Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Ceci est une copie numérique d’un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d’une bibliothèque avant d’être numérisé avec
précaution par Google dans le cadre d’un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l’ensemble du patrimoine littéraire mondial en
ligne.
Ce livre étant relativement ancien, il n’est plus protégé par la loi sur les droits d’auteur et appartient à présent au domaine public. L’expression
“appartenir au domaine public” signifie que le livre en question n’a jamais été soumis aux droits d’auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à
expiration. Les conditions requises pour qu’un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d’un pays à l’autre. Les livres libres de droit sont
autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont
trop souvent difficilement accessibles au public.
Les notes de bas de page et autres annotations en marge du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir
du long chemin parcouru par l’ouvrage depuis la maison d’édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains.
Consignes d’utilisation
Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages appartenant au domaine public et de les rendre
ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine.
Il s’agit toutefois d’un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les
dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des
contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées.
Nous vous demandons également de:
+ Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l’usage des particuliers.
Nous vous demandons donc d’utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un
quelconque but commercial.
+ Ne pas procéder à des requêtes automatisées N’envoyez aucune requête automatisée quelle qu’elle soit au système Google. Si vous effectuez
des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer
d’importantes quantités de texte, n’hésitez pas à nous contacter. Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l’utilisation des
ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile.
+ Ne pas supprimer l’attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet
et leur permettre d’accéder à davantage de documents par l’intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en
aucun cas.
+ Rester dans la légalité Quelle que soit l’utilisation que vous comptez faire des fichiers, n’oubliez pas qu’il est de votre responsabilité de
veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n’en déduisez pas pour autant qu’il en va de même dans
les autres pays. La durée légale des droits d’auteur d’un livre varie d’un pays à l’autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier
les ouvrages dont l’utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l’est pas. Ne croyez pas que le simple fait d’afficher un livre sur Google
Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous
vous exposeriez en cas de violation des droits d’auteur peut être sévère.
En favorisant la recherche et l’accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le frano̧ais, Google souhaite
contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet
aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer
des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l’adresse http://books.google.com
2
2
0
0
2
810402 3.
ex Libris, A Jerruset ,
cenno Domini .
1790 .
ΟΙ ΟΙ
ΜΙΑ
A M Ν
MARC
ELLI
N
FRAN
EN ÇOIS
.
3.
LES 610401
DE L'HIST
OIRE
QU'AVOIT.C
OMPOSEZ
AMMIAN MARCELLI
N ,
owe
sunagg
a
A PARIS ,
Chez CL AU DE BARBIN
9 au Palais
lle . ,
ſurle ſecond Perron de la Sainte Chappe
M. DC . LXXII.
Avec Privilege du Roy.
Hinc [ Conſtantius ] com
motus , ut injuſta perferent &
indigna , Præfecti cuſtodiam
Protectoribus mandayeràt fi
LES PROTECTÉVRS
MILITAIRES.
PREFACE.
EXTRAIT DV PRIVILEGE
du Roy .
19 :
RERVM GESTARVM ,
MARCE
LLIN
LIVRE XIV . *
CONSTAN
TIUS
ET
GALLUS.
1.
Les Crimes abominables de Gallus Ceſar
en Orient, ſuggerez par les mauvais
conſeils de fa femme.
A ij
AMMIAN MAR . Liv. XIV .
tes avoit à peine ceſſé , que les Soldats
ſe rendirent dans leurs Garniſons pour
leur quartier d'Hyver. Mais toutauſſi
toftla fortune fit tomber d'autres orages
ſur le peuple par les furieux emporte
mensdeGallus Cefar , qui,dans la fleur
deſon âge, ſe voyant élevé à la puiſſan
ce ſouveraine , ne ſe crur point obligé
demettre des bornes à la licence , &
foüilla toute choſe par ſon excellive
cruauté. L'honneur qu'il avoit detou
cher auſang linperial, & d’eſtre de la
famille de Conſtantin , luy donna tant
de preſomption , que s'il cuft eu dauan
tage de forces qu'il n'en avoit , iln'euſt
point fait de ſcrupule d'entreprendre
ouvertement toutes choſes contre l'au
theur de la fortune & de la dignité où il
ſe voyoit élevé. A quoy la femme le
portoit avec d'autant plus d'ardeur
qu'elle eſtoit elle-meſme pleine de va
nité , pour eſtre leur propre de l'Empe
reur. Son Pere Conſtantin l'ayant au
paravant donnée pour femme b au Roy
Hanniballian fils de fon Frere. Cette
femme eſtoit une vraye Megere avide
de ſang, quimettoit le feu par tout. Si
bien qu'elle n'avoit pas plus d'humani
té que ſon Mary , qui n'en avoit point
du tout, & quipeu à peu affectoit l'indé
CONSTANTIUS ET GALLUS.
pendance & la ſouveraineté abſolue par
toutes ſortes de ruſes & de méchan
cetez noires que luy fuggeroient les fla
reurs de Cour, qui ſont des gens cor
tompus. Cela parut dans lesmoindres
choſes, quand la puiſſance eut palle les
bornes , par la mort ſoudaine & mal
heureuſe d'un certain perſonnage de
maiſon Illuſtre d'Alexandrie , appel
lé Clematius ; Quand la belle - Me
re, qui ſe trouva bleſſée d'amour à
fon ſujer , ne pouvant obtenir de
luy des faveurs où elle afpiroit , cl
le ſe fit introduire dans le Palais
par
une fauſſe porte : Etapres qu'elle eut
faitun preſent à la Reine d'un collier
de perles , elle obtint une Lettre de
Cachet à cHonorat,qui cominandoit en
Orient , pour luy donner charge de faire
mourir Clematius , fans autre forme
de procez , quoy qu'il ne fuſt point
artcint de crime. Ce qui fut executé
avec beaucoup d'impieté , & fut un fu
jet de crainte à pluſieurs , qui pou
voient juſtement aprchender d'eſtre
condannez de la mefme forte ſur le
moindré ſoupçon , puiſqu'on avoit tant
d'indulgence pour la cruauté : Et cer +
tes les uns eſtoient égorgez , les autres
eſtoient privez de leurs biens, d'autres
A iij
AMMIAN MAR . Liv . XIV .
cſtoient bannis , & à pluſieurs on n'a
voit laiſſé que les larmes & les plain
tes , apres leur avoir tout oſté , n'ayant
plus de moyens de vivre que par les
aumoſnes qu'on leur faiſoit. Ainfi
l'Empire eftant devenu deſpotique, de
juſte & de legitime qu'il eſtoit aupara
vant ( car il n'eut plus d'autre modera
tion , que d'une volonté dépravée par
la cruauté ) les meilleures maiſons
eſtoient opprimées , ou bien on les te
noit étroitement ſerrées. Dans cette
foule de maux on ne fe mettoit pas fort
en peine de chercher un Accufatear ,
afin qu'il y euft au moins quelque appa
rence de Juſtice dans la punition des
criines imputez, ce que les Princesmela
mes les plus cruels ont quelques -fois
obſervé :mais tout ce quiavoit eſté re
ſolu dans l'eſprit barbare deCeſar, pal
foit auffi-toſt
pour une chofe juridique,
& on l'executoit à la mefme heure. On
trouva l'invention en ces rencontres- là ,
que des gens inconnus , & d'une condi
tion fi baffe qu'on ne s'en fuſt jamais
défié, eſtoient envoyez par tous les car
tiers de la Ville d'Antioche , pour en
tendre tous lesbruits qui s'y paſſoient ,
afin d'en faire un rapport fidele . Ceux
là s'approchoient des perſonnes de
CONSTANTIUS ET GALLUS. 7
qualité qu'ils voyoient aſſemblées, ou
entroicnt dans les maifons desRiches
en habit de pauvres qui demandent l'au
mône, pour voir ce qui s'y paſfoit, &
puis eſtant admis dans le Palais , par
quelque fauſſe porte , ils venoient rap
porter tout ce qu'ils avoient pû décou
vrir : mais , afin de mieux réuſſir dans
feur deffein , ils faiſoient ſemblant d'en
trer dans les fencimens de ceux qui
avoient des ſujets de plaintes , & aug
mentoient le blâme qu'on faiſoit du
gouvernement , en ſupprimant les
loüanges de Ceſar que la crainte des
maux ( defquels on eſtoit menacé)tiroit
dela bouche de pluſieurs ,malgré qu'ils
en cuffent. Et cependant il arrivoit, que
fi un Perede famille difoit quelque chos
fe en ſecrer à l'oreille de la femme, quoy
qu'iln'y euft pointde tiers pour l'écou
ter, li eſt-ce qu'il ſe trouvoit que dés le
lendemain , l'Empereur en eſtoit averty ,
comme ſi quelque Amphiaras ou qucl
que Marcius quifurent autresfois de fi
grands Devins , luy en euſſent appris
tout le détail, & tout le particulier.C'eſt
pourquoy chacun apprehendoit juf
ques aux murailles de fon logis , ou iuf
ques aux cloiſons de fon Cabinet,com
melesſeules choſes, quien euffent på
A iiij
8 AMMIAN MAR . Liv . XIV .
reveler le ſecret. Vn diſcours croiſloit
toûjours en cesmatieres-là , & en d'au
tres ſemblables . A quoy l'eſprit curieux .
de la Reyne incita tout le Monde, quoy
que par une conduite ſiodieuſe, elle rui
noit entierement la fortune de ſon ma.
ry , au lieu d'adoucir ſon naturel farou
che, par la douceur quiſied ſi bien à une
Dame, en luy donnant de bons conſeils
pour fa propre utilitéé , comme nous
avons rapporté dans l'Hiſtoire des
actions des Gordians , qu'en uſoit de la
femme du cruel Empereur Maximin .
Enfin Gallus entreprit par un exemple
nouveau de faire une action bien vilai
ne , comme on dit que Gallien : l'avoit
eſſayé quelquesfois aucc la derniere in
famie : car prenant à la ſuite peu de gens
avec des épées , il ſortoit le ſoir en habit
déguiſé, & s'en alloit dansles cabarets ,
ou dans les carrefours de la Ville , &
s'informoit en langage Grec , qu'il ſça
voitaſſez bien,du jugement que chacun
faiſoit de Gallus Celar. Il en uſoit dong
de la ſorre la nuit à la clarté des Han
beaux . Mais il y fut ſouvent reconnu ,
quoy que pour faire croire que ce n'é
toit pas luy, ilne ſe montroit le jour en
public quepour faire les choſes ſerieu
ſes. Tout le Monde en geiniſſoit au
CONSTANTIUS ET GALLUS:
fond de ſon cœur : Et e Thalaffius Pre
fect du Pretoire en ce téps-là,voyant les
dangereuſes ſuites d'uva ſi inéchant natu
rel,au lieu de l'adoucir pour prendre de
bons & de ſages conſeils,comme quel
quesfois les puiſſances ſupericures tem ,
perent la colere des Princes; il l'animoit
davantageen le contrariant , & -avertir
l'Empereurde ſes déportemens, dont il
cxaggeroit ſouvent l'excés ; & cela,ſans
qu'on ait jamais bien (çeu par quel def
ſein ,> afin de ne rien diffimuler de l'affe
Etation qu'il y apportoit. Mais Ceſar
n'en devint que plusdébordé, comme
s'il euſt levé l'étendart de l'infolence
& de l'opiniâtreté ,dans le libertinage,
fansſe ſoucier du bien d'autruy , ny du
ſien propre, & bouleverſanttoutce qui
s'oppoſà à la furie , comme un fleuve
rapide , dont l'impetuoſité ne ſe peut
moderer .
HI.
>
fait, que quelques-uns des leurs ayant
cfté pris, on les avoit expoſez dans.
l'Amphiteatrea aux beſtes farouches à
Icone Ville de la Piſidie, dont ils ſe vou
loient reſſentir. Et certes , comme l'a
dit Ciceron , les beftes ſauvages averties:
par la faim qui les preffe retournent
Ainfi ſouvent aux memes lieux où elles:
ont pris quelquesfois leur pâture. Tous.
cés gens-là deſcendirent du haut de
leurs montagnes pour s'épandre dans
les plaines d'enbas le long de la Mer ::
& par des lieux détournez , ils vinrent
juſques ſur les ports, où il y avoit des
vaiſſeaux , pour obſerver pendant la
nuit,à une foible clarté de Lune, en quel
eſtar ils eſtoient : Et comme ils ſe fue
rentapperceus que lesMatelots-étoient:
endormis, ils ſe gliſſerent par les cor
dages, pour ſe jetter dans les barques,
& delà dans les navires , où par l'avia
I V.
-
où les Enfants de famille ayant la per
miſſion de courre , font aller en trouppe
1
les Chevaux à toute bride, ſans crainte
de peril pour les pouſſer trop vivement,
comme s'ils entraînoient aprés eux-le
butin de quelque Conqueſte,
Sansmeſme avoir laiſſé Sannius au logis .
f Comme dit le Poëtę Comique , lef- :
quels pluſieurs Dames imitent auſſi.cou
rant par tous les cartiers de la Ville ?
avec leurs Coëffes ſur la g teſte dans
leurs Caleches fermées ; & comme de
bons Sergens de bataille mettent les
meilleurs ſoldats au premier rang , au
ſecond ceux qui ſont armez plus à la le-
gere , enſuite les jetteurs de darts , &
fur l'arriere gardeles Troupes-ſubſidiai:
res, G le hazard your qu'ellesſoient atta 1
quées par là. Ainſi les jeunes Gens de
Ville Tous la conduite de ceux qui les
fontmarcher avec des bâtons façonnez ,
qu'ils tiennent à la main , lefquels les
font remarquer entre les autres, comme
une enſeigne quileur a eſtédonnée ex
pres avec lemor du guet , marchent à la
teſte , c'eſt à dire devant tout l'appareil
du Char qui les fuit. Le noir equipage
de Cuiſine eſt au ſecond rang : puis tout
le reſte du ſervice va confulement avec
38. AMMIAN MAR . Liv. XIV .
VI.
3
tine qui cut grande joye de mettre la
vie de ſon mary en feureté, recompen
fa certe femmepour l'avis qu'elle avoit
donné, & .la renvoya publiquement
dans un Carroſſe par la grande porte de :
Palais, pour faire connoiſtre par là .
qu'elle n'en feroit pas moins, & qu'el
le en feroit meſine bien davantage
pour d'autres , en pareille occaſion
.
ſi l'on avoit des avis à luy donner éga
lement importans.
Apres cela , Gallus qui s'eſtoit pro
poſé d'aller à Hieropolis ,ſous pretexte .
qu'il avoit quelque choſe à faire de ce
cofté- là , pour le peuple d'Antioche qui
le prioit de luy oſter l'apprehenſion de
ſe voir reduit à l'extréme difette de la
quelle il fe voyoit menacé par bien des
raiſons ; qui ſeroient longues à dire.
Il ne ſe diſpoſa point , comme c'eſt
la coûtume desbons Princes , de pro
curer du foulagement au peuple, de
faire venir du bled des Provinces , mais
il-laiſta Theophile Proconſul de Syrie,
qui eſtoit auprés de luy, pour gouver- *
CONSTANTIUS ET GALLUS. 45
ner ce peuple qui apprehendoit la der
niere extremité, auquelil avoit dit ſou
venta
VIII.
