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Bibliotheca S. J.
Les Fontaines
CHANTILLY

но

202/103
ge
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13

1
но

202/103
"
DISSERTATIONS

HISTORIQUES

E T

CRITIQUES

SUR

LA CHEVALERIE

ANCIENNE ET MODERNE ,

SECULIERE ET REGULIERE ,

Avec des Notes.

Par le R. P. HONORE DE SAINTE MARIE ,

Carme Déchauffe.

A PARIS .

Chez PIERRE - FRANÇOIS GIFFART , Libraire


& Graveur , rue Saint Jacques , à l'Image
Sainte Thereſe.

M. DCC . XVIII.

AVEC APPROBATION ET PRIVILEGE DU ROY.


1
iij

PREFACE

Na tant écrit fur les Ordres & fur les Reli-

O gions Militaires , que mon travail paroîtra


d'abord affez inutile , puifqu'il eft difficile de rien

ajoûter fur un fujet qui paffe pour épuisé . J'efpere

pourtant que cet ouvrage aura quelque air de nou-


veauté , fi on fait attention au deffein que je me

fuis propofé , & à la maniere dont j'ai tâché de


l'executer.

Je partage ce Traité en deux Livres . Dans le


premier je parle de la Chevalerie en general , &
dans le fecond de ce qui la concerne en parti-
culier.

Dans la premiere Differtation je donne , avant

toutes chofes , une notion exacte de la Chevalerie ,

dont je veux traiter. Après avoir montré qu'elle


eſt bien differente de la Chevalerie de Race ; qu'el
le n'a rien de commun avec les titres de Banneret ,

de Bachelier , de Comte , de Marquis , de Duc , &

autres ſemblables , & qu'on ne doit pas la confon-

dre avec la récompenfe Militaire , j'établis fept

'fortes , ou fept efpeces de Chevalerie ; fçavoir , la


Romaine , la Militaire , l'Honoraire , la Sociale ;

l'Ecclefiaftique , la Reguliere & celle des Dames .


J'examine dans la II . Differtation l'Origine de

ǎ ij
iv PREFACE. ·

la Chevalerie ; je fais voir la mépriſe de ceux qui


ont crû en trouver la fource peu de temps après le

Déluge , ou qui prétendent que les peuples du


Nord , ou les anciens Germains , ont eu l'honneur
de lui avoir donné naiſſance ; & je conclus que cet-

te gloire eſt dûë aux Romains.


!
Après avoir traité de la Chevalerie en general ,

j'examine fes differentes efpeces en particulier. La


premiere , qui eft la Romaine , fait le fujet de la
III. Differtation. C'eſt- là où je montre qu'il y a

eu parmi les Romains plufieurs Ordres de Cheva-

liers , & je tâche de démêler les uns d'avec les au-


tres : Enfuite je rapporte les Loix & les Cérémonies

établies pour leur reception ; les privileges que


leur donnoit cette haute Dignité , & les peines

qu'on impofoit à ceux qui s'étoient rendus indi-


gnes de la Chevalerie.

Je renferme dans la Differtation IV . ce qui con-

cerne la Chevalerie Militaire : Sçavoir , fon origi-


ne , fa difference des Ordres Militaires , les occa-

fions dans lesquelles on la conferoit , & les Cèré-

monies qui étoient en uſage quand on faifoit des


Chevaliers dans les armées , avant & après les

combats , aux paffages dangereux des ponts & des

rivieres , au fiege des Villes , & même dans les


Mines.

La Chevalerie Honoraire étant la plus commu-

ne & la plus confiderable de toutes les Milices


Seculieres , elle fait le fujet des Differtations V
..
VI. & VII. Je fais voir dans la premiere qu'il y
PREFACE V

a deux fortes de Chevalerie Honoraire , l'une

eft Chrétienne , & l'autre Civile ou Politique ;

qu'on n'en trouve aucun veftige avant le IV . fie-

cle , & qu'il est très-vraiſemblable que le choix


fait par Conftantin de cinquante de fes Gardes

pour porter le Labarum , eſt l'origine & le modele

de toutes les efpeces de Chevalerie Honoraire.


Ce fentiment n'étant pas univerfellement approu
vé , je tâche de l'établir par le témoignage des

Auteurs , & par des conjectures , & je réponds , ce


me femble affez folidement à ce qu'on y oppoſe

de plus fort.

Dans la Differtation VI . j'entre dans un plus

grand détail de la Chevalerie de Conſtantin . J'exa-


mine fes progrès fous plufieurs Empereurs d'O-
rient , & fon déclin vers le temps de la décadence

de l'Empire des Grecs. Je fais voir que cette Mi-


lice reçût un nouveau luftre fur la fin du XII,

fiecle , par les foins & la liberalité d'Ifaac l'Ange ,


de Michel Paleologue , de Cantacuzene, & de quel-

ques autres Empereurs de Conftantinople ; qu'el-


le paffat en Italie après la derniere ruïne de cette

Capitale de l'Empire d'Orient ; enfin que la qua-


lité de Grand - Maître de cet Ordre a efté trans-

ferée au Séréniffime Duc de Parme fur la fin du


dernier fiecle.

Je traite encore de la Chevalerie Honoraire ,

& Chrétienne , & Civile dans la VII. Differta-

tion , & je montre qu'il y a eu des Ordres Mi-


litaires de l'une & de l'autre , avant & après la
ǎ iij
vj PREFACE.

Guerre fainte ; qu'elle a été conferée dans les


derniers fiecles à des Docteurs en Theologie &

en Loix , à des Architectes , à des Peintres , à des

Poëtes , à des Medecins , & même à des perfon-

nes iffuës de la lie du peuple , quand elles fe font


renduës recommandables par de grandes actions .

Je n'ai pas oublié les Chevaliers d'honneur des


Papes , des Rois , des Reines , des Ricombres

d'Eſpagne , & des Soudans d'Egypte , & les Che-


valiers du Guet , ni la Chevalerie Bourgeoife.

Les Chevaleries Sociale , Ecclefiaftique , Re-

guliere , & celle des Dames , font le fujet des

quatre dernieres Differtations de ce premier Li-


vre. Il n'y a qu'à jetter les yeux fur la Table ſui-

vante , & on y trouvera ce qui concerne toutes ces


Chevaleries .

Dans le fecond Livre , qui contient fept Dif-

fertations , je parle de plufieurs chofes qui font

infeparables de la Chevalerie , qui en font tout

l'effentiel & l'ornement , ou qui la deshonorent ,

foit parmi les Infideles , ou parmi les Chrétiens.

J'examine donc les conditions qui font neceffai-


res pour recevoir l'honneur de la Chevalerie ,

ces conditions ne font autres que la nobleſſe &

l'agrément du Souverain ; les Cérémonies que


l'on obferve en la donnant ; les marques d'hon-

neur qui diftinguent les Chevaliers des autres

Nobles ; les occafions dans lefquelles on confe-

roit cette haute dignité ; & les obligations d'un

veritable Chevalier , foit qu'on le confidere en


PREFACE. vij

lui-même , ou par rapport aux Statuts de l'Ordre ,

où il a été reçû . Enfin après avoir rapporté les

privileges attachez à la Chevalerie , je parle de


la Renonciation volontaire à la Chevalerie ; de

la dégradation des Chevaliers , des fautes qui

meritent cette peine ; des Cérémonies que l'on


obfervoit autrefois , & de celles qui font en ufage

dans ces derniers temps , quand on ôte l'habit à


un Chevalier.

On peut être convaincu , par ce petit détail

que je viens de faire , que cet Ouvrage eſt d'un


caractere bien different de ceux qui traitent or-

dinairement des Religions & des Ordres Mili-

taires. Il eſt vrai que je fais mention de plus de

quatre-vingt fortes de Milices Regulieres ou Se-


culieres , Chrétiennes & Civiles ; mais je n'en

traite qu'en paffant , & je n'ai inferé dans ce Li-

vre tous ces Ordres de Chevalerie , que pour fer-

vir d'exemples & de preuves , afin d'établir ce

que j'avance. J'en dis cependant affez pour en


donner une idée jufte & exacte. Car je marque ,

quand on le peut fçavoir , l'Auteur , l'année & le


motif de leur inftitution . Je fais la defcription

du Collier & de la Croix des Chevaliers de cha-

cun de ces Ordres , & je rapporte preſque toû-

jours quelque fait Hiftorique des plus remarqua-

bles , quand il s'en trouve. C'eſt à ces articles où


fe réduit cette foule d'Ouvrages , où l'on a re-

cuëilli ce qui concerne les Religions & les Or-


PREFACE.
viij
dres Militaires. Si mon deffein par cet endroit ,

qui lui eſt accidentel , convient avec celui des


Auteurs qui ont écrit de la Chevalerie , il en eſt

auffi très-different dans ce qui en fait l'eſſentiel


& la maniere de traiter ce fujet.

TABLE
Hiſtoriques & Critiques . xvij

***** ********. * *****

Differtations Hiftoriques & Critiques

fur la Chevalerie.

LIVRE SECON D.

De plufieurs chofes qui regardent la Chevalerie en

particulier.

DISSERTATION I.

Des conditions neceffaires pour recevoir l'honneur .


de la Chevalerie.

ART. I. Il falloit être Ecuyer anciennement pour aſpirer


à l'honneur de la Chevalerie.

De l'Origine des Armes des Fonctions


des Ecuyers. 290.

ART. II. La nobleffe eft neceffaire pour être Cheva-


lier. 295.
ART. III. Cette regle n'eft pas fans exception . 1300,
ART. IV . Tous les Ordres Militaires n'exigent pas un

même degré de nobleße. 1302


ART. V. De la nobleffe qu'on exige pour être reçû dans
1.. l'Ordre de Saint Jean deJerufalem, & des preuves qu'on

fait dans chaque Langue. 314.


Arbre de Confanguinité. 323.

ART. VI. La nobleffe neceffaire pour recevoir le Collier


d'un Ordre Militaire , doit être établie fur de bons
titres.
325.
xviij Table des Differtations

ART. VII. La nobleße prouvée par des titres authentiques

nefuffit pas pourêtre Chevalier.. 327.


ART. VIII. Il n'y a que le Souverain , ou ceux à qui il

accorde ce privilege , qui puiffent conferer la Cheva-


lerie.
332.

DISSERTATION II.

Des Ceremonies obfervées en donnant la Chevale-


rie. 334.

ART. I. Suivant le temps les Nations , les Ceremonies


de la Chevalerie ont varié.
335.

ART. II. De lafignification myfterieufe des Ceremonies de


la Chevalerie. 341 .

ART. III . Des Ceremonies de la Chevalerie en particulier,

qui ont été en ufage dans le XII. fiecle , le XIII. le


XIV. lesfuivans .

§ . I. De la maniere que l'on donnoit la Chevalerie dans


le XII . fiecle. 346.

§. II. De ce quife pratiquoit dans le XIII. fiecle , quand


on conferoit la Chevalerie. 347.

§. III . Comment on faifoit les Chevaliers d'ans le XIV".


20110 201
fiecle. 349.

§ . IV . Ceremo q s p
nies ui 'obfervent à refent quand on ar-
me les Cheva .
liers 351.

§. V. Cerem
onies que l'on obfervoit quand on donnoit la
Cheva
lerie , qui font rapportées dans le Roman de Gi-
rard de Vienn M. S. par Bert le Clerc. 353.
e ran d
ART. IV . Dans laque d c
l le e es Ceremonies confere-t-on la
qualit de Cheva ? 355.
é lier
xix
Hiftoriques & Critiques.

DISSERTATION III.

Du ferment defidélité, & des marques de la Chevalerie,

fontdeux conditions infeparables de cette dignité. 359 .


qui

ART. I. Du ferment des Gens de Guerre parmi les Payens.


260.

ART. II . De la maniere dont juroient les Payens , & du


264.
ferment de fidelité établi parmi les Chrétiens.
Ibid.
5. I. Sermens de fidelitéparmi les Payens .
§ . II . Serment de fidelité parmi les Chrétiens . 367.

ART. III . Des Vœux & des Sermens des Religions &
des Ordres Militaires . 370.

§. I. Formules des Vœux que l'on fait dans les Religions


Militaires. Ibid .

5.II. Sermens qu'on fait dans les Ordres Militaires . 371.


S. III. Serment des Chevaliers de l'Ordre du Saint Ef
373.
prit.
ART. IV. Marques de la Chevalerie Ancienne & Mo-

derne. 377 .

§. I. Marques de la Chevalerie parmi les Payens. Ibid .

§. II. Des marques de la Chevalerie parmi les Chré-


tiens. 380.

DISSERTATION IV.

De la Chevalerie parraport auxperfonnes qui la reçoivent ,


au temps auquel on la confere.

ART. I. Si on peut prendre deux Ordres de Chevalerie

enfemble. 383 .

384
§ . 1. Ufage de la France fur cefujer.
3 ij
XX Table des Differtations

§. II. Comment on peut être aggregé dans deux Religions


Militaires.
385.
§. III. Ces Regles peuvent avoir quelque exception. 387.
ART. II. Comment le Sujet d'un Roi ou d'un Prince peut

prendre le Collier d'un Souverain étranger.

§. I. On nepeut pas prendre le Collier d'un Souverain


étrangerfans le confentement de fon Prince. 389.
§. II. Les Rois les Princes font affranchis de cès
Loix.
392 .
ART. III. Des occafions dans lesquelles on conferoit la
Chevalerie.

§. I. Au couronnement des Rois. 393.


§. II. Aux joyeuſes Entrées & aux Fêtes folemnelles . 394.
§. III . Aux Nôces , aux Baptêmes , & aux Traitez de
Paix. Ibid.

5. IV. A la naiſſance des Dauphins de France , & à la


mort des parens en Italie. 395.
5. V. On a confere la Chevalerie dans deux occafions bien

remarquables. 397.

DISSERTATION V.

Des obligations des Chevaliers.

ART. I. Des obligations qui font propres à un veritable


Chevalier. 399.

ART. II. Des obligations d'un Chevalier en qualité de


Chrétien. 403 .

ART. III . Des devoirs des Chevaliers par rapport à leurs

Statuts particuliers. 405.

5.1 . Obligations des Chevaliers des Ordres de France. 406.


Hiftoriques & Critiques. xxj
5. II . Obligations de quelques autres Ordres Militai-
res. 408.
DISSERTATION VI.

Des privileges de la Chevalerie. 411.

ART. I. Desprivileges en general de la Chevalerie. 412 .

§ . I. La Chevalerie donne une espece de preeminence. Ibid.


§. II. On donnoit aux Chevaliers le titre de Mon-

fieur. 413.

§. III . Les Chevaliers pouvoient porter des dorures , le


vair & l'hermine . 415.

§ . IV. Leurs chevaux étoient couverts de grandes houf-

fes. 416 .

§. V. Ils pouvoient porter des éperons & avoir un


Ibid.
Sceau.

5. VI. Ils pouvoient exiger des aides d'argent dans quel-


ques occafions. 417.

§. VII. On leur donneit unefinance pro pallio . Ibid.


By
5. VIII. Des penfions. 418.

§. IX. Ilsfortoient de minorité. 419 .

§. X. Autres privileges des Chevaliers . 420 .

ART. II. Privileges des Ordres Militaires de ce Royau-


me. 421.

ART. III . Si c'eſt un privilege de la Chevalerie d'anno-


blir. 424 .
DISSERTATION VII.

De la dégradation des Chevaliers , & de la renonciation


à la Chevalerie.

ART. I. Desfautes qui meritent qu'on dégrade les Che-


valiers. 427.
í iij
Table des Differtations ?
xxij

ART. II . Comment on dégradoit autrefois les Chevaliers ,

des Ceremonies qui ont été en ufage dans ces derniers

temps. 431.

§. I. Dégradation parmi les Romains. Ibid..

§ . II . Sous nos Rois de la premiere Race , & chez les In-


diens. 432.
§ . III . Ceremonies de la degradation dans l'Ordre de Mal-
te. 433 .

S. IV. Comment elle fe faifoit en France. 434 .

§. V. Maniere de dégrader les Chevaliers en Angle-


terre.
435.
ART. III . Un Chevalier condamné à mort pourfes cri-

mes doit être dégradé avant d'être conduit au fup-

plice. 436 .
ART. IV . De la renonciation à la Chevalerie. 438.

Additions & Corrections qu'on a crû devoirfaire dans ce


Volume durant le temps de l'impreffion. 44I.

Autres Ordres de Chevalerie établis pour les Dames. 452 .

Explication des Armes & des Colliers des Ordres des

Religions Militaires quifont ici gravez. 455.

Table Alphabetique , Chronologique Hiftorique des


Ordres des Religions Militaires dont il est fait
mention dans cet Ouvrage. 469.

Memoires pour fervir d'éclairciſſement à l'Hiftoire de la


Chevalerie de Conftantin,
xxiij

APPROBATION

DE MONSIEUR L'ABBE' BARE' , Docteur

en Theologie , Grand Sacrife & Chanoine de l'Eglife


de Bordeaux,

" AY là par ordre de Monfeigneur le Chancelier des Differtations


J'A
Hiftoriques & Critiques fur la Chevalerie Ancienne & Moderne ,
Reguliere & Seculiere , avec des Notes , & je n'y ai rien trouvé qui en
doive empêcher l'impreffion. A Bordeaux le premier Janvier 1715.
L'Abbé BARE'.

FACULTAS REVERENDI ADMODUM

PATRIS GENERALIS .

Fr. HYACINTHUS A SANCTA CATHARINA ,


Præpofitus Generalis Fratrum Carmelitarum Difcalceatorum,
Congregationis Sancti Elia , Ordinis Beatiffime Virginis
Maria de Monte Carmelo , & ejufdem Saniti Montis
Prior.
!
Icentiam impertimur , Reverendo Patri Fratri HONORATO A
LSANCTA MARIA, Sacerdoti Profeffo , Provinciæ noftræ Aqui-
taniæ , quantum ad nos attinet , ut Typis mandare poffit , Librum
ab ipfo compofitum ; cui titulus eft : Differtations Hiftoriques & Cri-
tiques fur la Chevalerie Ancienne & Moderne , Reguliere & Seculiere ,
avec des Notes , poftquam à duobus ex noftris Theologis , quibus
id Commifimus , recognitus & approbatus fuerit. In quorum fidem ,
præfentes dedimus , propria manu ac Secretarii noftri fubfcriptas
& figillo Officii noftri munitas. Datum Charentoni in Conventu
Noftro Beatiffimæ Virginis Mariæ de Monte Carmelo , hâc die 2 .
Julii 1714.
F. HIACINTHUS A SANCTA CATHARINA,
Præpofitus Generalis .
F. PAULUS ANTONIUS A SANCTA ANNA
Secretarius.
Locus ( † ) figilli.
xxiv

APPROBATION.

' AY lû le Livre qui a pour titre : Differtations Hiftoriques & Cri-


J'A tiques fur la Chevalerie Ancienne & Moderne , Seculiere & Regu-
liere , avec des Notes , compofé par le R. P. HONORE' DE SAINTE
MARIE , Carme Déchauffé. Les excellens Ouvrages qu'il a déja
donnez au Public font efperer que celui-ci en fera favorablement
reçû. La matiere en eft curieufe ; la maniere de la traiter toute nou-
velle , & la Critique très - raifonnable. Cela m'engage à donner
d'autant plus volontiers mon Approbation à cet Ecrit , que je n'y
trouve rien de contraire à la foi & aux bonnes mœurs . Donné à
Bordeaux dans nôtre Convent de Saint Louis des Carmes Dé-
chauffez , ce 12. Mars 1715.

FR. ANDRE DE SAINT MARTIAL,

AUTRE APPROBATION.

ES Differtations Hiftoriques & Critiques fur la Chevalerie ancienne


L& & moderne , Reguliere & Seculiere , avec des Notes , composées
par le R. P. HONORE' DE SAINTE MARIE , ne contiennent rien
d'opposé à la foi ou aux bonnes mœurs. On y remarque par tout
le bon goût , la droiture du fens , & toute l'érudition dont la ma-
tiere eft capable. Sans donner dans des fables ou dans des opinions
mal - fondées , l'Auteur découvre avec beaucoup de netteté l'origi-
ne de la Chevalerie , & en quoi elle eft differente de tous les titres
d'honneur. Il marque les conditions qui font neceffaires pour re-
cevoir cette haute Dignité , les Cérémonies que l'on obferve en la
conferant , les privileges qui lui font attachez , & tout ce qui re
garde la Chevalerie , foit Reguliere ou Seculiere. Il y a bien de
Papparence que cet Ouvrage ne fera pas moins favorablement reçû
du Public, que les autres qu'il lui a déja donnez.C'eſt le témoignage
que j'ai crû en devoir rendre après l'avoir lû & examiné par Ordre
de nôtre Reverend Pere General. Donné à Bordeaux dans nôtre
Convent des Carmes Déchauffez , ce 30. Mars 1715.

F. MARTIAL DE SAINT JEAN - BAPTISTE .

PRIVILEGE
XXY

PRIVILEGE DU ROY.

OUIS par la grace de Diea Roy de France & de Navarre : A


L nos amez & feaux Confeillers les Gens tenans nos Cours de
Parlemens , Maistre des Requeftes ordinaire de nôtre Hôtel , Grand
Confeil , Prevoft de Paris , Baillifs , Sénéchaux , leurs Lieutenans
Civils , & autres nos Jufticiers qu'il appartiendra , SALUT. Nôtre
bien-amé le R. P. HONORE ' DE SAINTE MARIE , Religieux Carme
Déchauffé , Nous ayant fait remontrer qu'il fouhaiteroit faire im
primer un Ouvrage , qui a pour titre : Differtations Hiftoriques &
Critiques fur la Chevalerie Ancienne & Moderne , Reguliere & Secu-
liere , avec des Notes : s'il Nous plaifoit luy accorder nos Lettres de
Privilege fur ce neceffaires , Nous avons permis & permettons pat
ces Prefentes audit P. HONORE DE SAINTE MARIE de faire impri-
mer ledit Livre en telle forme , marge, caracteres, conjointement ou
feparément , & autant de fois que bon luy femblera , & de le fai-
re vendre & debiter par tout nôtre Royaume pendant le temps de
dixannées confecutives , à compter du jour de la datte defdites Pre-
fentes. Faifons défenfes à toutes fortes de perfonnes de quelque
qualité & condition qu'elles foient , d'en introduire d'impreffion
étrangere dans aucun lieu de nôtre obéiffance , & à tous Libraires ,
Imprimeurs & autres , d'imprimer , faire imprimer , vendre , faire
vendre , debiter ni contrefaire ledit Livre cy -deffus énoncé , en tout
ni en partie, ni d'en faire aucuns Extraits , fans la permiffion expreffe
& par écrit dudit Expofant , ou de ceux qui auront droit de luy , à
peine de confifcation de fes Exemplaires contrefaits , de quinze cens
livres d'amende contre chacun des contrevenans, dont un tiers à
Nous , un tiers à l'Hôtel- Dieu de Paris , l'autre tiers audit Expo-
fant , & de tous dépens , dommages & interefts , à la charge que ces
Prefentes feront enregistrées tout au long fur le Regiftre de la Com-
munauté des Libraires & Imprimeurs de Paris , & ce dans trois
mois de la datte d'icelles ; que l'impreffion dudit Livre fera faite
dans nôtre Royaume , & non ailleurs, en bon papier , & en beaux
caracteres conformement aux Reglemens de la Librairie , & qu'a-
vant que de l'expofer en vente , il en fera mis deux Exemplaires dans
nôtre Bibliotheque publique , un dans celle de nôtre Château du
Louvre , & un dans celle de nôtre très cher & feal Chevalier ,
Chancelier de France le Sieur Voifin , Commandeur de nos Or-
dres : le tout à peine de nullité des Prefentes ; du contenu defquel-
les vous mandons & enjoignons de faire joüir l'Expofant où les
xxvj
ayans caufes pleinement & paisiblement , fans fouffrir qu'il leur foit
fait aucun trouble ou empêchement : Voulons que la copie defdi-
tes Prefentes qui fera imprimée au commencement ou à la fin dudit
Livre ,foit tenue pour dûement fignifiée , & qu'aux copies collation-
nées par l'un de nos amez & feaux Confeillers & Secretaires , foy
foit ajoûtée comme à l'original : Commandons au premier nôtre
Huiffier ou Sergent de faire pour l'execution d'icelles tous Actes
requis & neceffaires , fans demander autre permiffion , & nonob-
ftant clameur de Haro , Charte Normande , & Lettres à ce con-
traires : CAR TEL EST NÔTRE PLAISIR. Donné à Paris le Septiéme
jour du mois de Septembre , l'an de grace 1716. & de nôtre Regne
le premier. Par le Roy en fon Confeil . FOUQUET.

Le R. P. HONORE' DE SAINTE MARIE a cedé le prefent Privi-


lege à M. PIERRE-FRANÇOIS GIFFART , Marchand Libraire à
Paris & Graveur fuivant l'accord fait entr'eux.

Et ledit Sieur GIFFART a cedé la moitié du prefent Privilege


au Sieur JEAN - FRANÇOIS MOREAU , Libraire à Paris ,
fuivant les conventions entr'eux faites.

Registréfur le Registre No. 4 de la Communauté des Libraires & Im


‫من‬
primeurs de Paris , pag. 51. n. 64. conformement aux Reglemens , &
notamment à l'Arrest du Confeil du 13. Aouſt 1703. A Paris le 10.
Septembre 1716. DELAULNE , Syndic .
ix

TABLE

DES DISSERTATIONS

Hiftoriques Critiques fur la Chevalerie

Ancienne Moderne , Seculiere & Re-

guliere.

LIVRE PREMIER.

De l'Origine du progrès des Ordres des Religions


Militaires.

DISSERTATION I.

De la Chevalerie en general , de fes differences.

RTICLE I. De la notion de la Chevalerie & de

A fa divifion. page 1.
ART. II. Les titres de Bannerets , de Bachelier , d'E-

cuyer , de Damoifeau , de Valet & de Captal , font


très-differens de l'honneur de la Chevalerie. page 6.
ART. III. La Chevalerie n'a rien de commun avec la

qualité de Duc , de Marquis, de Comte , de Vicomte ,


de Baron, de Châtelain. 9.
ART. IV . La Chevalerie ajoûte quelque dégré de gloire

à la dignité de Prince , de Souverain , de Roi , d'Em-

pereur. 13.
ART. V. La Chevalerie eft differente de la récompenfe

Militaire qu'on donnoit chez les Romains & chez les


autres Nations.
IS.

X Table des Differtations

DISSERTATION II.

De l'Origine de la Chevalerie:

ART. 1. La Chevalerie n'a pas commencé peu de temps

après le Déluge. 18.

ART. II. Les peuples du Nord , ou les anciens Germains ,


nefont pas les inftituteurs de la Chevalerię. 23.

ART. III , Les Romains ont la gloire d'avoir donné la


naiẞance à la Chevalerie. 30.

DISSERTATION III .

De la Chevalerie Romaine.

ART. I. De plufieurs fortes de Chevalerie chez les Ro-


mains. 32.
ART. II. Des veritables Chevaliers Romains. 36.

ART. III. Des Loix des Cérémonies établies pour la


"
reception des Chevaliers Romains qui ontfervi de mo-
dele pour l'établiſſement de la Chevalerie dans les fie-

cles fuivans. 40.

ART. IV. Des privileges des Chevaliers Romains , &


des grandes dignitez aufquelles ils ont été élevez. 46 .

ART. V. De la degradation des Chevaliers Romains . 49 .

DISSERTATION IV .

De la Chevalerie Militaire.

ART. I. La Chevalerie Militaire eſt très- differente des


Òrdres Militaires . Des occafions dans lesquelles on con-

feroit cetteforte de Chevalerie. W SI.


XI
Hiftoriques & Critiques .

ART. II . Comment l'on conferoit la Chevalerie Mili-


taire dans les Mines. 55.

DISSERTATION V.

De la Chevalerie Honoraire , & de fon établiſſement

par l'Empereur Conftantin.

ART. I. Il y a deux fortes de Chevalerie Honoraires

l'une Chrétienne , l'autre Civile ou Politique. 58.

ART. II . Il n'y a point eu de Chevalerie Honoraire,

foit Chrétienne ou Civile avant le quatrième ſie


cle. 61.

ART. III . Le choix que fit Conftantin de cinquante de

fes Gardes , pour porter le Labarum , eft l'origine &


le modele de la Chevalerie Honoraire ,foit Chretienne ,
foit Civile. 71.

ART. IV. On établit la Chevalerie de Conftantin par le


témoignage des Auteurs. 75.

ART. V. On répond aux objections qu'on fait contre l'an-


tiquité de l'Ordre Militaire de l'Empereur Con-

ftantin. 77-

DISSERTATION VI.

De la Chevalerie de Conftantin. Defon progrèsfous plu-


fieurs Empereurs , & de fon déclin vers le temps de la

décadence de l'Empire Grec. De fon état avant après


la prise de Conftantinople. Comment elle paffà en Ita-

lie. Enfin defon rétablissement fur la fin du fiecle paffe


.

ART. I. De l'Ordre Militaire de Conftantin , de--


é ij

4
xij Table des Differtations.

puis le temps defa fondation , jufques vers le milieu du


V. fiecle.
84.
ART . II . L'Ordre de Conſtantin ſe perfectionna , &fut
tres - celebré dès le milieu du V. fiecle , jufques vers le

temps de la décadence de l'Empire. 88.


ART. III . L'Empereur Ifaac l'Ange donne un nouveau
luftre à l'Ordre de Conftantin . 92.
ART. IV . L'Ordre de Conftantin fut très - celebre depuis

fon rétabliſſement par Ifaac '


l Ange , juſqu'à la ruïne de
Conftantinople.

§. I.Ville- Hardouin fait mention depluſieurs Chevaliers


de cet Ordre.
97 .

§. II. L'Empereur Cantacuzene fait pluſieurs Cheva


liers.
IOI.

§ . III. Les perfonnes lesplus illuftres de l'Empire Grec fe

font aggregez à l'Ordre de Conftantin. 104.

ART. V. Après la prise de Conftantinople , l'Ordre de


Conflantin paße en Italie. De l'état de cet Inſtitutjuſ-
qu'à la fin du XVII. fiecle. 109.
ART. VI. Suite du même fujet. 111.
ART. VII. Sur lafin du dernierfiecle, la qualitéde Grand-

Maître de l'Ordre Conftantinien fut transferée avec

toutesfes prérogatives au Séréniffime Duc de Parme &

àfes defcendans ; ce qui donne un nouveau luſtre à cette


Chevalerie. 116.
DISSERTATION VII.

Des Ordres de Chevalerie Honoraire , Chrétienne &

Civile établis en Occident , depuis le temps de Conftantin.

ART. I. Ily a eu des Ordres de Chevalerie Chrétienne


Hiftoriques & Critiques. xiij
avant le temps des Croisades. 122 .

ART. II . Des Ordres de Chevalerie Chrétienne depuis le


XII. fiecle. 128.
ART. III. La Chevalerie Honoraire- Civile a été en

ufage avant la Guerrefainte. 142 .


ART. IV. De l'établißement de plufieurs Ordres de Che-

valerie Civile érigez dans ces derniers temps. 152.


ART. V. Autres preuves qu'il y a eu des Ordres Mili-
taires avant les Guerres d'Outre-Mer.
159.
ART. VI. La Chevalerie Honoraire a été conferée à plu-

fieursfortes de perfonnes dans les derniers fiècles. 163.


§. 1. Chevaliers de Lettres. 164 .

S. II. Chevaliers de Robe. 167 .


§. III. Chevaliers d'honneur des Papes , des Rois , des

Reines , des Ricombres d'Espagne , & des Soudans d'E-

Sypte. 171 .

§ . IV . Chevaliers du Guet. 174.


5. V. De la Chevalerie Civile ou Bourgeoife . 175.
S. VI. De plufieurs autres perfonnes qui ont reçû l'honneur
de la Chevalerie. 176.
§. VII. La Chevalerie Honoraire a été conferée à des

Infideles par des Chrétiens. 179.


DISSERTATION VIII.

De la Chevalerie Sociale. * 181.

ART. I. Il falloit être Chevalier pour manger à la table


des Rois , affifter a
à certainesfolemnitez. 182.

ART. II . Il n'y avoit que les Chevaliers aufquels ilfut

permis de combattre dans les Tournois & dans les foû-


tes
183.
ĕ iij
xiv Table des Differtations

ART. III . Pour être admis à pluſieurs autres Fêtes d'ar-



mes , ilfalloit porter le titre de Chevalier. 187.

S. I. Pas d'armes. Ibid.

188.
§ . II . Apertife d'armes.
§ . III . Table Ronde.. 189.

S. IV. Toupineures. 191.

S. V. Factions.
§. 194.
§. VI. Duels. 195.
ART. IV. Des Confreries des Chevaliers. 196 .

DISSERTATION IX .

De la Chevalerie Ecclefiaftique. 201.

ART. I. Les Evêques & les Abbez , à raifon des fiefs


qu'ils tenoient des Souverains , & dufervice Militaire

qu'ils étoient obligez de leur rendre , devoient être Che-


valiers. 2022

ART. II . Les Ecclefiaftiques comme Seigneurs temporels

ont conferé la Chevalerie à leurs vaſſaux en pluſieurs


occafions. 209 .
de
ART. III . L'état des Ecclefiaftiques ne les exclut pas
conferer aux autres l'honneurde la Chevalerie, d'être

aggregez eux-mêmes aux Ordres Militaires. 212 .

DISSERTATION X.

De la Chevalerie Reguliere .. 217.

218.
ART. I. De l'origine des Religions Militaires.

ART. II . De plufieursfortes de Religions Militaires, 222.

ART. III . Les Religions Militaires ont embraffé des Re-

gles differentes. 227.


Hiftoriques & Critiques. XV

ART. IV. Des vœux que font les Milices Regulie-


res.
232 .
ART. V. Des Milices Regulieres qui font les trois vœux

folemnels de Religion.
§ . I. L'Ordre de Saint Jean deJerufalem. 237.
Des Langues , des Prieurez, des Commanderies ,

autres Charges de l'Ordre des Chevaliers de Mal-


te.
240 .

Réponses à quelques Objections qu'on propofe fur l'éta-

bliffement de la Religion de SaintJean de ferufa


lem.. 243 :

5. II. L'Ordre des Chevaliers du Temple. 247.

§. III. De l'Ordre des Chevaliers du Saint Sepul-


chre. 249.

5. IV. De l'Ordre de Saint Lazare de Notre- Dame


du Mont-Carmel.
252.
S. V. L'Ordre de Livonie , dit autrement Porte- Glai-
ves. 257.
S. VI . De l'Ordre Teutonique. 259.
S. VII. De l'Ordre de Mont-Joye. 260.

ART. VI. Des Ordres de Chevalerie Reguliere , qui font

des vœux avec quelque limitation.

§. I. L'Ordre de SaintJacques de l'Epée en Espagne &


en Portugal. 261.

§. II. L'Ordre de Calatrava. 264.

§ . III. L'Ordre de Saint Julien du Poirier & d'Alcan-


tata. Ibid.

§ . IV . L'Ordre d'Avis.
S. 265.
Table des Differtations
xvj

DISSERTATION XI.

De la Chevalerie des Dames. 266.

ART. I. Les Dames ont été honorées de la qualité de Che-

valieres en plufieurs occafions . 267.

ART. II . Lesfemmes ont conferé la Chevalerie aux Grands


Seigneurs , aux Princes , & même à des Têtes couron-
nées. 269.

ART. III . Ordres de Chevalerie érigez pour recompenfer

les grandes actions desfemmes. 271.

ART. IV . Dames qui ont inftitué des Ordres de Chevalerie

Honoraire pour les perfonnes de leurfexe. 274.

§. I. L'Ordre de la Cordeliere eft fondé par Anne de Bre-


Ibid.
tagne.
§. II. Ordre des Dames de la Croix àVienne , & de celui
de l'Amarante en Suede. 276.

ART. V. Ordres de Chevalerie Reguliere fondez pour les


Dames. 272.

§. I. De l'établiẞement des Dames Chevalieres de l'Ordre


Ibid.
de SaintJean deJerufalem.

§. II. L'Ordre des Dames Chevalieres de Saint Jean de

Ferufalem s'établit en Espagne en d'autres en-


droits. 281.

§. III. Ceremonies qui s'obfervent quand on reçoit les Da-

mes Chevalieres de l'Ordre de Saint Jean deFerufa-


lem. 284.

§. IV. Des Religieufes Chevalieres de Saint Jacques de

l'Epée en Espagne , & de quelques autres, 286.

Differtations
DISSERTATIONS

HISTORIQUES ET CRITIQUES ,
SUR

LA CHEVALERIE

LIVRE PREMIER.

De l'Origine du progrès des Ordres

& des Religions Militaires.

DISSERTATION PREMIERE.

De la Chevalerie en general defes differences.

ARTICLE PREMIER.

De la notion de la Chevalerie & de fa divifion.

A Chevalerie , fuivant la notion ancien- Ce qu'on


entend ici
ne & generale de ce mot , étoit une pro- par Che-
feffion de fervir à cheval dans les ar- valerie.

mées : ce qui atoûjours été parmi les peu-


ples une marque de nobleffe & de dif-
tinction. Mais la Chevalerie , dans le
fens que nous en parlons ici , eft un titre

d'honneur conferé par les Rois & par les Souverains , foit
A
2 Differtations Hiftoriques & Critiques
pour des raifons de bien-féance , foit pour recompenfer le
merite de ceux qui fe font diftinguez , ou par leurs rares
talens & leurs grandes qualitez , ou par leurs vertus mili-
taires , & qui ont rendu des fervices confiderables à la Re-
ligion ou à l'Etat.

Cette dignité donne à celui qui en eft honoré des pri-


vileges & des droits que n'ont pas même les Nobles & les

Gentils-hommes titrez ; & le degré de gloire auquel éleve


la Chevalerie , a fouvent fait fouhaiter aux grands Sei-
gneurs & aux têtes couronnées d'ajoûter le titre de Che-
valier à celui de Comte , de Marquis , de Duc , de Prince ,
de Roi , d'Empereur.
La Che- Il ne faut pas confondre cette Chevalerie avec le titre
valerie eft d'ancienne nobleffe militaire , ou de Chevalerie de race ,
differente
de l'an- & de fiefs , ( a ) par l'équivoque du terme miles , ( b ) qui
cienne No- convient , & qui eft employé dans les Auteurs pour l'un
bleffe.
& pour l'autre titre. L'Empereur Frederic avoit très-bien
diftingué ces deux efpeces de Chevalerie , lorſqu'il fit une
Ordonnance à Naples l'an 1232. qui défendoit que per-
fonne neſe preſentât pour recevoir l'Ordre de Chevalerie
qu'il ne fût de race militaire ou d'ancienne Chevalerie :
Ad militarem honorem nullus accedat , qui non fit de genere
Il y a militum. L'une de ces Chevaleries eft , genus militum , race
deux fortes de Chevalerie ; l'autre militaris honor , l'honneur de la Che-
de Cheva-
lerie : l'une valerie. Charles II . démêle encore très- bien ces deux for-
de race , &
l'autre ac-
quife . (a) Tous ceux qui tenoient des fiefs toit à pied. Ainfi ce mot Miles figni-
étoient cenfezChevaliers,parce qu'ils fie également un Cavalier & un Che-
fervoient en armes & à cheva!. Mi- valier. La difference ne s'en peut faire
litiapeperit feuda, dit Cujas , lib. 4. de que par la qualité des fiefs ou des per-
feud. tit. 2. in comment. fonnes. Car l'antiquité ne nous donne
(b) On a appellé en France Cheva- point d'autre terme que celui de Mi-
lier celui qui par les Latins eft nom- les. Ce mot fignifie encore Chevalier
mé Miles , quafi unus ex mille ; c'eft de race , & Chevalier d'élection.
l'expreffion de S. Ifidore. Eutropius Quelques Auteurs les diftinguent , en
parlant de Romulus , remarque qu'il donnant le nom d'Equites à ceux qui
choifit plufieurs combatans , mille pu- avoient l'Ordre de Chevalerie , & ce-
gnatores elegit quos à numero milites ap- lui de Milites aux nobles de race mi-
pellavit . Anciennement l'homme de litaire , d'ancienne Chevalerie , ou de
cheval ou Chevalier étoit appellé Mi nobleffe titrée.
les à la difference de celui qui combat-
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. I. 3
tes de Chevalerie , lorſque dans fon Ordonnance de 1294.
il dit , nullus poſſit accipere militare cingulum, nifi ex parte pa-
tris faltemfit miles . Il le fuppofe déja Chevalier , quand il
dit : Nififit miles ; & il parle d'une autre Chevalerie,quand
il ajoûte , poffit accipere militare cingulum.
Il faut donc diftinguer entre Chevalerie & Ordre de
Chevalerie. La premiere eft naturelle , & fuit la naiffance ;
l'autre eft acquife & dépend de la volonté d'autrui . De- là
vient que quand on dit que nul ne naît Chevalier, cela figni-
fie que perfonne n'a par les droits de la naiffance , l'hon-
neur de la Chevalerie , la Ceinture ou le Baudrier de Che-
valerie. C'eſt pour cela que les Princes n'ont jamais parlé

de la Chevalerie acquife qu'avec des termes de diftinction ;


la nommant , tantôt nouvelle Chevalerie , tantôt Chevale-
rie d'honneur , tantôt Ordre de Chevalerie.
Suivant l'idée que nous avons donnée de la Chevalerie Il y a
acquife , on peut reconnoître qu'il y en a de fept fortes. La fept fortes
de Cheva-
Romaine,la Militaire, l'Honoraire, la Sociale, l'Ecclefiafti- lerie ac :
que , la Reguliere , & celle des femmes. ¡quife.

La Chevalerie Romaine a été très- celebre. C'eft la plus Chevale-


ancienne de toutes les Chevaleries , & le modele de tous les rie Romai-
ne.
Ordres militaires. Elle n'a pas été également floriſſante

dans tous les temps. Le mélange de plufieurs fujets indi-


gnes avec les veritables Chevaliers Romains a fouvent ob-
fcurci l'éclat de cet illuftre corps. Il y a plufieurs fiecles que
cette Chevalerie eſt éteinte , & il n'en reste plus rien que
dans les Livres.
Ily a une autr fort de Cheva
e qui n'eft peut-être Cheval
e leri e-
e
guere moin anci que la Roma . C'eft une marq rie Militai
s s enne ine ue -
d'ho qui s'acq p d h faits d'ar . Elle re.
nneu uiert ar e auts mes
a été établri pour releve le coura , & pour recom
penf
le
meri eg r ge er
te d e s e n s d e g u e rre . O n l a c o n f eroit o r d inai
reme
nt
avan ou après e rand d g c o m b . C ' e s p o u r Char
t * s ats t q uoi -
lema étant fur le point de conqu la Hong , * Aimon.
gne erir r ie Annal. lib.
fit Cheva Loui le Debo fon fils , & lui ceign l
lier s nnai it e S.cap. 7.
re
& l'épé à Rati ; & Blaif de Mont f
baud
rier e ſbon e luc ut
ne
créé Chev par le Comt d'En après la batai d
alie e guie lle e
r n A ij
4 Dissertations Hiftoriques & Critiques.
Cerifoles , où Montluc avoit donné de grandes preuves de :
fon courage , & fait de très-belles actions.
Cheva- La Chevalerie Honoraire eft celle que les Empereurs ,
lerie Ho-
noraire. les Rois & les Princes conferent aux autres Souverains qui
font dans le même rang. (a) Ils communiquent auffi cette
excellente qualité aux premieres perfonnes de leur Cour ,
à leurs favoris , aux Officiers de l'Etat ou de leur maiſon ,
aux grands Seigneurs , aux nobles. Cette Chevalerie eft
fouvent la recompenfe du merite , des grandes actions , &;
des fervices qu'on a rendus à l'Eglife ou au Prince. Enfin
on confere l'honneur de cette celebre milice à ceux qui ſe
André font diftinguez par leur fçavoir , ou qui ont excellé dans
Favin,Thea-
tre d'hon- les beaux Arts. On peut encore placer parmi les Chevaliers
neur, tom . 1. Honoraires ceux qui font annoblis & en même temps faits
liv. 3. fine. Chevaliers par le Souverain *.
Chevale- 6 On appelle Chevalerie Sociale , celle qui eft fondée pour
rie Sociale.
exercer certaines fonctions qu'on ne pourroit pas faire fans
la qualité de Chevalier. Cette Chevalerie étoit fur tout en
ufage dans les factions , les maſcarades , les joûtes , les tour-
nois , pour être admis à la table des Rois , & autres ſembla-
bles folemnitez .

Chevale- Quoique l'Etat Ecclefiaftique foit une espece de milice


rie Eccle- toute fpirituelle , il n'exclud pas neanmoins l'honneur de la
faftique. Chevalerie . Combien voyons-nous de grands Prélats ag-
gregez à des Ordres militaires ? On en a vû autrefois qui
croyoient être en droit de conferer cette haute dignité , ou
qui étoient obligez de la prendre à caufe des fiefs qu'ils.
poffedoient. Enfin fi pour être veritablement Chevalier ,
il étoit neceffaire de combattre dans les armées , nous ver-

rons dans la fuite , que l'Hiftoire nous en fournit plufieurs


exemples.
Chevale-
On entend par Chevalerie Reguliere les Ordres Mili-
rie Regu-
liere. à Ferdinand Infant d'Efpagne , à Fre-
(a) L'an 1516. après la mort de Phi-
Jippes Archi- Duc d'Autriche , fon fils deric Prince Palatin du Rhim , & à
Charles étant à Bruxelles , donna l'Or- Jean Marquis de Brandebourg. En
dre de la Toifon d'Or à François I. 1527. le Roi François I. envoya l'Or-
Roi de France , à Louis Roi de Hon- dre de S. Michel à Henri VIII . Roi
grie , à Emmanuel Roi de Portugal , I d'Angleterre.
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt . I. S
taires , ( a) où l'on fait profeffion de fuivre une regle approu
vée de l'Eglife ; de prendre un certain habit ; de porter
les armes contre les infideles ; de favorifer les Pelerins al-

lans aux lieux faints , & de fervir aux Hôpitaux de l'Or


،
dreoù l'on eft reçû.. i
:. Quoique les femmes ne foient pas deftinées pour la guerre, Chevale-
elles ne font pas privées de l'honneur de la Chevalerie. Sou- riedes Fem-
mes.
vent elles ont acquis le glorieux titre de Chevalieres par
les avantages de leur naiffance , ou elles l'ont merité par

des actions heroïques , ou elles l'ont reçû entrant dans des


Ordres de Chevalerie établis pour les perfonnes de leur
fexe.
Après ce partage de la Chevalerie , en Chevalerie Ro- Chevale
rie
maine , Militaire, Honoraire , Sociale , Ecclefiaftique , Re- leufe.Fabu-
guliere , & celle qui convient aux femmes , on fera con-
vaincu que nous ne mettons pas au rang des veritables Che-

valiers , les Chevaliers du Cygne , du Lion , du Soleil , &


les autres qu'on appelloit les Chevaliers errans. Ils alloient,
dit-on , par le monde chercher à acquerir de la gloire , &
pour foûtenir les interêts des Dames contre ceux qui les
offençoient. Ils ne fe trouvent plus que dans nos vieux Ro-
mans.

On rapporte des chofes merveilleufes de ces Chevaliers Cheva-

rans. Er-
errans , dans le Roman du Prophete Merlin. Ileft furpre- liers
nant que plufieurs Auteurs Anglois , pour donner plus de
poids aux fables de ce prétendu Prophete , lui attribuent
tant de miracles ; & que Jean Leflæus, Evêque de Roffe,
ait dit ferieuſement en fon Hiftoire d'Ecoffe : Berlinus va-

tes ex nobilifæmina ab incubo fufceptus.


Nous ne mettons pas non plus parmi les veritables Cheva-
s
liers ceux de l'Ordre de la Table ronde , inftitué par Artu

(a ) Entre les Ordres de Chevalerie qu'Hofpitaliers, qui le dévoüoient à


Reguliere, il y en a quelques- uns qui pratiquer l'hofpitalité envers lesPele-
ont été militaires feulement , & dont rins , ou au foulagement des malades
les principales fonctions étoient de & des lepreux. Enfin il y a eu des Or-
défendre la Religion Chrétienne con- dres de Chevalerie Reguliere qui ont
tre la furcur des barbares & des infi- été tout à la fois Militaires & Hofpi-
deles. Quelques autres n'étoient taliers.
A iij
6 Dißertations Hiftoriques & Critiques
Roi des Bretons vers l'an 445. Les Chevaliers de cet In-
ftitut , s'il en faut croire fon Hiftoire fabuleufe , s'affem-
bloient une fois tous les ans , & étant affis à une table ron-

de , ils mangeoient & buvoient en la compagnie de ce chi


merique Roi Artus. Chacun de ces redoutables Chevaliers
racontoit les beaux exploits qu'il avoit faits pour foûtenir la
nobleffe & l'honneur des Dames.

ARTICLE II.

Les titres de Banneret , de Bachelier , d'Ecuyer , de Damoi-

feau , de Valet & de Captal font très-differens de


l'honneur de la Chevalerie.

Es Rois & les Souverains , pour récompenfer le me-


L rite de leurs Sujets , & les fervices qu'ils avoient ren-
dus à l'Etat , établirent des Charges honorables , fous les
beaux titres de Duc , de Marquis , de Comte , de Vicom
te , de Baron , de Châtelain , de Banneret , de Bachelier ,
& autres femblables . Plufieurs Ecrivains ont parlé de ces
marques d'honneur & de ces dignitez. Elles ont fouvent

changé en France , en Allemagne , en Efpagne , parmi les


Grecs , & chez les Romains ; & elles ont été très- differen-
tes felon les tems , les lieux , & la volonté des Souverains.
Ce feroit m'écarter de mon deffein , que d'entreprendre
d'expliquer toutes ces chofes en détail. Ainfi je n'en par
lerai qu'en peu de mots , & autant qu'il fera neceffaire ,
pour démêler tous ces degrez de nobleffe & ces titres

d'honneur , d'avec la Chevalerie qui fait le fujet de ce


Traité.
Du titre Le merite & les vertus militaires étant le fondement
de Valet.
de la Chevalerie , & la récompenfe des grandes actions , il
eft für que les Chevaliers font bien differens de ces jeu-
nes guerriers , à qui l'on donnoit autrefois le titre de Va-
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. I. 7
let. ( a ) Ces Valets n'étoient que des apprentifs dans le
métier des armes. Ils étoient fous la difcipline des grands
Capitaines , obéïffoient aux Officiers d'une longue expe-
rience dans l'art de la guerre , & alloient par tout où le Che-
valier leur Maître les envoyoit. On donnoit le nom de Va-
let aux jeunes Seigneurs qui n'avoient pas encore reçû
l'honneur de la Chevalerie , mais qui y aſpiroient. Comme
on peut en juger par ces termes de l'Ordonnance que fit

Charles II. Roi de Naples l'an 1298. Si Valletus volue-


rit honorem militarem affumere , liceat fibi robas quas facere
voluerit pro militia tantum emere. Pro quocumque valore
voluerit .
Je ne m'arrêterai pas à faire voir que les qualitez de
Bachelier , (b) c'eft-à-dire , en abregeant le mot , Bas Che- Bachelier ,
valier, d'Ecuyer , d'Ecuyer Damoiſeau , ou Damoifel , (c) , Damoi-
feau, Cap-
& de Captal , ( d) c'est-à-dire , Capitaine , font beaucoup tal.
inferieures à celle de Chevalier. On ne les doit regarder
que comme des degrez pour parvenir à la gloire de la Che-
valerie.

(a) Ce titre de Valet a été autre- grand , ou d'un plus âgé. Ancienne-
fois fi confiderable , que Louis Roi de ment on donnoit en France ce nom
Navarre , Philippes Comte de Poitou , aux fils des Rois & à ceux des grands
& Charles enfans du Roi Philippes le Seigneurs. Le titre de Damoileau a
Bel, & quelques autres Princes font été celebre dans la Maifon de Sar
qualifiez Valets dans un compte datté bruch , & dans quelques autres qui
de la Pentecôte 1313. George de Ville- ont poffedé la Principauté de Com-
Hardouin eftime tant cet ancien titre merci fous la qualité de Damoifeaux.
de Valet , qu'il appelle le Prince Ale- L'Auteur des titres d'honneur de Ca-
xis , fils d'Ifaac Empereur de Grece , talogne , dit : Los Donzells fon aqucis que
le Valet de Conftantinople. Hift. de no fon armats Cavalers , fino fon fils y
Conftantin. Le nom de Valet demeura defcendens dels Cavallers armats.
enfin aux Tranchans du Roi , depuis. ( d ) La Tête , ou Cap de Bufchs eft
appellez Ecuyers Tranchans. une petite Principauté , fous le titre
(6 ) Le Bachelier étoit celui qui de Captalat. Il y a eu des Seigneurs
n'ayant pas affez de bien ni de vaffaux nommez Captalats de Bufchs de la
pour les mener à la guerre à fes dé- Maifon de Foix & de Candale. On
pens , marchoit fous l'Etendart des trouve un Captal de Bufchs, qui tient
Bannerers. Il avoit neanmoins une le cinquiéme rang parmi les Cheva-
enfeigne qui finiffoit en pointe , avec liers dela Jarretiere , qui furent créez
laquelle il conduifoit fes vaffaux. par Edouard III. Roi d Angleterre
(c) Damoiſeau , ou Damoifel , en en 1350.
Latin Domicel us , s'entend d'un petit
Seigneur à la difference d'un plus
8
Differtations Hiftoriques & Critiques
Banneret. Le titre de Banneret ( a) a plus de rapport avec la Che-
valerie. Les anciennes Chartres qui parlent des Banne-
rets , ajoûtent prefque toûjours la qualité de Chevalier à
celui de Banneret. Ces Seigneurs avoient fouvent le titre
de Chevalier , on les appelloit alors Chevaliers Bannerets.
Il y avoit auffi des Ecuyers Bannerets qui poffedoient des
fiefs avec le droit de Banniere.
Quoique ces Ecuyers Bannerets euffent fous leur Ban-
T
niere des Chevaliers , & même qu'ils commandaffent aux
Bannerets Chevaliers , aux Chevaliers , & aux Bacheliers ,
quand le commandement leur étoit donné par le Roi : ce-
pendant fi ces Ecuyers n'avoient pas reçû l'honneur de la
Chevalerie , ils n'ofoient s'en attribuer le titre , ni prendre
la qualité de Meire , de Monfeigneur & de Monfieur , non
plus que les fimples Ecuyers. Ils portoient les Eperons
blancs , au lieu des éperons dorez qui étoient reſervez aux
feuls Chevaliers.

Il faut donc diftinguer le fimple Banneret , le Bache-


lier , & l'Ecuyer Banneret , du Chevalier , en ce que le ti-
tre de ceux-la étoit hereditaire , & paffoit à leurs defcen-
dans : au lieu que le Chevalier ne tenoit l'honneur de la
Chevalerie que de fon épée , & ne devoit cette noble qua-
T
lité qu'à fa vertu , l'ayant acquife aux dépens de fon fang ,
en fe fignalant dans les armées.
Origine
Monfieur de Brieux a fait imprimer à Caen une petite
des Banne-
rets. piece en vers François , compofée par un Moine , il y a
plus de 400. ans , touchant l'Ordre & l'origine des Ban-
nerets de Bretagne , & leur diftinction des Chevaliers :

(a ) Le titre de Banneret , dont la fçavoir 25. pour combattre , & pareil


Banniere étoit quarrée , fe donnoit à nombre pour le garder avec la Ban-
la haute nobleffe , & aux Gentilshom - niere. Les Bannerets auffi - bien que les
mes de nom & d'armes, qui avoient | Bacheliers commencerent à être dans
autant de Gentilshommes , qu'il en l'oubli fous Charles VII. Les Rois ont
falloit pour faire une Compagnie de ôté aux Seigneurs la liberté de faire
Gendarmes entretenus à fa table , & la guerre de leur propre autorité ;
foudoyez à les dépens. Il y en a qui parce que c'eft un des droits de la Sou-
difent que le Banneret devoit avoir veraineté. On dit que ces Bannerets
cinquante lances , outre les gens de viennent de Bretagne.
Traits, les Archers & les Arbalêtriers,
elle
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. I.
elle commence par ces vers Gaulois.

Banneret eft moul grand honor,


Tant à Roi , Prince que Signor,

Et la fondacion premiere

Vint d'Alexandre & fa Banniere ,


Quand la Perfe alloit conquerant ,

Et toute l'Afie querant.

L'Ordre de Banneret eft plus que Chevalier ,

Comme après Chevalier accor fuit Bachelier ,

Puis après Bachelier , Ecuyer de maniere ,

Qu'aprés le Duc ou Roi , eft toûjours la Banniere.

ARTICLE III.

La Chevalerie n'a rien de commun avec la qualité de

Duc, de Marquis , de Comte, de Vicomte, de Baron ,


de Châtelain.

Ly a des Auteurs qui rapportent à l'Empereur Adrien Des Ducs


& de leur
I la premiere Inſtitution des Ducs & des Comtes ; mais inftitution.
il femble que le nom de Duc eft beaucoup plus ancien .
Dupleix dans le chapitre 5. du livre 5. des Memoires des
Gaules , dit que dès le tems d'Augufte , les Empereurs
avoient une forte garnifon à Mayence fous un Gouver-
neur , lequel y commandoit fous le titre de Duc. Du Til-
let dans fon Recueil des Rois de France , reconnoît après
Tacite qu'il y avoit des Ducs parmi les anciens Germains.
Cefar parlant de ce qui fe paffa devant la Ville d'A-
lexia, s'explique ainfi : Hoftes terga vertunt fugientibus equi-
tes occurrunt , fit magna cædes ; Sedulius Dux & Princeps Le-
movicum occiditur. De bello Gallico , lib. 7.
Les Ducs avoient autrefois le gouvernement des Pro-
B
10
Differtations Hiftoriques & Critiques
vinces , la principale adminiſtration de la juſtice , & le com-
mandement des armées. De-là vient qu'on les nommoit
Duces , c'est-à-dire , Conducteurs ou Capitaines. Quoique
dans la fuite le titre de Duc demeura aux Lieutenans des

Empereurs , & des Cefars qui commandoient les grandes


armées , cependant cette qualité n'a pas été moins confi-
derable que la Royauté dans quelques Etats.
Les Ecrivains font mention de plufieurs fortes de Ducs.
Les uns ont été premierement Rois , les autres ont été
égaux aux Rois ; d'autres qui joüiffent des droits de la
Royauté. Tels ont été les Princes de Soüabe , & d'autres
en Allemagne & en Italie. Il y a eu des Ducs , comme
les Souverains du païs d'Athenes , de Bourgogne , de Ba-
viere , de Loraine , qui ont autrefois porté tantôt le titre
de Rois , & tantôt celui de Ducs avec pareille autorité.
Enfin il y en a plufieurs qui font prefentement de grands
Rois , qui ont porté durant plufieurs fiecles la qualité de
Duc , comme les Rois de Pologne , de Hongrie , & de
Boheme.
Comtes
& leurs Les Comtes furent d'abord choifis pour fervir de Con-
emplois. feliers aux Empereurs , & pour les accompagner par tout ,
c'eftpourquoi on les appella Comites, Compagnons. Il y en
a qui prétendent que les Ducs avoient avec eux des Com-
tes qui s'appelloient Comites , comme qui diroit accompa-
gnans , parce qu'ils étoient donnez aux Ducs pour être
leurs Ajoints à rendre la juftice. En l'abfence des Ducs ,
les Comtes avoient fouvent l'autorité de commander les
troupes , & de gouverner les Provinces où ils étoient éta-

blis. La juftice étoit anciennement renduë par les Vicom-


tes en l'abſence des Comtes.
Des Com-
tes Pala- Il y a eu des Comtes Palatins de France , ou Comtes du
tlas. Palais. C'eſt un vieux titre qu'on donnoit autrefois à ceux
qui avoient quelque charge ou emploi de dignité au Pa-
lais des anciens Rois de France , qui ne s'acqueroit que
par de longs fervices , ou par quelque action d'éclat. Ón
les confideroit alors , comme on fit enfuite les Maires du
Palais. Dans la fuite , les Palatins de France furent des
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. I. II

Commiffaires qui alloient adminiftrer la juftice dans les


Provinces , au nom & par l'autorité du Roi. Le Palatin
décidoit fouverainement les affaires. Il a eu auffi des Vi-
comtes de Palais. Les Palatins ne font plus connus en Fran-
ce , comme ils le font encore en Hongrie , en Pologne ,
& en quelques autres endroits.
La fonction de Marquis , dont l'inſtitution eſt moins an- Marquis
cienne que celle des Ducs & des Comtes , étoit d'être Gou- & de leurs
fonctions .
verneurs des Frontieres que l'on appelloit Marches , d'où
vient que ceux qui en avoient le gouvernement portoient
le nom de Marchis , & depuis Marquis (a) .
La qualité de Baron , qui eft très- ancienne en France , Des Ba-
fe donnoit aux Seigneurs les plus diftinguez après les Prin- rons & des
Cháte-
ces , les Ducs & les Comtes. Les Châtelains étoient les an- Lins.
ciens Capitaines des places fortes , moindres que les gran-
des Villes où étoit la demeure des Comtes. Aujourd'hui

c'eſt un titre de Seigneurie , avec juſtice , ou un nom d'offi-


ce. Pour ce qui eft de ces dignitez , elles gardent cet or-
dre à prefent: Le Duc va le premier , le Marquis fuit le
Duc , le Comte fuit le Marquis , puis le Vicomte , le Baron
enfin & le Châtelain ( b ) .
Quoique tous ces titres foient très-éclatans , ils font ce- Tous ces
pendant bien differens de l'honneur de la Chevalerie. Dans titres font

l'origine ces qualitez de Duc , de Marquis , de Comte , de la Cheva-


Landgrave , & les autres n'étoient que des titres d'Office lerie.

(a) M. de Marca a fait un Traité de (b) Les Edits de Charles IX. & de
Marca Hifpanica. Dans la Chronique Henri III. portent , que la terre d'un
de Reginon , l'Anjou eft appellé Mar- Duché doit valoir huit mille écus de
chia , parce qu'il eft fur les Marches rente. Que le Marquifat doit être
de Bretagne. Les Comtes d'Anjou de compofé de trois Baronies & de fix
ce tems-là font aufi appellez Mar- Chatelenies. Le Comté, de deux Ba-
quis de France , comme les Comtes ronies & de trois Chátelenies , ou
de Barcelonne Marquis d'Efpagne , d'une Baronie & de fix Chatelenies.
les Comtes de Touloufe , Marquis de La Baronie de trois Chátelenies in-
Gothie , & les Comtes de Forcal- corporées enfemble , & la Châtelenie
quier , Marquis de Provence. Mena- doit avoir haute , moyenne & baffe
gana 3. edit. en 1715. tom. 4 pag. 170.juftice , & autres droits honorifiques
Les Allemans nomment les Marquis & prééminences.
Markgrave › c'eft à- dire , Comtes
des Frontieres.
Bij
12
Dissertations Hiftoriques & Critiques
& de Gouvernement. Ces Charges ne fe donnoient que
pour un temps , & toûjours avec la referve de démettre
ceux qui les poffedoient quand il plairoit au Souverain.
Mais la Chevalerie a toûjours été , comme elle eft encore
à prefent , un titre d'honneur qui ne fe perd qu'avec la
vie. C'eſt un caractere imprimé dans la perfonne de celui
qui le reçoit qui ne peut être effacé que par la mort , ou
par quelque grand crime. Elle eſt une qualité perfonnelle
qui ne paffe pas aux deſcendans du Chevalier.
Autre dif.
ference. Ce qui fait une autre difference bien remarquable en-
tre la Chevalerie & les autres qualitez dont nous parlons ;
c'eft que dans la fuite des tems les Ducs , les Marquis ,

les Comtes s'établirent dans la poffeffion des dignitez dont


on les avoit honoré. Ils ne retinrent pas feulement les ti-
tres qu'ils avoient auparavant ; mais auffi ils attacherent
depuis à ces titres de dignité , la proprieté des Provinces
& des Villes dont ils n'avoient auparavant que l'admini-

ftration. Enfin ces Charges devinrent hereditaires par la


puiffance & par le credit de ceux qui en joüiffoient , ou
furent données à perpetuité dans leurs familles par les Sei-
gneurs Seculiers ou Ecclefiaftiques , à la charge de les te-
nir à foi & hommage du Souverain , & de défendre le
païs.
Mais le fils d'un Chevalier ne naît pas Chevalier , cet
honneur n'eſt pas hereditaire , il dépend uniquement de la
grace du Prince. La Chevalerie n'eft pas attachée à la
naiffance , elle fuppofe le merite perfonnel. C'eft une di-
gnité accidentelle établie fur la vertu du Chevalier , & non
pas fur la nobleſſe de ſes ancêtres (a) . C'est pourquoi dans
l'Ordre du Saint- Efprit , & dans celui de la Toifon d'Or ,
les heritiers du Chevalier font obligez , fuivant les Statuts
de ces Ordres , de rendre le collier du Chevalier défunt ; ce
qui ne fe feroit pas , fi la Chevalerie étoit hereditaire.

(a) Nemo eques nafcitur , fed fit per gnitas perfonalis eft non tranfitoria ad
habentem ad hoc poteftatem. Equeftris di- hæredes. Theodor . Hcopinght.
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt. I. 13

ARTICLE IV.

La Chevalerie ajoûte quelque degré de gloire à la

dignité de Prince , de Souverain , de Roi ,


d'Empereur.

L faut que l'honneur de la Chevalerie foit bien écla- Excellen-


Itant , puifque les Princes & les têtes couronnées fe font ce de la
Chevale-
fait une gloire particuliere d'ajoûter le titre de Chevalier rie.
à toutes les éminentes qualitez qui accompagnent leur
rang & leur naiffance. La Chronique de Flandres rap-
porte que Philippes- Augufte Roi de France , étant à Com-
piegne , donna la Chevalerie à Louis fon fils aîné , depuis
Roi VIII. du nom , l'an 1238. Saint Louis créa Cheva-
lier Robert de France fon frere.
S'il falloit ajoûter d'autres exemples , je dirois que Fre-
deric Barbe- Rouffe Empereur des Romains , créa dans
Mayence Frederic & Henri fes deux fils Chevaliers ; &
que Philippes Archi- Duc , depuis Roi d'Efpagne , fut mis
au rang des Chevaliers par Maximilien fon pere. Les Rois

d'Angleterre n'ont pas negligé cette éminente dignité. Af-


tur Prince de Galles , & Henri Duc d'York , depuis Roi
d'Angleterre , reçurent la Chevalerie de Henri leur pe-
re. On trouve auffi que Amé VII. Comte de Sa-
voye , dit le Rouge , l'an 1384. fut élevé à la dignité de
Chevalier par Guillaume de Grandfon Seigneur de Sainte
Croix.

C'eft ainfi que les Empereurs , les Rois & les Souverains Les Empe
ont voulu être honorez de la Chevalerie. Ils font perfua- reurs & les
Rois pre n-
dez qu'ils ne naiffent point Chevaliers , & que fi la nobleffe nen t le ti-
du fang les éleve fur le trône , elle ne leur communique tre de Che-
pas la Chevalerie. Ils defcendent donc volontiers de leur valiers.
trône pour être faits Chevaliers , préferant la Chevale-

rie , qui eft la recompenfe de la vertu , à tous les avan-


Biij
1
Goro . Be- 14 Differtations Hiftoriques & Critiques
can . Franc. tages de la naiffance & de la fortune . ( a )
lib . 2. Gol- Quelques Ecrivains * remarquent qu'autrefois les Prin-
daft . lib. 4. ces ,
de major. fils des Rois été ient
, n'éto
fent faitspoint liers. digne
Chevajugez Dintesrius
de la* Roya u-
fur l'an
té , qu'ils n'euf
cap. 19.
Il falloir 1247. rapporte que les Rois recevoient la Chevalerie avant

être pour qu'ils priffent poffeffion de leur Royaume. C'eft dans cette
valierChe-
être Roi. vûë que Charles VII. fut fait Chevalier à fon facre , l'an

* Dinter. 1429. par Jean I. Duc d'Alençon ; Que Guillaume Com-


lib. 4. p. te de Hollande , defigné Roi des Romains , reçût la Che-
4.
valerie des mains du Roi de Boheme étant à Cologne ; &
qu'Eric Roi de Suede , à l'exemple de fes prédeceffeurs ,
voulut être honoré du titre de Chevalier en recevant la
Couronne.
Cette cérémonie s'obferve en France ; & Henri III . en

a fait une Loi , puifqu'il ordonne dans l'article quatriéme


des Statuts de l'Ordre du Saint Efprit , que le lendemain
du facre de nos Rois, ils receveront l'habit & le collier de cet
Ordre des mains du même Prélat qui les aura couronnez.
Il femble que par cet ufage , les Rois & les Souverains ont
voulu faire connoître qu'ils étoient perfuadez qu'ils ne pou-
voient dignement porter le Diademe fans étre honorezde
la Chevalerie.

Peut-on défavouer après cela que la dignité de Cheva-


lier ne renferme quelque gloire qui la diftingue des titres
pompeux de Comte , de Marquis , de Duc , & même de
Souverain , de Roi & d'Empereur ? Si ce glorieux titre n'a-
joutoit quelque nouvel éclat à toutes ces hautes qualitez ,
ou qu'il fut confondu avec elles ; pourquoi eft-ce que les
Comtes , les Marquis , les Ducs & les têtes couronnées vou-
droient joindre l'honneur de la Chevalerie à celui de la
nobleffe de leur fang , aux grands titres qu'ils reçoivent dès
le berceau , & même l'ajouter à la gloire de leurs fceptres
& de leurs couronnes ? Il ne faut que jetter les yeux fur

(a) Imperatores & Reges non dedi- I bilir. cap. 8. Hac dignitas , Equeftris ,
gnantur militum nomen & titulum fibi perfonalis habita nec ad filios tranfitoria ,
affumere , cum cæteros milites commili- etiamfi ex regia defcendat quis proſapia.
tones appellant , Tiraquel tract. de no- Renat. Chopin de Domin. cap. 29.
1
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt . I.
les chapitres des Ordres de Saint Michel , du Saint-Ef-

prit , de la Toifon d'Or & de la Jarretiere , pour y trou-


ver des exemples de Souverains , de Rois , & d'Empereurs ,
qui n'ont pas crû deshonorer leur pourpre , en prenant le
collier des Ordres militaires.

ARTICLE V.

La Chevalerie eft differente de la récompenſe militaire

qu'on donnoit chez les Romains & chez les autres


Nations.

Uoique le titre de Chevalier foit conferé par les Rois


Q& par les Princes en vûë du merite , & pour récom-
penfer la generofité de ceux qui ont fait des actions heroï-
ques , ou qui ont rendu de grands fervices à l'Etat : ce- Recom-
pendant il ne faut pas confondre la Chevalerie avec ce penfe mili-
taire.
qu'on appelle recompenfe militaire : Munus militare. Les
Generaux d'armée , les Officiers , & les fimples Soldats mê-
mes recevoient cette recompenfe militaire , qui confiftoir
en des honneurs & des bien-faits proportionnez à leur con-
dition , à leur merite , aux fervices qu'ils avoient rendus ,
& aux dangers où ils s'étoient expofez .
Le Triomphe , (a) cérémonie inſtituée par les Romains Triomphe.
pour honorer les Generaux d'armée , qui avoient rempor-
té quelque grande victoire , eft une forte de recompenfe ,
qui n'a rien de commun avec la Chevalerie. Les Cheva-

( a) On celebroit deux fortes de guerre n'avoit pas été déclarée felon


Triomphe ; le grand , qui s'appelloit les Loix- On les diftinguoit aufli en
fimplement Triomphe ; & lepetit , qui Triomphes , de Terre , & en Triom-
fe nommoit Ovation , parce qu'étant phes Navals , felon que les batailles
arrivé au Capitole on immoloit une s'étoient données für terre ou fur
brebis , dite en Latin Ovis. Les Ro- mer. Denys d'Halicarnaffe , Hift. Ro-
mains accordoient ce Triomphe au man. lib. 5. cap. 6. Rofinus, Antiquit.
General d'armée , lorfque la victoire Roman . lib . 10. cap . 29. Dempster in pa-
n'étoit pas confiderable , on que la Iralip.
16
Differtations Hiftoriques & Critiques
liers même ne pouvoient afpirer à la gloire du Triomphe ,
on ne l'accordoit qu'à un Dictateur , à un Conful , ou à
un Preteur.
Ce fut par un privilege particuli
par un er , que Pompée n'étant
encore que Chevalier , & âgé feulement de 16. ans , eut
l'honneur du Triomphe l'an 673. de Rome , ce qui n'étoit
jamais arrivé à perfonne avant lui : & que L. Cornelius
Lentulus , Proconful , obtint l'Ovation l'an 553. de Ro-
me.
Autres re-
compenfes Il y avoit encore d'autres recompenfes , qu'on appelloit ,
militaires. dona , munera , decora militaria , * que l'on accordoit aux
* Alexan principaux Officiers des armées victorieuſes , qui s'étoient
der ab Ale diftinguez par leur courage & par leur valeur. Ces re-

xandro
nial. die- compenfes étoient les charges de Tribun , de Centurion ,
Ge-
rum lib. 4. de Decurion,de Prefet, & même de Conful (a) ; mais toutes
cap. 18. Ro- ces dignitez étoient bien differentes de celle de Chevalier-
quit. Anti
Rom . Car quoique l'on prît fouvent des Senateurs , des Magif-
lib. 1o . cap. trats , des Prefidens , & autres perfonnes pour gouverner
26.
les Provinces , de l'Ordre des Chevaliers , neanmoins en
recevant ces charges ils perdoient le titre de Chevalier.
De-là vient que Sejan ayant été honoré par l'Empereur
Tibere de la dignité de Preteur , aprés avoir été aggregé
au Senat , fut effacé du nombre des Chevaliers.

La vertu & le merite des autres Officiers d'un rang in-


ferieur , & même des fimples Soldats étoient fouvent re-
compenſez par les ftatuës (6) qu'on leur érigeoit , par les
couronnes , (c) des colliers , (d) des Braffelets , des coupes

a ) Quoique Marius fut d'une Curules , qui étoient pofées fur des
naiffance fort obfcure , il merita par chars à deux ou à quatre chevaux ;
fes vertus militaires d'être élevé fix les Equeftres , dont les femmes mêmes
fois à la dignité de Conful. Plutarch pouvoient être honorées , puifque
in ejus vitâ. i hiftoire nous apprend qu'on en éri-
(b ) Les ftatues devinrent fi com gea une à Clelie Dame Romaine :
munes dans Rome , qu'un ancien dit enfin les ftatues en pied.
affez ingenieufement qu'ily avoit dans (c) Il y a eu plufieurs fortes de cou-
Rome un peuple de marbie & de bronze , ronnes dont les anciens fe font fervis,
qui égaloit prefque le nomb e des Citoyens mais il ne s'agit ici que des couronnes
Les principales ftatues dont il eft fait milicaires , qui étoient une marque de
mention, font les Coloffales, qui étoient victoire , & que l'on donnoit aux Ge-
d'une grandeur extraordinaire ; les neraux d'armée , aux Capitaines , ou
d'or ,
fur la Chevalerie. Liv . I. Diſlert . I. 17

d'or , des étendarts , de l'argent , des penfions , des terres ,


& autres femblables prefens (e) qu'on leur faifoit.
Les Chevaliers n'étoient pas exclus de quelques-unes de
ces recompenfes militaires , lorfqu'ils s'en étoient rendus
dignes : mais elles n'avoient rien de commun avec l'hon-
neur de la Chevalerie. Toutes ces recompenfes étoient paf-
fageres pour la plûpart , ou ne donnoient aucun rang
celui qui les recevoit : au lieu que la Chevalerie étant at-
tachée à la perfonne , ne ſe perdoit ordinairement qu'avec
la vie. Les Chevaliers portoient une marque qui les diftin-
guoit ; ce qui ne convient pas à la recompenfe militaire.
Enfin pour être Chevalier , il falloit joindre la vertu & le
merite aux richeffes & à la naiffance ; ce qui n'étoit pas
neceffaire pour être honoré de la recompenfe accordée aux
gens de guerre.

aux Soldats. Agellius , lib. 5. de noct . I parmi les Romains , ou autre nation
atticis , dit que ces couronnes étoient un homme de guerre qui ait reçû fi
très-differentes. Pline remarque que fouvent , ni tant de differentes recom.
la couronne obfidionale étoit la plus penfes militaires , que Licinius Denta-
glorieufe de toutes les couronnes mi- tus , s'il en faut juger par une Epita-
fitaires Corona quidem nulla fuit gra- phe gravée dans une pierre ancienne,
minea nobilior in majeftate populi - ter- où il y a ces paroles. CENTIES.
rarumprincipis , premiifque glorie. Gem- VICIES. PRÆLIATUS . OCTIES.
mata & aureæ, Vallares , Murales , Rof- EX. PROVOCATIONE . VICTOR.
trate , Civice , Triumphales , poft hanc QUADRAGINTA. QUINQUE. CI-
fuere. Cæteras Imperatores dedere , fola CATRICIBUS . ADVERSO. COR-
Graminea , ab univerſo exercitu ferva PORE. INSIGNIS. NULLUM . IN
tofervatori decreta eft. Plin. Hift. natur. TERGO. IDEM. SPOLIA. CEPIT.
lib. 22. cap. 3. XXXIV . DONATUS . HASTIS. PU-
(d) On dit qu'Augufte Cefar don- RIS. IIXX. PHALERIS. XXV. TOR-
noit plus volontiers de ces fortes de QUIBUS. III . ET LXX. CLX. CO-
chofes pour recompenfe , que des RONIS. XXXV CIVICIS. XIII.
couronnes. Dona militaria aliquantofa- AUREIS. VIII. MURALIBUS . III.
cilius , phaleras & torques , & quidquid OBSIDIONALI.I.FISCO. ÆRIS . X.
auro argentoque conftaret , quam Vallares, | CAPTIVIS. XX . IMPERATORI-
ac Murales coronas , quæ bonore præcelle- BUS. VII. IPSIUS. MAXIME . OPE-
rent dabat. Sueton . in ejus vita cap. RA.TRIUMPHANTES . SECUTUS.
25. Dempfter cap. 29. paralipom. in Antiquit.
(e) Il n'y a peut- être jamais eu Rom. lib. 10. Rofini.

C
18
Differtations Hiftoriques & Critiques

DISSERTATION II.

De l'Origine de la Chevalerie.

Trois o-
Es fentimens font partagez fur ce fujet. Il y a des
pinions fur
l'origine L Ecrivains qui prétendent que la Chevalerie eſt auffi
de la Che- ancienne que l'ufage des armes dans la guerre. Les autres
valerie.
la font venir du païs du Nord ; ils attribuent cette noble
inſtitution à ces barbares , qui ruinerent les plus belles Pro-
vinces de l'Empire Romain. D'autres enfin donnent l'hon-
neur de l'établiſſement de cette augufte dignité aux Ro-
mains. La premiere de ces opinions a un air fabuleux qui
la rend fufpecte. La feconde eft établie fur de très-foibles
fondemens. La derniere paroît la plus vrai-ſemblable. C'eſt
ce qu'il faut examiner dans cet article.

ARTICLE I.

La Chevalerie n'a pas commencé peu après le Déluge.

E pourroit-on pas joindre la plupart des Ecrivains


N qui nous ont donné l'Hiftoire des Ordres militaires
aux Faifeurs de Genealogies ? Ceux-ci ont foüillé dans la
plus obfcure antiquité , & même dans les Romans & dans
les fables , pour y trouver des preuves , fondées affez fou-
vent fur des reffemblances chimeriques de noms , de di-
gnitez , de rivieres , de montagnes , de païs ou de ville ,
afin de relever la Nobleſſe , & faire remonter aux fiecles
les plus reculez , l'ancienneté des familles dont ils ont en-
trepris la Genealogie. Ceux-là ont crû trouver des Che-
valiers dans toutes les Hiftoires , où il eft fait mention de
genereux Soldats , ou de vaillans Capitaines , & ont tâché
de perfuader au public , que les Ordres militaires ont pris
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt . II . 19
naiffance avec les exercices de la guerre. N'avançons
rien fans preuve.
Un Ecrivain qui a fait l'Hiftoire des Ordres de Cheva- Hermant,
lerie , parle ainfi. «
сс C'eſt unfentiment affez commun par- сс Hiftoire
des Reli-
mi les Auteurs qui ont traité des Ordres de Chevalerie , « grons оц
que cette éclatante dignité eft prefque auffi ancienne que « Ordres mi-
litaires.
le monde , puifqu'elle tire fon origine des guerres , dont « Roüen
сс *
on voit de fi fanglantes traces dés fa naiffance. « 1698.
On fera fans doute furpris qu'un Ecrivain François , Préface.

dans un temps où la critique s'eft fi fort épurée , ait ofé valerie


Sila Che-
eft
avancer que la Chevalerie n'eft gueres moins ancienne aufli an-
que le Déluge , & que cette opinion foit affez commune . cienne que
On fçait bien que quelques Italiens peu exacts ont fuivi le Déluge.
ce fentiment ; mais on eft perfuadé que peu d'Auteurs de
nôtre nation favorifent l'opinion de M. Hermant .
* * Ibidem.
Ceux qui s'étoient le plus fignalez dans les combats , сс
continuë-t-il , furent enrichis des dépouilles de leurs en- «
nemis. On leur donna une partie des terres qu'ils avoient
aidé à conquerir fur eux , & en les honorant de quelques «
marques exterieures qui les diftinguoient de l'état po- «
pulaire ; on les excitoit en même tems par ces recompen- «
les à foûtenir la gloire de leur patrie par leur infigne va- «
leur & leurs heroïques actions. cc
Voilà les Chevaliers bien multipliez dés le tems de Nem- Ordres de
brot , de Ninus , de Zoraftre , & de Semiramis j; & les Or- Chevalerie
dès le tems
dres de Chevalerie repandus dés ce tems chez les Affy- de Nem-
riens , les Bactriens , les Medes , les Perfes , les Egyptiens , brot.
les Lybiens , les Ethiopiens , &c. puifque ces peuples ſe fi-
rent la guerre , & s'enrichirent en divers tems des dépouil-
les de leurs ennemis.
On fçait bien que de tout tems les gens de guerre , qui
s'étoient fignalez par de grandes actions , furent diftin-
guez de l'état populaire par leurs richeffes , par leurs char-
ges , ou par leur naiffance : mais on apprendroit volontiers
de M. Hermant , quelle étoit la marque exterieure de ces
braves guerriers , qui les diftinguoit du peuple , de la No-
bleffe , des Soldats , ou des Officiers qui n'avoient pas reçû
l'honneur de la Chevalerie.
Cij
20
Dißsertations Hiftoriques & Critiques
Mais afin qu'on ne dife pas que je veux impoſer à cet
*
Hermant Ecrivain , il faut qu'il s'explique lui-même. » Čes braves
ibidem .
» guerriers,dit- il , * diftinguez ainfi du commun du peuple ,
»compoferent des Compagnies & des Societez militaires ,
‫כם‬
dont les prérogatives peuvent être comparées aux digni-
» tez de la Chevalerie Chrétienne , fi même on ne peut
» pas dire qu'elle en ait emprunté les uſages & les cérémo-
H
nies. Le plus ancien monument que nous ayons de cette
33
éminente dignité , eft rapporté dans le 41. chapitre de
Pharaon la Genefe , & dans le 4. chapitre du 2. livre de Joſeph ,
fait Jofeph . de fes antiquitez Judaïques , où nous voyons de quelle
GrandMai-
tre d'un ‫כ‬ ‫כ‬
maniere Pharaon éleva Jofeph à l'Ordre de la Chevale-
Ordre de ‫ כל‬rie , ou plûtôt l'établit comme le Grand Maître de l'Ordre
Chevale-
22 qu'il avoit inftitué dans fes Etats.'
rie.
On ne peut rien avancer de plus formel pour établir un
Ordre de Chevalerie. On trouve dans ce paffage des Com-
pagnies & des Societez militaires , par lesquelles on ne fçau-
guer
roit entendre des Compagnies ordinaires de gens de
re. On fait mention des privileges de ces Chevaliers. On
leur attribue des ufages & des cérémonies , que les Ordres
de Chevaleries Chrétiennes ont fuivies dans les fiecles fui-
vans. L'Inſtituteur d'un de ces Ordres de Chevalerie eſt

clairement énoncé , auffi-bien que le Grand Maître ; on


met Daniel & Zorobabel , fils de Salathiel , de la maiſon
des Rois de Juda , parmi les Chevaliers. Si M. Hermant
n'avoit pas avancé tout cela fans preuves , & qu'il eut mar
qué les riches Commanderies que Pharaon auroit dû fon-
der pour recompenfer ces nobles Chevaliers , nous n'aurions
pû nous difpenfer de reconnoître que les Ordres de Cheva-
lerie étoient celebres dés le tems des Patriarches.
On avan- Je dis qu'il avance tout cela fans preuves. En effet , les
ce tout cela perfonnes qui ont du goût & du difcernement , ne ſe per-
ve. preu- fuaderont pas aifement , que les paffages tirez de la Ge-
fans
nefe , des antiquitez de Jofeph , du chap. 5. de Daniel , &
des chap. 3. & 4. du livre 3. d'Efdras , citez par cet Au-
teur ; que ces paffages , dis-je , puiffent convaincre que
Pharaon ait fondé un Ordre de Chevalerie ; que le Patriar-
21
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. II .
che Jofeph , aprés en avoir été fait Chevalier , fut honoré
de la dignité de Grand- Maître , & que Daniel & Zoroba-
bel ont été aggregez parmi les Chevaliers de cet Ordre. * Bern Jus-
L'Abbé Juftiniani , * dont M. Hermant femble avoir tin Hift.
fuivi le fyftême , aprés avoir fixé l'inſtitution de la Cheva- Chronologice
lerie fous Pharaon , & avoir effayé de la prouver par les de
de l'origine
l'ordini
paffages que nous venons de citer ; ajoûte que cet Ordre milit. Tom.
paffa a Moyfe & à Jofué. Laurent Bejerlinck , * met parmi 1.cap.1.
ces Chevaliers , David & les Machabées. François San- des Sentiment
autres
fovin fait Dieu même auteur de la Chevalerie , dans la per- Auteurs fur

fonne de Moyfe & de Jofué , & de leurs fucceffeurs. Perche Pinfticu-


effendo ilgradoCavalierato Principiato daDio nella perfona di tion dee-la
Cheval
Moyfe , e poi difcefo in Giosuè , &fuoi fucceffori , & indi per rie.
*
Laurent
longa ferie di fecoli pervenuto nell' Imperadori di Roma , il cui
in
proprio e peculiar dono è il crear Cavalieri , fu da Conftantino Bejerl.
Theatro vi-
perlàccidente del predetto miracolo aggiunta la croce all'antic- te hum ver-
biffimo ordine della Cavalleria , e confervato fino a tempi nof- bo
tom.3equites
.
tri dall'imperadori di Conftantinopoli fuoi fucceffori. * Franc.
Je ne veux pas examiner ici , fi M. Hermant tire des con- Sanfovin
fequences bien juftes de fes principes. Aprés avoir dit que della origine
deCavalieri,
ces braves Guerriers étoient diftinguez du commun du
peuple par quelque marque exterieure , & qu'ils pouvoient
être comparez à ceux de la Chevalerie Chrêtienne; il ajoûte
que le plus ancien monument que nous ayons de cette émi-
nente dignité eft rapporté dans la Genefe , où nous voyons
que Pharaon éleva Jofeph à l'ordre de la Chevalerie, &
que la même chofe fe pratiqua à l'égard du Prophete Da-
niel. On ne voit pas bien la jufteffe de ce raifonnement , à
moins qu'il ne faffe voir que le Patriarche Jofeph , & le
Prophete Daniel , s'étoient diftinguez par des actions hé-
roïques , & par des vertus militaires.
Les Col-
On accorde à M.Hermant, que le Collier d'or que Pha- liers n'ont
raon donna à Jofeph, & celui dont Baltazar honora le Pro . pas été une
phete Daniel, peuvent convaincre de l'antiquité desColliers , Chevale
marquede
& prouver qu'ils étoient dès ce tems- là en ufage pour ho- rie.
norer ceux qui s'étoient diftinguez par quelque chofe de
remarquable . Mais on ne fçauroit luy accorder que cet
C iij
22
Differtations Hiftoriques & Critiques
ufage des Colliers foit une preuve que la Chevalerie fue
alors inftituée , & que le Collier en fut la marque. D'ail
leurs ce figne exterieur étoit équivoque , & pouvoit défigner
également la Nobleffe , la prudence , & la vertu militaire
même ſelon M. Hermant , puifqu'il dit qu'on donnoit an-
ciennement des Colliers aux enfans , aux hommes fages, &
aux gens de guerre.
On fçait encore que de tout tems les Colliers ont fait une
partie des recompenfes militaires , & qu'ils étoient parmi
les Affyriens , les Egyptiens , les Medes & les Perfes le fym-
bole de la liberté & de la Nobleffe. Dans ces derniers fie-

cles mêmes, le Collier eft la marque de la plus celebre Che-


valerie. Cependant on ne fçauroit foûtenir , que les Col-
liers vers le tems des Patriarches , fuffent le fymbole des
Chevaliers , autrement il faudroit dire que tous les peu-
ples qui portoient le Collier d'or , & fur tout les anciens
Gaulois étoient Chevaliers , puifque le Collier faifoit un des
ornemens de ces barbares, comme le rapportent Virgile , (a)
& Diodore de Sicile. ( b )
La Che- Avant de finir cet Article , je dirai que ces Auteurs nous
valerie atà auroient fait un grand plaifir , de nous apprendre quelle
tribuée
Jofeph , eft étoit cette forte de Chevalerie qu'ils attribuent au Patriar-
fans fonde che Jofeph , à Moyfe , à Jofué , à Daniel , & aux autres
ment.
Peuples de ces tems- là . Ce n'eft pas la Chevalerie Regulie-
> elle étoit inconnuë avant les Croifades . Ce n'eft pas non

plus la Chevalerie fociale & honoraire ; elles n'ont pris


naiffance l'une & l'autre qu'aprés la naiffance de J. C.
Enfin la Chevalerie dont parle M. Hermant , faifant com-
me un corps , ayant une marque de diſtinction , & recon-
noiffant un Grand-Maître , ne peut pas être la Chevalerie
que nous avons nommée Militaire , qui exclut toutes ces
chofes.

(a ) Aurea Cæfaries ollis , atque Auro innectuntur.Virgil.Lib.8 Æneid.


aurea veftis. (b) Circa collum torques geftant
Virgatis lucent fagulis ; tum lactea ex folido auro . Diodor. Sicul. antiquit.
colla. Lib. 6.
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. II. 23

ARTICLE II.

Les Peuples du Nord , ou les anciens Germains , ne font


pas les Instituteurs de la Chevalerie.

Eux qui attribuent l'établiſſement de la Chevalerie


C , un uſage
obfervé de tout tems parmi les peuples du Nord , duquel par-
сс Com-
le Tacite , en ces termes. « C'étoit la coûtume queperfonne "
<< ment on
ne pouvoit prendre les Armes, jufqu'à ce qu'on l'eût jugé donnoit les
<c
capable de les porter ; enfuite le peuple étant aſſemblé, un armes aux

Prince , ou le pere, ou quelqu'autre parent,donnoit l'Ecu « jeunes


& la Lance ( b ) au jeune homme. Ces armes étoient à « gens .
fon égard ce que la Robbe Civile étoit aux Romains , & “
c'étoit là le premier dégré d'honneur que l'on conferoit "
à la jeuneffe. Avant cela elle n'étoit regardée que comme “
faifant une partie de fa maiſon ; mais aprés cette ceremo- "
nie , elle étoit confiderée comme membre de la Repu-
blique. " ( c )
Voila , dit-on , la maniere dont les anciens Allemans fe
confacroient à la Guerre , en prenant les premieres armes

(a) Germain vient de Ger,nom d'un tur , haftas vel ipforum vocabulo frameas
Fleuve de la Turinge, & de Man hom gerunt angufto & brevi ferro , fed ita
me; enforte que les Germains dans acri & ad ufum habili , ut eodem telo ,
leur origine , n'étoient que les Ton- prout ratio pofcit , vel eminus , vel comi-
gres , appellez depuis Turingiens, qui nus pugnent.Tacit.de morib. Germ . Fra-
habitoient les rivages du Fleuve de mea eft gladius ex utraque parte acutus
Ger. L'étimologie d'Alleman , ne fi- quam vulgofpatham vocant , ipfa Rom-
gnifioit dans fon origine qu'un habi - phea. ibid. Lib. 18. cap.6.
tant du Fleuve Almon , aujourd'huy (c) Arma fumere non ante cuiquam
Altmuhl , qui coule entre la Suabe, la moris , quam Civitas fuffecturum proba-
Franconie , & la Baviere . C'eft le fen- verit . Tum in ipfo Concilio , vel Princi-
riment de M. Chrêtien Juncker dans pum aliquis , vel pater , vel propinquus
la feconde Partie de fon Introduction Scuto frameaque juvenem ornant. Hec
à la Géographie. apud illos toga , bic primus juventa ho-
(b) Framea , fignifie arme offenfive nos , ante hoc domus pars videntur , mox
& deffenfive , laquelle atteint de loin. Reipublice. Cornel. , Tacit. de morib.
Rari gladiis aut majoribus lanceis utun- German . cap. 2.
24 Disertations Hiftoriques & Critiques
avec certaines Céremonies , ce qu'ils regardoient comme
une choſe trés glorieufe. Ces peuples étant repandus dans
l'Empire Romain , cette inftitution s'y établit prefque par
tout , & fut confiderée comme une grande dignité , ayant
enfuite pouffé leurs Conquêtes , jufqu'à fe rendre Maîtres
d'une partie de l'Italie , on ajoûta à leurs Céremonies quel-
ques-unes de celles qui étoient en ufage parmi les Romains.
Céremonies qui ont été trés - differentes fuivant le tems &
les lieux.

De ce raifonnement fondé fur le paffage de Tacite , on


prétend conclure que cet Hiftorien veut indiquer les Cére-
monies que l'on obfervoit parmi les anciens Germains , en
conferant la Chevalerie, ou la dignité militaire;& que cette
marque d'honneur étoit inconnue chez les Romains , avant
le tems de Conftantin, & qu'elle a paffé du Nord dans l'Em-
pire Romain.
Il y avoit
trois états Pour bien démêler cette queftion , il faut fe fouvenir
parmi les avant toutes chofes , que Jules Cefar * traitant de la Guerre
Gaulois. des Gaules , remarque que les Gaulois [ ce qu'on doit auffi

* Cafarde entendre des peuples du Nord , fuivant Tacite * ] divifoient


belloGallico
Lib. 6. leur Nation en trois états . Le premier étoit celuy de la No-

* Tacit. de bleffe , ou des Chevaliers qui portoient les Armes , & s'ad-
morib.Ger- donnoient à la Guerre. Les Druïdes , ou les Prêtres deſti
man.cap. 2. nez aux facrifices , & aux affaires importantes du Païs
faifoient le fecond Ordre. Le commun du peuple étoit
dans le dernier.

La Nobleffe ou la Chevalerie , qui faifoit le premier Or-


dre , n'étoit pas une dignité qui fe conferât avec certaines
Céremonies. La naiffance la donnoit : ,, La Nobleffe & les
merites du pere ,
* Tacitus "" pere , dit Tacite , * font élever à la dignité de
ibid. " Prince les enfans , quoiqu'ils foient encore jeunes : &

on ne croit pas qu'on trouve aucun ancien Auteur , qui


dife que ces peuples ayent eu d'autres Chevaliers que les

Nobles , ou qui en ait fait deux Ordres differens : le premier


commun à la Nobleffe , & qui fuivoit la naiffance ; & le

fecond qui s'obtenoit par privilege , oupar élection, comme


un titre d'honneur fondé fur le merite, & ajoûté au premier.
11
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. II. 25
Ileft vray qu'un Ecrivain ( a ) reconnoît que la Cheva-
lerie étoit en grande confideration parmi ces peuples Barba-
res , & fur tout celle qu'on attribuoit aux Bataves ; d'où Les Bata-
ves estoient
vient que Plutarque (6) les appelle les plus excellens Cheva- fort efti-
liers des Allemans : Inter Germanos optimos effe milites.Ne an- mez .
moins ces Chevaliers Bataves n'étoient pas diftinguez des
autres Germains , par quelque titre d'honneur ajouté à ce-
luy de leur naiffance , ou pour avoir receu la dignité mili-
taire avec ceremonie ; mais à cauſe que les Bataves étoient
d'un naturel plus guerrier que les autres Allemans ; ( c ) ou
peut-être parce qu'ils eftoient les plus confiderés parmi ceux
de la premiere Nobleſſe , qui a été inegale parmi tous les
peuples.
Tacite n'a donc voulu parler dans cet endroit , que des Tacite ne
parle pas
céremonies avec lesquelles on donnoit parmi ces peuples les de la Che-
premieres Armes à la jeuneffe ; ( d ) & l'on ne fçauroit en- valerie.
tendre le paffage de cet Hiftorien de la Chevalerie , ou de ce
qu'on appelle Dignité Militaire , qui ajoûte à la Nobleffe un
honneur & une diſtinction particuliere. Autrement il fau-

( a ) Alexand. ab Alexandro Genial. GETA NOBILISS . CAS .


dierum Lib. 2. cap. 29. CIV. BATA VI.
(b )Plutar. in Othone. FRATRES ET AMICI . P. R.
(c ) Omnium harum gentium , dit Elie V. S. L. M.
Schedius,de Dis Germanis , cap. 1. par- ( d ) L'an 17 11. en creufant
lant des peuples du Nord , d'Allema- dans le Choeur de l'Eglife de Nô-
gne & des Gaules, virtute præcipuè Ba- tre-Dame de Paris , on découvrit plu-
tavi.Ils furent appellez les freres & les fieurs pierres , dont quelques - unes
amis de l'Empire Romain , à caufe de étoient ornées des bas reliefs . Dans le
leurs vertus militaires. Teftis inter ce premier Autel , il y a plufieurs per-
teros lapis cujufdam infcriptio , quam Ge- Tonnes , dont il y en a trois fans barbe.
rardus Noviomagus in Antiquitatibus M. Baudelot qui a donné l'explication
Belgicis adducit. de ces bas reliefs , croit que ce font les
GENS BATAVORUM Enfans des Marchands qui érigerent
FRATRES ET AMICI l'Autel du tems de l'Empereur Ty-
ROMANI IMPERII. bere. Ces enfans font armez , pour
marquer que parmi les Gaulois on
Un autre Auteur rapporte cette Inf- émancipoit la jeuneffe par ledon d'un
cription : Bouclier & d'une lance ; & l'on pre-
FORTUNE AUG. SA C. noit le tems des Affemblées pour cette
PRO SALUTE ITU AC Céremonie , qui répond aflez , dit ce
REDITU DD. NN. favant homme , à la coûtume d'armer
M. AUR. ANTONINI PII les jeunes Chevaliers , qui fut en ufa-
AUG. ET. P. SEPTIMII. ge dans les fiecles fuivans.
D
26
Differtations Hiftoriques & Critiques
droit avouer que tous ceux qui portoient les armes parmi ces
Barbares , ou au moins tous lesNobles auroient été Cheva-

liers dés leur jeuneffe , en même tems qu'ils fe feroient en-


gagez dans la milice ; & même avant d'avoir fait aucune
action de celles qui élevent à l'honneur de la Chevalerie.
Cette éclatante dignité n'auroit donc pas efté une marque

de la vertu militaire , ni une recompenſe des actions hé-


roïques.
C'eft la raison pour laquelle Jufte Lipfe, dans une Notte
qu'il a faite fur ce paffage de Tacite , appelle cette cére-
monie de donner les premieres Armes à ces jeunes Alle-
mans , non pas une inftitution de Chevalerie , mais un vef-
tige de la maniere ancienne de créer les Chevaliers , ou de
f.Lipf conferer la Dignité Militaire : Veftigium vetus creandi equi-
in notis ad.
bunc locum tes aut milites. *
Taciti.
Quand on voudroit donner à cette folemnité de prendre
les premieres armes , le titre de dignité ou de Chevalerie
Militaire , on ne pourroit pas foûtenir que cela fut propre à
ces Peuples du Nord , & inconnu aux Romains. Et même il
faudroit avouer que tous les Soldats de la Republique Ro-
maine , qui n'étoient pas étrangers , recevoient cette forte
de dignité , ou de Chevalerie militaire , en prenant les Ar-
mes. Il faut pourtant remarquer qu'il n'y avoit que les ve-
ritables Citoyens Romains , qu'on appelloit , Optimojure Ci-
ves , qui felon l'ancien droit Romain , fuffent capables de
fuffrages, d'Honneurs , & de la Milice. Il n'étoit pas permis
d'enroller parmi les Legions Romaines, les A ffranchis, quoi-
qu'ils fuffent Citoyens Romains,finon en cas d'extrême né-
ceffité.
Comment Lafolemnité avec laquelle on enrolloit les nouveaux Sol-
on enrol
loit lesSol- dats Romains , eftoit plus augufte , & fe faifoit avec des
dats Ro- céremonies beaucoup plus éclatantes , que celles dont on
mains.
ufoit parmi les anciens Allemans. Ceux - cy dans une Af-
femblée publique recevoient le bouclier & la lance , ou de la
main du Prince , ou de celle de leur pere , ou de quelqu'un
de leurs proches ; & voilà tout ce qu'en dit Tacite. Au lieu
que les Romains obfervoient un grand nombre de céremo-
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt. II . 27
nies,qui ont bien plus de rapport à la maniere dont a fait les
Chevaliers dans ces derniers fiecles. Voicy les principales.
1°. Le Magiftrat marquoit le jour auquel fe devoient af- Céremo-
nies obfer-
fembler ceux qu'on vouloit enroller dans laMilice . ( a) 2`.On vées pour
leur faifoit faire le ferment de fidelité , comme le rapporte enroller un
Soldat Ro-
Polybe , (b ) & ils n'étoient proprement Soldats , qu'aprés main.
avoir fait ce ferment . Tyrones quique antequam Sacramento
probati fint,milites non funt . ( c ) 3º . On leur donnoit le Bau-
drier & l'Epée. 4° . Ilfalloit eftre enregistré ; car quoiqu'ils
fuffent entretenus aux dépens du public aprés leur élection ,
ils ne pouvoient pas porter legitimement la qualité de Sol-
dats avant l'enregistrement. 5. Ceux qui s'enrolloient de-
voient être ingenus. ( d )
Peut-on douter que ces Céremonies qui étoient en ufa-
ge , quand on donnoit les premieres Armes aux jeunes Ro-
mains , ne fuffent plus auguftes , & n'euffent beaucoup
plus de rapport avec ce qui s'obferve , quand on honnore
quelqu'un de la Dignité Militaire , ou de la Chevalerie ,
que celles qui fe pratiquoient parmi les peuples barbares ,
dont Tacite fait mention . Cependant perfonne ne s'eft en-
core avifé de foûtenir , que les Romains faifoient autant
de Chevaliers , qu'ils enrolloient de jeunes Soldats dans la
Milice.

(a ) Il y avoit trois fortes de Milices, I mittebantur exercitus . Silvius ad 8. Æ-


dont la premiere eftoit la principale ; neid. Roffin.Antiq . Rom, Lib ro.cap.3 .
'on l'appelloit Sacramentum eorum qui (b ) Polybius. Lib. 6.
fingulari jurabant pro Republica fe effe fac- (c ) Ifidorus Hipalens. Lib. 6. cap. 3.
turos; nec difcedebant, nifi confectis ftipen- ( d ) L'Ingenu étoit né d'une race
diis. On nommoit la feconde , Conjura- libre , laquelle n'avoit jamais efté
tionem , fi effet tumultus , id eft bellum réduite en fervitude. Le nom de Li-
Italicum vel Gallicum , quo tempore, quia bertin le donnoit à tous ceux qui
fingulos evocare non vacabat , qui fuerat | étoient defcendus d'un Affranchi , ou
ducturus exercitum, ibat ad Capitolium , & d'unLibert . Dans les derniers tems de la
& exindeproferens duo vexilla , unum ro- Republique, Libertus & Libertinus figni-
feum , quo pedites evocabat , alterum ca- fioient Affranchi : l'Affranchi , à l'é-
ruleum, quo equites , dicebat : qui vult fal- gard du Patron , s'appelloit Libertus ;
wam Rempublicam,mefequatur,& qui con- & Libertinus à l'égard des autres. Les
veniffent fimul jurabant , unde dicebatur Affranchis furent enfuite remis au mê-
ifta militia conjuratio. On donnoit à la me état que les anciens Libertins ,
troifiéme le nom de Evocationem , cum & leurs enfans remis en celuy des In-
ad diverfa loca diverfi , propter cogendos, genus.
Dij
28
Dißertations Hiftoriques & Critiques
Une preuve convainquante que Tacite n'a pas voulu
parler de la Dignité Militaire , c'eft qu'il dit que les Armes

qu'on donnoit à ces jeunes Allemans , étoient à leur égard


ce que la Robbe Virile étoit aux enfans des Romains. Il
compare donc la Céremonie que les anciens Germains , pra-
Les Ro- tiquoient en donnant à leurs enfans la Lance & le Bou-
mainspreclier
noient la , avec celle qui étoit en uſage chez les Romains , pour
Robbe Vi- prendre la Robbe Virile : Hæc apud illos Toga , hic primus
rile
ans. à 17. juventa honos : ante hoc domus pars videntur , mox Reipu-
blica, ( a ) dont ils ne fe révêtoient qu'à dix-fept ans , ( b )
qui étoit l'âge qu'ils devoient avoir , pour qu'il leur fût
permis d'entrer dans la Milice. Ainfi comme ce nouvel ha-
bit les mettoit en état de s'engager pour la Guerre ; de même
la Céremonie où l'on donnoit l'Ecu & la Lance aux jeunes

Allemans , fignifioit qu'ils étoient déflors deftinez pour les


Armes.
Tacite a Mais quand Tacite auroit marqué par cet ufage , quel
voulu par-
Yer de E- que honneur particulier , ou quelque Dignité Militaire , qui
cuyers. ne fût pas commune à tous ceux qui prenoient les Armes
contre ces Barbares ; il eſt évident qu'il n'a pas prétendu
parler de la Chevalerie. Ila peut-être voulu indiquer que
ces jeunes gens étoient faits Ecuyers.
Cette remarque eft fondée fur deux conjectures. La pre-
micre , que la Lance & le Bouclier que l'on donnoit à ces
les
jeunes hommes , ont toûjours été les Armes propres aux
Ecuyers , comme nous le dirons plus au long dans la fuite.
La feconde eft , que felon l'ancien uſage , qui s'obſerve en-
core aujourd'huy , il falloit être Ecuyer , avant que de rece-
voir l'honneur de la Chevalerie.

Or quand on accorderoit , que Tacite a fait mention

(a ) Tacitus ubi fupra. texte étoit une Robbe blanche bordée


(b) Les enfans portoient la Robbe de pourpre. Denys d'Halicarnaffe ,
puerile & le Collier jufqu'à 17, ans , Lib. 4. rapporte les Céremonies qu'on
qu'ils prenoient la Robbe Virile , Pre obfervoir , quand on prenoft cette
texti autem pueri , qui pretexta adhuc & Robbe. 1 °. Denarium in adem juventu-
Bulla utebantur , quod ficbat ufque ad an- tis deferebant . 2 ° . Induebant Tyrones ci-
num 17. quo tempore togam virilem fume- rili Toga Diis prafentibus, hoc eft,ante al-
bant , depofita puerili. Gellius Lib. 1. tare. 3. Commendabant Patres Tyrones
Noct . atticar. Ciceron , Pline. La Pre- iftos , Filios fuos fidei Senatorum.
furla Chevalerie. Liv. I. Differt. II . 29

dans ce paffage , de cette Dignité Militaire , qui convient


à ceux que les Grecs , les Romains , les Gaulois & les
anciens Germains , ont appellé Ecuyers ; les Peuples du
Nord ne feroient pas les premiers qui auroient eu des Les E-
Ecuyers. Ils font trés- anciens dans le monde. L'Hiftoire cuyers font
30-
Sainte parle des Ecuyers d'Abimelech , de Saül & de Jo- fort
nathas ; & l'Hiftoire Profane , de ceux d'Hector , d'Achille ciens.
& de Dioméde.
Il falloit même que les Ecuyers fuffent celebres parmi

ces Peuples Barbares . Car ayant remarqué durant l'Em


pire des Romains , que ceux qui étoient du nombre des
Ecuyers & des Gentils , ( a ) paffoient pour les plus vail-
lans ; ils donnerent auffi ces noms illuftres aux plus braves
de leurs Armées . Quoique ce nom fut peut- être nouveau
parmi les Gaulois , & parmi les anciens Allemans , la choſe
neanmoins fignifiée par ce nom d'Ecuyer , étoit très - an-
cienne parmi ces peuples.
Ainfi , ou Tacite ne veut pas parler des Céremonies mi-
fes en uſage par les peuples du Nord , pour conferer la A
>
Dignité Militaire , ou s'il en a fait mention , elle n'a pas
été ignorée chez les Romains , & on ne pourra pas dire

que la Chevalerie a paffé des Allemans aux Romains.


in 1.
(a ) Celuy qui eftoit né dans une commepour marquer ceux qui n'obéïf-
famille libre & ingenue de toute an- foient pas au peuple Romain , les peu-
cienneté ,s'appelloit Gentilhomme ou ples Idolatres , les Payens ; mais Gen-
Gentilis Ciceron met parmi les Gentilis veut dire aufi un homme de
tils , ceux qui tirent leur origine des guerre, qui eft vaillant & genereux.
Ingenus , & dont les Prédeceffeurs C'eften ce fens qu'Ammien Marcellin
n'ont point été en fervitude. In Topy en parle fouvent dans le Livre 17. de
is adTrebatium. On a donné plufieurs fon Hiftoire.
autres fignifications à ce mot Gentilis,

D iij
30 Differtations Hiftoriques & Critiques

ARTICLE III.

Les Romains ont la gloire d'avoir donné la naiſſance à


la Chevalerie .

La plû- L n'y a prefque point de peuples (a ) qui n'ayent eu des


part des
I Chevaliers.Ceux deChalcis (6) eftimoient tant l'argent,
peuples ont
eu desChe- qu'ils donnoient le nom de Chevaliers aux perfonnes riches.
valiers. L'Ordre des Chevaliers eftoit eftimé , comme une dignité

très- ancienne , par les Habitans de Crete ou de Candie.


L'honneur de là Chevalerie a été trés-celebre parmi les
Grecs , & parmi les Germains , qu'on appelloit Bataves.
On rendoit à Capouë de grands honneurs aux Cheva-
liers . Les Romains leur donnerent cette Ville , pour recom-

penfer leur fidelité. La Chevalerie étoit celebre parmi les


Habitans de Cadis. On dit que dans un feul dénombrement
quel'on donna au Cenfeur , il fe trouva 400. Chevaliers . Il
y avoit à Padoue un pareil nombre de Chevaliers. Mais
tous ces Peuples font redevables aux Romains de l'honneur
de la Chevalerie , puifqu'ils en ont formé la premiere idée,
& qu'ils en ont donné le modele aux autres Nations. Ils font
les premiers qui ont conferé le titre de Chevalier à ceux
dont ils ont voulu honorer le merite , & recompenfer les
vertus Militaires. Au moins on ne peut pas douter qu'ils
ne foient les premiers qui ont donné le titre de Chevalier
avec éclat , & avec de grandes Céremonies , qui ont fervi
de modele dans les fiecles fuivans.

Il y avoit On ne diftingua d'abord dans la Republique naiffante


trois Or- des Romains , que deux Ordres. Les Senateurs faifoient le
dres dans
la Republi- premier : & le Peuple , le fecond . Enfuite le Fondateur de
que Ro- cette Capitale du monde , pour montrer la grandeur de fon
maine.
Empire naiffant , choifit parmi fes Soldats , trois cens des

(a) Alexand. ab Alexandro genial . ( b ) C'eft aujourd'huy Negrepont .


dierum. Lib. 2. cap . 29.
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. II . 31
plus braves & des plus vaillans , pour être auprès de fa
perfonne , & luy fervir de Gardes. Ceux-cy firent l'Ordre
des Chevaliers , ( a ) qui tenoient le ſecond rang entre les
Senateurs & les Plebeïens. Ils furent nommez Celeres, ou à

caufe de leur vigilance dans la garde du Roi , & dans la


confervation de la République ; ou parce que le premier
Préfet de ces Chevaliers , s'appelloit Fabius Celer.
Tarquin le fuperbe , augmenta les Chevaliers jufqu'au breLenom-
des
nombre de fix cens. Après que ce Roi , à caufe de fes vio- Chevaliers
lences , & de fon orgueil infupportable , eût été chaffé de fut aug.
menté.
Rome , Junius Brutus choifit trois cens Chevaliers pour
reparer le Senat prefqu'entierement détruit , qui eurent
place parmi les Senateurs:
Dans la fuite , ( b ) Caïus frere de Tibere , & quelque
tems après Lucius Drufus Tribun du Peuple, confondirent
en quelque maniere l'Ordre des Senateurs avec celuy des
Chevaliers. Il y eût dans la fuite plufieurs changemens
dans l'Ordre des Chevaliers. On les divifa en plufieurs
claſſes , & on leur donna divers noms. Les plus illuftres fu-
rent ceux qu'on appelloit , Petræ , Fabiani , Augufti . Ces
derniers furent inftituez par l'l.npereur Neron.
Cet Ordre
Il
11 eft vray qu'en divers tems , l'Ordre des Chevaliers déchut
déchut beaucoup de fon ancienne fplendeur. On accordoit dans la fui-
trop facilement l'honneur de la Chevalerie , & le privilege te.
de porter l'Anneau d'or à des perfonnes de toutes fortes d'é-
tats : (c ) ce qui obligea plufieurs Empereurs de rétablir cet
Ordre , & de le rendre plus augufte par d'excellens Regle.
mens , dont nous parlerons dans la fuite.

fa ) Martia Roma triplex Equitalu, Plebe, | Emile perdit la vie avec quarante mil-
Senatu . Aufon. de tern . in Adyll. 4. le hommes , entre lefquels eftoit toute
Illedabitpopulo patribufque, Equitique le- la fleur de la Noblefie , & des Cheva-
gendum. Mart. lib. 12. Epig. 3. liers de Rome : Flos equeftris ordinis.
(b) Alexand. ab Alexandro genial. Auffi Annibal envoya à Carthage trois
dierum . Lib. 2. cap. 29. boiffeaux remplis d'anneaux de Che-
( c) Il n'en faut point d'autre preu- valiers tuez dans cette Bataille. Com-
ve que ce qui arriva en 538. de la fon me dans ce tems on accordoit l'An-
dation de Rome , que Terentius Varroneau d'or à toutes fortes de perfon-
étant Conful , dona Bataille à Anni- nes , il y a bien de l'apparence , que
bal. Cette journée mémorable dans tous les Anneaux recueillis par Anni-
l'Hiftoire eft celle de Cannes , où Paul bal , n'étoient pas des Chevaliers.
32 Differtations Hiftoriques & Critiques
Après cela , on peut être aifément convaincu que la
Chevalerie a été celebre parmi les Romains , qu'ils luy ont
donné la naiffance ; & qu'on n'en avoit point oüi parler
chez les autres Nations , avant qu'elle fut établie dans cette
fameufe Monarchie. }

Ge

DISSERTATION II I.

De la Chevalerie Romaine.

ARTICLE I.

De plufieurs fortes de Chevaleries , chez les Romains.

E n'eft pas affez d'avoir montré en general , l'ori-


gine & l'établiffement de la Chevalerie Romaine ; il
faut examiner en particulier , quel eft ce titre d'honneur , &
fi on peut veritablement l'attribuer à tous ceux qui ont por-
té la qualité de Chevaliers parmi les Romains.
Divers
Ordres de Pour bien déveloper cette matiere , il me femble qu'on
Chevalerie doit reconnoître qu'il y a eu divers Ordres de Chevalerie
le quatriéme
ns . depuis le temps de Romulus , jufques vers
chez les
Romai
fiecle du Chriftianifme. On doit mettre dans le premier
Cheva-
liers créez rang les Chevaliers , qui furent d'abord créez par le Fon-

par Romu- dateur de la Capitale du monde , & ceux que Tarquin ajoû-
ta. Les uns & les autres furent également tirez du peuple ,
pour être auprès de ces Souverains , & veiller à la garde de
leurs perfonnes.
Les Chevaliers appellez Honoraires , peuvent être placez
dans le fecond Ordre. Ces Chevaliers Honoraires étoient
Cheva-
liersHono- des perfonnes , qui n'ayant pas le moyen , ou l'ingenuité re- •
raires .
quife › pour trouver place parmi les vrais Chevaliers ; ils
obtenoient
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt . III. 33
obtenoient de l'Empereur le droit d'Anneaux d'or , qui
-étoit l'ornement & la marque publique des Chevaliers.
Cheva-
Les Chevaliers de Lettres , faifoient peut-être une troi- liers de
fiéme claffe. Il y avoit en effet de ces fortes de Cheva- Lettres.
liers , comme il fe voit dans l'ancien Droit Romain , ( a )
où il est écrit , qu'il y avoit fous les Empereurs , des Com-
tes & des Chevaliers qui manioient les Armes , & des Com-
tes & des Chevaliers qui faifoientprofeffion de Lettres.
Cheva-
Le quatriéme Ordre de Chevaliers , renferme ceux qui lie de
étoient fortis de la lie du Peuple, ou qui avoient achepté cette baffe naif-
dignité , comme le remarque Arnobe : ( b ) Pecunia dabat fance , Pu-
blicains ,
annulos , & priora loca in fpectaculis. On doit joindre à Esclaves.
ceux-là les Efclaves. Statius fe plaignant de cet abus , di-
foit d'un Efclave fait Noble & Chevalier ,

Mutavitque genus , lavæque ignobile ferrum

Exuit , & celfo natorum æquavit bonore.

Parmi les Romains , ceux qui prenoient les Fermes pu-


l'Etat >
bliques , & qui levoient toute forte d'Impôts pour
étoient ordinairement des Chevaliers Romains , qui s'affo-
cioient pour cela , & qui étoient ainfi les Fermiers Gene-
taux de la République .
- Enfin la derniere claffe des Chevaliers , comprend ceux Cheva-
qui étoient illuftres par la Nobleffe de leur naiffance , & liers No-
bles.
par leurs grandes richeffes . Cet Ordre de Chevaliers fe con-
facroit à la Guerre , & faifoit profeffion de maintenir la
République par les Armes .
Après ces remarques , il fera facile de fçavoir , fi parmi S'il y a eu
les Romains , il y a eu une veritable Chevalerie , ou fi l'on de blesverita-
Che-
veut , la Dignité Militaire , qu'on appelloit Honoris infignia , valiers Ro-

ou bellica virtutis infigne , & fi la Republique Romaine re- mains.


compenfoit ceux qui faifoient des actions héroïques, en leur
accordant quelque titre d'honneur , qui les diftinguât des
Senateurs & du peuple , & même des autres gens de Guerre.

( a ) L. 1. de Profefor. Cod. Theod. ( b ) Arnob. Lib. 4. adverfus gentes.


E
34 Dißertations Hiftoriques & Critiques
Ileft certain qu'on ne peut pas mettre au nombre des
Chevaliers , dont nous parlons , ceux à qui Romulus & Tar-
Les Che- quin donnerent ce titre d'honneur ; car étant choifis par-

valiers éta mi la foule du peuple , ils n'avoient ni la qualité , ni les


blis par
Romulus richeffes , pour une fi haute Dignité. Quoyque ces Gardes
ne fontpas foient les premiers qui ayent porté le nom des Chevaliers
de ce nom- dès la naiffance de la République , nous fommes néanmoins
bre.
perfuadez que l'origine de la veritable Chevalerie , eft plus
recente ; & que ceux qui attribuënt fon inftitution à Ro-
mulus ou à Tarquin , ont voulu parler d'une legere idée
de ce titre d'honneur , plûtôt que d'un veritable établiſ
fement de la Chevalerie Romaine.

Sur ce que nous avons dit des Chevaliers Honoraires

qui n'avoient ni les moyens , ni l'ingenuité requiſe , il eft fa-


Les Che- cile de juger qu'il ne doivent pas trouver place parmi les
valiers Ho- veritables & legitimes Chevaliers.
noraires ne Il femble
l'étoient que la profeffion de ceux qui s'appliquoient
pas non à l'étude des Loix & des Lettres , les devroit exclure de l'or-
plus .
dre des Chevaliers dont nous parlons ; puifque la Dignité
Ni les Militaire ne convient proprement qu'à ceux qui fuivent la
Chevaliers
guerre. Cependant on conferoit ce titre d'honneur aux
de Lettres.
gens de Lettres , pour recompenfer leur merite , quoique
cette qualité ne leur convînt pas à la rigueur. Suivant le
témoignage de Juvenal , Sat. 8. Ciceron reçût l'honneur
de la Chevalerie. Voicy les termes de ce Poëte :

Hic novus Arpinas ignobilis , & modo Roma


Municipalis eques ,

Ovide (a ) qui étoit de race de Chevaliers , fut aggregé à


l'Ordre des Chevaliers Romains, comme il le dit luy-même..

Si quid id eft , ufque à proavis vetus ordinis hæres


Non modo fortunæ munerefactus eques.

Je ne fçai fi je ne pourrois pas hazarder cette conjectu-

(a ) Lib. 4. Trift. Eleg. 10.


fur laChevalerie. Liv . I. Differt . III. 35
re : fçavoir que ces Chevaliers de Lettres , étoient peut-être
ces Chevaliers , qui ont été fouvent mêlez avec les Séna-
teurs , & que c'étoit de cet Ordre de Chevaliers , que l'on

tiroit le plus fouvent des Magiftrats , pour adminiftrer la


Juftice : employ qui leur étoit plus convenable que celui
de manier les Armes.
On en
Pour ce qui eft des gens du commun , des Efclaves , & doit exclu-
des autres qui ont renduë mépriſable la dignité de la Che- re les Ef-
valerie Romaine , ils ne meritent pas l'augufte titre de Che- claves , &
les Publi-
valiers. Ciceron (a ) fait un grand éloge des Publicains , cains.
comme d'une Compagnie à qui la Republique étoit fort re-
devable , & il dit que leur probité étoit fi reconnuë , qu'on
les choififfoit pour mettre en dépôt les deniers des Familles.
Nam & Publicani homines honeftiffimi & ornatiſſimi fuas ra
tionum copias in illam Provinciam contulerunt. Et dans l'O-
raiſon Pro Plancio , Ciceron les appelle la fleur & l'élite des
Chevaliers Romains , & le foûtien de la Republique. Flos
Equitum Romanorum , firmamentum Reipublica , Publicano-
rum ordine continetur : & dans la troifiéme Oraifon in Ver-
rem, il met Caïus Mutius Chevalier Romain & Publicain

entre les plus honnêtes gens de la Republique.


Neanmoins Tite Live ( b ) n'en fait pas un portrait fi
avantageux. Ulpian ( c ) décrit l'audace des Publicains ,
leur temerité , leur avarice , & leurs actions fordides &
Publi-
abjectes , en ces termes : Quantæ audaciæ , quantæ temeri- cains mé-
tatis fint Publicanorum factiones nemo eft qui nefciat ; & certè prifez à
caufe de
bajus tantæ illorum audacia , temeritatis & avaritiæ exem- leurs vio-
plum. Plutarque ( d ) dit que Luculle les chaffa de l'Afie lences.
comme des Harpies. Lucullum veluti Harpias labores mor-
talium depafcentes Afia ejeciffe. Ils étoient prefque par tout
en horreur , & abufoient même quelquefois tyranique-

ment du pouvoir que leur employ leur donnoit. Ainfi ces


fortes de Chevaliers s'eftant attiré la haine de tout le mon-

de , & rendus méprifables par leurs violences , ne fçau-

(a ) Cicero,Oratione pro Lege Manilia. (c ) Vlpian. in L. quanta ff. de Publi-


(b ) Titus Liv. Lib. 5. fecundi belli canis.
Punici. ( d ) Plutarc. in Lucullo.
E ij
ns s
36 tatio rique ques
Dißer Hifto & Criti
roient être mis au rang des veritables Chevaliers Ro-
mains.

ARTICLE II.

Des veritables Chevaliers Romains.

A vraye Chevalerie Romaine , qui meritoit propre-


L ment ce titre d'honneur , ne convenoit qu'à ceux qui
étoient deſtinez à la Guerre , qui avoient reüni en leurs
perfonnes la Nobleffe du Sang , la vertu , le merite & les
richeffes ; & qui avoient certaines qualitez que les Loix
de la Chevalerie demandoient , & qui recevoient enfin
cette haute dignité avec de grandes Ceremonies.
Deux for- On pourroit peut être faire deux ou trois Claffes de ces
tesde Che- fortes de Chevaliers. Lapremiere feroit de ceux qui étoient
valiers Ro- originaires de Rome, & la feconde des étrangers. Ileft cer-
mains.
tain qu'il y eut en Cappadoce , en Bythinie & ailleurs des
Chevaliers aufquels on donnoit letitre de Chevaliers Ro-
mains : ( a ) Cappadoces faciunt Equitefque Bythini. Il y en
avoit en Grece. ( b ) Equites Romani ex Græcis facti. Il's'en
trouvoit auffi dans les Gaules , & fur tout à Narbonne, (c)
dans les autres Provinces , & dans les Villes Municipales ,
dont les Habitans joüiffoient des droits de la Bourgeoifie
Romaine. Suetone remarque que l'Empereur Augufte fai-
foit des Chevaliers dans les Villes & dans les Colonies : Nec

(a) Juvenalis,Sat. 7. v. 16. CONSULIBUS ..... Plebs Nar


(b)Vetus Scoliaftes. bonenfium Aram Narbone in Foro pofuit
( c) En1566. on trouva dans Nar- ad quam quotannis IX. Kalendas Ollo-
bonne une table de marbre , où il eft | bres , qua die eum , Auguſtum ,ſæculi
parlé de l'Autel que les Habitans de felicitas orbi terrarum Rectorem edidit
cette Ville érigerent en l'honneur tres Equites Romani , tres Libertini , bof-
d'Augufte,le X. des Calendes d'O&o- tias fingulas immolent .. · .. Exque bis
bre, l'an 764. de la fondation de Ro- tribus Equitibus Romanis &c. On les ap-
me. Voicy l'Infcription . pelloit Chevaliers Romains , quoiqu'i's
TITO STATILIO TAURO , fuffent originaires du Païs.
LUCIO CASSIO LONGINO
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. III. 37
ubi aut honeftorum deficeret copia , aut multitudinis foboles
equeftrem militiam petentes, etiam ex commendatione publica
cujufque Oppidi ordinabat.
Ces Chevaliers étrangers avoient les mêmes privileges
que les Chevaliers Romains de naiffance ; à cela près qu'on
ne leur faifoit pas l'honneur de les enregiſtrer dans le Livre
des veritables Chevaliers Romains.
Les plus
Il falloit que la Chevalerie fut bien eftimée parmi ces
grands de
Maîtres du Monde ; puifque s'il en faut croire un Ecri- Empire
vain, ( a ) l'Empereur Marcien ne crût pas devoir prendre Romain
recevoient
la Pourpre Imperiale , qu'il n'eût reçû l'honneur de la Che- ia Cheva-
valerie : en quoi les Princes des derniers ficcles ont imité cet lerie.
Empereur. On dit même ( b ) que Tibere honora de cette
dignité Drufus fon fils , Tite & Claude Germanicus fes
deux Neveux , & plufieurs autres de la Famille Imperiale.2
Quand les jeunes Céfars étoient faits Chevaliers , ils pre- Les jeu-
nes Cefars
noient le titre de Princes de la jeuneffe , parce que c'étoit effolent
en leur jeuneffe que ces Chevaliers étoient armez. Caius faits Che-
qui fut adopté par Augufte , fut le premier honoré de ce ti- valiers.
tred'honneur , comme l'a remarqué l'Interprete des Inf
criptions funebres trouvées à Pife ( r ) Voicy fes termes
Ordo equeftris quo Augufto blandiretur, Caium Cæfarem Prin-
cipcm juventutis , nempe Equitum appellavit. Qui titulus tum
primum inventusfuit, quò fecundus ab Augufto in Romano orbe
Princeps defignabatur. Ovide parle de ce glorieux titre,don-
né au jeune Caius en ces termes.

Tale rudimentum tanto fub nomine debes ,

Nunc juvenum Princeps , deinde future fenum.

Le même Ovide s'adreffant à Germanicus , luy dit :

Tu juvenum Princeps , cui dat Germania nomen

Participem ftudiis Cæfar habere folet.

( a ) Bern. Juftin. Hift. Chron. Tom. 1 ( b ) Ibidem.


I. cap. 1. | (c)Diff.2 in Canotoph. Pifan.
E iij
s
ation qu
es es
ert ri qu
f ft
o ti
38 Dif Hi & Cr
i

Une Infcription antique , luy donne cette qualité :

NERONI CLAUDIO
GER. COS. DES.
EQUESTER ORDO PRINCIPI
JUVENT.

