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Sad Bitiethek
Recensug
SBR 069026795936
a 12.5
. Biothek
Regensburg
CONSIDERATIONS
POLITIQUES
SUR LES
COUPS D'ESTAT.
CElivre
faction n'ayant esté composé
d'un particulier , onquepour lasatis
n'en fit imprio
mer que 12 exemplaires , qui n'ont paru que dans
fort peu de Cabinets où ils ont toujours tenu le pre
mier rang entre les piecescurieuſes ; mais comme le
hazard m'en a donné une copie, j'ay cru que je
n'obligerois pas peu le public en luy donnant un thre.
for qui n'eſtcit poſſedé que de fort peu de perſonnes ;
cela joint au merite de l'auteur à celuy de l'ou
vrage, à qui on faiſoittort de ne les pas fairecon
noiſtre , m'ont obligéà le mettre ſous lapreſſe, do
à inferer à lafin de chaquepage la traduction Fran.
çoiſe des citations Greques, Latines Italiennes
quiſont dans le corps du livre afin de faire connoiſtre
le merite de l'auvre à plus de perſonnes, & donner
au livre la ſeule perfe&tion qui ſembloit y manquer ;
ceux qui le liront admireront ce Traité'w meſçau.
ront bon gré de leur avoir fait part d'une piece fi
rare . Adieu .
E livre n'a pas eſté compoſé pour
CE
plaire à tout le monde, li l'Auteur en
cuft eu le deſſein , il ne l'auroit pas écrit du
ſtile de Montagne & de Charon , dont il
ſçait bien que beaucoup de perſonnes ſe
rebuttent à cauſe du grand nombre des ci
tation's Latines. Mais comme il ne s'eſt
mis à le faire que par obeiffance, ilaené
obligéde coucher fur le papier les mêmes
diſcours , & de rapporter lesmêmes auto
sitez dont il s'eſtoit ſervy en parlant à ſon
Eminence. Aufli n'eſt-ce paspour rendre
cet ouvrage public qu'il a eſté mis ſous la
preſſe; elle n'a roulé queparle comman
dement, &pourla ſatisfaction de ce grand
Prelat, qui n'a ſes lectures agreables que
dans la facilité des livres imprimez : Et
qui pour cette cauſe a voulu faire tirer une
douzaine d'exemplaires de celuy -cy,au lieu
des copies manuſcrites qu'il en faudroit
faire. Je ſçay bien que ce nombreeſt trop
petit pour permettre quece livre ſoit veu
d'autant de perſonnes que le Princede Bal
zac & le Miniſtre de Sillion . Mais comme
les choſes qu'il traitte font beaucoup plus
importantes , il eſt auſſi fort à propos
qu'elles ne ſoient pas ſi communes. Eten
un mot l'Auteur n'a cu autre but que la ſa
tisfaction de ſon Eminence , tant pour
compoſer, quepour publier cet ouvrage.
A L'A4
A L'A U TE U R.
L'unsémervei
neffa llera devous voir enjew
Déja tout poſſeder,ceque l'antiquité,
Se travaillant ſansfin dansſon infinité ,
A peine afeeu tirerdes Treſors de ſageſſe.
3
Un autre admirera l'heroïque hardieſſe,
Dont voulant rétablir icy la liberté,
Vous combatés ſibien contre lafauſſeté,
Même dedans la place où elle eſt la Mai
treffe.
Bref, dans voſtrediſcours chacun admi
rera
A MON
1
A MONSEIGNE VR ,
77
L’E MINENTISSIME
CARDINAL
DE BAGNI,
mon tres -bon & tres-honoré
Maiſtre.
*
Non equidem hoc ſtudeo , bullatis
ut mihi nugis
Pagina turgeſcat dare pondus idonea
fumo :
Secreti loquimur,tibi nunc, hortante
cament ,
Excutienda damusprécordia. (Perſ.
Sat. 5.)
M ONSEIGNEUR ,
Puis que vous ' eſtes mainte
nant à Rome , jouiſſant des hon
A neurs
Je n'ay point eſſayé d'enfler mes ouvrages
de fornettes boufies qui ne font que de la fu .
mée. Je vous parle confidemment , & la muſe
me ſollicite de vousdécouvrir le fond de mon
amic .
2 Conſiderations politiques
neurs qui ſervent de recompen
ſe à vos merites , & vivant dans
le repos que les fonctions pu
bliques heureuſement exercées
en ſept Gouvernemens , une
Vice- legation , & deux Noncia
tures vous y ont acquis : je n'ay
pas cru pouvoir mieux employer
le loiſir duquel voſtre bien- veil
lance & voſtre bonté extraor
dinaire m’y font pareillement
jouir, qu'en vous entretenant des
plus relevées Maximes de la Po
litique , & de ces grandes affai
res d'Eſtat , en la conduite def
quelles V. E. a tellement fait re
marquer ſa prudence, que les plus
grands Genies qui gouvernent
preſentement toute l'Europe, en
ſont demeurez remplis d'éton
nement , & n'ont jamais mieux
reüſli aux deliberations & entre
priſes les plus difficiles , que lors
qu'ils les ont maniées ſuivant
les bons & genereux avis qu'il
vous
ſur les coups d'Eſtat. 3
vous a pleu de leur en donner ,
Aded
* Nil deſperandum Teucro duce do
aufpice Teucro ! ( Horat. I. 1 .
carm . Ode 7.)
* Auſli ne faut-il point deſeſperer , puiſ
que Teucer marche à la teſte , il ne faut
rien craindre auffi ſous le bonheur de la con
duite.
CHAPITRE I.
Obje &tions que l'onpeut faire contre
ce diſcours avec les Réponſes
neceſſaires.
wem for
ces deux raiſons affez probables &
tje rida legitimes. La premiere eſt, que
ces maximes eſtant ainſi declarées
lentiam
is enim & éventées, les ſujets peuvent plus
babest
facilement reconnoiſtre quand les
deportemens de leurs Princes ten
ilare le dent à établir une Domination
Feddere
ellere Tyrannique; & confequemment
defi y donner ordre : toutde même
inon que les mariniers ſe peuvent plus
facilement retirer à l'abry , lors
هر. qu'ils ont preveu l'orage & la
jen tempeſte, par les ſignes que les
7t, routiers & pilotages leur en four
niſſent. La ſeconde , parce qu'un
Es Tyran qui veut ſans confeil & a
ľ
vis eſtablir ſa domination ,
s * Cuncta ferit, dum cuncta timet
graſſatur in omnes
Viſepoſle putent. (Claudian.)
& reſſemble quelquefois au loup,
lequel eſtant entré dans la berge
rie,
Frape tout & n'épargne perſonne , &
quand il craintle plus , c'clt pour lors qu'il at
taque tout le monde , afin qu'on croit qu'il eſt
bien puiſant.
24 Confiderations politiques
rie , & pouvant fe raſſaſier & ap
paiſer fa faim ſur une ſeule brebis ,
ne laiſſe pourtant d'égorger tou
tes les autres ; où au contraire s'il
y procede avec jugement, & ſui
vant lespreceptes de ceux qui ſont
plus aviſez & moins paſſionnez
que luy , il ſe contentera peut-eſtre
d'abatre comme Tarquin les teftes
des pavots plus élevez, ou com
me Thrafibule & Periandre les
eſprits qui paroiſſent par deſſus
les autres ; & ainſi le mal qui ne ſe
peut éviter ſe rendra beaucoup
plus doux & ſupportable.