1
dc. Mais une trop grande précaution
fur cauſe de la ruyne , comme nous le
dirons cantoft , parce que cela donna :
fujet à ſes envieux de tramer des accu
ſations contre luy auprés de l'Empe
reur , qui ſans.cela fult demeuré dans
l'indifference à ſon égard . Mais ſi quel
que inconnu venoit à luy ſoufler aux
oreilles , auffi- toft il devenoit cruel 80
implacable , & a.la moindre choſe du
monde eſtoit capable de le faire chan
ger. C'eſt pourquoy le jour qui eſtoie
arreſté pour faire les interrogationsdans
les affaires criminelles, un Jage imagi
naire Meſtre de Camp de la Cavalerie
s prenoit ſa place, affociant quelques au
tres avec foy , qui eſtoicnt inſtruits des
choſes qu'il y avoit à faire : & de part &
d'autre il y avoit des Greffiers & des Sex
cretaires quiſe tenoiét auprésdeceluge,
& en portoient à Celar le procez verbal
de l'interrogation & des réponſes : Et
par fon commandement , ou s'eſtoient
meſlez les.reproches & la paſſion de la
Reine pleine de cruauté , qui prêtoio
l'oreille derriere la tapiſferic pour écoûn
CONSTANTIUS ET GALLUS. 67
ter ce qui ſediſoit ; pluſieurs periffoient
fans qu'il leur fuſt permis de répondre
aux inſtances qu'on leur faiſoit , ny de
repliquer aux raiſons de ceux qui les
avoient accuſez. Entre les premiers de
tous qu'on fit donc.comparoiſtre , Epi
gone & Euſebe furent opprimez par la
conformicé de leur nom : Car nous ,
avons dejà dit que Montius eſtant ſur
le pointdemourir, s'eſtoit ſervy de ces
noms- là pourmarquer les Tribuns des..
fabriques , qu'il invitoit à donner les
choſesneceſſaires pour l'executió d'une
grande entreprife . Epigone qui n'eſtoit
Philoſophe que de l'habit, comme ille
fit bien paroiſtre apres qu'ileuben vain
eſſayé toutes ſortes de prieres pour ſe
fauver, on luy donna descoupsde bârð :
Er ſe trouyant ſäiſi de la crainte de
mourir , il avoüa lâchement que ſon
compagnon eſtoit complice d'une con
fpiration à laquelle il n'avoit jamais
penſé , auflix ne l'avoit-il jamais vû nx
connu, & il ne ſçavoit en façon quck
conque les chicanes de la pratique, ny.
les rubriques du Palais . Mais Euſebe
ayant touſiours 'nie conſtamment les
choſes qu'on luy avoit impoſées, s'é.
cria plufieurs fois que ce qui ſe faiſoit
en cette occaſion citoit unbrigandage,
62 AMMIAN MAR . Liv . XIV .
& non pas un jugement. Et comme il
fçavoit parfaitement l'uſage des Loix ,
& qu'il demandoit que ſon Accuſateur
comparuft devant luy , & que l'on gar
daft les formalitez i Cefar qui ne les
ignoroit pas auſſi, & qui b appelloit or
gueil & inſolence la liberté d'un hom
me..de bien , commanda qu'on l'égor
geaſt comme un calomniateur outra.
geux . Ainfi les entrailles luy ayanteſté
arrachées du corps, afin que les mem
bres de faillitlent aux tourmens, il ſem
bloit qu'il imploroitla juſtice du Cicl,
demeurant immobile & ferme, & l'on
cult dit qu'il n'ouvroit la bouche que
pour fcmoquer de l'inhumanité de ce
luy qui le faiſoit ſouffrir. Cependant il
eut l'ameaffeurée , ſans ſe charger ſoy
meſme ny autruy d'un reproche eternel:
il ne confeſſa rien , & ne fut point con
vaincu de crime, & fouffrit la meſme
peine de mort que ſon compagnon, qui
futbeaucoup moins genereux que luy ,
& parut intrepide quand on le mena au
fupplice , & l'on cuſt dit qu'il inſultoir à
la juſtice de ſon fiecle , en quoy il imita
cét ancien c Zenon Stoicien , qui apres
avoir eſté long-temps tourmenté d pour
dire un menſonge , le tronçonna la lan
guc avec les dents, & la cracha ayec Son
CONSTANTIUS ET GALLUS. 63
fang au viſage d'un Roy de Cypre que
l'int errogeoit .
Apres cela , on s'informa du veſte
ment Royal , dont il a deſia eſté parlé .
Et apres qu'on euttourmenté ceux qui
eſtoient employez à la teinture de la
Pourpre, ces gens-là n'ayant rien con
feſsé , finon qu'ils avoient travaillé à f
une Tunique pectorale ſans manches ,
un certain perſonnage appellé Maras ,
für amené, quiportoit la qualité deDia
cre, comme parlent les Chreſtiens , du
quel on fit voir des lettres écrites en
Grec, qu'il addreſſoit au Prevoſt des
Manufactures d'étoffes de Tyr , pour
luy faire hafter cet ouvrage qu'il ne re
preſentoit point, Enfin celuy -cy tour
inenté juſques à perdre la vie , ne pût
jamais eſtre forcéde rien confeſſer.Ain
hi la queſtion ayant elté donnécà diver
fes perſonnes de toutes ſortes de condi
tions, commeon eſtoit en doute de cer
taines choſes qu'on vouloit ſçavoir , &
qu'en beaucoup d'occaſions on s'en fut
donné la peine inutilement , enfin apres
qu'on en eutmaſſacré pluſieurs, les deux
Apollinaires pere & fils furent envoyez
en cxil : & comineils furent arrivez en
un lieu appellé Crateres , qui eſtoit un
A MMIA N. MAR . Liv . XIV
village qui leur appartenoit , à une f "
demy - lieuë d'Antioche on les mit
mort , apres: qu'on leur eut rompu les
jambes par l'ordre qui en fut donné:
Cependantune action A barbare.ne fut
16
point capable d'aſſouvir la cruauté de
Gallus , tout ainſi qu'un Lion , qui
s'eſtantunefoismis au carnage, ne s'en
laſſe jamais , & demande toûjours une
ſemblable pâture . Il n'eſt pas neceſſaie
re de raporrer icy ces choſes-là par le
menu, depeur que jene paſſe les bornes
' dudeſſein
que je me ſuis propoſé..
—
1.X
1
toûjours ſimple & concis. L'excellen
», ce de voſtre gloire , que la Renommée
--
publie en tous lieux , s'eſt accruë de
,, telle forte dans la créance de toute la
» terre, que les Roys des Alemans, & lcs
Peuples quileur obeïllent, dans l'ef
,, froy qu'ils ontconceu de nos Armes,
nous demandent par leurs Amballa
deurs que vousvoyezicy ſoumis,lou
bly des choſes paſſées , & la Paix , ia
quelle , apres y avoir bien penſé, &
JE me croyant obligé de vous tenir aver
„ tis des choſes qui font de la derniere
importance pour votre utilicé , li
vous n'y avez point de rcpugnance, je
s croy qu'elle leur doit eſtre accordée
» pour pluſieurs raiſons. La premiere ,
s pour ne nous engager pas dansles
ſuites douteuſes de la Guerre : la
ſeconde, pournous donner des trolin
pes auxiliaires au lieu de nous aça
so tirer des ennemis puiſſans ſur les
., bras : la troiſieſme , afin que ſans
CONSTANTIUS ET GALLUS. 71
avoir répandu deſang ,nous adouciſ
fions une ferocité qui eſt ſouvent per
„, nicicule aux Provinces; & la derniere ,
», que nous ne devons pas tenir que ce
„ luy qui eſt noſtre ennemy fe peut
» Vaincre ſeulement quand il ſuccombe
ſous l'effortdes Armes ;maisbien plû
„ toft , quand la tromperce ne ſonne
>> point ſes allarmes , qu'il ſe range de
luy meſmeſousle joug , & qu'il lente
» par ſa propre experience que ny la
force nenousmanque point contre les
Rebelles, ny la manſuctude à l'égard
>> de ceux qui implorent nottre cle
„ mence. Enfin , j'attens ce que vous
» ſerez d'avis que je determine là-deſſus;
» comme un Prince tranquile qui veut
» que toutes choſes ſe faffent avec juge
té
ment,pour voftre propre felici . Car
„ ne penſez pas que ce ſoit à ma lâche
os té ; mais bien àmamodeftic , & à la
„, douceur demes ſentimens pour voſtre
bien , que je deſire que vousdonniez
, voſtre conſentement,à ce que je penſe
avoir meurement deliberé . .
Dés qu'il eut achevé de parler ,
la multitude conſentit à tout ce que
l'Empereur voulut , elle loua fon con
ſeil, & approuva la paix pour cette rai
fon , principalement qu'elle avoit ap
72 AMMIAN MAR . Liv . XIV .
prisdes frequentes expeditions que fa
fortunes'eftoit conſervée dansles guer
res civiles , mais qu'elle s'eſtoit le plus
ſouventnegligée dansles guerres étran .
geres,
X.
1
accouſtumé d'hebeter l'eſprit des hom
mes , où elles portent la main , Gallas
ſe trouvant gagné par ces raiſons, daus
l'eſperance qu'il conceur de: ſe voir
bien -coſt élevéà quelque choſe de plus
grand, fortit d'Antioche ſous la condui
te f de fa mauvaiſe fortune, allantde la
fumée au feu , comine le dit l'ancien
Proverbe : Et quand il fur à Conſtanti
nople il y donna des jeux publics & des
courſes de chevaux , comme s'il euſt
eſté en grande profperité , & y mit une
Couronne de victorieux ſur la teſte d'un
Cocher appellé g Thoras , comme de
celuy qui avoit gagné le prix .. Ce que
Conſtantius ayant appris s'en fâcha ou
tremeſure: mais de peur que Gallus qui
eſtoit incertain de ce qui luy devoit ac
CONSTANTIUS ET GALLUS: 79
1
river, ne fiſt rien par le chemin qui luy
puſtdonner lieu d'eſſayer de ſe fauver ,
on retira exprés toutes les garniſons qui
eltoient dans les Places ſur le paſſage.
Et au meſmetemps, Taurus fut envoyé
Queſteur en Armenie ,mais il paſſa ou
tre avec affeurance ,ne l'ayantnyvû ,ny
eſté ſollicité de le voir . Quelques-uns
vinrent neantmoins par les ordres de
l'Empereur , ſous pretexte de ſervir en
divers employs , de peur que Gallus ne
1
XI.
1
& fit en quelque forte reparation aux
dépens de ſa vie à l'ombre de Ceſar ,
qu'il avoit attiré dans le precipice par
fes rufes. a Ainſi Adraſtie vangereſſe
des crimes, & remuneratrice des bonnes
actions, fic ces choſes, & en uſe ſouvent
de la forte (pluft à Dieu que ce fût toû= !
jours )nous l'appellons auſſi Nemeſis :
car elle porteun double nom ;mais c'eſt
en effet une certaine authorité ſublime
d'unepuiſſance effective , laquelle , ſe
lon l'opinion des hommes, eltelevéeau .
deſſus du cercle de la Lune, ou comme
d'autres la definiſſent', une puiſſance
ſubſtancielle qui a loin de toutes cho
ſes , & quiprelidemeſmes aux deſtinées
particulieresde chaque chofe , laquelle
les anciens Theologiens ont feintefiro
fille de la luſtice , qu'ils diſent regarder
d'une certaine eternité cachée toutes
les chofes d'icy- bas. Elle eſt comme une
Reine de toutes les cauſes , & comme
l'Arbitre des choſes de l'Univers : Elle
les diſcute routes, & tient l'une des Sorts
--
REMARQVES
S VR
AMMIAN MARCELLIN .
1.1.
III.
1 y.
y .
VII.
VIII
IX.
Evi
You Remarques
AMMIAN
MARCELLIN
LIVRE XV . *
CONSTANTIV S:
;
s'eſtoienttournez du coſté des Puiſſans,
& l'avoient abandonné , auſſi bien que
les Liêteurs , qui felon l'uſage de leurs
offices , ont accouſtume de chercher
leuremploy du coſté de ceux quiſucce
dentaux charges. Son Collegue Arbe='
tion luy nuiſoit auſſi tant qu'il pouvoit
fousmain , ſous couleur d'avoir beau
coup d'eſtime & d'affection pour luy,
& l'appellantmeſme ſouvent devant le
monde brave & vertueux , pour luy dreſ
fer en arriere des embuſches mortelles,
eftant fort capable denuire à un homme
quineſedefioit derien , par le grand crea
dit qu'ilavoit en ce temps-là. Car, tout
ainſi qu'un ſerpent, qui ſe cache fous.
terre, dans un trou d'où il obſerye tout
ce qui paſſe pour ſe jetter ſur la proye :
-Ainſi Arbetion elevé de fimple" foldat
aux plus hautes charges de la Milice ,
fans avoir eu de bleſſures , ny efté tour
CONSTANTIUS. 117
menté de qui que ſoit, ne faiſoit point
deſcrupule d'offènfer par unemalice ex
tréme tous ceux qui n'eſtoient point en
eſtar de s'en vanger : Il avoit donc'arrê
té dans un conſeil ſecret avec l'Empe
reur, què la nuict” ſuivanté on feroit
ſourir Vrficin , fans eſtre condamné ,
j
VI.
propre .
nom re
Ap s cér homme-là , qui eut le Sore
des perſonnes condamnées , Pæinenius
futégalement entraîné au ſupplice , ce
luy-là meſme, qui, commenous l'avons
dit cy-devant , quand ceux de Treves
fermerent leur Ville , pour Decentius
Ceſar , fur choiſi pour deffendre le ped
ple. Puis Aldepiodore, Lutte , & Mau
CONSTANTIU'S . 14
dion , qui avoient la qualité de Comtes ,
furentmis à mort avec pluſieurs autres.
Ceschoſes & autres femblables , furent
des effets de la dureté de ce temps- là .
Enfin des troubles funeftes s'eftant émus
de la forte, Leonce quiavoit le gouver
nement de la Ville eternelle , donnoit
beaucoup de marques d'etre un fuge
1
fans reproche , prompt à entendre les
raiſons de chacun , juſte dans la diſcu
tion des choſes les plus embarraſsées ,
d'un naturel bien faiſant, quoy quepour
conſerver ſon authorité , il paruſt un
peu trop fermeau jugement de quel
ques-uns, & trop enclin à favoriſer les
Amis. La premiere caufe qu'il y eut
doncd'unefedition , qui s'émût contre
luy, futbien legere & de fort perire con
fequence : car ayant ordonné une priſe
de
corpscontre un cocherappellé Phi
lorome; tout le petit peuple s'eftant
affcmblé
pour deffendre celuy qu'il ai
moit comme fon propre enfant , aſſail
lit le Prefect avec unemportement ter
rible pour l'intimider : mais luy fans
s'étonner , avec une fermeté inébrane
lable, envoya des Sergens pouren pren
111 dre quelques-uns des plus mutins, &c les
ayant fait châtier ſeverement , fans que
perſonne en cuft ſeulement osémurmu
G iij
A MMIAN MAR . Liv. XV.
rer ny faire du bruit ,il leur donna la pei
ne du banniſſement, & les relegua dans
une Ille. Depuis comme la meſme po
pulace qui s'eſtoit émuë , ſelon la coll
tume, lors qu'elle n'a pointde vin , ſe
fut aſſemblée d au Septizone, lieu ccle
bre, où l'Empereur Marcus a fait con
ſtruire edes Thermes d'un ouvrage ſom
ptueux , le Prefect s'y eſtant rendu tout
exprés, il y futprié de toutes les perſon.
nes de qualité , & de tous les Officiers
qui l'y avoient ſuivy , de ne fe cominet
trepoint avecune populace infolepte &
temeraire, qui pouvoit avoir du riffen
timent de ce qui s'eſtoit paſsé dans l'e
motion precedente : mais ileſtoit diffi
cile de Pintimider , & ne laiſſa pas de
continuer ſon chemin . Ce qui le fit a
bandonner d'une partie de ceux qui
eſtoient à la ſuite ,'s'en allant expoſer
dans le peril. Eſtant donc allis ſur ſon
Charior , comme il regardoit d'un cil
ferme & d'une contenance affeurée la
foule tumultueuſe, & le viſage des fe
ditieux, comme des ſerpens quiſe tre
mouſſent , & qu'il eur meſme ſouffert
qu'on luy cuſt dit beaucoup d'injures ,
en ayant reconnu un entr'autres , qui
eſtoit de grande taille & puiſſant de
corps,avec des cheveux roux, il luy.de
CONSTANTIUS:
manda , s'il n'estoit point Pierre Val
vomere; car ilavoit oùy dire qu'on l'ap
>
VII.
