte fermée , auffi-tôt les chaînes fe
rompront & la porte s'ouvrira. Que fi
on met cette pierre dans la bouche , on
contrefait le chant de toutes fortes
d'Oifeaux , & on appelle cette pierre
Indienne, par ce qu'on la trouve ordi-
nairement dans les Indes , & quelque-
fois dans la Mer rouge ; elle eft de dif
férente couleur , & fait oublier les in-
jures & termine les différens , comme
l'on a déja dit ci-devant.
Du
120 LES SECRETS
Du Milan.

LE Milan eft un Oifeau qui n'eft pas


inconnu ; il eft appellé par les Chal-
déens Bificus, & par lès Grecs Melos , fi
on prend fa tête , & qu'on la porte de-
vant fon eftomac , elle fait aimer de
tout lemonde , & fur-tout des femmes.
Si on l'attache au col d'une Poule , elle
courra fans ceffe , jufqu'à ce qu'elle
l'ait pofée ; & fi on frotte de fon fang
la crête d'un Coq , il ne chantera plus ;
il fe trouve une pierre dans fes Roignons
Ou Génitoires, fi on y cherche bien , qui
étant mife dans de la viande , de la-
quelle doivent manger deux ennemis ,
ils deviendront auffi-tôt bons amis , &
vivront dans une parfaite paix & union.
De la Tourterelle.
A Tourterelle eft fort connue , les
LA
Chaldéens l'appellent Mulona , les
Grecs Pilax. Si on porte le cœur de
cet Oifeau dans une peau de Loup , il
éteindra tous les feux de la concupif-
cence & les défirs amoureux : ff on
brûlefon cœur & qu'enfuite on le met-
te fur les œufs de quelques autre Oi-
feaux , on aura beau les faire couver ,
ils
D'ALBERT LE GRAND. 131

ils ne produiront rien. Si on pend fes


pieds à un arbre , il ne portera jamais
de fruit ; que fi on frotte de fon fang
mêlé avec de l'eau , dans laquelle on
aura fait cuire une Taupe , quelqu'en
droit où il y aura du poil , ou bien un
Cheval , tous les poils qui feront noirs
tomberont.
De la Taupe.
LA A Taupe eft connue prefque de tout
le monde , & elle a des vertus &
des propriétés admirables ; fi on enve-
lope un de fes pieds dans une feuille de
Laurier & qu'on le mette dans la bou-
che d'un Cheval , il prendra auffi-tôt la
fuite & aura peur , ou fi on le met dans
le nid dequelque Oifeau , fes œufs de-
viendront inutiles, & il ne s'y formera
rien dedans. Si on veut chaffer les Taú-
pes d'un endroit, il en faut prendre une
& la mettre dans ce même endroit
avec du Souffre vif qu'on fera brûler ;
auffi - tôt toutes les autres aupes s'af
fembleront auprès. De plus fi on frot-
te un Cheval noir avec de l'eau où aura
cuit une Taupe , il deviendra blanc.
F De
122 LES SECRETS
De la Belette.
A Belette eft fort connue , elle fe
LA
tient ordinairement dans les buif
fons ou dans les granges à foin ou à
paille. Si quelqu'un mange fon cœur
encore palpitant , il prédira les chofes.
à venir, fi on fait avaler à un Chien fon
cœur avec les yeux & fa langue , il
perdra incontinent fa voix & n'aboïe-
ra plus; ou bien fi on fait manger à un
Chien fon cœur feulement avec les pieds
d'un Lièvre , on verra la même chofe..
Ces expériences font véritables , &
moi-même je l'ai fouvent éprouvé.
Du Merle.
E Merle eft un Oifeau fort commun
I
dont la vertu eft admirable. Que fi
l'on pend les plumes de fon aîle droite
avec un fil de couleur rouge au milieu
d'une Maifon où on n'aura pas encore
habité, perfonnen'y poura dormir tant
qu'elles y feront pendues. Si l'on met
fon cœur fous la tête d'une perſonne
qui-dort , & qu'on l'interroge , il dira
tout haut ce qu'il aura fait ; ou bien fi
on le jette dans de l'eau de puits avec
le fang d'une Hupe , & qu'on les mêle-
enfemble ,
D'ALBERT LE GRAND. 123

enfemble , fi enfuite on en frotte les


temples de quelqu'un , il tombera ma
lade & en danger même d'en mourir.
La manière de fe fervir utilement de
tous les Secrets dont on a parlé, eft den
faire l'expérience fous une Planete fa
vorable & propre , comme fous celles
de Jupiter & deVenus , & quand on s'en
veut fervir à faire du mal , fous celles
de Saturne & de Mars , & chacune de ces
Planetes domine à certains jours & à
certaines heures . Si.on obferve bien ce
que l'on vient de dire , il n'y a point de
doute qu'on n'en voie la vérité , &
qu'on n'en tire une grande utilité
comme je l'ai expérimenté heureufe
ment avec plufieurs de nos Freres.
Onenvoit plufieurs qui fe trompent,
pour ne pas connoître les Signes , nile
tems auquel les Plánetes dominent ,
parce que s'ils les connoiffoient , ils
viendroient à bout de ce qu'ils entre-
prendroient & fe ferviroientutilement
des vertus & des pierres , & des autres
chofes , dont on a parlem
Ifidore dit , que fi une femme porte
attachées à fa ceinture , les cendres d'u-
F2 ** ne
124 LES SECRETS

d'unegroffe Grenouille , elles arrêteront


le flux des Menftrues , ou bien fi on les
pend au col d'une Poule , on ne pourra
pas la faire faigner. De plus fi on dé-
trempe cette poudre avec de l'eau , ils il
ne viendra point de poil aux endroits
qu'on en aurafrotté. Si quelqu'un por-
te du côté gauche le cœur d'un Chien
tous les autres ne lui aboïeront point.
Si on attache à la manche de la main
droite l'œil droit d'un Loup, ni les hom-
mes , ni les Chiens , ni aucuns autres
Animauxne pourront lui nuiré ou faire
du mal.
Et afin que ce que l'on a dit ci-def
fus , & ce que l'on dira dans la fuite
puiffe être de quelqu'utilité à ceux quin
connoiffent les Aftres on remarquera
premiérement que l'on diftingue deux
fortes d'heures , l'égale & l'inégale.
L'égale eft celle qu'on appelle d'hor--
loge , parce qu'elle eft toujours fem-
blable & de même durée ; l'inégale fe
prend à mefure que les jours augmen-
tent ou diminuenit , car les Aftrologues
regardent le tems auquel le Soleil eft
fur fon Horifon , qu'ils appellent le
jour ,
D'ALBERT LE GRAND. 125
jour , & celui pendant lequel il n'y eft
pas , eft appellé la nuit ; de plus ils par-
tagent le jour en douze parties égales ,
qui font les heures , & tout ce que l'on
dit du jour , fe doit auffi entendre de
la nuit , quoique d'une manière toute
oppofée & contraire.
Afin que l'on conçoive plus facile.
ment ce que l'on a dit , fuppofons que
le Soleil quitte notre Horifoh à huit
heures dufoir , il y aura dix-fept heures
depuis fon lever jufqu'à fon coucher ,
que l'on multipliera par foixante , au-
tant que ces heures ont de minutes , &
l'on aura le nombre de neuf cens' foi-
xantes minutes , que l'on divifera en
douze , autant qu'il y a d'heures dans.
heure
le jouraura
, & huirouvera que chaque
qui fe-
ront une heure & un tiers d'Horloge,
Pendant ce tems- là on prendra garde à
la Planete qui dominera à cette heure ,
ce que l'on verra, par ce que l'on dira
ci-après. Ainfi chaque heure de la nuit.
n'aura que quarante minutes , que l'on
nombrera par l'Arithmétique de mê-
me que deffus,fuivant le lever du Soleil
F3 fur
124 LES SECRETS

fur la terre , parce que l'heure qui eft


entrejour & nuit , n'eft pas du jour ;
car on n'appelle proprement le jour
que le tems pendant lequel le Soleil
paroît. C'eft pourquoi ceux qui vou-
dront fçavoir la domination des Pla-
netes , car elles dominent alternative-
ment fur toutes les heures tant du jour
que de la nuit , n'auront qu'à confidé-
rer les heures , comme on l'a montré
ci-deffus ; après cette exacte confidé-
ration , ils doivent être affûrés qu'ils
viendront à bout de leurs deffeins . I
faut fçavoir que l'on commence le jour
par la premiere heure d'après midi du
jour précédent , ainfi par exemple , on
divifera le jour du Dimanche en deux
parties égales , & ainfi du Lundi &
des autres jours.

TABLETUGA

des Aftres& des Planetes.

N fçaura que le Dimanche a fon


Signe ou fon Aftre fous le Soleil ; le
Lundi fous la Lune , le Mardi fous Mars,
D'ALBERT LE GRAND. 127
le Mercredi fous Mercure, le Jeudi fous
Jupiter , le Vendredi fous Venus , le Sa-
medi fous Saturne.
Il faut remarquer que chaque chofe
veut être faite fous fa Planete , & il eft
même meilleur & plus à propos de le
faire le jour , & à l'heure fur laquelle
elle domine , comme par exemple.
Saturne domine fur la vie , les édifi-
ces , la fcience & les changemens.
Jupiter domine fur l'honneur , les
fouhaits , les richeffes & la propreté
aux habits.
Mars préfide à la guerre , dans les
prifons , aux Mariages & dans la haine.
Le Soleil , donne bonne efpérance ,
le profit , le bonheur & les héritages.
Venus domine fur les Amis,lesAmou-
reux , les Amans & les Voïageurs.
Mercure préfide aux maladies , aux
pertes , aux dettes & à la crainte.
La Lune domine fur les plaïes , les
fonges , le négoce & les larcins.
Des heures dujour & de la nuit.
Ndoit toujours commencerpar les

premiere domine le Soleil ,, à la fecon-


F4 de
128 LES SECRETS

de Venus , à la troifiéme Mercure , à la


quatrième laLune,à la cinquiéme Satur-
ne,à la fixiemeJupiter,à lafeptiémeMars,
à la huitième le Soleil , à la neuvième
Venus , à la dixiéme Mercure , à l'onzie-
mela Lune , à la douzième Saturne.
Dimanche , les heures de la nuit.
La 1. Jupiter , la 2. Mars , la 3. le
ASoleil , la 4. Venus , la 5. Mercure , la
6. la Lune , la 7. Saturne , la 8. Jupiter , la
9. Mars , la 10. le Soleil , la 11.Venus , la
12. Mercure.
Lundi , les heures du jour.
La 1. heure domine la Lune , la 2.
A Faure, la3.Jupiter , la 4.Mars , la
5. le Soleil , la 6. Venus , la 7. Mercure , la
8.la Lune , la 9. Saturne , la 10. Jupiter ,
la 11. Mars , la 12. le Soleil.
Lundi , les heures de la nuit.
Lai .Venus,la deux Mercure, la 3. la
A Lane , Saturne ,la s. Jupiter , la
6. Mars , la 7. le Soleil , la 8. Venus , la
9. Mercure, laro. la Lune , la 11. Saturne,
la 12. Jupiter.
Mardi , les heuresdujour.
Au 1. Mars , la 2. le Soleil , la3.Ve-
La
s, la 4. Mercure , la 5.la Lune , la
nus
6.
D'ALBERT LE GRAND. 129

6. Saturne , la 7. Jupiter , la 8. Mars , la


9. le oleil , la 10. Venus , la II. Mercu
re , la 12. la Lune..
Mardi , les heures de la nuit.
A 1. Saturne , la 2. Jupiter , la 3 .
LA Mars , la14. le Soleil , la 5. Venus , la
6. Mercure , la 7. la Lune , la 8. Samurne ,
la 9. Jupiter , la 10. Mars , la 11. le So-
leit , la 12. Venus
Mercredi , les heures dujour.
A 1.I. Mercure , la 2. la Lune , la 3 .
LA la
Saturne , la 4. Jupiter , la 5. Mars ,
6. le Soleil , la 7. Venus , la 8. Mercure ,
la 9. la Lune , la 10. Saturne , la 11.
Jupiter , la 12. Mars.
Mercredi, les heures de la nuit.
LA 1. le Soleil , la 2. Venus , la 3. Mer-
cure , la 4. la Lune , la 5. Saturne , la
6. Jupiter , la 7. Mars , la 8. le Soleil , la
9. Venas , la 10. Mercure , la 11. la Lune,
la 12. Saturne.
Jeudi , les heures dujour.
A r. Jupiter , la 2. Mars , la 3. le So-
leil , la 4. Venus , la 5. Mercure , la 6.
la Lune , la 7. Saturne , la 8. Jupiter , lat
9. Mars , la 10. le Soleil , la 11. Venus
la 12. Mercure.
F Jeudi
130 LES SECRETS

Feuds , les heures de la nuit.


A la Lune , la 2. Saturne , la 3. Jupi
ter , la 4. Mars , la 5. le Soleil , la 6.
Venus , la 7. Mercure , la 8. la Lune, la 9.
Saturne , la 10. Jupiter , la 11 Mars , la
12. le Soleil.
Vendredi, les heures dujour.
IA 1. Venus , la 2. Mercure , la 3. la
Lune , la 4. Saturne , la 5. Jupiter , la
6. Mars , la 7. le Soleil , la 8. Venus , la 9.
Mercure , la to. la Lune , la 11. Saturne,
la 12. Jupiter .
Vendredi , les heures de la nuit.
LA 1.Mars , la 2. le Soleil , la 3. Ve-
nus , la 4. Mercure , la 5. la Lune , la
6. Saturne , la 7. Jupiter , la 8. Mars, la
9. le Soleil , la 10. Venus , la 11. Mercure
la 12. la Lune.
Samedi , les heures du jour.
IA 1. Saturne , la 2. Jupiter , la 3 .
Mars , la 4. le Soleil , la 5.. Venus , la
6. Mercure , la 7. la Lune , la 8. Saturne,
la 9. Jupiter , la to. Mars , la 11, le Soleil,
la 12. Venus.
Samedi ,les heures de la nuit.
A 1. Mereure , la 2. la Lunela . SA-
LA
turne , la 4. Jupiter , la 5. Mars , la 6.
le
D'ALBERT LE GRAND, 131

le Soleil , la 7. Venus , la 8. Mercure , la


9. la Lune >, la 10. aturne , la 11. Jupiter ,
la 12. Mars.
Jupiter & Venus font des Planétes
bonnes & heureufes ; Saturne & Mars
font malheureuſes , & de méchant au-
gure. Le Soleil & la Lune tiennent le
milieu. Mercure eft bon & favorable ,
quand on s'en fert pour des bonnes ,
chofes , & contraire & malheureux ,
quand on veut faire du mal.
*********** ****
TRAITE
Des Merveilles du Monde.
par Albert le Grand.

Cachant que c'eft l'ouvrage du Sage


Sderechercher ce qu'il ya d'extraor
dinaire dans les différentes chofes qui
paroiffent aux yeux des homes , nous
n'avons ceffé de lire & rclire les Ecrits
& les Livres des Auteurs ; que lorsque
nous avons découvert la plus grande
partie defes merveilles. Cependant il
s'en trouve une qui furpaffe prefque la.
portée de notre cfprit , & qui nous fur-
FG prend
132 LES SECRETS

prend extrêmement,quoiqu'elle agiffe


ordinairement fur les fens ; c'eft l'en-
gagement des hommes , & de leurs
puiffances par les Enchantemens , les
Caracteres , les fortilèges , les paroles ;
& plufieurs autres chofes de peu de
conféquence,qui femblent êtreimpof-
fibles , & ne devoir pas fe faire naturel-
lement.Mais aprèsavoir un peu exami-
né la chofe , 'il faut que nous avouons
qu'Avicenne, a eu raifon de dire que les
hommes ont une certaine puiffance ou
fantaifie de changer les chofes , lorf
qu'ils le peuvent faire par le moïen de
quelques autres , ou bien quand ils ent
haïffent ou aiment quelques-unes avec
excès. On voit par expérience , que dès .
le moment qu'une perfonne fuit aveu-
glement lesmouvemensde quelque paf
fion,il lie & change pour ainfi dire,de la
manière qu'il le veut les chofes; j'avoue
que j'ai eu de la peine à le croire; mais
aïant lû lesLivres de Négromancie,des
Images & de la Magie , j'ai trouvé que
l'affection & la volonté de l'homme
étoit la feule fource & la principale
caufe de toutes ces chofes ; foit que pat
un
D'ALBERT LE GRAND. 133

un penchant exceffif il change ſon


corps & tout ce qui y entre , foit qu'à
caufe de fa dignité toutes les chofes qui
font au- deffous de lui , lui obéïffent ,
foit qu'enfin une heure favorable , ou
un ordre fupérieur , ou bien quelqu'au-
tre puiffance concoure avec cette affec
tion démefurée ; cependant de quelque
manière que la chofe fe faffe , on dit
toujours que c'est l'homme qui l'a fai-
te. Ce qui montre évidemment que les
enchantemens & les fortiléges qui ex-
citent la colère , la haine , l'amitié , le
chagrin & lajoie dépendant de l'excès
des affections, comme on le croit,& on
le remarque parmi le peuple qui appré
hende toutes ces chofes , & femble
fouhaiter avec d'autant plus d'empref-
fement les bénédictions , fur-tout des
perfonnes pieufes ou élevées en digni-
té , qu'ils craignent leurs malédictions
aufquelles il s'imagine qu'il y a une
certaine puiffance ou vertu jointe au
bien ou au mal ,qu'elles défirent à ceux
de qui elles parlent. Tout ce que l'on
appelle chofe merveilleufe & furnatu
relle, & que l'onnoinme vulgairement
Magie ,
134 LES SECRETS

Magie vient des affections de la volon


té ,ou de quelque influence Céleste à
certaines heures particulieres. Et com-
me il feroit trop long d'expliquer fur
ce fujet tout ce qu'en ont écrit les Phi-
kofophes,les Aftrologues & les Négro
manciens , on paffera tout d'un Coup
aux Secrets qui s'opérent par des cho-
fes naturelles. On en a agi de la forte
pour ne pas donner de mauvaiſes im-
preffions à de certains petits efprits
qui donnent dans tout ce qu'ils lifent,
& qui fouvent quittent à l'effentiel d'un
livre pour s'attacher à ce qu'il y a de
moindre.De plusAlbert le Grand n'a pas
jugé à propos de s'étendre davanta-
ge fur cette matiere dans ce petit Trai-
té , & il s'eft contenté de vouloir en-
feigner aux Curieux la manière de fe
fervitd'ungrand nombre d'expériences
auffi utiles au Public que merveilleu-
fe. Le Lecteur fera averti qu'on ne dit
cela qu'en paffant , pour le préparer à
ce que l'on dira dans la fuite.
Si quelqu'un veut faire les expérien-
ces qui fuivent avec fuccès ; il doit en
premier lieu , fçavoir fi les chofés dont
il
D'ALBERT LE GRAND. 1

i fe fervira font chaudes ou froides, &


enfuite connoître leur difpofition , &
leur propriété naturelle , fi c'eft , par
exemple , pour donner de la hardieffe
ou de la crainte , ou bien pour rendre
beau ou ftérile parce que tout Etre
communique à toutes les chofes auf-
quelles ont lejoint,fesvertus & fes pro-
priétés naturelles , comme on le voit
dans le Lion qui eft un animal intrépi-
de & naturellement hardi ; carfi quel-
qu'un porte fur foi fon ceil, ou for
cœur , ou bien la peau qui eft entre fes
deux yeux , il deviendra courageux ,
intrépide , & donnera de la terreur à
tous les autres animaux. On dit la
même chofe d'une Putain publique ,
qui ordinairement eft fans honte & ef-
frontée ; & les Anciens affurent, quefi
on prend la chemife d'une fille aban-
donnée & d'une prostituée , ou qu'on
fe regarde dans un miroir dont elle fe
fera fervie , on deviendra effronté , &
fans honte. Le Coq de fon naturel eft
auffi fort hardi & le Lion tremble lorf
qu'il le voit; c'eft pour cela que fi on
en porte fur foi,ildonne de la hardieffe;
en
136 LES SECRETS

enun mot toutes fortes d'Animaux qui


font naturellement hardis , rendent
courageuxceuxqui enporterontfureux
quelques parties. De même un Ani-
mal ftérile de fa nature , ou par acci-
dent communique fa ftérilité à celui ou
à celle fur qui on le met ; les Philofo-
phes difent que le Mulet rend les hom-
mes & les femmes qui le portent , fté-
riles & inutiles à la génération , les Eu-
nuques ont la même propriété , parce
qu'étant de leur nature incapables
d'engendrer, ils fe rendent à ceux qu'ils
fréquentent & à qui ils fe joignent. On
en agit de la même manière lorsqu'on
veut donner de l'amour , on cherche
l'Animal qui eft le plus chaud, & l'heu-
re à laquelle il eft le plus vigoureux
dans l'accouplement , parce que pour
lors il a le plus de force au combat
amoureux. Enfuite on prend de cet
animal la partie la plus propre à l'a-
mour ; comme par exemple le cœur ,
les tefticules & la matrice , & on le
donne à celui ou à celle que l'on veut
mettre en amour. L'homme donne à
manger à fa femmé les tefticules de
cet
D'ALBERT LE GRAND. 137
cet animal, & la femme donne à l'hom-
me la Matrice.
Comme l'Hirondelle a beaucoup de
chaleur naturelle , les Pilofophes di-
fent que cet Oifeau eft fort propre
pour exciter à l'amour, la Tourterelle, le
Pigeon & le Moineau ont la même vertu
fur tout fi on les prend dans le tems
qu'ils font en amour , parce que pour
lors ils donnent immanquablement de
l'amour à ceux qui en mangent .
Pour faire qu'une perfonne parle
beaucoup , on lui donne la langue ou
le cœur d'un Chien, & quand on veut ſe
rendre fçavant & agréable , on mange
un Roffignol. Et ainfi on doit fe fervir
de cette forte généralement de toutes
les propriétés que l'on voit dans cha-
cun des Etres naturels , felon que l'on
croit qu'ils peuvent exciter , difpofer ,
ou pour mieux dire , communiquer
leurs propriétés au fujet , auquel on les
applique , parce qu'il eft certain que
bien loin d'y nuire, ils y contribueront
beaucoup aïant reçû cette vertu de la
nature même; & parce que toute pto-
priété fe communique autant qu'elle le
peut-
138 LES SECRETS

peut; c'eft ce que l'on prétend faire


voir dans les fecrets que l'on trouvera
ci - après. On n'a fait ce prélude que
pour préparer & difpofer l'efprit du
Lecteur à les lire avec plaifir & at-
tention.
Un Auteur dit qu'il y a certaines
chofes que l'on connoît par les fens , &
qui furpaffent la raifon ; d'autres que
fon apprend par le moïen de la raifon,
& qui font au-deffus des fens. Dans les
premieres il s'en faut tenir à l'experien-
ce , car on ne doit pas éprouver la rai-
fon , ni rejetter l'experience ; dans les
fecondes il ne s'en faut pas fier aux
fens , parce qu'on ne peut les fentir ni
les toucher. C'eft pourquoi l'experien-
ce découvre de certaines chofes que les
hommes ne peuvent.comprendre , &
la raifon en fait voir d'autres qui ne
dépendent en aucune maniere des fens:
Car quoique l'on ne fcache pas la rai-
fon , ni pourquo il'Aimant attire le fer,
Texperience néanmoins le fait voir fi
clairement qu'on ne fçauroit le nier, ni
en douter. Auffi , fi ce que l'ufage nous
apprend , eft furprenant , l'on ne doit
done
D'ALBERT LE GRAND. 139

donc pas, à plus forte raifon , être fur-


pris de mille autres chofes, dont la rai-
fon & la caufe font inconnues. Les
Anciens parlant du Palmier , qui eft un
arbre dont il y a la femelle & le mâle ,
difent que fi on approche la femelle du
mâle avec des cordes,fes branches s'at-
tendriffent, & fe penchent de fon-côté ;
fi on admire cela dans le Palmier , pour-
quoi ne croira t-on pas plufieurs au-
tres merveilles , quoiqu'on ne fçache
pas de quelle manière elles fe font. Me-
fué dit dans fon Livre des Animaux,que
fi une femme groffe prend l'habit de
fon Mari , qu'enfuite fon Mari le re-
prenne fans le laver , il fera délivré de
la Fiévre quarte , s'il en eft affligé.
On trouve dans le traité des Ani-
maux que le Leopard prend la fuite à la
vûë du Crâne de l'homme , & dans un
autre endroit , fi l'on met le Crane d'un
homme dans un Colombier , tous les
Pigeons des environs s'y affembleront ,
& y multiplieront tellement , qu'ils
n'aurontpointde place pour fe mettre.
Galien dit que le Bafilic qui eft blan-
châtre , & qui a trois poils fur la tête ;
meurt
140 LES SECRETS

meurt auffi-tôt qu'il eft vû de quel-


qu'un , & fait mourir la Perfonne ou
l'Animal qui entend fes fifflemens ; le
même Auteur dit encore qu'il empoi-
fonne toute bête qui en mange après
qu'il eft mort. Certains Auteurs ont
écrit que fi on prend du lait d'une fem-
me qui nourrit une fille au-deffus de
deux ans , & qu'étant mis dans une
phiole de verre,on la pende proche de
l'ouverture par où entrent & fortent
les Pigeons , ils demeureront dans le
Colombier , & multiplieront juſqu'à
l'infini. On dit auffi qu'un os de mort,
guérit de la Fiévre quarte celui qui le
porte fur foi ; que fi on le pend au col
d'une perfonne qui aura mal au ven-
tre,il appaifera en peu de tems la dou-
leur.
Quelques-uns croient que les dents
d'un jeune enfant , lors qu'elles tom-
bent, étant enchaffées dans de l'argent,
& pendues au col des femmes , elles
les empêchent de devenir groffes & de
concevoir.De même fi une femmeboit
chaque mois un verre de l'urine d'une
Mule , elle ne concevra point. Alexan-
dre
D'ALBERT LE GRAND. 141
dre dit que fi l'on prend le nombril d'un
enfant qui fort du ventre de fa Mere,&
qu'on le métte fous la pierre d'une ba-
gue d'argent ou d'or, celui qui portera
cette bague fans le fçavoir , ne fera ja-
mais attaqué de la Colique , & en fera,
bien-tôt délivré s'il en eft atteint. I
eft auffi certain que fi on envelope dans
un morceau de drap de la graine de Vi
nette , & qu'on l'applique fur la temple
gauche d'une femme elle ne conce-
vra pas tant qu'elle y reftera.
Gallien dit que les feuilles de Vinette
étant mangées , elles lâchent le ventre,
& que la racine étant pendue au col
d'une perfonne qui a des écrouelles !
elle les guérit. Les Philofophes affu-
rent que fi l'on veut faire venir une
bête d'elle-même dans fon étable , on
n'a qu'à lui frotter le front avec un ail
de Squille.
Ariftote dans fon Livre des Animaux
enfeigne que fi l'on prend de la cire; &
qu'on la broie fur les cornes d'un Veau ,!
on le menera par tout où l'on voudra
fans peine ; que fi l'on frotte les cornes
des Vaches avec de la cire, de l'huile, ou
de
142 LES SECRETS

de la poix , on les délivre des douleurs


& des maux qu'elles ont aux pieds,que
fi quelqu'un frotte la tête d'un Taureau
avec l'huile rofat , elle devient toute :
pleine d'apoftêmes & fi on en oint celle
d'une Vache , elle meurt. Si on frotte
la languedes Baufs avec quelque ail
ils mouront plutôt que de manger , fi
on ne leur nettoie la gueule avec du fel
& du vinaigre. Si on oint le cul- d'un
Gag avec de l'huile ,il ne peut s'accou-
pler avec la Poule , que fi on veut qu'il
ne chante point, il ne faut que lui oin-
dre avec del'huile la tête & la crête.
Ariftote dit que celui quis'affecit fur
une peau de Lion , eft délivré des He-
morroïdes , s'il en eft affligé of
Les Anciensdifent quefiune femmer
fe penddaucoble doigt de l'Anus d'un
Fetus mort , elle ne concevra point
pendant le tems qu'elle l'aura fur foi.
Ilarrivera la même chofe fi elle boit
de l'urine de Moutons , ou du fang de
Licure ; ou bien frelle met au col du
repairede Lièvre. Quand on pile & o
qu'on réduit en poudre de la Marjolai-
ne bâtarde fur l'endroit , où il y a des
four-
D'ALBERT LE GRAND. 143

fourmis , elles l'abandonnent auffi-tôt.