On qualifioit auffi de la qualité de Prince de l'Ordre


des Chevaliers , celuy que le Cenfeur mettoit à la tête du
Catalogue des Chevaliers : Princeps equeftris ordinis dice-
batur is, quem Cenfores primo locofcripferant in Equitum ta-
bulis , five Catalogo. ( a )
On donnoit le nom d'apprentiffage à cette Chevalerie
parce que c'étoit de ce corps des Chevaliers , que l'on paf-
foit à celuy du Senat , dont les Céfars devenoient les Prin-
ces , quandils étoient faits Empereurs comme ils avoient
été les Princes de la jeuneffe , ou du corps des Chevaliers,
étant Cefars.
Des Che- Il y avoit une autre forte de Chevaliers Romains , qu'on
valiers ap- appelloit Equites Singulares. L'emploi de ces Chevaliers
pellez Sin-
gulares, étoit d'accompagner l'Empereur à la Guerre , & d'être
toûjours à fa gauche pendant le Combat ; comme les Pré-
toriens fe tenoient à fa droite.
On ne fçait prefqu'autre chofe de ces Chevaliers. Un
Auteur ( b ) a crû , qu'on les enfeveliffoit où étoit autre-
fois le Maufolée de Sainte Heleine , mere de l'Empereur
Conftantin. C'est ce qu'on peut recueillir de plufieurs Inf-
criptions que l'on a trouvées en cet endroit , où il eſt
fait mention de ces Chevaliers. En voici quelques - unes.

D. M.
T. AUREL. SUMMUS
EQ SING. AUG. CLAUDIO , & c.

( a ) Rofin. Antiquit. Roman. Lib . 7. Į pag. 360. Pancirolus Lib. 1. cap. 20.
cap. 10. Cujacus, Lib . 12. Obfervat. cap. 40.
( b) Raphaël Fabretus de Infcription .
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. III. 39

Autre Infcription.

D. M.
TITO AURELIO
TITI FILIO . ALIO MURSA MAXIMO
SIGNIFERO EQUITI SINGULARI
IMPERATORIS NOSTRI , TURMÆ
AURELII BITFI NATIONE . PANNO-
NIO MILITAVIT ANNIS XXII . V I-
XIT ANNIS XL. TITUS FIRMUS
EVOCATUS AUGUSTI HÆRES AMI-
CO OPTIMO FIERI CURAVIT.

On ne trouve gueres ailleurs , que dans Suetone ( a ) ce


qu'on doit entendre par ce terme , Evocatus Augufti , qui
eft dans cette Infcription : delegit, dit cet Auteur ,parlant de
Galba , & equeftris ordinis juvenes , qui manente annulorum
ufu , Evocati appellarentur , excubiafque circa cubiculum fuum
vice militum agerent. Antonium Præfeftum Evocatorum mifi
ad te , cui fi videbitur , cohortes traderes. ( b ) On donne auffi
le nom d'Evocati , non pas aux Troupes reglées , mais à
ceux qui dans quelque neceffité s'affemblent tumultuaire-
ment pour combattre. ( c )

Je ne fçai fi les Chevaliers qu'on appelloit Singulatores , Si ces


font differens de ceux que nous avons nommez Singulares. Chevaliers
font diffe-
Au moins il eft certain que leur emploi paroît affez diffe- rens de
rent. On dit que ceux-là font reprefentez dans les ancien- ceux qu'on
appelloit
nes Monnoyes & fur les Marbres montez fur un Cheval , singulato-

courant dans le Cirque devant les Chariots attelez de deux res.


ou de quatre Chevaux portant une palme, ou une Couronne
à la main. On trouve plufieurs Infcriptions , où il eſt fait
mention de ces fortes de Chevaliers.

(a ) Suetonius in Galba. (c ) Trebellius Latin . Linguæ prompt.


(b) Cicero ad Appium. verbo Evocatus.
40 · Differtations Hiſtoriques & Critiques

PUBLIO ELIO DECIMINO B. M. MIL.


A XVIII. EQUITI SINGULATORI
AUGUST I.
Autre.

MARCO ULPIO VIATORI EQUITI


SINGULATORI AUGUSTI.

Autre.

TITO HORTENSIO MUCRONI NA-


TIONE MARSO Q. V.A. XXXV . ALIUS
VERNUS ARM . CUS. EQUES SINGU-
LATOR AUGUSTI.

Ce que
c'eft Il y en a qui confondent ces Chevaliers Singulatores,avec
que
Defultor. ceux qu'on appelloit Defultores. Mais outre qu'on ne donne
pas à ces derniers , le titre de Chevaliers , c'eft qu'ils cou-
roient avec deux Chevaux , & fautoient en courant de l'un

fur l'autre. Defultor, dit Homere dans fon Iliade ,firmiterfa


liens ex equo in equum alternat , equi autem volantiau lieu que
les Chevaliers Singulatores , ne fe fervoient que d'un feul Che-
val. Singulator uno æquo utebatur , Defultor verò duobus. ( a )

ARTICLE III.

Des Loix , des Ceremonies établies pour la reception

des Chevaliers Romains , qui ont fervi de modele pour


l'établißement de la Chevalerie , dans les fieclesfuivans.

Our développer la veritableChevalerie Romaine "


er de celle qui n'en avoit que le nom ,
P & la diftingu

( a ) Buleng . Tom . z . de circo Romano | cap. 28.


&
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt . III . 41
& quelques prérogatives : il faut rapporter icy les Loix éta-
blies fur ce fujet.
La premiere de ces Loix marque la qualité de celuy qui I. Loy
devoit recevoir l'honneur de la Chevalerie. Il eſt donc dé- pour rece-
voir la
fendu par cette Loy , d'aggreger à l'Ordre des Chevaliers Chevale-
un nouveau Citoyen , ou qui n'avoit receu que depuis peu rie.
le droit de Bourgeoisie : car les Romains étoient perfuadez
qu'il n'étoit ni permis , ni bienféant de mettre dans cet
illuftre Corps un nouveau Citoyen. Les nouveaux Ci-
toyens étoient differens des hommes nouveaux , Homines
novi. Ceux-ci qui étoient veritablement Citoyens , comme
Plutarque nous l'apprend en la vie de Caton le Cenſeur
portoient ce nom à cauſe qu'ils étoient les premiers de leur
race qui parvenoient aux Offices; & faifoient fouche de No-
bleffe. Voicy les termes de cette Loi : Ad quos aliquem ex
novis civibus , & cui haud multo tempore civitas data effet ,
admitti non decebat ; quia nefas duxêre civem novitium inter
equites annumerari ( a )
Bernard Juftiniani ( b ) prétend qu'il eft ordonné par cet-
te Loy , que ceux qui devoient être faits Chevaliers fuffent
approuvez , & accompliffent ce qui étoit ordonné de faire
pendant le Noviciat. Ce que felon lui , on appelle aujour-
d'huy parmi les Chevaliers , faire l'année du Noviciat. Je
crains que
les Grammairiens n'approuvent pas cette ex-
plication.
Il étoit ordonné par la feconde Loy , ( c ) que perſon- 11. & IIL
,
ne ne reçût la dignité de Chevalier , & n'eût droit de por- Loy.
ter l'anneau d'or , s'il n'étoit libre , auffi-bien que fon pere

& fon ayeul : Cautum fuit ne quis huic Ordini afcifceretur


neque jus annuloram daretur , nifi ipfe ingenuus , pater &
avus ingenui effent , cui Seftercia quadringenta , quod pecu-
lium equeftre habitum eft , cenfus fuiffet : ( d ) Il falloit auffi
qu'il poffedât affez de bien , pour faire quatre cens Sex-

(a ) Alexand. ab Alexandro genial . (c) L. Rofcius,Plin . Lib. 33. cap. 2.


dierum . Lib. 2. cap. 29. Sueton. in Cafare cap. 33.Hotomannus Lib.
(b) Bernard Juftin. Hift. Chronolog. 4. antiquit . Roman.
Tom.I. cap 1. ( d ) Alexand, ab Alexand, ubi fupre.
F
42 Differtations Hiftoriques & Critiques
terces de revenu, ( a ) que l'on appelloit le patrimoine des
Chevaliers , Patrimonium equitum. D'autres difent ( b ) que
ce Patrimoine des Chevaliers devoit être de quatre cens mil-
le Sexterces , qui font quarante mille livres de nôtre Mon-
noye : Cenfus equeftris erat Sexterfium quadringentorum mil-
lium. Il femble que c'eft auffi le fentiment d'Horace , ( c )
quand il dit :

Si quadringentis fex,feptem millia defunt ,

Eft animus tibi , funt mores , eft lingua,fidefque


Plebs eris.

Mais tout cela revient au même , comme l'a très-bien


remarqué un Ecrivain ( d ) fur cet endroit d'Horace : Cen-
fus Romanorum equitum erat quadringenta Seftertia majora
feu quadraginta millia minorum Seftertiorum. Ita ut hæc pe-
cunia fumma deberent quotannis è prædiorum fuorum fructibus
habere collectam . Refpondent hæc Seftertia libris Gallicis qua-
draginta millibus .
IV. Loy.
C'a été auffi la coûtume pendant long -temps , de ne don-
Il falloit
defcendre ner le titre de Chevalier , qu'à ceux qui defcendoient des
des Patri- Patriciens. Il y avoit deux fortes de Patriciens , les uns fu-
ciens.
rent créez par Romulus , & les autres par Tarquin V. Roi
de Rome. On appelloit ceux-là grands ou premiers Patri-
ciens : Patres confcripti , ou ſelon Pline , Senatores ampliſſimi
qui & lato clavo utebantur ; & ceux - cy , feconds ou

petits Patriciens , qui pouvoient être aggregez parmi

( a ) Les Auteurs font fort partagez | termes anciens , dit que le petit Sex-
touchant la valeur du Sexterce. An- terce valoit dix - huit deniers de nôtre
dré Favin , dit que le Sexterce valoit Monnoye ; & que le grand Sexterce
deux affes & demi , & faifoit la qua- en valoit mille des petits , ce qui re-
triéme partie du Denier Romain , qui vient à quinze écus & plus. Le
valoit cinq fols de notre Monnoye : P. Juvenci croit que le petit Sex-
ainfi le Sexterce revenoit à nôtre pie- terce eft autant que deux fols de Fran-
ce de quinze deniers. Favin , Theatre ce. fuvencus latere. Sextertiorum .
d'honneur , Lib. 1. chap. 5. Il y avoit (b) Rofin. Antiquit. Rom. Lib. 1.
le grand & le petit Sexterce. Le pe- cap. 17.
tit Sexterce valoit deux fols un denier, (c ) Horat. Lib. 1. Epift. 1.
un peu plus de notre Monnoye Dic- (d) fuvencus in Horatium . Lib. 1.
tion de l'Asademie Françoife . D'Ablan- Epift. 1.
court fur Tacite , dans la table des
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. III. 43
les Chevaliers , auffi - bien que grands Patriciens.
Quand un Romain avoit la Nobleffe & les biens ne-
ceffaires pour être Chevalier ; on obſervoit pluſieurs choſes
en luy conferant l'honneur de la Chevalerie.
Premierement , il falloit qu'il fût choifi & approuvé par I. Cére-
le Cenfeur. C'étoit au Cenfeur des Chevaliers Romains monie
qu'on ob-
à juger de ceux qui meritoient de paffer du peuple , au fervoit en
rang des Chevaliers , & de ceux qui pouvoient , ou qui de- donnant la
voient aller à la Guerre: Equo merere . Tacite (a ) fait mention Chevale-
d'un Volufius , homme de grande reputation , qui avoit re.
exercé cette Charge : Cenforia poteftate, legendifque Equitum
Decuriis perfunctus.
En fecond lieu , il devoit être enregiftré dans le Livre II . Cére-
des Chevaliers : In album Equitum adfcribebatur , ce qui monie.
étoit un Privilege qu'on n'accordoit qu'aux feuls Chevaliers
Romains , & point aux Etrangers .
Troifiémement , le Cenfeur leur donnoit un Cheval aux III. Cé-
dépens du Public , mais ils étoient obligez de l'enharnacher monie.
& de le nourir. Plufieurs Infcriptions anciennes , font men-
tion de ces Chevaux.

L. ELIANO. L. .F
AN. PROVINCIALI

EQUO PUBLICO ORNATO .

Enfin on leur donnoit l'Anneau d'or , pour les diftin-


IV . & V.
guer du peuple. Céremo-
Il y en a qui difent que quand les jeunes gens étoient ar- nie .
mez Chevaliers , on leur donnoit dans cette Céremonie des

demi-Piques dorées ou argentées avec des Boucliers ronds.


Ces demi-Piques s'appelloient Hafta pura. Elles étoient la
marque de la Chevalerie , auffi-bien que de la recompenfe
des Chevaliers , quand ils avoient fait de belles actions.
C'étoit à l'âge de vingt-un an commencé , que l'on étoit
armé Chevalier , comme on le peut recueillir de cette Inf
cription.

(a ) Tacit. Lib. 3. Annalium.


Fij ¡
44 Differtations Hiftoriques & Critiques

T. VETTUDIO
POTENTI FIL.
EQUO PUBLICO
ANNOR. XX. M. IV. D. V.

Quand les Chevaliers paffoient en revûë devant le Cen-


feur , ils étoient partagez en trois Centuries , ou en trois
bandes , comme le remarque Virgile. ( a )
Tres Equitum numero turma ternique vagantur. Cette Re-
vûë s'appelloit Equitum probatio . Elle étoit trés- differente
de celle qu'on nommoit Equitum tranfvectio , établie par
Q. Fabius Rullianus , comme l'a remarqué Aurelius Vic-
tor.Hic primus inftituit ut Equites Romani Idibus Quintilibus
ab æde honoris , equis infidentes in Capitolium tranfirent. Plu-
fieurs Auteurs ( 6 ) remarquent , qu'Auguſte renouvella
cette Céremonie.

De ceux Aprés ces remarques , il eft aifé de juger par les quali-
qui n'é- tez perfonnelles des Chevaliers , par les Ceremonies qu'on
toient pas mettoit en ufage à leur reception , & par leurs privileges
ment Che- dont nous parlerons dans l'Article fuivant , qu'on ne
veritable
valiers. les doit pas confondre avec les Chevaliers établis par
Romulus , ou par Tarquin , ni avec ceux que nous avons
placez parmi les Honnoraires , ni avec les Chevaliers en
Lettres ; & qu'il faut encore les diftinguer de ceux qui
étoient tirez de la lie du peuple , ou qui avoient efté Efcla-
ves , ou qui étoient Publicains : parce que la création de
tous ces Chevaliers ne fe faifoit pas avec tant de Céremo-
nies ; & qu'il leur manquoit pour l'ordinaire ou la No-

bleffe , ou les biens , qui étoient les deux fondemens de la


vraye Chevalerie Romaine. Il eft vray que ces fortes de
Chevaliers avoient la plupart des prérogatives des verita-
bles Chevaliers Romains , foit qu'ils les euffent reçûës par
privilege , par faveur , oupar argent.
On doit auffi être convaincu , qu'on ne fçauroit rappor

(a) Virgil. Lib. s . Æneid. Augufto Rofinus Antiquitat Roman Lib.


(b ) Plin. L b. s. cap. 4. Suetonius in ] 4. cap. 11.
fur la Chevalerie. Liv. 1. Differt. III. 45
ter toutes ces chofes qu'à l'honneur de la Cheyalerie Mili-
taire , qu'on appelle bellica virtutis infigne . J'ole même dire
avec toute la vrai - femblance poffible , fi ce n'eft pas avec
la derniere certitude , qu'on ne fçauroit trouver dans l'Hif-
toire Romaine , qu'on ait jamais obfervé la plupart de ces
Céremonies , quand il a efté queſtion de conferer d'autres
Charges , ou d'autres dignitez , foit politiques ou militai-
res , foit pour être exercées dans Rome , ou dans les Pro-

vinces de l'Empire.
Enfin toutes ces Loix Romaines , touchant la Chevalerie, La Ché-
ce grand nombre de Céremonies miſes en uſage quand on valerieRo-
maine eft
la conferoit , les honneurs & les privileges de ces Cheva- le modele
liers doivent être confiderez comme le modele de ce qui des Ordres
s'eft pratiqué dans la fuite des ficcles , quand on a fait des de Cheva-
lerie.
Chevaliers : ou au moins les Princes Chrêtiens qui ont inf-
titué des Ordres de Chevalerie , ont imité les Romains en
plufieurs chofes , & les ont confiderez comme les premiers
auteurs de la Chevalerie ; quoiqu'on ne puiffe pas défa-
vouer qu'on a ajoûté dans la fuite d'autres Céremonies fui-
vant les tems & les lieux . Ainfi l'honneur de la Chevalerie
Militaire , doit fa naiffance à ces Maîtres du Monde. Si

tout ce que nous venons de rapporter , ne marque pas une


Dignité Militaire , connuë fous le nom de Chevalerie , on
peut dire qu'il n'y en a jamais eu. Car c'eſt la même en
fubftance , que celle qui a fleuri depuis le quatriéme fié-

cle , quoique les Ordres de Chevalerie que les Rois & les
Souverains ont établis , ayent eu fouvent des fins bien dif-
ferentes , & qu'ils les ayent deftinez à d'autres emplois.
Il eft vray que cette Chevalerie Romaine ne fubfifte plus ,
& qu'il ne nous en refte que la memoire que nous en a
confervée l'Hiftoire ancienne.

Fiij
ons s
46 Differtati Hiftorique & Critiques

ARTICLE IV.

Des Privileges des Chevaliers Romains , & desgrandes


Dignitez aufquelles ils ont été élevez.

Les Che- N doit mettre entre les Privileges des Chevaliers Ro-
valiersRo- mains , le droit de porter la Robbe de Senateur àpetits
mains por- O
toient la cloux d'or , pour les diftinguer des Senateurs , qui la por-
Robbe des toient à larges cloux d'or. Ils étoient auffi diftinguez des
Senateurs. Senateurs , en ce que ceux-cy ne ceignoient point leur Tu-

nique, ou leur Robbe,qui s'appelloit pour cela, Tunica recta,


au lieu que les Chevaliers la portoient ceinte.

Ils avoient Le fecond Privilege des Chevaliers , étoit d'avoir une


une place place feparée de celle du peuple dans les Spectacles pu-
feparée blics. ( a )
dans les
Spectacles. Le troifiéme étoit de pouvoir paſſer à l'Ordre de Sena-
teurs , & occuper les premieres Charges de l'Etats c'eſt le

privilege qui leur fut accordé par Augufte : Senatores ex


Equitibus Romanis creavit : ita ut poteftate tranfacta , in utro
vellent ordine,manerent. (b)

Caïus Gracchus , (c ) frere de Tibere , & quelque tems


aprés Livius Drufus , Tribun du Peuple , confondirent en
quelque maniere l'Ordre des Senateurs avec celuy des
Chevaliers. Et afin de donner plus d'autorité à ceux - cy ,

il fut arrêté par la Loy Sacrée (d) que les Chevaliers en-
Qui é treroient au Senat , & qu'ils y opineroient. On accorda en-
toient les core aux Chevaliers , que quoyqu'ils ne fuffent pas choifis
Chevaliers
nommez par les Cenfeurs , pour être mis au rang des Senateurs , il
Pedarii.
(a ) L. Rofcius Otho. minius , Confuls. Il étoit ordonné par
(b ) Suetonius in Augufto,cap. 40. la même Loy , qu'on ne pourroit obli-
(c ) Alexand. ab Alexand. genial. die- ger perfonne deporter les Armes avant
rum , Lib. 2. cap. 29 l'age de dix-fept ans : & qu'outre la
(d ) La Loi Sacrée fut faite l'an 631 . paye des Soldats , on leur donneroit
de la fondation de Rome , Q. Cæci- encore des habits.
lius Metellus , & T. Quintius Fla-
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. III . 47
leur étoit neanmoins permis d'y aller , & de donner leur
fuffrage , on appella ces Chevaliers Pedarii. ( a ) On dit
auffi que M. Livius , afin de balancer le Senat , fit une

Loy , qui a été long-temps obfervée , que les Senateurs &


les Chevaliers jugeroient également. Enfin on éleva en
quelque forte les Chevaliers au-deffus des Senateurs.
Pour relever davantage cette Charge , on prenoit des Cheva-
Chevaliers Romains pour gouverner les Provinces en qua- liers Gou-
lité de Préfidens. On remarque que les Chevaliers ont été verneurs
des Pro-
long-temps les Préfidens de la Cappadoce , de l'Egypte , & vinces.
de plufieurs autres Provinces ; & il y a cela de particulier ,
que les Préfidens de l'Egypte , n'étoient pas pris de l'Ordre
des Senateurs ; mais feulement de l'Ordre des Cheva-
liers.
Quintilius Varrus Chevalier Romain , iffu d'une très-
illuftre Famille , ne fut pas feulement Préſident de Syrie ,
comme le rapporte Velleïus : ( 6 ) mais auffi Tibere le rap-
pella de la Syrie , & l'envoya fur le Rhin , pour comman-
der l'Armée Romaine , contre le vaillant Arminius , Roi

des Cherufces , Peuple puiffant en Allemagne , qui habi-


toit entre l'Elbe & le Vefer. Jofeph ( c ) remarque que ce

fut ce Quintilius qui reçût ordre de l'Empereur d'unir la


Judée , qui appartenoit à Archelaus , avec la Province de
Syrie.
L'Empereur Augufte avoit tant d'eftime pour les Leurs Dé-
Chevaliers Romains , qu'il ordonna que l'on recevroit crets font
leurs Decrets , comme
comme s'ils
s'ils avoient
avoient été
été prononcez à reçûs com-
me ceux
Rome par les Magiſtrats ›
, par les Confuls , & par les des Sena-
teurs.

( a ) Pedarius fignifie, felon quelques | Aulugelle , c'étoit un Chevalier , qui


Auteurs , un Senateur , qui n'avoit pas n'étant pas encore Senateur , avoit eu
droit de dire fon avis , mais paffoit quelque Charge honnorable , qui lui
fans rien dire au côté où étoit un des donnoit le droit d'entrer au Senat , &
premiers dont il vouloit fuivre le fen- de dire fon avis ; mais comme il
timent. Selon quelques autres , c'étoit étoit des derniers , on ne s'adreffoit
un Senateur qui alfoit à pied au Senat, pas à luy , & il le contentoit de té-
à la difference des premiers Magiftrats moigner qu'il étoit du fentiment, de
qui s'y rendoient dans un Chariot , ou quelqu'un de ceux qui avoit opiné.
dans une Chaife Curule , dans laquelle (b ) Diodor. Lib. 55.
ils étoient aflis. Si nous en croyons (c ) ofeph. Lib. Antiquit.
48 Differtations Hiftoriques Critiques
Preteurs. (a ) Un ancien Auteur (b ) nous apprend que
les Chevaliers furent élevez à un fi haut point d'honneur ,
que les Préfets du Prétoire , étoient ordinairement tirez de
l'Ordre des Chevaliers : Confulatus penes Senatoriam , Præ- H

feitura verò Prætorii penes Equeftrem ordinem erat. Et ce


qui eft bien remarquable , c'eft que jufqu'au tems de Ti-
Ils
cent exer-
la te , qui fut fait Préfet du Prétoire , cette Charge , fans in-
Charge de terruption , avoit toûjours été exercée par des Chevaliers

Prefet du Romains. Præfecturam quoque fufcepit , dit Suetone ( c )


Prétoire.
parlant de Tite , nunquam ad id tempus , nifi ab Equite Ro-
mano adminiftrata.
On trouve même que le Commandement de la Flotte du
Port de Ravenne , qui étoit un des plus importants emplois
de l'Empire , ne fe confioit qu'à un Chevalier Romain . Le
Port de Ravenne étoit fameux par les Armées Navales.que
les Romains y entretenoient pour la fûreté du Golfe Adria-
tique , qu'ils appelloient Mer Superieure : comme ils en en-
tretenoient un autre à Mifene , pour lafûreté de la Mer In-
terieure. Cette Flotte étoit à Ravenne , pour la garde de l'I-

talie , de la Ville de Rome & de l'Empereur. Cette Flotte


s'appelloit Prætoria , pour la diftinguer des autres , qui n'é-
toient pas , pour ainfi dire Imperiales ; foit parce que les

On donne Soldats s'appelloient Prætoriani , ou Cohors Prætoriana , &


auxCheva- celui qui les commandoit , Præfectus claffis Prætoria Ra-
liers le vennatis.
Comman- 1
dement de Le Commandement de cette Flotte n'étoit pas donné in-
la Flotte de differemment , & fans choix aux Chevaliers Romains, mais
Ravenne à ceux-là feuls qui s'étoient diftinguez par de grandes ac-

tions , tel qu'étoit le celebre M. Aquilius Felix. C'eft ce


qu'on peut voir dans une Inſcription qui fut trouvée lorſ-
qu'on travailloit en 1690. au Port d'Anfo , Antium , que
le Pape Innocent XII. faifoit reparer , dans laquelle
on donne à M. Aquilius , le glorieux titre de Préfet du
Port de Ravenne. Cette Infcription eft fur une belle

( a ) Cornel . Tacit. Lib. 12. Annal. cap.


22. ( b ) Dio, Lib. 32.
( c ) Sueton. in Tito Cafare,cap. 6.
Pierre
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. III. 49
Pierre de marbre de trois pieds de largeur , & de quatre
de longueur. Voicy ce qu'elle porte.

M. AQUILIO . M. F.
FABIA FELICI.
A CENSUS EQUIT. ROMAN.
PRÆF. C L. PR . RAVENNAT.
PROC. &c.

M. Philippe de la Torre nous a donné cette Infcription :


avec de fçavantes explications , dans un Ouvrage intitulé ,
Monumenta veteris Antii. Differt. I. imprimé à Rome en
1700.

ARTICLE V.

De la Dégradation des Chevaliers Romains.

Vant que de fini cett mati


r e ere , il faut ajoûter en
Apeu de mots , comment les Chevaliers Romains per-
dolent ce glorieux titre. Ceux ( a ) qui ont écrit des An-
tiquitez Romaines , obfervent que quand un Chevalie
r
étoit deſtiné pour paffer à l'Ordre des Senateurs , il perdoit
la qualité de Chevalier ; ce qui arrivoit encore , quand il
étoit élevé à quelque Magiftratu
re , ou au Gouvernement
de quelque Province. Mais quand les Chevaliers avoient
confumé leur Patrimoine , & que leur Revenu n'étoit pas
fuffifant pour foûtenir leur Dignité ; ou qu'ils s'en étoient
rendus indignes par quelque crime , le Cenfeur les privoit
du Cheval qu'on leur avoit donné aux dépens du Public ,
& leur ôtoit l'Anneau d'or. Après cette Dégradatio ,
n
ils étoient réduits à la condition du commun du Peuple.

( a) Rofin. Antiq. Roman. Lib. 1. cap. 17.


G
"

Differtations Hiftoriques Critiques


Exemples Tacite ( a ) rapporte
de Cheva- quelques exemples de Chevaliers
liersdégra- dégradez . Le premier eft de Geminius Celfus , & d'un
dez.
certain Pompeius , Chevaliers Romains , qui furent pri-
vez de leur qualitez de Chevaliers , l'année 18. de l'Empire
de Tiberre , parce qu'ils furent accufez & convaincus d'a-
voir eu part à une conjuration. Le ſecond arriva l'an fixié-
me de l'Empire de Neron. (b ) Vibius Secundus , celebre
Chevalier Romain , ayant été accufé de quelque crime ,
fut chaffé d'Italie , après avoir été privé del'honneur de la
Chevalerie.
Comment
fe faifoit la La Dégradation des Chevaliers , fe faifoit de cette ma-
Dégrada- niere. ( c ) Après que le Cenfeur avoit fait le dénombre-
tion.
ment des Chevaliers , illifoit publiquement leurs noms , &
ceux qui n'étoient pas nommez , perdoient leur qualité de
Chevaliers. Il faut pourtant remarquer que ceux qui étoient
ainfi notez par le Cenfeur , ne devenoient pas infames de
telle forte , qu'ils demeuraffent exclus des Charges pendant
toute leur vie ; car s'ils étoient reconnus innocens par le

Juge , après avoir bien examiné leur caufe , ils pouvoient


remonter à leur premier degré d'honneur , ou même être
élevez à d'autres .

DISSERTATION IV .

De la Chevalerie Militaire.

Étte forte de Chevalerie a été en ufage parmi toutes


C
les Nations , pour relever le courage , ou recompenfer
le merite des gens de Guerre ; de-là vient qu'on l'appelle
Dignité Militaire, bellica virtutis infigne,pour ne la pas con-
fondre avec les Ordres de Chevalerie , qui font auffi Mili

( a ) Tacit. Lib. 6. Annal. (c ) Rofin. Antiquit. Roman, Lib, 7.


(b(Tacit. Ibid. Lib. 14. cap. 10.
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt . IV. St
taires
quoique très - differens de la Dignité ou de la
Chevalerie Militaire.
Cette Chevalerie a precedé les Ordres Militaires érigez
par les Princes Chrêtiens. Elle étoit celebre en France fous
nos Rois de la premiere race. Saint Gregoire de Tours ( a )
raconte qu'un Chevalier nommé Leonard , ayant donné du
chagrin à la Reine Fredegonde , cette Princeffe emportée
de colere , ordonna qu'on ôta le Baudrier à ce Chevalier ,
dont le Roi Chilperic l'avoit honoré : Juffit fpoliari , nuda-
tumque veftimentis ac Baltheo , quod ex munere Chilperici
Regis habebat. Il falloit que ce Leonard eut reçû la Cheva-
lerie dont nous parlons , puiſqu'en France on n'en recon-
noiffoit point d'autre en ce tems.
L'établiſſement des Religions & des Ordres Militaires ,
n'a pas tellement obſcurci la Dignité Militaire , que l'u-

fage ne s'en foit encore confervé jufques vers ces derniers


fiecles. On trouve mille exemples de cette Chevalerie , de-
puis les Croiſades.

ARTICLE I.

La Chevalerie Militaire eft très - differente des Ordres


Militaires. Des occafions dans lesquelles on conferoit

cetteforte de Chevalerie.

Our démêler la Dignité Militaire , & ne la pas con-


fondre avec les Ordres de Chevalerie , il faut faire at-

tention à plufieurs choſes. La premiere eft , que les Cheva-


liers des Ordres Militaires font comme un Corps ou une So-
cieté qui a un Chef ou un Grand-Maître , & qui obferve
des Statuts. En fecond lieu , on confere l'Ordre de la Che-

valerie avec de grandes Céremonies , & en certains tems.

(a ) Gregor. Turon. Hiftor. Lib 7. cap. 15.


Gij
52 Dißertations Hiftoriques & Critiques
Enfin les Chevaliers de tous les Ordres , & chaque Ordre
en particulier , ont une marque de diſtinction.
La Che.
valerie Mi- On ne trouve rien de tout cela dans la Chevalerie Mi-

litaire ne litaire. Les Chevaliers ne font point de Corps , ils font tous
faifoit pas détachez les uns des autres , & ne font point réunis fous un
un Corps.
Chef. Ceux qui reçoivent cette Dignité Militaire , ne s'en-
gagent point à obferver certains Statuts & des Regles par-
ticulieres ; & n'ont point de marque qui leur foit commu-
ne , qui les diftingue des gens de Guerre , & des Nobles.
Enfin cette Chevalerie fe confere ordinairement avec fort
peu defolemnité.

Dans quel- Cette Chevalerie a été nommée Militaire , parce qu'on


les
occa- la donnoit anciennement avant ou aprés les Batailles , pen-
fions l'on dant le Siege des Places fortes & des Villes ; au paffage d'un
conferoit
cette Che- Pont , d'une Riviere ; quand on devoit entrer fur les Ter-
valerie.
res des Ennemis , quand il falloit combattre fur une bre-
che : ou enfin après avoir genereufement combattu dans
les Mines. Item creantur Milites in Villarum obfidionibus ,
caftrorum velfortalitiorumfiforte afaltus fiat, feu faciendum
fuerit. Item creantur milites ad mineram , & in bellis campef
tribus. ( a ) Ce qui a donné occafion de nommer les Che-
valiers , qui étoient créez dans ces occafions , Chevaliers
de Bataille , Chevaliers de Siege , & Chevaliers de Mine.
Les Connêtables & les Generaux d'Armée avoient ac-

coûtumé , pour exciter les gens de Guerre à faire de gran-


des actions , de faire des Chevaliers dans ces rencontres.

Plufieurs Auteurs parlent de cette maniere de faire des


Chevaliers dans les Combats. (b ) Cette Dignité Militaire
rehauffoit le courage des Chevaliers , redoubloit leur ar-
deur , & leur donnoit le privilege d'être enfevelis en Che-
valiers , quand ils mouroient dans le Combat. Il en faut
donner des Exemples..
On don- Pierre de Bourbon , Comte de la Marche , fut fait Che-
noit cette valier par Jacques de Bourbon fon pere , avant le Combat
Chevalerie
avant les
Combats. (a ) Uptonus,Lib. 1. deMilitari Officio, (b) Fulcher Carnotenfis, Lib. z. cap.
cap 3. Savaron, Traité de l'Epée Fran- 10. Froiffart , Monftrelet , Savaron ubi
çoile, page 27. Supra.
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. IV . 53
de Brignais , l'an 1361. Enguerrand de Monftrelet raconte
qu'en 1415. un peu avant la Bataille d'Azincourt , Philip-
pes, Comte de Nevers , fils du Duc de Bourgogne , reçût la
Dignité Militaire de Jean le Maingre , dit Boucicaut , Ma-
rêchal de France ; auffi-bien que d'autres grands Seigneurs.
Enfin Jean de Harcourt, Comte d'Aumale , donna la Che-
valerie Militaire à André de Laval , avant la défaite des
Anglois , arrivée l'an 1422. à la Broffiniere .
L'an 1339. l'Armée de France commandée par le Roi
Philippe , & celle d'Angleterre où étoit en perfonne
Edouard , étant en prefence , entre Vironfoffe & Flaman-
guerie , le Comte de Hainault créa quatorze Chevaliers.
Ces Chevaliers ( a ) font appellez dans l'Hiftoire , les Cheva-
!
liers du Lievre , à caufe que pendant cette Céremonie , un
Lievre ayant traversé le Camp des Anglois , fe jetta dans
l'Armée des François , ce qui donna du divertiffement
aux deux Armées.
C'étoit fur tout après les Batailles , & aprés avoir rem- Aprés
porté la Victoire , qu'on recompenfoit par l'honneur de avoit rem-
porté la
la Chevalerie , ceux qui s'étoient diftinguez par de hauts victoire.
faits , & qui avoient montré plus de valeur. Tout le mon-
de fçait que l'an 1515. après la Bataille de Marignan , qui
dura deux jours , & où plus de dix mille Suiffes refterent
fur la place , le Roi François I. pour rendre cette Victoire
plus folemnelle , voulut recevoir la Dignité Militaire de la
main du genereux Pierre du Terrail , dit le Chevalier
Bayard. Le Roi le choifit , parce que ce celebre Chevalier
avoit toûjours été victorieux dans les Armées , comme dans
les Combats finguliers , où il s'étoit trouvé.
Ce ne feroit jamais finir , fi j'entreprenois de rapporter Pendant
Siege
tous les Sieges des Villes , où l'on a créé des Chevaliers : je le
dirai donc feulement , que l'Hiftoire du Roy Charles VI. des Villes.

écrite par Jean le Févre de Saint Remy , premier Roi d'Ar-


mes, nous apprend qu'au Siege de Bapaume, l'an 1414. le
Duc de Bourbon fit le Comte d'Eu fon beau-frere, Cheva-

( a ) André du Chene , Hiftoire d'An- I gleterre , Liv. 15. pag. 649.


Giij
54 Differtations Hiftoriques & Critiques
lier. Et il eft rapporté dans l'Hiftoire d'Aftur III . Duc
de Bretagne , qu'au Siege de Braye-fur- Seine , l'an 1431.ce
Duc fit Chevaliers les plus illuftres de fa Nation.. Jean Bour-
digne , en fon Hiftoire d'Anjou , fous l'an 1452. rapporte
qu'au Siege de Fonfac , Francicum Caftrum , on fit plu-
fieurs Chevaliers.
Quand il
falloit Entre ceux qui furent honorez de la Chevalerie à l'affaut 1
monter à de la Ville de Dieppe , l'an 1442. on doit mettre le Comte
l'affaut.
de Saint Paul , Hector d'Eftouteville , Renaut de Longue-
val , & plufieurs autres qui ne s'étoient pas moins diftin-
guez par leur valeur. Suivant l'Hiftoire de Belleforeſt ., le
Seigneur de Moy fut fait Chevalier à l'affaut de Ponteau-
Aprés la demer , l'an 1 449. Je ne veux ajoûter que deux autres
prife des
Villes. exemples. Le premier fe trouve dans l'Hiftoire du Roi
Charles VI. où il eft dit qu'après le Siege & la prife
de la Ville de Bayonne en 1451. le Comte de Dunois
Lieutenant du Roi , pour rendre fon entrée plus celebre ,
créa plufieurs Chevaliers , & entr'autres Jamet de Saveu-
fes , le Sire de Montguyon , & le Sire de Bouffac , qui
avoient fait parroiftre leur courage dans cette action péril-
leufe. Le fecond exemple eft tiré de l'Hiſtoire d'Àftur
III. Duc de Bretagne. Cette Hiftoire nous apprend que
les Anglois ayant affiegé Saint Célerin en 1 433. le Con-
nêtable de France y alla pour faire lever le Siege. Après
avoir chaffé les Ennemis de devant cette Place , il créa

plufieurs Chevaliers , entre lefquels on doit placer Gilles


de Saint Simon, Olivier de Ver , le Seigneur de Belliére.
furla Chevalerie. Liv. I. Diſſert . IV. · 55

ARTICLE II.

Comment l'on conferoit la Chevalerie Militaire


dans les Mines .

Es Combats dans les Mines (a ) étoient affez ordinai-


L res , il y a environ deux ou trois cens ans. Ceux qui
fecomportoient vaillamment dans ces occafions , recevoient
pour recompenfe la Dignité Militaire. De-là vient qu'on
les appelle Chevaliers de Mine . Nos Hiftoires font rem- Combats
les
plies d'exemples de ces Chevaliers. La Chronique des Ur- dans
Mines.
fins , fous l'an 1420. fait mention de ce qui fe paffoit dans
ces Mines. C'eſt au fujet du Siege de Melun. Les Anglois
& les Bourguignons ayant donné plufieurs affauts à cette
Place fans la pouvoir emporter , à caufe de la genereuſe
refiftance du Seigneur de Barbezan. ( b ) ceux-là ſe refo-
ce
lurent de miner la Ville. « Et pour ce qu'on difoit ( ce font
сс
les propres termes de cette Chronique ) qu'en Mines fe
faifoient de vaillantes armes, on fit fçavoir que s'il y avoit
perfonnes qui voulut faire Armes , qu'il vint. Donc Loüis «
c
Juvenal des Urfins requit audit Seigneur de Barbazan ,
ce
qu'il luy donna congé d'en faire. Ce qui luy fut octroyé ,
mais qu'il trouva partie , laquelle il trouva affez aifément.
Et c'étoit un bien Gentilhomme Anglois. Heure fut affi- «

( a) C'eft une maniere de Chambre 1432. Le Roi fit porter fon Corps dans
fouteraine qu'on fait fous le rempart , l'Eglife de Saint Denis , lieu de la Se-
à laquelle on va par des détours , & pulture des Rois de France , & ordon-
qu'on charge de la poudre qu'on juge na qu'il y fut enterré avec les mef-
être neceffaire felon la hauteur & la mes Honneurs & Ceremonies qu'on
pefanteur des corps qu'on veut élever, avoit accoûtumé de faire aux Rois,
& renverfer pour aller à l'affaur, Il fut mis dans la Chapelle de
(b ) Barbezan étoit premier Cham- Charles V. fous un Tombeau élevé
bellan du Roi Charles VII . Gouver- de bronze , fur lequel eft pofé fon effi~
neur de Champagne , & General des gie , avec deux belles Infcriptions en
Armées de Sa Majesté. Il mourut en fatin & en François .
ions ues ique
s
rtat oriq
56 Diße Hift & Crit

gnée , à laquelle ils comparurent , & y avoit torches & lu-
20
miere. Et combattirent l'un contre l'autre une groffe de-
32
mi heure , & n'y eût celuy qui ne perdit de fon fang.
"
Et n'y avoit gueres heure au jour,qu'il n'y eut en la Mine
Comment » des faits d'Armes. Entre les autres Raimond de Lore qui
fe faifoient ‫כב‬
ces Com- étoit un vaillant Ecuyer , entreprit armes deux contre
bats. deux , & prit pour deuxiéme ledit Loüis des Urfins , &
>> combatirent contre deux Anglois bien, & vaillamment , &
» en eurent l'honneur, & ne pouvoit on prendre l'un l'autre,
» car y avoit un gros chevron au travers de la Mine , haut
"3
jufqu'à la poitrine , & étoit défendu que nul ne paffât
‫دو‬
par deffus , ni par deffous.
» Le Roi d'Angleterre , & le Duc de Bourgogne firent
"
plufieurs Chevaliers , & de grands Seigneurs , lefquels
vaillamment s'étoient portez au fait des Armes , qui
Cheva- " avoient été faits en la Mine. Et fonnoient trompettes &
liers créez 99
menêtriers en leurs Sieges , & faifoient une grande joye
dans les
Mines. Le Seigneur Barbezan , dit auffi qu'il en vouloit faire , &
» envoya querir ledit Louis des Urfins , & Gilles d'Efche-
‫ دو‬viller , & les fit Chevaliers , & fit auffi fonner ce qu'il
,, y avoit de trompettes , & fonner les Cloches de la Ville.

J'ay rapporté cette Hiftoire un peu au long , parce qu'elle


nous appprend, comment fe faifoient ces Combats dans les
les Mines , & que la Dignité Militaire , étoit la recompen-
fe de ceux qui avoient bien fait leur devoir dans ces Com-
bats finguliers .

Exemple Voici un autre exemple fur le même fujet , qui eſt très-
d'un cele- celebre , & que je ne dois pas oublier. Louis II . de Bour-
bat Com-
bre fait bon,furnommé le bon Duc, ayant affiegé Vertueil, ( a ) & ne
dans une pouvant reduire cette Place par la force , à caufe de fon af-
Mine.
fiete , qui la rendoit prefqu'imprenable , forma le deffein de
la miner. (b ) La Mine étant achevée , ce genereux Prince
y entra le premier l'épée à la main. Il rencontra dans la

( a ) Cette Ville étoit bátie fur 1 Province du Poitou .


un Roc très élevé , & prefqu'inac- (b ) Favin , Theatre d'Hon . & de
ceffible. C'étoit la derniere Place qui | Cheval , Tom . I. Liv . 3.pag. 783.
fervoit de retraite aux Anglois dans la
Mine
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. IV . 57
Mine l'Ecuyer Renauld de Montferrand , Gouverneur de
la Place. Ces deux vaillans perfonnages fe battirent quel-
que tems , jufqu'à ce qu'un Officier de la fuite du Prince
cria tout haut : Bourbon , Bourbon, Noftre- Dame . Ces mots
étoient le Cry de Guerre que ce Prince avoit pris , à cauſe
de fa confiance envers la Sainte Vierge , & des graces
que Dieu lui avoit accordées par fon interceffion.
A ce mot de Bourbon , Renauld mit les Armes bas, & pria
le Duc de le faire Chevalier , en memoire de l'honneur
qu'il avoit reçû de faire des Armes avec un fi grand Prince,
& qu'il luy rendroit la Place : ce qui fut executé , & illec
même le fit Chevalier le Duc : Rainauld fut créé Chevalier
dans la Mine , & remit les clefs de la Place entre les mains
du Prince.
Avant de finir cet Article , il faut faire deux remarques. Céremo-

La premiere eft de marquer les Céremonies qui s'obfer- nies ob-


voient, quand on conferoit la Dignité Militaire , dans tou- fervées
pour don .
tes les occafions dont nous avons parlé. Les Ecuyers por- ner cette
tant l'épée à la main , fe prefentoient devant le Gene- Chevalerie
ral , le priant de les faire Chevaliers : Alors le Prince ou le
General prenoit l'épée des deux mains , & les en frappoit
fur l'épaule , & il difoit en même tems : En l'honneurdu Pere,
du Fils , & du Benoit Esprit , je vous fais Chevalier. Crean-
dus in militem portabit gladium in manibus de principali Capi-
tando petens, ut ipfum creet in Militem , qui capiet gladium
predictum de manibus ordinandi , & ipfum percutiet , dictum
gladium tenendo ambabus manibus , cum eodem , nominando
militem , five percuffum. ( a )
La feconde eft , qu'il arrivoit quelque fois , que celuy
qui avoit receu la Chevalerie Militaire , étoit enfuite ho-
noré du Collier de quelque Ordre de Chevalerie. C'eft ainſi
que François I. fut aggregé aux Ordres de la Toifon d'Or
& de la Jarretiere , quoique le Chevalier Bayard eût con-
feré à ce Roy la Dignité Militaire.

(a ) Uptonus , Ibidem.

H
ns es
tio qu s
ta i que
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58 Di Hi & Cr

CARAIRADRAIRAICAIRAIRAI RI RADRAIRAIRAIRAIRAIRADRAGRAD

DISSERTATION V.

De la Chevalerie Honoraire , defon établißement

par l'Empereur Conflantin.

L fe prefente d'abord de grandes difficultez fur l'ori-


Sentimens
des Au- IN gine de cette Chevalerie. Les uns la font auffi ancienne
teurs fur que l'Eglife ; les autres attribuënt au grand Conftantin
l'origine l'honneur de cette inftitution ; d'autres enfin ont crû qu'elle
de cette n'a commencé de paroiftre qu'après les Croiſades. Pour dé-
Chevalerie
mêler ces divers fentimens , & établir celui qui me paroît
leplus vrai-femblable ; il faut avant toutes chofes faire voir
qu'il y a deux fortes de Chevalerie honoraire. Après avoir
expliqué l'origine de l'une & de l'autre , nous parlerons des
Ordres Militaires , qui leur appartiennent & qu'elles ren-
ferment , foit qu'ils ayent efté inftituez avant , ou après la
Guerre Sainte.

ARTICLE I.

Ily a deuxfortes de Chevalerie Honoraire , l'une


Chrétienne , & l'autre Civile, ou Politique.

A Chevalerie Honoraire , comme nous l'avons déja


L remarqué , fe confere à plufieurs fortes de perfonnes ,
& pour des emplois trés- differens , qui pourroient faire plu-
fieurs efpeces de Chevalerie Honoraire. Mais pour dé-
brouiller cette matiere , je les reduits toutes à deux , par rap-
port à deux fortes de fins que les Rois & les Souverains ont
eûs en inftituant les Ordres de Chevalerie.
Chevaie- C'eſt un ſentiment commun parmi les Ecrivains , que les
ric Civile. Rois & les Princes ne fe trouvant pas affez de bien; pour
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt. V. 59
recompenfer les belles actions , & les fervices que les Gen-
tils-hommes leur rendoient , inventerent la Chevalerie , qui
fans épuiferleurs finances, leur a donné le moyen de conten-
ter ceux qui n'eftiment rien tant que l'honneur , & d'exci-
ter leurs Sujets à faire des actions héroïques pour le fervice
duPrince & de l'Etat,dans l'efperance de cette haute dignité.
Ces fins n'ayant rien que d'humain , doivent faire ap-
peller civile & politique la Chevalerie qui n'a pas des vûës
plus relevées. Onpeut mettre de ce nombre l'Ordre des Che-
valiers d'Orleans , ou du Porc- Epic , inftitué par Louis de Ordre du
Porc-Epic.
France , fecond fils du Roy Charles V. aux réjoüiffances
que ce Prince fit à la folemnité du Batême de fon fils Char-
les en 1394. Les Chevaliers de cet Ordre portoient une
Chaîne d'or , au bout de laquelle pendoit fur l'eſtomac un
Porc-Epic d'or , avec cette Devife , Cominus & Eminus. Les
Chevaliers de cet Ordre étoient au nombre de 25. y com-
pris le Duc qui en étoit le Chef. Le Roi Louis XII . abolit
cet Ordre à fon avenement à la Couronne. On peut ajoù- Ordre de
ter à cet Ordre celuy de l'Elephant , inftitué l'an 1478. Ephant.
par Chriftierne I. dit le Riche , Roi de Dannemark , aux
folemnitez du Mariage de Jean fon fils. Les Chevaliers de
cet Ordre , qui étoit fous la Protection de la Sainte Vierge,
portoient autrefois le Collier d'or , compofé de deux Croix
Patriarchales , au bout duquel pendoit un Elephant émaillé
de blanc , le dos chargé d'un Château d'argent maçonné de
fable , & cet animal mis fur une terraffe de finople, émaillée
de fleurs , avec l'Image de la Sainte Vierge au-deffous, en-
vironnée d'un Soleil. Depuis que ce Royaume a embraflé
les erreurs de Luther , on a ôté du Collier de cet Ordre
l'Image de la Sainte Vierge , & les Croix Patriarchales , &
on n'a confervé que l'Elephant.
On place auffi parmi les Ordres purement Honoraires , Ordre de
ou de Chevalerie Civile , l'Ordre des Chevaliers de l'Her- ' Hermine.
mine , érigé vers l'an 1483. ou 1464. par Ferdinand

V. Roy d'Aragon & de Naples , après avoir chaffé de la


Calabre le Duc de Loraine , qui s'étoit emparé de cette
Province. Les Chevaliers portoient un Collier d'or , d'où
Hij
6.0
Dissertations Hiftoriques & Critiques
pendoit une Hermine paffante auffi d'or , avec cette De-
: Malo mori quàm fœdari : C'eſt-àdire, j'aime mieux
Ordre de vife
S. André. mourir que d'être fouillée. On peut y ajoûter l'Ordre des
Chevaliers de Saint André , que le Czar a inftitué à Mof-
cou depuis trois ou quatre ans.
Je laiffe plufieurs femblables Ordres, dont nous parlerons
dans la fuite , qu'on doit appeller des Ordres de Chevale-
rie purement Civile ou Politique , quoique ces Compagnies
reconnoiffent fouvent quelque Saint pour Patron. Mais
ces Ordres n'ayant pour but que de conferer une dignité
purement honoraire , n'étant point approuvez par les
Souverains Pontifes ; & n'ayant aucun rapport à la Re-

ligion , ou à la pratique de quelque exercice de pieté en par-


ticulier ; nous donnons à ces Ordres le titre de Chevalerie
Honoraire , Civile , ou Politique , pour la diftinguer de
celle que nous reconnoîtrons dans la fuite , fous le nom de
Chevalerie Honoraire Chrêtienne.

Chevale- La premiere , & la principale fin que les Rois & les Sou-
rie Chrê- verains fe font propofée dans l'inftitution de la Chevalerie
tienne.
Chrêtienne , a efté le foûtien de la Foi , & de l'Eglife , le
foulagement du prochain, la défence des Pelerins, & le fer-
vice des malades; enfin pour animer leurs Sujets à défendre
leurs Etats contre les incurfions des Barbares & des Infidelles.

On doit reconnoître parmi les Ordres de Chevalerie Ho-


Ordre de noraire Chrêtienne , l'Ordre des Chevaliers de Sainte Bri-
Sainte Bri-
gitte. gitte, dit de Saint Sauveur, établi en Suede par Sainte Bri-
gitte ,, pour
pour défendre l'Etat & la Religion contre les incur-
fions des Nations Barbares , l'an 1366. Les Chevaliers de
cet Ordre , qui fut approuvé par le Pape Urbain V. por-
toient une Croix d'azur à huit pointes : au bas de la Croix
il y avoit une langue de feu , pour fignifier que les Cheva-
liers devoient avoir une grande charité pour le prochain.
C'eft pour cela que leur principale obligation étoit d'en-

fevelir les morts , de proteger les veuves & lesorphelins.


Sainte Brigitte donna des Regles à cet Ordre qu'elle écri-
vit en trente & un Chapitres.
Ordre de
L'Ordre des Chevaliers de Saint Antoine fut fondé l'an
S.Antoine.
GI
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt. V.
1382. par Albert de Baviere , ( a ) Comte de Hainaut >
de Hollande , & de Zelande , dans le deffein de faire
la Guerre au Turc. Cet Ordre fut éteint à la mort

de celuy qui l'avoit inftitué. La marque de ces Cheva-


liers étoit un Collier d'or , fait en forme de ceinture d'Her-
mite , où pendoit au bout un bâton fait en bequille ,
avec une clochette , de la maniere qu'on le repreſente
dans les portraits de Saint Antoine.
Les Ordres de Chevalerie Honoraire Chrêtienne >
ont cela de commun avec ceux de Chevalerie purement

Civile ou Politique , que les uns & les autres font des So.
cietez illuftres , que les Princes ont établies , pour donner
des marques d'honneur , de dignité & de diftinction , à
ceux qui fe font rendus recommandables par leurs hauts

faits , ou en vûë de leur Nobleffe , ou pour des motifs


femblables. Mais ces deux fortes de Chevalerie Honoraire ,
font très-differentes dans les fins que l'une ou l'autre ſe pro-
pofe , & à raifon du tems de leur inftitution , comme on
le verra dans la fuite.

ARTICLE II.

Il n'y a point eu de Chevalerie Honoraire , foit

Chrétienne, on Civile avant le quatrieme fiecle.

L n'eſt rien de fi incertain que l'origine de la Cheva-


Ilerie Chrêtienne. L'on en trouve peu de chofe dans
l'antiquité. Les Auteurs modernes ne s'accordent , ni fur le
temps , ni fur les lieux où les Ordres Militaires ont commen-
cé. Îls attribuënt fouvent à un Ordre , ce qui convient à
l'autre . Si on a mêlé beaucoup de fables parmi ce qui nous
refte de plus vrai-femblable fur ce fujet ; & s'il eft bien dif-
ficile de découvrir la veritable fource des Ordres Militai-

( a ) Aubert le Mire , de Orig. Ordin . Equeft. Lib . 2. cap. 12.


Hiij
62 Differtations Hiftoriques & Critiques

res ; au moins il fera aifé de combattre l'erreur de ceux qui


les font remonter jufqu'au premier fiécle de l'Eglife.
Ordre de S'il en faut croire quelques Auteurs ( a ) qui ont écrit de
S. Lazare. la Chevalerie , l'Ordre de Saint Lazare , eft le premier &

le plus ancien. Ils en établiffent le deffein , & le fonde-


ment dès le premier Concile celebré à Jerufalem par les
Apôtres avant leur féparation , ou après qu'ils eurent oüi
les plaintes qui étoient faites fur l'adminiftration des Au-
mônes , & qu'ils eurent confideré que la Prédication de la
Parole de Dieu , ne leur permettoit pas de vâquer aux mi-
niſteres exterieurs , & au fecours que la mifericorde doit
au prochain. Ils jugerent donc à propos de s'en décharger
fur les fept Diacres qu'ils choifirent , aufquels ils confierent
la recepte & la difpofition des charitez publiques. Voilà ,
dit-on , les premiers Hofpitaliers de la Religion , qui a de-
puis porté le nom de Saint Lazare.

Cet Or- Cette Inftitution , ajoûtent ces Auteurs ( b ) ſe repandit


dre fe ré- bien-tôt en plufieurs endroits. S. Bafile érigea un magni-
pand dans fique Hôpital en la Ville de Cefarée en Cappadoce Tous
endroits. la même invocation. Le Pape Damafe I. qui vivoit du tems
plufieurs
de l'Empereur Julien l'Apoftat , & de Valentin fon Suc-
ceffeur , l'approuva vers l'an 369. Vers la fin du IV. fié-
cle , quelques-uns de ces Hofpitaliers fe tranfporterent
dans la Morée ; ils firent encore un établiſſement confide-

rable en la Ville d'Ancre. Enfuite les Empereurs de Conf-


tantinople les attirerent dans cette Ville , pour leur don-
ner l'adminiſtration d'un celebre Hôpital. Ils fe repandi-
rent bientôt dans la Romanie , & de-là dans tout l'Orient.

Enfin fous le Regne de Baudouin , Empereur de Conftan-


tinople , ils prirent les Armes à l'exemple des autres Hofpi-
taliers. Ainfi l'an 1104. de fimples Hofpitaliers qu'ils
étoient , ils devinrent Chevaliers de Saint Lazare. De
Belloy ( c ) en fait une espece de Chevalerie dès l'an 72 .
( a ) Hermant. Hift . des Ordres de (b) Memoires , ubi fupra. Hermant.
Chevalerie , Chap. 1. De la Roque , Traité ibid.
de la Nobleße chap. 115. Memoires des (b ) De Belloy , de l'Origine de la
Ordres Militaires de Notre- Dame de S. Chevalerie , chap. 9.
Lazarre, & alii.
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt. V. 63
de J. C. puifqu'il prétend que cet Ordre fut inftitué pour
la défenſe des Chrétiens perfecutez après la mort du Sau-
veur , par les Scribes , les Pharifiens , les Saducéens & les
Romains.Tamburin ( a ) n'eſt pas moins favorable à l'Or-
dre de S. Lazare , puifqu'il en fait une inftitution Militaire
dès le IV. fiécle ; mais il fixe à l'an 361. l'Epoque de fon
établiſſement .

Tout ce raiſonnement qui n'eft fondé fur aucune preu-


ve , peut bien convaincre que l'Institution des Hôpitaux
eft trés-ancienne ; & même que l'élection des fept Diacres
faite par les Apôtres , eft une repreſentation de l'établiffe-
ment des Societez deftinées au foulagement des pauvres ;
mais on ne sçauroit conclure de ce difcours , que l'Ordre
Militaire de S. Lazare foit venu de ces Hofpitaliers, qu'ils
1
ayent fait un corps de Religion dès les premiers fiécles ,

qu'ils ayent embraffé la regle de S. Bafile , ni qu'ils ayent


fait un Inftitut fous le nom de S. Lazare , different de

l'Ordre Religieux de ce grand Docteur.


Il eſt vrai que dans la Bulle du Pape Pie IV .par laquelle
en 1565. il donna la grande Maîtrife de l'Ordre de S. La-
zare en Italie , à Janot de Caftillon fon parent , on en rap-
porte l'établiffement , au tems de Saint Bafile , & fon pro-
grez au Pape Damafe. Neanmoins S. Bafile , comme le re-
marque S. Gregoire de Nazianze ( b ) ne fonda qu'un Hô-
pital fous le nom de S. Lazare , & non pas une Religion
d'Hofpitaliers , & encore moins un Ordre Militaire.
Mais quand on accorderoit que les Apôtres ont jetté les Il n'eſt pas
plus ancien
fondemens d'une Religion deftinée au fervice des pauvres que les au-
& des malades , & que cet Inftitut embraffa la Regle de tresordres
S. Bafile dès le IV. fiécle , & qu'il a été celebre jufqu'au liers.
Hofpita-
XII. on ne fçait pas pourquoy on attribue à l'Ordre
de S. Lazare , une origine fi ancienne , plûtôt qu'aux Re-
ligions des Chevaliers de S. Jean de Jerufalem , du Tem-
ple , & qu'à l'Ordre Teutonique , puifque toutes ces Com-

( a ) Tambur. de fure Abbat. Tom. 11 . Į retus


( b ) Greg. Naz. Orat , 20. Theodo-
Difp. 24. 4. 4. , Lib. 4. cap. 16.
64 Differtations Hiftoriques & Critiques
pagnies étoient dévouées à pratiquer l'Hofpitalité envers les
Pelerins , les Pauvres & les Malades , dés le temps de leur
établiſſement , avant que de prendre les Armes , & être
érigées en Ordres Militaires.

Nous verrons dans la fuite , que les Hôpitaux fondez dans


la Paleſtine , avant le XII. fiécle , ont donné occafion

d'inftituer des Religions Militaires , & de faire prendre les


Armes à ceux qui étoient uniquement confacrez au fervice
des Pelerins & des Malades. Ainfi c'eft fans aucune vrai-

femblance , & fans preuve qu'on fuppofe que l'Ordre de S.


Lazare avoit été dès les premiers fiécles une Religion Hof-
pitaliere , avant que d'être Militaire. Autrement on ne
pourroit pas refufer le même privilege à l'Ordre de Malthe ,
à celuy des Chevaliers du Temple , & aux autres qui furent
inftituez vers le même tems : ce qui eft très-oppofé au ſen-
timent commun , qui avant le X. fiécle , ne reconnoît au-
cun veitige de ces Religions , foit qu'on les confidere com-
me Hofpitalieres , ou comme Militaires.
Ordre du Il y ades Auteurs (a ) qui prétendent que l'Ordre des
S. Sepul- Chevaliers du Saint Sepulchre , fut inftitué par Saint Jac-
chre.
ques Apôtre , Evêque de Jerufalem , nommé dans l'Evan-
gile , le fufte , & le Frere , c'eft-à-dire , coufin du Sei-
gneur. On dit que l'extrême veneration qu'avoient les Fi-
delles pour le Saint Sepulchre , fit naître à ce faint Apô-

tre la penfée d'établir des perfonnes pour garder le Tom-


beau de JESUS - CHRIST , qu'il leur donna pour
Etendart la Sainte Croix , & que cela arriva environ
l'an 69. après la mort de JESUS - CHRIST. D'au-
tres Ecrivains ( b ) attribuënt à Sainte Helene l'Inftitu-
tion de l'Ordre des Chevaliers du Saint Sepulchre. Ce

On l'at- fut , dit-on , vers l'an 313. qu'un Juif , nommé Ciriaque
tribuë à enfeigna à Sainte Helene le lieu où l'on avoit caché la
Sainte He
lene. vraye Croix de Nôtre Seigneur. Ce bois ſacré ayant été

(a) Quaresmi elucidat.Terre Sancta, (b ). Tambur. de jure Abbat . Tom. II.


Tom . I. Lib. 2. cap. 32. Bejerl. inTheatro, Difp. 24. 4. 4. & alii apud Mennen.
Tom. 3. verbo Equites , & alii apud Men- Quarefm . ubi fupra. Vide, Hermant ,
nen. cap. 11. 12.
trouvé,
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. V. 65
trouvé , Saint Helene établit des Chanoines pour faire l'Of-
fice Divin dans l'Eglife qu'elle fit bâtir fur le Mont de Cal-
vaire ; & des Hofpitaliers croifez & militaires , pour garder
le Saint Sepulchre , & affifter les Pelerins qui le viendroient
vifiter.

Ces deux opinions touchant l'Origine des Chevaliers du Ces deux


Saint Sepulchre , font également infoûtenables. Elles ne font opinions
font infoû-
pas feulement deftituées de preuves tirées des anciens , mais tenables.
auffi elles ne font pas foûtenues de conjectures , qui
ayent le moindre fondement. Pour en être convaincu , il
ne faut faire qu'un peu d'attention au tems que cet Ordre à
été fondé , felon ces Auteurs. La premiere opinion , mar-
que que ce fut vers l'an 69. après la Paffion de N. S. JESUS-
CHRIST ; mais Saint Jacques étoit mort dès l'an 62. fui-
vant le plus commun fentiment. Dans la feconde opinion ,
il y a un Anacronifme , qui n'eft pas moins groffier. On dit
que ce pieux Inftitut commença l'an 313. après que Ciriaque
fut établi Evêque de Jerufalem. Mais ceux (a ) qui ont parlé
dutems que Sainte Helene trouva la Sainte Croix, convien-
nent que ce fut l'an 326. & que Saint Macaire , & non pas
Cyriaque , étoit Evêque de Jerufalem.
S'il en faut croire d'autres Ecrivains , ( b ) Conftantin le

Grand doit paffer pour le Fondateur de l'Ordre des Che-


valiers du Saint Sepulchre. Il s'en trouve, qui atribuënt cette
Inftitution à Charlemagne , à Godefroy de Bouillon , ou à
Baudoüin. En attendant que je m'explique fur cela,il eft cer-
tain que ni Conftantin , ni Charlemagne , n'ont pas donné
la naiffance à la Chevalerie du Saint Sepulchre.
On fait remonter à S. Clet , ( c ) qui a vécu du tems des Ordre
dont on
Apôtres , & qui eft le troifiéme qui a gouverné l'Eglife fait S. Clet
après S. Pierre , l'Inftitution de l'Ordre des Chevaliers , Inſtituteur
qu'on appelle Porte- Croix , ou Cruciferes. Ce fut , dit- on ,
un Ange qui avertit S. Clet , d'ériger une Maiſon , ou un

* ( a ) Eufebius, Lib 3. de vita Conft cap. ( b ) Auctores fupra citati.


28. Rufinus, L. 1. Hift . cap. 7.8 Secra- (c ) Sabellic. Ennead. 9. Lib . 6. Bzo-
tes , L. 1. cap. 17. Theodoret, Cyrillus Hie- vius ad an. 1205.
rofol.
I
66 Differtations Hiftoriques & Critiques
Hôpital , pour recevoir les Pelerins qui viendroient à Rome
par dévotion. On ajoûte que ce faint Pape ordonna , que
ceux qui feroient deftinez pour recevoir les voyageurs fati-
guez par la longueur du chemin , porteroient toujours une
Croix , qui eft la marque de la Paffion du Fils de Dieu.
Enfuite cet Ordre fut augmenté , & reçût un nouveau
luftre par les foins d'un Ciriaque , qui vivoit au quatriéme
fiécle. C'eft de cet Inftitut , dit-on , que plufieurs fortes
de Societez Militaires , & Ordres de Chevalerie font for-
tis ; & entr'autres l'Ordre Militaire de Livonie , qu'on ap-
pelle des Porte- Glaives. Mais toute cette Hiftoire n'eft fon-
dée quefur des monuments apochryphes. On peut voir fur
cela le Pere Papebroch. ( a )
L'Inftitut qu'on attribue à S. Clet, eft plûtôt une Fon-
dation d'Hôpital, que l'Inftitution d'un Ordre Militaire ;
& il n'y a pas d'apparence que les Porte-Glaives de Livo-
1
nie tirent leur origine de cet Inftitut , puifqu'ils ont toû-
jours manié les Armes, & ne fe font jamais appliquez à fer-
vir les malades , ou à recevoir les Pelerins.
Ordre de Je ne dois pas paffer fous filence le fyftême curieux de

ibué à l'Auteur d'un Factum imprimé à Paris , en faveur de l'Or-


Chevalerie
attr
SainteMar- dre du Saint Efprit de Montpellier. ( b ) Ce fyftême , dis-
the.
je , eft certainement curieux , & par fa nouveauté , & par
fes preuves. On voit d'abord que ce faifeur de Factum , ( c )
fe fçait gré de fon érudition , & d'être fort verfé dans
l'Hiftoire Ecclefiaftique . » Un peu de connoiffance de l'an-
33
quité , felon luy , fuffit pour ramener ce qui s'eſt paffé
‫כן‬
dans les premiers fiécles de l'Eglife , & nous en donner

(a ) Tom. I. Maii ad diem 4. pag. de Mars 1693. L'Auteur de ce Factum ,


442. a tiré fes preuves d'un Difcours a-
(b) Cet Ecrit porte pour titre : dreffé en 1629. à la Reine de France,
Réponse au Memoire imprimé fous le Marie de Medicis , par Olivier de la
nom de M. de Gourgues , Maître des Trau , fieur de la Terrade , qui fe qua-
Requeſtes , nommé Procureur Gene- life Archi- Hofpitalier General , &
ral de la Commiffion établie par Sa Grand- Maître de l'Ordre , Milice &
Majefté , pour remettre l'Ordre Mili- Religion du Saint Efprit ; où il a
taire, Archi-Hofpitalier & Regulier encheri fur tout ce que l'on avoit
du Saint Efprit de Montpellier dans fes avancé de fabuleux fur ce fujet.
biens , en execution de l'Edit du mois. (c ) Factum ,page 7.
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt. V. 67
une idée parfaite. C'eft elle qui nous apprend, que la bien- «
се
heureuſe Hofpitaliere de Jefus- Chrift Sainte Marthe eft
66
appellée Fondatrice de l'Ordre ancien Archi-Hofpitalier,
Militaire & Regulier du Saint Efprit de Montpellier.<
Le Lecteur s'attend , fans doute , de trouver ici des preu- ves
Lesdepreu
cet
ves tirées de la plus pure antiquité , ou du témoignage des Auteur
Auteurs les plus reculez. Mais toute la connoiffance de l'an- fontpeu
lides. fo-
tiquité de notre Auteur, fe réduit aux Leçons du Breviaire
са
d'une Eglife particuliere .« Son Office, de Sainte Marthe, (a) ·
dit-il , qu'on chante publiquement dans l'Eglife , nous en «
ce
fournit plufieurs preuves. La premiere eft tirée de la pre-
miere Leçon , où on lit ces paroles : la Bienheureufe & «
venerable Hôteffe de Jeſus- Chrift , Marthe , Archi-Hof- « Premiere
pitaliere de toute l'Eglife de Dieu , Fondatrice de l'Ar- « Preuve.
chi-Hofpitalité du Saint Efprit de Montpellier , & de la «
Sacrée Milice de l'Ordre & Religion Apoftolique du cc

Saint Elprit. Beatiſſima igitur & venerabilisHofpitaChrifti,


Martha, Archi- Hofpitalis totius Ecclefiæ Dei , Fondatrix
Archi-Hofpitalis Sancti Spiritus Montis-Peffulanenfis , Sa-
crique Ordinis Militia & Apoftolica Religionis Saniti
Spiritus.
Il ne fuffifoit pas de nous avoir appris l'illuftre Fonda-
trice de ce grand Ordre , il en falloit encore marquer les

exercices ; & c'eft ce que nôtre Auteur a heureuſement


découvert dans la troifiémé Leçon du troifiéme jour de fon
Octave , dont voici les termes. « Elle employa la moitié “
<<
de fon Patrimoine à faire bâtir dans la Ville de Jerufalem
plufieurs édifices , Hôpitaux : les oeuvres de l'Hofpitalité y "
étoient pratiquées par les Militaires de fa Sacrée Milice , "
aufquels fon frere Lazare commandoit. “
Cecharitable Inftitut étoit trop éclatant , pour être ren- Seconde
fermé dans la Judée. La France fe vit bien-tôt honorée de Preuve.
l'Ordre du Saint Efprit. Le quatrième verfet de l'Office de
cette celebre Fondatrice en fournit une preuve convain .
quante à nôtre Auteur : ( b ) il y trouve ces paroles. « Elle «

(a ) Ibidem, page 7. (b) Ibidem , page 7.


I ij
48 ons Hiftoriques & Critiques
Dissertati
,, établit à Tarafcon une Societé compofée de cent
,, Sœurs , & fonda les Chefs de la Milice à Montpellier.
Sorores in Tarafcano centum ibi Sociavit , & in Monte - Peffu-
lano caput militum fundavit.
-Si Sainte Marthe n'érigea pas de riches Commanderies
pour la fubfiftance de cette nombreuſe Milice : néanmoins
nôtre Antiquaire a trouvé dans la feconde Leçon du fep-
tiéme jour de l'Octave , ( a ) a qu'elle faifoit diftribuer
" necelfaire à fes freres Militaires du Saint Eſprit , tant
dans fon Archi-Hoſpitalité de Montpellier , que dans fes
" Membres.
Autre L'érudition de ce faifeur de Reponíes , ne ſe borne pas
preuve ti- au Breviaire d'une Eglife particuliere , ( b ) il avoit encore
rée duBre- lû dans un ancien Breviaire , imprimé à Paris en 1553 .
viaire Ro-
main. "" Que pendant que Magdelaine étoit toute occupée de la
"" Priere & contemplation , & Lazare entierement occupé
,, à la Milice ; Marthe prudente , rempliffoit tous les devoirs
"" du frere & de la foeur , & fervoit les Militaires.
Il falloit que nôtre Auteur eût fait une grande étude
des Breviaires , puifqu'il n'a recours à d'autres Livres qu'à
ceux-là , pour y prouver que Sainte Marthe eft le Chefd'u
ne Milice Reguliere. Le Breviaire Romain , approuvé par
le Concile de Trente , lui en fournit encore une autre preu-
ve , qui n'impoſera pas affurement au Public , quelque con-
vainquante qu'elle lui paroiffe : la voici tout au long. ( c )
,, On ne peut pas foûtenir que Sainte Marthe n'eft pas ve-
,, nuë en France , fans contredire le Breviaire Romain ré-

‫ رو‬tabli par le faint Concile de Trente , & approuvé par fept


s nd Nocturne du jour de fa
"" Pape ; il y a à la fin du feco
te s ts : L a Pr ov id en ce divine la conduifit à
" Fê , ce mo
e e ce
" Marſeill avec toute fa famill , fans aucune difgra . ""
à
Voil ce qui s'ap pe ll e raiſ on ne r ju ft e , & ét ab li r foli-
dement les chofes .
Vaine Je laiffe plufieurs autres conjectures que nôtre Auteur
complai- a tirées des mêmes fources , pour partager avec lui la com
fance de
l'Auteur. (c) Ibidem.
(a ) Ibidem , page 8.
1
(b) Ibidem , page 8.
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt. V. 69

plaifance qu'il a de la force de ſes raifonnemens , & des heu-


reufes découvertes que la connoiffance de l'Antiquité luy a
données , fi en même tems il paroiffoit plus refpectueux en-
vers un celebre Magiftrat : voicy fes termes. ( a ) « M. le "
"
P. G. de la Cour , ne dira plus après des preuves authori. “
cc
fées par le Concile de Trente , par fept Papes , par un
Office chanté publiquement dans l'Eglife , & par confe- "
quent approuvé que l'Inftitution de cet Ordre ne peut
être rapporté à Sainte Marthe , & que c'eft une fiction "
qui approche bien plus de la fable , que de la verité ; "
CC
le refpect que l'on doit à l'Eglife , ne permet pas à fes ve-
cc
ritables enfans de tourner en ridicule ce qu'elle pratique.
Il fe fert enfuite d'une preuve de fait , qu'il appelle Au- Preuve
thentique , pour juftifier que cet Ordre exiftoit avant le de fait.
fixiéme fiécle. « C'eſt , dit-il , ( b ) le Procez verbal du "
Batême d'une Cloche de la Commanderie de Saint Pour- "
çain en Auvergne , fait le 19. Avril 1660. où il en fut "
trouvé une autre , fur laquelle il y a actuellement un «
<<
Saint Efprit en relief fur une Croix raïonnante ; & pour
Legende , ces mots en lettres gothiques : Jefus de Naza- “
rethz, Roi des Juifs , Lazare & Marthe. Et en Chifre Ro- "
main VICXXXIX . qui marque que cette Cloche à «
été faite en l'an 639. «

Cette preuve feroit très - ccnfiderable pour le deffein de


de l'Auteur , fi elle étoit moins équivoque : il faut affu-
rement avoir une grande pénétration , pour découvrir
dans ces paroles : Jefus Nazarenus Rex Judcorum , Laza-
rus , Martha , que l'Ordre Militaire & Regulier du Saint
Efprit de Montpellier étoit connu dans le fixiéme fiécle ,
& qu'il exiftoit avant ce tems. Mais quand on l'y trou-
veroit auffi clairement que le prétend nôtre Auteur ;
lui feroit-il permis d'en conclure que Sainte Marthe cft la
Fondatrice de cet Ordre Militaire , que cet Inſtitut a
fleuri en France dès la naiffance du Chriftianifme , & tou-
tes les autres chofes qu'on avance fur ce fujet ?

( a ) Ibidem , page 9. [ (b ) lidem , page 10.


I iij
70 Dissertations Hiftoriques & Critiques
Chapitre Quoique cet Article foit déja affez long , je ne dois pas
tenu
en omettre ici une picce que produifent les Défenfeurs de la
1032.
Chevalerie du Saint Efprit de Montpellier. ( a ) Cette piece
contient ce qui fe paffa dans un Chapitre General de cet
Ordre , affemblé en 1032. On y voit la fignature d'un
Grand-Maître,de vingt- huit Grands Prieurs , ou Commhan-
deurs. On remarque auffi , que des Chevaliers de toutes les
parties de la France , d'Allemagne , de Pologne , d'Efpa-
gne , d'Angleterre , & d'autres endroits , affifterent à ce

Chapitre.
On a fait beaucoup valoir cette Piece dans le Procez que
l'on fit fur la fin du fiécle paffé , à quelques prétendus Che-
valiers de cet Ordre. Elle feroit en effet d'un très-grand
poids , pour prouver que l'Ordre des Chevaliers du Saint

Efprit étoit Militaire , long-temps avant l'onziéme fiécle ;


mais ce monument ayant été examiné par de très - habiles
experts deſtinez pour cela , ils jugerent qu'il étoit faux ,
& fabriqué au commencement du fiécle paffé. Il ne faut
que jetter les yeux fur cette piece , pour en reconnoître la
fuppofition. La brieveté , la fimplicité , & le ftile des Actes
anciens ne s'y trouvent pas. Ces termes , Confiliarius Regius
à Secretis : & ces autres , Notarius Regius & Apoftolicus ,
étoient inconnus en 1032. Enfin cette piece eft fi mal con-
çûë , qu'on y découvre plufieurs autres marques qui la
rendent fufpecte, & même fauffe.
Sice Monument étoit fi authentique qu'on le prétend ,
le Roi en fon Confeil d'Etat , n'auroit pas declaré par un
Arreſt donné le 10. May 1700. que l'Ordre Hofpitalier du
Saint Efprit de Montpellier ef purement Regulier , & non
Militaire.

Voilà les principales opinions que je fçache , qui font re-


monter la fource de la Chevalerie vers les premiers fiécles.
Nous allons tâcher de faire voir que l'Empereur Conftan-
tin , en doit être confideré comme le premier Instituteur.

(a la
De Roque ,, page
) ibidem 17.de la Noblesse
Traité Chap . 114.
|
fur la Chevalerie. Liv. I. Diſſert. V. 71

ARTICLE III .

Le choix que fit le Grand Conftantin de cinquante de fes

Gardes , pour porter le Labarum , eft l'Origine , &


le modele de la Chevalerie Honoraire , foit Chrétienne ,

foitCivile.

Our donner quelque éclairciffement à cette matiere


P il faut rappeller ici ce qui arriva à Conftantin , lorf- Vifion de
Conftan-
qu'il marchoit contre Maxence. Eufebe ( a ) raconte que le tin.
26. d'Octobre de l'an 312. cet Empereur vit dans le Ciel ,
un peu après midy , au-deffous du Soleil , une Croix de lu-
miere ,
au tour de laquelle étoient écrits ces mots en
Grec : EN ΤΟΥΤΩ NIKA : CECY VOUS FE-
RA VAINCRE.Il fut extrêmement furpris de cette
viſion , auffi - bien que les Troupes qui l'accompagnoient ,
qui furent tous témoins de ce prodige.
La nuit fuivante comme il dormoit , Jefus-Chrift lui ap-
parut avec le même figne qu'il avoit vû dans le Ciel. Illui
recommanda d'en faire une repreſentation dans fes Eten-
darts , & de s'en fervir dans fes Armées. Conftantin ayant
declaré la choſe à fes amis le lendemain , fit venir des Or-

févres & des Joüailliers , leur deffina la figure de l'Enſei-


gne qu'il vouloit faire , & leur ordonna d'y employer de
For & des pierres précieuſes ; & ils firent l'Etendard que
l'on a depuis appellé Labarum.
Ily en a qui le nomment Laborum , ab opos , qui veut
dire fin , ou terme. Ainfi felon Saint Gregoire de Na-
zianze , en fa premiere Oraiſon contre Julien , Labarum eſt
la même chofe que Laboris opos , adcopos , Laboris termi-
nus pour dire que par le fecours de cet Etendard

(a ) Eufeb. de vita Conftant. Lib. 1. cap. 28.


72 Differtations Hiftoriques & Critiques
on finiffoit les travaux. D'autres difent que Conftantin l'ap-

pella ainfi , afin qu'on connût que par la Croix qu'il avoit -
reçûë , il finiroit les perfecutions que l'Egliſe ſouffroit de-
puis deux ou trois fiécles; & qu'il feroit ceffer les maux que
leTyran Maxence avoit caufez à la Ville de Rome.
Defcrip. Quoiqu'il en foit du nom qu'on a donné à cet Etendart ,
tion du
barum. La- il eft certain qu'il n'étoit pas toûjours fait de la même ma-
niere. Affez fouvent le nom de Jeſus- Chrift n'étoit pas au

haut de la Pique , mais fur le Drapeau. Baronius ( a ) remar-


que qu'on reprefentoit le Monogramme en plufieurs ma-
nieres. Euſebe ( b ) qui avoit vû le Labarum , en fait la def-
cription en cette forte .
C'étoit , dit-il , un grand bâton en forme de Pique , qui
en avoit une autre plus petit en travers , qui compofoit une
Croix , & d'où pendoit une Enſeigne , ou Baniere quarrée
d'une étoffe de pourpre fort précieuſe , enrichie de brode-
rie d'or , & toute éclatante de pierreries ; & au - deffus
de ce Bâton en travers , il y avoit un cercle ou Couronne
d'or enrichie de pierreries , qui avoit au milieu le Mono-
gramme, ou le Chifre du nom de Jefus- Chriſt ;fçavoir leX.
& le P. entrelaffez . Au bas de la frange de la même Enſei-
gne , étoient attachées au Bâton quatre grandes médailles
d'or , qui repreſentoient l'Empereur & fes trois enfans en
bufte.
Conftan- Conftantin choifit entre les Protecteurs , c'est- à-dire ,`
tin choifit
cinquante entre les Gardes du Corps , ( c ) cinquante des plus braves
Gardes
qu'il deftina pour garder & porter tour à tour cette En-
pour le
porter. feigne. On ne fçait pas précilement le tems de cette infti-
tution ; fi ce fut avant de donner Bataille à Maxence

ou lorsqu'il combatit & défit entierement Licinius. Baro-


nius parle de cette Inftitution en l'année 317 .
(a ) Baron. ad an . 312. num . 25. coûtume. Cette Charge fut établie en
(b) Eufebius Ibidem , cap. 3 ' . titre d'Office par Tibere Cefar. L'on
( c ) Tacite , Lib 1. Hift. cap. 11. ne reçût d'abord que les Patriciens à
fait mention d'un Capitaine des Gar- cette Charge , à laquelle on admit en-
des. L'on appelloit ainfi celui qui fuite les Senateurs & les Confulaires.
commandoit aux Soldats , qui étoient Baudouin , annotations fur les Annales de
deftinez à garder la perfonne du Prin- Tacite.
ce. Augufte inventa le premier cette
Quoiqu'il
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt . V. 73
Quoiqu'il en foit du tems de cet établiſſement , il eft cer- Origine
tain qu'on doit le regarder comme le principe de tous les de la Cne-
Ordres de la Chevalerie Chrétienne & Civile , qui dans la valeriepar
mi les
fuite des tems ont rendu des fervices confiderables à l'E- Chrétiens .

glife , ont fait un des plus beaux ornemens des Cours


des Princes de l'Europe , & ont été une marque d'honneur
dans les perfonnes du premier rang , & la recompenfe du
merite & de la valeur des grands hommes.
Conſtantin le Grand choififfant cinquante perſon ne re-
commandables par leur pieté , & par leurs vertus Mili-

taires , pour porter tour à tour , & défendre l'Augufte


Nom de JESUS-CHRIST , a jetté les fondemens d'un
Ordre de Chevalerie , qui a été l'origine & le modele de
toutes les Compagnies de Chevaliers , que les Rois & les
Souverains ont établies dans les fiécles fuivans , pour foû-
tenir la Religion par les Armes contre les ennemis du
Nom de JESUS- CHRIST ; & pour honorer de cette
noble qualité , ceux qui en ont été jugez dignes par
les avantages de leur naiffance ou dans la vûë de
leurs hauts faits. Et voilà les deux principales fins de tou-
tes les Chevaleries Honoraires , & ce qui en fait preſque
toute l'effence.
Si pour former un Ordre de Chevalerie , on demande Condi-
encore un Fondateur , & un Chef qui en foit comme le tions ne-
Grand-Maître ; s'il faut plufieurs perfonnes Nobles réii- cefaires
pour un
nis enſemble , qui en foient les membres , & qui faffent Ordre de
un Corps & une Societé tout cela fe trouve dans l'Or- Chevale-
rie.
dre Conftantinien . Enfin fi des Statuts qu'on doit fuivre , des
Cérémonies qu'il faut mettre en ufage dans la Création des
Chevaliers , & une marque de diftinction , font neceffai-
res pour l'établiffement d'un Ordre de Chevalerie ; toutes
ces chofes font renfermées en fubftance dans l'Ordre de
Conftantin.

On avoüera volontiers , fi l'on veut , que l'Institut de


Conftantin dès fa naiffance , n'a pas été à la rigueur un
Ordre de Chevalerie auffi développé , comme ceux qu'on
a fondé depuis les Croifades. Mais en même tems on fera
K
74 Differtations Hiftoriques & Critiques
L'Ordre obligé d'accorder que le choix que fit Conftantin des
de Conf-
tantin eft le plus braves qui fuffent parmi fes Gardes , & à qui il
modele des confia la confervation & la défence du Labarum : que
autresChe- ce choix , dis-je , avec toutes les circonftances qui l'ac-
valeries.
compagnent , doivent être regardées comme l'origine &
le modele de la Chevalerie Honoraire , foit Chrétienne
ou Civile : Chevalerie qui s'eft perfectionnée peu à peu ,

& devenue plus augufte dans les fiécles fuivans , par la


magnificence des vêtemens , par la pompe des Cérémo-
nies , & par l'excellence des Statuts & des Regles. En-
fin cette Chevalerie a été regardée depuis la fin du XII .
fiécle , comme une Milice celebre , qui a fait un des
plus beaux ornemens de l'Empire d'Orient , jufqu'à la
ruine de Conftantinople , qu'elle a paffé en Italie.
Il eft certain que les Croifades ne font pas de veri-
tables Chevaleries ; neanmoins les perfonnes qui fe
croifoient confpirant à la même fin , qui étoit de com-
battre les ennemis de l'Eglife , & portant la même mar-
que qui les diftinguoit des autres cette Sainte Milice
a été confiderée comme une efpece de Chevalerie , &
Urbain II . qui publia la premiere Croifade , a été re-
gardé comme l'Inftituteur des Religions Militaires , qui
ont été celebres dans les fiécles fuivans.

Pourquoi refuferoit - on à l'Empereur Conftantin la

gloire d'avoir jetté les premiers fondemens de tous les Or-


dres de Chevalerie & Chrétienne & Civile ; puifque le

choix des cinquante plus braves d'entre fes Gardes , qu'il


deftina à la défenſe du Zabarum , a plus de rapport par
bien des endroits aux Ordres de Chevaleric , que les

Croifades publiées par Urbain II ?


fur la Chevalerie. Liv. I. Diſſert . V. 75

ARTICLE IV.

On établit la Chevalerie de Conftantin par le témoi-


des Auteurs.
gnage

E porterois trop loin cette matiere , fi j'entreprenois Auteurs


J de rapporter les paffages de tous les Auteurs Fran- qui qui font
Conftan-
çois , Italiens , Anglois , Efpagnols , Allemans , qui met-
tent l'Inftitution de Conftantin à la tête de tous les Or- mier Infti-
tuteur
dres Militaires , & qui la regardent comme l'origine , & tout de
es les
le modele de toutes les Chevaleries qui ont été érigées Chevale
dans la fuite. Ainfi il fuffira de mettre ici les propres ter- ries.
mes de quelques - uns. Le premier qui fe prefente , eſt
François Mennenius , ( a) qui parlant de l'Origine & des
Statuts des Ordres Militaires , s'exprime en ces termes :
His omnibus antiquiorem habemus Ordinem Militiæ Conftan-
tiniane , que & aureata & Saniti Georgii appellata eft.
André Guarin ( b ) a fait imprimer un Ouvrage , qui
porte pour titre : Origine e fondazione di tutte le Religioni e
Milizie de Cavalieri. Parlant des Chevaliers de Conftan-
tin , il dit ces paroles : Queft Ordine di Cavalieri e il piu no-
bile , e piu antico di tutti gli altri che mai fiano ftati eretti.
Dans la Preface d'un Opufcule , que le même Guarin a
dedié au Prince André Ange Flavius Comnene , il s'ex-
plique ainfi : Parendomi anco effa dedicazione meritamente
doverfi appogiare à lei come quella , nella cui perfona rifiedono
il nome , e titolo di Grand Maftro e foprano del facro Ordine
dé Cavalieri aureati di S. Giorgio, capo e principio di tutti gli
altri Ordini Equeftri , traendo effo origine da quell'invitiffimo

e Religiofiffimo Conftantino il Magno.


Ciacconius ( c ) remarque que Conſtantin étoit le pre-

( a ) Mennenius , Opufcul. Milit . Ordin . ( c ) Alphonfus Ciacon. Opuf. de fignis


(b ) Impreßum Vicent. an. 1614. Sanita Crucis , cap. I.
Kij
j.

76 Differtations Hiftoriques & Critiques


mier qui avoit fait graver le figne de la Croix fur les Ar-
mes des Soldats. C'eft de cet ufage , ajoûte-t-il , qu'a pris
naiffance l'Ordre de Chevalerie attribué à Conftantin

qui eft le plus noble & le plus ancien de tous les Ordres
Militaires...... C'eft fur ce modele que les autres Che-
valeries ont été inftituées , dont ceux qui en font pro-
feffion , portent une Croix à l'imitation des Chevaliers
de Conftantin. Il femble même que les Souverains Pon-
tifes,qui ont publié des Croifades contre les ennemis de la
Foy , ont fuivi l'exemple de ce grand Empereur , en don-
nant aux Croifez le figne de la Croix. Ad illius namque
inftar & exemplar reliqua ferè omnia Militiarum inftituta
& inventa , cujus profeffores Crucem in pectore geftant , ficut
& Milites Conftantiniani. Imò Pontifices maximi , qui ad-
verfus fidei hoftes pios Milites armant , adhibito Crucis infi-
gni hujus Sanéti ac Religiofi Imperatoris exemplum videntur
imitati.

Charles Albert de Zepeda , ( a ) parlant de l'Ordre


Conftantinien , dit : Efta fagro- Santa Religion Militar de
Cavalleria ha Sido Tipoy modello de Quien han tomado for-
ma todas las Ordenes Militares , de bajo de cuya istitucion
Militare.

Il feroit inutile de citer les paffages des autres Auteurs


qui ont reconnu que l'Empereur Conftantin avoit fondé
un Ordre de Chevalerie , qui a fervi de modele à tous
ceux qu'on a inftituez dans les fiécles fuivans.
J'ajoûterai feulement les noms , & je marquerai les
Ouvrages de quelques-uns qui en ont parlé. Jacobus Gre-
trerus , de Crace Chrifti , Tom. I. Lib . 2. cap . 57. Andreas
Mendo , de Ordinibus Militaribus difquifit.Lib. 1. q. 7. §. 1 .
Joan. Caramuel , Theolo. Regula. Tom. II. Epift. 5. Auguf
tinus Monachus , Hift Camaldul , Lib. 4. cap. 31. Francifc.
à Coriolano , Breviar. Chronolog. ad an . 309. Laurentius
Finochiarius,Opufc. delle glorie del grand Martyre S. Giorgio .
Joan. Servantius , in Opufc . fub hoc titulo l'Idea del Cava-

( a ) Zepeda , Opufculo Origen yfonda- I cjon , &c.


fur la Chevalerie. Liv . I. Differt. V. 77
liero, Joan. Petrus Crefcentius, Libro infcripto Præfidio Ro-
mano , o vero della Milizia Ecclefiaft . & c. Lib. I. Part. 3 .
Bernardus Juftinianus Abbas , Iftorie Chronologiche , Tom.
1. Jofeph Michelius Marquez , Teforo Militar de Caval-
leri. Afcanius Tambur. de Jure Abb . Tomo II. Diſt. 24.
q. 3. Francifc. Sanfovinus , della origine de Cavalieri . Le
P. Theophile Renauld , Vallemont , Hermant , Schoo-
nebeck , & plufieurs autres.
Je ne dois pas omettre que l'Auteur du Journal des
Sçavans , du 3. Aouft 1682. fait l'Extrait d'un Ecrit , qui
porte pour titre : Ordo Equeftris Imperialis , Angelicus, Au-
ratus , Conftantinianus Sancti Georgii. Voicy comment s'ex-
сс
plique l'Auteur du Journal. « Ce petit Ouvrage eft de “
M. Hachi , Abbé de Colbatz , Coadjuteur d'Olive , Au- “
cr
mônier & Secretaire de Sa Majesté Polonoife. Ce fçavant "
<c
Abbé declare , avoir tiré ce qu'il avance de cet Ordre ,
de pieces très - curieufes & très - anciennes qu'il a trou- “
vées dans fon Abbaye. Il reconnoît que la Chevalerie "
de Conftantin eft la premiere qu'on ait établie dans “
cc
le Chriftianifme. Il rapporte les Statuts de cet Ordre qui
ont été dreffez ; l'approbation que divers Papes en ont "
donnée ; le nom des grands Princes qui ont bien voulu “
recevoir le Collier de cet Ordre : & plufieurs autres cho- "
fes concernant cette ancienne Milice. «

ARTICLE V.

On répond aux Objections qu'onfait contre l'antiquité


de l'Ordre Militaire de l'Empereur Conftantin .

Uoyque l'antiquité de cette Chevalerie ſoit atteſtée


par un très-grand nombre d'Ecrivains les Sou-
que
verains Pontifes l'ayent reconnue dans plufieurs Bulles ,
auffi-bien que plufieurs Empereurs dans les Diplomes qu'ils

ont donnez en faveur de cet Ordre ; neanmoins on eft con-


Kiij
78 Dißertations Hiftoriques & Critiques
traint d'avouer que fon antiquité eft conteſtée par quel-
ques Sçavans. Voicy ce qu'on oppofe de plus fort . Un
Écrivain ( a ) qui a donné depuis peu l'Hiftoire des Or-
dres Monaftiques , Religieux & Militaires , s'exprime en
Premiere ces termes fur ce fujet. « Il eft inutile , dit-il , de cher-
Objection . ,, cher l'origine des Ordres Militaires avant le XII . fiécle.

>> C'eſt au fujet de l'Ordre dont nous parlons , & dont l'on
" prétend que l'Empereur Conftantin le Grand a été Fon-
" dateur , que le P. Papebroch ( 6 ) dit
, que ceux - là ſe
,, trompent , ou le voulant bien font trompez , qui portez
,, par un défir de flaterie , vont chercher l'origine des Or-
" dres Militaires avant le XII . fiécle : Fallunt aut vo-
lentes falluntur adulatorio ftudio placendi abrepti quicumque
Militarium Religionum principia ante fæculum XII, requi-
runt.
Il femble que pour faire douter de l'antiquité de l'Ordre
Reponse.
Conftantinien , foûtenue du témoignage d'une foule d'E-
crivains , & des Bulles de plufieurs Papes , il ne fuffit pas
de dire froidement & fans preuve : Mais il eft inutile de
chercher l'origine des Ordres Militaires avant le XII. fiècle.
Le paffage du P. Papebroch n'eft gueres favorable au Pere
Helyot : car on avoüe fans peine, avec le fçavant Jefuite
qu'il cite , qu'on n'a point fondé de Religions Militaires
avant le temps des Croifades , mais il ne nie pas qu'il y ait
eu des Ordres Militaires avant le XII . fiécle.
La Milice de Conftantin , jufqu'au tems des Croifades ,
n'a été qu'un Ordre de Chevalerie ; mais l'Empereur Ifaac
l'Ange , l'ayant mis fous la Regle de Saint Bafile vers la
fin du XII . fiécle , il devint une Religion Militaire. Ainſi
fi le Pere Helyot n'avoit pas confondu les Religions
avec les Ordres Militaires , il auroit pû fe difpenfer de pro-
duire le paffage du P. Papebroch . Je doute fort qu'on ap-
prouve que ces paroles Militarium Religionum , fe doivent
traduire , des Ordres Militaires ; autrement on pourroit di-
re, que les Ordres du Saint Eſprit , de la Toiſon , de la Jar-

( a ) P. Helyot , Tom . II . prem. Part. ( b ) Apud Bolland. Tom . III. April.


chap . 31. pag. 155.
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt. V. 79

retiere , font Religiones Militares , ce que perfonne n'oſe-


roit avancer.

La feconde Objection , pour reculer la fondation des Seconde


Objection.
Ordres Militaires jufqu'au XII . fiecle , eft fondée fur ce
que dit Bifly dans fon Hiſtoire des Comtes de Poitou ,
qu'il y avoit un Ordre Militaire dès le IX . fiecle , fondé
par Guillaume le Pieux , Duc d'Aquitaine. Ce Duc ,
dit-on , avoit établi vingt-cinq Chevaliers dans l'Eglife
de Saint Julien de Brioude en Auvergne , pour faire la
Guerre aux Normans. Le P. Heliot prétend montrer la
faufleté de cette Chevalerie par un acte du même Duc ,
qui marque que l'an 898. il y avoit des Chanoines dans l'E-

glife de Saint Julien de Brioude , & même que ce Prince


en étoit Abbé , fuivant la coûtume de ces temps-là , que les
plus grands Seigneurs, & même les femmes mariées , joüif
foient du revenu des Abbayes , comme de leur patrimoine.
Comme je n'entreprends pas de juftifier l'époque de
Bifly , touchant la Chevalerie de Brioude , dont j'établirai
ailleurs l'antiquité , il fuffit de dire que quand la fonda-
tion de cet Ordre Militaire feroit fabuleufe,la preuve qu'en
pourroit tirer le P. Heliot feroit peu convaincante. Il ne
s'enfuit pas qu'il n'y ait point eu d'Ordres Militaires avant
le XII. fiecle , parce que celui de Brioude , dont parle
Bifly , comme le prétend le P. Heliot , eft fuppofé & chi-
merique ; car il y en a plufieurs autres , dont l'établiffe-
ment paroît certain. Un feul fuffit pour rendre inutile le
fyftême de ce Religieux.
Son raifonnement pourroit nous convaincre , s'il faifoit
voir que les Ordres de la Sainte Ampoule , de l'Etoile ,

fondé par le Roi Robert , de Nôtre- Dame du Lys , de la


Genette , dont Charles Martel eft Inftituteur , & quel-
ques autres , dont nous parlerons dans la fuite , n'ont été
fondez que depuis le XII . fiecle , ou que l'origine de tous
ces Ordres eft fabuleuſe.

Mais quand on pourroit douter de l'antiquité de tous


ces Ordres , & qu'ils font pofterieurs aux Guerres d'Ou-
tre-Mer , nous efperons faire voir dans l'Article V. de la
8 Differiations Hiftoriques & Critiques
Differtation VII. par des preuves qu'on ne fçauroit con-
tefter qu'avant la fin du XI . fiecle , il y avoit des Ordres
de Chevalerie en France , & fur tout en Angleterre : car
un celebre Auteur , dont l'Hiftoire finit avant les premie-
res Croisades , marque les Cérémonies que l'on obfervoit
quand on créoit des Chevaliers ; & dans les Additions
nous rapporterons le témoignage d'un autre Auteur con-
temporain , qui fait mention de plufieurs Chevaliers qui
portoient ce glorieux titre long- temps avant la priſe de je-
rufalem .
Troifiéme Le Pere Heliot (a) fait encore une autre objection pour

Objection. reculer jufqu'au XII . fiecle l'inftitution de l'Ordre de


Conftantin, L'Empereur Ifaac l'Ange Comnene , dit- il ,
cc
qu'on appelle le Reformateur de cette Milice , « pourroit
bien en avoir été lui-même le Fondateur , & lui avoir
,, donné le nom de Conftantin , par rapport à l'Empereur
‫ دو‬Conſtantin , dont les Comnenes prétendent être les def-
» cendans. Il pourroit auffi lui avoir donné celui d'An-
29 gelique à caufe du nom d'Ange qu'il portoit lui-même ;
>> & enfin celui de Saint George , à caufe qu'il le mit
fous la protection de ce faint Martyr. Et comme la Re-
gle de faint Bafile étoit la feule qui eut cours en Orient ,
>> il peut encore avoir foumis à cette Regle les Chevaliers
de cet Ordre.

Je ne crois pas que cette objection ébloüiffe le Lecteur ,


ni qu'elle le perfuade que l'Ordre de Conftantin recon-
noît pour Fondateur l'Empereur Ifaac l'Ange. Car fi ce
raifonnement , fondé fur trois ou quatre , il pourroit , étoit
recevable , il feroit facile de prouver tout le contraire de
ce qu'on prétend dans cette objection ; & même il n'y a
point d'Hiftoire fabuleufe qui ne peut paffer pour vrai-
femblable , ni d'évenement pour fi bien établi qu'il fût ,
qu'on ne fût obligé de regarder comme fuppofé.
Autre ob- Le P. Meneſtrier ( b ) de la Compagnie de Jefus pré-
jection.
tend , que les Croisades furent l'occafion de quatre efpe

(a) Heliot , prem. part. chap 31. | chap. 10.


(b) Meneit Traitédela Chevalerie ,
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt. V. 81

ces de Chevalerie qui s'établirent en même temps : Après


avoir rapporté quelles font ces Chevaleries & leurs emplois,
il fait cette objection. « Ce font-là les plus anciennes Che- “
valeries Regulieres , & toutes celles qu'on a voulu faire "
paffer pour anciennes font de pures vifions , & des ima- “
ginations creufes de ceux qui ont voulu donner une hau- "
te antiquité à des inftitutions modernes , ou du moins "
beaucoup plus recentes que ces quatre-là. Je mets en- “
tre ces vifions ce qu'on a écrit de la prétendue Cheva- "
lerie Angelicale des Chevaliers dorez , dont on fait Con- "
ftantin le premier auteur fous le titre de Saint George "
n
en Grece , & depuis rétablie en Italie.
Ce fçavant Jefuite ne doit pas trouver mauvais qu'on
ne fuive pas fon fentiment ; car n'étant fondé que fur un

je mets entre ces vifions , & non pas fur des preuves folides ,
on eft en droit , auffi- bien que lui , d'avancer : Ce font de
pures vifions & des imaginations creufes de dire que ç'en
foit une de mettre l'Ordre de Conſtantin au nombre des
vifions.

Cette propofition feroit fans doute plus recevable que


la fienne , car elle eſt fondée ſur un grand nombre de
monumens que nous avons citez , au lieu que la fienne

n'a d'autre fondement que ces paroles avancées fans au-


cune preuve. Je mets entre ces vifions ce qu'on a écrit de la
prétendue Chevalerie dont on fait Conftantin le premier auteur.
Qui peut douter , dit-on encore , que les Ecrivains qui
ont parlé de l'Ordre Militaire de Conftantin, n'ayent avan-
cé , pour en foûtenir l'origine & l'antiquité , plufieurs cho-

fes peu fures ; qu'ils n'ayent inferé dans cette Hiftoire des
évenemens incertains , & qu'ils n'ayent même produit des
pieces fufpectes & douteufes ; ce qui fuffit pour convain-
cre qu'on doit rejetter parmi les Hiftoires douteufes ce
qu'on raconte de cet Ordre & de fon antiquité ?
A cette Objection , qui renferme tout ce qu'on oppoſe,
de plus fort contre l'établiffement de la Chevalerie que
nous attribuons à Conſtantin , je n'ai que trois Réponſes
à faire. Voici la premiere ,
82
Differtations Hiftoriques & Critiques
Premiere
S'il n'eft pas raisonnable de contefter ce qu'il y a de
Réponse, certain , ou au moius de très-raifonnable , & fuffifamment
établi dans ce qu'on nous raconte de l'origine & des
mœurs des anciens Germains , des Gaulois & des Drui-
des , des établiſſemens des plus celebres Monarchies , des
commencemens des plus illuftres familles de l'Europe , &
même du temps , des circonftances & des Fondateurs de la

plupart des Ordres Militaires , fous prétexte que les Au-


teurs qui en ont écrit , y ont mêlé des chofes manifeſte-
ment fabuleuſes , & fans aucune apparence de verité ,
& fe font même fervis de monumens & de titres apo-

chryphes , pour donner plus de poids à leurs Romans ;


il n'eft pas jufte non plus de revoquer en doute , & de
rejetter parmi les fables la Chevalerie de Conftantin ,
parce que des Ecrivains outrez , pour rendre cette Infti-
tution plus celebre & fon Hiftoire plus éclatante , ont
échapé par ſurpriſe , par ignorance , ou par faute de dif-
cernement , plufieurs narrations qui ont peu de vraiſem-
blance .
Seconde
Nôtre feconde Réponse cft , que les contes de vieille ,
Réponse.
& les narrations fabuleufes que l'on a mêlées dans l'Hiſtoire
de cet Ordre , ne fçauroient donner aucune atteinte à la
Milice de Conſtantin , à moins que ceux qui la foûtiennent
n'ayent rien de meilleur pour la maintenir ,, que ces fon-
demens ruineux. Ce n'eft donc pas fur ces fortes de rêve-
ries que je tâcherai de m'appuyer,mais fur les Bulles des Pa-
pes , fur les Diplomes des Empereurs , & fur ce qu'il y a de
plus recevable dans les Auteurs qui ont écrit de cette Che-
valerie , & fur des conjectures qui donneront à ce fujet tou-
te la probabilité dont il eft capable. Ainfi fi les témoigna-
ges que je produirai ne font pas affez folides pour faire
recevoir l'établiffement de la Milice de Conftantin com-

me un fait hiſtorique , certain & infaillible , j'efpere que les


perfonnes qui les examineront de fang froid feront perfua-
dées que mes preuves font affez fortes pour rendre ce fy-
ftême très-rafonnable , & autant que le peut comporter

un évenement fi ancien & fi éloigné de nous.


fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. V. 83
Troifiéme
La troifiéme Réponſe qui me refte à faire , concerne ce
Reponſe .
que dit le P. Helyot , que l'on a produit plufieurs pieces fuf-
pectes & douteufes pour maintenir l'antiquité de la Che-
valerie de Conftantin. Voilà un moyen fort facile pour

décrediter un fait hiſtorique ; mais il faudroit que cet Au-


teur donna de bonnes preuves de ce qu'il avance . A-t-il vû
les Originaux de ces Monumens ? Les a-t-il examinez ? Il y
a bien de l'apparence qu'il ne les a pas lûs. Je puis affurer
le Lecteur , que j'ai entre les mains des Copies de ces pieces
collationnées par un Notaire Apoftolique fur les Originaux
qui fe confervent dans les Archives du Vatican. Sur la fin
de cet Ouvrage , j'en rapporterai quelques - unes tout au
long, & des extraits de quelques autres , dont l'authenti-
cite ne ſçauroit être ébranlée par la Critique la plus fevere.

fo da cha ofa ofa ofacada

DISSERTATION VI.

De la Chevalerie de Conftantin . De fon progrez fous plu-

fieurs Empereurs , de fon declin vers le tems de la dé-


cadence de l'Empire Grec. De fon état , avant & après.
"
la prife de Conftantinople : Comment elle paßa en Ita-

lie. Enfin defon rétablißementſur la fin du fiécle paffé.

'Ordre de Conftantin paffant pour le plus ancien , &


L le modele de tous les autres Ordres de Chevalerie

nous avons crû avec juftice devoir en parler dans une Dif-
fertation particuliere , où nous efperons détailler fes ac-
croiffemens jufques vers le XII . fiécle ; faire voir com-
ment il s'eft confervé malgré les revolutions de l'Empire
de Conftantinople , & de quelle maniere il s'eft repandu en
Italie ; & découvrir enfin le nouvel éclat qu'il a reçû fur la
fin du dernier fiécle.

Lij
84 Differtations Hiftoriques & Critiques

ARTICLE I.

De l'Ordre Militaire de Conftantin , depuis le tems de

Ja Fondation , jufques vers le milieu du V.fiécle.

E celebre Inftitut de Conftantin fut fi agreable à


C Dieu , qu'il l'a fouvent approuvé par des miracles
fenfibles & inconteftables. Cette Enfeigne Militaire , le

Vertu mi- Labarum , dont nous avons parlé dans la Differtation pré-
raculeufe
du Laba- cedente , fervit toûjours à cet Empereur comme un rem-
rum. part qui le mettoit à couvert de toutes fortes d'ennemis. ( a
Eufebe remarque , que quand les Chevaliers deſtinez à
la confervation de cet Etendart , le portoient dans les en-
droits où les ennemis avoient quelque avantage ; auffi-tôt
Dieu faifoit pancher la victoire de ce côté-là , & mettoit
les ennemis en fuite. Licinius s'en étant apperçû , avoit
donné ordre à fes gens de l'éviter autant qu'il feroit
poffible. Cet Hiftorien affure que ceux mêmes qui le por-
toient , n'étoient jamais bleſſez dans le Combat , & il ra-
conte fur cela un fait qui paroît miraculeux.
Dans une occafion fort périlleufe , dit-il , ( b ) celuy

qui tenoit cet Etendart , s'étant effrayé , & l'ayant donné


a un autre pour s'enfuir , il fut auffi-tôt percé d'un dard

(a ) Il y a plufieurs convenances ces Etendarts , n'a pas été égal. Il y


entre cet Etendart appellé Labarum, & en avoit so. pour le Labarum , & un
l'Oriflame de S. Denis , que les Fran- ou deux pour l'Oriflamme de Saint
çois eurent depuis. L'un à été le figne Denis. Si Conftantin fut le premier
Militaire des Grecs , & l'autre le figne qui fit porter le Labarum dans les Ar-
Militaire des François. L'un & lau- mées ; Louis VI. dit le Gros , fut le
tre a été fouvent fatal à leurs enne- premier des Rois de France , qui fe
mis , comme le rapporte Eufebe du fe fervit de l'Oriflamme de Saint De-
Labarum , & André Favin le raconte nis à la Guerre , l'an 1124. Favin
de l'Oriflamme de Saint Denis . L'un Theat. d'Honneur. Liv. 2. pag. 242. " Ri-
& l'autre a eu des Chevaliers d'un gardus , dans la vie de Philippe Augufte ,
merite diftingué dans les Armées Juvenal des Urfins , à l'année 1381.
pour le porter. Le nombre des Che- (b ) Eufebius , de vita Conft. Lib. x.
valiers deftinez à la confervation de cap. 29.
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. VI. 85

qui le tua. Pour l'autre il ne reçût pas un feul coup, quoi-


que plufieurs donaffent dans le bois qui portoit la Croix
& s'y attachaffent ; c'eft ce qu'Eufebe affure avoir appris
de Conftantin même.

Conftantin ne fe contenta pas de faire reprefenter dans Conftan-


le Labarum le Monogramme , ou le Chiffre du Nom de tin fit gra.
JESUS-CHRIST ; mais il le fit auffi graver fur fes Armes. Ver
nogrleamme
Mo-
Baronius (a ) & plufieurs autres , nous ont donné des dans fon
Médailles de Conftantin , ou le X. & le P. entrelaffez,font Cafque.
gravez dans fon Cafque.
Quelques Empereurs ont imité en cela l'Empereur Conf- Empe-
tantin. On trouve une Médaille de l'Empereur Juftin, qui reurs qui
ont porté
reprefente ce Prince avec le Monogramme gravé fur fon le Mono-
eftomac. Il y en a auffi une de Leontius , qui de General gramme.

des Troupes , fe fit nommer Empereur en 695. L'on voit ce


Prince dans cette Médaille , qui porte le Monogramme dans
fon Bouclier. Majorien, qui fut couronné en 457. eſt peut-
être le feul des Empereurs d'Occident , qui ait porté le
Monogramme dans fon Bouclier & dans fes Armes . C'eſt
ainfi qu'il eft reprefenté dans une Médaille que M. Du

Cange nous a donnée dans fon Traité des Familles Byfan-


tines.

Eufebe remarque qu'il n'y avoit dans l'Armée que Conf


tantin qui portât fur foi le Monogramme. Cependant Mo
defte & Vegetius ( 6 ) difent expreffement , que les Cen-
turions avoient auffi le privilege de porter cette auguſte
marque dans leur Cafque : & même Lactance , de Morte
Perfecutorum , remarque que Conftantin fut averti dans
une vifion , de faire graver le Nom de JESUS - CHRIST
fur les Boucliers de tous fes Soldats , avant que de livrer la
Bataille à Maxence . Il y a bien de l'apparence que les 50 .
genereux Chevaliers deſtinez à la deffenſe du Saint Nom
de JESUS - CHRIST , portoient fur leurs Armes , ou ail-
leurs , cette marque d'honneur , qui leur convenoit préfera-
blement à tous les Officiers de l'Armée.

(a ) Baronius ad an . 312. num . 31.


31 . ( b ) Apud Baron. ad an , 312, nwn . 31 .
Du Cange , Familie Byfantine.
Liij
8.6
Dißertations Hiftoriques & Critiques.
Il y en a qui prétendent que ce privilege étoit commun
à tous les Soldats , & ils croyent que le Poëte Prudence ( a )
l'a voulu marquer , quand il dit :

Chriftus purpureum gemmis textus in auro , C


Signabat Labarum , Clypeorum infignia Chriftus ,

Scripferat , ardebat fummis Crux addita Criftis ,

Ces paroles peuvent bien fignifier que les Soldats por-


toient la Croix gravée fur leurs Armes , mais elles n'indi-
quent pas que ce fut le Monogramme.
Baronius ( b) affure que quelque diligence qu'il ait
faite , pour confulter tous les Monumens qui restent à Ro-
me , aufquels on peut ajoûter foi , il n'en a pu trouver au-
cun , où le Monogramme fût empreint fur les Armes des
Soldats. Mais Jufte Lipfe ( c ) rapporte que de fon temps
l'on voyoit à Conftantinople plufieurs Colomnes érigées par
Conſtantin même , comme il étoit facile de s'en apperce-
voir ; & que dans les bafes de ces Colomnes , il y avoit des
Boucliers avec le Monogramme entre un Alpha & un Ome-
Ω.
ga. A. n.
Empe- Cette celebre Inftitution perdit bien-tôt l'éclat que lui
reurs qui avoit donné Conftantin , & qu'elle avoit confervé fous
conferve-
rent le Mo. l'Empire de fes enfans qui regnerent après lui. On trouve
nogramme même que Vetranion qui fe declara Empereur en Panno-
nie , & Magnence qui fut proclamé Empereur par les Sol-
dats , auffi-bien que Decentius & Defiderius , tous deux
freres de Magnence , qui fe faifirent de l'Eſpagne , des
Gaules , & de diverfes parties de l'Empire , avant que Ju-
lien fût Empereur ; on trouve , dis-je , que ces ufurpateurs
conferverent le Labarum avec le Monogramme.

Julien le Julien , furnommé l'Apoftat , ennemi de Jeſus- Chrift ,


fupprime. fit ôter du Labarum , fon Saint Nom , & remettre cet Eten-
dart comme il étoit anciennement.

(a ) Prudent. adverf. Symmachum > ( c) Lipfe, de Cruce , Lib . 3 cap. 15.


Lib. I. & 16.
(b ) Baron . ad an. 312 , num. 31. I
Jur la Chevalerie. Liv . I. Differt . VI . 87

Parmi les Médailles de Julien ( a ) il y en a deux , dans


l'une defquelles on voit une Banniere avec ces lettres S. P.
Q. R. & cette Infcription , Gloria Romanorum. Dans l'au-
tre Médaille il y a trois Labarum. Dans celuy qui eſt à
main droite , on voit l'Image de cet Empereur affez mal re-
prefentée. Celuy qui eft à la gauche,porte la figure d'un fer-
pent ; & au haut du troifiéme , il paroît un Aigle , qui étoit
la principale marque Militaire des Romains. Il y a bien de

l'apparence que ce méchant Empereur , ayant fupprimé


le Monogramme & la Croix , qui faifoient le plus bel orne-
ment du Labarum , abolit en même tems l'illuftre Compa-
gnie des cinquante Chevaliers,que Conſtantin avoit éta-
blie pour veiller à la conſervation de ce celebre Etendart.

Cette Inftitution étoit trop agreable à Dieu , pour qu'il Le Mono-


permît qu'elle reftât long- tems éteinte ou obfcurcie. Jovien gramme
eft rétabli
qui fucceda immédiatement à Julien , fit remettre dans le parJovien
Labarum le Sacré Nom de Jefus- Chrift , & le figne de la
Croix , (b ) & rétablit fans doute la Compagnie des cin-
quante Gardes deftinez à la défenſe de cet Etendart. Va-
lentin I. Valens , Gratien , Valentin II. & les autres Em-
pereurs qui leur fuccederent juſques vers l'an 434. con-
ferverent religieufement ce que Conftantin avoit établi , &
que Jovien avoit renouvelle touchant le Labarum , & les
Chevaliers prepofez à ſa conſervation. On voit dans les Mé-
dailles de tous ces Empereurs le Monogramme gravé fur
l'Etendart du Labarum, & la Croix qui brille au-deffus. ( c )

(a ) Apud. Baron . ad an. 362. conferve à Rome dans la Bibliotheque


(b ) Dans la premiere Edition des Farnefe , où l'on voit trois Médail-
Annales de Baronius , la reftitution les de l'Empereur Jovien , avec la
de la Croix & du Monogramme dans Croix au haut du Labarum , & le
les Etendarts des Romains , eft attri- Monogramme dans la Banniere. Ba-
buée à Valentin & à Valens ; mais ron ad. an. 363. M. Du Cange n'a pas
dans la feconde Edition de 1600. il oublié ces Médailles dans fon Traité
donne cet honneur à Jovien , fur le des Familles Byfantines.
témoignage d'un Manufcrit qui fe (c ) Du Cange , Famil. Byfantin.
88
Disertations Hifloriques & Critiques

ARTICLE II.

L'Ordre de Conflantinfe perfectionna , & fut trés-celebre


dès le milieu du V. fiècle , jufques vers le tems de la
décadence de l'Empire .

Cet Or- Frs le milieu du V. fiécle , la Chevalerie de Conf-


dre reçoit
un nou . V tantin commença à fe développer , & reçût de nou-
veau luftre. veaux accroiffemens. Theodofe II ayant fuccedé à l'Em-
pire après la mort de fon pere Arcadius , donna un plus grand
éclat à ce fameux Inftitut , qu'il n'avoit eu fous les Empe-
reurs fes Prédéceffeurs. Ce Prince accorda ( a ) l'an 434 de

grands Privileges à ceux qui étoient deſtinez à la garde


du Labarum. Il'ordonna qu'ils fuffent choifis , non pas fim-
plement entre les Gardes des Empereurs , mais entre les
principaux Officiers de fa Cour , ce qu'aucun Empereur
n'avoit obfervé avant lui. L'unique emploi de ces Gardes
pendant la Guerre , étoit de veiller à la confervation de ce
celebre Etendart ; mais cet Empereur voulut encore qu'ils
fuffent auprès de luy , comme fes plus familiers Courtifans.
Dès - lors ils commencerent de faire un Corps plus nom-
breux , dont les membres ne furent pas fixez à 5o. comme
du tems de Conſtantin. Dès-lors cette augufte Compagnie
de Chevaliers devint très- celebre , foit que l'on confidere
la Nobleffe de leur naiffance , le rang qu'ils tenoient au-
près du Prince , qui étoit égal à celuy des dix premiers Do-
meftiques ( b ) de l'Empereur , & l'employ auquel ils étoient
deſtinez. Ce Prince ajoûta à tout cela des marques d'hon-
neur , qui diſtinguoient les Chevaliers des autres Gardes

(a ) Code Theodof. cem fequentes Senatoriam vindicent di-


(b) Domeftici atque protectores cum gnitatem , feque cum allectione clariffi-
primum ad decem primatus gradum or- mos noftro judicio gratulentur. Cod .
dine Militia temporis prolixitate perve- Theod. Lib . 6. tit. 24.
nerint, ftatimfibi præter primicerium de-
des
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. VI . 89
des Officiers de l'Armée , & des plus illuftres perfonnes de
l'Empire , & il leur accorda de grands Privileges. ( a )
Toutes ces chofes étant établies par une Loi de l'Em-
pereur , peuvent être regardées comme les Statuts d'un Or-
dre de Chevalerie Militaire & Chrêtienne. Voicy les ter-
mes de cette Loi. Ceux , dit l'Empereur Theodofe , ( b) que
Loi en
nous avons jugeż dignes d'être prepoſez pour porter & dé-
faveur de
fendre le Labarum , & que nous avons choifis entre les Do-
ces Cheva-
meftiques des Ecoles , doivent être très-illuftres , comme liers.
le font les dix premiers Domeſtiques de nôtre Maiſon ;
& on les doit prendre parmi ceux qui ont été Confuls.
Car ceux que nôtre fuite rend illuftres & diftinguez >
meritent le nom de Senateurs.
Parmi les Grecs , Domestique , étoit une Charge , ou Ec-

clefiaftique , ou Militaire , ou Civile. Le grand Domeſti-


Δομέςικος , étoit celui qui commandoit les
Μέγας Doutsixos
que , Miyas
Armées fous l'Empereur , & qui avoit foin de faire exe-
cuter fes Ordres. ( c ) Ut magnus Domefticus caput eft in
exercitu , ita magnus Dux præcipuus eft in mari Ce n'eſt pas
de ces Domeſtiques , dont il s'agit dans le paffage de l'Em-
pereur Theodofe. Il y avoit onze Ecoles , ( d ) c'eſt-à-dire ,
onze fortes d'Ordres d'Officiers du Palais , dont l'employ
étoit de recevoir les Ordres de l'Empereur. L'un de ces Or-
dres , felon Codin , ( e ) étoit celui des Chevaliers. Dans un
Manufcrit de la Bibliotheque Mazarine , il y a un Catalo-

gue des Charges du Palais de Conftantinople , dont l'Au-


teur eft un certain Moine nommé Mathieu , que le Pere
Goar a ajoûté à celui de Codin. Cet Ecrivain met au nom-
bre des Offices du Palais de Conftantinople , les Chevaliers
qui accompagnoient l'Empereur , & qui faifoient pour

(a ) Nouvel. Theodof. tit. 14. de amot. | rio nomine & immunitate dignifunt, quos
mil. nostri lateris Comitatus illuftrat. Cod.
(b) Qui ex devotiffimis Domefticorum Theodof. Lib. 6. Tit. 25.
Scholis prapofiti Laborum noftro judicio, (c) Codinus, de Offic. Conftantinopol.
& fpendiorum Sudoribus promoventur , cap. S.
ad fimilitudinem decemprimorum Domef- (d ) L. ult. Cod. de loc. conducto.
ticorum, clariffimi fint inter electos , ita ut (c ) Codinus, ibidem, cap. z.
ex Confularibus babeantur. Nam Senato-
M
90 Dißertations Hiftoriques & Critiques
ainfi dire, fa gloire. (a ) Decimo - octavo locum habent ftipato-
res Equites , Sebaftorum decus. Casos en Grec , fignifie en
Latin Auguftus. C'étoit donc l'office des Chevaliers , d'ac-
compagner l'Empereur , & d'être à fes côtez par tout où il
alloit : ce qui étoit un grand honneur dans la Cour de Conf-
tantinople.
Cyrus af Il y a bien de l'apparence que Cyrus ( b ) afpiroit à cette
piroit à cet-
te Cheva- augufte Milice , quand il eft dit de lui , qu'il cherchoit les
lerie. premieres dignitez dans l'une & dans l'autre Chevalerie ,
des Armes & de la Cour : In utraque Militia , Caftrenfifci-
licet & Palatina Summos Magiftratus quærens. ( c ) Il n'y
avoit point en ces tems-là d'autre Chevalerie que celle
dont nous parlons , dont l'employ étoit de porter & de dé-
fendre le Labarum à la Guerre ; & d'être dans le Palais

auprès de la perfonne de l'Empereur.


Ce ne font pas feulement Codin & le Moine Mathieu ,
qui donnent la qualité de Chevaliers à ceux qui étoient pre-
pofez à la garde du Labarum , & que l'Empereur Theo-
dofe avoit choifis pour être auprès de la perfonne du Prince;
mais auffi un Auteur ( d ) dù V. fiécle , les qualifie du
nom de Chevaliers : Conftantinus igitur miraculi quod vide-
rat fignum in vexilli figuram cum tranftuliffet,auroque & la-
pidibus pretiofis contexuiffet , ac in longiffima hafta fpeciem
efformaffet , primis Equitibus id ferendum dedit. Il les apelle
les premiers Chevaliers , à cauſe de leur Nobleffe , du rang
qu'ils tenoient à la Cour & auprès du Prince , & des grands
Privileges que les Empereurs leur avoient accordez.
Vers l'an 530. Juſtinien ( e) confirma de nouveau ce que
( a ) Goar in notis ad Cod. Ifes biens , il fe retira du fiècle , pour
(b) Ce Cyrus fut celebre vers le ne penfer qu'à fon falut. On dit qu'il
milieu du V. fiécle. Son efprit & fa fut Evêque de Smyrne , ou de Co-
facilité merveilleufe à faire des vers, tiée , felon d'autres , & qu'il mourut
le mirent en eftime auprés de l'Empe- faintement. Evagrius , Lib. I. cap. 19.
reur Theodofe , & de l'Imperatrice Nicephor. Lib . 14. cap. 48. Baron. ubi
Eudoxe. Il fut Préfet & Conful de fupra , Surius, ad diem 11 Decembr.
la Ville de Conftantinople , qu'il (c ) Baron . Tom. VI . ad an.441 .
repara aprés avoir été ruinée par le (d ) Gelafius Cyficenus , Lib. 1. de Act.
grand tremblement de terre , qui prima Snod . Nicen.
arriva l'an 448 Theodofe lui ayant (e ) Codice fuftiniano , Lib. 1. L. de
ôté la Préfecture , & confifqué tous Præpofit. Labor.
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt . VI . 91

Theodofe avoit ordonné en faveur des Chevaliers qui Loi deJuf-


avoient foin du Labarum ; & on ne doit point douter que la tinien qui
confirme
Chevalerie de Conſtantin , appuyée par les Loix de ces deux celle de
Empereurs , n'ait été celebre en Orient, pendant que ces Theodofe.
mêmes Loix fubfifterent dans leur vigueur , & que ce fa-
meux Etendart fut honoré dans l'Empire Grec , ou au
moins jufqu'à la décadence du même Empire. Socrate
femble dire , que de fon temps , c'eft- à - dire , vers l'an 530.
on gardoit cet Etendart dans le Palais de Conftantinople :
& Theophane affure qu'il fe voyoit encore au IX.
fiécle.

Il eft certain que le Labarum a été en veneration dans Le Laba-


rum s'elt
l'Empire d'Orient jufqu'au XII . fiécle , s'il en faut juger
par les Médailles de la plupart des Empereurs qui ont fuc- jufqu'
confervé
au
cedé à Conftantin , où le Labarum & le Monogramme XII . fiécle.
font reprefentez . M. Du Cange ( a ) nous a donné les Mé-
dailles des vingt - huit premieres Familles Byfantines qui
ont gouverné l'Empire d'Orient,, depuis le tems de Conf-
tantin , jufqu'à Jean Comnene , quifut Empereur vers le
XII. fiécle. Or dans quelques- unes des Médailles de tou-
tes ces Familles , fi on en excepte trois ou quatre , on trou-
vele Labarum , ou le Monogramme , & prefque toûjours
l'un & l'autre reprefentez dans ces Médailles.
On trouve même que ce refpect pour ce celebre Eten- II fubfif .
dart a ſubſiſté juſqu'au XIII. & au XIV. On voit le ftoit enco
Monogramme gravé dans l'exergue d'une Médaille de re au XII.-
& XIV.fié
Theodore Lafcaris , qui fut Empereur d'Andrinople en cle.
1204. Henri Meibonius fait mention d'un Diplome d'An-
dronic le jeune , qui fut élevé à l'Empire d'Orient , l'an
1327. Dans ce Diplome qui fut donné à Didymotique , le
6. Janvier de l'an 1330. en faveur du Duc de Brunfwic ,
on voit dans un côté du Sceau qui eft d'or , l'Image de
Jeſus-Chrift avec ces letttres IC. XC. & dans l'autre
côté, cet Empereur eft reprefenté debout tenant le Labarum,
avec ces mots : ΑΝΔΡΟΝΙΚΟΣ ΔΕΚΠΟΙΙΣ Ο ΠΑΛΕΟΛΟΓΟΣ .

( a) Du Cange , Famil. Byfant.


Mij
92 Dißertations Hiftoriques Critiques
Ces Médailles nous peuvent perfuader,que les Entpereurs
Grees en ces tems , portoient & le Labarum , & le Mono-
gramme, quand ils alloient à la Guerre; & que l'Ordre ou la
Societé des Chevaliers deftinez à le conferver & à le défen-

dre,fubfiftoit encore. Il eſt vrai que les troubles arrivez dans


l'Empire d'Orient , les Guerres Civiles & Etrangeres qui
le ruinerent prefqu'entierement dans ces fiécles infortunez,
firent négliger l'Ordre des Chevaliers de Conftantin , qui
refta,, pour ainsi dire , dans l'obfcurité. Mais ce celebre &

ancien Inftitut reprit un nouvel éclat avant la priſe de Conf-


tantinople par les François , l'an 1204. Semblable à ces
rivieres qui fe dérobent fous terre , & qui reparoiffent {
bien-tôt dans des Païs éloignez , où elles coulent avec plus
·
d'abondance : comme nous le verrons dans les Articles
fuivans.

ARTICLE III.

L'Empereur Ifaac l'Ange donne un nouveau luftre


à l'Ordre de Conftantin.