V III .
1
cutpluſieurs enfans, qui donnerent en
fuite leurs nomsaux païs qui leur furent
aſſujetis . Vn peuple Aſiatique qui eſtoit
forty dela Phocée , pour fuir l'inhuma
nité d'Harpale, Lieutenant generaldes
Armées du Roy Cyrus, paffa ſur des
vaiſſeaux en Italie , dont quelques-uns
bâtirenef Velic dans la Province de Lu
canie, & les autres vinrent dansles Gall
1les, en la Province de Vienne, où ils bâ
tirent g Marſeille : puis à meſure qu'ils
crurent en âge, & qu'ils ſe multiplie
rent, ils augmenterent des Villes , & cn
fonderent pluſieurs de nouvelles. Mais
enfin la varieténeſuffit pas, & on ſe laf
ſe de tour. Dans ces lieux-là , comme
les hommes fe polirent peu à peu , les
études des ſciences honneſtes y flori
rent aufi leſquelles commencerent
2.66 AMMIAN MAR , Liv . XV.
par les g Bardes, les b Euhages & les
Druldes. Les Bardes chanterenten Vers
heroïques , ſur les tons de la Lyre, les
valeureuſes actions des hommes illum
ſtres. LesEuhages qui s'appliquoient
des choſes tres- ſerieuſes, s'efforçoient
de penetrer dans les plus ſublimes les
crets de la nature. Ecles Druides , de
quil'eſpriteſtoit encore plus elevé que
de tous les autres, ſelon les preceptes de
Pythagore, s'adonnoient dans leurs ſo
cietez Academiques à des queſtions des
choſesocultes & profondes , & mépri
fant la connoillance des ſciences humai
nes, k ils déterminoient que les Ames
cftoient immortelles.
Cette contrée des Gaules, qui parmy
les / hautesmontagnes qui ſontautour,
leſquelles ſont toûjours couvertes de
neiges, eſtoit autresfois preſque incon
nuëau reſte des hommes , li ce n'eſt en
la partie qu'elle eſt proche de la Mer.
Dů.colté de Midy elle a les Mers Tyr
Thenienne & Gallicane. Du coſté qu'el
le regarde la conſtellation du chariot ,
c'eſtà dire le Septentrion , elle eſt diſtin
gućedes fieres Nationsdu Nort par les
eaux du Rhin . Vers le coſté qu'elle re
garde le Soleil couchant, elle eſt cein
rcde l'Ocean & des Monts Pyrenees ;
CONSTANTIUS. 16.1
& du coſté qu'elle s'éleve å l'aſpect de
3 l'Orient, elle a pour frontieres les Alpes
Cottiennes, leſquelles le Roy Cottius,
apres avoir ſurmonté les Gaulois, ſe te
nant ſeul reſſerré entre deslieux étroits ,
& fe fiant à ces Roches inacceffibles;
Enfin quand il eut apprivoisé ſon fier
orgueil , il futreceu en l'amitié d'Octa- :
vien Auguſte , & pour reconnoiſſance
d'une faveurfimemorable , il fit dreſler
avecde grandesmalles une route abbre
géepour les paffans , au milieu des Al
pes, au ſujet deſquelles je diray tantoſt.
..
.
toutes ſes entrepriſes, il vint ſousla gui
dedes gens de Turin e de Piémont, par
un lieu qui s'appelle trois Chaſteaux
[ Tricaſtin ] le long des liſieres de Vo :
contiens [ c'eſt à dire par Chambery ] aux
forţs des Tricoriens ( au pasde Cratex . ]
Et de -là il entreprit de s'ouvrir un che
min au travers des Alpes , lequel avoit
elté impenetrable juſques-là : & ayant
rompu par lemoyen du feu & du vinai.
gre la roche dure quis'éleve d'une hau
teur predigieuſe , parny les entortille
inens (cabreux de la Durance rapide , il
ſe jetta dans les Regions Hetruſques .
Voila pour ce qui regarde les Alpes.
Venonsmaintenant au reſte .
Hij
172 AMMIAN MAR. Liv . XV.
X.
g
que eſt jointe à celle-cy , où ſont
Amiens , Ville excellente cittre les au
tres , & h Chaalons & Rheims. Parmy
les i Sequaniens nous avons vû k Be
Zançon & Baffe , qui en ſont les Villes
principales entre pluſieurs autres. Lionl
orne la premiere Lionnoiſe , & avec
Lion, m Chalon, Sens, & Bourges,avec
l'ancienne grandeurdesmurailles d'Au
thun . n . Dans la feconde Lionnoiſe , 9
Rouen & Tours , montrent une ville
appelléep Mediolane. Les g Tricaſtins
& lesr Alpes Greques & Puniques, ſans
parler de leurs moindres Villes ,'s ont
Avence , Ville à la verité maintenant
defcrre, mais qui n'eſtoit pas autresfois
depetite conſideration , comme les mai
fonsà demiy ruinées , le font bien voir
encore à preſent : ce ſont là les Provin
ces & les Villes ſplendides des Gaules.
Dans l'Aquitaine qui regarde les Pyre
CONSTANTIUS. 175
nées & cette partie de l'Ocean , qui tou
che à l'Eſpagne, la premiere Province
Aquitanique ſe trouve ornée de fort
grandes Villes : entre leſquelles , fans
parler de pluſieursmoins conſiderables ,
excellent Bourdeaux, Clermont,Sain
tes & Poićtiers. v Auſch & Bafas re
commandent la * Novempopulane.
Dans la Narbonnoiſe . Euli , Nar
bonne, & Toloſe tiennent le premier
rang, La Viennoiſe ſe glorifie de la beau
té de pluſieurs Villes , les principales
deſquelles ſont Viennemeſme, Arles, &
Valence ; & l'on y joint Marſeille , de
qui nous liſons que Roinea quelques
fois profité de ſes forces , l'ayant affo .
ciée à ſes intereſts. Aupres de ces Villes.
là ſontzaufli Aixaa Nice & Antibe, &
lesifles bb d'Heres.Erdurant que 17OLIS
fomines venus à parler de ces quartiers
là pár la ſuite de noftre diſcours , coilſe
coitmalà propos de nerien diredu Rof
ne qui eſt certainement un fleuve de
grande reputation .
LeRhołne prend la fource aux Alpes
Panincs d'où il fort avec abondance
d'caux , & ſe répand dansla plaine avec
impetuoſité , il couvre ſes rives de les
propres richeſſes , & ſe jettant au tra
vers d'un lac appellé Leman , il le cou
нiiij
126 AMMIAN MAR . Liv. X V ..
مردم
que ce ſoit, il paſſe en Savoye & dans
le Païsdes Sequaniens : & s'éloignant
de- là en continuant ſon cours , il refer
re la Province Viennoiſe de ſon colte
gauche,& preſſe la Liönnoile de ſon cô
té droit. Puis ayant couru des eſpaces
tortueux, il reçoit l'Arar , qu'on appel
le la Saone , qui apres avoir coulé au
travers de la premiere Germanie ,y vient
perdre ſon nom au lieu où commencent
les Gaules. De-là , les chemins ne ſe
meſurent pluspar lesmille ,mais par les
lieuës. Puis le Rhoſne s'eſtant accru par
deseaux eſtrangeres porte de grandiffi
mes Vaiſſeaux , leſquels le plus ſouvent
ſontpouffez par le vent ; & quand ce
fleuve a terminé le cours que la nature
luy a preſcrit , il s'incorpore tour boüil
lonnant d'efcumedans la Mer Gallique
par un fin fort ouvert , qu'on appelle
Angrade; qui eft à dix -huit mille d'Ar
les. Que cecy nous ſuffiſe pour laſitua
*cion des lieux. Maintenant , je diray
quelquechoſe de la figure & desmæurs
des gens de ce Pais-la .
CONSTANTIUS. 177
dd Les Gaulois ſont preſque tous de
haure ſtature , & d'une carnation blan
che & vermeille , ils ont le regard terri
ble , font enclins à faire des noifes , & .
n'ont pas moins d'infolence qued'au
dace. Etcertes un gros d'eſtrangers n'en :
pourroit ſupporterun ſeul , dans la ve
hemence de la colere li fa femme s'en .
meſle encore plus forte que luy & yêu
tuë de couleur bleuë , & ſur tout quand
Cette femme gonflantla gorgeſemet en
colere , & qu'elle décharge de grands
coups de ſesbras blancs come la neige,
ou que dés lemoment qu'elle ſerre les
poings,elle leve auſſi la jambe,ruantdes
coupsdes pieds& des poingsavecautant
d'impetuoſité que ſi c'eſtoit quelque ca
tapulte dont l'on euit deſferré les nerfs ,
cntortillez . La voix menaçante de plu .
Gieurs donne de la crainte , & de ceux
meſmes qui font adoucis comme de
ceux qui ſont en colere. Ils ſont tous:
neantmoins fort propres , & ne ſouf .
frent point d'ordure. Et dans tous ces.
quartiers-là , & principalement parmy
les Aquitaniens , on n'y pourroit trou
ver commeailleurs , un ſeul homme ou :
une ſeule femme, quoy que fort pauvre,
quireuſt des habits ſales ou déchirez.ee
Toutâge y eſt propre pour la guerre , &
HV
AMMIAN MÅR . Liv . XY:
le Vieillard s'y porte de ſoy-meſmo
avec autant de courage & de vigueur
que le jeune homme ; ayant endurcy
fon corps à la gelée , & à la fatigue con
tinuelle , mépriſant tout ce qui eſt à
craindre. Ny jamais quelqu'un parmy
eux , comme en Italie apprehendant
d'aller à la guerre, ne ſe couppe le poul
ce, qu'ils appellent en feraillant par un
mot du Païs ff Poltrons & Pagnotes. Ils
ayınent le vin , & affectent tout au moins
deboire des choſes quireſſemblent à du :
vin , outre leſquels il y a depetites gens
quiont l'eſprit émouſſé pour eftre pref,
que toûjours yvres. Ce qui eſt une eſpe:
ce de fureur volontaire qui les porte
میم
des extravagances.des - ordonnées ,ſans
ſçavoir ce qu'ils font, ſelon la penſée de
Caton ; afin que paroiſſe veritable ce
que dit Ciceron dans ſon Oraiſon pour
Fontejus , Que lesGauloisapres tout cela
n'en boiront pas leur vin plustrempé. Et
tiennent que demettre de l'eau dans du
vin , c'eſt y mettredu poiſon .,
Ces Nations, & principalement celles
qui ſont voiſines de l'Italie,ſont venuës
inſenſiblement avec peu de peine louis
l'Empire Romain . Elles en ont eſté
premierement textéespar Fulvius : puis
Sextius les ayant laffées par de petits
CONSTANTIUS. 179
combats , enfin Fabius Maximus les a
domptées. Ce quiſe fait connoiltre en
core par le- ſurnom d'Allobrogique ,
qu'ilremporta apres qu'il eut vaincules
Allobroges, les plus rudes de tous les
Peuples de ces lieux -là : car Ceſar ſub
jugua toutes les Gaules apres des pertes
mutuelles pendant une guerre de dix
ans, fi ce n'eſt celles qui eſtoient inac
ceſſibles dans des lieux mareſcageux ,
commenous l'apprenonsde Salluſte , &
les joignit à noſtre ſociecé par des al
liances eternelles: le me ſuis un peu .
bien écarté de mon ſujet:mais je retour
nc enfin au lieu d'où je ſuis party.
XI.
-
qu'il ne s'y trouvoit pointdebon inter
prete , il choiſir celuy.cy comme tres
Capable , qui pour s'eſtre adroitement
acquité de cette Charge luy voulut
donner le nom deMuſonian :car il s'ap
pelloit auparavant Strategius. Et de- là,
ayant paſſé par degrez à tous les hop
neurs , il monta enfin à la dignité de
Prefect , eſtant d'ailleurs prudent , pro
pre à divers emplois , doux & affable;.
mais en toutes ſortes d'occaſions , & fur:
toutdans les jugemens des Procés , ce
qui eſt deteſtable , il eſtoit emporté par
le gain d'une fordide avarice : commeil
le parutévidemment entre pluſieurs au
tres dans les queſtions qui furent agi-.
tées au ſujet de la mort de b Theophile
Proconſul de Syrie , qui fut déchiré
par le Peuple dans une fedition ſuſcitée
par la trahiſon de Gallus Ceſar , où les
pauvres ayant eſté condamnez leſquels
ſe trouverent meſlez parmy les riches,
autheurs du meurtre , ceux-cy, furent
abfous ayant eſté dépouillez de leurs:
se C
5ooooooooooooo
REMARQUES
SYR
AMMIAN MARCELLIN .
SVR LE X Y. LIVRE.
HI.
IV .
V.
VI.
VII,
VIII.
d'Alexandrie
Tamamen der er, fils
talis du Maiſtre de la
dunMaithericien
Monnoye Royale. Ayant eſté pris par Gabi
nus, il futamené à Rome, & de captif ilde
vint cuiſinier , & de cuiſinier il devine coş
ducteur de lictieres , & de là ſon bon - heur
192 Remarques
fut ſi grand , qu'il parvint à l'amitié d'Augu .
ſte : Mais ayantméprisé une li bonnefortu
ne, Ceſar s'en mic en colere de celle ſorte ,
qu'illuy deffendit l'entrée de la maiſon , &
le porta par le déplaiſir qu'il en eut à bidler
les Hiſtoires qu'il avoit écrites des choſes
memorables qu'il avoit fajces, au rapportde
Sencque dans ſon 10. liv .des Controverſes.
Depuis il vieillit auprés d'Aſinius Pollio, &
fut aiıné de toute la Ville ; ainſi que nous
l'alleure l'autre Seneque dans ſon 3. liv.de
la Colere. Quintilien fait un jugement de
luy fort favorable dansſon 10. liv. Quinte.
Curſe en parle dans ſon 9 . liv . Et Jolepla
dans ſon 2 . liv.contre Appian, auſſi bien que
Saidas ſous lenom de Tiinagene , & Horace
dans ſa 19. Epiſtre à Mecenas,où ildit que la
langue Hyarbite quiveut imiter celle de Ti.
magene,ſemet en piecespouracquerirla re
putation d'eltreun hommepoly & eloquent.
XI.
英 英 英 英 英英 英 英 英
AMMIAN
MARCELLIN
LIVRE XVI. *
CONSTANTIVS
ET JULIEN .