La tête d'une Chevre pendue au col
d'une perfonne qui a des glandes fcro-
phuleufes , les guérit parfaitement. De
plus prenez de la fiente de Bouc , avec
de la farine de froment , faites-le tout
fecher enfemble, enfuite pilez-le, & le
mettez chauffer avec de l'huile feule-
ment ; après cela frottez-vous- en tout
autour du prépuce dans le tems du
Coït : il eft für que votre femme n'ai
mera que vous.
Pour empêcher que les Beufs , ou
quelques autres bêtes ne mangent rien
pendant qu'elles font à l'étable , il ne
faut quependre au-deffüs de la queue
la peau d'un Loup. Si on veut qu'une
femme ne foit pas amoureufe des hom-
mes, il faut prendre la verge d'un Loup,
les poils de fes paupieres , & ceux qui
font de deffous fa barbe , & les faire
brûler , enfuite les lui faire boire fans
qu'elle en foache rien.,
Si un homme voit que fa femme le
méprile, il peut prendre du fuif d'un
Bouc ni trop grand ni trop petit, & après
s'en être frotté la verge, & qu'il la con
noifle ,
144 LES SECRET,S

noiffe , il eft affuré qu'elle mépriſera


les autres , & n'aimera que lui
Lorfque la Tortue eft empoisonnée,
elle fe guérit en mangeant de la Marjo-
laine ; ce qui fait voir que cette herbe
eft bonne contre le poifon & le venin:
de même quand une Belette a été mor-
due d'un Serpent , elle mange de la Rhu-
barbe , parce qu'elle fçait par inftinct
qu'elle eft bonne contre le venin des
Serpens.
Si on applique un Rat fur la morfure
des Scorpions , il la guérit. On dit que
fi on arrache la pate d'une Belette fe-
melle , étant encore en vie & qu'on la
merre au col d'une femme, elle ne con-
cevra pas, pendant qu'elle y fera , & fi
on l'ôte , elle deviendra groffe.
Les Philofophes ont remarqué qu'u-
he femme fterile devient féconde , fi
elle fe fert des chofes qui contribuent
à la fterilité.
Si on prend les deux Tefticules d'une
Belette , & qu'on les envelope & les lie
à lacuiffed'une femme, qui en portera
un os fur elle , elle ne pourra pas con-
cevoir. On dit auſſi que fion jette une
éponge
D'ALBERT LE GRAND. 145

éponge dans du vin qui fera mêlé avec


de l'eau , enfuite l'aïant tirée , qu'on la
preffe , il n'en fortira que de l'eau ; le
vin étant refté dans le vafe , & fi le
vin eft pur , on aura beau la preffer
il n'en fortira rien.
Tabarienfis dit , qu'en pendant une
pierre d'éponge au col d'un enfant
qui aura la toux ; il en fera délivré.
Que fion met cette pierre dans l'oreille
d'un Afne , il tombera en fyncope auf-
fi- tôt , & ne fe relevera point qu'on ne
l'ait ôtée,
De plus , fi un homme en mangeant
des lentiles , mord quelqu'un , cette
morfure eft incurable.
Les poils qui font autour de verge
d'un Afne , étant découpés dans du vin
fi on les fait boire à quelqu'un , il pet-
tera fur le champ ; les ceufs de Fourmis
ont la même propriété , fi on les pile
& qu'enfuite on les faffe boire dans de
l'eau ou du vin , ou dans ce que l'on
voudra... Soudans fon
On a remarqué , que fi on fait une
bague d'une verge de Myrthe nouveau
& qu'onfe la metteaudoigtannullaire,
elle
146 LES SECRETS
elle a la vertu de guérir les Apoft mes
qui font fous les aiffelles. Ariftote dit
que la racine de la Jufquiame blanche
foulage beaucoup celui qui a la Coli-
que , s'il fe la pend für foi.
Hermes affûre , que fi l'on jette dans
du vinaigre gâté de la graine de Pour-
reaux , il reprend fa force. Belinus en-
feigne , que fi l'on frotte du drap avec
le glaire d'un ceufmêle avec de l'Alun
& après l'avoir lavé avec de l'eau
falée , on le faffe fecher , il empêche
le feu de brûler.
Un certain Auteur dit que fi l'on
prend de l'Arfenic rouge avec de l'Alun
qu'on la broïe enfemble , & le mêle ,
avec du fuc de Joubarbe & de la gom-
me qui fort du Laurier ; l'homme qui
s'en fera frotté les mains , pourra ma-
nier & prendre un fer chaud fans en
être brûlé.
Si on veut que tout ce qui eft dans
un Palais paroiffe noir, on aura foin de
tremper la méche de la Lampe ou de
la Chandelle qu'on doit allumer dans
de l'écume de mer bien battue & bien
mêlée enſemble. Pour faire que tous
ceux
D'ALBERT LE GRAND. 147
ceux qui font dans une chambre pa-
roiffent n'avoitpoint de tête,on verfe-
ra dans une Lampe du fouffre jaune
mêlé avec de l'huile ; enfuite après
l'avoir éclairée , on la mettra au mi-
lieu de l'Affemblée. Re
Balbinus dit , que fi on met du pour-
pier fur fon Lit , on ne verra , ni on
n'aurapoint de vifion pendant la nuit.
Ariftote remarque , que la fumée
d'une Lampe éteinte , fait avorter les
Cavales , & fouvent même des Fem-
mes enceintes.
Les Anciens ont dit, que les plumes
des aîles d'un Aigle étant mêlées avec
celles des Qifeaux , les brûlent & les
gâtent.
Si l'on veut chaffer d'une Maiſon ou
de quelqu'autre endroit les Serpens &
les Scorpions , il la faut parfumer avec
le poulmon d'un Afne;ce qui a fait croi-
re aux ilofophes & aux Anciens
qu'il eft bon contre leur venin.
La langue d'une Hupe pendue au col,
fait revenit la mémoire & le jugement
à ceux qui l'avoient perdu.
left écrit dans le Livre de Cleopatre,
mub G-2 22b qu'ure
148 LES SECRETS

qu'une Femme qui n'eft pas contente


de fonMari comme elle lefouhaiteroit,
n'a qu'à prendre la moêle du pied gau-
che d'un Loup , & la porter für elle , il
eft certain qu'elle en fera fatisfaite , &
qu'elle fera la feule qu'il aimera. Si
on prend la cuiffe gauche d'un Autru-.
che mâle , & qu'on la faffe bouillir
avec de l'huile , enfuite qu'on en frotte
la racine & la tige des poils , ils ne
croîtront plus.
La dépouille d'un Serpent , appliquée
fur l'anche , ou le côté d'une Femme
groffe , facilité l'accouchement ; mais
il la faut ôter auffi-tôt que l'Enfant
commence de fortir..
Les Dents du Serpent , qui ont été ar-
rachées pendant qu'il vivoit enco-
re, étant pendues au col, guériffent de
la fievre - quarte. Si on met un Serpent
fur une perfonne qui a mal aux dents ,
il l'appaife ; fi on le préfente à une
femme enceinte , elle eft en danger de
fe bleffer , & fi elle eft au mal de l'en-
fant , elle facilite l'accouchement . On
dit que le Lion craint un Coq blanc &
le feu; & celui qui fe frotte avec de la
graiffe des reins d'un Lion , peut all
fans
D'ALBERT LE GRAND. 149
fans crainte parmi toutes lesfortes d'A-
nimaux,qui appréhendent tous cet ani-
mal;pour faire peur aux Loups on s'oin-
dra le corps avec de la fiente de Lièvre.
Le pied droit d'une Tortue étant pen-
du au pied droit d'un Gouteux , le fou-
lage beaucoup. Si le mal eft dans le
pied gauche , on y attache le pied gau-
che de la même bête, & ainfi des autres
membres. Si on allume du feu avec des
branches vertes de figuier devant un
homme qui eft rompu , fes Tefticules
craquent , & font du bruit.
Hermes remarque que fi un Loup voit
un homme le premier , cet homme s'é-
pouvante , criant & devient enroué. Si
quelqu'un porte fur foi l'œil d'un Loup,
il est hardi , victorieux & au-deffus de
de la corn
fes ennemis. Dee blan
plus che
fi on fait ne ba
d'u
gue Afne , &
qu'enfuite on la mette au doigt d'un
Epileptique à fon infçû , il eft délivré
de l'Epilepfie .
Si on veut chaffer les Mouches d'une
maifon,on mêlera dujus de Pavot avec
du blanc de Chaux , enfuite on en frot-
tera la maifon tout au tour.
G3- Pour
150 LES SECRETS

Pour faire dire à une fille ou à une


femme tout ce qu'elle a fait , qu'on
prenne le Cœur d'un Pigeon avec la tête
d'une Grenouille , & après les avoir fait
fecher , fi on le réduit en poudre fur
l'eftomac de celle qui dort , on lui
fera tout avouer ce qu'elle a dans l'a-
me, & quand elle aura tout dit , il lui
faut ôter de peur qu'elle ne s'éveille.
Il y en a qui difent , que fi on met un
Diamant fur la tête d'une femme qui
dort , on connoît fi elle eft fidelle ou
infidelle à fon mari , parce que fi elle
eft infidelle , elle s'éveille en furfaut ,
aucontraire fi elle eft chafte , elle em-
braffe fon mari avec affection.
La peau d'un Afne étant pendue fur
les enfans , les empêche d'avoir peur :
Architas enfeigne , que fi l'on pend l'or-
dure qui fort de l'oreille gauche d'un
Chien , au col de ceux qui ont des Fie-
vres reglées , fur tout la Quarte, ils en
font guériss en pe de tems.
peu
Si on attache de l'écume de la Mer à
la cuiffe gauche d'une femme qui eft
dans les douleurs de l'enfantement, elle
en eft foulagée; fi on parfume une mai-
fon
D'ALBERT LE GRAND. 151
fon avec la corne gauche d'un Muler ,
les Mouches n'y entreront point.
Pour faire revenir la mémoire & la
raifon,à ceux qui l'ont perdue , on leur
pendra au col , la tête , l'œil ou la cer-
velle d'une Hupe.
Afin qu'une femine conçoive, on rẻ-
duira en poudre la corne d'un Cerfque
l'on mê era avec de la fiente de Vache ,
enfuite la femme la portera fur foi pen-
dant qu'elle aura affaire avec un hom-
me , & immanquablement elle de-
viendra groffe.
La dent d'une bête ou d'un Poulain
d'un an pendue au col d'un enfant , fait
que les dents lui fortent fans douleur.
Que fi une femme ne peut pas con
cevoir , qu'on lui faffe boire , fans
qu'elle le fçache du lait d'une Jument
& qu'enfuite un homme la connoiffe ,
elle-concevra auffi-tôt. On chaffe les
Rats d'une maifon , fi on la parfume
des cornes du Cheval ou du Malet.
Si on met du Champhre fut de l'eau
il s'enflâme & fe brûle. Si on veut
prendre des Oifeaux à la main , on
prendra de quelque graine qué ce foit,
G4 &
152 LES SECRETS

& on la fera bien tremper dans de la


lie de vin & du fuc de Cigue , enfuite
on la jettera à terre , tous les Oifeaux
qui en mangeront , ne pourront pas
voler.
Si une femme a donné quelque cho-
fe à un homme pour fe faire aimer, &
qu'il s'en veuille défaire , il prendra fa
chemife, & piffera par la têtiere , &
par la manche droite ; auffi-tôt il fera
délivré de fes maléfices. S
Si l'on veut empêcher qu'une fem-
me ne commette point d'infidelité à
V eur que l'on prenne de fes che-
fon
les aiant fait brûler , & réduits
en poudre , qu'on lesjette fur une cou-
chette , fur um lit , ou fur quelque au-
tre chofe , que l'on aura auparavant
frotté avec du miel , & que fon Mari
l'y connoiffe peu de tems après , elle
n'aimera quefui .
Si quelqu'un fe frotte avec du lait
d'Aneffe , tous les Moucherons s'affem-
bleront autour de lui . Si on prend plu-
fieurs glaires d'oeufs de Poule , un
mois aprés il s'en formera du verre qui
deviendra durcomme de la pierre , on
en
D'ALBERT LE GRAND. 153

en fait des pierres de Topaze fauffe , fi


on les frotte avec du Safran & de later-
re rouge. De plus , fi on mêle l'écume
& la fueur qui fe trouve autour des
Tefticules d'un Cerf, d'un Cheval , ou
d'un Afne , avec du vin , & qu'enfuite
on la faffe boire à quelqu'un , il aura
pendant un mois le vin en horreur. De
même fi on met plufieurs Anguilles
dans un pot de vin, & qu'on les y laiffe
mourir , celui qui en boita , haïra le
vin pendant un an, & n'en boira,peut-
être pendant fa vie.
Si on prend une corde , avec laquel-
le on aura pendu un Voleur , & qu'on
la mette dans un pot de terre avec un
peu de la paille qu'un tourbillon de
vent éleve en l'air fi on mêle ce pot
parmi d'autres , il les fera tout rom-
pre. On dit encore que fi on attache
de la même corde à la pelle dont on
enfourne le pain , celui qui le mettra
au four ne pourra pas en venir à bout ,
& le pain en fortira.
Pour faire paroître des hommes fans.
tête , prenez la dépouille d'un Serpent,
de l'Orpin , de la Poix Grecque , du
Gr Rha.
114 LES SECRETS

Rhapontique , de la Cire de jeunes A-


beilles , avec du fang d'Afne , broïez le
tout enfemble , & le mettez dans un
grand pot de terre plein d'eau, laiffez-
le bouillir à petit feu , enfuite après
l'avoir fait refroidir , faites-en un cier-
ge , tous ceux qui feront dans l'endroit
où il éclairera , fembleront n'avoir
point de têtes.
Si on veut que des hommes paroif
fent avoir la tête de l'animal que l'on
voudra , on prendra du Souffre vifavec
de la Litarge , le tout réduit en poudre,
que l'on mettra dans un lampe pleine
d'huile , enfuite que l'on faffe une
chandelle de Cire Vierge mêlée avec la
fiente de l'animal , dont on voudra
faire voir la tête , & tenant la chan-
delle allumée avec du feu de la fuf-
dire lampe , fi on donne du vin à quel-
qu'un de l'affemblée ceux qui en au-
ront bû paroîtront avoir la tête de cep
animal.
Si on prend la graiffe de l'oreille
d'un Chien ; & qu'on frotte du Coton
neuf, enfuite qu'on le mette dans une
lampe de verre qui foit verd , & qui
n'aura

A
D'ALBERT LE GRAND IS
n'aura pas encore fervi , fi on met
cette lampe allumée entre deux hom
mes , on croira qu'ils auront des têtes
de Chiens motor dit SIST
Faites une corde du poil d'un Afre
mort que vous ferez bien fecher , en-
fuite prenez la moëlle de l'os le plus
gros de fon épaule droite , que vous
mêlerez avec une Verge Vierge , & dont
vous frotterez cette corde , que vous
mettrez fous le feuil de la porte de la
maifon : Ceux qui entrerent paroîtront
avoir trois têtes , & verront ceux qui
y feront comme des Afnes..
Si on frotte la tête d'un homme
avec des Rougneures de la corne
d'un Afne , il femblera avoir la tête
d'un Afne.grassery t
Pour faire fauter un Poulet ou quel
que autre chofe dans un plat , que l'on
prenne de l'Argent vif avec de la pou-
dre Calamite , enfuite qu'on le mette
dans une phiolede verre bien bouchée,
envelopée dans quelque chofe de
chaud , oudans le corps d'un Chapon ,
l'Argent vif étant échauffé , il le fera
fauter.n
G6 Si
15G LES SECRETS
Si vous voulez voir ce que d'autres
ne pourront pas voir , prenez la fiente
d'un har avec de la graiffe d'une Poule
blanche , mêlez-le tout enfemble dans
du vin,& frottez-vous-en les yeux. De
plus fi on veut entendre le chant des
Oifeaux,qu'on prenne avec foi deux de
festas ,que qu'on mille avec eux dans
uneforêt le 5.des Calendes de Novem-
bre , enmenant des Chiens comme fi on
vouloit chaffer, on apportera à la mai-
fon la premiere bête que l'on prendra,
que l'on mangera avec le cœur d'un
Renard , auffi-tôt on entendra le chant
des Oifeaux , & fi on fouhaite que ceux
qui feront préfens l'entendentauffi , on
n'aura qu'à les baifer.
Si on veut rompre les liens , ou des
Chaines de fer ; on ira dans une forêt ,
pour chercher le nid d'une-Pie avec fes
petits, auffi-tôt qu'on l'aura trouvé , on
montera fur l'arbre , & l'on bouchera
le trou par où elle entre dans fon nid ,.
avec ce que l'on voudra. La Pie n'y
pouvant entrer , ira chercher une cer-
taine herbe, avec laquelle elle rompra,
& arrachera tout ce qui fermoit fon
nid ;
D'ALBERT LE GRAND. 187
nid; on aura foin de mettre fous l'ar
bre un linge ou quelqu'autre chofe ,
fur quoi elle puiffe tomber; & on s'en
fervira pour faire ce que l'on a dit ci-
deffus.
On trouve dans le nid des Hupes une
certaine pierre qui a diverfes couleurs ;
celui qui la portera fur foi , deviendra
invifible. Pour rendre un homme im-
puiffant , il n'y a qu'à lui faire avaler
un morceau d'un de ces vers qui luifent-
dans l'été.
Pour faire avouer à une femme ce
qu'elle a fait ; on prendra.une Grenouille
d'eau en vie , on lui arrachera la lan-
gue , & enfuite on la remettra dans
T'eau , & on appliquera cette langue fur
le cœur de la femme , lorfqu'elle dor-
mira , elle répondra à toutes les de-
mandes qu'on lui fera.
Si on veut faire peur à une perfonne
en dormant , on lui mettra deffus la
peau d'un Singe,for
Pour prendre une Taupe , qu'on met-
te dans un trou un oignon ou un pour-
reau ou des aulx , & peu de tems après
elle fortira fans force. Le Serpent fuis
G7 &
158 LES SECRETS
& haït les aulx; & un Chien ne mange-
rapoint de ce qu'on aura frotté avec un
ail.
Si l'on prend de ce que l'on appelle
Alkekengi , qu'on le broïe & mêle avec
de la graiffe de Dauphin , enfuite qu'on
enfaffe des grains comme ceux d'un Ci
tron , & qu'on les jette fur un feu fait
avec de la fiente d'une Vache qui aura
du lait , & fur-tout que la fumée ne
puiffe fortir de la maifon que par la
porte; pour lors tous ceux qui fe trou-
veront dans cette maifon , paroîtront
grand comme des Chevaux , ou des Ele-
phans , ce qui eft admirable & furpre-
nant.
Parfum pour fçavoir pendant le fom-
meil le bien ou le mal qui doit arriver,
prenez du fang caillé d'un Ane , avec de
la graiffe & la poitrine d'un Loup-cer
vier , autant de l'un que de l'autre , fai-
tes-en des grains avec lefquels vous
parfumerez la maifon. Enfuite on ver
ra quelqu'un pendant le fommeil qui
dira tout ce qui doit arriver.
Pour faire qu'une lampe allumée:
faffe paroître les hommes fous quelles
formes.
D'ALBERT EE GRAND. 15
formes que l'on voudra, on prendra les
yeux d'un Chathuan , les yeux de deux
poiffons , d l'un &
l'autre Libinitis , avec la fiente d'un
Loup , le tout étant broïé enfemble , on
le mêleraavec la main , & on le mettra
dans un vafe de verre , on le couvrira
fi on veut; après qu'on choififfe la
graiffe de la bête que l'on voudra , par-
ce que c'eft de-là que tout le fecret de-
pend,qu'on la faffe fondre , & la mêler
avec ce compofe , & qu'on en frotte la
mêche d'une lampe ,que l'on allumera
dans le milieu de la maifon , auffi-tôt
tous ceux qui y feront , auront la figure
de l'animal dont on aura pris la graiffe.
་ Pour faire voir le vifage noir, prenez
une lampe noire; mettez y de l'huile de
Sureau avec de l'Argent vif, mêlez avec
du fang que l'on tire par la faignée.
4 Si on fait une méche avec du drap
d'un mort , ou de drap noir , & cu'on
r'allume dans lemilieu d'une chambre ,
on verra des chofes merveilleufes . Pre-
nez une Grenouille verte , & coupez-lui
la tête fur un drap mortuaire, trempez-
Ja dans de l'huilede Sureau, faites-en une
méche
160 LES SECRETS

méche que vous allumerez dans une


lampe verte , & on verra un homme
noir qui tiendra une lampe à la main ,
avec plufieurs autres chofes curieufes.
Prenez les poils de la queue d'un Chien
noir, qui n'aura rien de blanc, avec un
peu de fa graiffe , que l'on fera fondre ;
enfuite que l'on faffe une méche de
quelques morceaux d'un drap mortuai-
re , & qu'on le frotte avec ce que l'on
a compofé ; fi on l'allume für une lam-
pe verte avec de l'huile de Sureau , dans
une chambre ,où il n'y aura point d'au-
tré lumiere , on verra des chofes admi-
rables , & furprenantes.
Si on veut faire voirune maifon plei-
ne de Serpens & de Spectrès , que l'on
prenne de la graiffe d'un Serpent noir
avec fa dépouille ,, & un morceau de
drap mortuaire, dont on ferà une mé-
che , après qu'on la frotte de cette
graiffe , & que l'on mette la dépouille
de ce Serpent dans le milieu , on l'allu-
mera avec de l'huile de Sureau dans une
lampe verte.
Uneautre forte deméchequi s'éteint
quand on y met de l'huile deffus , &
qui
D'ALBERT LE GRAND. IỔI

qui s'allume , quand on y jette de l'eau,


prenez de la chaux qui n'aura pas été
dans l'eau , & mêlez-la avec autant de
cire, & à moitié d'huile de Baume, dufuc
de Citron avec autant de Souffre , faites-
en une méche,que fi vous la tournez fur
l'eau , elle s'allumera , fi vous la pré-
fentez fur de l'huile , elle s'éteindra.
Méche admirable qui par fa lumière
fait voir toutes les chofes blanches , &
de couleur d'argent : prenez un Lézard,
coupez-lui la queue,& ramaffez ce qui
en fortira,parce qu'il eft femblable à de
l'Argent vif. Enfuite frettez une méche
de lampe avec cette matiere , & allu-
mez-la , toute la maifon paroîtra bril
lante , blanche & de couleur d'argent.
Pour faire peter une perfonne qui
tiendra une lampe , prenez du fang de
Tortue , faites-le fécher dans quelque
chofe propre à faire une méche , que-
vous mettrez dans une fampe, enfuite
donnez- la à qui vous voudrez , en lui
difant de l'allumer , il ne ceffera de pe-
ter pendant qu'il la tiendra àla main.
Prenez de la graiffe d'un Crocodille &
mêlez-la avec de la cire blanche au
So-
162 LES SECRETS

Soleil , enfuite faites-en une chandelle


qui vous éclairera dans le lieu où feront
les Grenouilles , il eft certain que pen-
dant qu'elle y fera,elles ne crieront pas.
Pour faire danfer & fauter les hom-
mes & les femmes , prenez du fang de
Lièvre , & celui d'un Oifeau nommé So-
lon , qui eft femblable à la Tourterelle ,
trempez-y une méche que vous allu-
merez au milieu d'une maiſon , vous
verrez l'effet que l'on a dit ci-deffus.
Pourempêcher quelqu'un de dormir
dans fon lit , jettez-y dedans un once
& demi d'Alkekengi ; & fi on fait avec
des poils d'un Efturgeon une méche, qui
étant allumée dans une chambre , tous
ceux qui y feront , s'imagineront d'être
malades & incommodés.
Si on prend une Sauterelle jaune qu'on
la pile & la mette dans un morceau
d'un drap de mort qu'on allumeraaprès
l'avoir trempé dans de l'huiledeSureau,
dans quelqu'endroit que vous foïez ,
vous verrez ce quej'ai dit ci-devant.
Pour paroître tout en feu depuis les
pieds jufqu'à la tête fans en être offenfe,
prenez du fuc de Mauve blanche , que
132 Vous
D'ALBERT LE GRAND. 163
vous mêlerez avec des blancs d'œufs
enfuite frottez-vous-en le corps & laif-
fez-le fécher ; de plus frottez vous en-
core avec de l'Alun , après cela difper-
fez deffus du Souffre en poudre , vous
pouvez y mettre le feu fans danger , on
en peut faire l'expérience fur la main.
Pour empêcherqu'une chofe ne brûle.
point dans le feu , on prendra de la Glu
de Poiffon avec autant d'Alun , que l'on
mêlera enſemble , on verfera deffus du
Vinaigre fait avec du vin , enfuite qu'on
en frotte ce qu'on voudra , on pourra le
jetter dans le feu , fans craindre qu'il y
brûle.
Pour faire brûler uneftatue ou quel
qu'autre chofe dans l'eaus prenez de la
Chaux quine fera pointamortie, mêlez-
la avec un peu de cire , de l'huile de Sila-
me ,de la Terre blanche & du Souffre , &
faites une ftatue de cette compofition ,
elle s'enflamera fi vous la remuez dans
l'eau.
Si on veut éteindre une lampe en ou
vrant les mains , & l'éclairer en les fer-
mant, que l'on prenne une drogue ap-
pellée de l'Ecume de Brife ou d'Inde , &
qu'on
1.64 LES SECRETS

qu'on la broïe & la mêle avec de l'eau


de Camphre , enfuite fi on s'en frotte les
mains , & qu'on les ouvre devant une
lampe allumée , elle s'éteindra , fi on
les ferme , elle fe rallumera.
Si on fe frotte la face avec du fang de
Chauve f-ouris , on verra & on lira auffi-
bien la nuit que le jour. Quand on veut
blanchir quelque chofe , on n'a qu'à la
parfumer avec du Soufre.
Pour faire tomberles fruits d'un Oran-
ger,prenez cinq parties de Soufrejaune,
autant de noir , deux de blanc & du Ci
nabre , broïez & mêlez le tout enfem--
ble , & parfumez-en le deffous d'un
arbre , tous les fruits tomberont.
Si on veut faire mourir un Serpent en
peu de tems , que l'on prenne ce que
l'on voudrad' Ariftoloche ronde, pilez-la
bien avec une Grenouille de champ que
vous broïerez & mêlerez avec l'Arifto
loche, enfuite l'aïant plié dans un papier
où l'on aura écrit ce qu'on aime , on le
jettera à des Serpens qui mouront auffi-
tôt.
Si on veut faireparoîtreune chambre.
pleine de Serpens , prenez de la graiffe
d'un
D'ALBERT LE GRAND. 165

d'un Serpent, & mêlez-y avec un peude


fel, enfuite prenez un morceau de drap
mortuaire que vous couperez en qua-
tre, dans chacun defquels vous mettrez
de cette graiffe, dontvous ferez quatre
méches, que l'on allumera aux quatre
coins de la chambre avec de l'huile de
Sureau dans une lampe neuve , & on
verra l'effet qu'on a dit.
Si on prend un morceau de drap de
mort nouveau, & qu'on le mêle avec la
cervelle d'un Oifeau , & les plumes de fa
queue, lesaïant broić enfemble ; faites-
en une méche , que vous mettrez dans
une lampe neuve & verte , que vous
allumerez après l'avoir remplie d'huile
d'olive , tout ce qui fera dans la maifon
paroîtra être verd , & voler commedes
Oifeaux ; autre expérience fur le même
fujet , & pour faire voir une maiſon
pleine de Serpensaffreux.Prenez la peau
d'un Serpent , le fang d'un autre, & la
graiffe d'un Serpent mâle, mêlez enfem-
ble ces trois chofes , & les envelopez
dans un drapdemort, que vous allume-
rez dans une lampe verte & neuve , &
vous verrez l'effet que vous fouhaitez.
Si
166 LES SECRETS
Si on veut faire une Chandelle mou-
vante. On prendra la peau d'un Loup &
celle d'un Chien , defquelles on fera une
méche quel'on allumera avec de l'huile
d'olive , & on verra ce que l'on a dit.
Pour faire peur à quelqu'un en allu-
mant une Chandelle, prenez un linge
blanc & neufde toile delin , & envelo-
pez dedans l'oreille d'un Serpent , faites-
en une méche que vous mettrez dans
une lampe avec de l'huile d'olive ; celui
à qui vous la donnerez , aura peur auf
fi-tôt qu'il l'aura éclairée.
Les Anciens difent que le derriere
de la tête eft la premiere & la princi-
pale partie de la tête ; qu'il s'y forme
des vers peu de tems après la mort d'un
homme , qui après fept jours fe chan-
gent en Mouches , & après quatorze ils
deviennent des Dragons , dont la mor-
fure fait mourir fur le champ. Si on en
prend un & qu'on le faffe cuire avec de
Phuile d'olive , que l'on en faffe
Chandelle , dont la méche fera d'un
drap mortuaire , & que l'on mettra
dans une lampe d'étain , on verra un
Spectre horrible , qui fera peur..
Secret
DALBERT LE GRAND. 167

Secret merveilleux qui fait paffer les


hommes par le feu fans fe brûler , qui
fait porter du feu , oubien du fer chaud
fans en être offenfe. Qu'on prenne du
jus de Guimauve & du blanc d'œuf, de
la graine de perfil & de la chaux , qu'on
réduife le tout en poudre , enfuite
qu'on le mêle avec ceblanc d'auf, & du
Juc de Raifort , qu'on fe frotte avec cet-
te compofition le corps ou la main ,
frotte de nouveau , en
faffe fécher , & qu'on s'en
on pourra
paffer & marcher , & porter du feu
fans en être offenfe.
Pour faire une eau ardente , prenez
dú vinnoir , épais , fort & vieux , mê-
lez-y la quatrième partie de Chaux vi-
ve , autant de poudre de Soufre vifbien
pulvérifé , du Tartre fait avec du bon
vin , du fel commun qui foit blanc &
gros , mettez le tout dans une bouteille
bien bouchée , où il y aura au-deffus un
allambic , avec lequel vous diftillerez
cette eau , que vous ne pourrez con-
ferver que dans une phiole de verre.
Si on veut faire du feu grec , qu'on
prenne
168 LES SECRETS

prenne du Soufre vif , du Tartre , du


Sarcocolle , de Picole , du fel cuit , de
l'huile commune , & de Petroli , qu'on
faffe bien bouillir le tout ; ce que l'on
mettra dedans , fe brûlera.