Ers la fin du XII . fiécle , les Religions Militaires


V s'étant déja multipliées , la réputation des Chevaliers

du Temple , de Saint Jean de Jerufalem , & des autres Or-


dres , fe repandit bien-tôt par toute l'Europe. Les grandes.
actions qu'ils faifoient tous les jours , les avantages qu'ils
remportoient fur les Infidelles , & les fervices confiderables

qu'ils rendoient à l'Eglife , exciterent le zele d'Ifaac


l'Ange , Empereur des Grecs , & lui firent naître la pen-
fée de relever la gloire de l'Empire de Conftantinople par
l'établiffement de quelque Ordre Militaire.
Ifaac l'An- Pour ne ceder l'avantage aux Princes Latins d'avoir les

l'Or- premiers fondé des Religions Militaires , il crût qu'il étoit


ge renou-
velle
dre de plus glorieux à l'Empire d'Orient de renouveller l'Ordre
Conftan de Saint George , ou de Conſtantin , qui avoit beaucoup
an..
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. V. 93
perdu de fa premiere fplendeur , que d'en ériger un nou-
veau. Qui tamen ne velin hoc primas cedere viderentur Lati-
nis , maluerint Georgianæ ejufdemque Conftantiniana Mili-
tiæ , non tam Inftitutores quam Reftauratores videri. ( a )
Ce Prince fit dans cette occafion , comme ceux qui veu-
lent rebâtir un Palais prefque ruiné par la longueur des
tems , & dont il ne refte que quelques vieilles mafures.
On jette d'abord par terre , ce qui eft encore fur pié ; on
fait de nouvelles murailles , on y ajoûte des ornemens ; on
difpofe toutes chofes fuivant le gout du tems ; enfin on l'em-
bellit , & on lui donne une nouvelle perfection , en forte
qu'il paroît un autre Palais. Cependant on peut dire en un

fens , qu'il eft toûjours le même ; qu'il eft ancien & nou-
veau. Si la magnificence , la beauté, & les agrémens qu'on
y voit maintenant , le font appeller un nouveau bâtiment ;
les fondemens fur lefquels on l'a réédifié , les vieux maté-
riaux dont on a fait uſage , fa premiere fituation & le mê-
me nom qu'il conferve , le peuvent faire paffer pour l'an-
cien édifice.
Pour honorer la mémoire de Conftantin le Grand , & Ce que
l'on con-
conferver les précieux débris de l'ancienne Chevalerie qu'il ſerva de
avoit établie , l'Empereur Ifaac conferva à cet Ordre le cet ancien
titre de Milice Conftantinienne , & la protection de Saint Ordre.
George Martyr , fous laquelle , comme l'ont crû plufieurs ,
il étoit depuis long-tems. Il confirma les privileges dont cette
Chevalerie joüiffoit par la liberalité des Empereurs fes
Prédeceffeurs ; & pour faire connoiftre qu'il renouvelloit
une Milice ancienne , plûtôt qu'il n'en érigeoit une nou-
velle , il lui laiffa fon ancienne dévife ; c'est-à-dire , le
Monogramme que Conſtantin lui avoit donné en l'infti-
tuant , & qui eft la marque la plus effentielle des Ordres

de Chevalerie. Voilà les précieux reftes de l'Ordre Conf-


tantinien , qu'Ifaac l'Ange conferva de cette ancienne &
celebre Milice.Si les chofes que fit cet Empereur,la rendent
plus éclatante ; les venerables rides qui lui reftent , la font

(a ) Papebrok. Tom. III. Aprilis, ad diem 23. cap. 10.


Miij
94 Differtations Hiftoriques & Critiques
paroiftre plus augufte par fon antiquité , qui lui a merité
le glorieux titre de modele de toutes les Chevaleries Ho-
noraires , Chrétiennes & Civiles.

Ce qu'I- Qu'ajouta donc l'Empereur Ifaac à la Chevalerie de


faacyajoû- Conftantin : Pour fe conformer à l'ufage de ces tems-là ,
ta.
où l'on n'érigeoit point d'ordre Militaire, qui ne fut regu-
lier ; d'un Ordre de Chevalerie Honoraire , il en fit une

Religion Militaire , & la mit fous la Regle de Saint Ba-


file. Il dreffa des Statuts & des Reglemens renfermez dans
foixante-fix Articles. ( a ) 11 regla ce qui concernoit les
Chapitres , les habits & la conduite des Chevaliers. Il

donna de grands Privileges à cette nouvelle Milice ; & pour


rehauffer l'éclat de cette Chevalerie , il en declara Chef ,
Souverain & Grand-Maître , Alexis fon fils , qui fut Em-
pereur après luy , & ordonna que cette Maîtriſe feroit at-
tachée aux ainez de fa Maiſon , fans qu'elle pût en être
jamais feparée ; & fans pourtant déroger au droit des Em-
pereurs qui lui fuccederoient , de créer eux-mêmes des
Chevaliers quand ils le voudroient , comme il eft arrivé
dans quelques occafions.
Extrait
Ce Prince diftribua cet Ordre en trois claffes ; fçavoir les
des Statuts
de cet Or- Grands- Croix , qui ne pouvoient paffer le nombre de 50.
dre. les Chevaliers de Juftice , & les Freres Servants. Il vou-
lut que les Chevaliers fuffent Nobles de quatre Races
qu'ils s'obligeaffent par leurs vœux d'être fidelles à leurs
Princes , & au Grand-Maître ; de défendre les veuves &
les orphelins ; de fuivre l'Etendart de la Milice Conftanti-
nienne de Saint George , de garder les Statuts de l'Ordre ,
d'affifter aux Confeils & aux Chapitres ; de porter toûjours
la Croix de l'Ordre , de garder la chafteté conjugale , d'e-
xercer la charité , de ne refufer jamais l'aumône aux pau-
vres , de défendre l'Eglife , de ne fe jamais plaindre dans les

(a ) Les Statuts de cet Ordre ont que les Statuts imprimez dans ces
été imprimez à Plaifance en 1575. à deux dernieres Villes , n'écoient au-
Padoue en 1577. à Milan en 1583. à tres que ceux qui avoient été or-
Madrit en 1588. à Bologne en 1621. donnez par l'Empereur Ifaac l'Ange
àVenife en 1626. à Rome & à Trente Comnene. Hiftoire des Ordres Monaft.
en 1624. Le Pere Helyot remarque Tom. I. chap. 3.
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt . VI . 25
travaux , de ne ſe point vanter d'avoir fait de grandes ac-
tions , de ne point jouer aux jeux de hazard , de fuir le
duel. Il declara que les Heretiques , ceux qui auroient trahj
l'Eglife Romaine , ceux qui feroient convaincus de felonie ,
ou qui auroient abandonné le Camp , fuffent exclus pour
toûjours de fon Ordre. Voilà quelques -uns des Reglemens
qui furent dreffez par l'Empereur Ifaac l'Ange , l'an 1191 .
& dont l'Original fe conferve dans les Archives de la Cham-
bre Apoftolique. Ha Littera , dit Coriolan , après avoir
rapporté tout au long ce Diplome , defumptæ funt ex Ar-
chivis Romana Curia , & ex Regifiris Vloe fcriptoris. Plu-
fieurs Auteurs font mention de cette piece . Les Papes Paul
III. Jules III. l'ont reconnue pour authentique , dans les
Bulles qu'ils ont données en faveur de cet Ordre. Trois
Auditeurs de Rote dans une décifion , dont nous parle

rons dans la fuite; l'Empereur Leopold I. & plufieurs autres


ont parlé de ce Diplome d'Ifaac l'Ange, &l'ont approuvé.
Il fe prefente ici une difficulté qu'il ne faut pas diffimu- Ifaac l'An
ler. Le Pere Helyot , (a ) qui ne reconnoît point d'Ordres ge eft Inf-
tituteur de
Militaires avant la Guerre Sainte , parlant de la Milice cet Ordre ,
dont il s'agit ici , foûtient que l'Empereur Ifaac , que l'Abbé fuivant le
P. Helyot.
Juftiniani appelle le Reformateur de cet Ordre , pourroit
bien en avoir été luy- même l'Inftituteur.Voilà , ajoûte-t- il,
ce mefemble , toute l'antiquité la plus raifonnable que l'on puiſſe
accorder à cet Ordre de Conftantin. Il paroift fuivant les pa-
roles de ce fçavant Religieux , qu'en privant Conftantin
le Grand de la gloire de cette Inftitution , il l'a fait retom-
ber fur l'Empereur Ifaac l'Ange ; mais les preuves fuivan-
tes ne nous permettent pas de fuivre ce ſentiment.
1º. Tous les Ecrivains , que nous avons citez ailleurs , &
qui reconnoiffent Conſtantin comme Fondateur de cet Or-
dre , avouënt en termes formels , ou font obligez d'avouer
par une fuite neceffaire de leur fyftême , qu'Iſaac l'Ange
n'en eft que le Réparateur. 20.C'eft ce que cetEmpereur de-
clare lui-même dans fon Diplome , que Conftantin avoit

( a ) Helyot, Hifi. des Ord. Monaft. | Tom. I. chap. 31.


96 Differtations Hiftoriques & Critiques
créé cet Ordre de Chevalerie : Equitibus ipfis à Conftantino
Cæfare inftitutis. L'Empereur Michel Paleologue fe fert
de la même expreffion dans un Diplome : Conftantinus hu-
jus Ordinis primus Inftitutor. 3. Les Souverains Pontifes qui
ont confirmé les privileges de cette Milice , ne donnent à
Ifaac l'Ange d'autre titre , que celui de Reformateur , &
en font remonter la fource à l'Empereur Conſtantin. Ju-
lien III . l'appelle : Primus hujus Militia Inftitutor, 4º. La
premiere des trois difficultez que les trois Auditeurs de
Rote examinerent par ordre d'Urbain VIII . l'an 1629.
concernoit l'origine de la Chevalerie de Conftantin ; mais
ayant murement examiné les chofes , ils concluerent que

l'origine de cetteChevalerie venoit de l'Empereur Conftan-


tin. Origo hujus Militia deducitur à Conftantino Magno Im-
peratore. On voit dans cette Confultation , ou Votum, comme
on l'appelle à Rome , les preuves qu'on apporte pour ap-
puyer ce fentiment : les unes font tirées d'Auteurs cele-
bres , & les autres des Bulles des Souverains Pontifes.
Enfin Ferdinand II . declare en termes formels, qu'Ifaac
l'Ange a perfectionné & donné un nouveau luftre à la Che-
valerie que Conſtantin avoit érigée. Voicy comment s'ex-
plique cet Empereur dans le Diplome qu'il donna en faveur
de cette Chevalerie l'an 1630. A Conftantino Magno inftitu-

tus , ac poftmodum ab Ifaaco Angelo Comneno , aliifque dein-


ceps Imperatoribus , nec - non à Romanis Pontificibus auctus &
amplificatus. L'Empereur Leopold fe fert des mêmes paroles
dans l'Edit qu'il publia à Vienne le 5. Aouft de l'an 1699.
lcrfqu'il confirma & approuva la ceffion ou la réfigna-
tion de la Charge de Grand-Maître de cet Ordre , faite par
l'illuftre Jean-André l'Ange Comnene , en faveur du Se-
reniffime Duc de Parme.

ARTICLE
furlaChevalerie. Liv. I. Differt. VI . 97

ARTICLE IV.

L'Ordre de Conftantin fut très-celebre depuisfon rétabliſ-


tabliſſement par Ifaac l'Ange , juqu'à la ruine de

Conftantinople.

S. I.

Ville -Hardouin fait mention de plufieurs Chevaliers


de cet Ordre.

Our peu qu'on jette les yeux fur quelques endroits


Po des Hiftoires de Ville-Hardouin , & de plufieurs Au-
teurs Grecs , on fera convaincu de la grandeur de cette au-
gufte Milice. On verra les noms d'une foule de perfonnes
Illuftres , qui y ont été aggregez. Plufieurs Créations de
Chevaliers , & les riches Commanderies que cet Ordre
a poffedées en plufieurs endroits , mais fur tout dans l'Ifle
de Candie. Dévelopons un peu plus toutes ces chofes en
fuivant l'ordre des tems.

L'Empereur Ifaac l'Ange ayant été détrôné par fon fre- Conven-
des
re Alexis l'Ange , Alexis fils d'Ifaac eût recours aux Fran- Croiſe
tion z a-
çois qui alloient à la conquête de la Terre Sainte. Entre vec Alexis
les conditions que fes Ambaffadeurs propoferent aux Croi- l'Ange.
fez , en cas qu'ils retabliffent ce Prince dans fes Etats ; il y
a celle-cy : « Lui- même vous accompagnera en perfonne , се
& ira avec vous dans l'Egypte ; ou fi vous croyez qu'il a
vous foit plus utile , il y envoyera dix mille hommes à fa се
«
folde,qu'il entretiendra l'efpace d'un an ; & tant qu'il vi- CC
vra , il y aura cinq cens Chevaliers pour la garde de la CG
terre d'outre- mer, qu'il entretiendra pareillement à fes dé. «
pens. « ( a)

( a ) Ville-Hardouin , de la Conquête de Conftantin Art. 46.


N
98 Differtations Hiftoriques & Critiques
Le même Ecrivain ( a ) remarque que les François s'ap-

prochant de Conftantinople , pour y affieger l'ufurpateur


Alexis , ils découvrirent de loin plufieurs tentes & pavil-
lons à trois lieuës du Camp. C'eftoit , dit Ville-Hardoüin ,
le Grand Duc , ou Chef des Armées de mer de l'Empe-
reur de Conftantinople , qui avoit cinq cent Chevaliers
Grecs ; ou comme il s'exprime luy-même : Et ce étoit li
Mageduc ( b ) l'Empereur de Conftantinople , qui bien avoit
cinq cens Chevaliers de Gricu.
Les Croi-
Après la prife de Conftantinople , les Croiſez envoyerent
fez deman- des Ambaffadeurs à l'Empereur Ifaac , pour le fommer
dent l'exe-
cution du d'accomplir les Traitez qu'ils avoient faits avec fon fils
Traité.
Alexis. Ifaac ayant demandé à ces Députez quels étoient
les Articles, Geofroy de Ville- Hardouin qui rapporte cette
Hiftoire , expofa à l'Empereur les Articles du Traité, dont
le dernier eft conçu en ces termes : « D'entretenir cinq

,, cent Chevaliers à fes dépens en la terre d'outre-mer ,


,, tant qu'il vivra. ( c )
Dans l'Article 119. il fait la deſcription de la Bataille
Murtzuple
perdit 20. que les François donnerent à l'Empereur Murtzuple. Après
Chevaliers avoir rapporté la défaite de ce Prince , la priſe de fon Cha-
dans un
Combat. riot d'Armes , de l'Etendart Imperial , & de la Banniere
où Image de la Sainte Vierge qu'il faifoit porter devant
lui , & en laquelle il avoit grande confiance , il ajoûte que
cet Empereur perdit jufqu'à vingt des meilleurs Chevaliers
qu'il eût : Et pardi bien trofqu'à vingt Chevalier de la
meillor gent qu'il avoit . ( d )
On fonde Quoique Ifaac l'Ange , en renouvellant l'Ordre de
des Com- Conitantin , eût fondé plufieurs Commanderies , qui font
manderies.

( a ) Ibidem , Art. 71. tendoit fur les Armées Navales. En


(b ) Michel Striphnus , qui avoit cette qualité il avoit fous lui le Ma-
épousé la foeur de l'Imperatrice , ainfi gnus Drungarius Claffis , l'Admiral Pro-
qu'écrit Nicetas. Nicet . in Alexio , Lib. tocomite , les Drungaires & les Co-
3. cap. 9. avoit alors cette Dignité de mites. Codinus de Officiis , cap. 5. Guil-
Grand Duc , ou Meus A , que laume de Tyra pareillement exprimé
Ville · Hardouin exprime par ce cette Dignité par un feul mot , Mage
mot , Mage Dux ; Dignité qui étoit en Ducas.
ce tems - là l'une des principales d'O- (c ) Ibid. Art. 97.
rient , & dont le Commandement s'é- ( d) ibid. Art. 119.
furla Chevalerie. Liv. I. Diflert . VI. 99
énoncées dans fon Diplome de l'an 1191. on en fonda en- 1247.
core un grand nombre cette année dans l'Ifle de Candie :
car on ne peut entendre, que de veritables Commanderies ,
ce que rapporte M. Du Cange ( a ) de quelques Nobles
Grecs qui poffedoient dans cette Ifle de grandes Sei-
gneuries fous l'hommage des Venitiens. Ces Seigneurs
s'étant revoltez , après plufieurs années de Guerre , il fe
fit un Traité de Paix , par lequel la Republique de Veniſe
leur accorda certaines Chevaleries , ou Fiefs dans l'éten-
duë de l'Ifle.

Ces Chevaleries , qui furent accordées à ces illuftres


Grecs , n'étoient autre chofe que des terres données &
laiffées à titre de Fiefs , que les poffeffeurs étoient obligez
de deffervir avec certain nombre de Chevaliers ; lorf-

qu'ils alloient en Guerre avec le Seigneur dominant , &


qu'ils ne pouvoient tenir qu'ils n'euffent effectivement
l'Ordre de Chevalerie. Prædia quædam in infula effe conf
tat, quæ Equeftris Militie nomine emeritis traduntur Infulani
Caballarias vocant. (b) D'où ces Fiefs font appellez, Fiefs de
Chevaliers , par Oderic Vital , ( c ) & plus generalement
dans les vieux titres , Chevaleries , Militia ; & comme on

parle aujourd'hui , Commanderie , ou Benefice , dont jouir


un Chevalier de quelque Religion Militaire .
L'Empereur Baudouin ( d ) s'étant fauvé avec un grand Baudouin
des
nombre de François de la Ville de Conftantinople , après fait
Chevaliers
qu'elle fût venue en puiffance de Michel Paleologue
il fit voile vers l'Ifle de Negrepont , où il fut très-bien re-
çû des Seigneurs de cette Ifle. Pour leur marquer fa re- 1261.
connoiffance , & recompenfer leur merite , il donna l'Or-
dre de Chevalerie à plufieurs Gentilshommes. Multos ibi
Milites fecit. (e ) Il y a apparence que Baudouin en qua-
lité d'Empereur de Conftantinople , confera à ces Seigneurs
Grecs l'Ordre de Chevalerie , qui étoit feul en ufage dans

( a ) Du Cange , Hift. de Confiantin. ( c ) Oderic. vit. Lib 5. p. 574.


1247. Lib 4. p. 134. ( d ) Du Cange ibidem , ad an . 1261.
(b ) Sabellic. Lib 9. Hift . Venet. de- Lib . s .
cad. 1.de Creta Infula. (e ) In Appendice ad Vill -Hard.
Nij
*100 Differtations Hiftoriques & Critiques
l'Empire d'Orient , & qui ne pouvoit être autre que celui
de Conſtantin.

Michel Après que l'Empereur Michel Paleologue eût chaffé les


Paleologue François de Conftantinople en 1261. il ne confirma pas feu-
confirme lement ce qu'Ifaac l'Ange avoit fait en faveur de la Mi-
les Privile lice de Conftantin ; mais auffi, comme l'affurent pluſieurs
ges de cet
Ordre. Auteurs , ( a ) il lui accorda d'autres Privileges qui donne-
rent un nouveau luftre à cette Chevalerie.

126 4. L'an 1264. Jean Bâtard, b) Duc de Patras , qui étoit de


la Famille des Angeli , declara la Guerre à Michel Paleo-
logue , qui l'avoit honoré de la dignité de Sebaftocrator.
L'Empereur envoya une Armée contre luy fous la conduite
du Defpote Jean Paleologue fon frere. Ayant affiege Jean
dans Patras , celui- ci en fortit déguifé , pour demander du
fecours au grand Duc de Thebes. Avec le fecours que ce
Duc donna à Jean , & trois cens Chevaliers de få Na-
tion , il revint à Patras , força les ennemis , & les tailla
en pieces. (c )
Pachimere ( d ) fait mention d'un MichelChevalier,Grand
1 2 65. Connêtable de Romanie , dont la fonction principale étoit

de commander les Troupes Françoifes ou Latines , qui


étoient à la folde de l'Empereur. Ce Michel , qui étoit
Grec de Nation, mourut d'un accident qui lui arriva en
combattant contre le Duc de Patras en 1265.
Le même Pachimere racontant la celebre reception
Création
de Cheva- que l'on fit à Mpyrifterius Teutze , remarque qu'il avoit
liers.
demeuré quelques-jours dans un Monaftere avec les amis ,
dont quelques-uns avoient été magnifiquement recompen-
fez , ayant reçû l'honneur de la Chevalerie de la main de

l'Empereur. Habitavit diebus aliquot in Monafterio Cofmi-


dii , unà cum fuis familiaribus , quorum aliqui Equeftrem
dignitatem è manu Imperatoris acceperant , omnes ab eo ma-

(a )Prichard , Dißert. de S. Georgio , (b ) Pachimeres , Nicetas,Gregoras.


Francifc. Menen . Origines Ordin . Mili (c) Du Cange, Hift. de Conftant. Lib.
tarium, Auguftin. Monach. Camaldul . 5. ad an. 1264.
Lib. 4. cap. 31. Julius Papa III. in Bulla (d) Pachimer. Lib. 5. cap. 26. Du
Confirmation. Privileg. Pabebrock, &c. Cange,ubi fupra ad an 1265,
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. VI. ΙΟΙ

gnificè munerati. ( a ) Ce paffage nous apprend que l'Empe-


reur Michel Paleologue , ou Andronic, qui lui fucceda, créa
des Chevaliers de l'Ordre de Conftantin.
Le Duc d'Athenes ayant voulu forcer les Catalans qui 1311 .
ravageoient fon Païs , perdit la Bataille. Ce Duc , comme
il eſt remarqué dans l'Hiftoire de Conftantinople , ( b )
avoit dans fon Armée fept cens Chevaliers qui périrent
tous , à la referve de deux. ( c ) On dit que ce Duc fe mit à
l'avant-Garde avec deux cens Chevaliers François : ce qui
fait croire que la plupart des autres Chevaliers étoient
Grecs. Il y a même apparence que plufieurs des Nobles
Latins,qui portoient les Armes en Grece, avoient reçû l'Or-
dre de Chevalerie , qui étoit celebre dans ce Païs ; n'étant
pas croyable qu'un fi grand nombre de Chevaliers , qui fe
trouvoient dans l'Armée d'un petit Prince , fuffent venus
de France , ou d'Italie ,
(

S. I I.

L'Empereur Cantacuzenefait plufieurs Chevaliers.

Cantacu-
On ne fçauroit rien avancer de plus glorieux à l'Or- zene fait
n
dre de Conftanti , que ce que fit Jean Cantacuze ne , des Cheva-
après qu'il fut facré Empereur à Didimothique , Ville de liers.
Thrace , l'an 1341. Il raconte ( d ) luy-même qu'étant ma-
gnifiquement vêtu , il monta à Cheval , & alla à l'Eglife de
Saint George Paleocaftrite , accompagné de tous les Grands Παλαιο
de l'Empire qui avoient affifté à la folemnité de fon Cou- rasgims.
ronnement. L'Empereur étant arrivé à cette Eglife , y
fit fes prieres , & après avoir rendu des actions de graces à
Dieu , il confera la dignité de Chevalier à quelques - uns
des Latins. Le P.Papebrok ( e ) foûtient que Cantacuzene a

(a) Pachim. Hift . Lib. 6. cap. 11. dirent pas la vie dans cette fanglante
(b) Du Cange, ibid. action.
(c ) Boniface de Verone ,' Seigneur (d ) Cantacuz Hift. Lib. 3. cap. 27.
de la troifiéme partie de Negrepont , (e ) Papebrok. Tom. III.April. ad diem
& Roger Deflau , natif du Rousillon, 23. cap. 10.
font les deux Chevaliers qui ne per-
N iij
102
Dissertations Hiftoriques Critiques
voulu parler d'une Création de Chevaliers , comme les
paroles de cet Empereur le marquent clairement. x TOÏS
ἐκ τ λαπνικος τραπας την Καβαλαριων παρείχε τιμην παντα επ' αυτοῖς τα διε
MEVA TEATOD : Quibufdam ex Latina Militia Cavalio-

rum ( id eft Equitum ) contulit dignitatem , cuncta faciendo


que pro talibus confueta funt.
Reflexion Pour donner plus de jour à ce paffage de Cantacuzene ,
fur cette il faut
faire quelques reflexions. La premiere , c'étoit la
Création
de Cheva- coûtume parmi les Princes Latins , à laquelle cet Empereur
liers. Grec avoit voulu fe conformer , que quand ils devoient
faire une Création de Chevaliers , ils prenoient des ha-
bits fuperbes & magnifiques , afin que cette Cérémonie
fut plus augufte , & fe fit avec plus d'éclat.
Lazius remarque dans fes Annales de la Maifon d'Auf-
triche , que Federic richement vêtu , fit plufieurs Cheva-
liers , l'an 1245. Auro plenus & argento in Festo Saniti Geor-
gii , 145. Juvenes nobiles honorifice donavit gladio & cingulo
Militari. Paris dans fon Hiftoire d'Angleterre , dit que l'an
1247. Henry III . étant revêtu d'habits couverts d'or ,
donna la Chevalerie à plufieurs Seigneurs. Dominus Rex
veste deaurata falta de preciofillimo Baldekino , & coronula
aurea , que vulgariter garlanda dicitur, redimitus , fedens glo-
riosè in folio Regio fratrem fuum Baltheo Militari infignivit.
Ainfi Cantacuzene voulut fuivre cet ufage dans cette ce-
lebre Création de Chevaliers .

La feconde Reflexion eft , que les Rois depuis les Croi-


fades , faifoient ordinairement des Chevaliers le jour de
leur Couronnement. Cantacuzene , pour imiter les Princes
Latins , & rendre les Cérémonies de fon Sacre plus folem-
nelles , voulut qu'elles fuffent fuivies d'une Création de
Chevaliers. Dans la fuite nous rapporterons plufieurs exem-
ples de cet ufage.
La troifiéme remarque tombe fur le lieu , où fe fit cette
Cérémonie . On dit donc que Cantacuzene alla à l'Eglife
de Saint George Paleocaftrite , parce que l'Eglife de ce
Saint étoit bâtie dans l'ancien Chafteau de la Ville. ( a )

(a ) Papebrok. ubi fupra.


103
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt . VI .
Pontanus (a) avoue qu'on peut l'entendre de Saint George
Martyr , Patron de la plupart des Ordres de Chevalerie :
Hoc enim probabile effe , vel illud eft argumento , quod Can-
tacuzenus , multos in hoc Templo ( Sancti Georgii ) Equeftri
dignitate ornavit , fortalis tanquam in ade generof Equitis
Equeftrium Ordinum Patroni. Cette Eglife étoit peût-être le
lieu deftiné pour les Affemblées de la celebre Compagnie
des Chevaliers de Conftantin : ce qui a d'autant plus de pro-
babilité , que Saint George Martyr a toûjours été recon-
nu comme Patron de cette ancienne Milice.
La quatriéme eft fur ce queCantacuzene conferant laChc-
valerie , obferva les Cérémonies qu'on avoit accoûtumé
de pratiquer dans de femblables folemnitez : Cuneta facien-
do que pro talibus confueta funt : Ce qui marque que cet Em-

pereur avoit reçûës ces Cérémonies de fes Ancêtres

foit par tradition , foit par écrit ; & que cet Ordre avoit été
celebré long-tems avant le XIV . fiécle.
Entre les Cérémonies que l'on obfervoit en conferant la
Chevalerie de Conftantin , l'une étoit de mettre au col du
Céremo-
monies a-
nouveau Chevalier l'Image de Saint George , qui a toû- vec lef-

jours été , après le X. & le R. entrelaffez , la principale mar- quelles


donnoiton
la
que de cet Ordre. C'est ce qu'on peut recueillir de ce que Chevale-
Cantacuzene ( b ) raconte dans fon Hiftoire d'un certain rie.
Hierax , qui donna à cet Empereur , comme un gage de
fa fidelité , l'Image de Saint George qui pendoit fur la poi-
trine : Illicò imaginem præclari Martyris Chrifti Georgii
fidei fuæ , finceræque erga Imperatorem voluntatis pignus dedit.
Il falloit , dit le P. Pabebrok , ( c ) que Hierax eût été fait
Chevalier en recevant l'Image de Saint George : Talibus
ferè Ceremoniis initiatusfuerat Hierax , & qu'il le porta at-
taché au col , comme la marque de fa Chevalerie , de la ma-
niere que le portent les Chevaliers de la Jarretiere : Quam

geftabat Sancti Georgii Imaginem ; utique co modo quo cam


geftarefolent è collo Equites Garteriani.

( a ) Pontanus in notis , Lib. 3. cap. 27. (c )Papebrok. Acta SS. Tom . III. April.
Hift . Cantacuzeni. in S. Georgio , cap. 10.
(b ) Cantacuzen. Hift. Lib. 3. cap.9.
104 Differtations Hiftoriques & Critiques
Il eft bien à préfumer que Cantacuzene fit cesChevaliers
en leur donnant la CeintureMilitaire, quoiqu'il ne l'expli-
que pas ; puifque le Baudrier étoit la marque des Chevaliers
de ce tems-là , & l'avoit été depuis long - tems parmi les
Grecs , comme le reconnoît Georges Codin Curopalate. ( a )
Cet Ecrivain nous apprend que de fon tems , par ce mot
Stemma , on entendoit ce que Diademe fignifioit autrefois ,
que Diademe fe prenoit de fon tems pour le Baudrier ou
la Ceinture , qui étoit la marque de la Chevalerie : Porro
quod nunc vocatur Diadema , olim zona Militaris dicebatur
infigne honoris. ( b )
La cinquiéme Reflexion eft tirée de ces paroles: Quibufdam
ex LatinaMilitia ; lefquelles ne fe peuvent entendre que des
dèfcendans des Empereurs Latins, & des autres Familles il-
luftres qui s'étoient établies en Grece , avant ou après que ,
les Latins eurent perdu la Ville de Conftantinople , ou de
ceux qui s'y arrêterent au tems des premieres Croifades.
Ils font appellez Latins , parce que les Grecs de ce tems-
là donnoient ce nom aux François , aux Italiens & aux
perfonnes des autres Nations , qui , quoiqu'ils fuffent nez
en Grece , fuivoient le Rite de l'Eglife Latine ou Ro-
maine , ou étoient originaires des autres Païs.

§. III .

Les perfonnes les plus illuftres de l'Empire Grec fe font


aggregez à l'Ordre de Conftantin.

Ce ne fut pas feulement cette Création de Chevaliers


que fit Cantacuzene , qui rendit recommandable l'Ordre
Militaire de Conſtantin , vers le tems de la décadence de
l'Empire d'Orient ; mais auffi le zele que firent paroître

( a ) On nefçait pas préciſement le du Palais de l'Empereur de Conftan-


tems où cet Auteur Grec à vécu. Les tinople , ce qui étoit un employ im◄
uns le mettent à l'onziéme fiécle , les portant.
autres le font contemporain de Can- (b)Georgius Codin, de Offic. Confiant.
tacuzene. On l'appelle Curopalate;c'eft- cap. 6. num. 34 .
à-dire un des Officiers qui avoit foin
plufieurs
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt . VI . 1ος
plufieurs illuftres Seigneurs d'être aggregez dans cette
noble Milice.

M. Du Cange ( a ) parlant des perfonnes iffuës de la


Famille Imperiale des Lafcaris , fait mention de Jean
Lafcaris qui vivoit l'an 1372. auquel il donne le nom de
Jean Lafcaris , Chevalier , Joannes Lafcaris, Miles . L'Em- 137 2.
pereur Emmanuel Paleologue ,pour implorer le fecours des Seigneurs
Princes Chrêtiens contre les Turcs , envoya l'an 1397. à de l'Empi-
reGrec qui
Charles VI . Roi de France , Nicolas de Natale , auquel il prennent
donne le titre de Chevalier. Conftantin fils d'Emmanuel , la Cheva-
prévoyant la ruine de fa Capitale , députa vers Charles lerie.
VII. Nicolas Staniflas , que le même Roi , auffi-bien que 1397.
fon Chancelier Beauvarlet , appellent , Strenuum fpectabi-
lemque Militem , dans les Lettres qu'ils écrivirent à Conf-
tantin Paleologue .

François Philelphe ( b ) appelle Emmanuel Chryfolo- Emmanuel


Chryfolo-
ras ( c ) Præft intiffimum Equitem auratum ; & Jean- Baptifte ras.
Guarini fon difciple , luy donne le titre de Chevalier de
Conftantinople , dans une Lettre qu'il adreffa à Jacques
Fabius , Jurifconfulte de Veronne , & dans laquelle il nous
a confervé l'Epitaphe de ce grand homme. Cette Epita-
phe eft concûë en ces termes. ( d ) Ante aram Situs eft
D. Manuel Chryfoloras Eques CP. ex vetufto genere Roma-
norum, qui Conftantino Imperatore migrarunt. Vir doctiffimus ,
prudentiffimus , optimus , qui tempore Generalis Concilii Conf
tantia diem obiit ea æftimatione , ut ab omnibus Summo Sa-
cerdotio dignus haberetur XVI . Kal . Majas conditus eft anno
Incarnati Verbi M. CCCCXV .

Entre les Princes Grecs qui fe retirerent en France en


1454. un an après la ruine de Conſtantinople , on trouve

( a ) Du Cange , Famil . Byfanti. pag. I mais encore à parler purement la La-


247. tine , qui fentoit encore la Barbarie
(b) Francifc. Philelphus , Lib. Epift. des fiécles précedens. Il mourut à
11. Conftance , où il étoit venu dans le
(c)Chryfoloras paffa en Italie vers tems qu'on y celebroit le Concile.
l'an 1397. Il enfeigna la Langue Grec- Il fut enterré dans l'Eglife des Ja-
que , & excita fi bien les efprits des cobins.
Italiens , qu'ils ne s'appliquerent pas (d ) Apud Mabil. in Museo Italic.
feulement à l'étude de cette Langue ; Tom I. pag. 180.
106
Dißertations Hifloriques & Critiques
Demetrius Emmanuel & Manuel de la Maifon Im-
periale de Paleologues , qui font qualifiez du titre de
Chevaliers : Demetrius Palæologus , Emmanuel Paleologus ,
& Manuel Palæologus Trichas , Milites. ( a )

Georges M. Du Cange fait mention d'un George Paleologue de


de Bifipat . Biffipat , ( b) Chevalier , qui fe retira auffi en France , ou
il fut très-bien reçû de Louis XI . L'Hiftoire nous apprend
que vers le même tems , il y avoit trois celebres Chevaliers
Grecs ; le premier , felon Paul Jove , s'appelloit Lazare , qui
étoit originaire de Macedoine ; le fecond Bufeus , & le
dernier Barbarius, qui paffoit pour le plus vaillant de tous les
Grecs , Græcorumfortiſſimus. ( c )
Pour ne rapporter plufieurs femblables exemples tirez
des Familles des Cantacuzenes , des Ralies , des Mamala-
res , des Notadares , des Afanéens , des Branas , des Diplo-
vatazes & de quelques autres les plus illuftres de l'Empire
d'Orient ; j'ajoûterai feulement que trois perfonnes cele-
bres de la Famille Imperiale des Lafcaris , qui fe retirerent
en l'Ifle de Cephalonie après la ruine de Conftantinople ,
font appellez Chevaliers : Theodorus Lafcaris Miles, Ange-
lus Lafcaris Miles , Alexander Lafcaris Miles , ( d )

De la fi- Nous avons remarqué ailleurs , que le titre de Miles dans


gnification les anciennes Chartres , & celui d'Eques dans les moder-
du terme
nes , quand il s'agit de perfonnes Nobles , fignifie prefque
Miles.
toûjours Chevalier d'un Ordre déterminé , quoiqu'on ne

(a ) Du Cange , Famil. Byfantin. Fami- 1 Seigneur de Marivaux , Chevalier &


lia. 42 . Gouverneur de Paris. Guillaume Pa-
(b Cette Famille des Biffipats eft leologue de Biffipat , eft le fecond fils
très-illuftre. On croit qu'elle porte ce du premier George de Biffipat. Il fut
nom , à caufe qu'elle eft fortie des Pa- honoré de la dignité de Chevalier. Il
leologues , cant du côté du pere que époufa Loüife de Villers. De ce ma-
de la mere. Ce George Paleologue riage náquit Helene Paleologue de
de Biffipat laifla deux enfans ; le pre- Biffipat , qui époufa Jean de la Mark ,
mier s'appelloit George Paleologue Chevalier & Capitaine de cent Cui-
de Biffipat comme fon pere. Il étoit raffiers . Du Cange , Famil . Bifant. Fam.
audi Chevalier. Il laiffa une fille nom- 42.
mée Antoinette de Bisipat, Dame de (c ) Paul. fovi. Lib. 32. Crucius annotat.
Tracereux. Elle époufa Gobert d'Af in Hiftor. Politic. Conflantinop . pag. 6.
premont Chevalier. De ce Mariage (d ) Du Cange , Fam Bjant. Fam.
naquit Helene , alliée à Jean de Lifle, 36.
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt. VI. 107
le fpécifie pas ; fur tout depuis le XII . fiécle que les Or-
dres de Chevalerie fe font multipliez en Europe. Dans
l'Hiftoire des Albigeois , on trouve fouvent ces paroles :
Almaricus filius Comitis Simonis fit Miles, an. 1213. Guil-
laume de Nangis voulant marquer que le Roi Saint Louis
avoit fait Chevaliers les Princes Robert & Alphonfe fes
freres , dit fimplement : Rex Ludovicus ad 12. Regni fui
1238. Dominum Robertum Fratremfuumfecit novum Militem.
• Alphonfum fratremfuumfecit novum Militem. Le Re-
giftre intitulé Jornale Thefauri , qui eft à la Chambre des
Comptes , ne fe fert pas d'autres expreffions pour fignifier,
que le Roi Philippe le Hardi fut fait Chevalier par Saint

Louis fon pere : Rex Philippus factus, miles an. 1267. On


trouve dans le même endroit , que pour marquer qu'Hu-
gues I. Roi de Bourgogne reçût l'Ordre de Chevalerie ,
on fe contente de dire : Carolus factus Miles an. 1313. Or
il eft certain que tous ces Princes furent faits Chevaliers
d'Ordres particuliers , quoiqu'ils ne foient pas specifiez.
Or les Grecs n'ayant point reconnu d'autre Chevalerie

que celle de Conftantin , on ne fçauroit douter que tous


les Princes & tous les grands Seigneurs qu'on appelle Mi-
lites , Chevaliers , n'euffent reçu l'Ordre qui fleuriffoit par-
mi les peuples de leur Nation . C'eft de cet Ordre dont par-
lent quelques Auteurs , ( a ) lorfqu'ils difent que fur la fin
de l'Empire de Conftantinople , il y avoit une celebre Mi-
lice de Chevaliers , qui obfervoient la Regle de Saint Ba-
file , & qui étoient fous la protection de Saint George ;
dont la marque étoit une Croix rouge , fur laquelle on
voyoit en lettres d'or ces paroles écrites en Grec ou en
Latin : EN ΤΟΥΤΩ NIKA IN HOC VINCE.
Vers l'an 1590. il y avoit un Monument bien authen- Livre de
la Bibliotheque d'Amurat , theque
tique de cette verité dans la Biblio-
Empereur des Turcs. Ce Livre écrit en Grec > portoit d'Anurat ,

pour titre : Liber Equitum Sancti Georgii creatorum ab Im- où étoient


peratore : Livre des Chevaliers créez par l'Empereur. On noms les
écrits des
Chevaliers
(a) Prichard,Diſſert. de S. Georgio.Pabe- | brok . 3. Tom . April. ad dicm 23. cap. de Coni-
10. page 159. tantin.
O ij
108 Differtations Hiftoriques & Critiques
voyoit à la premiere pagel ' Image de Conftantin; & dans les
fuivantes,les portraits,les noms & les foufcriptions des Che-
valiers qui avoient été aggregez à cette Milice. Ces Che-
valiers portoient une croix rouge , femblable à celle qu'ont
aujourd'huy les Chevaliers qu'on nomme de Conftantin .
Dominique Jerofolimitain attefte ce fait : il dit qu'étant
Médecin de ce Sultan , il avoit vu dans fa Bibliotheque
128. Manufcrits Grecs , qu'on appelloit les Livres de Conf-
tantin , entre lefquels étoit celui dont on vient de faire
mention .

Ily a bien de l'apparence que l'Image de Conftantin


qui étoit à la tête de ce Manufcrit , reprefentoit le Grand
Conftantin , foit pour conferver la memoire de ce premier
Empereur Chrêtien ; foit parce qu'il eft reconnu parmi les
Grecs , comme le premier Inftituteur de cette augufte Che-
valerie qui porte fon nom, & qui reconnoît S. George pour
fon Patron. Pour les 128. Manufcrits appellez les Livres de
Conftantin , ils ne font ainfi nommez que , parce que Ma-

homet II . qui prit Conftantinople , les avoit trouvez dans


la Bibliotheque de Conftantin Paleologue , furnommé Dra-
cofes , qui fut le dernier Empereur d'Orient.
Cette relation eft autorisée par l'atteftation juridique
que le même Dominique mit entre les mains de Jacques

Cavallerio , de François Ubaldi , & de Caftellano , Audi-


teurs de Rote , que le Pape Gregoire XV . députa pour exa-
miner quelques doutes qu'on avoit propofez touchant l'Or-
dre , qui porte le nom de Conftantin. Albert de Zepeda
dans fon Livre intitulé : Origen y fondacion de la Imperial
Religion Military Cavalleria Conftantiniana. François
Coriolan , de l'Ordre des Capucins , in Breviario Chro-
nologico , & d'autres Ecrivains font mention de cette Hif-
toire.
fur la Chevalerie. Liv . I. Diſſert . VI. 109

ARTICLE V.

Aprés la prife de Conftantinople , l'Ordre de Conftantin

paffe en Italie. De l'état de cet Inftitut jufqu'à la fin


du XVII. fiecle.

Ahomet II . ayant pris la Ville de Conſtantinople ,


M & ruiné l'Empire d'Orient en 1453. les Princes
Grecs qui échaperent à la fureur de ce Tyran , fe refu-
gierent en France , en Italie , & en d'autres païs pour
trouver quelque foulagement à leurs maux. Les Angeli fu- Les Ange-
rent du nombre de ces Princes infortunez . Ils étoient iffus life reti-
rent en Ita-
du Sang des Empereurs Ifaac l'Ange , & Alexis l'Ange , & lie.
réüniſfoient dans leur Famille les Maifons Imperiales des
Comnenes , des Lafcaris , des Vatatzes , des Cantacuzenes
& des Paleologues.
Cette Maifon des Angeli s'établit en Italie, & on larecon-
noît ſous le nom de la Famille des Angeli de Drivaſto. Ce fut
par le canal de ces Angeli de Drivalto , que l'Ordre Conf-
tantinien paffât en Italie. Ils fe retirerent d'abord à Veniſe,
enfuite dans les autres Provinces d'Italie & à Rome. Par

tout ils furent favorablement reçûs , & même la Repu-


blique de Venife qui fçavoit combien certe Famille étoit
illuftre , & les grands fervices qu'elle lui avoit rendus pen-
dant les Guerres contre les Turcs , donna une penfion
très-conſiderable pour l'entretien des Angeli. Le Pape Paul
III . l'an 1545. le XII . de fon Pontificat , établit à Jean
André l'Ange , une penfion de cent Ducats d'or par mois.

Jules III . dans la Bulle que nous citerons bien-tôt, ajoûta


à cette gratification une Maifon de Campagne.
L'Ordre Militaire de Conftantin étant éteint en Grece Rétabli
avec l'Empire d'Orient , les Angeli formerent le deffein de fement
l'Ordre de
de
le rétablir en Italie , afin qu'un Inftitut fi ancien & fi Ne- Conftantin
ble ne fut pas enfeveli dans l'oubli. Ils fe crurent donc obli- en Italie.
O iij
110 Dißertations Hiftoriques & Critiques
gez de produire les Monuments indubitables, qu'ils avoient
confervez fur l'établiffement de cette Chevalerie. Ces titres

contenoient en fubftance que le Grand Conftantin en


avoit jetté les premiers fondemens ; qu'Ifaac l'Ange & Mi-
chel Paleologue Empereurs , avoient attaché à la Famille
des Angeli la qualité de Grand -Maître , & lui avoient don-
né le pouvoir de créer des Chevaliers de Conftantin .
Les pieces juftificatives de cette Chevalerie fe trouvent
dans les Archives du Vatican , où elles furent enregistrées

l'an 1533. le 30. de Juin, Indiction 6. & lafeptiéme année du


Pontificat de Clement VII . par Vafque de Ulloa Notaire
& Ecrivain des Archives , qui declare les avoir tirées des
Privileges authentiques, que Paul l'Ange avoit produits. Il
attefte encore que l'expedition qu'il en avoit faite , fut ve-
rifiée & foufcrite par R. P. D. Pariſano , Correcteur des
Archives.

Les Pa- Paul III . après avoir attentivement examiné tous ces ti-
pes les con- tres des Angeli , declare qu'ils font defcendus des Empe-
Dement.
reurs de Grece , & que le pouvoir de conferer la Cheva-
lerie de Conſtantin , étoit héreditaire dans leur Famille.
Jules III . dans une Bulle donnée l'an 1568. confirme ce
qu'avoit avancé Paul III . fur ce fujet : Ex certa noftra
fcientia , dit Jules III. ac de Apoftolice poteftatis plenitudine
tenore præfentium confirmamus & perpetuò approbamus , fibi-
que pro potiori cautela eadem ac fingula præmiffa denuò
concedimus .

Les Statuts de cet Ordre imprimez plufieurs fois , & en


divers endroits , atteftent auffi toutes ces chofes ; auffi - bien
que la plupart des Auteurs ( a ) qui ont fait mention de
l'Ordre de Conftantin : Vendicat fibi Comnenorum Familia

Imperatoriafupremam hujus Ordinis Præfe&turam:Ita ut fola


ipfa ejufmodi Cavalieros (fic enim appellant ) eligere ,& electos
regere poffit.
Je nedois pas neanmoins negliger une preuve , qui fuffi-
roit toute feule pour établir ce que je viens d'avancer, quand

( a ) Prichart , Differtat. Supra citata. Sanfovinus , Menenius , Alphonfus


Papebrok. Tom. III. April. ad diem 23. Ciaconius , & alu.
Jur la Chevalerie. Liv . I. Differt . VI . III
Conful-
toutes les autres ne feroient pas affez folides. Cette preuve tation de
fe tire d'une Confultation , ou comme on l'appelle à Rome trois Audi-
teurs de
Votum , faite par les Illuftriffimes Seigneurs Cavallieri ,
Ubaldi , & Caftellani , Auditeurs de Rote , députez Rote.
l'an 1 6 2 6. par le Pape Urbain VIII . pour examiner
quelques doutes qu'on avoit propoſez fur l'Ordre dont
nous parlons. On y trouva 1° . Que les Angeli de Dri-
vafto font iffus de la Famille Imperiale d'Ifaac l'Ange , &
d'Alexis l'Ange Empereurs de Conftantinople. 2°. Que
la qualité de Grand - Maître de l'Ordre Conftantinien
eſt héreditaire dans cette Maiſon , par le privilege qu'elle
en a reçû d'Ifaac l'Ange Empereur , confirmé par Michel
Paleologue. 3. Il eft fait mention dans cette Confultation
de tous les autres Privileges accordez à cette Famille par les
Empereurs de Grece , & par les Souverains Pontifes. En-
fin ces Auditeurs de Rote atteftent que tous les droits &
les Privileges des Angeli avoient été tirez des pieces
originales qu'ils avoient produites. D'où ils concluent :
Atque ex his cenfuimus , conftare de origine & exiftentia hujus

Militia, feu Ordinis Equitum Conftantinianorum , feu Ange-


licorum & Saniti Georgii , ejufque Magnum Magifterium
Spectare ad Familiam Angelam Flaviam , & D. Joannem
Andreæam à dieta Familia defcendere . ( a )

ARTICLE VI.

Suite du même Sujet.

Près que les Angeli de Drivaſto ſe furent retirez en


A Italie , & environ 12. ou 13. ans après la priſe de
Conftantinople , Callixte II . fut le premier des Souve- Les Papes
rains Pontifes , qui approuva l'Ordre de Conftantin , & le P'Ordre
approuvent
de
maintint dans fes droits. Il fut fuivi de Pie II . de Sixte IV . Conftan-
d'Innocent VIII . de Paul III . de Leon X. de Paul IV . cin.

(a ) Hæc habentur in voto trium | Auditorum Cam. Apoftol.


112
Dißertations Hiftoriques & Critiques
de Clement VIII . d'Urbain VIII . & de quelques-autres
qui ont en divers tems confirmé les Privileges de cet Ordre ,
& l'ont maintenu dans fes anciennes prérogatives. La Bulle
deJules III . donnée l'an 1568. eft fur tout remarquable fur
ce fujet.Ce Pape n'approuve pas feulement les Privileges des
Angeli , mais il confirme de nouveau ce que Ifaac l'Ange
& Michel Paleologue Empereurs ; auſſi-bien que Callixte
III. Pie II . Sixte IV. Innocent VIII . & Paul III . fes
Prédéceffeurs avoient fait en faveur de la Famille des An-
geli , & de l'Ordre de Conſtantin .
Autre On étoit fi bien perfuadé à Rome & à Venife , que la

Preuve de qualité de Grand - Maître de cet Ordre , étoit attachée à la


Pauthenti-
de Famille des Angeli de Drivafto , comme le rapportent plu-
ticité
cet Ordre. fieurs Auteurs, (a ) que l'an 1591. un Inconnu fous le nom
de JeanGeorge de Cephalonie, qui fe difoit Prince d'Hera-
clée & de Moldavie ; & l'an 1594. un autre qui fe faifoit
appeller Alexis Nicolas Cernovichi , Duc de Salone, ayant
voulu ufurper le titre de Grand Maître de l'Ordre de
Conftantin , & en cette qualité faire des Chevaliers ; le
premier fut condamné au baniffement , & fous le Pape
Clement VIII. ayant renouuvellé fes impoftures , il fut
envoyé aux Galeres , par Sentence de la Chambre Apofto-
lique : l'autre fut puni par le Senat de Veniſe, enſuite banni,
& tous fes biens confifquez.
Cet Or- Cer Ordre fe repandit en plufieurs endroits de l'Europe.
dre fe ré- Plufieurs perfonnes Nobles & Illuftres de Milan , de Veni-
pand en fe , & des autres Etats d'Italie , curent l'honneur d'être ag-
plufieurs
Provinces. gregez parmi les Chevaliers de Conftantin , & même on
fonda quelques Commanderics. ( 6 ) Mutius Petra en 1584.
en érigea une à Pavie , & Cæfar Thebalde en fonda une
autre à Milan. Cet Ordre ayant paffé en Espagne , le Con-
feil de Madrit fit examiner les titres qu'on produifoit de
l'antiquité de cette celebre Milice , & les Bulles & les Privi-
leges que les Papes luy avoient accordez . Aprés une dif-

( a ) Du Cange , Famil. Byfant. Fam . (b ) Theodorus Amaydenus infcrip.


33. Papebrok , Tom . III . ad diem 23 . to pro Ordine Conftant.
[ to
Aprilis.
cuffion
furla Chevalerie. Liv. I. Differt . VI . 113
cuffion exacte , l'an 1595. le 10. du mois d'Avril , cet Or-
Les Rois
dre fut approuvé par un Decret du Confeil du Roy d'Efpa- & les Prin-
gne , & on permit aux Chevaliers de s'établir dans tous fes ces accor-
Etats. ( a ) Dans les Conftitutions de cet Ordre , imprimées dent des
à Madrit en Efpagnol l'an 1588. on trouve les Sentences & à cet Or-
les Decrets donnez quelques années auparavant par le Roi dre .
& par le Confeil Royal de Seville , en faveur de l'Ordre
de Conftantin , & de Pierre Ange, Grand-Maître .
L'Empereur Ferdinand l'an 1630. donna un Diplome ,
par lequel il renouvella & confirma les Privileges de la
Chevalerie de Conftantin ; & il ordonna que dans tout
l'Empire, il joiît de toutes les prérogatives des autres Or-
dres Militaires. En 1670. l'Empereur Leopold confirma ce
que Ferdinand avoit fait en faveur de cet Ordre.
L'an 1667. Ferdinand , Electeur de Baviere , prit cet
Ordre fous fa protection , & ordonna par un Diplome
qu'il feroit permis aux Chevaliers de demeurer dans fes
Etats , & qu'ils joüiroient des Privileges des Chevaliers
Theutoniques & de Saint Jean de Jerufalem : Et l'an 1669.
il donna dans Munich quelques Maiſons & une Eglife aux
Chevaliers de Conftantin ; afin , comme il eft marqué dans

ce Diplome , qu'ils puffent exercer toutes les fonctions de


leur Ordre , & pour leur fervir de demeure : Ut Spiritua-
les & alia Ordinis Sancti Georgii functiones peragi , & Equi-
tum receptores habitare valerent. ( b ) En 1684. Jean II.
Roi de Pologne, accorda de grands Privileges à cet Ordre.
II y a des Lettres de Sixte V. addreffées à un certain

Gherardo,de Raponis , (c ) par lefquelles il lui eft accordé


de pouvoir obtenir des penfions fur des Benefices , pourvû
qu'il entre dans les Ordres des Chevaliers de Saint Etienne,
de Saint Maurice , ou dans celui de Saint George , c'eſt- à-
dire de Conftantin. ( d ) Il y a auffi plufieurs Decrets de la

(a ) Zepeda, Origen y fondacion de la (c) Theodorus Amaydenus , ubi


Imperial Religion Cavalleria Conftant. fupra.
pag. 118. & alii apud ipfum. ( d ) In voto trium Auditorum Rote
(b) Statuta Ord. Edition . Venet . an. fub Vibano VIII .
1626.
P
114 Dißertations Hiftoriques & Critiques
Chambre Apoftolique fur le même fujet. C'eft pour cela
que les Chevaliers de l'Ordre de Conftantin ayant été in-
quietez en Eſpagne , aufujet des Benefices qu'ils poffedvient-
dans ce Royaume , & l'affaire ayant été portée à Rome , la
Congregation du Concile de Trente ordonna par un De-
cret de l'an 1596. qu'ils pourroient poffeder des Benefices
fans difpenfe de Rome. (a)
Les Papes Sur la fin du dernier fiécle , l'Ordre Militaire de Conf-
donnentre
à tantin devoit être celebre , puifque plufieurs Souverains
cet Ord
un Cardi- Pontifes lui accorderent le privilege d'avoir un Cardinal
nal pour pour Protecteur , comme l'ont la plupart des autres Ordres
Protec-
teur. Militaires & Reguliers. Le Pape Clement X. donna cette
qualité au Cardinal Camille , comme il paroît par le Bref
de ce Pape , en datte du 27. Aouft de l'an 1672. Le Pape
Innocent XI. par fon Brefdu 14. Juin 1687. établit Gaf-

par Cavalerio,Cardinal Diacre , Protecteur du même Or-


dre. Le Pape Alexandre VIII . l'an 1690. donna le même
titre au Cardinal Albano , qui eft aujourd'hui fur la Chai-
re de Saint Pierre. Enfin l'an 1701. le même Pape donna
cette Charge au Cardinal Pamphile. Voici comment s'ex-
plique Clement XI . dans fon Brefdu premier Avril de la
même année : Cum Religio ,feu Militia Angelica, Aureata ,
Conftantiniana , fub titulo Sancti Georgii , & Regula Saniti
Bafilii , cujus nos dum Cardinalatus honore fungebamur, Pro-
tectores Apoftolica autoritate deputati eramus ; per noftram
ad Summi Apoftolatus apicem aſſumptionem Protectore defti-
tuta remanfit. Nos eidem Religioni , &c.

Ordres C'eſt une choſe bien remarquable , que l'Ordre Mili-


de Cheva- taire de Conftantin , qui n'étoit prefque connu qu'en
lerie fon- Grece avant la fin du XV . fiécle , fe foit repandu en tant
dez en Ita- de Provinces , dans un tems où l'on a vû naître une foule
lie-
d'Ordres de Chevaleries depuis le commencement du
XII.jufques vers le milieu du XVII . On en peut compter
près de foixante en Europe , fans y comprendre ceux du
Levant , ni les Religions Militaires. L'Italie ſeule en pro-

(a ) Heliot , Hift . des Ordres, Tom. 1. Premiere Partie , chap. 31.


fur la Chevalerie. Liv. I. Deffert. VI . 115
duifit huit ou neuf depuis l'an 1540. jufques en 1668 .
qui eft préciſement le tems que la Chevalerie de Conf-
tantin s'établit en Italie.
L'an 1540. Paul III . inftitua l'Ordre des Chevaliers
de Saint Pierre & de Saint Paul. Le même Pape en fon-
da un autre à Ravenne fous le titre de Saint George.
En 1559. on érigea celui des Chevaliers de l'Eperon doré ,
ou des Pies . Côme de Medicis en 1560. inftitua celui de
Saint Etienne. L'Ordre des Chevaliers de Nôtre- Dame
de Lorette fut fondé par Sixte V. en 1587. Vers l'an 1608.
Vincent de Gonzague IV . Duc de Mantouë , créa l'Or.
dre des Chevaliers , du Sang de Jefus - Chrift . En 1615. Paul
V. de la Famille des Bourghéfes, inftitua l'Ordre des Che-
valiers de Jefus- Maria . Enfin l'Ordre des Chevaliers de
la Conception fut érigé par Ferdinand Duc de Mantouë
en 1619.
Il eft furprenant que l'Ordre Militaire de Conftantin ,
qui n'étoit foûtenu que par des Etrangers , hors d'état de
fonder de riches Commanderies, & qui ne fubfiftoient eux .
mêmes que par les liberalitez de quelques genereux Sou-

verains ; que cet Inftitut , dis-je , fe foit rendu celebre ,


non-feulement dans plufieurs Provinces d'Italie , mais auffi
dans d'autres Royaumes , dans un tems que les Papes & les
autres Princes fondoient tant d'Ordres differens de Cheva-

lerie , & leur donnoient de grands biens.

Pij
116 Differtations Hiftoriques & Critiques

ARTICLE VII.

Sur la fin du dernier fiècle , la qualité de Grand- Maî-


tre de l'Ordre Conftantinien fut transferée avec tou-

tesfes prérogatives au Sereniffime Duc de Parme

à fes defcendans ; ce qui donne un nouveau luftre à


cette Chevalerie.

André ' Illuftre Jean André l'Ange , dernier Grand- Maître


l'Ange ce- Lade l'OrdreMilitaire de Conftantin ,fe trouvant fans en-
de qua- fans des deux Mariages qu'il avoit contractez , & le voyant
lité lade
Grand- dans un âge fort avancé , refolut , vers la fin du dernier
Maître à fiécle , de chercher les moyens de
S. A. S. le perpetuer dans quelque
le Duc de Famille Noble & Illuftre la qualité de Grand- Maître de
Parme. cette celebre Chevalerie , & de faire paffer à la pofterité ,
un établissement & fi ancien , & fi illuftre. Le nom des

Angeli Comnenes devant être éteint à fa mort , & ne ſe


trouvant plus perfonne de fa Famille, qui pût remplir la Char-
ge de Grand-Maître de cetOrdre, il transfera tous fes droits,
& toutes les prérogatives attachez au titre de Grand-Maî-
tre dont il joüiffoit , à S. A. S. François I. Duc de Parme ,
pour en jouir & toute fa pofterité après lui. L'Acte de
cette ceffion fut expedié à Venife le 27. Juillet 1697 .
Le 5. du mois d'Aouft de l'an 1699. l'Empereur Leo-
Cette cef-
fion eft
pold donna un Diplome ou un Edit , par lequel il ratifie la
confirmée
par les Pa- Renonciation & la Tranflation de la Charge de Grand-
pes & par Maître de l'Ordre Militaire de Conftantin , faite par l'Il-
l'Empe- luftre Jean André l'Ange , en faveur du Sereniffime Duc
reur.
de Parme , & de fes defcendans. Ce Diplome Imperial , fut
fuivi d'un Bref Apoftolique du Pape Innocent XII . par
lequel il confirme & approuve la même Réfignation. Ce
Bref fut expedié le 24. Octobre de la même année
1699.
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt. VI . 117

Le 20. du mois d'Avril de l'an 1701. N. S. P. le Pape


Clement XI . qui eft aujourd'hui fur la Chaire de Saint
Pierre , donna un Bref , qui ratifie ce que fon Prédé-
ceffeur avoit fait touchant la Charge de Grand- Maître
que Jean-André l'Ange avoit cedée à S. A. S. le Duc de
Parme. Par le même Decret ce Pape caffe & declare nul
& invalide tout ce que Guftave Leopold , Prince des deux
Ponts , avoit fait & entrepris en qualité de Grand- Maître
de l'Ordre de Conftantin ; parce que ce Prince avoit été
élevé à cette dignité fans les folemnitez marquées dans les
Saints Canons , & feulement par les fuffrages de quelques
Chevaliers de cet Ordre, qui n'avoient aucune autorité de
lui conferer cette Charge : Prætectu electionis invalidæ & à
paucis dicte Militiæ Fratribus , feu Militibus , abfque ulla
legitima auctoritate ac folemnitatibus per Sacros Canones ad
Electionis celebrationem requifitis , faitæ.
Comme tous ces Monuments font fort authentiques , Réfle-
& qu'on y dit plufieurs chofes qui peuvent fervir de preu- xionspiefur
les ces
ves pour établir les principaux faits que j'ai avancez ſur cet qui confir-
Ordre de Chevalerie , j'ai crû qu'il étoit à propos de met- ment cette
ceffion.
tre à la fin de cet Ouvrage toutes ces pieces , dont voicy
la fubftance.

1º. Le Pape dans fon Bref, appelle Jean André l'Ange , I.Réfle
Nobilis vir. Le titre de Nobilis vir fe donne par les Souve- xion.
rains Pontifes aux Ducs & aux Princes , qui ne portent
point le titre de Rois , comme aux Ducs de Parme , de
Savoye , de Modene , de Mantouë , aux Princes Ro-
mains , aux Ducs & Pairs de France , & à ceux qui font
enpareil rang dans les autres Royaumes . Ce titre , Nobilis
vir, que l'on donne à André l'Ange , fait voir qu'il étoit
reconnu fous cette qualité , & que fes Prédeceffeurs
avoient porté le même titre depuis plus de 200. ans , que
leur Famille avoit paffé de Grece en Italie.
2º. On y donne auffi le furnom de Comnene à Jean André II. RE-
l'Ange. Ce n'eft pas qu'il fut defcendu de pere en fils de flexion.
la Maifon Imperiale des Comnenes ; mais parce que Conf-

tantin l'Ange, qui eft la fouche de cette Famille , époufa


Piij
113 Differtations Hiftoriques & Critiques
vers la fin du onziéme fiécle , Theodore Comnene fille d'A-
lexis I. Empereur ; & à caufe des Alliances de ces deux
Familles , elles ont été fouvent mêlées enfemble , & ont
pris les noms l'une de l'autre. Les Comnenes ajoûtant fou-
vent à leur nom , celui d'Ange ; & les Anges ou Angeli
faifant la même chofe ; en forte que ces deux Familles ont
prefque fouvent été reconnuës pour la même depuis plus de
600. ans .
III. & 3°. Ony voit que l'Empereur Ifaac l'Ange Comnene , les
IV. Réfle-
xion . autres Empereurs fes Succeffeurs , & les Souverains Ponti-
fes , avoient donné un nouveau luftre à l'Ordre de Conf-

tantin, qui eft fous la Regle de Saint Bafile, & la Protection


de S. George Martyr. 49. Et que Jean- André l'Ange
étoit iffu de la Famille d'Ifaac l'Ange Comnene , Empe-
reur , & qu'il avoit reçû par droit d'héritage & de fuc-
ceffion la qualité de Grand- Maître de cet Ordre , & qu'elle
étoit venuë jufqu'à lui par une fucceffion non interrompuë.
V. Ré- Enfin on fait remonter à Conftantin le Grand la pre-
flexion.
miere origine de cette Chevalerie. On dit que la Croix >
avec ces paroles , In hoc figno vinces , que vit cet Empe-
reur , a été comme le premier fondement , & le modele
fur lequel on a formé dans la fuite tous les Ordres de
Chevalerie.

Jean- André l'Ange ne pouvoit jetter les yeux fur un


Prince plus capable de relever la fplendeur de cet Ordre
languiffant , de le foûtenir , & de le porter à un plus haut
point de gloire , que le Sereniffime Prince de Parme , qui
a ajoûté à la Nobleffe d'un Sang Guerrier , la grandeur
d'ame , une foi inviolable , une rare prudence , un juge-
ment folide , une generofité toute chrêtienne , une magni-
ficence noble , & toutes les autres belles qualitez qui peu-
vent former un grand Prince.
Marque La Croix des Chevaliers de Conſtantin eft de couleur
des Cheva- de veloux cramoify , bordée d'or , & dont les extremitez
liers
let-
Conftan-de font en forme de Lys , fur lefquelles on voit ces quatre
tin. tres I. H. S. V. qui fignifient , in hoc figno vinces. La
Croix eft entrecoupée par un X. qui embraffe un P. Et aux
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt . VI . 119

deux côtez de ces deux Lettres , il y a un A. & un n .


Si tous les Colliers, & les Croix des Chevaliers desOrdres &
des Religions Militaires, renferment quelque chofe de myſ-
terieux , qui a quelque rapport à l'Inftituteur de ces Or-
dres , ou à la fin qu'il s'eft propofée en les établiſſant ; &
fi on les doit regarder comme des Symboles , ou du tems ,
ou des lieux , ou des autres circonftances que ces celebres
Compagnies ont été fondées: Je ne ſçai s'il y a jamais eu de
Collier, ou de Croix Militaire,qui contienne plus clairement
tous ces rapports , que la Croix des Chevaliers de Parme.

La Croix & ces mots , In hoc figno vinces , nous rappel- renfermez
Mifteres
lent le tems , le lieu , & celui qui fut favorifé du Ciel de dans ce qui
l'apparition miraculeuſe de ces choſes ; & nous indiquent compoteer.
ce Colli
en même tems l'occafion qu'on peut regarder comme l'o-
rigine de tous les Ordres de Chevalerie. Peut-on douter que
ce Monogramme, à la confervation duquel le Grand Conf-
tantin deſtina 50. des plus braves de fon Armée , ne foit

au moins un modele de la fin qu'on s'eft propofée dans l'Inf


titution de la Chevalerie Chrêtienne? Le deffein des Ordres

Militaires en general, & celui de la Chevalerie de Conftan-


tin en particulier, n'eft autre que la défenſe de la Foy & de
l'Eglife , comme cela eft clairement exprimé dans le Di-
plome de l'Empereur Leopold : Ad Idololatriæ excidium , ad
Ecclefiæ defenfionem , & ad vera Religionis purgationem :
Pour détruire l'Idolatrie , défendre l'Eglife , & étendre la
Religion.
Si dans la fuite des tems on a ajoûté un A. & un n . aux
Pourquoi
deux côtez du Monogramme, ç'a été peut-être pour confer- unA.
on a ajoûté
& un
ver à la pofterité la maniere dont Conftantin faifoit quel-
quefois reprefenter le Monogramme . Jufte- Lipfe ( a) re-
marque , que defon tems on voyoit à Conftantinople plu-
fieurs Colomnes érigées par Conftantin même,où il y avoit
des Boucliers gravez , avec le Monogramme entre l'Alpha
& l'Omega . Le même Auteur ( b ) parle de deux Médailles -
dans lesque
très-anciennes , dans lesquelles
lles on voit la même choſe.

( a ) fuf. Lipf. de Cruce.Lib. 3.pag. 15. & 16.1 ( b ) Lipfe , ibid. c. 14.
120 Differtations Hiftoriques & Critiques
Dans les Médailles des autres Empereurs, ( a ) auffi-bien que
fur les anciens Sepulchres , on trouve fouvent le Mono-
gramme avec les mêmes Lettres , quoiqu'il y ait eu quelque
difference dans cet ufage. ( b )

Je ne fçai , fi les Chevaliers de Conftantin n'auroient pas


voulu reprefenter quelque myftere dans ces deux Lettres ,
ajoûtées aux côtez du Monogramme. C'eft peut-être pour
nous faire entendre que s'ils reconnoiffent Jefus - Chrift
comme la fource & la premiere origine de cet Inftitut , ou
au moins qui y a donné occafion par la vifion miraculeufe
de cet augufte Nom qu'il fit voir à Conſtantin ; ils veulent
auffi marquer que le fervice de Dieu même eft la fin & le
but qu'ils fe propofent en s'engageant dans cet Ordre ce-
lebre, & dans cette Chevalerie Chrêtienne.
Ces deux Mais foit que les Chevaliers de Conftantin ayent ajoûté
Lettres
ces deux Lettres au Monogramme , pour ces fins , ou pour
mirquent fervir d'ornement à leur Croix ; elles font un Monument
Pantiquité
de cet Or- fenfible de l'antiquité de cette augufte Chevalerie , & prou-
dre.
ve qu'elle tire fa premiere naiffance de Conftantin. Car
quoiqu'elle ait été rétablie , & qu'elle ait reçu depuis un
nouveau luftre , & que même on ait ajoûté le nom de Che-
valiers de Parme , à celui que cette Chevalerie avoit de-
puis plufieurs fiécles ; elle peut être appellée , & eft veri-
tablement l'Ordre de Conftantin. C'eft en effet ce glorieux
titre de Chevaliers de Conftantin , que portent ces illuftres
& genereux Officiers , qui ont été choifis pour commander
les deux Bataillons, que S. A. S. le Duc de Parme a envoyez
à la Republique de Venife , pour faire la Guerre à l'En-

( a ) Le celebre Antiquaire Pyr- triomphante & gloriofa croce , Lib . 6. cap.


thus Ligorius,dans un Mit qui fe con- 13. racontent qu'on a trouvé à Rome
ferve dans la Bibliotheque Farnefe , plufieurs Sepulchres , où l'on voit le
reprefente une Médaille de Jovien Monogramme avec l'Alpha & 'O-
où l'on voit dans l'exergue le X & le mega.
P. entrelalez , & aux deux côtez ces (b ) Dans une Médaille de Conftan-
deux lettres A. . Il y a des Mé- tin , fils du Grand Conftantin , on voit
dailles de Conftantin , fils du Grand le Monogramme entre un A. & un Q
Conftantin,audi - bien que de Magnen- On trouve auffi dans une Médaille de
ce,avec les mêmes Lettres . Le Cardinal PEmpereur Juftin , le Monogramme
Baronius, ad an . 408. & Bofius , de la entre un г. & un E.
nemi
Jur la Chevalerie. Liv . I. Differt. VI . 121

nemi commun de l'Eglife , & que ce Prince a honorez


du Collier de l'Ordre de Conftantin dans la derniere
Création, qu'il vient de faire pour l'ouverture de la Cam-
pagne de cette année 1717.

** **

DISSERTATION VII.

Des Ordres de Chevalerie Honoraire , Chrétienne ,

Civile , établis en Occident , depuis le tems de Conf-


tántin.

Es Auteurs ne conviennent pas du nombre des Or-


L dres de Chevalerie, ni du tems, ni des lieux, où la plû-
part ont été inftituez ; & ils ne rapportent pas toûjours
leur naiſſance au même Prince . Les uns font mention de

de quelques Ordres , dont les autres ne parlent pas ; mais


ils conviennent tous , qu'on en doit compter un grand
nombre.

Ily a quelques- uns de ces Inftituts,qui n'ont fubfifté que


pendant la vie de leurs Fondateurs , ou qui font tout-à-fait
éteints. Les autres ont été confondus enfemble , ou ont re-

pris un nouveau luftre , après avoir été long - temps obf-


curcis , ou dans l'oubli . Ce qui ne contribuë pas peu à em-
broüiller cette matiere , c'eft qu'on a inventé beaucoup de
fables en traitant de l'origine , du fujet , des époques , &
des circonftances de ces celebres Compagnies ; & qu'on a
fouvent mêlé les Religions avec les Ordres Militaires ,
quoiqu'ils foient très-differens par rapport à leurs fins & à
leurs engagemens .
Laiffons pour les Articles fuivans ce qui regarde les Re
ligions deftinées à porter les Armes , la Chevalerie So-
ciale & Ecclefiaftique ; il ne s'agit ici que des Ordres de
Chevalerie Honoraire , foit Chrétienne & Civile. Les Ecri-

vains comptent plus de 50. fortes de ces Ordres , mais nous


122
Differtations Hiftoriques & Critiques
ne parlerons ici que de quelques-uns ; les autres pour la
plûpart trouveront place en d'autres endroits de cet Ou-
vrage.

ARTICLE I.

Ily a eu des Ordres de Chevalerie Chrétienne avant


le tems des Croisades.

Our ne pas rappeller ici ce que j'ai marqué ailleurs ,


Pour
je dirai feulement qu'on doit placer parmi les Ordres
de Chevalerie Chrêtienne , tous ceux qui ont été érigez
pour combattre les ennemis de la Religion , ou qui fe font
propofez pour fin la gloire de Dieu , de la Sainte Vierge ,
& des Saints ; la pratique de quelque vertu , la défenſe du
prochain , ou le foulagement des pauvres.
Ordre de Le premier de ces Ordres qui fe prefente , eft celuy de
la Sainte la Sainte Ampoule. Si cet Ordre n'a pas été établi dans le
Ampoule. V. fiécle par Clovis I. & fi l'on ne doit pas fon Inftitution

à quelqu'un des Rois de France de la premiere Race ; néan-


moins on ne peut pas douter qu'il ne foit très-ancien , & il
a l'avantage d'être le premier des Ordres de Chevalerie
Chrétienne , érigez en France. Les Chevaliers de la Sainte
Ampoule ne font que quatre. Ils font Feudataires de l'E-
glife de Rheims , & ils doivent poffeder les quatre Ba-
ronies de Terrier , de Belleftre , de Sonaftre , & de Lou-
vercy.

L'employ de ces Chevaliers eft de porter au Sacre de


nos Rois le Dais , fous lequel eft apportée la Sainte Am-
poule en Proceffion. André Favin ( a ) rapporte tout au
long quelques pieces juftificatives de l'ancienneté de cet
Ordre , & affure les avoir tirées des Originaux, qui fe con-
fervent dans les Archives de Saint Remy de Rheims.

(a) Favin,Theatre d'Honneur, Liv. a. 1 pag. sozi& seq.


fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. VII. 123

On dit que cet Ordre fut inftitué en mémoire de cette


Phiole de Beaume Sacré , qu'une Colombe apporta du Ciel
à Saint Remy au Batême de Clovis , l'an 496. ( a ) Et ecce
fubitò Colomba nive candidior attulit in roftro Ampullulam
Chrifmate fancto repletam , cujus odore mirifico , &c. Mais
quoique Saint Gregoire de Tours , & Fortunat dans la
vie abregée de Saint Remi , ne parlent point de cette
Hiftoire , ce qui a donné occafion à des Sçavans de dou-
ter de la verité de ce fait ; cependant elle eſt atteſtée cette
Hiſtoire ,
, par Flodoard & par Aimoin ; ( b ) & elle fe
trouve dans les Annales de Saint Bertin . Les Chevaliers
de cet Ordre portent au bas d'un ruban noir une Croix
d'or anglée , émaillée d'argent , & chargée d'une Colom-
be qui tient par le bec une phiole , reçue par une main
mouvante de carnation .
L'an 1022. le Roi Robert inftitua l'Ordre des Cheva- Ordre des
Chevaliers
liers de l'Etoile , en l'honneur de la Sainte Vierge qu'il de l'Etoile.
avoit pris pour la Protectrice de fon Royaume. Cet Ordre
étoit compofé de trente Chevaliers , en comptant le Roiqui
en étoit le Chef & le Souverain Grand- Maître. Le Collier
des Chevaliers étoit d'or à trois Chaînes entrelaffées de
Rofes d'or émailliées alternativement de blanc & de rouge,
& au bout pendoit une Etoille d'or à cinq rais.
Les Chevaliers de cet Ordre (c ) étoient obligez de dire
tous les jours une Couronne de cinq Dixaines d'Ave Ma-
ria , & cinq Pater , avec d'autres Prieres pour le Roi , à la
fin defquelles ils ajoûtoient une Oraifon compofée par le
Roi même. Cette Oraifon étoit conçûë en ces termes :
Regum Princeps , atque virtus , cujus nutu Cœlum gyrat , terra
perftat, difponunturfæcula, Regi Roberto nato ftirpe nobiliffima,
fic domare des fuperbos , & fubjectis parcere , ut hic regnans

gloriofus , quondam vivat in æthere , Amen .


M. Hermant ( d ) attribuë l'Inftitution de cet Ordre

(a ) Hincm . in vita S. Remig. Col. 2. Dom Pierre de Saint Romuald '


(b) Aimon . Lib. 1. cap. 16. Trefor Chronologique , Tom. II . furl'as-
c ) André Favin, Theatre d'Honneur , née 1022 .
Tm I. Liv. 3. pag. 568. Theoph. Ray- (d Hermant , Hift . des Ordics de
naud , Tom. VII. in Gloffario , pag. 433 Chevale, chap. 47.
q ij
124
Differtations Hiftoriques & Critiques
Le Roi au Roi Jean , fils de Philippe de Valois. Il créa cet Ordre 2
Jean
pas net dit cet Ecrivain , pour s'attacher les grands Seigneurs de
Inftiru-
Beur de cet fon Royaume , mécontens de ce qu'il avoit , fans aucune
Ordre. forme de juſtice , fait trancher la tête dans la Prifon à

Raoul dernier Comte d'Eu , fon Connêtable.


Si le Roi Jean avoit inftitué cet Ordre vers l'an 1352.
comment fe peut- il faire que le Roi Philippe- Augufte
facré à Rheims le jour de la Touffaint en 1179. fut fait
Chévalier de l'Etoile ; que le même Roi Philippe-Augufte
en l'an 1200. honora de cet Ordre Artus , Comte de Bre
tagne , d'Anjou & de Poitou , & Regnaud Comte de Bolo-
gne ; que le Roi Louis VIII . reçût le Collier de cet Or-

dre après fon Sacre dans l'Eglife de Rheims , le jour de


Nôtre - Dame d'Aouft en 1224 ? Enfin le Roi Jean ne
peut pas être reconnu pour Fondateur de cet Ordre , puif-
que Saint Louis le reçût le jour de fon Sacre en 1226. &
que ce même Saint en donna le Collier à fon Frere Ro-
bert de France , l'an 1237 .
Ce Roil'a
Il eſt vrai que l'Ordre de l'Etoile , dont les Cérémo
feulement
rétabli. nies avoient été interrompuës pendant les Guerres de Phi-
lippe de Valois , fut retabli par le Roi Jean fon fils. Dans
le Chapitre qui ſe tint au Palais de Clichy l'an 1356. le
Roi fit 18. Chevaliers , entre lefquels étoient Philippe de
France , Duc d'Orleans , fon frere ; Charles de France,pre-
mier Dauphin de Viennois ; Louis Duc d'Anjou , & plu-
fieurs autres Princes & Seigneurs.

Charles Il entra , ( a ) dit-on , tant d'indignes Sujets dans cet


V.ni Char- Ordre durant la confufion des Guerres Civiles , que les
les VII. Princes & les grands Seigneurs s'en étant plaints au Roi
cet Charles V. ou du moins à Charles VII . il abolit cet Or-
n'ont pas
aboli
Ordre. dre. Ayant affemblé le Chapitre au Palais de Clichy l'an

1455. il tira le Collier qu'il portoit , & le mit au col du Ca-


pitaine du Guet de nuit , & l'appella Chevalier du Guet ,
ordonnant qu'à l'avenir il porteroit cette marque de l'Or-
dre de l'Etoile , & que les Hoquetons des Archers du Guer

( a) Hermant , ibidem. Mezeray,Hift. I deFrance, Tom. II. pag. 430.


fur la Chevalerie. Liv . I. Differt . VII . 125
auroient devant & derriere une Etoile blanche en broderie.
Cette Hiftoire n'eft fondée que fur une erreur populaire,
qui fe détruit aifément par les anciens titres , comme nous
le prouverons dans la fuite. A l'égard de Charles V. s'il
eût aboli cet Ordre , Louis de France, Duc d'Orleans fon
fils, n'en eût pas porté le Collier ; & fi le Roi Charles VII.

eût fi fort meprifé cet Ordre en 1455. il ne l'eût pas donné


au Prince de Navarre , Gafton de Foix fon Gendre , l'an

1458. L'on n'auroit pas non plus mis à Paris une Image de
la Ste Vierge avec un piedeftral , où étoit un Ecu d'azur à
une Etoile d'or , fur la porte de SaintMarceau rebâtie tout
à neuf l'an 1461. auquel déceda Charles VII .
L'Ordre des Chevaliers de Saint Cofme & de Saint Da- Ordre des
Chevaliers
mien dans la Paleſtine fut inftitué l'an 1030. ( a ) par plu-
de Saint
fieurs perfonnes de pieté,qui fonderent des Hôpitaux à Je- Colme &
Saint
rufalem , & dans d'autres Villes pour les malades , envers de Damien.
lefquels ces Chevaliers exerçoient toutes fortes d'œuvres de
charité. Cet Ordre eft tombé , à mesure que les affaires de
la Chrétienté ont été ruinées en Syrie. Ces Chevaliers
portoient la Croix rouge , & les Images de Saint Cofme
& de Saint Damien renfermées dans un cercle.
Garcias , Roi de Navarre I V. du nom , furnommé Ordre de
Nagera , parce qu'il avoit été nourri dans cette Ville , inf- Notre- Da-
titua l'Ordre de Nôtre-Dame du Lis , à l'exemple de Ro- medu Lis.
bert , Roi de France , qui avoit érigé l'Ordre de l'Etoile ,
en l'honeur de la Sainte Vierge. Dans le tems que Gar-
cias étoit malade à l'extremité , une Image miraculeufe
de cette Sainte Mere de Dicu fut trouvée dans un Lis à Na-

gera. Le Roi ayant recouvré la fanté dans le même tems ,


il attribua fa guerifon à la Sainte Vierge. Pour marquer
fa reconnoiffance pour ce bienfait , il fonda l'an 1048. l'Or-

(a)Ily en a qui croyent que cetOrdre Traité de la Nobleffe , chap. 123. An-
eft plus recent , ce qui eft le plus vrai - dreas Mendo , Jofephus Michci , le
femblable. Il fut confirmé par le Pape P. Heliot , Hift. des Ordies , premiere
Jean XXII. en 1410. qui ordonna à ↑ Partie , chap. 34. Villemont , Elemens
ces Chevaliers de fuivre la Regle de de l'Hiftoire , Tom . III . Liv. 7. chap. I.
Saint Bafile. Plufieurs Auteurs font art. 5. Hermant , chap. 9. Favin , Thea-
mention de cet Ordre. De la Roque , tre d'Honneur , & alii.
Qiij
126 Differtations Hiftoriques & Critiques
dre Militaire de Sainte Marie du Lis. Le Roi s'en declara

Grand - Maître , & fes fucceffeurs. Les Chevaliers qui


étoient au nombre de 38. s'engageoient par un vou fo-
lemnel d'expofer leurs biens & leurs vies pour le bien de l'E-
tat, & pour combattre les Maures. Prefque tous les Auteurs
qui ont traité des Ordres Militaires , font mention de ce-
lui-ci ; comme Favin , Juſtiniani , Tamburin , Andreas
Mendo , Micheli , Hermant , & plufieurs autres.
Le Collier des Chevaliers étoit fait de Chaînes entre-

laffées de plufieurs MM . Gottiques , d'où pendoit dans une


ovale clechée un Lis d'or émaillé de blanc , fortant d'une
terraffe de finople , & furmonté d'une grande M. couronnée.
Les Chevaliers étoient obligez de recevoir les Sacremens
certains jours de l'année , & de dire tous les jours cinq fois
le Chappelet , compofé de cinq Dixaines , & quelques au-
tres Prieres.

Ordre de L'Ordre du Mont Sinaï , ou de Sainte Catherine dans

Sainte Ca- la Paleſtine , fut fondé par quelques Gentilshommes. On


therine.
ne fçait pas préciſement le tems de fon Inftitution. Plu-
fieurs Ecrivains la mettent vers l'an 1065. Ces Chevaliers
( a) étoient deftinez pour garder le Sepulchre de Sainte
Catherine au Mont Sinaï , & pour veiller à la fûreté des
Pelerins , qui alloicnt vifiter le Sepulchre de Nôtre Sei-
gneur. Les Caloyers & Religieux Grecs conferoient cet
Ordre aux Pelerins, qui venoient au Mont Sinaï. Le Supe-
rieur des Caloyers les faifoit Chevaliers de cet Ordre fur
le Sepulchre de la Sainte. Cet Ordre ne fubfifte plus. La
marque de cette Chevalerie étoit une Rouë à demi rom-
puë , avec une Croix teinte de fang. Voilà ce qu'on peut
dire de plus vrai-femblable touchant les Ordres de Ĉhe-
valerie , qui ont précedé les Croifades.
Ordre de Il y en a ( 6 ) qui prétendent, que l'Ordre Militaire &

toine. An- & Hofpitalier de Saint Antoine fut établi en Ethiopie vers
Saint

( a ) Dela Roque , Vallem. ' Hermant , IX. 1668.


Jofeph Michel, fuftiniani. Quarefm . Elu- (b ) Andreas Mendo , Du Peyrat , Her-
cidat.Terre Sanita , Tom I. Lib. 2. cap. mant, Vallemont , Juftiniani , Schoonebek ,
62. Favin , Theatre d'Honneur , Liv. II. &c.
furla Chevalerie. Liv . I. Differt . VII . 127

l'an 370. pour combattre les Ennemis de la Foy Chrêtienne,


& pour affermir l'Etat. On attribuë cette Inſtitution à un

Prince d'Ethiopie nommé Jean , à qui les Empereurs qui


lui ont fuccedé , font redevables du nom de Preftre-Jean
qu'ils portent. On donna à cet Ordre la Regle de Saint Ba-
file, & il fut approuvé par Saint Leon. On ajoûte que la
Ville de Morée , fituée dans une Ifle formée au milieu du
Nil , eft la demeure du Grand-Maître. Ces Chevaliers , s'il
en faut croire ces Ecrivains , font vocu de facrifier leur
vie pour la Religion Catholique , de procurer l'avance-
ment de l'Eglife Romaine , d'obferver les décifions du Con-
cile de Florence tenu fous le Pape Eugene , de ne faire
jamais la Guerre aux Chrêtiens. Ils font obligez de fournir
trois mille Chevaliers à l'Empereur , lorfqu'il eft contraint
de faire la Guerre. Cet Ordre , dit-on encore , poffede de
grands biens , qui montent à plus de deux millions , fans
y comprendre d'autres droits. On en raconte d'autres
chofes qui paroiffent fort fufpectes , & mêmes fabuleufes
aux perfonnes habiles en cette matiere.
Jean Baltazar Abyffin , Chevalier de l'Ordre de Saint L'Hiftoire
Or-
Antoine d'Ethiopie, a fait l'Hiftoire de cette Milice, & elle a de cet-
été traduite en Eſpagnol , & en nôtre Langue , en 1632. bulcufe.
Quoique cette narration foit certainement remplie de fa-
bles , cela n'a pas empêché que les Ecrivains que nous
avons cité, n'en ayent tiré plufieurs chofes. Abraham Echel-
lenfis refute cette Hiftoire dans fa Préface fur la Regle de
Saint Antoine. Ce fçavant Maronite regarde comme une
pure fable l'Hiftoire de ce Chevalier Abyffin : Deus bone ;
ac immortalis , s'écrie Echellenfis , quæ mendacia , quæ fom-
nia , quæ commenta eo in libello fub nomine miferi ejus Æthio-
pis conficto non continentur ! Ce Livre porte pour titre : Fon-
dation , vie , & Regle des Chevaliers de l'Ordre de Saint An-
toine en Ethiopie .

S'il en falloit croire quelques Auteurs , ( a ) il faudroit Ordre de

mettre l'Ordre de Saint Jacques de l'Epée parmi les Mili- Saint


ques deJac-
l'E-
pec.
(a ) Tambur. de jure Abb. Tom. II. I Difp. 24. q. 4.
128 Dissertations Hiftoriques & Critiques

ces de Chevalerie Chrétienne , qui ont precedé les Croi-


fades . La fameufe journée de Clavis , dit-on , en laquelle
Dom Ramir , Roi de Caftille , défit entierement les Mau-
res,l'an 846. fit former le deffein à ce Prince d'ériger l'Or-
dre de Saint Jacques de l'Epée , en reconnoiffance du fe-
cours que cet Apôtre donna à l'Armée Chrétienne. On ra-
conte que ce grand Protecteur de l'Efpagne parut vifible-
blement dans l'Armée , combattant un Etendart à la main ,
fur lequel il y avoit pour dévife une Epée rouge, difpofée

en forme de Croix . Mais nous ferons voir dans la fuite , que


cet Ordre n'a pris naiffance que vers la fin du XII .
fiécle.

ARTICLE II.

Des Ordres de Chevalerie Chrétienne depuis le


XII. fiécle.

Na fondé parmi les Princes Chrétiens depuis le


O XII . fiécle , un fi grand nombre d'Ordres de Che-
valerie Chrétienne , qu'on feroit un volume entier , fi l'on
entreprenoit de les recueillir. La plupart de ces Nobles So-
cietez ayant perdu l'éclat qu'elles avoient du tems de leur
premiere Inftitution , étant fort negligées , ou tout-à-fait
éteintes, je me contenterai de parler ici des principaux Or-
dres de Chevalerie qui ont fleuri , ou qui fleuriffent en-
core dans les Etats les plus confiderables de l'Europe. Com-
mençons par la France,
L'Ordre L'Ordre du Navire , dit d'Outre-mer , & du double
du Navire, Croiffant , eft la premiere Chevalerie Chrétienne qui ait
ou du dos-
ble Croif- été érigée en France depuis les Croifades. Saint Louis l'inf
Lant. titua l'an 1262. dans la feconde expedition d'Afrique, pour
encourager la Nobleffe Françoife à faire le voyage d'ou-
tremer , dans le deffein d'aller faire la Guerre aux Infi-

delles , & de planter dans leur Païs la Religion Chrétienne.


Les
Jurla Chevalerie. Liv . I. Differt. VII . 129

Les Chevaliers s'obligeoient par ferment de prendre les in-


terêts de l'Eglife. Tout cela nous eft reprefenté dans le Col-
lier de cet ordre. Il étoit fait de doubles Coquilles entre-
laffées, & de doubles Croiffans auffi entrelaffez & paffez en
fautoir , & au bas du Collier pendoit un Navire. Les Co-
quilles reprefentoient la Guerre , & le Port d'Aigues-mor-
tes , où il falloit s'embarquer ; les Croiffans fignifioient que
c'eftoit pour combattre les Infidelles qui fuivoient la Loi
de Mahomet, qui porte pour Armes un Croiffant. Le Na-
vire marque le trajet de la mer , & le voyage qu'il falloit faire
pour une fi glorieuſe entrepriſe.
Il y a eu en France un autre Ordre de Chevalerie L'Ordre

fondé en 1464. ou 1448. par René d'Anjou , Roi de Je- du Croif-


fant.
rufalem , & de Sicile. Cet établiffement fe fit en la Ville

d'Angers , en l'honneur de Saint Maurice , pour le foûtien


de la Foi , l'augmentation de la Sainte Eglife , & la gloire
de fes Etats. Le premier des Statuts de cet Ordre étoit, que
nul n'y pouvoit être recû , ni porter les marques de l'Ordre,
s'il n'étoit Duc , Prince , Marquis , Comte , Vicomte , ou
iffu d'une ancienne Chevalerie , & Gentilhomme de qua-
tre lignes. Les Chevaliers qui étoient 36. portoient pour
marque un Croiffant d'or , fur lequel étoit gravé ce mot
LOZ , qui fignifioit loz en Croiffant. A ce Croiffant , qui
étoit fufpendu par trois Chainettes au Collier , fait d'une
Chaine d'or à trois rangs , on y reconnoiffoit la valeur & la
generofité des Chevaliers , parce que l'on y attachoit au-
tant de petits bâtons d'or façonnez en colomnes , ou ferrets
d'éguilettes d'or , qu'ils s'étoient trouvez à des Batailles , des
Mines , ou des Sieges de Villes.
Pendant que les Anglois affiegeoient Orleans en 1428. Ordre de
on dit que l'Arc
hange Saint Michel parut vifiblement fur S. Michel.
le Pont de cette Ville , & qu'il mit en déroute l'Armée En-
nemie. ( a ) Charles VII . en mémoire d'un fi grand bien-

(a) Aprés cette apparition de Saint I fes tirées du Prophete Daniel : Ecce
Michel für le Pont d'Orleans, Charles Michaël unus deprincipibus primis venit in
VII.prit pour fon Oriflamme l'Image in adjutorium meum . Nemo adjutor meus
de cet Archange , avec ces deux Devi- in omnibus,nifi Michaë! Princeps nofter.
R
130 Dißertations Hiftoriques & Critiques
fait, promit à Dieu, que dès qu'il auroit la paix dans fon
Royaume , il inſtituëroit un Ordre de Chevalerie fous la
protection de Saint Michel.
Inftitué Le Roi Charles n'ayant pû executer ce deffein , Loüis
par Louis XI . fon fils après avoir aboli l'Ordre
de l'Etoile , inftitua à
XI.
Amboife l'Ordre de Saint Michel , le premier Aouft 1469.
Nous , dit ce Roi dans l'Acte de l'Inftitution de cet Or-
59
dré , à la gloire & à la loüange de Dieu Nôtre Createur
29
"" Tout-Puillant, & reverence de la Glorieuſe Vierge Marie
,, & à l'honneur de Saint Michel , premier Chevalier ....
En nôtre Château d'Amboiſe , avons conſtitué , créé
‫دو‬
,, & ordonné , & par ces Prefentes conftituons , créons &

"" ordonnons un Ordre de Fraternité , ou aimable Compa-


,, gnie de certain nombre de Chevaliers , lequel Nous vou-
lons foit nommé l'Ordre de Monfieur Saint Mi-
?> que
chel Archange , & fous la forme , conditions & Statuts , H
"
ces & Articles cy-après écrits. " Ces Statuts
23 Ordonnan
font compris en 74. Articles , dont le premier porte qu'il
n'y aura que 36. Gentilshommes , dont le Roi fera Chef.
Le Collier eft compofé de Coquilles entrelaffées l'une
avec l'autre d'un double lacs , affifes fur des mailles d'or , au

milieu duquel pend ſur la poitrine l'Image de Saint Mi-


chel.
Cet Ordre fut celebre fous quatre Rois. Mais étant de-
Il a été
celebre venu venal & trop commun , fous le Regne de Henri II .
fous plu- les Seigneurs ne voulurent plus y entrer. Henri III. fans
Geurs Rois. anéantir cet Ordre , qui fubfifte encore , inftitua celui du

Saint Efprit. Tous les Chevaliers de cet Ordre prennent


celui de Saint Michel,la veille du jour qu'ils doivent rece-
voir celui du Saint Efprit. C'est pourquoi leurs Armes font
entourées de deux Colliers , & ils font appellez Chevaliers
des Ordres du Roi.
De tous ceux qui avoient reçû l'Ordre de Saint Michel
fans être de l'Ordre du Saint Eſprit , le Roi Louis le Grand
en 1665. en choifit & retint une centaine , à la charge de
faire preuve & de leur Nobleffe & de leurs fervices. Les Che-
valiers de Saint Michel portoient fur l'eftomach une Croix
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt . VII . 131

blanche. Il y avoit au milieu un Saint Michel,dépeint fou-


lant aux pieds un Dragon.
De tous les Ordres de France , & peut-être même de Ordre du
Saint Ef-
toute l'Europe , il n'y en a point de plus celebre , foit pour
prin
la majefté des Céremonies , foit pour la magnificence des
habits , que celui du Saint Efprit , inftitué par Henri III .
l'an 1578. ( a ) Cet Ordre eft une marque éternelle de la
pieté & de la reconnoiffance , que ce grand Roi defiroit
rendre à Dieu pour les bienfaits qu'il en avoir reçûs au jour
de la Pentecôte , ayant , dit- on , en pareil jour pris naif-
fance , été élû Roi de Pologne , & fuccedé à la Couronne
de France .
Il eft certain qu'Henri III. nâquit le dix- huitiéme jour
de Septembre , de l'an 1551. Ainfi il n'a pas inftitué l'Or-
dre du Saint Efprit , parce qu'il étoit né le jour de la Pente-
côte. Cette erreur populaire eft fondée fur des vers Latins ,
qu'on lit dans la premiere vitre du Choeur des Cordeliers
de Paris. Voicy ces vers :

Hocce die , quo almus Cælo defcendit ab alto

Spiritus;inflammans peltora Apoftolica,

Erricus Franco ter maximus ortus in orbe eft 5

Electus populi Rex quoque Sarmatici;


Et Rex Francorum , Carlofucceffit amori :

Ipfe amor , & Franci delicia populi.

On voit dans les Statuts de cet Ordre , les principaux mo--

(a) Il y ades Auteurs qui rappor- tenu de faire chanter fept Meffes pour
tent l'origine de l'Ordre du Saint Ef- le Chevalier trépaffé. De laRoque,Trai-
prit à Louis d'Anjou , Roi de Jerufa- té de la Nobleffe , chap. 113. On dic
lem & de Sicile. Ce fut , dit-on, l'an qu'Henri III. revenant de Pologne,on
1352. qu'il fut créé à Naples au Châ- lui fit voir à Venife la Conftitution de
teau de l'Oeuf, pour trois cent Che- Louis d'Anjou , par laquelle on voit
valiers. Les Statuts de cet Ordre , qui que ce Prince avoit inftitué l'Or-
font au nombre de 25. portent que dre du Saint Efprit. M. le Laboureur
les Chevaliers étoient obligez de jeu- nous a donné une copie de cette
ner le Jeudy , de n'entreprendre au- Conftitution , dans le fecond Tome
cun long voyage fans le congé du de fes Additions , aux Memoires du
Prince que chaque Chevalier étoit fieur Caftelnau.
Rij
132 Dißertations Hiftoriques & Critiques
tifs qu'eût Henry III . de créer ce nouvel Ordre : fçavoir
pour rendre graces à Dieu de ce qu'il l'avoit préfervé des
nouvelles Hérefies qui troubloient l'Eglife ; pour fortifier &
maintenir la Foi & la ReligionCatholique.Henri III . fe de-
clara Chef Souverain de cet Ordre , & en unit pour jamais
la Grande Maîtriſe à la Couronne de France.
On fit la La premiere Céremonie fe fit le premier jour de Jan-
premiere vier de l'an 1579. en l'Eglife des Auguftins de Paris. Le
Céremo nombre des Chevaliers a été limité à cent , qui doivent
nie en1579.
être Nobles de trois Races. On ne comprend pas dans ce
nombre les Ecclefiaftiques , qui font quatre Cardinaux , &
quatreEvêques ou Prelats, avec leGrand Aumônier de Fran-
ce , & les Officiers , qui font le Chancelier , le Prevôt &
Grand Maître des Céremonies , le GrandThréforier , & le
Greffier. Il y a auffi un Heraut Roi d'Armes & un Huiffier.
Henri III. donna auxChevaliers le titre de Commandeurs,
parce qu'il avoit refolu à l'exemple des Rois d'Efpagne , de
leur attribuer à chacun une Commanderie , fur le revenu

des plus riches Benefices. Mais comme le remarque Meze-


ray ( a ) nile Clergé de France,ni le Pape ne voulurent pas
y confentir. Les Chevaliers neanmoins ont toûjours gardé
ce nom , & le Roi leur donne aujourd'hui de ſes Coffres ,
mille écus par an.

Les Statuts de cet Ordre comprennent 93. Articles .


Nous rapporterons dans la fuite , ce qu'il y a de plus re-
marquable dans les Statuts de cet Ordre, Le Roi Louis
XIII. fit pour les Ordres de Saint Michel & du Saint Ef-

prit de très-belles Ordonnances données à Paris en Jan-


vier 1629. & publiées au Parlement le 13. du même mois.
Collier Le grand Collier de l'Ordre , eft à prefent compofé de
des Cheva- fleurs de lys cantonnées de flammes , d'H couronnées ,
liers du
Saint Ef- auffi cantonnées de flammes , & de trophées d'Armes , &
pri au bout pend une Croix à huit pointes,toute d'or, émaillée
de blanc par les bords, avec une fleur de lys aux quatre an-
gles , & au milieu une Colombe ; de l'autre côté de la

( a ) Mezeray , Hiftoire de France, I Tom . III . pag . 475 .


fur la Chevalerie. Liv . I. Differt. VII . 133
Croix eft une ovale, où eft reprefentée l'Image de Saint Mi-
chel , foulant aux pieds le Dragon , parce que les Cheva-
liers du Saint Efprit le font auffi de l'Ordre de Saint Mi-
chel. Les Chevaliers portent toûjours la Croix de l'Or-
dre , penduë au côté gauche , attachée à un Cordon bleu
celefte , mis en façon de Baudrier ; & fur les Habits & les
Manteaux ordinaires la même Croix de broderie d'argent.
-
Les Prelats Chevaliers du Saint Efprit portent laCroix pen-
duë par devant.

L'Ordre de la Toifon d'Or , ( a) eft le plus illuftre qui foit Ordre de


la Toifon
maintenant en Efpagne. Cet Ordre fut inftitué à Bruges , d'Or.
le 10. Janvier 1429. par Philippe II . dit le Bon , Duc de
Bourgogne , durant les folemnitez de fon mariage avec
Ifabelle de Portugal, fille du Roi Jean . Cet Ordre fut établi
fous l'invocation de Saint André , pour 24. Chevaliers Gen-
tilshommes de nom & d'Armes , & depuis augmenté jul-
qu'à 31. Charles-Quint , dans un Chapitre General tenu à
Bruxelles en 1510. en fixa le nombre à 51. Mais le nombre
de ces Chevaliers s'eft beaucoup augmenté depuis.
A la tête des Lettres Patentes de cette Inftitution , on Motifs
de fonder
voit les motifs qui exciterent ce Duc de Bourgonne à éri- cet Ordre.
сс сс
ger cet Ordre. Philippe par la Grace de Dieu , &c. A
сс
la louange de Nôtre- Seigneur , & en réverence de fa Glo-
сс
rieufe Mere la Vierge Marie , & à l'honneur de Saint
André nôtre Patron , pour l'avancement de la Foy , & «
сс
fervice de l'Eglife Catholique , & pour exciter un cha-
cun à bien vivre , & vertueufement , avons ordonné & «
créé , ordonnons & créons l'Ordre , &c. « Ce Prince de-
& c. «
clara que lui & fes Succeffeurs en feroient les Grands-

Maîtres. Le Roi Catholique en eft aujourd'hui le Chef.


Les Statuts contiennent quatre-vingt quatorze Articles.
Collier
Le Collier de cet Ordre eft d'or , compofé de doubles fu- de cet Or-
Of
dre.

(a ) On dit que cet Ordre porte de de Gedeon , qui avec 300. hommes
ce nom , en mémoire de la Toifon du combattit & défit les groffes Troupes
Mouton , qui fauva Phryxus , & de la des Madianites ; & délivra le peuple
Conquête des Argonautes à Colchos, d'Ifraël.
conduits par Jafon : ou en mémoire
R iij
134 Differtations Hiftoriques & Critiques
zils , entrelaffez en forme de B avec des cailloux étincel-
lans de rais & de flammes. La Deviſe eſt : Ante ferit,quam
flamma micet : Il frappe avant que la flamme paroiffe. On
met au bout de ce Collier un Mouton ou Toifon d'Or

avec ces mots : Pretium non vile laborum. Cet Ordre qui
eft fous la Protection de Saint André , eft fort eftimé ,
& on n'y reçoit ordinairement que les Princes ou Grands
d'Efpagne ; ou il faut avoir merité cet honneur par de

grands fervices rendus à l'Etat. Cet Ordre eft aujourd'hui


commun à tous les Princes de la Maiſon d'Auftriche , def-
cendus de Marie de Bourgogne , fille de Charles le Hardy ,
Duc de Bourgogne.
L'Ordre Ferdinand , Infant de Caftille , Prince de Pegnafiel
de la Jara , qui fut enfuite Roi d'Arragon , pour conferver la me-
ou la
de du Vale moire de la Conquête qu'il avoit faite fur les Maures, & de la
Sainte
Vierge. priſe de la Ville & du Château d'Antequerra , qui paffoit
pour imprenable ; pour recompenfer les fervices que
les Grands du Royaume lui avoient rendus dans cette vic-
toire; & pour les exciter à faire de grandes actions ; inf-
titua l'an 1310. l'Ordre Militaire de la Jara , ou du Vafe de
la Sainte Vierge. Les Chevaliers de cette Milice faifoient fer-
ment de foûtenir la Foi & la Religion , & d'expofer leur
vie pour chaffer les Maures du Royaume. Ils étoient auffi

obligez de proteger les veuves & les orphelins. Le Collier


étoit compofé de pots à bouquets pleins de Lys , entrelaffez
de Griffons. Au bout pendoit une cvale , où étoit l'Image
de la Sainte Vierge , avec l'Enfant Jefus.
Ordre du L'Empereur Sigifmond de Luxembourg , l'an 1 4 1 8.
Dragon après la célebration du Concile de Conftance , où il donna
renverfé.
de fi illuftres témoignages de fon zele & de fa pieté , fonda
l'Ordre du Dragon renverse. Le fujet de cette Inftitution
fut l'anathême contre les erreurs de Jean Hus , & de Hie-
rôme de Prague , & la condamnation de leurs perfonnes ,
que Sigifmond repreſentoit comme un Dragon défait.
Les Chevaliers de cet Ordre portoient tous les jours une
Croix fleurdelifée de verd. Aux jours folemnels , ils fe pa-
roient d'un Manteau d'écarlatte, & d'un Mantelet de foye
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt. VII. 135
verte. Le Collier de l'Ordre eftoit fait de deux tortis à dou-
bles chaines , avec des Croix Patriarchales ; au bout pen-
doit un Dragon renversé aux aîles abbatuës, émaillées de
diverfes couleurs. Les Chevaliers de cet Ordre s'enga-
geoient à prendre la défenfe de la Religion Catholique , &
a faire une Guerre irreconciliable à fes cruels ennemis. Cet

Ordre ne fubfifte plus.


L'Ordre des Chevaliers de Cypre , ou de l'Epée , (a ) eft Ordre de
Cypre , ou
un effet du zele de Guide Luzignan , Roi de Cypre & de de l'Epée.
Jerufalem. La premiere Céremonie de ce celebre Inftitut
fe fit le jour de l'Afcenfion , l'an 1195. Pendant que PIL

luftre Maiſon de Luzignan a été en poffeffion de l'Ifle de


Cypre , cet Ordre a fubfifté , & a été floriffant. Amaury
frere de Guy , & Connêtable de Cypre , fut le premier qui
reçût l'honneur de cette Chevalerie , & enfuite trois cens
Barons qui furent établis pour foûtenir ce nouveau Royau-
me, prirent le Collier de cet Ordre.

Ce Collier étoit compofé de Cordons ronds de foye Collier de


blanche , liez en lacs d'amour , entrelaffez des lettres R & S cet Ordre.

formées d'or. Il y en a qui prétendent que ces deux let-


tres fignifient Regium filentium , parce que cet Ordre fut
Royal , & qu'on l'appelloit l'Ordre du Silence : d'autres
les interpretent Regium fecretum. Au bout du Collier pen-
doit une ovale où étoit une Epée , ayant la lame émaillée
d'argent , la garde croifetée & fleurdelifée d'or , & pour
dévife , Securitas Regni , qui eft fans doute la veritable figni-
fication des deux Lettres R & S.

Le Connêtable du Royaume , ou en fon abfence le plus


ancien Baron Chevalier , conferoit cette haute dignité . Le
ferment que faifoient les Chevaliers , eft exprimé dans la

Harangue que fit Guy de Luzignan , le jour de la premiere


Céremonie en l'Eglife de Sainte Sophie, Cathedrale de Ni-
cofie. Ce ferment contient en fubftance , que l'on donne le
Collier de l'Ordre de l'Epée , parce qu'on efpere que ce-

( a) Favin , Theatre d'Honneur , Ber- valerie, chap. 28. Mennenius, delicia E-


nard Juftiniani , Hiftoria di tuti gli Ord. queftris Ordinis. Heliot , Hift. des Ord.
Mil. Hermant , Hift. des Ord. de Che- des Relig. I. Part. chap. 36.
136 Differtations Hiftoriques Critiques
lui qui le reçoit , s'employera pour le maintien de l'Eglife
Catholique , Apoftolique & Romaine , le fervice du Roi ,
le foûtien de la juftice , la protection & la défenſe des
veuves & des orphelins , & la tranquillité du peuple.
Ordre des Il y a eu depuis long-tems en Angleterre des Chevaliers

Chevaliers
du Bain. des Bains : ( a ) Ils portoientice nom , parce qu'avant d'être
honorez des Eperons dorez , qui étoit la marque de la Che-
valerie , ils fe baignoient , veilloient à l'Eglife , & fe con-
feffoient pour être purs & nets d'ame & de corps. Guil-
laume Camden en rapporte l'origine en cette forte.
Henri IV . Roi d'Angleterre, étant au Bain , fut averti
par un Chevalier qu'il y avoit deux femmes qui lui deman-
doient juftice. Ce Prince fortit incontinent du Bain , difant
qu'il falloit préferer la juftice , qu'il étoit obligé de rendre
à fes Sujets , à la recréation du Bain. En mémoire de ce
fait , il érigea l'Ordre du Bain , vers l'an 1400.
11 femble que cette Inftitution eft plus ancienne. Jean
Froiffard rapporte, que Richard II . Roi d'Angleterre, fur
lequel Henri IV. ufurpa la Couronne , ayant conquis l'Ir-
lande , & foumis à fon obéïffance quatre petits Rois , qui
y regnoient , les fit tous quatre Chevaliers du Bain , le 28.
de Mars dans la Cathedrale de Londres. Il eft vrai qu'Hen-
ri IV. ayant fait 46. Chevaliers avant fon Couronne-
ment , donna un nouveau luftre à cet Ordre , mais il ne
l'inftitua pas .

La marque de ces Chevaliers étoit l'Ecu de foye bleüe ce.


lefte en broderie , chargé de trois Couronnes d'or , avec ces
mots , Trois en un , qui fignifient la Foi , l'Esperance , & la
Charité , qui doivent faire l'ornement d'un Chevalier
Chrêtien. On ne trouve pas que les Chevaliers de cet Or-
dre fuffent employez à la défenſe de la Religion ; ainfi il
femble qu'il appartient plûtôt à la Chevalerie Honoraire
Civile. Depuis que l'Angleterre a changé de Religion , cet
Ordre eft tombé dans l'oubli.
Ordre de
Saint Gal , L'Abbé de Saint Gal , & la Nobleffe du Païs des Suifles ,
ou de
Fours.
( a ) Favin, Theatre d'Honneur, Tom . III . Liv . 4. pag. 1034.
ayant
furla Chevalerie. Liv . I. Differt. VII . 137
ayant rendu de grands fervices , Frederic II . lorfqu'il fut
élu Empereur , & mis à la place de l'Empereur Othon
IV . l'an 1213. ce Prince en reconnoiffance inftitua l'Or-
dre des Chevaliers de l'Ours , ou de Saint Gal. Cette Cheva-
lerie fut mife fous la protection de Saint Urfe , un des Sol-
dats de la Legion Thebaine , martyrifé devant le Temple
du Soleil à Soleurre. Ces Chevaliers portoient un Collier
d'une Chaîne d'or , & une autre Chaîne faite de feuilles
de Chêne qui entouroit la premiere , au bout defquelles
pendoit un Ours d'or émaillé de noir , fur une terraffe
émaillée de finople. Frederic ordonna que cet Ordre feroit
conferé par les Abbez de Saint Gal , comme le marque le
Diplome de fon Inftitution . Les Chevaliers s'engageoient
par vou à défendre la Foi & la Religion contre les Infi-
delles. Cet Ordre ne fubfifte plus , depuis que les Cantons
Suiffes fe font fouftraits de l'obéïffance de la Maifon d'Auf-
triche.

Je ne dois pas oublier ici l'Ordre des Chevaliers de la Mi- Ordre de


lice Chretienne , ou l'Ordre Militaire de la Conception , fondé la Milice
Chréti en-
fous la protection de Nôtre- Dame , & de Saint Michel. ne.
Charles de Gonzagues de Cleves , Duc de Nivernois &
Rhetelois , Pair de France , l'inftitua l'an 1618. en la Ville
d'Olmitz . L'année fuivante plufieurs Seigneurs reçûrent
cet Ordre à Vienne en Auftriche. Les deux principaux
préceptes de la Loi Evangelique , font le fondement de
cette Milice Chrêtienne : Aimer Dieu de tout fon cœur , de

toute fon ame , & fon prochain comme foi-même. La fin de


cet Ordre eft de procurer la paix & l'union entre les Prin-
ces & les peuples Chrêtiens, & de délivrer des mains des In-
fidelles les Chrêtiens qui gemiffent fous leur tyrannie.
Les Statuts de cet Ordre contiennent 25. Articles. Il eſt Statuts de
dit dans le VII . qu'il fera compofé d'un Chef , de douze cet Ordre.
Grands - Prieurs , de 72. Grands - Croix , de Comman-
сс Il eft ordonné dans l'Article XII.
deurs & de Chevaliers. «

que cet Ordre aura pour marque deux Croix , l'une d'or «
ec
émaillée de bleu ; ayant d'un côté l'Image de Nô-
tre- Dame , tenant N. S. entre fes bras , & de l'autre côté "
S
138 Dißertations Hifloriques & Critiques
" celle de Saint Michel. Cette Croix doit être portée au col ,
avec un ruban de foye bleie & or , large de trois doigts.
» L'autre marque des Chevaliers , doit être de velours bleu
>> en broderie d'or , dans le milieu de laquelle eft l'Image
» de la Sainte Vierge , environnée de ' douze étoiles , por-
tant N. S. entre fes bras , un Sceptre à la main droite ,
» & un Croiffant fous les pieds. Au tour de cette marque ſe-
ra le Cordon de Saint François, & fortiront des quatre an-
»gles de ladite Croix des flammes d'or.

Les perfonnes de toutes fortes de Païs peuvent être reçûs


dans cet Ordre , ( a ) pourvû qu'ils ayent les qualitez ne-
ceffaires. 19. Il faut être de bonnes mœurs , fans repro-

che , ni note d'infamie , ni chargé de dettes. 2 °. Qu'on foit


né en legitime Mariage , excepté les enfans naturels des
Empereurs , des Rois & des Princes Souverains. 3º. Il
faut être Noble de quatre Races , ou être General d'Ar-
mée , ou prouver que fon pere l'a été , & qu'il eft par-

venu à quelque éminente dignité par fon merite , & par


fa valeur. Dans l'Article XIX. il eft marqué que dans les
douze Grands-Prieurez , on érigera une Academie pour
l'inftruction de 25. jeunes Chevaliers. Après y avoir de-
meuré au moins trois ans dans la pratique de la vertu , &
avoir appris les Sciences , & fait les exercices qui convien-
nent à leur état , ils feront obligez d'aller faire leurs Ca-
ravanes fur les Vaiffeaux de l'Ordre.

Le Pape Urbain VIII . confirma cet Ordre en 1624. &


lui accorda de grands Privileges. Quoique les Chevaliers
fuffent mariez , ils pouvoient poffeder des Benefices à fim-
ple Tonfure , pourvû qu'ils n'excedaffent pas la fomme de
trois cens écus. Ce Noble Inftitut eft prefqu'entierement
anéanti.
L'Ordre La Suede a auffi donné un Ordre de Chevalerie Chrê-

du nom
Jefu de tienne. L'an 1334. Magnus IV. Roi de Suede , inftitua
s , ou
des Sera- l'Ordre du Nom de Jefus , ou des Seraphins , pour défendre
phins. fes Etats des incurfions & des ravages que les Barbares

(a ) Statuts de cet Ordre,art. II. III. ¦ litaires , imprimé à Paris en 1626.


IV. V. Traité de l'origine des Ordres Mi-
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt . VII . 139
faifoient continuellement dans fon Païs. Les Chevaliers de
cet Ordre rendirent de grands fervices à la Religion , en
empêchant les Héretiques d'y femer leurs mauvaifes doc-
trines. Sur la fin du dernier fiécle , les erreurs de Luther
s'étant repanduës dans ce Royaume , & Charles , pere du
Grand Guſtave, s'étant rendu protecteur de l'herefie , cet
Ordre y fut aboli avec la Religion Catholique.
Le Collier de cet. Ordre étoit compofe de Seraphins Collier de
émaillez de rouge & de croix Patriarchales d'or ( en me- cet Ordre.
moire du Siege Patriarchal d'Upſale ) attachées par deux

rangs de chaînons : au bout du Collier étoit fufpenduë unë


ovale à un nom de Jefus , repreſenté par ces lettres IHS ,
& une croix fupportée d'un trait traverfant de l'H d'or ,
fur un champ émaillé d'azur , au-deffous quatre cloux
émaillez de blanc & de noir.
Plufieurs Ordres de Chevalerie Chrétienne ont eſté inf- L'Ordre

tituez en Italie , mais fur tout à Rome. Le premier qui fe ge de S.Geor-


fondé
prefente, eft celui de Saint George , fondé l'an 1498. par le par Ale-

Pape Alexandre VI . natif de Valence en Eſpagne , d'u- xandre VI.


ne très-illuftre famille. La fin des Chevaliers de cet Ordre

étoit de défendre l'Eglife contre les ennemis de la foi. Ils


portoient une croix d'or entourée d'un cercle fait en cou.
ronne auffi d'or. Cet Ordre prit fin avec la vie de ce
Pape.
Le Pape Leon X. de la Maiſon de Medicis,fonda l'Ordre L'Ordre
de Saint Pierre l'an 1520. Les Chevaliers de Saint Pierre de S. Pier-
re & de S.
furent deſtinez à faire la guerre aux infideles , à garder Paul.
& à défendre des frequentes courfes des Turcs les côtes
Maritimes de l'Etat Ecclefiaftique. Cet Ordre fe multipliả
de telle forte , qu'on y a vù juſques à quatre cens Cheva-
liers. Ils portoient dans une ovale d'or l'image de Saint
Pierre au bout d'un tortis de chaînes d'or. Faul III . de la
Maifon Farnele , l'an 1540. inftitua l'Ordre des Che-
valiers de Saint Paul. Ce méme Pape le réunit avec celui
de Saint Pierre , & des deux Ordres n'en fit qu'un ſous
le titer de Saint Pierre & de Saint Paul.

Le Pape Sixte V. voulant témoigner fa dévotion envers


Sij
140 Differtations Hiftoriques & Critiques
L'Ordre la Sainte Vierge , fonda un Ordre Militaire ſous le nom
de Nôtre de Chevaliers de Nôtre- Dame de Lorette , l'an 1587. Dans
Dame de
Lorette. le ferment que faifoient les Chevaliers , ils s'obligeoient à
défendre l'Eglife , & à expofer leur vie pour la défenſe de
la foi , dans les guerres qu'ils devoient foûtenir contre les
ennemis de la Religion. Ce Pape accorda de grands privi-
leges à cet Ordre. Les Chevaliers pouvoient poffeder des
benefices , & avoient des revenus très- conſiderables. Cet

Ordre n'a pas duré long-temps. La marque des Cheva-


liers de cette Milice étoit une Medaille , où il y avoit une
image de la Sainte Vierge , tenant l'enfant Jefus fur fon
bras , comme elle eſt repreſentée dans la Chapelle de
Lorette.

L'Ordre L'Ordre Militaire fous les auguftes noms de Jefus- Ma-


de Jelus- ria , fut érigé par le Pape Paul V. de l'illuftre famille des
Maria.
Borghefes l'an 1615. Les Chevaliers faifoient vou de foû-
tenir les interêts de l'Eglife contre les infideles & les He-
rétiques. Ils portoient une croix d'azur , ſemblable à celle
des Chevaliers de Malte , à la bordure d'or : au milieu il
y avoit ces trois lettres I. H. S. qui marquent le nom de
Jefus Chrift , & au- deffus une figure , qui eft le fym-
bole de la Sainte Vierge.
L'Ordre L'an 1618. Pierre , Jean- Baptifte & Bernard Petrigna
Militaire freres , Gentilshommes de Spelle en Italie , fonderent l'Or
de la Vier- dre Militaire de la Vierge. Paul V. en approuva les Sta-
ge.
tuts , fuivant lefquels les Chevaliers s'engageoient de dé-
fendre la Religion Chrétienne , de faire la guerre aux
Turcs , & de travailler à l'exaltation de la Sainte Eglife.
Le Palais de Saint Jean de Latran fervoit de Convent & de
demeure aux Chevaliers de Nôtre- Dame.
Collier de Ils portoient pour marque une Croix de fatin bleu ce-
cet Ordre. lefte , toute couverte & recamée d'argent , & fans brode-
rie d'or ; les branches faites de fleurs de lys , par ce que cet
Ordre eft inftitué fous l'invocation & à l'honneur de la

Sainte Vierge , Lys des valées : Chaque bout des branches


eft chargé d'une étoile heriffée ou entourée de rayons ,
qui reprefentent les quatre Evangeliftes , au milieu un rond
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. VII . 141

qui enferme un chiffre composé d'une M. & d'une S. en-


trelaffées , couronné d'un chapeau & d'étoiles d'or , ce
chiffre fignifie , SANCTA MARIA : à l'entour cette le-
gende, IN HOC SIGNO VINCAM .
L'Ordre de Saint Georges à Gennes , a efté celebre , juf- L'Ordre
qu'à ce que la Charge de Grand- Maître fùt réunie en de S. Geor-
la
ges à Gen-
perfonne du Doge. On ne fçait pas certainement qui en eft nes.
l'Auteur. Il y en a qui attribuent l'origine de cette Milice
Chrétiennne à l'Empereur Frederic III . On dit qu'allant
à Rome , & paffant par Gennes , il y laiffa cette marque
de fon fouvenir. Les Chevaliers qui furent d'abord les plus
illuftres de cette Republique , étoient obligez de foutenir .
l'honneur de la Religion Chrétienne , & de s'oppoſer aux
effortsprodigieux des Mahometans , & des autres ennemis
de l'Eglife. Leur Collier étoit une Croix émaillée de rouge,
penduë à une chaîne d'or.
L'Ordre Militaire du Sang de Jefus- Christ fut inftitué à Ordre du
Sang dele-
Mantouë parVincent de Gonzague IV. Duc de Mantouë, fus-Chrift.
& le II. de Montferrat , l'an 1603. Cette Chevalerie a eu
pour fondement la veneration & le culte du miraculeux
Sang de Jefus - Chrift , dont on conferve trois goûtes dans
un beau Reliquaire de la magnifique Eglife de Saint An-
dré de Mantouë. Les continuels miracles qui s'y font tous

les jours , excitent les peuples à y aller faire leurs devotions.


C'est ce qui porta ce Duc à fonder cet Ordre. La premie-
re ceremonie fe fit le jour de la Pentecôte de la même
année.
Le Cardinal Ferdinand de Mantouë créa Chevalier le
Duc fon pere, & lui ceignit l'épée. Enfuite le Duc Vin-

cent créa quinze autres Chevaliers dans l'Eglife de Saint


André , qui étoient les perfonnes les plus confiderables de
fes Etats Le Pape Paul V. approuva cet Ordre , dont les
Statuts font rapportez dans la Bulle de fon approbation ..
Les Chevaliers s'engagent d'expofer leur vie pour la dé-
fenfe de l'Eglife , de prendre les interefts du Saint Siege ,
de garder une foi inviolable à leur fouverain , & de pro-
teger les veuves & les orphelins .
S iij
142 Differtations Hiftoriques & Critiques
-
La marque La marque des Chevaliers de cet Ordre , qui ne devoient
dre.cet Or- être que vingt , eft très-myfterieufe. Elle eft composée
de
d'ovales d'or , les unes en long , dans lesquelles alter-
nativement font ces mots : DOMINE PROBASTI
émaillées de blanc les autres en large dans lefquelles
eſt un creuſet émaillé de gris fur un tripier émaillé de noir,
deffous font des flammes de feu émaillées de rouge , & le

creufet rempli de verges d'or. Ces ovalles font attachées


par des annelets clechez : au bout du Collier pend une
ovale , dans laquelle font reprefentez deux Anges peints au
naturel , tenant un Ciboire couronné fur la table. Il y a
trois goutes de fang émaillées de rouge , & au tour cette

legende : NIHIL HOC TRISTE RECEPTO .

ARTICLE III.

La Chevalerie honoraire civile a efté en usage avans

la guerrefainte.

A nobleffe eft une qualité, qui imprime ſouvent dans


LA
le cœur de celui qui la poffede un mouvement fe-
cret qui le preffe d'afpirer à la gloire & aux belles actions
de fes ancêtres , & qui difpofe fecrettement fon ame à l'a-
mour de la vertu & des chofes honnêtes. Ce feroit le for-
mer une idée trop baffe de la Chevalerie , même civile ,

qui eft plus excellente que la nobleffe , de prétendre la


renfermer dans les bornes d'une dignité honoraire , ou de

la confiderer comme la recompenfe des hauts faits , fans


lui donner aucun rapport à la Religion.
La Che-
Si nous fommes perfuadez qu'il n'y a point de verita-
valerie ho-
noraire ci- ble Chevalerie qui ne renferme l'exercice de ces grandes

vile a quel- vertus , qui forment ce qu'on appelle un honnête homme ;


rap-
que
port àala auffi il faut avouer que la Chevalerie , même civile , n'ex-
Religion . clud pas la vertu qui fait les bons Chrétiens. Elle eſt fou-

vent établie fous la protection de quelque Saint , & laiffe


fur la Chevalerie. Liv . I. Differt . VII . 143

prefque toûjours des marques de pieté dans fes armes ,


dans les ftatuts , ou dans fes ceremonies. Elle n'eft pas diffe-
rente de celle que nous reconnoiffons fous le nom de Chré-

tienne , fi l'on ne confidere que l'honneur & la gloire que


l'on reçoit également dans l'une & dans l'autre , & par rap-
port à la défenſe des Etats & de la perfonne du Souverain
qui la donne.
Si nous en faifons deux rangs differents , c'eſt parce que
la Chevalerie Civile n'eft quelquefois qu'un titre hono-
raire , qu'elle n'eft établie que fur des motifs purement hu-
mains , & qu'elle ne fe propofe pas directement , comme la
Chevalerie Chrétienne , de foûtenir la foi & la Religion ,
de combattre les ennemis de l'Eglife , de pratiquer quel-
que vertu en particulier , ou le foulagement du prochain ;
en quoi confifte la propre notion qui diftingue ces deux
Chevaleries.
La Chevalerie Civile eft très-ancienne , au moins en Orare de
France. (a) L'an 726. Charles Martel , Maire du Palais de laGenette .
France , jetta les premiers fondemens de cette Cheva-
lerie. Après la celebre victoire remportée prés la Ville de
Tours fur Alderame , Prince des Sarafins , on trouva par-

mi les dépouilles des ennemis une grande quantité de ri-


ches fourrures de Genette , ( b ) & même plufieurs de ces
animaux en vie , que l'on prefenta à Charles Martel.
Ce Prince prit occafion de ces animaux , pour confer-
ver la memoire de cette celebre victoire , & pour honorer
les Grands du Royaume , d'inftituer un Ordre de Che-
valerie , qu'il nomma de la Genette. Charles Martel ſe dé-
clara Chef de cet Ordre , & en ayant le premier reçû le
Collier , il le donna à feize Chevaliers très- confiderables
par leur naiffance.

(a ) Favin Theatre d'honneur , Tam- rare & la commune. Celle- ci eft grife
burin , Bern . fuft. Dom Pierre de S. Ro-
& inarquetée de noir. L'autre, qui eft
muald. Trefor Chronolog. tom. 2. fur l'an
la plus eftimée, a le poil noir & luilant ,
726. & alii . comme du velours, & tachetée de mar-
(b) Cet animal eft prefque fembla ques rouges fort éclatantes la peau
ble à la fouine , approchant du chat échauffée rend une odeur auffi agréa-
d'Espagne en grandeur & en groffeur ble que le muíc.
On en voit de deux fortes : la Genettel
144 Dissertations Hiftoriques & Critiques
Collier de Le Collier de cet Ordre étoit d'or à trois chaînes entre-
cet Ordre. laffées de rofes émaillées de noir & de rouge ; & au bout
-pendoit une Genette pofée fur une terraffe émaillée de
Aeurs.
On refate Parles Statuts de cet Ordre , dit M. Hermant , ( a ) lės
M.
mant.Her- Chevaliers de cet Ordre étoient obligez d'expoſer leur vie
pour défendre la Religion Chrétienne contre les infideles,
& pour le bien de l'Etat ; mais il y a bien de l'apparence
que les Statuts de cet Ordre n'ont pas paffé à la pof-
terité. Au moins les anciens Auteurs qui parlent de cette
Chevalerie , n'en font aucune mention : ainfi nous ne fça-
vons pas d'où M. Hermant a tiré, ce qu'il avance fans preu-
ve. Ce qu'il y a de certain , c'eſt que cette Chevalerie eſt
feulement Civile , établie pour les fins dont nous avons par-

lé , fans aucun engagement à défendre la Religion , autant


qu'on en peut juger par l'Hiftoire de l'Inftitution de cet
Ördre. 15

Ordre de Quoique l'Ordre de la Genette fût fort eftimé en Fran-


la Couron- ce , pendant le regne des Rois de la feconde race , juf-
ne Royale.
ques au temps de Hugues Capet ; cela n'empêcha pas que
Charlemagne n'inftitua un nouvel Ordre de Chevalerie ,
( b ) en faveur des Frifons qui l'aiderent puiffamment à re-
mettre dans leur devoir les Saxons revoltez . Cet Ordre

fut nommé , l'Ordre de la Couronne Royale. Les Cheva .


liers portoient fur l'eftomac une Couronne Royale en bro-
derie d'or , avec cette devife : Coronabitur legitimè cer-
tans .