1.
i
208 AMMIAN MAR . Liv . XVI.
bre, il reüniſſoit ſes troupes pour s'op
poſer à leur effort, de peur d'en eſtre ac
cablé. Se logeant quelquesfois en des
lieux avantageux , il en defaiſoit d'au .
tres facilement : & en prenoit quelques
uns que la terreur avoit livrez entre les
mains. Le reſte fe fauvoit à la fuite ,
mettant la confiance en fa legereté,par
ce qu'en effet la peſanteur des Armes
des Romains les empeſchoir de les ac
taindre, & ne leur permettoit pasde les
ſuivre li viſte. C'eſt pourquoy s'eſtant
afleuré par là , que l'eſperance qu'ila
voit conceuë de leurreſiſter ne le trom
poit pas , il vint à Troye parmybeaut
coup deperils , où il eſtoit lepeu atten
du, que cette Villene luy ouvroit point
fes
portes, par la crainte qu'elle avoit
des incurſions des Barbares , quoy qu'il
l'en euſt ſommée pluſieurs fois. Mais
enfin elles luy furent ouvertes parmy le
trouble où le peuple ſe trouvoit . Puis y
ayant fait peu de fejour,pour y rafraî
chir ſes ſoldats , il vint à Rheims, ou
eſtoit le rendez - vous de fon Armée , ne
croyant pas qu'il falluſt temporiſer. Il
luy avoit commandé de l'attendre en ce
licui- là , ſous la charge deMarcellus,qui
avoit ſuccedé à Vrficin , & fous l'autho
žitémeline d'Vrlicin, quiavoit eu.ordre
CONSTANTIUS ET JULIEN . 209
d'y attendre la fin decette expedition .
Enfin ,apres divers avis, quand il eut
plû à noſtre General d'attaquer les Al
femans dansles villages,les troupes s'é
tant aſſemblées , le Toldat у accouroit
1
avec grande allegreſſe. Et parce qu'un
jour humide & obſcurnous oftoit l'af
pect des lieux les plus proches, les En
nemis aidez de la connoiſſance du pais,
ayant pris une route oblique derriere
Ćelar , euſſent preſque'mis en picces
deux denos Legions, lil'alarme que dó
na le bruit de l'attaque, n'euſt fait tour
nef teſte aux troupes auxiliaires. De là ,
& toûjours depuis cette journée , qui
fut tres-perilleuſe, ce ſage Capitainene
s'engagea plus dans pas une route ou
paffage de riviere, ſansdéfiance ny fans
toutes les précautions neceſſaires, où il
évita également la precipitatio. Et cer
tes la principale qualité des grands Ca
pitaines , eſt de ſecourir à propos leurs
troupes, & de les fauver dans le peril.
Ayant donc appris que les Barbares
eſtoient en poſfellion des Villes de Stras
bourg,de Brucomat,de Saverne, de Sa
liſone, de Spire,de Vvormes & de M2
jence,& qu'ils occupoientleurs territoi
res ( car ils tenoient toutes ces places
comme enveloppées dans des rers
210 AMMIAN MAR. Liv . XVI,
dont ellesnele pouvoienr dépeſtrer ) it
ſe renditMaiſtre preinierement de Bru
comat : mais non pas.fansy, avoir trou
--
vé d'abord de la reſiſtance par les Alle
mans. Puis ayant divisé fon Armée en
deux pointes de Croiſſant, apres qu'il
eut fait le commandement à l'Infanteric
de donner , les Ennemis preſſez de la
forte, ſe virenten grand danger de pe
rir : auſſi y en eut-il quelques-uns de
pris , d'autres furent taillez en pieces
dans la chaleur du combat , & le reſte le
fauva comme il pût à la fuite ; car la
prompte retraite eſt le plus grand ſe
cours, où ces gens-là mettent leur con
fiance, quand ils ſont prelfez. Ainſi co
-
me il n'y eut plus perſonne qui luy fift
de reſiſtance, il voulut bien aller à Co --
logne pour la reconquerir , parce qu'el
le avoit eſté prifc par les Ennemis de
vant la venue de Cefar dans lesGaulcs ,
n'y ayant ny Ville ny Place fur cette
route-là, fi cen'eſt à Coublens , qui eſt
un lieu qu'on appelledela ſorte , parce
que les eaux de la Moſelle s'y affem
blent avec celles du Rhin , où ſe voit le
chaſteau de Rigodule , & une Tour qui
eſt proche de Cologne:
Quand ilfutdansCologne, il ne s'en
éloigna point qu'il n'cult affermy la
CONSTANTIUS ET JULIEN . 117
-
connoiſſance des choſes ſolides & prin
cipales, comme s'il euſt manqué de ma
tieres ſublimes pour ſe nourrir, il rai
{onnoit avec une ſageſſe merveilleuſe
ſur toutes les principales difficultez de
la Philoſophie . Toutesfois les choſes
ſublimesne l'occupoient point de telle
ſoite qu'il mépriſaſt les moindres : car
on peut dire qu'il aimoit raiſonnabler
mentla Poëſie & la Rhetorique ( com
me le font bien voir ſes Oraitons & ſes
Epiſtres ,où la galanterie ſe trouve join .
te avec la gravité ) & qu'il ne haïſſoit
pas l'hiſtoire de toutes les choſes quiſe
paſſent chez nous, & parmy les Etran
gers. Surquoy il h avoit aufe fuffilam
ment l'uſagede la langue Latine, pour
en parler agreablement. S'il eſt donc
vray ce que racontenc divers Ecrivains,
quele Roy Cyrus, le Poëte Simonide ,
& Hippias d'Élée ,qui futun Sophiſte fi
vehement, eurent beaucoup dememoi
* re, parce qu'ils avoient pris des breu
yages
CONSTANTIUS ET JULIEN . 277
vages pourcela , il eſt croyable que ce
luy-cy eſtant forty de fa :premiere jeu
neſſe, avoit épuisé i tout le vaiſſeau de
lamemoire, s'il ſe peut trouver en quel
que part du monde que ce ſoit , tant il
eſt vray.de dire qu'il en cftoir doüć. Ce
ſont là les ſignes que la nuit nous don
nede ſa pudicité & de ſes vertus. Pour
Jes.choſes qu'il diſoit le jouravec toutes
les graces & toute la bien -ſeance qu'on
ſçauroitdeſirer,ou qu'il a faites dans les
preparatifs de guerre , ou dans les coin
bats qu'il a eus, ou dansles choſes civi .
les ,qu'il a moderées par ſamagnanimité
& par ſa liberalité , elles ſe feront voir A
chacunes en leur lieu , quand nous au
rons occaſion d'en parler .
Quand il fit ſon apprentiſſage pour la
diſcipline.militaire, à quoy il força en ſa
perſonne le Philoſophe & le Prince de
s'appliquer avec un ſoin laborieux pour
{e perfectionner en l'art de marcher de
bonne grace par.
la k Pyrrique, au ſon
des Hutes melodieuſes, il rappella ſou
vent ce Proverbe à lon ſouvenir , en
nommant Platon ,
K
218 AMMIAN MAR . Liv. XVI.
Les Agents dansles affaires ayant eſté
appellez au Conſiſtoire dansune certai
ne folemnité , pour recevoir de l'ar
gent, quelqu'un d'entre-eux le receut,
non pasayant étendu ſa caſaque, com
me c'eſt la coûtume, mais de ſes deux
mains. Surquoy l'Empereur prenant la
parole, c'est ainſi, dit- il, que les Agents
dans les affaires ſçavent prendre , e non
pas recevoir. Des parens deleur fille en
levée, l'étát allé trouver pour s'en plain
dre , celuy qui l'avoit violée ayant eſté
convaincu du crime, il ordonna qu'il
fult relegué : Et à ceux qui ſe plaigni
rent, que ce n'eſtoit pas un châciinent
dignedu crime, parce qu'ilmeritoit la
mort,ilrépondit, Quela Iuſtice accuſe.iuf
ques icy la clemence;mais que quoy qu'il en
i ſoit,il eſt toujours bien ſeant à unEmpereur
d'eſtre plus doux que les loix ne le font à
tout le monde. Comme il s'en alloit à une
expedition , & que pluſieurs ſe plaignirét
à luy qu'on leuravoit fait tort, il lesre
commanda aux Gouverneurs des Pro
vinces pour les oüir : Et, comme il fur de
retour, s'eſtant informe de la maniere
que chacun en avoit uſé , il adoucit au
tant qu'il pût la vangeance des délits.
Au reſte , fans parler de ſes victoires, par
leſquelles il a Louvent defait les Enne
CONSTANTIUS ET JULIEN . 219
mis qui ne purent reſiſter à ſon inviola
ble perſeverance , qu'il n'ait eſté fort
utile aux Gaulois, qui eſtoient reduits
à la derniere extremité, cela ſe voit bien
clairement, de ce que du teinps qu'il
vint en ces quartiers-là , il y trouva les
Triburs par capitation à vingt-cinq ef
cus d'or pour chacun , & quand il s'en
retourna, il m n'y en cut plus que fepe
pour toute ſorte d'impolition . Au fu
jer dequoy on ſe réjouiſſoit de le voir
comme un Soleil Terein apres des tene
bres épaiſſes .' Enfin nous ſçavons qu'il
a obſervé ucilement juſques à la fin de
ſon Empire & de ſa vie, qu'on ne don
neroit point les reſtes des impofitionis
aux coffres de l'épargne par les remiſes
qu'on appelle indulgences, parce qu'il
(çavoit bien que s'il n'en uſoit de la lor 1
ý moyen d'en faire
te , c'eſtoit le vray
profiter ſeulement les riches, qui n'ont
jamais halte de payer , & que paitant
les pauvres au commencement des im
poſitions ſont toûjours contraints de
payer leur taxe entiere , & de la payer
lans ſurcéance & ſans relâche quelcon
que. Toutesfois entre ces façonsde re
gir & degouverner, dignes de l'emula
tion des bons Princes, la rage des Bar
bares s'alluma de plusen plus. Er com
K ij
220 AMMIAN MAR . Liv. XYI.
mc les beftes, quipar la negligence de
leurs gardiens vivent de la rapine , à
quoy elles ſontaccoûtumées . quand ils
ſont éloignez , ou qu'on leur preſente
des beſtes plus fortes , clles ne ſe reti
rent point pour cela ; mais quand la
necellité qui les preſſe leur enfe le cou
rage, alors fans craindre le peril , elles ſe
jettent ſur les bæufs & ſur les troupeaux
champeſtres. Tout de meſme .ceux-cy
ayantconſumnétoutce qu'ils ont rava
gé, la famine les contraint quelquesfois
de chercher leurproye, & meurent quel:
quesfois devant que d'avoir attaint à ce
qu'ils pretendent avec tant d'ardeur.
III ,
à
din évenement heureux. Cependant
Ta Courde l'Empereur Conſtantius, l’en
vie abbayoit autour d'Arbetion ', qui
fembloit afpirer à la ſouveraine puiſ
fance,de laquelle il prenoit déja lesmar:
ques par tous les ornemens de la dignité
Imperiale . Le Comte Veriſſime, luy re
prochoit fans ceſſe ſon ambition , & di 14.
foit ouvertement que de ſimple foldat,il
s'eſtoit elevé au ſuprême degré deschar
gesde la guerre ; mais que ne ſe conten
tant pas die fi
peu de chofe , on voyoit
bien qu'il s'efforçoit de ſe mettre en
eſtar de nerien voir au deſſus de luy. Ces
luy quil'inquiera le plus, fut un certain
Dorus, qui de a Medecin qu'il avoir
eſté des porteurs de Boucliers , s'eſtant
vû elevé à la charge de Centenier des
choſes qui ſe doivent tenir propres dans
Rome, du temps de Magnence, comme
nous l'avons b -rapporté cy deuant', a .
voit acclisé c Adelphius Prefect de la
Ville d'avoir conçû des contrepriſes trop
hautes. Comme donc la chofe en vind
IV .
V.
V 1.
.
eltant interrogé de ce qu'il luy ſembloit
de Rome , dit ; Qu'il n'en faiſoit pas
grande difference d'une autre Ville , puif.
que les hommes y pouvoient auſſi bien mox
rir quils font autre part.
L'Empereur ayant donc vû beaucoup
de ces choſes- là avec un eſtrange éton-,
nement, le plaignit de ce que la Renom
mée eſtoit bien inpuiſſante ou bien ma- :
ligne , puis qu'eſtant d'humeur à aug
mcnter toûjours les choſes , elle avoit
pourtant eſté foible à ſon égard à parler
de toutes les ſingularitez qui ſont à Ro
m . Et delibcrant long- temps en luy
melmede ce qu'ilauroit à faire,enfin il ſe
reſolut d'adjouter aux ornemens de la
Villeun Obeliſque qu'il érigeroit dans
le Cirque qui eſtoit le plus proche de
la place de Trajan , duquel Obeliſquc
je diray en ſon lieu l'originc& la formeo
CONSTANTIUS ET JULIEN . 2.43
VII.
Conſul,
pour la ſeconde , parmy les troubles &
les menaces que les Alemans faiſoient
de toutes parts, ils'en alla avec de bons
preſages à Rheims, & avec beaucoup de
joye dece qu'on avoit donné la charge
de commander l'armée à Severe , qui
n'eſtoitny contrariantny ſuperbe ;mais
accoûtumé de longue-main à la frugali
ré & à la fatigue de la guerre , & qui le
ſuivroit toûjours par lesbonnes voyes ,
commeun ſoldat luit ſon Capitaine, qui
ſçait luy.meſmebien obeïr. D'autre cô
té Barbation qui eſtoit parvenu à la
Charge de Colonel de l'Infanterie de
puis la mort de Silvanus , luy amenoit
vingt-cinq mille hommes qu'il avoit
fait partir d'Italie par les ordres de
kEmpereur,pour l'aller attendre à Baflc.
iij
.2
246 AMMIAN MAR . Liv. XVI,
Mais commeon eſtoit en peine d'enfer
mer en quelque encongneure de païs les
Alemans , qui rodoient de tous coſtez ,
afin de les défaire entierement, ils paſſe
rent à la dérobée entre les deux Armées ;
& ſans que la Ville de Lion ferma dili
gemment ſes portes , elle ne ſe fuſt pas
exemptée d'eſtre priſe & brûlée,comme
le furent ſes Fauxbourgs , & tout ce qui
cſtoit à l'entour, quifutpillé & ſaccagé.
Ce quiayant eſté connu de Ceſar , il ula
fi prudément de cette occaſion , qu'ayant
détaché de ſon armée trois troupes de
Cavalerie des meilleurs hommes qu'il
cut ; il lesmir ſur les trois avenuës.p. I
où les Barbares eſtoient contraints de
paſſer pour ſe retirer , & leur fit bien
܀
VIII.
IX .
Tandis que le
less Ennemis fe glorifient di
vec excez , Iulien ſe tenant prudem
stuent ſur les gardes,exhorte ſon armée
à la bataille. Les Soldats & les ca
pitaines approuvent l'avis de leur Ge .
neral.
1
quoy ie ne me fuis iamais precipité de re
cevoir le nom de la qualité de ce ar. Et
à tous ceux qu'il voyoit qui demandoiết
inconliderément le ſignal debataille , & *
qu'il prévoyoit que par leur impatien
ce, ils pourroient rompre l'ordre du có .
mandement , il leur dit ; A quel deſein
voulez -vous tant precipiter l'honneur de
-
la Victoire , pour mettre les ennemis en
fuite ? Gerdez - vous bien ſeulcment d'a
bandonner le terrain à l'Ennemy, fi ce
n'eſt apres une neceſſité extréme : carpour
vous en parler ſainement, je ne veux ia
mais voir ceux qui auroient le cxur fila
che
que de frir : mais auſſi feray -ie pre
ſent indifferemment à tous ceux qui char
geront vigoureuſement l'Erinemy à dos, o
qui le feront prudemment de avec difcre
tion .