LES
Pag.160.
*

LES ADMIRABLES

SECRET S

DALBERT
το
LE GRAN D.
LIVRE TROISIEME.

CHAPITRE I

Dans lequel on parle des Secrets mer-


veilleux , & Naturels.

LBERT , ce fçavant Homme


a fait fa plus grande occu
pation , & s'eft particuliére-
ment attaché à faire des ex-
periences fur les chöfes naturelles, qui
font incomprehenfibles aux hommes.
Ilyafibien réuffr qu'on diroit que cet-
refcience, lui eft infufe. Comme j'ai
vu qu'on pourroit tirer quelque utilité
H de
170. LES SECRETS

de fes écrits , j'en ai tiré tout ce que j'ai


pu , & les plus curieux Secrets.
Premiérement Albert dit , que pour
rendre un œuf doux & fouple & le fai-
re paffer dans une bague ou ailleurs
fans le caffer , il faut prendre un oeuf
& le faire tremper pendant cinq jours
dans du bon vinaigre , au bout duquel
tems on le fera paffer par-tout où l'on
voudra. Cela a été expérimenté : fi
on veut donner de la joie & du diver-
tiffement à une compagnie dans un re-
pas , ouprendra quatre feuilles de Ver .
veine , que l'on fera tremper dans du
Vin dont on arrofera enfuite l'endroit
où lerepas fe fera, tous ceuxqui y fe-
ront conviés paroîtront contens &
joïeux
Pour connoître fi une perfonne mou-
-ra d'une maladie ou fi elle en reviendra;
allant la voir , prenez de la Verveine à la
main : & quand vous ferez proche le
lit du Malade , vous lui demanderez
comment il fe porte , s'il dit qu'il fe
porte mieux , il en échapera , s'il re-
pond lecontraire, il n'en reviendra pas,
Si on veut fe faire aimer d'un hom
D'ALBERT LE GRAND. 171
me ou d'une femme , on fe frottera les
mains avec du jus de Verveine , & en-
fuite on touchera celui qu'on voudra
amouracher ; ce Secret a été fouvent
éprouvé.
Pour couper avec un couteau > Ou
avec un fabre , du fer & de l'acier , on
fe fervira de l'herbe appellée Berbette ,
dont on frottera le taillant d'une épée
ou couteau , que l'on laiffera fécher ,
après il eft für qu'il coupera tout ce
qui fe trouvera deffous.
Pour chaffer les Puces d'une cham-
bre , arrofez-la avec de la décoction de
Rue , de l'urine d'une Jument , & iln'en
reftera point. Pline affûre que c'eft le
meilleur remède qu'on puiffe trouver.
Pour faire mourir toutes les Punai-
fesqui font dans un lit , prenez un Cont
combre en forme de Serpent faites-le con
fire & tremper dans de l'eau , enfuite
frottez-en votre lit , le Secret eft im-
manquable ; ou bien prenez le fiel ou
la fiente d'un Bauf mêlé & détrempé
dans du vinaigre , frottez-en le lit , &
on verra qu'à l'avenir il n'y aura aucu
Aes Pungifes,
H₂ Pour
$72 LES SEGRETS

Pour les prendre en vie fans les tou-


cher , en allant coucher on mettra
fous fon chevet de la grande Confoude ;
toutes les Punaifes s'affembleront def
fus & n'iront pas ailleurs , on en a fait
l'expérience plufieurs fois.
Si on veut chaffer les Serpens de quel-
que licu , on y fera bouillir & brûler
des plumesde Vautour. Celui qui porte
le cœur de çet Oifeau , ne craint point
les Serpens. Son cœur lié avec un poil
de Lion ou de Loup , chaffe les Diables.
Pour obtenir ce que l'on voudra , on
prendra la langue du même Oifeau ,
qu'on lui arrachera fans fer ni cou-
teau,& l'aïant enveloppée dans du drap
neuf, on la portera au col , cela a été
fouvent éprouvé avec fuccès,
Pour faire voir le Diable à une per-
fonne en dormant , prenez le fang d'u
ne Hupe , & qu'on lui en frotte le vifa-
ge,elle s'imaginera que tous les Diables
feront autour d'elle. Quand on veut
entreprendre un voïage facilement &
n
fans fe fatiguer , O portera à la main
l'herbe qu'on nomme Armoife , & an
s'en fera une ceinture en marchant;
enfuite
D'ALBERT LE GRAND. 173
enfuite qu'on faffe cuire cette herbe ,
& qu'on s'en lave les pieds , on ne fe
laffera jamais:
De même celui qui a foin d'avoir
toujours fur lui de cette herbe , ne
craint point les mauvais efprits , ni le
poifon, ni l'eau , ni le feu , & rien ne lui
peut nuire. De plus fi on en tient dans
fa maifon , le tonnerre ne tombeta
point deffus , ni aucun air venimeux ne
l'infectera , pourvû qu'on la mette à
l'entrée.
Pour dégraiffer les habits , lever tou-
tes fortes de taches telles qu'elles puif-
fent être , prenez demi livre de Cendre
gravelée , deux onces de Savon blanc ,
deux onces de Gomme Arabique , deux
onces d'Ecume d'Alun , une once de Glu
ou Gomme , une once de Campanes , ré-
duifez toutes ces drogues en poudre
enfuite mêlez-les toutes enſemble
détrempez-les dans de l'eau claire,
dégraifferez ce que vous voudrez avec
cette eau , & leverez toutes fortes de
taches.
Pour écrire en lettres d'or ou d'ar-
gent , prenez une once de Pierre de Tou-
H3 che ,
174 LES SECRETS

che, deux onces de Sel Armoniac , demi


once de Gomme Arabique, enfuite pulvé-
rifez le tout bien menu & quand vous
voudrez vous en fervir , vous mettrez
toutes ces drogues dans de l'eau de Fi-
guier, & quand vous aurez écrit , frot
tez votre écriture de métal de la cou-
leur que vous fouhaiterez , elle devien-
dra de même.
Pour empêcher les différends , & le
divorce entre un homme & une fem-
me , il faut prendre deux cœurs de
Caille , un mâle & l'autre de femelle ,
& faire porter celui du mâle à l'hom-
me , & celui de la femelle à la femme,
tandis qu'ils le porteront , bien loin
d'avoir des différends entr'eux , ils s'ai-
meront fitendrement, que perfonne ne
les pourra faire hair l'un l'autre , pas
même avec des enchantemens & des
fortiléges.
Pour faire venir les dents aux petits.
enfans fans douleur , prenez la cervelle
d'un Lièvre, & la faites cuire, & quand
elle fera cuite qu'on en frotteles genci-
ves des petits enfans , lorfque les dents
veulent leur fortir ,il eft für & expéri-
menté
D'ALBERT LE GRAND. 175

menté qu'elles fortiront fans qu'ils s'en


apperçoivent. weuhhigh
Pline dit , que fi l'on prend un gros
Os qu'on trouvera dans le côte droit
d'une Grenouille , & qu'enfuite on le
jette dans un chaudron d'eau bouil
lante, elle ceflera de bouillir auffi-tôt,
quelque feu que l'on faffe deffous , &
ne bouillira point que l'on ait ôté cet
Os du chaudron. De plus le même Au
teur dit qu'au côté gauche de la même
Grenouille , il y a un Os qui a une vertu
contraire à l'autre , car il fait bouillir
de l'eau froide; on appelle cet Os Opo-
nicom , il appaife la rage & la fureur des
Chiens ; fi on le boit dans du vin où au-
tre liqueur , il excite à l'amour, & fi on
l'attache à la cuiffe ou proche de la na-
ture , il incite & pouffe à la paillardife.
Pour empêcher queles Serpens ne faf
fent aucun mal quand on marche par
les campagnes, on prendra des feuilles
de Fréfier que l'on fe mettra autourdu
corps ; car auri-tôt qu'un Serpent fent
les feuilles de cet arbre , il prend la
fuite. Cela eft fi vrai que fi l'on fait
comme un cercle avec ces feuilles , &
H4 qu'en
176 LES SECRETSA

qu'enfuite on mette au milieu un Ser-


pent vif, il y demeurera fansfe remuer,
de même que s'il étoit mort ; que fi l'on
fait du feu proche de ce cercle , & que
l'on faffe une ouverture du même côté
où ce feu fera allumé , ce Serpent aime-
ra mieux fe jetter dans le feu , que de:
refter au milieu de ces feuilles .
Si on veut dorer du Fer , on prendra
n creufet de terre que l'on mettra fur
le feu avec de l'Argent vif& des feuil-
les d'or bien fin battu , jufques à ce que
l'or foit fondu , on mêlera bien enfem-
ble l'or & le Mercure , & on en frottera.
le Fer que l'on voudra dorer autant
qu'onlejugera à propos , & on le met-
tra dans le feu , où l' Argent vifle fon-
dra , & l'or reftera feul fur le Fer ; après
cela on fera tremper pendant quatre
ou cinq jours dans un potplein d'urine
ce même Fer , enfuite on le frottera
bien avec quelque chofe , & le nettoïe-
ra autant qu'il fera poffible avec de
l'eau de Coing , on verra que ce Fer do-
ré reffemblera à de véritable or.
Si on veut voir fon nom imprimé ou
écrit fur les Noiaux des Pêches , ou des
Amandes
D'ALBERT LE GRAND. 177
Amandes d'un rêcher ou d'un Amandier,
prenez unNoïau d'une bellePêche,met-
tez-le en terre dans un tems propre à
planter, & le laiffez pendant fix ou ſept
jours , jufqu'à ce qu'il foit à demi ou-
vert , enfuite tirez-le bien doucement
fans rien gâter; & avec du Cinabre,écri-
vez fur le Noiau ce qu'il vous plaira ,
& quand il fera fec , vous le remettrez
en terre aprèss avoir bien fermé & re-
joint avec un filet fort fin & délié, fans
y faire autre chofe pour le faire venir
en arbre , on verra que le fruit qu'il
portera aura le même nom que l'on l
aura écrit fur le Noiau. On peut faire,
la même expérience d'une Amande , on
en a fait l'épreuve tout nouvellement.
Pour guérir de la Pefte , on prendra
demi onced'eau de Vinette, une dragme
de Theriaque que l'on fera boire à celui
qui fera atteint de ce mal , on aura foin
que cette mixtion foit tiède , enfuite on
couvrira bien le Malade , & on le fera
fuer,il eft certain ques'il n'y a pas long-
tems qu'il ait la Pefte,ilen guérira; c'eft
un fecret éprouvé de plufieurs bons &
graves Auteurs tant Anciens que Mo-
dernes. H TRAL
178 LES SECRETS
*** ******
TRAITE

Des vertus & propriétés de plufieurs,


fortes de Fientes.

E Traité ne fera pas fort long , &


CE on l'abregera autant qu'il fera pof-
fible , fans s'arrêter comme font les So-
phiftes , à mille détours de paroles inu-
tiles , qui bien loin de donner quelques
éclairciffemens auxLecteurs,embrouil
lent & obfcurciffent un difcours. On
fuivra exactement la métode des Au-
teurs qui ont cherché la vérité , & on
parlera fimplement du fujet que l'on
doit traiter dans ce petit Livre, c'est-à-
dire de la vertu desFientes tant des hom-
mes , que des animanx ; & comme
l'homme eft le plus noble de toutes les
Créatures , fes excrémens ont auffi une
propriété particulière & merveilleufe
pour guérirde plufieurs maladies; c'eft
auffi par-là que l'on commencera , ré-
duifant les autrespar ordre, felon leurs
propriétés Médicinales. On obfervera
cet ordre après Hipocrate, Galien & plu-
fieurs
D'ALBERT LE GRAND. 179

fieurs autres des plusfameux , & expé-


rimentés dans la Médecine.
Des Excrémens de l'Homme.
Tofcoride dans le dixiéme Livre ,
Daliendans le dixième , & Eginet-
se au feptième de leurs Simples , efti-
ment beaucoup , & font un grand cas
des Excrémens de l'homme , & ils affü-
rent que fans aucun autre remède , ils
guériffent les maux duGofier ; c'est-à- di-
re des Squinancies ; voilà la manière de
les préparer : on donnera à manger à
un jeune homme de bon tempérament
& enparfaite fanté , des Lupins pendant
trois jours , avec du pain bien cuit , où
il y aura un peu de levain & de fel,on
ne lui fera boire que du Vin Clairet, fans
lui donner autres chofes que ce que
l'on vient de dire : il faudra rejetter
comme inutiles les Excrém ens qu'il fera
le premierjour,ceux qu'il fera les deux
autres jours , feront rarnaffes & con-
fervés fort foigneufement , enfuite on
les mêlera avec autant de miel , & on
les fera boire , & avaler comme de
l'opiate , ou on les 3.ppliquera au de-
hors comme un Carplame ou un Em-
H6 plâtre ,
180 LES SECRETS

plâtre , ce remède eft fouverain pour


les Squinancies.
De la Fiente du Chien.
on enferme un Chien , & qu'on ne
lui donne pendant trois jours que
des os à ronger , on ramaffera fa Fiente
& on la fera fecher ; elle eft bonne &
admirable pour la Diffenterie. Voilà,
la manière de s'en fervir ; prenez des
Cailloux de Riviere , faites-les bien
échauffer dans un feu ardent , enfuite
jettez-les dans un vaiffeau plein d'urine
dans lequel on mettra un peu de cette
Fiente réduite en poudre, que l'on don
nera à boire à ceux qui auront ce mal
deux fois lejour , pendant trois jours ,
fans qu'ils fcachent ce qu'on leur don-
ne. Il n'eft rien de plus vrai après l'au-
torité de Diofcoride , de Galien, & d'Egi
nette que plufieurs perfonnes dignes de
foi &W de remarque s'en font bien trou-
vées , & moi-même qui vous apprend
ce fecret , j'en aiguéri en un an plus de
deux cens , pendant que plus de deux
mille font morts du même mal , après
tous les remèdes & toutes les dépenfes
Amaginables. Javertis les Lecteurs
que
D'ALBERT LE GRAND. 181.

que cette fiente eft un des meilleurs'


defficatifs que l'on puiffe trouver pour
les vieux Ulceres malins , & invétérés..
De la Fiente du Loup.
TL n'y a perfonne qui ne fçache que le
ILoup eft un animal cruel, qui dévore
fouvent la chair avec les os ; fi l'on
prend les os que l'on trouvera parmi
cette Fiente , & qu'on les pile bien me-
nus , enfuite qu'on les boive avec un
peu de vin ; ce breuvage a une vertu
particuliere & admirable pour guérir
fur le champ de la Colique , de quelque
manière qu'elle foit venue.
De la Eiente du Bouf& de la Vache.
Fiente de Beufou de Vache récen-

feuilles de Vigne ou de Choux & échau-


fée entre les cendres , guérit les inflam-.
mations qui font caufees par des plaïes;
la même Fiente appaife la Sciatique , fi
on la mêle avec du Vinaigre , elle a la,
propriété de faire fupurer les glandes
fcruphuleufes autrement ce qu'on ap-
pelle écrouelles. J'ai expérimenté fort
fouvent que la même Fiente eft mer-
veilleufe pour les tumeurs des tefticu-
H7 les
182 LES SECRETS
les. Je prenois une bouze de Vache
nouvelle , & jela faifois frire dans une
poële , avec des fleurs de Camomille , des
Rofes du Melilot , & je les appliquois
fur les tefticules , qui étoient guéris le
fecond jour , on auroit dit qu'il n'y au
roit jamais cu mal. Je rencontrai un
pauvre Vigneron qui avoitfait de gran-
des dépenfes , & que les Chirurgiens
avoient réduit à la mifere fans lui avoir
donné aucun foulagement , je ne me
fervi qué du remède que je viens de
dire ci-deffus , fans qu'il le fçût , & je
le guéris à peu de frais & en peu de
tems.
Galien dit , qu'un Médecin de Mifie
guériffoit toutes fortes d'Hidropifies , en
mettant fur l'enflûre de la Fiente chau-
de d'une Vache ; je ne fçaurois me dif-
penfer de dire l'ufage heureux qu'ont
fait Paul & Oribafe de cette Fiente , qui
étant appliquée fur la piqueûre des
Mouches à miel , Fretons & autres , enle
ve auffi-tôt la douleur.
De la Fiente du Porc.
' Eft un commun Proverbe que le
re n'a rien de mauvais que fa
CoPorc
fiente:
D'ALBERT LE GRAND. 183
fiente: mais ce Proverbe eft faux , fi on
l'expérimente , comme je l'ai fait plu-
fieurs fois puifqu'il n'y a rien de meil-
leur dans cet animal. Peut - être ne
voudra-t-on pas croire ce que j'avan-
ce , ne l'appuïant d'aucune autorité.
Mais je montrerai par une expérien-
ce manifefte . Il y avoit dans une Ville
un homme qui crachoit continuelle-
ment le fang ; on appella tous les Chi-
rurgiens & les Médecins des plus ex-
perts , pour voir ce que l'on pouvoit
faire à ce mal ; ils y emploïerent tous
les remèdes qu'ils purentimaginer,fort
inutilement ; la mere de cet homme
volant qu'ils n'avançoient rien m'ap-
pella pour aller voir fon fils , je lui ré-
pondis qu'après tant d'habiles gens , je
ne pouvois rien faire , cependant je lui.
dis en lui ferrant le doigt , que tous les
fecrets n'étoient pas dans une tête , &
que fouvent Dieu donnoit des talens
& des fecrets aux Ignorans , qu'il ca-
choir aux plus Sçavans ; elle comprit
d'abord ce que je voulois dire , en me
priant , elle me promit une grande ré-
compenfe, fi je venois à bout avec fuc-
184 LES SECRETS
le
cèsrde tte cure ; affi-tôt fans confidé .
re
gain , mais touché de compaffion
pour cette pauvre Mere affligée , je lui
préparai un remède de la manière qui
fuit.
Je pris de la fente de Porc, & je la fri-
caffai avec autant de crachats de fang
du malade , y ajoutant un peu de beure
frais , & la fis manger à fon fils. Le
croirez-vous ? c'eft une chofe prodi-
gieufe ; le lendemain les Médecins qui
avoient abandonné ce Malade , furent
fort étonnés de le voir marcher dans
les rues fain & fauve.
De la Fiente de Chevre,
Afiente de Chevre a la vertu de faire
fuppurer toutes fortes de tumeurs,
quelque difficiles qu'elles foient.Galien
guériffoit fort fouvent ces tumeurs , &
les duretés de genoux , mêlant cette
Fiente avec de la farine d'orge , & de
l'Oxicrate , & l'appliquant en forme de
Catapláme fur la dureté. Elle eft admi-
rable pour les Parades ou Aureillons, mê-
lée avec du beure frais , & de la lie
d'huile de noix. Le Secret ſemblera ri-
dicule mais il eft véritable ; car j'ai
guéri
D'ALBERT LE GRAND. 185
guéri plus de vingt perfontiés de la Jau-
niffe , leur faifant boire tous les matins
pendant huitjours à jeun , cinq petites
crottes de Chevre dans du vin blanc.
De la Fiente de Brebis.
L ne faut jamais prendre cette Fiente
I par la bouche , comme celle des au-
tres animaux , mais l'appliquer exté-
rieurement fur le mal , elle a les mêmes
propriétés que la Fiente de la Chevre.
Cette Fiente guérit toutes fortes de Ver-
rues , de Froncles durs & de cloux , fi-
on la détrempe avec du Vinaigre , &
qu'on l'applique fur la douleur.
De la Fiente des Pigeons Ramiers &
Des Pigeons Domestiques.
Our les douleurs de l'Os Ifchion , la,
Pourlescouleur sdiers ou
Fiente des Pigeons Ramiers ou Domeſti
ques eft admirable , étant mêlée avec
de la graine de Creffon d'eau ; & lorf
qu'on veutfaire meurir une tumeur,ou
une fluxion , on peut ufer du Catapla-
me fuivant ; que l'on prenne une once
de cette Fiente , deux dragmes de grai-
ne de Moutarde , & de Creffon , une on-
ce d'huile diftillée de vieilles. Tuilles ,
que l'on mêle letout enfemble, & qu'on
l'appli
186 LES SECRETS

l'applique à l'endroitmalade ; il eftfür


que plufieurs ont été guéris de cette
fiente mêlée avec de l'huile de Noïaux de
Peche , & appliquée fur le mal.
De la Fiente d'Oye & de Canal.
Alien audixiéme Livre des Simples
ne la fiente d'Oye eft inutile
Idit que
Galien
parce qu'elle eft trop acre. Je puis
néanmoins dire par tant de différentes
expériences merveilleufes que j'ai vu ,
que ce Médecin , & ce Docteur n'a
jamais connu fes proprietés , & faver-
y avoit dans Lisbonne Ville de
tu. Illy
Portugal proche le Cap St. Vincent un
Frere Cordelier, qui guériffoit en peu de
tems plufieurs perfonnes de la Jauniffe ;
ce bon Frere ambitieux & amoureux
de l'argent, faifoit croire à ces pauvres
gens , que c'étoient des remèdes fort.
précieux, & fortchers ; mais à la fin on.
découvrit fa rufe , & on vit que ce n'é-
toit que la Fiente d'Oye détrempée avec
du vin blanc , dont il en faifoit boire
tous les matins un dragme pendant'
neufjours ; je me fuis fervi plufieurs
fois de ce fecret avec fuccès.
De
D'ALBERT LE GRAND . 187
De la Fiente de Poule.
Dofcoride dit , que la frente de Poule
n'a aucune autre proprieté que
pour la brûlure , étant détrempée avec
de l'huile Rofat , & appliquée fur le lieu
offense, Galien & Eginette affûrent que
cette fiente mêlée avec de l'Oximel eft
admirable dans la fuffocation , & fou-
lage beaucoup ceux qui mangent des
Champignons ou Potirons , car elle fait
vomir tout ce qui embaraffe le cœur.
Je l'ai moi-même expérimenté à Lis-
bonne fur des Pages du Roi de Portu-
gal : un Médecin du tems de Galien
guériffoit toutes fortes de Colique avec
cette fiente , la faifant boire au malade
avec de l'Hipocras fait de miel & devin.
De la Fiente de Souris.
L n'eft rien de plus füt que la fente
>
venirle poilen quelque partie du corps
qu'il foit tombé, pourvu qu'on en frot-
te l'endroit avec cette mixtion.
De la Fiente de petits Lezards.
Es Femmes avancées en âge, & qui
cependant veulent encor paroître
belles, doivent avoir en grande recom-
manda.
188 LES SECRETS

mandation cettefiente , car elle enleve


toutes fortes de rides , & rend la peau
blanche > donnant un teint beau &
agréable aux Dames. Comme la fem-
me fait la gloire & le plus grand plai-
fir de l'homme , je veux leur préfenter
un fard qu'on peut avec raifon nom-
mer une augmentation de beauté , &
qui furpaffe de beaucoup tout ce que
l'on peut trouver dans le monde capa
ble de conferver la beauté & le teint.
Voilà la manière de le compofer & de
s'en fervir , qui eft d'autant plus facile
qu'elle eft curieufe & néceffaire fur-
tout au beau fexe.
Prenez de lafiente de petits Lezards ,
des os de Seiche, du Tartre de vin blanc,
de la raclure de corne de Cerf, du Corail
blanc & de la farine de Ris , autant de
l'un que de l'autre , broiez le tout long
tems dans un mortier, & le criblez bien
menu , enfuite faites-le tremper pen-
dant une nuit dans de l'eau diftillée d'u-
ne femblable quantité d'Amandes , de
Limaces de Vigne , ou des jardins & des
fleurs de Bouillon blare ; après cela mê-
lez-y autant de miel blanc , & broiez
derechof
D'ALBERT LE GRAND. 189
derechef le tout enfemble dans un
mortier ; cette compofition doit être
confervée avec foin dans un vaiffeau
d'argent ou de verre qui foit bien pro-
pre; on s'en frottera quand on voudra
le vifage, les mains , le feih & la gorge,
& on connoîtra immanquablement la
bonté & la verité de ce fecret.

Des Vertus de l'Urine.