Sentiment Le P. Heliot (c) parlant de cette Chevalerie , s'explique en


се
du P. He ces termes : Mais cutre que nous ne reconnoiffons point
liot fur cet d'Ordre Militaire avant le XII . fiécle , quelle apparence
te Cheva-
lerie. » y a-t-il queCharlemagne eut donné à cesChevaliers la Re-
33
gle de Saint Bafile , lui qui étoit fi zelé pour faire obfer-
» ver celle de Saint Benoiſt , n'en reconnoiſſant point d'au-

( a ) Hermant,Hift . des Ord. de Cheva- la Roque , Hermant , & c.


ler. chap. Vi. (c) Heliot, bift des Ord, tom 1. premie
(b ) Martin Anconius , Favin , Scoone - re partie , chap. 33•
beck , Juftiniani , Menenius , Micheli , de '
tre
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. VII . 145
tre dans fes Etats ; ainfi je regarde cet Ordre comme
‫כל‬
» fuppofé. Cette conclufion feroit jufte , fi les principes fur
lefquels on l'établit , étoient folides.

Mais je ne crois pas que ces preuves paroiffent affez con-


vainquantes , fi on fait attention : 1°. Qu'il s'agit ici , s'il y
a eu des Ordres Militaires avant le XII. fiecle ; ainfi
pour décider cette queſtion , il ne ſuffit pas de dire , nous

ne reconnoiffons point d'Ordre Militaire avant le XII. fiecle , Cette opi-


mais il falloit le prouver , & non pas le fuppofer. 2. Pour nion n'eft
pas vrai-
détruire un fait hiftorique , on fe contente de dire , quelle femblable.
apparence , &c. & même cette apparence eft fans aucun
fondement ; car cet Ordre n'a jamais été fous la Regle de
Saint Bafile , ni même fous aucune autre : Autrement
il faudroit dire , que la Milice de Frife étoit une Religion ,
& non pas un Ordre Militaire ; ce que perfonne , que je
fache , n'a jamais avancé. Enfin pour regarder cet Ordre
comme fuppofé , il faudroit qu'on pût convaincre par de
fortes preuves , que le Diplome donné par Charlemagne

en faveur de cette Milice , eft une piece fauffe & fans au-
torité , & c'eft ce qu'on ne fait pas ; mais le Pere Heliot fe
contente de dire , que c'eſt un prétendu privilege , ſans ſe
mettre en peine de le prouver.
L'acte de l'Inftitution de cet Ordre étant très- ancien , A&te de
merite bien que nous le mettions ici tout au long, ( a ) d'au- Paititu-
tant qu'on y fait mention de plufieurs chofes très- remar- tion de cet
Ordre.
quables. 10. Le Gouverneur du païs , qu'on appelloit Po-
deftat , à la façon d'Italie , avoit le pouvoir de créer des
Chevaliers de cet Ordre , & en étoit comme le Grand-
Maître. 2 °. Le foufflet étoit en ufage dès ce temps- là ,

quand on créoit des Chevaliers. 3º. On donnoit l'épée au

(a ) Infuper ftatuimus , ut fi quis ex ip - tate recipere debent , in quo Corona Impe-


fis fuftentationem habuerint , vel militare rialis in fignum fuæ libertatis à nobis con-
voluerint , dicta poteftas eis gladium cir- ceffe debeat effe depicta. Datum Rome in
cumcingat , & dato eidem , ficut confuetu- Lateranenfi Palatio anno Dominicæ Incar-
dinis eft , manu colapho , fic milites faciat , nationis octingentefimo fecundo. Mart Af-
eifdem fimiliter injungendo præcipiat , ut con. Hift. Frifon. André Favin, Theatre
deinceps more militum facri Francie Re d'honneur , liv. 3. p. 529. Bernard Juſti-
gni, vel Imperii incedant armati .... qui niani,& alii.
Frifones fignum fuæ militiæ à difta poies
T
146 Differtations Hiftoriques & Critiques
Chevalier , & on lui ceignoit le baudrier. 4°. Les Che-
valiers , felon l'ancienne coutume de France , ne devoient
jamais paroître en public qu'ils ne fuffent armez. Cet ufa-
ge venoit des Romains. Les Soldats étoient obligez de ne
paroître jamais dans le Camp fans baudrier. On regardoit
cela comme un crime, qui meritoit la mort. C'étoit auffi
une marque d'ignominie , lorfqu'on laiffoit les Soldats fans
baudrier , ou qu'on les faifoit travailler fans cet orne-

ment. ( a ) 5º. Ils devoient avoir de quoi vivre. Cela étoit


auffi ordonné pour être Chevalier Romain. Enfin il fal-
loit que
que les Chevaliers portaffent une marque , où étoit dé-
peinte une Couronne Imperiale.
Forme de M. Hermant (b ) reprefente la Couronne, que portoient
La Couron- les Chevaliers de cet Ordre , comme une espece de bon-
ne desChe-
valiers de net entr'ouvert des deux côtez , & dont le milieu eft fur-
Frile. monté de la figure du monde , fommé d'une Croix , ayant
au bas un cercle avec des fleurons , à peu près comme celle
des Empereurs d'Allemagne. Mais il ne feroit pas aifé à cet
Ecrivain de marquer quelque ancien monument , où il foit
fait mention d'une femblable Couronne.

C'eft feulement dans ces derniers fiecles , que la Cou-


ronne des Empereurs d'Occident a été compofée d'un cer-
cle d'or enrichi de pierres précieuſes , & rehauffée de fleu-
rons , comme les autres Couronnes des Rois , avec une mi-
tre ouverte & un autre cercle d'or furmonté de la figure
du monde , & fommé d'une Croix. On ne trouve pas mê-
me, que nos Rois, ni les Empereurs Grecs, fe foient jamais
fervis d'une Couronne de cette figure , fi on en excepte les
Empereurs d'Allemagne de ces derniers fiecles.
Les Cou- Il eſt certain , fuivant la remarque de M. du Cange dans
tonnes
Rois dedes fa fçavante Differtation fur les Couronnes , que la Cou-
France out ronne des Rois de France de la premiere race , étoit de
elté sdiffe-
rente fui- perles , faite en forme de bandeau qu'on lioit au derriere de
vant les la tête. D'autrefois ils portoient un cercle , d'où s'élevoient
emps.
( a ) Rofinus, Antiquit. Rom. lib. 10. Chevalerie. Heliot , Hiftoire des Ordres
cap 3. tom. 1. prem. part. chap. 33-
(b) Hermant, Hiftoire des Ordres de
fur la Chevalerie. Liv . I. Diſſert. VII . 147

des pointes en forme de rayons ; ou bien ils fe fervoient


du Mortier , tel que les grands Préfidens du Parlement le
portent prefentement. ( a )
La Couronne des premiers Rois & des premiers Em-
pereurs de France confiftoit , comme on le voit dans
leurs monnoyes , en un cercle d'un double rang de perles ;
ou ces Princes étoient couronnez de laurier , comme il pa-
roît dans leurs fceaux . M. de laColombiere ( 5 ) prétend que

nos Rois n'ont point porté d'autre Couronne jufqu'à Char-


lemagne , & que cet Empereur fut le premier qui en fit fai-
re une d'or enrichie de pierres précieufes , & rehauffée de
quatre fleurons en fleurs de lys. Cette Couronne , dit- il ,
fe conferve dans le tréfor de Saint Denys , où il l'a tirée
& peinte lui-même , & fait graver à la fin du chapitre tren-
te-fixiéme de fon Traité de la fcience heroïque.
Après ces remarques , il eft aifé de conclure , que c'eft
fans aucun fondement, qu'on veut que la Couronne , qui
étoit la marque des Chevaliers de Frife , fùt une espece
de bonnet, tel que le reprefente M. Hermant. Ainfi il eft
plus vrai-femblable, que cette Couronne devoit avoir quel-
que rapport à celles qui étoient en ufage du temps de Char-
lemagne.
Mais il fe prefente ici deux difficultez : La premiere eft , 1. difficulté
qu'on tient communement que nos Rois de la feconde race fur Cou-
ronne de
n'avoient d'autre ornement de tête , que celui des Empe- nos Rois
reurs Grecs. Cet ornement étoit un bonnet de foye, enri- de la fe-
chi de perles & de pierres précieuſes , par-deffus lequel conde ra-
ce.
étoit la Couronne, ou le Diademe au tour du front ; ce qui
a beaucoup de rapport avec la Couronne qu'on dit avoir
efté la marque des Chevaliers de Frife. Quand on accor-

( a ) Cette efpece de diademe a pafféjayant quitté le Palais de Paris pour en


dans la feconde & dans la troifiéme ra- faire le fiege de la Juftice , ils commu-
ce des Rois de France. M. Petau nous niquerent leurs ornemens Royaux à
reprefente une vieille peinture,où Char- ceux qui y devoient préfider'; afin que
lemagne paroit avec le Mortier qui lui leurs jugemens fuffent reçûs des peu-
fert de Couronne. Aux vitres de la ples , comme s'ils avoient efté rendus
Sainte Chapelle Saint Louis y eft dé- par le Prince même.
peint avec le même ornement. Et l'on ( b Colombiere , Science beroïque ,
tient communement , que nos Rois chap. 37.
Tij
148 Dißertations Hiftoriques & Critiques
deroit tout cela , on n'en pourroit pas conclure ce qu'on
prétend : car cette forte de Couronne n'étoit pas en ufa-
ge du temps de Charlemagne , puifque Charles le Chauve , 1
fils de Louis le Debonnaire , eft le premier qui quitta les
Couronnes & les habits des Rois fes prédeceffeurs , & qui
prit les diademes & les vêtemens des Empereurs Grecs .
II. difficul- La feconde difficulté eft fondée ſur ce que le P. Mabil-
τέ. lon ( a ) raconte , qu'étant à Rome , on lui montra dans le

Monaftere de Saint Callixte un précieux manufcrit de la


Bible , où Charles, Roi de France, étoit repreſenté affis fur
un trône , ayant fur la tête une Couronne fermée. Alla-

tus eft pretiofus codex Bibliorum , cui præmiffa eft Caroli


Francorum Regis effigies , Magni , an Calvi , an alterius apud
Romanos non levis difceptatio eft . Hic igitur exhibetur Ċa-
rolus in throno Sedens , vultu oblongo , rafoque mento , atton-
fis crinibus , cum Corona in capite , gemmis ornata , & fuper-
ne claufa.
Il eft certain que cette image ne peut pas repreſenter
Charlemagne, ni Charles le Chauve ; car l'ufage des Cou-
ronnes fermées eft fort recent. Les uns difent que François
I. commença à la porter fermée, pour contrecarrer l'Em-
pereur Charles-Quint ; ou parce que Henry VIII . Roi
d'Angleterre, la portoit ainfi. Les autres veulent que Louis

XII. eft le premier de nos Rois, qui fe foit fervi de cette


forte de Couronne. Mais il eft plus vrai - femblable que
Charles VIII . en a introduit l'uſage en France. Ainfi fi
l'image , dont parle le P. Mabillon , reprefente un Charles ,
Roi de France , il est très-probable que c'eft Charles VIII .
Car outre qu'il eft le premier qui a porté la Couronne
fermée , c'eft qu'étant à Rome l'an 1495. le Pape Alexan-
dre VI . le couronna Empereur de Conftantinople. Peut-
être que pour conferver la memoire de cette folemnité ,

on aura mis fon portrait au commencement de cette Bi-


ble.

M. Hermant ( b ) remarque , que les Chevaliers de cet

( a ) Mabil. Muſeum Italicum , tom.


tom. ( b ) Hermant, ubi Supra, cap. 7.
1. Lag 70. tom.[
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt. VII . 149

Ordre profeffoient la Regle de Saint Bafile , & que dans


le ferment de fidelité ils s'obligeoient de défendre la Reli-
gion Chrétienne aux dépens de leur fang. Cependant il
n'y a rien de cela dans l'acte de l'Inftitution de cet Ordre ,
qui eft peut- être la feule piece qui nous refte de l'établiffe-
ment de cette Chevalerie. Ainfi jufqu'à ce que cet Au-
teur nous indique les Memoires , où il a pris ce qu'il avan-
ce , il ne trouvera pas mauvais que nous mettions cet Or-
dre au rang de la Chevalerie Civile : Chevalerie , que Char-
lemagne établit pour donner aux Frifons cette marque
d'honneur , & les recompenfer de leurs fervices , fans que
ce Prince eut en vûë pour lors , de foûtenir l'Eglife par
l'Inftitution de cet Ordre.
Gregorio Leti fait mention d'un Ordre de Chevalerie , Ordre de
fondé en Ecoffe vers le commencement du IX. fiecle , S. André
du Char-
fous le titre de Saint André du Chardon. On attribue cet- don en E-

te Inftitution au Roi Acajus , en memoire d'une celebre coffe.


victoire qu'il remporta fur fes ennemis le jour que l'Eglife
celebroit la Fête de S. André.
Voici comme en parle l'Auteur que nous venons de ci-
ter: ( a ) In Scotia vi è un' Ordine di Cavallieri che Chia-
mano di Sant' Andrea , Inftituito dal Re Acajo nell' anno
810. Che regnava allora , con occafione d una folemne vittoria
che gli fcozzefi ottenero contro i liro nemici nel gierno di questo
Sancto. Fu decifo che il numero de Cavallieri non paffera quelo
di 13. per rappresentare l'Apoftolato con Chrifte. La creatione
dé Cavallieri fi fà dal Re con qualche cerimonia ; Ma ma-
jori fe ne facevano nel tempo che regnava la Religione Ro-
mana.
La Chevalerie de Saint André du Chardon , qui a long- Collier de

temps fleuri en Ecoffe , avoit pour devife : Nemo me impune cet Ordre.
laceffet , ou comme veulent d'autres , pour ma défenfe. Le
Collier étoit d'or,formé de fleurs de chardons & de feüil-

les de rue , où pendoit un fautoir en croix de Saint An-

(a ) Gregorio Leti , Theatro Britan- Iparte 4.lib. 3. pag. 283.


nico ò verò Hiftoria della grande Bretagnal
Tiij
150 Dißertations Hiftoriques & Critiques
dré. On prétend que Jacques IV. renouvella cet Ordre , &
qu'il prit S. André pour protecteur.
Les Ecrivains font mention de plufieurs autres Ordres
de Chevalerie Honoraire & Civile , établis avant la guerre
fainte ; mais comme ce qu'on en dit n'a pas beaucoup de
vrai-femblance , & a plus l'air d'une fable que d'une hiſtoi-

re , & que d'ailleurs on ne fçait pas préciſement quand


ces Ordres ont efté établis , je me contenterai d'en dire
quelque chofe en peu de mots , laiffant au Lecteur la li-
berté d'en porter le jugement qu'il lui plaira.
Ordre du
Le premier de ces Ordres qui fe prefente , eft celui de
Cigne.
Cleves, ou du Cigne. On dit que Beatrix , fille de Theo-
doric ou Thierri , Duc de Cleves , fonda cet Ordre vers
l'an 711. en memoire de ce qu'un Chevalier, nommé He-
lias, fecourût cette Princeffe , qui étoit perfecutée par les
Princes fes voisins , qui tâchoient de lui enlever fes Etats.
Cet Ordre fut appellé du Cigne , parce que le Chevalier
Helias , qui époula Beatrix , portoit un Cigne blanc fur
fon cimier. Mais il y a bien des chofes dans l'Inftitution
de cette Chevalerie , qui fentent la fable. ( a) Le Collier
de cet Ordre eft une chaîne d'or à trois rangs , qui tient

fufpendu par trois chaînons un Cigne d'argent fur une ter-


raffe émaillée de fleurs.

Ordre du On met encore parmi les Ordres de Chevalerie Hono-


Chien & raire érigez avant le X. fiecle , les Ordres du Chien & du
du Coq. Coq. ( 6) Mais leur inftitution paroît beaucoup plus recen-
te , quoiqu'on la faffe remonter au temps de Clovis. On
prétend qu'un nommé Lifoye, Seigneur de Montmorency ,
fonda cet Ordre , & que les Chevaliers faifoient vœu de
fervir fidelement Dieu & leur Prince . Le Collier de cet

Ordre étoit une chaîne d'or,faite en façon de têtes de cerf,


à laquelle pendoit une medaille avec l'éfigie d'un chien.
Pour devife , vigilis , ou anxavas, qui fignifie fans errer, ni
varier.
D'autres attribuent à Bouchard IV . de Montmorency ,

(a ) Favin , Theatre d'honneur , liv. dres , chap. iz.


7. pag. 137+. Hermant , Hiftoire des Or (b) Hermant, Hift . chap. 5 .
furla Chevalerie. Liv . I. Differt . VII . ISI
l'établiffement de la Chevalerie du Chien , aprés avoir fait

fa paix avec le Roi Philippe I.ou Louis fon fils, furnommé


le Gros, V I. du nom , l'an 1102 .
L'an 1214. un Seigneur, nommé Polier,délivra le Dau-
phin de France d'un grand danger , où ce Prince s'étoit
trouvé dans une bataille donnée contre les Anglois . En
reconnoiffance de ce bien-fait on inftitua , dit-on , l'Ordre
du Coq , à cauſe que ce Polier portoit un Coq dans fes
armes. Mennenius dans fon Traité des Ordres de Cheva-
lerie fait mention de cet Ordre , mais il n'en rapporte ni
l'Inſtituteur , ni le temps , ni quel Collier,ou marque ,por-
toient les Chevaliers. Il y en a qui prétendent que ces deux
Ordres du Coq & du Chien furent réünis enſemble , &
qu'un Seigneur de Montmorency les inftitua du tems de
Clovis,aprés avoir reçû le Baptême ; mais cela n'a pas beau-
coup de probabilité.
Le corps de Saint Marc,l'Evangeliſte, ayant été tranfpor- Ordre de
té à Venife , vers l'an 831. on dit que pour honorer la me- s . Marc.
moire de ce Saint , on fonda ſous fa protection un Ordre
de Chevalerie. On n'aggregeoit autrefois à cet Ordre, que
ceux qui avoient rendu des fervices confiderables à la Re-

publique.Les Chevaliers portoient fur leurs armes un Lion,


aîlé de gueles avec cette devife : Pax tibi Marce, Evange-
lifa meus.
Mennenius, de la Roque & les autres Ecrivains qui par-
lent de cet Ordre, confondent la Milice des Chevaliers de
Saint Marc avec celle de la Calfa ou Galza . Mais celle- ci
qui est beaucoup plus recente , fut inftituée par les Veni-
tiens pour dreffer la jeuneffe aux exercices de la guerre ,
tant fur mer que fur terre. Cet Ordre qui fut renouvellé
l'an 1562. obferve les Statuts de l'Ordre de la Bande en
Caſtille.
152 Differtations Hiftoriques & Critiques

ARTICLE IV.

De l'établißement de plufieurs Ordres de ChevalerieCivile,

érigez dans ces derniers fiecles.

'Aurois une abondante moiffon , s'il m'étoit permis de


JArecueillir ici toutes les celebres Societez de Chevalerie

honoraire , qui ont fleuri depuis quelques fiecles en divers


Royaumes de l'Europe. Mais pour donner quelques bornes
à cette matiere , je ne ferai mention dans cet article, que de
celles qui ont efté les plus celebres.
Ordre de L'Inftitution d'un Ordre de Chevalerie a quelque cho-
Coffe de
que chofe de fi éclatant , que Saint Louis crût ne pouvoir
Genefte.
rendre plus folemnel fon mariage avec Marguerite de Pro-
vence , fille aînée de Raimond Beranger , Comte de Pro-
vence , qu'en marquant l'époque de cette augufte ceremo-
nie par l'établiſſement d'un Ordre de Chevalerie. Cet Or-
dre fut celui de la Geneſte , dont la devife fut , Exaltat

humiles , par allufion à la Coffe de Genefte , qui eſt le Sym-


bole de l'humilité.
Collier de Le Roi Saint Louis reçût le premier cet Ordre la veille
cet Ordre du couronnement de la Reine l'an 1234. ( a ) & plufieurs
Princes fe font fait un honneur d'en être revêtus. Il a efté
très- eftimé en France , & a fubfifté jufqu'à la mort de
Charles V. Le Collier de cet Ordre étoit compofé de
Coffes de Genefte , émaillées au naturel , entre-laffées de
fleurs de lys d'or , enfermées dans des lozanges percées à
jour , & émaillées de blanc , le tout attaché fur une ſeule
chaîne , au bas de laquelle pendoit une Croix florencée d'or,
ſuſpenduë de deux chaînons.

( a ) André Favin dans fon Hiftoire , çois fur les Sarrafins, Mais ces Auteurs
de Navarre , M. de la Roque & quel- ont confondu l'Ordre de la Coffe de
ques autres difent , que Charles Mar- Genefte avec l'Ordre de la Genette.
tel inftitua cet Ordre l'an 726. aprés la Charles Martel eft i'Inftituteur de ce
celebre victoire obtenue par les Fran- dernier , & S. Louis du premier.
Outre
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt. VII . 153
Outre cet Ordre de Chevalerie , Saint Loüis ayant ap-

pris , qu'on avoit confpiré contre lui , choifit cent Gen-


tilshommes ( a ) pour la garde de fa perfonne , qui por-
toient la longue cotte d'armes , & le hoqueton blanc dia-
pré & femé de papillotes d'argent , avec un arbriſſeau de
Genefte , brodé devant & derriere.
L'an 1370. Loüis II. Duc de Bourbon , furnommé le L'Ordre
du Char-
Bon , épousa Anne , fille de Berauld , Comte Dauphin de
d'Auvergne & de Forets. Four rendre ce mariage plus Notre- Da
celebre , il inftitua l'Ordre de Bourbon , dit du Chardon me.
& de Nôtre- Dame , en l'honneur de Dieu & de la Sainte

Vierge, en qui il avoit beaucoup de confiance. Il compofa


cet Ordre de vingt- cinq Chevaliers , & s'en declara Chef
& fes fucceffeurs . Le Collier étoit fait de lozanges entie-
res & de demies à double orle , émaillées de verd , clechées ,
remplies de fleurs de lys d'or & de lettres capitales antiques Collier de
en chaque lozange , émaillées de rouge , faifant le mot cet Ordre.

ESPERANCE : Au bout du Collier pendoit fur l'eſto-


mach une ovale , le cercle émaillé de verd & de rouge , &
dans cette ovale une image de la Sainte Vierge entourée
d'un Soleil d'or , couronnée de douze étoiles , & un croif
fant de même fous les pieds ; & au bout de l'ovale une
tête de Chardon , émaillée de verd & barbillonée de
blanc.

On dit , que l'année précedente , à fon retour d'Angle- l'Ecu


Ordre de
d'or.
terre où il demeura fept ans pour un des Oftages du Roi
Jean , il érigea l'Ordre de l'Ecu d'or , & qu'il le donna pour
étrennes aux Chevaliers qu'il en voulut honorer. Les Che-
valiers, qui recevoient cet Ordre,s'obligeoient de ne point
medire l'un de l'autre , de fe garder la foi , de ne point
permettre que l'on tint des difcours qui bleſſaſſent la pu-
deur , & de vivre entre eux comme freres. Le Collier

étoit une bande de perles , où il y avoit écrit en broderie ce

(a) Ces cent Gentilshommes étoient |fous l'an 1192. Rex falubri concilio
armez de maffes de cuivre , comme le ufus , corpus fuum , per homines nobiles
remarquent Guillaume Nangis & Ri- cupreas clavas affiduè deportantes , fecic
gordus en la vie de Philippe- Augulte diligentiffime cuftodiri.
V
154 Differtations Hiftoriques & Critiques
mot ALLEN , qui vouloit dire , allons tous enſemble au
ſervice de Dieu , & foyons tous unis en la défenſe de nos
païs : C'eſt-là où nous pourrons trouver à acquerir l'hon-
neur par la Chevalerie.
Le Roi Louis XIII. établit une Communauté en for-
me d'Ordre de Chevalerie , fous le nom de Commanderie
de Saint Louis , pour les Soldats eſtropiez à la guerre dans
le fervice de Sa Majeſté , comme on peut voir dans les let-
tres données à Saint Germain en Laye l'an 1633. ( a ) Ce

deffein n'eut pas tout le fuccès qu'on en pouvoit attendre.


Louis le Grand a donné un nouveau luftre à cet établif-

fement, en faifant bâtir le fuperbe Hôtel de Mars , prefente-


ment celebre fous le nom des Invalides , où l'on a des foins

infinis d'un nombre prodigieux d'Officiers & de Soldats


qui ont été eftropiez au fervice de l'Etat. Ce n'eſt pas la
Ordre de feule marque de bonté que cet invincible Monarque , a
S. Louis. donné à ceux qui fe devoüoient à fon fervice. En 1693. il
inſtitua un nouvel Ordre de Chevalerie honoraire , pour

les Officiers de guerre , que la valeur & la vertu rendoient


dignes d'une fi grande diftinction. Il n'y a que le me-
rite & les fervices rendus dans les armées de terre & de
mer , qui foient les feuls titres pour y être admis. Le Roi
eft le Chef & le Grand Maître de cet Ordre. « L'Ordre
de Saint Louis , dit le Roy , dans le II . article des Sta-

tuts , fera compofé de nous & de nos fucceffeurs en qua-


"7 lité de Grands Maîtres, de nôtre tres-cher & très amé fils

>> le Dauphin : & fous les Rois nos fucceffeurs,du Dauphin


»
ou du Prince , qui fera heritier préfomptif de la Couron-

( a )Henri III. avoit formé aupa- Henri IV. qui voulut maintenir ce
ravant un femblable deffein , quand grand deffein , ne purent lui donner
il fonda l'Ordre de la Charité Chrétien- toute fa perfection . Ceux qui étoient
we ,pour de pauvres Officiers & Sol- reçûs dans cette maifon portoient fur
dats eftropiez à la guerre pour le fer- leurs manteaux , une Croix ancrée en
vice de l'Etat. II leur affigna pour broderie, de farin, ou de tafetas blanc,
leur entretien des revenus fur les Hô- bordée de foye bleue,chargée en cœur
pitaux & les Maladrerics de France , d'une lozange de fatin bleu remplie
& leur donna à Paris une maiſon ſi- de fleurs de lys d'or en broderie , &
tuée au Fauxbourg S Marcel en la ruë au tour de la Croix ces mots :POUR
des Cordeliers. Mais ni ce Prince , ni | AVOIR BIEN SERVI.
far la Chevalerie. Liv. I. Diſſert. VII. 1555
са
ne ; de huit Grands-Croix , de vingt-quatre Comman-
deurs, du nombre des Chevaliers que nous jugerons à pro- ce
pos d'y admettre. CC
Les Grands-Croix & les Commandeurs portent en échar
pe , un grand ruban de couleur de feu , d'où pend une Croix
d'or , cantonnée de fleurs de lys d'or , chargée d'un côté
de l'image de Saint Louis , & de l'autre d'une épée flam-
boyante , dont la pointe eít paffée dans une couronne de
laurier. Les fimples Chevaliers portent feulement la Croix
attachée fur l'eftomac, avec un petit ruban de même couleur.
L'Article XIV . des mêmes Statuts eft remarquable , il Serment
contient le ferment que doivent faire ceux , qui ont l'hon des Cheva-
liers.
neur d'être reçûs dans cet Ordre. « Le Chevalier pourvû
fe prefentera devant nous pour prêter le ferment, auquel "
effet il fe mettra à genoux , jurera & promettra de vivre "
& mourir dans la Religion Catholique , Apoftolique & “
Co
Romaine , de nous être fidele , & de ne fe départir ja-
mais de l'obéïffance qui nous eft dûë , & à ceux qui com- "
mandent fous nos ordres ; de garder , défendre & foûte- “
nir de tout fon pouvoir nôtre honneur , nôtre autorité , "
nos droits , & ceux de nôtre Couronne envers & contre "
tous ; de ne quitter jamais nôtre ſervice , ni aller à celui "
d'aucun Prince étranger fans nôtre permiffion & agré- «
ment par écrit ; de nous reveler tout ce qui viendra à fa "
connoiffance contre nôtre perſonne & nôtre Etat , & de “
garder exactement les Statuts & Reglemens dudit Or- "
dre , & de fe comporter en tout , comme un bon,ſage, ver- “
tueux & vaillant Chevalier doit faire, "
Ce n'eft pas feulement en France qu'on a vû dans les Ordre
derniers fiecles des Ordres de Chevalerie honoraire ci- de l'Aigle
blanc.
vile. On en voit dans les autres Etats. Lorfque les pre-
miers Rois de Pologne faifoient creufer les fondemens de
la Ville de Gnefne , on trouva un nid d'Aiglons. Ce qui
donna occafion l'an 1325. d'inftituer en Pologne un Ordre
de Chevalerie fous le titre de l'Aigle blanc. ( a ) Le Roi
(a ) Mart. Crom. Hift . de Pologne. neur , & dans l'Hiftoire de Navare, &
Hermant , Hiftoire des Ordres de Che- alii.
valer. chap. 52. Favin , Theatre d'hon-
V ij
156 Differtations Hiftoriques & Critiques
Vladiflas V.furnommé Lokter , inftitua cet Ordre au ma-

riage de fon fils Cafimir , furnommé le Grand, avec Anne,


fille de Gedimir , Duc de Lithuanie. Le Collier de cet Or-
dre étoit de trois chaînes d'or à un Aigle couronné d'ar-
gent, & pendant fur l'eftomach. Les Rois de Pologne étoient
les Grands Maîtres de cet Ordre.
Ordre de
Vers l'an 1330. (a ) Alphonfe XI . Roi de Caftille , inf-
la Bande . titua dans la Ville de Palence l'Ordre de la Bande , & il fe

fit faire Chevalier dans l'Eglife de Saint Jacques de Bur-


gos. Dom Pierre Fernandez , & Dom Louis de la Cerda
lui mirent les Eperons. Quando el Rey Don Alonso infti-
tuyó la Orden de la Vanda , y fue armado Cavallero en la
Iglefia de Santiago en Burgos : le Calcaron las efpuellas Don
Pero Fernandez y Don Luys de la Cerda, Le Roi donnoit
cer Ordre aux anciens Gentilshommes , à raifon des fervi-

ces confiderables qu'ils lui avoient rendus. On le confe-


roit aux jeunes hommes,qui avoient durant dix ans porté les
armes, ou fervi à la Cour.
Collier de Le Roi Alphonfe en étoit le Chef , & le Grand - Maî-
l'Ordre. tre ,
& les Rois fes fucceffeurs le furent après lui. Les Che-
valiers portoient une bande de foye rouge large comme la
main , en façon d'écharpe de l'épaule gauche fous le bras
droit . Les armories de cette Chevalerie étoient d'or à une

bande de gueules , engoulée de deux têtes de dragon de


Sinople : fymboles de la foi & de la generofité qu'un Gen.
tilhomme devoit à fon Prince. Una Vanda bermeja en ef-
cudo de oro ufida de dos cabeças de color verde, con una Letra
que dize FEE Y FIDALGUIA.

Statut cu- Pour rendre cet Ordre plus celebre on fit plufieurs Sta-
rieux. tuts , ( b ) dont l'un portoit que celui qui avoit mangé des
aulx , des oignons & autres chofes femblables , ne pût d'un
mois aller à la Cour , ni converfer avec les Chevaliers fes
freres. Cet Ordre ne fubfifte plus que dans l'Hiftoire.
L'Ordre Amedée VI . Comte de Savoye , dit le Verd , inftitua
de l'An-
Honciade.
( a ) Mariana , lib. 16. chap. 2. Argote | des Ordres , chap. 45.
de Molina , Meneftrier de la Chevale- (b ) Dom Pierre de S. Romuald ,
rie ,chap. 1. page 96. Hermant , Hiftoire Tréfor Chronologique fur l'an 1269.
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. VII . 157
l'Ordre Militaire des Laqs d'amour en 1355. Mais Ame
dée VIII. premier Duc de Savoye , qui fut élû Pape fous
le nom de Felix V. au Concile de Bâle , confacra cet Or-
dre en 1434. & le fit appeller l'Ordre de l'Annonciade.
( a ) Il fit mettre au bout du Collier une Vierge au lieu de
Saint Maurice , & changea les Laqs d'amour en Corde-
lieres. Amedée fonda cet Ordre Militaire pour quinze
Chevaliers, & ordonna que les Comtes ( aujourd'hui Ducs )
de Savoye,feroient les Chefs de cette Compagnie..
Le Collier étoit auparavant compoſé de roles d'or, émail- Collier de
lées de blanc & de rouge , & jointes enfemble par des laqs cet Ordre .
d'amour, dans lesquelles étoient entrelaffées ces quatre let-

tres F. E. R. T. qui fignifient , felon quelques Auteurs ,


frapez, entrez, rompez, tout. Ou felon d'autres , fortitudo
ejus Rhodum tenuit , pour marquer la belle action d'Ame-
dée le Grand , qui fit lever aux Sarrafins le Siege de Rho-
des en 1310. Charles III . Duc de Savoye en 1518. mit
l'image de l'Annonciation dans un anneau , attaché à trois
chaînes.

Je ne doispas paffer fous filence l'Ordre de la Jarretiere. Ordre de


( b ) Il y a des Ecrivains qui font remonter l'inſtitution de la Jarretie-
re.
cet Ordre à Richard premier du nom Roi d'Angleterre.
Ce Prince , felon Guillaume Camdenus , l'érigea après la
Conquête de l'lfle de Cypre , & après avoir mis le Siege
devant la Ville d'Acre défendue par les Turcs.
D'autres veulent qu'Edouard III. le fonda en 1345. ou
1350. Le fujet de cette inftitution paroît affez bizarre. Ce
Prince , dit-on , aimoit la Comteffe de Saliſburi , & un
jour cette Dame , qui n'étoit pas moins belle que vertueu-
fe , laiffa tomber fa jarretiere gauche , qui étoit bleuë , dans
le temps qu'elle dançoit dans un Bal. Le Roi releva in-

continent cette jarretiere. ( c ) Cette action fit peine à la


Comteffe , & fit rire les Seigneurs de la Cour. Ce Prince
après avoir témoigné qu'il n'avoit point eu de mauvais

( a) Favin , Hiftoire de Navarre, liv. (b ) Georgio Leti , Theatro Britanni-


8. pag. 464 Hermant, Hift, des Ordres , CO , p. 2. lib. 3. pag 107.
chap. 49. & alii . (c ) Polidore , Virgile & autres.
V iij
158 Dissertations Hiftoriques & Critiques
deffein , dit en langage de ce temps-là : Honni ( a ) foit qui
mal y pense : & fit ferment , que tel qui s'étoit mocqué de
cette jarretiere , s'eftimeroit heureux d'en porter une fem-
blable.
Le Roi ayant affembé la Cour au Château de Vindfor
inftitua cet Ordre , fous les aufpices de Saint George , &
le compofa de quarante Chevaliers. Ces mots Honni foit
qui mal y penfe , fervirent de deviſe.
Un Auteur ( b ) qui a fait l'Histoire d'Angleterre mar-
que une autre caufe de l'établiſſement de cet Ordre. Voi-
ci comme il s'explique. Hebbe il fuo principio nel anno 1350.
d'Odoardo III. ilbellicofo che ne fu Inftitutore , dopo haver

prefo Calais è guadagnato quella grand Battaglia vicino à


crecy mediante l'Invocatione di fan Georgio : che , pero ritour-
nato in Inglilterra Ordino fubito la fabrica d'una fuperba
Chieza ad honore di detto fanito nel Caftello di Windfor per
effer Luogo di fua nafcita ; e quivi inftitui fotto il nome di
quefto fanito l'Ordine della fciarrettiera , à caufa che nella
Bataglia di Crecy haveva dato per motto à commandanti e
fentinelle la parola de Gartier , che uvol dire Ligaccia di
Gamba,fia Sciarettiera . Pretendo are con questo di honor i fer-
vigi Martiali de fuoi Guerrieri.
Collier de On a fait divers changemens au Collier de cet Ordre.
cet Ordre. Henri IV.le chargea de rofes rouges & blanches ; & Jac-
ques VI. changea les rofes en chardons. Les Chevaliers

portent prefentement un ruban bleu en écharpe, d'où pend


l'image de S. George , avec la deviſe gravée à l'entour. On
a changé la Croix de l'Ordre en un Soleil . Car le Roi don-
na d'abord aux Chevaliers un manteau de velours violet ,
doublé de damas blanc , fur lequel il y avoit une Croix
rouge dans un écu d'argent , avec une jarretiere bleuë cou-
verte d'émail , & attachée à la jambe gauche. Les Cheva-
liers portent une jarretiere bleuë brodée d'or & de pierre-
ries ,fermée à boucle & ardillon de fin or.
Ordre de Le Czar Pierre Alexiovvits inſtitua l'Ordre de Saint An-
S. André
en Mofco- ( c ) Honni veut dire maudit. lib. 3. pag. 103. André du Chefne ,
vie. (b) Gregorio Leti, ubi ſupra part. 2. \ Hift. d'Angleterre , liv. 15 pag. 670.
Jur la Chevalerie. Liv . I. Differt. VII . 159
dré en 1698. pour recompenfer le merite de fes Officiers qui
s'étoient diftinguez dans la guerre contre les Turcs. Il a
auffi conferé cette Chevalerie à quelques-uns de fes Gene-
raux pendant la guerre qu'il a eû avec la Suede , & en a ho-
noré quelques Miniftres étrangers. La marque de cet Or-
dre eft une medaille d'or, où il y a fur un côté une Croix de
Saint André , & fur l'autre on lit ces mots : Czar Pierre
Monarque de toute la Ruffie. Cette medaille eft attachée à un
cordon bleu, qui fe porte de droit à gauche.

ARTICLE V.

Autres preuves , qu'ily a eu des Ordres Militaires avant


les guerres d'Outre-mer.

Près avoir établi le fentiment commun , qui eſt très .


Avrai-ſemblable , étant foûtenu des fuffrages d'un
grand nombre d'Auteurs , qu'il y avoit des Ordres Mili-
taires avant les Croiſades ; & après avoir combattu l'opi-
nion du R. P. Heliot , qui n'en reconnoît aucun avant le
XII. fiecle ; j'ai cru qu'il ne feroit pas inutile , d'ajoûter
ici d'autres preuves qui paroiffent très - raifonnables , pour
maintenir qu'avant les Religions Militaires & la guerre
fainte , la France & l'Angleterre avoient eu des Ördres
de Chevalerie honoraire.

Pour mettre la premiere preuve dans tout fon jour , il


faut fe fouvenir que Loüis le Debonnaire donna à Beran-
ger le Comté de Brioude à titre de benefice ou de fief. Be-
ranger voulant retablir l'Egliſe de Saint Julien de Brioude,
qui avoit été ruïnée par les Sarrafins , fonda trente- quatre
places de Chanoines dans cette Eglife , leur donnant de
grands biens pour leur entretien & pour celui d'un Abbé.
Ce Chapitre ne fut compofé que de perfonnes nobles de
naiffance. La conceffion de l'Empereur , & la fondation
de ce Chapitre font tirées d'un ancien Cartulaire de Briou-
160 Dißertations Hifloriques & Critiques
de , & inferé par M. Baluze entre les notes Capitulaires de
nos Rois : car cet acte eft de l'an 825.
Après cette remarque il eft facile de faire voir, qu'avant
ce tems il y avoit des Chevaliers à Brioude. Suivant un
autre Cartulaire qui fe trouve dans les mêmes Archives ,
quatre-vingt Chevaliers furent établis pour la défenſe des

fideles & pour s'oppofer aux ennemis de la Religion qui s'é-


toient fortifiez dans l'endroit où cette Eglife fut rebâtie, &
qui maffacroient les Chrétiens. On donna pour la ſubſiſtan-
ce de ces Chevaliers , les revenus que cette Eglife poffedoit
dès le tems de fa premiere fondation. Lorfque quelqu'un
de ces Chevaliers étoit prêt d'expirer , il nommoit quel-
qu'un de fes proches qui étoit inftitué à fa pace. Les en-
nemis de l'Eglife ayant été chaffez & le culte divin reta-
bli , au lieu de ces quatre-vingt Chevaliers on érigea dans
cette Eglife un Chapitre celebre composé de gens nobles

pour faire l'office divin. Voilà , eft- il dit dans cette Char-

tre , ce qu'on trouve dans les Livres anciens , & quelle eſt
la tradition commune que l'on a apprife de ceux qui nous
ont précedé.
Voici ce que porte ce Cartulaire qui m'a été commu-
niqué par un de ces Chanoines de l'Eglife de Brioude. Il a
pour titre.
Notitia de confuetudine precum, quæ pro fuccefforibus fuis
apud Capitulum facere folerent Canonici Ecclefiæ Sancti Ju-
liani Brivatenfis , ex vetufto exemplari quod in ejufdem Eccle-
fie tabellario affervatur.
Reperitur in antiquis voluminibus : & refert fama publica, antiquorum
relatione divulgata , quod ante fundamentum dicta Ecclefia , pro tuitione
fidelium , & refiftendo potentie inimicorum fidei , qui in loco in quo dicta
Ecclefia eft fundata fe occultabant , & ibidem Chriftianos multipliciter de-
perdebant , mandando ipforum corpora fava morti , fane fanita fidei Con-
cilio fuerunt quater viginti milites conftituti , & primavo dicte Ecclefia
patrimonio pradotati , & quando unum dictorum militum decedere contin-
gebat , unus de propinquioribus in genere , perfeipfum ante deceffum fuum
nominatus , poft ejus interitum in dicto loco inftituebatur , loco militis de-
functi. Irem poft hac fugatis erroribus & inimicis fanctæ fidei , facro ac
divino cultu Ecclefia Catholica augmentato : fertur quod difponente Sacro-
fanita
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt. VII . 161

fanta Romana Ecclefia , loco dictorum quater viginti militum , fuerunt


ibidem nobiles Canonici inftituti , qui in dictâ Ecclefiâ poffent Deo laudi-
bus famulari.
On peut recueillir des paroles de cette ancienne Chartre. Reflexions
1 °. Que les Chevaliers de Saint Julien de Brioude fai- fur cet Ac-
te.
foient un corps , & que le nombre étoit fixé à quatre-vingt.
2°. Que lorfque quelqu'un venoit à manquer , on en
créoit un autre à fa place. 3° . Que la fin de cette Cheva-
lerie étoit de combattre les ennemis de Dieu & de l'Eglife.
4°. Que le motif de l'Inftitution de cet Ordre ayant ceffé ,
cette Chevalerie fut changée en un Chapitre. 5 ° . On
avoit affigné pour la fubfiftance de ces Chevaliers les
biens de la même Eglife , qui ne pouvoit être deffer-
vie par des Ecclefiaftiques à caufe des ravages que fai-
foient les Infideles. Enfin il eft tres-vraiſemblable que ces

Chevaliers étoient nobles , puifque les Chanoines qu'on


fubftitua à leur place , comme il eft porté dans cette piece,
étoient nobles : ce qui s'eft toûjours obfervé dans cettte E-
glife jufqu'à prefent.
Suivant un ufage tres-ancien , l'Abbé de Saint Martial
de Limoges avoit le droit de créer des Chevaliers , que l'on
appelloit de Saint Martial , comme je le prouveray dans
la fuite. Les Vicomtes de Limoges faifoient auff des
Chevaliers , ayant reçû ce privilege des Abbés de Saint
Martial , dont ils étoient feudataires ( a ) . En vertu de ce
privilege , vers la fin du XI . fiecle Aymar , Vicomte de
Limoges , fit Chevalier Guillaume Arnaud , à la Fête de
Noël , dans fon Château de Segur : Ademarus , Vicecomes ,
apud Caftrum de Segur militia cingulum tradidit Guillelmo Ar-
naldo ( b ) . Juftel ( c ) fait mention d'une donation , qu'Ay-
mar, Vicomte de Limoges, fit à Gaubert Abbé d'Uferche
en 1096. Entre les témoins qui furent prefens à cet Acte ,
on trouve Girald de Peyruffe & Guide Chenet , que le
même Vicomte avoit fait Chevaliers : præfentes erant mili-

( a ) P. Bonaventure Carme Dechauffe, (b ) Gaufredus , in Chronico 2. part.


Hiftoire de Saint Martial 2. part. liv. 8. num. 6.
chap. 14. (c) Juftel , des preuves de la Maison
de Turcne , page 33.
X
162 Differtations Hiftoriques & Critiques
tesfui Giraldus de Peyruffa , & Guido Chenet.
Sice Vicomte de Limoges , fuivant ce témoignage de
Geofroi & de Juftel , avoit fait des Chevaliers dés la fin du
XI. fiecle ; il s'enfuit manifeftement qu'il y avoit une
Chevalerie militaire dans le Limoufin avant le commen-

cement du XII . Siecle. Or on ne fçauroit douter que


cette milice ne fut un Ordre de Chevalerie , puiſqu'il eft
tres-vraiſemblable , qu'Aymar ayant reçû de l'Abbé de
Saint Martial le pouvoir de créer des Chevaliers , ne con-
feroit d'autre Chevalerie que celle qui étoit en ufage dans
ce païs , & dont cet Abbéétoit le chef.
Quand on n'auroit aucune preuve de l'Inftitution des
Ordres Militaires avant la guerre fainte , celle qu'on peut

tirer du témoignage de l'Abbé Ingulfe, fuffiroit toute feule.


Cet Ecrivain,qui joignoit à la fçience d'autres qualités qui
lui avoient acquis une eftime generale , a fait l'Hiftoire
du Monaftere de Croyland en Angleterre de l'Ordre de
Saint Benoit , dont il étoit Abbé. Dans cette Hiſtoire

qui finit vers l'an 1091 , ( 4 ) on trouve les ceremonies qui


étoient en ufage en Angleterre , quand on créoit des Che-
valiers. Il dit que celui qui devoit recevoir cet honneur ,
fe confeffoit la veille du jour de fa confecration ; qu'il paf-
foit la nuit dans l'Eglife en prieres , en devotion , & enpe-
nitence. Le lendemain avant la Meffe , il portoit fon épée
fur l'Autel le Prêtre l'ayant bénie après l'Evangile , la
lui mettoit au col en le béniffant ; enfin ayant communié

à cette Mefle , il étoit reconnu pour un veritable Cheva-


lier. Voici le paffage de cet Auteur. ( b)
Angloram erat confuetudo , quod qui militiæ legitimè confc-
crandus effet , vespera præcedente diemfuæ confecrationis , ad
Epifcopum , vel Abbatem , vel Monachum , vel Sacerdotem
aliquem contritus & compunctus de omnibus fuis peccatis con-
feffionem faceret , & abfolutus, orationibus & devotionibus &
afflictionibus deditus in Ecclefià pernoctaret in craftino

(a) Cave,Hifior . Litterar. ad an. 1076 . (b ) Ingulphus , Hiftor. Monafterii


Du Cane, Gloff. Lat, Tom. 1. in Indice Croyland.
Auctorum .
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt. VII . 163
quoque Miffam auditurus gladiumfuper altare offerret , &
poft Evangelium Sacerdos benedictum gladium collo militis
cum benedictione imponeret : & communicatus ad eamdem
miffam Sacris Chrifti Mifteriis , denuo niles legitimus per-
maneret.
Je remarque d'abord que cet Auteur finit fon Hiftoire
plufieurs années avant l'établiſſement de toutes les Reli-
gions militaires : En fecond lieu qu'il parle d'une coûtume
qui devoit être ancienne parmi les Anglois , & qui a paſſé
aux fiecles fuivans : Anglorum erat confuetudo . De plus on ne
trouvera pas qu'on ait jamais obfervé les ceremonies , dont
cet Abbé fait mention , que quand on a conferé un Ordre
militaire. Il eſt vrai qu'il ne marque pas l'Ordre de Che-
valerie en particulier ; mais il y a bien de l'apparence qu'il
entend celui de Saint André , que le Roi Acajus inftitua
l'an 810. & dont nous avons parlé , n'y en ayant point eu
d'autre en ce tems-là en Angleterre.
Il faut bien remarquer qu'il appelle la création des Che-
valiers , une confecration , qui militia legitimè confecrandus
effet, pour nous apprendre,qu'avant l'érection des Religions
militaires , on regardoit la Chevalerie , comme une espece
de confecration , à caufe des faintes ceremonies que l'on
obfervoit , & que l'inſtitution des Chevaliers fe faifoit dans
l'Eglife & par les Miniftres du Seigneur . D'où il eft aifé
de conclure , qu'avant les Croisades il y avoit des Ordres
de Chevalerie.

ARTICLE VI.

La Chevalerie honoraire a été conferée à pluſieurs fortes de

perfonnes dans les derniers fiecles.

A Chevalerie n'eft pas tellement attachée à la No-


L bleffe du Sang & aux exercices de la guerre , qu'elle
ne puiffe être communiquée aux perfonnes de toutes for-
Xij
164 Differtations Hifloriques & Critiques
tes de conditions , quand elles ont eu quelque Charge con-
fiderable , quand elles fe font diftinguées par leur elprit &
par leur fçience ; quand elles ont excellé dans les beaux
Arts , ou qu'elles ont rendu des fervices confiderables à

l'Etat ; ou enfin à cauſe de leur merite perfonel. C'eſt


ce que nous allons montrer dans lesparagraphes fuivans.

§. I.

Des Chevaliers de Lettres.

Parmi les Romains il y avoit des Chevaliers qui faifoient


la guerre , & des Chevaliers qui s'appliquoient à l'étude
de la Jurifprudence. On trouvoit auffi fous les Empereurs
des Comtes qui manioient les armes , & des Comtes de
Lettres , fuivant la Pragmatique Sanction de l'Empereur
Theodofe le jeune ( a ). Il y a bien de l'apparence que par-
miles Romains les Chevaliers de Lettres n'ont pas plus

long-tems fubfifté que les Chevaliers d'épée. Et même


je ne crois pas qu'on ait fait aucune mention des Chevaliers
en Loix pendant plufieurs ficcles.
Origine Voici à peu près quelle eft l'origine de la Chevalerie
desCheva- des Gens de Lettres , ou fi l'on veut, comment elle a été re-
liers de
Lettres. nouvellée dans ces derniers tems. Lorſque la Chevalerie
commença de fleurir parmi les Princes Chrêtiens , la plû-
part des Villes voulurent que leurs Magiftrats fuffent ho-
norez de la qualité de Chevaliers , afin qu'ils euffent plus
d'autorité. Ainfi dans les lieux où le peuple s'étoit rendu
le maître à l'exclufion des Nobles , on éleva à la dignité
de Chevaliers , des Bourgeois , des Marchands de vin ,
des Changeurs. On -vit bien-tôt de ces fortes de Chevaliers
en France , en Italie , & en Allemagne. De forte qu'au
tems du Concile de Conftance , prefque tous les Députez
des Villes , qui s'y trouverent , étoient Chevaliers.
Les Gens de Lettres voyant cet abus , & l'avantage que
prenoient fur eux de fimples Bourgeois & des Marchands ,

( a ) Lib. 6. tit. 21. de Profeffor. cod. Theodof.


Jurla Chevalerie. Liv . I. Differt . VII . IGS
fous pretexte de ces Chevaleries , afpirerent au même hon-
neur , particulierement les Jurifconfultes. Ils eurent re-
cours pour fonder leur prétention aux paroles que l'Empe-
reur Juftinien à mifes à la tête de fes Inftitutes , où il
femble dire que les Loix établiffent une efpece de Cheva-
lerie auffi glorieufe, que celle qui s'acqueroit par les armes.
Voici les termes : Imperatoriam Majeftatem non folum armis
decoratam , fed etiam legibus oportet effe armatam , ut utrum-`
que tempus & bellorum & pacis rectè poſſit gubernari: & Prin-
ceps Romanus non folum in hoftibus præliis victor exiftat , fed
etiam per legitimos tramites calumniantium iniquitates expel-
lat , & fiat tam juris Religioſſimus, quam vićtishoftibus trium-
phatormagnificus.
Les differens qu'il y avoit en plufieurs Villes d'Italie en-
tre les Docteurs & les Chevaliers pour le pas & la préféan-
ce, fervirent encore d'occafion d'élever les Gens de Lettres

à la dignité des Chevaliers. L'an 1463. Le College des Ju-


rifconfultes d'Alexandrie fe plaignit à François Sforze , Duc
de Milan , de ce que les jeunes Chevaliers vouloient pré-
ceder les anciens Docteurs ; ce qui leur paroiffoit un atten-
tat contre la dignité des gens de Lettres. Ils alleguoient, qu'il
falloit fe regler fur la conduite des autres Villes & particu-
lierement de celle de Pavie , où les Lettres étoient honorées ;
& où il étoit ordonné que chacun garderoit le rang de fon
ancienneté, felon la reception de fon degré de Docteur, ou
de Chevalier.

Les Docteurs ayant donc regardé la Chevalerie comme


une espece de degré,pour éviter les conteftations, les Gens
de Lettres prierent les Empereurs & les autres Princes de
les faire Chevaliers ; afin qu'ayant ces deux fortes de de-
grés, on ne leur difputât plus la préféance. Cependant il
faut avouer que cet ufage eft beaucoup plus ancien , puif- Docteurs
que l'Hiftoire fait mention de plufieurs Docteurs en Theo- enTheolo-
logie & en Loix , qui avoient reçû l'honneur de la Che- gie
Loix&Che-
en
valerie dés le XIII. fiecle. valiers a

Mathieu Paris fur l'an 1251. parle de Henri de Bathonia, vant


XIII. lefie-
Chevalier des Lettres . Henricus de Bathonia, Miles Litera- de.
X iij
166 Dißertations Hiftoriques & Critiques
tus Legum terræ peritiffimus. Et fur l'an 1252. il appelle un
certain Robert de la Ho : Miles Literatus. Froiſſart ( a )
diftingue auffi les Chevaliers en Loix des Chevaliers en
armes : » & fi convient , dit-il , qu'il pardonnât la mort de
→ ces trois Chevaliers les deux d'armes, & le tiers de Loix ....
‫ & כם‬le Chevalier de Loix étoit M. Simon de Bucy.
»

Le même Autheur remarque qu'on pouvoit être honoré


de cette double Chevalerie , & il en rapporte un exemple
en ces termes. ( b )
>> Or étoit avenu qu'un vaillant homme de grand pruden-
" ce Chevalier en Loix & en armes, Bailly de Blois , lequel
ſe nommoit Meffire René de Sens. Philibert d'Arces , Gen-
tilhomme Dauphinois , fieur de la Baftie , Chevalier &
Docteur en Loix , eft qualifié dans ſon épitaphe , Chevalier
en armes & en Loix. Ce n'eftoit pas deux Chevaleries diſtin-
êtes, mais deux titres de Chevalerie , & ces deux titres pou-
voient être feparés. Il y avoit des Jurifconfultes qui étoient I
Chevaliers à raifon de leur Doctorat , comme un certain

Orlando de Graffio qui fleuriffoit à Meffines vers l'an 1323 .


Ileft appellé,Juris utriufque Profeffor & Miles . Il y en avoit
qui ajoûtoient à la fcience de la Jurifprudence , le titre de
Chevalier. Jean de S. Clair qui vivoit vers le milieu du
XV. fiecle fe qualifie : Mefire Jean de S. Clair, Noble Che-
valier & bon , Licentié és Loix. Pour faire voir qu'il étoit
Chevalier par droit de Nobleffe militaire , c'eft ce qu'il ex-
plique par ces termes, Noble Chevalier & bon; & joignant à
cette qualité celle de Licentié en Loix , il fait voir qu'il
étoit auffi Docteur.

Les Chevaliers de Lettres n'ont pas efté inconnus en Ef-


pagne . On lit dans la Chronique de Pierre IV. Roi d'A-
ragon : (c) Miffer Rodrigo Diez que era Dottor& Cavaller.
Barthole éleve fi fort la qualité de Docteur en Loix , qu'il

avance que celui qui avoit enfeigné le Droit Civil pendant


dix ans devenoit Chevalier, (d) Doctorem actualiter regen-

(a ) Fioiffart. 1. volum. chap. 179. (d ) Barthol. ad lib. 1. cod. dePre-


( b) Froiffart. 4. volume chap. 34. fefforibus.
( c ) chronic.lib. 3. cap. 12, p
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt . VII . 167

tem in Jure Civili per decennium, effici militem ipfo facto . Ceux
qui n'avoient reçû la Chevalerie que pour le feul titre de
Docteurs , s'appeloient Chevaliers de Lettres. Ils font quali-
fiez dans quelques anciens Autheurs, Chevaliers de Juſtice,
Chevaliers de Lettres , ou Chevaliers Clers : Milites Jufti-
tia , Milites Litterati , Milites Clerici.

Nous ferons voir dans la fuite qu'il y avoit dans l'Eglife


de Lyon fept Docteurs Chevaliers. Dans l'article XXI .
de l'Ordre de faint Michel , il eft marqué qu'il y aura un

Chancelier,qui fera Docteur en Theologie , ou en Droit


Canon . Dans l'Article XLIV. des Reglemens de l'Ordre

du Saint Efprit , il eft ordonné qu'il y aura un Chancelier
de l'Ordre,qui fera toujours pris & choifi entre les plus doctes,
notables, dignes & feables perfonnes de notre Royaume . Dés que
le Roi George fut élevé fur le Thrône d'Angleterre, il ho-
nora du Titre de Chevaliers quelques membres de l'Univer-
fité d'Oxford , & quelques Theologiens de l'Egliſe Preſ
biterienne de Londres.

S. II.

De la Chevalerie de Robe.

François Bertrand ( a ) remarque , que la Magiftrature


Origine
a toûjours efté confiderée comme une efpece de Milice & du Parle-
de Sacerdoce , & qu'elle a efté exercée par des gens d'auffi ment
Paris. de
grande naifance que la profeffion des armes. Sous la pre-
miere & la feconde race de nos Rois, la Juftice fe rendoit or-
dinairement à la fuite de ces Princes & en leur prefence ,
par les plus grands du Royaume. Le Roi Pepin , pere de

Charlemagne,inftitua vers l'an 755. un Parlement compofé


des premiers Seigneurs de fa Cour. Il fe tenoit pour l'or-
dinaire deux fois l'année , mais en des jours & dans des lieux
incertains. Ce Parlement fut ambulatoire jufqu'au Regne
de Philippe le Bel. Ce Prince voulant fe decharger de l'im-

( a ) François Bertr. Prerogatives de ¦ la Robe, chap. 5.


168 Dißertations Hiftoriques & Critiques
portunité des Plaideurs , & fon peuple de la dépenfe qu'il
étoit obligé de faire à la fuite de la Cour, declara en 1302. le
Parlement fedentaire à Paris , pour y eftre tenu deux fois
l'année. Chaque feance étoit de deux mois. Le Roi choifit
pour y prefider , deux Prelats & deux Barons , qui furent
depuis pour l'ordinaire des
Archevêques ou Evêques , &
des Princes , ou les plus confiderables Seigneurs de la
Cour. ( a )
Il n'y avoit pour lors qu'une Chambre, appellée la Cham-
bre du Parlement ; mais le grand nombre d'affaires obligea
nos Rois d'augmenter les Chambres , & on commença par
1
celle des Enquêtes pour vuider & terminer les Procés par
écrit. L'ancienne & la premiere Chambre du Parlement fut
appellée la Grand- Chambre , où préfidoit anciennement le
Chancelier , ou quelqu'un des Prélats , & en leur abfence
trois des plus anciens & des plus qualifiés de cette compa-
gnie. On leur donnoit le titre de Maîtres du Parlement &
non pas Préſidents , quoyqu'ils en fiffent la fonction. Ce
nom leur fut continué jufqu'à ce que le Roi Philippes de
Vallois par fon Edit de l'an 1343. en créa trois aufquels on

donna le nom de Préfidens. Le premier de ce nombre fut


Simon de Bucy , Chevalier. On dit pourtant que plufieurs
grands perfonnages , auffi celebres par la Nobleffe de
feur fang , que par l'excellence de leur efprit l'ont précedé
dans ce miniftere,quoique fous un autre titre. Ainfi jufqu'à
ce tems-là , la Juftice avoit été exercée par des perfonnes
d'une très-illuftre naiſſance.
Depuis l'Inftitution du Parlement , fuivant le même
François Bertrand , il a efté compofé de perfonnes confi-
derables, ou par la Nobleffe de leur fang, ou par l'accolade , ---
ou par la penfion des Chevaliers en Loix , que les Rois ont
donné , pour pouvoir être apellez Chevaliers , auffi-bien
que les Gens d'épée. Pour en être perfuadé , il n'y a qu'à
confulter le Traité des Eloges de tous les premiers Préfidens
du Parlement de Paris , donné au public par Jean- Baptiſte

( a ) Jean- Baptifte de l'Hermite Sou- premiers Préfidens , Preface.


liers & François Blanchard , Eloges des
de
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. VII . 169

de l'Hermite Souliers , & par François Blanchard ; & l'Ou-


vrage que celui-ci a compofé des Préfidens au Mortier de-
puis l'an 1331. & des Confeillers du Parlement de Paris de-
puis l'an 1260. jufqu'à prefent.
Dans la Declaration de Philippes de Valois pour l'Univer-
fité de Paris du 21. Mars 1345. de 24. Confeillers Laïcs ,
qui font nommez prefens , il y en a 8. que Du Tiller &
d'autres Auteurs (a ) nomment Chevaliers. Sous le même
Roy on compte 18. Chevaliers à l'Arreft de condamnation
de Montigny. On trouve auffi plufieurs autres Ordonnan-
ces de nos Rois , où ont affifté des Chevaliers. M. de la Ro-
que ( b ) fait mention de plufieurs Chanceliers de France ,
& d'autres perfonnes de Robe, qui ont efté honorez du titre
de Chevaliers. On lit dans les Regiftres de la Chambre des
Comptes, que Guillaume Juvenal des Urfins reçût la Che-
valerie , avant que d'être Chancelier en 1445.
Si ces Officiers , dit encore le même Auteur , n'étoient
pas nobles de race , ils étoient annoblis par leur Chevalerie
en Loix , auffi-bien que fi elle avoit efté d'Armes. C'est pour
cela qu'en France les Chanceliers , les Préfidens aux Con-
feils & aux Parlemens , & quelques autres Officiers de
Juſtice rechercherent cet honneur , qui demeura depuis
attaché aux Charges de quelques-uns.
Le Pere Meneftrier, après la Roche flavin ( c ) , remarque,
que le premier desPréfidens deToulouſe honoré du Titre de
Chevalier , fut Jean Daffis premier Pérfident , fait Cheva-
lier par le Roi Charles IX enl'année1565 . A l'exemple de ce
premier Préfident, M. de Paulo,fecond Préfident,peu d'an-
nées après obtint provifion du même Roy pour la qualité de
Chevalier. Depuis ce tems-là , dit-on , tous les Préfidens
à Mortier fans autre provifion que celle de leur Charge,
prennent le titre de Meffire , & la qualité de Chevalier. Ce
qui eft caufe , dit la Rocheflavin , qu'aux Sepultures des

( a ) Du Tillet , Recueil des rangs des chap. 105.


Grands de France , pag. 382. François (c ) Meneftr. De la Chevalerie chap. 7.
Bertrand, ubi fupra. Rochefla des Parlemens dcFrancefect. 9.
(b )De la Roque Traité de la Nobleſſe art. 5.
Y
170 Differtations Hiftoriques & Critiques
des Préfidens,outre la Robe , le Chaperon rouge & le Mor-
tier , on met fur le Cercueil , l'épée dorée & des botines
blanches avec les éperons dorez .
Mais il eft fur que cet Auteur s'eft mépris : car plus de
200. ans auparavant , tous les Premiers Préfidens & tous les
Préfidens au Mortier du Parlement de Paris portoient le ti-
tre de Meffire , & de Chevalier. Ce n'eft pas feulement à
Simon de Bucy-, qui a été le premier honoré de la qualité
de Préfident , à qui l'on a donné ces titres honorables , ni à
tous ceux qui l'ont fuivi ; on trouve même que Hugues de
Courcy , & Guillaume Bertrand , qui avoient exercé les
fonctions de Préfidens,auparavant, quoyque fous un autre ti-
tre fontapelez Meffires & Chevaliers.Pour ce qui regarde les
Prétidens au Mortier du Parlement de Paris , depuis Jean
du Chaſtellier que l'on met à la tête de tous les Préfidens
au Mortier & qui fut élevé à cette Charge l'an 1331. juf
qu'à prefent, il n'y en a pas un qui ne porte le titre de Meſ-
fire & de Chevalier. ( a )

Il y a au Parlement de Dijon deux Chevaliers, qui doi-


vent être d'ancienne Nobleffe. Le Senat de Chambery en
Savoye en a auffi deux , qui ne font pas neceffairement

Gentilshommes. Ils portent l'épée & le manteau d'écarlate


dans les affemblées & ont rang après tous les Préfidens.
Ce n'eft pas feulement en France que la Chevalerie a été
attachée à certaines Charges de Juftice ; mais auffi en Ita,
lie,à Naples, où tous les Officiers perpetuels , comme les Re-
gens dela Chancelerie , le Préfident du Confeil , le Lieu-
tenant de la Chambre , les Confeillers & Préfidens fans au-

cune ceremonie font élevés à cette dignité par les feules Pa-
ten tes du Prince, qui les declare Chevaliers dans les Letres
de provifion qu'il leur donne : c'eft ce que nous apprend
Camille Tutini en ces termes : (b ) fenza le narrate cerimo-
nie vengono chiamati Cavallieri Tutti gli Officiali perpetui ,
comme Regenti della Cancelleria , il prefidente del Configlio ,
il Luogotenente della Camera , i Configlieri , é Prefidenti ,

( a ) Jean-Baptifte de l'Hermite Souliers, (b) Camillo Tutini , Traité de l'O-


François Blanchard ubifupra . rigine & fondation des Segges chap. 14.
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt . VII . 171
per che nelle patenti della loro creatione fono dal Re honorati
con quefto titolo di milite.
Les Rois de Hongrie ont donné autrefois le privilege à
la Ville de Ragufe , de faire Chevalier celui qui en feroit
Recteur ; en forte que dés le moment qu'il feroit Recteur,il
fut cenfé Chevalier : ce privilege eft de l'an 1462 .
Les Procurateurs de Venife ont auffi le titre de Cheva-

liers , & portent une frange d'or pour marque de leur Che-
valerie. On dit auffi que les trois paffemens d'or que les Pre-
miers Préfidens portent fur leur manteau de ceremonie ,
font la marque de leur Chevalerie.
La forme des habits des Chevaliers d'épée & des Cheva-
liers de Robe, étoit tres - differente . Les premiers étoient re-
prefentez avec la cotte d'armes , armoyée de leurs blafons.
Les autres étoient repreſentez avec une Robe fourrée de
vairs & d'un bonnet de même ( a ) . Les Préfidens à mor-
tier ont retenu l'habit de cette Chevalerie, quand ils ont leur
manteau de ceremonie. Il y a plufieurs tombeaux où l'on voit
ces habits longs fourrez de vairs pour les Chevaliers de
Robe.
S. III.

Chevaliers d'Honneur des Papes , des Rois , des Reines ,

des Ricombres d'Espagne , & des Soudans


d'Egypte .

Le Pape Pie IV. de la maifon de Medicis, l'an 1560. & L'Ordre


le premier de fon Pontificat, fonda l'Ordre des Chevaliers des Cheva-
liers Pies.
Pies ; mais cette Chevalerie étoit plû-tôt honoraire que mi-
litaire , puifque ces Chevaliers n'étoient pas deſtinez à por-
ter les armes , mais pour remplir les Charges de la Chambre
Apoftolique ; pour être toûjours auprès de la perfonne du
Pape , dont ils étoient reputez Commenfaux , étant nouris
comme les autres Officiers de fa Maiſon. Enfin ils avoient

l'honneur de porter Sa Sainteté dans les ceremonies publi-

( a ] Meneftrier , Traité de la Chevale- ¦ rie chap. 7.


Y ij
172 Dissertations Hifloriques & Critiques
ques & extraordinaires , & de le fervir dans le Palais. Ces
Chevaliers honoraires avoient de grandsprivileges ; comme
d'être exemps de la Jurifdiction des Ordinaires , & de rele-

ver immediatement du Saint Siege; de preceder à Rome &


par tout ailleurs les Chevaliers de Malthe & de Livonie ou

de Pruffe ; de poffeder des benefices jufqu'à la fomme de 500


écus ; de fe pouvoir marier , & de porter le titre de Comtes
du Sacré Palais. On dit que ce Pape créa juſques à 535 . de
ces Chevaliers Honoraires . Leur marque étoit une medaille
d'or avec l'Image de Saint Ambroife d'un côté , & les ar
mes du Pape regnant de l'autre,avec la Thiare & deux clefs
d'or paffez en fautoir.
Chevaliers Je ne dois pas oublier ici une autre efpece de Chevalerie
d'honneur honoraire inftituée par les Souverains , & qui fubfifte en-
des Rois.
core aujourd'hui Ily a des Chevaliers d'honneur deſtinez
pour la chambre des Rois. Cette Inftitution eft affés ancien-
ne, & on en trouve des exemples dés le XIII . fiecle. Dom
Amauri de Meudon eft qualifié Chevalier du Roi : Dom.
Almaricus de Meudon Domini Regis Miles. ( a ) Dans le

compte des Baillifs de France , il eft fait mention de Jean


de Voyfe , de Radulphe Bonel , de Guillaume de Patay ,
& de Guillaume de Flavencourt , Chevaliers du Roi : Mi-

lites Regis (b) c'eſt le titre qu'on leur donne le plus fouvent

dans les anciennes Chartres . Jean de Soifi, Chevalier du
Roi de France ; Hugues de la Celle , Chevalier de nôtre
Seigneur le Roi de France , Domini Regis Miles.
On les appelle quelque fois Chevaliers de l'Hôtel du Roi.
On lit dans un Statut fait au bois de Vincennes au mois

de Janvier de l'an 1285. en l'abregement des dépensfaits en la


voie d'Aragon pour les gages des Chevaliers de l'Hoftel. En
l'Arreft de Meffire Etienne de Flavigny du onziéme Fe-
vrier 1384. on lui donne le titre de Chevalier d'honneur
du Roi , c'eſt-à-dire , qu'il étoit Chevalier de fa Chambre
( c).

[a ]Hift. Betbuniens. ad an . 1249. (c) Du Tillet Recueil des Rois de Fran


(b ) In computo Bolliva. Fran. ad an. celeurs Couronnes & Maifons , pag. 318.
1305.
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt . VII . 173

Il y a auffi une Chevalerie honoraire d'Office, qui con- Chevaliers


vient à ceux qu'on appelle Chevaliers d'honneur des Rei- desRei
d'honneur
nes.
nes. Dans l'Hiftoire de Long-Pont , il eft fait mention de
Theobalde de Mauny , & de Ferdinand , Chevaliers de la
Reine : Theobaldus de Mauny , & Ferdinandus , Milites Re-
gina. ( a ) Dans le teftament de Jolande, Comteffe d'An-
goulefme, de l'an 1314. on ylit ces paroles. De plus je le-
gue à Raoul Bruni, mon Chevalier, pour les bons fervices
qu'il m'a rendus 200. livres une fois payées; & à Foucaut de
la Roche, mon Chevalier, 50. livres. Item lego in retributionem
fervitiorum mihi impenforumprimò Domino Radulpho Bruni
militi meo 200. I. femel. Item Domino Fulcaudo de Rupe Mi-
liti meo 50. ll. femel.
On peut mettre parmi les Chevaliers honoraires ceux qui Chevaliers
d'honneur
étoient à la fuite des Ricombres d'Espagne. La dignité de ces desRicom
Ricombres étoit fi grande , qu'ils étoient comme Pairs & é- bres.
gaux à leur Roi, &faifoient prendre le nom d'Infant à leurs
fils , à l'exemple des Rois. Ils fe couvroient devant le Roi s
fcelloient avec lui tous les Actes , & les fcelloient en rond
comme Pairs & égaux. Entre plufieurs autres prerogatives
des Ricombres , illeur étoit permis d'avoir des Chevaliers à
leur fervice , qui étoient appellés Milites & Cavailleros de
Honor , Chevaliers d'honneur. Ces Chevaliers étoient obli-

gés d'être toûjours à la fuite des Ricombres , & de marcher à


la guerre fous leur banniere. Les enfans de ces Chevaliers
d'honneur prenoient le titre d'Infançons , qui eſt un dimi-
nutif du titre d'Infant , que les fils des Ricombres avoient
ufurpé. ( b)
Je ne fçay files Princes Chrêtiens n'ont pas reçû des Sou-
Chevaliers
dans d'Egypte & de Babylone , l'ufage d'avoir des Cheva- d'honneur
liers d'honneur. Au moins eft-il certain que dés le tems de des Sou-
la guerre fainte, & peut-être même du tems de Saladin, Ge- dans.
neral des troupes de Noradin , qui fut le premier Soudan
d'Egypte , ces Infidelles avoient des Chevaliers appellez de
la Halcqua , c'eft- à - dire de la Chambre , ou Chevaliers

(a ) Hift. Monaft. Longi-pontis ad an. ( b ) De Marca Hiftoire du Bearn, liv .


II 94. 5. nomb. 6. pag. 4¹3 .
Y iij
174 Dissertations Hiftoriques & Critiques
d'honneur des Soudans. Avant que d'être élevés à cette
dignité , on leur apprenoit les exercices de la guerre , pour
être plus propres à veiller à la garde de leur Souverain , &
à s'approcher de fa perfonne. (a )

S. IV.

Chevaliers du Guet.

Les Anciens faifoient obferver le Guet de nuit dans les

principales Villes , comme à Rome & à Conftantinople : ce


qu'ils appelloient : ftationes , vigilia , excubia. Cet ufage
a été commun en plufieurs Villes de France. Il y a eû de-
puis un tems immemorial à Orleans un Maître du grand
& du petit Guet. Cet Office de Maître du Guet d'Orleans
futfupprimé par le Roi Charles IX . au mois deJuin 1564.
Au lieu de cet Office on créa & érigea un Chevalier &
Capitaine du Guet. Celui qui étoit choifi pour cette Char-
ge devoit être Gentilhomme, & experimenté au fait des ar-
mes.Le premier pourvû de l'Office de Chevalier & Capitai-
ne du Guet fut Rolland de Semellon, Ecuyer, homme d'ar-
mes de la Compagnie de M. de Cipiere Gouverneur
d'Orleans . (b )

Quoyqu'en France il n'y eut que Paris , Orleans, Lyon,


Bordeaux & Sens, qui euffent un Chevalier, un Capitaine ,
un Lieutenant & des Archers du Guet; cependant leRoiJean
permit à l'Abbé de St. Denys en France d'établir un Che-
valier du Guet , pour la grande foire du Landi l'an 1534-
Garnier Allegrin fut le premier honoré de cette Charge.
Le plus ancien Chevalier du Guet eft celui de Paris. Il

Chevaliers eft Capitaine d'une Compagnie d'hommes à pied & à che-


du Gnet val , pour empêcher que l'on ne faffe des defordres pendant
de Paris.
la nuit dans cette capitale du Royaume. On dit que ce fut
Charles VII. qui l'an 1455. donna le collier de l'Ordre de
l'Etoile au Capitaine du Guet de nuit , & l'appella Cheva-
[ a ] Jonville , dans la vie de Saint [b ] Le Maire Antiquités d'Orleans.
Louis, André Favin Theat. d'hon . liv. 9. I tom . 1. chap. 81
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt . VII .
175
lier du Guet. Mais c'eftune erreur populaire : Car il y avoit
un Chevalier du Guet dés l'an 1436. & même plus de cent

ans auparavant; comme il paroit par une Charte du RoiJean


de l'an 1354. rapportée par Doublet page 987. où il eft fait
mention du Chevalier du Guet : Officium Militis Gueti.
Le Parlement de Paris donna un Arreft le 13. Janvier ,
de l'an 1457. par lequel il eft deffendu que perfonne ne
puiffe être Capitaine du Guet, s'il n'eft Chevalier, à moins
qu'il n'en foit difpenſé : nullus habeat vel detineat prædictum
Officium , nifi fuerit Miles , velper nos in hoc difpenfatus. Dans
les Regiftres de la Chambre des Comptes de Paris , on trou-
ve qu'un Henri de Villablanca fut fait Chevalier du Guet,
quoique fuivant la coûtume il ne fut pas de race de Cheva-
lerie , dont il fut difpenfé par le Conneftable. Henricus de
Villablanca fcutifer fcutiferia Regis commiffus & ftabilitus ad
Officium Militis excubiarum , feu Guetti Villa Parifienfis, non
obftante quod dictus Henricus non fit Miles , prout eft confue-
tum , per Litteras Dom. Conftabularii datum Parifiis 13. A.
prilis 1436.

S. V.

De la Chevalerie Civile ou Bourgeoife.

J'appelle ainfi cette forte de Chevalerie honoraire , par-


ce que les principaux du peuple , & les plus qualifiez d'en-
tre les Bourgeois , recherchoient d'être honorez du titre de
Chevaliers. Ils fe le procuroient avec foin, & fouvent ils l'a-
chetoient par de groffes fommes d'argent , quand ils ne pou
voient l'obtenir par faveur. Tutini dans fon Traité de l'o-
rigine ou fondation des Segges de Naples , nous apprend que
cet ufage fut caufe,que l'on confondoit quelques fois les ve-
ritables Chevaliers, avec ceux qui ne portoient ce titre qu'a-
près l'avoir obtenu par faveur ou par argent . Mais pour les
diftinguer on appelloit ceux-là Chevaliers de juftice, & ceux-
ci Chevaliers de grace , ou Cavalieri Mediani ; pour mar-
quer qu'ils tenoient le milieu entre la nobleſſe & le peuple.
176 Differtations Hiftoriques Critiques
La maniere de créer ces Chevaliers de grace étoit trés-

differente , de celle dont on fe fervoit pour les Chevaliers


de Juſtice. Il ne falloit autre chofe que la volonté du Prin-
ce , qui fans autre ceremonie touchoit de fon épée la tête
ou l'épaule de celui qu'il vouloit faire Chevalier de grace ,
en lui difant : Iddio ti faccia buon Cavaliere . Pour les Che-
valiers de Juſtice, on faifoit des informations fur l'état de
leur naiffance , & l'on obfervoit les autres formalités en
uſage dans la création des Chevaliers.
Čette Chevalerie Civile ou Bourgeoiſe avilit infenfible-
ment la Chevalerie Militaire , qui étoit autrefois recher-
chée avec tant d'empreffement. Ce noble titre n'étoit accor-
dé pour l'ordinaire qu'à une illuftre naiffance , ou pour
des fervices confiderables rendus aux Princes ou à l'Etat.
Ce fut peut-être pour arrêter les abus de cette Chevalerie
de grace , que Charles II . Roi de Naples fit une Ordon-
nance l'an 1294. par laquelle il établit que nul ne feroit fair
Chevalier, s'il n'étoit de race de Chevalerie , du moins du
côté de fon pere , & fi fes Ancêtres n'étoient Gentilshom-
mes : nullus poffit accipere militare Cingulum, nifi ex partepa-
tris faltem fit miles.

S. VI.

De plufieurs autresfortes de perfonnes qui ont reçû l'hon-


neur de la Chevalerie.

L'on feroit un jufte volume , fi l'on entreprenoit de rap-


porter tous les Sculpteurs, les Architectes , les Peintres , les
Medecins , les Poëtes , & tous les autres Artifans , qui ont
merité le glorieux titre de Chevaliers , pour avoir excellé
dans les beaux Arts , ou s'être rendus recommandables par
leur fçavoir , & par leurs grandes actions. Je me contente-
rai de faire mention de quelques uns.

Lepremier qui fe prefente eft le celebre Dominique


Fontana , qui fous le Pontificat de Sixte V. parvint à l'hon-
neur de la Chevalerie par fon merite , ayant fait dans
Rome
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. VII . $77
Rome des chofes extraordinaires , comme d'avoir élevé les
éguilles ou obelifques de Rome. Le Cardinal Alexandre
Farnefe fit auffi Chevalier Jean-Baptifte de la Porte, Scul
pteur , pour lui avoir fait les douze Cefars. Le Pape Paul
V. fit le même honneur à Paul Guidotti , Peintre & Scul-
pteur. Gregoire XV . fit Chevalier de l'Ordre de Chrift

en Portugal Jean Laurent Bernini , ou Bernin, pour avoir


excellé dans la connoiffance de la Sculpture & de l'Archi-
tecture.

Je mets à la tête des Peintres qui ont merité l'honneur


de la Chevalerie , Barthelemi Spranger , natif d'Anvers.
Maximilien II. l'honora d'une triple chaine d'or à caufe
de fon habileté dans la peinture- Parmi les hommes illuftres
de Sienne il eft fait mention de Jean Antoine Razzi fur-
nommé Sodoma , auquel le Pape Leon X. confera la Che-
valerie à l'inftance d'Auguftin Chigi , ( a ) pour avoirpeint

une Lucrece qui fe plongeoit le poignard dans le fein.


D'autres difent que le Razzi fut fait Chevalier par la Com-
munauté de Sienne : Egli fu Pittore cofi excellente , dit l'Hif
torien Ugurgieri ( b ) , che dalla noftra citta per lafua grand
virtù fu fatto Cavaliere.
Charles V. fit Chevalier de fa propre main le Tatien ,
après que cet homme incomparable eut fait le portrait de
cet Empereur. Il l'annoblit auparavant , & le fit Comte Pa-
latin , ainſi qu'il eft marqué dans les Patentes qu'il lui fit ex-
pedier à Barcelone l'an 1553. Le Chevalier Jofepin , au-
trement dit Jofeph Cefari,a reçû deux Ordres de Chevale-
rie. Le Roi Louis XIII . lui confera celui de Saint Mi-
chel ; & le Pape celui de Chrift. Rubens futfait auffi Che-
valier par le Roi d'Angleterre, auprès duquel le Roi d'Ef
pagne l'avoit envoyé en qualité d'Ambaſſadeur.
Dominique Beccafumi fe rendit fi habile dans la pein-
ture , qu'il fut jugé digne de la qualité de Chevalier , quoi-
qu'il ne fut qu'un pauvre païfan du Village de Marciano
affés près de Sienne , où il gardoit les cochons dans une

(a) Vafari vitta dé Pittori (b ) Ugurg. 1ompe fencle tit. 33.


Z
178 Differtations Hiftoriques & Critiques
metairie de Jerôme Beccafumi , Gentilhomme Siennois ,

qui lui donna fon nom , fes Armes , & qui l'adopta
dans fa famille. Dominique Beccafumi n'excella pas feu-
lement dans la peinture , mais auffi dans la Sculpture &
dans l'Architecture. C'est lui qui a l'honneur d'avoir ache-
vé le beau pavé de l'Eglife de Sienne , commencé par le
Duccio. Je pourrois joindre à tous ces excellens Peintres ,
Sculpteurs & Architectes , Jean Baglione , Gafpar Celio ,
Dominique Paffignano , Octavio Padoüano , qui ont été
faits Chevaliers de Chrift par divers Papes ; auffi-bien
que François Vanni , Chriftofle Roncalli , & Pierre
François Moranzaro qui ont reçû le même honneur. Ce
dernier fut crée Chevalier de Saint Lazare & de Saint

Maurice par le Duc de Savoye. Ses Succeffeurs ont fait


le même honneur à l'Hiftoriographe Guichenon , & a
plufieurs autres Peintres , Architectes , Sculpteurs & In-
genieurs qui avoient excellé dans leurs Arts.
On trouve auffi des Poëtes qui ont reçû l'honneur de la
Chevalerie. Le rare genie de Sculer, qui changea fon nom
en celui de Sabinus , lui merita la Couronne Poëtique, la
qualité de Chevalier , & la Nobleffe ancienne qu'il n'avoit
pas reçû de fes Ancêtres. L'Empereur Charles V. à la Die-
te de Ratisbonne en 1541. mit ce celebre Poëte au nombre
des Nobles de l'Empire de quatre races du côté de pere &
de mere. Pufieurs excellens Poëtes ont eu le même hon-

neur , comme le Chevalier Marin , le Chevalier Jean- Bap-


tifte Bertanni &c. Le titre de Chevalier n'a pas été refufé
à des Docteurs en Medecine , puifque Jean Mandenil ,
Medecin Anglois , eft nommé Chevalier dans la Chroni-
que de Flandres fur l'an 1323. Joannis Mandeüil , Doctor
in Medecina, & Miles in armis , natione Anglicus.
Enfin il y a eu des perfonnes de la liedu peuple , qui ont
fait des actions fi éclatantes , ou ont rendu des fervices fi
confiderables à l'Etat , qu'on les a jugez dignes d'être éle-
vez à l'honneur de la Chevalerie. Froiffard remarque que

Jean Selle , Capitaine de Nordvich en Angleterre, fils d'un


Maffon,fut fait Chevalier par le Roi Edouard III . pour fa
fur la Chevalerie . Liv . I. Differt . VII . 179
valeur & fon merite. Les Flammans veulent auffi que Pierre
Tifferand de tres baffe extraction , ait reçû la Chevalerie de
Philippes III. dit le bon, Comte de Flandres,à caufe de fon
meriteperfonel & de fes hauts faits. Baudier, dans fonHiſtoi-
re des Turcs,raporte qu'un Boucher,fut annobli & fait Che-
valier par le Grand-Maître de St Jean de Jerufalem,pour a
voir donné des vivres à la Religion durant le fiege de Rho-
des .
§. VII.

La Chevalerie honoraire a été conferée à des Infideles par


des Chrêtiens.

La Chevalerie Honoraire Civile ayant été inftituée,pour


exciter ceux qui n'aimoient rien tant que l'honneur de faire
de grandes actions , ou pour recompenſer leur merite ; les
Infideles , auffi-bien que les Chrêtiens, peuvent afpirer au
glorieux titre de Chevalier. C'est pour cela qu'il n'y a pref-
quepoint de nation qui n'ait eu des Chevaliers. Il n'eft pas
même fans exemple, que les Infideles & les Chrêtiens fe
foient mutuellement conferez ce titre d'honneur, en voici

quelques - uns,
Jerôme Zurita dans fon hiftoire d'Arragon , raconte que
Bernard Portera , étant Ambaffadeur de Jacques IV . Roi
d'Arragon dans la ville d'Alexandrie , il reçût ordre de ce
Prince de conferer la Chevalerie au fils du Sultan de Babi-

lone , qui fouhaitoit avec paffion cette excellente dignité.


Aprés que Saint Ferdinand , Roi de Caftille & de Leon ,
eut pris la Ville de Seville , il fit alliance avec Mahumeth ,
Roi des Maures.Pour affermir davantage ceTraité de Paix,
le Prince Chrêtien ne fit pas feulement Chevalier le Roi
infidele , mais auffi il lui permit de porter les Armoiries du
Royaume de Caftille , en y ajoûtant deux têtes de Serpens.
Vers la fin du XII . fiecle Saladin , Sultan d'Egypte, pria
les Chrêtiens de lui conferer la Chevalerie , ce qui lui fut
accordé. Hugues Taborin , Chevalier du Royaume de Je-
Zij
180 Dißertations Hiftoriques & Critiques
rufalem , en fit la fonction , & lui donna la ceinture mili-
taire. Fauchet rapporte le ceremonial dont on fe fervit
dans cette folemnité. ( a )
Plufieurs Auteurs ( b ) racontent, que Mahomet II. Em
pereur des Turcs fit Chevalier le fameux Gentil Bellin, qui
a eu la gloire d'avoir donné les plus beaux Ouvrages de
peinture , qu'on cut encore vû dans les derniers fecles.
Ce qui lui a acquis plus de reputation , font les excellens
Tableaux qui font à Venife dans la fale du Confeil , dont
le fujet eft ce qui fe paffa dans cette Ville , lorfque le Pape
Alexandre III. s'y retira durant la cruelle perfecution que .
lui fit l'Empereur Frederic I. dit Barberouffe .
Mahomet ayant vù quelques Tableaux de la façon de
Bellin fouhaita de le voir & de le faire travailler. Bellin

alla à Conftantinople & fit de tres-baux Portraits pour


le Grand Seigneur. Il peignit entr'autres pieces la decola-
tion de Saint Jean- Baptifte , ( c ) que les Turcs même ho-.
norent comme un grand Prophete. Mahomet fit de grands
prefens à Gentil Bellin & le fit Chevalier , lui mettant lui-
même une chaine de grand prix au col , & le recomman-
da à la Republique comme Chevalier. C'est ce qui eft mar-
qué dans ces deux vers que l'on lit dans un de fes Tableaux
qui eft à Venife.
Gentilis Patria dedit hæc monumenta Bellinus ,
Othomano accitus munere factus Eques.

(a ) Fauchet Traité de l'Origine des ( b ) Vafari vite dé Pättori Ridolfi


Chevaliers Savaron Traité de l'épée page vite de Pitt. Venet. part. 1. pag 32. Feli-
32. biem entret. des Peintres.
(c) Bellin ayant peint la Decola - té de fon obfervation par un exemple
tion de St. Jean- Baptifte, Mahomet naturel , il appella un Efclave, & lui
admira la difpofition & le Coloris de fit couper la tête en la préfence du
cet excellent Ouvrage; mais il y trou- Peintre , auquel il fit remarquer que
va un defaut : c'eft que le col étoit le col feparé de la tête le retreflifoit
trop haut & trop large étant feparé extrémement ,
de la tête. Er pour lui prouver la veri-

1
181
Jurla Chevalerie. Liv. I. Differt. VIII .

**

DISSERTATION VIII.

De la Chevalerie Sociale.

Left bien difficile de remonter jufqu'à l'origine de cet-


I te forte de Chevalerie , & d'en découvrir la veritable
fource. Cette milice fociale n'eft jamais fixe. Elle n'eft pas
confirmée par les Souverains Pontifes, ni reglée par des Sta-
tuts qui foient de durée. Elle n'eft ordinairement établie
que pour un tems , ou pour quelque occafion.
Il femble que cette Noble qualité foit uniquement fon-
dée fur l'ufage de quelques Nations , qui ont crû qu'il étoit
convenable de ne point exercer certaines fonctions , fans
être honoré de la Chevalerie. C'eft peut- être pour cette
raifon qu'on l'appelle Chevalerie Sociale : comme qui diroit
qualité neceffaire pour être admis en la compagnie d'autres
perfonnes dans de certaines folemnités. A infi il falloit être
aggregé à quelque Ordre de Chevalerie , ou avoir le titre
de Chevalier , pour être reçû à la table des Rois , ou des
Grands Seigneurs ; pour combattre dans les Tournois , les
joûtes & les duels ; pour entrer dans des factions , & pour
de femblables folemnités.
On peut reduire à la Chevalerie Sociale certaines Con-

frairies de Gentilshommes , qu'on appelloit fouvent Cheva-


liers , & dans lesquelles on ne pouvoit être reçû fans faire
preuve de Nobleffe .L'honneur & la gloire de Dieu , dela
Sainte Vierge & des Saints ; la piété & la pratique de la
vertu ont toujours été la fin de cette forte de Chevalerie.

Z iij
182
Differtations Hifloriques & Critiques

ARTICLE I.

Il falloit être Chevalierpour manger à la table des Rois , "

affifter à certaines folemnités .

Uivant cette idée de la Chevalerie Sociale, il eft certain


Su
qu'elle étoit en ufage au commencement du VI.fiecle,
puifque c'étoit une coûtume obfervée parmi les Lombards ,
avant même qu'ils entraffent en Italie , que les enfans des
Princes , & peut-être de Grands Seigneurs , n'étoient point
admis à la table de leur pere , s'ils n'avoient reçû l'honneur
de la Chevalerie ; car ce ne fut qu'en l'an 598. que ces
peuples barbares pafferent en Italie fous la conduite d'Al-
boin , leur Roi , que Narfes y avoit appellé. Il emporta
Pavie aprés un fiege de trois ans , & fut proclamé Roi par
fon armée en 571 .

Or cette pratique étoit déja établie parmi les Lombards ,


puifque l'an 526. ces peuples demeurant encore dans la
Scandinavie , la Pomeranie & dans les autres Provinces

plus feptentrionales , Audoüin leur Roi , aprés avoir rem-


porté une celebre victoire , ne voulut pas permettre
que fon propre fils mangeât à fa table. Ses Courtifans lui

ayant reprefenté , que le jeune Prince meritoit bien cet


honneur à caufe des actions heroïques qu'il avoit faites
dans ce fanglant Combat ; Audouin repondit : Ne fçavez-
vous pas , que ce n'eft pas la coûtume que le fils du Roj
foit aflis à la table de fon pere , qu'il n'ait reçû l'honneur
de la Chevalerie : fcitis non effe apud nos confuetudinem , ut
Regisfilius cum patre prandeat , nifiprius à Rege Gentis exte¬
ra armafufceperit ( a ).
Je ne fçai , fi l'ufage de ces Peuples barbares ne paffat
pas en France & en Angleterre : Au moins eft-il certain ,
que les Princes ( b ) qui n'étoient pas Chevaliers , n'avoient

(a ) Paul Diacon. De rebus longobard . ( b ) André Favin Theatre d'honneur


lib . 1. cap. 14. liv , 3. pag. $77 .
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt. VIII . 183
pas l'honneur d'être affis à la table des Rois , lorfqu'ils te-
noient leurs Cours aux Fêtes folemnelles. Les Ecuyers
mêmes ne ſe pouvoient trouver aux Fêtes publiques, que
faifoient les Princes & les Grands Seigneurs à moins qu'ils
n'euffent reçû auparavant le glorieux titre de Chevaliers.
Nous en avonsun exemple celebre dans ce qui fe paffa, lorf-
que Henril . Roi d'Angleterre, conclut le mariage de fa fille
Mahauld avec Geofroi d'Anjou . Le ComteFoulques pria le
Roi de lui permettre d'envoyer fon fils à Rouen, pour être
fait Chevalier avec les autres Seigneurs de fon âge, afinqu'il
pût affifter aux rejoüiffances de la Cour : ut ibidem cum
coavis fuis arma fufcepturus , regalibus gaudiis intereſſet ( a) .
Mathieu Paris en plufieurs endroits de fon Hiftoire rap-
porte , qu'anciennement les Rois d'Angleterre faifoient
Chevaliers des Bains un certain nombre d'Ecuyers , afin
qu'ils les ferviffent à Table le jour de leur Couronnement.

ARTICLE II.

Il n'y avoit que les Chevaliers aufquels il fut permis de


combattre dans les Tournois dans lesjoûtes .

A Chevalerie Sociale par rapport aux Tournois &


LA Jaux Joûtes , n'a pris naiffance qu'avec ces exercices.
C'étoient des Combats d'honneur , que deux partis de
Chevaliers bien montez , leftement parez & armez , fai .

foient à plaifir , ou pour fe rendre plus propres aux exerci-


ces de la guerre , & cela dans une carriere deftinée à ces
fortes de joûtes. Les Ecrivains ne s'accordent pas touchant
le tems de l'Inftitution de ces Combats ( b ) . Il y en a qui

les attribuent aux Romains , qui dans les jeux publics du


Cirque faifoient joûter les enfans nobles les uns contre les
autres , & qui les exerçoient à la courfe des Chariots : cc

(a ) Joannes Monachus major Mo- ( b ) André Favin Hiftoire de Navarre


nafter. in vita Godefredi Ducis Norman. ¦ pag. 514.
184 Dißertations Hiftoriques & Critiques
qu'on nommoit Ludi Trojani . Virgile ( a) attribuë à Aſca-
nius , fils d'Enée , l'établiſſement de ces Tournois en ces ter-

mes.
Hunc morem , hos curfus , atque hæc certamina primus
Afcanius , longam muris cum cingeret Albam
Retulit , & prifcos docuit celebrare Latinos.
Cependant il eft certain que les Tournois dont nous par-
lons , & que les Auteurs appellent : Decurfiones militares
Ludicra, Equeftes pugnæ , Haftiludia, Ludi equeftres , ne font
pas fi anciens, & qu'ils doivent leur établiſſement aux Fran-
çois ( b ): C'est pour cela que Mathieu Paris les appelle Con-
Alictus Gallici ( c ) , des Combats François . Ces fortes d'e-
xercices étoient autre-fois affés frequents en France . Les
Anglois imiterent les François dans ces exercices militai-
res ( d ) , & on prétend qu'ils furent établis en Angleterre
par le Roi Richard vers l'an 1194. Les Allemans emprun-
terent auffi cet ufage des François environ l'an 1036. Les
Grecs avoient que ceux de leur nation en ont tiré la prati-
que. Ainfi Nicetas ,Cinnamus & Nicephore Gregoras ( e )
reconnoiffent que l'Empereur Emmanuel commença d’in-
ftituer ces nobles exercices à l'imitation des François vers
l'an 1145.
- Ces Combats
d'honneur ont été fi eftimez en Europe, que
les plus grands Seigneurs , les Ducs , les Princes & même
les Rois (f) fe faifoient une gloire particuliere de combat-
tre dans les Tournois. Il n'étoit pas même permis de fe

invenit. Chronicon . Sancti Martini


(a ) Virgil. Lib. 5. Æneid.
( b ) Quelques uns de nos Autheurs Turon.
attribuent Piavention des Tournois (c ) Matheus Parifienf. Hift. d'Ang.
ad an . 1179 .
à Geoffroi de Preüilli , qui mourut en
1066. Mais il en drefla feulement les (d )VVillelmus Neubrig. lib. 5. cap.
Loix & les Regles , & en rendit l'u 4. Bromptonus ad an . 1177 .
fage plus frequent . Il eft parlé de ces (e ) Nicheph Gregor. lib. 10.
Combats avant le tems de Geoffroi ,& [ f ] Le Roi Edouard avec les An-
on tient qu'ils ont été pratiquez , du glois combatit contre le Comte de
moins fous la feconde Race de nos Chálon & les Bourguignons en 127 4 .
Rois , & Nitard en rapporte un exem Charles VI. Roi de France fit le même
ple du tems de Charles le Chauve Roi en 133. àCambray;François I. en1520.
de France. Chronicon Turon . anno entre Ardres & Guines : Henri II. en
2266 , Gaufridus de Pruljaco torneamenta | 1559. à Paris.
trouver
Jurla Chevalerie. Liv . I. Differt. VIII . 185
trouver , ni de combattre dans les Tournois , fi l'on n'étoit
iffu de race militaire ou d'ancienne Chevalerie.

Parmi les Allemans il n'y avoit que les Princes , les


Grands Seigneurs , les Barons , les anciens nobles & de ra→
ce militaire qui euffent le droit de ſe preſenter aux Tour-
nois. Il y en a même qui foutiennent ( a ) , que les nobles
de Tournoi , parmi les Allemans , devoient faire preuve de
trente-deux quartiers. Ceux qui étoient d'une condition in-
ferieure , ou qui n'étoient pas Chevaliers , en étoient ex-
clus , & il étoit defendu fous de grieves peines de fe mêler
parmi ceux qui avoient le privilege de s'y trouver , fi l'on
n'avoit pas les qualités ordonnées par les Statuts des Tour-

nois. Cela eft clairement expliqué dans l'Article XII . des


Reglemens que fit fur ce fujet Henri I. furnomme l'Oyfe-
leur , Duc de Saxe & Empereur : Quifquis , dit ce Prince,
recentiorisfit notæ nobilis .... cum iis , quibus juris eft decer-
tandi , fe fe promifcuerint ; Hi tales verberibus mulffentur ( b).
Il eft auffi defendu dans les Ordonnances de Philippes le Bel
Roi de France , de ſe preſenter aux Tournois fans avoir
prouvé qu'on eft noble de quatre Races. ( c )
Pour être reçû dans les Tournois & dans les joûtes , il ne
fuffifoit pas d'être de Nobleffe titrée , de race militaire ;
d'ancienne Chevalerie , & Gentilhomme ; il falloit encore
avoir reçû l'honneur de la Chevalerie. Car les Ecrivains
qui ont traité de ces folemnités ( d ) donnent toûjours le ti-
tre de Chevaliers à ceux qui affiftoient à ces jeux de re-
joüiffance, & à ces Combats d'honneur : Car fuivant la re-
marque de Matthieu Paris , il n'étoit pas permis , & on
n'étoit pas même capable de combattre dans les Tournois à
moins qu'on ne fut Chevalier. 1
L'an 1247. Henri III . Roi d'Angleterre , ayant fait

( a ) De la Roque Traité de la Nobleſſe | Traité des Tournois. M. Du Cange


chap. 172. dans la Differtation VII fur Jonville.
( b ]Favin Theatre d'honneur tom. 2. André Favin Theatre d'honneur tom . z.
liv. 10. pag. 1744. liv.10. parle fort au long des Tournois
[ ] André Favin Hiftoire de Navarre & en rapporte les Statuts. La Colom-
liv. 10. pag. 316 . biere & c.
[d ] Le Pere Meneftrier a fait un
Aa
186 Differtations Hiftoriques & Critiques
publier un de ces Combats d'honneur , le Comte de Glo-
cefter , donna la Chevalerie à Guillaume fon frere , afin

qu'il fut admis à ce Tournoy : Willelmumfratremfuum Bal-


theo cincit militari. ( a ) Dans une femblable folemnité Si-
mon de Montfort , Comte de Linceftre fit Chevalier Guil-
laume Claire.
Comme l'on ne combattoit dans les Tournois que pour

apprendre le metier de la guerre , les armes à outrance y


étoient defenduës, de forte que les Lances & les épées dont
on fe fervoit avoient la pointe émouffée & le taillant rabatu,
ce que l'on appelloit des armes courtoifes : Luforia tela. Mais
comme il arrivoit fouvent de grands accidens par la chaleur
des Combattans , quelques uns prenant ces occafions pour
fe vanger de leurs ennemis , l'Eglife a defendu les Tour-
nois & les jouites. Plufieurs Papes ont excommunié ceux
qui s'y trouveroient. Innocent II . vers l'an 1140. & Ale-
xandre III. au Concile de Latran tenu en 1179. furent les
premiers qui fulminerent Anathême contre les Tournois.
Voici le Decret de ce Concile : Deteftabiles illas nundinas ,
vel ferias , quas vulgo Torneamenta vocant , in quibus Mi-
lites ex condicto convenire folent ad oftentationem virium fua-
rum , & audaciæ temerè congredi ; unde mortes hominum &
animarum fæpè proveniunt , fieri prohibemus. Quod fi quis
corum ibi mortuusfuerit , quamvis ei pofcenti pœnitentia non
denegetur , Ecclefiaftica tamen careat fepultura , Dans le Con-
cile General de Vienne celebré en 1313. fous le Pape Cle-
ment V. ces Combats furent defendus fous les mêmes pei-
nes. Les Princes Seculiers firent auffi des Loix pour les
abolir.

[ a ] Math. Parifienfis Hift. Angl. ad ¦ an. 1247.


furla Chevalerie. Liv. I. Differt. VIII . 187

ARTICLE III.

Pour être admis àpluſieurs autres Fêtes d'armes , il falloit


porter le titre de Chevalier.

S. I.

Pas d'Armes.

Es Pas d'armes étoient des lieux que l'on entreprenoit


l'on entrepreno it Ce que
Lde defendre , comme des ponts , des grands chemins, c'eftque le
& des paffages qu'on ne pouvoit traverſer fans combattre Pas d'Ar-
mes.
ceux qui les gardoient. Les Chevaliers qui tenoient lepas
attachoient leurs Ecus armoyez de leurs armes, à des arbres,
à des pals ou à des colomnes dreffées pour ce fujet. Ceux
qui vouloient acquerir de l'honneur dans ces Combats tou
choient avec leur Lance un de ces Ecus, de forte que celui à
qui il appartenoit , étoit obligé de combattre ; & celui qui
étoit vaincu devoit donner au victorieux le prix dont on
étoit convenu .

Dans le Traité de la Science Heroïque (a ) de M. de la Loix des


Colombiere , il y a un Chapitre dans lequel il parle fort au Pas d'Ar-
mes.
long de ces fortes de Combats d'honneur entrepris par un
ou plufieurs Chevaliers dans les Fêtes publiques. Il rappor-
te les loix & les conditions qu'on y devoit obferver.
Enfin il fait la defcription de plufieurs de ces Combats. Il
donne par tout le titre de Chevalier aux Tenans & aux
Affaillans. Car il y a bien de l'apparence que ceux qui n'é-
toient pas aggregez à quelque Ördre de Chevalerie , de-
voient le faire armer Chevaliers , pour être admis à ces
Combats publics ; quoique d'ailleurs ils fuffent Gentils-
hommes.

( a ) Colom. Science Heroïque chap. I deS. Louis , Favin Theatre d'honneur


43 Du Cange Dißertat. 7. fur l'Hiftoire ¦ tom. 2, liv. 1o.
A a ij
188 Dissertations Hiftoriques & Critiques
C'eft ce qu'on peut recueillir de ce Pas d'Armes , où
le Roi Henri II. fut malheureufement bleffé à mort par
Mongomery pendant les rejoüiffances qu'on fit aux noces
d'Elizabeth de France avec Philippes II. Roi d'Efpagne .
Dans les Lettres de défy de ce Pas d'Armes tenu l'an 1559..
il y a ces termes. De par le Roy.... lequel fait àfçavoir à
tous Princes , Seigneurs , Gentilshommes , Chevaliers & Ecu-

yers:qu'en la Ville Capitale de Paris, (a) le Pas eft ouvert par


Sa Majesté trés-Chrétienne , & par les Princes de Ferrare ,
Alphonfe d'Eft , François de Lorraine Duc de Guife , Pair &
Grand Chambellan de France , & Jacques de Savoye , Duc
de Nemours , tous Chevaliers de l'Ordre , pour être tenus contre
tous venans duement qualifiez &c.

Quoique le Roi & tous les autres Grands Seigneurs qui


tenoient le Pas d'Armes avec lui,fuffent iffus de la plus hau-
te Nobleffe , & de la race militaire du premier Ordre , ils
prenoient tous neanmoins le titre de Chevaliers ; & l'exis
geoient dans ceux qui les devoient combattre pour nous ap-
prendre , que ceux qui deffendoient les lieux marqués
comme ceux qui les attaquoient , devoient ajoûter la qua-
lité de Chevalier à celle de Noble & de Gentilhomme , foit
qu'ils l'euffent reçûë en entrant dans quelque Ordre de
Chevalerie , ou qu'on la leur eut conferée , pour meriter,
d'avoir part à ces Fêtes publiques.

§. II.

Apertife d'Armes.

Parmi les faits de Chevalerie , on doit mettre un certain

Combat d'honneur qu'on appelloit anciennement Apertiſe


d'Armes: Terme qui eft peut-être finonime avec Tournoy,
Joûtes , Pas d'armes, Emprife & les autres folemnitez d'ar-

(4)CesAuteurs difent communement, ces Combats d'honneur fe prennent


que Henri II . fut bleflé dans un Tour- fouvent l'un pour l'autre , quoyqu'il
noy, mais les Lettres de Défi difenty ait quelque difference.
que ce fut un Pas d'Armes , parce que I
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt . VIII . 189
mes , avec la difference des lieux où elles fe faifoient , le
nombre des Combattans , & quelques autres formalitez
fuivant lefquelles on leur donnoit divers noms !, dont il
ne s'agit pas ici ; mais feulement de faire voir que ceux qui
cherchoient à acquerir de la gloire dans les Combats qu'on
nommoit Apertife d'Armes devoient être Chevaliers.
- Nous en avons un exemple celebre dans le chapitre 49 .
Celebre
du troifiéme volume de Froifart , où il décrit les armes que
Apertife
firent deux Grands Seigneurs : Voici les termes. En ce tems d'armes

y eut à Bordeaux fur Gironde une Apertiſe d'Armes devant en Guien-


Les Seigneurs Mefire Jean de Harpedane & les autres , de deux ne.
Chevaliers : c'est à fçavoir du Sire de Rochefoucaut Fran-
çois , & de Melfire Guillaume de Montferrant Anglois , à
courir à tout trois lances , à Cheval , & en ferir trois coups ,

trois d'épée , trois coups de Dague & trois coups de Häche. Si


furent les armesfaites devant les Seigneurs & Dames du Païs,
qui lors étoient à Bordeaux ....fi s'armerent les deux Cheva.
liers bien accompagnez chacun de grande Chevalerie de fon côté
& avoit Sire de Rochefoucaut bien deux cent Chevaliers : &
Mefire Guillaume de Montferrant bien autre tant ou plus.

Il y a bien de l'apparence que tous ces Chevaliers , ne


l'étoient pas de quelque Ordre particulier , & qu'ils n'a-
voient pour la plupart , d'autre Chevalerie , celle qui
que
étoit neceffaire pour affifter à ces Combats d'honneur .

S. 111,

Table Ronde.

Table Ronde étoit une espece de rejoüiffance , & de Fê- Ce qu'on


te d'Armes à peu prés comme les Tournois & les joûtes. Il entend par
TableRon-
n'eft donc pas queftion des contes fabuleux , que l'on fait de.
des Chevaliers de la Table Ronde , mais d'une forte de
Combat d'honneur , ainfi nommé , parce que les Chevaliers
qui y avoient combattu venoient au retour fouper chez ce-
lui qui avoit donné cette Fête , où ils étoient affis à une
A a iij
190 Differtations Hiftoriques & Critiques
Table Ronde. Le P. Meneſtrier (a ) s'eft affurement mépris,
quand il dit fur le témoignage de V Valfingham qu'en
1344. Edouard Roi d'Angleterre , fit bâtir au Château
de V Vindſor une Maiſon , à laquelle il donna le nom de
Table Ronde : Rex Eduardus fecit convocari artifices ad
Caftrum VVindefore , & cæpit ædificare domum quæ Rotun
da Tabula vocaretur. Car il eft certain que Thomas V Val-
fingham veut parler d'Edouard III . qui commença à reg-
Antiquité
ner en 1042. & que ces Fêtes de la Table Ronde étoient
desjeux de
la Table celebres long- tems avant le XV . fiecle.
Ronde.
MathieuParis ( b ) qui a fleuri vers l'an 1240. ne fait pas
feulement mention des exercices de la Table Ronde trés-
celebres dés ce tems-là ; mais il diftingue auffi ces Fêtes
militaires , des Tournois & des joûtes : car celles -ci felon
lui , fe faifoient en troupes , & celles- là étoient des Com-
bats finguliers , dont l'Arme propre étoit la Lance : Cet
Hiſtorien parle d'un jeu folemnel de la Table Ronde qui
fut celebré l'an 1252. pendant l'Octave de la Fête de la Na-
tivité de la Sainte Vierge , prés de l'Abbaye de Vuale-
dene voici fes termes ; Anno fub eodem , Milites ut exer-
citio militarifuam peritiam & ftrenuitatem , conftituerunt una-
nimiter , ut non in haftiludio illo quod communiter Torneamen-
tum dicitur, fed potius in illo ludo militari , qui Menfa Ro-
tunda dicitur , vires fuas attentarent.
Cependant il y a bien de l'apparence , que tous les Com-
bats d'honneur , dont nous avons parlé , étoient comme
autant de Fêtes d'Armes peu differentes de celle de la
Table Ronde , en forte que les Auteurs , qui ont parlé de
ces folemnités , les confondent fouvent ; appellant tantôt
les Chevaliers de la Table Ronde , tantôt Chevaliers de

Tournoy , de Joûtes , & de Pas d'Armes ; puifqu'en effet


les exercices de ces jeux étoient prefque les mêmes.Ce feroit
fortir de mon deffein ,d'entreprendre d'entrer dans un plus
grand détail de toutes ces choſes ; Il me fuffit d'ajouter
que perfonne ne pouvoit participer aux rejoüiffances de

(a ) Meneftrier de la Chevalerie chap ( b ) Math. Paris , Hiftor . Angl. ad an.


6.pag. 231. 1252.
furla Chevalerie. Liv. I. Differt. VIII . 191

la Table Ronde , s'il n'avoit reçû l'honneur de la Cheva-


lerie.

Guillaume V Vacz (a) Auteur du Gloſſaire qui eft à la fin Il falloit


de l'Hiftoire de Mathieu Paris ; remarque que les Ecuyers être Che-
n'étoient pas plûtôt créez Chevaliers , qu'ils cherchoient valierpour

avec ardeur de ſe diftinguer dans les Tournois & dans les à la Table
autres Combats d'honneur , pour faire voir qu'ils n'étoient Ronde.
pas indignes du titre de Chevalier : & fane Tyrones erant
five Milites nouvelli , qui tam avidè iftius modi torneamenta
affectarunt : quos non prius Rex armis decoraverat , quam illi
fe fe non omnino indignos fuis fuiffe armis , in torneamentis tef
tarifitiebant. Il faut remarquer ici deux chofes : la premie-
re que cet Auteur dit quelques lignes auparavant , que les
jeux des Tournois & ceux de la Table Ronde étoient fou-
vent unis enſemble : frequenter tamen , non negaverim , con-
jungebanturjoci robuftiores ifti duo. La feconde que les jeunes
Seigneurs ne donnoient point de preuves de leur courage
& de leur addreffe dans ces Combats d'honneur , qu'ils
n'euffent reçû la Chevalerie : comme s'il vouloit faire en-
tendre , que le noble titre de Chevalier étoit neceffaire
pour affifter à ces Fêtes d'Armes.

S. IV.

Toupineures.

Les Toupineures , ou Toupineiz , étoient des Fêtes , En quoy


qui avoient quelque reffemblance avec celles des Tour- cófiftoient
ces Fêtes.
nois , des Joûtes,de la Table Ronde & des autres jeux mi-
litaires , quoique dans le fond elles en fuffent trés diffe-
rentes. Celles-cy étoient des Fêtes d'Armes folemnelles en-
trepriſes par des Rois , par des Princes , & par de Grands
Seigneurs , aufquelles ont invitoit par des Herauts d'Ar-
mes les Chevaliers de divers Royaumes ; & on y faifoit de
trés-grandes dépenſes.

( a ) VVillelm. VVatz in gloſſar. pag. ¦ 213 verbo Torneamenta.


192 Dißertations Hifloriques & Critiques
Pour celles des Toupineures , la dépenfe en étoit moin-
dre : car ceux qui les compofoient , étoient pour la plû-
part de fimples Bourgeois , qui s'affembloient pour ces jeux,
comme on fait encore aujourd'huy en diverfes Villes du
Royaume , pour les prix de l'Arquebufe , de l'Arbaleſte ,
& autres femblables jeux. Enfin c'étoit plutôt des Fêtes
de rejoüiffance , des mafcarades fuperbes , & des débau-
ches que des exercices de Chevalerie. Car on y couroit

fouvent au Faquin , au pot caffé , au baril plein d'eau ,


au fac mouillé , & on faifoit d'autres jeux ridicules , in-
dignes de la Nobleffe .

Il eft à préfumer que ces Toupineures commencerent à


s'introduire,lorfque le Peuple & les Bourgeois fe rendirent
maîtres desVilles, & chafferent lesNobles du Gouvernement.
Les Bourgeois & les Artifans affecterent les exercices & les
divertiffemens des Chevaliers; & pour donner plus d'éclat à
leurs Fêtes,ils les appelloient des Tournois,des Joûtes, & des
exercices de la Table Ronde. Ils fe fervoient même de ces

jeux , pour ſe faire créer Chevaliers , n'en ayant pas d'au-


tres occafions : ce qui rendoit la Chevalerie méprifable.
Le Pere Meneſtrier ( a ) fait mention de plufieurs de ces
Fêtes , dont l'une des plus celebres fe fit en 1670. à Neu-
ville à deux lieux de Lion , où fe trouverent vingt-une
Compagnie de Chevaliers de differentes Villes. Ces Com-

pagnies étoient au nombre de 261. C'eft le glorieux titre


que prenoient les Bourgeois , les Marchands , les Vendeurs
de vin , & les autres qui étoient admis à ces rejoüiffan-
ces. Le même Auteur raconte , que l'an 1331. trente & un
Bourgeois de Tournai firent la Fête de 31. Rois avec des
Joûtes & des Tournois : c'eft ainfi qu'ils appelloient ces
Toupineures , où fe trouverent des Compagnies des Che-
valiers .
Ces jeux Ces abus de faire des Chevaliers dans cesfortes de fê-
furent dé-
fendus , & tes , obligerent le Roi Philippe le Bel de defendre que per-
pourquoy. fonne ne fe trouvât aux Tournois , aux Joûtes , & aux

( a ) Meneftrier, de la Chevalerie chap. 6. page 237. & fuivant.


Toupiniez
furla Chevalerie. Liv . I. Differt . VIII . 193
Toupiniez jufqu'à la Saint Remy. Ce Prince fit cette Or-
donnance , non-feulement pour rendre plus folemnelle la
ceremonie , où il vouloit faire Chevalier fon fils aîné qui
regna après lui fous le nom de Louis Hutin ; mais encore
pour couper la fource de cette Chevalerie que l'on confe-
roit pendant ces jeux . Nous avons fait defendre par tout nô-
tre Royaume toutes manieres d'armes & de Tournoiemens , &
que nuls n'allaft à Tournoiemens en nôtre Royaume , ne hors ,
ou feift ne allaft à Tupiniez , ou feift autres faits , ou porte -
mens d'armes , pour ce que plufieurs Nobles & grands perfonnes
de notre garde fe font faits faire , & fe font accoutumez de
ceuxfaire faire Chevaliers efdits Tournoyemens ..! & en
iceux Tournoiemens plufieurs fe foient fait faire Chevaliers
&c. Donné à Fontainebleau le 28. jour de Decembre de l'an
de grace 1312. ( a )
Cette Ordonnance du Roi Philippe le Bel nous apprend
premierement, que ce n'étoient pas feulement les Bourgeois
& autres perfonnes de pareille condition , qui fe faifoient
armer Chevaliers dans ces prétendus Tournois ; mais auffi

que les Gentilshommes & les Nobles qui n'avoient pas


l'honneur d'être aggregez à quelque Ordre de Chevale-
rie , fe fervoient de ces occafions pour ajoûter le titre de
Chevalier à celui de Noble. En fecond lieu , qu'on ne
pouvoit trouver place dans les Tournois , dans les Joûtes
& dans les autres Combats d'honneur , ni même dans les

Toupineures & dans les rejouiffances dont nous avons par.


lé , fans avoir la qualité de Chevalier. Ce titre étant.com-
me une condition , fans laquelle on ne pouvoit être afſo-
cié dans les veritables Tournois , ni dans ceux qui n'en
avoient prefque que le nom. C'eft pour cela que nous avons
appellé cette Chevalerie , Chevalerie Sociale.

(4 ) Du Cange Differtation fur 1.Hiftoire de Saint Louis.

Bb
194 Differtations Hiftoriques & Critiques

S. V.

Factions.

Les Factions , qui partagerent les Villes & les Provin-


ces ,firent chacune de leur côté une efpece deChevalerie que
l'on pourroit peut-être appeller , Sociale ; parce que les peu-
ples s'attroupoient pour le foûtenir; & afin de fe donner plus
d'autorité , ils fe faifoient nommer Chevaliers. On prenoit
des livrées & des dévifes pour fe diftinguer ; comme les
Noirs & les Blancs de Florence & de Piftove ; les Guel-
fes & les Gibelins , qui cauferent tant de divifions & de
defordres dans les Villes d'Italie depuis l'an 1225. jufqu'au

11
commencement du quinziéme fiecle.
Plufieurs Philippe Marie Viſconti , Duc de Milan fit pour lors une
Factions troifiéme Faction , qu'on appella la Partie Ducale , & for-
en Italie .
ma de cette faction , comme une efpece de Chevalerie , à
laquelle furent aggregez cent douze Chevaliers. Il n'y eut
gueres que des gens du commun , qui prirent cette forte

de Chevalerie. Tout le privilege de ces Chevaliers confif-


toit à tenir les premiers rangs dans la milice de ces Factions,
& de porter deux Serpens ou Guivres entortillées l'une à
l'autre avec une croix au milieu de ces deux ferpens entre
le ſecond & le troifiéme repli : les deux ferpens paffez &
repaffez en fautoir , marquoient les deux Factions reunies
fous la protection du Duc de Milan.
Ce fut la marque que ce Duc donna à ces Chevaliers ,
pour diftinguer cette Faction de toutes les autres. Il établit
auffi certaines regles que l'on devoit obferver , qui fe voient
dans l'Acte de cette Inftitution daté du 9. Janvier de l'an
1417. Datum Mediolani die 9. Januarii 1417. 10. Indic-
tione cum arma & figillo Ducali cum cera alba.

1
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt . VIII . 195

S. V I.

Duels.

Je ne fçai fi on ne pourroit pas appeller une espece de


Chevalerie Sociale , celle qui étoit fouvent neceffaire pour
les Duels. Les Duels fe faifoient autrefois avec de gran-
des ceremonies (a ) en prefence de Juges , quelquefois
même en prefence des Rois qui autorifoient ces fanglants
Combats. Quand un Chevalier étoit accufé d'un crime ,
dont il fe difoit innocent , il demandoit qu'il lui fut permis
de fe battre contre fon Accufateur ; ce qui ne lui étoit gue-
res refufé. On avoit auffi recours aux Duels pour repouf-
fer d'autres fortes d'injures , & pour d'autres fujets. ( b )
Les Duels furent fouvent l'occafion d'armer des Cheva-
liers ; c'est-à-dire que la Chevalerie étoit comme une con-
dition fans laquelle il n'étoit pas permis ni convenable d'en-
treprendre ce Combat fingulier. Premierement lorfque l'un
des Combattans étoit Chevalier & que l'autre ne l'étoit
pas. C'est pour cela que l'an 1430. Jean Aftley , Anglois,
étant fur le point de fe battre à Londres contre Philippe
Boyle ChevalierAragonnois , en prefence de Henry VI .
ce Prince confera la Chevalerie à Jean Aftley , qui n'é-
toit pas Chevalier , mais feulement Ecuyer.

En fecond lieu , quand ( c ) les Prêtres , les Clers , les


Moines , les Dames & les vieillards étoient appellés en Ju-

(a ) On peut voir l'Edit de Philip- num, Celeftin III. Alexandre III. Epif-
pele Bel Roi de France rapporté par tola 19. le Concile de Trente feff. 25.
Favin dans fon Theatre d'honneur cap. 19. Enfin les Empereurs , les Rois
tom. 2. page 1714. & dans fon Hiftoire & fur tout ceux de France, ont fait des
deNavarrepage 775. & fuivantes,& par Loix tres-rigoureufes pour reprimer
M. Du Cange dans fon Gloffaire La- cette fureur de la Nobleffe.
tin verbo Duellum. (c)Dans le Chapitre 18. du IV. Con-
(b ) Les Duels ont été defendus par cile de Latran tenu fous le Pape Inno-
les Loix divines & humaines. Les cent III. Il eft defendu aux Clers de
Conciles , les Souverains Pontifes, & terminer leurs differens par les Duels;
les Evêques , ont frapé d'anatheme c'eft-à -dire de choisir des Champions
ceux qui fe battroient en Duel , com- pour fe battre en leur nom .
me Nicolas I. Epift. 50, adCarolum Mag-
Bb ij
196 Differtations Hiftoriques & Critiques
gement ou fauffement accufez par des Gentilshommes &
par des Chevaliers ; comme ces perfonnes n'avoient pas l'e-
xercice des Armes , ou qu'ils n'étoient pas en état de s'en
fervir , ils avoient droit de prefenter pour eux un Cham-
pion , pour accepter le Combat , & pour préfenter le défy
au nom de la perfonne accufée ou offenfée. Quand celui
qui fe prefentoit pour leur défenfe , ou pour foutenir leur
caufe n'étoit pas Chevalier , ( a ) on l'armoit auparavant, &
on le créoit Chevalier , pour être Chevalier de l'Evêque ,
de l'Abbé , de l'Ecclefiaftique , du Religieux accufé , ou
de la Dame offenfée.

ARTICLE IV.

Des Confreries des Chevaliers.

'Ancien ufage des fraternitez d'Armes , que faifoient


L'A avec ferment les Chevaliers entre eux de s'ayder les
uns les autres , ont fans doute fait naître les Confreries des
Chevaliers , c'est- à-dire les Affemblées de Gentilshommes
à certains jours pour vaquer à des Oeuvres de Piété. Ces
Confreries forment une forte de Chevalerie , que j'appelle
Sociale. Ce n'eft pas que ceux qui compofent ces auguftes ,
focietez , foient toujours armez Chevaliers ; mais c'eft que
pour y être reçû , on doit faire les mêmes preuves de No-
bleffe , que dans les Ordres Militaires ; que tous portent
une certaine marque ; qu'ils obfervent les mêmes Loix ,
qui reglent leurs exercices de devotion ; & qu'ils recon-
noiffent le même Chef de leur Societé. C'eft pour cela que
les Efpagnols les appellent Confreries des Chevaliers Gen-
tilshommes , De los Cavalleros Fijosdalgo , & d'autres no-
ment ces Compagnies fraternitas militaris , Confrerie de
Chevalerie . ( 6 )

(a) Meneftrier de la Chevalerie chap.2.1 (b)Jacobus VVareus de Hiftor. Hiber-


pag. 108. niæ fub Henrico VII.
furla Chevalerie. Liv. I. Differt . VIII . 197
La plus ancienne de ces Confreries de Chevaliers fut éri-Origine
dece Con-
gée en Espagne l'an 1245. par Bernard Aguilera Comman- freries en
deur de l'Ordre des Templiers & par quelques autres Sei- Espagne.
gneurs , fous la protection de la Sainte Vierge, & du Myf-
tere de la Nativité. Argote de Molina ( a ) qui rapporte l'é-
tabliffement & les Statuts de cette Confrerie , remarque
qu'elle commença fous le Regne de Dom Ferdinand III .

du nom , & qu'on la nomma La Confradia de Sancta Maria
T
de los fijosdalgo de la Ciudat de Andujar , à cauſe qu'elle
fut fondée , & qu'elle s'eft long - tems confervée dans la
Ville d'Andujar en Andaloufie.
Suivant les Ordonnances de cette Confrerie , il devoit
y avoir deux Prévôts & un Prieur , qui s'élifoient de deux
ans , en deux ans, le lendemain de la Fête de la Nativité
de la Sainte Vierge : les Chevaliers fe dévoüoient au fer-
vice de Dieu , & du Roi , & étoient obligez de fe ren-
dre mutuellement toutes fortes de bons Offices. Tous les

ans la veille de la Nativité de la Sainte Vierge , ils affif-


toient à Vêpres & le jour fuivant à la Meffe ayant à la
main un cierge allumé. Le lendemain ils faifoient l'Offi

ce des morts pour les Confreres défunts , & quand quel-


qu'un mouroit les autres affiftoient au convoy. Le plus re-
marquable des Statuts de cette Societé eft exprimé en ces
termes :Ordenamos que el Confradefea ome fijodalgo , que esta
Hermandad y confradia fe diga de los Cavalleros fijosdalgo
porferfecha portales perfonas , laqual fea en honor de nueftra
feniora Santa Maria , y de fu bendito nacimiento.
Le Roi
Je ne fçai fi on ne pourroit pas placer au rang des Con- Jeané igea
freries de Chevaliers celle que le Roi Jean erigea dans fon une Con-
Palais Royal de Saint Ouin à Clichy vers l'an 1352. Il eft frerie de
- Chevaliers
certain , que ceux qui ont crû que ce Prince inftitua , pour
lors , l'Ordre de l'Etoile , fe font mépris, puifque comme Page 124 .
nous l'avons prouvé dans un autre endroit , on doit
plûtôt l'attribuer au Roi Robert. Il y a donc plus d'ap-
parence , comme des Auteurs ( b ) l'ont remarqué ,

( a ) Molina , liv. chap. ito. du Roi fean page 461.