266 AMMIAN MAR . Liv . XVI.
XI.
Mij
268 AMMIAN MAR . Liv. XVI.
comme l'aifle gauche qui s'avançoit ſur
une eminence, cut repouſsé avec beau
coup de vigueur les troupes des Ale
mans, & qu'elle donnoit rudement dans
le corpsdes Barbares , noſtre Cavaleric
qui tenoit noſtre aille droite , lâcha le
pied fort mal à propos, contre l'eſperan
ce qu'on en avoit conceuë. Et tandis
que lespremiers qui prenoient la fuite,
empeſchoient les derniers, qui ſe trou
xerentcouverts du gros des Legions, ils
s'arreſterent tousde pied -ferme, & re
commencerent le combat. Ce qui arri
va de ce que ſur le point qu'on remet
toit chacun en ſon rang, les gensde che
val qui eſtoicnt armez de toutes pieces,
ayant vû lcùr" Capitainc legerement
bleſſé , & fon camarade accablé ſous le
poidsde ſes armes, ayant eſté renverse
parlateſte d'un chevalqui le choqua rų.
dement, chacun y pouvoit tomber éga
lement , & l'Infanterie en paſſant par
deſſus cuſt troublé toutes choſes, ſi elle
neſe fuftpoint reſſerrée, & ne fultpoine
demeurée ferme. Cominedonc Celar ſe
fut apperceu de n'avoit point d'autre
>
reſſource que de fuir, il' lâcha la bride de
fon coſté , & fe mit devant elle pour l'ar
reſter, & pour luy oppoſer une eſpece de
CONSTANTIÚS ET JULIEN . 269
barriere. Ce qu'ayant reconnu par la
cornette dePourpre du dragor , où b leś
dépouilles de la vičilleſſe ſont appan
duès au bout d'une lance , le Tribun
d'une troupe s'arrelta tout coure , & le
fentant touché de
regret de ce que la
crainte l'avoit fait pâlir , il retourna
pour rallier les gens & les remettre en
bataille. Et Celar les reprit ainſi avec
beaucoup de douceur. Où allons- nous ,
dit- il , valeurenſes troupes ? ignorez :
vous que la fuite qui n'a " iamais eſte
un bon remede poitr se ſauver , ne faffe
cönnoiſtre à tout le monde la honte qui
nous allons recevoir , fi noſtre entrepriſe a
esté inutile ? Retoumons au fecaurs de nos
compagnons pour le moins, afin d'avoir
part à leur gloire future , fi combattant
pour la Republique nous ne les avons
point lâchement abandonnés. Diſant ces
choſes, avec grande authorité, il rame
na tout le monde à fon devoir , ayant
imité,c fans comparaiſon,le vieux d Syl
la , qui combattant contre Archelaus
Lieutenant general de l'armée de Mi
thridate , fut abandonnéde tous ſes fol
dats au fort de la bataille . Il courut à la
reſte du premier rang , & ayant pris l'é
tendare qu'il jertà pariny les Enneinis;
M iij
270 AMMIAN NIAR . Liv. X VI.
Allez , dit-il, mes compagnons, qui as
vez eſté choiſis avec moy pour courir tou
tes les fortunes de la guerre , ou à ceux
qui vous demanderont où vous avez laif
sé voſtre General , vous leur répondrez ,
ſans leuren faire acroire ; qu'il est demeuré
ſeul pour une fois en Beotie , o il.com
bat nos Ennemis aux dépensde fon ſang.
+
CONSTANTIUS. ET JULIEN .' 271
le s'éch auffa , & caut peu à peu à la ina
niere des flots qui choquent les Ro
chers. Enfin la poudre s'élevant d'un
mouvemét égal parmy la foule des traits
qui fremiſfoient en l'air , & qui offuf
quoiér la vuë, faiſoit choquer rudement
les armes contre les Armes , & les corps
contre les corps. Mais les Barbares
tranſportez de vehemence & de cour
roux paroiſloicat enflammez : & ferrant
Icursboucliers les uns contre les autres ,
folltenoient l'effort des noſtres ben for
me de Tortuë, & tailloient en pieces par
les coups qu'ils donnoient de leurs ef
pées. Les & Bataviens accoururent au
ſecours de leurs Amis avec cinq Roys
( cette troupe formidable eſtoit capa
ble de retirer d'un peril extréme , ceux
quieſtoientpreſſez de toutes parts ; file
fort des Armes leur euſt eſté favorable )
& comme ils ſonnerent de leurs cornets
retors, on euft dit que la bataille repre
noit de nouvelles forces. Les Alemans
en parurent plus animcz ; leur courage
s'augmenta, & il ſembloit ( tant leur fu
reur eſtoit allumée ) qu'ils alloient tout
exterminer. Cependant de l'autre coſté
les darts & les javelots tortus inceſſam
ment lancez , les fléches acerées pleu
M iiij
272 AMMIAN MAR . Liv . X v 1.
voientde toutes parts : quoy quede prés
unc pointe detrait frappoir contre une
autre pointe , leurs cuiraſſes eſtoient en
tre- ouvertes par les lamesde fine trem
pe , & ceux quicftoient bleſſez n'ayant
point encoreversé leur fang , fe follle
voient encore pouroſer entreprendreun
dernier exploit.
Enfin les uns & les autres eſtoient
preſque égaux . Les Alemans eſtoient
grands & robuſtes, & nos ſoldats eltoiét
accoûtumez à la guerre par un longula
ge. Ceux-là eſtoient farouches & turbu .
lens, & les noſtres eſtoientpoſez & ar
tificieux. Ceux- cy pleinsdeceur, & les
autres d'une grandeur de corps fort avā .
tageufe.LeRomain abbatu ſous le poids
de ſes armes, ſe relevoit quelquesfois,&
le Barbare pliant le jarret gauche , le
fouloit de ſes genoux laſſez
pour l'érou
fer, qui eſtun ſigne d'une extrémeopi
niaſtreté. On vid auffi-toft ſortir avec
une ardeur nompareille l'Eſcadron des
perſonnes de qualité , où il y avoit des
Roys, ſuivis de leurmilice , qui atta
qucrent nos troupes de referue, & qui
s'ouvrirent le paſſage juſques à d la Le
• gion des Primans, quieſtoit au milieu du
& corpsde bataille ( quis'appelle la forte
CONSTANTUS ET JULIEN . 173
)
reſſe de la garde Pretorienne ) où les
foldats ſe preflant le plus fore dans leurs
rangs, tenoient fermes cóme des tours,
puis le combat ſe reprit avec une n01t
velle vigueur. Celuy quieſt dans la mé
lée évite les coups adroitement, & ſe.
couvrant comme un Gladiateur de la pe:
cite rondache , il donne de l'épée jul
qu'aux gardes dans les flancs de ſon en
nemy. Cependant ceux-cy s'abandon .
nant courageuſement dansle peril pour
obtenir la victoire, s'efforçoient de for
cernos troupes ; & de rompre nos ba
taillons : Ils ſe ſubſtituoient les unsaux
autres pour prendre la place de leurs
gens, que lesnoſtres avoient tuez . Mais
enfin
ayant oüy les cris de leurs bleſtez ,
parmy la foule des morts , la peur les
ſaiſit, & ſe trouvant extrêmement fati
guez , leurs plus braves gensne virent
plus d'autre moyen de fe ſauver que
danslafuite ; C'eſt pourquoy ils hâte
rent leur retraite par divers fentiers
comme ceux qui fe lauvene du nau
frage.
Quiconqüe fut preſent à cette occa
fion avouëra , je m'affeure ; qu'elle fur
plûtoſtuneheureuſe ſuite denoſtre ſou
hair, que de noſtre eſperance , & que ce
Mv
394 AMMIAN MAR . Latv. XVI.
fut un effer de la bonté d'unedivinité fa ..
vorable. Le ſoldat chargeant à dos ſur
celuy quiprenoit la fuite , enfin les ef
pées eſtant émouſsées, ou les lames s'é
tant pliées à force de battre , & ne fe
trouvant plus d'inftrumens pour fraper,
il plongeoit les darts des Barbares dans
leurs propres entrailles , Perſonnen'ai
ſouviſſoit ſa colere par le fang des tuez :
nulle inain ne ſe contentoit des maſſa
cres qu'elle avoit faits, & on n'exerçoit.
pointdemiſericorde vers ceux qui l'im
ploroient.Pluſieursmortellement blef
ſez par terre , demandoient qu'on leur
filt la grace de les achever . D'autres à
demymorts, ou eftant prés d'expirer ,
cherchoient encore à leurs yeux mou:
rans l'uſagede la lumiere: les teſtes de
quelques-uns tronçonnées par de lar
ges épicux, eſtoient encore attachées au
goſier . Pluſieurs eſtoicnt tombez ſur le
terrain gliſſant & fangeux par le ſang de
leurs compagnons, quoy qu'ils ne fuſe
ſent point bleflez , eſtoient étouffez fous
la foule des paſſans. Toutes ces choſes
s'eſtant donc paſsées avec beaucoup de
bon-heur pour le victorieux , comme il
s'encourageoit toûjours de plus en plus
à pourſuivre fa victoire, les pointes de
CONSTANTIUS ET IULIEN . 275
ſesarmes s'émoufferent par les coups: &
lesarmers luiſans & les boucliers eſtoiét
roulez ſous les pieds. Et pour comble
dedeſaſtre pour les vaincus, les Barba
res ſe voyant empeſchez de paſſer par la
foule des morts qui eſtoient élevez de
vant eux en pile comme un rampart ,
chercherent à ſe ſauver du coſté de la ri
viere , quifut l'unique recours quis'of
froit
pour favoriſer leur fuite. Er
t parce
queles Romains les preſſoient vivemét ,
quelques-uns qui fçavoiene nager , ſe
jetterentdansle fleuve , pour le traver
fer. C'est
pourquoy Ceſar prévoyant
le danger d'une chaleur fi bruſque, prit
avis avec les Tribuns & les Capitaines
d'empefcher l'armée parde fortesrepri.
mandes de pourſuivre l'Ennemy plus
loin, de peur qu'en le pourſuivant avec
trop d'avidité, il n'y en euſt quelques
uns quiſe jettaſſent auſli dans l'eau , &
qu'ils ſemiſſent en danger deperir,parce
que le fleuve eſtoit profond , & que les
eaux eſtoient groffies. D'où vint que
les noftres s'arreſtant ſur la rive du feu
ve , tirerent ſur les Alemans, de qui fi
la legereté en fauvoit quelqu'un ,iltom
boit au fond de l'eau par la peſanteur
du corps : Et comme il arrive en quel
11 vi
276 AMMIAN MAR , Liv . X VI.
que ſpectaclede Theatre, où les tapiſſe
rics font voir des choſes admirables, il
eftoit auſſi permis d'en voir beaucoup
en ce lieu - là fans crainte ; quelques.
uns qui ne ſçavoient pas nager , qui
s’atta choient à ceux qui en avoiene l'u
ſage & l'experience , d'autres qui flora
toient con /medes ſouches, n'ayantplus
de forces , quoy qu'ils euſſent eſté des
plus adroits en cette forte d'exercice.
D'autres encore qui ſe voyoient em
portcz par la rapidité du fleuve, ou de
vorez par la furie des flots : Et quel
ques-unsportez ſur leurs propres bou
cliers , comme ſur de petites barques,
qui s'eſtant détournées commeles eaux
quand elles choquent des maſſes qui
s'oppofent à leur courant, attaignirent
l'autre rive , apres beaucoup de perils.
Enfin le liet du fleuve écumeux fut teint
da lang des Barbares , & en fut enfile .
d'une maniere étonnante.
CONSTANTIUS ET JULIEN , 277
XIII.
-
ques jours de là , il furmené à la Cour
de l'Empereur : & de la Cour , il fut en
voyé à Rome,où eſtant logédans l'Hô
.tel des Princes Etrangers , qui eſt ſur le
MontCelien , ily finit les jours parune
lethargie qui le prit , & quiluy fut cau
féc parune vie ocieuſe , à laquelle iln'é
toit point accoûtumné.
Apres un exploit fi memorable , il y
eurdes gensdans le Palais de l'Empereur
quiblâmerent Julien ,pour réjouirCon
ftantius , & l'appellerent meſmepar dé
riſion c Victorin , de ce qu'il n'avo
point de honte de fe vanter que depui.
qu'il eſtoit Empereur , il avoit ſouvent
furmonté les Alemans. Et ourre l'exag
CONSTANTIU S ET JULIEN . 281
geration des vaines louanges qu'on luy
donnoit , & l'oſtentation des choſes qui
avoient de l'éclat , ils faiſoient croiſtre
la vanité de l'Empereur qui n'y eſtoit
déja que trop porté de ſon naturel , luy
attribuant la gloirede tout ce quiſe fai
ſoit degrand ſur la terre. De-là vint que
fut la bonne opinion que fes Aatteurs
luy avoient fairconcevoir de fa perſon
ne, il eut bien l'arrogance de publier par
ſes propres Edicts qu'il eſtoit le ſeul qui
avoit combata & vaincu, quoy qu'il ne
fe fult trouvé en pas ime occaſion de :
tolit ce quis'eſtoit fait, & qu'iln'y avoit
point cu de part, il cſcrivoit qu'il avoit
quelquesfois reſtably desRoys,des Na
tions quand ils s'eſtoient humniliez des
vant luy : Et li , par exemple , comme il
eſtoit en Italie , quelque Capitaine euſt
fait quelque belle expedition contre les
Perles, ſans faire aucune mention de luy
dans une longue narration qu'il en fai
foit écrire , il envoyoit des Lettres tou
tes pleines de ſes Victoires au dommage
des Provinces par les contributions qu'il
en exigeoit , par leſquelles il faifoit en
tendre avec une vanité odieuſe qu'il y
avoit eſté en perſonne , entre ceux qui
s'y eſtoient le plus ſignalez. Enfin il y a
deles Edićts , dans des actes publics affi ,
* AMMIAN MAR. Liv . XVI,
chez au nom du Prince , où il s'exalte
foy.meſmeen racontanttous ſes grands
exploits , comme lors. que la bataille ſe
donna quarante jours apres ſa ſortie de
Straſbourg , & décrivant cette bataille ,
ildit que ce fut luy-meſine qui rangea
l'Armée , où il eſtoit en perſonne entre
ceux quiportent les Enſeignes, & qu'il
inir les Bårbares en fuite : En ſuite de
quoy Chnodomaire luy für preſenté
( quelle indignité !) ſansdire pas un ſeul
mor des glorieuſes actions de Julien,
qu'il euſt volontiers enſevelies dans
l'oubli par un odieux filence , ſi la Re
nommée qui publie les choſes memora
bles pouvoit ſe taire , quand pluſieurs ſe :
voudroient efforcer d'en obſcurcir la :
veriré.
283
2012 ON
0.5
REMARQUES
3
SVR
I.
II.
III.
IV •
V.
VI.
fur'le 16. Livre d'Ammian . 289
VI.
IX .
XIII
MARCELLIN
LIVRE XVII. *
CONSTANTIVS
ET JVLIEN .
II...
I V.
L'explication Grecque Latine des figu
res Hyerogliphiques marquées ſur
lóbeliſque.
dire .