D'ailleurs ilne faut pas crain
dre que le narré de tous ces tragi
ques accidens puiſſe offenfer les
oreilles de V. E. ou troubler tant
foit peu la douceur & facilité de
voſtre nature. L'entiere connoif.
fance que vous vous eſtes acquiſe
des affaires Politiques, la longue
pratique & experience que vous
avez de la Cour des plus grands
Mo
ſur les coups d'Eſtat. 25
2 ap Monarques, où ces Machiavel
ebis, liſmes ſont aſſez frequens , ne
tou permettent pas que l'on vous pren
e s'il ne pourapprenty à les connoiſtre.
e ſuis Et puis , encore que la juſtice, & la
ſont clemence ſoient deux vertus bien
nnez fortables à un grand homme ; il
eſtre n'eſt pas toutefois à propos qu'il
eftes ait pareille inclination à la miſeri
com corde: Seneque en donne cette
e les raiſon , en fon traitté de la Cle
ellus mence , (lib. 2.c.5 .) . * Quemadmo
ne ſe dum , dit-il , Religio deos colit , Super
coup Stitio violat , clementiam manſuetudi
nemque omnes boni praftabunt , miferi
ain cordiam autem vitabunt ; eft enim vi
ragi tium pufillianimi ad fpeciem alienorum
r les malorum ſubfidentis. Or ce ſeroit un
tant crime de penſer qu'il y eût rien en
cé de V. E. de vil , rempant & abject ,
70il B dau
uiſe * Ainſy comme la religion revere les Dieux,
& que la ſuperftition les offenſe , tous les gens
gue de bien embrafferont la clemence & la dou .
vous ceur ; mais ils éviteront la compaſſion. Car
c'eſt une marque d'un cæur bas , & d'un eſprit
ands foible , de ſe laiſſer toucher aux maux que l'on
voit fouffrir aux autres.
Mo
26 Conſiderations politiques
dautant que s'il eſt vray , comme
dit le même , que : nihilæquehomi
nem quàm magnus animus decet; avec
combien plus de raiſon , cet eſprit
fort ſe doit-il rencontrer en V.E.
pour accompagner dignement , &
rehauſſer cette grande dignité
qu'elle fouſtient, non ſeulement
de Prince de l'Egliſe , mais enco
re de principal conſeiller de la Sain
teté , & quaſi de tous les plus puiſ
fans Princes d'Europe ; 2 Magnam
enim fortunam magnus animus decet ,
qui nii ſe ad illam extulit, o altior
ftetit; illam quoque infra terram dedu
cit ; au moins fait-il qu'elle en eſt
adminiſtrée avec beaucoup moins
d'autorité & de reputation. Ainſi
voyonsnous dans les hiſtoires que
le Roy Epiphanes , pour avoir mé
priſé la dignité , & ne s'eſtre pas
gou
i Qu'il n'y a rien qui ſoit ſi bienfeant à un
homme qu'un grand courage: 2 Car four
ménager une grande fortune il faut un grand
eſprit,& tel que s'il ne s’ett élevé juſques à elle
& ne s'eſt placé au deſſus , il la renverſe & la
inet plus bas que la terre .
ES ſur les coups d'Eſtat. 27
comme gouverné en Roy , fut ſurnom
ale homi mél’Inſenſé: & queRamire d'Ar
et ; avec ragon , qui n'avoit quitté toutes
et eſprit les façons defaire des Moines, en
n V.E ſortant du Convent pour prendre
ent , & la Couronne , fut grandement
dignité mocqué & mépriſé de tous ſes
lement Courtiſans. Noſtre temps même
s enco nous fournit les exemples d'un
fa Sain Roy de la grande Bretagne, le
luspuil quel * è ſtato ſchernito do beffeggia
to per haver voluto comporre libri do
is decet, fare del letterato; ( Taſſoni lib. 7.
altior cap. 4. ) & de Henry III , tant
in dedu . chanté & remarqué dans nos Hi
en eſt ſtoires modernes , lequel pour a
moins voir veſcu parmy les Moines, &
. Aina dans un excés de devotion mal re
Tres que gléc , abandonnant ſon Sceptre &
le Gouvernement de ſon Eſtat ,
voir mé
ſtre pas donna ſujet au Pape Sixte V , de
gou . dire : Ce bon Roy fait tout ce qu'il
pleant à un peutpour eftre Moine, & moy j'ay fait
Car pour B 2 tout
un grand
ques a elle A cſté mépriſé &moqué pour avoir evou
lu compoſer des livres , & faire l'homm do
zverfe & lettres.
28 Conſiderationspolitiques
tout ce que j'ay pû pour ne leftre point.
Et pour ce un des meilleurs a
vis que donnajamais Monſieur de
Villeroy à Henry le Grand , qui
avoit veſcu en foldat & carrabin
pendant les guerres qui ſe firent
à fon advenement à la Couronne,
fut, lors qu'il luy dit , qu’un Prin
ce qui n'eſtoit pas jaloux des reſpects de
Sa Majeſté, en permettoit l'offenſe &
le mépris. Que les Roys ſes predeces
ſeurs dans les plus grandes confuſions
avoient toujours fait les Roys : qu'il
eſtoit temps qu'il parlaft, écrivili &
commandaſt en Roy. Mais à quoy
bon chercher des exemples chez
les Princes étrangers , puis que
l'hiſtoire de ceux qui ont gouver
né la Ville où ſe treuve à pre
ſent V. E. nous repreſente deux
Souverains Pontifes , qui pourn'a
voir accompagné cette grandeur
de leur dignité ſupreme aveccel
le de l'eſprit, ſervent encore de
fables & de ſujet de médiſance , &
de
ſur les coups d'Eſtat. 29
de riſée à la poſterité: la grande
pieté & religion qu'ils portoient
empreinte ſur leur face n'ayant pas
eu le pouvoir d'empeſcher, que
Maſſon ne dit du premier , qui
fut Celeſtin cinquiéme , ' Vir fuit
fimplex , nec eruditus, & quihumana
negotia ne capere quidem poſſet. ( in
Epiſcop. Rom .) Et Paul Jove du
ſecond , en parlant d'une certaine
ſorte de poiſſon , qui eſtoit beau
coup encherie pendant ſon Pon
1 tificat: 2 Merluceo plebeio admodum
piſci, Hadrianus fextus ficuti in Repu
Vlica adminiftranda hebetis ingenii , vel
E depravati judicii , ita in eſculentis in
2 ſulfilmi guftus, fupra mediocre pre
tium ridente toto foroPiſcatorio jamfe
B 3 cerat .
1 Ce fut un homme ſimple, ſans erudition ,
3
& qui ne pouvoit pas même comprendre les
affaires humaines. 2 Adrien lixiême qui
avoit le gouft infipide pour toutes ſortes de
viandes auſſi bien que l'eſprit hebeté, & le ju
gement depravé pour l'adminiſtration de la
Republique , avoit déja inis un prix excellif
au Merlus , qui eſt un poiſon aſſés coinmun ,
ce qui attira la riſée de tout le marché aux
poillons.
30 Conſiderations politiques
cerat. (Libr. de piſcib. Rom.) En
quoy neanmoins il s'eſt monſtré
beaucoup plus retenu & moderé ,
que Pierre Martyr, non l'Hereti
que de Florence, mais le Proto
notaire Apoſtolique natif d'une
petitebourgade du Duché de Mi
lan , lequel avoit dit en parlant
de l'élection de ce même Pape :
* Cardinalibus hoc loco accidit quod
in fabulis de Pardo ac Leone ſuper Agno
raptando fcribitur; fortibus illis ftrenuè
ſe dilacerantibus , quodcumque quadril
pes iners aliud preda ſe dominum fecit.