(b )Mezeray Hiftoire de France tom. 2.
Bb iij
ns s
198 tatio rique ques
Dißer Hifto & Criti
que le Roi Jean étant un Prince fort devot , prit quelques
Comp lui mima Chevaliers de l'Ordre de l'Etoile , pour en faire une Con-
e
în cat tout aihe frerie de devotion & non pas un Chevalerie militaire.
C'eft fans doute pour cette raifon qu'il appella cette So-
cieté de Chevaliers , la Confrerie de Saint Oüin , dont la

Sturent wek. ale . fin principale étoit de vivre Chrêtiennement , plûtôt que
de manier les armes. L'intention de ce Prince eft claire-
6 jn, omba 13
ment exprimée dans une Medaille qu'il fit faire dans cette
occafion. On y voit une Ange fur une nuë , qui porte une
Etoile & trois Couronnes au-deffous ; pour marquer que
les Chrêtiens doivent fuivre la lumiere celefte , & que pour
eralstars out
regner dans le Ciel , l'on devoit fe couronner dez ce mon-
o n de , de trois vertus Chrêtiennes qui font la Foi , l'Eſperan-
ie sivati
ce, & la Charité , defignées par ces trois Couronnes. La Le-
Levon 7
gende : Ambulate dum lucemhabetis : Marchez pendant que
Vous avez la lumiere , fignifie qu'on ne peut meriter que
pendant cette vie. L'Exergue montre que cette Confrerie
étoit d'Inftitution Royale , puifqu'il dit , Cæfaris Aftrum,
pue l'Etoile de Cefar , c'eſt-à dire du Roi , par allufion à celle
qui apparut à la mort de Cefar.
Ecce Dionai proceffit Cæfaris Aftrum.
Le Roi Jean fit battre une autre Medaille qui a beau-
aucoup de rapport à la premiere , & qui decouvre le deffein
qu'il avoit en inftituant cette noble Confrerie de Cheva-
liers. Elle reprefente une Etoile chargée d'une Couronne ,
pour leur apprendre qu'il faut travailler pendant cette vie
Je mortelle , l'on veut être couronné dans le Ciel. La Le-
Cheers .
gende qui eft au tour de la Medaille , étoit la deviſe de
2007. ner cet Ordre ou de cette Confrerie. Les Confreres portoient
une Etoile attachée à une chaîne d'or , où il y avoit gravé :

, pú j
& Monftrant Regibus Aftra viam : les Aftres conduifent les
Rois. Devife qui ayant rapport à l'Etoile des trois Rois ,
Confre- veut dire que Dieu éclaire particulierement les Princes
rie deChe- pour la conduite des Peuples.
valiers La plus celebre de toutes les Confreries de Chevaliers qui
dans la
Franche- fleurit encore aujourd'huy , eft celle de Saint George éta-
Comté.
blie dans la Franche-Comté. On dit que Philibert de Mo-
furla Chevalerie. Liv . I. Differt. VIII . 199

lan , Gentilhomme, en fût l'Inftituteur. Ce Seigneur reve-


nant du Levant vers l'an 1390. apporta quelques Reliques
de Saint George. Pour témoigner fa devotion envers ce
Martyr, il fit batir une Chappelle proche de l'Eglife Paroif-
fiale de Rougemont , dont il étoit Seigneur ; & y fit tranſ-
porter ces Reliques. Mais pour rendre cette Fête plus fo-
lemnelle , il y invita plufieurs Gentilshommes de fes parens
& de fes amis ; & les engagea à affifter dans la fuite aux
Offices , qu'il avoit fondez pour le fervice de fa Chappelle.
Ce fut dans ces affemblées de devotion que l'on jetta les
premiers fondemens de cette Confrerie qui fût mife fous la deOrigine
cette
protection de Saint George ; & l'on choifit pour en être le Confrerie.
Chef Philibert de Molan , qui donna fa maiſon de Rou-
gemont , pour y faire les exercices de pieté fuivant les
Statuts qu'on avoit dreffez . Le Service de Dieu , la Prati-
que de la Vertu , la Fidelité au Prince , l'Amour de la Pa-
trie , l'Union , la Paix , la Foi inviolable , & toutes les au-
tres grandes qualitez , qui peuvent former une ame noble
& genereufe, & un parfait Gentilhomme Chrêtien, furent
la fin qu'on fe propofa en s'aggregeant dans cette Confrerie.
Statuts de
Voici les obligations de ces fortes de Chevaliers. 1 °. Ils cette noble
s'engagent par Serment envers Dieu de n'abandonner ja- Societé.
mais la Foi Catholique , Apoftolique & Romaine , & en-
vers leur legitime Souverain de vivre & de mourir dans
l'obéïffance & la foumiffion qui lui eft dûë ; Serment qu'ils
ne peuvent pas faire par Procureur , mais en perfonne : &
l'on remarque qu'ils ne s'en font jamais départis depuis que
cette Confrerie eft établie. C'est pour recompenfer la fide-
lité de ces pieux Chevaliers , qu'on leur a accordé plufieurs
privileges , que n'ont pas les autres Nobles.

2°. Envers Saint George leur Patron ; de fe trouver aux


Affemblées , d'affifter aux Offices , aux Proceffions , & aux

Exercices de pieté , qui concernent le Service de Dieu ,


& le culte de ce Saint , & de porter toujours une Medaille
d'or , où il eft reprefenté , qui eft la marque des Chevaliers
de cette Confrerie.

30. Envers le Seigneur , Gouverneur de cette Societé ,


200 Dissertations Hiftoriques & Critiques
de remettre entre fes mains leurs interefts , quand il arrive
quelque different entre eux , & de s'en tenir à la déciſion
de ceux qu'il a deputez pour examiner la chofe. Le Gou
verneur de cette Confrerie s'appelle Batonnier. Il porte dans
les fonctions un riche bâton d'argent , fommé de l'Image
de Saint George. Les Confreres fuivant l'ordre de leur re-
ception , reçoivent le baton , qui les oblige à de grandes
dépenfes.
4 % Les uns envers les autres vivans ou morts à confer-

ver entre eux l'union , la paix , fans prétendre d'autre rang


ni aucune préeminence , à raifon de la Nobleffe , digni-
tez , richelles & autres femblables qualitez , que celle que
donne l'ordre de la reception. A l'égard des Confreres de-
cedez , outre le ſervice folemnel qui fe fait tous les ans
pour leur foulagement , chaque Confrere eft obligé de faire
dire trois Meles , pour chacun de ceux qui meurent
dont l'on offre à l'Autel l'épée & l'écu , accompagné de fes
quatre quartiers de Nobleffe.

50. Envers cette illuftre Societé , afin qu'elle fe confer-


ve toûjours dans fon éclat. Perfonne n'y peut être reçû
de Nobleffe
qu'il ne faffe preuve de de quatre quartiers , con-
Nobleffe de
firmez par des titres juftificatifs, & aprés avoir été examinez
& atteftez par " Gentilshommes de nom & d'armes
deputez pour cela.
Statut re- Enfin ces illuftres Chevaliers s'engagent à la pratique

marquable. d'une mortification ; qui eft d'autant plus remarquable ,


?
qu'elle eft peut-être fans exemple ; je ne dis pas dans le
monde , ni dans les autres Ordres militaires , foit Secu-

liers ou Reguliers , mais même dans les Religions les plus


reformées. C'eft que des Gentilshommes accoûtumez à la
bonne chere , s'obligent par un Statut de fe priver de tou-
tes fortes de volaille , de confitures feches ou liquides , de
fucrerie , & de boiffon ou de vins qui ne font pas naturels ,
& cela pour la gloire de Dieu , & le bien de leur ame.
Voilà les principaux Reglemens de la Confrerie de Saint
George aufquels on en a ajouté d'autres fuivant les tems
& les circonftances. On a vu de femblables Confreries dans

plufieurs
201
Jur la Chevalerie. Liv . I. Differt . VIII .
plufieurs Villes. A Valenciennes il y en avoit une que l'on
nommoit des Damoiſeaux , c'eſt-à -dire de Gentilshommes
prétendans à la Chevalerie : à Tournai , une autre où les
Confreres portoient fur la manche un Lys de Perles , avec
• ces mots Ave Maria : en Hibernie, & ailleurs.

DISSERTATION IX.

De la Chevalerie Ecclefiaftique.

Urand , Evêque de Mende nous repreſente un Evê- Rapport


des orne-
D que fous la qualité d'un genereux Soldat , qui com- mens Sa-
bat contre l'ennemi du genre humain. Ses armes , dit-il , cerdotaux
font les Habits Sacerdotaux , dont il fe revêt , fuivant l'ex- avec les ar-
mes d'un
preffion de l'Apôtre . Au lieu de bottes il prend des fanda- Chevalier .
les pour ne pas s'attacher aux chofes de la Terre : pour
Cafque il couvre fa tête d'un Amict : & l'Aube dont il eſt
revêtu lui fert de Cuiraffe. Il prend la Ceinture au lieu
d'Arc & de Carquois , & il entoure fon col d'une Etole ,
comme d'un javelot qu'il lance contre fes ennemis ; le Ma-
nipule lui fert de Maffuë ; la Chafuble eft fon bouclier , &
au lieu d'épée il porte un livre à la main.
Veftibus Sacris quafi armis induitur , juxta Apoftolum. Pri-
mò fandalia pro ocreis habet , ne quid macula vel pulveris
affectionum inhæreat. 20. Amiltus pro galea caput contegit .
30. Alba pro lorica totum corpus cooperit. 4° . Cingulum pro
arcu,fubcingulum pro pharetra affumit . 5.Stola collum circum-
dat quafi haftam contra hoftes vibrans , 6 °. Manipulo pro clava
utitur. 7. Cafula quafi clypeo tegitur. 8 ° manus libro pro gla-
dio armatur. ( a )

Ce n'eft pas fur ces legers rapports des ornemens facrez


d'un Prelat avec les armes d'un Guerrier , que je veux
établir la Milice Ecclefiaftique. Je ne prétends pas non plus

( a ) Durand. Mimatenf, Epifc. In rationalį divin, offic. lib. 3.


Cc
202 Dißertations Hifloriques & Critiques
qu'il y ait eu une forte de Chevalerie deſtinée pour les
Gens d'Eglife qui ait fait un corps feparé des autres Ordres
Militaires ; mais feulement que les Ecclefiaftiques ont con-
feré aux autres , & ont reçû eux-mêmes la Chevalerie , &
joui des honneurs & desprivileges de cette haute dignité.
Pour donner quelque éclairciffement à cette matiere , il
faut confiderer les Gens d'Eglife en trois manieres. 1 °. Com-
me Feudataires des Rois & des Princes , à caufe des riches

poffeffions qu'ils en avoient reçûës ; ce qui les obligeoit de


leur rendre le fervice militaire. En ce fens on leur peut
donner le titre de Chevaliers fuivant l'ancien ufage. 20.
Comme Seigneurs temporels des biens de l'Eglife : & en
cette qualité ils ont crû être en droit de conferer la Cheva-

lerie dans plufieurs occafions. Enfin on peut les confiderer


en eux-mêmes & comme perfonnes Ecclefiaftiques , dont
l'état , la profeffion & le caractere , ne les exclut pas d'ê-
tre les Miniftres dans la creation des Chevaliers , ni d'être
aggregez à des Ordres Militaires Seculiers ou Reguliers.

C'est ce qu'il faut examiner dans les Articles fuivans.

ARTICLE I.

Les Evêques & les Abbez , à raison des Fiefs qu'ils


tenoient des Souverains , & du fervice militaire, qu'ils

étoient obligez de leur rendre , devoient être Chevaliers.

Ecclefiafti- Es Rois , les Princes , & les Souverains ayant donné


ques obli- ла
gez à des
fervices bles , les Ecclefiaftiques , qui les poffedoient, furent obligez
militaires. dans la fuite , où ils les reçûrent à cette condition , non-
feulement de fournir les troupes que les Proprietaires de
ces fonds avoient accoûtumé de donner en tems de guerre ,
mais auffi de faire le fervice militaire , c'eft-à- dire d'aller

eux-mêmes en campagne , d'y conduire leurs Vaffaux , &


de commander leurs armées. Cet ufage étoit introduit du
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt. IX. 203

tems de la premiere race de nos Rois ; puifque Saint Gre-


goire de Tours ( a ) & d'autres Ecrivains remarquent ,
que des Evêques & des Abbez perdoient ſouvent la vie ,
ou étoient bleffez dans les Combats : Quofdam enim ex eis in
hoftibus ( b ) & præliis vulneratos vidimus, & quofdamperiif-
fe cognovimus. Les Con-
ciles s'op-
Les Conciles & les Papes firent divers efforts pour s'oppo-
pofent àces
fer à cet ufage , peu convenable à la dignité Ecclefiaftique. ufages.
Du tems de Carloman l'an 742. Saint Boniface Arche-
vêque de Mayence , tint un Synode , où il fut défendu aux
Evêques,aux Abbez & aux Prêtres d'aller à l'Armée pour
d'autre fujet que pour celebrer les Saints Myfteres , & pour
porter les Reliques des Saints , afin d'implorer leurs fecours;
( c ) nifi tantummodò , quipropter divinum Mifterium , miſſa-
rum fcilicetfolemnia adimplenda, & fanctorumpatrocinia por-
tanda , ad hoc electi fuerint. Le Pape Zacharie écrivit à Pe-
pin une Lettre fur le même fujet , dans laquelle il le prie
de confiderer , que c'eft aux Princes & aux Seculiers de
défendre l'Etat par les Armes , & que le devoir des Prélats
& des Prêtres eft de les ayder par leurs prieres & par leurs
confeils. Ainfi conclut ce Pape , pendant qu'ils prieront ,
& que vous combattrez , le Royaume fe confervera par le
fecours de Dieu : ut illis orantibus , & vobis bellantibus, Dee
præftante provinciafalva perfiftat ( d ).
Le Pape Adrien fit auffi de grandes inftances à l'Empe-
reur Charlemagne , afin que les Eveques & les Prêtres n'al-
laffent point à l'Armée : ut nonpermittat Epifcopos vel Pref

( a ) Gregor. Turon. lib. 4. cap. 37 . Mais Hoftis fignifie proprement le


43. item lib. 5. cap . 20. & lib . 8. cap. 9. fervice militaire, que les Vaffaux de-
39. Odericus Vitalis lib. 4. an.1070. voient à leurs Seigneurs à caufe des
Godefrid. Monachus S. Pantaleonis . fiefs qu'ils tenoient , ou comme por-
Cinnamus & alii. tent les Loix des Lombards,& les Ca-
( b ] Le mot hoflis dans cet endroit pitulaires de nos Rois:Hoflem facere te-
ne fignifie pas ennemi ; mais une expe- nebantur ou Hoftem habebant . DuCange
dition militaire , que les François ap- Gloffar. latin. verbo Hoftis.
pelloient Hoft . ou oft ce qui fait dire [c] Capitular. Carol. Mag. lib . 5. num .
à Guillaume Guiart ad an. 1297 . 2.
Affembla fes oft à Compiegne. ( d ) Epift. Zachar. ad Pipin. extat co-
Le Roi pour foi plus avoier dice Carolino.
D'aller en Flandres oftojer.
Cc ij
204 Disertations Hiftoriques & Critiques
biteros militarem induere armaturam. ( a ) Aprés que les Evê-
ques affemblez dans le premier Concile de V vormes eu-
rent preſenté une addreffe à ce même Prince , afin d'e-
xempter les Ecclefiaftiques d'aller à la guerre ; ce Religieux
Charle- Empereur ordonna , qu'à l'avenir les Gens d'Eglife ne fe
magne e trouveroient plus dans les Armées , à la referve de deux ou
xempte les
Ecclefiatti trois Evêques , & de quelques Prêtres , deftinez pour ad-
quesd'aller miniftrer les Sacremens aux Soldats : nifi duo vel tres Epif-
alaguerre copi ex electione cæterorum propter benedictionem populique re-
conciliationem. Il defendit même à toute forte d'Ecclefiafti-

ques d'aller à la guerre & de porter les Armes. ( b )


Cette Conſtitution de Charlemagne ne fubfifta pas long-
tems. Les Danois étant entrez en France , où ils excite-
rent une cruelle guerre & s'agiffant du bien de l'Etat ; on
obligea de nouveau les Evêques & les Abbez de fe mettre
à la tête de leurs Vaffaux. Le Roi , dit Flodoart , parlant
de Charles le Chauve, fe fervoit d'Hincmarc , non-feule-
ment dans les affaires Ecclefiaftiques ; mais auffi pour af-
fembler les Evêques & les Comtes , quand il falloit aller
à la guerre: & ipfe accepto Regis mandato , tam Epifcopos
quam Comites convocare folebat. ( c) Le même Hiftorien re-
marque dans un autre endroit , que les Hongrois ayant fait
Charles le une courfe en Loraine , le Roi Charles appella à fon fecours
Chauve les les Principaux du Royaume , Hincmarc Archevêque de
y oblige de
Douveau. Reims vint au-devant de lui à la tête de 1500. hommes . Re-

gi occurrit habens fecum , ceu fertur mille quingentos . ( d )


Depuis ce tems-là les Ecclefiaftiques,qui avoient des Fiefs,
furent obligez d'aller à la guerre & d'y conduire leurs Vaf-
faux , comme plufieurs écrivains l'ont remarqué ( e ) . Cle-
ment Vaillant Advocat en Parlement, fit un livre l'an 1605 .
de l'état ancien de la France , où il s'exprime ainfi ; Il eſt
fans doute que l'Eveque de Beauvais à cause defon Comté , eſt
tenu d'aller à la guerre, quand il plait au Roi de le mander (ƒ) ,

(a ) Codic . Carolino Epift . 77. verfus VVenilonem Archiep. Senonens.


( b) In Capitul. cap . 1. lib. 6. cap. 6. Conc. Vernenſe an. 84+ . can. 8,
(c) Flodoard.lib.3.Hift . Remenf. cap. 18. Conftit. Ludovici II. Imper. de expedit.
( d ) Ibidem lib. 4. cap. It. Beneventana an. 867. cap . 6 .
( e) Libellusproclamat, Caroli Cal. ad- [f] Vaillantlivre 1. chap. ș,
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. IX . 205
On trouve même des exemples d'Evêques & d'Abbez ,
qui ont été dépofez , pour avoir refufé de faire le fervice
militaire. C'eft ce qui arriva à Sigefride II . Archevêque
de Mayence. On l'accufa auprès du Pape , de deux chofes :
la premiere qu'il étoit inutile à l'Eglife ; & la feconde ,
quod evocatus ad expeditiones Regis invitus veniret . ( a ) Ce
qui fut caufe qu'on le priva de fon Archevêché.
On lit auffi dans la vie de Saint Arnoul Evêque de Soif-
fons , que fuivant l'ancienne coûtume , les Abbez de Saint
Medard étoient obligez d'aller aux expeditions militaires &
d'y conduire leurs Soldats : fuiffe morem antiquum, ut milites
Abbatiæ Abbatepravio regali expeditioni infervirent. ( b) Saint
Arnoul même étant Abbé de cette Abbaye, & ayant refufé
de rendre le fervice accoûtumé, fut contraint de renoncer à

fa charge. D'autre fois on fe contentoit de faifir leurs reve-


nus , quand ils refufoient d'aller à la guerre : Rigordus
fur l'an 1209. en rapporte un exemple celebre.
Pour ne pas priver l'état du fecours qu'on recevoit des Defense

perfonnes qui avoient des Fiefs , l'an 1137. l'Empereur lesd'aliener


fiefs.
Lothaire fit un Edit par lequel il defendoit d'aliener les
Fiefs ; parce que cette alienation privoit les Seigneurs des
fervices qu'ils pouvoient recevoir en tems de guerre de leurs
Chevaliers , ou hommes de Fiefs militaires. Par la même
raiſon on fit defenſe aux Chevaliers de donner leurs fiefs

aux Eglifes , aux Monafteres , aux Communautez ou aux


perfonnes Regulieres , qui ne pouvoient pas rendre le fer-
vice en armes.

On difpenfa depuis de cette Loi ; pourvû que ceux qui


tiendroient des Fiefs , fourniffent des gens de fervice en ar-
mes pour eux , & les entretinffent à leurs frais : ou bien à
condition qu'ils payeroient une fomme d'argent pour con-
tribuer aux dépenfes de la campagne. C'est ce que nous ap-
prenons d'un écrit de Jacques , Evêque de Soifons , en 1226.
par lequel il declare devoir au Roi 120. livres pour le fer-

vice qu'il devoit rendre cette année : Debere fe Regi 120 .


(b)
( Lb. 1. in
a ) Conrad. vita
chron Arnulphi
S. . mogunt : Epile Sueffion . cap. 15.
i
Cc iij
206 Differtations Hiftoriques Critiques
libr. Parif. profervitio iftius anni, quod ei in expeditione debet.
Dans le
XV . fiecle Ce ne fut qu'au commencement du XV . fiecle , que les
que les Evêques & les Abbez de France , qui poffedoient des fiefs,
Clers fu- furent déchargez de l'obligation d'aller à la guerre , & d'y
rent dif-
penfezd'al- conduire leurs Soldats. Charles VI . en 1403. & Charles
ler à la VII. en 1445. firent des Conftitutions qui ordonnoient
guerre.
qu'on n'affembleroit plus les perfonnes Ecclefiaftiques pour
faire le ſervice militaire. Mais nous efperons , dit Charles
VII. que les Evêques & les Abbez nous ayderont par d'au-
tres moyens à foutenir les guerres de l'État : Alia tamen
via & ratione confidimus Clericos afferre nobis ad fuftinenda
militiæ onera , eaque de caufa litteras peculiares in fingulas
præfcribemus Diœcefes . (a )
Suivant l'ancienne coûtume , ceux qui tenoient des fiefs
militaires , ne pouvoient les poffeder fans être Chevaliers :
& quand ces fiefs qu'on nommoit fiefs de Haubert , paf-
foient des peres aux enfans , il falloit que ceux-ci fe fiffent
armer Chevaliers. ( b ) Ainfi ces fiefs ne fe donnoient qu'à
ceux qui avoient reçu la ceinture militaire , ou avec cette
condition fous- entenduë , qu'ils prendroient la Chevalerie
en fon tems. ( c ) Dans les Affifes manufcriptes de Jerufa-
lem ( d ) où il eft parlé de l'heritier qui peut tenir un fief à
l'âge de 15. ans , il y a ces termes : & fe iln'eft Chevalier,
quant ilfait la preuve de fon age ,fe ilfait que fages ,il dira au
Seignor , quant il aura fon age prové , Sire , donez- moy un'ref-
pit reinable de moi faire Chevalier pour faire vous le fervice
que je vous dois de mon fié. Alphonfe Roi de Caftille fit Che-
valier Rodrigues de Biedma en lui donnant le fief de la
Roda de Menxibar : porque con este tiempo vos feziemos Ca-
vallero onradamente damos vos la Roda de Menxibar.
Il y
a bien de l'apparence que les Evêques , les Abbez
& les autres Ecclefiaftiques , dont les Eglifes poffedoient

( a ) Mcmoires du Clergé,part. 3. tit.nafterium , Monach . V Veſtmonaſ.pag.


4. num. 15. ibidem part. 5. tit. 9. N. I. 154.
(b ) Fecit Rexper Angliam publicè pro- (c ) Ducange Gloff. lat. verbo feudum
clamari , ut quotquot tenerentur fieri mili- pag. 414 .
ses fucceffione paterna , & qui haberent [ d ] Apud Ducange verbo Caballaria
unde militarent , adeßent apud VVeftmo- gloffar. latinit.
furla Chevalerie. Liv. I. Differt. IX. 207

des fiefs , qui les obligeoient à rendre le ſervice militaire ,


& à fe mettre à la tête de leurs Vaffaux pour les conduire
à la guerre , fe faifoient armer Chevaliers ; puifque ces
fortes de devoirs ne fe pouvoient remplir legitimement fans
la qualité de Chevalier. Ainfi on pourroit conclure fuivant
ces anciens ufages, que les perfonnes Ecclefiaftiques étoient
fouvent honorez du titre de Chevaliers , & qu'ils joüiffoient
des privileges de cette haute Dignité.
Cesse forte de Chevalerie n'étoit pas proprement un Or-
dre Militaire , qui fit un corps , & qui fut diftingué par
quelque marque particuliere ; mais on peut la reduire à cel-
le que nous avons appellée honoraire , ou à celle qui con-
venoit aux perfonnes qui tenoient des fiefs , & qu'on peut
nommer Chevalerie militaire : c'est-à- dire propre à ceux

qui devoient le fervice militaire à leurs Seigneurs , à raifon


des bienfaits qu'il en avoient reçûs , avec cette condition de
les accompagner à la guerre, & d'y conduire leurs Vaffaux:
ce qu'on nepouvoit dignement executer fans êtreChevalier.
Avant de finir cet article,on me permetra bien d'examiner
une queftion qui fe prefente naturellement : fçavoir ce que
les Evêques & les Abbcz faifoient à la guerre ; s'ils pre- Les Evê-
noient les armes pour combattre , & s'ils entroient dans la ques ne
portoient
mélée . Il eft certain que l'employ des Gens d'Eglife , n'é- nas les ar-
toit pas de manier les Armes , quand ils étoient en campag- mes à la
ne ; mais de prier Dieu , d'implorer fon fecours , d'attirer guerre.
les Benedictions du Ciel fur l'Armée , de porter les Reliques
des Saints , & d'adminiftrer les Sacremens. Horum Officium
erat, dit un Ecrivain , ( a ) pugnare precibus & conciliis. Il
eft vray que les Evêques étant obligez d'exhorter les Sol-
dats pendant le Combat , ils prenoient une cuiraffe pour fe
garentir des fleches. C'eft en cet état que l'Evêque du Puy
Adhemar de Monteil , portant à la main la lance de nôtre
Seigneur , animoit les Croifez pendant la guerre fainte :
veftitum lorica , & dexterà manu Salvatoris lanceam tenen-
tcm. ( b )

(4 )Ordericus Vitalis libro 3. (b ) Robertus Mon. lib. 7 Hift.Hicrofelim .


208
Differtations Hiftoriques & Critiques
Des Evê- Il s'eft trouvé des Evêques qui ne fe font pas contentez
ques ont de fe revêtir d'une cuiraffe , mais ils ont crû encore qu'il
combattu
les armes à leur étoit permis de fe trouver dans la mélée l'épée à la
la main. main pourtuer les chevaux des ennemis. On dit que Guy

de Mello , Evêque d'Auxerre , étant dans un Combat ,


n'oublia pas la modeftie qui convient à un Evêque , &

qu'étantperfuadé, qu'il ne pouvoit repandre lefang humain,


fans être irregulier , il fe contentoit de tuer les chevaux
& de ne point bleſſer les Soldats : In quo congreffu modeftiæ
pontificalis non immemor , nunc equos hoftium gladio profter.
nendo , nunc clamando & animando geftu & linguæ redime-
bat officio : quod in perfonas hoftium attentare propter irregu-
laritatis officium forfitan exponebat. ( a )
Philippe de Dreux qui étoit Evêque de Beauvais , en
1196. ne fut pas fi fcrupuleux ; car il croyoit qu'il lui étoit
permis d'affommer les ennemis à coups de maffuë , fans
encourir les cenfures portées par les Canons. Voici ce qu'en
dit un Auteur , ( b )

Sicplerofque alios clava fternebat eadem ,


Militibus fuper hoc titulumpalmamque refignans ,
Accufaretur operam ne forte Sacerdos ,
Gefiffe illicitam , cui nunquam talibus inter
Effe liceat , ne cade manus oculofque prophanet.
Mais pour faire voir que l'Eglife n'a jamais approuvé

ces defordres , de quelque pretexte que ces Ecclefiaftiques


guerriers ayent tâché de les couvrir ; c'eft que cet Evêque,
de Beauvais ayant été fait prifonnier dans un Combat par
Jean Roi d'Angleterre , ce Prince lui fit ôter fa cuiraffe
pour la prefenter au Pape , en lui difant : voyez fi c'eſt là ,
la Tunique de vôtre fils ? Vide an Tunica filii tui fit , an
non ? Le Pape répondit qu'il n'étoit ni fon fils , ni le fils de
l'Eglife , & qu'on leprendroit plûtôt pour un Soldat de
Mars , que pour un Soldat de JESUS-CHRIST. Lemême
Auteur ajoute que le Pape Celeftin écrivit une lettre à cet
Evêque , pendant qu'il étoit dans fa prifon , & qu'il luy fit:

( a ) Hiftor. Epifcop Antifiodor.cap. 63. ( b ) Guillelm Brito lib. x. Philip.


ce
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt. IX . 209

ce reproche: vous avez quitté la qualité d'un Evêque paci- «


cc
fique pour faire l'office d'un homme de guerre ; vous avez
pris le Bouclier au lieu de Chafuble , l'Epée pour l'Etole ,
la Cuiraffe pour l'Aube , le Cafque pour la Mitre , la "
Lance au lieu du Bâton Paſtoral , & vous avez ainfi ren-
verfé l'Ordre de l'Eglife. "

ARTICLE II.

Les Ecclefiaftiques comme Seigneurs temporels , ont conferé


la Chevalerie à leurs Vaffaux en plufieurs occafions.

l'A été un uſage tres-ancien de choisir des perfonnes


CApuiffantes , pour défendre en Juſtice les droits des
Eglifes dont on leur avoit confié le foin : pro caufis Eccle-
fia , comme il eft marqué dans le Canon 99. du Concile
de Carthage celebré du tems de Stilicon ; c'eft-à- dire vers
la fin du IV . fiecle. Dans la fuite des tems il fut ordonné
par les Papes & par les Princes , que les Evêques , les Ab-
bez & les Eglifes euffent leurs Défenfeurs qu'on nommoit
Etabliffe-
Advoüez : Advocati . Ces Advoüez firent d'abord la pro- ment des
fenion d'Advocats ; mais aprés on élût pour Advoüez des Advoüez .
perfonnes puiffantes , pour refifter par la force aux violen-
ces que l'on faifoit fouvent aux Egliſes.

Ce titre d'Advoüé ou de Protecteur de l'Eglife étoit fi


honorable que Charlemagne ne faifoit pas difficulté de le
prendre : fefe Regni Francorum Rectorem, & devotum Sanctæ
Ecclefie Defenforem atque adjutorem indigitat. ( a ) On lic
dans la vie de cet Empereur que les Romains le choiſirent
pour être l'Advoüé de Saint Pierre contre la violence des
Rois Lombards : Quem poftea Romani elegerunt fibi Advo-
catum Sancti Petri contra Reges Longobardorum. D'autres
Rois & d'autres Souverains aprés Charlemagne ont été ho-

( a ) Carol . M. in Capitul . an. 769.


Dd
210 Differtations Hiftoriques & Critiques
norez de la qualité d'Advoüez ou de Défenfeurs de l'E-
glife de Rome.
A l'exemple de l'Eglife Romaine , les Eglifes particulie-
res choifirent auffi des Protecteurs & des Advoüez , non
feulement pour défendre leurs droits , & femettre à couvert
de leurs ennemis en repouffant la force par la force ; mais
auſſi afin de conduire leurs Vaffaux à la guerre , & faire
le ſervice militaire auquel les Eglifes étoient obligées à rai-
fon des fiefs qu'elles avoient reçûs des Souverains.
Pour donner plus d'éclat à cette dignité d'Advoüiez des
Eglifes , les Souverains Pontifes , les Evêques & les Abbez ,
leur ceignoient l'épée , & les faifoient Chevaliers ; & aprés
les avoir benis folemnellement , ils leur donnoient les Ban-

nieres des Eglifes ; c'eft pour cela qu'on les appelle Gon-
fallonniers ou Vexillarii. Le Moine d'Orval ( a ) raconte
qu'un certain Rafus ayant été choisi pour être l'Advoüé

d'une Eglife , & n'étant pas Chevalier , l'Evêque fuivant


Droits la coûtume lui confera cette dignité , avant de lui donner
des Ad-
vouez. la Banniere : Rafo in medio majoris Ecclefiæ , ut moris eft ,
armatus , & vexillum accipiens cum Civitatis populo urbem
egreditur.
Ce titre d'Advoüé leur donnoit le droit de lever des

troupes fous les Bannieres ou Gonfallons des Eglifes dont


ils étoient les Défenfeurs. On leur accordoit pour cela des
Fiefs & des Benefices Ecclefiaftiques , & on leur rendoit
des honneurs particuliers. Ils portoient auffi l'étendard des
Eglifes dont ils étoient les Advoüez. Ainfi le Comte du
Vexin étoit Advoüé de l'Abbaye de Saint Denys en Fran-
ce, & Porte- Oriflamme, & Guillaume Vicomte de Marfeil-
le , Advoüé de Saint Victor de cette Ville , & en portoit
auffi l'étendard . A Saint Claude en Bourgogne , on fait

tous les ans porter la Chappe à un Gentilhomme , qui a


le bâton de la fête de ce Saint , & qui reprefente l'ancien
Advoüé , ou Gonfallonnier de ce celebre Monaftere.
Si l'on voit que les Allemans ont gardé l'ufage de met-

( a) Egid. Mon. Aurea - vallis cap. 101. }


furla Chevalerie. Liv. I. Differt. IX . 211

tre des Mitres (a) fur les Cafques de leurs armoiries , c'eſt
pour marquer qu'ils étoient advoüez & Défenfeurs des

Eglifes ; y en ayant tres-peu en Allemagne , ni prefque


point de Monaftere qui n'eût fon Gonfallonnier , ou fon
Chevalier c'eft pourquoy on trouve fouvent dans les an-
ciens titres : Miles Epifcopi , Miles Abbatis.
Quoique les Protecteurs fuffent fouvent d'une naiffance
illuftre , & même Chevaliers ; néanmoins en qualité d'Ad-
voüez , on les appelloit Chevaliers d'Eglife , parce qu'ils
ne recevoient pas cette dignité avec les ceremonies qui
étoient en ufage pour faire des Chevaliers ; mais en rece-
vant un Etendard ou une Banniere benite par le Pape , par
l'Evêque , par l'Abbé. C'eft ainfi que Royer Duc de la
Pouille & de Calabre fut créé Advoüé . Urbain II . étant

obligé de fe retirer dans les Etats de ce Prince , aprés en


avoir reçû le ferment de fidelité , il lui donna un étendard
pour marque qu'il le faifoit Advoüé pour défendre les droits
de l'Eglife contre l'Antipape qui occupoit le Siege de Ro-
me. Le Pape Urbain VI. l'an 1384. fit auffi Advoüé de
l'Eglife Charles Roi de Naples en lui donnant un Eten-
dard beni , qu'il tint à la main pendant la Meffe que cele-
bra le Pape dans l'Eglife Cathedrale de Naples.
Les Gens d'Eglife ne fe contenterent pas de conferer la Les Eccle-
Chevalerie auxAdvoüez de leurs Eglifes,qui devoient faire fiaftiques
pour eux le fervice militaire , quand les neceffitez de l'Etat conferent
la Cheva-
l'exigeoient ; mais même étant fouvent obligez de foutenir lerie.
des guerres privées où tous leurs Vaffaux , les devoient fer-
vir , ils fe crurent en droit , fur tout vers le XIV . fiecle ,
de faire Chevaliers les Seigneurs & les Barons qui poffe-
doient des Fiefs Ecclefiaftiques , relevant de leur Jurifdic-

( a ) Ce n'eft pas pour ce fujet que une Mitre fur leurs armes. André Fa-
les Seigneurs de la maifon de Parthe- vin Theatre d'honneur liv. IX. page 15 92.
nai portent une Mitre au lieu de Heau C'est peut- être encore la raison pour-
me ; mais à caufe , dit-on , qu'un de quoi ces Seigneurs de Parthenay, qui
cette famille , étant Archevêque de eft une Ville de Poitou , font Chanoi-
Tours , fut difpenfé pour fe marier , à nes honoraires feculiers de Saint Mar-
la charge que lui & fa pofterité porte- tin de Tours.
roient le furnom d'Archevêque ,
Dd ij
212
Differtations Hiftoriques & Critiques
tion ; & même des Bourgeois , des Marchands & autres
femblables perfonnes qui pouvoient entretenir des che-
vaux. ( a ) Ainfi comme les Evêques & les Abbez avoient
des Advoüez , ou des Vidames , pour la défenfe des droits-
& des biens de leurs Eglifes ; ils avoient auffi des Cheva-
liers pour affembler leurs Vaffaux , & les mettre en cam-
pagne pour le ſervice du Prince ; ou pour commander &
pour rendre plus confiderables leurs propres armées qu'ils
étoient fouvent contraints d'affembler afin de maintenir
leurs droits particuliers.
Soit que les Ecclefiaftiques ayent eu le pouvoir de con-
ferer la Chevalerie ; ou qu'ils fe foient attribuez ce droit ;
il eft certain que cette fonction n'a rien d'oppofé à leur di-

gnité ni à leur caractere , comme nous l'allons montrer dans


l'article fuivant.

ARTICLE III

L'état des Ecclefiaftiques ne les exclut pas de conferer aux


autres l'honneur de la Chevalerie , d'être aggregez
eux-mêmes aux Ordres Militaires.

'Eft principalement des voyages d'Outre - mer &


C'E
des Croisades , où les Papes , les Patriarches & les
Evêques béniffoient folemnellement des épées , des bau-
driers ou ceintures pour ceux qui entreprenoient ces voya-
ges , qu'eft venu l'ufage de recevoir avec de grandes ce-
remonies , la Chevalerie des perfonnes Ecclefiaftiques.
Dans la premiere partie du Pontifical Romain , il y a la
formule dont les Prelats fe doivent fervir pour bénir les
nouveaux Chevaliers : De benedictione novi militis : & celle

que l'on doit obferver pour créer un Chevalier Regulier


De creatione Militis Regularis .

( a) Hemericour Traitéde la Nobleſſe du Païs de Liege


fur la Chevalerie. Liv . I. Differt. IX . 213
Gens d'E-
Nous avons cent exemples de Gens d'Eglife qui ont glife fairs
créé des Chevaliers ou comme Miniftres , par deputation, Chevaliers
ou comme Ecclefiaftiques de plein droit ; foit qu'ils l'ayent
reçû des Souverains , ou qu'il ait été attaché à leur di-
gnité ; l'hiftoire des Albigeois nous apprend que l'an 1213.
Amauri , fils de Simon Comte de Montfort , fut fait
Chevalier par les Evêques d'Orleans & d'Auxerre , &
lui ceignirent le baudrier militaire : Almaricus filius Comi-
tis Simonis fit Miles an. 1213. & Aurelianenfis & Antifiodo-
renfis Epifcopi flexis genibus ante altare cinxerunt puerum cin-
gulo militari. ( a ) l'an 1247. Guillaume Comte d'Hollan-
de , reçût la Chevalerie de Pierre Capucci Cardinal de
Saint George au voile d'or.
Saint Louis fut créé Chevalier par les mains de Gautier,
Archevêque de Sens , la veille du couronnement de la
Reine Marguerite de Provence fa femme. Le Roi Henri
le Grand , ne fut pas feulement facré & couronné par Ni-
colas de Thou , Evêque de Chartres ; ce Prélat lui confe-
ra encore l'Ordre du Saint Efprit. Le Cardinal de Joyeuſe,
Duc & Pair de France , Archevêque de Rouen , fit Louis
XIII . Chevalier du Saint Efprit , aprés l'avoir facré à
Reims au mois d'Octobre de l'an 1610. Henri IV . & Loüis
XIII . voulurent apparemment fe conformer à ce qui eft
porté dans l'article IV. des Statuts de l'Ordre du Saint
Efprit , dans lequel Henri III . marque , que tous fes Suc-
ceffeurs recevront le Collier de cet Ordre le lendemain de
leur couronnement par les mains du Prelat qui les aura fa-
crez , qui eft ordinairement l'Archevêque de Reims.
L'an 1213. l'Empereur Frederic II. du nom , ayant fon .
Reguliers
dé l'Ordre de Saint Gal en Suiffe , accorda le privile- qui confe-
ge à l'Abbé de Saint Gal , de conferer cet Ordre. C'a rent la
Chevale-
été fans doute par une femblable conceffion de nos Rois , rie.
que l'Abbé de Saint Martial de Limoges avoit autrefois
le droit de créer des Chevaliers , qu'on appelloit de Saint
Martial, Geoffroy fonde ce privilege fur un procés que

( a ) Vallifar Hiftor . Albigens , cap. 70. ' Raynald. ad an i213.num.60.


Dd iij
214 Dißertations Hiftoriques & Critiques
Pierre , Abbé de Saint Martial, intenta à Pierre Bernard

de Vernoüil , qui n'étant que valet avoit ufurpé la quali-


té de Chevalier de la Milice de Saint Martial : Petrus Ab-
bas tunc placitum habuit cum Petro Bernardi de Vernotioo ,, qui
contra jus ex Bajulo Militia Cingulum ufurpaverat. ( a )
C'eſt ſuivant ce droit de l'Abbé de Saint Martial qu'en
1167. & 1205. on créa plufieurs Chevaliers dans l'Eglife
de cet Apôtre des Gaules. Anno 1167. ad Curiam Saniti
Martialis 242. Milites novi fiunt . Et anno 1205. ad Curiam
Sancti Martialis plures Milites fuerantfacti. ( b ) Les Chro-
niques de cette Abbaye rapportent que le 21. Mars 1276.
jour de la confecration de Girbert de Malemort , plufieurs
Barons & Prélats affifterent à fa premiere Meffe , & tren-
te-cinq Chevaliers qu'on créa dans cette folemnité. Cele-
bravit Girbertus Miſſam ubi fuerunt Barones , & Prælati &
Milites novi facti 35. ( c ) On prétend même que les Vi-
comtes de Limoges faifoient des Chevaliers , & qu'ils avoient
reçû ce privilege des Abbez de Saint Martial,dont ils étoient
feudataires. (d)
L'an 1496. qui fut le IV. du Pontificat d'Alexandre
VI. ce Pape fe declara & tous fes fucceffeurs , Chefs &
Souverains Grands - Maîtres de l'Ordre Militaire du Saint
Sepulchre , & transfera au Saint Siege & à lui le pouvoir de
donner cette Chevalerie . On fçait auffi que ce Souverain
Pontife accorda le privilege au Gardien des Cordeliers
Superieur du Saint Sepulchre en Jerufalem , de conferer
cet Ordre Militaire : Committens facultatem fuo Vicario Ge-
nerali Guardiano Sancti Sepulchri , qui femper eft de Ordine
Minorum S. Francifci de Obfervantia , conferendi dictum Or-
dinemperegrinis & venientibus in terram fanitam. ( e )
Quoique depuis plufieurs fiecles , les Ecclefiaftiques ayent
conferé la Chevalerie avec de grandes cérémonies ; l'ufage
neanmoins d'en être eux-mêmes honorez eft beaucoup plus

(a ) Gaufredus in Chronico cap . 58. Hiftoire de Saint Martial 2. part. liv. 8.


(b ) Iterius in Chronico parvo. chap. 14.
(c ) In Chronico Sancti Martialis . ( e ) Favin Theatre d'honneur , tom,
( d) P. Bonaventure Carme Déchauffé, 】 2. liv . IX. page 1597.
Jurla Chevalerie. Liv. I. Differt. IX . 215
recent. On dit que les Gens d'Eglife , voyant que les Doc-
teurs & les Jurifconfultes prenoient la qualité de Chevaliers,
ils crurent que cette noble dignité n'étoit pas incompati-
ble avec l'état Ecclefiaftique ; d'autant plus que les Che-
valiers de Rhodes , les Templiers & les Chevaliers Teuto-
niques pouvoient poffeder les charges Ecclefiaftiques , &
être mêmes Cardinaux : ce qui n'eſt pas fans exemple . En
1489. le Grand- Maître de Rhodes Pierre d'Aubuffon , fut
créé Cardinal fous le titre de Saint Adrien. Sur la fin du

fiecle fuivant Hugues de Loubens de Verdale joignit la


qualité de Grand-Maître de l'Ordre de Saint Jean de Jeru-
falem avec celle de Cardinal. L'Evêché de Malte eft de-

puis long-temps affecté à un Chapelain de l'Ordre , qui eſt


toûjours Chevalier ce qui fe pratique encore aujour-
d'hui.
L'Eglife de Lion a eu de tems immemorial des Chanoi- Chanoines
nes Docteurs & Chevaliers , que l'on nommoit en Latin de
faitsLyon
Che-
Milites. On dit qu'ils étoient au nombre de fept , pour re- valiers.
preſenter les fept anciens Diacres. Les fonctions de ces
Chevaliers étoient de défendre les droits de cette Eglife ,
& d'en conduire les affaires. L'Inftitution de ces Cheva-

liers avoit précedé le XIII . fiecle ; puifqu'une Charte de


l'an 1307.de Philippe le Bel (a ) nous apprend , que ce Prin-
ce ajoûta trois nouveaux Chevaliers aux fept autres : Ab
antiquo feptem funt Milites in Ecclefia Lugdunenfi ; pro jari-
bus Ecclefiæ defendendis & negotiis ejufdem Ecclefiæ felicius
promovendis. Nos vero volentes.... tres novas perpetuas &
liberas ibidem fundamus Militias . Il eft ordonné dans cet-
te Charte , que perfonne ne pourra être prefenté pour être
du nombre de ces Chevaliers , s'il n'eft Docteur & fçavant ;
fuivant l'ancienne coûtume & les Statuts de cette Eglife.
Ad quas Militias nos & fucceffores noftri nominabimus Cle-
ricos homines , c'eft-à-dire , Docteurs en Droit , providos Lit-
terarum fcientia infignitos , habiles fecundum ipfius Ecclefiæ
confuetudines & Statuta. Le Roi fit un fonds de cent livres

( a ) Charta Philippi Regis Fran-, Sept. | an . 1307. pro Ecclef. Lugdun .


216 Dißertations Hiftoriques Critiques
de rente pour chacun de ces Chevaliers , & ordonna qu'ils
joüiroient du même droit qu'avoient les anciens Chevaliers
de l'Eglife de Lion : Et ultra prædicta noftri tres Milites
recipient jure fuo in dicta Lugdunenfi Ecclefia tantum in omni-
bus & per omnia quantum quilibet antiquorum Militum ra-
tione Militiafua confuevit percipere & habere, Jean le Lie-
vre ( b ) fait mention de deux Clercs de l'Eglife de Vienne ,
qui portoient le titre de Chevaliers.
Ecclefiafti- Il n'y a point de preuve plus convaincante que l'état Ec-
clefiaftique n'eft pas incompatible avec la Chevalerie , que
dans reçûs
ques l'Or-
dre du S. l'Article IX . des Statuts de l'Ordre du Saint- Esprit , fondé
сс Ayant
par le Roi Henri III . voici comment il s'explique : «
Esprit,
" principalement fait & créé le preſent Ordre en l'honneur
-de Dieu,Nous ordonnons qu'il y aura en icelui quatreCar-
dinaux & quatre Archevêques, Evêques ou Prélats, qui ſe-
ront choifis entre les plus grands & vertueux perfonnages
de nôtre Royaume ; lefquels feront Commandeurs dudit
n Ordre : feront preuve de nobleffe en la forme ci-après or-
donnée : aurons entrée , ftance & voix déliberative aux
Chapitres Generaux , affemblées & déliberations , qui fe
‫ כ‬tiendront pour les affaires de l'Ordre , tout ainfi que les
‫>>ו‬
autres Commandeurs : Enſemble charge d'informer de
» la Religion , vie , mœurs & âges des Princes , Seigneurs ,
Gentilshommes & Officiers qui entreront en l'Ordre. Et
de nous faire entendre & remontrer aufdits Chapitres
,, les fautes & abus qui fe commettront par ceux dudit Or-
" dre au fait de ladite Religion .
Dans l'Article II . des Statuts de l'Ordre des Chevaliers
de la Milice Chrétienne , il eft ordonné que les Ecclefiafti-
ques pourront être aggregez à cet Ordre , pourvû qu'ils
ayent les qualitez & la nobleffe qui font ſpecifiées dans les
mêmes Statuts.
S'il falloit encore quelque exemple de perfonnes Eccle-
fiaftiques qui ont reçu la Chevalerie , non - feulement en
qualité de feudataires des fouverains , & pour rendre le fer,

[ a ] In Antiquit. Viennenfib. cap. §4.


vice
fur la Chevalerie , Liv . I. Differt. X. 217
vice militaire ; ou comme un titre honoraire ; mais auſſi

qui ont été faits Chevaliers en armes, & qui s'en font fer-
vis fous ce titre . Philippe de Savoye , fils de Thomas I.
nous en fournit un exemple celebre . Ce Prince étant élû
Evêque de Valence , apres Boniface fon frere , qu'on avoit
élevé à l'Archevêché de Cantorbie , fe fit faire Chevalier

au Siege de la Ville de Plaifance. C'est ce que nous


apprend Philippe de Mouskes en fon Hiftoire de France
écrite en vers. Voici comme il s'explique , parlant de cet
Evêque,

La fu-il Cevaliers non Clers ,

Ains as armas tos feurs &fers


En au refiert , & crie Valence

Del Branc lor carge griefpenence.

Cet Hiftorien remarque , que l'Evêque ne fut pas créé


Chevalier-Clerc , c'eſt- à- dire , Chevalier en Loix , ni com-
me Docteur , mais Chevalier en armes , & qu'il les portoit
& s'en fervoit , ayant pris pour fon cri de Guerre le nom
de fon Evêché : Et crie Valence.

DISSERTATION X.

De la Chevalerie Reguliere.

L n'y a gueres d'Hiftoire plus embaraffée que celle qui


Itraite des Religions militaires. Les Ecrivains ne font
pas ſeulement partagez entre eux , touchant le tems où

elles ont pris naiffance , & fur la maniere dont elles ont été
établies ; mais auffi ils ne conviennent pas de celle qui doit
tenir le premier rang.
Pour éviter la confuſion & dire quelque chofe de rai-
Ee
218
Differtations Hiftoriques & Critiques
fonnable fur ce fujet ; j'examinerai avant toutes chofes
l'origine des Religions militaires ; enfuite je ferai voir en
quoi elles font differentes entre elles-mêmes , & des Ordres
de Chevalerie ; enfin je traiterai de ces Religions en par-
ticulier.

ARTICLE I.

De l'origine des Religions militaires.

L y a des Auteurs (a ) qui prétendent que dès le tems

Ide la primitive Eglife on jetta les fondemens des Reli-


gions militaires dans les exercices de charité que pratiquoient
certaines perfonnes , fous le nom de Chevaliers Hofpita-
liers. (6 ) Ces Hofpitaliers , dit-on , fe répandirent enfui-
te , en divers endroits du monde , & fubfifterent jufqu'au
tems de Baudouin I. Empereur de Conftantinople , qu'ils
embrafferent la vie religieufe & prirent les armes.
Mais ce fentiment n'a pas plus de vrai-femblance que
celui des autres Ecrivains qui rapportent l'origine des Re-
ligions militaires,à Saint Jacques Evêque de Jerufalem. On
veut donc que cet Apôtre leur donna la naiffance , quand
il deftina des perfonnes pour garder le tombeau de Jefus-
Chriſt. Cet Inftitut , felon eux , fe perfectionna par les
foins de Sainte Helene , qui , après avoir bâti un magni-
fique temple fur le Mont-Calvaire , établit des Chevaliers
croifez & militaires pour la garde du Saint Sepulchre , &
pour affifter les Pelerins qui viendroient le vifiter. (c)
Enfin on dit , que vers le tems des croifades ces Cheva-
liers ayant rendu de grands ſervices aux Chrétiens , & par

(a ) Hermant Hift. des Ordres de che ne de la Chevalerie , chap. 9. Tambur.


valerie, chap. 1. De la Roque , traité de de jure Abbat . tom. 2. difput . 4. q. 4.
la Nobleffe , chap. 115. (c ) Quarefm . elucidat. Terræ Sanita
(b ) Memoires des Ordres militaitom . 1. lib . 2. cap. 32. Beyerl. in thea-
res de Notre Dame du Mont - Carmel & tro, tom . 3. verbo Equites , & alii apud
de Saint Lazare. De Belloy de l'origi- Mennen.
219
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. X.
leurs charitables foins , & par l'exercice des armes , il leur
fut permis de faire les vœux de Religion & les fonctions de
Chevaliers.

Pour dire quelque chofe de plus fupportable , il faut fe


ſouvenir que
l'an 132. l'Empereur Adrien bâtit un temple
en l'honneur de Venus fur le Mont- Calvaire , & un autre

à Jupiter , au lieu de la Refurrection de Nôtre- Seigneur.


Ces Temples fubfifterent juſques au tems de Conftantin.
Cet Empereur repeupla Jerufalem , & l'embelit de divers
édifices & d'Eglifes , depuis que Sainte Helene ſa mere y
eut trouvé le bois facré de la Croix.

Sous l'Empire d'Heraclius , Jerufalem fut emporté par


Cofroës II. Roi de Perfe , en 614. Depuis dans le VII.
& dans le VIII. fiecle , cette Ville & toute la Terre- Sain-
te fut prefque toûjours la proye des Sarrafins fucceffeurs
de Mahomet , jufqu'au tems de Charlemagne. L'an 807.
le fuperbe Aaron Roi de Perfe, qui méprifoit tous les Prin-
ces de la terre , donna à Charlemagne la Terre- Sainte ,
avec le Sepulchre du fils de Dieu , ne fe refervant que le ti-
tre de fon Lieutenant . ( a )
Après la mort de Charlemagne , qui eft le premier Roi
d'Occident , qui ait été fait Seigneur du Saint Sepulchre ,
les infideles continuerent leurs tyrannies avec la même bar-
barie. Vers l'an 1012. les Califes ( 6 ) d'Egypte qui s'étoient
rendus maîtres de la Syrie & de Jerufalem , permirent aux
Chrétiens d'habiter dans un certain quartier de cette Ville ,
& d'y exercer leur Religion.
L'an 1048. 51. an avant la prife de Jerufalem par les On rebá-
Chrétiens , Conftantin XI . furnommé Monomaque ou l'Eftit Eglife
du Saint
crimeur , Empereur de Conftantinople, follicité par les prie- Sepulchre,
res des Chrétiens de Jerufalem , obtint d'Aber Calife d'E-

( a ) Tempore Leonis III. Patriarcha | illa fancta deferret. Annales Franco-


Hierofolimorum per ſuum Monachum mi- rum .
fit ad Carolum Magnum Sacrofanéti Se- (b ) On appelloit Califes ceux qui
pu'chri Redemptoris noftri claves , quem ufurperent l'autorité fouveraine en
dimittens ipfe Carolus Zachariam Pras - Egypte , en Perfe , & en Afrique. On
byterum illi adjunxit , qui dona ad loca donna auffi le nom de Califes de Syrie
aux fucceffeurs de Mahomet.
Ee ij
220
Differtations Hiftoriques & Critiques
gypte , de faire bâtir l'Eglife du Saint Sepulchre. Ce Ca-
life accorda encore à ces Chrétiens Syriens , & au Patriar
che de Jerufalem , la quatrième partie de cette Ville , pour
y faire fans inquietude les exercices de leur Religion , en
payant de grands tributs.
Vers le même tems certains Marchands de la Ville de
Melphe , dans le Royaume de Naples , qui negocioient au
Levant , eurent permiffion du Calife d'Egypte de bâtir à
Jerufalem une maifon pour eux & pour ceux de leur na-
tion , qui viendroient en pelerinage dans la Paleſtine.
Quelque tems après ils bâtirent une Eglife fous le nom de
Sainte-Marie , & fonderent un Monaftere de l'Ordre de

Saint Benoist , pour recevoir ceux qui viendroient vifiter


les lieux faints , & pour faire l'office divin fuivant le Rite
des Latins : C'eft pour cela que leur Eglife a toûjours porté
le nom de Latine , pour la diftinguer de celle des Grecs.
On fonde Le nombre des Pelerins de tout fexe augmentant tous
un troifié les jours , on bâtit une autre Eglife & un Hôpital fous le
me Hôpital
dans la vil- titre de Sainte Marie-Magdelene pour loger les femmes ,
le de Jeru- fous la direction d'une Dame Romaine nommée Agnes.
falem. Enfin on fonda une troifiéme Eglife avec une maison qui

fut dédiée à SaintJean- Baptiſte, où l'on recevoit avec beau-


coup de charité les Pelerins. (a) Le B. Gerard en fut fait
Directeur. Il gouverna cet Hôpital deſtiné pour les hom-
mes , & Agnes celui des femmes , fous la dépendance , pour
le temporel & le fpirituel, de l'Abbé ou Superieur de Sainte-
Marie la Latine , jufqu'au tems que les Chrétiens fe rendi-
rent maîtres de la Sainte Cité de Jerufalem , fous la condui-
te de Godefroy de Bouillon en 1099.

[ a ] Choppin raconte , que Hir civitate ab Egyptio principe , dirutum


can le Macchabée , qui a vécu envi- fuit, abfquo deinde Chriftiani Latini im-
ron 125. ans avant la naiffance de J. petrarunt jus ftruendi prope Sepulchrum ,
Chrift , avoit fait bâtir un Hôpital bina Cœnobia , in quibus facra Latino
au même endroit , où étoit celui de ritu fierent. Cette remarque feroit cu-
Saint Jean-Baptifte : voici les paroles rieute fi Choppin en donnoit de
de cet Auteur. Nondum enim recepta bons garands. Apud de Naberat page
Solymorum Urbe , Joannes Hyrcanus Ma- 6. desprivileges de Saint Jean deferufa-
chabeorum unus , in eadem conflituerat lem.
primus egenorum hofpitium , quod capta
221
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. X.
Le B. Ge-
La reputation de la fainteté & du zele du B. Gerard
fut caufe que les Rois de Jerufalem travaillerent avec foin rand
les fonjette
de-
pour établir ceux qui s'employoient à de fi bonnes œuvres, mens
& qu'on appella Hofpitaliers . Le nombre des malades & Relig, mi-
lic.
des bleffez augmentant tous les jours le nombre des Hof-
pitaliers s'accrut auffi , entre lefquels plufieurs perfonnes de
qualité fe confacrerent au fervice du prochain. L'affiftan-
ce qu'ils rendoient à ces Pelerins , leur fit prendre ſoin de
leurs voyages , & de la liberté des chemins , pour empê-
cher les courfes des infideles. Il fallut pour cela prendre les
armes , & devenir hommes de guerre. Cet emploi attira
quantité de nobleffe ; & changea les Hofpitaliers en Che-
valiers.

Les Hiftoriens qui ont écrit de la guerre fainte remar-


quent , qu'en ce tems les Rois de Jerufalem fonderent qua-
tre Religions militaires , celle de Saint Jean de Jerufalem,
celle des Chevaliers du Saint Sepulchre, la troifiéme fut cel-
le des Templiers , la derniere celle qui porte le nom de S.
Lazare , Bethleem & Nazaret. Et enfuite on érigea la Re-
ligion de Sainte-Marie des Teutons.
Ces Religions militaires fe rendirent recommandables
par leur vertu & leur courage ; acquirent de grands biens,
& devinrent très- celebres par le nombre prodigieux de
Gentilshommes qui s'enroloient dans ces faintes milices.
Les Sarrafins inquieterent les Rois de Jerufalem par des
guerres continuelles jufqu'en 1187. (a) que Saladin Roi Saladin
de Syrie & d'Egypte après avoir remporté plufieurs vic- prend
rufalemJe-
.
toires fur les Chrétiens leur arracha enfin Jerufalem , &
toute la Terre- Sainte à la reſerve de quelques fortes pla-
ces , comme Saint Jean d'Acre ou Ptolemaïde. Ce fut
dans cette Ville où fe retirerent les débris de la Chrétienté ,
& des Religions militaires.

( a ) Les Rois qui ont regné en Je- 1142. Baudouin III. 21


rufalem font les fuivans. 1163 Amauri I. JI'
En 1099. Godefroy de Bouillon un an. 1174. Baudouin IV. 12.
1100. Baudouin I. 18 1186 Baudouin V. 1.
1118. Baudouin II. 13. 1187. Gui de Lufignan. 8.
113. Foulques Comte d'Anjou. II.
Ee iij
222
Dißertations Hifloriques & Critiques
Mais Melec- Arafe , Soudan (a) d'Egypte , affiegea Saint
Jean d'Acre en 1191. & après quarante jours d'attaque con-
Les Che- tinuelle , l'emporta d'affaut le 19. Mai. Il maffacra tous
valiers en ceux qui étoient dedans , à la referve de ceux qui ſe pu-
1191. per-
dent later rent fauver fur les Vaiffeaux. Les Chevaliers , qui avoient
re-Sainte. foûtenu le fiege avec une intrepidité furprenante , & qui
échapperent de ce cruel carnage , fe retirerent en divers en-
droits de la Chrétienté , où ils établirent leurs Ordres , qui
fervirent de modele pour en fonder plufieurs autres. J'ai
tiré prefque tout ce que je viens de rapporter de l'origine
des Religions militaires de l'Hiftoire de la guerre facrée
de Guillaume de Tyr ; de l'Hiftoire Orientale & Occi-
dentale de Jacques de Vitri , & de l'Hiftoire des Cheva-
liers de S. Jean de Jerufalem de l'édition de 1659.

ARTICLE II.

De plufieurs fortes de Religions militaires.

Nappelle proprement Religions militaires toutes les


O focietez de Chevalerie qui fuivent quelqu'une des re-
gles Monaftiques approuvées par le Saint Siege. Quoique
ces Religions militaires foient en très-grand nombre &
très-differentes entre elles : on peut neanmoins les réduire
toutes à trois claffes , par rapport à trois fortes de fins qu'el-
les fe propofent .
Religions Il y a des Religions militaires qui s'attachent unique-
militaires
ment au ſervice des malades , des pauvres & des pelerins ,
hofpitalie- & ces Religions ne font qu'Hofpitalieres . On peut mettre
res.
Ordre du de ce nombre le celebre Inftitut des Chevaliers du Saint-
Saint - El-
prit de Ro-
me. [ a) Le nom de Soudan fe donnoit ladin General des Troupes de No-
autrefois aux Lieutenans Generaux radin , Roi de Damas , prit ce titre
des Califes , dans leurs Provinces & & fut le premier Soudan d'Egypte
dans leurs armées. Ces Soudans fe en 1165.
rendirent enfuite Souverains ; & Sa-
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt . X. 223

Efprit qui gouvernent l'Hôpital de Rome. Il fut inftitué ,


ou plûtôt renouvellé par Innocent III. l'an 1198. & con-
firmé par le même Pape en 1204. Cet Ordre fut d'abord

érigé pour avoir foin des enfans expofez. Les Chevaliers


s'obligent encore de prendre foin des malades & de rece-
voir les Pelerins. Ces Hofpitaliers portent une croix patée
blanche.
Un Ecrivain raconte la caufe de cette Inftitution en ces
termes. Orante Innocentio fummo Pontifice , facta eft vox de
cœlo , dicens : Innocenti , vade pifcatum ad Tiberim Flu-
vium. Re cum S. R. E. Cardinalibus communicatà , ad Tibe-
rim fe contulit , & laxatis retibus prima vice octuaginta fep-
tem , fecunda vero trecentos & quadraginta extraxit infantes
abortivos , ab impiis matribus fuffocatos , & in Tiberim pro-
jectos. ( a )
Les Chevaliers de Saint Antoine de Vienne , ( b ) ne Ordre de
font auffi qu'Hofpitaliers. Gafton & Girard pere & fils toine
Saint An-
de
s'étant dévoüez au foulagement des malades affligez du feu Vienne.
de Saint Antoine , établirent cet Inftitut en Dauphiné ,
comme le remarquent le Cardinal Baronius & M. Sponde ;
mais on ne fçait pas préciſement l'année. Il y en a qui di-
fent qu'il commença en 1095. Ce qu'il y a de fùr , c'eſt
que vers l'an 1121. on bâtit une Eglife en un lieu appellé
Saint Didier-la- Mothe , dans le païs Viennois. Cette mai-
fon , qui étoit un Prieuré , fut convertie en Abbaye l'an
1297. par le Pape Boniface VIII. Ces Chevaliers , qui
étoient fous la regle de Saint Auguſtin , faifoient vœu de
fervir les malades du feu de Saint Antoine. Leur marque
eft un Tau bleu , ou de couleur celefte fur un habit noir.
Il y avoit un autre Ordre Hofpitalier , fous la même

regle de Saint Auguftin , en Dauphiné , dans le Dioceſe


de Valence , qui portoit le nom de Saint Ruffi. (c) Sous
Raimon l'an 1158. la maifon de Saint Ruffi commença

[a ] Tamburin de jure Abbat. tom. Heliot Hift. des Ord. Relig. feconde part.
2. difput. 24. quæft. 4. chap. 16.
(b) Aymar Falcon Hift. Antonian. (c) De la Roque Traité de la Nobles.
Herman Hift. des Ordres Relig. tom. I. chap. 119.
224 Dißertations Hiftoriques & Critiques
d'avoir titre d'Abbaye. L'Inftitut de ces Chevaliers s'éten-
dit dans les Diocefes d'Avignon , d'Arles & de Lyon. On
tint un Chapitre de cet Ordre l'an 1337. où l'on fit divers
reglemens. Il ne refte plus rien de cette milice Hoſpita-
liere que dans les Livres.
Religions Si le foulagement des malades , la neceffité des pauvres
qui ont
militai été
res. & le fecours des pelerins , ont fait former le deffein d'ériger
des Religions hofpitalieres, dont l'unique emploi a été la
charité envers le prochain ; on peut dire auffi , que le zele
des Princes Chrétiens pour la défenfe de l'Eglife & de leurs
Etats , contre les Infideles ou les Heretiques, leur a fait naî
tre la penfée d'établir des Societez de Chevalerie Reguliere
qui fuffent militaires feulement ; c'eſt- à- dire , qui n'euffent
d'autre fin que de s'opposer aux ennemis de la foi.
Ordre de L'Ordre de Saint Etienne Pape & Martyr , patron des

S Etienne Florentins , peut être mis au rang de ces fortes de Cheva-


premier Grand Duc de Tof-
ce, Floren- leries. (a) Cofme de Médicis ,
de
cane , ne crut pas qu'il pût rien ajoûter à la gloire qu'il
avoit acquife , & à l'eftime des peuples qu'il s'étoit attirée par
tant de grandes actions ; que d'ériger un Ordre de Cheva-
lerie , pour défendre par mer & par terre la Religion Chré-
tienne contre les Mores & les Mahometans . Sixte V. qui
accorda de grands privileges à cet Ordre,confirma le Grand
Duc de Tolcane , pour être lui & fes fucceffeurs Souverain
Chef & Grand-Maître de cette Chevalerie .
M. Hermant ( b ) dit que les Chevaliers de S. Etienne
ne font point d'autre ferment que celui de fidelité envers
leur Souverain , avec promeffe de défendre la Religion
Chrétienne , contre les Mahometans, Cependant il eft cer-
tain qu'ils font you de charité envers le prochain , de
chafteté conjugale, d'obéiffance , & d'expofer leurs biens &
leur vie pour le foutien de la foi , comme il eft expreffé-
ment marqué dans la Bulle du Pape Pie IV. donnée pour
la fondation de cet Ordre. Milites infua receptione , cha-

( a ) André Favin Hift. de Navarre [b ] Hermant , Hift. des Ordres de


fur l'an 1600. De la Roque Traité de la Chevalerie, chap. 61.
Nobleffe, Juftiniani. & alii.
ritatem ,
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt. X. 225

ritatem , caftitatem conjugalem , & obedientiam expreſſe


profitentur. Le Pape explique enfuite en quoi confiftent
ces vœux. ( a ) La marque de cette Chevalerie eft une
Croix rouge échancrée , cordée & frangée d'or.
L'Ordre de Chrift en Portugal, doit être auffi placé par-
mi les Religions militaires. (b) Il a été fondé fur les ruïnes
L'Ordre
de Chrift
de l'Ordre d'Avis & des Templiers. La premiere de ces en portu-
deux Chevalerie ayant perdu fon luftre , & la feconde étant gal .
fupprimée , Denis I. Roy de Portugal en 1318. érigea
l'Ordre de Chrift , pour garantir les Frontieres du Royau-
me des Algarbes contre les Infidelles. Cet Ordre devint
fortpuiffant , & fe rendit fort celebre par les grandes actions
que firent les Chevaliers , & les victoires qu'ils rempor-
terent.
Jean XXII. approuva cet Ordre par fa Bulle de l'an
1319. dans laquelle il renferme en quatorze articles les obli-
gations des Chevaliers. Le dernier de ces articles contient
une choſe affez remarquable , que le Pape exprime en ces
termes. Magifter Militum Chrifti , perfe autperfuum Nun-
tium Apoftolorum limina fingulis trienniis vifitare tenetur.
Le Grand-Maître de cet Ordre fera obligé une fois tous les
trois ans d'aller en perfonne à Rome , ou d'y envoyer i
quelqu'un de fa part.
Pour être reçû dans cet Ordre , outre la qualité , il fal-
loit pendant l'efpace de trois ans , avoir donné des marques
de valeur dans les fervices qu'on étoit obligé de faire dans
les Guerres contre les Maures. Zege cautum eft, eft-il dit dans
les Statuts de cet Ordre , ut admittendi per trienniumfaltemin
Africanis præfidiis Septæ , Tingis , & Mafagani inter fre-
quentes Maurorum incurfus & excurfus , virtutis fpecimen
ferant . Ces Chevaliers qui font leur demeure ordinaire
dans la Ville de Tomar portent une Croix blanche pa-
tée.

L'Ordre des Chevaliers du Temple ayant été fupprimé , Montefe.


Ordre de

( a ) In Bulla Pii IV. data Kalendis Fe- 1234 Item Theatre d'honneur. Tambu-
bruarii ann . 1561. rin, Mennen. Hermant , & alii.
(b ) Favin Hift . de Navarrefur l'an
Ff
226 Dißertations Hiftoriques & Critiques
Jacques II. Roy d'Arragon pour défendre fes Etats des
courfes des Infidelles , & garder les rivages de la mer , éri-
gea en 1316. un nouvel Ordre de Chevalerie fous le titre

de Nôtre-Dame de Montefe. Les Chevaliers portent une


Croix rouge fur un habit blanc. Outre le Vou qu'ils fai-
foient d'obéir à leur Superieur , & de foûtenir la Religion ,
ils promettoient de garder la chafteté . Mais dans la fuite
le Pape Paul III . permit aux Chevaliers de fe marier . Ils
gardent la Regle de Cifteaux.
Religions La troifiéme claffe des Religions de Chevalerie comprend
Militaires,
& Hofpita- les Societez qui font tout à la fois & Militaires & Hofpita-
lieres. lieres , & dont les Chevaliers tiennent d'une main l'épée
pour combattre les Infidelles , tandis que l'autre eft occu-
Ordre de pée au foulagement du prochain . L'Ordre de Saint Jean-

SaintJean- Baptifte & de Saint Thomas ( a ) peut être rangé parmi


Baptifte &
de S. Tho- les Religions & Hofpitalieres & Militaires. Cet Inftitut prit
mas. naiffance dans la Ville d'Ancone fituée dans l'Etat Eccle-
fiaftique. Les Chevaliers s'obligeoient de fecourir les pau-
vres malades , & d'exercer envers eux les Oeuvres de cha-
rité , & de porter les armes pour s'oppofer aux Bandits qui
inquietoient les Pelerins qui alloient vifiter les Saints Lieux .
On ne fçait pas le temps de leur établiſſement , qui fut
approuvé par Alexandre IV .
Alphonfe X. Roy de Caftille , appella en Eſpagne les
Chevaliers de cet Ordre , ( b ) pour défendre fes Eſtats qui
étoient ravagez par les Maures. La marque de cette Reli-
gion , qui fuivoit la Regle de Saint Auguftin , étoit une
! Croix de gueules , chargée d'une ovale , où étoient les Ima-
Jean - Baptifte & de Saint Thomas. Cet Or-
ges de Saint
dre étant tombé , les Chevaliers s'unirent à ceux de Malte,
Ordre de L'Ordre de Nôtre- Dame du Mont Carmel eft auffi Mi-

Dame litaire , & Hôpitalier , comme on en peut juger par la


N. Mont-
du
Carmel.
( a ) La Roque Traité de la Nobl. ch. I de cet Ordre. Mais il eft certain qu'il
113. a commencé en Italie. Le Pape Ale-
( b ) Tamburin de jure Abbatum , xandre IV. avoit approuvé cet Ordre,
tom . 2. Difp. 24. q. 4. attribue à Al- & même étoit mort , quand Alphon-
phonfe Roy de Caftille l'inftitution fe fit venir ces Chevaliers en Espagne,
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt. X. 227
Formule de la Profeffion des Chevaliers de cette Milice. El-
"
le eft conçûë en ces termes : " Moy N. promets & voüe “
à Dieu tout-puiffant , à la glorieufe Vierge Marie Mere «
de Dieu , à Saint Lazare , & à Monfeigneur le Grand- “
cc
Maître , d'obſerver toute ma vie les faints Commande-
cc
mens de Dieu , & ceux de la fainte Eglife Catholique ,
Apoftolique & Romaine : de fervir d'un grand zele à la “
défenſe de la Foy , lors qu'il me fera commandé par mes "
Superieurs d'exercer la charité & les œuvres de miferi- «
corde envers les pauvres , & particulierement envers les "
Lepreux , felon mon pouvoir. "

ARTICLE III.

Les Religions Militaires ont embraffé des Regles


differentes.

E ne font pas feulement les Solitaires & les Vierges


qui ont fait fleurir l'Obfervance Reguliere , fous les
étendards de divers Fondateurs : les gens de Guerre auffi ,
par ane generofité toute Chrêtienne , & par le fecours du
Ciel ont entrepris de foûtenir la Foy & l'Eglife par les ar-
mes , ou de fe confacrer au fervice du prochain , en obfer.
vant divers Statuts , & fuivant les Regles Monaftiques ap-
prouvées de l'Eglife.
Il y a donc des Religions Militaires qui fuivent la Regle
Regle de
de Saint Bafile , comme les Chevaliers de Conftantin. Il S. Bafile.
y a des Ecrivains qui mettent fous cette même Regle les
Chevaliers de Saint Cofme & de Saint Damien , de Sain-
te Catherine , de Nôtre- Dame du Lis , de Montjoye , & de
Saint Blaiſe. On peut y joindre les Chevaliers du Saint Se-
pulchre en Angleterre .
L'an 1174. Henry II . Roy d'Angleterre , fonda un Ordre du
Ordre de Chevaliers fous le nom de Chevaliers du Saint S. Sepul-
Sepulchre. Pour être reçû dans cet Ordre , il falloit faire chre en An-
gleterre.
Ffij
228
Differtations Hiftoriques & Critiques
deux ans de Noviciat à Jerufalem , pour y veiller à la gar-
de du Saint Sepulchre . Alexandre V. qui approuva cet
Ordre , le mit fous la Regle de faint Bafile. Les Chevaliers
faifoient ferment de fidelité au Roy , & s'obligeoient d'ex-

pofer leur vie pour la défenſe de Jefus - Chrift & de l'E-


glife. Lorsque l'Angleterre changea de Religion , quelques-
uns de ces Chevaliers pafferent à Malte , & s'unirent avec
les Chevaliers de Saint Jean de Jerufalem. Henry II .
leur avoit donné pour marque une Croix de Sinople fem-
blable à celle des Patriarches.

Regle de La Regle de Saint Auguſtin a été embraffée par les Che-


S. Augu- valiers de Saint Lazare , par la Milice des Chevaliers du
ftin .
Saint Sepulchre , de Saint Jean de Jerufalem ou de Mal-
te. Les Chevaliers du Saint Efprit de Rome , ont fſuivi la
même Regle , auffi-bien que les Teutons , ceux de Saint
Jean - Baptifte & de Saint Thomas , & ceux des deux Or-
dres de S. Jacques de l'Epée , dont l'un a fleurien Eſpagne ,
& l'autre en Portugal. On doit joindre aux Religions Mi-
litaires qui ont embraffé la Regle de Saint Auguftin , les
Chevaliers de Saint Antoine , & ceux de la Madonna , ou
de la Mere de nôtre Seigneur , ou des Freres de la Jubi-
lation établis à Bologne & à Modene en 1264. & confir-
mé par le Pape Urbain IV. Les Chevaliers de cet Ordre
portoient la Croix rouge frangée d'or. ( a )
On met encore parmi ces Religions Militaires qui fui-
vent la Regle de Saint Auguſtin , l'Ordre de Jeſus-Chriſt
fondé par le Pape Jean XXII . l'Ordre de Saint Mauri-
cè , celuy de SaintGeorge en Auftriche en Carinthie , &
celuy de Saint Gerion. ( b )
Ordre de Enfin les Gendarmes de Jefus Chrift , ou les Freres de la
laMilicede Milice de Saint Dominique , ont vêcu fous la même Regle
J. C.
de Saint Auguftin. Le grand Patriarche Saint Dominique
& ſes enfans ne fe contenterent pas d'attirer à l'Eglife par la
Predication les Heretiques Albigeois , mais auffi Saint Do-
minique fe crut obligé pour reprimer la fureur de ces en-

( a ) Hermant . Hiff. des Ordres , pag. Science des Armoiries , pag 495-
238.
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. X. 229

nemis de l'Eglife , qui fe rendoient redoutables par leurs


armes , d'ériger un Ordre Militaire , dont les Chevaliers ſe
confacrerent au Service Divin , & à la défenſe de l'Egli-
fe. Le Comte de Montfort , qui fit prendre à fon fils le Col-
lier de cet Ordre , fe joignit aux Chevaliers de Saint Do-
minique , & firent des actions furprenantes. Les Cheva-
liers le pouvoient marier. Plufieurs Souverains Pontifes
ont approuvé ce faint Inftitut , & luy ont accordé de grands
privileges. Cette Chevalerie ne fubfifte plus. ( a )
Les Chevaliers de Saint Dominique portoient fur l'efto-
mach uneCroix blanche & noire fleurdelifée . Fernandez de
Caftillo fait la defcription de cette Croix , en ces termes :
Ufo per devifa efta Religion la Cruzflorenteada de las colo-
res de fu habito que fon blano y negro , que tam bien lo fueron
de la Cavaleria Militar , que el mifmo Santo Domingo infti-
tutio in Francia, y Lombardia , confirmada por el Papa Hono-
rio contro los rebeldes de la Iglefia. ( b )
La premiere des Religions Militaires qui a combatu fous Regie de
les étendards du grand Patriarche S. Benoît , eft celle des S. Benoit.
Chevaliers du Temple. Elle a été imitée par les Chevaliers

qui porterent d'abord le nom de la Sainte Vierge d'Evora ,


& puis celuy des Chevaliers de l'Ordre d'Avis , ou des Pal-
mes. Les Chevaliers de Calatrava , & les Portes-glaives de
• Livonie , fe font rangez fous la même Regle. Ils ont été
fuivi par les Chevaliers de Saint Julien du Poirier , &

d'Alcantara , & par ceux de Saint George d'Alfama , &


de Notre - Dame de la Mercy.
Jacques I. Roy d'Arragon inftitua (c ) cette Chevale-
rie de Nôtre - Dame de la Mercy en 1218. & fut confirmée
en 1230. par le Pape Gregoire IX. Il y en a qui préten-
dent que cet Ordre eft fous la Regle de Saint Auguftin ;
mais il faut prendre garde de ne pas confondre les Reli-
gieux de la Mercy avec les Chevaliers de la Mercy. La de-

(a )Favin , Tamb. De la Roque , (c)Onuphrius in Chronico fean . Ma


Hermant. Bern, Juftiniani . & alii. riana rerum Hifpan. Lib . 12.
( b) Fernandez de Caftillo Hift . Lib.
8. chap. 49.
F fiij
230 Differtations Historiques & Critiques
viſe de ceux-là eft une Croix patée d'argent , & au -deffous
les Armes des Rois d'Arragon qui font d'or à quatre pans
de gueules : ( a ) & la marque de ceux- cy eft une Croix
blanche. Il est même certain que les Chevaliers de la Mer-
cy font fous la Regle de Saint Benoît , s'il en faut juger par
les termes de leur Profeffion.

Voicy la Formule des Vœux que font ces Chevaliers.


Ego N. Miles Sanita Maria de Mercede , & Redemptione
Captivorum , facio profeffionem , & promitto obedientiam ,
paupertatem , caftitatem obfervare , Deo vivere , & comedere
fecundùm Regulam Sancti Benedicti , & in Saracenorum pote-
ftate , fi neceffe fuerit , ad Redemptionem Chrifti Fidelium ,
detentus manebo . ( b )
Ce ne font pas les feuls Chevaliers qui ont obfervé la Re-
gle de Saint Benoît : il y en a encore d'autres , parmi lef-
quels on doit mettre les Chevaliers de Truxillo en Caſtille ,
fondez par les liberalitez du Roy Alphonfe le Sage en 1257 .

Ce Prince, leur donna la Ville de Truxillo pour retraite :


mais depuis , comme nous l'apprend Barbofa , ils furent ag-
gregez à la Milice de Calatrava. On peut encore ajoûter
les Ordres de la Chevalerie de Nôtre- Dame de Monteſe , de
Jeſus-Chrift en Portugal, de Saint Eftienne en Toſcane ,
de Saint Lazare & de Saint Maurice , & les Chevaliers de
Saint Bernard.

Henriquez , ( c ) qui parle de ce dernier Ordre , ne nous


apprend point , qui l'a fondé. Il eft neanmoins très-ancien ,
& a été celebre en Caftille durant la Guerre du Roy Hen-
ry contre le Roy Pierre le cruel , fon frere. Le Grand- Maî-

tre de cet Ordre prit le parti du premier qui monta fur le


Thrône en 1367. Mariana qui fait mention de cette Mi-
lice , remarqne que Pierre Roy de Caftille la fupprima.
II y a encore d'autres Chevaliers qui ont pris la Regle de

Saint Benoît , comme ceux de l'Ordre de Montjoye , ( d)


( a ) La Roque Traité de la Nobleſſe. die 20. Augufti.
ch. 110 . (d ) M. de la Roque Traité de la No-
( b ) Tamburin De jure Abbatum. bleffe chap. 113. met fous la Regle de
tom. 2. Difp. 24. qu 4. Saint Bafile l'Ordre de Montjoye.
(e) Henriq. in Menolog. Cifterc. fub
furla Chevalerie. Liv . I. Differt. X. 231
de l'Aifle de Saint Michel , & ceux de Saint Sauveur de Ordre de
S. Sauveur
Montreal. On ne fçait pas quand ce dernier Ordre à com- de Mont-
mencé. Il y en a qui l'attribuent à Alphonfe VII . Roy de real.
Caftille & de Leon , qui vivoit vers le douziéme fiecle : mais
il y a bien plus d'apparence qu'il n'a été fondé que vers l'an
1315. pour s'oppoſer aux invafions des Maures. Les Cheva-

liers fe pouvoient marier. Ils portoient fur une robe blan-


che une Croix ancrée de gueules. Cette Milice eft entiere-
ment éteinte. ( a)
Je ne trouve qu'un feul Ordre de Chevalerie qui ait em- Regle des
braffé la Regle des Carmes : c'eft celuy de Saint Lazare & Carmes .
de Nôtre- Dame du Mont- Carmel , dont nous parlerons
ailleurs. L'Ordre de Nôtre- Dame du Rofaire ( b ) a fuivi la Chevale-
Regle de Saint Dominique , que Federic Archevêque de rie tre de e
No-
Dam
Tolede donna aux Chevaliers de cette Milice , lors qu'il du Rofai-
l'érigea pour reprimer les Maures qui ravageoient l'Elpa- re.
gne. La marque de ces Chevaliers étoit une Croix blanche
& noire , dont les extrémitez étoient en forme de Lis. La
Croix étoit chargée d'une ovale où étoit l'Image de la Sain-
te Vierge , qui d'une main foûtenoit fon Fils , & de l'autre
elle portoit un Rofaire.
Il n'y a , je ne me trompe , que la Milice de la Con- Chevale-
ception de Nôtre- Dame qui ait combatu fous les étendards rie de la
Cóception
du grand Patriarche Saint François. On attribue l'érection de la Sainte
de cette Chevalerie à Ferdinand Duc de Mantoüe , à Char- Vierge.
les de Gonzague Duc de Nevers, & àAlphonfe Comte d'Al-
la. Le Pape Urbain VIII . qui approuva cet Ordre en 1623.
luy accorda de grands privileges, ( c) Quoique cette Mili-
ce fût fort celebre dans fes commencemens , elle eft nean-

moins preſque éteinte. Les Chevaliers de cet Ordre , qui eſt

( a ) Francifc. Menenius De origine I l'une & l'autre,a été fondée , 3. au


Ordin. Milit. Tamburin ubi fupra. Pais où elles ont fleuri , & enfin aux
[6 ]M. de la Roque Traité de la No- Armes qui ont diftingué l'une & l'au-
bleffe chap. 110. confond la Milice de tre des autres Chevaleries .
Notre Dame du Rofaire avec celle de [ c ] Tambur. De jure Abb . tom. 2.
Saint Dominique ; mais elles font dif- Difp. 24. q. 4. De la Roque chap. 13.
ferentes: 1. Par rapport à leur Fon- Hermant. Hift. des Ordres chap. 68.
dateur, 2. à la Regle fous laquelle
232 DißertationsHiftoriques & Critiques
fous la protection de Saint Michel , portent une Croix d'a-
zur à la bordure d'or , chargée d'une Image de la Sainte
Vierge environnée d'un Soleil plein de rayons , portant fur
fa tête une couronne de douze Etoiles , & foulant la Lune
fous fes pieds .

Cet Ordre avoit été établi pour la défenſe de la Foy Chré-


tienne , l'exaltation de la Sainte Eglife Catholique , Apo-
ftolique & Romaine , & particulierement pour reprimer
l'audace des Turcs , lefquels couroient la Mer Mediterra-
née , & prenoient grand nombre de Chrétiens qu'ils fai-
foient mourir , ou rendoient efclaves , au dommage , & à
la honte de la Chrétienté.

ARTICLE IV.

Des Vœux que font les Milices Régulieres.

E ferment de fidelité , qui eft comme effentiel à tous


L les Ordres de Chevalerie , eft bien different des Vœux
de la Milice Reguliere. Le ferment de fidelité eft une pro-
teſtation que l'on fait au Souverain de ne fe départir jamais

de l'obéïffance qui luy eft dûë , & de s'acquitter fidelement


de l'Employ qu'on doit exercer , en prenant le Collier.
En quoy Mais les Voeux qui font propres aux Religions de Che-
Vœux valerie renferment une promeffe folemnelle que les Cheva-
confiftent
les
deReligió. liers font à Dieu de garder les Vœux de Religion , qui font
l'obéïffance , la chafteté , & la pauvreté. Afin que ces
Vœux foient legitimes , trois conditions font neceffaires.
La premiere eft , que ces Voeux doivent être faits entre

les mains d'un Superieur qui les accepte. La feconde , il


faut qu'on s'engage à l'obfervance d'une Regle particulie-
re. Enfin que l'Eglife l'approuve.
Quoique toutes les Milices Regulieres faffent des Vœux,
ces Vœux ne font pas toûjours les mêmes. Ceux auffi qui
fuivent la même Regle , ont fouvent des engagemens dif-
ferens.
Jur la Chevalerie. Liv . I. Differt. X. 233
ferens. Il en faut donner quelques exemples .
Il y a des Religions Militaires, dans lesquelles on ne s'en-
gage point par les Voeux de chafteté & de pauvreté , mais
feulement par le Vou d'obéiffance , qui oblige les Cheva-

liers d'expofer leur vie pour la défenſe de la foy , & de com-


battre les ennemis de l'Eglife fuivant les ordres du Superieur.
On peut mettre dans ce rang l'Ordre de l'Aîle de Saint
Michel.

Alphonfe I. Roy de Portugal érigea cet Ordreen 1166. Ordre de


l'Aile de S.
en memoire de la celebre victoire que ce Prince remporta
Michel
fur les Maures par le fecours de l'Archange Saint Michel.
Les Chevaliers s'obligeoient de défendre la Religion , &
de garder les Frontieres du Royaume , & de proteger les
vierges & les pupilles. Les Chevaliers portoient une Aîle de
couleur de pourpre environnée de rayons d'or ; comme il
eft ordonné dans l'Acte de la Fondation de cet Ordre :
Milites deferantfupra cor Alam purpuream , infignitam au-
ro & fulgore , ficut vifumfuit oculis meis , fuiffe illam quam
videram in prælio . ( a)
Dans quelques Ordres de Chevalerie Reguliere l'on
ajoûte le vœu de chafteté conjugale au Voeu d'obéiffance.
Će font les deux Vœux que font les Chevaliers de l'Ordre
L'Ordre
de Saint George en Carinthie en Autriche. Cet Ordré de S.Geor-
fut inftitué par Maximilien I. vers l'an 1495. Les Cheva- ge en Ca-
liers faifoient Voeu d'obéïffance à leur Souverain , de rinthie.

défendre l'Eglife Catholique , & de chafteté conjugale.


La marque de cette Milice étoit une Croix rouge trefflée
& couronnée d'or fur le premier croifillon. Cet Ordre eſt
prefque éteint , & fes biens ont été donnez à d'autres Che-
valiers.

Les Chevaliers de Saint George d'Alfama ne s'enga- Ordrede


George
geoient qu'à l'obfervance des mêmes Voeux. On croit que d'Alfama.
cette Milice fut fondée vers 1201. par Pierre II . Roy d'Ar-
ragon , & incorporée avec celle de Nôtre Dame de Mon-
tefe , dont nous avons parlé. Ils faifoient les mêmes

14 ] Tamburin de jure Abbat. difp. I 24. quæft. 4.


Gg
234 Differtations Hiftoriques & Critiques
Vœux. On a donné à cette Religion le nom d'Alfama,
parce qu'elle fut érigée dans la Ville d'Alfama , qui eft en
Catalogne fur le bord de la Mer. (d )
Ordre de L'Ordre de Saint Maurice Patron des Allobroges nous
S. Maurice.
peut fervir d'exemple , pour montrer que dans des Reli-
gions Militaires on a joint le Vou de pauvreté aux Vœux
d'obéïffance & de chasteté conjugale.

Emmanuel- Phibert Duc de Savoye , établit cet Ordrea


Ripaille fous la Regle de Saint Benoît . Le Pape Gregoire
XII. déclara ce Duc & ces Succeffeurs Maîtres de cet

Ordre. Gregoire XIII . le confirma l'an 1572. Il fut inſti-


tué pour s'employer à la défenſe de la Religion Chrétienne.
Ces Chevaliers ont deux Maiſons principales dans les Etats
du Duc de Savoye : l'une eft à Nice & l'autre à Turin. La
Devife de cet Ordre eft une Croix blanche qui fe termi-
ne en fleurons. Les Chevaliers font Veu d'obéïffance , de

pauvreté & de chafteté conjugale. Il y ades Auteurs qui


parlent differemment de çet Ördre & de fon inftitution.
Mais nous avons fuivi le fentiment de M. de la Roque Trai-
té de la Nobleffe chap. 113. où il citeplufieurs celebres Ecri-
vains .
Enfin il y a des Milices Regulieres où l'on ne peut être
reçû qu'en promettant à Dieu de garder toute la vie les
trois Vœux folemnels de Religion , qui font l'obéïffance ,
la chafteté & la pauvreté. Il y a eu autrefois de ces fortes
de Chevaleries , comme l'Ordre des Templiers , de Mont-
joye , des Teutons , du Saint Sepulchre , de Saint Lazare :
& il s'en trouve encore aujourd'huy , qui fubfiftent au
moins dans la Religion de Saint Jean de Jerufalem , ou de
Malte , dont nous parlerons dans la fuite.
Pour donner à cette matiere tout l'éclairciffement dont

je fuis capable , il faut faire quelques reflexions. La premie-


1. Remar. re : Quoique dans toutes les Milices Regulieres on fuive
que
Vœux les une Regle approuvée de l'Eglife , & 'qu'on faffe des Vœux,
furdes
Chevaliers cependant tous les Chevaliers qui embraffent ces Inftituts ,

(a) Tamburin ubi fupra.


fur la Chevalerie. Liv . I. Differt. X. 235
ne font pas Religieux . Ceux -là feuls portent ce titre avec
t
juftice , & font veritablemen Religieux , qui s'engagent
à la face de l'Eglife de garder toute leur vie l'obéïffance à
leurs Superieurs , la chalteté & la pauvreté.
C'eft pour cela que celuy qui a fait vou d'entrer dans

une Religion , fatisfait à ce devoir en prenant l'Habit des


que l'on
Chevaliers de Saint Jean de Jerufalem ; à moins que
ait en vûë quelque Ordre particulier. ( a ) Car les per-
fonnes qui font profeffion de ce celebre Inftitut , font effen-
tiellement Religieux , puifqu'ils font les trois Vœux qui
conſtituent un Ŏrdre Regulier , & qu'ils s'engagent à l'ob-
fervance d'une Regle approuvée par les Souverains Pontifes.
On ne trouve point en effet que les Papes ayent expedié de
Bulles en faveur de cet Ordre , ou accordé des privileges aux
Chevaliers de Malte , fans leur donner par tout le titre de
Religieux.
La feconde reflexion eft , Que toutes les Milices Regu- II. Re-

lieres,où l'on fait quelqu'un des Voeux de Religion, & même marque.
celles où l'on s'engage à l'obfervance des trois Vœux , avec
quelque limitation , font bien differentes des Religions
Militaires où l'on promet de garder les trois Vœux fans au-
cune modification. Dans celles-là , l'obéïffance n'eſt peut-

être jamais fi étenduë , la chaſteté ſi entiere & fi parfaite ,


ni la pauvreté fi abfoluë , comme dans ces dernieres Mi-
lices Regulieres ; car celles - cy font de veritables Religions ;
& il n'eft pascertain que l'on puiffe placer les autres dans le
même rang , quoi qu'on y faffe des Voeux , & qu'on y vive
dans l'obfervance de quelque Regle approuvée de l'Eglife.
La troifiéme reflexion tombefur une autre difference qui III. Re-

fe trouve entre ces fortes de Milices Regulieres. Dans tous marque .


les Etats de l'Europe , où il y a des Ordres de Chevalerie ,
on en peut prendre deux enfemble , comme nous l'expli-
querons plus au long en fon lieu. Il eft auffi permis de s'en-
gager dans un Ordre de Chevalerie honoraire , foit Chré-

(a ) Tamburin,Dejure Abbatum tom.


2. difput. 15. quæft. 5. & communiter
Cafuifte.
Ggij
236 Difertations Hifloriques & Critiques
tienne ou Civile , & de faire profeffion dans une Milice Re-
guliere , où l'on promet d'obferver les trois Vœux folemnels
de Religion .
Mais les veritables Religions Militaires , c'eſt- à -dire ,
celles dans lesquelles on promet l'obfervance des trois Vœux
de Religion , font incompatibles avec les autres Milices Re-
gulieres. C'eſt pour cela que quand un Chevalier de Mal-

te eft fur le point de faire profeffion , on l'examine fur plu-


fieurs chofes , dont la premiere eft conçûë en ces termes :
3
Je vous demande , dit le Recevant au Chevalier , fi vous
» avez fait aucun Vou en une autre Religion.... Je vous
declare maintenant que s'il fe trouve que vous foyez at-
‫ כג‬teint des chofes fufdites , l'on vous privera de nôtre Com-

" pagnie. ( a )
IV . Re- La derniere reflexion eft , Que tous les Ordres de Cheva-
marque.
lerie où l'on fait des Voeux , ne font pas des Milices Re-
gulieres. Quoique les Voeux qui font en ufage dans ces
Societez Militaires foient de veritables Voeux , & diffe-
rens du ferment de fidelité ; neanmoins ces Ordres ne font

pas Reguliers , & les Chevaliers qui s'y engagent , ne peu-


vent pas être appellez Reguliers ; parce que leurs Voeux
ne font pas proprement des Vœux de Religion , & que les
Chevaliers qui les gardent , n'embraffent pas quelque Re-
gle Monaftique approuvée de l'Eglife.
Ordre Mi- C'est pour cela que l'on ne peut pas placer parmi les Mi-
litaire de lices Regulieres , l'Ordre Militaire de Sainte Magdeleine ,
Sainte Ma-
rie Magde- quoique les Chevaliers fiffent des Voeux , dont le princi-
leine. pal étoit d'abjurer les Duels , & toutes fortes de querelles ,
finon en ce qui pourroit regarder l'honneur de Dieu , le
fervice du Roy , & l'avantage du Royaume.

Cet Ordre Militaire n'a pas été inftitué , mais il fut


propofé au Confeil du Roy Louis XIII. en 1614 .
par Jean Chefnel Seigneur de la Chappronaye , Gentil-
homme de Bretagne , qui en étoit l'inventeur. Les Articles
pour cet établiffement étoient au nombre de vingt. Ils font
pleins d'une pieté toute Chrétienne.

( a ) Statuts de Malte, tit . II . art. 9. ¦ & 10.


fur la Chevalerie , Liv . I. Differt. X. ' 2:37

M. Chefnel fit faire une Croix & des Habits avec lefquels
il fe prefenta à Sa Majefté qui le fit Chevalier. Mais ce
deffein n'ayant pas réüffi , le Sieur de la Chappronaye ſe re-
tira dans un Hermitage , au bout de la Foreft de Fontaine-
bleau , où il paſſa le refte de fes jours dans les exercices de
1
la Pénitence , & prit le nom d'Hermite pacifique de la
Magdeleine.
De même les Chevaliers de l'Ordre de Saint George
érigé à Ravenne , n'étoient pas Religieux , quoiqu'ils fil-
fent vœu de refider dans cette Ville , & de faire la Guerre
aux Corfaires qui ravageoient les côtes. La marque de ces
Chevaliers étoit une Croix d'or , fur laquelle il y avoit une
Couronne de même. Les Succeffeurs de Paul III . qui avoit
inftitué cette Chevalerie , ne fe mirent pas en peine de foû-
tenir cet établiſſement ; c'eft pourqoy il eft entierement
tombé.

ARTICLE V.

Des Milises Regulieres qui font les trois Vœux folemnels


de Religion.

S. I.

L'Ordre de S. Jean de Jerufalem.

'Ordre des Chevaliers de Saint Jean de Jerufalem ,


Lo
ou de Malte , eft fi connu , qu'il feroit inutile de s'é-
tendre beaucoup fur ce fujet. Je diray feulement que cette
Religion , qui eft Militaire & Hofpitaliere , eft la premie-
re , & le modele de tous les Ordres Militaires Reguliers .
Le B. Gerard natif de Martigues en Provence , eft re-, Le B. Ge-
connu pour le premier Fondateur de cette Religion. En rard Fon-
dateur de
1099. que les Croifez prirent la Ville de Jerufalem , Ge- l'Ordre de
S. Jean de
rard étoit Directeur de l'Hôpital de Saint Jean- Baptifte Jerufalem.
Gg iij
238 Dissertations Hiftoriques & Critiques
fondé pour recevoir les Pelerins. Godefroy étant couronné
Roy de Jerufalem alla vifiter cet Hôpital qui étoit fous la
conduite de Gerard , & luy donna de grands biens.
Obliga- Les Hofpitaliers qui étoient fous la conduite de Gerard ,
tions des & qui s'employoient au fervice des pauvres & des malades ,
Chevaliers
de cet Or- prirent des habits noirs , avec une Croix à huit pointes , &
dre.
ils firent les trois Voeux de Religion , qui font l'obéiffan-
ce , la chafteré , & la pauvreté , y en ajoûtant un quatrié-
me par lequel ils s'engageoient de recevoir , traiter , &
défendre les Pelerins. La Fondation eft de l'an 1104. fous
le Regne de Baudoüin I.
Cette Religion fut mife fous la Regle de Saint Augu-
ftin. Le B. Gerard donna des Statuts à cet Ordre naiffant,

& fit de très-beaux Reglemens. Cette premiere Maifon ac-


quit en peu de temps de grands biens à Jerufalem , à Be

thléem , à Tyr , à Antioche , à Cral , à Margat , à Acre,


à Alexandrie , & ailleurs. Gerard gouverna fa Religion
jufqu'en 1118. & eut Raymond du Puy pour Succeffeur.
Celui-cy étoit de la Province de Dauphiné , iffu de l'illuſtre
Maifon des du Puy , dont la terre eft à preſent poffedée
par les fieurs de Montbrun , qui confervent les titres de
cette Famille. Favin (a ) croit que Raymond du Puy étoit
iffu de la Maiſon de Pouliniac en Auvergne : mais on croit
qu'il fe trompe.
Raimond Raymond du Puy donna un nouveau luftre à l'Ordre
du Puy fe- que Gerard avoit fondé. Il deftina une partie des Cheva-
códGrand-
Maitre. liers à défendre la Religion contre les ennemis de la Ter-
re Sainte , pendant que les autres auroient foin des pauvres
& des malades de l'Hôpital. Ce fecond Grand- Maître de
l'Ordre de Saint Jean de Jerufalem , fit de nouvelles Con-
ftitutions , pour perfectionner la Regle que Gerard avoit
établie. Il aflembla le premier Chapitre General , & diftin-
gua l'Ordre en trois rangs ; fçavoir des Chevaliers
des Servants d'Armes , & des Chapelains. Raymond ſe
rendit recommandable par fes grandes actions , & gou-
verna l'Ordre avec beaucoup de prudence jufques vers l'an
(a) André Favin , Theatre d'hon: ¦ newr tom. 2. liv. IX. pag. 1606.
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. X. 239

1160. & eut pour Succeffeur Auger de Balben.


Les Chevaliers de Saint Jean de Jerufalem demeurerent Les Chré-
dans la Paleſtine , tant que les Chrétiens en furent les Maî- tiens fu-
rent cha f-
tres. Saladin Soudan d'Egypte , ayant affiégé & pris Jeru- fez de laPa-
falem , les Chevaliers fe retirerent à Margat , & puis à Acre. Ieftine.
Ils furent encore chaffez de toutes ces Places , ce qui les obli-
gea de fuivre Jean de Lufignan Roy de Cypre , qui leur
donna la Ville de Limiffon. Ils s'établirent enfuite à Rho-
des en 1480. où ils ont demeuré 214. ans fous le nom de
Chevaliers de Rhodes. Cette Ville ayant efté affiegée par
Mahomet II. le Grand-Maître Pierre d'Aubuffon la dé-

fendit courageufement pendant trois mois. Depuis Soli-


man la prit en 1522. après une genereuſe défenſe.
L'Isle- Adam Grand- Maître de l'Ordre qui avoit défen- Les Che-
valiers de
du Rhodes avec une valeur extraordinaire , ayant fait voile Saint Jean
avec fes Chevaliers & quatre mille habitans de cette lfle , fe perdent
Rhodes.
retira en Candie , où il paffa l'hyver. De là il fit voile vers
la Sicile , & trois mois après , il alla à Rome vers le Pape
UrbainVI . qui donna à l'Ordre la Ville de Viterbe pour re-
traite. Six ans après, fçavoir , en 1530. l'Empereur Charles-
Quint luy donna l'Ile de Malte , dont cet Ordre porte le
nom .
Le Gouvernement de cette celebre Milice , eft Monar- La Reli-
chique & Ariftocratique : car le Grand-Maître eft Souve- gion de S.
Jean de Je-
rain dans l'Ifle & fes dépendances. Il fait battre Monnoye, rufalem fe
accorde des graces & des remiffions aux criminels , donne fixe à Mal-
te.
les Provifions des Grands- Prieurez , des Bailliages & des
Commanderies : & tous les Chevaliers de l'Ordre , quelque
autorité qu'ils ayent , luy doivent obéir en tout ce qui n'eft
pas contraire à la Regle & aux Statuts de la Religion : &
voilà la Monarchie.

Dans les grandes affaires , le même Grand-Maître & le Gouver-


nemét des
facré Confeil ont enſemble une autorité abfoluë : ce qui fait Chevaliers

l'Ariftocratie , ou Gouvernement des principaux ; car le de Malte.


Grand-Maître y a feulement deux voix pour la preéminen-
ce. Ce Confeil eft ordinaire ou complet. Au Confeil or-
dinaire affiftent le Grand- Maître , comme Chef , & les
240 Differtations Hiftoriques & Critiques
Grands-Croix , qui font l'Evêque de Malte , le Prieur de
l'Eglife , les Baillifs Conventuels , les Grands- Prieurs , &
les Baillifs Capitulaires. Le Confeil complet eft compofé
des Grands-Croix , & des deux plus anciens Chevaliers de
Chaque Langue. Depuis que l'Angleterre a changé de Re-
ligion , le plus ancien Chevalier du Convent , de quelque
Langue qu'il foit , entre au Conſeil ordinaire , & les deux

autres plus anciens Chevaliers au Confeil complet , pour re


prefenter la Langue d'Angleterre & fon Pilier.
Lors qu'un Chevalier de Malte fait Profeſſion , la Reli-
gion ne s'engage à luy donner autre chofe que du pain &
de l'eau , de fimples vêtemens , beaucoup de peine & de
travail. On compte jufqu'à prefent foixante - trois Grands-
Maîtres qui ont gonverné cette Religion , qui a été très-
floriffante depuis fon établiffement. Jamais Religion ni Or-
dre Militaire n'a reçû de fi grands privileges que celuy-cy .
Leurspri. Les Papes , les Empereurs , les Rois & les Princes de toute
vileges.
la Chrétienté , fe font faits un plaifir particulier de combler
ces illuftres Chevaliers de biens fpirituels & temporels ,
pour les recompenfer des fervices confiderables qu'ils ont
rendus à l'Eglife. Le Commandeur de Naberat ( a ) rap-
porte tous ces privileges , que l'on peut confulter fur ce fu-
jet , auffi-bien que les autres Ecrivains qui ont parlé de
cet Ordre ,

Des Langues , des Prieurez , des Commanderies , & autres

Charges de l'Ordre des Chevaliers de Malte.

CetOrdre L'on fera aifément perfuadé que la Religion de Malte pof-


elt de
fé compo-
huit fede de grands biens par la liberalité des Princes Chrétiens,
Langues. par ce petit dénombrement de fes Prieurez , & de fes Com-
manderies. Cet Ordre Militaire eft diftingué en huit Lan
gues. La premiere eft celle de Provence , la feconde eft la
Langue D'Auvergne ; la troifiéme , la Langue de France ;
le quatrième , la Langue d'Italie , la cinquième , la Lan-

[ e ] Naberat , Sommaire des privileges de l'Ordre de Saint Jean de feruf.


gue
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. X. 241

gue d'Arragon ; la fixieme , la Langue d'Angleterre ; la


feptiéme , la Langue d'Allemagne , la huitiéme , la Lan-
gue de Caftille.
Chaque Langue a une Dignité de l'Ordre. Le Grand- Dignitez
Commandeur eft dans celle de Provence. Le Marefchal de chaque
Langue.
dans celle d'Auvergne. Le Grand-Hofpitalier dans celle
de France. L'Admiral eft dans celle d'Italie. Le Grand-
Confervateur de l'Ordre eft de la Langue d'Arragon. Le
Turcopillier étoit autrefois de la Langue d'Angleterre : le
Sénéchal du Grand - Maître exerce à prefent cet Officc.
La Langue d'Allemagne a le Grand-Baillif ; & la Lan-
gue de Caftille , le Grand-Chancelier.
La Langue de Provence a les Grands- Prieurez de Saint Langue de
Gilles & de Tolofe , & le Baillif de Manofque. Au Prieu- Provence.
ré de Saint Gilles il y acinquante-quatre Commanderies ;
& trente-cinq dans le Grand-Prieuré de Tolofe.

La Langue d'Auvergne , outre le Grand-Prieuré d'Au- D'Auver


vergne , poffede quarante Commanderies de Chevaliers , gne.
huit de Freres Servans , & le Baillif de Lion , autrefois de
Lureul.

La Langue de France a trois Prieurez . Le Grand - Prieur De Fran-


de France , a fous luy trente- fix Commanderies pour ce.
les Chevaliers , & dix pour les Servans d'Armes & les
Chapelains , outre la Commanderie Magiftrale , que le
Grand - Maître de l'Ordre tient par fes mains , ou donne à
tel Chevalier qu'il luy plaît. Le Prieuré d'Aquitaine en a 65.
Le Prieuré de Champagne en a 24. La Langue de France a
encore deux Bailliages , dont les Titulaires'font le Bailly
de la Morée , ou Commandeur de Saint-Jean de Latran ,
& le Grand- Treforier ou Commandeur de Saint Jean en
l'Ifle proche de Corbeil.
En Italie le Grand- Prieur de Rome a fous luy dix - neuf D'Italie.
Commanderies. Le Prieur de Lombardie quarante-cinq.
Le Prieur de Veniſe quarante-fept. Les Prieurs de Barlet-
te & de Capoue ont enfemble vingt - cinq Commanderies
fous eux . Le Prieur de Meffine douze. Le Prieur de Pife

vingt- fix. Les Baillifs de Sainte Euphemie , de Saint Eſtien-


Hh
242 Differtations Hiftoriques & Critiques
ne de Monopoli, de la Trinité deVenoſe , & de Saint Jeam
de Naples font de cette Langue.
D'Arra- L'Arragon , la Catalogne & la Navarre compofent la
gon. Langue que l'on nomme d'Arragon . Le Grand- Prieur
d'Arragon , qui fe nomme autrement le Caftellan d'Em-
poſte a lous luy vingt neufCommanderies . Le Prieur de
Catalogne vingt-huit. Le Prieur de Navarre dix - fept. Le
Bailly de Maillorque eft de cette Langue , dont étoit au-
trefois le Bailly de Caps en Afrique. Ce Baillage a été
fupprimépar les Tripolins.
D'Alle- • Le Prieur d'Allemagne , qui eft Prince de l'Empire , de-
magne. meure à Heitersheim ( a ) & a fous luy , tant dans la Hau-
te Allemagne , que dans la Baffe , foixante-fept Com-
mandeurs , les Prieurs de Boheme & de Hongrie , & le
Bailly de Brandebourg.
De Ca- La Caftille , le Royaume de Leon , & le Portugal , com-
Atille.
pofent la Langue que l'on nomme de Caftille. Il y a vingt-
Tept Commanderies fous les Prieurs de Caftille & de Leon.
Celuy de Portugal en a trente-une, & le Bailliage de la
Bouede. Le Bailliage de Negrepont eft commun à ceux
de Caſtille & d'Arragon.
D'Angle- Le changement de Religion qui s'eft fait en Angleterre
terre. depuis Henry VIII. afuppriméles Commanderies de cet-
te Langue , dont les biens font entre les mains des Seigneurs
Anglois , qui s'en faifirent au temps de ce changement ,
ou qui les reçûrent des mains de la Reine Elizabeth , qui
difpofa de tous les biens Ecclefiaftiques. Les Prieurs d'An-
gleterre & d'Irlande avoient autrefois fous eux trente-deux
Commanderies , & le Bailly de l'Aigle.

Deux for- Il y a deux fortes de Commanderies : les unes font appel-


tes de Có lées Commanderies de Juftice , & les autres Commanderies
manderies.
de Grace , felon la maniere de les obtenir. On les nomme

Heitersheim eft une petite Ville voix dans le College des Princes. Ce-
d'Allemagne en Brifgavv dans le Cer. luy qui déceda en 1682. étoit Cardi-
cle d'Alface. C'eft la refidence ordi- nal , Evêque de Beflavv , & Gouver
naire du Grand- Prieur d'Allemagne neur de Silefie , où il mourut. Il fe
de l'Ordre de Malte , lequel eft Prin- nommoit Frederic de Heffe - Darm-
ce de l'Empire, & a fa léance & fa ftad.
fur laChevalerie. Liv. I. Differt. X. 243

Commanderies de Juſtice , quand on les poffede par droit


d'ancienneté , ou par amelioriffement. Les Commanderies
de Grace ont ce nom,quand elles font données par leGrand-
Maître , ou par les Grands- Prieurs , par un droit qui ap-
partient à leur Dignité. Le Grand- Maître ( outre la Com
manderie qu'on appelle Magiftrale ) a droit de donner une
Commanderie de cinq en cinq ans dans chaque Grand-
Prieuré. Chaque Grand- Prieur a auffi droit de donner une
Commanderie de cinq en cinq ans. On neprend point gar
de fi la Commanderie vacante eft de celles qui font affe-
Aées aux Chevaliers , ou de celles qui appartiennent aux
Servans d'Armes : & le Grand - Maître , ou le Grand-

Prieur la peut donner à tel Frere qu'il luy plaira , de quel


que rang qu'il foit , cela étant indifferent , quand la Pro
motion eft de grace.

Réponses à quelques Objections qu'onpropofe fur l'établiſſe- :

ment de la Religion de S. Jean deferufalem.

Il y a des Auteurs qui confondent les Chevaliers de Saint I. Obje-


i Jerufalem , appellez ation.
Lazare avec ceux de Saint Jean de
communément de Malte , & qui prétendent que ceux-cy
ont tiré leur origine des Chevaliers de Saint Lazare , qui
font les plus anciens Hofpitaliers qui s'établirent en Jeru-
falem , lorfque les Princes Chrétiens conquirent la Terre-
Sainte. Il y avoit , dit-on , à Jerufalem des Hofpitaliers ,
dont les uns recevoient les Pelerins , & les autres avoient

foin des malades , particulierement des Lepreux. Ceux qui


recevoient les Pelerins n'ont commencé que long- temps
aprés les Hofpitaliers de Saint Lazare.
Le nombre des Pelerins , dit le Pere Maimbourg , ( a )
ce
auffi bien que celuy des Soldats & des Gentilshommes qui
entrerent dans cet Ordre , croiffant tous les jours , le B. «
Gerard qui étoit Maître des Hofpitaliers lorfque Jerufa- ¿
lem fut prife fur les Sarrafins , bâtit environ l'an 1112 , un «
troifiéme Hôpital fous le nom de S. Jean- Baptiſte , & y
( a ) Maimbourg , Hift . des Croifad. ¦ liv . 3° pag. 254.
Hhij
244 Differtations Hiftoriques & Critiques
logea ces nouveaux Chevaliers qui commencerent peu de
,, temps après à former le deffein de fuivre une maniere de
"" vie plus parfaite que celle de leurs anciens Confreres. En
II . Obje- ,, effet aprés la mort du B. Gerard , on élût à la pluralité des
tion. voix F. Boyart Roger pourGrand- Maître des Hofpitaliers.
"
"" Les nouveaux Chevaliers de ce troifiéme Hôpital de S.
" Jean- Baptifte perſiſtant dans leur refolution de mener
,, une vie plus auftere , & d'ajoûter , comme les Chevaliers
‫ دو‬du Temple à leurs autres Vœux celuy de chafteté , ſe
" feparerent des anciens Hofpitaliers de Saint Lazare , &,
" choifirent pour leur Chef F. Raymond du Puy Gentil-
" homme du Dauphiné. Quant aux anciens Chevaliers ,
" ils furent ainfi feparez des nouveaux avec lefquels ils ne
" faifoient auparavant qu'un feul Ordre fous un même
" Grand-Maître : ils retinrent leur ancien nom de Saint
"" Lazare.
Réponſe Il eſt certain que le P. Maimbourg s'eft mépris , quand
à la pre-
miere ob- il dit que les Chevaliers de Saint Jean de Jerufalem font for-
jection tis de ceux de Saint Lazare. 1 ° . Avant la prife de Jerufalem
qui arriva l'an 1099. il n'y avoit pas deux Hôpitaux fepa-
rez ,l'un pour les Pelerins , & l'autre pour les malades & les
Lepreux ; mais les uns & les autres étoient traitez dans la
même Maiſon..2 . Il eftfür que le troifiéme Hôpital , dont
parle cet Hiſtorien , ne fut pas fondé l'an 1112. car il étoit
établi lorfque les Croiſez fe rendirent maîtres de Jerufalem,
puifque Godefroy de Bouillon , l'alla vifiter après qu'il fut
couronné , & luy accorda de grands privileges : " Ayant
>> viſité , dit ce Prince dans fes Lettres Patentes fignées de
>> l'an 1100, le Sepulchre de Nôtre- Seigneur , & tous les
" faints lieux , avec toute la dévotion de mon ame , j'allay.
" enfin en l'Eglife du faint Hôpital fondé en l'honneur de
"" Dieu,de fa benîte Mere , & de S.Jean- Baptifte. ,, 3 ° . Les
plus anciens Auteurs , comme Guillaume Archevêque de
Tyr , Le Cardinal de Vitry , & tous les Titres de l'Ordre
de Saint Jean de Jerufalem , mettent fon établiffement en
l'année 1104. & l'Ordre des Chevaliers de S. Lazare ne
fut établi que vers l'an 1115.
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. X. 245

Il paroît que le P. Maimbourg a fuivi la faute qu'a fai- Réponſe


te Baudouin ( a ) quand il dit qu'un nommé Roger fucceda à la fecon-
de objec-
au B.Gerard l'an 1118. Lapreuve qu'il en donne eft fondée tion.
fur une donation de l'an 1120. faite à cet Ordre par Atton

Comte d'Abrufle , où il declare qu'il l'avoit faite à Roger


Gouverneur de l'Hôpital de S. Jean de Jerufalem : mais ce
fait eſt infoûtenable , puifque l'an 1123. le Pape Calixte II .
adreffa une Bulle à Raymond du Puy,dans laquelle il confir-
me fon Ordre: ce qui ne fe peut pas accorder avec ce que dic

Baudouin de ce prétendu Roger . De plus dans la Chancel-


lerie de l'Ordre il n'y a aucun Titre où il foit parlé de ce
Roger en qualité de Superieur ou de Maître , & les Com-
mandeurs de Naberat & de Maruli , qui ont écrit les vies des
Grands- Maîtres , ne font aucune mention de ce Boyart-

Roger.
Guillaume de Tyr , qui a écrit fon Hiftoire l'an 1184. & III.Obje
Jacques de Vitry qui a compofé la fienne vers l'an 1220. tion.
remarquent qu'environ quarante ou cinquante ans avant la
Guerre Sainte , l'Abbé & les Religieux de la Latine bâti-
rent une Chapelle dediée à Saint Jean l'Aumônier Patriar-
che d'Alexandrie , & que le B. Gerard gouvernoit l'Hô-
pital attaché à cette Eglife du temps de la priſe de Jerufalem.
C'eft fur le témoignage de ces deux Auteurs que le Pere
Maimbourg ( 6 ) a crû que les Marchands d'Amalphée fi-
rent bâtir un Hôpital & un Oratoire dédié en l'honneur
de Saint Jean l'Aumônier , & que le B. Gerard environ
l'an 1112. fit bâtir un troifiéme Hôpital fous le nom de
Saint Jean - Baptifte .
L'erreur de ces Auteurs eft fenfible , fi l'on fait attention
Réponse
que tous les Hiftoriens conviennent que du vivant du Ca- à cette ob-
life d'Egypte , c'eſt- à-dire , vers l'an 1048. & du temps de jection-
l'Empereur Conftantin Monomache , les Amalphitains ne
firent bâtir que deux Eglifes , l'une fous le titre de Sainte
Marie la Latine ; & l'autre fut confacrée en l'honneur de
Sainte Marie- Magdeleine ; & que ce ne fut que long- tems

( a ) Baudouin , Hift. des Cheval, de


de į ( b ) Maimbourg , ubi(upra.
S, Jean deferuf. lib. 1, ch. 1.
Hh iij
246 Dißertations Hiftoriques & Critiques
après qu'on érigea un troifiéme Oratoire & un Hôpital ,
dont le B. Gerard étoit Adminiſtrateur , lorſque la Ville
de Jerufalemfut prife par les Croifez en 1099. Or ce troi-
fiéme Oratoire fut dedié en l'honneur de Saint Jean- Ba-
ptifte dès fon origine , & non pas fous le titre de Saint
Jean l'Aumônier : en voicy les raiſons.
1° . L'Hôpital , que Godefroy de Bouillon alla voir après
fon Couronnement , étoit gouverné par le B. Gerard , &
étoit dédié à Saint Jean- Baptifte , comme cela eft claire-
ment énoncé dans les Lettres Patentes que donna ce Prin-
ce , par lefquelles il accorda de grands privileges à cet Hô-
pital. 20. Cela fe confirme par la Bulle du Pape Pafchal II .
dattée du 15. Février 1113. c'eſt-à -dire , plus de foixante-
dix ans avant Guillaume de Tyr. Le Pape confirme
par cette Bulle le nouvel Ordre fondé par le B. Gerard ,
proche l'Eglife de Saint Jean- Baptifte : Poftulavitfiquidem
dilectio tua Xenodochium , quod in civitate Jerufalemjuxta
Beati Joannis-Baptiftæ Ecclefiam inftituifti , Apoftolica Se-
dis authoritate muniri , & Beati Petri Apoftoli patrocinio con-
foveri. Le B. Gerard ayant jetté les fondemens de fon In-
ftitut dès l'an 1104. il falloit que l'Eglife confacrée à Saint
Jean- Baptifte fût bâtie , & par confequent elle n'étoit pas
dédiée à S. Jean l'Aumônier avant l'an 1112. Le Chevalier
de Naberat affûre que les originaux de la donation de Go-.
defroy de Bouillon , & de la Bulle du Pape Pafchal II . fefont
trouvez dans les Archives de Malte , où elles fe confer-
vent.
Enfin les Statuts de cet Ordre portent que de tout temps
les Chevaliers ont fait profeffion fous le nom de Saint Jean-
Baptifte. Ainfi l'Oratoire confacré à ce Saint Précurseur ,
devoit être bâti avant la prife de Jerufalem , puifque le B.
Gerard en fut le premier Adminiftrateur avant la Guerre
Sainte , & il l'étoit encore quand Jerufalem fut enlevée
aux Sarrafins ; on ne trouve pas que le titre de Saint Jean
l'Aumônier ait été changé en celuy de Saint Jean - Bapti-

fte. Je ne fçai pas après cela fur quoy le P. Heliot ( a ) s'eft


( a ) Heliot , Hift . des Ord. Relig. prem . part. chap 32. pag. 261.
fur la Chevalerie. Liv. I.Diſſert. X. 247
fondé , quand il dit que le Grand-Maître Dom Raymond
du Puy de l'Ordre de Saint Jean de Jerufalem , changea
le titre de fon Hôpital , qui avoit été dédié à Saint Jean
l'Aumônier , en celuy de Saint Jean- Baptifte , qu'il pric
pour Protecteur de fon Ordre.
On propofe encore une autre difficulté touchant le Païs
du B. Gerard. Favin ( a ) qui l'appelle Gerard de Saint
Didier , dit qu'il étoit un Gentilhomme Picard , de la Mai-
fon & furnom de Saint Didier. Il foûtient qu'il portoit d'a-
zur au Lion d'argent , & que fes Succeffeurs ayant rendu.
de grands fervices à la Couronne de France , on ajoûta à
leurs Armes la bordure de gueules chargée de Fleurs de Lis
d'or. Mais l'opinion la plus commune & la plus fûre , fait le
B. Gerard natifde Martigues Ville de Provence.

S. II.

L'Ordre des Chevaliers du Temple.

Ces Chevaliers font ainfi nommez , parce que Baudouin


II. troifiéme Roy de Jerufalem , les avoit logez proche Fonda-

du lieu , où étoit autrefois le Temple de Salomon. L'an Ordre.


tion de cet
1119. on jetta les fondemens de cet Ordre. Neuf Gentils-
hommes conduits par Hugues de Paganis , & Geofroy de
Saint Omer , animez du zele de fervir Dieu , allerent en

Paleſtine , & fe prefenterent à Guarimond Patriarche de Je-


rufalem , entre les mains duquel ils firent vœu d'obéïffan-
ce , de chaſteté , de pauvreté , & de vivre à la maniere
des Chanoines Reguliers de l'Ordre de Saint Auguſtin . S. Ber-
La fin de cet Inftitut étoit de défendre les Pelerins de la nard luy
donne une
cruauté des Infideles , & tenir les chemins libres pour ceux Regle.
qui entreprenoient le voyage de la Terre Sainte. En 1128.
ils demanderent une Regle au Concile de Troyes en Cham-
pagne. Saint Bernard eut ordre d'y travailler. Elle com-
prend foixante-douze Chapitres. Le Concile ordonna à ces
Chevaliers de porter l'Habit blanc & une Croix rouge. Il
falloit être noble pour être reçû dans cet Ordre , & on ne
(a ) Favin , Theatre d'honneur tom. 2.¦ liv . 9. pag. 1606 .
248 Differtations Historiques & Critiques`
pouvoit être armé Chevalier qu'à l'âge de vingt-un an.
Richeffes
Cet Ordre fut en grande reputation pendant l'efpace de
dre.cet Or- deux cens ans , & acquit des richeſſes immenſes. On dit
de
qu'il avoit deux millions de revenu , & un nombre prodi-
gieux de Commanderies.
Les grands biens des Templiers les rendirent fi arrogans ,
& ils fe laifferent aller à de fi grands excez , qu'ils fe ren-
dirent odieux à tous les Princes. Ils furent accufez de plu-
fieurs crimes énormes contre la Foy , la Religion , la cha-
fteté & les bonnes mœurs . Plusieurs furent brûlez à Paris
en 1310. En Italie , en Angleterre , dans la Caftille , &
en Arragon , on pourfuivit les Templiers à peu près de la
même maniere qu'en France , où les uns furent condamnez
à mort , & les autres dépouillez de leurs Habits . Enfin le
Concile general tenu à Vienne fous Clement V. l'an 1312.
fupprima cet Ordre.
Cet Ordre Il y a des Auteurs qui prétendent que les Templiers

eftfuppri-
mé. étoient innocens des crimes qu'on leur impofoit. Cela fe
peut confirmer par un Concile Provincial celebré à Sala-
manque. Villancus & S. Antonin veulent qu'ils fuffent ac-
cufez par calomnie , & parlant de cet Ordre ils l'appellent

Sanitus , Juftus , & Orthodoxus. Jufte Lipfe eft dans le mê-


me fentiment. Mais on doit plûtôt s'en tenir à l'opinion
commune.

Monfieur du Puy Garde de la Bibliotheque du Roy pu-


blia l'an 1654. l'Hiftoire de la condamnation des Templiers,
compofée par fon Frere Pierre du Puy Garde de la même
Bibliotheque. Ainfi cet Ordre , après avoir fleuri pendant
cent quatre-vingt- quatre ans , fut éteint dans toute la Chré-
tienté, hors enAllemagne, où il fe maintint ; & les Chevaliers
fe firent abfoudre dans un Concile Provincial. Ils fubfifte-

rent encore quelque temps en Angleterre , & dans quelques,


endroits de l'Espagne. La plus grande partie des biens des
Templiers fut unie à l'Ordre de Saint Jean de Jerufalem.

§. II
far la Chevalerie , Liv . I. Differt. X. 249

S. III.

De l'Ordre des Chevaliers du Saint Sepulchre.

Nous avons rapporté dans l'Article II . de la Differtation


V. les differentes opinions des Auteurs fur l'établiſſement
de cette Milice , & refuté les fables que des Auteurs ( a )
ont avancées fur cefujet. Pour dire quelque chofe de plus
vraisemblable , il faut fe fouvenir qu'environ cinquante ans
avant la Conquête de la Terre Sainte , les Chrétiens Grecs On reba-
& Syriens avoient obtenu du Calife d'Egypte , en payant le tit le faine
Sepulchre .
tribut annuel , de rebâtir l'Eglife du Saint Sepulchre. Cet-
te Eglife fubfiftoit encore , quand Godefroy de Bouillon
fut couronné Roy de Jerufalem. Ce Prince donna de grands
biens à cette Eglife , & la choifit pour y être enterré , & T
fes Succeffeurs.

L'an 1110. Baudouin , qui fucceda à Godefroy , fit hom-


mes d'Armes les Gardiens du Saint Sepulchre , qui étoient
auparavant des Chanoines qui vivoient fous la Regle de S.
Auguftin. Ils eurent pour Chefle Patriarche de Jerufalem ,
à qui Baudouin , donna le pouvoir de faire des Chevaliers, Obliga-
qui devoient vivre en commun , & faire les trois Voeux , tios de ces
d'obéïffance , de pauvreté & de chafteté . Baudouin ordon- Chevaliers
na encore qu'ils retiendroient leur Habit blanc ; & accorda
au Patriarche le privilege de fceller toutes les expeditions de
l'Ordre en cire blanche , ( b ) fuivant la coûtume des Rois
de Jerufalem .
Les Chevaliers du Saint Sepulchre avoient la garde de
ce faint lieu , & étoient obligez de garantir les Pelerins des
infultes des Infidelles. Cette Milice fe rendit celebre , &
fe joignit aux autres pour combattre les ennemis de la Re-

(a ) Francifc. Mennenius , in Itine- cire noire ; ceux de Sainte Marie des


rario Terra Sanctæ. Quarefm . E'ucidat. Teutons de même ; ceux de Saint La-
Terræ San&t. tom . 1. lib . 2. cap 32. Jaco- zare de cire verte ; ceux de Saint Tho-
bus Chiffletius Medicus Philip. IV. mas Apôtre , de cire bleue ; & ceux
( b ) Les Chevaliers du Temple de Sainte Catherine du Mont Sinaï
fcelloient en cire rouge ; les Hofpita- de cire rouge.
liers de Saint Jean de Jerufalem en
Ii
2:50 Differtations Hiftoriques & Critiques
ligion. La marque qui les diftinguoit des autres Chevaliers,
étoit une Croix rouge potencée & cantonnée de quatre croi-
fettes de même.
Cet Or- Quand les Sarrafins fe rendirent maîtres de la Terre Sain-
dre eft uni te,les Chevaliers de cet Ordre fe retirerent à Perouſe en Ita-
avec celui
deRhodes. lie , & s'établirent en divers endroits. L'an 1484. le Pape
Innocent VIII , les unit avec tous leurs biens aux Cheva-

liers de Saint Jean de Jeruſalem ; & ordonna qu'ils obfer-


veroient leurs Statuts & leur maniere de vivre. L'an 1560 .
le Pape Pie IV . dans la Bulle qui commence : Circumfpe
Eta Romani Pontificis providentia, confirme ce que fon Pré-
deceffeur a fait : Nec - non confirmamus fuppreffionem , extin-
Etionem , applicationem , approbationem conceffam per Inno-
centium VIII. &c .
Les Cor- L'an 1496. le Pape Alexandre VI . tranſporta au Saint
deliers
Siege le pouvoir de conferer cet Ordre , & donna le même
conferent
cet Ordre. pouvoir au Gardien du Saint Sepulchre , qui eſt ſon Vicai-
re General. ( a ) Ce Gardien , qui eft toûjours de l'Ordre
de Saint François , fait Chevalier les Pelerins qui vont vi-
fiter la Terre Sainte , foit qu'ils foient mariez ou non
pourvû qu'ils ayent les qualitez neceffaires , qui font ex-
Cérémo- primées dans la Formule des Cérémonies qui s'obſervent
nies pour quand quelque Chevalier reçoit cet Ordre . Voicy en abre-
donner cet gé ces Cérémonies , que l'on peut voir plus au long dans
Ordre.
plufieurs Auteurs. (6) Après que le Prétendant s'eft difpofé
par des œuvres de pieté à recevoir la grace de cette fainte
Milice ; & après s'être confeffé & communié , on le con-
duit dans la Chapelle du faint Sepulchre , où après plu-
fieurs prieres , & avoir chanté le Veni Creator , le Gar-
dien interroge le nouveau Chevalier , qui eft à genoux de-
vant luy , & luy fait les demandes fuivantes. 1 ° . S'il eft No-
ble d'extraction : 2°. S'il a des biens fuffifans pour vivre en

Gentilhomme , & pour foûtenir la Dignité de Chevalier :


30.S'il eft prêt de jurer qu'il obfervera fidellement ce qui fuit.