Dans la premiere facedu coſté de Mi
di, le ſensdes premiers caracteres hiero
glyphiques eſtrel.
Ce ſont icy les choſes que nous
- avons miſes en l'honneur du Roy G
» Rameſtes , que d cherit le Soleil , qui
->> gouverne avec joye tout le monde ha
» bitable , cér: Apollon puiſſant , am2
, teur de la verité,fils e d'Heron 'engen
dré des Dieux , qui a fait l'Univers
„ habitable; c'eſt celuy -là meſme que le
., Soleil a élu . Le Roy Rameſtes valeu
ng reux fils de Mats , ſous
qui toute la
» terre eſt aſſujetie par une force invin
314 AMMIAN MAR. Liv . XVII.
„ cible : toute la terre a eſté reduite fous
ſon pouvoir , & rien ne l'en pourra
jamais feparer .
La ſeconde inſcription porte. Apol
„, lon puillant ,amateur dela verité, Sei
» gneurdu Diademe. Il a glorifié l'E
gypte commeſon principal heritage,il
.
V.
VI.
VII.
IX .
XI.
XII.
XIII.
X I V.
:
dire tout-bas, que ce qui leur arrivoirn'é
toit pas tant par leut merite que pardes
coups de la fortune. Ainfi en l'eſpace
d'une demi-heure de temps que dura le
combat , il y eut ſi grand nombre de
Barbares tuez, que la ſeule Victoire fit
aſſez connoiſtre de quelle forte ilsavoiét
combatu . A peine tantde pauvres gens
curent -ils eſte exterminez , que leurs
proches de tous âges & de tous ſexes
ſortirent par troupes de leurs petites
chaumieres : & la vanité de leur premie
re vie n'ayant plusde moyen de ſe con
tenir , ils ſe porterent d'eux -meſmes à la
baſſeſſe des fervices les plus contempti
bles : & dansun fort pecit intervalle de
temps , on vid des monceaux d'hommes
tucz , & des foules nombreuſes de cap
tifs. Mais quoy qu'il en ſoit , par la fer
veur des combats, & par les fruits ordi
naires de la Victoire, on s'émer encore
plus fort à la ruine corale de ceux qui
avoient deſerté les combats , & qui s'en
eſtoient fuits
pour ſe cacher ſous leurs
petits coicts. Commedonc le ſoldatavi
de du ſang des Barbares , fut venu aux
lieux
CONSTANTIVS ET JULIEN , 361
lieux où eſtoient ces pauvres gens, il les
maſſacroic impitoyablement, ayantren
verſé leurs petites hutes : car il n'y avoit
point demaiſon appuyée ſur des poutres
-
XV.
a
Cocoos
OOT
REMARQUES
S V R
III .
IV .
C
ſur le 17. Livre d' Ammian. 375
plus haut, pour dire qu'il eſtoit deſcendu des
anciensRoys d'Egypte , que le peuple a reveré
commedes Dieux .
VI.
VII.
a
E 24.jour d'Aouft. Il y a le neufviéme
X I.
XII .
XIV .
XVI.
AMMIAN
MARCELLIN
LIVRE XVIII . *
CONSTANTIN S
ET JVLIEN
1.
mettant
part ſes ſollicitudes guerrie
res pe ndant l'hyver , au lieu qu'il avoit
choila pour y paffer cette ſaiſon, ne laif
ſoit pasneantmoins d'appliquer ſon ef
prit à faire des reglemens utiles pour le
bien des Provinces , prenant garde dili
gemment qu'il n'y euſt perſonne de lur
chargé par
les impoſitions, ny que quel
qu’un fult opprimé par une puiſſance
étrangere , qu'on fift appeller en Juſtice
Ceux de qui les Domaines s'eſtoient ac
crus par les calamitez publiques , & que
nulde ceux qui eſtoient Tagesne ſe dé
tournaft impunément de l'equité. Il
corrigea ces defauts fans beaucoup de
travail ,
par fon
tant le cours de propre exemple,
toute forte arrê
de débats .
Et quand la grandeur des cauſes , ou que
la qualité des parties l'obligeoit d'y
prendre garde encore de plus prés, il
ehtoit Juge incorruptible , & metroic
toûjours la diſtinction toute entiere en
tre ceux qui avoient droit , & ceux qui
ne l'avoient pas. Et bien qu'en de pa
R.
306 AMMIAN MAR. Liv . XVIII.
reilles rencontres ilait fait beaucoupde
il
choſes dignes de grandes louanges ,
me-ſuffira neantmoins d'en rapporter
une ſcule , pour montrer de quelle for
te ils?y comportoit, ſoit de parole, ſoit
d'action . It'écoûtoit un jour un certain
Numerius , peu de temps auparayant
Gouverneur dans la Province Narbon
noiſe ,accusé commeun voleur devant
ſon Tribunal, où tout le monde eſtoit
admis pour l'audiance publique. Delo
phidius qui eſtoitl’Advocar de fa partie
adverſe ,netrouvant plus debonnes rai
ſonspour le convaincre, s'écria du.cofté
du fiege où le Prince eſtoit aſlis pour
rendre la juſtice ; Qui fera-ce, tres- flop
riſſant Ceſar, qui pourra iamais eſtre con .
vaincu de crime, s'il ſuffit denier ? A qui
Julien répondit ; Qui ſera-ce qui pour
ra jamais eſtre innocent, s'il ſuffit d'accu;
ſer ? Il fit donc ces choſes & beaucoup
d'autres ſemblables dans l'adminiſtra
tion des affaires pour les choſes civiles.
Et comme il eut deffein d'aller à cette
expedition qu'il tenoit preſſée du coſté
des Alemans, quiavoientfortifié quel
ques bourgs contre nos frontieres pour
faire des hoftilitez ſur nous: car ilsa
voient beſoin d'eltre reprimez ,à l'exem
ple des autres, toutesfois il eſtoit incer:
CONSTANTIUS ET JULIEN . 3%7
stain par quelle force,& par quelmoyen
il en viendroit promptement à bout ,
pourne leur donner pas le loiſir de ſe re
connoiſtre. Enfin il ſe refolut dc tenter
beaucoup de choſes par divers moyens
quiluy reüllirent , comme l'evenement
te fit connoiſtre. Il envoya ſous titre
d'Ambaffade au Roy Hortaire, avec le
quel nous eſtions déja en paix , Hario
baudes qui avoit eſté Tribun, perſon
nage d'une probicé & d'une valeur con
nuë , afin qu'eſtant avancé ſur les fron
cieres de les Etats , il ne crouvaſt point
de difficultez au paſſage pour aller con
tre ceux auſquels on vouloit porter la
guerre , eſtant d'ailleurs tres -verre en la
connoiſſance du langage des Barbares,
Hariobaudes eſtant donc parti pour ne
gocier cette affaire , Cefar de fori conté
voyant que la ſaiſon eſtoit propre,ayant
fait affembler l'arınée fe mit en eſtat de
partir : mais il jugea premierement à
propos devant que de declarer ouverte
ment la guerre, de reprendre quelques
placis qui avoient eſté ruïnées long
temps auparavant, & de les faire forti
fier , auſſi bien que de rebâtir des gre
niers , & derétablir les Magazins en la
place de ceux qui avoient eſté brûlez,
afin d'y pouvoir affembler les provi
Rij
285 AMMIAN MAR , Liv . XVIIT.
-
lions pour le vivre annuel, lequel on
avoit accoûtuméde faire venir tous les
ans c de la grand'Bretagne. Cequiſe fic
en moins de temps qu'on ne l'cuſt oſé
eſperer : car en effet , les 'Magazins fu
rent promptementrebâtis , & ón y mit
toutes lesmunitions & toutes les provi
ſionsneceſſaires , & ony prit ſeptVilles,
d Ertelens ou le fort d'Hercule , Quadri
burg , Ştircenſe ,Niveze, Bonne , An
tonay & Binge : où Florent qui avoit la
Charge de Prefect , amena fans delay
un Convoy fi conſiderable qu'il y eut
desmunitions pour long-temps. Apres
cela , il ne reſtoit plus qu'à reparer les
murailles & les fortifications des Villes
reconquiſes,dont il n'y avoit pasmoyen
de ſe diſpenſer ; mais auſli n'y eut- il per
fonnc pour en empeſcher l'ouvrage : &
il parut clairement que les Barbares
obeïrent en ce temps-là par la crainte
à l'utilité publique, & pointdu tout par
l'amour qu'ils portoient à leur Gouver
neur. Les Roys , ſuivant le Traité qui
avoit eſté faitl'année d'auparavant en
voyetent aux Romains des chariots
chargez de beaucoup de choſes necel
ſaires pourmettre dans leurs places : &
les Troupes auxiliaires qui mépriſent
toûjours les choſes de leur devoir , fuz
CONSTANTIUS ET JULIEN . 389
rent neantmoins fléchis par les careffes
de Julien pour obeir avec ſoin ,& porte
rent des pieux de cinquante pieds de
long avec des faſcines", pour avancer
les travaux quieſtoient commencez .
II.
R vj
39.6 AMMIAN MAR LIT. XVIII.
III.
IV .
V,
Y II.
VIII.
Les
7 Romains qui eſtoient dans | Amide ;
ayant déchiffré des Lettres des Perſes,
envoyent Ammian Marcellin , qui
ayant reconnu l'eſtat de l Armée enne
mnie , retourne chez les fiens plütoft qu’or
ne l'eust' oſé eſperer .
**
434 AMMIAN MAR . Liv . XVIII.
10
X.
RE
La Meſopotamie ayant esté ravagée par
1
les Romains , quimirent le feu partoute
la campagne, & dans tous leslieux, où le
pouvoient por.eriles fureurs de la guer
re, Sabinien ſuit ridiculement ſon peu de
genie , pour le métier des armes on il
pi'entendoit rien du tout.
S
12
breuſe que la noſtre ; Nous crûmes que
le meilleur eltoit donc de nous tenir ſur
nos gardes , dans la crainte que chacun
de nous avoir que la mort nous eſtoit in
dubitable. Enfin , comme nous eſtions
en balance de ce que nousavions à faire;
mais pourtant reſolus à nous bien de
fendre dans la derniere extreinité, quel
ques-uns des noſtres qui s'avancerent
trop , pour s'eſtre mis avec trop de re
merité au rang des avantcoureurs , fu
rent tuez . Et comme les Troupes s'a
vançoient de part & d'autre , Antonin
quivoulutavoir la vanicé de paroiſtre
CONSTANTIUS ET IULIEN .
à la teſte des fiennes , fut reconnu d'Ur
ficin qui luy en fir des reproches , l'ap
pellant traiſtre & meſchant. Antonin
doſta la Thiare qu'il portoit ſur ſa teſte
pour marque d'honneur , & deſcendit
de cheval : & s'eftant courbé le ventre
en terre , la touchantpreſque de fon vi
ſage , il falüa Vrſicin l'appellant ſon
Maiſtre & fon Seigneur, tournant les
mains derriere ſon dos , qui eſt une
marque de ſuppliant parmy les Ally
riens, & luy dit ; Pardonnez -moy, trese
e excellent Comte , puis que c'eftla necef
fité plutot quema propre volonté ,quim'a
fait tomber dansune faute quim'eſtoitbien
connuë , maisque je n'ay pii éviter: ceux
quidemandoientma ruine ont eu beſoin du
mal-heur queie me ſuis procure moy-meſ
me, vous le ſçavez , à l'Avarice deſquels
vostre haute fortune , qui le pourroit en
vierà mes miferes, n'a pû refifter , diſant
ces paroles , il ſe retira de la preſence ,
non pas en tournant le dos , mais ſeres
cirant en arriere avec modeſtic,
the
1
44
432 AMMIAN MAR . Liv. XVII .
XIII.
2
eſtant bien cultivées ont auſli beaucoup
de fecondité : Il y a un lieu celebre
par lesBains d'eau chaude, qui s'y trou
vent naturellement , appellé Abarne.
Au milieu d'Amide meſme il y a une
groſſe fontaine au deſſous de la forte
reſle , dont l'eau eſt fort bonnçà boire ;
mais quipar la chaleur qui s'en exhale
cſt auſſi quelquefois deinauvaiſe odeur.
La cinquiéme Legion Parthiquc eltaic
toujours en garniſon dans cette Place ,
pour la garder, avec une troupe de gens
dupars, qui n'eſtoit point à mépriſer.
Mais alors , à cauſe des Perſes qui s'en
approchoicnt avec une nombreuſe Ar
CONSTANTIUS ET JULIEN . 439
mée, fix Legions en deffendoient les
approches , & enfermoient les paſſages
pour deffendre cette Place fortc ; les
Magnentiens & les Decentiens ( lel
quels apres que les guerres Civiles fu
FC at paſsées , l'Empereur avoit en
voyez en Orient, comme des trompeurs -
& des gens qui aimoient le trouble , n'y
ayant rien à craindre dece coſté -là que
des guerres étrangeres ) les c Triceli
mans, & les Decimans , qui compo
foienţ la Legion fortenſe,lesSurvenans
& les Prevenans , 10:15.nomas de Legions ,
avec le Comte Ælien , leſquels nous a
volis rapporté eſtre ces Apprentifs, &
ces troupes nouvelles , qui eſtant ſorties
de Singare , ayanteſté encouragées par
le Capitainedes Gardes, dont j'ay déja :
parlé , ta illa en pieces un fi grandnom-
bre de Perſes, qui ſe trouverent affou-
pis par le ſommeil. Il y avoit auſſi la
plus grande partie des Comtes Archers,
qui eſtoient des troupes de Cavaleric ,
qu'on nommoit ainſi , ou eſtoient ad
mis à la paye tous les Barbares de con
dition libre, qui excelloient entre les
autres en experience d'armes & en for
ce. Tandis que le tourbillon de la pre
miere ardeur venoit à ſe décharger fư ='
ricuſemcat par des efforts imprevûs, le
Tiij
438 AMMIAN MA R. Liv . XVIII.
Roy de Perſe avec ſon peuple , & avec
toutes les Nations qu'il conduiſoit a
pres foy, ayant pris à droite depuis un
lieu appellé Bebaſe , ſelon l'avis qu'en 18
avoitdonné Antonin , par Horre, Me
jacarire & di Charcha , pour venir à
Amide ; quand il für proche de deux
châteaux qui eſtoient aux Romains ,
dont l'un s'appelle Rema, & l'autre Bu
- fa , ilappris par des Transfuges qu'on y
avoit renfermé dedans.comme dansdes
Places de ſeureté , force richeſſes des
à quoy l'on ajoûtoit ,
gens du païs ;
qu'outre les beauxmeubles, ils'y trou
veroit une fort belle fémine , avec une
petite fille qu'elle avoir, & que c'eſtoit
la femme d'un certain homme de Niſi
be appellé Craugaiſe , l'un des princi
paux perfònnages de ſon païs , tant à
cauſe de la Nobleſſe , que pourſa repu
tation particuliere, & pour les grands
biens qu'il avoit, L’avidité du pilliage
l'ayant donc attiré de ce coſté -là , il at
taqua furieuſement ces deux Châteaux,
d'où ceux qui eſtoient dedans, ſe trou
vant ſaiſis d'effroy par le nombre , &
par la diverſité des armes de ceux qui
leur donnoient l'aſſaut, ſe rendirent,
& dans le congé qu'ils eurent de ſe re
tirer en leurs garniſons, ils reſtituerent
CONSTANTIUS ET JULIEN 439
les clefs des portes. Mais enfin quand
les portes furent ouvertes , on en oſta
tout ce qu'on y avoitainaſsé. Les fem
mes éperduës de crainte en furent ti
rées avec les enfans, qui ſe lioient au
cou de leurs Meres, éprouvant des mi
ſeres extrémes dés leur tendre jeuneſ
fe. Et quand le Roy ſe fur infornré de
celle quieſtoit la femme de Craugaife,
& que dás la crainte où elle cftoit qu'on
ne luy fiſt quelque violence , il luy eut
permis de s'approcher de luy , & qu'il
luy eut fait dire qu'elle n'euſt poine de
peur, il l'aſſeura encore quand il la vid
avec un voile noir ſuc ſa teſte, qui luy
couvroit le viſage juſques à la bouche ,
qu'elle pouvoit eſperer que ſon hon
neſteté ſeroit conſervée toute enciere
pour ſon Mary , & qu'elle ne ſeroit
point violée . Car il avoit oüy dire que
ſon Mary l’aimoie chcrement , & crût
que par meſmemoyen il gagneroit ſon
eſprit, & ſe pourroit rendre Maiſtre de
Nilibe. Il y trouva e d'autres Vierges
conſacrées pour le Culte diyin , à la ma
niere des Chreſtiens, leſquelles ilcom
manda d'eſtre conſervées , & qu'il leur
fuſt permis de ſervir Dieu dans lcur Re
ligion , ſelon leurcoûtume, ſans qu'el
les en fuſſent empeſchécs par qui que
Í iiij .