Na jugé à propos de parler ici des


calugador vertus de l'U, ine ,
ce que l'on pourroit faire en deux ma-
nieres; on ne s'arrêtera pas à la premie-
re , parce que Galien dans fon Traité
des Crifes en a affez parlé ; mais on s'é-
tendra le plus qu'on pourra fur la fe-
conde , & on montrera les effets mer-
veilleux de l'Urine , foit appliquée au
dehors,ou prife & bûë intérieurement .
L'Urine eft chaude & âcre , & je la
crois plus précieufe que les fimples de
la confection de Theriaque d'Androma-
chus , & que les fecrets de Rufus , parce
quetous ces remèdes excellenspeuvent
man-
LES SECRETS

manquer , & que l'urine eft infaillible


dans fes proprietés. Quoiqu'on ait na-
turellement de la répugnance à boire
de l'urine , cependant fi quelqu'un en
boit d'unjeune homme qui fera enpar-
faite fanté , il doit être affûré qu'iln'y
a point de remède plus fouverain au
monde ; car fans dire qu'elle guérir la
Teigne, les Ulceres fupurans des oreilles ,
& les plaies inveterées, elle fert encore
à plufieurs autres maux , & on ne vou-
droit paspour beaucoup , ne fçavoir fa
valeur le Lecteur fera bien aife qu'on
lui explique fes vertus ; ce que l'on va
faire.
Dans les Ifles d'Efpagne il y a une
grande quantité de Serpens , d'Afpics &
autres Bêtes venimeufes , dont la pi-
queurene fe peut guérir avec la Theria- 7
que.LesMédecinsaprèsavoirlong-tems
fongé à quelque remède , fe font fervi
de celui-ci avec un heureux fuccès. Ils
prennent des feuilles de Bouillon blanc ,
d'une herbe nommée Cariophille , des
feuilles de Grofelier rouge, une poignée
de chacune, & fontcuire le tout enfem-
ble avec autant de fort vinaigre que
d'urine
D'ALBERT LE GRAND. 191
d'urine d'homnie, & le laiffent confu-
merjufques à lamoitié,enfuite avec les
fufditesfeuilles ilsen fomentent & fro-
tentla piqueuresque filevenin s'eft faifi
des parties intérieures du corps,ils font
boire un demi verre de cette décoction
au malade qui eft guéri en peu de tems.
Ce remède a été éprouvé plufieurs fois
& eft encore en ufage dans ces Ifles.
ob

De la Vertu des Os,

Uoiqu'on rejette les proprietés &


O les vertus des Os , ils ne font pás
moins à eftimer que celle des fientes &
des urines. En quoi les hommes font
bien voir leur peu de jugement d'aller
chercher dans les Païs étrangers avec
tant de peine , & dépenfe des chofes
qui ne valent pas celles qu'ils mépri-
fent, lefquelles cependant feroient fort
précieufes , s'ils en connoiffoient les
effets comme on le va faire voir.
Des Os de l'Homme.
Ur -tout les Os de l'homme ont une
verru cachée & merveilleufe pour
guérir
192 LES SECRETS

guérir de l'Epilepfie ou du haut-mal ; fi


après les avoir réduits en poudre on
les fait boire dans ce que l'on youdra
à jeun à celui qui fera atteint de ce mal.
Les Médecins Arabes difent qu'il faut
que ce foitavec du Vin clairet, & qu'on
fe doit fervir des Os d'un homme pour
un homme , & de ceux d'une femme
pour une femme. Cependant j'ai guéri
à Tour une jeune Fille affligée de ce
mal ,en ne lui faifant boireles cendres
d'autres Os que ceux d'homme avec
une décoction de Pivoine pendant qua-
rante jours tous les matins. De même
l'Ebene , ni le bois d'Echine ne fçauroient
guérir les Atritides , comme cette pou-
dre avec la décoction de bonne Canel-
le , étant bûë pendant quelque tems
tous les matins à jeun.
Je joindrai à ce Chapitre des Os , la
corne des pieds des Porcs, des Truyes, &
des Bœufs. La corne du pied d'un Porc
brûlée & réduite en poudre , donnée à
boire , guérit les tranchées , & les in-
flammations vers les parties de l'Epi-
gaftre. Celle de Baufbrûlée , & mêlée
avec du miel , rafermit & confolide les
dents
D'ALBERT LE GRAND. 19

dents qui branlent. Bûe avec du miel,


fait-mourir les Vers du corps ; fi on la
prend avec de l'Oximel , elleappaife les
douleurs & les maux de Rate,
De la Salive de l'Homme.
Afalive de l'homme eft de trois.
fortes , celled'après le manger apeu
ou point du tout de vertu , celle d'un
homme qui eft àjeun, & qui a demeuré
long-tems fans boire,a de grandes pro-
prietés , parce qu'elle a beaucoup d'a-
crimonie ; celle d'après la digeftion eſt
entre les deux autres. La falive de
l'homme fait mourir les Afpics , lesser-
pens, & les autres reptiles & bêtes veni-
meufes , fi on la fait tomber fur leurs
corps. Moi-même avec de la falive ,
j'ai tué de gros Afpics avec un bâton
qui en étoit frotté. Les Nourrices
guérillent toutes les inflammations ,
les Froncles, & Gales des Enfans qu'el-
les nourriffent en les frottant avec leur
falive. Il faut avouer que la falive
eft merveilleufe pour faire meurir , &
fupurer une tumeur , puifque du fro-
ment crud long-tems mâché par une
proprieté de la falive , fait venir à ma-
I turité
194 LES SECRETS

turité les Froncles ; on voit dans le Li-


vre des Arabes , que la falive mêlée
avec du Mercure , en arrête l'impétuo-
fité & la malignité , à fçavoir , par une
application extérieure.
De plus, mêlant du Mercure avec de
la falive , la feule refpiration eft capa-
ble de guérir un homme de la Pefte; ce
fecret ne doit pas être rendu commun,
car il eft fort curieux.
De la vertu des Limaçons.
'Eft une chofe admirable & fort
utile que les Limaçons, & fur-tout
its ont de grandes proprietés pour les
corps humains : comme il y en a de plu-
fieurs fortes , nous en parlerons de
toutes les unes après les autres.
Des Limaçons Rouges.
E ne puis me difpenfer de vous dire
Jles beaux fecrets que j'ai fais avec
des Limaçons. Je les 2 fais brûler au
four dans un pot bien bouché , & j'en
fais prendre pendant quinze jours de la
poudre , mêlée avec de la boulie , fi ce
font des enfans , ou dans du potage s'ils
ne têtent plus , & je guéris avec ce re-
mède toutes fortes d'Hernie , fans y rien
appli-
D'ALBERT LE GRAND. 195

appliquer. Pour ceux qui font délicars,


on leur fera diftiller de l'eau au bain
Marie des fufdits Limaçons , & on leur
fera boire avec du fucre, ou détrempée
dans de la boulic , ce qui fait le même
effet que la poudre. Si on prend par
égale portion de Limaçons Rouges , &
de Romarin , & qu'on les hache enfem-
blebien menus, enfuite qu'on les mette
pendant quarante jours fous du fumier
de Cheval dans un pot plombé & bien
bouché , après ce tems on tire l'huile
que l'on met dans une phiole de verre
bien bouchée ; enfuite on l'expofe au
Soleil quelque tems ; cette huile gué-
rit en peu de tems les tranchées que
les femmes fouffrent avant ou après
leuraccouchement. Celles dont le ven-
tre fera ridé à caufe du nombre des
enfans qu'elles auront portés,pourront
s'en fervir , & il n'eft rien de plus fûr ,
qu'elles auront la peau du ventre auffi
unie & douce , que fi elles étoient en-
core filles.
Les Limaçons à coquilles ont des pro-
prietės merveilleufes , car étant broïès
& appliqués fur le ventre d'un Hidropi
I2 quex
S
196 LES SECRET

que , font fortir les eaux qui font entre


deux pcaux ,' il les y faut laiffer jufqu'à
ce qu'ils tombent d'eux-mêmes.
Galien nous apprend un fecret ad-
mirable que j'ai fouvent expérimenté.
moi-même > c'eft que fi on prend des
Limaçons en morceaux , & fi les aïant
bien mêlés avec de la poudre d'Encens >
& d'Aloës , jufqu'à ce que le tout foit
épais comme du miel ; on les applique
fur le front , ils guériffent toutes les
fluxions des yeux. J'ai ! guéri ainfi un
Meunier du foir au lendemain , qui s'é-
toit piqué & offensé un nerf , aïant ap-
pliqué fur le mal desLimaçons avec leurs
coquilles, & un peu de farine folle que
j'avcis pris autour de fon Moulin.
L'an mil cinq cent trente-cinq , plu-
fieurs mourant de Diffenterie à Naroles,
fans que les Médecins y puffent appor
ter aucun remède , j'en délivrai plus de
trois cens de cette dangereufe mala-
die , en leur faifant boire de la poudre
de Limaçons brulés , de Meures de Buiffon
pulverisées , & un peu de Poivre blanc
& de Galles. Etant bien broïés & ap-
pliqués fur le nombril, ils arrêtent tou-
ges
D'ALBERT LE GRAND. 197

tes fortes de Menftrues. Quelques-uns


difent qu'appliqués fur une plaïe , ils
attirent tout ce qui étoit refté dedans..
Si on les fait diftiller ils font admira-
bles pour guérir les rétentions d'urine
& toutes fortes de Chaudepiffes. Prenez
des Limaçons & des blancs d'œufs en-
viron une livre autant de l'un que de
l'autre, des quatre Semences froides éga-.
lement , demi-once d'eau de Laitues ,
quatre de Caffe bonne & nouvelle,trois
onces de Terebentine de Venife; pilez tout
ce qui ne peut être pulverisé , & le
laiffez enfemble pendant une nuit ;
enfuite faites le tout diftiller , & ne
vous fervez de cette eau qu'après l'a
voir laiffé repofer quelque tems. Vous
en donerez à boire le matin à jeun au
malade une demi-once avec du fucre
Rofar une dragme, vous n'aurez pas fait
ce remède pendant neuf jours , qu'il
fera parfaitement guéri .
Des Vers de Terre.
EsVersde terre font bien reçûs dans
la Médecine , de quelque manière
qu'on les prenne, & pour donner quel-
que autorité à ce qu'on en dira ici , on
13 rappor-
198 LES SECRET.

rapportera ce qu'en ont écrit les plus


fçavans Médecins qui en ont parlé fort
différemment. Galien , quoiqu'il n'en
ait jamais fait l'expérience,affure après
Diofcoride que les Vers de terre contus
& broiés , appliqués promptement fur
des nerfs coupés , les rejoignent en peù-
de tems. De plus étant hachés & cuits
avec de l'eau & du miel , fi on boit cette
compofition , elle guérit les réten-
tions d'urine , quelques invéterées qu'
'elles foient.
Diofcoride dit , que les Vers de terre
cuits avec de la graiffe d'Oye , appaifent
toutes les douleurs & maux d'oreilles ,
ou bien qu'aïant bouilli dans de l'hur-
le , ils arrêtent les douleurs de dents, fi
on les inftille chauds dans l'oreille op-
pofée. Le même Diofcoride affure qu'il
a lu dans des Livres que les Vers bûs
avec du vin , rompent toutes fortes de
pierres qui font dans la veffie. On trou-
ve dans le Livre que Galien a écrit à Fi-
Jon touchant la Theriaque , que les Vers
bûs avec de l'eau mêlée avec du miel ,
guériffent en peu de tems la Jauniffe >
certains Médecins , pour ne pas dégoû-
ter
D'ALBERT LE GRAND. 199
ter le malade , fe contentent de les lui
faire ufer en poudre , ils ne difent pas
quand , ni comment.
Des Funaifes.
Uoiq l'il n'y ait rien de plus fale,
QU ni deplus mauvaife odeur que les
Punaifes , elles ont pourtant leurs pro-
prietés , & font quelquefois néceffai-
res ; car fi on les boit avec du fort Vi-
naigre , elles font fortir du corpscles
Sangfues que l'on avale , fans y prendre
garde , en bûvant de l'eau.
Des vieux Souliers.
' Eft an commun proverbe ; je te
C'Ef ta
confidére comme mes vieux Sou-
liers,pour dire qu'on le méprife, & qu'-
on n'en fait point d'état. On ne diroit
pourtant pas cela fi on fçavoit à quoi ils
peuvent fervir ; car étant réduit en cen-
dre , ils guériffent les Meurtriffures &
Engelures des talons , comme par Anti-
pathie , de même que les Scorpions étant
appliqués, les guériffent au cas qu'il y
ait du pus , il faut mêler cette poudre
avec de l'huile Rofat. On tire de l'huile
de ces vieux Souliers , qui eft admirable
pour guérir toutes fortes d'Oedemes &
de Tumeurs. 14 De
200 LES SECRETS

De la Cendre.
Outes fortes de Cendres n'a pas les

des différentes matieres brûlées ; c'eft


pour cela que toutes les Cendres qui font
faites de bois aftringent , comme l'Or-
me , le Chêne , le Fouteau , le Liere , l'Era-
ble , &c. refferrent. Galien dit qu'il a
plufieurs fois arrêté le fang qui fort du
nez ou d'une plaïe avec cette Cendre.
Celles qui font faites de bois acre &
caufique , en retiennent les qualités ,
quoiqu'un peu diminuées par le feu,car
fuivant Galien, certaines chofes perdent-
leur chaleur dans le feu , & d'autres en
prennent de nouvelles. Et je m'étonne
que les femmes eftiment tant la Cendre
de farment, puifque , comme dit Diof-
coride , elle fait e quarre par-tout où on
l'applique. Cependant le même Diofco-
ride affûre que la lexive de Cendre de
farment bûeavecdu fel , eft un remède
fouverain contre la fuffocation de
Poitrine; & cequi fera difficile àcroire:
j'ai guéri plufieurs perfonnes de la Pef-
te ,leur faifant boire quantité d'eau où
j'avois fait amortir de la Cendre chau-
de ,
D'ALBERT LE GRAND . 201

de , & leur ordonnant de fuer après


l'avoir bue.
De la Carie ou de la pourriture du Bois.
Uelquefois ce que l'on méprife
Q & que l'on rejette commeinutile,
fe trouve fort néceffaire dans des occa-
fions; tel eft le Bois pourri, qui étant ap-
pliqué fur un Ulcère purulent & fale ,
le nettoie & le fait fermer.
Des entre-deux des Noix & leurs
Coquilles.
Es entre-deux des Noix , quoiqu'on
L
ne les mange pas, ont une vertu ca-
chée & fouveraine pour guérir toutes
fortes de Co iques , détrempés avec du
vin,blanc & bûs dans la douleur. Diof
coride dit , que ces entre-deux des Noix
étant brûlés , réduits en poudre & mê-
lés avec du vin , fi on les applique fur
le nombril arrêtent les Menftrues des
femmes.
Dieu a renfermé un grand fecret
dans les Coquilles de Noix ; car fi on les
fait brûler , qu'on les pile & mêle avec
du vin & de l'huile, elles entretiennent
les Cheveux & les empêchent de tom-
ber. Toute la Noix brûlée avec fa Co-
Is quille,
202 LES SECRETS

quille, & appliquée fur le nombril , ap-


paife toutes les tranchées des femmes,
que les Sages-femmes appellent dou-
leur de M trice.
Je ne m'étendrai pas beaucoup fur
l'huile que l'on fait des Noix, Diofcoride
n'en aiant prefque pas parlé ; cepen-
dant on a nouvellement trouvé qu'il
n'eft rien dans la Médecine de plus ex-
cellent que l'huile de Noix faite au So-
leil avec des fleurs de Sureau, pourgué-
rir les Nerfs offenfés , piqués ou cou-
pés. Quoique l'on méprife la Coquille
de deffus , quand elle eft verte , Galien
en fait un fuc , lequel étant cuit avec
du miel , guérit toutes fortes de maux
de Gofier , quand même il y auroit du
Flegme ou du pus. Les Arabes appel
lent cette confection Dianucum , & les
Grecs Diacarion . Jenckise
Des Cornes.
Es Modernes eftiment beaucoup la
Corne d'un animal qu'on nomme
Licorne , & ils difent qu'elle eft bonne
contre le venin foit qu'on la boive ou
qu'onl'applique au- dehors; ils l'ordon-
nent auffi contre lepoifon & contre la
Peße ,
D'ALBERT LE GRAND. 203
Pefte , quoique invéterée dans le corps
d'un homme , ou pour mieux dire , ils
en font un remède général pour toutes
fortes de maux. J'en ai voulu faire
moi-même l'expérience , mais je n'ai
pas trouvé tant de proprieté dans cet-
te Corne , que dans celles du Cerfou de
la Chevre , qui ont la vertu de blanchir
& nettoïer les dents & refferrer les
gencives. De plus , les mêmes Cornes
étant brûlées & données à boire , fou-
lagent beaucoup ceux qui font fujets à
la Diffenterie & aux maux de ventre.
On dira peut-être que je n'ai pas ex-
périmenté ce que j'avance , & que je
ne fais que rapporter ce qu'ont écrit
Celfe , Galien , Eginette , & plufieurs au-
tres fçavans hommes ; il eft vrai , &
je l'avoue , car je ne me fuis jamais
plû à dire des menfonges pour des
verités. Cependant on peut ajouter foi.
à ce que je dis , après l'autorité de
ces habiles Médecins, qui affûrent que
la Corne du Cerf réduite en poudre &
donnée à boire , eft admirable pour
ceux qui crachent le fang , & qui
font tourmentés de la Coliqué & des
16 tran-
204 LES SECRETS

tranchées , que les femmes appellent


ordinairement Miferere ; cette Corne
outre cela eft fort bonne pour fecher
les yeux humides & qui pleurent tou-
jours.
Des vieilles Tuilles & vieux pots.
Apoudre de vieilles Tuilles & vieux
Pots mêlée avec du miel , eft mer-
veilleufe pour blanchir les dents ; de
même détrempée dans du fort Vinai
gre , enleve toutes fortes de petites
Gales & démangeaifons de cuir : elle
guérit auffi avec du Vinaigre , les Puf
tules. De plus , fi on la broïe bien
avec de la Cire & qu'on l'applique
fur les Ecrouelles , elle les fait venir à
fupuration.
On fait de vieilles Tuilles une hui-
le à differens noms , les Arabes la
nommens Huile Divine , les autres ,
Huile Benie , quelques- uns , Huile des
Philofophes , d'autres enfin aiant égard
à la matiere dont elle eft compoféc ,
Pappellent Oleum de lateribus. Meje
donne à cette huile plufieurs facultés
& dit qu'elle eft bonne à plufieurs for-
tes de maux.
De
D'ALBERTt LE GRAND. 105
De la Boue des Rues.
A Boue eft quelque chofe de fi vil ,
L
que lorfqu'on veut méprifer une
perfonne,on dit qu'on n'enfait pas plus
d'état que de la Boue de fes fouliers. Ce-
pendant elle n'eft pas toujours à rejet-
ter , comme l'expérience , la Maîtreffe
des Arts , l'a fait voir fouvent , quoique.
les Anciens n'en aïent nullement parlé..
Sion prend de la Boue des Rues & qu'on
l'applique fur une brûlure de feu on
d'eau chaude , elle empêche qu'il ne
s'y forme aucune veffic. J'ai éprouvé
plufieurs fois que la Boue qui fe trouve
fous les feaux , appliquée fur les cou-
pures , les ferme. Il faudroit être dé-
naturé pour cacher un fecret qui eft
admirable pour foulager les femmes ,
qui fouffrent tant de maux dans leurs
couches ; les unes après avoir accouché
tombent dans une groffe fièvre à cauſe
de l'abondance de lait dans leurs, mam-
melles. Lorfqu'on les verra affligées
de ce mal , on prendra de la Boue du
fond de l'auge desCouteliers ou Emou-
Icurs , & on en frottera la mammelle
enflammée, il eft fûr qu'en une nuit la
17 douleur
206 LES SECRETS .

douleur s'appaifera , ce qui ne fe fait


pas en quinze jours avec la Cigue , la
Lixive & le opuleum. Aux femmes dé-
licates & qui craindront la mauvaife
odeur de cette Boue , on la mêlera avec
un peu d'Huile Rofat.
De la Sumeure.
Es Grecs nomment la Saumeure, Al-
>
de deux mots Grec & Latin , en font
un corrompu , & l'appellent Almury.
Mais fans m'arrêter à ces différens
noms , je parlerai de fes propriétés . La
Saumeure à une vertu abfterfive & net-
toïe , elle eft bonne pour la Colique , fi
on la donne dans un Lavement ou Clis-
tere. Galien dit avoir guéri des duretés
que des Païfans avoient aux genoux en
y appliquant deffus un vieux fromage
pourri & détrempé avec de la Saumeu-
re d'un jambon.gith
Du Nid des Hirondelles.
Ln'y a perfonne qui ne fcache que la
poudre du Nid des Hirondelles eft un
remède ineftimable contre les inflam-
mations , fi on la mêle avec du Miel &
qu'on en frotte l'endroit offenfé au-de-
hors & au-dedans s'il fe peut. Si
D'ALBERT LE GRAND. 207
Si on fait cuire un Nid d'Hirondelles
avec du vin blanc , par une vertu par-
ticulière , fi on s'en frotte , il guérit en
peu de tems les maux de Gofier; le croi-
ra qui voudra , pour moi je préférerai
ce remède pour me délivrer d'un fi
cruel mal , à tous les firops , les huiles
& tous les remèdes de la Médecine
d'Orient & d'Occident.
Des propriétés de la Suïe.
Es Anciens n'ont point parlé de la
Suie commune , qui fe forme dans
les cheminées , mais ils ont traité am-
plement de celles d'Encens , deMyrre, de
Therebentine , de Storax , de Poix de Cedre,
il ne faut pourtant pas rejetter la nô-
tre , quoique nos Prédecefleurs n'aient
pas connu fes vertus ; Dieu n'a pas tout
découvert à nos Peres ; la Suïe de nos
cheminées la plus fine , mêlée avec du
fort Vinaigre guérit les Engeleures , mais
il faut frotter auparavant l'endroit juf-
qu'à ce qu'ildevienne rouge; ce même
remède eft auffi bon pour toutes les
humeurs & demangeaifons de cuir qui
reftent après les maladies , fi on la fait
de la manière qu'on va dire : En faifant
brûlure
208 LES SECRETS
brûler du beure dans une lampe. On
la doit conferver avec foin ; car c'eft
un tréfor de Médecine pour arrêter ,
deffecher les eaux qui découlent des
yeux , pour fermer les Fiftules Lacrima-
les , & guérir les autres maux d'yeux.
Les Anciens faifoient une Suïe avec de
la Poix,qui,felon Scribonius,mife chaude
dans l'oreille avecun peu d'Huile Rofat ,
appaife fur le champ la douleur del'in-
flammation , s'il y en a.
Du Tronc des Choux,
E ferois trop long,fi je voulois racon-
J ter en détail , tout ce que de fçavans
hommes ont dit des grandes propriétés
des Choux. Je renvoie le Lecteur à ces
Docteurs, pour ne parler que de ce qui
paroîr le plus utile dans leChoux, qui eft
le Tronc , lequel étant brûlé avec fa ra-
cine & mêlé avec du Sein de Porc, le plus
vieux que l'on pourra trouver , guérit
toutes fortes de douleurs de côté. Je
fçais bien que les Galeniftes & les Neote
riens , n'approuveront pas mon remède,
parce que les uns ne le 3 trouvent pas
dans leurs récipés , & que les autres ne
font rien moins que ce qu'ils croient
être ,
D'ALBERT LE GRAND. 209

être , c'eſt-à- dire fideles Spectateurs de


Galien; mais je ne me foucie guéres des
uns ni des autres.
Des Araignées & de leurs Toiles,
'Araignée,fuivant les Médecins peut
Lbeaucoup nuire & fervir aux hom-
mes ; mais je ne traiterai que de fes
propriétés bonnes & utiles. Premiére- ,
ment , l'araignée pilee & mife dans un
linge fur le front & les temples,guérit
la Fiévre Tierce ; la toile d'Araignée ap-
pliquée dans l'endroit d'oùle fang fort,
l'arrête. De plus elle empêche que les
Plaïes ou les Ulceres ne s'enflamment.
De la Cervelle de certaines Bêtes.
A Cervelle de Lièvre eft fort bonne
LA
comme l'expérience l'a fait voir ,
pour faire fortir les dents aux Enfans
quand on en frotte les gencives : une
perfonne qui prend facilement peur n'a
qu'à en manger fouvent, & il n'eft rien
de plus fûr qu'il fera délivré de ces
fraïeurs paniques & imaginaires. Fai
après Pline,guéri plus de trente perfon-
nes, tant garçons que filles , de la perte
d'Urine involontaire , leur faifant boire
en fe couchant, de la fufdite Cervelle dé-
trempée dans du Vin clairer. De
210 LES SECRETS
De la Cervelle de Chat:
A Cervelle de Chat ou de Chate , fi on
LA en frotte le déhors du Gofier , guérit
en moins de deux jours , les inflamma-
tions qui s'y font après des fièvres vio-
lentes & continues.
Des Coquilles d'Huitre.
Elles Coquilles réduites en poudre,
crues ou brûlées , mêlées avec un
peu de beure frais , ont une puiſſance
merveilleuse pour deffécher les Hemor-
te qui fluent depuis long-tems.Si on
roïdes
Jes
met fur des ulcères invétérés & pu-
rulens , elles les déffèchent & nettoïent
admirablement.
Du Poil.
E ne trouve que deux fortes de Poil,
J& dont la Médecine fe fert avecfuccès,
qui font celui de l'Homme & du Lièvre.
Le Poil de l'Homme réduit en poudre ,
& bû pendant fept ou huit matins avec
du vin blanc , guérit la Jauniffe. Le Poil
de Lièvre brûlé , & appliqué fur une
plaje en arrête fur le champ le fang.
De plus fi on en fait boire à un Hydropi-
que ou à un Graveleux avec du vin blanc,
il le guérit.
Dis
D'ALBERT LE GRAND. 211

Du Verre.
L'ufage de l'homme le Verre eft
Afortutile ,& il ne fert pasmoins
dans la Médecine. On trouve dans plu-
fieurs Livres de Médecins , que le Ver
re fept fois mis au feu , & fept fois
éteint dans de l'eau de Saxifrage, & pilé.
bien menu , fi on le fait boire à un Gra-
veleux, rompt la pierre en quel endroit
du corps qu'elle foit.Il y en a quelques-
uns qui fe vantent d'avoir guéri plu-
feurs Hydropiques , par le moien de la
fufditepoudre , bûe avec del'Hidromet.
De la Coque de's Oeufs.
Alien en plufieurs endroits de fes
Go Quvrages , loue fort le jaune & le
blanc de l'euf, non - feulement parce
qu'il ferr à nourrir l'homme, mais par-.
ce qu'il eft fort utile dans la Médecine.
Il n'ajamais rien dit de fa Coqué , quoi-
que l'on dife que celle d'un auf, d'où
eft fortiun Poulet , étant broïée avec du
vin blanc & bûe , rompt les Pierres tant
des reins que de la veffie.

SE-
212 LES SECRETS
aaaaavuttavaavaa

SECRETS

Approuvéspour manierplufieurs
Métaux.

Pour endurcir le Fer , prenez de la


Verveine , broïez-la avec fa racinė
& confervez-en le jus dans ce qu'il
vous plaira;& quandvous voudrez en-.
durcir du er, mêlez avec ce jus autant
d'Urine , & le fang d'un petit Ver, qu'on
nomme enLatin pondilis. Enfuite vous
ferez médiocrement chauffer le Fer &
vous l'amortirez dans cette mixtion ,
& le laifferez refroidir de foi-même ,
jufqu'à ce que vous voyiez deffus des
marquesjaunâtres,alors vous le remet
trez dans cette eau , s'il devient bleu
c'eft figne qu'il n'eft pas encore affez
dur.

Pour rendre dur des Couteaux , des


Fermoirs , &c.

Aites refroidir vos Couteaux , ou ce

inoëlle de Cheval. Pour


D'ALBERT LE GRAND. 213
Pour endurcir une Lime , & c.

Renez des Vieux Souliers , faites- les


brûler, réduifez-les en poudre, & y
ajoutez autant de fel , enfuite mettez
dans une boëte de Fer vos Limes , &
mettez deffus & deffous l'épaiffeurd'un
écu de certe poudre , jettez cette boëte
dans le feu jufqu'à ce qu'elle devienne
rouge , laffez-la tomber dans de l'eau
froide , il eft für que vos Limes feront
bonnes & dures , on les peut encore
frotter avec de l'huile de lin, ou du fang
de Bouc.

Pour endurcir quelqu'autre matiere.

U'on prenne du jus de Quinte-feuil


QU le , & de celui d'Aluines , qu'on le
mette dans un verre , enfuite on pren-
dra des Vers que l'on pilera , & après
les avoir preffé dans un linge , on en
frottera la matiere bien chaude , que
l'on laiffera mortir dans ce jus.

Pour
214 LES SECRETS

Pour rendre T Acier dur & bien tranchant.


N fera bien chauffer fon Acier , en-
Ouite onle laiffera refroidir dansde
l'urine d'homme mêlée avec de l'eau
claire que l'on aura fait tiédir; ou bien
on l'endurcira dans de bonne Moutarde
compofée avecdu Vinaigre fort , mais il
faut que l'Acierfoit propre, & bien poli.

Pour l'empêcher defefendre quand on veut


l'endurcir.

Renez du Suif, faites-le fondre,ver-


ene dans de l'eau froide , jufqu'à
PRfez-le
ce qu'il devienne épais , & nage fur
l'eau de l'épaiffeur d'un doigt , enfuite
prenez votreAcierbien chaud,trempez-
le premiérement dans ce Suif, & après
dans l'eau, n'appréhendez pas que ja-
mais il fe fende ; c'eft ainfi que l'on
trempe les cottes de maille.

Pour amolir le Fer ou l'Acier.

on veut rendre le Fer ou l'Acier ,


comme le Cuivre , qu'on prenne de
la
1
D'ALBERT LE GRAND. 215.
La Chaux vive , avec autant d'Alun bien
pilés dans un mortier , qu'on le mêle
bien enfemble , enfuite qu'on les mette
de l'épaiffeur d'un doigt fur un linge
fur lequel on mettra ce qu'on voudra
amolir; on le jettera ainfidans un petit
feu l'efpace d'une heure,jufqu'à ce qu'il
devienne froid de foi-même , il n'eft
rien de plus affûré que le Fer ou l'Acier,
deviendra comme du Cuivre.

Pour amolir le Criftal.

Renez duPlomb brûlé , & du Cristal,


Penez
autant de l'un que de l'autre, caffez-
le furune pierre , enfuite mettez le tout
dans un creufet pour le faire fondre ;
vous en ferez ce que vous voudrez par
ce moïen. Ou bien prenez de la Chaux
vive & des Cendres clavelées également ,
faites- en une lexive que vous ferez
couler neufà dix jours , enfuite laiffez-
y tremper votre Acier ou votre Criftal
pendantving-quatre heures , & vous le
Trouverez commevous fouhaiterez.

Pour
216 LES SECRETS
Pour amolir le Fer.

Prenezl'eau qui nage au -deffus du


fang d'un homme qu'on aura faigné,
après faites rougir votre Fer dans le feu
& avecune plume trempée dans ladite
eau , vous le frotterez tant qu'elle du-
rera , c'eft un fecret infaillible pour
amolir le Fer.

Pour amolir le Fer eu l' Acier , pour le Cour


ber oule faire dreſſer àfa fantaisie.