( a ) Favin , Theatre d'honn, tom . 2. Eta tom. 1. lib . 2. cap. 46. Favin ,
liv. IX. pag. 1597. Theat. d'honn . ibid.
(b) Quarefmius , Elucid. Terra San--
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt. X. 251
Premierement , d'entendre tous les jours la fainte Meffe ,
V
autant que faire fe pourra. En fecond lieu , d'expofer fes
biens & fa vie , lorfque les Princes Chrétiens s'uniront
pour faire la guerre aux Infidelles , & d'y venir en per-

fonne , ou d'y envoyer quelqu'un à fa place. En troifiéme


lieu , de défendre de toutes fes forces la Sainte Eglife & fes
Miniftres contre ceux qui les perfecutent. Enfin , d'éviter
les querelles & les Duels ; de procurer la paix & l'union
entre les Fidelles ; de proteger les veuves & les orphelins ;
de ne point jurer , blafphemer , dérober ; de fuir les lieux-

fufpects , & les perfonnes débauchées , & tous les autres vi-
ces , pour fe rendre irreprehenfible devant Dieu & devant
les hommes ; de ne rien dire , ni rien faire qui foit indigne
d'un Chevalier , & de frequenter les Eglifes pour augmen-
ter le Service Divin.

Le Chevalier ayant promis d'obferver fidellement , tou-


tes ces chofes , le Gardien benit l'Epée , & mettant la main
fur la tête du Prétendant , luy dit : Et tu N. eftofidelis , &
ftrenuus , bonus & robuftus Miles Domini noftri Jefu Chrifti ,
&fanctiffimi ejufdem Sepulchri , qui te cum electis fuis inglo-
ria fua collocare dignetur. Amen . On luy met aux pieds les
Eperons dorez , & l'Epée à la main. Le Chevalier ayant
mis l'Epée dans le foureau , le Gardien la luy ceing , difant :
Accingere N. gladio tuo fuper femur tuum potentiffime , in nomi-
ne Domini noftriJefu Chrifti , & attende , quòd Saniti non gla-
dio , fedper fidem vicerunt Regna. Enfin le Gardien luy con-
fere la qualité de Chevalier de la maniere que nous le di-
rons autre part. Les Chevaliers du Saint Sepulchre ne font
pas fort eftimez , parce qu'on eft perfuadé que l'on confere
cette Chevalerie trop facilement, & qu'on ne fait pas exa-
&
tement les preuves portées par les Statuts de cet Ordre.
Quarefmius ( a ) rapporte fort au long les privileges des
Chevaliers du Saint Sepulchre , qu'il a tirez des Lettres
Patentes que le R. P. Boniface de Ragufe donna l'an 1553. à Privileges
quelques Europeens , aufquels il avoit conferé cet Ordre . desCheva-
liers du S.
Le premier de ces privileges eft, Que les Chevaliers du Saint Sepulchre.
[ a ] Quarefm . ubifupra , cap. 50.
I i ij
252 Dißertations Hifloriques & Critiques
Sepulchre doivent préceder tous les autres , de quelque Or-
dre qu'ils foient , à la referve des Chevaliers de la Toifon
d'or : le fecond , Qu'ils peuvent legitimer les bâtards , chan-
ger le nom de Baptême , & donner des Armoiries à ceux
qui n'en ont pas : le troifiéme , De créer des Notaires : le

quatriéme , De jouir des biens Ecclefiaftiques , quoiqu'ils


foient mariez , lors qu'il eft queftion de combattre pour la
Foy.
Enfin d'être exempts en tous lieux de Gabelles & de tou-
te forte d'impofitions fur la Bierre , & fur le Vin , de pou-
voir porter des habits de foye je laiffe quelques autres
femblables privileges. Il feroit à fouhaiter pour ces illuftres
Chevaliers , que ces privileges fuffent bien fondez , &
qu'ils en puffent jouir fans aucune contradiction,
S. IV .

De l'Ordre de Saint Lazare & de Notre-Dame du


Mont -Carmel.

Vers le commencement du douziéme fiecle , on inſtitua


l'Ordre de Saint Lazare de Jerufalem , pour avoir foin des
malades , & fur tout des Lépreux. Cet Ordre fut d'abord
Hofpitalier , & puis Militaire, Les Chevaliers faifoient
vœu d'obéiffance , de pauvreté , & de chaſteté. Le Pape
Alexandre IV. par une Bulle de l'an 1255. leur permit de
fuivre la Regle de Saint Auguſtin , qu'ils affùroient avoir
fuivie jufqu'alors.
Les Papes Innocent IV. Clement IV . Pie IV. & d'autres
Souverains Pontifes donnerent à cet Ordre de grands pri-
vileges , & les Rois & les Princes de riches poffeffions. Ces
Chevaliers s'unirent avec les autres Milices Regulieres qui
étoient celebres en ce temps dans la Terre Sainte , & firent
de grandes actions dans plufieurs combats où ils fe trouve-
rent ,pour foûtenir la Foy & la Religion contre les Infidel-
les. Ils accompagnoient auffi lesPelerins qui venoient à Je
rufalem ,
Statuts
C'eſt une choſe bien remarquable , que non feulement on
remarqua-
bles. recevoit des Lepreux dans cet Ordre ; mais auffi on ne
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. X. 253
pouvoit élire pour Grand - Maître qu'un Chevalier Lé-
preux de l'Hôpital de Jerufalem. Cet ufage a été obfer-
vé jufqu'à ce que les Chevaliers de cet Ordre furent
obligez de quitter la Syrie. Dans ce temps tous les Che-
valiers Lépreux ayant été tuez par les Infidelles , ou étant
morts , ceux qui reftoient s'adrefferent au Pape Innocent
IV. vers l'an 1253. afin qu'il leur permît d'élire à l'avenir
pour Grand-Maître un Chevalier qui ne fût pas Lépreux.
Le Pape les renvoya à l'Evêque de Frefcati , afin qu'il leur
accordât cette permiffion , fi cela fe pouvoit faire felon
Dieu . C'est ce que l'on peut voir dans une Bulle que le

Pape Pie IV. donna l'an 1565. dans laquelle il confirme


tous les privileges que fes Prédeceffeurs avoient accordez à
cet Ordre , & leur en donne de nouveaux.
Licet de antiqua , approbata , & eatenus pacificè obferva-
ta confuetudine obtentum effet , ut Miles Leprofus Domus San-
Eti Lazari Hierofolimitani in ejus Magiftrum affumeretur :
verùm quia ferè omnes Milites Leprofi dicta Domus ab inimi-
cis fidei miferabiliter interfecti fuerant , & hujufmodi confue-
tudo nequibat commodè obfervari : idcirco tunc Epifcopo Tuf-
culano commiferat , utfibifecundum Deum vifumforet expedi-
re , Fratribus ipfis licentiam aliquem Militemfanum , & Fra-
tribus prædicta Domus Sancti Lazari in ejus Magiftrum ( non
obftante confuetudine hujufmodi ) de cætero eligendi autorita-
te Apoftolica concederet . ( a)
Louis VII, Roy de France , revenant de l'expedition de Les Che-
la Terre Sainte , amena quelques - uns de ces Chevaliers en valiers de
ce Royaume , où ils firent un Corps , fans préjudice de l'o- S. Lazare
conduits
béïffance qu'ils devoient à leur Grand -Maître , qui étoit en France.
reſté en la Ville d'Acre , où étoit le Siege principal de cette
Religion. L'an 1154. le Roy Louis VII. donna le Château
de Boigni près d'Orleans à ces Chevaliers de Saint Laza-
re , où ils établirent leur Chef & Superieur deçà les mers. Suppref-
Cet Ordre fe maintint dans une grande reputation juf- fion de cet
ques vers la fin du quinziéme fiecle , qu'il déchût beau- Ordre ,

coup. Les Chevaliers de Saint Jean de Jeruſalem obtinrent


(a ) Bullar. Rom . tom 2. Conftit. 95 , ¦ Pü IV. §. 41,
I i iij
254 Differtations Hiftoriques & Critiques
du Pape Innocent VIII . en 1489. la fuppreffion de cet Or-
dre , & qu'il fût réüni avec le leur.
Le Pape Pie IV . l'an
1565. en donna la Maîtriſe en Italie feulement , à Janot
de Chatillon fon parent. Charles V. obtint du Pape Leon X.
fon rétabliffement dans les Royaumes de Sicile & de Na-
ples , & la réunion de plufieurs Hôpitaux à cet Ordre.
Philippe II . en 1565. eut recours au Pape Pie V. pour ob-
tenir une Bulle , afin de rétablir cet Ordre dans fes Etats.

Enfin Gregoire XIII . défera entierement la qualité de


Grand-Maître au Duc Emmanuel- Philibert de Savoye ,
& à tous fes Succeffeurs , & unit cet Ordre avec celuy de
S. Maurice de Savoye.

Mais cela n'eut pas d'effet à l'égard de la France qui s'op-


pofa à cette tranflation. Le Parlement declara comme
nulle & abufive l'extinction & l'union de cet Ordre. On dit
qu'Aimar de Chattes Grand-Maître de l'Ordre de Saint
Lazare en France , conçut le deffein de le faire refleurir
mais qu'il mourut avant que d'avoir executé fon deffein.
Le Roy Henry IV. à l'imitation des Ducs de Bourbon
& de Vendôme , fes ayeuls , pour marquer fa dévotion en-
eur à Rome ,
l'Ordre vers la Sainte Vierge , écrivit à fon Ambaffad
deErection
de N. D. pour obtenir du Pape Paul V. l'inſtitution de l'Ordre de
du Mont Chevaliers de Nôtre- Dame du Mont-Carmel. Le Pape ac
Carmel.
corda au Roy ce qu'il luy demandoit , & confirma cet Or-
dre par une Bulle du 16. Février 1607.
Il y a des Auteurs ( a ) qui prétendent que Philibert de
Nereftang fucceda à Aimar dans la Grande- Maîtriſe de
l'Ordre de Saint Lazare , & qu'il alla à Rome , où il ob-
tint du Pape Paul V. qu'à l'avenir fon Ordre feroit appellé
l'Ordre de Nôtre- Dame du Mont - Carmel : & qu'ainfi ce
nouvel Ordre fut uni à celuy de Saint Lazare ; mais aſſû-
rément ces Ecrivains fe font mépris : car outre qu'il n'eft
fait aucune mention de l'Ordre de Saint Lazare dans la Bul-
le que donna Paul V. l'an 1607. pour l'érection de l'Ordre
de Nôtre- Dame du Mont- Carmel , non plus que dans cel-

( a ) Bonauni , Catal. Ordinum mi- i dres de Chevalerie chap. 1.


lit. n. 65. Hermant , Hiftoire des Or- 1
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. X. 255
lecle l'année ſuivante , où il preſcrit à ces Chevaliers leurs
obligations ; c'eft que le Roy Henry IV. voulant doter ce
nouvel Ordre de Nôtre- Dame du Mont- Carmel , & pour-
voir à fon établiſſement , fupprima parfes Lettres Patentes
l'Office de Grand-Maître de l'Ordre de Saint Lazare , &

unit toutes les Commanderies , Prieurez & Benefices qui


appartenoient à cet Ordre , à celuy de Nôtre-Dame du
1
Mont-Carmel. Ainfi l'Ordre de S. Lazare fut uni à celuy-
cy .
Tout cela eft clairement énoncé dans les Lettres Paten- A&te d'u-
tes du Roy de l'an 1608. dont voicy un Extrait. Henry nion de ces
deux Or-
par la grace de Dieu Roy de France & de Navarre.... Notre dres.
Saint Pere le Pape ayant à notre Supplication faite parnotre
Ambaffadeur , érigé & inftitué en nôtre Royaume , un Ordre
à titre de la Vierge Marie ou de Notre - Dame du Mont-Car-
mel...... Sçavoirfaifons que Nous ayant bien agréable le con-
tenu dans la Bulle du Pape , & defirant autant qu'il nous fera
poffible promouvoir à l'établiſſement d iceluy , orner & enrichir
demerites convenables à la fplendeur d iceluy .... avons de nô-
tre certaine fcience , puiſſance & autorité Royale , éteint &
fupprimé , éteignons & fupprimons par ces Prefentes l'état de
Grand- Maitre de Saint Lazare , qui a eu cy - devant lieu en
nôtre Royaume , & en ce faisant avons toutes & chacunes les
Commanderies , Prieurez, & Benefices , de quelque qualité &
condition qu'ils foient , qui ont été fous ledit titre & en la Colla-
tion , Provifion & autres difpofitions du Grand- Maitre , unies
& annexées , & attribuées , uniffons , annexons & attribuons
audit Ordre & Milice de Noftre - Dame du Mont Carmel ,
pourdorefnavant être tenus & poffedez , & deffervis par le
Grand- Maiftre qui fera par Nous établi, & les Commandeurs,
Chevaliers , & autres Officiers qui feront créez par le Grand-
Maiftre , en vertu du pouvoir qui luy fera donné pour cet effet,
nonobftant tous Statuts & Inftitations à ce contraires , &
nonobftant oppofitions ou appellations quelconques.... Si don-
nons enMandemens à nos amez & féaux Confeillers , les Gens
tenans noftre Grand- Confeil , que ladite Bulle & cefdites Pre-
fentes ils faffent enregistrer , & le contenu d'icelles obferver in-
256 Dissertations Hiftoriques & Critiques
violablement , fans permettre qu'ilyfoit contrevenu en aucune
forte & maniere : Car tel eft noftre plaifir , &c. Donné à Fon-
tainebleau au mois d'Avril l'an de grace 1608. & de noftre
Regne le dix-neuvième.
M. deNe- Le Roy par un Acte du dernier Octobre 1608. donna au
reftang eft
établi fieur de Nereftang les Provifions & la Charge de Grand-
Grand- Maître de ces deux Ordres. Meffire Philibert de Nereftang
Maître.
Gentilhomme de la Chambre , & Meftre de Camp d'un Re-
giment d'Infanterie , fit ferment entre les mains du Roy à
Fontainebleau , en prefence des Princes & Seigneurs de la
Cour , jurant fidélité à Sa Majeſté , & à tous fes Succef-
feurs Rois de France. Le Roy luy mit enfuite le Collier ,
qui étoit un Ruban tanné , auquel pendoit une Croix fur
laquelle étoit gravée l'Image de Nôtre - Dame environ-
née de Rayons d'or. Après cette Cérémonie , le Roy don-
na le pouvoir à M. de Nereftang de créer jufqu'à cent Che-
valiers : ce qui fut executé en l'Egliſe de Saint Lazare de
Paris.
Union Enfin Loüis leGrand a donné un nouveau luftre à ces deux
d'autres
Ordres à Ordres , en leur uniffant les Ordres Militaires & Hofpita-
ceux- cy . liers du Saint Efprit de Montpellier , de Saint Jacques de
l'Epée , du Saint Sepulchre , de Sainte Chriſtine de Som-
port , de Nôtre Dame dite Theutonique , de Saint Jacques
du Haut- Pas ou de Luques , & de Saint Louis de Bou-
cheraumont. Il y a deux Edits du Roy fur ce fujet , l'un du
mois d'Avril 1664. & l'autre du mois de Decembre 1672.

Le premier fut confirmé par la Bulle de Monfieur le Cardi-


nal de Vendôme Legat à Latere en France du Pape Cle-
ment IX. en datte du mois de Juin 1668. Le fecondfut ve-
rifié au Grand-Confeil le zo . Février 1673.
En vertu de ces Edits un grand nombre d'Hôpitaux ,
Maladreries , & lieux pieux ayant été unis à l'Ordre de Nô-
tre-Dame du Mont- Carmel & de Saint Lazare , on en for-
ma cinq Grands - Prieurez , & cent quarante-cinq Com-
manderies. Les Grands - Prieurez qui furent érigez , font ,
celuy de Normandie , celuy de Bretagne , celuy de Bour-
gogne , celuy de Flandres , & celuy de Languedoc. La Mai-
fon
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. X. 257
fon principale & Conventuelle de l'Ordre eft la Comman-
derie de Boigni près d'Orleans.
Vers la fin du dernier fiecle , fur les remontrances que fi-
rent auRoy quelques Ordres qui avoient été déclarez éteints
ou fupprimez de fait ou de droit , & dont les biens avoient
-
été unis à celuy du Mont Carmel & de Saint Lazare
par l'Edit de 1672. Sa Majesté par un autre Edit du mois de
Mars 1693. revoqua celuy de 1672. & voulut que les biens
& revenus poffedez avant l'Edit de 1672. par les Ordres
du Saint Elprit de Montpellier , & les autres , leur fuſſent
rendus & reftituez , & maintint les Chevaliers de Notre-
Dame du Mont- Carmel & de Saint Lazare dans la poffef-
fion des Commanderies , Prieurez , Hôpitaux , & autres
lieux qui leur appartenoient avant cet Edit.
Les Chevaliers portent une Croix d'or à huit rais , d'un Collier
côté émaillée d'Amarante avec l'Image de la Sainte Vier- de l'Ordre-
ge au milieu ; & de l'autre côté émaillée de Sinople avec
Image de Saint Lazare au milieu ; chaque rayon po-
meté d'or avec une Fleur de Lis auffi d'or dans chacun des

angles de la Croix qu'ils attachent à un Ruban de coule'ır


Amarante .
Pour être reçû dans cet Ordre , il faut faire preuve de
Nobleffe de trois Quartiers , tant du côté paternel , que
maternel. Le Grand-Maître peut neantmoins difpenfer de
la rigueur des preuves de Nobleffe , ceux qui ont rendu
des fervices confiderables au Roy , ou à l'Ordre , & les re-
cevoir Chevaliers de grace. Ils font vou d'obéïffance ,
& de chasteté conjugale.

S. V.

L'Ordre de Livonie , dit autrement , Porte- Glaives.

Comme les Ecrivains ne s'accordent pas touchant le Fon- Fonda-


teurs de
dateur de cette Milice Reguliere , ils ne conviennent pas cet Ordre.
auffi du temps qu'elle fut inftituée. Un Moine * de l'Ab- Ilfuten-
fuite pre-
baye de Sigeberge , appellé Maynard , en a jetté les pre- mier Evê-
miers fondemens , par le zele qu'il fit paroître pour l'inftru-
que de Li-
Kk vonie.
258 Differtations Hiftoriques & Critiques
ction despeuples de Livonie. Après Maynard , Bertholde
Moine de Saint Paul de la Ville de Brême , de l'Ordre de
Cifteaux , continua d'inftruire les habitans de Livonie :

mais voyant qu'il falloit autre chofe que des paroles , pour
convertir ces cœurs endurcis , fe mit à la tête d'une Croifa-
de qu'il publia en Allemagne.
Vers le commencement du treiziéme fiecle , Albert Re-
ligieux de Bremen , de l'Ordre de Cifteaux , & alors Evê-
que de Riga , fonda un Ordre Militaire pour la défenſe de
la Religion , & pour s'oppoſer aux Infidelles de Livonie.
Albert prefcrivit aux Chevaliers la Regle de Cifteaux avec
la Robe de ferge blanche , & la Chappe noire , fur laquel-
le ils portoient du côté de l'épaule gauche , une Epée rouge
croiſée de noir ; & fur l'eftomach deux pareilles Epées paf-
fées en fautoir les pointes en bas : & c'eft de là qu'ils fu-
rent nommez les Porte- glaives .
Les Chevaliers de cette nouvelle Milice firent entre les
mains d'Albert les Voeux d'obéïffance , de chafteté , & de
pauvreté , & ajoûterent un quatriéme Vocu , de faire la
guerre aux Infidelles de Livonie. Le Pape Innocent III.
approuva cet Ordre , qui tomba bien-tôt , & fut contraint

de s'unir avec celuy des Teutons , auquel il fut incorporé


vers l'an 1237. & depuis ils ne firent plus qu'un même Or-
dre. Mais Albert de Brandebourg Grand - Maître de l'Or-
dre de Pruffe , ayant abandonne la Religion pour fuivre
les erreurs de Luther , les Porte-glaives fe feparerent des
Teutoniques.
Cet Ordrepeu de temps après fut anéanti fous Gothard de
Kelter , qui fe fit Lutherien , & y renonça folemnellement
en 1562. & ceda au Roy de Pologne les droits & les privile-
ges de l'Ordre , avec la Ville de Riga ; & après cette dé-
miffion , Gothard reçût l'inveftiture des Duchez de Cur-
lande & de Semigale,
Jur la Chevalerie. Liv. I. Differt. X. 3259

S. VI.

De l'Ordre Teutonique.

Les Auteurs font fort partagez touchant l'inftution de de


L'origine
cet Or-
l'Ordre des Teutons , ou de Pruffe , appellez ancienne- dre eft in-
ment l'Ordre de Nôtre - Dame du Mont de Sion . Il y en certaine.
a qui ont fixé l'origine de cet Ordre à l'an 1109. & qui ont
crû que Henry V valpot qui en étoit le Chef , le fit confir-
mer par le Pape l'an 1195. Jofeph Micheli foûtient que cet
Ordre fut inftitué par l'Empereur Frideric 1. lors qu'il en-
voya des troupes auxiliaires contre les Infidelles en la Ville

de Jerufalem , & qu'en l'an 1194. il fit bâtir une Eglife


fous l'invocation de Notre- Dame , en faveur de la Nation

Teutonique. D'autres enfin mettent cette Fondation en


l'an 1119. ce qui eft le plus vray-femblable.
Cette Milice doit fes commencemens à de riches Mar-
chands habitans de Bremen & de Lubec, qui partirent d'Al-
lemagne pour aller vifiter les faints lieux de la Paleſtine . Ils
fonderent un Ordre de Chevalerie avec le fecours du Roy
de Jerufalem , feconde du Patriarche , & des autres Princes
Chrétiens. psy

On dreffa des Statuts pour les Chevaliers de cet Ordre ,


fur ceux de Saint Jean de Jerufalem , qui avoit foin des pau-
vres, & fur ceux des Templiers qui s'appliquoient à la Guer-
re : & il s'en fit un Ordre Militaire & Hofpitalier tout
enfemble. Outre les trois Vœux d'obéïffance , de pauvre-
té & de chafteté , les Chevaliers faifoient vou de défendre
l'Eglife Chrétienne , & la Terre Sainte , & d'exercer l'hof-
pitalité envers les Pelerins de leur Nation.
Cette inftitution , qui fuivoit la Regle de Saint Augu- Obliga-
ftin , fut approuvée par le Pape Celeftin III. qui ordonna tions des
Chevaliers
que les Chevaliers feroient vêtus d'un habit blanc , fur le-
quel feroit coufue une Croix noire de la figure de celle de
l'Ordre de Saint Jean de Jerufalem. Le Pape obligea auffi
les Chevaliers de cet Ordre de dire tous les jours deux cens
Pater nofter, &Ave Maria , avec le Simbole des Apoftres &
Kk ij
260 Differtations Historiques & Critiques
autant chaque nuit ; de laifler croître leur barbe à la façon
des Hermites de Saint Auguftin , & que perfonne n'y feroit
reçû , s'il n'étoit Gentilhomme , de race & de nation Alle-
mande.
Après la prife deJerufalem par Saladin Prince des Sarra-
fins , les Chevaliers de cet Ordre fe retirerent à Ptolemaï-
de : mais étant chaffez de la Syrie avec les autres Chrétiens,
ils fe retirerent en Allemagne. On leur donna la Pruffe ,
pour la purger de l'Idolatrie , & l'Empereur donna à cet Or.
dre le droit de poffeder à perpetuité toutes les Terres & les
Provinces que les Chevaliers pourroient conquerir fur les
Infidelles .

Cet Ordre a été floriffant jufqu'au Grand - Maître Albert


de Brandebourg , que la plupart des Chevaliers fe firent
Lutheriens , vers l'an 1525. Ceux qui demeurerent fidelles
à la Religion , fe retirerent en Allemagne , où ils avoient
de grands biens , & des Benefices confiderables. Ils cede-
rent à la Pologne ce qu'on appelle la Pruffe Royale , & con-
ferverent la Pruffe Ducale & la Livonie. La Commande-
rie de Mariembourg eft maintenant le Chef de tout l'Or-
dre. Mais il n'y a plus aujourd'huy que les Cadets des Prin-
ces & des grands Seigneurs d'Allemagne qui foient reçûs
dans cet Ordre.

S. VII.
De l'Ordre de Mont-joye.

C'eſtune autre forte de Milice Reguliere érigée dans la


Paleſtine du temps que celles , dont nous venons de parler ,
s'y font renduës celebres. Les Chevaliers de cet Ordre ſe
confacrerent à la garde des Saints Lieux , & à faire la guer-
re aux Infidelles. Ils bâtirent un Fort fur une montagne
affez près de Jerufalem , appellé Mont-joye , qui a fait ap-
peller cet Ordre du même nom. On croit que cet Infti-
tut prit naiffance vers l'an 1180. lorfque Alexandre III .
l'approuva.
Les Chevaliers de cet Ordre furent appellez en Efpa-
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. X. 261

gne pour garantir ce Païs des ravages des Maures. Le Roy CetOrdre
Alphonfe IX. pour recompenfer les fervices qu'ils avoient paffe en El-
rendus à l'Etat , leur donna de grands biens. LesVoeux des pagne.
Chevaliers de cet Ordre étoient les mêmes que ceux des
Chevaliers de Malte : mais ils ne fuivoient pas la même

Regle. On leur donna d'abord celle de Saint BaGile. Mais


dans la fuite cette Milice fut unie & incorporée avec l'Or-
dre de Calatrava. Les Chevaliers de Mont-joye portoient
fur un habit blanc une Croix rouge. D'autres difent qu'ils
portoient fur un habit blanc une Etoile rouge à cinq rais.
Plufieurs Auteurs ( a ) font mention de tous les Ordres dont
nous venons de parler.

ARTICLE VI.

Des Ordres de Chevalerie Reguliere , qui font des Vœux

avec quelque limitation.

S. I.

L'Ordre de SaintJacques de l'Epée en Espagne en

Portugal.

Es Moines de Saint Eloy au Royaume de Galice, pour


foulager les Pelerins qui alloient vifiter les Reliques
de Saint Jacques à Compoſtelle , bâtirent divers Hôpitaux
pour les y recevoir. Treize Gentilshommes excitez par le
zele & la charité des Moines de Saint Eloy , firent con-
ſtruire un nouvel Hôpital , s'offrirent de garder les paffages,
& de défendre les Pelerins des infultes des Maures.
Ces Moines & ces Gentilshommes s'unirent en un Corps Gouver
vers l'an 1170. Le Prieur de ceux-là conſerva la Jurifdi- nement
cet Ordrde
e.
ation fur tout ce qui concernoit le Spirituel de l'Ordre ; &

[ a ] Tamburin de jure Ab.tom . 2. difp . | tom . 1. lib. 2. cap. 56. Heliot Hift.
24. quæft. 5. Mennenius, Delicia Equeft . des Ord. 1. part. chap. 37. Hermant ,
Ord. Quarefmius , Elucid. Terræ Sanét. Schoonebeck , & alii.
Kk iij
262 Dißertations Hiftoriques & Critiques
ceux -cy eurent un Grand - Maître pour leur commander.
Les Chevaliers & les Moines vivoient en commun , & fai-
foient les Vœux d'obéiffance , de chafteté , & de pauvreté.
Mais depuis , Alexandre III . permit aux Chevaliers de fe
marier. Les uns & les autres gardoient la Regle de Saint
Auguftin. Le Pape Alexandre III . l'an 1175. & le Pape
Innocent III . ont approuvé cet Ordre.
Ils font
Dom Ferdinand Roy de Leon , ayant foupçonné les
chaffez
Royaume du Chevaliers de Saint Jacques de favorifer le Roy de Caftil-
de Leon.
le fon ennemi , il les fit fortir de fes Etats. Ainfi ils quitte-
rent le Convent de Saint Marc de Leon , & fe retirerent en
Caftille . Le Roy Alphonfe les reçût favorablement, & leur
*
Vrcefia. donna la Ville & le Château d'Ucles où ils bâtirent un
Convent qui fut le Chef de leur Ordre.
1Cette Mi- Cette Milice s'établit enfuite en Portugal , où elle poffe-
ice s'éta- da plufieurs Commanderies , la Ville d'Alcazar d'Ozal en
blit enPor-
tugal. fut le Chef , mais depuis il a été transferé à Palinela. On
croit que cet Ordre feul a plus de richeffes que tous ceux
d'Efpagne enfemble. Il y a dans cet Ordre quatre-vingt-
quatre Commanderies, qui ont plus de deux cens trente mil-
le ducats de revenu ; outre deux cens Prieurez , Cures ,
Benefices fimples , & autres poffeffions.
LesGrands- Maîtres étoient autrefois élûs par les treizeChe-
valiers (a) Commandeurs & Gouverneurs dudit Ordre. Ils
pouvoient les dépofer quand ils fe rendoient indignes de cet-
te Charge. Illi tredecim Fratres, eft-il dit dans la Bulle d'A-
lexandre 111. ( fi Magifter , qui pro tempore fuerit , perni-
ciofus aut inutilis apparuerit ) cum concilio Prioris , Clerico-
rum , & fanioris partis Capituli , Majoribus Domús , corrigen-
di , aut etiam amovendi eum, habeant poteftatem.
Le Pape Adrien VI . attacha la Grande-Maîtriſe à la
Couronne de Caſtille en 1483. Ainfi les Rois d'Espagne
Collier de font les Chef de cet Ordre. Les anciennes Armes de cette
cet Ordre.
( a ) C'étoit une coûtume en Efpa- pour leur fervir de Confeil & de Gar-
gne , que tous les Grands - Maîtres des de , appellez , Los Trefes . Sans cette re-
Ordres Militaires avoient toûjours marque on ne fçauroit bien entendre
auprès d'eux , foit en paix ou en guer- plufieurs endroits de l'Hiftoire d'Ef-
re , treize Chevaliers Commandeurs , Ipagne.
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. X. 263
Chevalerie étoient d'or à une Epée de Gueules , chargée en
abîme d'une coquille de même , & pour Devife : Rubet

Enfis fanguine Arabum. A prefent c'eft une Croix en forme


d'Epée , le pommeau fait en coeur , & les bouts de la gar-
de en Fleur de Lis.
Pour être reçû Chevalier dans cet Ordre , il faut faire
preuve de Nobleffe de quatre Races , tant du côté paternel,
que du côté maternel. Les Chevaliers font les Vœux de

pauvreté , d'obéïffance , & de chasteté conjugale , aufquels


ils en ajoûtent un quatrième , de défendre & de foûtenir
l'Immaculée Conception de la Sainte Vierge.
Le deffein de ce Vou,qui eft fort particulier , fut formé Statut re-
l'an 1652. Les Chevaliers des trois Ordres de Saint Jac- ble,
marqua-
ques , de Calatrava , & d'Alcantara ayant tenu leurs Cha-
pitres Generaux , cette même année , ils convinrent de
s'engagerpar vou à foûtenir que la Sainte Vierge a été con-
çûë fans peché originel. Après avoir confulté le Roy Phi-
lippe IV. comme Adminiftrateur perpetuel de leurs Or-
dres , qui approuva la refolution qu'ils avoient prife , &
après des Prieres publiques qui fe firent dans plufieurs Egli-
fes , & une Meffe célebrée Pontificalement dans chacune
des Eglifes , où les Chevaliers de ces trois Ordres s'étoient
affemblez ; après l'Evangile de la Meffe , un Chevalier pro-
nonça au nom de tout l'Ordre à haute voix la Formule du

Vou , & enfuite chacun en preſence du Célebrant fit la


même chofe , en mettant la main fur la Croix & fur l'E-
vangile.
Dans les Chapitres Generaux que tinrent ces Ordres , on
fit un Reglement par lequel il fut ordonné , que tous ceux
que l'on recevroit à la Profeffion , feroient le même Vœu.
C'est pourquoy dans la Formule de la Profeffion de ces Or- Formule
dres , après les trois Voeux de pauvreté , d'obéïffance , & de la Pro-
fetion .
de chafteté conjugale , celuy qui fait Profeffion , ajoûte : Y
afimefmo hago voto , de tener , defender , y guardar en publi -
co,y enfecreto , que la Virgen Maria Madre de Dios , y Se-
nora nueftra , fue concebida fin mancha depecado original.
Lorfqu'un Chevalier de cet Ordre meurt , le Comman
264
Differt H & Critiqu
ations iftoriques es
deur de la Commanderie la plus proche de la demeure du
Chevalier , eft obligé , outre les Prieres ordinaires de nour-
rir un pauvre pendant quarante jours.

§. II.
L'Ordre de Calatrava.

Inftitu-
La Milice de Nôtre- Dame de Calatrava eft une des plus
tion de cet
Ordre. anciennes d'Espagne. On fait honneur de l'inftitution de
cet Ordre à Sanche III . Roy de Caftille. Ayant conquis
le Fort de Calatrava fur les Maures d'Andaloufie , il le don-
na aux Chevaliers Templiers , qui l'ayant abandonné , ce
Prince fonda un nouvel Ordre de Chevaliers l'an 1158. pour
refifter aux Infidelles .
Dom Raimond Abbé de Fedeiro leur donna la Regle de
Saint Benoît , & les Conftitutions de Saint Bernard. C'eſt

pour cela qu'autrefois les Chevaliers portoient la Robe & le


Scapulaire blanc , comme les Religieux de Cîteaux. Le
Pape Benoît XIII . les difpenfa de cet Habit , & Paul III .
leur permit de fe marier une fois , Secundis nuptiis exclu-
Collier de fis. Ces Chevaliers portent une Croix rouge fleurdeliſée
cette Mili- & cantonnée de deux menottes d'Afur .
ce.

S. III.

L'Ordre de SaintJulien du Poirier , & d'Alcantara.

Gomes Fernandez eft l'Inftituteur de cet Ordre , & le pre-

mierGrand-Maître. Ferdinand II . Roy de Leon s'en declara


le Protecteur. Il fut approuvé en 1177. par le Pape Alexandre
III . fous la Regle de S. Benoît. Alphonfe IX. en 1212. ayant
pris fur les Maures Alcantara Ville de Portugal dans l'E-
ftramadure fur le Tage , ce Roy donna la garde de cette
Place aux Chevaliers de Calatrava , qui la mirent entre les
mains des Chevaliers du Poirier, qui prirent leur nom de
cette Ville. Outre les Vœux ordinaires faifoient ces
que
Chevaliers , ils en ajoûtoient un quatriéme qui confiftoit
à declarer une guerre perpetuelle aux Maures jufqu'à ce
qu'il
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. X. 265
qu'ils les euffent chaffez du Royaume de Leon. Voicy les
termes de leur Profeffion. Domine Frater N. Ego N. Miles Formule

Ordinis Alcantara Profeffionem facio , Deo , & Domino Ma- de la Pro-


feffion de
giftro , & vobis , qui ejus nomine hic eftis , & promitto vobis ces Cheva-
obedientiam , caftitatem conjugalem , & converfionem morum liers.

meorum de bene in melius , omni tempore vitæ meæ ufque ad


mortemfecundum Regulam Sancti Benedicti.
Vers l'an 1495. Ferdinand II. Roy d'Espagne réünit
en fa perfonne & de fes Succeffeurs , les trois grandes Maî
trifes de Saint Jacques , d'Alcantara , & de Calatrava.

S. I V.
L'Ordre d'Avis .

Vers l'an 1147. Alphonfe I.de ce nom , Roy de Portu-


gal , conquit la Ville d'Evora fur les Maures. En recon-
noiffance de cette victoire , que ce Prince attribuoit à la
protection de la Sainte Vierge , il fonda un Ordre de
Chevalerie pour garder cette Place, & faire la guerre aux
Infidelles.

Les Chevaliers porterent d'abord le nom de Confreres de


la Sainte Vierge d'Evora. Mais Sanche I. leur ayant donné
un fort Château nommé Avis , qu'il avoit conquis fur les
Maures , cette Milice fut appellée du nom d'Avis. Un Ab-
bé de Cîteaux , nommé Jean Cirita , leur donna la Regle
de cet ordre , & leur dreffa des Conſtitutions particulieres.
Le Pape Innocent IV. & d'autres Souverains Pontifes ont
approuvé cet Ordre.

Les Chevaliers portoient l'Habit blanc de Câteaux , &


leur marque étoit d'or à la Croix fleurdelifée de Synople , Marque
accompagnée en pointe de deux Oyfeaux affrontez de de cet or-
dre.
Sable , par allufion au mot Avis , qui veut dire Oyfeau .
Les Ordres d'Avis , de Calatrava , & d'Alcantara , joüif-
fent des mêmes privileges. Pour éviter la confufion , je n'ay
point cité les Auteurs qui parlent de ces Ordres. Ils font
tous fi celebres , que les Ecrivains , qui ont parlé des Ordres
de Chevalerie , n'ont pas oublié ceux - cy.
LI
266
Dissertations Hiftoriques & Critiques

**.

DISSERTATION XI.

De la Chevalerie des Dames.

A Chevalerie eft un titre d'honneur fondé fur la no-


I bleffe du fang ,fur le merite perfonnel , & fur la gra-
ce du Souverain. La haute naiffance ne fuffit pas fans la

vertu ; & l'une & l'autre ne peuvent donner la qualité de


Chevalierfans la declaration du Prince.
Les fem- Pourquoy voudroit-on après cela que les femmes ne puf-
mes peu- fent pas afpirer à l'honneur de la Chevalerie ? Sont - elles
vent afpi-
rer à l'hon- moins nobles , & iffuës d'un fang moins illuftre que les
neur de la hommes ? La grandeur d'ame , la valeur , les hauts faits , &
Chevale-
rie. toutes les éminentes qualitez qui peuvent former un parfait
Chevalier , font-elles incompatibles avec la qualité de fem-
me ? Les Hiftoires facrées & profanes , anciennes ou mo-
dernes , domeſtiques & étrangeres , ne nous fourniffent - el-
les pas des exemples de femmes , qui n'ont cedé en rien aux
plus vaillans Conquerans ?
Il femble donc que les femmes qui font ornées de ces
grandes qualitez , ne devroient pas être privées de l'hon-
neur de la Chevalerie , fi le Prince jugeoit à propos de leur
accorder ce privilege , ou recompenfer leur merite par ce
Litre glorieux .
Pour mettre cette matiere dans tout fon jour , & luy don-
ner tout l'éclairciffement dont je fuis capable , il faut d'a-
bord montrer que les Dames ont porté la qualité de Che-
valieres en plufieurs manieres. En fecond lieu , que les Rois,
les Princes & les grands Seigneurs fe font fait un honneur
d'être faits Chevaliers par des Dames. En troifiéme lieu ,
que l'on a érigé divers Ordres de Chevalerie honoraire &
Reguliere , pour recompenfer le merite des Dames , pour
les diftinguer des autres perfonnes de leur fexe , ou pour les
befoins de l'Eglife & du prochain,
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. XI . 267

ARTICLE I.

Les Dames ont été honorées de la qualité de Chevalieres

en plufieurs occafions.

E ne fçay files femmes n'ont pas quelque avantage fur les


hommes en matiere de Chevalerie. La dignité de Che-
valier ne s'acquiert pas par la naiffance , comme la nobleſ-
fe. Les Rois même & les Princes ne naiffent pas Chevaliers,
parce que la Chevalerie eft une qualité perfonnelle qui ne
paffe pas aux enfans , & encore moins aux alliez : Hæc di-
gnitas perfonalis habita , nec ad filios tranfitoria , etiamfi ex
Regia defcendat quis profapia. (a)
Les femmes ont le privilege de s'élever à la Chevalerie Les fem-
par les mêmes degrez qu'elles acquierent la nobleſſe : c'eſt- mesont
porté le ti-
faveur tre de Che-
à-dire , par la naiffance , par le Mariage , ou par la
du Prince. Autrefois les femmes prenoient la qualité d'Equi- valieres.
tiffa , ou de Militiffa , quand elles avoient quelqu'un de
leurs proches qui portoit la qualité de Chevalier. C'eſt ain-
fi qu'Elizabeth four d'Henry de Hornes Seigneur de Per-
nes , eft appellée Equitiffa dans le Contrat de Mariage en-
tre Damoileau Jean de Merode , & Alix de Hornes fœur
d'Henry : & en des Lettres de 1451. il eft fait mention de
Marie & d'Ifabelle de Hornes Chevalieres , fœurs du
même Henry.
Hemericourt au chapitre dixiéme des Nobles du Païs
de Liege , parle d'un Seigneur de Vvaroux nommé Bre-
ton le vieux , qui eut fix garçons tous Chevaliers , & deux
filles Chevalieres. Humbert de Lexi , fecond fils de ce Sei-
gneur du Vvaroux , eut auffi deux filles Chevalieres.
Les alliances donnoient auffi aux femmes le titre de Che-

valieres , lorfque le Mary étoit Chevalier : Militiſſa , Mi-


litis uxor. C'est pour cela que dans une Charte de l'an 1379.

Jeanne de Bethune eft appellée Chevaliere , parce que ſon


(a ) René Chopin , lib. de Domanie cap. 29.
Llij
268
Differtations Hiftoriques Critiques
Epoux avoit été honoré de la Chevalerie , Militia uxor Do-
mini Joannis de Roya Militis. ( a ) On voit dans les Regîtres
de Malines de l'an 1441. que Catherine Bavv eft appellée
Militia , comme Jean Van fon Mary eft nommé Miles
Chevalier.
Des hom- Il y a même des exemples que des maris par une grace
mes ont é-
te Cheva- fpeciale du Prince , ont reçû la Chevalerie par le moyen de
liers par leurs femmes. L'Empereur Charles V. fit Chevalier Lucas
mes. fem- de Broyart , Ecuyer , Seigneur de Grimeny , fils de Pier-
leurs
re Broyart Seigneur de Ruiffeau , & de Henrie de Naf-
fau fille de Jean Comte de Naffau , defcendu des Comtes
de Guédin & de Strigona dans le Royaume de Hongrie ,
avec fes enfans & Succeffeurs , & les maris de fes filles , in
infinitum , pour
, pour être Chevaliers du Saint Empire , par Let-
tres Patentes données à Bruxelles le 24. Septembre 1540,
L'Auteur du Livre intitulé , Jurifprudentia Politica , fait

cette remarque : Notandum hic , dit- il , quòd non tantùm hoc


diplomate liberi & hæredes , & fucceffores Luce de Broyart,
in infinitum Equites creantur , verum etiamfiliarummariti. (b)
On voit que ce privilege ne s'entend pas de la feule Che-
valerie de race , puifque les femmes ne la peuvent pas con-
ferer à leurs maris : il y a donc bien de l'apparence que
l'Empereur a voulu honorer cette Famille d'une autre Che-
valerie qui ne peut être que l'honoraire.

Mais quand on youdroit que cette Chevalerie des fem-


mes n'eft qu'une Chevalerie de naiffance , ou héreditaire ,
comme elle l'eſt encore à prefent pour les anciennes Famil-
les Nobles , qui font cenfées du Corps de la Chevalerie :
cela n'empêche pas que les femmes n'ayent autrefois reçû
Femmes le titre de Chevalieres. Pour en être perfuadé , il faut fe
Chevalie
res à caule fouvenir que tous les Fiefs furent d'abord mafculins , com-
des Fiefs me il y en a encore à prefent, plufieurs en Allemagne , en
Hongrie & en Italie. Il falloit neceffairement que ces Fiefs
fuffent poffedez par des Chevaliers , qui fe faifoient armer
pour les tenir.

A
a ) Duchefnius , in probatione Hif. ) De la Roque , Traité de la Nob!,
Bethun. chap.107.
pag. 202.
269
Jurla Chevalerie. Liv. I. Differt. X I.
Quand quelques-uns de ces Fiefs furent par privilege
concedez à des femmes & à des filles , elles prirent la quali-
té de Chevalieres. C'eft pour cela , dit Hemericourt , que
des femmes qui n'étoient pas mariées à des Chevaliers , font
nommées Chevalieres : parce que ces femmes & ces filles
fe faifoient faire Chevalieres pour être capables de tenir les
Fiefs de Chevalerie : comme Elizabeth Reine d'Angleter-
re , ſe fit armer Chevaliere le jour de fon Couronnement ,

pour être Chef des Ordres de Chevalerie d'Angleterre.


C'est peut-être pour cela qu'on voit quelques Tombeaux
aux Païs de Liege , & aux Païs- Bas , où la qualité de Che-
valiere fe donne à des filles & à des femmes , dont les ma-

ris n'étoient pas Chevaliers.

ARTICLE II.

Lesfemmes ont conferé la Chevalerie auxgrands Seigneurs,


aux Princes , même à des Têtes couronnées.

Lfaut bien que l'honneur de la Chevalerie ne foit pas op


Ipofé à la qualité des femmes , puifque non feulement elles
peuvent porter le glorieux titre de Chevalieres ; mais auffi le
conferer aux Nobles , aux Princes , & même aux Rois , &
aux Empereurs. Si le droit de créer des Chevaliers eſt atta-
ché à la puiffance fouveraine , pourquoy feroit- il moins per-
mis aux Reines , & aux Princeffes , qui ont la fuprême au-
torité de faire des Chevaliers qui maintiennent la gloire de
l'Etat par les armes , que de choisir des Magiftrats pour
rendre la Juftice & gouverner les Provinces. Ce qui fait dire
à un Ecrivain , (a ) que les femmes ont quelquefois le droit
de créer des Chevaliers. A feminis interdum militare cingu-
lum indultum Militibus reperitur.
Femmes
Ce droit des Princeffes eft autorisé par l'ufage. Cecile fil-
le de Philippes I. Roy de France , &pour lors veuve du fa- féré qui ont
laChecó-
(a )Orderic. Vitalis , Lib. z. pag. 825, valerie.
Lliij
270 Differtations Hiftoriques & Critiques

meux Tancrede Prince d'Antioche , ne confera pas feule-


ment l'Ordre de Chevalerie à Gervais Seigneur Bre
ton, fils d'Aimon' Comte de Dol ; mais aufli à plufieurs
Ecuyers , vers l'an 1115. Cecilia Philippi Francorum Regis
filia , quæ Tancredi uxorfuit , Gervafium Britonem Dolenfis
Vicecomitisfilium , Militemferit : Aliofque plures Armigeros
militaribus armis contra Paganos inftruxit. ( a )

On dit que la Reine Blanche , Mere de Saint Louis , un


peu avant la mort , qui arriva l'an 1251. fit le Seigneur de
Saint - Yon , Chevalier. Le 24. de Mars de l'an 1343. Jean-
ne Reine de Naples , fit donner l'Ordre de Chevalerie à Jac-
ques Lapano, par le Roy André fon mari. En Février 1678 :
Madame Royale de Savoye confera l'Ordre de l'Annoncia-
de, & donna le Collier à plufieurs Seigneurs , Enfin la Rei-
ne Anne,qui a gouverné le Royaume d'Angleterre pendant
quelques années , & qui étoit le dix - huitiéme Chef de
l'Ordre de la Jartiere , a donné le Collier de cet Ordre à
un grand nombre de perfonnes illuftres de ſes Etats.
Les Prin-
ces ont re- S'il falloit encore des exemples de Reines qui ont conferé
çula Che-
che l'honneur de la Chevalerie à des Rois & à des Empereurs ,
valerie de nous ne ferions pas en peine d'en trouver plufieurs. Marie
la main des
femmes . Reine d'Angleterre , fille de Henry VIII . & de Catheri-
ne d'Espagne , créa Chevalier Philippe II. Roy d'Efpagne,
fon mari , dans le quarante-huitiéme Chapitre de l'Ordre
de la Jartierre , dont la Reine Marie a été l'onziéme Chef.
Dans plufieurs Chapitres du même Ordre tenus fous le
gouvernement de la Reine Elizabeth , cette Princeffe a
créé plus de cinquante Chevaliers , entre lefquels il y a eu
des Têtes couronnées , comme Maximilien II . Empereur ;
Charles IX. Henri III. & Henry IV. Rois de France ,
Frederic II. Roy de Dannemarck , Jacques VI . Roy
d'Ecoffe , & plufieurs Electeurs.

( a ) Odericus , ibidem. La Roque , i¦ Traité de la Nobleſſe chap. 99.


fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. X I. 271

ARTICLE III.

Ordres de Chevalerie érigez pour recompenfer les grandes


actions desfemmes.

Uoique les Ordres de Chevalerie foient ordinaire-

O ment fondez pour exciter le courage , & recompen-


fer lesfervices des gens de guerre : on trouve neanmoins des
Ordres de Chevalerie érigez pour rendre juftice à la valeur,
des femmes. Raimond Berenger dernier Comte de Barce
lone , en memoire de la victoire qu'il remporta fur fes en-
nemis par la bravoure des femmes , érigea l'Ordre de la
Hacha , ou de la Hache. (a) En voicy l'occafion .
La Ville de Tortofe étant affiégée & reduite à l'extrémi-
té , les femmes monterent fur la muraille , & défendirent
fi courageufement cette Ville à coups de Hache , qu'elles Ordre de
obligerent les affiégeans de décamper. Les femmes dans la Hache.
cette occafion ayant fait paroître plus de generofité que les

hommes , le Comte Raymond ne fonda pas feulement un


nouvel Ordre de Chevalerie pour ces Amazones Cata-
lanes ; mais il leur accorda de très-grands privileges.
Bernard Juftiniani , qui appelle cet Ordre : Cavalleria
delle Dame della fcure , o acetta , dette delpaffatempo in Tor-
tofa di Catalogna , rapporte les privileges que le Comte Rai-
mond donna à ces Chevalieres , qui font les fuivans. 1°. Privileges
Que dans toutes les Affemblées publiques , & en tout lieu , desCheva-
les femmes précederoient les hommes. 20. Qu'elles feroient lieresde
Tortole.
exemptes de toutes fortes d'Impofts & de Subfides. 3 ° . Qu'el-
les feroient héritieres de tous les bijoux , pierrerics , & de
l'or & de l'argent de leurs maris. Enfin , qu'on auroit pour
elles la même veneration , & qu'on leur rendroit les mêmes
honneurs qu'aux Chevaliers des Ordres Militaires .

( a ) Andreas Mendo ; De Ordin. cap. 29. De la Roque , Traité de la


Milit. Difput. i . queft. 4. Francifc. Nobleffe chap. 110.
Mortel de Luna , Hift. Tortofa lib . 1 .
272 Dißertations Hiftoriques & Critiques
Le même Auteur ( a ) nous apprend quel étoit l'habille-
ment de ces Dames , & la marque de leur Chevalerie. Ha-
vevano , dit - il , per inſegna una veſte lunga col collare à guifa
dicapuccio acuto , il quale levando fopra del capo , & in effo
vifpiccava lafigura d'una fcure : ò voglian dire Acetta di co-
lore carmefino .
Ordre de La Ville de Palence étant affiegée par les Anglois , pen-
la Bande
pour les dant
que la Nobleffe du Païs étoit au fervice du Roy de Ca-
Dames de ftille , les femmes refolurent de défendre cette Place. Après
Palence.
une vigoureuſe défenfe pendant quelques jours , elles firent
une fortie avec tant de refolution , qu'elles contraignirent
les Anglois de lever le Siege , & de fe retirer en defordre.
Cette Victoire fut caufe que le Roy Jean I. fit une paix
fort avantageufe. Pour laiffer à la poſterité des marques d'u-
ne action fi genereuſe , & pour recompenfer la valeur de ces
Dames , il n'érigea pas pour elles un nouvel Ordre de Che-
valerie ; mais il ordonna qu'elles feroient aggregées à l'Or-
dre de la Bande , fondé par Alphonfe fon ayeul paternel.
Marque
de cette Le Roy accorda à ces Dames tous les privileges des Che-
Chevale valiers de l'Ordre de la Bande , & ordonna qu'on leur ren-
rie.
dît les mêmes honneurs, & qu'elles portaffent toûjours la mê-
me marque ; c'eſt- à- dire , une Bande ou une Echarpe d'or
deffus leur Manteau . On ne fçait pas préciſement l'année
de cette noble Inftitution . Mais l'opinion la plusfûre eft ,
qu'elle arriva du temps du Pape Urbain VI . Jean I. étant
Roy de Caſtille , Jean I. de Portugal , Jean I. d'Arragon
& Charles VI . regnant en France. Cette celebre Compa-
gnie s'eft confervée long - temps dans fa premiere fplendeur :
mais peu à peu elle a perdu fon premier luftre. On dit
qu'elle fe conferve encore dans quelques Familles illuftres ,
où les Dames portent encore l'Echarpe fur leurs Manteaux.
Plufieurs Ecrivains font mention de cet Ordre de Cheva-
lerie. ( b )
7
( a ) Bernard. Juftin . Hiftor.chrono- 1 (b) Franc. Mortel , Hift. di Tortofa
log. de l'origine de gli Ordini Equeftri lib. 1. cap. 29. Rodrigo Mendez , Jo-
cap 76. Item , Hiftorie de l'Ordini Mi- feph Micheli Bern . Juft. Hif. del'Or-
Luari tom. 2. cap. 87. Idin,Milit. tom. 2. cap. 88 .
Les
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt . XI . 273
Les Dames de Beauvais ne fe font pas acquifes moins de Generofi-
reputation par leur valeur & par leur courage , que celles mes
té des
deDa-
de Tortofe & de Palence . Charles le Temeraire , dernier Beauvais.

Duc de Bourgogne , affiégea la Ville de Beauvais l'an


1472. Après l'avoir battue durant vingt - fix jours , il
donna l'affaut general un Jeudy neuviéme jour du mois de
Juillet. La Ville étant fur le point d'être forcée , une Da-
me nommée Hachette , fe mit à la tête des femmes , les
conduifit fur les murailles , qu'elles défendirent à coups de
pierres , & avec des feux d'artifice .
Jeanne Hachète fe diftingua dans cette occafion . Un
Officier du Duc de Bourgogne ayant arboré fon Etendart
fur la muraille , cette femme forte courut droit à luy ; &
après luy avoir arraché des mains l'Etendart , elle le précipi-
ta du haut de la muraille en bas. Enfin ces genereufes Da-
mes de Beauvais firent une fi vigoureuſe défenſe , que le

Duc fut obligé de 'lever honteulement le Siege , & d'a-


bandonner fon Canon. ( a )
Quoiqu'on n'ait pas érigé à Beauvais un Ordre de Che-
valerie , pour recompenfer la vertu militaire de ces Dames ;.
neanmoins les Magiftrats de cette Ville , pour laiffer à la
pofterité des marques de leurs grandes actions , ont établi
en memoire de cette journée , plufieurs chofes qui ont
beaucoup de rapport à un établiſſement d'Ordre de Che-
valerie. On fait tous les ans une Proceffion generale lè dixié-
me jour du mois de Juillet , qui eft celuy de la levée du Sie-
ge. L'on a accordé le privilege aux femmes de marcher
devant les hommes pendant cette Cérémonie. Jeanne Ha-
chete marchoit à la tête des femmes , portant l'Etendart.
qu'elle avoit enlevé à l'Officier Bourguignon. Après fa

[ a ] C'eft à l'occafion de la levée & ce foin ayant donné de la curiofité"


du Siege de Beauvais ; que l'on fait au Duc , illuy demanda ce qu'il cher-
cepetit conte. L'Artillerie de ce Duc choit : Seigneur , luy répondit le
étoit excellente ; & il difoit un jour, Boufon , je cherche les clefs de
qu'il portont les clefs des Villes de Beauvais dans vos Canens , où vous
France dans les Canons. Un Boufondites que vousportez celles de toutes
qu'il avoit à la Cour , fe mocquant les Villes de France ; mais quelque
de cette vanité , affecta de regarder diligence que j'aye faite , il m'a été
dans toutes les pieces d'Artillerie : impoffible de les trouver.
M ni
274 Dißsertations Hifloriques & Critiques
mort cet Etendart fut mis dans l'Eglife des Dominicains.
On voit fon Portrait dans la Maifon de Ville de Beauvais :

elle eft peinte tenant une épée à la main. Enfin tous ſes
defcendans font exempts de toutes fortes d'Impoſts. ( a )

ARTICLE IV .

Dames qui ont inftitué des Ordres de Chevalerie honoraire

pour lesperfonnes de leurfexe.

S. I.

L'Ordre de la Cordeliere eft fondé par Anne


de Bretagne .

' An 1498. Anne de Bretagne fille de François II.


L Duc de Bretagne , inftitua l'Ordre de la Cordeliere

ou du Cordon , après qu'elle fut devenuë veuve de Charles


Occafion VIII. Roy de France, Cet Ordre fut inventé pour les fem-
de cetteIn- mes veuves , qui devoient faire preuve de Nobleffe avant
ftitution.
d'être reçûës. Leur marque étoit une Cordeliere d'argent
dont elles environnoient leurs Armes. La Reine donna le

Cordon à plufieurs Dames de vertu & de qualité de faCour.


Hujus originem , dit un Auteur , ( b ) ut teftatur Varennius ,
& Geliot , Regina Annæ Britanniæ Duciffe attribuunt , quæ
maritum lugens hanc fuo fcuto addidit cincturam , ab ipfa
Cordeliere appellatam , in amoris maritalis , & caftitatisfu-
turæ teftimonium.
M. Hermant (c ) foûtient que c'eft depuis ce temps-là
que les veuves mettent une Cordeliere autour de leurs Ar-

mes , & qu'Anne de Bretagne prit pour devife , J'ai le corps


délié , failant allufion au mot de Cordeliere , parce que la

( a ) André Favin , Hift. de Navar. (b ) De furifprudentia Heroica de ju-


liv.10.fur l'an 1443. pag. 547. Philip- re Belgarum.
pes de Commines , Enguerrant de ( c ) Hermant , Ordres de Chevale-
Monftrelet. rie chap. 59.
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. XI . 275
mort de fon mari Charles VIII . l'avoit affranchie des loix

& du joug du Mariage.


Neanmoins il eft certain que la Cordeliere des veuves eft
un peu plus ancienne que celle qu'Anne de Bretagne por-
toit autour de fes Armoiries . Environ trente ans auparavant,

c'eſt-à -dire , dès l'année 1470. Claude de Montagu , de la


Maifon des anciens Ducs de Bourgogne , ayant été tué
au combat de Buffy , Loüife de la Tour d'Auvergne , ſa
veuve , prit pour devife une Cordeliere à nœuds déliez &
rompus , avec ces mots , Fay le corps délié. Ainfi il y a plus
d'apparence que la Cordeliere & cette devife font de l'in-
vention de Loüife de la Tour d'Auvergne , & qu'Anne de
Bretagne adopta l'une & l'autre pour être la marque de fa
nouvelle Chevalerie.

Du Fauchet (a ) parlant de l'abus qui s'eft gliffé en Fran-


: ce , de mettre une Cordeliere dans les Armes des femmes ,

s'explique en ces termes : « Mais cecy ne peut être endu- «


ré fans dépit , qu'il n'y ait Demoiſelle qui ne porte fes Ar- "
moiries entourées de Cordelieres , lefquelles ne fouloient
fe donner qu'aux grandes Dames de la Maiſon de la Rei-
ne ; car la Cordeliere jadis fut donnée comme la mar- «
que d'honneur que la Reine Anne de Bretagne donnoit
à celles qu'elle choififfoit ; ainsi que le Collier à coquilles
jadis étoit accordé par le Roy aux Chevaliers de l'Ordre ❤
de Saint Michel. ‫כל‬
Ce que nous venons de dire découvre manifeftement la Mépriſe
méprife de plufieurs Ecrivains , qui ont crû qu'Anne de de quel-
Au-
ques
Bretagne , étoit Reine d'Angleterre ; qu'elle avoit établi teurs fur
l'Ordre de la Cordeliere dans ce Royaume , & non pas dans ce fujet.
celuy de France ; que la fin de cette Inftitution , étoit de
combattre les hérefies avec les armes fpirituelles de la prie-
res ; enfin que cette Milice fut éteinte en Angleterre avec
la Foy. Extincta eft ibi cum Fide hæc Congregatio , quam Mi-
litiam nuncupant . ( b )

[ a ] Du Fauchet , de l'Origine des Archontologia Cofmica lib. 3. fol. 14. Jo-


Dignitez des Chevaliers. fephus Micheli , Andreas Mendo , de
[b ] Joan. Ludov. Gotofredus , in¦ Ordin. Milit . Difp. 1. q.4.
Mm ij
276 Differtations Historiques & Critiques`

S. II.

Ordre des Dames de la Croix à Vienne , de celuy de


de l'Amarante en Suede.

Vers le milieu du fiecle paffé , l'an 1662. ou ſelon d'au-


Eleonor tres 1668. Eleonor deGonzague veuve de l'Empereur Fer-
de Gonza- dinand II . fonda la celebre Compagnie des Dames de la
gue fonde
Ordre de Croix. Un Reliquaire , où il y avoit du bois de la Vraye
la Croix. Croix , ayant été miraculeuſement prefervé des flâmes qui
confumerent le Palais de l'Empereur , l'Imperatrice Eleo-
nor , pour conferver la memoire de ce miracle , inftitua
l'Ordre des Dames Chevalieres de la Croix , deſtiné à ho-
norer ce bois facré , de procurer la gloire de Jefus- Chrift ,
à travailler à leur propre fanctification , & à s'avancer de
plus en plus dans la perfection du Chriftianiſme.
Le Pape Clement IX. approuva une fi fainte Inſtitution :
il accorda de grands privileges , & plufieurs Indulgences
aux Dames qui prendroient cette Croix, Dans la même
Bulle le Pape fait l'éloge de cette grande Princeffe , & il loüe
fa vertu & ſon zele. L'Imperatrice Eleonor fut declarée le
Chef de cette illuftre Compagnie.
Códitions Bernard Juftiniani ( a ) rapporte que les Dames , pour
pour être
reçu dans être reçûës dans cet Ordre celebre , doivent avoir trois
cet Ordre qualitez. 1°. Il faut qu'elles foient nobles , & d'une Famille
illuftre , tant du côté du pere & de la mere , que du côté
du mari. 2º. Qu'elles foient en reputation d'avoir beaucoup
de grandeur d'ame ; & qu'elles foient d'une vie irreprocha-
ble. Les Dames de cet Ordre ne peuvent être que trente,
fans y comprendre les Princeffes , dont le nombre n'eſt
pas fixé.
Maniere Celle qui doit être reçûë , fe prefente à la Dame prin-
de rece-
voir la cipale , & la prie de vouloir l'aggreger à l'Ordre : enfuite
Croix. en prefence de toutes les Dames Chevalieres , qui fe trou-
vent dans la Ville , elle recoit la Médaille & le Collier de

l'Ordre , & elle promet d'obferver exactement la Regle ,


[ a ] Bern. Juft. Hift . de l'Origine de Cavalleri cap. 78.
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt . XI . 277
& fidelité à la Grande-Maîtreffe. Le jour de la Cérémonie
elle doit venir au Palais avec l'Habit entier de l'Ordre :
lorfqu'elle y vient en un autre temps , elle porte toûjours

la Médaille avec la chaîne , & fur tout les jours de Fête.


Quand les Dames font en campagne , il fuffit qu'elles ayent
la Médaille attachée au bras gauche. Pendant les grandes
Fêtes , foit qu'elles foient à Vienne , ou ailleurs , elles doi-
vent porter tout l'Ordre. Si ces Dames ont laiffé la Croix
par oubli , ou par negligence , elles font taxées à payer
cent taleri , pour être employez à fecourir les pauvres ver-
tueux. Après la mort des Chevalieres , les parens doivent
renvoyer l'Ordre à la Grande- Maîtreffe , afin de le don-

ner à une autre Dame qui l'aura merité. Pour la petite


Médaille , elle pent refter dans la famille de la défunte ,
pour conferver la memoire de fa Chevalerie.
Avant que l'Imperatrice Eleonore inſtitua l'Ordre des Statuts de
Dames de la Croix , dont nous venons de parler , elle en cet Ordre.
avoit fondé un autre en 1662. Cette Princeffe voulant

faire regner la pieté dans fa Cour parmi les Dames , in-


ftitua l'Ordre des Dames Efclaves de la vertu . Elle fe dé-
clara la Grande- Prieure, & fit dreffer des Statuts , par lef-

quels il fut arrêté , que le nombre des Dames feroit de


trente ; qu'elles porteroient toûjours la marque de leur
dignités que leur principal foin confifteroit dans la rete-
nue & dans la pratique de la vertu. Les Dames portoient
un Soleil d'or environné d'une couronne de laurier , avec

cette devife. Sola ubique triumphat.


La marque de ces Chevaliere eft une Croix d'or atta- Marque
s des Dames
chée à un ruban noir , qui a aux quatre extrémitez quatre Chevalie
étoiles , & à l'entour quatre aigles , avec ces mots , Salus res.
& gloria , pour remettre en memoire à ces Dames , que la

Croix de Jefus- Chrift doit faire toute leur gloire . Les Da-
mes de la Croix s'affemblent ordinairement le Vendredy
de la femaine de la Paffion . Elles tirent au fort les heures

où chacune doit être en prieres dans la Chapelle de l'Impe-


ratrice Mere , devant le Saint Sacrement , qui y eft expofé
durant douze heures. Il s'y fait douze exhortations : l'Em-
Mm iij
278 Dißertations Hifloriques & Critiques
pereur & l'Imperatrice affiftent quelquefois à la Conclu-
fion de cette dévotion , comme cela arriva le 18. de Mars
de l'an 1717.
Création
de Cheva- Le quatorziéme du mois de Septembre l'an 1717. on fit
lieres faite une celebre création de Dames Chevalieres de cet Or-
en 1717.
dre. L'Imperatrice Mere tint le matin & l'après midi Cha-
pelle en l'Eglife de la Maiſon Profeffe des Peres Jefuites ,
avec les Archiducheffes , & avec les Dames de la Croi-
fade , où Monfeigneur Spinola Nonce Apoftolique officia
chaque fois pontificalement. A cette occafion ladite Im-
peratrice confera à vingt-fept Dames la Croix de l'Or-
dre , duquel il étoit mort depuis le troifiéme Mai dernier ,
fept Dames.
L'Ordre
érigez pour Dames ,
ces Ordres
Aajoûterai
de l'Ama- j'en unde
Chevalerie
autre , qui eſt d'autant plusles
remarqua-
rante en
Suede. ble , qu'il n'y en a peut-être jamais eu de femblable. Vers

l'an 1640. Chriftine Reine de Suede inftitua cette espece


de nouvelle Chevalerie , à laquelle elle donna le nom d'A-
marante , parce qu'elle en portoit une dans une Fête où elle
avoit danfé avant le départ de Pimentel , ( a ) qui en fut
le premier Chevalier après la Reine. Elle envoya cet Or-
dre au Miniftre d'Efpagne , le Comte de Ribatdo , qui
refidoit à Coppenhague . La marque de cet Ordre étoit un
ruban de taffetas couleur de feu , où pendoit un cercle d'or
émaillé , feftonné, dans lequel il y avoit deux A A l'un dans
l'autre , le haut en bas. Il n'y avoit que la Reine qui en
fût de fon fexe , ces deux Miniftres Eſpagnols , les deux
Comtes Dona & Tot , & le Sieur Steimberg. ( b )

(a ) Pimentel étoit Réfident du (b) Memoire de Suede par Linage de


Roy d'Efpagne auprès de cette Prin- | Valenciennes , tom. 3.
ceffe.
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. X I. 279

ARTICLE V.

Ordres de Chevalerie Regulierefondez pour les Dames.

I la Chevalerie des Dames eft moins ancienne que la


SM
Milice honoraire érigée pour les hommes ; l'établiffe-
ment des Religions Militaires n'a pas précedé l'inftitution
des Ordres de Chevalerie fondez pour les femmes , puifque
celles- là & ceux- cy ont pris naiffance dans le même lieu ,
la même année , dans les mêmes circonstances , & ont eu
les mêmes fins. Quoique les Monafteres des Dames Cheva-
lieres foient en grand nombre , & qu'il s'en trouve en plu-
fieurs endroits de la Chrétienté de differens Ordres , je
·
ne parleray icy que de quelques uns qui font les plus ce-
lebres , après que nous aurons rapporté l'origine de toutes
ces fortes de Chevalieres.

§. I.

De l'établiffement des Dames Chevalieres de l'Ordre de

Saint Jean de Jerufalem.

Lorfque Godefroy de Bouillon entra glorieux , & Origine


triomphant dans la Ville de Jerufalem l'an 1099. le B. Ge- de cet Or-
dre.
rard étoit Directeur de l'Hôpital de Saint Jean- Baptifte.
Ce fage Directeur changea cet Hôpital en Ordre Regu-
lier , dont il prit l'Habit , & fit les trois Voeux de Religion.
Ce ne furent pasfeulement les Confreres du B. Gerard qui
embrafferent le même Inftitut , mais auffi une Dame Ro-

maine nommée Agnès , qui étoit Abbeffe de l'Hôpital de


Sainte Marie Madelene , & fes Compagnes , qui firent
Profeffion folemnelle de la même Regle , qui prirent le
même Habit , & qui s'engagerent à l'obfervance des mê-
mes Vœux. Jacques de Vitry Evêque de Ptolemaïde , &
puis Cardinal , & les Ecrivains ( a ) de l'Hiftoire de Saint

[ a ]Baudouin , Hift . de Malte liv. 1s.


cb. 11., Naberat , Tra des Privilege de
ité des
Faite de l'Ordre , pag. 3.
280 Differtations Hiftoriques & Critiques
Jean de Jerufalem rapportent ce fait.
Si le B. Gerard eft reconnu de tout le monde pour le pre-
mier Inſtituteur de la Milice Reguliere des Chevaliers de
Saint Jean de Jerufalem ; on ne fçauroit refufer à cette
vertueule Dame Romaine , non moins illuftre par fa fain-

teté , que par la nobleffe de fa naiffance , l'honneur d'a-


voir donné la naiffance aux Ordres de Chevalerie fondez
pour les femmes. Cet établiſſement fut fait la même année

que celuy des Chevaliers , c'eſt-à-dire , l'an 1104 .


Mépriſe
d'un Au- On voit par cette datte que Scoonenbeck ( a ) s'eft affu-
teur fur rement mépris , quand il dit que la celebre Dame Agnès
l'origine fonda à Rome vers l'an 1080. un Monaftere de Religieufes

de cet Or Hofpitalieres , dont l'Hôpital étoit bâti fous le nom de Sain-


te Marie - Madelene. Il eſt vrai que ce Monaftere de Filles
fubfifte encore , & qu'il est très-ancien ; mais c'eſt fans
aucune apparence , qu'on attribue à Agnès l'honneur de
cette Fondation ; puifque cette Dame embraffa l'Inftitut
du B. Gerard , qui eft l'origine de toutes les Maiſons Hof-
pitalieres , & dont le premier Convent ne fut fondé en
Jerufalem qu'en 1104. fous le Regne de Baudouin I. Ain&
quoiqu'il y ait à Rome un Monaftere de Filles Hofpitalie
res qui ont foin de pourvoir de toutes chofes neceffaires les
Pelerins qui vont à laTerre Sainte ; on ne peut pas foutenir

que ce Convent de Chevalieres Hofpitalieres ait été fon-


dé en 1080. puifque les Croifez ne furent maîtres de Jeru-
falem qu'en 1099. Ces Hofpitalieres de Rome font voilées,
& portent une Robe de couleur leonine.

Fin de cet Les illuftres Chevalieres de l'Inftitut d'Agnès ne s'appli-


Inftitut. quoient pas feulement à foulager les pauvres qui venoient
vifiter les Lieux Saints , mais auffi à lever les mains au Ciel,
afin decontribuer par leurs prieres à maintenir la Foy & la
Religion , pendant que les Chevaliers auroient les armes à
Ja main pour combattre les Sarrafins. La marque de ces
Dames étoit la même que celle des Chevaliers , c'eſt- à-
dire , une Croix blanche à huit pointes.
Il y a bien de l'apparence qu'un fi faint établiſſement
La Schoonenb. Courte Defcript des Ordres des femmes , art 27.
fubfifta
281
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt. X I.
fubfifta pas dans la Paleſtine , jufqu'à ce que l'Ordre des Cat Ordre
Chevaliers de Saint Jean de Jerufalem fut contraint de l'a. pafle en
Occident.
bandonner , après que les Infidelles fe furent rendus maî-
tres de ce Païs. On ne fçait pas fi ce qui refta de ces illuftres
Dames , fe fauva en l'Ile de Cypre avec les Chevaliers
de leur Ordre , qui échapperent à la fureur des Barbares ,
après la ruïne de Saint Jean d'Acre . Ce qu'il y a de cer-
tain , c'eft que l'Inftitut de ces Dames paffa en Eſpagne ,
lorfque les Princes Chrétiens & les Chevaliers de l'Ordre
de Saint Jean de Jerufalem furent chaffez de cette Ville
Sainte par les Sarrafins , & peut- être même auparavant.

S. II .

L'Ordre des Dames Chevalieres de Saint Jean deFerufa-

lem s'établit en Espagne & en d'autres endroits.

La Reine Sancha, fille d'Alphonfe Roi de Caſtille , fem- Fondation


me d'Alphonfe II. Roi d'Arragon , furnommé le Chafte , du Mona-
ftere de Si-
fonda à Sixenna , au Royaume d'Arragon , un Monaſtere xenna,
des Dames de l'Ordre de Saint Jean de Jerufalem , pour y
recevoir les pauvres Demoifelles. Cette maifon fut riche-
ment dotée par les liberalitez de cette Princeffe. Ceux-là
fe trompent très-certainement , qui ont fait Raymond Be-

ranger Grand-Maître Fondateur de ce Monaftere en 1365.


Mais cette gloire eft dûë à un autre Raymond Beranger ,
qui porte la qualité de Provifeur des Freres de Saint Jean :
Provifor Fratrum Sancti Joannis ; & qui vivoit en 1188. qui.
eft l'année que cette Maifon fut fondée.

Après la mort du Roi Alphonfe , mari de Sancha, cette


Princefle fe retira avec fa fille Douce dans ce Monaftere.

Elles y prirent l'habit , & quelques autres Dames du Sang


Royal. Blanche , fille de Jacques II . Roi d'Arragon , a
été Superieure dans ce Monaftere. Il eft bâti en un lieu
fpatieux , & ceint de murailles en forme de Citadelle. La
Prieure a fon Palais à part , richement orné. Ces Dames
N n
282 Dißertations Hiftoriques & Critiques
portent une Croix blanche , & la Prieure a la Grand- Croix
fur l'eftomach. Quand elle meurt on fait fes obfeques pen-
dant fept jours ; enfuite on rompt le fceau de fes armes.
Qualitez Les Dames d'Arragon & de Catalogne qui entrent dans
pour être
cette maiſon , doivent être d'une race fi illuftre & fi an-
reçû dans
ce Mona- cienne , qu'il ne foit pas neceffaire de faire preuves de
ftere. nobleffe : Les autres les font à la maniere des Chevaliers.

Quand ces Dames font au Choeur , elles portent de grands


manteaux , & un fceptre d'argent à la main. La Prieure <>
confere tous les Benefices Curez de fes terres , & donne
l'habit d'obéïffance à tous les Prêtres. Elle vifite fes terres
avec les Dames fes Affiftantes , & fe trouve aux Chapitres
Provinciaux de l'Ordre en Arragon , & y a féance & voix
comme les Chevaliers.
Ce Cou- Vers l'an 1460. les Dames Chevalieres de ce Monaſtere
vent fe
foûmet au fe retirerent de l'obéïffance des Grands-Maîtres de l'Or-
S. Siege. dre , & fe foumirent immediatement au Saint Siege. Mais
Hieronima d'Olibo Pricure de cette Maifon , envoya à

Malte Alphonfe Studillo , pour menager la réunion de ce


Monaftere avec l'Ordre de Saint Jean de Jerufalem , ce qui
fut executé en 1969 .
Monaftere En 1212. on fonda une autre Maifon de Chevalieres du
d'Algaire . même Ordre , fous le nom de Noftra Signora d'Algaire.
Elle fut bâtie fur une haute montagne de Catalogne , fur
la riviere Ravacorça. Saurina de Jorba , & Elta de Segar-
dia , Dames Catalanes , donnerent de grands biens à ce Mo-
naftere. Pour y être reçû , il faut faire preuves de nobleffe
par les atteftations de plufieurs témoins , & par la prefen-
tation des quartiers.
Autre fon- Cinq nobles Florentines , vers l'an 1370. jetterent les
fondemens d'un Monaftere de cet Ordre , fous le nom de
Florence.
Saint Joannin. Le Grand - Maître Carraciol , où Jean Fer-
dinand de Heredia , après avoir fondé cette Maiſon à Flo-
rence , lui donna l'Hôpital de Saint Nicolas , avec les biens
& les droits qui en dépendoient. Perrette- André Viviani
fut élûë pour premiere Abbeffe & Commandatrice de cette
Maiſon.
fur la Chevalerie. Liv . I. Differt. X I. 283
Ifabelle de Leon , qui defcendoit d'une des plus illuftres Autre for-
maifons de l'Andaloufie , réfolut de fonder dans la ville dation à
Seville.
de Seville un Couvent de Chevalieres , fous la Regle &
l'habit de Saint Jean de Jerufalem. Elle en obtint la per-
miffion du Grand- Maître d'Aubuffon , & fut nommée
Prieure du Couvent , dont elle étoit la Fondatrice.
Ifabelle Fernandes établit en Portugal un Monaftere Fondation
du même Ordre dans la ville d'Evora. L'Infant Dom du
vent d'E-
Louis Perpetuel Adminiftrateur du Prieuré de Portugal ›, vora.
érigea une autre Maiſon des mêmes Chevalieres à Flor de
Rofes en la ville d'Eftremos.
Il y a dans le Querci un celebre Monaſtere de Reli-
gieufes reformées de l'Ordre de Saint Jean de Jerufalem.
Ces Dames Chevalieres font habillées de noir. Elles ont Autres
Monafte-
une Croix blanche à huit pointes fur la poitrine , & une
res dans le
autre au côté gauche du manteau , ces huit pointes repre- Querci &
fentent les huit Beatitudes , comme la Croix de Malte . El. à Toloſe.
les ont auffi fur le manteau huit petits ronds differens , où
font reprefentez les principaux myfteres de la Paffion. Cet-
te reforme fut faite , par la venerable mere Galiotte de
Vaillac d'Anjou , dans le commencement du XVII . fie-
cle. Cette Dame mourut le 24. Juin 1618. Il y a à To-
lofe un autre Monaftere de Religieufes de Saint Jean de
Jerufalem. Pour entrer dans ce Couvent , auffi-bien que
dans celui qui eft en Querci , il faut faire les mêmes preu
ves de nobleffe que pour les Chevaliers.
Je paffe fous filence plufieurs autres Maiſons de Cheva-
lieres du même Ordre, pour ajoûter , qu'il falloit faire preu-
ves de nobleffe pour trouver place dans ces Monafteres.
Ces Dames font obligées par leur Inftitut de feconder par
leurs prieres , le zele des Chevaliers , & de travailler autant
que leur fexe le peut permettre à l'exaltation de la foi Ca
tholique.

Nn ij
284 Differtations Hiftoriques & Critiques

S. III.

Cérémonies qui s'obfervent quand on reçoit les Dames Che-


valieres de l'Ordre de SaintJean deJerufalem.

La formule dont on fe fert pour recevoir les Dames de


cet Ordre , ayant quelque chofe de fort particulier , le Lec-
teur fera bien- aife d'en voir ici un extrait. Je l'ai tiré du
Commandeur de Naberat ( a ) , & je me fers prefque par
tout de fes propres paroles.
Après avoir beni les habits & le voile de la future Pro-
feffe , & lui ayant fait quelques demandes , le recevant lui
prefente un Chapelet , lui difant : ,, Prenez ce Rofaire au
,, nom de Dieu , Pere & Fils & Saint- Efprit , avec lequel
,, vous prierez pour l'augmentation de cette facrée Reli
On donne », gion , pour la profperité de Monfeigneur Séréniffime
un Chape- Grand-Maître , & de tous les Freres Chevaliers , pour la
let à la pré-
tendante. >> victoire contre le Turc , les Infideles & les perfecuteurs
23 de l'Eglife de Dieu , offrirez l'ame à Dieu , & le corps
‫ ر‬aux fatigues de ce monde , pour le fervice de Nôtre- Sei-
‫»و‬
,
,, gneur Jefus- Chrift , & Dieu vous en faffe le grace. La
pureté de ce Rofaire , fignifie que la Religieufe doit être
» pure & nette de tous vices , & principalement d'être hon-
,, nête ; car l'honnêteté eft toûjours accompagnée de qua-
,,tre vertus ; fçavoir , la prudence , la juftice , la force, &
" la temperance. Reveillez - vous , ma Sœur , & ne dor-

,, mez point aux vices , mais foyez vigilante à la foi de Je.


fus- Chrift en la bonne & loüable renommée , & attenti-
» ve aux bonnes prieres & oraifons.
Interroga- La nouvelle Profeffe ayant entendu la Meffe & com-
tions.
munié , on l'interroge fur les points fuivans. 1. Si elle a
fait vou dans quelque autre Religion. 2. Si elle a conclu
mariage avec quelque homme. 3. Si elle doit quelque
groffe fomme d'argent ; & enfin fi elle a commis quelque

( a ) Naberat infixujt pour faire les preuves de nobleſſe , chap. 3.


fur la Chevalerie. Liv. I. Differt . XI . 285
homicide. On lui déclare enfuite , que fi elle a quelqu'un
de ces défauts , dès qu'on l'aura découvert on la chaffera
honteufement de l'Ordre : Mais que fi elle en eft exempte
on la reçoit benignement. Le Recevant ajoûte : ,, Selon
‫ رو‬la reforme de nos Statuts ne vous promettons autre cho
fe que pain & eau , & humble vêtement.

Après plufieurs autres cérémonies la Sœur fait fes vœux , Vœux.


en ces termes : Je N. promets & fais vœu à Dieu Tout-
Puiffant , & à la Vierge Marie , fa Mere immaculée , & à
-Saint Jean Baptifte notre Patron , d'obferver ponctuellement
obedience à quelque Religieufe que ce foit de l'Ordre , qui par
la Religion me fera donnée pour Superieure , vivre fans propre ,
& ètre chafte felon la Regle de ladite Religion .
On lui marque enfuite quelques - unes de fes obliga- Obliga-
tions : "Outre l'obéiffance , lui dit-on , nous voulons en- tions.

core que foyez attentive à l'oraifon , & par ce direz «



chaque jour le grand office felon l'ordre de la fainte "
Eglife , du Concile de Trente , ufage & coutume de ce "
.
Couvent : & cent cinquante Pater Nofter , ou le petit
office de Notre-Dame , ou des morts pour chaque Sœur "
ou Frere qui viendra à mourir. "
Ce qu'il y a de plus touchant dans cette cérémonie , eft On lui pre-
ce qu'on dit à la Religieufe , en lui montrant le manteatr fente le
à pointes. " C'eft vôtre habit , lui dit- on , c'eſt la forme manteau,

de vôtre penitence , ceci vous reprefente la très- dure & «


apre vie de nôtre Patron Saint Jean- Baptifte ; ceci re-
prefente fon habit , lequel étoit de peau de chameau , fi- «
gnifiant que nous devons laiffer le temps de peché , &
fans empêchemens fuivre la vertu. " En faifant voir les
bras du manteau à la Sour: Ce font les bras , lui dit-
on , qui vous reſtraindront & lieront , fignifiant que vous "
ferez reſtrainte & liée de la vrave obeïffance de vôtre "

Superieure , & à l'obfervance des œuvres de l'Hoſpita- “


lité. "
En montrant la Croix du manteau à la nouvelle Pro La Croix
feffe , on lui fait entendre : " Que c'eft le figne de la ft
&erles
es my-
qu'-
vraye Croix , & on lui commande de le porter continuel- " elle ren-
Nn iij ferme.
286
Disertations Hiftoriques & Critiques
lement fur fes habits , pendant ſa vie. Cette Croix blan-
,, che fignifie que toutes nos œuvres doivent être pures ,
», nettes & blanches. Ces huit pointes fignifient les huit
Beatitudes qui nous font promifes , fi nous portons ce fi-
,, gne au cœur avec ardeur & ferveur , à cet effet la vous
,, mettons fur le côté gauche , afin que l'ayez toûjours fur
vôtre cœur , & avec icelui vous devez enfevelir.
Le Cor- Le Cordon de ce manteau est très-myfterieux , car on
don , ой
font repre- y voit reprefentez la plupart des Inftrumens de la Paffion
fentez les de Nôtre- Seigneur. ,, Ce Cordon , lui dit-on , repreſen-
Inftru- ,, te que fouvent nous nous devons fouvenir de la très-
mens de la
Paffion. âpre mort & Paffion de Nôtre- Sauveur Jefus Chrift
,, ce qui ferre le manteau fignifie la corde avec laquelle Je-
" fus- Chrift fut lié : Ce font les foüets , ceci eft la colom-
" ne , ceci eft l'éponge , & ceci eft la Croix , en laquelle
,, pour l'amour de nous , il prit mort & Paffion. Enfin en
lui liant le cordon au col , on lui dit : Prenez donc ma

,, Sœur , le joug de Nôtre- Seigneur Jefus Chrift , lequel


eft beaucoup leger & doux , & qui vous conduira à la
35 vie éternelle au fiecle des fiecles. Puis on lui met le voile
fur la tête , on prononce ces paroles : Accipe foror Sanctum
velum virginitatis quod te conducat ad vitam æternam in fæ-
cula fæculorum. Amen.

S. IV.

Des Religienfes Chevalieres de SaintJacques de l'Epée en

Efpagne , de quelques autres.

Fondation On croit qu'une Abbeffe du Cloître du Saint- Esprit à


du Cou- Salamanque fut la premiere Commandore ou Superieure de
vent Sa- l'Ordre des Religieufes Chevalieres de Saint Jacques avec
deue,
Lamanq
le glaive , vers 1030. Cette opinion eft fondée fur un pri-
vilege qui fe conferve , dit - on , dans le Monaftere des
Chevalieres de Salamanque. ( a ) Mais Mariana & Tur-

(4 ) Scoonenbech , Defcription des | Olivier de la Terrade , Difcours prefen-


Ordres des Religieuses , &c. Art. 33, ¦ té à la Reine en 1639.
fur la Chevalerie. Liv. I. Differt. XI. 287
quet , dans leurs Hiftoires d'Espagne , foutiennent que ce
privilege accordé à ces Religieufes du Monaftere de Sa-
lamanque par le Roi Ferdinand eft fuppofé. 1. Parce qu'il
eft écrit en langue Caftillane moderne, & que l'on y com-
pte l'année depuis la naiffance de Nôtre- Seigneur ; ce
qui ne peut être , puifque tous les actes fe faifoient en La-
tin , & que l'on comptoit depuis l'êre de Cefar. 2º. L'on

y donne à Dom Ferdinand le titre de Roi de Leon , quoi-


qu'il ne l'ait pas été , & que l'an 1034. qui eft la veritable
date de ce privilege , regnoit Dom Bermond III .
Il y en a d'autres qui veulent que cet Ordre ait été
établi en Leon & en Galice par le Roi Ferdinand , vers
l'an 1170. Mais il eft plus vrai-femblable que le premier
Monaftere de ces Chevalieres fut fondé à Salamanque l'an
1312. par le Chevalier Pelay Perez & Marie Mandez fa
femme. Outre ce Monaftere , il y en a fix autres celebres
en Eſpagne : qui font Sainte- Foi de Tolede , Nôtre- Dame
de Junqueras à Barcelone , Sainte- Croix de Valladolid ,
Sainte Eulalie à Merida , Nôtre- Dame de Grenade , & ce-
lui de Madrid .
L'exercice de ces Chevalieres confifte à loger & à pour-
Obliga-
voir de toutes fortes de neceffitez les pauvres Voyageurs tions de
cesDames.
qui vont en pelerinage à Saint Jacques en Galice . Elles
fuivent la Regle de Saint Auguftin. Le Roi eft le Chef
Perpetuel de cet Ordre. Les Religieufes font habillées de
noir , & ont fur le côté droit de leur robe un glaive rouge
avec une coquille à la Croix de la garde. Elles font vou
comme les Chevaliers de pauvreté, d'obéïffance & de chaf-
teté.

Les Religieufes Chevalieres de l'Ordre de Calatrava & Chevalie-


d'Alcantara , doivent leur fondation à Eleonore Gonfales. res de Ca-
latiava.
Ce Monaftere eft fous la Regle de l'Ordre de Cîtaux. Ces
Religieufes portent la Robe & le Scapulaire blanc , avec
la marque des Chevaliers de Calatrava fur la poitrine : c'eft-
à-dire , une Croix rouge avec quatre lis aux quatre coins ,
& deux ceps ou liens , qui fe nomment en Elpagne Tra-
vas. Ces Dames portent un noble couvre-chef, fous un
288 Differtation's Hiftoriques & Critiques
voile noir , qui leur a été accordé par le Pape Benoift. On
croit que cet établiſſement fut fait l'an 1219. ( a )
Toutes les Dames Chevalieres ne font pas Religieuſes ,
il y en a de Chanoineffes. A Nivelle on fait Chevalieres
les Chanoineffes après leur reception ; & à Saint Quirin
de Nevv , la premiere fois qu'elles prennent le furplis , c'eft
un Gentilhomme qui le nouë en ligne de Chevalerie.

(a) Scoonenbech ubi fupra , Art. 48.]

DISSERTATIONS
case

DISSERTATIONS

HISTORIQUES ET CRITIQUES

SUR

LA CHEVALERIE.

LIVRE SECOND.

Deplufieurs chofes qui regardent la Chevalerie

enparticulier.

E ne feroit pas remplir tout mon deſſein ,


fi après avoir examiné l'origine & les dif-
ferens Ordres de la Chevalerie ancienne
& moderne , Chrétienne ou Civile ; dé-
mêlé les Ordres Militaires qui ont préce-
dé la Guerre Sainte , d'avec ceux qui
l'ont ſuivie ; & dévelopé ce qui concerne
la Milice Reguliere , auffi - bien que celle qui regarde les
femmes : fi je ne tâchois dans cette feconde Partie de dé-
tailler les conditions , les caufes , les cérémonies , les fins

les obligations , les privileges , & chofes femblables qui ap-


partiennent à la Chevalerie , & qui en peuvent donner une
idée plus particuliere .
Oo

290 Dissertations Hiftoriques & Critiques

GateCo

DISSERTATION PREMIERE.

Des conditions neceffaires pour recevoir l'honneur de la


Chevalerie.

L faut trois chofes pour être Chevalier : la Nobleffe , les


Ipreuves
re de cette Nobleffe , & l'autorité du Prince. Le

titre de Nobleffe étant fouvent ufurpé , ou n'étant pas affez


connu , il le faut juftifier par des preuves. Mais la Nobleſſe
fondée même fur la vertu , & prouvée par des monumens
autentiques , ne fuffit pas fans l'agrément du Prince ; c'eſt
ce que nous allons examiner dans les articles fuivans.

ARTICLE I.

Il falloit être Ecuyer anciennement pour aſpirer


à l'honneur de la Chevalerie .

De l'origine , des armes , & des fonctions des Ecuyers.-

Uivant les Loix ordinaires de la Chevalerie , que les


S Princes ne font pas con jours obligez d'obferver , la quas

lité d'Ecuyer doit preceder celle de Chevalier ; c'eſt-à-di


re , qu'autrefois il falloit être dans le rang des Ecuyers ,
avant que de paffer à celuy des Chevaliers. Le titre d'E-
cuyer étoit un degré pour arriver à la Chevalerie , & com-
me une difpofition à cette haute Dignité . C'est pour cela
qu'un Auteur ( a ) définit les Ecuyers en ces termes : Qui
licet non fint Milites , jus tamen habent accipiendi Militiam.
L'inftitu- .. Si l'inftitution des Ecuyers n'a pas precedé l'établiſſement
tion des E- de la Chevalerie , au moins on ne peut pas douter que cel-
Cuyers eft
très -an- le - là ne foit très- ancienne ; puifque dans l'Ecriture Sainte
cienne.
(4 ) Hieronim. Blanca , in Comm. ¦ rerum' Arragon.
fur la Chevalerie. Liv . II . Differt . I. 291

il eft parlé des Ecuyers d'Abimeleck , de Saül , & de Jona-


thas. L'Hiftoire Profane fait auffi mention de ceux d'He-

ctor & de Diomede : & Virgile (a) veut marquer l'Ecuyer


d'Achille , quand il dit :
Et Equorum agitator Achilles
Armiger Artomedon .
Il y en a qui rapportent l'origine des Ecuyers à certaines
Bandes ou Compagnies de Soldats Pretoriens , qui eftoient
deſtinez à la garde du Prétoire du Palais de l'Empereur . Il
eft certain que quand Valerien fut fait Empereur , il étoit
Tribun de la feconde Legion des Ecuyers.
Julien l'Apoftat les eftimoit beaucoup lors qu'il étoit
Gouverneur des Gaules. Ammien Marcellin ( 6 ) en parle
avec honneur au fujet de la priſe de la Ville de Cologne. cuyLes E-
ers ont
Les Affiégez , dit - il , s'encourageoient de ce qu'il n'y avoit été fort ef-
ni Ecuyers , ni Gentils dans l'Armée des ennemis : Ideò con- timez.
fidentes , quod nec Scutarios adeffe didicerant , nec Gentiles. Et
dans le même endroit faifant mention de Salvius & de Lu-

picin , braves Soldats ; l'un , dit -il , étoit Ecuyer , & l'autre
étoit du rang des Gentils Scutarius unus , alter è Schola
Gentilium.
Les armes propres de l'Ecuyer étoient la Lance & l'Ecu , Des ar
( c ) que nos Capitulaires appellent Arma patria. Lès mes des E-
cuyers.
Ecuyers portoient toûjours ces armes , quand ils accompa-
gnoient leurs Maîtres , & même aux Feftins & aux Ban-

[ a ]Virgile , 2. Æneid. foit plus avant que les deux extrêmi-


(b) Amien. Marcel. Lib. 17. Hift. tez. Les Romains & les Grecs fe fer-
(c ) Le Bouclier , l'Ecu , & la Par- voient du Bouclier , & de la Parme.
me ou la Targe , étoient de forme dif- Les François , les Allemans , les Ef-
ferente. Le Bouclier,que les Romains pagnols , & les Anglois ont toûjours
appelloient , clypeum , étoit de forme porté l'Ecu . Les Boucliers , les Ecus &
ronde tirant en ovale L'Ecu étoit lar- les Parmes étoient faits de petites
ge en haut & au milieu, & finiffoit en planches fort minces de Bouleau , de
pointe. Forma Scuti , dit Tite - Live , Figuier , de Tillot , de Sureau , de
Lib. 9. fummum latius qua pectus atque Peuplier. On colloit ces planches les
bumeri tegunturfaftigio aquali , ad imum unes fur les autres ; enfuite on les
cuneatior. La Parme ou Targe étoit de couvroit d'un cuir fort épais , & puis
forme quarrée , plus longue que lar- on les entouroit d'un bon cercle de
ge , & un peu plus étroite par le haut fer ,d'airain , d'argent , ou d'or.
& le bas , qu'au milieu , qui s'élargif-
O o ij
292 Dißertations Hiftoriques & Critiques
quets. Athenée ( a ) fait mention des Ecuyers Gaulois qui
demeuroient de pied ferme derriere leurs Seigneurs pen-
dant qu'ils étoient à table. Ils étoient auffi armez de la
Lance & de l'Ecu aux Sieges de Juſtice , comme il eft or-
donné dans nos Capitulaires. ( b ) Nullus ad Mallum vel
Placitum , nifi arma patria , id eft , Scutum & Lanceam por-
tet,
On trouve dans le Concile de Mayence , que les Ecuyers
portoient ces mêmes armes, quand ils alloient à l'Eglife : (c)
Laicis qui apud nos funt arma patria portare non prohibemus ,
quia antiquus mos eft , & ad nos ufque pervenit.
Fóctions Le propre exercice des Ecuyers , comme leur nom le
des E-
marque , étoit d'avoir foin des Chevaux qui appartenoi ent
cuyers.
aux Chevaliers , & de porter les armes de leurs Seigneurs ,
pour les leur donner quand ils en auroient befoin , c'eſt
pour cela qu'ils font appellez , Armigeri. Quelquefois on
leur donne le nom de Scutiferi ; parce que dans lesTournois
ils portoient l'Ecu du Chevalier , & luy fervoient de ſe-
cond .

Le Grand Ecuyer de France eft quelquefois nommé


Scutifer , parce qu'il portoit l'Ecu du Roy. Dans le Glof-
faire d'Henry Eftienne le mot d'Armiger eft traduit par
celuy d'Infigniarius ,parce que les Ecuyers portoient les Ecus
des Chevaliers , où leurs armes étoient empreintes. Le Ro-
man de Loheranes dont l'Auteur vivoit fous Louis le Jeu-
ne , a renfermé toutes ces fonctions des Ecuyers dans çes
Vers .

Trois Ecuyers qui portent los Ecus ,


Et en l'or poinzles trois épiez molus ,
Che- Devant eux moinent les aufertans * ⋆ guernus.
yaux.
Tacite attribuë aux Ecuyers une autre fonction : il re-
marque que de fon temps ils eftoient à la fuite des Rois &
des Princes , pour apprendre l'art de la Guerre. ( d ) C'eſt
pour cela que cet Hiftorien appelle les Ecuyers Compa-

[ 4 ] Athen . Lib . 4. de Cœna Celtarum. itus,Mogunt.


Conc.
c ]Tac Canon
De moribu 17. orum.
s Ger.man
[6 ] Capitul. Lib. 3. cap. 22.
fur la Chevalerie. Liv . II . Differt . I. 293

gnons des Souverains , qui faifoient toute leur gloire en


temps de paix , & qui leur fervoient de défenſe pendant la
guerre. Magna comitum æmulatio , quibus apud Principem
Juus locus , & Principum , cui plurimi & acerrimi comites .
Hæc dignitas , hæ vires , magno femper electorumjuvenum glo-
bo circumdari , in pace decus , in bello præfidium.
Ces Emplois des Ecuyers à la guerre , & l'obligation
qu'ils avoient d'être toûjours fous les armes , de fe tenir
les fe-
auprès des Chevaliers , & de leurs Seigneurs , pour
courir dans le befoin , leur donnoient occafion de s'inftrui-
re dans le métier de la Guerre , de faire de grandes actions,
& de marquer leur valeur & leur courage , qui étoient
les veritables difpofitions pour meriter l'honneur de la Che
valerie.
Suivant une coûtume affez ancienne , il falloit avoir . Il falloit
être Ecuier
été Ecuyer avant que d'être Chevalier. Les grands Sei- avant d'ê-
gneurs , & même les Princes & les Souverains ne fe qua- tre Cheva-
lifioient qu'Ecuyers , jufqu'à ce qu'on leur eût conferé la lier.
Chevalerie. Quoique Joachim Roüant Seigneur de Ga-
maches fût Maréchal de France , il ne prenoit point d'au-
tre titre que celuy d'Ecuyer , jufqu'à ce qu'il eût reçû la

qualité de Chevalier : de même encore que Jean Bâtard


d'Orleans , Comte de Dunois , fut Banneret , & qu'il eut
quatre Bacheliers , & vingt- un Ecuyers en fa Compagnie ,
ne prit point d'autre titre que celuy d'Ecuyer en attendant
la Dignité de Chevalier , qu'il reçût enfuite.
Les Auteurs ont defigné ces Ecuyers ou jeunes Seigneurs noit
Ondivers
don-
qui afpiroient à la Chevalerie , fous des noms affez diffe- noms aux
rens. Ils les appellent Tyrones, Armigeri , nudi Milites . Pier- Ecuyers.
re de Blois ( a ) dit que de fon temps , les Ecuyers ou les
nouveaux Chevaliers , alloient prendre fur l'Autel l'Epée
de Chevalier : Hodie Tyrones enfes fuos recipiunt de Altari.
Un autre Ecrivain faiſant la defcription des cérémonies qui
furent obfervées , quand Henry Roy d'Angleterre donna
la Chevalerie à Geofroy d'Anjou l'an 1127. fe fert de la
même expreffion , appellant ce Prince , nouveau Chevale-
[ a ] Petrus Blefenfis , Epift. 94.
O o iij
294 Differtations Hiftoriques & Critiques
lier : Tyro nofter novus Militia poftmodumfuturus. ( a) Il
avoit dit un peu auparavant : Balneorum ufus uti tyrocinii con-
fuetudo expoftulat , pour marquer que ce Duc de Norman-
die n'avoit que les premiers degrez de la Chevalerie , c'eſt-
à-dire , qu'il étoit Ecuyer. Cet Hiſtorien fe fert d'une au-
tre expreffion , pour fignifier la même chofe , quand il dit
que le Comte Fulcon pria le Roy Henry de faire fon fils
Chevalier , qui n'étoit que fimple Chevalier , Nudus Miles,
qui eft la même chofe qu'Ecuyer.
La Chronique de Flandres fous l'an 1247. nous ap-
prend que Guillaume Comte de Hollande étant élû Roy
des Romains , reçût l'Ordre de Chevalerie à Aix- la- Cha-
pelle. Mais pour faire connoître que ce Comte n'étoit
qu'Ecuyer , il l'appelle Armiger Reverentiæ veftræ , dit le
Roy de Boheme , prefentant le nouveau Chevalier à Pier-
re Capucci Cardinal de Saint George au Voile d'or , qui
faifoit la cérémonie , Pater Almiflue , præfentamus hunc ele-
Etum Armigerum .
Ecuyers
parmi les Ce n'eft pas feulement en Europe que la qualité d'Ecuyer
Indiens. a été regardée comme un degré neceſſaire pour acquerir la
Chevalerie : mais auffi on trouve que les enfans des Brac-
manes , ou Prêtres des Indes , n'étoient point mis au nom-
bre des Chevaliers , qu'ils n'euffent reçû le titre d'Ecuyer ,
qui leur étoit conferé avec de grandes cérémonies.
Ces enfans ayant ( b ) atteint l'âge de fept ans étoient
prefentez au Grand-Prêtre , qui leur mettoit fur la chair
nuë une écharpe , ou une courroye large de deux doigts ,
faite de la peau d'un Afne Sauvage , enfuite on leur appre-
noit l'art de la Guerre. Ces jeunes Ecuyers portoient cette

écharpe jufqu'à l'âge de quatorze ans , qu'on leur conferoit


la Chevalerie.

On ne parle plus aujourd'huy de ces Ecuyers , que dans


l'Hiftoire : & la qualité d'Ecuyer , dans le fens que nous
l'avons prife , n'eft pas neceffaire pour être Chevalier , mais
il faut au moins être Ecuyer , qui eft un titre de Nobleffe

majoriseur
[ a ] Joannes Monachus majoris [6 ] André Favin
Monalt , in vita Gaufredi. , som , 2. pag . 1678,. Theatre d'Hon-
fur la Chevalerie , Liv. II . Differt . I. 295

qui convient proprement à celuy qui a droit de porter un


Ecu armorié.

ARTICLE I I.

La Nobleffe eft neceßaire pour être Chevalier.

Armi les anciens la vraye Nobleffe confiftoit unique- En quoy


Pment dans la vertu , qui rend toûjours noble celuy qui confifte la
la poffede , de quelque race qu'il foit forti . C'eft , dit un vraye No-
bleffe.
Poëte , ( a ) la feule Nobleffe que l'on doit eftimer : Nobili-
tasfola eft , atque unica virtus. Ce ne font pas les richeffes,
felon Apulée , ni la fplendeur de la naiflance , qui font la
veritable Nobleffe , mais les actions vertueules : Quos non
opes , non generis excellentia , fed ingenui mores nobilitaverunt.
De-là vient que Severin Boëce (b ) remarque judicieuſe-
ment que c'est une choſe honteufe de fe vanter d'être No-
ble , fans être vertueux, ou d'établir fa réputation fur la ver-
tu de fesancêtres .

Un homme eft roturier , fouffrant que fa malice


Gourmande fa raifon:
S'il le défend toujours des atteintes du vice ,
On doitcroire qu'ilfort d'une illuftre maiſon .

Dans lafuite des temps , outre cette Nobleffe qu'on peut


appeller perfonnelle , qui eft fondée fur le merite & fur la
vertu , on en a reconnu une autre qu'on nomme de race ,
ou hereditaire. Un Auteur ( c ) pretend que cette Noblef-
fe d'extraction a commencé avec le premier homme , fondé
fur ce paffage de Saint Clement d'Alexandrie , qui dit
qu'il n'y a point de Nobleffe plus excellente que d'avoir Dieu
pour pere : Quis nobilior fucrit eo cujus folus Deus pater eft.
Le même Ecrivain ajoûte que ce furent les droits de la
Guerre qui introduifirent dans la fuite la Roture , pour

( a ) Horac. Lib. 1. Satyr. 6. (c) Traité de la Nobleffe imprimé à


(b) Boëce , Liv. 3. Poësie 6. Orleans en 1682.
296 Differtations Historiques & Critiques
mettre de la diftinction entre les hommes libres & les efcla-

ves. On dit que Thefée Chef des Atheniens donna la pre-


miere idée de la Nobleffe , & diftingua les Nobles des Ro-
turiers , choififfant ceux - là pour connoître des affaires de
Religion , & ordonnant qu'ils devoient ſeuls adminiſtrer
la Juftice. Solon le Legiflateur en ufa de même : & ce fut
de la forte que Romulus diftingua les Nobles des non-
Nobles . ( a )
C'eft fuivant cette idée que les Romains , comme le re-
marque Tacite , ( b ) ne reconnoiffoient pour Nobles , '

Deuxfor-
tes de No- qu'ils appelloient Patriciens , que ceux qui avoient pour
bles parmi pere & pourayeul un Senateur ou un Chevalier , afin
les Ro- de nous apprendre que la Nobleffe a comme deux fources ,
mains.
fçavoir , les Armes & les Lettres. En quoy confifte donc
cette Nobleffe ? Ciceron l'appelle dans fes Épîtres unę ver-
tu connuë : Nobilitas nihil eft aliud quam cognita virtus.
Ariftote ( c ) veut que ce foit une marque de la vertu & des
richeffes de fes ayeuls. Le celebre Poëte Italien, Torquato
Taffo, tient que la Nobleſſe eſt une vertu de race reconnuë
par plufieurs grandes actions continuées. Les Jurifconful
tes foûtiennent que c'eft une clarté de lignée , & une fplen-
deur des ancêtres , avec fucceffion d'Armoiries. Enfin la
fçavante Mademoiſelle de Gournay ( d ) a cru que la race
noble eft celle de qui la Roture s'eft diffipée par une longue
fuite d'années.

Mais foit qu'on prenne la Nobleffe pour ce qui reprefen-


te les merites & la vertu des ancêtres , fuivant la définition
que luy donne Porphyre : Nobilitas nihil eft aliud quam cla-
ritas fplendorque majorum , honor virtutis præmium : ou que
l'on prenne le mot de Nobleffe pour ceux de clarté , d'ex-
cellence , de reputation & de renommée , que l'on ac-
quiert par la valeur , par les fciences , par les richeffes ,
par les Emplois , ou par la Coûtume établie dans quelques

( a )Plutarch . in Thefeo & in Solone. (c) Ariftot. Lib 4. politic. cap. 8.&
Dionyf. Halicarnaf. Antiquitat. Roma- Lib. 5. cap. 1.
nar.
(d)La Mothele Vayer , tom . 2.
(b )Tacit. Lib. II. Annal .
Provinces
far la Chevalerie. Liv . II . Differt. I. 297
Provinces ; la Nobleffe dans tous ces fens qui reviennent La No-
preſque au même , eft abfolument neceffaire dans ces der- bleffe eft
neceffaire
niers temps pour être aggregé dans les Ordres de Cheva- pour rece-
lerie.. voir la
Chevale
Cette dignité eft fi éminente , qu'on ne la confere pas in-
rie.
differemment à toutes fortes de perfonnes. On n'élevoit
autrefois à l'honneur de la Chevalerie que les Barons illu-
ftres , & les anciens Nobles de pareille marque , comme les
Bannerets , les Bacheliers , & les Ecuyers d'un merite di-
ftingué. Quoique dans ces derniers fiecles on ne foit pas
tout -à - fait fi fcrupuleux fur ce fujet , la Nobleſſe nean-
moins en eft toûjours le fondement.
Il eft vray que la Nobleffe , foit qu'elle foit la recompen-
fe de la valeur & des Emplois Militaires ; foit qu'on l'ait
acquife par les Charges & par l'adminiſtration de la Jufti-
ces ou enfin qu'on l'aitmeritée par l'éminence de la ſcience,
& par l'habileté dans lesbeaux Arts : cette Nobleffe , dis-
je , eft moins excellente que celle que l'on tire d'une longue
fuite d'ancêtres , par le bonheur de la naiffance : celle - cy
eft toûjours plus diftinguée , & même plus illuftre , & plus
parfaite dans ceux qui la reçoivent , que dans ceux qui la
commencent. De forte que la Nobleffe eft d'autant plus
honorable & glorieufe , qu'elle vient de plus loin.
Balde parlant fur la Nobleffe de race , remarque qu'el- Trois for
le eft ou commençante , ou croiffante , ou parfaite. Celuy bleß
tes ſe.
de No-
qui eft le premier annobli commence la Nobleffe de fa fa-
mille , elle reçoit fon accroiffement dans fes enfans , & elle
fe perfectionne en fes neveux par une longue pofterité. Cet-
te Nobleffe laiffe un certain préjugé que les perfonnes qui
fe diftinguent par leur vertu , par leur courage & par leur
merite , tirent leur origine de parens qui ont eu les mêmes
qualitez. Ce qui fait qu'un Hiftorien parlant de Charlema-
gne, remarque que la vertu éftoit comme un heritage de fon
pere Pepin.
La Nobleffe en effet que l'on tire de fes ancêtres , eſt
comme une teinture de leur fang , & un noble caractere
imprimé dans l'ame , qui porte ceux qui l'ont reçû , à faire
PP
298 Dißertations Hiftoriques & Critiques
de grandes actions , fuivant ce beau mot de Valere Maxi.
me : Sola virtus nafcitur magis quam fingitur. C'eft pour ce
la qu'on voit ordinairement que ceux qui font nez de pa-
rens nobles , font genereux , honnêtes , d'une foy inviola
ble : ils portent même quelquefois fur leur vifage une im .
preffion de vertu & de nobleffe , qui marque la grandeur
de leur ame .

Celuy-là eft veritablement Noble de qui la race eft exem-


pte de Roture depuis une longue fuite d'années. Mais com-
me il eft fouvent difficile de pouvoir exactement déveloper
une longue fuite d'ayeuls , & de les compter , pour ainſi
Comment dire , jufqu'à l'infini , ( a ) nous fommes contraints d'imi-
on compte
les degrez ter les Romains , qui établiffoient l'ingenuité fur la quali-
de Noblef- té du pere & de l'ayeul demeurez en poffeffion de vivre
fe. noblement , & de jouir des privileges de Nobleffe & de

franchiſe.Ainfi une perfonne eft eftimée Noble de toute


ancienneté & de race , qui peut compter plufieurs Nobles
parmi les ancêtres.-
C'eft proprement cette Nobleffe de toute ancienneté , &
cette Nobleffe de race qui fait que ceux qui la poffedent ,
meritent qu'on leur accorde des privileges , des honneurs,
des immunitez , des Charges , & des Emplois publics :
c'eſt cette Nobleffe , dis- je , qui eft neceffaire pour être
reçû dans les Ordres de Chevalerie.
Il y a bien de l'apparence que cet ufage de ne conferer

[ a ] S'il falloit remonter à lapre- Juftin I. étoit forti de la Maifon d'an


miere origine de la plus illuftre No- Bouvier ; Diocletien étoit un Affran-
bleffe , & de la Rotare la plus mépri- chi d'un Senateur nommé Annullin';
fée,combien de Monarques ne trouve Marcien qui époufa Pulcherie après
roit-on pas qui font fortis de la lie du la mort de Theodofe le Jeune , étoit
peuple & combien de Valets fe pour d'une naiffance très - obfcure , aufli-
roient glorifier d'être defcendus peut- bien que Jean I, du nom , Empereur
être de Princes & de Souverains ? d'Orient , furnommé Zimifque , &
C'eftpour cela qu'on dit ordinaire- Macrin qui étoit né à Alger. L'Hi-
ment que les Empereurs ont eu ftoire eft pleine de femblables excm-
cent Bouviers pour grands peres , ples , qui prouvent que le fang leplus
& les Bouviers cent Empereurs. Ar- illuftre ne l'a pas toujours été , & que
taxerxes Roy de Perfe , paffe dans celuy qui paroît aujourd'huy très-
'Hiftoire pour être d'une baffe extra- méprifable , a été très-nobledans fa
tion. Tout le monde fçait que Perti- fourçe,
nax étoit le fils d'un Charbonnier
fur la Chevalerie. Liv. II . Differt. I. 299
cette haute Dignité, qu'aux perfonnes illuftres , & dont la
Nobleffe de la race eft établie fur des monumens autenti-
ques , eft venuë des Romains , qui , comme nous l'avons
remarqué autre part , ne recevoient parmi les Chevaliers
que ceux qui defcendoient incontestablement des Patri-
ciens , qui étoient libres , & qui pouvoient fubfifter avec
honneur felon leur rang.
Il eft certain qu'en France , fuivant l'ancienne coûtume Coûtume

des Romains , la Nobleffe du fang a toûjours été neceffai- en ervée


en France,
re pour recevoir l'honneur de la Chevalerie . C'eſt pour
cela qu'un Auteur ( a ) remarque que les François regar-
doient comme une chofe honteufe de faire un Chevalier

qui ne fût pas Noble.

Utque fuis omnem depellere finibus hoftem.


Poffit , & armorum patriam virtute tueri ,
Quoflibet ex humili vulgo , quod Galliafœdum
Judicat , accingi gladio concedit equeftri .

Il eſt défendu en Allemagne par les Conftitutions des Statuts


Empereurs , de faire nul Chevalier , s'il n'eft de race mi- des reursEmpe-
&
litaire : Milites fieri , qui de genere Militum non nati erant. des Rois.
( b ) Suivant un Statut de Jacques I. Roy d'Arragon , qui
fut fait l'an 1234. il eft ordonné que perfonne ne puiffe af-
pirer à l'honneur de la Chevalerie , s'il n'eft fils d'un Che-
valier : nullum fieri ab aliquo Militem , nifi filium Militis.
On trouve auffi une Conftitution de Roger Roy de Sicile ,
dans laquelle on fait la même défenſe. ( c )
Cette regle étoit fi inviolable en France , que Guy Com-
te de Flandres fut condamné à une amende , pour avoir
créé un Païfan Chevalier , comme cela eft porté dans
deux Arrefts du Parlement de Paris de l'an 1280. & 1281.
Dictum fuit, quòd non obftante ufu contrario, ex parte Comitis
Flandrenfis , propofito , non poterat , nec debebatfacere de Vil
lano Militem fine autoritate Regis .
Robert Comte de Nevers fut auffi taxé à payer une fom-

( a ) Guntherus , Lib. 2. Ligurini de 1 (b) Petrus à Vinois , Lib. 6. Ep. 17.


Longobardorum Genie. (c) In Conftit. ficul. Lib. 3. tit. 39.
Ppij
300 Dißertations Hifloriques & Critiques
me d'argent au Roy , pour avoir fait Chevaliers les enfans
d'un certain Philippe de Bourbon , ainfi nommé du lieu de
fa naiffance , qui n'étoient pas Gentilshommes. Ces enfans
neanmoins , par une grace particuliere du Roy , retinrent
toûjours le titre de Chevaliers , à condition qu'ils paye-
roient chacun mille livres tournois Comes Nivernenfis emen-

damfecit Domino Regi , eo quòdfecerat Milites duosfilios Phi-


lippi de Borbonis . • quia ex partepatris non adeò nobi-

les erant , quòd Milites fieri deberent , emendaverunt hoc Do-


mino Regi , & folvit eorum quilibet 1000. lib, turon. & Mili-
tes remanferunt.

ARTICLE III,

Cette Regle n'eft pas fans exception,

A Nobleffe n'eft pas fi abfolument neceffaire pour être


L Chevalier , que les Souverains ne puiffent conferer
cette Dignité à un Roturier. Il n'en faut point d'autre
preuve , que les deux exemples que je viens de rapporter ,
aufquels j'en pourrois ajoûter cent autres : & même il y a
eu autrefois , & il fe trouve encore aujourd'huy des Ordres
Militaires qui ne fuppofent pas la Nobleffe dans les perſon-
nes qui les reçoivent. Ainfi il ne faut pas être Noble pour

entrer dans ces illuftres Societez , quoique peut-être on le


devienne , dès qu'on y eft aggregé .
Ordres
L'Ordre des Chevaliers de S. Louis établi par Loüis le
qui n'exi-
gent pas la Grand , n'eft pas fondé fur la Nobleffe de celuy qui a l'hon-
Nobleffe. neur de porter le Collier de cet Ordre , mais fur fa vertu

& fur fa valeur. C'est une recompenfe du zele & de la fide-


lité de tant de braves Officiers , qui ont confacré leurs biens
& leur vie au ſervice de l'Etat. Le merite & les grandes
actions font les feuls titres pour trouver place dans cette au-
gufte Compagnie. Combien en effet voit-on de ces gene-
reux Chevaliers , qui ont merité par leur courage , & par

leurs vertus militaires , & non pas par lesavantages de leur


fur la Chevalerie. Liv. II . Differt. I. 301
naiffance , l'honneur de porter la Croix de Saint Louis ?
Il ne falloit pas non plus être Gentilhomme , pour entrer
dans l'Ordre des Pies. Le Grand- Maître de l'Ordre de Je-
fus-Maria , inftitué par Paul V. avoit le pouvoir d'élire
trois Chevaliers qui ne fuffent pas Nobles. ( a ) Les Grands-
Maîtres des Ordres de Saint Lazare de Jerufalem & de
Nôtre- Dame du Mont- Carmel , & quelques autres , peu-

vent diſpenſer de la Nobleffe à l'égard des perfonnes d'un
·
merite diftingué , & qui on fait de grandes actions.
Nous avons remarqué ailleurs que des perfonnes de baffe
naiflance avoient reçu l'honneur de la Chevalerie , lors qu'il
a plû aux Souverains de leur accorder ce privilege , & de les
exempter de la Loy communement reçûë , qui porte qu'il
faut être Noble , ou au moins Ecuyer , pour être élevé à
la Dignité de Chevalier.
C'eſt une choſe bien remarquable qu'il y a quelques Pro- Ufage de
vinces en France , où les Bourgeois pretendent être en pof- Provinces
quelques .
feffion , d'un temps immemorial , de pouvoir être armez
Chevaliers par des Barons , ou par des Archevêques , & de
jouir des privileges de la Chevalerie fans la permiffion du
Prince. Če droit elt fondé fur une ancienne Charte du
Trefor Royal , ( b ) dont voicy les termes : Notum faci-
mus quòd ufus & confuetudofunt , & fuerunt longiffimis tempo-
ribus obfervata , tanto tempore , quòd in contrarium memo-
ria non exiftit , in Senefcallia Bellicadri, & in Provincia , quòd
Burgenfes confueverunt à Nobilibus , & à Baronibus, & etiam
ab Archiepifcopis , fine Principis autoritate & licentia impunè
Cingulum Militare affumere , & Signa Militaria habere &
portare, & gaudere Privilegio Militari , DieMartis poft Oita-
vam Pentecoftesanno Domini 1298,
Pythou fur le premier Article de la Coûtume de Troyes ,
dit avoir vu un vieux Extrait de la Chambre du Trefor ,
qui eft fans doute celuy dont nous parlons , portant qu'en
Provence & à Beaucaire les Bourgeois pouvoient être faits
Chevaliers par les Barons , & même par les Archevêques , Il

(a ) Hermant , pag. 233. & 365. nie Ordinat. 1. fol 227.

Pp iij
302 Differtations Hiftoriques & Critiques
y a bien de l'apparence que ces Provinces ne joüiffent plus
douter que le
de ce privilege. Au moins on ne peut pas
droit de conferer la Chevalerie appartient uniquement
aux Princes Souverains , comme nous le prouverons dans
la fuite.

ARTICLE IV. -

Tous les Ordres Militaires n'exigent pas un même degré


de Nobleffe.

Uoique la Nobleffe foit une condition indifpenfable


Qpour entrer dans tous les Ordres de Chevalerie ,
quand le Souverain ne veut faire aucune grace ; les Sta-
tuts de ces illuftres Societez ne marquent pas toujours les
degrez qui doivent former cette Nobleffe. Or il eft certain
cette Nobleffe doit être plus ou moins illuftre , & par-
que
faite,fuivant les Loix établies par les Inftituteurs des Ordres
Militaires , & fuivant la dignité de ces auguftes Compa-
gnies , où l'on veut être reçû.
I.
Ordres Quelques - uns de ces Statuts ne demandent que la No-
qui n'exi- bleffe du fang , fans exprimer les degrez qu'elle doit avoir.
gent que la
Nobleffe › C'est ce qui eft ordonné pour trouver place dans l'Ordre
fans mar- Militaire de l'Aîle de Saint Michel , fondé en 1165. par
quer les
degrez, Alphonfe I. Roy de Portugal. Quelques autres de ces Sta-
tuts marquent en general qu'il faut être Noble , fans ex-
primer en particulier quelle doit être cette Noblefle. Mene-
nius nous apprend qu'on ne demande autre choſe pour être
aggregé à l'Ordre de Saint Marc de la Calza à Veniſe, auf-
fi- bien que dans celuy de Saint Etienne Pape , fondé par
Cofme de Medicis Grand - Duc de Tofcane.
II.
Autres Or- Les Chevaliers de l'Ordre de Nôtre-Dame du Saint
dres , où
P'on ne de- Sepulchre , dit de Joye ou des Joyeux , inventé par Barthele-
fur la Chevalerie. Liv. II. Differt. I. 303
my de Vicenza de l'Ordre des Prêcheurs , devoient faire mande que
la Noblef-
preuve de Nobleffe paternelle & maternelle , fans faire men. fe.
tion des degrez que devoit avoir cette Nobleffe. Il fuffit de
faire ferment qu'on eft de noble extraction , & d'avoir des
biens fuffifans pour vivre fans faire de gain mercenaire pour

entrer dans la Milice du Saint Sepulchre de Jeruſalem ,
que le Gardien des Cordeliers donne à ceux qui vont vifiter
ce lieu faint. (a ) : 199 CC
III
Comme la Nobleffe de race ſe forme fur un certain nom- Ordres où
il
bre de degréz , il faut au moins avoir celle qui eft au der
moin s au
faut
nier rang pour entrer dans les Ordres de Chevalerie , qui trois de-
ne déterminent pas ces degrez de Nobleffe . Cette Nobleſ grez.
fe de race , dit Bernard d'Autun , ne confidere que l'ayeul,
le pere , & la perfonne qui fe dit Noble : Patre & avo Con-
fulibus, ( b ) Ce qui est attefté par ce Vers de Juvenal en ces
termes : ( c )
Quæftor avus , pater atque meus.
Suivant ce principe , il y a bien de l'apparence que les en- Confeil-
fans * dont le pere & l'ayeul ont été Confeillers de fuite en lers, Gref-
une Cour Souveraine , s'ils ont exercé cette Charge jufqu'à fiers , &c.
* L'usage
deurs decez , ou pendant vingt années , pourroient être ré,
-a fait paffer
çûs Chevaliers dans ces Ordres Militaires , où l'on n'exige cette maxi-
que la Nobleffe , fans en determiner les degrez . ( d ) Il y me en force
en a qui étendent ce privilege aux Auditeurs & aux Cor de Loy.

recteurs des Comptes , aux Greffiers en Chef en Compagnie


Souveraine , & aux Treforiers de France.

Les Treforiers de France joüiffent de toutes les Digni- Treforiers


tez , Honneurs , Prérogatives , Exemptions & Privileges de France.
des Compagnies Superieures , des Commenceaux des
Maifons Royales , & des Secretaires du Roy , conforme
ment aux Edits de 1552. 1986. 1633. 1635. & notamment

(a ) Quarefm . Elucidation Terra (c) Juvenal. Satyra 8.