De maniere qu'il faut éviter les
grandes charges, ou les adminiſtrer
avec une force & generoſité d'c
ſprit ſi relevée par deſſus le com
mun ,qu'elle ſoit capable de donner
en
coit
1 Car on ne peut acheter l'eſprit , ni l'ac
Les
querir par aucune autre voie. 2 En verité
ui
l'homme ſage ſe fabrique la fortune lui-mê.
me.
Staati. Bibliothek
Ren
32 Conſiderations politiques
lonté de fonder deux puiſſans
Empires , ils l'executent ; Maho
met ſe veut-il faire de Marchand
Prophete , & de Prophete Souve
rain d'une troiſéme partie du
Monde , il luy reüllit : Et quel
penſez -vous, MONSEIGNEUR ,
avoir eſté le principal reſſort qui a
cauſé tous ces merveilleux effets ,
nul autre en verité , ſinon celuy
que Juvenalnous enſeigne de tou
jours mettre & placer entre les pre
miers de nos ſouhaits avec ſon * for
tem poſſe animum . ( Satyr.10.) Or de
vouloir maintenantſpecifier quel
les ſont les parties qui baſtiſſent, &
compoſentce fort eſprit, ce ſeroit
vouloir enchaffer un diſcours dans
un autre , & faire commeMontai-.
gne , qui fuit pluſtoft les caprices
de fa phantaiſie,que les titresdeſes
Eſais. Il ſuffit pour le preſent de
dire , que l'une des premieres &
plus
* Demandés un fort eſprit qui ſoit gueri
des craintes de la mort.
fur les coups d'eſtar.
3 plus neceſſaires pieces, eſt de penſer
fouvent à ce dire de Seneque : ' 0
quam contempta res eft homo, nifi ſupra
humana ſeerexerit : (In proæm . nat.
u quæſt.)C'eſt à dire, s'il n'enviſage
1 d'un æil ferme & aſſeuré , & quaſi
comme eſtant ſur le dongeon de
quelque haute tour , toutceMon ..
de,ſe le preſentant comme un thea
tre aſſez malordonné,& remply de
beaucoup de confuſion, où les uns
jouënt des comedies , les autres des
tragedies, & où il luy cſt permis
d'intervenir 2 tanquam Deus aliquis ex
machina , toutes fois & quantes qu'il
en aura la volonté , ou que les di
it verſes occaſions luy pourront per
fuader de ce faire. Queſi par avan
ture , MONSEIGNEUR , il vous
es ſemble extraordinaire , & hors de
ſaiſon de mon âge , & peut -eſtre
le aulli de la bien - ſeance de ma con
BS dition ,
LIS i O que l'homme eſt une choſe mépriſable,
s'il ne s'éleve au deſſus des choſes humai
nes.
2 Comme quelque divinité qui ſore
d'une machine.
34 Confiderations politiques
dition ; que je me faffe fi reſolu en
ces matieres fort chatouilleuſes &
delicates d'elles-mêmes , & beau
coup plus encore en la bouche
d'un jeunehomme , lequel eſt ap
pellé par Horace , (deArte Poët.)
i Vtilium tardus proviſor , & n'a pas
accouſtumé de s'adonner à des
eſtudes fi ſerieuſes & importantes,
2 Qil& que decent longa decoctam
atate ſenectam .
Je puis premierement répondre à
V. E. que l'âge auquel je me treu
ve , n'eſt aucunement diſpropor
tionné à la matiere & au ſujet que
je traitte. Le Poëte qui a le pre
mier proferé ces deux beaux vers,
3 Optima quæque dies miſeris mor
talibus avi
Primafugit,fubeunt morbi triſtiſque
ſenectus. (Virgil. 3. Georg.)
paſſe
? Negligent aux choſes qui lui ſont utiles.
2 Et qui convienent à la vieilleſſe confumée
dansl'âge . 3 Le meilleur de nos jours palle
& fuit le premier: les maux marshent enſuits
& la triſte veillelle .
litiques ſur les coupsd'Eſtat. 35
fi refolu en paſſeroit à un beſoin pour garend
oüilleuſes & & caution de mon dire , puis qu'il
25 , & beau. luy donne une ſi belle epithete;ſur
la bouche lequel Seneque voulant gloſſer à
equel eſtap ſa mode , * Quare optima ? dit-il,
e Arte Poët.) quia juvenespoffumus facilem animum,
1 , & n'a pas & adhuc tractabilem ad meliora con
onner à des vertere; quia hoc tempus idoneum eft
mportantes, laboribus , idoneum egitandis per ſtudia
dit decoctam ingeniis. ( Epiſt. 108.) Et ſi beau
coup de perſonnes ont executé
t répondre à pluſieurs belles entrepriſes, aupar
eljeme treu avant la fleur de leur âge ; pour
at diſpropor quoy me ſera -t- il defendu de les
< au ſujet que ſuivre deloin , & de produire ſi
qui a le pre non des actions genereuſes & re
beaux vers, levées, au moins quelques fortes
Es miferis mer & hardies conceptions ? Veu prin
cipalement que je me fuis tou
morbi triſtique jours efforcé d'acquerir certaines
B 6 diſpo
3. Georg .)le
pal Pourquoy le meilleur ? pource que nous
pouvons beaucoup apprendre en noltre jeu
i lui font utilcese. nelle , & faire tourner noftre ame encore fa
illeffe confum cile & traitable du cofié de la vertu ; parce
e nocshejnoturs puailsse que ce temps- là eſt le plus propre à ſupporter
mar enl la peine , à exercer l'eſprit dans l'eſtude & le
corps dans le travail.
tions olitiques
36 Conſidera p
diſpoſitions d'eſprit, qui ne m'y
doivent pas eſtre maintenant inu
tiles. Car il eſt vray que j'ay cul
tivé les Muſes ſans les trop careſ
ſer; & me ſuis aſſez plû aux eſtu
des ſans trop m'y engager : jay
paſſépar la Philoſophie Scholaſti
que ſans devenir Eriſtique ,& par
celle des plus vieux & modernes
fans me partialiſer,
* Nullius addictus jurare in verba
magiſtri.
Seneque m'a plus fervi qu'Ariſto
te ; Plutarque que Platon : Juve
nal & Horace qu'Homere & Vir
gile : Montaigne & Charon que
tous les precedens. Je n'ay paseu
la pratique du Monde , pour dé
couvrir par effet les ruſes & mé
chancetez qui s'y commettent ,
mais j'en ay toutefois veu une
grande partie dans les Hiſtoires,
Satyres & Tragedies. Le Pedan
tifme
* Ne m'eſtant point.obligé par ferment, de
faivre l'opinion d'aucun maiftre.