U'on prenne des fleurs de Camo-


Quille
mille , avec autant d'herbe Robert
& deVerveine , & qu'on les mette dans
un pot bien bouché, avec de l'eau chau-
de enfuite faites-le tout bouillir , &
faites amortir votreFer dans cette com-
pofition.

Pour fouder toutes chofes , même dur


Ferfroid.

ON prendra une once Sel Armo-


niac , une once de Sel de commun au-
tant de Tai tre calciné , trois onces d'An
timoine ,
DALBERT LE GRAND. 217

timoine,après avoir bien pilé le tout en-


fembleon le paffera dans un tamis ; on
le mettra dans un linge environné tout
autour d'argillé bien préparée , de l'é-
paiffeur d'un doigt , on le laiffera deve-
nir fec , après cela on le mettra fur des
tets de pots fur un petit feu , que l'on
augmentera jufqu'à ce que le tout foit
devenu rouge & fe fonde enfemble ;
puis après l'avoir laiffe refroidiron
le réduira en poudre, & quand on vou-
dra fouder,onjoindra fur du papier uni
fur une table les deuxpiéces le plus près
qu'il fe pourra l'une de l'autre , & on
parfemera entre deux de ladite poudre
& un peu au - deffus ; enfuite on fera
bouillir dans du vin du Borax , jufqu'à
ce qu'il foit confommé, &on en frotera
avec une plume ladite poudre , qui
bouillira auffi-tôt ; & quand elle ceffe-
ra de bouillir, c'eft figne que la confo-
lidation eft faite ; s'il y refte quelque
excrefcenfe, on l'ôteraen frottant ; par
ce qu'on nela peut limer.

K Pour
218 LES, SECRETS

Pourfouder le Fer.

I Imezbienjuſteles jointures desfers,


mettez-les après dans le feu comme
ci-devant , & jettez deffus du verre de
Venife pulvérifé , il fe foudera incon-
tinent.

Poudre pour rendre tout métal liquide.

Prenez un quart d'Antimoine, du fain


de verre , du fel également , rédui-
fez le tout en poudre, prenez trois par-
ties de cette poudre avec une du Métal ,
& mettez le tout fondre enfemble.

Pourgraverfur toutesfortesde Métaux.

Renez une partie de Charbon de Til-


lot, deux parties;de Vitriol , autant
de Sel Armoniac , puisdétrempez le tout
enfemble dans du Vinaigre , jufqu'à ce
qu'il foit comme de la pâte inolle ; &
quand vous voudrez graver en fer ou
autre chofe , vous en ferez le deffein
avec du Vermillon mêlé avec de l'huile
de
D'ALBERT LE GRAND. 21

de lin , que vous laifferez fécher, En-


fuite vous-y mettrez deffus de cert
fuf
ditecompofition ,l'épaiffeur d'un doigt
tant chaude que l'on pourra , & quand
le tout fera fec , vous l'ôterez , & vous.
laverez bien la gravûre , qui fera com-
me vous le fouhaitez . Ou bien on pren-
dra deux parties de Verd d'Espagne , une
partie de fel commun , que l'on broïera
dans un mortier , & y ajoutant du Vi
naigre fort , on fera comme ci-deſſus ;
ou bien qu'on prenne du Vitriol , del'A-
lun ,du Sel , du Vinaigre , du Charbon de
Tillot , & qu'on faffe comme ci-devant.
Pour graver avec l'eau.
Renez du Verd d'Espagne,de l'Argent-
PR vif, du Sublimé , du Vitriol , de l'Alun
à proportion,pilez bien le tout enſem-
ble, & le mettez dans un verre,le laif-
fant ainfi un demi jour , & le remuant
fouvent , enfuite faites votre deffein
comme vous voudrez avec de l'Ocre ou
melee
huile de lin , ou bien du Vermillon
avec de l'huile de lin , & frottez votre
gravûre avec cette eau que vous y
laifferez pendant unjour , ou davanta-
ge fi vous voulez qu'elle foit plus pro-
fonde. K 2 Un
210 LES SECRETS

Un autre plusfort.
Renez du Verd d'Espagne un quart
Pren ez
d'once,de l'Alun , du Sel Armoniac ,
du Tartre , du Vitriol , du Sel commun , dde
chacun un quart d'once , mêlez & dé-
trempez le tout enfemble avec du Vi
naigre fort , & le laiffez ainfi l'efpace.
d'une heure ; & quand vous voudrez
graver,deffignez avec de l'Ocre , & de
l'huile de grame de lin , broïée & mêlée
enfemble , laiffez-le bien fécher , après
cela faites chauffer fur le feu dans une
poële plombée votre eau fufdite ; pre-
nez enfuite votre Acier que vous tien-
drez fur la poële en verfant deffus de
cette eau chaude avec une cuillier,fai-
tes cela pendant un quart d'heure , il
faut pourtant prendre garde que l'eau
ne foit pas trop chaude , de peur que
T'huile mêlée avec le Vernis ne s'écarte ;
après frottez votre Acier avec de la Cen-
dre ou Chaux vive , vous verrez que ce
que vous aurez deffigné, fera élevé &
entier , & le refte enfoncé.

TUG
Pour
D'ALBERT LE GRAND. 221

Pour dorer ou faire de couleur d'Argent de


toutesfortes de Métaux.
Renez une partie d'Ocre, la deuxie-
PRe me partie de Mine , la quatrième
partie de Bol d'Arménie , autant d'eau de
vie , broïez le tout enfemble avec de
l'huile de grainede lin , & mêléz-y quatre
ou cinq goutes de Vernis. Si la couleur
eft trop épaiffe,ajoutez un peu de ladi-
te huile , puis coulez le tout dans un lin-
ge fin , & quand il fera comme du Miel,
frottez-en ce que vous voudrez , & le
laiffez fécher , enfuite mettez l'or ou
l'Argent deffus , & vous verrez la véri-
té du Secret.
Pourjaunir l'Erain ou le Cuivre.
U'on prenne du Vernis fec,de l'Am-
Qbre & del'Alun , de ces deux autant
de l'un que l'autre , puifqu'on y ajoute
du Vernis & de l'huile de graine de lin
que l'on mettra bouillir tout enfemble
fur un feu de charbon,dans un pot bien
plombé , il faut auparavant bien mêler
le tout l'un avec l'autre , enfuite on en
fera l'épreuve fur un Couteau , s'il eft
trop épais on y mettra de l'huile , s'il
ne l'eft pas affez, ony mettra de l'Alun.
K3 Pour
222 LES SECRETS
Pour dorer de l'Etain.

Renez de l'huile de lin bien purifiée


fur le feu , puis y mettez de l'Ambre
& de l'Aloës , autant de l'un que de l'au-
tre , & les aïant bien détrempés , vous
le mêlerez tellement avec l'huile fur le
feu , qu'il devienne épais , après l'avoir
ôté vous le mettrez fous terre pendant
troisjours , enfuite l'Etain que vous au-
rezfrottéavec cette mixtion prendra la
couleur de l'orquevous mettrez deffus.
Pour donner la couleur de l'Argent
au Cuivre.
U'on prenne du Tartre de vin , de
Alan , du fel , broïez bien le tout
enfemble fur une pierre, enfuite y ajoû-
tant unefeuille d'argent ou deux , avec
les chofes fufdites, qu'on mette le tout
dans un pot bien plombé , dans lequel
on mettra l'eau que l'on trouvera 2
qu'onyjertele Cuivre& qu'onle frotte,
on verra quand il aura fuffifament pris
la couleur de l'argent.

Pour
DALBERT LE GRAND. 223
Pourdorer le Fer ou l' Acier.
e une
Renez partie de Tartre de Vin ,
en
PRla moitié de Sel Armoniac , autant de
Verd d'Espagne, & un peu de fel , faites.
bouillir le tout dans du vin blanc , en-
fuite frottez- en votreFer ou votreAcier,
après l'avoir bien poli , laiffez-le fé-
cher & le dorez avec de l'or moulu ;
immanquablement il deviendra jaune.

Pourfaire une
ne eau à dorer le Fer ,
ou l'Acier.

Renez une ante delcendregravelée ,


ene
PRune once deVinblanc , une once d'A-
lun , demi once de Sel gemme , de l'Alun
la pefanteur de deux gros , autant de
Verd d'Espagne , la même quantité de
Couperofe , du Sel gros , me pinte d'eau
courante , faites bouillir le tout jufqu'à
la moitié , après niettez-le dansun pot
neuf& le couvrez de fept-ou huit feuil-
les degros papier , & 'une tuille deffus,
afin qu'il ne prenne point d'air. Quand
vous voudrez dorer quelque chofe ,
vous pourrez vous fervir de cette eau
avec fuccès..
K4 Pour
224 LES SECRETS

Pour nettoyer le Fer , les Armes , & ce que


l'on voudra.
Renez du Plomb limé bien menu
mettez-le dans un pot avec de l'huile
d'Olive , bien couvert , laiffez -le ainfi
pendant neuf jours , enfuite frottez
r
avec cette huile le Fer > Acie , les ar-
més, où ce que vous vo ud re z , elles ne
s'enrouilleront point. La graiffe des
pieds de Bauf bien bouillis , eft auffi
fort bonne pour faire la même chofe .

LES
Pag.225 .
** ****

LES ADMIRABLES

SECRETS

DAL BERT

LE GRAND.
LIVRE QUATRIE ME.

CHAPITRE I

Traité de la Phifionomie où l'on connoit


le naturel, & les inclinations des
perfonnespar la diverfité desparties
du Corps , &c.
Omme on a parlé ci - devant
de plufieurs parties du corps ,
Ctant de l'homme que de la
femme en général , il eft à
préfent néceffaire , & même fort à
propos , de traiter de chacune en par-
ticulier on ne doute point que les Cu-
Ki rieux
226 LES SECRET S

rieux ne reçoivent avec plaifir ce petit


Traité de Phifionomie , qui eft une
fcience ingénieufe & naturelle , pour
connoître les inclinations.des hommes,
ou les propriétés des animaux. Et par-
ce qu'il y a des membres fimples, com-
me la langue & le cœur ; & d'autres
qui font 3 compofés , comme l'œil , le
nez, &c On donne auffi deux manières
de les connoître ; premiérement , par
les fignes & les marques que l'on voit ;
& en fecond lieu , dans les fonges que
les Anciens nous ont expliqué , c'eft
pour cela que l'on trouve beaucoup de
différence entrel'homme & la femme,
en ce qui regarde la Philionomie; & ce
que l'on dira dans la fuite doit s'enten-
dreproprement dupremier, & impro-
prement de la femme. La raifon eft I
parce que l'homme eft d'un tempéra-
ment & d'un naturel plus robufte. Er
enfin lorfque l'on en parlera dans les
Chapitres fuivans,on obfervera ce que
l'on vient de dire.
C'eft pourquoi un parfait Phifionomi
fe doit , avant que de dire fon fenti-
ment examinerfoigneufement& pren.
dre
D'ALBERT LE GRAND. 217

dre garde fur tout à la différence du


Sexe; car quoique par exemple l'hom-
me & la femme fe reffemblent de vifa-
ge en apparence , cependantfi on les re-
garde de près , on verra qu'ils font fort
différens , on peut avancer la même
chofe de toutes les autres parties du
corps , ainfi on ne peut donc pas juger
de la même manière de l'un & de l'au-
tre; parce que la femmeeft d'une com-
plexion debeaucoup plus foible , quo: -
quecertecomplexion femble être com-
anune à tous les deux.o
Pour donner quelqu'ordre & quel-
que grace ace Livre , & le rendre plus
facile au Lecteur , on y traitera enpar-
ticulier de chaque partie du corps hu-
main , & on commencera par la tête ,
& après avoir parlé généralement de
tous les membres , depuis la tête juf
qu'aux pieds , on finira cet Ouvrage ,
avec le fecours de Dieu , qui a formé
de rien toutes chofes, & gouverne tout
l'Univers avec une Sageffe admirable
& infaillible.aupi

K6 Des
228 LES SECRETS
Cheveux.t corruesh
Des Cheveux,
"Homme qui a les Cheveux plats ,
Llongs,de couleur blanche, ou blon
de, fins & doux à manier, eft naturelle
ment timide , peu fort , pacifique dans
les compagnies ,& toujours bien venu ,
& agréable par-touroù il fe trouve. Ce
lui qui les a gros , rudes & courts , eft
fort,intrépide,hardi, inquiet, fuperbe,
leplus fouvent fourbe & menteur , cu-
rieux des belles chofes , plus fimple
que fage , quoique le bonheur l'accom
pagne toujours. Les Cheveux crêpus
marquent unhomme de dure concep-
tion ,ou d'une grande fiinplicité, & qui
afouvent les deux enfemble. Ceux qui
ont beaucoup de Cheveux fur les tem.
ples & fur le front , font fimples , glo-
rieux , fujets à la luxure , fe fient faci
-lement aux autres,croienttout ce qu'on
leur dit , ils ont peur d'efprit , & font
groffiers dans leurs difcours , & tou-
jours de mauvaiſe humeur.beemitas
Les Cheveux rudes , frifés & reffem-
blans à une perruque rendent l'homme
très-fimple , hardi , fuperbe , de dure
conception,facile à fe mettre en colère
men-
D'ALBERT LE GRAND. (222)
menteur,luxurieux , méchant, & erfclin
à faire du mal. Celui qui a des cheveux
qui frifent & qui s'élevent tant foit peu
fur le front , en forte qu'il foit large &
fort haut,eft fimple,ni bon ni méchant,
mais fortproprepour la mufique.Ceux
qui ont les cheveux épais par toute la
téte,font luxurieux,de facile digeftion,
fuperbes , faciles à croire , négligens ,
de peu de mémoire , curieux & mal-
heureux. Les cheveux roux marquent
un homme envieux, malin , trompeur,
fuperbe & médifant.roda inabo
Les cheveux fort blonds marquent
un homme propre à tout aimant l'hon
neur & la vaine gloire. Les cheveux
noirs rendent l'homme capable de ve-
nir à bout de fes entreprifes, plus porté
à faire du bien que du mal, prêt à rendre
fervice , laborieux , fecret & heureux.
Les cheveux blanchâtres , ou de cou-
leurverte & d'azur ,dénotent un hom
-mehonnête, parfait,craintify honteux,
foible , grand de jugement , d'une mé-
ediocre capacité. L'homme qui a mé-
diocrement de cheveux & d'une cou-
leur commune , eft agréable , plus en
K7 clin
230 LES SECRETS
clin au bien qu'au mal , aimant le re
pos, & à être propre , & de bonnes
mours. Ceux qui pendant leurjeunef
fe ont les cheveux blancs , font chan-
geans , fujets à la luxure , fuperbes ,
inconftans & grands parlours.iLO
Du Front, al tuo in
IE E Front beaucoup élevé en rond ,
marqueun hommeliberal à l'égard
de fesamis & fes parens, joïeux,debon
jugement , traitable , & bien reçû de
tout le monde.nivno primont ( r
Celui qui a beaucoup de peau & d'os
au From , eft chidaneur , fuperbe, trom-
peur , plusfimple que fage. 104
Celui dont le Front eft fort petit de
rous côtés , a beaucoup d'efprit & de
jugement , eft hardi , propre à faire du
mal , courageux , curieux des belles
chofes , & aime l'honneurialQ0IVE
Le Front pointu proche des temples ,
comme files os étoient en dehors ,mar
que un homme orgueilleux , chan-
geant , foible én toutes chofes , fim-
ple , & de peu de jugement.
L'homme qui a le Front charneux
vis-à-vis les temples, & quia degrof
fes
D'ALBERT LE GRAND . 231

fes joies , eft courageux , fuperbe


colere , & de dure conceptior.
Celui qui a le Front ride , en ovale &
partagé comme s'il en avoit deux , &
qui a le nez fendu ou non, eftbon, har-
di , a un grand efprit , mais la fortune
lui eft toujours contraire.
tésLe peularge
Front
, un rond &g grand de tous cô-
& fans poil ,
d'un
marque un homme courageux ,
bel efprit, & d'un bon jugement, rufe,
méchant, hardi, fort , fujetà fe fâcher,
peu jufte , & de peu de confcience , &
par confequent menteur.
Celui qui a le Front long & élevé en
rond , & dont le vifage vient en aigui-
fant proche le Menton, eft fimple , bon,
de petite complexion , affez jufte & de
bonne confcience , mais malheureux.
De la peau qui couvre les yeux en les
clignant
Es Paupierres qui reffemblent à un
Arc , & qui s'élevent en haut et
clignant , marquent un homme fuper-
be, violent , orgueilleux , merveilleux,
hardi , menaçant , curieux de belles
chofes , & adroit à tout.
Ceux
232 LES SECRETS

Ceux dont les paupieres penchent en


bas quand ils parlent ou qu'ils regar-
dent quelqu'un , font méchans , four-
bes , menteurs , traîtres , avares spa-
reffeux , fecrets , & parlent peu.
Celui qui a peu de poil aux paupieres,
eft fimple , fuperbe, foible , crédule ,
& agréable en compagnie.
Les paupieres nullement pliées en bas,
marquent un homme ignorant , pa-
reffeux , foupçonneux , avare , en-
vieux , fujet à tromper , & facile à fé-
duire.
Ceux qui ont les paupieres courtes
de couleur blanche ou plombée , font
propres à tout , timides , & trop faci-
les à croire ce qu'on leur dit. Au con-
traire ceux qui les ont grandes & lar-
ges leur font oppofés.
Bes Sourcils.
I Es Sourcils épais marquent un hom-
me épargnant , fecret , fage , fort
curieux de belles chofes , riche en ap-
parence .
Celui qui a les Sourcils longs , a peu
de capacité & un efprit fubtil , il eft
fort hardi , heureux , & un ami fincere
& véritable. Des
D'ALBERT LE GRAND. 233
Des Yeux.
Es grands Yeux,c'eft- à- dire les gros ,
fignifient ordinairement un hom-
me pareffeux , hardi , envieux , qui a
honte , & ne garde pas le fecret , pro-
pre à tout , point avare , fuperbe , un
peu menteur , facile à fe fâcher , de
méchante mémoire , & d'un efprit
groffier, d'un petit jugement, & beau-
coup moins fage qu'il ne penfe.
Ceux qui ont les Yeux enfoncés dans
la tête , & dont la vûe eft étendue &
longue , font foupçonneux , méchans ,
emportés , de méchantes mœurs , ont
beaucoup de mémoire , font hardis ,
cruels , menaçans , vicieux, fujets à la
luxure , envieux & trompeurs.
Les yeux qui fortent un peu hors de
la tête, marquent un hommefol , fans
honte , un peu prodigue , ferviable ,
d'un efprit & d'un jugement groffiers,
inconftant qui change facilement.
L'homme qui regarde fixement , &
dont les paupieres font ouvertes , eſt
méchant , trompeur , fauffaire , men-
teur , envieux, épargnant , fecret , im-
pie , & fans confcience.
Les
234 LES SECRETS

Les yeux petits & également ronds


montrent qu'un homme eft honteux >
foible , fimple , facilcà croire ce qu'on
lui dit , d'un efprit groffier , d'un ju-
gement lent , fouvent malheureux à
Fégard de la fortune , liberal.
Ceux qui regardent de côté , font
trompeurs , chicaneurs avares , en-
vieux , menteurs ,fujet à la colere , &
fort enclins à faire du mal.
L'homme qui a la vûe variante &
point fixe, cft ordinairement menteur,
orgueilleux, fimple, luxurieux , féduc-
teur , facile à croire ce qu'un autre lui
dit, envieux , violent , curieux des bel-
les chofes , & capable de faire du bien
ou du mal indifféremment.
Ceux qui fouvent clignent les yeux
& remuent prefque toujours les paupie→
res, font luxurieux , changeans , le plus
fouvent menteurs & fauffaires traî-
tres , infidéles , préfomptueux , & qui
n'ajoutent foi à ce qu'on leur dit qu'a-
vec peine.
Les yeux dont le blanc eftmarqué de
taches de couleur de citron , fignifient
un homme ordinairement menteur ,
vain
D'ALBERT LE GRAND. 23

vain , trompeur, luxurieux, fans parole


à l'égard d'une perfonne , affez fecret ,
attaché à fon fentiment , & d'une vio-
lence démefurée.
Les yeux qui fe mouvent beaucoup
& dont la vue eft lente quoique fine ,
en penchant les yeux , marquent un
homme fort méchant , fuperbe en plu...
fieurs occafions , pareffeux , menteur ,
infidéle , envieux , querelleux .
Ceux qui ont les yeux rouges , bai
gnés de larmes & teints de fang , font
fujets à la colere , fuperbes , dédai-
gneux, cruels , fans honte , infidéles ,
menteurs , orgueilleux , fimples , de
peu de capacité , trompeurs , & faciles
à devenir pieux & hipocrites.
Les yeux gros & femblables à ceux
d'un Bœuf, marquent un homme fim-
ple , d'unjugement lent , de méchante
mémoire & d'un tempérament grof-
fier, qui s'accoûtume à toutes fortes de
nourritures.
Les yeux ni trop gros ni trop petits ,
tirant fur le noir, marquent un homme
qui aime la paix , honnête , confcien-
cieux , d'un grand efprit , & d'unjuge-
ment
236 LES SECRETS

ment folidé , & toujours prêt à rendré


fervice aux autres .
Du Nez.
IE nez lóng &cun peu delié, marque
un homme c ourageux , curieux
dans ce qu'il fait , fujet àla colere , fu-
perbe , changeant en peu de tems , foi
ble de corps & d'efprit , & facile
croire ce qu'on lui dit.
Le nez long , étendu & un peu gros
bas fignifie un homme prudent, fe-
cret , ferviable , paffablement fidéle
honnête dans fes actions , diffimulé
& capable de fupplanter & de donner
du deffous à un ami.
Celui qui a le nez camus eft violent,
fuperbe , menteur , luxurieux , foible
changeant , croit ce qu'on lui dit , &
fe tourne du côté que l'on veut.
Celui qui a le nez large dans le mi-
lieu & qui eft courbé en haut , eft or-
dinairement menteur, fuperbe, addon-
né à la luxure , grand parleur, & a tou-
jours la fortune contraire.
Lenez gros & long,marque un hom-
me curieux des belles chofes , fimple
dans le bien , & affez prudent dans le
mal
B'ALBERT LE GRAND.

mal , favorifé de la fortune , paffionné.


dans ce qu'il fouhaite , fecret, & moins,
fçavant qu'il ne penfe de l'être.
Le nez pointu , ni trop long , ni trop
gros, ougros & delié , fignifie un hom-
me prompt à fe mettre en colere , fort
addonné à fon fentiment , querelleur
prudent , de foible complexion , mé-
chant , rufe , menaçant , & qui a beau
coup de mémoire.
Ceux qui ont l'extrêmité du nez fort
ronde, avec de petites narines , font fu
perbes, d'un tempérament robufte, fa-
ciles à croire , orgueilleux , libéraux &
fidéle.
Ceux qui ont le nez extrêmement
long & plus delié dans les coins que
gros , & affez rond , font hardis par-
ler en public , honnête dans leurs ac-
tions, promt à dire des injures , trom-
peurs , envieux , avares , fecrets , fou-
haitans le bien des autres , & mal in-
tentionnés en plufieurs occafions , fans
le faire paroître.
Le nez relevé en haut & long, aiant
lescoins affez gros,marque un homme"
hardi , fuperbe , avare , envieux , con-
voiteux
238 LES SECRETS

voiteux , luxurieux , menteur , rufe "


orgueilleux , glorieux , malheureux
querelleur.
Le nez qui eft beaucoup élevé dans le
milicu , montre qu'un homme eft or-
dinairement menteur , vain , inconf
tant , luxurieux , facile à croire , im-
portun , d'un efprit excellent & d'un
tempérament groffier , méchant , eft
plus fimple que fage.
L'homme qui a le nez plus rouge que
les autres ne l'ont ordinairement , eft
avare , impie , luxurieux , capable de
furprendre , bon , d'un efprit & d'un
tempérament groffier, d'une petite ca-
pacité.
Celui qui a le nez paffablement gros,
& un eu plus fur les coins , aime la
paix & le travail, eft fidéle, fecret , &
de bon jugement.
Ceux qui ont du poil dans les extrè-
mités du nez , & qui l'ont affez gros
& unpeu dans l'endroit où il fe joint
avec le front , font bien temperes en
toutes chofes , & changent facilement.
Le nez qui eft gros par tour & qui ar
des narines larges , marque un homme
d'un
D'ALBERT LE GRAND. 239

d'un efprit groffier , plus fimple que


fage , menteur , fourbe , trompeur ,
querelleur, envieux , vain & glorieux.
MC Des Narines .
I Es narines férrées & mincess, font
une marque qu'un homme a les te-
fticules fort petits , & peu propres au
combat amoureux , prudent , dédar-
gneux, menteur, fidele, vain, glorieux,
curieux des belles chofes , & modefte
dans fes actions.
Les narines grandes & larges mar-
quent un homme bien partagé de la
nature pour l'amour , luxurieux , traî-
tre , vain, fauffaire, hardi , menteur
envieux , curieux , d'un efprit groffier,
avare , & un peu timide.
Les narines bouchées dénotent qu
un homme eft fol , vain , menteur , fu-
perbe , aimant la guerre , & d'une for-
tune ingrate.
De la Bouche.
LA A bouche grande & large , lorfqu'on
la ferme ouqu'on l'ouvre , marque
qu'un hommeeft menteur, fans honte,
& qu'ilfe plaît à faire la guerre , eft
menteur, grandparleur , porte-gazette
&
240 LES SECRETS