440 AMMIANMAR . Liv . XVIH .
ce ſoit , feignant dela douceur pourun
afin que tous ceux qu'il épou
temps,
vantoit par ſa leverité & par la cruaugé ,
ſe vinffent rendre de leur bon gré à fa
diſcretion , ayant banny toute crainte ,
& s'eſtant inſtruirs par de nouveaux
cxemples, poureſtre veritablement pero .
fuadez qu'il avoit temperé la grandeur
de la fortune, par l'humanité & par..la
courtoiſie .
dos
2920
REMARQUES
S VR
III.
)
& meſmes d'y en avoir à eux , comme Libanius
l'a bien remarqaé dansſon Antiochien .
V :
*
1
V 1.
VII.
IN
VIII.
I X:
X
* L ſe trouve force Lions ez.Meſopotamie: Cette
digreſſion des Lions eſt curieuſe & fort
" thingle , comme ſont toutes celles que l'Au
Ieab
agr
cheur- entremclle dans ſon Hiſtoire .
b Cerare Capitaing .Ammian dit cela par iro .
348 Remarques
nie , car il ne faiſoit point du tour d'eſtar de
Sabinien dont il parle icy .
c Parmy los Sepulchres d'Edeſſe. Les com
beaux des Anciens eſtoicnt preſque tous hors
des Villes, d'où vient que les Conges qu'on fai
i foit d'entrer dans une Ville ' eſtoient de bon
augure , & ceux qu'on faiſoit d'en ſortir:
i altoiene un ligne demort.
XI.
XII.
XIII.
>
laMeſopotamie au deſſus de Nigbe, où il y a
force fruits & beaucoup d'habitans. La Notice
de l'Empire l'apellc Charta , & dit qu'elle eſt
ſous le Duc de la Meſopotamie . Mi V.
e D'autres Vierges , Ce licu' eft remarqua
ble pour faire voir par le teſmoignage melme
d'un Payen , qu'il y avoit de ſon temps ſur
les frontieres de la Perſe , des Vierges conſa
crées à Dieu ſelon la pieté Chreſtienne , del
quelles furent reſpectées pour leur ſainteté.
45r
AMMIAN
MARCELLIN .
LIVRE X I X. *
CONSTANTIVS
ET JVLIEN .
1,
23
traverſez de Aéches, eſtoient renverſez .
par terre ou repouſſez rudement venant
derendre le dernier ſoupir : à d'autres
qui eſtoient percez de tous coſtez , les
habiles Operateurs defendoientde leur
mettre aucun appareil, de peur de les
affliger inutilement d'une douleurame
re ;mais il y en eutauſſi qui endurerent
des tourmenspires que la mort, comme
dans l'incertitude de la cure qu'on en
faiſoit , on eſſayoit de tirer les Aéches,
des lieux où elles eſtoient enfoncées.
CONSTANTIUS ET FULIEN . 463
مدم
peu depuis la plage brûlante de l'Éthio ;
pie, & s'étendit juſques dans la Provin
ce de l'Affrique. D'autres ont crû,com
l'air
me il arrive le plus ſouyent, que
é
infect , & les eaux corrom pu es par la
puanteur des cadavres , ou d'autres cho
ſes ſemblables , affectent la plus grande
partie de ce qu'il y a de fain , ou que met:
tant de l'alteration dans l'air , cela au
moins engendre les légeres maladies .
Quelques -uns affirment auſſi que l'air
épaiſli par les exhalaiſons de la terre ,
1
Yvi
468 AMMIAN MAR . LIV, XIX .
IV .
۔ص
bruit pendant la nuit, & monterentjul
ques.au troiſiéme eſtage de la Tour. Et Sa
là , s'eſtanr cachez , ils attendirent lema:
tin : Etdés qu'il fut jour ayantelevé un
hocqueton d'écarlate , qui eſtoit un fi
għal qu'il eſtoit temps de donner l'al
laut, ils ne l'eurent pas plûtoft appercelli
que de toutes parts . la Ville fut en
tourée de leurstroupes : & apres qu'ils.
eurent vuidé leurs trouſſes qu'ilsmirent
à leurs pieds., ils éleverent de grands .
cris pour donner l'alarme , & femerent.
des fléches de toutes parts avec uncad
disffemerveilleuſe . Aufli -toft.cous les
CONSTANTIUS ET JULIEN , 471
corps d'armée s'eſtant épaiſlis, donne
entencore avec plusde furie qu'ils n'a
voient fait dans la premiere attaque.
Quant à nous , comme nous eſtions in
fi nous
Certains de quel coſté tourner ,
devions nous oppoſer à ceux qui eſtoiés
en haut,ou bien à la multitude quieſtanc
montée par les degrez cachez , ſe ren
doitmaiſtrelle de nos baſtions, nos em
plois furent fort diviſez . Nous tranſpor:
tâmes cinq de nos plus legeres machines
pour braquer contre la tour. Elles poul
ſoient des javelots de bois d'une grande
viſteſſe , leſquels pouvoient tuer deux
des Ennemis à la fois : Et certes lesuns .
qui en eſtoient grićvementbleſſez tom
boient par terre : d'autres effrayez du :
feulbruit desmachines, s'en trouvoient
attrapez , & leurs corps en eſtoient mis
en pieces, quand ils penſoient fuir. Ces .
choſes s'eſtanç expediées promptement,
& les machines ayant eſté remiſes en
leurs places accoûtumées , les murailles
ſe deffendirentavec un peu plusde ſeus
reté. Et dautant que le crime abomi
nable du Transfuge avoit augmenté les
Coins & les peines denos ſoldats , on cuſt :
dit que les tireurs qui décochoient tou .
tes ſortes de traits d'un bras robuſte ,
de telle :
cuffent couru dans un lieu uny...
472 AMMIAN MAR: Liv . XIX .
forte que les reſtes qui eſtoient du coſté
de Midy , eitantmis horsde combat par
les furieuſes blefleures qu'ils avoientre
ceuës, & par le failiffeinentde la mort
de leurs compagnons , fe retiroient de
crainte dans leurs tentes . La fortune
nous donna donc quelque eſperance de
ſalut ce jour- là par la perte que firent
les Ennemis quinoustenoient afficgez :
& le reſte de ce meſme jour nous ayant
eſté accordé pour nous rafraîchir , &
pourprendreun peu de repos, dés le len
demain defort grandmatin,nous viſmes
du haut de la fortereſſe un peuple in
nombrable, qui s'eſtoit refugié dans le
château de Ziare , commedans une pla
ceforte, qui avoic dix ftades de circuit;
mais ayant eſté pris de vive force , ce
peuple eſtoit emmené caprif. fl y eut
auſſi bien d autres lieux fortifiez qui fu
tent pris & brûlez en ce meſme temps
là, d'où pluſieursmilliers d'hommes fu
renttirez pour eſtre mis dansla ſervitu
de : Et des femmes déja avancées en
aage, eſtant infirmes pour des cauſes di
verſes, & ne pouvant ſupporter la fati
gue nila longueur du chemin , n'ayant
plusauſſi de loucy de la vie, on lcurcour
poit les grasde la jambe ou les jarrets ,
& on les abandonnoit en cét cſtar .
CONSTANTIUSET JULIEN . 473
V.
VII.
La femmedeCrauguaïſe perſonnedequali
těrevient captive,& fait venir ſon mary
qui étoità Niſibeavec le Prefet Romain.
Iluſe de fineſſe pour ſe défaire deluy , to
fe iette dans l'Armée au ſujet de la fem .
me,laquellé ayant recouvrée , il ſe trouve
élevéà de nouveaux honneurs parSapors
quiavoit perdi trente mille hommes as
Siege d' Amide.
Vant à la femme de Crauguaïſe ,
Qui elle füſt- honnorée comme une
Dame illuſtre qui: conſerva ſa pudeus
ſans eſtre violéc, & s'affligea cependant
d'aller voir un autre monde ſans eſtre :
à la compagnie de ſon mary , bien que
par la maniere qu'elle avoit eſté traitée,
iuſques-là , elle euft ſujer d'eſperer as
quelque choſe de plus grand. Songeant :
à l'eſtat de ſes affaires , & regardant de :
loin aux choſes qui luy pouvoient ara
river , elle ſe geſnoit l'eſprir d'une doua -
ble inquietude , nç deteſtant pasmoins ;
XY
AMMIAN MAR . Liv. XIX :
490
l'eſtat de ſon naufrage que la penſéede
ſe remarier.
Elle enyoya donc un ſerviteur fidelle ,
qui ſçavoir le Païs de toute la Melo
potamie , & luy ordonna de paſſer par
W le mont d'Yzale , entre deux Cha
fteaux appellezc Maride & Lorne, pour
ſe rendre à Nilibe , ſans qu'on s'en puſt
appercevoir , & que là , il donnaît avis
à ſon mary de l'eſtat où elle eſtoit, &
qu'elle le convioit de la venir trouver
vivre heureux le reſte de ſes jours ,
pour
aupres d'elle. Le ſerviteurfidelle , ayant
cíté depeſché de la forte, prit des che
mins detournez par des lieux couverts .
& Colitaires , & ſe rendit promptement
à Nilbe , dit que n'ayant jamais pû
voir fa Maiſtreſſe , & qu'ayant peut
eſtre eſté tuée , on l'avoir laiſſé échap
du camp des Ennemis , comme un
per
homme de neant auquel on n'euſt pas
pris garde , & informa Craugaiſe de
tout ce qui s'eſtoit paſſé : puis ayant
receu parole de Craugaiſe ", que s'il
pouvoic Corrir avec ſeureté, il ſuivroit
volontiers ſa femme en quelque lieu
qu'on la paſt tranſporter , 'ic Mellager
s'en alla porter cette bonne nouvelle à
Ja femme , qui dés le moment qu'elle
la receut , alla ſupplier le Roy par l'en
CONSTANTIUS ET JULIEN . 491
remiſe de Tamſapor , de trouver bon
que devant que ſon mary fortiſt des li
mites de l'Empire , il l'a puft avoir en
ſa puiſſance. Le Roy fit entendre ſes in
tentions , l'eſtranger retourna contre
l'eſperance de tout le monde , & re
vient encore ſurſespas ſans
que perſon .
ne s'en miſt en peine. Ce qui donna du
ſoupçon à Callien , qui commandoit à
Nilibe , auſſi bien qu'aux autres perſon
nes de qualité qui eſtoient dans la Ville ,
fi bien qu'ils en marquerentleur reſſen -'
timent à Craugaiſe , & luy firent con
noiſtre qu'ils ne pouvoient douter que
Gét hom se ne fuſt allé , & venu fi lið
brement qu'il avoit fait, fans fa parti
cipátion ; Ce quileur faiſoit croire qu'il
y avoit de l'intelligence. Craugaïſe qui
Craignit d'eſtre accuſé de crime de
trahiſon , & que l'on cruſt que ſa femen ,
me fuſt cauſe", qu'il renonceroit à la -
Patrie , & qu'il le refugieroit entre les
bras des ennemis , où il ſeroit receu fa
vorablement , feignit de prendre une
feconde femme , & de rechercher ens
mariage une fille d'une excellente beau-
té. Et comme s'il euft deſia preparé :
routes les choſes neceſſaires pour le fer
ſtia de les Nopces , il s'en alla à une :
maiſon des champs, à huit mille de la
vį ;
492 AMMIAN MAR . Liv . XIX .
Ville , d'où il s'alla jetter parmy des
coureurs Perſans qu'il avoit appris de
voir arriverdans le Païs ſous pretexte
d'y faire le degaſt. Il y. fur receu les
bras ouverts, parce qu'il y eſtoit con
nu , pour les choſes qu'on leur en avoit
dites , & fut mené le cinquiéme jour
d'apres à Tamſapor , qui le preſenta au :
Roy. Là toutes choſes luy furent ren
duës avec ſa femme qu'il aimoit che
rement : mais il la perdit peu de mois
apres. Il tenoit dans la Cour de Perfe
le ſecond rang apres Antonin., & ,d !
commedit un excellent Poëte;
Le plus proche apres luy , mais d'unlong ?
intervalle.
Car celuy-cy d'un eſprit ſolide & ém.
prouvé par une longue experience eſtoic
ferme dans toutes les reſolutions qu'il
prenoit ; & l'autre eſtoit d'un naturel
plus ſimple , quoy qu'il cuft auſſi acquis
de la reputation . Ces choſes ne furent
pourtant pas de longue durée.
Au reſte , quoy que le Roy de Perſe
fiſc paroiſtre par ſon viſage qu'il eſtoit
fort content pour la ruine de la Ville ·
qu'il avoit conquiſe par la force de ſes .
Armes , & qu'il jouiſſoit d'une tran
quilité nompareille, li eſt -ce qu'il avoit
de grands reſſentiments en lon cæur
GONSTANTIUS ET JULIEN .
des pertes qu'il avoit faites , qui ne
pouvoient eſtre.recompenſées par le
nombre de ceux qu'il avoit tuez en die
vers combats , ou qu'il tenoit priſon
niers, comme il luy eſtoit arrivé quel
quefois à- Niſibe & à Singare. Auſli
ayant aſſiegé la Ville d'Amide l'eſpace
de ſoixante- & treize iours , il y avoit
perdu crentemille hommes , qui furent
depuis comptez par le Tribun Diſcenis,
qui avoit auſſi la Charge de Secretaire ,
& qui gardoit les Regiſtres , ſur le diſ
cernement qu'il fie des corps des cuez ,
en ce que ceux des noſtres ſe defigurent
& fecoulent par la pourricure , en ſorte
qu'on n'en reconnoiſt plus aucun
quand il eſt mort de quatre jours , au .
lieu quc les corps dës Perſes ſe deſfei- .
chent & .deviennent comme des ſoi
ches, & ne fe pourriffent point ; & ne
ſont nullement couverts de fanie : cc
qui arrive de la fobrieté de la vie qu'ils ,
ontmenée , & qu'ils ont efté eſlevez :
dans un climat plus chaud & plus foc .
que celuy où nous avons cfté nourris..