ſur les coups d'Eſtar. 37
tiſme a bien pû gagner quelque
choſe pendant fept ou huit ans
que j'ay demeuré dans les Col
leges, ſur mon corps & façons
de faire exterieures, mais je me
puis vanter aſſeurément qu'il n'a
rien empieté ſur mon eſprit. La
Nature , Dieu mercy , ne luy a pas
eſté maraître , elle luy a donné
une bonnebafe& fondement, la
lecture de divers Auteurs l'a
beaucoup aidé , mais celle du Li
vre de S. Anthoine luy a four
ny ce qu'il a de meilleur. En
ſuite dequoy je ne croy pas
que V. E. puiſſe treuver mau
vais qu'eſtant tout plein de ze
le & de bonne affection à fon
ſervice , j'employe ces penſées
qui me font particulieres , pour
honneſtement le divertir : fans
avoir deſſein de rencontrer quel
que Agamemnon , lequel me diſe
comme à ce jeune homme de Pe
trone qui venoit faire une longue
B 7 de
38 Confiderations politiques
declamation , * Adoleſcens, quoniam
ſermonem habes non publiciſaporis , &
quod rariſſimum eft amas bonam men
tein non fruudabere arte ſecreta :
( Init. Satyr.) Et je n'eſtime pas
auſſi de manquer d'occaſion pour
faire valoir mon petit talent dans la
vie contemplative , à laquelle j'ay
voüé & deſtiné tout le reſte de
la mienne , fans me vouloir em
peſcher & empeſtrer dans l'acti
ve , ſinon autant que le ſervice de
V.E. à laquelle j'ay fait le pre
mier veu d'obeïr , m'y pourroit
engager .
Refte doncques maintenant à
voir , ſi je n'outrepaſſe point les
bornes de ma capacité , en vou
lant traitter de ces choſes autant
éloignées ſemble - t- il de ma con
noiſſance , que le jour l'eſt de la
nuit ;
Jeune homme , parce que vos diſcours
ont an agrément particulier , & que vous avez
de la pattion pour les bons efprits, ce qui eſt
tres- rare, vous ne manquerés pas d'avoirde ca
tens particuliers.
ſur les coups d'Eſtat. 39
nuit ; qui eſt la derniere difficul
té que je me ſuis propoſé cy-del
ſus de refoudre . Et à cela je pour
rois répondre brievement , que
Es
la difficulté feroit bientoft vuidée,
ar fi l'on en vouloit paſſer par cet
11 arreſt de Seneque , i Paucis ad bu
Y nam inentem opus eſt literis. Mais
pour en ſpecifier quelque choſe
davantage , j'avoue ingenûment
que je n'ay point tant de preſom
ption , & de bonne opinion de
moy-même que de penſergagner
le prix en cette courſe , oùjeſuis
encore tout nouveau . Neanmoins
puis que ſuivant le dire du Poëte,
(Horat.
2
I.Ep. 1.)
Eft aliquid prodire tenus,fi non da
tur ulira;
je feray quelque petit effort, &
marcheray juſques à ce queje fois
las ou hors du droit chemin , alors
je me repoſeray , & attandray
quel
* Un bon eſprit n'a pas beſoin de beaucoup
de lettres . 2. C'eſt toujours faire quelque
progrés , li on nepeut pas paffer outre .
40 Confiderations politiques
quelque nouvelle connoiffance (
tion .
Les eſclaves, ou gens de baſſe condi
ſur les coups d'Eſtat. 45
. trecoupé de ces grands Fangears
E & Marais relentis,où il y a ſi long
T temps que
Veterem in limo Rana cecinereque
relam .
Or entre tous les points de la Po
litique, je ne voy pas qu'il y en
ait un moins agité & moins re
batu , ny pareillementplus digne
de l'eſtre que celuy des ſecrets ,
ou pour mieux dire des Coups
d'Eſtat, car ce qu'en a dit Clapma
rius en ſon traitté 2 de Areanis Im
periorum , ne peut fournir une ex
1
ception valable , puis que n'ayant
pas ſeulement conceu ce que fi
gnifioit le titre de ſon livre , il n'y
a parlé que de ce que les autres
Ecrivains avoient déja dit & repeté
mille fois auparavant , touchantles
regles generales de l'adminiſtra
tion des Eſtats & Empires.Et dau
tant que cette matiere eft fi nou
velle ,
1 Les grenouilles ont chanté leurs vieilles
plaintes dans la bouë. 2 Des ſecrets des Em.
pires.
46 Confiderations politiques
velle,& relevée par deſſus les com
muns ſentimens des Politiques ,
qu'elle n'a preſque encore eſté
effleurée par aucun d'eux , comme
l'a remarqué Bodin au ſixiéme de
fa Methode en ces mots : * Mul
ti multa graviter & copiosè deferendis
moribus , de ſanandispopulis, de Prin
cipe inſtituendo, de legibus ftabiliendis,
leviter tamen de ftatu , nihil de conver
fionibus Imperiorum , & iis qua Ari
toteles Principum σοφίσματα , eu
agu Doos, Tacitus Imperii Arcana vo
cat , ne attigerunt quidem : Je mar
cheray toujours la bride en main,
& apporteray toute la precaution,
modeſtie, & retenue poſſible,pour
aſſaiſonner & temperer ces dif
cours , deſquels on peut encore
mieux
is de l'Empire.
4S Confiderations politiques
des ruades, alloit l'amble , le trot,
le galot , à courbette , & taſchoit
par toutesſortes de moyens à bien
contrefaire le Cheval. Agrippa
même avouë , que lors qu'il vou
lut compoſer ſa declamation con
tre les ſciences, il s'imagina d'eſtre
comme un Chien qui abayoit à
toutes ſortes de perſonnes; & lors
qu'il voulut écrire de la Pyro
technie , ou des feux d'artifice , il
fe perſuadoit d'eſtre changé en un
Dragon , qui ſouffloit le feu , &
le ſouphre par la gueule , les yeux,
les oreilles & les narines. Pour
moy lors que je traitteray ou écri
ray de quelque ſujet abſolument
bon & profitable , je ſeray bien
aiſe de me ſervir de ces imagina
tions ; mais en cette matiere qui
eſt fi panchante vers l'injuſtice,
je ne m'imagineray jamais d'eſtre
quelque Neron , ou Buſiris, pour
mieux treuver les moyens de per
dre & d'exterminer le genre hu
main .
ſur les coups d'Eſtat. 49
politiques main. Ce me ſera aſſez de ne pas
mble , le trot,
te , & taſchoit encourir le blaſme & la cenſure ,
moyens à bien que Neron donnoit aux Politi
eval. Agrippa ques & Conſeillers de ſon temps,
lors qu'il vou * quod tanquam in Platonis Republica,
clamation con non tanquam in Romuli face ſenten
imagina d'eſtre tiam dicerent. Et ſi je ſçavois que
qui asbayoit à le peu que j'en diray puſt cauſer
Conne ; & lors quelque abus & defordre plus
de la Pyro grand que celuy qui eſt aujour
u d'artifice,il
x d'huy en pratique entre les Prin
c changé en un ces, je jetterois tout maintenant
Hoit le feu , & la plume & le papier dans le feu, &
fcrois væu d'eternelſilence , pour
eulein,esles yeux,
nar . Pour ne me point acquerir la louange
y d'un homme fin & ruſé dans les
ittera ouméecnrti
et abſolu ſpeculations Politiques , en per
dant celle d'homme de bien , de
je feray bien
e ces iiemraegin
a laquelle ſeule je veux faire capi
em a t qiu tal , & me vanter tout le reſte de
ſ t i c e ma vie.
u
rs al'iisnj ltre,
jam d'e
С CHAO
Buſiris , pour Qu'ils donnoient leur avis ou opinoient
oyens de per. comme s'ils eſtoient dans la Republique de
cgenre hu Platon , & non parniy la populace abjecte de
baffe de Romulus.
main .