& nouvellifte,mange beaucoup, il al'ef


prit groffier , il eft avare & un peu fol.
La bouche petite d'ouverture & d'en-
trée , eft figne qu'un homme eft paci-
fique , timide , fidéle, fecret , avare ,
libéral , honteux , fçavant , & ne man-
ge pas beaucoup.
Ceux qui ont mauvaiſe haleine & le
fouffle puant , ont le foie offenfe , font
ordinairement menteurs , vains , laf-
cifs, trompeurs, d'une petite capacité,
fins pour furprendre, envieux, curieux ,
affez libéraux à leurs amis , ils aiment
à dire & à apprendre des nouvelles ,
crédules & plus fimples que fages.
Celui qui a le fouffle doux & de bon-
ne odeur , marque un homme propre à
prendre & à donner , prudent , fecret ,
bien fait , beau , crédule , & qui chan-
ge facilement d'un côté & d'autre.
Des Levres.
Es levres qui font fort groffes &
repliées endehors, marquent qu'un
homme eft plus fimple que fage ,d'un
lage ,d'un
tempérament propre à tout.
Les levres minces & qui fortent en
dehors,montrent qu'un homme eft dif-
cret ,
D'ALBERT LE GRAND. 241

cret ,fecret en toutes chofes , prudent,


fujet à la colere, & abeaucoup d'efprit.
Celui qui a les lèvres d'une belle
couleur , plus deliées que groffes , eft
bien temperé en tout, facile à changer,
& à fe tourner plûtôt du côté de la ver-
tu que du vice.
Ceux qui ont les lèvres inégales , &
dont l'une eft plus grande que l'autre ,
ont plus de fimplicieé que de fageffe
font d'un efprit groffier,d'un jugement
lent, & éprouvent tantôt la bonne , &
tantôt la mauvaife fortune.
Des Dents.
Es Dents qui font petites , foibles,
Len petit nombres courtes , mar
quent qu'un homme eft foible ,a de l'ef-
prit,& d'une capacité délicate,honnête,
jufte , fidéle , fecret, timide , d'une vie
courte, & propre au bien comme aumal.
Les Denis qui ne font pas égales en
4 quantité à caufe de la difpofition des
Gencives , comme quand les unes font
ferrées , les autres écartées , rares ou
épaiffes , montrent qu'un homme eft
prudent , a de l'efprit , eft hardi , dé-
daigneux , envieux , & facile à fe laif-
L fer
242 LES SECRETS
fer tourner du côté que l'on veut.
Ceux qui ont les dents fort longues
& aigues , un peu écartées & fortes ,
font envieux , gourmands , effrontés ,
& fans honte , menteurs fauffaires ,
infidéles & foupçonneux.res the
Ceux qui les ont de couleur de Citron,
foit qu'elles foient courtes ou longues ,
ont plus de folie que de fageffe , font
d'un tempérament groffier , crédules
d'un efprit bouillant , ordinairement
fourbes , menteurs , envieux du bien
d'autrui & foupçonneux .
Lesdents groffes & larges, foit qu'el
les fortent dehors , foit qu'elles foient
écartées ou épaiffes , montrent qu'un
homme eft fuperbe , lafcif, d'un tem-
pérament fort , crédule , fimple , fauf-
faire,menteur,& d'une petite capacité.
Les dents épaiffes & fortes dénotent
un homme de longue vie , curieux des
belles chofes , d'une conception dure ,
d'un efprit groffier , courageux , beau-
coup adonné & opiniâtre dans fon
fentiment,qui aime à dire & à appren
dre des nouvelles , & eft crédule.
Les dents qui font foibles , petites ,
en
D'ALBERT LE GRAND. 243

en petit nombre & minces , font con-


noitre qu'un homme eft foible , d'une
vie courte , prudent, de bonne concep-
tion , facile à croire ce qu'on lui dit ,
ordinairement honteux, traitable,hon-
nête , doux , & qui aime la justice &
la droiture.
Celui qui en a un grand nombre &
bien ferrées , vivra long-tems, eft fujet
à la luxure , grand mangeur , hardi
fort , & difcret , & fuit fon fentiment.
De la Langue.
LA A Langue qui eft prompte & trop
agitée en parlant , marque qu'un
homme eft plus fimple que fage , d'un
efprit groffier , d'unjugement pervers,
fort crédule , & capable du bien com-
me du mal.
Celui qui begaïe lorfqu'il parle , eft
fort fimple , fuperbe , changeant , fujet
à la colere & dont la colere ne dure
pas , ferviable , & d'une complexion
foible.
Celui qui a la Langue groffe & rude,
eft prudent, malin , paflablement fer-
viable,vain, dédaigneux ,fecret, traître,
porteur denouvelles, timide & impie.
L2 L'hom-
244 LES SECRETS
L'homme qui a la langue déliée , eft
prudent , ingénieux , ordinairement ti-
mide , facile à croire tout ce que l'on
dui dit , & fe tourne du côté que l'on
veut.
De l'Haleine.
Haleine forte & violente eft la mar-
que d'un grand efprit , & au con-
traire , &c.
Le défaut de l'Haleine vient ou de la
petiteffe des Poulmons ou de la corrup-
tion de la Poitrine ; c'eft pour cela que
l'Animal qui a beaucoup d'Haleine , eft
grandement fort , & boit beaucoup.
De la Voix.
LA voix graffe & forte dans le fon
marque qu'un homme eft robufte ,>
hardi , fuperbe , luxurieux , ivrogne ,
propre à la guerre , addonné à fon fen-
timent, menteur , fourbe , fecret , fujet
à la colere , grand crieur & envieux .
La Voix douce & foible à cauſe d'une
courte haleine , marque un homme
foible , timide , d'un bon jugement ,
prudent , & qui mange peu.
Celui qui a la Voix claire & fonan-
te, eft paffablement ménager , fincere
prudent ,
D'ALBERT LE GRAND. 245

prudent, menteur, ingénieux, glorieux


& crédule.
Celui qui a une voix qui fe foûtient
en chantant , eft affez fort , & a fuffi-
famment de l'efprit & du jugement, eft
avare & defire le bien d'autrui.
La voix tremblante marque un hom-
me envieux , foupçonneux , pareffeux,
glorieux , foible & timide.
La voix haute dans le fon ou dans la
parole, eft figne qu'un homme eft fort,
robufte , hardi , injurieux, & attaché à
fon fentiment.
Celui qui a la voix rude foit en chan-
tant , foit en parlant , a l'efprit , le ju-
gement & le tempérament groffiers.
La voix qui eft trop haute ou trop
baffe , marque un homme plus fimple
que fage , point délicat , ni difficile à
nourrir , vain, changeant, fort timide,
menteur & facile à croire.
L'homme qui a la voix douce, pleine
& agréable à l'oreille , eft pacifique ,
fecret , craintif, épargnant, fujet à fe
fâcher , & attaché à fon opinion.
Celui qui a la voix en hauffant , eft
prompt à fe mettre en colere , bouil-
lant , hardi & ferme. Ĺ3
246 LIS SECRETS

Celui qui a la voix douce lorfqu'il


appelle quelqu'un , eft foible , doux ,
honnête , avare & prudent.
Celui qui a la voix haute & aigue en
appellant un autre , eft folible, facile à
femettre en colere , hardi , prudent ,
méchant, affez orgueilleux & fuperbe-
La voiz caffée , haute & aifée , eft
une marque qu'un homme eft timide,
fuperbe , violent , luxurieux , & qui
croit facilement ce qu'on lui dit.
Du Ris.
Es Fols rient beaucoup , parce qu'ils
LE
ont la Rare fort grande & fort grof-
fe, au contraire des autres.
Celui qui rit facilement eft fimple ,
vain , fuperbe , changeant , crédule >
d'un jugement & d'un tempérament
groffiers , ferviable & peu fecret.
Celui qui rit rarement & peu , eft
conftant , avare , prudent , d'un juge-
ment fubtil , fecret , fidéle & qui aime
le travail.
La bouche qui eft contrainte en riant,
marque un homme fage , fort attaché
à fon fentiment , ingénieux , patient ,
avare , habile ouvrier de fa profeffion ,
facile
D'ALBERT LE GRAND. 247

facile à fe mettre en colere , & capable


de faire pièce à un autre.
Au contraire la bouche qui rit avec
facilité & fans contrainte , ou bien en
touffant, marque un homme variable,
envieux , crédule , & qui fe tourne de
tout côté.Val
Celui qui tourne la bouche en riant ,
ou qui fait des grimaces , eft arrogant,
fauffaire , avare , prompt & fujet à fe
mettre en colere, menteur, & ordinai-
remént traître.
Du Menton,
LE Menton large & charmeux mar-
que un homme pacifique , d'une
capacité médiocre,d'un efprit groffier,.
de confcience , fecret , inconftant &
facile à changer.
Le Menton aigu & affez plein de
chair, marque un homme de bon ju-
gement , de grand cœur & d'un tem-
pérament affez bien modéré.
Celui qui paroît avoir deux Mentons
féparés par une raïe , eft pacifique
d'un efprit groffier, vain , fort crédule,
raifonnablement ferviable à tout le
monde , fort diffimulé & caché dans
fes actions. L4 L'hom-
248 LES SECRETS
L'homme qui a le Menton aigu &
charneux , aime la guerre , eft hardi ,
facile à fe facher, dédaigneux , timide,
foible & affez ferviable .
Le Menton courbé , gros vers la join-
ture des Machoires , charneux & com-
me aigu , marque un homme fort mẻ-
chant , fimple , hardi , fuperbe , mena-
çant , envieux , épargnant , trompeur ,
prompt & facile à fe mettre en colere,
traître , larron & diffimulé.
De la Barbe.
A Barbe ne vient aux hommes qu'a-
L
près l'âge de quatorze ans , & leur
croît après ce tems là peu à peu, il leur
croît auffi du poil autour des parties
naturelles. Il faut fçavoir que ces poils
fe forment du fuperflu des alimens que
l'on prend , & dont les vapeurs s'êle-
vent jufqu'aux Machoires , à peu près de
la même manière que la fumée fort par
les cheminées ; lefquelles ne pouvant
point trouver d'endroit par où ils puif-
fent monter & pénétrer plusavant , ils
fortent comme des poils, qu'onappelle,
ordinairement la Barbe. Prefque tou-
tes les femmes n'en ont point au vi

ge :
D'ALBERT LE GRAND. 249
ge : les humeurs dont fe forme la Bar-
be dans les hommes , font les Menftrues
dans les femmes , qui fluent deux fois
O une pour le moins chaque mois . On
les appelle communément Flux ou Re-
gles. Les filles à onze ans paffés , & les
femmes qui ne font pas groffes y font
fujettes ; quelquefois ces Menftrues fe
changent en lait dans les mammelles ,
Mais il eft vrai qu'il arrive quelque-
fois que de ces humeurs fubtiles & na-
turellement chaudes , il croit au vifage
d'une femme & le plus fouvent autour
de la bouche ( parce que la chaleur eft
plus grande en cet endroitlà ) des poils
aufquels on donne le nom de Barbe.
Il eft für que cette femme eft fort
amoureufe à caufe de fon tempérament
chaud. Celle qui n'en a point au Vifa-
ge , & fur-tout proche de la bouche , fi
on en croit les Phifionomistes , eft d'une
bonne complexion , eft timide , prend
peur, honteufe, chafte, foible , douce ,
& complaifante , au contraire la velue
a toutes les qualités oppofées.
Les enfans n'ont point deBarbe par-
ce que leur nature n'eſt pas encore affez
forte,
250 LES SECRETS

forte , & que les pores de leurs machoi- `


res ne font pas ouverts; on doit dire la
même chofe des jeunes filles à l'égard
des MenftruesADAN
Une Barbe bien rangée & fournie de
poils, marque un homine de bon natu-
rel , d'une condition & d'un tempéra-
ment raifonnable , qui s'accommode à
tout fuivant le tems & les occafions.
Celui qui a une barbe mal difpofée ,
fort claire , comme les Chátrés & les
Emuques à qui on a ôté les deux Teftis
cules , ont plus les inclinations & le na-
turel d'une femme que d'un homme.
Du Vifage.
E Vifage qui fue à la moindre agi-
LE
tation , marque un homme d'ur
tempérament chaud , vain , luxurieux,
grand mangeur , peu délicat , & d'un
10
efprit groffier.
Le Vifage charneux marque une per-
fonne timide, paffablement joyeuſe, li-
bérale,difcrete ,luxurieufe , de méchan-
te mémoire, facileà croire ce qu'elle en-
tend,de bonne confcience à l'égard des
autres, fantafque, envieufe dans fes de-
firs,qui change facilement, & affez pré-
fomptueufe d'elle-même.. Le
D'ALBERT LE GRAND. 25x
Le Vifage maigre , eft figne qu'un
homme eft prudent , láborieux , d'un
bon jugement , plus cruel que pieux ,
d'une tendre & médiocre capacité ,
dédaigneux .
Celui qui a le Vifage fort petit & de
figure ronde , eft fimple , timide , foi-
ble , de méchante mémoire & d'une
pâte groffiere.
L'homme qui a le Vifage femblable à
celui d'un ivrogne , aime le bon vin ,
eft paillard, vain , robufte , & s'enivre
fouvent.
S'il a le Vifage comme celui d'un
furieux , il eft fujet à fe mettre en co-
lere , & y demeure long-tems.
Le Vifage long & maigre , marque
un homme fort hardi dans fes difcours
& dans fes actions , fimple, querelleux ,
fuperbe s
trompeur , fans
pieté , raifonnablement pieux & luxu
rieux.ba
Le Vifage qui tient le milieu entre le
long & le rond , le maigre & le gras,
marque un homme propre à tout , ce-
pendant plus porté au bien qu'au mal.
Celui qui a le Vifage fort gras & lar-
LG ge ,
252 LES SECRETS

ge, eft plus fimple que fage, d'un efprit


groffier, & d'un jugement lent à entre-
prendre quelque chofe , croit des chi-
meres , glorieux , d'un naturel incon,
ftant , luxurieux , vain , oublie le mal ,
eft fourbe , médifant & diffimulé.
Le Vifage bien uni , bien élevé fans
front , marque un homme bon à tout ,
aimable , fort crédule , prudent , fidé-
le , & plus fimple que fage , patient
dans les adverfités.
Le Vifage qui va penchant, & qui
eft plus maigre que gras , fignifie un
homme injurieux , envieux , fourbe
menteur , querelleux , laborieux , d'un
efprit groffier , vain , fort fimple , &
d'un jugement lent.
Le Vifage médiocre qui eft cepen-
dant plus gras que maigre , montre un.
homme jaloux de fa parole,facile , fer-
viable , paffablement fpirituel , pru-
dent , & qui a beaucoup de mémoire.
Celui qui a le Vifage courbé,long &
maigre, eft d'un efprit groffier , fimple
en toutes chofes , d'un jugement lent ,
fans confcience, & qui s'emporte pour
peu de fujet.
L'hom
D'ALBERT LE GRAND. 153
L'homme qui a le vifage en élargif-
fant depuis le Front en defcendant juf
qu'à la jointure des Machoires , & plus
élevé que de coutume , eft fimple dans
ce qu'il fait , envieux dans fes difcours,
tantôt timide, tantôt hardi, épargnant,
vain , trompeur , violent , querelleux ,
d'un tempérament groffier , & d'un
méchant efprit.
Celui qui a le Vifage bien fait , d'une
belle couleur , & d'une difpofition
agréable , eft généralement propre à
tout faire , & fuit les vices comme les
vertus indifféremment .
Le Vifage pâle , marque un homme
peu fain, doux, traître, menteur,fuper-
be , luxurieux , avare , envieux , pré-
fomptueux , d'un tempérament grof
fier , peu fidéle , & fans confcience.
Le Vifage d'une belle & bonne cou-
leur , marque un homme en parfaite
fanté , naturellément gai , qui croit fa
cilement ce qu'on lui dit , paffablement
ferviable , d'un bonjugement , & capa-
ble de changer de toutes fortes de ma-
nières.
L7 Des
254 LES SECRETS
-Des Oreilles.
Es Oreillesgrandes & groffes , mar-
quent un homme fimple , ftupide ,
pareffeux , d'un tempérament groffier,
de méchante mémoire , & d'une con-
ception dure.
Les Oreilles petites & minces , mar-
quent un homme d'un bon efprit & de
jugement, fage , fecret, pacifique, pru-
dent , timide , épargnant , pudique
vain , violent , d'heureufe mémoire ,
& affez ferviable.
Les Oreilles un peu plus longues
qu'elles ne doivent être ordinairement,
ou qui font larges en travers, fignifient
un homme hardi , fans honte , vain
pareffeux , fans jugement , affez fervid-
ble , qui travaille peu , & mange beau-
coup. De la Tété.
ATête grande & bien ronde de tous
LA
côtés , marque un homme fecret ,
prudent dans ce qu'il fait,ingénieux ,
difcret, conftant, & de bonne confcien
ce.
La Tête qui a la bouche & le col gros ,
& qui panche vers la terre , eft figne
qu'un homme eft prudent , avare , pa-
cifique ,
D'ALBERT LE GRAND. 255
cifique , fecret , beaucoup adonné à fon
fentiment , & conftant dans fes entre
prifes.
La Tête longue , avec le Vifage de mê
me , grand & difforme , fignifie un
homme de peu de fens, méchant , fort
fimple, vain, crédule, envieux , & qui
fe plaît à dire & à entendre des nouvel-
les.
L'homme qui tourne la Tête de tout
côté , eft fol , fimple , vain , menteur,
fourbe , préfomptueux , changeant ,
d'un jugement lent , d'un efprit per-
vers, d'une médiocre capacité , un peur
libéral , & qui fe plaît à faire des Ga-
zettes , & de débiter des nouvelles de
fon invention.
Celui qui a la Tête groffe , avec le Vi
fage large , eft foupçonneux , fort vio-
lent, curieux des belles chofes, fimple ,
prudent, peu délicat , fecret , hardi , &
prefque fans honte ni pudeur.
Quand la Tete eft groffe , & qu'elle
n'eft pas belle à proportion , arant la
bouche de travers & le col gros , c'eſt fi-
gne qu'un homme eft affez fage , pru-
dent, fecret, ingénieux, d'un jugement
foli
256 LES SECRETS

folide , fincére , & beaucoup complai-


fant.
Celui qui a la Tête petite, la Bouche
longue & peu large , eft foible, un peu
fol, mange peu, aime la fcience, & n'a
jamais guéres de bonheur.
De la Bouche.
LABoucheblanche, maigre ou graffe ,
marque un homme glorieux, vain
timide, lafcif, menteur, paffablement
prudent , violent dans fa colère, & dé-
daigneux.
LaBouche graffe & petite,fur laquelle
il paroît des veines , marque un homme ..
toujours malheureux , foible , timide,
pareffeux, peu délicat , crédule, & qui
fe tourne de tout côté , comme une Gi-
rouette.
Du Col.
Elui qui a le Col long , a les Pieds
Clongs
longs &
& déliés , eft fimple , peu fe-
cret,timide, foible, envieux , menteur,
fourbe , ignorant , & changeant facile-
ment.
Lorfque le Col eft court,l'homme eſt
prudent, avare, trompeur, fecret, con-
ftant , difcret , fujet à fe fâcher , ingé-
nieux ,
D'ALBERT LE GRAND. 257
nieux , d'un vafte entendement , affez
fort, aime la paix , & fe plaît à com-
mander.
Des Bras.
Es Bras longs qui vont jufqu'aux
L genoux , quoique cela arrive rare-
ment , marque un homme libéral.
hardi , fuperbe , violent dans fes fan-
taifies , foible , fimple , qui fonge peu
à ce qu'il fait & glorieux jufqu'à la fot-
tife.
L'homme qui a lesBras fort courts,
coura-
à proportion de fon corps , eft
geux, ingrat , hardi , envieux , fuperbe,
for & avare .
Celui qui a les os des Bras gros &
charneux tout enfemble,eft fort fuper
be, affez préfomptueux , envieux , cu
rieux des belles chofes, & facile à croi-
re.
Lorfque les Bras font gras & pleins
de Mufcles , l'homme eft glorieux juf-
qu'à la fottife , curieux , qui fe plaît à
certaines chofes , plus fol que fage dans
fes entrepriſes.
Quand les Bras font velus, foit qu'ils
foient maigres ou gras & peu char
-neux,
258 LES SECRETS

neux ,c'eſt une marque que la perfonne


eft luxurieufe , d'une petite capacité ,
foible , fort jaloufe & affez méchante.
DesBras qui n'ont point du tout de
Poils , marquent un homme d'une mé-
diocre capacité , violent dans fa colère,
facile à croire , vain , lafcif , menteur ,
foible , trompeur & fubtil à faire du
mal.
Des Mains

gues , marquent un homme d'un
bon jugement , d'une petite capacité ,
facile à prendre peur, qui aime la paix,
qui a bonne confcience , diferet, fervia
ble , & d'affez bonne converfation.
Ceux qui ont les Mains groffes &
courtes , ont l'efprit groffier, font fim-
ples , vains , menteurs , forts , labo-
rieux , fidéles , faciles à croire , & ne
gardent pas long-tems leur colère.
Ceux qui ont les Mains velues , de
gros Poils , les Doigts gros & courbés
font luxurieux , vains , menteurs , d'un
efprit groffier , plus fimples que fages.
Les Mains courbées & élevées en
haut fur les Doigts, marquent un hom-
me
D'ALBERT LE GRAND. 259
me libéral & ferviable , d'une bonne
capacité , prudent , brutal , envieux ,
qui garde fa colere , d'un bon juge-
ment , paffablement fecret.
De l'Eftomac.
L'Eftomac gros & large , marque un
homme fort, hardi ,fuperbe, ava-
re , fujet à la colère , tenant , curieux
envieux & prudent.
Ceux qui ont l'Eftomac étroit & éle
vé dans le milieu , font d'un efprit &
d'unjugement fubtil, donnent debons
confeils , font fincères , propres , inge-
nieux, prudens, fages ,violens dans leur
colère,facilesàfe fächer, & affez fecrets.
L'Eftomac velu défigne un homme
luxurieux , fort prudent , d'une capaci
té un peu dure , libéral , laborieux &
ferviable aux autres.
Quand l'Eftomac n'eft pas velu , on'
eft foible & d'une petite capacité.
Lorfque l'Eftomac eft égal,plat,mai-
gre & fans Poil , l'homme eft timide
d'une vie bien réglée , a de l'efprit , af
fez de capacité , & aime la paix , eft fe-
eret, & ne fe plaît pas de s'entretenir de
plufieurs chofes.
Du
260 LES SECRETS
Du Dos.
L E Dos velu , maigre & bien élevé,
marque un homme fans honte
malin , brutal , d'un jugement pervers,
foible , peu accoutumé à la fatigue &
pareffeux.
Celui qui a le Dos grand & gras, eft:
fort , groffier , vain , lent , pareffeux ,
& enclin à la friponnerie.
Lorfque le dos paroît mince & far-
ge , plus maigre que gras , l'homme eft
foible ,de couleur pâle au vifage, vain ,
querelleux , facile à croire ce qu'il en
tend.
Du Ventre.
LEVentre gros de pance , marque un
homme peu dédaigneux , grand
mangeur & qui boit beaucoup , lent ,
courageux , glorieux jufqu'à la fottife ,
fourbe, paillard , menteur , qui a de la
confcience , & traître tout enſemble.
Le Ventre large & étendu, marque
un homme laborieux , affez conftant ,
prudent, d'un bon jugement , & d'une
médiocre capacité.
Ceux qui ont le Ventre velu , fur-tout
depuis le nombril jufqu'au bas , font
grands
D'ALBERT LE GRAND. 261

grands parleurs, hardis, prudens , d'un


bon jugement , d'une petite capacité ,
paffablement propres à tout , fçavans ,
qui prennent facilement peur, complai
fans à leurs amis , de grand coeur , &
peu heureux.
De la Chair.
A Chair molle & tendre par-tout le
corps, marque un homme foible ,
heureux , timide, d'un bon jugement ,
d'une médiocre capacité , qui mange
peu , fidéle , qui a plutôt la fortune .
contraire que favorable.
Ceux qui ont la Chair dure & rude
font forts, hardis, de dure conception ,
vains , fuperbes , plus fols que fages &
toujours malheureux.
Lorfque la Chair paroît graffe &
blanche , on eft vain , glorieux jufqu'à
la fottife , ftupide , fans mémoire , fort
curieux , un peu timide, pudique, mo-
.defte , prudent , méchant , menteur ;
& difficile à croire ce que l'on dit,
Des Côtés.
Es Côtes graffes & charneufes ,mar-
quent un homme fort , lent , très-
fimple.
Celles
262 LES SECRETS
Celles qui font déliées , minces &
peu couvertes de chair , marquent un
homme foible , peu propre au travail ,
prudent , malin, de confcience & juſte.
Des Cuiffes.
Es Cuiffes velues dont les poils font
rudes , marquent un homme pail-
lard , & fort propre au combat amou-
reux , & dont le Sperme eft excellent
pour la conception ; au contraire celui
qui n'a que peu depoil aux Cuiffes, n'eft
guéres luxurieux , eft affez chafte , &-
n'engendre pas fort facilement.
2 Lorfque la Guiffe eft malfaite , c'eft
figne qu'unhommeeft foible, timide ,
peu amoureux du Coit , & volage com-
me une Girouette.
Des Hanches.
Eux qui ont les Hanches pulpeufes
C fontforts, hardis, fuperbes,comme
on le voit dans les Coqs & les Faucons.
Des Genoux.
L'Homme qui a les Genos gras , eft
timide , libéral , vain , peu labo-
rieux ; au contraire celui qui les a mai-
gres , eft fort hardi , grand marcheur ,
fait à la fatigue & fecret.
Des
D'ALBERT LE GRAND. 263
Des Jambes.
Es Hommes ont des Pulpes au der-
L
riere des Jambes, parce qu'ils n'ont
point de queue , c'eft ce que dit Ariftote
dans fon Livre des Animaux.
Ceux qui ont des os gros aux Jambes
ou qui les ont bien velues , font forts,
hardis , prudens , fecrets , d'un efprit
groffier , pareffeux , lents & d'une e du-
re capacité.
Les Jambes petites , & avec peu de
poil , marquent un homme foible , ti-
mide , d'un bon jugement , fidéle , fer-
viable , & rarement paillard.
Les Jambes qui n'ont point de poil du
Tout, marquent un homme chafte ,
foible & craintif.
Lorfque les Jambes font bien velues ,
c'eft un figne évident qu'un homme a
beaucoup de poil autour dela Nature ,
qu'il eft luxurieux , robufte , fimple ,
inconftant, & rempli de méchantes
humeurs.
Des Chevilles des Pieisol
Es ChevillesdesPieds groffes,graffes,
L &bienfortés& élevées, marquent
qu'un hommeade la pudeur , qu'il eft
timide ,
264 LES SECRETS

timide, craintif, foible, peu laborieux,


prudent , fidéle & traitable.
Ceux qui ont les nerfs , qui paroiffent
fur les Chevilles des Pieds,avec des veines,
font hardis , forrs , fuperbes , & vio-
lens.
Des Pieds.
LEs Pieds grands , c'eſt-à-dire gros
de chair , longs en figure , & dont
la peau eft dure , marquent un homme
fimple , fort , d'un tempérament grof-
fier , d'un jugement lent & vain.org
Ceux qui ont les Fieds pefans , agi-
les , maigres & tendres , font d'un bon'
jugement, d'un efprit relevé, timides
foibles , prudens , peu laborieux , &
crédules.
Des Ongles.
Es Ongles minces , d'une bonne cou-
IES
leur ou pâles , affez longues , mar
quent qu'on fe porte bien , & que la
Mere pendant qu'elle étoit groffe ne
mangeoit rien qui fut trop falé , mais
douçâtre.
Des Talons.
Eux qui ont les Talons petits & mai-
Cguesquennent facilementpeur,font
craintifs & foibles. Ceux
D'ALBERT LE GRAND. 265
Ceux qui les ont grands & gras, font
f:crets , forts , hardis , propres à la fa-
tigue , & plus fols que fages.
De la Piante des Pieds.
N peut connoître à la plante des
Opter les contre à la de
heureufes qui arriveront à un homme ,
fes inclinations, fes mœurs & s'il vivra
long- tems. Cependant on remarque-
ra que les plantes des pieds qui ont de
longues raïes , préfagent plufieurs dan-
gereufes maladies , des peines , la pau-
vreté & la mifere; celles qui en ont de
courtes marquent toutes fortes de
malheurs.de Bog
La peau de deffous les pieds qui eft
groffe & dure , marque qu'un homme
eft fort, folide , fubtil , & d'un tempé
rament médiocre.
Du Marcher.
Elui qui marche lentement & à
Cagra r nds pas , n'a pas beauco
up de
mémoire a l'efprit groffier , le juge-
ment bouillant , eft avare , hait le tra-
vail & ne croit pas facilement ce
qu'on lui dit.peroug
L'homme qui marche vite & à petits
M pas,
266 LES SECRETS.
pas , eft prompt dans ce qu'il fait, ingé-
nieux, & d'une capacité délicate .
Quand une perfonne marche à grands
pas & de travers , elle eft fimple, d'un
tempérament graffier , rufée à faire du
mal, cela fe voit dans le Renard.
Du mouvement d'une Perfonne,
Orfqu'une perfonne qui eft en repos,
Loitqu'elle parle,foit qu'elle foit
atlife , ou debout fur fespieds, remue les
mains , les pieds , la tête, &c. fans né-
ceffité,c'eft une marque qu'elle eft mal
propre , difcrete , médifante , vaine ,
inconftantementeufe & peu fidelle,
Celui qui fe meut peu en parlant , eſt
aflez propre à tout, il eft prudent , ava-
ze, ferviable , conftant & d'un bon ju
gement.
L'homme qui fe remue promptement
& fans fujet, endevant ou en derriere,
eft fimple , d'un esprit groffer, & fort
enclin au mal.
L'homme qui boite en fe remuant ,
cft méchant , menteur , faux dans fes
paroles , envieux , qui défire le bien
d'autrui , affez propre à tout faire.
Des
DALBERT LE GRAND. 267

DesBoffes.
Eux qui font boffus , font prudens
СЕНКА pirituels , ont peu de mémoire
font trompeurs & paffablement mé
chans.
Celui qui a une boffe devant , eft de
deux paroles , plus fimple que fage.
Du Corps de l'Homme.
N Homme grand , droit , plus mai
UN gre que gras , eft hardi , cruel , fu
perbe , grand crieur , glorieux jufques
a la fottife, qui garde fa colère , avare ,
magnifique , il ne croit pas facilement
ce qu'il entend , fouvent menteur &
méchant en plufieurs occafions.
Le Corps long & affez gras , marque
qu'un homme eft fort, infidéle , fauf-
faire , d'un eípsit groffier , épargnant,
ingrat , & diffimulé.
Celui qui eft grand,maigre & délié ,
eft peu fage , vain, menteur , d'un tem-
pérament robufte , inquiet dans fes de-
firs , facile à croire ce qu'on lui dit
lent dans ce qu'il fait , & grandement
attaché à fon opinion.
Quand le Corps eft court & gras , it
marque un hommevain , envieux , ja-
loux , plus fimple que fage , d'unefprit
M 2 ſtupi .
268 LES SECRETS

ftupide, affez ferviable, crédule & qui


garde long-tems fa colère.
Celui qui eft petit , maigre , & bien .
fait , eft naturellement prudent , ingé-
nieux , épargnant , fuperbe , hardi , fe-
Cret, glorieux & fot , affez fage , d'un
bonjugement, & beaucoup diffimulė.
Le Corps qui panche fur le devant na-
turellement,non à caufe de la vieilleffe,
eft prudent , fecret , ftupide , groffier ,
févére , épargnant , laborieux , d'une
longue colère , & qui ne croit pas faci-
lement ce qu'on lui dit ; au contraire le
Corps qui panche par derriere , màrque
unhomme ftupide, d'un jugement mé-
diocre , d'un tempérament robufte ,
vain , avec peu de mémoire , & chan-
geant comme une Girouetté,
C
Remarquesfçavantes & curieufes.
I l'on voit un homme de couleur
Slo rougeâtre, fidèle, grand , fage, gras,
fimple , bon, beau, ni fot, ni glorieux ,
pauvre , point envieux , blanc , qui foit
bien fenfe , qui parle bien , qui foit in-
duftrieux, point menteur , bien fait de
corps, peu hardi , incrédule , & qui ne
croit rien fans raifon , qui ne prenne
pas
D'ALBERT LE GRAND..269'

pas facilement peur,qui parleavec mo-


deftie,qui ne foit pas diffimulé,qui foit
prudent , qui ne foit pas d'un tempéra-
ment chaud , ni vë aux cuiffes , ni au
vifage , qui ne foit point luxurieux , qui
ne foit ni.double, ni trompeur , ni vain,
ni fourbe, qui foit habile dans fon Art,
fe fervant honnêtement de fes richeffes
fans faire tort aux pauvres , honnête
dans fa pauvreté , impie , miféricor-
dieux , fujet à des maladies , marchand
fans mentir ni louer fa marchandiſe ,
médifant , de bonne réputation , vou-
lant paffer pour un homme de bien &
qui n'ait pas beaucoup d'ennemis. Il en
faut rendre graces à Dieu feul ,,& à fa
bienheureufe Mere , parce que cet
homme ne peut être que l'ouvrage d'u-
ne Puiffance Divine , & qui furpaffe le
cours ordinaire de la nature de ce mon-
de paffager & mortel.
Conclufion de ce Traité.
L faut qu'un véritable Phifionomiste
fcacheparfaitement bien tout ce que
l'on a dit dans chacun des Chapitres
précédens , afin de ne pas tomber dans
l'erreur. Il doit premiérement exami-
M3 ner
270 LES SECRETS

ffer avec attention tous les témoigna


ges & les conjectures de chaque mem-
bre , & de chaques parties du corps
d'une perfonne , enfuite dire fon
fentiment en général , & fuivre le plus
grand nombre des fignes qu'il verra ,
parce que s'il s'arrête à chaque mem-
bre en particulier , il fe contredira in-
failliblement,les uns aïant des marques
oppofées à celles des autres , comme
par exemple les Mains , les Jambes , les
Pieds , n'ont pas fouvent les mêmes fi-
gnes que la ête, les Yeux,& e. Ainfi qu'il
prenne garde à cela ; de plus on aura
égard àl'âge , aux inclinations , autem-
pérament , qui ne lui donneront pas
moins d'éclairciffement que de facilité
à dire la vérité. Il femble qu'il feroit
hors de propos de s'étendre davantage
fur cette fcience , après ce que l'on
vient d'en expliquer le plus clairement
qu'on a pû. On finit ce Traité en fp-
pliant le Public de fçavoit bon gre à
l'Auteur qui le lui préfente pour fon
utilité & fon plaifir.