Sanite , tom. 1. Lib. 2. cap. 49. Aniré (d ) De la Roque , Traité de l'Origi
Favin , tom. 2. de l'Ordre du Saint Se- ne de la Nobleße , chap. 2.
pulcbre.
(b ) Ex L 27. Cod. de Decurioni-
bus,
304 Differtations Hiftoriques & Critiques
à celuy du mois d'Avril 1694. qui les confirme dans tous
leurs privileges & exemptions , à l'exception de la Nobleffe
au premier chef , qui leur avoit été accordée par l'Edit de
1635. Cet Edit du mois d'Avril 1694. 4 porte , Que les
Charges des Treforiers ne pourront operer une pleine
Nobleffe : Mais elles ferviront feulement , comme elles

ont toûjours fait , de degré pour y parvenir , ainfi que


13 celles de nos Compagnies Superieures. Voulons que ceux
2
qui auront eu fucceffivement leur pere & leur ayeul
- dans lefdites Charges , qui feront décedez revêtus d'icel-
"
les , ou qui les auront exercées pendant vingt-années ,
foient Nobles , leurs enfans & pofterité , fuivant l'ufage
» de ce Royaume. » (a )
Capitai- On eft auffi perfuadé que fi l'ayeul & le pere ont été Ca-
nes , Pre- pitaines , ils acquierent à leurs defcendans une Nobleffe in-
verneurs commutable , de même que s'ils avoient été Confeillers en
des Places. Cour Souveraine. Mais pour joüir de ce privilege , il faut
que le pere & l'ayeul foient morts dans leur Employ , ou
qu'ils ayent vingt ans de fervice. Le Reglement des Tail-
les de l'an 1600. Art. X X V. porte qu'il eft fait défenfes à
toutes fortes de perfonnes de prendre le titre d'Ecuyer , &
de s'ingerer au Corps de la Nobleffe , s'ils ne font iffus d'un
ayeul & pere qui ayent fait profeffion des Armes , fans avoir

fait aucun acte dérogeant à leur qualité : ce qui eſt très-fa-


vorable aux Capitaines dont il s'agit.
Les defcendans de deux Prevofts en Chef , auffi-bien

que des Gouverneurs des Villes & des Places fortes , ont
été maintenus en leur Nobleffe , & pourroient être reçûs
Chevaliers dans les Compagnies Militaires , où l'on n'exi-
ge préciſement que la qualité de Noble , fans faire mention
de ces degrez .
IV.
Secretai- On ne peut pas douter que la Charge de Secretaire de
res de la
la Maifon & Couronne de France , ne confere une No-
Maifon
& c. bleffe qui met en état ceux qui font honorez de cet Office ,
d'être aggregez dans les Ordres de Chevalerie. C'eft le
(a ) Edit du 17. Avril . 1694.
Privilege
fur la Chevalerie , Liv . II. Differt . I. 305
privilege que le Roy Charles VIII . leur a accordé par fes
Lettres Patentes données au mois de Février 1484. & qui
depuis furent enregistrées au Grand- Confeil le 8. jour de
May 1576. Ce Prince , en approuvant , & ratifiant toutes
& chacune des libertez , franchiſes , exemptions , privile-
ges , prerogatives & immunitez qui avoient été accordées
aux Clercs , Notaires & Secretaires de la Maiſon & Cou-
ronne de France , tant par le feu Roy fon Pere , que par
les Rois fes Predeceffeurs , annoblit ces Officiers , dont fe
font toûjours fervis ces Princes pour l'expedition de leurs
Ordres , auffi- bien que leurs enfans nez & à naître en loyal
Mariage , & pofterité , les declarant capables de recevoir
tous ordres de Chevalerie , & tous Honneurs , Offices ,
Dignitez & Benefices , comme fi leur Nobleffe étoit
d'ancienneté , & au- delà de la quatriéme generation .
Le Roy Henry II . ( a ) par fes Lettres Patentes données à

Compiegne au mois de Septembre l'an 1549. lûës , publiées,


& enregistrées en la Grande Chancellerie, le Sceau tenant ,
le quinziéme jour de Janvier ſuivant , verifiées au Grand-
Confeil le huitiéme jour de May 1576. declara & ordonna
pour les raifons contenuës aufdites Lettres , & en confir-
mant celles du Roy Charles VIII.« Que fes Clercs , No-
taires , & Secretaires de la Maiſon & Couronne de Fran- ce
ce , & leurs Succeffeurs efdits Etats : enfemble leurs en- «

fans & pofterité , tant mâles que femelles , nez & à naître «
EC
en loyal Mariage , de ceux d'entre eux qui feront dece-
dez , & décederoient faifis , & revêtus dudit Etat & Offi-
ce , ou qui auroient refigné leurdit Office à l'un de leurs

enfans , ou à l'un de leurs gendres , joüiffent & ufent «


31
perpetuellement du Privilege de Nobleffe aux mêmes qua-
litez , prérogatives , prééminences , & tout ainfi & par la
forme & maniere que contiennent les Lettres du feu «
ce
Roy Charles VIII . du mois de Février 1484. attachées
fous le contre -fcel defdites Lettres. >>

( a Teffereau , Hift. Chronol. de la


Grande Chancellerie de France , tom. 1 .
liv. 2. p. 110. I

Qq
306 Dißsertations Hiftoriques & Critiques

Loüis le Tous ces privileges (a ) furent confirmez par l'Edit què


Grand re- le Roy donna , portant création de quarante Confeillers Se-
elle - cretaires de Sa Majefté , Couronne de France & de les Fi-
cesuvprivile
no

nances , pour faire un feul College avec les trois cens an-
ges.
ciens , aux mêmes honneurs , fonctions , privileges de No-
bleffe , & c. Cet Edit fut publié à Verſailles le vingt neu-
viéme jour de Mars 1704. Voicy les termes de l'Art .XIX.
de cet Edit : Pour continuer à nos Confeillers - Se-

,, cretaires les marques de la protection finguliere dont


,, nous les avons toûjours honorez , & de l'eftime que nous
faifons de leur Nobleffe , qui eft neceffairement atta-
‫وف‬
chée à la Dignité des fonctions qu'ils font auprès de
‫رو‬
Nous , & de notre Chancelier , en confirmant là grace
">
,, que Charles VIII . leur a faite par fes Lettres Patentes
,, du mois de Février 1484. Voulons que nofdits trois cens
‫دو‬
,, quarante Confeillers - Secretaires foient reputez Nobles de
,, quatre Races , & capables de tous les Ordres de Cheva-
,, lerie de nôtre Royaume. » Voicy un Extrait de ces Let-
tres Patentes de Charles VIII ,
Cæterùm etfi omnes hujus Collegii ac Secretariatus dignitate,
prædictifqueprivilegiis & virtutibus infigniti , licèt eorum non-
nulli claris ex parentibus originem fortè non traxerint , Nobi-
les ac pares Baronum , ubique locorum , jure meritoque cenfe-
ri debent .... Sed ut hæc Dignitas ad generofitatis eorum.
dem qui claro orti funt loco , cumulum accedat , cæteris verò
fuifque pofteris nobilitatis initium fit & virtutis exemplam ,
omnes & fingulos noftros & Domus Francie Clericos , Nota-
riofque & Secretarios ( b ) præditi Collegii præfentes & futu

(a ) Hift. Chronolog. de la Chancelle Palais. Il y a apparence que ces Offi-


rie de France , tom. 3. pag. 486. ciers-là étoient ce que font aujour-
(b )Les Charges de Clercs , de No- d'huy les Secretaires du Cabinet , qui
taires , ou de Secretaires , font peut- dans les commencemens étoient nom-
être audi anciennes que les Etats ; par- mez Clercs de la chambre,
-ce que les Souverains ont toûjours eu Les Romains appelloient Notarij
befoin de perfonnes capables pour ceux qui étoient dépofitaires des Ca-
mettre leurs volontez par écrit , & les racteres de la Signature des Empe-
faire fçavoir aux Peuples. Ces Offi- reurs , qu'on appelloit Nota , & parce
ciers ont porté les noms de Clercs , qu'ils publioient leurs Mandemens &
qu'on appelloit Clerici Palatani : les leurs Ordonances , qui commençoient
Rois s'en feryoient pour écrire dans le ordinairement par Notum facimus ,
fur la Chevalerie. Liv . II . Differt. I. 307
ros , cum tota eorum pofteritate utriufque fexus ex legitimo pro-
creata & procreanda conjugio , eadem Confilii deliberatione, &
Regia authoritatis plenitudine atque gratia in quantum opus
eft , nobilitavimus , ac tenore præfentium nobilitamus , Nobilef-
que facimus ac reddimus : Volentes & decernentes , ac eifdem
concedentes , ut ipfi deinceps eorumque pofteritas , ubique locorum
nobiles ac pro nobilibus habeantur , teneantur ac reputentur ,
quodque ab eodem quo eis libuerit Equite feu Milite aurato dum
& quando voluerint & videbitur opportunum , Cingulo Mili-
tia , Equeftrique Ordine valeant decorari , ac demum ad omnes
& fingulos actus , honores , Officia , Dignitates , Perfonatus
& Beneficiapromoveri , perinde ac fi eorum nobilitas ab anti-
quo & ultra quartam procederet generationem , &c . Ces Let-
tres fe trouvent tout · au long dans l'Hiftoire Chronologi-
que de la Grande Chancellerie de France , tom. I. Liv. ÏI .
pag . 67. donnée au public en 1710. par Abraham Teffe-
reau , Ecuyer , Confeiller Secretaire du Roy , Maiſon &
Couronne de France.
V.
On peut dire en general que la Nobleffe de ceux qui ap- Chance-
liers , Se-
prochent de près la perfonne du Prince , eft fi confiderable , cretaires
que dans l'Ordre de Malte on reçoit fans autres preuves de d'Etat.
Nobleffe , les enfans des Chanceliers de France , & des Se-

cretaires d'Etat. ( a ) Quoiqu'un certain Antonello fût fils


d'un pauvre Jardinier de la Ville de Theano ; neanmoins
cet Antonello Petrucci ayant été élevé par fon merite à la
Dignité de Secretaire d'Etat de Ferdinand I. Roy de Na-
ples , le fils de ce Secretaire , & petit-fils d'un Jardinier , fut
non-feulement Chevalier de Saint Jean de Jerufalem ; mais

Nous faifons fçavoir. Ces Notaires commencerent pour lors à être appel-
avoient un Chefqu'on nommoit Pri- lez Secretaires ; parce que les Rois en
micerius Notariorum , ou Protonotarius. prirent quelques- uns auprès de leurs
Sous nos Rois de la feconde Race , Perfonnes , pour travailler aux cho-
c'étoit le Chancelier qui dreffoit les fes fecretes & de confidence. Eginhart
Expeditions & les fignoit , ajoûtant ce fut Secretaire de Charlemagne.
mot , Scripfit : & en fon abfence il y ( a ) Meneftrier , Preuve de la No-
avoit des Notaires qui écrivoient ces bleje , chap. 6.
Lettres & les fignoient. Ces Nocaires
Qq ij
308 ations iftoriques ues
Differt H & Critiq
auffi Grand-Prieur de Capoüe , & fut mis à la tête de toute
cette Langue.
V I.
Ordres Suivant la penſée de Plutarque la Nobleſſe doit remonter
qui
la exigét jufqu'au bifayeul : Nobilitatem eam teneor , eam orno , quæ
Nobleffe
de quatre virtus dicitur generis , quæ à majoribus veluti per gradus
races . ad nos delata , & avos &proaves in memoriam revocat. Le
premier degré commence au bifayeul , il fe continuë au ſe-
cond , puis au troifiéme ; & ceux qui font au quatrième ,
deviennent veritablement Nobles : comme cela eft ordonné
par les Lettres Patentes du Roy Henry II I. du 5. May
1583. Ces quatre degrez étoient neceffaires pour recevoir
le Collier de l'Ordre du Porc-Epic , que Charles Duc
d'Orleans inftitua l'an 1430.

Quelque excellente que foit cette Nobleffe de quatre races,


neanmoins fi elle n'eft jointe avec la Nobleffe maternelle >
il manque quelque chofe à ſa perfection , & ne peut compter
que quatre quartiers , & non pas huit , qu'exigent la plû-
part des Ordres Militaires.
Les Statuts de l'Ordre de la Milice de Jeſus- Chriſt , que
Charles de Gonzague de Cleves , Duc de Nevers , érigea
en 1619. & plufieurs autres , ordonnent que pour y être re-
çû , il faut faire preuve de quatre degrez de Nobleffe pa-
ternelle ; ce qui fait huit quartiers , tant du côté paternel ,
que maternel.
VII.
Nobleffe Il eſt fait mention de la Nobleffe de quatre lignes dans
de quatre les Statuts de l'Ordre de la Jarretiere , faits par Edouard
lignes.
III. Roy d'Angleterre en 1347. & dans ceux que René
Roy de Sicile & Duc d'Anjou dreffa en 1448. quand il
érigea l'Ordre du Croiffant. Ces Princes declarent que nul
ne pourra être reçû dans ces Ordres , ni en porter le Col-
lier , qu'il ne foit Gentilhomme de quatre lignes , & fa perfon-
ne fans reproche.
Il n'eft pas aifé d'expliquer ce que c'eft qu'être Gentil-

homme de quatre lignes. Cette Nobleffe felon quelques


Auteurs fe prouve par trois degrez au- deffus du principal
fur la Chevalerie. Liv . II . Differt . I. 309
quartier , prenant quatre témoins en chaque ligne , & les li-
gnes du côté du pere & de la mere. Selon ce fentiment la No
bleffe des femmes doit accompagner celle des mâles: & il faut
que la mere , l'ayeule , & la bifayeule foient de condition
noble , pour donner la perfection & l'accompliſſement des
quatre lignes , au Gentilhomme qui affecte ce rang. ( a )
Gentilhomme de quatre lignes , dit-on encore , eft ce- En quoy
confifte la
luy qui montre les quatre quartiers de fa mere , de fon ayeu Nobleffe
le , de fa bifayeule , & de fa trifayeule paternelles , qui ac- de quatre
compagnent fes Armes , pourvû que celuy qui les porte , foit lignes.
forti de quatre diverfes Maifons Nobles par fes Alliances.
Enfin d'autres veulent que la Nobleffe du Gentilhomme
de quatre lignes foit reprefentée par les quatre lignes pater-

nelles , & par autant de lignes du côté maternel , qui com-


pofent huit quartiers , dont on fe fert pour entrer dans quel-
ques Ordres de Chevalerie , & pour être reçû Chanoine &
Chanoineffe , Religieux & Religieufe en certaines Eglifes.
Mais il femble que ces Ecrivains confondent la Noblef-
fe du Gentilhomme de quatre lignes , avec la Nobleffe de
race : les uns ne comptent que quatre quartiers de Noblef-
fe paternelle , fans avoir les mêmes quartiers du côté des
femmes. Les autres ajoûtent la Nobleffe maternelle à la pa-
ternelle , & ainfi font huit quartiers tant du côté paternel ,
que du maternel. Pour être Gentilhomme de quatre lignes ,
il ne faut pas feulement avoir huit quartiers de Nobleffe ,
tant du côté du Pere , que de la mere ; il faut encore une
grande ancienneté , & être allié avec des Maifons ancien-
nes ; & enfin que ces Maifons anciennes ne foient pas an-
noblies , ou Roturieres , fuivant l'uſage des Tournois.
VIII.

S'il faut juger de l'excellence d'un Ordre de Chevalerie Gentilsho


par la Noblefe de ceux qui en doivent porter le Collier , je mes de nom
d'Arme s.
( a ) M. du Cange fait une remar- du défunt , & que maintenant par
que ingenieufe touchant la Nobleffe abus l'on augmente ; & que ces qua-
du Gentilhomme de quatre lignes. Iltre Cierges devoient être portez par
dit que cette Nobleffe eft reprefentée les plus proches du lignage. Du Cange ,
par les quatre Cierges armoriez qui fe Comment. fur l'Hift. du Sire defoinville.
mettent au quatre coins du Cercueil
Qq iij
310 Dißertations Hiftoriques & Critiques
ne fçay fil'Hiftoire fait mention d'Inftituts Militaires plus
celebres , que le doivent être , ceux de Saint Michel , du

Saint Efprit , de la Toifon d'Or , & quelques autres. Il ne


fuffit pas pour trouver place dans ces auguftes Compagnies ,
d'être Noble de race de huit quartiers, & même Gentilhom-
me de quatre lignes , mais auffi Gentilhomme de nom & d Ar-
mes, &fans reproche.« Nous ordonnons , dit Louis XI. ( a )
», que dans ce prefent Ordre de Saint Michel , il y aura
"" trente-fix Chevaliers Gentilshommes de nom & d'Armes ,
& fans reproche. ,, Henry III . voulut auffi que les Che-
valiers qui auroient l'honneur de recevoir le Collier du
Saint Elprit , fuffent Gentilshommes de nom & d'Armes.
( 6 ) Les termes du Statut de Philippes le Bon Duc de Bour-
gogne , Fondateur de l'Ordre de la Toifon d'Or , font re-
marquables fur ce fujet. Philippus Dei gratià Dux Bur
gundiæ , &c. Primò ordinamus ut in Ordine antedicto fint unus
& triginta Equites viri nobiles nomine & armis , (ine reprehen-
fione , &c. Datum in noftro Oppido Infulenfi , die 27. Novem-
bris , anno gratiæ 1431 .
Pourquoy Les Gentilshommes de nom & d'Armes font ainfi nom-
ainfi
mez. nom- mez , parce qu'ils portent feuls entre les Nobles le nom de
leur race , depuis que les furnoms & les Armes font he-
reditaires dans les familles ; ce qui n'a pas commencé avant
le X. fiecle , comme le reconnoiffent tous les Sçavans qui
en ont cherché l'origine. André du Chefne , Spelman ,
Fauchet , Du Tillet , & c.

Cette qualité de Gentilhomme de nom leur eft encore at-


tribuée par excellence , comme aux aînez de la famille de
tous les Nobles , & parce que leur Nobleffe eft auffi an-
cienne que leur nom qui les a toûjours fait diftinguer d'a-
vec les autres hommes , & depuis plufieurs fiecles , d'avec
les annoblis. Enfin ils font Gentilshommes d'Armes non feu-
lement parce qu'ils ont été les premiers dans les Etats con-

quis , où ils ont laiffé des marques de leur valeur ; mais

( a ) Statuts de l'Ordre de Saint Mi- [ ( b ) Statuts de l'Ordre du Saint Eſprit,


chel , art. I. ] art. 15.
fur la Chevalerie. Liv. II. Differt. I. 311
principalement parceque les Armoiries fuivent naturelle-
ment les noms.
Les Gentilshommes de nom & d Armes , felon Guillaume

Budée , font ceux qui fortent d'une famille libre & ingenuë,
& dont la race a été de tout temps exempte de Roture , & a
joüi d'une pleine liberté : Quafi ingenuo ab origine , & quo-
rum majores fervitutem nullam prorfusfervierunt. Ce font ceux,
difent d'autres , qui font d'une fi viëille race , que le com-

mencement en eft inconnu , & qui portent un Ecu qui con-


vient à leur nom , & qui font de la famille à laquelle ce
nom & ces Armes font affectez .

Celuy-là eft Gentilhomme de nom & d'Armes , felon


M. du Cange , ( a ) qui peut juftifier que fon ayeul pater-
nel étoit Noble , & qu'il en porte le nom & les Armes , &
prouver auffi que fon ayeule paternelle , fon ayeul , & fon
ayeule maternels étoient Nobles , & portoient des Armes
ou Armoiries .

Enfin d'autres prétendent que la Nobleffe de nom & d'Ar- Origine


mes , qui eft l'ancienne & immemoriale , s'eft formée avec de la No-
bleffe
l'héredité des Fiefs , ( b ) & avec l'origine des noms & des ble de
no & d'Ar-
Armes. D'abord elle éclatta par les cris du nom dans les mes.
Armées , & par les Armes érigées en trophée dans les Com-
bats , & dans les Tournois. Un Annobli avec le temps peut
devenir Gentilhomme , mais non pas Gentilhomme de
nom & d'Armes ; & même tous les Gentilshommes illuftres
ne font pas Gentilshommes de nom & dArmes , mais feule-
ment de haut parage , ( c ) s'ils ont de grands Fiefs. Ainfi

( a ) Du Cange , Comm. fur l'Hift. I roient fidellement , & qu'ils l'affifte-


defean Sire defoinville. roient dans fes Guerres.
(b ) L'Auteur du Traité de la No- Il rapporte un exemple celebre du
bleffe imprimé à Orleans l'an 1682. Roy Clovis , qui donna le Château
parle des Fiefs : il tire l'étimologie de de Melun en titre dé Duché jure Benefi-
ce nom à fide après Obert du Jardin cii , à Aurelien fon Sénéchal . Ces
celebre Jurifconfulte , ou à fædere Fiefs dans les commencemens n'é-
après M. Cujas. Il dit qu'ils ont pris toient donnez qu'à vie , & ne paf-
leur origine de ce que les Rois Fran- foient point aux fucceffeurs jufqu'au
çois ayant confifqué par droit de Con- temps de Hugues Capet , qui les ren-
quête, toutes les Terres des Gaulois, dit héreditaires .
& les ayant incorporées à leur état , (c)Eftre iflu de haut parage , c'est
les diftribuerent aux Gens de Guerre , être defcendu d'une famille illuftre,
à condition de les tenir ad arbitrium tant en race qu'en Fiefs.
Principis , pendant qu'ils les fervi-
312 Differtations Historiques & Critiques
les Gentilshommes de nom & d'Armes , les Annoblis &
leurs fucceffeurs font dans un rang bien different. La diffe-
rence entre les Gentilshommes de nom & d'Armes , les No-
bles de race , les Gentilshommes de quatre lignes , les nou-
veaux Annoblis , & même les Gentilshommes de Nobleffe,

illuftre , foit ancienne ou acquife , eft fondée fur la lon-


gueur des fiecles , la premiere traduction des noms & des
Armes , & l'ancienne inveftiture des Fiefs.
Opinion Le P. Meneftrier (a ) prétend que le Gentilhommé de
du P. Me- nom & d'Armes , eft celuy dont le nom & les Armes font
neftrierfur
cette No- connues ; parce que pour être reçû aux Tournois , il fal-
bleffe.
loit être reconnu pour Gentilhomme , ce qui fe faifoit par les
Registres des Herauts qui avoient les noms & les Armoi-
ries des plus illuftres familles de toutes les Provinces. Quand
les noms & les Armes de ceux qui fe prefentoient aux Tour-
nois , étoient fur ces Regiftres , ils étoient reconnus pour
Gentilshommes de nom & d'Armes , ce qui n'appartient gue-
res qu'aux Maifons celebres. L'on peut encore , dit le mê-
me Auteur , donner la qualité de Gentilhomme de nom &
d'Armes à ceux qui avoient droit de porter Banniere , ou
Pennon dans les Armées , parce que c'étoit la coûtume de
mettre les Armoiries dans les Bannieres , & de crier le

nom de ceux qui portoient ces Bannieres , pour fe rallier.


Neanmoins , dit le P. Meneftrier , ( b ) après avoir bien
examiné cette matiere , il me femble que pour être Gentil-
homme de nom &d'Armes , il faut trois chofes, 10. Il faut
être d'ancienne Nobleffe , fans qu'il faille dans les preuves
remonter jufqu'au premier Annobli , ni produire les Let-
tres de fon annobliffement : que les quartiers produits foient
de femblable nature , c'eft-à-dire , que tous les ancêtres ,
tant paternels que maternels , foient veritablement Gen-
tilshommes , fans qu'il y ait aucun défaut , ni aucune tache,
dans leur naiffance qui puiffe empêcher la Nobleffe , c'eſt-
à-dire , ce qui fait le Gentilhomme. 2. Il faut avoirquel-
que titre de Nobleffe qui les diftingue , comme celuy

( a ) Meneſtrier , de la Nobleſſe , c. 7 ( 6 ) Ibid . pag. 289 .


pag. 277.
d'Ecuyer ,
fur la Chevalerie. Liv. II . Differt. I. 313
d'Ecuyer , de Chevalier , de Baron , de Comte , &c. ce
qui marque une Nobleffe de Fief , & fait un titre noble. En-
fin il faut que la Nobleffe foit Militaire , & que l'on foit fans
reproche ; c'est-à-dire , que l'on n'ait aucune tache qui
puiffe faire perdre la Nobleffe, ou comme parleM.du Cange:
Cujus vita ab omni probri fufpicione , vel nota immunis fit.
Je tiens donc , conclut cet Auteur , qu'un Gentilhom .
me de nom & d'Armes . eft celuy dont le nom & les Armoi-
ries font bien connus , foit qu'il puiffe prouver fes huit ou
feize quartiers , ou qu'il ne puiffe pas les prouver. Car il y a
des Gentilshommes & de grands Seigneurs qui fe font
mèfalliez , qui n'ont pas ceffé d'être Gentilshommes de
nom & d'Armes , pour n'être plus en état de prouver leurs
quartiers, & ce défaut n'empêche pas toûjours qu'ils ne foient
reçûs Chevaliers , quoiqu'il empêche qu'ils ne foient reçûs
dans les Colleges & dans les Eglifes qui demandent des
preuves de quartiers purement Militaires.
IX.

Quoique les Allemans ne fe contentent pas de huit quar- Comment


tiers de Nobleffe , & qu'ils en exigent feize pour être reçûs lesAllemas
dans les Chapitres des Eglifes, & dans lesOrdresMilitaires, & comptet
Nobleffe.la
que cela foit expreffement ordonné dans les Statuts de l'Or-
dreTeutonique, cependant cette Nobleffe de feize quartiers
eft à la verité plus dévelopée, & a quelque chofe en apparen-
ce de plus excellent que la Nobleffe des Gentilshommes de
nom & d'Armes ; mais elle ne fçauroit être plus excellente,
puifque la Nobleffe de nom & d'Armes a toûjours paffé pour la
plus relevée & la plus parfaite Nobleffe , & qu'on n'en fçau-
roit marquer de plus illuſtre.
Quelques- uns fupputent les lignes ou les quartiers de No-
bleffe en cette maniere. Ils rapportent au pere & à l'ayeul
les quatre quartiers , au bifayeul les huit quartiers , au

trifayeul les feize , au quart-ayeul les trente- deux, & au ma-


jeurs les foixante-quatre : Patrem , avum , proavum , aba-

vum , atavum Nobiles , ufque ad majores . Cette multiplicité


de quartiers . eft de l'invention des Allemans & des Fla-

mans , qui ont affecté également la Nobleffe paternelle


Rr
314 Differtations Hiftoriques & Critiques
& la maternelle , pour ſe diftinguer aux Tournois , aux Ob.
feques : & quand ils font les preuves pour être admis
dans certains Chapitres. Cette maniere de compter les de-

grez peut être utile , quand il s'agit de remonter au plus


haut qu'il eft poffible dans la ligne de fa propre famille
comme il s'obfervoit aux anciennes preuves de Nobleffe de
nom & d'Armes , parce que l'on en avoit les titres & les
preuves , qui manquent fouvent du côté des femmes.
Bodin (a ) dit que cet ufage des Allemans de remonter
jufqu'aux quart-ayeuls , eft une affectation trop recherchée

& une Loy pernicieuſe : Perniciofiffimè plerique Germanorum,


qui generis nobilitatem altiffimè repetentes , atavorum ata+

vos utriufquefexuspari nobilitate ad connubiajungenda conqui.


runt.

ARTICLE V.

De la Nobleße qu'on exigepour être reçû dans l'Ordre de

S.Jean de Jerufalem , des preuves qu'onfait


dans chaque Langue .

Ancienne- Et Ordre Militaire étant un des plus celebres qui


ment on Client aujourd'huy en Europe
ne faifoit foient aujourd'huy en Europe , on fera fans doute
point de bien aiſe de trouver icy en peu de mots ce qui concerne la
preuves. Nobleffe de ceux qui veulent entrer dans cette illuftre

Compagnie , & les preuves de cette Nobleffe qu'on a ac-
coûtumé de faire dans les Langues de chaque Nation,
I.

Comme il n'y avoit autrefois que les Gentilshommes


qui fuffent reçûs Chevaliers , il n'y avoit aufli que les
Gentilshommes reconnus pour tels , & fans autres preuves

de Nobleffe , qui trouvoient place dans l'Ordre de Saint


Jean de Jerufalem . L'an 1262. Hugues de Revel fit le pre-
mier Statut fur la Nobleffe que doivent avoir le Grand-
[a ] Joan. Bodinus , Andeg. de Re- publica , Lib. 6.
fur la Chevalerie. Liv. II. Differt. 1. 315
Maître & les autres Freres Chevaliers. Suivant cette Ordon-
nance perfonne ne pouvoit être élû Grand - Maître , qu'il
ne fût un ancien Gentil-homme , & déja reçû dans l'Or-
dre. Pour ce qui concerne les Chevaliers , il falloit qu'ils
fuffent d'une naiffance qui les rendît dignes d'un fi grand
honneur , ( a ) fous peine d'être dépouillez de l'Habit de
F'Ordre.

Du temps du Grand- Maître Claude de la Sangle , ( b ) il


fut ordonné qu'il falloit être né de mere libre , & ne def-
cendre ni de Mahometans , ni deJuifs, quand on feroit même
fils deComte & dePrince. L'on a toûjours regardé dans l'Or-
dre comme une qualité effentielle à l'état de Chevalier de
Juſtice , d'être Noble à parentibus.
Il y a plufieurs Statuts , Ordonnances , & Declarations, De ceux
qui expliquent lesconditions neceffaires à cette Nobleffe . qui sóc ex-
clus de
Dans le Tit. XLI . des Statuts du Grand- Maître de Verda- l'ordre de
le , (c ) on exclut de cette Nobleffe les Marchands , les Ban- Malte.
quiers , les Ecrivains de Banque , les Changeurs , les Ar-
gentiers , les Caiffiers , ou autres tenant Boutique & Maga-
zins , où ils ayent mefuré , vendu , ou diftribué des Etoffes

de Soye ou de Laine , des Grains , ou quelqu'autre choſe


que ce foit , fût-il auparavant Gentilhomme de nom & d'Ar-
mes , & de quelque Etat , Ville , ou Province qu'il puiffe
être. Dans la fuite il y a eu quelque changement pour ce
Statut en faveur des Genois & des Luquois. Par un Statut
de 1631. les Notaires & les Ecrivains furent exclus , & leur
état declaré contraire à la Nobleffe.
On reçoit indifferemment dans l'Ordre de Malte dans
les Langues de France , d'Italie , & d'Espagne , toute forte
de Nobleffe Militaire ou Civile , pourvû qu'elle ait les qua-
litez d'une veritable Nobleffe dans le Païs où l'on fait les

preuves. Parmi les Allemans on eft plus exact : car il n'y


a que les anciens Nobles d'une Nobleffe femblable à celle
que l'on demande dans les Chapitres , & dans les Colle-
ges , qui foient reçûs dans cet Ordre .

[ a ] Statuts de SaintJean deferufalem, I [ b ]Statuts , ibid. nomb . 7.


Tit. II. nomb. 9. [ c ] Statuts , ibid. nomb 41.
Rrij
316 Dißertations Hiftoriques & Critiques
I I.
La manie. Les preuves de Nobleffe pour entrer dans la Milice
re de faire de Saint Jean de Jerufalem , ne fe font pas toûjours fai-
les preuves
a changé. tes de la même maniere dont on les fait aujourd'huy. Au
XIII. & au XIV. fiecle toutes les preuves fe faifoient
Il fuffifoit d'avoir
fur de fimples fermens des Chevaliers.
eu des parens Chevaliers , pour être reçû ; l'abus n'étant
pas alors introduit , comme il eſt à prefent , de faire des al-
liances avec des perfonnes Roturieres , ou de Nobleffe peu
ancienne. Vers l'an 1500. on commença à donner des At-
teftations que l'on prefentoit au Chapitre , ( a ) & qu'on li-
foit en pleine Affemblée , après quoy on les envoyoit à
Rhodes.

Jufqu'au Statut fait par le Grand-Maître de Homedes ,


on n'atteftoit quelquefois que la Nobleffe du pere & de la
mere ; parce qu'étant une maxime univerfellement reçûë ,
que pour être Chevalier il falloit être de race de Cheva-
lier , on ne recevoit dans l'Ordre que des enfans de Che
valiers , ou de race Militaire. Ainfi c'étoit une preuve de
Nobleffe d'être fils de Chevalier. Depuis ce temps on ne re-

çût plus de Chevalier qu'à cette condition , qu'il donne-


roit des preuves fuffifantes de fa Nobleffe pardevant les Com-
miffaires qui feroient nommez & députez par le Chapi-
tre. ( b )
Preuves Depuis , vers le commencement du feiziéme fiecle ,

Faites par jufqu'au dix - feptiéme , les preuves ne fe faifoient que par
le feul té le témoignage de quelques Gentilshommes en peu de mots ,
moignage.
fur des feuilles de parchemin , fans qu'on y produisît ni ti-
tres ni Contrats , ni les Armoiries du Preſenté , ni celles de

ces quartiers. (c ) Ces témoignages ne paffoient pas le pere


& la mere , les ayeuls & ayeules , tant paternels que mater
nels. Vers le commencement du dix-feptiéme fiecle , les
Chevaliers ayant remarqué qu'il fe pouvoit gliffer des abus

( a ) Statuts , ibid. nomb . 18 20 , 21. ( c ) Ordonnances , ibidem nomb.


& 22. 7.
( b ) Ordonnances , tit. a. nomb. 5.
Suiv.
fur la Chevalerie. Liv. II. Differt . I. 317
à l'égard de ces preuves purement teftimoniales , il fut re- Preuves

folu que l'on drefferoit un Procez verbal appuyé de titres par par écrit
& par c
écrit pour établir la legitimation , & la defcente du Prefenté, tres.
avec les preuves de Nobleffe de fes pere , mere , ayeuls ,
ayeules , bifayeuls , bifayeules , au-deflus de cent ans : ce
qui compofe les huit quartiers , avec la peinture des Armoi-
ries de ces huit quartiers : auparavant il n'y en avoit que
quatre.
Enfin par les Statuts de 1631. on charge les Commiffai-
res députez de rechercher exactement la Nobleffe des Pre-
fentez , & d'en faire les perquifitions non feulement au lieu
de leur naiffance & de leur demeure , mais aux lieux mê-
mes de leur origine , & de l'origine des perfonnes qui entrent
dans la preuve , comme le pere , la mère , & les ayeuls. Si
l'on manque à ces formalitez , les preuves feront jugées n'ê
tre pas valables , & les Commiffaires feront obligez de faire
de nouvelles preuves à leurs propres frais & dépens , ou payer
d'autres Commiffaires qui feront nommez pour les faire de
nouveau . I I I.
Quoique la Nobleffe foit par tout une naiffance illuftre Preuves
& diftinguée , il y a pourtant diverfes manieres d'établir pour les
Langues
cette diftinction fuivant les ufages & les coûtumes des Païs . de France.
Pour les preuves des Langues de Provence , d'Auvergne ,
( a ) & de France , les Statuts portent , que ceux qui vou-
dront être reçûs au rang des Freres Chevaliers , ayent à રે
prouver que leurs bifayeuls , & bifayeules paternels & ma-
ternels foient Gentilshommes & leurs defcendans. Ces preu-

ves fe doivent faire par Témoignages , Titres , Contrats ,


Enfeignemens , ou Obéïffances renduës aux Seigneurs ; &
outre cela faire blafonner les Armes de quatre lignes .
I V.
Les Chevaliers Italiens ne prouvent la Nobleffe que de Preuves
quatre families ; fçavoir celle du pere , celle de la mere , pour la Lá-
celle de l'ayeule paternelle , & celle de l'ayeule maternel- не. gue d'Ita-
le. (b ) Mais il faut , à l'égard defdites quatre familles , que

(b )
titr ) Ordonnance du Chapitre General.
( ae 3. Naberat, Infructions pourfaire
les preuves de Nobleße.
Rriij
ns s
318 tatio rique ques
Dißer Hifto & Criti
l'on faffe voir qu'elles ayent eu la qualité de Nobleffe , cha-
cune depuis deux cens ans , à compter du jour que l'on fait
les preuves. Les preuves fe font par Contrat & Titres de
poffeffions de Terres ou Partages , ou femblables Ecritures,
que l'on confronte fur les Minutes des Notaires publics , &
des Archives qui fe confervent pour la Nobleffe dans toutes
les Villes d'Italie. L'on n'y prouve rien de la Nobleffe des
bifayeuls , comme l'on fait pour les preuves des Langues

de France , & l'on n'y met que les Armes defdites quatre
familles.

Outre ces preuves , l'on doit produire l'Extrait Bapti-


ftaire , comme en France. L'on choifit les plus vieux Gen-
tilshommes qui atteftent de la Nobleffe defdites quatre famil-
les , felon la coûtume qui eft auffi en France. Dans les Re-
publiques de Genes & de Luques , & dans les Etats du
Grand Duc de Tofcane , le Trafic, & le, Commerce de
Banque ne déroge point à la Nobleffe ; ce qui dans les autres
Païs d'Italie feroit tenu pour avoir dérogé. Le même privi-
lege s'eft auffi introduit dans les Etats du Pape. Quand les
preuves font faites , elles fe reçoivent en l'Affemblée , com-
me en France , pour être de là envoyées clofes & feel-
lées à Malte. L'on vifite auffi , comme dans les Langues de
France , lesTombes & les Fabriques anciennes , où le trou-
vent les Armes des quatre familles , & l'on infere le Procez
verbal dans les preuves. L'on ne fait point d'Arbre Genea-
logique ,comme en France : mais à la fin de la preuve de cha-
cun des quatre quartiers , l'on met leurs Armes.
V.
Nobleffe
En Italie on ne reçoit pas dans l'Ordre de Saint Jean de
qui eft re-
jue dansla Jerufalem toute forte de Nobleffe Civile. On y diftingue
Langue les Villes dont la Magiftrature fait une preuve de Nobleffe,
d'Italie.
de celles où l'on n'a pas un femblable privilege. Il y a plu-
fieurs Villes dans l'État Ecclefiaftique , où la Nobleffe Ci
vile eft reçûë , comme Rome , Bologne , Ferrare , Raven-
ne , Faenza , & plufieurs autres. Quand on prefente les
quartiers de quelque famille Noble de ces Villes-là , on met
Noble d'un tel lieu , ou d'une telle Ville. On a de fembla-
.
fur la Chevalerie. Liv. II . Differt. I. 319
bles égards pour les Villes de Tofcane , de l'Etat de Ge-
nes , de celuy de Veniſe , de Lombardie , & du Royaume
de Naples.
L'exactitude que l'on a à Naples pour la Nobleffe des Noblee
Segges , eft d'une grande fûreté pour les preuves que font des Segges
les Chevaliers. C'eft pour cela que dans les Convents de de Naples.
Donna Romita , di San Gaudiofo , & di San Ligorio , où
l'on ne reçoit que des Demoifelles , on n'y fait point de preu
ves , parce que l'on n'y reçoit que des filles des Maifons des
Seigneurs de la Nobleffe : & même dans San Ligorio on
n'en reçoit que des Segges de Nido & de Capoüana. On
a la même exactitude pour les Segges de la Nobleffe de quel-
ques autres Villes du même Royaume. La qualité de No-
ble de Meffine eft une preuve de Nobleffe , parce qu'il
n'y a que des Gentilshommes qui foient élevez à cette Di-
gnité.
V I.
Quand quelqu'un veut être reçû dans les Prieurez d'Ef Preuves

pagne , Frere Chevalier de l'Ordre de Saint Jean de Jeru- pour les


Langues
falem , avant que l'on nomme des Commiffaires pour faire d'Espagne.
les preuves , le Prétendant prefente les noms de fes quatre

quartiers ; ( a ) c'est-à -dire , de fon pere , de fa mere , de


fon ayeule paternelle , & de fon ayeule maternelle , & de-
clare de quel lieu & de quelle Ville eft originaire chacune
de ces Maifons ; fur quoy on députe des Commiffaires ſe-
crets qui vont fur les lieux s'informer fi aucune de ces Mai-
fons eft accufée de defcendre de Juifs , Mahometans , ou
autres Sectes hors de la Religion Catholique , & fi elles font
reputées pour Nobles.
Toute la preuve de Nobleffe dans les Prieurez d'Eſpagne
confifte en dépofitions de Gentilshommes , & autres per-
fonnes dignes de foy , fans produire ni Titres , ni Con-
trats , ni autres Ecritures , comme on fait en France. A

ces informations fur les quatre quartiers ,on ajoûte les vifites
des Eglifes , & autres lieux , où font les Tombeaux , Epita,
phes & marques d'honneur des Maifons , pour voir files Ar-
( a ) Ibid. Inftr. pour faire les preuv.
320 Differtations Hiftoriques & Critiques
moiries font conformes à celles qui ont été preſentées. Ou-
tre la preuve de Nobleffe & de Religion depuis la quatrième
generation ,on prefente fur une feuille de papier unEcu écar-
telé des quatre quartiers de la preuve ; c'eſt à dire , des Ar-
moiries des quatre Maifons produites pour la preuve de No-
bleffe. Ces preuves fe revoyent dans le Chapitre , & font
envoyées à Malte , pour être examinées dans la Langue :
ce qui s'obferve dans tous les Prieurez.
VII.
Preuves En Portugal il n'eft pas neceffaire de faire des informa-
pour les tions fecrettes fur la qualité des Maiſons & des quatre quar-
Portugais. tiers
, comme on fait dans les autres Prieurez de la Lan-
gue de Caftille & de Leon ; parce que par ordre du Roy
on conferve des Livres publics , où tous les noms des Mai-
fons Nobles font écrits avec grand foin : & fi les quatre
quartiers dont le Pretendu eft defcendu , ne s'y trouvent
pas inferez , on ne luy donne point de Commiffaires pour
faire fes informations : car pour en obtenir il fuffit de por-
ter au Chapitre une atteftation , par laquelle il paroiffe que
ces quatre Maifons y font écrites , avant que de paffer outre.
Cela eft conforme à un Statut qui a été fait pour le Prieuré
de Portugal en 1578.
VIII.
Autres u- Il y a en divers lieux de Catalogne , & dans l'Ifle de

les pr
fage seu ves Maiorque des
fur ufages pour la Nobleffe qui ont fait des
des Lan- difficultez pour les preuves de Nobleffe . La Ville de Barce-
gues d'Ef- lone crée des Ciudadans Honrats , qui font comme des
pagne .
Nobles de Cloche ; c'est-à-dire qu'étant mis au rang des

Citoyens diftinguez , ils acquierent la Nobleffe , comme


les Annoblis en France l'acquierent par les Lettres que le
Roy leur donne , & les Maires & les Echevins de certai-
nes Villes par l'entrée de ces Charges. Ce privilege a été
fouvent confirmé par les Rois d'Efpagne aux Catalans.
Quand ces familles ainfi annoblies ont cent ans depuis cette
création , elles font reçûës à Malte.
Il y a auffi à Maiorque des Ciudadans Honrats. C'eſt le
Roy qui les crée , comme il peut créer , quand il veut , des
Ciudadans
>
Jur la Chevalerie. Liv . II . Differt. I. 321

Ciudadans Honrats de Barcelone , ce qui eft une espece


d'annobliffement , qui eft reçû à Malte , quand il y a
cent ans qu'il a commencé . Les Ciudadans Militaires de
Maïorque tiennent le même rang que les Cavalleros , &
font reçûs dans tous les Ordres , où l'on fait preuve. Les
Ciudadans ordinaires ne font pas Nobles ; ils jouiffent pour-
tant de quelques privileges purement civils , mais ils ne font
pas reçûs dans l'Ordre de Malte.
IX .

Il n'y a point de Païs où les preuves foient plus exactes Preuves

& plus rigoureufes,qu'en Allemagne. L'on y fait une grande gupour la Al


e d' Lá--
difference entre les Maifons qui font tenuës pour Nobles , & Temagne .
celles qui peuvent être reçûës dans les Compagnies où l'on
fait preuve de Noblefle. Les Maiſons Patriciennes de plu-
fieurs Villes d'Allemagne , quoique Nobles , & tenues pour
telles dans ces Villes , ne font pas admifes dans les Colleges

où l'on fait preuve ; parce que leur Nobleffe eft regardée


comme civile, qui ne peut pas entrer dans les lieux, où l'on ne
veut qu'une Nobleffe Militaire de nom & d'Armes,
C'eſt pour cela que les feize Commandeurs ( a ) Capi
tulaires commis à la revûë des Statuts , confirmerent l'an-

cien ufage du Prieuré d'Allemagne , & ordonnerent que


felon cet ufage , & l'ancienne & loüable coûtume , tous
ceux qui voudroient être reçûs dans l'Ordre de Saint
Jean de Jerufalem , feroient preuve de feize quartiers de
Maifons toutes reçûës en Colleges , comme les preuves ſe
font dans ces Colleges. Les Gentilshommes qui dépofent
comme témoins , jurent la Nobleffe de ces feize quartiers,
que la Généalogie , qu'a prefentée le Prétendant , eft fide-
le , & prouvée par de bons titres , & que tous les quartiers
produits font de Maifons déja reçûës dans les Etats de No-
bleffe des Cercles , & capables d'entrer dans tous les Col-
leges Nobles C'est ce qu'on attefte
atteſte pour chaque quartier
en particulier avec tant d'exactitude , que l'on ne laifferoit

paffer un quartier qui auroit efté refufé en quelque


College.
(a ) Ordonnances , tit. 15.
Sf
322 Dissertations Hiftoriques & Critiques
X.
Preuves Les Polonnois n'ont point de Langue particuliere , mais

des Polon- feulement quelques Commanderies : cependant ils font reçûs


nois.
dans celle d'Allemagne , & font leurs preuves à la maniere
d'Allemagne ou de Boheme , c'eſt-à-dire , de feize quartiers.
Un Prélat , ou autre perfonne d'autorité , ayant reçû les
dépofitions des témoins jurez , & les ayant fait rediger par
écrit , les adreffe au Grand-Maître , ou au Grand- Bailly ,
qui eft de la Langue d'Allemagne , ou au Grand - Prieur de
Boheme , ou à l'Affemblée du Chapitre Provincial , les
priant d'ajoûter foy à ces dépofitions pour fervir de preu-
ves de Nobleffe , & d'information de vie & de mœurs pour

celuy qui prétend être reçû dans l'Ordre. On ajoûte que


les témoins ont fuivi perfonne pour perfonne , l'ordre des fei-
ze quartiers exhibez , marquant la qualité des Maiſons dont
le Prefenté eft forti , & les Armoiries de chacune de ces

Maifons pour les mieux diftinguer. Outre cet Acte on pre-


fente encore l'Arbre Généalogique des feize quartiers peint
& enluminé , avec les noms & les Armoiries.
XI.
Preuves
Les Chevaliers Teutoniques font les preuves de Nobleffe
pour les
Chevaliers de la même
12 maniere que les Chevaliers de Malte de la
Teutoni Langue d'Allemagne. ( a ) Il faut produire feize quartiers ,
ques.
huit paternels & huit maternels , tous de Maiſons capables
d'entrer dans les Colleges. Dès qu'un Chevalier Teutoni-
que a fait Profeffion , on met dans l'Eglife de la Comman-
derie , où il a fait Profeffion , une planche ronde , fur laquel-
le eft peint l'Ecuffon de fes Armoiries , avec fon nom ,
& le temps de fa Profeffion écrit en rond.

Au Baillage d'Utreht depuis le changement de Religion


les Commandeurs font Calviniftes , & ne reconnoiffent plus
l'Ordre. Ils ne font preuve que de quatre quartiers , dont

la Nobleffe eft atteftée par l'Etat des Nobles des Provinces


dont font les quartiers .
XII.
Suiffes re-
çûs dans la En la Langue d'Allemagne on reçoit trois ou quatre Suif-
Langue ( a ) Meneftrier , Traité de la Nobles- ise , chap. 7.
fur la Chevalerie. Liv . II . Differt. I. 323
fes pour Freres Chevaliers. Mais ils ne font pas des preuves d'Allema-
auffi rigoureufes que celles des Chevaliers de cette Lan- gue.
gue , qui doivent prefenter des quartiers capables d'être
admis dans les Colleges Nobles du Païs. Ainfi la preuve
qui fuffit
fuffit pour recevoir un Suiffe , ne fuffiroit pas fouvent
pour recevoir un Allemand.

ARBRE DE CONSANGUINITE'.

Quatre - ayeuls.
Trifayeul. Quatre-aycules.

Majeurs.
Bifayeul. I
Ayeul. Trifayeule. Quatre - ayeuls.
Quatre- ayeules.
Bifayeule. Trifayeul. Quatre - ayeuls.
Quatre-ayeules.
Trifayeule. Quatre - ayeuls.
Pere.

Quatre-ayeules.
PRETENDANT

Trifayeul. Quatre - ayeuls.

Majeurs.
Quatre- ayeules.
Bifayeul.
Aycule. Trifayeule . Quatre - ayeuls.
Quatre-ayeules.
Trifayeul. Quatre - ayeuls.
ou.
FILS,

Bifayeule.
Quatre-ayeules .
Trifayeule . Quatre - ayeuls .
Quatre-ayeules .

Quatre - ayeuls.
Trifayeul. Quatre - ayeules .
l
Ayeul. Bifayeu .
Majeurs.

Trifayeule. Quatre - ayeuls .


Quatre-ayeules.
Bifayeule. Trifayeul. Quatre - ayeuls.
Quatre-aycules.
Mere.

Trifayeule. 5 Quatre- ayeuis.


Quatre-ayeules.
1
1
Majeurs.

Trifayeul. Quatre - ayeuls.


Bifayeul. Quatre -ayeules.
Ayeule. Trifayeule. Quatre - ayeuls.
Quatre-ayeules.
Bifayeu
ZBifay le .. STrifayeul.
eule Quatre -ayeuls.
{ Quatre-ayeules.
Trifayeule. Quatre - ayeuls.
Quatre-ayeules,
324 Dissertations Hiftoriques & Critiques

EXPLICATION DE CETTE FIGURE ,

ou de l'Arbre de Confanguinité.

Dans laprefente Figure le Fils eft reprefentépar le Prétendant.


On remonte du Fils à fon Pere , & à fa Mere. Du Pe-
re on monte à l'Ayeul , & à l'Ayeule , du coté paternel ; &
de ceux - cy au Bifayeul & à la Bifayeule du mème côté pater.
nel. Le femblable s'obferve du côté de la Mere : de forte que
ces quatre lignes paternellesfont diftinguées des quatre mater-
nelles , n'y ayant rien de commun entre elles .

Our dreffer fur ce modéle les quatre quartiers ou lignes


P de chaque côté : fi c'eft en defcendant on commencera
à former la premiere ligne par le Bifayeul & la Bifayeule du
côté paternel ; & par le Bifayeul & la Bifayeule du côté
maternel. De là on defcendra à l'Ayeul & à l'A yeule pater-
nels , qui forment la feconde ligne , comme feront de l'autre
côté l'Ayeul & l'Ayeule maternels. Le Pere & la Mere font
à la troifiéme ligne , & le Fils ou le Preſenté eft dans la qua-
triéme ligne en defcendant.
Si l'on commence en remontant , le Préfenté fait la pre-
miere ligne , le Pere & la Mere forment la feconde , les
Ayeuls & les Ayeules font la troifiéme , les Bifayeuls & les
Bifayeules la quatrième .
Si l'on veut augmenter les quartiers , il faut former une
cinquiéme ligne , où l'on placera les Peres & les Meres des
Bifayeuls & des Bifayeules , & ce fera la ligne des Trifayeuls
qui fait les feize quartiers.
Au- deffus de cette ligne on met les Quatre - ayeuls qui
font les Ayeuls & les A yeules des Bifayeuls & des Bifayeu-
les , qui font trente-deux quartiers.
Enfin au- deffus de ces derniers on peut dreffer une autre
ligne , qui s'appelle des Majeurs , où l'on place les Bifayeuls
& les Bifayeules des Bifayeuls & des Bifayeules qui font foi-
xante-quatre quartiers ; ce qu'on pourroit pouffer encore
plus avant.
fur la Chevalerie. Liv. II . Differt. I. 325

ARTICLE VI.

La Nobleffe neceffaire pour recevoir le Collier d'un Ordre

Militaire , doit être établie fur de bons titres.

Uoique la Nobleffe ait un fondement reel , que la


Qvertu en foit la veritable fource , & que la perfonne
qui paffe pour Noble porte en foy la caufe effentielle & na-
turelle de cette illuftre qualité ; cependant cela feul ne fuf-
fit pas pour être reçû dans un Ordre de Chevalerie. Il faut

un aveu public de cette vertu , un Sceau & une impref-


fion qui en laiffe un témoignage autentique , par lequel
on puiffe connoître qu'on a reçu la Nobleffe de fes ancêtres ;
& c'eft ce qui fe découvre en faifant les preuves de Nobleſſe .
Comme la maniere de faire ces preuves eft arbitraire, Pieces fur
lefquelles
on trouve dans les Statuts des Ordres Militaires des Formu- on doit é-

les très - differentes pour examiner la Nobleffe des perfonnes tablir la


Nbleikt.
qu'on y veut recevoir. Je n'entreprens donc pas de les rap-
porter, puifque ce detail nous conduiroit trop loin, & ne peut
gueres contribuer à éclaircir cette matiere. Je laiffe , dis-je ,
toutes ces Formules pour examiner quelles font les pieces au-
tentiques aufquelles on doit avoir recours pour s'affûrer de
la Nobleffe de ceux qui afpirent à l'honneur de la Cheva-
lerie.

Ces pieces & ces titres ſe reduiſent prefque tous aux fui-
vans , dont quelques-uns fe trouvent clairement énoncées
dans plufieurs Declarations du Roy données contre les
K
Ufurpateurs de la Nobleffe ; ( a ) « Ceux qui foûtien-
dront être Nobles .... prouveront leurs defcentes & filia- «
tions avec poffeffion des Fiefs , Emplois , & Services de «
leurs ancêtres , par des Contrats de Mariages , Partages > се
Actes de Tutelle , Aveux , Dénombremens , & autres «

Actes autentiques , fans avoir fait ni commis aucune dé-


rogeance , & c. »
( a ) Declarat, du Roy à S. Germain en ¦ Laye le 19. Mars 1667.
Sf iij
326 ions ues s
Dißertat Hifloriq & Critique
Dans les Statuts de l'Ordre du Saint Efprit ( a ) ileft mar-
сс
qué , « Que les preuves de Nobleffe feront faites par Con-
trats deMariage ou Partages, Teftamens, Donations , Tran-

factions, Aveux, Dénombremens, Hommages, ou Extraits
‫כל‬
de Fondations , des peres , ayeuls , bifayeuls , dont feront
» tenus d'exhiber les originaux. » André Favin (b) rapporte
tout au long , les Commiffions & les Inftructions pour infor-
mer de la Nobleſſe , vie & mœurs des Chevaliers qui doivent
être reçûs dans l'Ordre du Saint Efprit.
Preuves Comme la Nobleffe de nom & d Armes eft la plus illuftre ,
de la No- le Lecteur ſera bien aife de trouver icy comment on peut
bleffe de
nom & prouver cette forte de Nobleffe , & qu'on eft Gentilhom-
d'Armes. ce
me de nom & d'Armes. « Cela ſe remarquera , dit M. de la
"
Roque , (c ) dans les Hiſtoires , par l'ancienneté du nom,
‫כט‬
par la regularité des Armes , & par l'ufage des Cris de
Guerre par la longue poffeffion des Terres & des Sei-
30
gneuries , par les Alliances toûjours Nobles , par la quali-
té de Chevalier , de Banneret & de Bachelier , par les Di-
‫ככ‬
gnitez , par les Fondations d'Eglife , par les rangs qui fe
‫כל‬
donnent dans les plus celebres Affemblées , dans les Parle-
» mens , aux Baptêmes , aux Nôces , aux Funerailles , aux
33
» Tournois , & aux Sacres des Rois . Cette Nobleffe fe peut
» encore montrer par les Sceaux , les Epitaphes , les Tom-
33
beaux , les Hommages, les Chartres , les Cartulaires , les
"" Regîtres des Treforiers des Guerres , & autres monu-
,, mens publics.
Mais fi on veut fçavoir quelles font les perfonnes qui font
veritablement du nombre des Gentilshommes de nom &
d'Armes , il faut avoir recours aux anciens Rôles des Ar-
mées , & aux Armoriaux qui ont été dreffez par les Herauts
fuivant l'Ordre des Rois. Ši tous les Gentilshommes de nom

& d'Armes n'y font pas compris , par l'alteration ou la perte


qui s'en eft faite, il y en a neanmoins un très- grand nombre.
Etfi ceux qui vivent , portent le même nom & les mêmes

( a ) Stat. de l'Ordre du S. Efprit , Art. | liv. 3. pag. 675 &ſuiv.


XXI. (c) De la Roque , Traité de la No-
(b ) Favin , Theatre d'Hon. tom. 1. 1 bleffe , chap . 7.
fur la Chevalerie , Liv . II . Differt . I. 327

Armes , s'ils poffedent les mêmes Fiefs hereditairement , &


s'ils prouvent leur defcente par plufieurs générations , de-
puis ces premiers jufqu'à eux , on ne doit pas douter qu'ils ne
foient heritiers de cette Nobleffe de nom & d'Armes.

ARTICLE VII.

La Nobleffe prouvée par des titres autentiques nefuffit pas


pour être Chevalier.

' Il falloit s'en tenir à quelquesOrdonnances de nos Rois,


S au fentiment de plufieurs Auteurs , & à l'uſage de cer-
tains Païs , on feroit contraint d'avouer que la naiffance
fait le Chevalier , qu'elle eft hereditaire comme la Nobleſſe ,
& qu'après qu'on auroit donné des preuves de cette Noblef-
fe , on pourroit être reconnu Chevalier.
Il fe prefente d'abord une Ordonnance de Louis XIII . Défenſe
publiée le 15. Janvier 1629. Dans l'Art , CLXXXII I.le de Louis
XIII. de
Roy s'explique ainfi : " Nous défendons à tous non-No- " de prendre
bles d'en prendre la qualité , fe dire Ecuyers , ni porter " de la qualité
(c Cheva-
Armoiries timbrées ; & à toutes perfonnes de prendre lier.
la qualité de Chevalier , s'ils ne l'ont obtenuë de nos Pré- "
deceffeurs , ou de Nous , ou que l'éminence de leur Char- "
ge ne la leur attribuë . ,, Voilà fuivant les termes de cette
Ordonnance comment la Chevalerie peut venir des ancê-
tres , ou s'acquerir par les Charges.
C'eft fans doute fuivant cette Declaration que les Com-
miffaires Generaux de la Province de Bretagne étant affem-
blées pour la reformation des Ufurpateurs de la Nobleffe ,
declarerent Chevaliers , tous les Marquis , les Comtes , les
Barons , & les Châtelains , & leurs fils aînez . Ils mirent dans
le même rang , tous les enfans des Officiers de la Couronne,
des Gouverneurs & des Lieutenans Generaux de la Provin-
ce , les enfans des Premiers Prefidens des Cours Souveraines
des Chevaliers du S. Efprit, & les enfans des premiers Offi-
328 tions Historiques & Critiques
Differta
ciers de la Maiſon du Roy , à l'égard des aînéz Bretons de
nation.

S'il falloit encore des exemples de Chevaliers , qui ont fait


paffer la Chevalerie à leurs enfans comme un droit heredi-
taire , la France , l'Italie , & d'autres Païs nous en fourni
roient plufieurs .
Privilege Juftel (a) remarque que les Vicomtes de Turene n'avoient
desVicom-
tes de Tu- pas feulement le droit de faire des Chevaliers ; mais auffi il
rene. rapporte les Lettres Patentes de Sigifmond Vicomte de Tu
rene , par lesquelles il accorde à Rodolphe de Beffa , à ſes
neveux , & à tous leurs defcendans l'honneur de la Che-

valerie , & tous les privileges qui y font attachez . Raymun-


das Turene Vicecomes , omnibus ad quos præfentes Litteræ

pervenerint , Salatem. Satis nobis innotuit , quòd dilectus nofter


Rodulphus de Beffa & nepotes illius ex generofa progenie duxe-
runt originem , &fideliffimi nobis femper præ cæteris extiterunt.
Idcircò donavimus & conceffimus eis , & fuccefforibus fuis , ut
fint Milites , & privilegium habeant Militie , pariter &
honorem , &c. Actum apud Moftavam , an. 1219.
Dans le Teftament du même Sigifmond fait l'an 1245.

On trouve ces paroles : Item volo & præcipio , quòd Raymun-


dus filius meus faciat Milites ad honorem meum , & ad utilita-
tem eorum , Hugonem de Sanito Amantio & Petrum de fo
Domicellos meos . ( b )
Cheva- On a vû à Rome , felon Menenius , que la qualité de
liers de S. Chevalier de Saint Jean de Latran a été hereditaire en cer-
Jean de
Latran. taines familles , par privilege des Empereurs. Ce privilege
fut accordé à Noble Salomon de Laqua de Saint Gal Com-
te du facré Palais de Latran & du S. Empire , par Charles de
LuxembourgIV . du nom , Empereur desRomains. CePrince
declare ce Laqua & tous fes fucceffeurs , Chevaliers du facré
Palais de Latran. Carolus Romanorum Imperator Nobili Sa-
lumo de Laqua de Sanéto Gallo &c . Te & hæredes tuos legiti-
mos mafculinifexus , à te in perpetuum defcendentes facri La-
teranenfis Palatii Milites creamus , ftatuimus. ( c )
(4 ) Juftel , Preuves de la Maifon de 1 (c ) Datum Nurembergi , ann. 1378.
Turene , pag. 39: Indict . 1. 13. Kal . April.
(b ) luiter, Ibid. pag. s
L'an
furla Chevalerie. Liv . II . Differt . I. 329
L'an 1553. Charles V. étant à Bruxelles , confera la Di-

gnité de Chevalier à un nommé Etienne Prats , & à tou-


te fa pofterité. Stephanum Prats Equitemfive Militem arma-
mus , facimus & creamus , volentes , & eadem autoritate
decernentes , quòd tu & pofteritas tua , tam nata , quam nafci-
tura, ex nunc in perpetuum Milites (itis, nominemini , intitule-
mini. (a)
Enfin pour ne rapporter d'autres exemples , Nicolas.
Upton remarque que l'Empereur Maximilien I I. crea
Chevalier , Thomas de Salerne Docteur en l'un & l'autre
Droit , Prefident du Confeil de Naples , fes freres , & tous
fes defcendans mâles. Thomam Salernitanum , ejufquefratres,
natos & nafcituros defcendentes mafculos in infinitum Milites
five Equites auratos creamus. ( b )
Je n'entreprens pas de rapporter les paffages de tous les Remar-

Ecrivains qui ont enfeigné que la Chevalerie eft un privi- ques fur
lege de Naiffance qui fe communique avec le fang. Je di- cette Chee
valerie de
ray feulement deux chofes : la premiere , que ces Ecrivains race.
confondent la Chevalerie de race , ou la Nobleffe ancien-
ne & Militaire , avec l'Ordre de Chevalerie , ou la Che-
valerie honoraire , qui font très-differentes , comme nous
l'avons remarqué: en fecond lieu , que la plus forte preuve de

ces Ecrivains et établie fur un ancien ufage obfervé en Fran-


ce,à Naples, & ailleurs, fuivant lequel on reconnoiffoit pour
Chevalier , c'est-à- dire , Noble , celuy qui étoit né d'un pe-
re Chevalier , ou Gentilhomme ; & l'on ne pouvoit afpirer à
la gloire de la Chevalerie honoraire , fi l'on n'étoit iffu d'u-
ne Famille confiderable par fa Nobleffe , & par fa Chevale-

rie. Cautum olim ne Militesfierent qui de genere Militum non


nafcerentur. ( c )
C'est pour cela que
fous le Regne de S. Loüis l'an 1261 .
on examina fi un nommé Pierre , dit aux Maffuës , étoit de
telle race , qu'il dût être reconnu Ghevalier. Ayant été
prouvé que l'Ayeul de Pierre portoit la qualité de Cheva-

( a ) Datum Bruxel die 20. Novemb. (c) Petrus à vinea , Epift. Lib. 2.
1553 cap. 17.
( b ) Datum ann. 1568.
Tt
330 Dißertations Hiftoriques & Critiques
lier , le Confeil du Roy declara que le même Pierre feroit
honoré du titre de Chevalier , c'eſt-à-dire , Noble & Gen-
tilhomme. Voluit Confilium Domini Regis , quòd ifte Petruš
remaneret Miles.

Mais Charles II. Roy de Naples a fort bien diftingué ces


deux fortes de Chevaleries dans l'Edit qu'il fit en1294. où il
eft ordonné que la Chevalerie ne feroit conferée qu'à celuy
dont le pere , pour le moins , auroit été Chevalier. Nullus
poffit accipere militare cingulum , nifi ex partepatris faltemfit
Miles.
Je laiffe les Ordonnances de plufieurs autres Princes , pour
conclure que les preuves des Ecrivains, que nous avons citez ,
n'ont pas affez de folidité pour convaincre que la Chevalerie
La Che- fuit la naiffance & la vraye Nobleffe. Si l'Ordonnance de

valerie de Louis XIII . a été publiée , elle n'a jamais été reçûë en Fran-
pend uni- ce: l'on accorde donc volontiers que les grands Seigneurs font
quement
du Prince. Chevaliers , lors qu'il plaît au Roy de leur conferer cet hon-
neur. Ce glorieux titre dépend uniquement de l'Autorité
Royale , & de la volonté du Prince ; mais il n'eft pas attaché
à la Nobleffe de la naiſlance , ni à l'éminence des Charges.
Les Nobles de Bretagne ( 4 ) ne peuvent juftement
prétendre d'autre privilege furce fujet , que le privilege dont
jouiffent les autres Provinces , puifqu'ils font également Su-
jets de Sa Majefté , & foûmis à fes Ordonnances , qui font
très- oppofées aux Déliberations des Commiffaires de cette
Province.
Nous ne défavoüons pas que la Chevalerie du facré Pa-

Jais de Latran paffe des peres aux enfans , & que des Famil-
les particulieres , par la conceffion des Souverains , joüiffent
du même privilege ; mais ce font des privileges affez rares ,
qui ne fçauroient détruire les Loix generales communément
reçûës en Europe , ni donner atteinte aux Reglemens par-
ticuliers de la France. Ces Regles du Royaume nous ap-
prennent qu'une naiffance illuftre , & la vraye Nobleffe
ou , fi l'on veut , la Chevalerie de race > peuvent bien être
le fondement de la Chevalerie , dont nous parlons , mais
(a ) La Roque , Traité de la Nobieffe , chap. 99.
fur la Chevalerie. Liv. II . Differt. I. 331
qu'elles ne la communiquent pas fans le confentement du
Prince.
Sila Chevalerie étoit hereditaire dans les Familles , ou in- LaCheva,
feparables des grandes Dignitez , les Ducs , les Marquis , les lerie n'eft
pas héredi
Comtes , & ceux qui font élevez aux premieres Charges faire.
de l'Etat ; les Princes fur tout , les Rois & les Empereurs ,
comme nous l'avons marqué ailleurs , n'auroient pas ajoûté
le glorieux titre de Chevalier , à ceux qu'ils avoient reçûs
par leur naifance, ou qui leur ont été conferez par la grace
de leur Souverain.
Ileft vray que le fils d'un Ecuyer , d'un Noble , d'un
Gentilhomme , naît avec ces qualitez , parce que la Noblef
fe eft attachée à la naiffance , qu'elle fe communique aux
enfans , & qu'elle eft hereditaire : mais la Chevalerie eſt
une Dignité accidentelle fondée ſur le merite perfonnel ;
qualité qui ne vient point de la nature , mais de la grace
du Souverain , quoiqu'elle fuppofe la Nobleſſe.
C'eft fuivant ces principes qu'on foûtient communément Sentimens
que la Chevalerie n'eft pas un ouvrage de la nature , mais des Jurif
confultes .
de la grace du Prince ; que cette Dignité ne paffe pas aux
enfans , comme la Nobleffe & la Chevalerie de race , mais
que c'elt une qualité perfonnelle : une naiffance illuftre en
jette les fondemens , la vertu propre , la valeur & le merite
difpofent à ce haut degré d'honneur , la puiffance fouve-
raine du Prince luy donne fa perfection.
Voicy comment s'expliquent les Jurifconfultes fur ce fu-
jet : Licèt generis nobilitas in pofteros derivetur › non tamen
Equeftris Dignitas. ( a ) Equeftris Dignitas Principis opus eft.
(b ) Milites fiunt , five creantur : quia fine creatione allua-
li feu promotione ad Militiam , nullus poteft effe Miles . ( c )
Titulus Militis ad hæredes minimè tranfmittitur. ( d )

[ 4 ] Petrus à Vinea , Lib. 3. Epift. [ ] Molin. In Repertorio.


ap. 29. [ d ] Federicus de Sande , Tract. de
[b ] Anton. Perez , Ad Cod. lib. 12. varioperfon. genere , cap. 3. de Nobilitate
de Equeftri Dignitate. gelrica.

Ttij
332 Differtations Hiftoriques & Critiques

ARTICLE VIII.

Il n'y a que le Souverain , ou celuy à qui il accorde ce

privilege , qui puiffent conferer la Chevalerie,

A Chevalerie eft une fi haute Dignité , qu'il n'y a


L propr
ement que l'Autorité Souveraine qui la puiffe
communiquer. C'estune maxime reçûë en France , & par-
mi les Nations étrangeres , qu'on ne peut fans ufurpation
porter le glorieux titre de Chevalier , le Prince ne le don
ne. Ne quis titulo Equitis utatur , nifi Dignitate Equeftri à
Principibus donatus . ( a )
Loix con-
tre les u- Les Empereurs & les Rois ont toûjours été jaloux de ce
furpateurs droit , qui fait un des plus beaux fleurons de leur Couronne ,
du titre de Pour le foûtenir contre les ufurpateurs , ils ont fouvent fait
Cheva-
lier. des Loix auffi juftes , que rigoureuſes, L'Empereur Maxi-
milien I. défendit fous de griéves peines , dans les Païs de
fon Obéïffance , de s'attribuer la qualité de Chevalier , à
moins que d'en avoir été honoré, Voicy les termes de fon
Edit : Si défendons bien expreffément à tous nos Val
faux , Sujets & Habitans de nos Païs , de quelque quali-
" té qu'ils foient , de fe dire ou intituler Chevaliers , s'ils
2) n'ont été créez & faits Chevaliers par Nous , ou par nos
Prédeceffeurs , à peine de cent florins d'amende , & que
" ledit titre fera biffé de tous les écrits où il fera trouvé,,
Une femblable Loy fut faite à Paris l'an 1614. dans les
Etats Generaux affemblez , qui demanderent au Roy Louis
XIII. que défenfes fuffent faites à tous Gentilshommes , de

prendre la qualité de Chevalier , s'ils n'étoient honorez de


l'un des Ordres de Sa Majefté , à peine de mille livres pari-
fis d'amendes
Le Souve
rain C'est ainsi que ces Princes expliquent leur intention fur
donner le ce fujet , comme étant très-bien perfuadez qu'eux feuls
pouvoir (a ) Ordonnances des Archiducs d'Autriche de 1616,
fur la Chevalerie. Liv. II. Differt . I. 333

peuvent communiquer l'honneur de la Chevalerie , & qu'il de confe-


n'appartient qu'à celuy qui a la Souveraine Puiffance , de rer la Che-
valerie.
faire des Chevaliers , ou de donner aux autres le pouvoir de
conferer cette excellente Dignité.
On voit en effet que nos Rois permettent fouvent dans les
Lettres de Chevalerie qu'ils accordent , que le nouveau
Chevalier pourra recevoir cette qualité de tel Chevalier
qu'il trouvera bon, comme il fe pratique tous les jours dans les
Provinces , où le Roy defigne quelqu'un en particulier pour
faire cette fonction à la place. Nous en avons un bel exem-
ple de Louis XI . Ce Prince ayant été facré & couronné
l'an 1461. fit plufieurs Chevaliers de fa main , & pria enſuite
le Duc de Bourgogne de faire les autres qui le devoient
être: & on en créa près de deux cens dans cette Solem-
nité.
Il n'eft pas même neceffaire que celuy qui eft revêtu du Il ne faut

droit du Prince pour faire des Chevaliers , foit luy - même pas être
Chevalier
Chevalier. Il eft vrai qu'anciennement perfonne ne pouvoit pour don
conferer la Chevalerie , s'il n'étoit Chevalier ; ni donner ner laChe-
l'Acolade , s'il ne l'avoit auparavant reçûë . Mais les Sou- valerie.
verains ne fe font pas crûs fujets à ces Loix. Ils ont été per-
fuadez qu'ayant la Souveraine Autorité de faire des Che-
valiers , ils la pouvoient communiquer à ceux qui n'ont
pas reçû l'honneur de la Chevalerie.
Si celuy qui n'a pas la Chevalerie , la peut conferer aux Si on peut
autres , quand le Prince luy en a donné la Commiffion ; il fe donner
femble pourtant que perfonne ne fe la peut communiquer à la Cheva-
leric.
foy-même , comme il ne peut pas fe baptifer , ou fe confe-
rer les Sacremens. Cependant cette Loy peut avoir quel-
que exception à l'égard des Princes. Pourquoy ne leur fe-
roit-il pas permis de prendre eux - mêmes les ornemens de la
Chevalerie preparez fur l'Autel ? C'eft de la forte que le
pratiqua Ferdinand III. Roy de Caftille. L'an 1258. ce
Prince étant dans l'Eglife du Monaftere de Sainte Marie la
Royale de Burgos , & tout étant prêt pour la Cérémonie,
dans laquelle ce Roy devoit recevoir la Chevalerie , il fe cei-
gnit luy -même du Baudrier militaire , & fe fit Chevalier ,
Teiij
334 Differtations Hiftoriques & Critiques
difant manu propria accinxi me cingulo militari . ( a ) Je me
fuis fait Chevalier de ma propre main , & j'ay pris la cein-
ture qui en eft la marque.
Tertia die ante Feftum S. Andrea in Regali Monafterio pro-
pè Burgis Miſſa à venerabili Mauricio Burgenfi Epifcopo , &
armis militaribus benedictis , ipfe Rex fufcepto gladio ab Al-
tari, manupropria fe accinxit cingulo militari . (b)

************* ************ .***¤ ***

DISSERTATION II.

Des Cérémonies obfervées en donnant la Chevalerie.

N celebre avec toute la magnificence poffible la naif


O fance & le Baptême des Princes , le Sacre , le Cou-
ronnement , & le Mariage des Rois , leur Entrée & leur

Reception folemnelle dans les Villes & les Provinces , & au-
tres femblables Fêtes. Les Jeux , les Ornemens fomptueux ,
la richeffe des Habits , les Divertiffemens , les Feftins , les
Largeffes , accompagnent ordinairement ces réjouiffances
publiques.
Les Cérémonies de la Chevalerie font à la verité moins
éclatantes : elles ont pourtant quelque chofe qui approche
de ces magnificences , & toûjours quelque Solemnité , qui
eft plus miſterieufe , & peut-être plus augufte : car pour
rendre plus venerables les Cérémonies de la Chevalerie, on
affecta d'imiter la plupart de celles de nos Sacremens. Le
Bain où ſe mettoient les Chevaliers , a quelque rapport avec

le Baptême , le foufflet qu'on luy donnoit , reprefente quel-


que chofe de ce qui fe fait dans le Sacrement de Confirma-
tion , & ainfi des autres. On en pourra juger par la defcri-
ption que nous allons faire de ce qui fe paffoit ancienne-
ment , & de ce qui s'eft obfervé dans les derniers fiecles ,
quand les Princes ont conferé l'honneur de la Chevalerie.

( a ) Barnab Moreno de Vergas , ( b ) Rodericus Tolet. Lib. 9. de Reb.


Dift. 8. num . 4. Hifpanic. cap. 10.
fur la Chevalerie. Liv. II. Differt , II . 335

ARTICLE I.

Suivant les temps les Nations , les Cérémonies de la


Chevalerie ont varié.

Es preuves de Nobleffe étant faites , on marquoit le


jourpour la Reception folemnelle des Chevaliers. Les
Cérémonies de cette Célebrité ont été très- differentes , fui-
vant les temps & les lieux. Pendant le Regne de nos Rois de
la premiere & de la feconde Race , & même au commence-
ment de la troifiéme , la Chevalerie fe conferoit avec peu de
Cérémonies. En France & en Allemagne on ceignoit le
nouveau Chevalier d'une ceinture dorée , avec une Epée
enrichie de pierres précieuſes , & richement garnie . Bal
theum magnum ex auro , lapidibufque pretiofis ornatum , gla-
diumque mirabilem , cujus capulum ex gemmis hifpanicis , auro-
que difpofitum erat. (a )
Le Moine de Saint Gal fait la defcription de cette Epée ,
en ces termes : Hac erat paratura antiquorum Militum
Francorum......
... Baltheus fpate colligatus , quæ fpata , primò
vaginafragea , fecundò corio qualicunque , tertiò linteamine
candidiffimo cera lucidiſſima roborato , ita cingebatur , ut per
medium cruciculis eminentibus auraretur. ( b)
On luy donnoit un baifer à la joüe gauche , Ofculumpacis .
Enfuite on le frapoit doucement à la joüe , ou , fuivant l'ex-
preffion de ce temps , on luy donnoit une paumée , pour le
faire fouvenir de ce qu'il alloit promettre , & de l'honneur
qu'il recevoit par l'Ordre de la Chevalerie. Celuy qui fai-
foit la Cérémonie , ajoûtoit ces mots : En l'honneur du Pere ,
du Fils , & du Saint Eſprit , je vous fais Chevalier. Enſuite ,
le Chevalier étant encore à genoux , faifoit le Serment de
fidelité. Voilà les Cérémonies que Charlemagne mit en

[ a ] Gregorius Turon. Lib. 10 cap. [ b ] Le Moine de Saint Gal , In Vita


21. Hift. Caroli Magni.
336 Differtations Hiftoriques & Critiques
ufage , quand il fit Chevalier l'Empereur Louis le Debon-
naire fon fils à Ratisbonne.

Cérémo- Depuis le commencement du XII . fiecle , que les Ordres


nies dans
- de Chevalerie fe multiplierent beaucoup , jufques vers le
ces der
niers fie- XV. ou XVI . fiecle , la reception des Chevaliers fe fai-
cles.
föit avec de grandes Cérémonies. L'Ecuyer qui devoit
recevoir ce glorieux titre , étoit obligé avant toutes chofes
de prier Dieu de luy donner fa grace & fa benediction ;
de jeûner la veille de la Fête choifie pour cette Solemnité ;
de confeffer fes pechez ; de communier ; de faire la veille
d'Armes , c'est-à- dire , de paffer la nuit en oraifon dans
l'Eglife. Hac die mos eft , ut nocte præcedenti , vigiliis factis ,
gladiisfupermajus altare pofitis , & benedictis , poft vigilias &
.
balneas , novi Milites militari cingulo & torque aureo decoran-
tur. Voilà ce qui s'obfervoit du temps du Moine de Saint
Gal.
Paffer la Cette Cérémonie de paffer dans l'Eglife la nuit avant que
nuit dans de recevoir la Chevalerie , eft très-ancienne. Il en eft par-
l'Eglife.
lé dans l'Hiſtoire de Charles VI . en ces termes : Infignes

adolefcentes præditi habitu eodem quo prius ante Martyres re-


ducuntur , ut ibidem , ficut mos antiquitus inolevit , in orationi-
buspernoctarent. Froilfart ( a ) fait la même remarque , par-
lant des quatre petits Rois d'Irlande , qui devoient prendre
la Chevalerie : " Et adonc , dit-il , veillerent toute la nuit
, les quatre Rois en ladite Eglife , & au lendemain à la
>> Meffe , & à grand folemnité ils furent faits Chevaliers.
Après la veille d'Armes , pour animer le nouveau Cheva-
lier à une figrande action , on luy faifoit un long difcours
fur les Myfteres de la Foy , fur les Commandemens de Dieu,
& fur les autres chofes qui appartiennent à la Religion Ca-
tolique.
Il devoit " Le jour de la Cérémonie le Prétendant étoit obligé de ſe

fe baigner . baigner. Cet uſage eft très-ancien , puifque le Moine de


Marmoutier ( 6 ) remarque dans l'Hiftoire de Geoffroy Duc
de Normandie , que cette Cérémonie fut obfervée quand

[ a ] Froiffart , 4. vol. cap . 63. de ! [ b ] Joan. Monach . major Monaft-


Milit. quatuor Regum Hibern. Lib. 1. Hift. Gofredi Ducis Norman.
се
fur la Chevalerie. Liv. II . Differt. II . 337

ce Prince reçût l'Ordre de la Chevalerie : Illucefcente die al


tera Balneorum ufus, uti tirocinii fufcipiendi confuetudo expoftu-
lat , paratus eft. Ileft auffi fait mention du Bain où ces nou-
veaux Chevaliers fe devoient laver , dans la Vie de Char-
les VI. Roy de France. Le Roman de Garin en parle en
ces termes :

Quant fu bagnié , fus el- Pales en vint ,

Bienfu veftu & de verd & de gris ,


Mult fu apers & Chevaliers eftis ,

Gros par efpaules , & larges par le pis ,


Et Yforé le branc d'acierli cuit ,
Puis le beffa , mult docement li dift , &c.

Un Hiftorien ( a ) raconte que dans le Royaume du Me- On con


duifoit le
xique les Prêtres lavent les enfans des grands Seigneurs , Chevalier
avant que de les faire Chevaliers. à l'Eglife.
Au fortir du Bain le Chevalier étoit richement vétu , &
conduit à celuy qui luy devoit donner la Chevalerie. Quel-
quefois les plus proches parens du Chevalier le conduifoient
à l'Eglife & à l'Autel . C'eft ce qui arriva lorſque Amaury
de Montfort fut fait Chevalier. Le Comte fon pere le prit
par la main droite , & la Comteffe fa mere par la main gau-

che , & s'approchant de l'Autel , le prefenterent à l'Evêque


qui faifoit la Cérémonie , le priant de faire cet enfant Che-
valier pour le fervice de Jefus- Chrift Rogantes Epifcopum ut
faceret eum Militem ad fervitutem Jefu Chrifti. ( b)
Le Chevalier étant à genoux devant l'Autel , les yeux & On ar-
moit -
les mains élevez vers le Ciel , celuy qui préfidoit à la Céré- Cheva le
monie , luy mettoit la Lance à la main , & luy donnoit le lier.
Chapeau , le Haubert , les Chauffes de fer , le Gorgerin , la
Maffe , l'Ecu , les Gantelets , le Cheval , la Selle , & tou-
tes les autres chofes neceffaires pour armer un Chevalier. On
lui faifoit entendre que tout cela étoit myfterieux , & que
chacune de ces pieces le devoit inftruire de fon devoir. En-

( a ) Jofephus à Cofta , Lib . 7 Hift | ( b ) Vallis , Hift. Albig. cap. 70. Item
Indica , cap. 27. Į Rainald. Ad an. 1213. num. 66.
Yy
ons rique
s
ques
338 rtati Hifto & Criti
Diffe
fuite on luy ceignoit l'Epée , après avoir été benite avec des
fignes de Croix accompagnez de Prieres.
Du temps de Pierre de Blois , ( a ) qui eft mort vers la
fin du XII. fiecle , les Chevaliers alloient prendre l'Epée
fur l'Autel , pour marquer qu'ils étoient les enfans & les dé-
fenfeurs de l'Eglife: Hodie Tyrones enfes fuos recipiunt de Alta-
ri, ut profiteantur fe effe filios Ecclefiæ , atque ad honorem Sacer-
dotii, ad tuitionempauperum , ad vindictam malefa&torum ,
Patria liberationem,gladium accepiffe . C'étoit autrefois la coût-
tume en France, que les Chevaliers, pour faire paroître qu'ils
étoient prêts de maintenir la Foy , tenoient leur Epée nuë
en Pal , tandis qu'on difoit l'Evangile à la Meſſe.
On luy donnoit enfuite les Eperons dorez , & on le fra-
poit doucement à la joüe. La Cérémonie de donner un
foufflet à celuy qui recevoit la Chevalerie , vient de l'ufage
du Sacrement de Confirmation , qui eft une espece de Che-
valerie Chrétienne , où en vertu de ce Sacrement on reçoit

des armes fpirituelles , pour refifter aux tentations, pour com-


battre nos ennemis invifibles , & pour fouffrir patiemment
les injures. ( b )
Le nouveau Chevalier étant encore à genoux , faifoit fer-
ment de fidelité , & de garder les Statuts de l'Ordre où il
entroit. Enfin on luy donnoit l'Accolade , ou le baiſer de
Paix. C'eſtpar un abus manifeſte que l'on appelle l'Accolade
ce baifer de Paix ; car anciennement la Collée étoit le coup
d'Epée que l'on donnoit fur le col du Chevalier , & par le
rapport qu'il y a entre la Collée & l'Accollée , on a dit Cheva-
lier de l'Accollade , ou de l'Accollée.
Ce que
Un Chevalier ainfi armé avec toutes les Cérémonies dont
c'eft qu'un
Chevalier nous venons de parler , s'appelloit un Chevalier Adoubé. Ce
Adoubé.
adobare , vient d'adoptare , fuivant M. du Cange ;
parce que celuy qui armoit un Chevalier , l'adoptoit en quel-
que maniere pour fon fils . Per Arma poffefierifilium , grande
inter gentes conftat effe præconium : quia non eft dignus adopta-
ri, nifi quifortiſſimus meretur agnofci. ( c ) Ce terme , adouber
• (a ) Petrus Blefeus , Epift . 94.
(c) Senator , Lib . 4. Epift. 2. apud du
(b) Menestrier, de la Cheval. ch.1. Cange , Gloff. Latin. verbo Adobare.
fur la Chevalerie. Liv. II . Differt. II. 339
eft fort commun dans nos vieux Poëtes. Le Roman deGarin:

Adouber vueil l'enfant Girbert mon fils ,


Si m'aiderà la Guerre à maintenir ,

C'est bien à faire , Sire , dit Auberi:

Envoyez-le l'Empereres Pepin ,

Si fera bien Chevalier le mefchin.

Le Roman de Florimond M S.

Sire , je fuis à vous venus ,


Affezfu grans , fors & creas ,
Or fi voudroie efire adoubez.

Philippes Mouskes in Ludovico VIII .

S'eftoit Cevaliers devenus

De la main le Royproprement,
Qui l'adouba moult ricement.

Après toutes ces Cérémonies , le nouveau Chevalier étoit


obligé de monter à Cheval , d'aller dans la Ville , & de ſe
montrer au peuple ; afin que fa gloire parût aux yeux de tout
le monde , & que tous fçuffent qu'il étoit nouveau Chevalier
preft de maintenir & de défendre en tous lieux l'honneur de
la Chevalerie . Ce même jour on faifoit des Feftins , des Joû-
tes , des preſens , avec toutes les marques d'une magnificence
extraordinaire .
Voilà en general les Cérémonies le plus communément Defcrip
obfervées , quand on conferoit l'honneur de la Chevalerie . tion de ces
La plupart de ces Cérémonies font marquées dans le Roman Cérémo-
du vieux Renard , dont l'Auteur vivoit du temps de Philippe monies.
le Bel IV. du nom , qui a regné fur la fin du XIII. fiecle.
L'Auteur de ce Roman feint que le Lion , auquel il donne
le nom de Noble , refolut de faire Chevalier fon fils Noblon,
au jour de fa naiffance. Quoique tout foit feint dans le Ro-
man , il y a bien de l'apparence que les Cérémonies de la
Chevalerie de Noblon , ne font pas feintes , puifqu'elles
V vij
340 Dißertations Hiftoriques & Critiques
étoient en ufage de ce temps-là. Ainfi l'application en eſt
fauffe , mais les Cérémonies ne le font pas. Voicy comment
les rapporte l'Auteur en vieux langage :

Premierl'y vefty l'Auqueton

De defdain & defpitfarcis ....

Après l'y vefty la chemife ,

Après ce l'y Rois l'y vefti

L'Aubert donnie , &puis auſſi

Demenacer une cuirie.

Apre ly å ly Rois veftig,


Cotte à armer

De Boban ly donna l'Ecu ,

Et l'y Hiaume de convoitife s

Où il ot mainte pierre affife

Saphis , Rubis , & Camahiez

Ly Rois à Renart appellez.

Etpuisfi ly a commendez.

Noblon fonfils l'efperon d'eftre ,

Chauffaft , Ifangrin le feneftre,

Enfemble tuit s'agenoüillerent

Noblon les efperons chaucierent ,

Melfire Noblon ne s'y feint ,


>

A Noblon Branç d'acier ly ceint.

Dans la fuite il y a eu quelques changemens en Allema-


gne , en Espagne , en Angleterre , & même en France,
Dans ces derniers temps on obferve quelques - unes de ces
Cérémonies ; comme la bénediction de l'Epée , le baiſer de
Paix , la reception des Sacremens , le ferment de fidelité , &
furla Chevalerie. Liv . II . Differt. I I. 341
autres femblables , aufquelles on en a ajoûté plufieurs qui
rendent ces Solemnitez plus graves & plus auguftes.
La maniere dont on fait les Chevaliers au Perou a Coment
quelque chofe de fingulier , & mérite bien de trouver place on armoit
les Che
dans cet endroit. Au mois de Decembre , que les Peru- valiers
viens célebroient la principale de leurs Fêtes , les enfans des dans le
Yncas ( c'eſt ainfi que fe nomment les enfans des Grands du Perou .
Royaume ) étoient faits Chevaliers en cette forte. ( a ) On
leur donnoit une écharpe faite de fleurs odoriferantes , qui
de l'épaule droite deſcendoit fous le bras gauche. Enfuite on
perçoit les oreilles au nouveau Chevalier , afin qu'il fe fou-
vînt de l'honneur qu'il avoit reçû. Le Papas , ou le Grand
Prêtre , leur faifoit une raye fur le front du fang des bêtes
immolées en facrifice , depuis l'oreille droite jufqu'à la gau-
che. Le ferment qu'ils faifoient d'être fideles Chevaliers de
l'Yncas , ( b ) terminoit cette Cérémonie.

ARTICLE II.

De la fignification myſterieuſe des Cérémonies de la


Chevalerie,

L ne faut pas fe perfuader que tout ce qui fe pratiquoit à

I la reception des Chevaliers , ne fût inftitué que pour une


fin purement civile , ou pour apprendre au Chevalier fes
devoirs militaires , fans aucun rapport à la Religion , & à la
pratique des vertus chrétiennes. Ceux qui ont établi ces Cé-
rémonies exterieures , dont la plûpart ne renferment rien que
d'indifferent , ou d'humain , ont moins voulu inftruire les
nouveaux Chevaliers de ce qu'ils devoient faire comme gens
de Guerre , que de les avertir de leurs obligations , comme
Chevaliers Chrétiens,

(a )Jofeph à Cofta , Liv. 5. chap 28. dire , Rois ou Empereurs. Et par ex-
Hiftoire des Indes. cellence ils les nommoientCapac・ Yncas,
[6 ] Les peuples du Perou appel- comme qui diroit , feuls Rois , ou ma,
loient leurs Souverains Incas , c'eſt- à- I gnifiques Rois.
V v iij
342 Differtations Hiftoriques & Critiques
Significa Ces fages Inftituteurs avoient ordonné que le Prétendant à
tion du la Chevalerie feroit obligé de fe baigner avant fa reception ,
Bain.
de
pour luy faire entendre qu'à l'avenir il devoit être pur
corps & d'ame , modefte , fage , vertueux , & fur tout invio-
De l'Epée . lablement garder la parole & la foy. Les deux tranchans de
l'Epée , qu'on donnoit au Chevalier , luy reprefentoient qu'il
devoit maintenir la Chevalerie & la juftice, & de ne fe fervir
jamais de fon Epée , que pour foûtenir leurs interests .
De la Lan- La droiture de la Lance figuroit la verité que le Chevalier
ce.
ne doit jamais abandonner : & le fer de la Lance marquoit
la force qu'a la verité fur la fauffeté & le menfonge.
Du Cha- Le chapeau qu'on donnoit au Chevalier pour luy couvrir
peau.
le front , fignifioit qu'il devoit avoir de la pudeur : & le
Haubert qu'on luy prefentoit , luy apprenoit à detefter la
trahifon , la déloyauté , l'orgueil , & tous les vices.
Du Gor- On avoit intention , en prefentant le Gorgerin au Cheva-

Bedelier & , de luy enfeigner quelle devoit être fa foûmiffion & fon
de l'Ecu. obéïflance. Si la Maffe l'inftruifoit qu'il devoit fe revétir de
force & de courage , l'Ecu étoit le fimbole de la Paix & de la
tranquilité publique , que le Chevalier devoit fans ceffe mé-
nager entre le Prince & fes Sujets.
DuPour-
2 & Les travaux & les fatigues que le Chevalier devoit fouffrir,
point
des Gance- la fermeté , le courage , & la force qu'il étoit obligé de faire
lets de fer. paroître dans les occafions , & la patience à endurer les
playes & les bleffures qu'il recevroit pour maintenir l'hon-
neur de la Chevalerie , étoient figurez par le Pourpoint &
les Gantelets de fer qu'on offroit au nouveau Chevalier.
Du Che- Le croiroit - on ! Le Cheval , la Selle , & les Chauffes de
val , es
Chauff des fer qu'on prefentoit au Chevalier ; les éperons & même les
de fer , & molettes , ne luy apprenoient pas feulement les vertus militai-
des Epe- res ; l'adreffe, la fermeté , la prudence ; la generofité , le cou-
rons.
rage , la force , la promptitude , & la diligence à fes devoirs :
mais auffi toutes ces chofes luy étoient comme autant d'in-
ftructions qui le portoient à pratiquer les vertus chrétiennes,
la patience dans les afflictions , la fuite des plaifirs , le mépris
des chofes de la terre , la ferveur au fervice de Dieu , la morti-
fication , la pénitence , & femblables vertus , dont ces cho-
fes peuvent être le fimbole.
fur la Chevalerie. Liv. II . Differt. II. 343
Chacun donc en particulier de ces inftrumens militaires ,
qui n'ont d'eux-mêmes aucun rapport à la Religion , a été
comme une leçon de morale que les Fondateurs de la Cheva-
lerie y ont renfermée pour l'inftruction de ceux qui devoient Significa
recevoir cet honneur. Mais les Cérémonies des Ordres de tion des
Cérémo-
Chevalerie Chrétienne , & des Religions militaires , figni- nies des
fioient quelque chofe qui paroît plus relevé , plus parfait , plus Religions
faint. On en fera aifément convaincu , fi on rappelle ce qui Militaires.
fe paffe quand on reçoit un Chevalier de Malte. Voicy les
principales circonftances de cette augufte folemnité , extrai-
tes du Cérémonial & des Statuts de cet Ordre , dont je mets
icy les propres termes.
Après la benediction de l'Epée , & quelques interrogations Cérèmo-
que l'on fait au nouveau Profez , le Chevalier qui préfide à niesquand
on fait un
cette action , donne au Novice l'Epée avec le fourreau , luy Chevalier
<<
difant : " Afin que mainteniez ce que vous avez promis , de Malte,
prenez cette Epée au nom du Pere , & du Fils , & du "

Saint Efprit. ,, Le Chevalier tire enfuite l'Epée du fourreau,


& la mettant a la main du Novice , il luy dit : " Prenez "
cette Epée par fon luftre elle eſt enflâmée de Foy , par fa "
pointe d'Efperance , & par fes gardes de Charité ; de la- "
quelle uferez vertueufement , pour la défenſe de la Foy
Catholique , la liberté de l'Eglife , pour maintenir la jufti-
ce , & confoler les femmes veuves , les pauvres , les orphe- "
lins. Car c'eſt la vraïe foy & juftification d'un Chevalier , "
c'eſt la vocation , l'élection , & la fatisfaction , que d'offrir "
l'ame à Dieu , & le corps aux périls & dangers pour fon "
fervice. ,,

Enfuite le nouveau Profez ébranle trois fois fon Epée :


" Ces trois fois , luy dit le Chevalier, que vous avez ébran- "
lé l'Epée en vôtre main , fignifient qu'au nom de la Sain- "
te Trinité , avez à défier tous les ennemis de la Foy Catho- "
lique , avec eſperance de victoire. Dieu vous en faffè la “
grace. Ainfi foit- il. ,,

Le Chevalier fait nétoyer l'Epée au Novice & luy ordon-


ne de la mettre au fourreau , luy difant : " L'une des pre- "
mieres chofes que doit avoir un Chevalier , c'eſt d'être "
344 Dißertations Hiftoriques & Critiques
,, honnête ; car de l'honnêteté procedent les quatre vertus f
la Prudence , par laquelle vous connoîtrez toutes choſes ,
,, ayant memoire du paffé , ordonner au prefent , & pour-
,, voir à l'avenir ; la Juftice , qui rend à chacun ce qui luy
appartient ; la Temperance, qui donne moderation en tou-
,, tes choſes ; la Force , qui eft un mépris des douleurs & tra-
,, vaux par magnanimité & grandeur de courage : defquel-
"" les vertus avez à vous armer , les confervant toûjours
,, avec cet Ordre de Chevalerie.

Le Chevalier prend les Eperons dorez , & dit au Novice :


Voyez-vous ces Eperons , ils vous fignifient que comme le
" Cheval les craint quand il ne fait pas fon devoir ; ainfi vous
93 devez craindre de fortir de vôtre rang , & de faire mal :
,, on vous les met ainfi dorez aux pieds , parce que l'or , qui
,, eft le plus riche métal, eft comparé à l'honneur. ,, On don-
ne un Cierge ardent en la main du Novice : & on luy dit.
que cela fignifie , qu'il doit avoir une ardente charité qui
eft la perfection de cette vie.
Le Manteau à Bec eft prefenté au Novice , & le Chevalier
luy montrant la Croix à huit pointes : " Cette Croix , luy
dit-il, nous a été ordonnée blanche en figne de pureté , la-
», quelle devez porter autant dans le cœur , comme dehors
,, fans macule ni tache. Les huit pointes que vous y voyez ,
,, ce font comme autant de vertus que vous devez graver en
"" vôtre cœur , pour la confolation & confervation de vôtre
‫ رو‬.ame
Le Novice ayant baifé la Croix , on le reveſt du Man-
teau à Bec : " Prenez cette Croix , luy dit le Chevalier
,, au nom de la Sainte Trinité : vous y trouverez le falut de
‫ دو‬vôtre ame , l'augmentation de la Foy Catholique , & la
‫ رو‬défenſe des bons , pour l'honneur de Nôtre Seigneur Je-
‫ رو‬fus - Chrift. Je mets cette Croix au côté gauche près du
,, cœur , afin que vous l'aimiez parfaitement , & que vous
" la défendiez de la main droite , fans jamais l'abandonner.
" Ce Manteau , dont nous vous avons revétu , eft la figure
,,
" du vétement fait de poil de Chameau , duquel a été
» couvert nôtre Patron Saint Jean- Baptifte , étant au de-
1 fert.
fur la Chevalerie. Liv. II . Differt. II . 345
fert. Prenant ce Manteau , vous renoncez aux pompes & "
vanitez de ce monde , & vous devez procurer que vôtre "
corps foit enseveli en iceluy . » Enfin après avoir expliqué au
Novice les Inftrumens de la Paffion de Jefus Chrift repre-
}
fentez dans les cordons duManteau , (a ) on l'exhorte de fe fou-
venir de la Paffion du Sauveur , & de graver dans fon cœur

toutes les vertus , dont il nous a donné l'exemple.


Il n'y a rien de fi touchant que les Prieres & les Oraiſons
que le Prêtre dit , quand il benit la Croix & l'Epée des
Chevaliers : & on ne fçauroit trouver ailleurs de plus faintes
Inftructions que celles que l'on donne avec les marques de
Chevalerie. Le Grand- Maître , ou fon reprefentant , qui re-
Ordre de
çoit un Chevalier de l'Ordre de Nôtre- Dame du Mont-Car- Nôtre- Da-
mel & de Saint Lazare , luy mettant l'Epée à la main : me du
Mont-Car-
Servez- vous, luy dit-il , de vôtre Epée dans les occafions , «
mel.
felon l'efprit de la Religion , & non pas felon le mouvement »
de vos paffions : & fouvenez -vous que vous n'en devez ja-
mais fraper perfonne injuſtement. »
Quand on donne la Croix au nouveau Chevalier : Je
vous donne la Croix de nôtre Ordre , luy dit le Grand «
Maître ; vous la porterez toute vôtre vie , au nom de la
Très-Sainte Trinité , Pere , Fils , & Saint Efprit. Elle
vous doit faire fouvenir de la Paffion de Nôtre- Seigneur , «

& vous engage à l'obfervance des faintes Regles & des


Statuts de la Religion : elle eft ornée de Fleurs-de- Lys ,
"
pour vous enfeigner la fidelité que vous devez avoir pour
le Service du Roy , dont la pieté & le zele ont donné de es
l'appui & de la gloire à nôtre Ordre. »
On trouve dans les Statuts des autres Ordres de femblables
inftructions de pieté , renfermées dans les Prieres , dans les
Benedictions , dans les Cérémonies , & même dans les in-
ftrumens qui fervent à ces Solemnitez.

( a ) Dans les cordons de ce Manteau troifiéme les trois cloux : dans le qua-
il y a huit petits ronds differens , qui triéme trois dez : dans le cinquième
reprefentent les principaux inftrumens la Robe toute entiere : dans le fixiéme
de la Paffion. On voit dans le premier la Croix : dans le feptiéme la Colomne
la Face de N. S. Jefus · Chrift : dans le & la Lance:dans le huitiéme les trente
fecond la Couronne d'épines : dans le Deniers.
X x
ns s
346 tatio rique ques
Dißer Hiflo & Criti

ARTICLE III.

Des Cérémonies de la Chevalerie en particulier , qui ont été

en ufage dans le XII. fiecle , le XIII, le XIV,


les fuivans.

S. I.

De la maniere que l'on donnoit la Chevalerie

dans le XII, fiecle ,

E Moine de Marmoutier au premier Livre de fon Hi


LE
ftoire , a fait une defcription très-détaillée des Cérémo-
nies qui étoient en ufage dès le commencement du XII.
fiecle , quand on conferoit l'honneur de la Chevalerie, Au
moins ces Cérémonies furent obfervées , lorfque Geoffroy
d'Anjou fut armé Chevalier à Rouen par le Duc de Nor
mandie , dont il alloit époufer la fille,
23
Geoffroy Le jour de la Pentecôté de l'an 1127. Geoffroy fortant du
d'Anjou Bain fut revétu d'une Chemiſe de Lin , & pardeffus d'une
eft armé
Chevalier. Camifolle tiffuë de Soye rouge & de fil d'or. Enfuite on luy
donna un Jufte-au - corps , ou Cafaque de Guerre d'écarlat-
te brodée d'Or le Haut-de-Chauffes étoit de pareille étof-
fey les Bas de Soye , & les Souliers couverts de petits Lions
d'Or. Poft corporis ablutionem afcendens de Balneorum lava-
cro Byffo retorta ad carnem induitur, Cyclade auro texta, fuper-
veftitur , Chlamide conchilii & Muricis fanguine tincta tegitur,
Caligis holofericis calciatur,pedes ejus Subtalaribus infuperficie
Leonculos aureos habentibus , muniuntur,
Ce Prince étant ainfi vétu , on luy amena des Chevaux ,
& on apporta des Armes. On le reyétit d'abord d'un bon &
& excellent Haubert à doubles mailles , & à l'épreuve des
Lances & des Traits les plus forts ; on luy mit des Greves de
fer de bonnes doubles mailles , & des Eperons d'Or ; on
fur la Chevalerie. Liv . II. Differt. II . 349
fouetté & couronné d'Epines dans le Prétoire de Pilate : "
que Herodes le fit revétir d'une méchante Robe , pour le "
déshonnorer , & qu'il fervit de jouet à la Cour de ce Prin-
ce : qu'il fut dépouillé devant tout le peuple , enfin attaché "
cc
à une Croix. Je vous exhorte de penfer fouvent à tous ces
opprobres , de porter la Croix du Sauveur , & de vanger
la mort de Jefus Chrift. ,, Cujus opprobria memorari te fua-
deo , cujus Crucem acceptare confulo , & mortem Chrifti ulcifci te
moneo .

S. III.

Comment onfaifoit les Chevaliers dans le XIV. fiecle.

Les Cérémonies qui étoient en ufage dans le XIV. fie-


cle , lors qu'on armoit les Chevaliers , font à peu près les mê-
mes que celles dont nous venons de parler , s'il en faut ju-
ger par ce qui s'obferva quand le Comte d'Oftrevant , fils
du Comte Guillaume de Hainau , reçût l'honneur de la
Chevalerie.
L'Hiſtorien de Valenciennes ( a) rapporte que le jour de la De la ma-
niere
Touffaint de l'an 1330. plufieurs grands Seigneurs revétus de le que
Comte
leurs cottes d'Armes conduifirent le Comte Guillaume & fon d'Oftre-

fils à l'Eglife de Saint Jean de Valenciennes , où il fut reçû de vant fut


fait Che-
l'Evêque de Cambray vétu Pontificalement , accompagné valier.
des Evêques d'Arras & de Tournay , & de plufieurs Abbez.
Après l'Evangile de la Meffe , qui fut chantée par l'Evê-
que de Cambray , Jean d'Avefnes Seigneur de Beaumont ,
amena Guillaume Comte d'Oftrevant fon neveu audit Evê-

que , le priant qu'il voulût accomplir le defir de ce jeune


Prince , qui demandoit d'être Chevalier. A quoy l'Evêque
répondit : es Que celuy qui vouloit être Chevalier , devoit "
avoir de grandes parties : qu'il devoit être de noble extra- "f
&
tion , liberal en dons , relevé en courage , fortès dangers , "
fecret ès conſeils , patient en neceffité , puiffant contre les "
ennemis , prudent en tous les faits , & s'obliger à garder les "
Regles fuivantes. «<
(a) Annales Hannonie , cap. 37.
Xx iij
348 Disertations Hiftoriques & Critiques
baigner , &c. il fut conduit àl'Eglife. Après l'Evangile le
Roy de Boëme,l'un des Electeurs de l'Empire, prefenta le fu-
tur Chevalier à Pierre Capucci Cardinal de Saint George
» au voile d'Or : luy difant : - Très- Saint Pere , Nous vous
‫ל‬
préfentons ce celebre Ecuyer , vous priant humblement de
❤ recevoir ſes Vœux , afin qu'il foit agregé à l'Ordre de Che-
အ valerie.

On luy Sur cette demande ce Cardinal reprefenta à ce jeune Prin-


propofe les ce qu'un veritable Chevalier devoit être genereux , honnê-
Regles
qu'il doit te , fage & prudent. Il luy expliqua les devoirs aufquelles la
garder. Chevalerie l'engageoit , & les Regles qu'il devoit obſerver .
La premiere , d'oüir tous les jours l'Office de la Paffion de
Nôtre- Seigneur Jesus - Chriſt.
La deuxième , d'expofer courageufement ſa vie pour la
Foy Catholique.
La troifiéme , proteger la Sainte Eglife & fes Miniftres ,
contre ceux qui les affligeoient.
La quatrième , défendre & proteger les Veuves , les Or
phelins , & les Pauvres.
Le Cardinal demanda enfuite au Comte Guillaume , s'il
étoit refolu de garder ces Regles , & s'il vouloit être Cheva-
lier. Ayant répondu à ces deux demandes , il fit le Serment
accoûtumé. Tunc Dominus Cardinalis dicit : Vis ergo Mi-
litarem Ordinem in nomine Domini devotè fufcipere , & Regu-
lam tibi explicatam , quantùmpotes perficere ? Cui refpondit Ar.
miger : Volo.

Après que le nouveau Chevalier eût fait le Serment , le


Cardinal luy dit : Cette Profeffion que vous venez de faire ,
foit en remiffion de vos pechez. Hac devota Profeffio fit pec-
catorum tuorum vera remiffio . Amen. Enfuite le Roy de Boë-
me luy donna un foufflet , & lui mettant l'Epée au côté ,
il luy dit : Je vous fais Chevalier en l'honneur de Dieu
Tout-puiffant , & vous reçois avec joye dans nôtre Societé ;
Ad honorem Omnipotentis Dei te Militem ordino , ac in noftro
Collegio tegratanter accipio. " Souvenez- vous, ajoûta le Car-
,, dinal , que le Sauveur du monde reçût un fouflet , & qu'on
ſe mocqua de luy en preſence du Pontife Anne : qu'il fur
fur la Chevalerie. Liv . II . Differt. II. 349
fouetté & couronné d'Epines dans le Prétoire de Pilate : "
que Herodes le fit revétir d'une méchante Robe , pour le "
déshonnorer , & qu'il fervit de jouet à la Cour de ce Prin . "
ce: qu'il fut dépouillé devant tout le peuple , enfin attaché «
à une Croix. Je vous exhorte de penfer fouvent à tous ces "
cc
opprobres , de porter la Croix du Sauveur , & de vanger
la mort de Jefus Chrift. ,, Cujus opprobria memorari tefua-
deo , cujus Crucem acceptare confulo , & mortem Chrifti ulcifci te
moneo.

S. III.

Comment onfaifoit les Chevaliers dans le XIV. fiecle.

Les Cérémonies qui étoient en ufage dans le XIV . fie-


cle , lors qu'on armoit les Chevaliers , font à peu près les mê-
mes que celles dont nous venons de parler , s'il en faut ju IR
ger par ce qui s'obferva quand le Comte d'Oftrevant , fils
du Comte Guillaume de Hainau , reçût l'honneur de la
Chevalerie.

L'Hiſtorien de Valenciennes (a) rapporte que le jour de la De la ma-


Touffaint de l'an 1330. plufieurs grands Seigneurs revétus de niere que
le Comte
leurs cottes d'Armes conduisirent le Comte Guillaume & fon d'Oltre-

fils à l'Eglife de Saint Jean deValenciennes , où il fut reçû de vant


fait fuc
Che-
l'Evêque de Cambray vétu Pontificalement , accompagné valier.
des Evêques d'Arras & de Tournay , & de plufieurs Abbez.
Après l'Evangile de la Meffe , qui fut chantée par l'Evê-
que de Cambray , Jean d'Avefnes Seigneur de Beaumont ,
amena Guillaume Comte d'Oftrevant fon neveu audit Evê-
que , le priant qu'il voulût accomplir le defir de ce jeune
Prince , qui demandoit d'être Chevalier. A quoy l'Evêque
répondit : « Que celuy qui vouloit être Chevalier , devoit "
avoir de grandes parties : qu'il devoit être de noble extra- “ f
&
tion , liberal en dons , relevé en courage , fortès dangers , ""
fecret ès conſeils , patient en neceffité , puiffant contre fes "
ennemis , prudent en tous fes faits , & s'obliger à garder les "
Regles fuivantes. “ i
(a ) Annales Hannonia , cap. 37.
Xx iij
350 Differtations Hiftoriques & Critiques
10. Qu'il ne fera rien fans avoir entendu la Meffe à

›, jeûn.
‫ دو‬2º. Qu'il n'épargnera pas fon fang , ni fa vie pour la Foy
,,
,, Catholique , & la défenfe de l'Eglife.
», 3°. Qu'il donnera aides aux Veuves & aux Orphelins.
» 4°. Qu'il ne fera aucune Guerre fans raiſon.

5 °. Qu'il ne favorifera les caufes injuftes , mais protege-


,, ra les innocens oppreſſez .
,, 6°. Qu'il fe rendra humble en toutes chofes.
›› 7°. Qu'il gardera les biens de fes fujets.
,, 8°. Qu'il ne fraudera le droit de fon Souverain.
"
Enfin qu'il vivra irreprehenfible devant Dieu & de-
»
", vant les hommes.
Après que l'Evêque eût propofé ces Regles au nouveau
Chevalier , il ajoûta : " Si vous voulez , ô Guillaume Com-
te d'Oftrevant , garder ces Regles , vous acquererez grand
honneur en ce monde , & enfin la vie éternelle.

Cela fait , l'Evêque prit le jeune Comte par les mains


jointes , & les ayant pofées fur le Miffel , luy dit : " Voulez-
vous recevoir l'Ordre de la Chevalerie au nom du Sei-
,, gneur Dieu , & obferver ces Regles. ,, Le Comte répon-
dit , Ouy. Alors l'Evêque luy prefenta la Formule du Ser-
ment écrite que le jeune Prince luc à genoux , & que nous
rapporterons ailleurs. Après ce Serment , l'Evêque dit au
Comte qu'il luy donnoit cet Ordre en remiffion de fes pe-
chez......Alors le bon Comte Guillaume s'avança , & luy
donna la Collée , en diſant : Je te donne la Collée , & te fais
Chevalieren l'honneur & au nom de Dieu Tout- Puiffant , & te
reçois en nôtre Ordre de Chevalerie. Qu'il te fouvienne d'entrete-
nir toutes les Ordonnances de la Chevalerie. En même temps

on fit fonner les Trompettes , & crier trois fois : Vive Guil
laume de Hainau Comte d'Oftrevant . De- là on alla au Palais
où le Comte de Hainau fit un fuperbe Feftin. Les Pairs de
Hainau & de Valenciennes fervirent la Table du Comte :
& après le dîné , on fit des Joûtes & des Tournois , où le
nouveau Chevalier acquit beaucoup de reputation.
fur la Chevalerie. Liv. II . Diſſert. II . 3ST

14 S. IV.

Cérémonies qui s'obfervent àprefent , quand on arme


les Chevaliers.

Les Cérémonies que l'on obferve maintenant , quand on


arme folemnellement les Chevaliers , fe trouvent dans le "
Pontifical Romain . ( a ) On y remarque d'abord que l'on
peut prendre pour cette action le jour , le lieu , & l'heure
que l'on veut Miles creari & benedici poteft quacumque die ,
loco & hora. Le Prelat qui doit faire la Cérémonie , étant
revétu des Habits marquez dans le Pontifical , & s'étant af-
r ienes
fis au milieu de l'Autel , commence la Cérémonie pa la Pr
ion e n M
un if re
tr e à genoux devant qu'on fait
Bénedict qu
d l'Epée , q 'u
u' Mi ni
in ſt à en dónanc
t e s r a n d é ur s du la Cheva-
luy tien tout nuë , & aprè avoi dem le feco
Ciel, il fait à Dieu une Priere , par laquel le il luy dema de lerie .
n

qu'il beniffe de fa main toute - puiffante cette Épée , dont


r
fon ferviteur defire d'êre armé , pour être le défenfeu des
s e s l i n s
Eglife , des Veuv , des Orphe , & de tous les fervi
ſe s
teurs de Dieu cont re les entr ep ri des Payens & des Hére-
tiques,
A cette Priere il en ajoûte plufieurs autres , par lesquelles
il demande à Dieu le Pere Tout Puiffant & Eternel , que
par l'interceffion de fon faint Nom , par l'avenement de Je-
Tus-Chrift fon Fils Nôtre- Seigneur , & par le don du Saint
Efprit Confolateur , il beniffe cette Epée , afin que fon fer-
viteur , qui en doit être armée ce jour-là
jour- là , puiffe fous fa.
protection triompher de ſes ennemis invifibles , fans que ja-
mais ils luy puiffent nuire. On prie Dieu de luy donner fa.
crainte , fon amour , l'humilité, la perfeverance , l'obéïffan-
ce , & une veritable patience : " Reglez le fi bien , ô mon "
Dieu , en toute fa conduite , que jamais , il ne ſe ſerve in- "
justement de cette Epée , ni d'aucune autre pour nuire à “
perfonne , mais qu'il s'en ferve toûjours pour l'équité & la “
juftice. ,, Le Celebrant demande à Dieu , que comme ce-
luy qui eft armé paffe de l'état d'Ecuyer à celuy de Cheva
( a ) Pontificale Romanum.
352 Differtations Hiftoriques & Critiques
lier , de même il quitte le vieil homme avec toutes les habi-
tudes , pour ſe revétir du nouveau , qu'il craigne le Seigneur
& qu'il l'honore , qu'il n'ait point de commerce avec les me-
chans , qu'il exercé la charité envers le prochain , qu'il obéïf-
ſe en toutes choſes à fon Superieur , quand la raifon le de-
mandera, & qu'il s'acquitte en toutes chofes exactement de
fon devoir.
On benit
Après ces Prieres , le Prelat arrofe d'Eau benîte l'Epée , &
P'Epée. s'étant affis avec la Mitre fur la tête , il dit au nouveau Che-
valier , en luy donnant l'Epée nuë : " Recevez cette Epée
,, au nom du Pere , † & du Fils , † & du Saint Efprit , † &
" fervez-vous- en pour vôtre défenfe , & de la Sainte Eglife
" de Dieu , & pour confondre les ennemis de la Croix de
,, Jefus Chrift , & de la Foy Catholique. ,, Accipe gladium
iftum in nomine Patris , & Filii , & Spiritûs SanƐti , & utaris
eo ad defenfionem tuam , ac Sanita Dei Ecclefiæ , & ad
confufionem inimicorum Crucis Chrifti , ac Fidei Chriftianæ ; &
quantum humanafragilitas permiferit, cum eo neminem injuftè la
das : quod ipfe præftare dignetur , qui cum Patre & Spiritu
Sancto vivit & regnatDeus ,per omnia fæcala fæculorum.Amen.
L'Epée après cette Priere eft remife dans le fourreau , & le
Prêtre la ceignant au nouveau Chevalier , luy dit : " Met-
, tez vôtre Epée ſur vôtre cuiffe , ô Fort invincible , & fou-
»
, venez - vous que c'eft par la Foy , & non pas par le Fer que
»
les Saints ont triomphé des Puiffances de la terre. ,, Ac-

cingere gladio tuo fuperfemur tuumpotentiſſime , & attende quod


Saniti non in gladio , fed per fidem vicerunt Regna.
Le nouveau Chevalier étant ceint de cette Epée , fe leve
auffi-tôt , & la tirant du fourreau la fait briller trois fois en

Autres menaçant , & l'ayant après paffée fur fon bras comme pour
Cérémo-
nies. l'effuyer , il la remet au fourreau. Le Prelat luy donne le
baiſer de Paix , en luy difant : Pax tecum : & tirant encore
une fois l'Epée du fourreau , il en frape trois fur l'épaule du
nouveau Chevalier , qui eft à genoux devant luy , pour
luy donner la Collée où l'Accollade , & luy dit : " Soyez
,, un Chevalier pacifique , vaillant , fidele , & dévoüé au
" fervice de Dieu. ,, Efto Milespacificus
,, , firenuus , fidelis , &
Deo devotus. Après
fur la Chevalerie. Liv. II . Differt. II. 353

Après avoir remis l'Epée , il luy donne legerement un


fouflet, en luy difant : " Eveillez-vous du fommeil de la ma- "
lice , & veillez dans la Foy de Jefus - Chrift , & dans la "
bonne renommée. ,, Exciteris à fomno malitiæ , & vigila in

Fide Chrifti, & fama laudabili. Les Chevaliers qui font pre-
fens à cette Cérémonie , luy chauffent les Eperons , tandis
cc
que le Prelat luy dit : " Bel homme , dont la beauté paffe
celle des enfans des hommes , prenez vôtre Epée fur "
vôtre cuiffe , & foyez toujours inviolable. ,, Speciofus forma
pre filiis hominum , accingere gladio tuofuperfemur tuum poten-
tiffime.
Après cela le Prelat fe leve , & nuë tête il dit : « Le Sei- "
gneur foit avec vous : ,, Et il ajoûte cette Oraifon : " Dieu "
Tout- Puiffant & Eternel , répandez vos bénedictions fur «
vôtre ferviteur icy prefent , qui defire d'être armé Cheva- “
lier : & l'appuyant du fecours de vôtre main , affiftez- le "
fi bien de vôtre protection toute celefte , qu'il n'y ait rien "
qui foit capable de luy nuire , & qu'il ne foit jamais troublé “
(
en cette vie des accidens qui ont accoûtumé d'accompa- "
gner le métier de la Guerre. ,, Tout cela étant fait , le Che-
valier baiſe la main du Prelat , & ayant quitté l'Epée & les
Eperons , il fe retire,

S V.

Cérémonies que l'on obfervoit quand on donnoit la Cheva,

lerie , qui font rapportées dans le Roman de Girard

de Vienne M, S.par Bertrand le Clerc.

Ce Roman a prefque réuni tout ce qui s'obſervoit lorſ-


qu'on armoit un Chevalier. Voici comment il s'explique en
vieux langage,

Li Damoifel fi erent mult à prifer ,

Devant le Roi fe vont age nouller


Y y
354 Dissertations Hiftoriques & Critiques

Font homaje voyant mult Chevaler ,

Et l'Empereres les afait redrecer

Ses Chevaliers emprift à arenier

Premierement adoberai Renier ,

Et de Girard ferai mon Efcuyer ,

Dient François , bien fait à otroyer ,

Chemifes & brajes aportent à Renier

Chauffes de pailes , folers de Montpeller ,

El dos li veften un fret hermine cher ,

Et un bliaut , que ot fait entaller ,

Un Mantel richa , qui valoit maint dener ,

Ont affublé au mobile guerrer ,

Por Meffe oir l'en mainent au moftier ;

Car c'eft coutume à nouvel Chevaler ,

Ançois qu'il doje fes garnemens bailer ,

Doit oir Meffe, & Dame Deu proier ,

Que il li doie honor & foi haucer ,

Et à droit terre tenir terre & juftifer,

Aprés la Meffe en nont mené Rener ,

Por adober el grant palais plener ,

Ses garnemens lifont appareiller ,

Chauces de fer qui moult font à proifer ,

El dos li vefient un blanc auberc dobler,

El chef li laçent un vert hiaume vergé,

Li Rois li çaint un riche branc d'acer,

El col le fiert l'Emperere à vis fer,


fur la Chevalerie. Liv . II . Differt. II . 355

Puis li a dit , foyez prodome , Rener.

Merci , beau Sire , ce dit li frans guerrers ,

Si fera-je , fe Deu me veut aider.

L'en li ameine un auferant * d'eftrer, * Cheval.

Li Bers monte parfon feneftre eftrer.

Al col li pend un efcu de quarter ,

Et à fon point un voit tranchant eſpie

Fait un eflaisfur lauferant corfer ,

Qui li veift fes efperons brocher,

Et per la cort & gauchir & eflaiffer,

Et fon épée brandir & pannojer

Mult le deuf alafer & prifer ,

Forment le loent li prodom Chevaler.

ARTICLE IV ,

Dans laquelle de ces Cérémonies confere-t-on la qualité


de Chevalier?

'Honneur de la Chevalerie eft un titre purement ex-


L terieur, qui n'imprime rien dans l'ame , quoiqu'il fup-
pofe la nobleffe , & le merite. Cette dignité dépend moins
de la volonté de celui qui la reçoit , que de la liberalité de
celui qui la donne, On ne fçauroit donc déterminer quand
eft- ce que le Chevalier eft fait participant de ce noble ca-

ractere , qu'en examinant les paroles de celui qui le lui com-


munique, ou les cérémonies dont il fe fert, qui peuvent mar
quer l'impreffion de la Chevalerie.
Parmi les Romains on faifoit proprement le Chevalier ,

Y y ij
356 Differtations Hiftoriques & Critiques

quand on lui mettoit l'anneau d'or au doigt , & qu'on di-


foit ces paroles : Puifque vous fçavez le métier de la guerre ,
je vous donne cet anneau d'or. Quando tu quidem , in præ-
liis , in bello , in re militari verfatus es , ob has-ce res , hoc te
annulo aureo dono. Du temps de S. Gregoire de Tours (a) les
Ecuyers recevoient l'honneur de la Chevalerie par l'Acco-

lade , puifqu'en lui donnant le baiſer de paix on diſoit : Au


nom du Pere , du Fils & du Saint - Esprit je vous fais Cheva-
lier. On dit que dans ces derniers fiecles Guillaume le Con-
querant Roi d'Angleterre , fit Chevalier Henri fon fils , âgé
de dix- neuf ans , en lui donnant l'Accolade.
Vers le VIII. fiecle on recevoit l'honneur de la Che-

valerie,lorfque le Prince ou fon Reprefentant ceignoit l'épée


au Chevalier , & le frappoit doucement à la joue. Ces deux
chofes font exprimées dans le Diplome de Charlemagne ,
quand il inftitua l'Ordre de la Couronne. Dita poteftas
eis gladium circumcingat , & dato eifdem manu colapho , fic mi-
lites faciat.
Dans les fiecles fuivans on conferoit la Chevalerie en
donnant le baudrier , s'il en faut juger par les paroles qu'on
proferoit , en ceignant le nouveau Chevalier , car on difoit
pendant cette cérémonie ; puiſque vous êtes fçavant dans
l'art de la guerre , je vous donne ce baudrier. Quando tu qui-
dem in re militari verfatus es , hac te baltheo dono. On étoit
fi-bien perfuadé que c'étoit dans cette cérémonie qu'on re-
cevoit l'honneur de la Chevalerie , que pour marquer , que

quelqu'un avoit reçû la dignité de Chevalier , on fe conten-


toit de dire , On lui a ceint l'épée.
C'est la remarque de Volkan Lazius. Dans la Genea-
logie qu'il a faite de la Maifon d'Auftriche , on trouve ces
paroles L'an 1104. le faint Marquis Leopol fut ceint de
On faifoit l'épée : Accinctus eft gladio . L'an 1180. Otacher , qui n'étoit
un Cheva-
lier en lui que Marquis , reçût le titre de Duc la même année qu'on
cignant lui ceignit l'épée : Eo anno , quo & gladio accinitus eft. On
l'épée.
peut voir d'autres exemples dans le même Auteur. Pour ex.
primer qu'Amauri fils du Comte de Montfort fut fait Che-
(a) Greg. Turon. Hift . Lib . 1o. cap. 21.
Jur la Chevalerie. Liv . II . Differt . II . 357
valier, on fe contente de dire, qu'étant à genoux devant l'Au-
tel , deux Evêques ceignirent cet enfant du baudrier mili-
taire : Cinxerant puerum cingulo militari. ( a)
Après que Guillaume ( b ) Comte de Hollande II . de ce
nom , fut élû Roi des Romains par les Princes de l'Empire ,
& avant qu'il reçût la Couronne à Aix- la- Chapelle , on lui
confera l'Ordre militaire avec de grandes Cérémonies ;
mais il femble qu'il ne reçût cette dignité que quand le Roi
de Boëme lui ceignit l'épée , difant : A l'honneur de Dieu,
je vous fais Chevalier : Ad honorem Dei te militem Ordino.
C'étoit une Cérémonie affez ordinaire pendant plufieurs Quand ou

fiecles , & qui fe pratique encore aujourd'hui dans quelques prefento.t


l'épée.
Ordres militaires , de mettre une épée nuë à la main du
nouveau Chevalier. Ily a bien de l'apparence que c'étoit
dans cette Cérémonie , que l'on conferoit l'honneur de la
Chevalerie ; puifqu'en prefentant l'épée à celui qui devoit
recevoir l'Ordre ; on difoit ces paroles : Serviteur de Jefus-
Chriſt , foyez Chevalier au nom du Pere , du Fils & du S.
Efprit. Serve Chrifti fis miles , in nomine Patris & Filii &
Spiritus Sancti , Amen.
Il y en a qui ont crû que le Chevalier recevoit propre- Quand on
ment l'Ordre de la Chevalerie , quand on lui chauffoit les chauffoit
les éperons
éperons dorez. Le Moine de Marmoutier ayant rapporté dorez.
toutes les Cérémonies qui furent obfervées l'an 1127. lorf-
que Henri Roi d'Angleterre fit Chevalier Geofroi fon gen-
dre , Duc de Normandie & Comte d'Anjou ; il ajoûte qu'on

donna à ce Prince les éperons dorez : Calcaribus aureis pedes


ejus adftriéti funt , comme étant la marque la plus brillante
de la Chevalerie. De-là vient que pour faire voir que le Roi
Charles V. donna l'Ordre de Chevalerie à Louis II . Roi
de Sicile , on dit feulement , qu'on lui fit mettre les éperons
dorez : Calcaribus deauratis juffit Rex infigniri.

(a) Vallis , Hift. Albig. cap. 70. Rai - II. firent fi-bien qu'aprés la mort de
nald. ad an. 113.8.66. Henri de Thuringe , Roi des Romains,
(6) Guillaume étoit fils de Fleuri ou le Comte Guillaume lui fut fubrogé
Florant IV. & de Mathilde de Bra - par élection faite par quinze Princes
bant. Le Pape Innocent IV . & les Ro- Ecclefiaftiques & par trois Seculiers
mains oppofez à l'Empereur Frederic l'an 1247.
Y y iij
)

358 Disertations Hiftoriques & Critiques


Quand on
donnoit C'étoit une coûtume fort ancienne , & qui s'obſerve en-
fur l'épau- core aujourd'hui , dans plufieurs Ordres de Chevalerie , de
le des
donner deux ou trois coups d'épée fur l'épaule du nouveau
coups
pée. d'é- Chevalier . L'on ne peut pas douter que ce ne foit dans cet-
te Cérémonie que l'honneur de la Chevalerie eſt conferé ,
comme on en peut juger par les paroles qu'on dit pour lors,
Il eſt marqué dans la formule de donner la Chevalerie aux
Chevaliers de Malte , que celui qui fait cette fonction , don-
ne trois coups d'épée fur l'épaule du nouveau Profez , di-
fant: Je vous fais Chevalier au nom de Dieu , de la Vierge
Marie , de Saint Jean- Baptifte , de Saint George , vigilant &
pacifique en l'honneur de la Chevalerie .
Dans le Cérémonial , de la reception des Chevaliers de
Nôtre-Dame du Mont- Carmel , & de Saint Lazare , il eft
dit que le Grand-Maître ou fon Reprefentant , ayant de-
mandé au Novice , s'il eft difpofé de fe fervir de fon épée
pour la défenſe de l'Eglife , & le fervice du Roi , le nouveau
Chevalier ayant répondu , Oui , avec la grace de Dieu . Le
Grand- Maître dit ces mots : Je vais vous recevoir dans l'Or-
dre Royal Militaire & Hofpitalier de Nôtre- Dame du Mont-
Carmel , & de Saint Lazare de Jerufalem , au nom du Pere ,
du Fils & du Saint- Efprit. Enfuite il fe leve de fon fauteüil ,
tire fon épée du fourreau , & en donne deux coups , l'un
fur l'épaule droite , & l'autre fur la gauche du Novice , &
lui difant : Par Notre - Dame du Mont- Carmel , & par Saint
Lazare de Jerufalem , je vous fais Chevalier.
Quand on crée un Chevalier de la Jarretiere , on le frap-
pe doucement fur l'épaule avec l'épée nuë , & on lui dit ;
Soyez Chevalier au nom de Dieu . La même Cérémonie eſt
mife en ufage quand on donne l'Ordre Militaire du Saint
Sepulchre de Jerufalem. ( a ) Le nouveau Chevalier ayant
la tête inclinée fur la pierre du Saint Sepulchre , le Vicaire
du Pape , & Gardien du Saint Sepulchre , lui donne trois
coups de plats d'épée fur les épaules , difant : Je vous confti-
tuë , & fais Chevalier du Saint Sepulchre de Notre- Seigneur

(a ) Quarefm. elucidat, terræ fanéta | tom. 1. Lib. 2. cap. 46,


fur la Chevalerie. Liv. II . Differt. II . 359
Jefus Chrift , au nom du Pere , du Fils & du Saint- Eſprit. Ainfi
foit-il.
Nous avons dit ailleurs , qu'avant ou après les combats
on faifoit des Chevaliers en donnant quelques coups d'épée

fur les épaules de celui qui recevoit cette Dignité Militaire ,


fans y employer d'autre Cérémonie . Cela pourroit faire ju-
ger, que cette folemnité eft la principale & là plus effentielle.
Cependant comme il y a des Ordres Militaires dans lefquels
cette Cérémonie n'eft pas en ufage , & que leur inftitution

eft arbitraire auffi bien que la maniere de faire ces Cheva-


liers ; il femble qu'on ne fçauroit déterminer en particulier
le moment auquel l'on communique l'honneur de la Che-
valerie , que par les paroles des Statuts , ou du Cérémonial ,
qui expriment cet effet.
Ainfi entre les Instituteurs des Ordres de la Chevale-
rie , les uns ont prétendu faire les Chevaliers en leur don-
nant la ceinture , & les frappant doucement à la joüe ; les
autres en leur chauffant les éperons dorez ; d'autres en cei-
gnant l'épée , ou la leur mettant à la main , ou en leur en
donnant quelques coups fur les épaules ; d'autres enfin dans
quelqu'une des Cérémonies que l'on met en ufage dans ces
occafions , ou qui font marquées dans les Statuts particuliers
de chaque Ordre Militaire.

DISSERTATION III.

Du ferment de fidelité, des marques de la Chevalerie ,

qui font deux conditions infeparables de cette dignité.

A Chevalerie ne confifte pas effentiellement dans le


ferment de fidelité & dans la marque de ce glorieux
titre ces chofes pourtant en font les fuites neceffaires , &
deux conditions indifpenfables. L'une & l'autre attachent
inviolablement le Chevalier à fon Ordre. Le ferment de
360 Dißertations Hiftoriques & Critiques
fidelité eft une proteftation que l'on fait au Prince de s'ac-
quitter fidelement de ce qu'on lui promet ; & la marque
eft comme un aveu folemnel qui engage ce Chevalier à
remplir fes devoirs. Le Collier ne les diftingue pas moins
des Nobles & des autres Chevaliers , qu'il l'unit étroitement
au corps dont il eft membre.
De tout temps les Gens de guerre fe font obligez par
ferment au fervice du Prince ou de l'Etat. Cet ufage a paffé
aux Chevaliers du Chriftianiſme . Le jurement profane des
Payens a efté changé en un culte religieux depuis l'Infti-
tution des Ordres militaires. Le rapport du jurement des

uns & des autres nous engage de parler , avant toutes chofes ,
de la maniere , des occafions , du temps , & des lieux que
les Soldats Pavens faifoient leurs fermens. Enfuite nous

examinerons les juremens établis parmi les Chrétiens , &


parmi les Chevaliers,

ARTICLE I.