50 Conſiderationspolitiques
CHAPITRE II .
tre
it
SZ Conſiderations politiques
que jouent les femmes à leursma
ris a
1 Dum avida affectant implere vora
ginis antrum .
A propos de quoy il me ſouvient
d'en avoir leu un dans les contes
facetieux de Bouchet,ou de Chau
diere, qui paſſera maintenant pour
ſerieux , comme eſtant beaucoup
plus propre à corriger ces hu
meurs gaillardes , que celuy dela
Mule qui fut huit jours fans boi.
re , dont parle Cardan en ſon li
vre 2 deſapientia. Certain Mede
cin , diſent-ils, ayant eu avis que
la femme pour quelquefois ſe der
ennuyer
3 Intrabat calidum veteri Centone
lupanar , (Juvenal. )
& qu'elle avoitmême pris heure
au lendemain pour luy jouer à
faufle
I Quand elles veulent remplir le trou de
keur goufre inſatiable. 2 De la ſageſle. 3 Elle
entroit dans le lieu infame qui fumoit de l'ar
deur des impudiques débauches ſur les vieux
tapis de diverſes couleurs .
ſur les coups d'Eſtur. 83
politiques
des à leurs ma fauſſe compagnie , il nes'en émeut
point , & n'en fit aucun ſemblant;
mais ſur la minuit , & lors que la
int implere 1074 femme ne ſongeoit à rien moins,
il me ſouvient il ſe réveille en furſaut feignant
dans les contes
que les voleurs eſtoient dedans fa
et ,ou de Chau . chambre , met la main à ſes armes ,
aintenant pour tire deux ou trois coups de piſto
ſtant beaucoup let , crie au meurtre, à l'aide , frap
rriger ces hu pe de ſon épée ſur les tables &
chenets , bref il fait tout ce qu'il
que celuy de la
jours fans bo peut pour mettre la terreur &
dan en fon li l'épouvante en la maiſon ; le ma
Certain Mede tin tout eſtant appaiſé il ne man
at eu avis que que de taſter le poux à ſa femme,
quefois ſe def lequel il feint de trouver grande
ment alteré & oppreffé à cauſe de
veteri Centone la peur qu'elle avoit euë , & pour
ce il luy fait tirer dix ou douze
menealp. r)is heure onces de fang , & cette evacuation
ayant amené une petite émotion,
- luy jouer làe
faul il commence de s'épouvanter
comme ſi c'euſt eſté quelque
remplir le trou de groſſe fievre, fait redoubler ſepe
ela lāgeflè. 3 Elle
t
qui fumoi de l'asr ouhuitbonnes ſaignées, par aprés
ches fur les vieu D 6 vient
54 Conſiderationspolitiques
vient à la raſer , ventouſer , & pur
ger magiſtralement; ce qu'il reï
tera ſi ſouvent, qu'il la fit demcu
rer plus de ſix mois au liet , fans
avoir eſté malade , pendant lequel
temps il eut tout loiſir de rompre
ſes pratiques & connoiſſances ,de
luy diminuer ſon enbonpoint
vermeil & attrayant, & ſur tout
de tellement refroidir , matter , &
adoucir la ferveur, & les humeurs
picquantes & acrimonieuſes de
fon temperament, qu'il aſſoupit
en elle ce feu plus inextingui
ble que celuy de la pierre A
sbeſtos ,
* Qui nullamoritur,nullaque extin
guitur arte. ( Trigault.)
Mais le ſecret que pratiquerent .
les peuples delaChine , pour rc
medier au même deſordre qui
s'eſtoit gliſſé dans leurs familles ,
fut beaucoup plus gentil & in
duſtrieux.
Qu'on ne peut éteindre ny faire mouri
par aucun arcifice,
ſur les coups d'Eſtat. 85
plitiques duſtrieux. Car ils ordonnerent &
ufer , & pur
ce qu'il reï établirent pour une des premie
la fit demcu
res Loix du Royaume , que toute
au lict , fans la bonne grace des femmes, ne dé
endant lequel pendroit doreſnavant que de la
iſir dencreosmpre petiteſſe de leurs pieds; & que
noiſſa , de celles-là ſeroient jugées les plus
7 enbonpoint belles , qui les auroient plus pe
ot , & ſur tout tits & mignons : ce qui ne fut pas
plûtoſt publié, que toutes les Me
dir , matter , r&s res ſansregarder à la conſequen
& les humeu
imonieuſes de ce , commencerent de reſſerrer,
eſtreſſir, & fi bien envelopper les
qu'il aſſoupit
i pieds de leurs filles qu'elles ne
15 inextingu pouvoient plus fortir de la maiſon
la pierre A. ny ſe ſouſtenir droites , que ſur les
bras de deux ou trois ſervantes.
„nullaque extin . Ainſi cette figure artificielle ayant
gaautlitq.)uerent paſſé en conformation naturel
pr le , auſſi -bien que celle des Ma
hine , proeur re crocephales dont parle Hippo
deſord qsui crates , les Chinois ont inſenſi
eurs famille , blement arreſté & fixé le Mer
gentil & eiunx cure que leurs femmes avoient
duſtri .
dans les pieds , les faiſant reſſem
bler
tre ny faire Ajout D7
86 Conſiderations politiques
bler à la Tortuë nommée par les
Poëtes ,
* Tardigrada, & domiporta ,
Subpedibus Veneris Cous quain finxit
Apelles.
Ils ont empeſché par ce moyen ,
qu'elles n'allaſſant plus à la pro
menade des bons hommes , & à
leurs paſſe - temps accouſtumez :
De même que les Dames Veni
tiennes font forcées de garder la
maiſon plus ſouvent qu'elles ne
voudroient , par l'uſage & les in
commoditez nompareilles deleurs
grands patins. Mais l'hiſtoire rap
portée par Mocquet eſt bien plus
étrange , & fent beaucoup mieux
fon Coup d'Eſtat; car il dit avoir
appris , & veu mêmement prati
quer entre les Caribes , peuples
barbares & farouches , qu'arri
vant la mort du mary pour quel
que
Marchant lentement & portant ſa mai
fon , laquelle Apelles natif de l'illede Coos a
peinte & placée ſous lespieds de Venus,
5
politiques fur les coups d'Eſtat. 87
que cauſe que ce ſoit, la femme
mmée par les
eſt contrainte ſous peine de de
meurer infame, abandonnée , &
domiporta,
Cous quam finxit mocquée de tous ſes amis & pa
rents , de ſe faire auſſi mourir , &
par ce moyen, d'allumer un grand feu au milieu
plus à la pro duquel elle ſe precipite avec au
2ommueſst,ume&&z à tant de pompe & deréjouiſſance,
o
acc : comme ſi elle eſtoit au jour de ſes
Dames Veni nopces ; de quoy ledit Mocquet
s de garder la s'étonnant fort , & en deman
nt qu'elles ne dant la cauſe , on luy répondit
ulage &les in que cela avoit eſté fagement éta
reilles deleurs bly , pour remedier à la grande
malice & lubricité des femmes de
l'hiſtoire rap
eſt bien plus ce païs , qui avoient accouſtumé
coup mieux devant lapubl ication de cette loy,
er il dit avoir d'empoiſo nner leurs maris , lors
ement prati qu'elles en eſtoient laſſes ou qu'el
bes, peuples les avoient envie d'en épouſer
nes , qu'arri quelque autre plus robuſte & gail
lard ,
y pour quel .
* Quiquee ſuo melius neryum tende
que
bat Vlylle.
t Or
portan fa mai
elile de Coosa Et quifût plus vigoureux que fon Vlyce.
de Venus.