LES
LES JOURS

HEUREUX

OU

MALHEUREUX

OUR ne rien oublier à la per-


fection de ce petit Livre , & le
P rendre également curieux &
utile au Public ‫ و‬on ajoûte
après le Traité de la Phifionomie , un
Abregé Hiftorique tant de plufieurs
Patriarches , que de plufieurs autres
chofes de l'AncienTeftament,avec une
Chronologic exacte ou de leur naiffan-
ce , ou de leurs évenemens pour cha-
que jour du Mois , où l'on verra les
jours heureux & malheureux , & ceux
qui fontpropres à faire quelque chofe.
Adam le premier de tous les hommes
fut placé dans leParadisTerreftre après
fa création , & Dieu , lui avoit donné
M 4 un
272 LES SECRETS
un empire abfolu fur toutes les Créatu-
res , heureux s'il avoit fçu le conferver!
Mais ce n'eft pas ici le lieu de plaindre
l'aveuglement de notre premier Pére :
Il fut créé le premier jour de la Lune.
Ce jour ne fera pas favorable pour
ceux qui tomberont malades , car leur
maladie fera longue , ils en feront
pourtant à la fin délivrés ; il n'y aura .
point de danger de mort pour eux. Si
on fait des fonges la nuit de ce premier
jour , ceft une marque qu'on aura de
la joie, & l'enfant qui naîtra en ce jour
vivra fort long- tems.
Le fecondjourEve fut créée pour fer-
vir de compagne à Adam , & pour aug-
menter & conferver le Genre Humain:
Sa foibleffe à fe laifferfurprendre par le
Serpent eft funefte à tous les hommes ,
& le feroit encore à préfent,fi la fecon-
de Eve n'eût réparé la faute de la pre-
miére. On peut voïager ce jour la fur
la Mer,furTerre avecfûreté, & on fera
bien reçû par-tout où l'on paffera. Ce
jour eft fort propre à la génération , &
à ceux qui fouhaitent avoir des Enfans;
il eft bon pour demander & obtenir ce
que
D'ALBERT LE GRAND. 273
que l'on veut des Rois , des Princes &
des grands Seigneurs. Il eft propre à
bâtir, à faire des Jardins, des Vergers,
& des Parcs , à labourer la terre & à
femer : les Voleurs qui déroberont ce
jour-là feront bien-tôt découverts &
pris; fi on tombe malade , la maladie
fera courte ; il ne faut pas ajouter foi
aux fonges qu'on fera pendant cette
nuit , parce qu'ils feront fans effet ;
l'enfant qui naîtra en ce jour croîtra à
vue d'œil.
Eve mit au monde le troifiéme jour
Cain , qui facrifia à fon envie fon frere;
la manière dont Dieu le punit de fon
fratricide devroit nous faire avoir en
horreur ce vice qui n'eft que trop com-
mun dans ce fiècle. Il ne faut rien en-
treprendre ce jour-là , pas même fe-
mer , ni planter , celui qui tombera
malade , fa maladie fera dangereufe ,
cependant il en fortira avec un bon ré-
gimede vie. Les fonges que l'on fera ,
feront inutiles & de nul cffet , & l'en-
fant qui viendra au monde ne vivra pas
long- tems ; ce jour eft malheureux.
Abelle fecond fils d'Adam & d'Eve
Mi nâquit
474 LES SECRETS
nâquit le quatrième jour de la Lune ; il
fut tué par fon Frere Cain , & la jalou-
fie en fut la feule caufe ; parce que com-
me dit l'Ecriture , fon Sacrifice avoit
été plus agréable à Dieu que celui de
fon frere. Ce jour eftpropre à faire une
entreprife , & à bâtir des Moulins &
des Vaiffeaux pour aller fur Mer; il eft
bon pour trouver une bête ou quelque
chofe perdue; les maladies de ce même
jour font fort dangereufes. Les fonges
de la nuit auront leurs effets s'ils font
bons , & au contraire s'ils font mau-
vais. L'enfant qui naîtra le quatrième
de la Lune , fera traître.
Lamet vint au monde le cinquième
fi malheureusement quelqu'un a fait
ce jour quelque mauvais coup, ou une
méchante action , il a beau fuir , il ne
peut éviter la punition que mérite fon
crime ; on ne trouvera point ce qu'on
aura perdu ; fi un homme tombe ma-
lade , il ne s'en relevera point , les fon-
ges que l'on fera font douteux , & l'en-
fant qui naîtra ne vivra pas long-tems.
Lefixièmejour eft heureux pour plu-
fieurs chofes , ce fut en ce jour qu'E
bron
D'ALBERT LE GRAND. 175.

bron nâquitiles Ecoliers profitent beau-


coup dans les fciences , les larcins font
facilement déconverts , & les maladies
de peu de durée, les fonges que l'on fe-
ra doivent être fecrets & ne pas être
révélés ; les enfans qui viendront au
monde en ce jour , feront d'une lon
gue vie.
Le premier Affaffin qui fe foitjamais-
commis , arriva le feptiéme de la Lune.
Abelfut la victime de fon frere; cejour-
là eft auffi fort bon pour fe faire fai
gner ; les meurtriers & les larrons ne
peuvent éviter la punition des crimes '
& des vols qu'ils ont faits en ce jour ,
les maladies font fort courtes & faciles
à guérir , les fonges arrivent , & les en-
fans qui naiffent le feptiéme vivent
long- tems.
Mathufalem , celui de tous les hom
mes qui a le plus vêcu , vint au monde
le huitième , ce jour cft heureux pour
lesVoiageurs & malheureux pour ceux
qui tomberont malades , les fonges que
l'on fera feront vrais , & les enfans qui
naîtrontautont méchante phifionomic.
MG Le
276 LES SECRETS

Le neuvième jour ,Nabuchodonofor ce


Roi impie, & quia fi mal ufé de fa di-
gnité Roïale , nâquit; on fçait affez les
accidens qui lui font arrivés pour pu-
nir fes crimes ; ce jour n'eft ni heu-
reux , ni malheureux , les maladies au
commencement feront dangereufes, &
les fonges auront peu de tems après
leurs effets , les enfans qui naîtront vi-
vront long tems.
Noéle fecond Pere du Genre Humain.
& qui fut le feul avec fa famille que
Dieu voulut fauver du déluge univer-
fel , par le moïen de l'Arche qu'il lui
commanda de conftruire , où il fit en-
trer de toutes fortes d'Animaux , vint
au monde le dixième. Ce jour eft heu-
reux pour toutes fortes d'entrepriſes ,
les fonges vains & fans effets , les cha-
grins feront de peu de durée, & les ma-
ladies feront mortelles , fi on n'y ap-
porte promptement du fecours ; les en-
fans qui viendrontau monde ce jour-là
fe plairont à voir le païs.
Samuel , dont l'Ecriture parle fi fou-
vent , nâquit le onzième , ce jour eft
propre à changer de Païs ; les femmes
qui
D'ALBERT LE GRAND. 277

qui tomberont malades auront peine à


en fortir , les enfans qui naîtront fe-
ront fpirituels , ingénieux , & vivront
long-tems.
Il ne faut rien entreprendre le dou-
ziéme jour,car il eft tout-à- fait malheu-
reux , les fonges feront vrais , les mala-
dies mortelles, & les enfans feront boi-
teux, ce jour donna naiſſance à Canaan.
Le treiziéme eft de même , & on
n'entreprendra rien , les maladies fe-
ront dangereufes , les fonges s'accom-
pliront peu de tems après, & les enfans
vivront long-tems.
Dieu benit Noé & toute fa famille
en récompenfe des bonnes actions qu'il
avoit faites , le quatorziéme jour de la
Lune:il eft auffi fort heureux , & les ma-
ladies n'auront point de mauvaiſes fui-
tes , les fonges feront douteux & les
enfans qui viendront au monde , fe-
ront parfaits & accomplis en tout.
Le quinziéme ne fera ni bon ni mau-
vais , les maladies ne feront pas mor-
telles , l'on pourra ajoûter foi aux fon-
ges qui s'accompliront en peu de tems,
les enfans aimeront les femmes.
M7. Job
278 LES SECRETS
Job , cet homme de Dieu & ce miroir
de patience , que Dieu appella fon fi-
déle ferviteur , lorfque le Démon lui
demanda permiffion de le tenter & de
l'éprouver , nâquit le feizième : ce jour
eft fort heureux pour les Marchans de
Chevaux , de Boeufs , & de toutes for
tes d'Animaux , & fir-tout pour les
Maquignons ; les fonges feront vérita
bles, & les enfans qui naîtront, vivront
long- tems. Il eft propre auffi à chan-
ger d'air & de païs.
Sodome & Gomorrhe , ces deux Villes
infâmes & fameufes par leurs débau-
ches dans l'ancien Teftament, périrent
le dix-feptiéine , & expierent par un
embrafement miraculeux leurs crimes.
Loth fut le feul avec fa famille qui en
fut préfervé. Il ne faut rien entrepren-
dre ce jour-là , les Médecins ne donne-
ront aucun fecours par leurs remèdes
aux malades. Les fonges fe trouveront
vrais trois jours après, & les enfans nés
auront du bonheur.
Ifaac, fils unique du Patriarche Abra
ham, & qui étant prêt d'être facrifié par
fon propre pere,fut délivré de la mort
par
D'ALBERT LE GRAND. 279
par un Ange , qui avertit Abraham que
Dieu étoit fatisfait de fon obéiffance ,
vintau monde le dix-huitième jour de
la Lune. Les maladies feront dangereu-
fes , les fonges véritables , les enfans
feront laborieux & deviendront fort
riches.
Le dix-neuvième jour donna naif-
fance à Pharaon , ce Roi qui prit plaifir
route fa vie à s'oppofer aux ordres de
Dieu , & à faire fouffrir fon peuple , &
qui garda long-tems la femme d'Abra-
ham dans fon Palais ; il s'endurcit telle-
ment le cœur , que continuant fes cri-
mes , il fit une mort femblable à la vie
qu'il avoit menée. Il ne fait pas bon al-
fer en campagne pour cela, ni fréquen-
ter les ivrognes , il faut fe tenir retiré
& dans la folitude ; les maladies ne fe-
ront pas dangereufes , les fonges auront
en peu de tems leurs effets , & les en-
fans qui naîtront, ne ferontni méchans
ni fripons.
Le Prophete Jonas qui fut englouti
dans le ventre d'une Baleine pendant
trois jours par une permiflion Divi-
ne , parce qu'il n'avoit pas accompli
Por-
280 LES SECRETS
fordre de Dieu qui l'envoïoit à Ninive
avertir les habitans de faire pénitence
promptement, vint au inonde le vingt,
ce jour eft bon pour toutes fortes d'en-
trepriſes , les maladies feront longues,
les fonges vraisemblables, & les enfans
feront méchans , trompeurs , larrons ,
& de mauvaiſe vie.'
Le Roi Saul fi fameux dans l'Ecri-
ture Sainte , mais fur-tout par la haine
injufte qu'il avoit contre David, nâquit
le vingt-un ; ce jour eft propre à fe di-
vertir & à fe tenir propre en habit ; il
eft bon pour faire les provifions de mé-
nage ; les voleurs feront peu de tems
après découverts ; les maladies feront
dangereufes & le plus fouvent mortel-
les; les fonges feront inutiles & fans
effets , & les enfans qui naîtront , ai-
meront le travail .
Jacob qui fut beni de fon Pere , vint
aumonde le vingt- deux;ilne faut point
négocier ni rien entreprendre ce jour-
là;lesmalades feront en danger de mou-
rir, les fonges auront leurs effets, & les
enfans feront bons , honnêtes , & au-
ront toutes fortes de bonnes qualités.
Ben-
D'ALBERT LE GRAND. 281
Benjamin , dont le nom eft fi connu
par fon Ethimologie & fa fignification,
prit naiffancele vingt-trois : cejour eft.
bon pour acquerir de l'honneur ; les
maladies feront longues , & non pas
mortelles ; les fonges faux ; les enfans
feront laids & malfaits.
Le vingt-quatrième nâquit Japhet ;
ce jour-là n'eft ni heureux ni malheu
reux, les maladies feront de longue du-
rée , mais fans danger ; les fonges fans
effets , les enfans feront bons , honnê-.
tes , & fe plairont à faire bonne chaire.
Ce fut levingt-cinquiéme que Dieu
voulut punir l'Egypte de fes crimes &
de fa défobéiffance , par la efte, & plu
ficurs autres genres de mort : ce jour-là
les malades courront rifque de mourir;
les enfans qui naîtront en ce four ne
feront pas malheureux ni expofés à des
périls.
Moife après avoir plufieurs fois aver-
ti Pharaon de fes crimes , par l'ordre de
Dieu , divifa la mer, où toute l'armée
de ce Roi fut fubmergée. Sail & Jona-
tas moururent auffi le vingt-fixiéme >
c'eft ce qui fait que ce jour eft malheu
reux
282 LES SECRETS

reux & n'eft pas favorable aux entre-


prifes; les malades mourront,les fonges
feront vrais , & les enfans feront affez
heureux & accommodés des biens de
la fortune.
Le vingt-feptième eft propre pour le
travail & pour les entreprifes ; les ma
ladies feront changeantes , les fonges
douteux, & les enfans bons & aimables.
Le vingt-huitième on pourra entre
prendre ce que l'on voudra ; les mala
des ne doivent pas fe chagriner , leur
mal ne fera pas dangereux,& les enfans
de ce jourferont négligens& pareffeux.
Herodes, ce Roi impie qui ofa même
attenter à la vie de fon Sauveur , & qui
voïant qu'il ne pouvoit le faire mou
rir , pouffa fa rage & fon ambition juf-
qu'à cet excès decruauté de faire mou-
rir tous lesjeunes enfans de fon Roïau-
me, vint au monde le vingt-neuf. Ce
jour eft malheureux pour toutes fortes
d'affaires & entreprifes ; les fonges au-
ront leurs effets ; les malades feront
délivrés de leurs maux , & les enfans
ne vivront guéres & ne feront pas bien
venus dans les compagnies.
Le
D'ALBERT LE GRAND. 283
Le trentièmejour de la Lune eft heu-
reux, & bonpour faire ce que l'on vou-
dra ; les malades feront en danger de
mourrir , s'ils ne font promptement
fecourus, & fervis avec foin ; les fonges
donneront de lajoie peude tems après,
tes enfans qui viendront au monde ne
feront ni fins , ni rufės.
Voilà enpeu de mots ce qui regarde
les jours de la Lune > on fouhaite que
ceux qui liront ce que l'on en a dit s'en
fervent utilement.

********
LE

PRÉPARATIF
DES

FIEVRES MALIGNES.

De la qualitédes Fiévres Malignes.

TLn'ya perfonne qui ne fcache les fu-


Eneftes effets des Fiévres Malignes ; l'af-
Aliction publique dans ces dernieres an-
nées en eft une preuve trop évidente
pour
284 LES SECRETS

pour les ignorer. C'eft auffi ce qui a


obligé le Traducteur des Secrets du
Grand Albert d'y ajoûter ce petit Ma-
nufcrit qu'il a traduit , & qui traite à
fond de ces dangereufes maladies , pour
en éviter les fuites malheureufes, il l'a
trouvé parmi les autres écrits de ce
fçavant Homme dans une ancienne Bi-
bliotheque.
Ces Fièvres font aigues , accompa-
gnées de pourpre & de vers qui font
des fignes aflürés d'une grande corrup-
tion. Un feu brûlant , qui féche la lan-
gue & la charge de fuye avec une foif
infatiable , le poux lent , & le cœur en
continuelle défaillance. Ces maladies
ordinairement font mortelles , & plus
dangereufes en été qu'en hyver , parce
qu'au premier abord de la chaleur , les
humeurs corrompues offenfent par
leur venin toutes les parties nobles.
C'eft auffi pour cela que je me fuis
crû obligé de pourvoir non-feulement
à la confervation des perfonnes qui me
font commifes , mais encore à celles de
mes amis , en leur prefcrivant des mé-
moires en forme de confeil pour les in-
ftruire
D'ALBERT LE GRAND. 285
ftruire des chofes néceffaires & les ti
rer de l'ignorance où ils font des remè
des contre ces fortes d'afflictions.
'
Il y a deux fortes de remèdes , les
Divins & les Naturels. Les Divins.
confiftent dans les prieres & dans la
confiance qu'on doit avoir en Dieu d'ê-
tre guéris de tous maux & délivrés de
tous lesdangers qui peuvent arriveraux
hommes. C'eft pour un femblable fu-
jet que le ProphéteRoïal dans lePfeau-
me XVI , addreffa fa prière à Dieu de
cette manière : Dieu est ma garde & ma
défenfe centre toutesfortes debetes , fa main.
me fervira de bouclier contre les traits de
mes ennemis,jefuisfans crainte , quandj'en
verrois cent mille à mes côtés , Dieu a mis
fes Armées autour de moi , & je ne sçaurois
meperdre ni m'égarerfousfa conduite.
Les Ifraelites par les prières de ce
même Prophéte furent heureufement
délivrés de la Fefte : Dieu accorda la
même grace dans une pareille néceffité
aux prières de Moife & d'Aaron,
Les Paiens , quoiqu'ils ne connuſſent
pas le véritable Dieu , ont auffi eu re-
cours à la prière dans leurs afflictions ;
les
486 LES SECRETS

les Atheniens pendant une grande pefte


érigérent dans plufieurs endroits des
Aurels auDieu inconnu de l'Europe,de
Afie & de l'Afrique , pour le fupplier
d'appaifer fon couroux, ils fe fervoient
de ces paroles Grecques.

Ispitna ina viru


Kao swing
Είναι απολύτρωσις.

Grand Dieu, guériffez-nous , & délivrez-


nous.
Tite Live rapporte que la Pefte étant
dansRome du tems de Camale;lesRomains
auffi- tôt eurent recours aux prières,aux
aumônes , fe réconciliérent enfemble ,
terminérent leurs procès & leurs diffé-
rends , & firent toutes fortes d'autres
bonnes œuvres pour appaifer leurs
Dieux,qu'ils crotoient irrités contr'eux
par ce châtiment , & ces afflictions.
Valere Maxime dit auffi que la conta .
gion étant dans Rome , on y tranſporta
d'Epidaure Image d'Efculape , parce
que les Sibiltes avoient prédit que cette
maladie ne pouvoit ceffer fans cela ;
voilà tout ce quej'ai à dire des remèdes
ci
D'ALBERT LE GRAND. 287

divins & de l'ufage qu'en ont fait non-


feulement les Chrétiens , mais encore
les Païens.
Des Remèdes Naturels.
Es Remèdes Naturels. confiftent en
LE trois efpeces, en internes, externes
& dans le régime de vie , la purgation
& la faignée fe rapportent aux interness
il y a des fimples & des compofés ; les
mples font par exemple la Rue & te
Citron; les compofés comme les pillules
appellées peftilentielles, le Theriaque &
le Mithridate , dont nous parlerons avec
ordre e en cet endroit en faifant voir
leurs vertus & leurs propriétés admira-
bles approuvées par la raison , & l'ex-
périence journaliere. N
Les premiers remèdes internes font
la purgation & la faignée , car le corps
étantrempli d'excrémens & de corrup
tions eft facilement infecté de la pefte,
C'est pour cela que l'on fe fert dela pur-
gation , mais le plus doucement que
T'on peut de peur d'agiter ni émouvoir
les humeurs.nl so pont
Bolusfurgatif.
Puenez de la Caffe nouvelle avj du Réglif
Se
288 LES SECRETS
Se choiſi , médiocrement pilé 3j de la Canelle
quatre grains , faites-en un Bolus avec du
Sucre.
On le donnera le matin trois heures
avant le dîner :ceux qui auront en hor-
reur les médecines uferont de notre Ti
fane purgative , qui provoque le ventre
infenfiblement & fans peine.
Da Tifane purgative
Renez demi once de régliffe avec
Prenez demi
deux peintes d'eau, mettez-la fur le
feu , &retirez-la dès qu'elle commen-
ce àbouillir , enfuite l'aïant fait refroi-
dir pendant vingt- quatre heures ; vous
y tremperez deux dragmes de Sené.
d'Orient , & vous en boirez pendant
deuxjours à vos repas & à toute heure;
ainfi vous en ferez de nouvelles de
deux en deux jours.qi
Le lendemain il faut- tirer un peu de
fang de la Bafilique ou médiane droite ,
feulement pour faire refpirer & éven
ter les humeurs qui croupiffent , fi-non
ceux qui appréhendent d'être faignės ,
feront abftinence,on fera prendre trois
fois la femaine des pillules fuivantes
4 heures après fouper. Pilla
D'ALBERT LE GRAND. 289
Pillules Cordiales.
Prenez de l'Aloës 3iiij , de bonne Mir-
rhe 3 , des Feuilles de Dictame , ou Bol
d'Arménie , des Racines d'Angélique ,
du Safran avec de l'Huile nouvelle d'A
mandes douces, que l'on aurafaitfansfeu,
en en compofera de petites boules , que l'on
envelopera dans de la peau mouillée & min
ce.
La Mirrhe empêche que les humeurs
ne fe corrompent , l'Aloës 'a la même
vertu , toutes deux fortifient l'Eftomac
& les nettoïent ; le Safran rétablit les
humeurs corrompues & donne de la
force au cœur , l'Angélique , le Dictame
& le Bol Oriental que l'on y ajoûte , re-
gardent fpécialement le venin des ma-
ladies contagieufes , fi on fe fert de ces
remèdes ; comme l'on vient de le dire,
ils feront un rampartinvincible contre
cet ennemi de la Nature.
Conferve Cordiale.
Pour ceux qui ne voudront point des Pil
lules , on prendra trois onces de Citron ,
le tout avec l'écorce & la graine,bien rapé,
pilé & mis en pâte , on y ajoûtera autant de
Conferve de Rofes liquides avec deux
N dragmes
290 LES SECRETS

dragmes d'Alkermes , trente feuilles de


Rue , ni vertes ni feches , mais deffechées à
demi. Ainfi on en ufera de deux en de xjours
la groffeur d'une demi Mufcade , le foir en
fe couchant:
Des propriétés & des vertus du Citron
& de la Rue.
Emocrite raconte dans le troifiéme
Dved thence,unechofe fort re-
>
marquable de la vertu du Citron , qu'il
dit avoir apprife d'un de fes Amis alors
Gouverneur de l'Egypte. Ce Gouver-
neur avoit condamné auxAfpics,fuivant
les Loix du Païs , deux Criminels ; ce
fupplice eft ordinaire & commun par-
mi les Egyptiens , fur-tout lorfqu'ils
vouloient faite mourir quelqu'un fans
douleur. Comme on menoit ces pau-
vres Criminels au fupplice,une Fruitié-
re étant fur le paffage , émue de com-
paffion leur donna un Citron , qu'ils
mangérent. Aïant été expofés aux Af
pics & même picqués , le venin ne leur
fit aucun mal, & n'en moururent point,
ce qui étonna & furprit le Juge , mais
comme on lui dit qu'on leur avoit
donné un Citron , il les fit ramener le
lende
D'ALBERT LE GRAND. 291

lendemain , & avant de les expofer , il


en fit manger à un & point à l'autre ?
celui qui en mangea ne reçut aucun
mal , au contraire l'autre mourut fur le
champ. Car le venin des Afpics eft fi
prompt & fi mortel qu'on en meurt en
moins de deux heures.
A l'inftant de la morfure furvient
un pâleur & une fueur froide au vifa-
ge ,puis une envie extrême de dormir,
avec une legere agitation plus accom-
pagnée de plaifir que de douleur , en-
fin une défaillance femblable à celles
qui arrivent aux faignées fans aucune
douleur , & peu de tems après on
meurt.
La Reine Cleopatre choifit ce genre
de mort , & on la trouva avec les deux
fuivantes comme endormie , la joue
foutenue de la main droite , ce qui fai
foit connoître qu'elle étoit morte fort
doucement.
En ce qui regarde la Rue de Pompée
trouvée dans le Cabinet du Roi Mitri-
date, cette compofition écrite de fa pro-
pre main , dont il ufoit tous les ma-
tins à jeun , & par prefervatif faifoit
SUIT N2 qu'il
292 LES SECRETS
qu'il ne craignoit ni le poifon , ni le
venin de qui que ce fût.
DeuxNoixfeches , deux Figues , vingt
feuilles de Rue , un grain de Sel , le tout
pilé & mêlé enfemble.
Autrement.
Un Noïau de Noix feche , cinq feuilles
de Rue , ungrain de Sel' , pilés & réduits
enpâte , que vous mettrez dans une Figue ,
vous la ferez un peu rotirfur la braife , &
enfuite vous la prendrez.
Ce Roi avoit eu la curiofité de faire
l'épreuve du poifon & du venin fur des
Criminels condamnés à mort , pour
trouver les véritables contrepoifons ,
que nous appellons communément An-
tidotes. Tous les Sçavans dans la Méde-
cine ont toujours eftimé ce remède.
Les propriétés de la Rue ne font pas
moins bonnes & excellentes contre plu-
fieurs fortes de poifons , comme l'Aco-
nit , les Potirons venimeux , les piqueu-
res de Serpent , de Scorpion , & les mor-
.fures de Chiens enragés , fi on la prend
par la bouche & qu'on l'applique fur
l'endroit offenfé.
Ariftote dans fon neuvième Livre de
l'Hi
D'ALBERT LE GRAND. 293

l'Hiftoire des Animaux , dit , que lorsque


la Belette veut fe battre avec un ser-
pent , elle mange de la Rue pour fe ga-
rantir de fon venin. LesHeracleotes, Peu-
ple duPont,mangeoient de la Rue avant
de fortir de leurs maifons pour fe garari-
tir du poifon de Clearchus leur Prince
qui en avoit faitempoifonner plufieurs.
Du Mitridate & de la Theriaque.
E Roi Mitridate a donné le nom
L ce remède , il eut foin de ramaffer
tous les fimples qu'il fçavoit être oppo-
fés au venin , & en compofa ce Prépa-
ratifadmirable , non feulement contre
le poifon , mais même contre la Pefte.
La Theriaque en eft fort peu différente ,
& Andromache premier Médecin de Ne-
ron y ajouta feulement la chair de Vi-
pere ; il eft vrai que la Theriaque a un
pouvoir merveilleux fur le venin des
Viperes, mais le Mitridate l'emporte fur
tout le refte , étant plus doux à la Na-
Plus agréable & moins échauffant.
Ce Roi s'en fervoit ordinairement
contre les poilons , auquel il étoit fi
bien accoutumé , que s'étant voulu em-
poiſonner , afin de ne pas tomber en-
N3 tre
194 LES SECRETS

tre les mains de fes ennemis, il n'en pût


venir à bout , & il fut contraint de fe
faire tuer par un de fes Domeftiques.
Cependant l'Empereur Antonin , à la
perfuafion de Demetrius fon Médecin
préferoit la Theriaque au Mitridate;il en
prenoittous les jours, auffi il étoit tou-
jours en parfaite fanté , car ces reme-
des la confervent, purifient le fang,for-
tifient la nature , & la rétabliffent : ils
font de plus merveilleux aux maladies
dangereufes, à la Paralifie,Epilepfie, Apo-
plexie, Hidropifie, aux Goutes , à la Manie,
a la Pierre, à la Lepre, enfin à toutes for-
tes de foibleffes de parties, quoique cet
Empereur ne s'en fervit que contre le
poifon de même que les autres Empe-
reurs depuis Neron.
Il n'eft pas néceffaire d'apporter
d'autres preuves pour marquer com-
bien ces remèdes font bons contre la
Pefte , après celle qu'en a faite Elianus
fameux Médecin d'Italie du tems d'An-
tonin pendant une Pefte qui arriva , tous
les autres remèdes aïant été inutiles. Il
faut pourtant les bien choisir & les
prendre dans un tems propre. On en và
-faire
D'ALBERT LE GR AN D. 295

faire voir ci-après les effets admirables.