葉 茶
494 AMMIAN MAR . LIT. XIX .
IX .
a
devoir: & les vents ayantchangé, il ar
rivedesvaiſſe aux chargez de bled.Con
ftantius prepare une expedition contre
les Sarmates .
le
de Pollux , la mer devint tranquile , le
vent changea , .& des Navires chargez
de bled entrerent dans le Port , dont les
Greniers de la Ville furent remplis.
Parmy toutes ces traverſes , Conſtan ,
tius qui eſtoit à Sirme , où il palloit
l'Hyver , receur de mauvaiſes nouvel.
lesdes Sarmates Limigantes quiavoient
chaſsé leurs Mailtres de leur propre
païs , comme nous l'avons montré cy
devant , ayant repris peu à peu- les lieux
qui leur avoient eſte deſtinez dés l'an
née precedente ,de peur que comme ils
ſont changeans ils ne vinſſent à fairs
quelque hoftilité , puis qu'ils s'eſtoient
déja jetrez dans les contrées voiſines , &
de crainte encore qu'ils ne miſſent le de
fordre par tout , faiſantleurs courſes ac
coûtumées., s'ils n'eſtoient repouſſez de
5
LP
leur donner , quelques éloignées qu'el
les peuffent eſtre , afin que ſe trouvant
enveloppez d'un grand loiſir , ils hono.
raſſent le repos comme une Divinité fa
lutaire , & qu'ils ſubiroient les Char
ges avec le nom de Tributaires. On ap
prit ces choſes par le retour des Tribuns:
& l'Empereur ravy qu'une affaire la MA
IG
quelle du commencement il necroyoit
pas eſtre faiſable,fe pourroit neantmoins
accomplir fans beaucoup de peine , les
à
receur tous avec grande joye , quoy
il fut d'autantplus porté,que ſon avidi
té de poſſeder , le "farfoit pancher du
coſté de l'avarice , outre que la mul
titude des flateurs , qui ne parloient
d'autre choſe , augmentoit forr ſon in
clination dans ſon eſprit , ſouspretexto
qu'ayant a-Toupy toutes choſes au de
hors , & mis la Paix en tous lieux , il
gagneroit des gens, qui luy donne.
roient force enfans , pour le ſervice ,
qui apprendroient lcmeſtier des armes ,
& qui ſeroient propres à renouveller
les troupes , qu'au reſte les Provinciaux
feroient de leur bon gré les contributiós
pour la ſubliſtance des corps quiſeroiens
CONSTANTIUS ET JVLIEN . SOI
tirez de chez eux. Il faut avouër pour
tantque cette ſorte d'attentea quelque
fois elté onercule à la Republique.
L'Empereur ayant campé aupres d'un
lieu appellé a Acumince ; quand on
cût eſlevé uneeſpece de Terraſſe en for
me de Tribunal , des bateaux qui ame
nerent quelques Legionnaires, ces gens
là eurent ordre de couler le long du
Fleuve, ſous la charge d'un certain hom
mebappellé Innocent , autheur de ce
Conſeil , commis pour la meſure des
champs , afin que s'ils s'appercevoient
que los Barbares s'émeuſſent 'tant ſoit
peu , ils vinflent à les charger à dos ,
quand ils ſeroientle moins du monde
occupez ailleurs. Bien que les Limi
gantes connuſſent à quoy toutes ces
choſes aboutilloient , ils ne firentpour
tant rien avec precipitation , & firent
ſemblant de demeurer les bras croiſez ;
mais ils avoient bien d'autres penſées ,
que ce qu'il eſtoit facile d'en juger par
leur actions & par leurs paroles : car ils
eſtoient artificieux . Ayant donc vû
l'Empereur debout ſurla Tribune, d'où
جی
0
des plus cruels fupplices . Car comme
il eſtoit toûjours dans le deſſein de mal
fairc, & de nuire à quelqu'un , auſſi ne
P
s'abſtenoit-il jamais de brigandages , &
de charger de crimes les ames les plus
innocentes , tandis qu'il s'adonnoit à
des gains pernicieux pour attirer des ca
lamitez publiques .Une petite occaſion
ou quelque choſe quin'en valoit pas la
peine, luy fourniſſoit ſuffiſamment de la
matiere pour l'étendre à l'infiny, par de
longues difficultez qu'il y faiſoit naiſtre
inſenſiblement . Abyde eſt un château
ſitué à l'extremité de la Thebaide : là
eſtoit l'Oracle c d'un Dieu appellé Be
ſa, qui prédiſoit les choſes futures , le
quelon avoit accoûtumé d'honorer par
toutes les Provinces circonvoiſines , ſe
lon les anciennes ceremonies. Et dau
tant que quelques-uns en preſence, &
d'autres par lettres qui contenoient
leurs intentions , y faiſoient leurs priet
res pour conſulter leurs Dieux ; les cho:
fes qui eſtoient écrites ſur des cartes ou
Y
X11.
11
fin accordé. Ceux.cy & quelque per
d'autres furent afliitez de leur bonne
fortune, & de la force de la verité qui
11
les tira des perils où ils furent expoſez.
Mais ceux qui n'eſtoient pasdu tout ſi
innocens, ou qui trouverentplus de pei
neà ſe juſtifier, les tourments ne leur fu
fent point épargnez. Quelques-uns pe
rirent eltant démembrez : d'autres fu
rentcondamnez à des peines exceſſives,
-
DONDAS
eba
Coch
REMARQ_V E S.
S VR
II.
*
b .Les Vertes. Ce ſont des Peuples alliez des
Perles , auf bien que les autres qui font
nommet enſuite ,
« Nos Scorpions, c'eſt une Machinede guerre
quijoüait par de certains refforts pour lancer
fur les ememis une grefle de cailloux , &
quelquefois mefme des quartiers de pierre de:
taille ,'.
id Les clameurs de ceux , donc, Ce lieu eſt cera
tainement difficile pour ea bien faire la con
Itruction , ce qui donne fajet de croire qu'il y
a quelque chofe de perdu , au lieu dexurgeo .
bant,d'autres liſent exurebant , qui eſt le fen
riment de M.V ..
III,
$
N
cette dangereuſe maladic qui affigea beaua
coup l'Armée Romaine .
. Par les traits d'Apollon . C'eſt dans le pre
mier Livre de l'Iliade.
• Thucydide rapporte cette maladie, cielt au .
huitiéme Chapitre du ſecond Livre
V.
VII.
Vill 12
IX .
>
tendre infailliblement des deux lumeaux , qui
ſont ces Tyndarides fi fameux qu'on appelle
Caftor & Pollux.
c Anatholius. It eſtoit Syrien de la Ville'de
Beryte , ayant appris la ſcience du Diciet ci
vil en la patrie » il vint à Rome, où il fut
receu dans le Palais , & élevé par tous les
degrez des Charges , juſques à la dignité de
Prefect. Ce fut un perſonnage admirable par
le jugeinene meſme de ſes ennemis, comme
l'eſcrit Eunapius dans la vie de Proceraſius.
Il eſtoit de la Religion des Grecs , & il y a
grande apparence que c'eſt le meſme que
Photius appelle Vindanius Anacolius de Beo
tyte; qui a eſcrit des choſes suftiques & qui
eſtoic forr eſtimé dans le Paganiſme, comme
le teſmoigne Photius. Au refte Libaniusdans
fa quinziéme Epiſtre recommandé fort ſous
induſtrie , la vigilance , ſon intelligence , ſa
grandeurd'ame,Ion éloquence : il fut premier
sement Conſulaire de la Galatie , puis Vicai
re de l'Affrique , & enfin Prefect , ſous le
Conſulat de Limenius & de Catalinus en l'an
née de Noſtre Seigneur 3:49. M.V...
furle 19. Livre d'Ammian . 319
X.
21 XI.
" Can
non pas sæpe ditaneus ou dictanus, qui font:
destermes que je n'entens point. Au.reftelu
lien fait mention de ce Paul qui eſtoit un
fort mefchant homme, dans ſon Epiſtre aux
Atheniens, & Libanius dans ſon Oraiſon pour
Ariſtophane, & dans ſon Oraiſon funebre .
3
XII:
选 装 选 装 选 装
AMMIAN
MARCELLIN
LIVRE X X. *
CONSTANTIVS
ET JVLIEN .
1.
Lupitin est envoyé par Iulien dans la
Bretagne pour en appaiſer les tumula
tes. Vrlicin mal-traité de la Cour, a
cauſe de la calomnie des flatteurs, eſt
degradé de ſa charge of releguédans
une condition privée .
ELLE fut la fuite des affai
resdans l'Illyrie & dans l'O
T rient. Cependant ſous le a
Conſular." de Conſtantius
pour la dixiéme fois ,& de Julien pour la
troiſiéme,la Paix qui avoit eſté faite dans
la grand Bretagne, ayant eſté rompuç
CONSTANTIUS ET JULIEN . 523
par les incurſions des Eſcoffois & des
Pictes , Nations Barbares , qui rava
geoient toutdans bles Provinces voi
lines, où ſe mefloit encore le fouve
nir de leurs premieres miſeres , qui
leur donnoit de la frayeur , Ceſar paſſoit
fon Hiver à Paris , où ſon eſprit eſtoit
partagé de diverſes follicitudes , &
Craignoit d'aller au ſecours des Provin
ces d'Outremer ( comme nous avons
rapporté cy-devant que l'avoit fait o
l'Empereur Conftans , de peur de laiſ
fer les Gaules ſans avoir des Gouver
neurs apresavoirforcé les Alemans, &
les avoir obligez de ſe mettre ſous les
armespour nous faire la guerre. Il com
manda dốc à Lupicin d'y aller en la pla
ce pour appaiſer les troubles. Ce per
fonnage qui commandoit alors la Mis
lice , cftoit veritablement homme de
guerre, & entendoit parfaitement la
diſcipline militaire : mais comme il
avoit lamine fiere & qu'il eſtoit en effet
d'une humeur affez haute , & qu'il
avoic beaucoup de ſeverité , on fut
long -temps incertain s'il eſtoit plus
cruel qu'il n'eſtoit avare. Il vint donc,
à Bologne fur la fin de l'Hyver,avecun
fecours de Trouppes de Cavalerie.le
gere,compoſée d'Herules,deBataviens,
f*24 AMMIAN MAR . Liv . XIX .
& de deux Eſcadrons de Mæſiens. Puis
ayant fait Proviſion de Vaiſſeaux , il y
fit embarquer cous ſes gens , & quand
il eut le vent
propre , il vint aborder
à d Rocheſtre , & de là il ſe rendit à
Londres,pour continuter enſuitte prom
prement ſon entrepriſe , apres qu'il en
cûr deliberé meurement dans le Con
feil , ſelon l'importance & la qualité
de l'affaire.
Comme ces chofes fe paſſoient donc
ainſi , apres la priſe d'Amide , les calom
niateurs receurent au Camp de l'Emper
reur , & à la charge de Colonel de lin
fanterie Urlicin car nous avonsécrit
cy- devant , qu'il avoit ſuccedé à Bar:
bation ) & ſemerent premierement des
mediſances fourdes, puis ils y meſlerent
ouvertementdes crimes imaginaires : à
quoy l’Empereurpreſtoit ſon conſente
ment , faiſant jugement des choſes ,
ſelon l'oppinion d'autruy ', & s'eſtant
touſioursmontré fort credule aux trom
peurs, & aux fourbes, qui tendoientdes
pieges aux gens debien . Aufli leur don
na- t - il Arbetion & Florent.e Maiſtre
des Offices , pour informer de tout ce
qui s'eſtoit paſſé en Meſopotamie , &
voir le ſujet pour lequel Amide avoit
cſté priſe & ruïnéc . par les. Ennemis .
CONSTANTIUS ET JULIEN , 5255
Surquoy alleguant des raiſons proba
bles , & craignant d'offencer Euſebe ,
quieſtoitalors f Maiſtre de la Chambre ;
ils entreprenoient de faire voir clairc
ment que tout le mal- heur ne venoit
que de l'opiniaſtrelaſcheté de Sabinien ;
fî bien que diflimulant la verité , ils n'a
voient loin que de debiterdesmenton
ges, & de mettre des choſes' en avant ,
qui ne ſervoient de rien . Cette injuſtice
fur li fenfible à Urſiçin , que ne pou
vant reliſter à inne viole ice ſi outrageu
ſe , il ſe concenta de dire : Bien que
PEmperélr memeſpriſe , cette affaire eft
neantmoinsdeſi grande conſequence,qu'el
le ne ſe peut deciderque parle iugement du
> comrne
Prince . Qu'il ſçache pourtant
par un certain preſage , que tandis qu'il
s'affligedes choſesgui ſe fontpaffées à Ami
de, dont iln a pas eſté fort bien informé.com
qu'il ſe laiſſe eller au jugement de les Eu
nuques, la preſence meſme nepourralan
nie prochaine au retour du Printemps ,
avec toutes les forces de ſon Armée con
ferver la Meſopotamie ', ny empeſcher
qu'elle ne periſſe. Ces paroles ayant eſté
rapportées, avec pluſieurs interpreta
cionsmalignes , Conſtantiús s'en mit
en une extrême colere , & fans avoir
d'avantage approfondi l'affaire , ny
426 AMMIAN MAR . Liv . X X.
E
de la charge , le renvoya dans unecon
W
dition privée , & mit en la place g par
unc eflevation extraordinaire , Agilon
qui n'eſtoit que Tribun des b Gentils
hommes Eſcuyers.
I I.
111.
IV.
9
parvenir aux honneurs & aux charges ,
où il n'a point eu de part , s'éleva de la
pouffiere parun grand bruit , frappant
fes boucliersde les darts pourmarquer
fajoye , & chacun le favoriſant en met
me temps de ſes ſuffrages & de ſes ſou
haits. Tout aufli -toft , de peur que
quelqu'un ne vinſt en peu de temps ap
porter du trouble dansune libonne dit
poſition , les Peculants & les Celtes de
manderent d'eſtre envoyez en quelques
Provinces qu'on voudroit , & que les
Controoleurs en cinſſent regiſtre . Ce
que n'ayant point obtenu , ils ſe retire ...
rent ſansen avoir de faſcherieny de ref
ſentiment dans le cour. Toutesfois la
nuict qui devança le jour , quc Cefar fut
declaré Auguſte, l'Empereurrapporta å
quelques-unsde ſes plus confidents , quc.
CONSTANTIUS ET JULIEN . 547
pendant le ſommeil il avoit eu quel
qu'un en viſion , comme on a accoûtu
mé de figurer le Genie public , qui luy
dit ces paroles avec reprimande .
Julien , j'obſerve depuis long -temp3
„ Pentrée de voſtre logis,pour augmen B
„ ter ſecrettement voſtre dignité, quand
„ l'occaſion s'en offrira : & quelques
„,foisie m'en ſuis retiré , coinmeſi j'en
,, cuſſe cíté repouſsé. Mais ſi mainte
„ nantie n'y ſuis receu , par le ſuffrage
de pluſieurs quis'y accordent, ie m'en
„ iray touttrifte , comme ſi l'on m'avoit
congedié. Toutesfois , retenez bien
1
„ Cecy dans voſtre cœur , a que iene de
,mcureray pas long- temps avec vous,
VI.
VII.
IX .
XI.
XII.
Bbc vi
588 AMMIAN MAR . Liv. XX:
XIII.
REMARQUES
S VR
LE X X.LIVRE D'AMMIAN ..
1.
I I.
V.
VI.
IX .
IJulien
dag er denà ene se confermé,&c
Conſtantius, eſt.certainementtil
Cette lettre de
ſuëavec un grand art.
AMMIAN
,