7
88 Confiderations politiques
Or ſi ce remede eſtoit bien pro
portionné à la nature de ceux qui
l'avoient ordonné ; celuy que pra
tiqua Denys Tyran de Syracuſe
pour empeſcher les aſſemblées &
banquetsqui ſe faiſoient de nuit,
n'eſtoit pas auſli trop éloigné de
la ſienne : car ſans témoigner qu'el
les luy dépleuſſent, ou monſtrer
qu'il craigniſt qu'on ne les fiſt à 1
1
.
CHA
US Conſiderations politiques
CHAPITRE III.
Avec quelles precautions & en quelles
occaſions on doit pratiquer les
Coups d'Eſtar.
E viens maintenant à ce qui eſt
J & puis que les bons & ſages
de plus eſſentiel à ce diſcours ,
Medecins n'ordonnent jamais les
remedes dangereux & violens ,
ſans preſcrire quand & quand tou
tes les precautions moyennant lef
quelles on s'en peut legitimement
ſervir ; il faut auſſi que je faſſe le
même en cette occaſion ,& je le fe
ray d'autant plus volontiers, que
ces Coups d'Eſtat ſont commeun
glaive duquel on peut uſer & abu
ſer , comme la lance de, Telephc
qui peutbleſſer & guerir , comme
cette Diane d’Epheſe qui avoit
deux faces , l'une triſte & l'autre
joyeuſe; bref comme ces medail
les de l'invention des Heretiques,
qui
ſur les coups d'Eſtat. 119
qui portent la face d'un Pape &
d'un diable ſous mêmes contours
& lineamens ; ou bien comme ces
tableaux qui repreſentent la mort
& la vie , ſuivant qu'on les regarde 7
d'un coſté ou d'autre ; joint que
c'eſt le propre de quelque Timon
ſeulement , de dreſſer des gibets
pour occaſioner les hommes de s'y
3 pendre ; & que pour moy.je de
fere trop à la nature , & aux re
1
gles del'humanité qu'elle nous
preſcrit, pour rapporter ces hiſtoi
res afin qu'on les pratique mal à
propos ,
* Tam felix utinam , quàm pectore
Candidus effem :
Extat adhuc nemo ſaucius ore meo.
C'eſtpourquoy voulant preſcrire
les regles que l'on doit obſerver
pour s'en ſervir avec honneur , ju
ſtice, utilité , & bien -feance , j'au
ray recours à celles qu'en donne
Cha
Plût à Dieu que je fuſſe auſli heureux que
j'ay le cæur ſincere. Il n'y a encore perſonne
quema bouche ait bleſſé.
120 Conſiderations politiques
Charon (lib. 3. cap. 2.) & mettray
pour la premiere , que ce ſoit à la
defenſive & non à l'offenſive, à ſe
conſerver , & non à s'agrandir, à
ſe preſerver des tromperies, mé
chancetez , & entrepriſes ou ſur
priſesdommageables , & non à en
faire. Le monde eſt plein d'arti
fices & de malices : 1 Per fraudem do
dolum Regna evertuntur, dit Ariftote ,
tu fervari per eadem nefas eſſe vis , a
jouſte Lipſe ; il eſt permis de jouer
à fin contre fin , & auprés du Re
nard , contrefairele Renard : Les
loix nous pardonnent les delits
que la force nous oblige de com
mettre : 2 Inſitum eft unicuique ani
manti , dit Saluſte , ut ſe vitamque
tueatur ; & au rapport de Ciceron
(3. de offic.) 3 communis utilitatis de
relictio
1 On renverſe les royaumes , par le moyen
des fraudes& des fineſſes; & tu veux qu'il ſoit
defendu de les conſerver par les mêmes
moyens. 2 C'eſt de la nature de tous les
animaux qu'ils ſe defendent & leur vie auſfi.
3 L'abandon de l'utilité commune eſt contré
la nature .
ſur les Coups d'Eſtat. I 21
relictio contra naturam eft , & pour
lors il eſt beſoin de biaiſer quel
quefois , de s'accommoder au
temps & aux perſonnes , de meſler
le fiel avec lemiel , d'appliquer le
cautere où les corroſifs ne font
rien , le fer, où le cautere n'a point
de puiſſance, & bien ſouvent le feu
où le fer manque.
La ſeconde, que ce ſoit pour
la neceſſité , ou evidente & im
portante . utilité publique de
l'Eſtat, ou du Prince , à laquel
le il faut courir ; c'eſt une obli
gation neceſſaire & indiſpenſa
ble , c'eſt toujours eſtre en ſon
devoir que de procurer le bien
public , * ſemper officio fungitur ,
dit Ciceron ( ibid. ) utilitati ho
minum conſulens da ſocietati. Cet
te loy ſi commune & qui de
vroit eſtre la principale regle
de toutes les actions des Prin
3.
F ces,
fois.
L'habitude eſt un acte reïteré par plageurs
ſur les coups d'Eſtat. 125
ne garde au precepte que don
ne Claudien à l'Empereur Ho
norius ,
1 Metiiſariaberepænis ?
Triſte rigor nimiw .(de 4.Conſul.)
Il n'appartient qu'à des tyrans
de dire , 2 fentiat ſe mori, & qu'à
1 des diables de ſe plaire aux tour,
mens des hommes ; il ne faut pas
ES
imiter en ces actions les che
vaux des Courſes Olympiques,
leſquels on ne pouvoit plus re
tenir lors qu'une fois ilsavoient
pris carriere , il y faut proceder :
en juge, & non comme partic;
en Medecin , & non pas en bour
reau ; en homme retenu , pru.
dent, ſage , & difcret , & non
pas en colere , vindicatif & aban
donné à des paſſions extraordinaia
res & violentes : cette belle vertu
5
de Clemence ,
F 3 Qué
Ć
Te contenteras- tu de la punition de Me.
cius ? C'eſt une choſe cilte que la trop grande
rigueur. ¿ Qu'il ſe ſentemourir.
126 Confiderations politiques
Olta docet ut pænis hominum , vel
fanguine paſci,
Turpeferumqueputes.
eſt toujours plus eſtimée que la
rigueur & ſeverité; la maſſe dHer
cutes, diſent les Poëtes , luy avoit
eſté donnée pour vaincre les
Geans, punir les tyrans, & exter
miner les monſtres , & neanmoins
elle eſtoit faite de la fourche d'un
olivier , en fymbole de paix & de
tranquillité ; l'on peut ſouvente
fois remedier à un grand arbre
qui s'en va mourant , en taillant
ſeulement quelques-unes de ſes
branches ; & unc fimple ſeignée
faite à propos , rompt bien ſou
vent le cours à de grandes mala
dies; bref il faut imiter les bons
Chirurgiens qui commencent
toujours par les operations les plus
faciles à ſupporter ; & les Juifs
qui donnoient certains breuvages
aux
Qui enſeigne à eſtimer Sale & cruël , de
repaitre
ſeinain s.
des tourmens & du ſang des hu
fur tes Coups d'Eſtat. I 27
aux condamnez à mort pour leur
oſter les ſentimens, & la douleur du
fupplice ; la ſeule teſte de Seianus
devoit contenter Tibere ; Han,
nibal pouvoit bien rendre tous
1 ſes captifs inutiles àla guerre fans
les tuer ; le Sac de Rome eut eſté
moins odieux , ſi l'on euſt porté
6 plus de reſpect aux temples & à
] leurs miniſtres ; & le Marquis
d'Ancre n'eut pas eſté moins
juſtement puny, quand on ne
l'euſt point traiſné & dechiré.