Si on en met dans la gueule d'une Vi
pere , il eft für qu'elle en mourra ; de
même fi on en prend dans la bouche &
qu'on crache für un Scorpion,il eft infail-
lible qu'il mourra peu de tems après.
Les Serpens fuient tout ce qui en eft
frotté, & fi on en fouffle fur une Méde
cine, on empêchera qu'elle ne faffe fon
effet. On féra fi l'on veut encore cette
épreuve prenez un Cocq , & lui faites
avaler de bonne Theriaque, faites-le bat-
tre contre des Serpens ou des Viperes , il
eft affuré qu'il ne mourra point de
leurs piqueures , comme d'autres Cocqs
à qui on n'en aura pas fait avaler. Ces
remèdes font femblables au feu qui
confomme le venin & le poifon, & qui
purifie l'air corrompu.
Je les compare au feu à caufe de la
grande vertu qu'ils ont pour nettoïer
le cœur , diffiper les Vapeurs corrom-
pues & venimeufes qui l'environnent ,
mais non à caufe de leur chaleur qui
eft modérée & ne paffe pas le dixième
degré , auquel nous mettons l'Anis &
leFenouil.
N4 C'eft
296 LES SECRETS
C'eft pour cette raifon que plufieurs
anciens Médecins & même des moder-
nes en ont défendu l'ufage, parce qu'ils
les croient plus chauds qu'ils ne font
en effet. Car fi on les compofe avec la
chaleur , elle eft affez temperée par la
grande quantité d'Opium qu'on y met.
Un des plus fçavans Médecins de ce
tems , faifant réflexion fur la propor-
tion de l'Opium qui y entre, qui eft plus
grain par dragme des autres dro-
gamis ces remèdes au premier
degré de chaleur.
C'eft pourquoi les perfonnes tempé-
rées peuvent en ufer en affûrance &
fans crainte , pourvû que ce foit avec
difcrétion & fans excès ; on verra les
fuperfluités qui peuvent corrompre
les effets qu'ils feront; ils confomment
les humeurs, ils refiftent & empêchent
la corruption qui eft la fource des ma-
ladies , calment le fang dans les veines,
donnent des forces , confervent la fan-
té & prolongent la vie.
Il faut bien douze ans & plus pour
rendre la Theriaque dans fa perfection .
Je dis plus parce que le Climat où nous
fommes
D'ALBERT LE GRAN D. 297
fommes qui eft plus froid que celui
'Italie & ' Afrique, où les anciens Mé-
decins y emploïent tout ce tems pour
la rendre parfaite , ainfi on n'en doit
uferqu'après cet efpace de tems ; ce re-
mède peut fe conferver trente années
dans fa vertu & dans fa même force
tellement qu'on ne doit ceffer de s'en
fervir qu'après quarante ans. Galien en
a ufé jufqu'à foixante ans , quand les
maladies n'étoient pas dangereufes.
Il faut bien dans ce Païs froid quin-
ze ans pour achever la confection de
ces divins remèdes , afin que par une
longue ébullition , tout ce qu'il y a de
méchant dans l'Opium fe purific , &
que plufieurs différentes qualités fejoi-
gnent enfemble quoiqu'on ne s'en ap-
perçoive pas , qui produifent des effets
merveilleux.
Il faut donc toujours prendre la The-
riaque de douze à treize ans jufqu'à
quarante , fi on en veut avoir les fe-
cours que l'on a dit ci-devant & dont
l'on parlera dans la fuite; la manière de
s'en fervir eft d'en prendre vingt grains
le matin quatre heures devant dîner ,
N OU
298 LES SECRETS

ou le foir quatre ou cinq heures après


un fouper fobre. C'eft le meilleur de
le prendre après la digeftion que l'ef
tomach eft net & purifié de tout.
On en peut uſer tous les jours à
l'exemple de cet Empereur , non feule-
ment contre le poifon & le venin, mais
contre toutes les indifpofitions de la
nature ; cependant il s'en faut abftenir
pendant les chaleurs de l'Eté, fur tout
ceux qui font fujets à la Bile , ou qui
font dans la fleur de leur âge jufqu'à
25. ans , les prendront avec modera-
tion. Il les faut deffendre tout-à-fait
aux enfans , car ils leur font plus nui-
fibles que propres , non à caufe de leur
chaleur,mais de leur qualité effentielle.
Ces remèdes font fouverains pour
les Vieillards , & ils en doivent ufer
fouvent comme d'un fecours divin
pour leur confervef la fanté.
Les abus que je vois commettre tous
les jours dans l'ufage de ces remèdes ,
m'ont arrêté & fait paffer les limites
queje m'étois prefcrites, car beaucoup
de perfonnes les prennent fans difcré-
tion comme fi toutes les Theriaques
étoient
D'ALBERT LE GRAND. 199
étoient de même & femblables , & fe
fient à ce que leur difent ceux qui les
vendent , ce qui rend ces remèdes mé-
prifables,quoiqu'ilsfoientles meilleurs
& les plus précieux de la Médecine.
Il m'a femblé néceffaire & à propos.
de prouver l'excellence des propriétés
de ces cinq Préfervatifs , fçavoir du Ci-
tron , de la Rue des Pillules Cordiales , du
Mitridate & de la Theriaque , pour s'en
fervir avec affûrance & fans crainte-
fuivant la manière que l'on a prefcrite;
car s'ils ont tant de pouvoir fur les ve-
nins,ils n'en doivent point moins avoir
contre la corruption de l'air , à la-
quelle il eft plus facile de réfifter : on
finit les Chapitres des remèdes inter-
nes , pour fuivre la méthode que l'on
veut obferver , c'eft-à-dire de traiter
& de montrer dans le Chapitre fuivant
quels font les remèdes externes.
Des Remèdes externes.
Près avoir parlé à fond des remè-
A des internes , on traitera dans ces
Chapitres des externes pour fe prépa-
rer pour ces dangereufes maladies qui
s'engendrent ordinairement de la cor-
N6 rup
300 LES SECRETS

ruption de l'air que l'on refpire. C'eft


pour ces raifons que l'on donne ici
les remèdes pour s'en garantir & em-
pêcher que cette infection ne pénétre
jufqu'au cœur.
La Ville d'Atkene fut affligée d'u-
ne grande tefte par un air corrompu
venant du côté d'Ethiopie. Hipocrate
voiant cette corruption d'air, le fit pu-
rifier avec des feux qu'il fit allumer
tout autour de la Ville & dans toutes
les places publiques; ce qui fit ceffer ce
mal dangereux.
On doit faire la même chofe autour
des maifons particulieres & même dans
les chambres , avec des parfums odo-
riferans , comme le Genevre , le Lau-
rier, le Romarin, la Sauge , le Thin , la La-
vande, les Gerofles,la Canelle,la Rue, l'En-
cens , la Mirrhe , le Maftic , & d'autres
femblables. On en parfumera les mai-
fons plufieurs fois le jour autant qu'on
le jugera néceflaire ; il eft même bon
de refpirer l'air de ces parfums ; le Vin-
aigre feul eft excellent pour parfumer,
y jettant fouvent un caillou ardent.
Il feroit bien meilleur de s'éloigner
des
D'ALBERT LE GRAND. 301
des lieux contagieux , mais fi l'on ne
peut pas , lorfque l'on paffera dans des
endroits fufpects , on agitera devant foi
l'air le plus que l'on pourra.
Du régime de Vie.
Our le Régime de vivre , il s'y faut
comporter avec modération , &
fans excès , & fortir de table plûtôt
avec appetit que trop plein. Ainfi cet
axiome plus plein que vuide , n'eft pas
toujours à fuivre , au contraire il faut
n'être ni plein ni vuide , fuivant Hipo
crate , qui dit que la trop grande replé
tion & la trop grande abftinence nui-
fent , fi elles furpaffent la portée de
la Nature d'une perfonne; l'une charge
& accable les forces par l'abondance
des humeurs ; l'autre affoiblit, defféche
& confomme la fubftance des parties
internes & externes. Le corps étant ain-
fi foible , fait moins de réfiftance au
mal , & la corruption qui eft la fource:
de la Pefte , fe forme volontiers de la
trop grande abondance des alimens , fi
on croit Galien qui dit : Plus d'humeurs
plus de corruption , plus dé corruption, plus
de danger. Mais parce que la fanté con-
fifte
302 LES SECRETS

fifte dans la modération qui eft la véri


table regle que l'on doit fuivre , ilfaut
tâcher d'y conformer la manière de
vivre & toutes les actions du corps.
Le fommeil exceffif & l'oifiveté en-
gendrent des fuperfluités à la Nature ,
affoibliffent fa force , troublent les fens
& les efprits,les empêchent de fe mou-
voir ; de même les veilles nuifent à la
digeftion des alimens , & rempliffent
le corps de mille crudités. L'excès eft
contraire à la nature & la ruine, la tem-
pérance au contraire l'entretient , la
fortifie & l'augmente.
Quant à la qualité des viandes , il les
faut choifir de bon fuc , faciles à digé
rer. Les chairs fe corrompent aifément
par l'infection de l'air , ce qui fait qu'il
eft à propos de les tremper dans duvin-
aigre ou du Verjus , oubien de les faler,
de les laver avant de les faire cuire , les
manger rôties ou bouillies avec duVer-
jusde grain ou d'Ozeille , dujus d'Orange,
de Limon ou de Vinaigre.
Pour ce qui regarde les fruits , ils ne
font pas bons ni fains, excepté la Cerife,
le Damas & le Capendu dans fon tems ,
les
D'ALBERT LE GRAND. 303
les Olives fortifient l'eftomac,les Capres
nettoïent le foïe & la rare , les Prunaux
font bons pour les chaleurs du foïe &
des autres parties nobles ; les Figues ,
les Raifins de Damas , les rimandes , pur-
gent les obftructions des veines , puri-
fient le Poulmon & la Poitrine : tous
ces fruits empêchent la corruption , les
humeurs qui en viennent ne fe corrom-
pent ni ne s'échauffent jamais.
La foiféchauffe le fang , ce qui fait
qu'il faut boire avec modération pour
éviter cette inflammation de fang qui
le pourroit difpofer à lafievre, on boira
du vin délicat plutot que du gros qui
foit violent & fumeux , encore on y
mettra de l'eau , fuivant la force & la
portée d'une perfonné.
On fe tiendra toujours gai , & on
évitera toutes les occafions de fe fâ-
cher , on tâchera autant qu'il fera pof
fible , de n'avoir point de trifteffe ni
chagrin , & de fe conferver un efprit
tranquille , car comme dit le Poëte ,
c'eſt le repos qui doit toujours accom-
pagner l'ame & qui conferve & main-
tient la fanté.
304 LES SECRETS

Θιλόφρων ησυκία τῆς ὑγείας


Επεσα εγώδας ἐπερπάτας .
C'est le repos qui conferve lafanté.
De la Saignéé.
Hpocrate
ques , ne, fit premier
au pas ouvrirdes
la Epidemi
veine à
un certain Grifon par ce que dit Galien
qu'il ne s'étoit pas trouvé au commen-
cement de fa maladie , le malade mou-
rut le lendemain ; ce qui fait voir que
chaque chofe a fon tems. Cependant
il faut avouer que la Saignée eft nécef-
faire à une perfonne
es d qui a beaucoup de
ou , in
fang , le fl
u
tion , oppreffion , difficulté
rs deamrefpi-
m
rer , & autres femblables accidens.aOn -
doit pourtant prendre garde à ne tirer
du fang qu'à proportion des forces &
de la portée du naturel , régle générale
& univerfelle dans la Médecine.
L'expérience & la raifon veulent que
l'onfaigne du côté où eft le mal & où
l'on fent le plus de douleur & de pefan-
teur. La veineCephalique eft propre pour
les parties du Col & de la Tête;la Mediane
pour la Poitrine , les Côtes & les Aiffelles;
la Saphine aux Aines & partics inférieu-
res :
D'ALBERT LE GRAND. 305

res : mais quand on ne peut pas faigner ,


on fe fert des ventoufes avec fcarifica-
tion .
Il faut toujours prévenir le mal & le
combattre avant qu'il ait pris racine &
qu'il foit invéteré : on doit commencer
par la portion cordiale , & la réiterer
jufqu'à trois fois en une heure , fi on la
vomit ; qu'on donne en même tems un
lavement , & qu'on faigne prompte-
ment s'il n'y a rien qui empêche : par-
ce qu'après que le Bubon feroit formé ,
elle ne pourroit que nuire. On peut
faire tous ces remèdes en deux heures ,
& ainfi difpofer le Málade à la fueur ,
comme on a dit ci-devant.
Du Buben & du Charbon.
Ouvent les Fievrés peftilentielles
So u
tiennent leur venin caché au- de-
dans , fans qu'il y en ait aucune appa-
rence au-dehors , ce qui fait qu'elles
font plus difficiles à connoître & plus
dangereufes ; d'autres au contraire fe
manifeftent par des marques extérieu-
res , duPourpre , du Bubon & du Charbon,
Il ne faut point d'autres remèdes,
pour le Pourpre que ceux que l'on a dit
ci.
306 LES SECRETS

ci-devant , mais il en faut de particu-


liers pour le Bubon & le Charbon , foit
qu'ils paroiffent devant ou après la fie-
vre.On attirera l'un autant qu'on pour-
ra avec de bons attractifs , & on appai-
fera l'inflammation de l'autre par des
douces applications conformes & pro-
portionnées à la violence de la chaleur
& de la douleur.
Catapláme contre le Bubon.
Prenez des Oignons communs ou Oi-
gnons de Lys cuitsfous la cendre & pilés ,
ajoutez quelques jaunes d'aufs , de la fiente
de Pigeons, du Levain ,faites-en un Ca
taplâme avec l'huile de Lys , quelques-
unsy ajoutent du Mitridate ou de la The-
riaque.
Il y en a qui dans cette occafion ne fe
fervent que de la feule Scabieufe bouil-
lie , pilée , & réduite en forme de Cata-
plame avec de la graiffe de Porc. Laver-
tu finguliére de cette herbe lui a donné
le nom de Chaffe-boffe.
Quelques-uns craignant que le venin
ne retourne au cœur , y appliquent
promptement le Cautere , levant en
même tems l'efcarte , & ainfi donne
cours
D'ALBERT LE GRAND. 307
cours aux humeurs. On pourroit auffi
te fervir de Vefficatoires & des Ventoufes ,
fi le lieu & la douleur le permettoient.
Car fouvent la douleur que l'on fait
fouffrir aux Malades fous prétexte de
foulager leur mal , les fait mourir , la
plupart préferant la mort à ces tour-
mens. De plus'il n'y a rien qui affoi
bliffe plus le cœur que la douleur, dans
lequel confifte toute l'efpérance que
l'on doit avoir de la guérifon d'un Ma-
lade , & ainfi fouvent par imprudence
on tombe dans Scylla , croiant d'éviter
Charibdes. C'eft-à-dire dans un péril évi-
dent , en voulant fe tirer & fe délivrer
d'un mal peu dangereux ; c'eft pour-
quoi avant de rien faire , on doit bien
confidérer les chofes. Si on ne peut ap-
pliquer ces remèdes fur les tumeurs
douloureufes , on les appliquera au-
deffous ou tout proche , fi-non on fo-
mentera fouvent ces tumeurs avec
quelque décoction Anodine. Qutre les
Cataplames ci-deffus , on ordonne en-
.core celui-ci.
Cataplame contre les Charbons.
Prenezdesfeuilles de Mauve, Guintau-
ve ,
308 LES SECRETS
ve , Scabieufe , Violettes , Parietaire ,
desfleurs de Camomille & de Melilot ,
trois poignées de chacune, une once de graine
de lin : vous ajouterez à l'eau de cette décoc-
tion un quart d'huile de Lys avec un peu
de Theriaque , dont vousferez des Cata-
plâmes, que vous appliquerez à toute heu-
re fur le mal. Les Mucilages de coin & de
lin , extraits dans de l'eau de Papietaire y
font auffi fort bons. De plus la Scabieufe &
l'Oxeille , cuitesfous la cendre & enforme
de Cataplâme , avec des jaunes d'aufs &
du beurefrais les renouvellant fortfouvent
font admirables.

Autre Cataplâme.

Prenez troisonces de Farine de Seigle,


une once & demi de Miel commun , deux
jaunesd'œufs , le tout mêlé avec de l'eau de
fontaine. On renouvellera ce Cataplâme
pour le moinsfixfois lejour.
Voilà en peu de mots ce que j'avois
promis de donner au Public touchant
les Fièvres malignes , que l'on ne fçauroit,
traiter avec affez de précaution , & les
effets admirables de l'Antidote. Je fou-
haire
D'ALBERT LE GRAND. 309
haite que mes remèdes foient utiles ,
& que Dieu n'afflige plus les hommes
de cette dangereufe maladie.

Remèdes pour les Poulmoniques.

Prenez les 4. Capillaires , une racine de


Chicorée amere dans 4.pots d'eau réduite
à la moitié , après avoir tirés & exprimés
lefdits Capillaires , vousy mettrez une cuil-
lerée de Miel , un Bâton de Régliffe &
que le Miel bouille un quart d'heure , non
pasla Regliffe , & en donnerez à boire aux
Poulmoniques à toutes heures hors du repas.

Remède contre l'Hydropifie.

Prenez 5. ou 6. onces de Racine de cou


leuvrée , autrement appellé Brioine : ra-
clez-les bien & coupez-les à rouelles,faites-
les infufer depuis le foirjufqu'au matin , fur
les cendres,dans une turquette de Vin blanc ,
coulez cela le matin dans un linge blanc &
donnez à boire au Malade le Vin coulé.
Si le Malade ne guérit pas dès la
premiere prife , il faudra continuer de
lui en donner ; mais il faut qu'il prenne
deux
300 LES SECRETS D'ALB. LE GR.

deux jours derepos d'uneprife à l'autre.


Il faut encore qu'il prenne un bouil-
lon trois heures après avoir bû ce Vin,
ce remède fait vomir , purge un peu ,
& fait beaucoup uriner.
Notez , que cette Recepte étant un
peu violente , il ne s'en faut fervir que
pour les perfonnes un peu robuftes.

FIN.
TABLE

DES MATIERES.

LIVRE PREMIER.
CHAPIRE PREMIE R.

Ela Génération de l'Embrion , & de quelle


DG manière l'Homme eft engendré. Comment lefait
la Conception , & ce que c'est que les Menſtrues
& le Sperme, &c. anne page 1
CHAP. II. De quelle manière feforme le Fœtus l
fluencedesPuiffances Célestesfurle Fœtus , &c. 7
CHAP. III. Des influences des Planetes. De quelle
manière elles agißentfur le corps. D'où vient qu'il
Je formefouventplufieurs Foetus dans laMatrice
comment , &.c. 22
CHAP.IV.Comment s'engendrent les Animaux im-
parfaits. Les effets admirables des Cheveux d'une
Femme.DiverfitédesAnimaux, d'oùellevient, a
CHAP.V.Delafortiedu Foetus. Raifons pourquoi les
femmes accouchent dans le fixième mois , pourquoi
Punefouffreplus que l'autre dans l'accouchement.34
CHAP. VI. D'un Monftre de Nature , com-
ment il fe forme. 43
CHAP.VII. Des fignes de la Conception , & c, st
CHAP. VIII . Des marques pour connoître fi une
Femme eft enceinte d'un Garçon ou d'uneFille . s;
CHAP.IX. La manière de connoître quand uneFille
a perdufa Virginité , &c. 16
CHAP. X. Des fignes de la Chafteté , & le venin
que les vieilles Femmes communiquent aux En-
fans parleurs regards , &c. 57
CHAP. XI . Du défaut de la Matrice , & une Hif
foire que Galien raconte d'une Femme fuffoquée
par la Matrice , Úr. 60
CHAP.
TABLE.
CHAP. XII . Des empêchemens de la Conception ,
d'où ils viennent , & les Secrets pourfairecon
cevoir une Fille ou un Garçon à une Femme. 63
CHAP. XIII . De la nature & de la digeftion du
Sperme. 69
Penfée d'Avicennefurle Sperme.
LIVRE SECOND.
CHAPI
TRE PREMIER.

Ontenant les vertus de quelques Herbes,Pierres ,


CO de cerrains Animaux , avec une Table des Aſ-
tres , Planetes , & un Traité des merveilles du
monde , &c. 73
CHAP.II.Des vertus de certaines Pierres, &c. 90
CHAP.I.Des verius de certams Animaux. JII
De l'Aigle,
Du Calle.
Du Chathuan.
Du Bouc.
Du Chameau .
Du Lièvre.
De l'Expercol.
Du Lion.
Du Veau Marin.
De l'Anguille.
D'une Hupe.
Da Pellican.
Da Corbeau.
Du Milan.
De la Tourterelle.
De la Taupe.
De la Belete.
Du Merle.
Table des Altres & des Planetes. 947 37 126
Traité des Merveilles du Monde. 131
LIVRE
DES MATIERES.
LIVRE TROISIE' ME.
CHAPITRE PREMIER .
Ans lequel on parle des Secrets merveilleux &
D naturels. 169
Traité des vertus & propriétés de plufieursfortes de
Fientes. 158
Des Excrémens de l'Homme. 179
De La Fiente du Chien. 180
Dela Fiente du Loup. 181
De la Fiente du Boeuf dela Vache. ibid.
De la Fiente du Porce 182
De La Fiente de Chevre. 1814
De la Fientede Brebis. 185
De la Fiente des Pigeons-Ramiers é des Pigeons
Domestiques. ibid.
De la Fiente d'Oye & de Canard.is 186
De la Fiente de Poule. 187
De la Fiente de Souris. ibid.
Dela Fiente de petits:Lézardson sinte ihid
Des vertas de l'Urine. $89
De la vertu desTOS.
Des Os de l'Homme. ibid.
De la Salive de l'Homme. 193
Dela vertudesLimaçons. 194
Des Limaçons Rouges. ibid
Des Vers de Terre. 18197
DesPunaites.
Desvieux Souliers. Mibid.
Dela Cendre. 1200
De la Carie , ou de la pourriture du Rois, 201
Les entreden, das Noix & leurs Coquilles. ibid ,
Des Cornes. 302
Des vieilles Tuilles vieux Pots, 204
De la Boue desRucs. 2as
Dela Saumeure, 206
Du
TABLE
Du Nid des Hirondelles. ibid.
-Des propriétés dela Suye. 207
Du Tronç des Choux. 208
Des Araignées & de leurs Toilles. 209
De la Cervelle de certaines Bêtes. ibid.
De la Cervelle de Chat 210
Des Coquilles d'Huitres.. ibid,
Du Poil.. ibid.
Du Verre. 217
ibid.
Dela Coque des eufs.
Secret approuvépourmanier plufieurs Métaux. 212
PourrendredurdesCouteaux,des Fermoirs&c.ibid.
Pour endurcir une Lime , &c. +213
Pour endurcir quelqu'autre matiere. ibid.
Pourrendre l'Acier dur & bien tranchant.. 214.
Pour empêcherdefe fendre quand on veut Rendurcir.
ibid..
Pouramolirle Fer ou Acier ibid
Pour amelir le Criſtal.. 215
Pour amolir le Fer. 215
Pouramolirle Ferou l'Acier , pour le courber ou le
ibid.
faire dreffer à fa fantaisies
Pourfouder toutes chofes mémedu Ferfreid. ibid..
218.
Pourfauderle Fer. ibid.
Poudrepour rendre tour Métail liquide.
PourgraverJurtoutes fortes de Métaux. ibid.
Pourgraver avecl'eau, 219,
220
Un autre plusfort..
Pour doreroufaire de couleur d'Argenttoutes fortes
deMétaux. 221
Peurjaunir l'Etain ou le Cuivre.. ibid.
Pour derer de l'Etain. 222
Pour donnerla couleur de l'Argent.au Cuivre. ibid.
Pour dorer le Fer où l'Acier. 223
Pourfaire une eau à dorer le Fer ou Acier. ibid.
Pour nettoyer le Fer • les Armes & ce que l'on vous
dra 224
L La
DES MATIERES.
LIVRE QUATRIEME
CHAPITRE PREMIER.
Raité de Phifionomie, où l'on connoît le natu-
TRrelles inclinations desPerfonnesparla di
verfitédes parties du Corps, &c. 225
Des Cheveux. 228
Du Front. 230
De la Peau qui couvre les yeux ex les clignant. 23r
Des Sourcils. 2:32
Des Yeux. 233
Du Nez. 236
Des Narincs.. 239
De la Bouches- bid.
Dei Levres. 240
Des Dents. 247
De la Langue. 243
DelHaleine.. 244
Dela Voix. ibid.
Da Ris. 246
Du Menton 2:47
De la Barbe.. 248
Du Vifage. 250
Des Oreilles.. 254
De la Tête. ibid..
De la Bouche. 256
Du Col. i.Bid .
Des Bras. 257
Des Mains. 258
DelEftomac.. 259
Du Dos.
Duventre..
De la Chait
Des Côtés..
TABLE DES MATIERES
Des Cuiffes. 262
Des Hanches. ibid.
DesGenous. ibid.
Des Jambes 263
Des Chevilles des Pieds ibid.
Des Pieds. 264
Des Ongles. ibid.
DesTalons. ibid
De la Plante des Pieds. 265
Du Marcher. ibid.
Dumouvement d'une Perfonne, 266
Des Bolles. 267
Du Corps de l'Homme. ibid.
Remarquefçavane & curieuſe. 268
Conclufion de ce Traité. 269
LesFours heureux & malheureux. 271
Des préparatifs & de la qualité des Fièvres mali
gnes. 283
Des Remèdes naturels. 287
Bolus Purgatif. 288
Tifane Purgative. ibid.
Pillules Cordiales. 289
Conferve Cordiale. ibid.
Des propriétés & des vertus du Citron & de la
Rue. 290
Du Mitridate & de la Theriaque. 292
DesRemèdes Externes. 299
Du Regime de Vie. 300
De la Saigée. 303
Du Bubon & du Charbon. 304
Cataplâme contre les Bubons. ibid.
me
Cataplâ contre le Charbo . n 305
Autre Cataplâme. 306
Remèdefouverain contre les Poulmoniques. ibid.
Remèdecontre l'Hydropifie ibide
Fin de la Table.

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