* Illos crudeles vocabo , dit Seneque
(declem . cap.4 .) qui puniendi cau
ſam babent, modum non habent.
La cinquiéme , que pour juſti
fier ces actions , & diminuer le
blâme qu'elles ont accouſtumé
d'apporter quand & foy , lors que
les Princes ſe trouvent reduits &
5 neceſſitez de les prattiquer , ils
S F4 ne
* Prelat de Sion.
262 Confiderationspolitiques
comme Monluc Evêque de Va
lance, fut envoyé vers les Veni
tiens pour legitimer par ſes belles
paroles, le ſecours que ſon Maiſtre
faifoit venir de Turquie pour fe
defendrecontre l'Empereur Char
les V , & lors que la S. Barthe
lemy fut faite, le même Monluc
& Pibrac , travaillerent ſi bien de
la plume & de la langue , que cette
grande execution ne par détour
ner , comme nous l'avons déja
remarqué , les Polonois , quoy
que inſtruits particulierement de
tout ce qui s'y eſtoit paſſé par les
Calviniſtes , de choiſir Henry III
pour leur Roy , au prejudice de
tant d'autres Princes qui n'avoient
rien épargné pour venir à bout
de leurs pretentions. Ne fut- ce pas
auſſi une choſe remarquable , que
le premier fiege de la Rochelle ,
fut mieux ſouſtenu par les conti.
2
nuelles predications de quarante
Miniſtres qui s'y eſtoient refu
giez,
Sur les Coups d'Eſtat. 263
e giez , que par tous les Capitaines
& Soldats dont elle eſtoit aſſez
leni.
bien fournie ? Et du temps que,
elles
ltre les Pariſiens mangeoient les Chiens
tc & les Rats pour n'obeïrpas à un
har
Roy heretique, n'eſtoit-ce pas
Boucher , Rofe , Winceſtre , &
beaucoup d'autres Curez qui les
luc entretenoient en cette reſolution ?
de
Certes il eſt tres-conſtant que ſi
ette le Miniſtre Chamier n'euſt eſté
emporté d'un coup de canon ſur
éja les baſtions de Montauban , cette
Oy ville n'auroit peut-eſtre pas don
He
né moins de peine à prendre que
les
la Rochelle. Et lors que Cam
III
de
panelle.eut deſſein de ſe faire Roy
de la haute Calabre , il choiſit tres
ent à propos pour compagnon de ſon
UE
entrepriſe, un frere Denys Pon
:18 tius , qui s'eſtoit acquis la repu
je tation du plus cloquent , & du
ܕ plus perſuaſif homme qui fuft de
ſon temps. Auſſi voyons nous
IC dans l'ancien Teſtament que Dieu
VOU
jo
E1
264 Conſiderationspolitiques
voulant delivrer ſon peuple par
le moyen de Moyſe, qui n'eſtoit
bon qu'à commander , à cauſe
qu'il eſtoit begue & homme de
fort peu de paroles , il luy en
joignit de ſe ſervir de l'eloquen
ce de ſon frere Aaron . 1 Aaron
frater tuus levites , fcio quod eloquens
fit , loquere ad eum ,& pone verba mea
in ore ejus , ( Exodi cap. 4. ) & un
peu aprés il repete encore , 2 ecce
s
conſtitui te DeumPharaoni , & Aaron
frater tuus erit Propheta tuus , tu lo
queris ei omnia qua mandabo tibi, &
ille loquetur ad Pharaonem . (cap. 7.)
C'eſt ce que les Payens vrais Sin
ges de nos Myſteres , ont depuis
voulu repreſenter par leur Pallas
Deeffe des ſciences & de l'elo
quence , laquelle neanmoins eſtoit
armée de la lance , bouclier , &
bour
i Je ſçay que ton frere Aaron le Levite eſt
eloquent, parle à luy , & luy inets mes paroles
en la bouche . 2 Voicy , je tay établi Dicu
ſur Pharaon , & ton frere Aaron lera tox Pro
phete ; tu luy diras tout ce que je t'ordonne
ray , & il le diralui-mêmeà Pharaon .
ſur les coups d'Eſtut. 265
bourguignote,pour monſtrer que
lesarmes ne ſçauroient beaucoup
avancer ſans l'eloquence , ny l'elo
quence ſans les armes. Or dau
tant que cette liaiſon & aſſembla
ge de deux ſi differentes quali
tez , ne ſe peut que fort rarement
trouver en une même perſonne,
comme a fort bien monſtré Vir
gile par l'exemple de Drances ,
7 * Cui lingua melior , ſed frigi
da bello
Dextra .
Cela a eſté cauſe, que les plus
-) grands Capitaines ont toujours ob
ſervé pour ſuppléer à ce defaut,
d'avoir à leur ſuite , ou de fe join
dre d'affection avec quelqu'un
aſſez puiſſant, pour ſeconder par
1 l'effort de la langue celuy de leur
8 épée : Ninus par exemple ſe fer
If vit de Zoroaſtre, Agamemnon de
8 Neſtor, Diomedes d'Ulyſſe ,Pyr
rhus
olo M
id
D* Qui a la langue bonne , mais les mains
foot froides au combat .
266 Confiderations politiques
rhus de Cynée , Trajan de Pline
le Jeune , Theodoric de Caffio
dore; & le même ſe peut ainſi di
re de tous les grands guerriers
qui n'ont pas moins que les pre
cedens careſſé cette : Venus verti
cordia , & n'ont pareillement igno
ré , que
2 Cultus habet fermo & fapiens mi
rabile robur >
CHA
ſur les coups d'Eſtat. 283
CHAPITRE V.
Quelles conditions font requiſes all
Miniſtre avec qui l'on peut
concerter les coups
d'Eſtat.
'On me pourra objecter icy
5 L'on
que je ne devrois traitter des
conditions du Miniſtre , qu'aprés
avoir parlé de celles du Prince ,
puis que c'eſt luy qui donne le
premier branle & mouvement à
tout ce qui eſt fait dans ſon Con
feil, comme le premier mobile en .
traine tous les Cieux avec foy , &
le Soleil communique fa lumiere
à tous les Aftres & Planetes : Mais
à cela je puis répondre, que les
Souverains nous font donnez ou
par ſucceſſion ou par élection ;
or de ces deux moyens le pre
mier fuit la nature , à laquelle
nous obeïſſonsn ponctuellementa,
fans reſtrictio ou conſider
tion
284 Conſiderations politiques
tion d'aucune circonſtance voire
même ,
* Dum pecudes auro , dum murice
veſtit Aſellos.
Et le ſecond dépend des brigues ,
monopoles, & cabales de ceux qui
ſe trouvent les plus riches, & les
plus puiſſans d'amis , de faveurs,
& d'argent , pour ſatisfaire à leur
ambition ; de maniere que ce ſe
roit parler en vray pedant, de
propoſer oude penſer ſeulement,
que les conſiderations de la ver
tu & des merites , puiſſent avoir
lieu parmy un tel deſordre. Mais
pour ce qui eſt des Miniſtres , on
en peut philofopher d'autre façon,
parce qu'ils dependent abſolu
ment du choix que le Prince en
peutfaire; luy eſtantpermis, voi
re même bien -feant & honorable,
de trier ſoigneuſement d'entre
tous ſes amis ou domeſtiques ,
ce
Qui n'avoien
leur ſeule vertų . t point d'autre nobleſſe que
ſur les coups d'Eſtat. 301
Bodin Advocat , Charon Theo
logien, Montagne Gentilhomme,
la Nouë Soldat , & le Pere Paul .
Moine : enfin
Sæpe etiam eſt olitor verba oppor
tuna locutus.
C'eſt pourquoy je n’exclus per
ſonne de cette charge, non les
étrangers, parce que Tibere 2ſub
inde res ſuas quibuſdam ignotis man
dabat, ( Tacit. 4. Annal. ) & que
Charles V fe fervit de Granvelle,
François I de Trivulſe ,Henry II
de Strozzi , & Charles IX du
Cardinal de Birague. Non les jeu
nes, parce que 3 cani indices etatis
nonſapientia , & que Ciceron nous
avertit , 4 ab eximia virtute progres
fum ætatis expectari non oportere ,
( Philip. 5. ) témoin les exemples
N7 de
3. 1 Unjardinier même à dit rouventde bon
7,
nes choſes. 2 Commettoit quelquefois l'ad
miniſtration de ſes affaires à des gens inconnus.
3 Les cheveux blancs ſont les marques de
l'âge, & non de la ſageſſe. 4 Qu'il ne faut pas
attendre le progrés de l'âge d'une extraordinai
re vertu .
302 Conſiderations politiques
deJoſephe,David, Epheſtion ,&
Papyrius. Non les vieux,puis que
Moyſe par le conſeil de ſon beau
pere Jethro , en choiſit Lxx pour
gouverner avec luy le peuple
d'Iſraël; & que Louys XI penſa
eſtre accablé par la guerre du bien
public , pour n'avoir pas voulu
croire aux vieux Confeillers , que
ſon Pere luy avoit laiſſez. Non les
ignorans, puis que, comme dit Se
neque, * paucisad bonam mentem opis
eſt literis , & que ſuivant l'opinion
de Thucydides les eſprits grof
fiers ſont plus propres à gouver
ner des peuples, que ceux qui font
plus ſubtils & épurez; les grands
eſprits ayant cela de propre qu'ils
ſont plus portez à innover qu'à
negotier , novandis quàm gerendis re
bus aptiora ,(Curt. 1.4.) à dépendre
qu'à conſerver , à pourſuivre leur
pointe avec obſtination qu'à ceder
ou
I;
Natura , quiferre queat quofcunque
dolores ,
at
}
Neſciat iraſci, cupiat nibil , & po
tiores
Herculis ærumnas ducit ſavoſque la
bores
es
Et Venere, & plumis, & cænis Sar
65
danapali.
Monſieur le Chancelier de l'Hof
té
pital
FR
Demandez un eſprit qui ſoit gueri des
craintes de la mort , qui mette au rang des
preſens de la Nature le dernier terme de la vie,
qui puiſſe endurer toutes ſortes de fatigues,
qui ne ſe faſche point , qui ne deſire rien , &
quieſtime davantage les peines d'Hercule , &
ſes longs travaux, que les delices,les feſtins, &
les plunes (licts) de Sardanapale.
310 Conſiderationspolitiques
pital qui eſtoit pourveu de cette
force d'eſprit autant qu'aucun au
tre de ceux qui l'ont precedé ou
ſuivy , la décrivoit encore plus
brievement, quoy qu'en termes
beaucoup plus hardis , deſquels
même il avoit compoſé ſa deviſe,
* ſi fractus illabatur orbis impavidun
ferient ruine. Arriere doncques de
ce Miniſtere tant d'eſprits foibles
& effeminez, tant d'ames coüardes
& pufillanimes, qui s'épouvan
tent des premieresdifficultez , qui
fuyent à la moindre reſiſtance, &
quiperdentl'eſprit lors qu'on leur
parle de quelque grande reſolu
tion. Je veux un eſprit d'Epicte
te , de Socrates, d'Epicure , de
Seneque, de Brutus , de Caton , &
pour me ſervir d'exemples plus fa
miliers , du Pere Paul, du Cardi
nal d'Oſſat, du Preſident Janin,
de V. Eminence , de Ferrier, & de
quel
Si le monde ſe bouleverſoit,ſes ruïnes me
fraperoient, ſans que j'en fufle épouventé.
fur les coups d'Eſtat. 311
1 quelques autres de pareille mar
que. Je veux qu'il ait les bonnes
1 maximes de Philoſophie dans la
5 tefte non pas ſur les levres ; qu'il
connoiſſe la nature en fon tout &
non pas en quelque partie ; qu'il
vive dans le monde comme s'il
en eſtoit dehors , & au deſſous
+ du Ciel comme s'il eſtoit au deſ
BS fus, afin qu'il ne puiſſe pas ſçu
lement comme les Gaulois ap
prehender la ruine de cette gran
ui de machine , je veux qu'il s'ima
& gine de bonne heure que la Cour
eft le lieu du monde où il fe
dit & fait plus de ſottifes , où
Ele les amitiés font plus capricieuſes
de & intereſſées , les hommes plus
mafquez , les maiſtres moins af
fectionnez à leurs ſerviteurs , & la
fortune plus folle & aveugle ; afin
is qu'il s'accouſtume auſſi de bon
ne heure à ne fe point ſcanda
liſer de toutes ces extravagan
ces. Je veux enfin qu'il puiſie re
garder
312 Confiderationspolitiques
garder ' oculo irretorto ceux qui ſe Pa
ront plus riches , & moins di fi
gnes de l'eſtre que luy , qu'il ſe tr
picque d'une pauvreté genereuſe, do
d'une obſtination au bien , d'une fe:
liberté Philoſophique mais pour ei
tant civile , qu'il ne ſoit au mon es
de que par accident , à la Cour Pc
que par emprunt , & au ſervice fer
d'unMaiſtre que pour s'en acqui ( D.
ter honneſtement. Or quicon du
que aura cette premiere , univer in
ſelle, & generale diſpoſition , qui 91
conduit l'homme à une apathie , fic
franchiſe , & bonté naturelle , il cu
aura par même moyen la fideli ſu
té , 2 optimum enim quemque fidelifſi pas
mum puto , diſoit fort bien Pline fed
en parlant à l'Empereur Trajan ; CO
& cette fidelité ne ſera pas com &
mune , bridée de certaines cir &
conſtances , & aſſujettie à diver fil
ſes conſiderations de nos intereſts
Aprés
ſur les coups d'Eſtat. 333
Aprés avoir expliqué ce qui
eſt du devoir du Miniſtre envers .
le Prince , il nous reſte à confide
rer, comme enpaſſant neanmoins,
ce que le Prince doit contribuer de
ſoncoſté , pour bien traitter avec
fon Miniſtre , & parce qu'en ma
tiere de regles & preceptes , j'ay
toujours eſtiméavec Horace, que
$ les plus courts font les meilleurs,
* Quicquid præcipies eſto brevis;
Je reduiray tous ceuxqui me
ſemblent les plus neceſſaires en
cette occaſion à trois principaux,
dont le premier fera de le traitter
en amy , non pas en ſerviteur, de
parler & conferer avec luy à caur
ouvert , de ne luy rien celer de
tout ce qu'il ſçaura, deluy ouvrir
une entiere confidence, & detrait
les ter avec luy comme feroit avec
ODI foy -même, ſans avoir honte de
Our luy declarer ſa foibleſſe, ignoran
PS се ,
Redeng
3
1o
G
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