Duferment des Gens de guerre parmi les Payens,

Ce que
c'est que Urer en general , c'eft appeller Dieu à témoin , ou de
faire fer- J ce qu'on aflûre , ou de ce qu'on promet . Le mot Latin
ment. juro vient de ces deux autres Jovem oro : & le mot Grec opxos

juramentum eft l'origine du mot Latin Orcus , qui fignific


་ l'Enfer : fans doute parce que les parjures meritent d'y être
tourmentez. Le mot Hebreu (chebouang , qui veut dire
ferment , eft dérivé de chavang , c'eſt- à- dire , le nom-
bre de fept. Il étoit facré parmi les Juifs, Abraham qui
nous a laiffé le premier exemple des juremens legitimes
donna fept brebis à Abimelech pour gage de fa fidelité . (a )
Il n'y a perfonne qui ne fe puiffe obliger de cette forte.
Cela eft commun aux Payens & aux Chrétiens. Avant

( a ) Genef. 1. V. 28.
&
furla Chevalerie. Liv . II . Differt . III. 361
& après la naiſſance de Jefus- Chrift , des Corps entiers ,
& des perfonnes particulieres , fe font engagez avec fer-
ment. Ces juremens ont été très-differens fuivant les temps,
les lieux , les perſonnes , & la maniere de les faire. Il ne
s'agit icy que des fermens des Gens de Guerre , qui font

les plus communs dans l'Hiſtoire , & peut- être les plus fo-
lemnels.
Æmilius & Terentius Varro étant Confuls l'an 538. de Exemples
la fondation de Rome ( a ) , ils furent les premiers qui or- parmi
des fermés
les
donnerent que les Tribuns Militaires obligeroient les Sol- Romains.

dats de s'engager par ferment , qui avant ce temps étoit


libre & volontaire . Les Romains avoient emprunté des
Grecs la coûtume de jurer , avant que les Soldats s'en-

gageaffent dans la Milice . Perfonne n'étoit exempt de fai-


re le jurement pendant la Guerre. Le General d'Armée
étoit obligé de le faire le premier , puis les Lieutenans Ge-
neraux , enfuite les Tribuns , les Centurions , les Decu-
rions , tous les Officiers , & enfin les fimples Soldats.
Nous en avons un exemple celebre. Cefar ( b ) parlant
de Labienus , qui avoit été Lieutenant General dans les
Gaules , dit que Labienus s'étant engagé dans le parti de
Pompée , jura folemnellement de ne point abandonner
Pompée , & d'avoir le même fort que luy , foit que la for-
tune luy fût favorable , ou non. Les autres Lieutenans
Generaux firent le même ferment : Ils furent fuivis des
Tribuns Militaires , des Centurions , & de toute l'Armée
que comandoit Labienus.
Les Lacedemoniens faifoient des juremens affez fembla- Parmi les
bles à celuy-là. Ils avoient coûtume de s'engager par fer- niens.
Lacedemo-
ment, de n'avoir d'autres amis ou ennemis que ceux de leur
General: & les Soldats fe promettoient avec ferment d'avoir
le même fort bon ou mauvais. L'on dit que les Megariens

ayant violè le droit des Gens à l'égard des Atheniens ,


ceux-cy en furent fi outrez , que toutes les fois que leurs
Soldats renouvelloient le ferment de fidelité , on les con-

(a ) Tit Liv. 3. Decad. Lib. 2. ( b ) Cefar Lib. 3. Belli Civilis,


Z z
i

362 Differtations Historiques & Critiques


traignoit de jurer auffi , que pendant qu'ils porteroient les
Armes , ils tâcheroient tous les ans de ruïner les Terres
des Megariens , de faire le dégât dans leurs champs , &
d'exercer toutes fortes de violences fur leurs perfonnes &
fur leurs biens. ( a )
Parmi les Lacedemoniens il n'étoit point permis de por
ter les Armes , ni d'attaquer l'ennemi , fans avoir fait le
ferment accoûtumé. Ce ferment militaire étoit une choſe
fi facrée , que perfonne parmi les Romains n'auroit ofé
combattre contre l'ennemi , fans avoir fait le jurement,
Ciceron ( b ) en rapporte un exemple remarquable du fils
de Caton , qui étoit dans l'Armée de P. Emile. Ce Gene-
ral ayant congedié la Legion où étoit le fils de Caton , l'ar-
deur de combattre emporta ce jeune homme de refter dans
l'Armée. Caton fon pere écrivit à P. Emile , que s'il fouf-
froit que fon fils reftât dans l'Armée , il falloit qu'il luy
fit faire un fecond ferment militaire : Ut fi pateretur eum
in Exercitu remanere , fecundo eum obligaret facramento , quia
priore amiffo , jurè cum hoftibus pugnare non poterat .
Le principal ferment des Gens de Guerre des Gaulois
étoit de défendre leur Prince , de le garder , & de luy at-
tribuer les grandes actions qu'eux - mêmes auroient fai-
res. (c)
Tous les ans le jour des Kalendes de Janvier ( d ) les
Romains renouvelloient le ferment de fidelité, ( e ) Ils ju-
roient folemnellement. ( ƒ).
I. De venir à l'Armée , lorfque le Conful l'ordonne-
roit.

II. De ne point fortir du Camp fans fa permiffion , &


fous de vains pretextes, Ce ferment , de ne fe point éloi-
(a ) Plutarchus in Pericle. Notes fur le Livre 16. de Tacite que
(b ) Cicero , Lib. 1. Offic. parmi les crimes que l'on reprochoit
( c ) Tacit. de moribus German. à Thrafée , étoit de fe retirer au com-
(d ) Les Romains faifoient auffi re- mencement de l'année , pour éviter
nouveller les fermens dans les temps de faire le jurement folemnel : Quòd
difficiles de la Republique , & princi- in principio anni vitaret jusjurandum.
palement lors qu'elle étoit menacée Corn. Tacit. Lib. 16. cap. Annal ,
d'une confpiration. (f ) Tit. Liv, 1. Decade , Lib. 3.
( e ) Juſte Lipſe remarque dans fes Item 3. Decad . Lib . 3.
furla Chevalerie , Liv . II . Differt . III . 363
gner du Camp , avoit des exceptions. 10. S'il falloit enfe-
velir un mort de fa famille. 20. Pendant les trois jours que
chaque famille employoit à fe purifier , quand quelqu'un
étoit mort. 3. Quand on avoit le mal caduc. 4°. Si on
avoit la conduite d'une affaire qu'on ne pouvoit pas negli-
gerfans crime.
III. Qu'ils n'abandonneroient point leur rang par crain-
te , ou pour fuir ; mais feulement pour aller chercher des
fléches , ou pour tuer l'ennemi , ou pour fauver la vie à un
Citoven.

Enfin de ne fe point éloigner de l'Armée plus de


dix mille pas , & de ne rien prendre au - delà d'un écu
d'argent , & ce qui feroit ncceffaire pour la vie. S'ils avoient
quelque chofe au- delà , ils le remettroient entre les mains
du Conful, ou le reftitueroient à celuy à qui elle appartien-
droit. ( a )

Les Gens de Guerre parmi les Romains faifoient quel-


quefois une autre forte de ferment qui leur étoit commun
avec les Acarnaniens. Ces peuples allant à la Guerre , fai-
foient ferment de ne point retourner en leurs maifons , fans
avoir remporté la victoire : & que fi quelqu'un fe retiroit
vaincu , perfonne ne pourroit le recevoir dans la Ville ,
dans fa maiſon , ni le mettre à fa table.
Lors qu'on étoit fur le point de donner un grand com-
bat , ou dans quelque preffant danger , tous s'engageoient
par ferment de ne point retourner au Camp , qu'ils n'euf-
fent remporté la victoire fur leurs ennemis. Les peuples
d'Abydos ( c ) étoient portez par leurs Prêtres de jurer que
perfonne ne retourneroit en vie de la Guerre , fans être
vainqueur. Paufanias affure ( d ) que les Argiens en par-
tant pour la Guerre de Troyes , jurerent folemnellement
qu'ils ne retourneroient point en leur Païs , jufqu'à ce
qu'ils euffent pris cette Ville , ou perdu la vie dans le com-

(4)Alexand. ab Alexandro , Ge- (c ) Titas Livius , 4. Decad.


nial dierum , Lib 1. cap. 20. Lib 1.
(b ) Titus Livius , Lib . 3 Decad. 3. (d ) Paufan. Lib. 2.
Lib. 6.
Z zij
364 Differtations Hiftoriques & Critiques
bat. Tite Live ( a ) raconte l'étrange refolution que pri-
rent les Abydeens affiegez par Philippe Roy de Macedoi-
ne l'an 553. de la fondation de Rome. Ils s'obligerent avec
ferment à perir , voyant qu'on ne vouloit traiter avec eux
qu'en fe rendant à difcretion . Pour cet effet ils mirent le
feu en divers endroits de la Ville , & s'entretuerent tous,

ARTICLE II.

De la maniere dont juroient les Payens , & du ferment de

fidelité établi parmi les Chrétiens,

N trouve mille exemples que les Payens & les Gens


O de Guerre ont fait des juremens : mais je ne fçai ſi
on pourroit marquer quelque modele de ces fortes de pro-
melles , & les termes formels dont on fe fervoit dans ces
fermens ,

S. I.

Sermens de fidelité parmi les Payens.

Un Ecrivain ( 6 ) qui a fait un détail exact des Jure-


mens & des Cérémonies dont on ufoit parmi les peuples de
l'antiquité dans les fermens particuliers & dans les juri,
diques , nous apprend que les Egyptiens juroient par Ofi-
τις μὰ τὸν ὅσειν , les Perfes par Mithra μὲ τὸν Μέτρον , c'eft - à-
dire ,, par le Soleil. Les Grecs confirmoient la verité de

leurs juremens par Jupiter , sus opes , & la foudre qu'ils


luy mettoient en main , n'étoit que pour punir les parjures,
Sermens Les Romains atteſtoient indifferemment tous les Dieux,
parmi les & toutes les Déeffes. Dans tout l'Empire Romain on ap-
Romains.
pelloit le nom des Empereurs en témoignage. Claudius
ordonna qu'on jurât par Augufte & Caligula , & que le

(a)Titus Livius , ibidem. ramentis Hebræorum , Gracorum , &c.


(b) foannis-Nicolai Diatribe de ju- Francofurti 700.
fur la Chevalerie. Liv. II . Differt. III . 365
nom de Drufilla fût auffi facré dans les fermens , que celuy
de Junon.
Les Celtes portoient dans leurs Combats la figure d'un Parmi les
Taureau d'airain , qui étoit l'objet de leur culte, & par le peuples
Septen- du
quel ils juroient. ( a) C'étoit un ufage fort commun parmi crion.
les peuples du Septentrion,de juret par leursArmes,ce qu'on
appelloit , Juramentum per Arma. C'est ainsi que juroient
les Saxons : Sacramentis , dit Fredegaire , ( b ) ut eorum mos
erat,fuper arma patratis , paétum pro univerfis Saxonibus fir-
mant. Dagobert Roy de France ayant fait un Traité avec
les Saxons , ce Traité fut confirmé mettant les mains fur
leurs Epées , ( c )
Les Efcoffois , les Lombards , les Bavarois ne faifoient

les fermens que fur leurs Armes. Chez les Danois l'on por-
toit la main fur la garde de fon Sabre , lors qu'on faifoit un
ferment juridique. Les François ne juroient auffi que fur
leurs Armes , fuivant la remarque de Fortunat. ( d )

Utquefidelis ei fit gens armata per arma


Jurat , jure fuo fe quoque jure ligat.

On trouve dans les Marbres d'Oxford , que ceux de


Smyrne , après avoir juré par le Soleil , juroient encore
par Appollon , comme par une Divinité diftinguée. Les
Joviens juroient par les Choux , par les Dieux , par le
Styx. Avant que les Allemans euffent embraffé le Chri-
ftianifme , ils ne juroient que par leurs Armes & par leurs

Tables. C'étoit-là leurs principales Divinitez.


Les Arabes , & generalement tous les Mahometans ne Parmi les
jurent gueres que par les Aftres. C'eſt une coûtume qu'ils Arabes ,
ont empruntée de leur Prophete. L'Alcoran eft plein de
juremens que faifoit Mahomet par le Ciel , par la Lune ,

& par la fplendeur du feu : c'eft ainfi , comme rapporte un


Auteur , ( e ) que jura Almatadir Prince Arabe , lors qu'il
fit un Traité d'alliance avec Sanctius Roy de Navarre
[ a ]Baudelot , Defcription des Bas- [ c ] Savaron , Traité de l'Epée pag.
Reliefs trouvezà Paris 1711. 33.
[6 ] Fredegar. cap. 74. Item gefta [ d ] Fortunat. Lib. 6. Poëme 7.
Dagoberti Regis cap. 31, [ e ] Jacobus Papiens , Epift. 380 .
Z z iij
366 Differtations Hiftoriques & Critiques
l'an 1073. Juro ego , ce font les termes de ce Mahometan ,
Almutadir vile per Deumqui fecit cælum & terram , mare &
omnia quæ in eisfunt , &per Legem quam tenet Moslemes&c.
Nous avons deux autres celebres exemples de la manie-
re dont juroient les Payens. Le premier fe trouve dans la
Lettre que Platon écrivit à Hermas , Erafte & Corif-
que. Ce Philofophe les excite à l'union , & à des Confe

rences Philofophiques , & leur preſcrit pour s'y obliger


mutuellement , le ferment que voicy. Je jure , & par le
Capitaine de tous les Dieux , qui font & qui feront , & par
Le Pere & Seigneur de ce Capitaine & de ce Créateur , dont
nous connoitrons tous le Pere auli clairement que d'heureux

mortels peuvent le connoître , fi nous raifonnons en bons Philo-


fophes. ( a ) Ce mot de Capitaine a été employé par plu
fieurs Platoniciens. Ce ferment a beaucoup de rapport à
celuy d'Orphée , qui eft conçû en ces termes :

Ciel , je jure par toy , grand œuvre d'un Dieu fage,


Et par toy , voix du Pere , iffuë avant tout àge.

Il nous reste encore quelques exemples des Cérémonies


dont on ufoit parmi les Ĝens de Guerre dans les juremens.
Les anciens Gaulois n'avoient point de ferment plus folem-
nel dans leurs Armées , que de jurer fur leurs Etendards.
Ils hauffoient le bras nud à decouvert en figne de paix &
d'alliance. Les Heduës , peuples de l'ancienne Lionnoife
premiere , firent ce ferment au fiege de Gergóvia , dans un
temps que les Romains fe défioient d'eux .
Serment Lorfque toute l'Armée des Romains devoit faire le fer-
qui fe fai- ment de fidelité au Conful , le Tribun , ou le Centurion ,
foit dans
Jes Ar- au nom de tous les Officiers & des Soldats , faifoit le jure-
mées.
ment de paroles à haute voix , & tous ceux qui compo-
foient l'Armée , confentoient en particulier par leur filen-
ce à ce jurement. Le ferment fait de la forte étoit auffi fa-
cré & inviolable > comme fi chacun l'avoit fait en termes
formels.

[ a ] P. Morgues , Plan Theologique fterdam 1714,


du Pyagorifme , 1. tom . Lett. V. A Am . 1
fur la Chevalerie. Liv . II. Differt. III. 367
Ammien Marcellin ( a ) rapporte le ferment que l'Ar- Serment

mée fit à Julien , qui contient des Cérémonies affez fingu- fuit
lien.
à Ju-
lieres. Dans la Harangue que ce Prince fit à fon Armée il
prie les Officiers & les Soldats , de l'affùrer par ferment
comme c'étoit la coûtume , de la durée de leur concorde
& de leur fidelité. Après ce difcours , « ils firent tous le CG
ferment folemnel en fon nom : & approchant leurs Epées
de leurs têtes , avec de grandes imprecations , ils jure- B
rent en paroles concertées , qu'ils donneroient toûjours
leur vie pour fon fervice , fi la neceffité l'exigeoit : ce qui «
fut fuivi par les principaux Officiers de l'Armée : » Julique
univerfi in ejus nomine jurare folemniter , gladiis fuis cervici-
bus admotis , fub execrationibus dirisjuravère.
Quand les Troupes avoient fait quelque ferment , elles
témoignoient leur joye en élevant leurs mains vers le
Ciel. (b)
His cuncta fimul affensère Cohortes ,
Allatafque altè quæcumque ad bella vocaret
Promisere manus .

Quoiqu'on vante beaucoup la fidelité des Gens de Guer-


re à garder leurs fermens , on trouve neanmoins mille
exemples dans l'Hiftoire Profane , que les Chefs des Ar-
mées , les Officiers & les Soldats ont fouvent violé leur

jurement.

S. II.

Serment de fidelité parmi les Chrétiens.

Il femble que l'ufage des juremens que faifoient les Grecs,


lesRomains, & les autres Nations barbares, a paffé aux Chré-
tiens. Mais la coûtume de confirmer une verité par jure-

ment , qui étoit impie & abominable dans la bouche de


ceux-là , eft devenue un acte de Religion dans le ferment de

ceux - cy. Je ne parle pas de cette coûtume de jurer , qui


confiftoit à tenir un fer chaud , & chofes femblables ,

a
[ 4 ] Ammian. Marcell. Lib . 21. [ 6 ] Annæus Lucan, Lib . 1. Pharſal,
cap, 4,
s
tion oriq
ues
ique
s
368 erta
Diff Hift & Crit
pour rendre témoignage à la verité , que l'ignorance ou la
fuperftition avoient introduites en certains Païs fans l'aveu
del'Eglife : ufage qui fut profcrit par Honoré III . & par
Eftienne V.

Il s'agit du ferment de fidelité que les Princes ont exi-


gé de leurs Sujets , dont l'uſage a été très-legitime , & qui
a été commun en Europe , & fur tout en France. Je
n'en veux rapporter qu'un feul exemple. ( a ) Taffilon
Serment Duc de Baviere ayant fait à Compiegne le ferment de fi-
fur les delité à Pepin le Bref , il alla enfuite jurer fur le Corps de
Corps des Saint Denis l'hommage qu'il avoit fait à ce Roy.
Saints.
On faifoit les juremens en France fur le Corps de Saint
Medard à Soiffons , de Saint Germain à Paris , de Saint

Aignan en la Ville d'Orleans , de Saint Martin à Tours.


On dit même qu'après la mort de Pepin , on juroit fur la
Robe de ce Roy : ce que Charlemagne défendit dans le
quatriéme Livre de fes Capitulaires : Ut non admittantur te-
ftimonia fuper veftituram Domini noftri Regis Pepini.
Quelque commun que fût cet ufage de faire ferment
de fidelité entre les mains du Prince , & de le confirmer
fur les Reliques des Saints , on ne trouve gueres de For.
mules de ce ferment , ni en quels termes il étoit conçâ
avant le XII . fiecle. Il nous refte pourtant quelques mo-
deles autentiques de cette forte de ferment. En voicy deux
exemples.
Formules
Le premier eft celuy que les Grands du Royaume fi-
du fermét
de fidelité. rent à Charles le Chauve à Rheims l'an 834. dans l'Af
ſemblée appellée Mallus . Ce modele de ferment porte pour
titre : Sacramentum fidelitatis , &c. Ego N. Carolo II. Lu-
dovici filio ab ifta die in ante fidelis erofecundùm meumfavi-
rum , ficut Francus homo perrectè effe debet fuo Regi , fic me
Deus adjuvet , & ifta Reliquia . Quod facramentumjura-
tum eft in Mallo Rhemis ș . Nonas Julii 854. ( b ) Cette Af
femblée , qu'on nomme icy Mallus , étoit proprement ce
que nous appellons aujourd'huy les Grands Jours , où l'on

[ a ] Aimon. Teor. Hift. Gall. Lib [b] Monach. Engoliſm. in Vita Ca-
4. cap. 64. roli Magni..
ne
furla Chevalerie. Liv . II . Differt . III . 377

ARTICLE IV .

Des marques de la Chevalerie ancienne moderne.

L appartient au Prince qui inftituë des Ordres de Che-


Ivalerie , & qui crée les Chevaliers , de leur donner les
marques qu'il luy plaît , pour les diftinguer du commun
du peuple & des Nobles . Ces marques d'honneur font très-
differentes par rapport au temps , aux lieux , & aux per-
fonnes.
S. I.

Marques de la Chevalerie parmi les Payens.

Chez les Affyriens , les Egyptiens , & les Medes , la


chaîne d'or au col , & l'anneau d'or au doigt , étoient le
fimbole de la Nobleffe & de la Chevalerie de ces peu-
ples. (a ) Le Roy feul parmi les Perfes portoit l'anneau
d'or , & celuy des Chevaliers étoit de fer. ( b ) Alexandre
le Grand donnoit aux Chevaliers une étole pour les diftin-
guer des autres Nobles. On prétend que parmi les Grecs &
les Troyens la ceinture étoit la marque des Chevaliers.
Parmi les anciens Gaulois il n'y avoit point de marque

plus fûre de ce qui s'appelloit parmi eux Chevalerie , que


de porter de grands colliers d'or & des anneaux de même
matiere : Circa collum , dit Diodore , ( c ) parlant de ces
peuples , grandes torques geftant , ex folido auro , & in digi
tis annulos aureos . Après que les jeunes Gaulois avoient
pris les premieres armes , ils faifoient ferment de ne porter
qu'un anneau de fer jufqu'à ce qu'ils euffent fait quelque
belle action , qui les rendît dignes de la Chevalerie. Fortif

( a ) Favin , Theatre d'hon . Liv. 1 . (c) Diodorus Siculus , Lib. 6. An-


chap. 5. tiquitat.
(b) Bernardo Juftin , Hift. Chron.
tom . I. cap. I.
Bbb
ons s
378 Differtati Hiftorique & Critiques
fimus quifque annulumferreum ( ignominiofum id genti ) ve-
lut vinculum geftat , donec fe cæde hoftis abfolvat. (a )
Marques Si parmi les Romains le cercle perlé & les éperons do-
d: Cheva- rez faifoient la diftinction des Chevaliers de Lettres , fui-
lerie-par-
mi les Ro- vant la Pragmatique Sanction de l'Empereur Theodofe le
mains.
Jeune , ( b ) l'anneau d'or a été la marque des Chevaliers
d'Armes , Bellica virtutis infigne.

Il est vrai que l'Empereur Septimius Severus permit


aux Soldats de porter l'anneau d'or , ( c ) & que ce privile-
ge fut accordé aux Publicains , & prefque à toutes fortes
de perfonnes pendant un certain temps. Mais les Empereurs
après Caligula ayant permis aux Chevaliers de porter des
cloux d'or fur leur robe , differens pourtant de ceux qui
faifoient l'ornement de la robe des Senateurs , Honoris or-
namentum , cette marque jointe à l'anneau d'or a pû diftin-
guer les Chevaliers Romains des Officiers de Guerre
des Senateurs , & du peuple. ( d ) !
De ceux L'Ecu d'or étoit la marque des Chevaliers de la Halcqua,
de la Halc- c'est-à- dire , de la Chambre d'honneur des Saudans d'E-
qua.
gypte & de Babilone , mais cet Ecu étoit different de ce-

luy du Prince par quelques brifures , comme des bandes


de gueules , des Oyfeaux , des Rofes , des Griffons , ou
d'autres animaux , fuivant que les Soudans l'avoient déter-
miné.
De ceux Les Docteurs , que l'on appelle Loitias , font très- eſti-
de la Chi- mez à la Chine. Les Loitias font ceux qui fuivent la do-
ne.
&rine de Confucius . Tous les Grands du Royaume en

font Profeffion : & même il n'y a que les Mandarins Loi-


tias formez dans l'Ecole de ce Philofophe , qui ayent part
au Gouvernement , & qui puiffent afpirer à la Dignité de
Chevaliers . ( e )

C'est donc entre ces Loitias que le Roy de la Chine

( a ) Cornelius Tacit. de moribus ( d ) Alexand. ab Alexandro , Ge-


Germanorum. nial dierum , Lib. 2. chap. 29.
( b ) L. 1. de profeforibus , cod. (e) Tavernier › Relation de Ton-
Theodof. quin.
(c)Herodian, Lib. 3.
fur la Chevalerie. Liv . II . Differt. III. 379
choifit les Mandarins , qui font les Grands de ce Païs. (a )
Ces Mandarins , c'eft- à - dire , Chevaliers du Seigneur , font
de deux fortes ; les uns d'Armes , qui commandent la Mi-
lice ; les autres de Lettres , qui exercent les Charges deJu-
ftice. Les uns & les autres de ces Chevaliers portent un bon-
net pointu de foye rouge au rebords d'hermine , fur le
quel eft attachée une étoile d'or à fix rais , qui eſt la mar-
que de leur Chevalerie.
De ceux
Les peuples du Malabar , qui demeurent fur la côte
du Mala-
d'Afie dans la Prefque- Ifle de l'Inde , deça le Ganges , re- bar.
connoiffent deux fortes de Chevaliers , les Bramens > ou

Bramins , qu'on dit être fortis de la plus noble & de la plus


ancienne famille des Indes , font le premier Ordre . ( b )
Ils font habillez de toile de coton avec un Turban blanc en
tête , & des fouliers rouges aux pieds. La marque qui les
diftingue des autres Nobles , & du peuple , eft un cordon
de trois filets de coton , qu'ils portent en écharpe. Cette
écharpe eft comme un Ordre de Chevalerie qu'on donne
dans leurs Temples avec de grandes Cérémonies. Mais
peut être c'eſt une marque de Nobleſſe , plûtôt que de
Chevalerie.
Les Chevaliers du fecond Ordre font choifis entre les
Nahers ou Nobles. Les Nahers s'adonnent aux Armes

& n'ont d'autre exercice que celuy de la Guerre. Ils font


toûjours au fervice du Prince , & auprès de fa Perfonne.
Quand ils fe font diftinguez par de hauts faits , le Samorin,
c'eſt le nom du Roy qui porte le titre de Samorin , c'eſt-
à-dire , Empereur en Langue Malabare , les fait Cheva-
liers , leur mettant au bras droit un gros braffelet d'or ,
qui eft la marque de leur Chevalerie.
De ceux
Les Rois du Mexique ( c ) avoient dans leurs Etats qua-
tre Ordres de Chevaliers.(d) Le premier étoit celuy desPrin- du Mexi-
" que.
(a ) Favin , Theatre d'hon. Liv. 9. I porte le nom de la Ville Capitale , &
pag. 1676. a reçûceluy de la nouvelle Efpagne ,
(b) Hugues Linfcor , Hollandois. depuis que les Efpagnols s'y font éta-
François Pyrard , de Laval , Breton . blis
(c) Le Mexique eft un grand Païs [ d ] Jofeph Acofta , Hift. des Indes
de l'Amerique Septentrionale , qui Lib. 6. chap. 26.
Bbbij
s
380 Differtation Historiques & Critiques
ces. On appelloit le fecond , l'Ordre des Aigles ; le troifié
me , des Lions & des Tigres , & le dernier étoit l'Ordre des
Chevaliers gris ; mais ceux cy doivent paffer pour des
Ecuyers , plutôt que pour des Chevaliers. Le premier Or-
dre étoit le plus eftimé & le plus honorable. Les Chevaliers
de cet Ordre , pour être diftinguez des autres , portoient
leurs Cheveux attachez en couronne avec un ruban rouge ,

& au haut un grand pennache , dont les lambrequins cou-


vroient les épaules. Ils avoient auffi des bourlets de foye
rouge en façon de tortils de cheveux . Ils portoient autant
de bourlets & de lambrequins , qu'ils s'étoient trouvez de
fois aux batailles , & qu'ils avoient fait de belles actions,

S. II.

Des marques de Chevalerie parmi les Chrétiens.

Il y a bien de l'apparence que dans les premiers fiecles


du Chriftianifme , le Collier d'or étoit la marque des Che
valiers , puifque Curopalare nous apprend que l'on ôtoit le
Collier aux Martyrs , qui étoient Chevaliers , avant de les
faire mourir,

Ce Collier , qui s'appelloit spezov étoit d'or fondu & fait


de trois chaînes. Torques aurum ductum implexum ex tribus
quafi funiculis quodgeftabant de collo. ( a)
Sous nos Sous nos Rois de la premiere Race , le Baudrier ou la
Rois de la Ceinture d'or , étoit la veritable marque de la Chevalerie.
premiere
Race. Il eft vrai que la Ceinture d'or étoit commune à tous les
Officiers de Guerre : mais le Baudrier des Chevaliers étoit

garni de groffes boules d'or , & richement ornez , ce qui


les diftinguoit des autres Nobles , & des Gens de Guerre-
qui n'étoient pas Chevaliers. C'eft ce que nous apprenons
' de Saint Gregoire de Tours , ( b ) qui parlant du Comte
Macon Chevalier , dit qu'il portoit un grand Baudrier d'or
orné de pierres précieuſes , où étoit attachée une très-bel-

Curopalate , Lib , 1. de Ofic. 21.[ 6 ] Greg . Turon, Hift, Lib. 10 , cap.


Conftantinop,
furla Chevalerie. Liv . II . Differt. III. 381.

le Epée , dont la poignée étoit d'or & de pierreries. Bal-


theum magnum ex auro , lapidibufque pretiofis ornatum , gla-
diumque mirabilem , cujus capulum ex gemmis hifpanicis , au-
roque difpofitum erat.
Les François avoient pris cet ufage des Romains , qui en
portoient de femblables , fuivant l'expreſſion de Virgile. (a)

Humero cum apparuit alto :

Baltheus & notis fulferunt cingula bullis.

Un autre Auteur le marque plus clairement , en ces ter


mes ; ( b)

Nobilibus gemmis & cocto lucidus auro

Baltheus effulgens lumbos præftinxit heriles.

Autrefois il n'y avoit que les Tribuns des Legions qui


pouvoient porter des Boucles d'or , & les fimples Soldats les
avoient d'argent fur leurs Baudriers . Mais Aurelien (c )
accorda le privilege aux Soldats de porter des Boucles
d'or. ( d)
Du temps d Ch
les Chevalie
e arlemag
ne rs étoient toû- Du temps
jours armez , & portoie
nt une medaille , où il y avoit une de Charle
couronn gravée ou peinte ; c'eft à cette marque qu'on les magne.
e
diftingu
oit. Il eft ordonné dans la Pragmatique Sanction
que fit Charle
magne , quand il inftitua l'Ordre de la Cou-
ronne , que les Chevali
ers marcheroient toûjours armez
fuivant la coûtum du Royau
e me de France , ou de l'Em-
pire : Ut deinceps more militum facti Francia Regni vel Impe-
rii incedant armati . Il faut encore qu'ils portent une marqu
e
de leur Chevaler
ie , où il y aura une Couronne Imperiale
peinte : Signum fue Militia recipere debent , in quo Corona
Imperial
is debeat effe depicta .
[a ] Virgil. Lib. 12. Encïdorum. [d ]Flavius Vopifcus , inVitaillius
[ b ]Corrippus Afric . Lib. 4. de Lau- anie finem.
dibus fuftini.
[ c ] Ticas Livius , 4. Decad.
Lib 7.
Bbb iij
s ues
tion oriq ique
s
382 erta t
Diss Hift & Cri
C'eft peut-être fuivant l'ufage de ces anciens Chevaliers
établi par la Pragmatique Sanction de Charlemagne , que
dans les fiecles fuivans les Chevaliers de tous les Ordres Mi-

litaires portent toûjours l'Epée au côté , & une marque fur


la poitrine ou fur leurs habits qui les diftinguent des Gens
de Guerre & des Nobles.
Nicolas Upton ( a ) fait mention de la marque que por-
toient les Chevaliers du Bain. C'eft , dit-il , un noeud

blanc qu'ils avoient fur l'épaule gauche. Ils ne le quittoient


point , jufqu'à ce qu'ils euflent fait quelque action illuftre,
ou que quelque Dame leur eût ôté ce nœud , fuivant l'uſa-
ge d'Angleterre : Milites qui creabantur per balneum , por-
tant de confuetudine in humero finiftrofuum ftigma militare al-
bum : quod quidem ftigma dictus Tyro portabit , quoufque fe-
cerit aliquod notabile factum , nifi aliqua nobilis Domina illud
tollat , ut docet confuetudo Anglia.
Depuis le tems des Croisades la figure des Croix , ou les
chofes repreſentées dans ces Médailles, font la difference des
Ordres de Chevalerie , comme nous l'avons remarqué , &

qu'on le pourra voir par les Croix que l'on verra gravées des
Ordres deChevalerie, dont il eft fait mention dans ce Traité.
Deux re- Avant que de finir cet Article , il faut faire deux re-

marques. marques. La premiere eft , que tous les Croifez d'outre-mer,


de quelque Nation qu'il fuffent , prenoient en fe croifant
& portoient fur l'eftomac la Croix de Jerufalem , qui étoit
potencée & cantonnée de quatre croifettes. Quoique tous
ceux qui alloient à la Guerre Sainte euffent la même mar-
que , elle étoit de couleur differente fuivant les Nations.
Celle des François étoit rouge , celle des Anglois étoit blan-
che , les Flamands la portoient verte , les Allemans noire ,
& les Italiens jaune. Les Croifez contre les Albigeois
avoient une Croix noire & blanche. ( b )
La feconde eft , que la marque de la Chevalerie eft bien
differente des Devifes que les Princes donnoient autrefois

[ a ]Upton,de Mil . Offic. Lib. 1. cap.3.


[ 6 ] Favin , Theat, d'bon tom . 2. Liv. I
6. pag. 1199.
Jurla Chevalerie. Liv. II . Differt. IV . 383
aux principaux Seigneurs de la Cour , quand ils les faifoient
comme leurs Hommes- Liges , c'eft- à-dire , les attachoient
à leurſervice. Upton ( a ) dit qu'en Angleterre , lorfque
le Roy annobliffoit quelqu'un en luy donnant un Fief Mi-
litaire , il luy donnoit en même temps fa Livrée & fa De-
vife d'un Collier fait de plufieurs S d'or & d'argent ; que le
Roy de France donnoit un Collier de gouffes de Geneſt
d'or & d'argent ; le Roy de Chypre une Epée d'or & d'ar-
gent ; le Roy des Romains un Serpent plié en rond avec une
croifette fur le dos ; le Roy d'Efcoffe un Collier de gour-
mettes de Cheval d'or & d'argent ; & que dans les autres
Etats il y avoit d'autres femblables Livrées.

***** ***ko****:**************

DISSERTATION IV .

De la Chevalerie , par rapport aux perſonnes qui la

reçoivent, au temps auquel on la confere.

ARTICLE I.

Si onpeutprendre deux Ordres de Chevalerie enſemble.

Pour éviter les équivoques , il faut fe fouvenir avant


toutes chofes que ce terme
terme , Ordre , fe prend quel-
quefois pour une Societé Militaire Seculiere , & d'autres
fois il fignifie , Chevalerie Reguliere. Nous examinons donc
dans cet Article , s'il eft permis de porter enſemble le Col-
lier de deux Ordres de Milice Seculiere , & fi celuy qui
a fait Profeffion dans une Religion Militaire , peut être re-
çû Chevalier dans un Ordre fondé par un Prince Secu-
lier,

(a ) Upton , ibidem.
384 Differtations Hiftoriques & Critiques

§ I. 10 )

Ulage de la Francefur ce fujet.

S'il falloit s'en tenir aux Statuts des Ordres de Saint Mi-

chel & du Saint Efprit , il eft certain qu'en France au


moins on ne pourroit pas être aggregé à deux Ordres Mi-
litaires. Les Statuts de l'Ordre de Saint Michel portent en
termes formels , Que les Freres de l'Ordre à leur entrée d'iceluy
feront tenus de laiffer , & laiſſeront tout autre Ordre. ( a ) Et
dans les Reglemens de l'Ordre du Saint Eſprit il eſt défen-
du d'y entrer , fi l'on eft de quelque autre Ordre. ( b
On peut Neanmoins quand deux Societez Militairesfe rapportent
prendre
deux Or- aux mêmes fins , & ont les mêmes fonctions , qui font de
dres de combattre les ennemis de l'Eglife & de la Religion , le fer-
Chevale vice du Prince , le maintient de l'Etat , il n'eft pas défendu
rie.
d'en prendre deux enfemble. Ne fçait-on pas qu'autrefois
il y avoit en Angleterre des Chevaliers qui portoient en mê-
me temps le Collier de l'Ordre du Bain , & celuy de la Jar-
tiere ?

L'on voit auffi en France des Chevaliers du Saint Efprit


qui font conjointement Chevaliers de Saint Michel. Čela
eft permis par l'Article XXXVII. des Statuts de l'Ordre
Ufage de du Saint Elprit , où après qu'Henry III . eût ordonné de
la France.
ne point recevoir dans cet Ordre celuy qui feroit Cheva-
lier d'un autre , il ajoûte : Excepté toutefois l'Ordre de Saint
Michel , lequel voulons & ordonnons qu'il je puiffeporter avec
cetuy-cy, parceux qui feront honorez de l'un & de l'autre. ( c )
Cela eft auffi clairement énoncé dans les Statuts de l'Ordre
de Saint Louis , en ces termes : « Declarons les Ordres

» de Saint Michel & du Saint Elprit , & celuy de Saint


Louis compatibles dans une même perfonne , fans que

(a ) Stat. de l'Ordre de Saint Michel , [ c] Stat. de l'Ordre du Saint Efprit,


Art. I. ibid.
(b) Stat. de l'Ordre du Saint Efprit ,
Art. XXXVII.
l'un
Jur la Chevalerie. Liv . II . Differt. III. 369
ne traitoit que des affaires d'impo rta nce , qui font expri
mées dans une Chartre de Louis le Debonnaire en ces
termes : Majores caufa funt homicidia , raptus , incendia ,
deprædationes , membrorum amputationes , furta , latrocinia ,
alienarum rerum invafiones , que cum vicinis criminaliter ac-
cufatis , ad Comitis Mallum , venire debent.
Le fecond modelle de Serment , eft celuy qui fut fait
par les Evêques & les autres Seigneurs du Royaume dans
une Affemblée de l'an 873. qui eft rapporté par le même
Auteur.
Serment
J'ajoûteray une troifiéme Formule de ces Sermens de fi-
fait par les
delité,qui eft affùrément très-finguliere. Lorfque le Royau Catalans.
me d'Arragon & la Catalogne s'affranchirent de la domi-
nation des Maures , trouvant la race de leurs anciens Rois
éteinte , ils fe choifirent un Chef par election : lesfuffrages
tomberent fur Garcia Ximenes. On dreffa des Loix & des
Statuts qu'on fit figner à ce Chef , auquel on donnale titre
de Roi,qui en jura l'obfervation pour lui & fes Succeffeurs,
fous la claufe, que venant ày manquer,les Peuples feroient dif
penfezde luy obéir, & pourroient fe choisir un autre Chefou Roy,
même parmi les Payens & les infidelles. Enfuite ces Peuples
firent le Serment de fidelité en ces termes : Nos que valemos
tanto emo - vos os hazemos nueftro Rei , y Signore , contalque
guardareis nueftros fueros , y libertades, fino , no ; c'est- à - dire,
Nous qui valons autant que vous , vous faifons nôtre Roy
& Seigneur , à condition que vous garderez nos Privile-
ges & Franchiſes , & non autrement. ( a )
Les Etats Generaux du Païs s'étant affemblez fous le
Regne du Roy Dom Pedro, furnommè el Punnal , ces Sta-
tuts & ces Loix, fi oppoſez à la Religion & au bon ſens , fu-
rent fupprimez. Ce font cependant ces prétendus & anciens
Privileges qui ont fervi de prétexte à la Revolte des Ca-
talans,laquelle a fait de nos jours la défolation de leur Patrie,
& qui a coûté la perte d'un million d'hommes en differentes
occafions s'il faut ajoûter foy aux Relations du temps.

[ a ] Journal Hift. Avril, 1714-


A aa
370 Differtations Hiftoriques & Critiques

ARTICLE III.

Des Vœux des Sermens des Religions & des Ordres


Militaires.

E n'entreprens pas de rapporter les Formules des Voeux

J & des Sermens de toutes les Milices Regulieres & des


Ordres de Chevalerie . Elles font auffi differentes entre
elles , que les obligations de toutes ces Societez . Les Re-
ligions Militaires énoncent leurs Voeux , quoiqu'ils revien-
nent au même pour la plûpart , d'une maniere bien diffe-
rente. Et les Ordres de Chevalerie , quand ils font leurs
Sermens , fe fervent d'autant de Formules , qu'ils ont de
fins particulieres , ou qu'elles ont été marquées par les Fon-
dateurs de ces Ordres.

5. I.

Formules des Vœux que l'onfait dans les Religions


Militaires.

Pour ne pas faire des repetitions inutiles, je ne mettrai icy


que les termes des Vœux qu'on fait dans deux Religions
Militaires , qui pourront faire comprendre quelles font
à peu près les Formules des autres Milices Regulieres , foit
qu'on y faffe abfolument les trois Vœux effentiels de Re-
ligion , ou qu'on s'oblige à l'obſervance de ces mêmes
Vœux , avec quelque limitation,
La premiere Formule , qui fe prefente , des trois Vœux
que l'on promet de garder dans les Religions Militaires ,
Dans la fe trouve dans les Statuts de l'Ordre de Malte , qui eft la
Religion plus celebre & la plus étenduë de toutes les Milices Regu-
de Malte. fieres. Les engagemens de ces Chevaliers font conçus en
ces termes; « Moy N. jure & promets, & fais Vœu à Dieu "
fur la Chevalerie. Liv. II. Diſſert. III . 371
Tout - Puiffant , à la glorieuſe Vierge Marie , & Saint
Jean-Baptiste mon Patron , moyennant fa grace , d'ob-
ferver & garder vraye obéïffance à celuy qui me fera «
commandé de par Dieu & ma Religion , de vivre fans -
propre , & de garder chafteté , ainfi qu'il convient à tous “
52
bons Religieux.
La Profeffion des Chevaliers de Nôtre-Dame du Mont- Dans l'Or
dre de N.
Carmel & de Saint Lazare fervira de modele.pour les D. du Mót

Milices Regulieres , qui font les trois Vœux de Religion , Carmel.


avec quelque limitation : en voicy la Formule. « Moy “
N. promets & voie à Dieu Tout- Puiffant , à la glorieu-
fe Vierge Marie Mere de Dieu , à Saint Lazare , & à "
Monfeigneur le Grand- Maître , d'obſerver toute ma vie “
les faints Commandemens de Dieu , & ceux de la fainte "
Eglife Catholique , Apoftolique & Romaine , de fervir «
d'un grand zele à la défenſe de la Foy , lors qu'il me le "
fera commandé par mes Superieurs; d'exercer la charité “
& les œuvres de mifericorde envers les pauvres , & par-
66
ticulierement envers les Lepreux , felon mon pouvoir ;
de garder au Roy une inviolable fidelité , & à Monfei- "
gneur le Grand- Maître,de luy rendre une parfaite obéif- "
fance , & de garder toute ma vie la chafteté libre ou "

conjugale.
S. II.

Sermens qu'on fait dans les Ordres Militaires.

" Les Chevaliers juroient autrefois par l'Epée , for-


me de Serment pratiqué par les anciens Gaulois. Les
Loix de Baviere & des Lombards ont reçû & autorifé ce
jurement des Chevaliers par les Armes & par les Epées. Les
-témoins appellez pour être oüis , quand il s'agiffoit de la
caufe d'un Chevalier , donnoient leurs Epées que l'on be-
niffoit , puis ils juroient par leurs Armes facrées. (4)
Le Serment de fidelité le plus ancien que je fçache , &
le plus folemnel des Ordres Militaires depuis la Guerre
( a ) Savaron , Traité de l'Epée pag. 33 .
A aa ij
372 Differtations Hiftoriques & Critiques
Sainte , eft celuy que fit Guillaume Comte de Hollande .
Ce Prince étant élû Roy des Romains reçût l'Ordre de
Chevalerie , avant que l'on fît les Cérémonies de fon
Couronnement. Voicy la formule de ce ferment , com-
me elle fe trouve dans la Chronique de Flandre , fous l'an-
née 1247 .

Ego Vuillelmus Hollandienfis Militia Princeps , jurejuran-


do profiteor Regule Militaris obfervantiam , in præfentia ,
Domini mei Petri ad Velum aureum Diaconi Cardi-
nalis , & Apoftolicæ Sedis Legati , per hoc facro - fanitum
Evangelium , quod manu tango.
L'Hiſtorien de Valenciennes faifant la defcription des
Cérémonies qui s'obſerverent lorſque le Comte d'Oftre-
vant , fils du Comte Guillaume de Hainaut fut fait Cheva-

lier l'an 1336. n'a pas oublié le Serment que fit ce Prince.
Ileft conçu en ces termes : « Guillaume de Hainaut , Com-
te d'Oſtrevant, Prince libre , & Vaffal du Saint Empire ,
»
, promets & fais ferment en preſence de Meffire Pierre
23 Evêque de Cambray , & de l'illuftre Prince Guillaume
Comte de Hainaut & de Zelande , Seigneur de Frife,
,, mon Seigneur & Pere , & des Nobles Hommes les Pairs
"" de Hainaut , & les Pairs de Valenciennes , de garder
toutes les Loix de Chevalerie , par l'impoſition de mes
" mains fur les faints Evangiles. "
Ego Vuillelmus de Hannonia Comes Auftervannenfis ,
Princeps liber, & Vaffallus Sacri Imperii , promitto juramen-
topræftito in præfentia Domini mei Petri Cameracenfis Præfu-
Lis , & illuftris Principis Guillelmi Comitis Hannonie..
obfervare omnes Equeftres Regulas , per manus huic fanéto
Evangelio appofitas.
Les Chevaliers de l'Ordre du Croiffant , inftitué en
-1448 . par René d'Anjou , dit le Bon , Roy de Sicile , fai-
-foient un Serment qui paroît affez fingulier. L'Auteur du
Dictionnaire Hiftorique , verbo Croiffant , dit avoir vu
cette Formule de Serment dans des Manufcrits de la
Biblioteque de Saint Victor de Paris. Ce Serment eft en
ces termes,
fur la Chevalerie. Liv. II . Differt. III . 373
La Meffe oüir, ou pour Dieu tout donner ,

Dire de Noftre- Dame , ou manger droit le jour ,

Quepour le Souverain , ou Maistre , ou fa Cour ,

Armer les Freres , ou garderſon honneur ,

Fête & Dimanche doit le Croiffantporter,

Obéir fans contredit toûjours au Senateur.

Le Serment des Chevaliers de la Milice Chrétienne eſt


tout - à - fait fingulier. Il eft conçû en ces termes : « Jes
N. protefte devant Dieu , & jure par ma Nobleffe , dob- “
ferver inviolablement les Statuts de l'Ordre des Cheva- "
liers de la Milice Chrétienne : En premier lieu , de procu- “
rer par toutes voyes licites & raifonnables la Paix entre "
les Princes & les Peuples Chrétiens , conjointement avec “
ledit Ordre : En fecond lieu , de travailler à la déli- «
vrance des Chrétiens détenus Captifs fous l'oppreffion
des Infideles : En troifiéme lieu , de toûjours garder "
fidelité à mon Roy , ou Prince Souverain , à peine d'ê- “
tre dégradé dudit Ordre , &c. Ainfije lejure & promets. “

S. III.

Serment des Chevaliers de l'Ordre du Saint Efprit.

L'Ordre des Chevaliers duSaintEfprit, qui eft un des plus


celebres de l'Europe , contient quelque chofe de bien par-
ticulier fur le fujet que je traite , & il n'y a point d'Ordre
de Chevalerie , que je fcache , qui ait rien de ſemblable.
Dans les Statuts de cet Ordre il y a trois fortes de Sermens .
Le premier eft celuy du Roy Henry III . qui eft l'Infti- Serment
tuteur de cette Augufte Milice. Ce Serment , ou Vœu du Roy
« Nous Henry " Henry III.
folemnel , eft conçue en ces termes : ( a ) сс
par la grace de Dieu Roy de France & de Pologne ju "

(a ) Statuts de l'Ordre du S. Eſprit,

A aa iij
374 Dissertations Hiftoriques Critiques
,, rons & voüons folemnellement en vos mains ( a ) à Dieu
"" le Createur , de vivre & mourir en la fainte Foy & Re-
"" ligion Catholique , Apoftolique & Romaine , comme à
,, un bon Roy très- Chrétien appartient , & plûtôt moùrir
,, que d'y faillir ; de maintenir à jamais l'Ordre du benoît
" Saint Efprit , fondé & inftitué par Nous , fans jamais le
"" laiffer décheoir , amoindrir , ni diminuer , tant qu'il fera
‫ دو‬en nôtre pouvoir ; obferver les Statuts & Ordonnances
" dudit Ordre entierement , felon leur forme & teneur ,
,, & les faire exactement obſerver par tous ceux qui font
‫ & دو‬feront cy-après reçûs audit Ordre ; & par exprès ne
,, contrevenir jamais , ni diſpenſer , ou eflayer de changer ,
,, ou immuer les Statuts irrevocables d'iceluy ..... Ainfi
" le jurons , voüons & promettons fur la fainte vraye
,, Croix , & le faint Evangile touchez. ""
Dans les quatre Articles fuivans (b ) il eft fait mention
de ces Statuts irrevocables , qui concernent divers Regle-
mens touchant la Grande-Maîtrife de l'Ordre , le nombre
& la qualité de ceux qui y doivent être reçûs , & touchant
les obligations des Chevaliers , & autres chofes femblables.
Serment
Henry III. ayant ordonné , pour rendre l'Ordre du
des Cardi-
naux & Saint Elprit plus illuftre , qu'il y auroit toûjours quatre

Prélats af- Cardinaux , & quatre Archevêques , Evêques , ou Pré-


fociez à lats , fans y comprendre le Grand- Aumônier de France ,
l'Ordre du
S. Elprit , ce Roy fit dreffer la Formule du Serment que feroient ces
qui fe fait Cardinaux & ces autres Prélats , en cette forte : ( c ) Сс Je
entre les
mains du " jure , & vous promets , Sire , que je vous feray loyal &
Roy. fidele toute ma vie , vous reconnoîtrai , honorerai , &
" fervirai comme Souverain de l'Ordre des Comman-
deurs du Saint Efprit , duquel il vous plaît prefentement

(a ) C'est-à-dire , entre les mains & couronne nos Rois , leur donne
du Prélat qui luy donneroit le Col- aufi le Collier du Saint Efprit . Si le
lier de l'Ordre , en prefence des Prin- Roy ne defigne pas un Prélat en par-
ces , des Officiers de la Couronne , & ticulier , c'eft l'Archevêque de
des autres Seigneurs qui fe trouve- Rheims qui doit faire cette Cérémo-
ront à cette Cérémonie , les mains nie.
du Roy étant fur la vraye Croix , & (b ) Ibidem , art 8.9.10 . & 11.
fur les Evangiles. Le Prélat qui facre (c ) Statuts , Art. 12.
fur la Chevalerie. Liv. II. Differt. III . 375
m'honorer. Je garderai & obſerverai les Loix , Statuts «
Ordonnances dudit Ordre , fans en rien y contrevenir ; «
en porterai les marques , & en dirai tous les jours le Servi- «
ce, autant qu'un homme Ecclefiaftique, & de ma qualité «
peut & doit faire ; que je comparoîtrai perfonnellement “
aux jours des Solemnitez , s'il n'y a empêchement legi- "
time qui m'en garde , dont je donnerai avis à Vôtre Ma- "
jefté , & ne revelerai jamais chofe qui foit traitée ni con- "
clue aux Chapitres d'iceluy ; que je ferai , confeillerai “
& procurerai tout ce qui me femblera en ma confcien- "

ce appartenir à la manutention , grandeur & augmenta- “


tion dudit Ordre ; prierai toûjours Dieu pour le falut ,
tant de Vôtre Majefté , que des Commandeurs & Sup- e
pôts d'iceluy , vivans & trépaffez. Ainfi me foit Dieu "
en aide , & fes faints Evangiles. 19.
Dans les mêmes Statuts il y a une autre Formule , qui Serment
porte pour titre : Sermens & Vœuxdes Commandeurs . Com- des Com-
mandeurs.
me il eſt un peu long , je n'en rapporterai que les princi-
paux points. ( a ) Ce Serment eft exprimé en ces termes :
Je jure & voüe à Dieu , en la face de fon Eglife , & "
vous promets , Sire , fur ma foy & honneur , que je vi- «
vrai & mourrai dans la Foy & Religion Catholique, fans "
jamais m'en départir , ni de l'union de notre Mere Sain- "
te Eglife A. & R. que je vous porterai une parfaite
obéïffance , fans jamais y manquer , comme un bon "

& loyal Sujet doit faire, Je garderai , défendrai , & fou- «


tiendrai , de tout mon pouvoir , l'honneur , les querelles «
& droits de Vôtre Majefté Royale envers tous , & con- "
tre tous ; qu'entemps de Guerre je me rendrai à vôtre “
fuite , en l'équipage de Chevaux & d'Armes que je "
fuis tenu avoir par les Statuts de cet Ordre ; & en paix , “
quand il fe trouvera quelque occafion d'importance
66
toutes & quantes fois qu'il vous plaira me mander , pour
vous fervir contre quelque perfonne qui puiffe vivre & ‹‹
mourir , fans nul excepter , & ce jufques à la mort ‫ ;ز‬qu'en "
telles occafions je n'abandonnerai jamais vôtre Perfon- "
[ a ] Statuts , Art. 36.
376 Differtations Hiftoriques & Critiques
,, ne , ou le lieu où vous m'aurez ordonné de fervir , fans

"" vôtre exprès congé & commandement figné de vôtлe


,, propre main , & de celuy auprès duquel vous m'avez or-
" donné d'être , fi non quand je luy aurai fait apparoir d'u
,, ne jufte & legitime occafion; que je ne fortirai jamais de
,, vôtre Royaume , fpecialement pour aller au fervice d'au-
,, cun Prince étranger , fans vôtredit commandement , &
,, ne prendrai penfion , gages , ou état d'autre Roy , Prin-
,, ce , Potentat , & Seigneur que ce foit , ni m'obligerai
» au fervice d'autre perfonne vivante , que de Vôtre Ma-
" jefté feule , fans votre expreffe permiffion ; que je vous
,, revélerai fidelement tout ce que je fçaurai cy-après im-
», porter vôtre fervice , l'Etat & la confervation du prefent
,, Ordre du Saint Efprit , duquel il vous plaît m'honorer ;
,, & ne confentirai ni permettrai jamais , entant qu'à moy
,, fera , qu'il foit rien innové , ou attenté contre le fervice
" de Dieu , ni contre vôtre autorité Royale , & au preju-
"" dice dudit Ordre , lequel je mettrai peine d'entretenir
,, & augmenter de tout mon pouvoir. Je garderai & obfer-
,, verai très-religieufement tous les Statuts & Ordonnan-
,, ces d'iceluy. Je porterai à jamais la Croix coufuë & cel-
le d'or au col , comme il m'eſt ordonné par les Sta-
,, tuts , & c.

Serment Le Serment de fidelité des Chevaliers de Saint Louis

desCheva- contient à peu près les mêmes engagemens. Les Ordres


liers de S. de Chevalerie établis chez les autres Princes ont auffi leurs
Louis.
Sermens propres , où on explique les obligations de ceux

qui ont l'honneur d'y être aggregez. Il n'eft pas neceffai-


re d'en mettre icy les Formules , qui reviennent en par-
tie à celles , dont nous avons parlé. On y ajoûte feulement
quelques engagemens , qui font propres à chaque Ordre
Militaire , & conformes à la fin pour laquelle ils ont été
fondez.

ARTICLE
fur la Chevalerie. Liv. II . Differt . IV. 385
T'unpuiffe faire d'exclufion à l'autre , ni les deux au troi- “
fiéme. ( a ) Dans l'Article fuivant nous examinerons , fi
celui qui a reçû l'Ordre de Chevalerie de fon Prince ,
peut accepter le Collier d'un Souverain étranger.

Cependant il faut remarquer , que ceux qui étoient qua-


lifiez Chevaliers de l'Ordre du Roi , n'avoient reçû que l'Or-

dre de Saint Michel. Mais parce qu'il eft ordonné dans


l'Article 37. des Statuts de l'Ordre du Saint Efprit , de
faire Chevaliers de Saint Michel ceux qui ne l'étoient pas
avant de les recevoir Chevaliers du Saint Efprit , c'est pour
cela qu'étant reçûs Chevaliers de Saint Michel & du Saint
Efprit , on les a qualifiez Chevaliers des Ordres du Roi , ou
Chevaliers & Commandeurs des Ordres du Roi. Les Car-
dinaux & les Prélats affociez à l'Ordre du Saint Eſprit , ne
font Commandeurs que de l'Ordre du Saint Efprit , & non
pas de Saint Michel . C'eft la raifon pour laquelle ils por-
tent des deux côtez de leur Croix d'or , attachée au Cor-

don bleu , la feule image du Saint Efprit ; au lieu que les


Chevaliers portent d'un côté un Saint Michel , & de l'au-
tre un Saint Efprit. La qualité de Commandeur eft donnée
aux uns & aux autres à caufe des Commandes qu'ils de-
voient avoir , & qui n'ont pas encore efté créées.

S. II.

Comment on peut être aggregé dans deux Religions


Militaires.

les
Lorfque ces Religions Militaires , où l'on ne fait pas
trois vœux folemnels , fe rapportent aux mêmes exercices
& aux mêmes engagemens , cela eft fans difficulté qu'on
en peut prendre plufieurs enfemble. Cette pratique eft com-
mune en Espagne , où il y a des Chevaliers d'Alcantara ,
qui font auffi Chevaliers de Calatrava. Mais les Milices
Regulieres , où l'on s'oblige à l'obſervance des trois vœux
[a] Statuts de l'Ord. de S. Louis, art.VI.
Ccc
386 Dissertations Hiftoriques & Critiques
Deux Re- de Religion , elles font incompatibles. Ainfi un Chevalier
ligions
Militaires de Malte ne peut pas être reçû dans l'Ordre Theutonique ,
font in ni dans aucun Ordre de Chevalerie Reguliere ; dé même
compati
bles. perfonne ne peut entrer dans l'Ordre de Saint Jean de Je-
rufalem , s'il a fait profeffion d'une autre Milice Regulie-
re , parce que dans ces Religions Militaires l'on contracte
des obligations , & on fait des voeux qui attachent le Che-
valier au ſervice de fon Ordre , à l'exclufion de tous les
autres. ( a )
Ufage de Les Statuts de l'Ordre de Malte s'expliquent nettement
Malte.
fur ce fujet , en ces termes : Celui qui aura fait profeſſion d'un
autre Ordre , qu'il foit nullement reçû au nôtre : ou s'ily eft re-
çû, & qu'on vienne à avoir connoiffance de fa premiere Pro-
felion , qu'il foit privé de l'habit , & qu'ilfoit en outre chaffe
de notre Couvent , & privé de toute efperance d'avoir nôtre ha-
bit , ni la nourriture même , ni aucune autre chose en nôtre Or-
dre. Ces maximes font également obfervées , & avec la mê
me rigueur dans tous les Ordres de Chevalerie Reguliere ,
n'étant jamais permis d'en prendre deux conjointement , à
moins que ces Religions Militaires ne foient réunies fous
un même Chef ou Grand- Maître , comme le font les Or-

dres de Saint Jacques de l'Epée , de Saint Julien du Poi-


rier & de Calatrava.

Suivant ces principes j'aurois crû que l'Ordre de Saint


Jean de Jerufalem étoit incompatible avec les Ordres Mi-
litaires des Rois & des Princes Séculiers. L'incompatibilité

de cette Religion avec les Chevaleries Séculieres , peut être


fondée fur leurs engagemens , qui attachent inviolablement
les Chevaliers au fervice de ceux qui les reçoivent dans
leurs Ordres. Le ferment de fidelité foûmet le Cheva-

lier au Prince qui lui donne fon Collier . En vertu de


ce Collier il eft obligé de fuivre les ordres de fon Chef ,
lorfqu'il s'agit d'executer les promeffes qu'il lui a faites. Le
Chevalier Regulier eft uni par fes voeux à fon Superieur ,
attaché à fa Religion , & obligé de leur obéïr quand il eſt
queftion de leur rendre fervice. Or ces engagemens étant
[a ] Statuts de l'Ordre de Malte, titre II . ¦ art. 9. & 10.
fur la Chevalerie. Liv. II. Differt. IV . 387
incompatibles , il femble que deux Ordres de Chevalerie ,
dont l'une eft Reguliere & l'autre Seculiere , ne peuvent
pas être réunies en une même perfonne.

§. III.

Ces Regles peuvent avoir quelque exception.

Cependant ces Regles ne font pas fi generales qu'elles ne


puiffent avoir quelque exception . Ainfi un Chevalier de
Malte peut être en même temps Chevalier de la Toifon
d'or , ou de Saint Michel , ou du Saint Efprit , & de quel-
que autre Ordre fondé par les Princes.

Cette conjecture eft fondée fur un uſage de l'Ordre de


Saint Jean de Jerufalem. On n'admet jamais aucun Che-
valier à la Profeſſion , qu'il n'ait reçû la Dignité Militaire ,
c'est- à-dire , qu'il ne foit Chevalier . C'eſt pour cela que
dans les Statuts de cer Ordre il y a deux Formules differen-
tes , dont la premiere marque les ceremonies inftituées pour
conferer la Chevalerie , & l'autre contient la maniere de
faire la Profeffion . Ainfi un Gentilhomme , qui a reçû
l'Ordre de Malte , eft conjointement Chevalier & Reli-
gieux.
Quoiqu'on ne puiffe pas être Religieux de l'Ordre de
Saint Jean de Jerufalem fans être Chevalier , on peut nean-
moins avoir l'honneur de la Chevalerie fans être aggregé
Un Che-
à l'Ordre de Malte. Or fi celui qui eft Chevalier veut faire valier
Profeffion parmi les Hofpitaliers de Saint Jean de Jerufa- peut être
lem , il ne faudra pas qu'on lui confere la Chevalerie , puif- reçû dans
l'Ordre
qu'il l'a déja reçûë . Il fera donc en même temps Cheva-
de Malte.
lier d'un Ordre établi par un Prince , & Religieux de l'Or-
dre de Malte.
Or quiconque , ce font les termes des Statuts , fe con- «
noiffant enclin & propre à nôtre Ordre , demande d'être "
reçû à la Profeffion en qualité de Chevalier , fuivant la “
forme portée par nos Reglemens , il faut neceffairement "
Ccc ij
388 Dißertations Hiftoriques & Critiques
" qu'avant de prendre l'habit & faire Profeffion , il foit ho-
"»,
" noré du Cordon de l'Ordre ou de la Milice. C'eft pour-
" quoi , s'il n'a reçû l'Ordre de Chevalier de quelque Prin-
,, ce Catholique , ou d'un autre Grand qui ait pouvoir de
" le donner , il faut qu'en tel cas il en reçoive les ornemens
" de la main de celui des Freres Chevaliers de nôtre Or-
,, dre , devant qui il fera la Profeffion , ou bien de quelque
,, autre qui foit Chevalier du même Ordre , fuivant la coût-
», tume qu'on obferve à faire des Chevaliers , & qu'enfin il
" faffe Profeffion avec l'Ordre fufdit. ( a )
Exemples Après cela il femble qu'on peut conclure que l'Ordre
de cet ufa- des Chevaliers de Malte n'eft pas abfolument incompatible
ge.
avec les Ordres Militaires des Rois. S'il falloit même ap-
puyer cette conjecture de quelque exemple , Loüis d'Ar-

pajon Marquis de Severac nous en fourniroit un qu'on ne


fçauroit contefter. Ce Seigneur étoit Chevalier des Or-
dres de Saint Michel & du Saint Efprit , & en même temps
Profez & même Grand Croix de l'Ordre de Malte. Les
Colliers & les Croix de ces trois Ordres paroiffent dans fes
armes ; & il en eft fait mention dans la Préface qu'on a
mis à la tête des Thefes qui lui furent dédiées à Tolofe
l'an 1646 .
En voici un autre exemple qui n'eſt pas moins remar-

quable. Touffaint de Forbin Cardinal de Janfon fut fait


Chevalier de Malte dès fon berceau ; enfuite ayant pris le

parti de l'Eglife , poffedé differens Evêchez , employé par


Louis le Grand dans plufieurs importantes negociations , il
fut fait Commandeur de l'Ordre du Saint Efprit l'an 1689.

Quoiqu'il fût forti de l'Ordre de Malte , lors de fa promo-


tion à l'Epifcopat , il y rentra depuis qu'il fut revêtu de
la Pourpre , par le privilege des Cardinaux , confirmé par
un Bref imperatif du Pape ; & il étoit Commandeur de
Saint Jean d'Avignon, & en rang de devenir l'un des Grands
Prieurs de la Langue de Provence.
( a ) Statuts de l'Ordre de Saint Jean de Jerufalem , tit. 11. art 2.
fur la Chevalerie. Liv . II . Differt . IV. 389

ARTICLE II.

Comment le Sujet d'un Roi , ou d'un Prince peut prendre


le Collier d'un Souverain étranger.

" Eft une maxime communement reçûë , qu'on ne peut


Caccepter l'Ordre de Chevalerie d'un Prince étranger
fans le confentement de fon Souverain. Cela eft expreffe-
ment défendu en France par les Statuts des Ordres de Saint
Michel & du Saint Efprit , & le doit être pareillement par
les Loix des autres Royaumes. Car c'eft une espece de re-
bellion à un Sujet d'accepter cette marque d'honneur d'un
Prince étranger fans l'aveu & la permiffion de fon propre
Souverain. C'eft pourquoi François I. Duc de Bretagne ,
fit mourir fon frere Gilles de Bretagne , Baron de Château-
Briant en 1450. parce que fans fon confentement , & au
mépris de Charles VII . fon Souverain Seigneur , il avoit
accepté l'Ordre de Saint George d'Angleterre .

S. I.

On ne peut pas prendre le Collier d'un Souverain étranger


fans le confentement de fon Prince .

Mais c'eſt fans difficulté qu'avec l'agrément de fon Prin-


ce ,on peut porter le Collier de l'Ordre d'un Seigneur , dont
on n'eft pas né Sujet , & même on peut recevoir l'Ordre
de fon Prince naturel , conjointement avec l'Ordre d'un
Souverain étranger. Nous en avons en France plufieurs
exemples.
Anne Duc de Montmorenci , Premier Baron , Grand- Exemples
de Cheva-
Maître , Connetable & Maréchal de France , & François liers qui
Duc de Montmorenci fon fils , Maréchal de France , ont reçû
étoient Chevaliers de l'Ordre de ce Royaume , & furent deux Of-
dres.
Ccc iij
390 Differtations Hiftoriques & Critiques
honorez de celui de Saint George , appellé de la Jartiere.
Le premier le reçut de Henri VIII. & la Reine Elizabeth
le confera au fecond .Philippe Chabot Baron de Brion ,
Amiral de France , & Bernard de Foix Duc d'Efpernon ,
Colonel General de l'Infanterie Françoife , ont efté en di-
vers temps faits Chevaliers des Ordres de France & d'An-

gleterre.
Combien y a-t-il de Seigneurs en France qui ont été ho-
norez du Collier du Saint Efprit & de la Toifon d'Or ? On
peut mettre dans ce rang Charles de France Duc de Berri ;
Philippes d'Orleans , aujourd'hui Regent du Royaume ;
Louis-Alexandre de Bourbon , Comte de Toulouſe. On
n'ignore pas auffi que Louis - Joſeph Duc de Vendôme

mort en 1712. & Louis- François Duc de Bouflers , Maré-


chal de France , mort l'an 1711. Hector de Villars , Duc
de Villars , Pair & Maréchal de France , & plufieurs autres
ont été conjointement Chevaliers du Saint Eſprit & de la
Toifon d'Or.
S'il faut
Si les Sujets du Roi ne peuvent pas recevoir les Ordres
être na-
turalifé des Princes étrangers fans fon confentement , ceux qui ne
pour rece- font pas naturalifez en France , fans une faveur particu-
voir les liere du Roi , font exclus des Ordres de ce Royaume.
Ordres de
France. Nous déclarons , dit Henri III . que nuls étrangers , s'ils ne
font Regnicoles & naturalifez, en celui notre Royaume , ne
pourront entrer audit Ordre du Saint Efprit , en quelque forte
que ce foit. ( a ) Dans l'Article fuivant , qui eft le 38. on
ajoûte une limitation , qui eft énoncée en ces termes : Ex-
ceptons de ladite exclufion les Cardinaux du Saint Siege , Arche-
vêques & Evèques.
C'eſt en vertu de ce Statut que plufieurs Prélats étran-
gers ont eſté aggregez à l'Ordre du Saint Efprit , & entre
autres Antoine Barberin , Cardinal , Evêque de Paleftrine ,
Archevêque Duc de Reims , Premier Pair de France , &
Grand Aumônier ; Guillaume Egon de Fuftemberg , Evê-
que & Prince de Strasbourg , Abbé de Saint Germain des
Prez ; Dom Louis - Emmanuel - Ferdinand Portocarrero ,
(a ) Statuts de l'Ord. du S. Efprit , art. 37.
fur la Chevalerie. Liv. II . Differt. IV . 391
Cardinal , Archevêque de Tolede , Primat d'Espagne , &
Grand-Chancelier de Caſtille. Ce ne font pas feulement les
Prélats étrangers qui peuvent être honorez des Ordres de
France ; mais auffi les Rois & les Princes étrangers quand
il plaît à nos Souverains de leur accorder ce privilege ,
dont il y en a un grand nombre d'exemples qui font affez
connus.

Quoique le Roi Henri III . par l'Article 37. des Statuts


de l'Ordre du Saint Eſprit en eut exclu les étrangers non
Regnicoles , cependant le Roi Henri IV. donna une De-
claration le dernier Decembre 1607. pour admettre les
Rois, Princes & Seigneurs étrangers , dans l'Ordre du Saint
Efprit. Voici les termes de cette Declaration.
Сс
Ayant mûrement confideré. . . . . . combien de pre-
fent il importe pour la reputation d'icelui , & pour le "

bien de notre Royaume , que les Rois & Princes Souve- "
rains , voifins & alliez d'icelui , & les autres Seigneurs "
étrangers non Regnicoles , lefquels ont bien merité de nô- “
tre amitié & de nôtre Couronne , foient à l'avenir ad- "
mis & aggregez en la fraternelle Compagnie dudit Or- "
dre , de laquelle ils ont efté exclus par les Statuts faits "
par le feu Roi Henri III . Fondateur dudit Ordre..... "
Ordonnons , tant pour le prefent que pour l'avenir , que
lefdits Rois & Princes Souverains , & lefdits Seigneurs "

étrangers non Regnicoles , étant de la qualité prefcrite par


lefdits Statuts pour nos Sujets , pourront dorefnavant être,
tant par nous , que par nos Succefleurs , Chefs & Souve- "
rains Grands- Maîtres dudit Ordre du Saint Efprit.... y "
être admis , reçûs & affociez , comme les autres Princes ,
Seigneurs & Chevaliers d'icelui , Regnicoles & Sujets de "
nôtre Couronne , nonobftant l'exclufion defdits étrangers "
ordonnée par lefdits Statuts , aufquels pour cette fin déro- “
geons par ces prefentes. Donné à Paris le dernier Decem-
bre , l'an de grace 1607. & de nôtre Regne le 19. (a)
( a ) P. Anfelme Auguft. Dech. Hiftoire Genealog. tom. II. page 1648,
392 ions ues s
Differtat Hiftoriq & Critique

S. II.

Les Rois les Princes font affranchis de ces Loix.

Les Empereurs , les Rois & les Princes Souverains , ne


font pas adftraints aux Loix que nous avons rapportées. Non-
feulement ils peuvent porter les Colliers de plufieurs Or-
dres de Chevalerie , s'ils font érigez dans leurs Etats ; mais
auffi ils ont coûtume de prendre les Ordres établis par les
Princes leurs voisins , en confideration de la proximité , bonne
paix & amitié qui eft entre les Chefs & Souverains defdits
Ordres. ( a)

Rois qui C'est dans cette vûë que nos Rois ont fouvent pris les
ont reçû Ordres de la Toifon d'Or & de la Jartiere , & que les Rois
plufieurs
Ordres. d'Espagne , d'Angleterre & de Pologne ont porté les Colliers
de France. Quelques-uns même ont efté tout à la fois Che-
valiers du Saint Eſprit , de la Toifon d'Or & de la Jar-
tiere , comme François I. & même Jacques V. Roi d'E-
coffe en avoit quatre conjointement . En 1534. il reçut l'Or-
dre de la Toifon d'Or de l'Empereur Charles-Quint , celui

de Saint Michel de François I. & celui de la Jartiere bleüe


de Henri VIII . Roi d'Angleterre . Outre ces trois Or-
dres il avoit encore celui de Saint André , ou du Chardon
& de la Ruë , qui fleuriffoit dans le Royaume d'Ecoffe .
Mais fi les Rois , les Princes & les perfonnes de qualité
contractent une espece d'alliance & de confraternité avec
ceux dont ils acceptent les Ordres Militaires ; c'eft auffi une
1 marque de rupture & de renoncement à l'alliance que l'on
avoit établie , quand on renvoye à un Prince le Collier
qu'on en avoit reçû . C'eſt ainfi que Charles- Quint fit pa-
roître qu'il renonçoit à l'alliance qu'il avoit faite avec
François I. en lui renvoyant l'Ordre de Saint Michel.
(a ) Statuts de l'Ordre du Saint Efprit . ¡ art. 38. - 07

ARTICLE
fur la Chevalerie. Liv . II . Differt. IV . 393

ARTICLE III.

Des occafions dans lesquelles on conferoit la Chevalerie.

§. I.

Au couronnement des Rois.

A création des Chevaliers eft une cérémonie fi écla-


tante , que les Rois & les Souverains l'ont fouvent
LA
confiderée comme une des plus auguftes folemnitez qui
pouvoient relever la gloire de leur couronnement. C'eſt
dans une femblable occafion que l'an 1530.le RoiJean ayant
efté couronné avec la Reine Jeanne Comteffe de Bolo-
gne fon époufe , il fit plufieurs nouveaux Chevaliers , en-
tre lefquels étoient Charles fon fils aîné Duc de Norman-
die , depuis Roi ; Louis d'Anjou fon fecond fils, & plufieurs
autres Princes.

Après le Sacre de Charles VI . fait à Reims l'an 1380.


ce Prince honora de la Chevalerie quelques Princes , &
un grand nombre d'autres jeunes Ecuyers , enfans des plus
hauts Barons du Royaume. Jean Cantacuzene Empereur
d'Orient ayant efté couronné à Didimotique , Ville de
Trace en 1341 accompagné de tous les Grands de l'Em-
pire , alla à l'Eglife de Saint George , où il créa plufieurs
Chevaliers. Mais fans aller chercher des exemples dans
les fiecles paffez , ne fçait-on pas que le nouveau Roi de
Sicile a voulu rendre celebre la folemnité de fon Sacre
en conferant l'honneur de la Chevalerie à plufieurs illu-
ftres perfonnes de ce Royaume , & que le Roi George à
fon couronnement fit quatre Chevaliers de l'Ordre de la
Jarretiere , qui font le Duc de Rutland , le Duc de Bol-
ton , le Comte de Dorfet , le Comte d'Hallifax ?

Ddd
394 Differtations Hiftoriques & Critiques

S. II.

Aux joyeufes Entrées , & aux Fêtes folemnelles.

Les joyeuſes Entrées des Princes dans quelques Villes ,


étoient une occafion affez ordinaire de créer des Cheva-
liers. L'Empereur Maximilien faifant fon Entrée à Franc-
fort , fit Chevaliers Philippe Comte Palatin du Rhin ,
Erneſt Duc de Saxe , Guillaume Duc de Juliers , Albert
Marquis de Bade , & Guillaume Landgrave de Heffe.
L'Empereur Frederic III . étant allé à Naples , pour y
faire fon Entrée folemnelle , après fon couronnement
Rome , fut conduit par toute la Ville , fous un riche Dais
de drap d'or , accompagné du Roi Alphonfe ; & paffant
par les Segges , il y fit plufieurs Chevaliers.
La Reception folemnelle des Chevaliers fe faifoit ordi-
nairement aux Fêtes de Pâques,de la Pentecôte & de Noël.
Les Memoriaux de la Chambre des Comptes nous appre-
nent , que le Roi Saint Louis donna la Chevalerie à Ro-
bert de France fon frere le jour de la Pentecôte , l'an 1237 .
Philippe le Hardi fut auffi fait Chevalier par Saint Louis
fon pere à la Pentecôte de l'an 1267. Ce fut dans une
femblable Fête que le Roi Philippe le Bel honora de la
Chevalerie Louis Roi de Navarre , Philippe Comte de
Poitou , & Charles Comte de la Marche fes enfans , fuc-
ceffivement Rois de France & de Navarre. Hugues pre-
mier Roi de Bourgogne , Titulaire de Theffalonique , &
Eudes fon frere , depuis Duc de Bourgogne , reçurent
auffi le même honneur un jour de Fête folemnelle , l'an
1373.
S. III.

Aux Nôces , aux Baptêmes , & aux Traitez de Paix.

Les Nôces & les Baptêmes étoient fouvent accompagnez


d'une création de Chevaliers. François Diveus rapporte
fur la Chevalerie. Liv. II . Differt . IV. 395
dans l'Hiftoire des Ducs de Brabant , qu'aux Nôces de
Mahauld , fille de Henri Duc de Brabant , & de Robert
de France , Comte d'Artois , l'an 1237. l'on confera la di-
gnité de la Chevalerie à cent cinquante Gentilshom-
mes .

Pour rendre plus celebre la folemnité du Baptême de


Charles Comte de Charolois, Charles de Bourgogne, Com-

te de Nevers lui impofa le nom en qualité de Parain , &


Antoine-Sire de Croy le fit Chevalier de l'Accolade , il
reçut enfuite l'Ordre de la Toifon d'Or de Philippe Duc
de Bourgogne fon pere , qui en fut l'Inftituteur, Cette cé-
rémonie avoit été pratiquée long- temps auparavant à la
naiflance de Charles , fils du Roi Charles V. l'an 1368 .

Ce Prince ayant été baptifé par Jean de Craon Arche-


vêque de Reims , Bertrand du Guefclin Connetable de
France lui donna l'épée & le fit Chevalier. Le même
Bertrand du Guefclin , l'an 1 37 1. fit Chevalier Loüis de
France premier du nom , fils puîné de Charles V. le tenant
fur les fonds baptifmaux en qualité de ſecond Parain , felon
la coûtume de ce temps-là.

Les Traitez de Paix conclus après de longues & de


cruelles Guerres , ont été fouvent accompagnez de fem-
blables folemnitez . L'an 1440. Philippe Duc de Bour-
gogne , après une fâcheufe guerre , donna l'Ordre de la
Toifon à Charles Duc d'Orleans , & celui-ci reciproque-
ment confera ſon Ordre du Porc- Epic au Duc de Bour-
gogne. Nous avons vû depuis peu que la Reine Anne
fit une création de Chevaliers pour rendre plus celebre

la publication de la Paix entre la France & l'Angle-


terre.
S. IV.

A la Naiẞance des Dauphins de France , & à la mort

des parens en Italie.

Ç'a été autrefois un uſage reçû en France , (a ) de don-


( a ) Recherche de la France , Sa- Bouffac Notes Theolog. Differt. 15.
varon Traité de l'Epée Françoise , Ddd ij
ons Hiftoriques & Critiques
396 Differtati
On met ner l'épée & de faire Chevalier le Dauphin , dès qu'il
toit une é étoit né. Le Roi de France , dit Bouffac , ayant invoqué
pée à la
main du le fecours du Ciel fur le Dauphin nouveau né , & lui
Dauphin ayant donné fa benediction , il lui mettoit l'épée à la main ,
nouveau
né. & lui difoit : Mon cher fils , fervez-vous de cette épée
pour la gloire de Dieu , & pour la défenſe du Royaume &
du peuple : Utaris Cariffime fili , hoc enfe ad gloriam Dei ,
nec-non ad Regni & populi defenfionem. Cet Ecrivain ajoû-
te , que le Roi repetoit les mêmes paroles lorfque le Dau-
phin avoit atteint l'âge de cinq ans , qu'on lui ceignoit
l'épée , & qu'on le faifoit Chevalier , & hoc ritu in equitem
promovet.
Ufage de Il femble que depuis le temps de Louis XIII . Roi de
ces der - France, il s'eft introduit un autre ufage . Louis XIV . du
niers tems.
nom , Roi de France & de Navarre , furnommé le Grand ,
étant né au Chafteau neuf de Saint Germain en Laye le
5. Septembre 1638. il reçut la Croix & le Cordon bleu
des mains du Roi fon pere , enfuite le Collier de l'Ordre
du Saint Efprit lui fut donné par Simon le Gras Evêque
de Soiffons , le lendemain de fon Sacre le 8. Juin 1654
Après avoir prêté le ferment de Chef Souverain Grand-
Maître de l'Ordre , Loüis de France , Dauphin de Vien-
nois , auffi - tôt après fa naiffance , qui arriva le 1. Novem-
bre 1661. reçut la Croix & le Cordon de l'Ordre du Saint
Esprit , auquel neanmoins il n'a été reçû Chevalier qu'en
1682. Après la naiffance de Louis de France , Duc de
Bourgogne , qui arriva le 6. Aouft 1682. le Roi lui en-
voya par le Grand Tréforier de l'Ordre le Cordon & la

Croix du Saint Eſprit , & fut reçû Chevalier le 22. Mai


1695. jour de la Pentecôte , en même temps que le Duc
d'Anjou , qui eft à prefent Roi d'Eſpagne .
On don- Ç'a été un ufage affez commun en Italie , & qui s'étoit
noit la
Chevalerie établi à Bologne , de faire Chevaliers les enfans fur les
afin que fuccedant à leurs biens ,
aux enfans tombeaux de leurs peres ,
fur le tom- ils puffent poffeder les fiefs qui demandoient qu'ils fuffent
beau de Chevaliers. Comacco & Ubaldo Gallucci furent faits
leursperes.
Chevaliers de cette forte l'an 1303. Nous en avons un
furla Chevalerie. Liv. II . Differt . IV. 397
exemple encore plus remarquable , dans ce que Jean de
Pepoli , fils du magnifique Thaddée , qui gouverna Bolo-
gne avec tant de gloire & de bonheur pour cette Ville.
Ce Seigneur voulant reconnoître les fervices que Maca-
gnano Azzoguidi Chevalier avoit rendus à fa Patrie , fit
Chevaliers fes enfans fur le tombeau même de leur pere
le jour de fes funerailles , qu'il honora de fa prefence avec
tous les Magiftrats. ( a )

S. V.

On a conferé la Chevalerie dans deux occafions bien

remarquables.

Je porterois trop loin ce difcours fi j'entreprenois de


recueillir toutes les occafions où l'on a conferé la Che-
valerie , j'en ajoûterai feulement deux qui paroiffent affez
extraordinaires. Alain Chartier raconte qu'Aftur de Bre-
tagne , Comte de Richemont , Connétable de France , &

Jean d'Alençon prirent d'affaut Jargeau fur les Anglois ,


l'an 1429. Le Comte de Suffolc , qui commandoit dans
cette place , ayant été arrêté fur le pont après la prife de
cette Ville , il fe rendit à un Ecuyer d'Auvergne , nom-
mé Guillaume Regnaur. Mais celui- ci n'étant point Che-
valier , le Comte de Suffolc lui confera fur le champ l'hon-
neur de la Chevalerie , afin qu'il fe pût glorifier d'avoir
été fait prifonnier par un Chevalier.
Le fecond exemple eft affez fingulier. L'an 1416. l'Em-
pereur Sigifmond vint à Paris pour voir le Roi Charles
VI. L'Empereur avec la permiffion du Roi prit place au
Parlement en un jour d'Audiance que l'on plaidoit la
caufe , entre les Sieurs de Pafteil & de Signel, qui pré-
tendoient tous deux l'Office de Sénéchal de Beauquaire,
Pafteil foûtenoit que Signel étoit incapable d'exercer cet
Office de Sénéchal , parce qu'il
qu'il n'étoit pas Chevalier. Si
gifmond voulant favorifer Signel , qui lui avoit été recom
(a) Gherard Dacci , Hift. di Bologna,—- lib . 22. an. 1327.
Ddd iij
398 ations iques ues
Dißert Hiftor & Critiq
mandé , le fit mettre à genoux devant lui , & le créa Che-
valier , (a) lui donnant trois coups d'épée fur les épaules :
enfuite s'étant fait ôter un de les éperons dorez , le fit
mettre au pié de Signel , & ceindre d'une ceinture , à la-
quelle , au lieu d'épée , pendoit un long couteau.
Ce fait Favin , qui rapporte auffi cette Hiftoire , remarque que
ne fut
une pas. cette action de l'Empereur ne fut pas une entrepriſe fur
entre
prife fur l'autorité du Roi , d'avoir fait un Chevalier dans fon
Pautorité Royaume , & même dans fon facré Palais , parce que les
du Roi.
Princes , fuivant cet Auteur , peuvent faire des Chevaliers
en tous lieux & hors de leurs Etats , comme l'enfeignent
les Jurifconfultes. Selon eux la création des Chevaliers
eft un acte legitime qui n'eſt attachée ni aux temps , ni
aux lieux. ( b )

M. Savaron ajoûte , que l'Empereur n'entreprit rien


contre la Majeſté du Roi , ni contre les droits de la Fran-
ce , parce que cela fe fit par la permiffion & la tolerance
de Charles V I. comme auffi parce que les Souverains hors
de leurs Etats , & dans tous les lieux où ils portent l'épée ,
peuvent faire des Chevaliers & leur ceindre l'épée . Ce
qu'il prouve par l'exemple de Saint Louis , qui étant pri-
fonnier de Guerre entre les mains de Meleth Soudan ,
ilfut prié, dit-il , par le Soudan de faire un fien Mignon &
Serviteur Sarrazin , Chevalier , auquel répondit Saint Louis ,
que pour mourir il ne annobliroit Sarrazin de ceinture de
Chevalier au nom Chrétien . Cet exemple nous apprend ,
conclut M. Savaron , (c ) que quoique le Roi fût prifon-
nier & hors de fon Royaume , il pouvoit conferer l'hon
neur de la Chevalerie.

(a ) Grandes Chroniq. Gaufredus de neur , liv. 1. chap. 6. page 97. De la Ror


bello-loco. Savaron , Traité de l'épée , que , Traité de la Nobleffe , chap. 3.
page 29. [ ] Savaron ubi fupra , pag. 31.
(b ) André Favin , Theatre d'hon-
fur la Chevalerie. Liv. II . Differt. V. 399

DISSERTATION V.

Des obligations des Chevaliers.

Our renfermer cette matiere dans de juftes bornes ,


il faut fe fouvenir que comme on peut confiderer les
Chevaliers , 19. en qualité de Chevaliers , 2º. entant qu'ils
font des Chevaliers Chrétiens ; & enfin comme étant Che-

valiers d'Ordres particuliers , ils ont auffi trois fortes d'obli-


gations. Il y en a qui font communes à toute forte de
Chevalerie , foit Civile , Chrétienne ou Reguliere . Les
autres font propres aux Ordres Militaires établis pour la
défenfe de la Foi , ou le foûtien des Royaumes. Enfin les
Chevaliers ont des devoirs qui conviennent à chaque Or-
dre Militaire en particulier. Toutes ces fortes d'obliga-
tions feront le fujet de cet Article. Nous examinerons en-
fuite les fins que fe propofent les Ordres Militaires , fui-
vant l'intention de leurs Inftituteurs.

ARTICLE I.

Des obligations qui font propres à un veritable


Chevalier.

Uoique tous les Gens de Guerre , & fur tout les Offi-
Q ciers , doivent avoir une fidelité infléxible pour le

fervice de leur Prince , être prêts de s'expofer à toute forte


de dangers , & de fouffrir toute forte de maux plûtôt que
rang. Il femble pour-
de faire une action indigne de leur rang.

tant que ces nobles qualitez foient plus propres aux Che-
valiers , puifqu'elles en font le veritable caractere.
400 Differtations Hiftoriques & Critiques
Ce que Qu'est-ce qu'un Chevalier en general ? C'est un Gen-
c'eft qu'un til- homme , qui étant fait Chevalier , reçoit une genereufe
veritable
Chevalier. impreffion qui le rend incapable de faire une lâcheté , ou
une action contre fon honneur , & qui démente ce qu'on
appelle un honnête homme. Il eft d'une fidelité incor-
ruptible envers fon Prince , envers tout le monde , & à
fes devoirs. La fimple parole d'un Chevalier doit être
auffi inviolable qu'un ferment , & il fe croit plus obligé de
la tenir qu'un Contrat paffé devant Notaire. Ainfi quand
on entend prononcer ce nom , Chevalier , on fe forme l'idée.
d'un homme noble , brave , juſte , fidele , & en un mot ir-
reprehenfible.
Tout cela eft exprimé par ces paroles qu'on trouve fou
vent dans nos vieilles Chartres , Moult bon Chevalier ;
loyal Chevalier, & qui oncques n'a forfait à la Chevalerie.
C'eft pour cela que les grandes Chroniques de France ,

voulant faire comprendre les nobles qualitez du Roi d'Ar-


ragon , ufent de ces termes : (a) Qu'il étoit moult bon Che-
valier. Mais quand nos anciens titres veulent marquer
un Chevalier qui a deshonoré fa Profeffion par des actions
lâches ou mauvaiſes , ils l'appellent Chevalier faux , parjure,
& deloyal Chevalier , foi mentie .
La qualité de Gentil-homme a toûjours été en fi grande
eſtime en France , qu'un Auteur parlant du Roi Charles
VIII.dit que nos Rois jurent foi de Gentil- homme,parce
que cette qualité eft comme un cercle qui renferme tou-
tes les vertus qui rendent leur foi inviolable . ( b ) Tout
cela ne convient pas moins au titre de Chevalier. Quand il
n'y auroit plus d'honneur dans le monde, & que la bonne foi
en feroit bannie , celui - là devroit être la regle de la con-
duite d'un Chevalier , & celle- ci feroit toûjours inviola-
ble en fa bouche , quoiqu'il ne pût être contraint d'agir
en honnête homme , ou de tenir la parole , & qu'il auroit
même fujet de faire contre fon honneur , & de violer ſą
parole.

(a ) La Roque , Traité de la No. 1 [ 6 ] Guichardin, Liv. 1. de Charles


bleffe , chap. 99: VIII.
On
fur la Chevalerie. Liv . II. Differt. V. 401
On étoit fi bien perfuadé de cette grandeur d'ame des La parole
Chevaliers , qu'on eftimoit davantage un ferment fait en d'un Che-
valier eft
foi de Chevalier , que quelque autre engagement que plus eft-
ce fût. Il en faut donner quelques exemples que j'ai tirez mable
de du Tillet. (a ) En l'obligation de Hué Comte de « qu'unCon-
crat.
Saint Paul , Gui & Jacques fes freres au Roi Philippe
le Bel , faite en Avril 1289. pour l'acquifition de la terre "
d'Avenes en Hainau , ils promirent par la foi de leurs “
corps , comme loyaux Chevaliers. Par l'obligation que
cc
fit Meffire Jehan de Grefly Captal de Buch , prifonnier
de Guerre en Septembre 1364. au Roi Charles V. de “
tenir fa priſon ordonnée , il voulut , s'il faifoit le contrai . “
re , être tenu pour faux , mauvais & déloyal Chevalier , "
armes cc
parjure & foi mentie : & en figne de ce , que fes
fuffent tournées & mifes deffus deffous ; & comme tel "

pût être pourfuivi en toutes Cours. ,,


Le Duc Jean de Bretagne ayant traité Paix avec le «
Roi Charles VI . le 15. Janvier 1380. jura le 10. Avril «
enfuivant l'obſervance dudit Traité par la foi de fon "
corps , & comme loyal Chevalier. Le Parlement l'an “
1431. le 18. Mai , ordonna que Meffire Parceval Cha- “
bot , Chevalier , prifonnier , pour défobéïffances faites “
à un Arreſt, ſeroit élargi en faifant ferment en foi de Che- "
valier d'obéir audit Arreft. Telle étoit l'eftime de la "
foi des Chevaliers de France. ,‫و‬

Comme l'épée faifoit anciennement les Chevaliers , les


Chevaliers auffi ne faifoient ferment que par l'épée . Ce
ferment étoit appellé la foi du Chevalier , que l'on a toût-
jours regardée comme inviolable. Deforte qu'il avoit
paflé en proverbe , un brave Chevalier doit avoir l'a-
me & l'épée nettes. Ainfi la bonne foi paroiffoit dans
toutes les actions , & dans toutes les paroles du Chevalier.
On regardoit comme un infâme , & indigne de por-
ter le titre de Chevalier , celui qui violoit la foi &
le ferment fait par l'épée en foi de Chevalier. C'est pour

( a ) Du Tillet , Recueil des Rois de | page 318.


France , leurs Couronnes Maisons , i
Eee
402 Differtations Hiftoriques Critiques
cela que l'on gravoit anciennement le fceau du Cheva-
lier fur le pommeau de fon épée. Pour marquer que l'hon-
neur & la bonne foi obligeoient le Chevalier de mainte-
nir avec le tranchant & la pointe de fon épée ce qu'il en
avoit fcellé avec le pommeau . (a)
Un Cheva- Ne pourroit-on pas avancer , que fi autrefois , ce qui
lier nedoit s'obferve encore aujourd'hui , quand on confere la Che-
rien dire
ou faire valerie on donne quelques coups d'épée fur les épaules
qui puiffe du nouveau Chevalier , & un petit foufflet fur la joüe ; ces
le desho- cérémonies font pour lui faire entendre que dès le mo
morer.
ment qu'il reçoit l'honneur de la Chevalerie , il ne doit
plus rien dire ou faire qui puiffe le deshonorer , & que c'ell

le dernier affront qu'il doit fouffrir ?


Au moins on ne fçauroit douter que ce ne foit l'inten-
tion de ceux qui créent les Chevaliers de Malte. Quand
on donne la Chevalerie dans cet Ordre , celui qui fait la
cérémonie , après avoir donné trois coups d'épée fur l'épau-
le , & un petit foufflet fur la joüe du nouveau Chevalier ,
il lui parle en ces termes : Reveillez- vous , & ne dormez
aux affaires , mais veillez en la foi de Jefus - Chrift , & fai-
tes que ce vous foit le dernier affront & deshonneur qu'avez
d'avoirpour la caufe de Jesus - Chrift , ayant la paix de No
tre-Seigneur en vous.
La gran- Ainfi la gloire & la grandeur d'ame du Chevalier ne
deur d'ame confiftent pas à être fenfible à la moindre parole , ni fon
ne devoir à tirer l'épée pour venger une querelle perfonnelle ,
valierChe-
d'un
confifte ou pour fuivre la fureur de fes paffions , Car nous ne
pas à fe
mettons pas parmi les grandes qualitez d'un veritable
battre en
Duel Chevalier cette fureur de la Nobleffe , qui fe portoit au-
trefois à répandre fon fang dans les Duels , ( b ) qui en-

(a ) Savaron , Traité de l'Epée , pag. I fois avec de grandes cérémonies , &


34. en prefence de Juges. On avoit re-
(b ) Il y avoit deux fortes de Duels, cours aux Duels pour repouffer toutes
P'un fe faifoit à fer émouffé , & l'autre fortes d'injures. Nos Rois en divers
à fer émoulu : Au premier on ne | temps ont fait des efforts pour abolis
cherchoit que la victoire ; mais au cette barbare coûtume . Charlema-
fecond on vouloit tuer fon advegne les défendit l'an 806. les Evê-
faire. Tous deux fe faifoient autre- ques de France affemblez en 1032
fur la Chevalerie. Liv. II . Differt. V. 403

levoient tant de braves gens , & qui privoient l'Etat des


ſervices confiderables qu'ils auroient rendus dans des oc-
cafions importantes. Cette bravoure imaginaire , qui naif-
foit ordinairement d'une fumée de vanité , & d'un faux
honneur , étoit foûtenuë par la rage & le défeſpoir , & fe
terminoit à la perte des corps & des ames de ces infortu-
nées victimes , & à la honte de leurs familles. Mais fi
cette conduite efface tous les nobles caracteres , & eft très-
oppofée aux devoirs d'un veritable Chevalier , elle n'eft
pas moins incompatible avec fes obligations en qualité de
Chevalier Chrétien.

ARTICLE II.

Des obligations d'un Chevalier en qualité de Chrétien.

N peut tirer de trois fources les devoirs d'un Che- Ces obli-
gations
Chrétien . 1° . Des Statuts & des Regle- viennent
O valier
mens de divers Ordres de Chevalerie. 20. Des céré- de trois
monies qu'on fait en donnant le Collier aux Chevaliers. fources.
Enfin ils font exprimez dans les prieres dont on fe fert
pendant cette folemnité.
Si on jette les yeux fur les termes de la Profeffion , ou
du ferment de fidelité que font les Chevaliers , & qui fe
trouvent dans les Statuts des Ordres de Chevalerie Chré- Premiere
tienne ; fi on examine les Oraifons que dit le Prêtre quand fource.
il benit la Croix & l'épée du Chevalier , & fi on fait quel-
que attention au fens mifterieux qui eft renfermé dans les
cérémonies de la création du Chevalier Chrétien , on

trouvera par tout les obligations qu'il contracte par rap-

frapperent d'anathême ceux qui fe , ner ces ufages cruels , fi oppofez à la


battroient en Duel . Sigebert. in Chro- Loi de Dieu. Enfin la feverité des
nico. Saint Louis fit des Loix rigou- Ordonnances de Louis le Grand les
reufes fur ce fujet en 1260. les Papes a fait ceßler en France ,
ont fait divers efforts pour extermi-
404 Dißertations Hiftoriques & Critiques
port à Dieu , à ſon Prince , à foi- même , & envers le pro-
chain.
Lorfqu'il s'engage dans cette fainte Milice , il protefte
& fait ferment de fe fervir de fon épée dans les occafions
felon l'efprit de la Religion Chrétienne , pour le fervice
de Dieu & le foûtien de l'Egliſe & de la Foi , felon fon
pouvoir , & de garder une foi inviolable à fon Prince ,
de lui obéir & d'employer fa vie & fes biens à fon fervi-
"
ce , & pour le maintien de l'Etat. Tous ces devoirs lui

font reprefentez dans les Cérémonies qui fe pratiquent


quand on lui confere l'honneur de la Chevalerie , & qui
font clairement énoncées dans l'Oraiſon que dit le Prêtre

quand il benit l'épée. Elle eft conçûë en ces termes. ( a )


" Seigneur qui avez beni l'épée de Goliat dans les mains
" de David , & celle d'Holoferne dans les mains de Ju-
"" dith , beniffez cette épée dans les mains de vôtre fervi-

,, teur N. qui par vôtre fainte Grace fouhaite prendre au-


‫ دو‬jourd'hui cette marque de la Milice Chrétienne ; pro-
"" tegez-le , Seigneur , & le fortifiez par vôtre puiffance ,
>> afin qu'il combate pour l'Eglife , pour la Foi , pour le Roi
" & pour la Religion.
Seconde Il n'y a point de Statuts d'Ordre de Chevalerie Chré-
fource.
tienne , ni de Cérémonial dont on fe fert à la reception
des Chevaliers , où l'on ne trouve leurs obligations par

rapport au falut de leur ame , & au foulagement du pro-


chain. On les exhorte dans tous ces endroits de vivre en

bons Chrétiens , de garder fidelement les Commandemens


de Dieu & de l'Eglife. On leur met devant les yeux la
Paffion de Nôtre- Seigneur pour l'imiter : On leur recom-
mande la frequentation des Sacremens , d'exercer les œu-
vres de mifericorde envers les pauvres , les veuves & les or-
phelins. Enfin on n'oublie rien pour exciter les Chevaliers
à la pratique de la vertu, & de fe diftingues autant du reſte
des Chrétiens par leur fageffe , leur retenuë , leur mode-
ftie , leur humilité , & par leur conduite toute Chrétien-
ne , qu'ils font élevez au- deffus du commun du peuple par
(a ) Ceremonial de l'Ordre de Notre- Dame du Mont- Carmel & de S. Lazare.
fur la Chevalerie. Liv. II . Differt. V. 405
la nobleffe de leur fang , & par les marques éclatantes de
la Chevalerie.

Il n'y a rien de fi touchant fur ce fujet , que l'exhor- Troifiémc


· fouree.
tation qu'on fait aux Chevaliers de Nôtre Dame du
Mont-Carmel & de Saint Lazare pendant les Cérémonies
de leur reception. Le Grand-Maître s'adreffant au nou-
veau Profez : Chevalier , lui dit- il , foyez déformais vi- "
gilant au fervice de Dieu & de la Religion , obéïffant à "
vos Superieurs , foûmis à leurs ordres , & patient à leurs "
corrections : Sçachez que les Loix de la Religion où vous “
êtes entré vous obligent à l'exercice de toutes les vertus
Chretiennes & Morales , & à les porter à un plus haut "
point que ne fait le commun des Chrétiens. ,,
Les Cérémonies dont on fe fervoit autrefois , & qui
font encore aujourd'hui en ufage quand on donne la Che-
valerie , inftruiſent parfaitement bien un Chevalier Chré-
tien de tous fes devoirs , & lui apprennent en particulier
toutes les vertus qu'il doit pratiquer , foit qu'elles concer-
nent fa propre fanctification ou le foulagement du pro-

chain , comme nous l'avons expliqué dans un autre en-


droit.

ARTICLE III.

Des devoirs des Chevaliers par rapport à leurs Statuts

particuliers.

E
Je n'entreprends
valiers Chrétienspas deobligez
font détailler
de ici tout
faire ceque
fuivant les Che-
leurs pro-
pres Statuts , & par rapport à la pratique de la vertu & aux
bonnes mœurs. Cela nous porteroit trop loin. 11 fuffira
de marquer les devoirs de quelques Religions & de quel

ques Ordres Militaires. Comme ceux de France nous tou


chent de plus près , je commence par ceux-là.

Eee iij
406 Dißertations Hiftoriques & Critiques

S. I.

Obligations des Chevaliers des Ordres de France.

En general les obligations des Chevaliers des Ordres


de Saint Michel , du Saint- Efprit & de Saint Louis font
prefque les mêmes. (a ) Ceux qui ont l'honneur de por-
ter la Croix de quelqu'une de ces celebres Societez doi-
vent jurer & promettre de vivre & mourir dans la Reli-
gion Catholique , Apoftolique & Romaine ; d'être fideles
au Roi ; de ne fe départir jamais de l'obéïffance qui lui
eſt dûë , & à ceux qui commandent fous fes ordres. Ils
s'engagent de garder , défendre & foûtenir de tout leur
pouvoir fon honneur , fon autorité , fes droits & ceux de
fa Couronne envers & contre tous ; de ne quitter jamais
fon fervice , ni aller à celui d'aucun Prince étranger fans
La permiffion & agrément par écrit. Les Chevaliers de
ces trois Ordres font auffi obligez de reveler au Roi rout
ce qui viendra à leur connoiffance contre fa perfonne &
fon état ; de garder exactement les Statuts & Reglemens
defdits Ordres , & de fe comporter en tout comme de
bons , fages , vertueux & vaillans Chevaliers doivent
faire.

Veut-on fçavoir les obligations en particulier des Che


valiers de l'Ordre du Saint Efprit par rapport à la pieté
Obliga- Chrétienne , en voici quelques-unes, ( b ) Comme il eſt
tions des raisonnable , dit Henri III. que ceux qui fe veulent
Chevaliers
de l'Ordre as principalement dédier à Dieu , & en porter un figne ex-
du Saint terieur , foient obligez à plus grandes prieres & exerci
"
Esprit,
» ces fpirituels que les autres Chrétiens ; Nous exhortons
" & prions tant qu'il nous eft poffible tous ceux defdits Or-
22 dres à fe rendre foigneux d'affifter tous les jours devote
ment au faint Sacrifice de la Meffe , s'ils ont le moyen

(a ) Statuts de ces trois Ordres.


(b ) Statuts de l'Ordre du Saint Esprit , art. 870
fur la Chevalerie. Liv. II . Diſſert. V. 407
& le loifir , & aux jours de Fêtes à la celebration du "
fervice divin. Mais fçachant qu'ils font obligez à dire “
chaque jour un Chapelet d'un dizain , qu'ils porteront "
ordinairement fur eux , & les Heures du Saint Efprit , "
avec les Hymnes & Oraifons qui feront dans un Livre "
que nous leur donnerons à leur reception , ou bien les "
fept Pfeaumes Penitentiaux , avec les Oraifons qui feront "
faites fur chaque Pleaume , la Letanie fuivie des Orai- “
fons ordinaires , qui feront auffi dans ledit Livre , & où “
ils feront défaillans aux chofes fufdites , feront obligez
de donner une aumône aux pauvres. Plus nous leur en- "
joignons de ne faillir deux fois l'an , pour le moins , fe "
confeffer & recevoir le précieux corps de Nôtre- Sei- "
gneur J.Chrift, çavoir au premier jour deJanvier & Fête
de la Pentecôte. ,, On marque enfuite les peines que doi-
vent porter ceux qui manquent à ce devoir de commu-
nier deux fois l'année. Dans l'article 8. des mêmes Sta-
tuts , il est défendu de difpenfer aucun Commandeur de
l'Ordre, de l'obligation de fe confeffer & communier les
deux jours marquez.
Pour faire connoître l'importance de cette obligation
de communier deux fois l'année , & afin qu'aucun Che-
valier de cet Ordre ne puiffe s'en exempter , on finit cet
Article en ces termes : " Partant lefdits Cardinaux & "
Prélats feront tenus jurer tous les ans au Chapitre fur "
leurs faints Ordres , & les Commandeurs & Officiers fur "

les faints Evangiles , avoir fait leurs Pâques efdits deux “


jours de Fête. ""
Les principales obligations des Chevaliers,des Ecclefia- De l'Or-
ftiques & des Freres fervans de l'Ordre Royal Hofpitalier tre-
dre de Nô-
Dame
& Militaire de Nôtre- Dame du Mont- Carmel & de Saint du Mont-

Lazare , fuivant les Bulles des Papes & les Statuts de l'Or- Carmel.
dre , font les fuivantes. Ces Chevaliers font obligez d'al
ler à la Guerre contre les ennemis de la foi & de la Reli-

gion Catholique , lorfqu'il eft commandé par le Roi ou le


Grand - Maître. Ils doivent garder l'Hofpitalité envers les
pauvres Lepreux . Ils doivent dire tous les jours le petit
..:
408 Dißertations Hifloriques & Critiques
"
Office de Notre - Dame à l'ufage de l'Ordre , ou la Cou →·
ronne de la Vierge. Ils doivent faire abftinence de vian-
de tous les Mercredis de chaque femaine , & entendre la
Meffe tous les Samedis. Ils font encore obligez de fe con-
feffer & de communier les Fêtes de la Vierge , & parti-
culierement le jour de Nôtre- Dame du Mont - Carmel ,
que l'on celebre le 19. du mois de Juillet.

§. II.

Obligations de quelques autres Ordres Militaires.

Il faut maintenant toucher en peu de mots les Obliga-


tions de quelques Ordres de Chevalerie fondez dans les
Des Che- autres Etats . Les Chevaliers de l'Ordre de la Bande , in-
valiers de ftitué en 1338. par Alphonfe Roi de Caftille , ( a ) font
la Bande.
obligez par leurs Statuts de combattre contre les Mores
de n'aller qu'à cheval par la Ville , d'être fideles , & de
ne dire aucun menfonge. Il leur eft auffi défendu de con-
verfer avec des gens Mechaniques , de jouer aux cartes &
aux dez .
De Saint Les devoirs des Chevaliers de l'Ordre de Saint Etienne,
Etienne.
dit de Florence , font exprimez dans leurs Statuts. Outre
le ferment de charité , d'obéïffance & de chasteté con-

jugale , que font les Chevaliers de cet Ordre , ils font te-
nus de dire tous les jours cent Pater nofter , & cent Ave
Maria , & le double aux bonnes Fêtes. Quand quelqu'un
de leurs Confreres eft mort , ils doivent reciter un Rofaire
& l'Office des Morts.

De Saint Les Chevaliers de Saint Lazare en Savoye ne s'enga-

Lazare en gent pas feulement à prendre foin des malades Lepreux ,


Savoye. qui eft le devoir le plus effentiel de cet Ordre ; mais auffi
ils difent tous les jours un Rofaire en l'honneur de la Sain
te Vierge , s'abftiennent de manger de la viande le Mer-
credi , & jeûnent le Vendredi ou le Samedi.

(4) Joan. Mariana , lib. 16. cap. It,


Les
fur la Chevalerie. Liv. II. Differt. V. 409

Les engagemens des Chevaliers du Bain en Angleterre , Des Che-


renferment une circonftance bien remarquable. Quoiqu'il valiers
Bain. du
y ait dans l'Ecriture un précepte qui nous oblige d'aimer
Dieu , neanmoins les Chevaliers de cet Ordre juroient à
leur reception qu'ils aimeroient Dieu fur toutes choſes. Ils
faifoient auffi ferment de foûtenir les interêts de l'Eglife
au peril de leur vie , qu'ils refpecteroient le Roi , & qu'ils
protegeroient les veuves , les filles & les orphelins.
Le Pape Celeſtin III . chargea les Chevaliers de l'Or. De l'Or-
dre Theu-
dre Theutonique , de dire chaque jour deux cens Pater tonique.
& Ave Maria , avec le Symbole des Apôtres , & autant
chaque nuit. Les Chevaliers faifoient les trois vœux
d'obéïffance , de pauvreté & de chafteté , & menoient
une vie très-auftere.
Les Chevaliers de Malte ou de Saint Jean de Jerufalem De Malte.
font obligez de dire tous les jours cent cinquante fois
l'Oraifon Dominicale. Ils doivent jeûner le jour de Saint
Marc , les trois jours des Rogations , & la veille des Fê-
tes de la Sainte Vierge. Ils font exhortez dans leurs Sta-
tuts de s'approcher fouvent des Sacremens , & font obli-
gez de communier au moins trois fois l'année , à Pâques ,
à la Pentecôte & à Noël. Ils doivent faire plufieurs autres
dévotions.

Les obligations des Chevaliers de la Milice Chrétienne De la Mi-


font affez particulieres. Voici les propres termes des Sta- tienne.
lice Chré-
tuts. ( a ) En chaque Province , tous les ans le jour de "
l'Aflomption de Nôtre-Dame,de quinze pauvres & hon- "
nêtes filles choifies , trois feront tirées au fort pour être "
mariées & dottées de la fomme de cinquante livres. Ar- "
ticle XXII . feront obligez ceux de cet Ordre fe confeffer "
& communier tous les ans aux jours & Fêtes de l'Af- “
fomption de Nôtre- Dame , de Saint Michel ou de Saint "
cc
François , & d'entendre la Meffe tous les Samedis , pen-
dant laquelle ils reciteront dévotement les Litanies de "
la Sainte Vierge. Ils s'abftiendront pareillement de man- “

[a] Statuts , Articles XX XXI . ! XXII, XXIII. & XXIV.


Fff
410 Differtations Hiftoriques & Critiques
» ger de la chair toutes les veilles des Fêtes de Nôtre-Da-

,, me. Seront auffi obligez d'avoir en particuliere recom-


" mandation les veuves & orphelins , de vifiter les Hôpi-
" taux pour le moins aux quatre Fêtes annuelles ; & à
,, l'Affomption de Nôtre Dame. Advenant que quelqu'un
d'eux étant employé au ſervice dudit Ordre , foit pris
" prifonnier , & détenu eſclave , il ſera racheté aux dépens
" & frais communs. En chaque Province tous les ans ,
"" le jour du Jeudi faint , fix pauvres feront habillez de
bleu au nom de Nôtre- Dame , trois de rouge au nom
" de Saint Michel , trois de gris au nom de Saint Fran-
" çois ; & en après le Grand- Croix , ou en fon abſence
" le plus ancien des Commandeurs , affifté des Chevaliers
‫ رو‬de la Province , lavera les pieds aufdits pauvres , leur don-
,, nera à dîner , & les fervira à Table .
De Cala- Je ne fçai fi des perfonnes qui font profeffion d'une vie
trava.
retirée & folitaire , peuvent faire gueres plus de penitence ,
que les Chevaliers de Calatrava , qui étoient deftinez à la
guerre. (a ) Ils dormoient toûjours vêtus & ceints. Ils gar-
doient un filence perpetuel dans l'Oratoire,dans le Dortoir,
dans la Cuifine & dans le Refectoire. Il ne leur étoit permis
de manger de la viande que le Dimanche , le Mardi & le
Jeudi. Depuis le 14. du mois de Septembre juſqu'à Pâ-
ques , ils devoient jeûner le Lundi , le Mercredi & le Ven-
dredi. Ceux qui étoient à la Guerre pouvoient être dif-
penfez du jeûne , fi le Grand - Maître le jugeoit à propos.
De Sainte Quoique l'Ordre des Chevaliers de Sainte Madelaine ,
Madelaine. propofé à Louis XIII . par M. Jean du Chefnel , ne ſub-
fifte pas maintenant , je ne laifferai pas de rapporter ici

quelques articles de ce faint Inftitut. L'article VI . por-


te , que le Chevalier fera Voeu folemnel & Profeffion de
s'abstenir des jeux de hazard , de ne point blafphemer le
nom de Dieu , de ne faire aucune chofe qui foit indigne
d'un Chevalier Chrétien , & de ne point lire de mauvais
Livres qui peuvent corrompre la foi ou les bonnes mœurs.

[ a ] Innocenti 3. in Bulla data ṛry³ .


furla Chevalerie. Liv. II . Differt. V. 411

On ajoûte dans cet Article, que le Chevalier ne doit jamais


dire de paroles , ou chanter des chanſons malhonnêtes ,
& qu'il doit fuïr les compagnies fufpectes. Par l'Article
VII. les Chevaliers de cet Ordre devoient faire vœu de
charité, d'obéïffance & de chasteté conjugale. Par leVIII .
qui étoit le principal , les Chevaliers renonçoient à toute
forte de Duels.
Si ces fages Reglemens découvrent le zele de M. du
Chefnel Seigneur de la Chappronaye , ils nous apprennent
auffi quelles font les vertus que doit pratiquer unChevalier
Chrétien , & les vices qu'il doit éviter. Mais en même-
temps ils nous font régretter la perte que l'Eglife & l'E-
tat ont faite , en ce que le projet de ce celebre Gentil-
homme n'a pas eu tout le bon fuccès que l'on devoit ef-
perer. Il fera pourtant un monument autentique , que la
vraye Nobleffe & la parfaite Chevalerie ne fçauroit fub-
fifter , ni conferver fon éclat que par la fainteté de ceux
que Dieu a mis dans cet état . Enfin qu'un veritable Che-
valier eft un parfait Chrétien.

****** **********************

DISSERTATION VI.

Des privileges de la Chevalerie.

A Chevalerie n'eft pas un fimple titre d'honneur , il


LA
eft toûjours accompagné de plufieurs prérogatives ,
droits , privileges & franchiſes. C'est ce qui eft expreffe-
ment énoncé dans les Lettres que les Souverains font ex-
pedier en faveur de ceux qu'ils arment Chevaliers , ou
dans les Bulles des Souverains Pontifes , quand ils approu-
vent des Religions ou des Ordres Militaires. Ces privi-
leges font en très grand nombre , les uns regardent tous
les Ordres & toutes les Milices Regulieres en general.
Les autres font propres aux Chevaliers des differens Or-
Fff ij
412 Differtations Hiftoriques & Critiques
dres , & fur tout aux Ordres Militaires de ce Royaume ;
d'autres enfin font accordez aux Religions Militaires.
Voilà le fujet de cette Diſſertation.

1
ARTICLE I.

Des privileges en general de la Chevalerie .

I.

La Cheva
lerie donne Nciennement un des privileges de la Chevalerie
une espece Aétoit une espece de rang & de préeminence , qui
de préemi- donnoit au Chevalier le pas &la préféance dans les affem-
nence.
blées , les fonctions publiques & dans les Compagnies , fur
ceux qui n'étoient pas Chevaliers. Dans le Parlement de
Paris les Confeillers, qui étoient Chevaliers, avoient la pré-
féance fur ceux qui ne l'étoient pas . Ainfi dans la defcri-
ption du Parlement faite au Bois de Vincennes le 10. Oc-
tobre de l'an 1322. les Confeillers- Chevaliers font énoncez

les premiers . Le P. Meneftrier ( a ) prétend , que cette


préféance des Chevaliers dans le Parlement fit attacher
la qualité de Chevalier à celle de Premier Prefident , par-
ce qu'il étoit à la tête de plufieurs Confeillers qui étoient
Chevaliers.

Cependant dans les Parlemens de France la naiffance


ne donne point de rang , mais le jour de la reception , (b)
fuivant l'Arreft qui fut donné fous le regne de Charles
VII. où l'on peut voir que les conditions font égales dans
les Compagnies reglées. Voici les termes de ce Regle-
сс
ment du Mercredi 24. Janvier 1430. « Sur ce que Meffire
Pierre de Tullieres Chevalier , Confeiller du Roi en la
"" Cour de Ceans , avoit dit , qu'il avoit entendu qu'à
"" caufe de l'honneur de Chevalerie , il devoit avoir pré-

(a ) Menet . Traité de la Chevalerie , (b) De la Roque , Traité de la No-


chap.3. bieffe , chap. 103.
fur la Chevalerie. Liv . II . Differt . VI . 413
rogative en Siege , entre lui & les autres Confeillers "
Laïcs non Chevaliers , combien que premiers euffent "
été reçûs ; & avoit requis qu'icelle prérogative fe aucu- "
ne y avoit , dont il fe rapportoit à la Cour , lui fut gar-
dée. La Cour oüi les autres Confeillers Laïcs , & fur ce "
déliberation , a dit , qu'il n'y a en ce aucune prérogati- “
ve , que feoir doivent les Chevaliers , & non Chevaliers "<
felon l'ordre de leur reception .

I I.

Les Chevaliers avoient un autre privilege. On leur On don-


aux
donnoit en France le titre de Monfieur , de Monfeigneur , noit
Chevaliers
& de Meſſire. Les femmes des Chevaliers s'appelloient du le titre de
nom de Madame ; deforte qu'anciennement c'étoit le fur- Monfieur.
nom de Dam , qui étoit en France le titre de diftinction
pour les Chevaliers ; d'où vient qu'on lit fouvent dans nos,
Chroniques , Dam Chevalier.
On voit dans les anciens titres qu'on écrivoit ces mots
en mettant Mon Sieur , Mon Seigneur , Mon Sire feparé-
ment. Il falloit bien que la qualité de Chevalier fut efti
mée , puifqu'on donnoit à ceux qui avoient reçû la Che-
valerie des titres fi éclatans , & qu'on n'en donnoit pas
de plus relevez aux perfonnes des plus grandes Maifons de
France ; car on les appelloit communement Monfieur , ou
Monfeigneur. Geoffroi de Villehardoüin donne le titre de
Meffire au Legat du Pape Innocent , & au Chancelier du
Comte de Flandres , Empereur de Conftantinople , & le
Sire de Jonville traduit ces paroles : Ad te Levavi animam
meam , que difoit Saint Louis : Beau Sire Dieu , j'éleve
mon ame vers toi.

Il eft certain , ce qui donne un grand luftre aux titres


que l'on donnoit aux Chevaliers , qu'anciennement tous
les fils de France s'appelloient plûtôt Monfieur ( a ) que

( a ) Ce n'est que dans ces derniers de prendre des titres plus éclatans.
fiecles que les Rois , les Princes & Les Rois d'Espagne avant & après
les Grands Seigneurs ont commencé I Charles -Quint , aufi-bien que les
Fffiij
414 Dissertations Hiftoriques & Critiques
Monfeigneur. On difoit Monfieur Henri de France , fils du
Roi Louis le Gros : Monfieur Philippe d'Alençon. On voit
enfin que le titre de Monfieur , qu'on donnoit aux Cheva-
liers , devoit être bien relevé , puifqu'on donnoit ce titre
au Pape. C'eft ce qu'on peut voir dans la Lettre des Eche-
vins & Habitans de Reims , adreffée en 1372. au Pape
Clement VI . elle commence par ces mots : A Nôtre Très-
Saint Pere en Jefus - Chrift , Monfieur ( a ) Clement , par la
divine Providence , Souverain Seigneur , & Gouverneur de
toute l'Eglife.

Rois de Portugal , ne prenoient que au Duc de Lorraine. Les Electeurs


le titre d'Alteffes celui de Majefténe prennent celui d'Alteffe Electorale.Tra-
fe donnoit qu'aux Empereurs & duction des Lettres de S. Bernardpar M.
aux Rois de France. Il paroît que de Villefore Preface.
Gerfon ne goûtoit pas encore au ( a) Vers le XII. fiecle on appel-
XIV. fiecle que l'on donnât aux hom- loit le Pape vôtre Paternité , vôtre
mes le titre de Majefté. Le frequent Grandeur , vôtre Majefté Apoftolique.
ufage qu'on en fait aujourd'hui n'a C'eft la remarque de Pierre de Clu-
commencé d'avoir cours que fous le gny , lib. 1. Epift. 21. 23. A l'égard
regne d'Henri fecond , c'eft-à- dire , des Princes de l'Eglife on leur don-
au milieu du XVI. fiecle. Vers le noit quelquefois le titre de vôtre Cha-
XII. fiecle on appelloit encore quel- rité , votre Reverence , ou bien celui
ques Rois votre Excellence. Les Veni- de Sainteté, qui eft resté propre au
tiens mettent le titre de Serenité au- Pape au moins depuis le XIV. fie-
deffus de celui d'Alteffe , qui paffoit cle. Pour ce qui eft des Cardinaux ,
pour le plus haut de tous en Ef- tout le monde fçait que ce fût par un
pagne & en Portugal , puifqu'on le Decret d'Urbain VIII. du 10. Jan-
donnoit aux Rois. Ce n'eft qu'en vier 1630. qu'il fut ordonné pour la
3630. que le titre de Serenite com- premiere fois , qu'ils feroient appel-
mença de fe communiquer regulie- lez Eminences. Ils quitterent alors les
rement aux Princes d'Italie , & titres d'illuftriffimes & de Reverendiffi
qu'on en fit en France un ftile com- mes qu'on leur donnoit. Le Grand-
mun. Dès l'année fuivante le Duc Maître de Malte fe fait aujourd'hui
d'Orleans fe fit donner le titre d'Al- traiter d'Eminence. Les Papes don .
teße Royale. Le Prince de Condé , qui noient ce titre aux Rois de France
s'eftimoit autant que les Princes anciennement. Mercure François , tom.
d'Italie , prit l'Alteffe Sereniffime. Ce 6. p. 192. Ce n'eft que depuis ce
fut par l'ordre du Cardinal de Ri- temps- là qu'on appelle les Evêques
chelieu , que l'Ambaffadeur Char- en France vôtre Grandeur. Titre de-
nacé traita d'Alteffe Frederic- Henri , venu commun à tous les Seigneurs
Prince d'Orange , à qui l'on donnoit qu'on ne traite point d'Alteffe ou
auparavant le titre d'Excellence. De d'Excellence. Depuis la fin du fiecle
puis ce temps-fà le Duc de Savoye précedent les Ambaffadeurs fe font
prit ce titre d'Alteffe Royale. On don- donner le titre d'Excellence.
ne auffi la qualité d'Alteffe Royale
furla Chevalerie. Liv. II . Differt. VI . 4T5

I I I.

Il n'y avoit que les perfonnes de la premiere qualité & Les Che-
les Chevaliers à qui il fût permis de porter des dorures , valiers
pouvoient
de riches étoffes , des fourrures. De-là vient que dans nos porter des
Chroniques la plupart des Chevaliers font nommez Che- dorures.
valiers dorez. Ces dorures fe portoient en ceintures , en
bordures , en franges , en couronnes , en chaînes , en col-
liers , en éperons , en garde d'épées , fermaux , annelets ,
& autres pareils ornemens. Les Lettres du Roi Charles
VIII. données à Melun le 17. Decembre de l'an 1422 .

portent que Sa Majesté permettoit aux Chevaliers qui


avoient 2000. livres de rente de porter toutes fortes de draps
de foye.
IV .

Le vair , l'hermine & le petit-gris étoient auffi des or- Le vair


nemens de la Chevalerie. Dans le Regiſtre noir du Châ- & l'her-
telet , il y a une Ordonnance de l'an 1294, qui défend mine.
l'ufage de toutes ces chofes à ceux qui n'étoient pas Che
valiers. Elle eft intitulée : Ordonnance que li Roi a fair
faire des fuperfluitez bter de toutes perfonnes. « Nul Bour-
geois ne Bourgeoife ne portera vair , ne gris , ne her- «
mines , & fe délivreront de ceux qu'ils ont de Pâques ❤
prochaines en un an , & ne pourront porter or ne pier-
res précieuſes , ne ceintures d'or , ne à perles , ne à pier- »
res précieuſes , ne couronnes d'or , ne argent. » L'ufage
des vairs étoit fi propre aux Chevaliers , que quand on
voit des Manteaux fourrez de vairs fur les tombeaux du

XII . & XIII . fiecle , c'eft marque de Chevalerie.

V.

M. du Cange met parmi les marques & les privileges Les Che
des Chevaliers le droit d'avoir leurs Chevaux de batail- vaux des
le couverts d'une grande houffe de tafetas , ou autre le- Chevaliers
étoient
416 Differtations Historiques & Critiques
Couverts gere étoffe qui leur battoit juſques aux pieds , ornée &
de grandes remplie de leurs Armoiries. Les Chevaux ainfi harna-
chez s'appe lloien t , veflit os equos , ou palliatos , phaleratos ,
ftratos. Le Roman de Lo Henares en parle en ces termes.

Bien acefme for un grand deftrier feist

Qui eft couvert & tète , &croupe & pis.

Il étoit auffi permis aux Chevaliers de combattre armez


de toutes les pièces qu'on leur donnoit , quand on les fai-
foit Chevaliers.
VI.

Deporter privilege de porter des éperons n'a appartenu qu'aux


Le privilege
des épe-
rons. Chevaliers , fur tout en Allemagne. Quelques-uns les por-
toient d'or , & les autres d'argent , de cuivre ou de fer ,
felon que l'on en avoit la permiffion . C'étoit auſſi la coû-
tume d'enterrer les éperons avec le Chevalier. Cet uſa-
ge s'eft particulierement obfervé dans les païs Septentrio-
naux où ils fe trouvent en certains tombeaux. Il y a

quelques années qu'on en trouva deux dans un fepulchre


du Cimetiere de Saint Surin à Bordeaux. Un Auteur (a)
remarque , que les éperons qu'on trouve en certains tom-
beaux font beaucoup plus grands que l'ordinaire , & que
cette grandeur des éperons enfevelis marquoit la haute
idée qu'on avoit du Chevalier qui avoit eu le privilege
de les porter. Il ajoûte , que les éperons des Chevaliers
étoient autrefois d'une grandeur furprenante , comme on
en peut juger , dit-il , par celui du Roi Herald que l'on
conferve , qui a plus d'un pié de long,

VII.

D'avoir
Les Chevaliers avoient anciennement , entr'autres pré-
un Sceau.
rogatives , le droit d'avoir un Sceau . Le Chevalier étoit

14] Joan, Nicol . de Calciorum ufu & abusu.


repreſenté
furla Chevalerie. Liv . II . Differt. VI . 417
repreſenté à cheval , armé de l'épée levée. On trouve un
titre de Hugues , Duc de Bourgogne , du mois de Fé-
vrier de l'an 1228. qui promet aux Habitans de Dijon de
confirmer les privileges que le Duc Hugues fon ayeul , &
le Duc Hugues fon pere leur avoient accordez , lorfqu'il
feroit Chevalier , & qu'il auroit droit de fceller fes Char-
tres. En 1304. Hugues Comte de Soiffons ayant paffé un
accord avec l'Abbé de Saint Medard de Soiffons avant

qu'il fût Chevalier , promet par un Traité exprès de le ra-


tifier & de le fceller de fon Sceau de Chevalier,

VIII.

Les Seigneurs qui étoient Chevaliers avoient droit Ils pou-


d'exiger de leurs Sujets des aides d'argent en certaines oc- voient exi
ger des ai.
cafions , dont la premiere étoit la Chevalerie , c'eft- à- dire , es dar
de fournir à la dépenfe de la cérémonie pour fe faire ar- gent dans
mer Chevalier , ou leur fils aîné. Ils pouvoient encore quelques
occafions,
exiger les droits de Chevalerie au mariage de leurs filles ,
pour payer leur rançon quand ils étoient prifonniers de
Guerre , ou pour les voyages d'outre-mer. M. du Cange
a traité à fond de ces Aides de Chevalerie dans fon Glof
faire Latin , fous le mot Auxilium . M. de la Roque en
parle auffi dans fon Traité de la Nobleffe , chapitre 101.
Au lieu de ces Aides , il y avoit ailleurs des Fiefs affignez
aux Chevaliers pour les fervices qu'ils étoient obligez de
rendre. 3
137
I X.

La Chevalerie étoit fi eftimée , que quand ils rece- On leur


voient cet honneur , on leur donnoit anciennement unę donnoit
une finan-
Finance , pro pallio nove Militia. Cela fe voit , dit M. de ce pro pal
la Roque , ( a ) à la Chambre des Comptes dans les Rôles li .
des années 1248. & 1287. On y remarque , qu'entre les dé-
penfes faites en Vermandois & à Ypres , on reçût pour les
enfans de Philippe de Bourbourg , qui avoient été faits
( a ) De la Roque , Traité de la No- 【 bleſſe , chap. 69.
Ggg
418 Differtations Hiftoriques & Critiques
Chevaliers , la fomme de huit livres fix fols , pro liberis Phi-
lippi de Bourbourg qui fiebant Milites 8. lib. 6. fol. En la
dépenfe d'Orleans , il fut payé à M. Guillaume de Per-
thoy Chevalier pour la moitié de fon Manteau de Che-
valerie cinquante fols : Dominus de Perthoy Miles pro pallio
fuæ Militia pro medio so . fol.
L'an 1343. la Reine Jeanne de Naples fit donner l'Or-
dre de Chevalerie à Jacques Capano , par le Roi André
fon mari. Enfuite cette Princeffe ordonna aux Officiers

du Tréfor Royal de payer à un Marchand les étoffes


qu'on avoit prifes pour les habits & pour les fournitures
de cette cérémonie. Pro nova Militia fua , nec- non pro pre-
tio certæ quantitatis variorum pofitoram in eadem roba.

X.

Des Pen- On peut mettre parmi les privileges de la Chevalerie


fions.
les penfions que les Rois donnoient fouvent à ceux qu'ils
faifoient Chevaliers. En voici des exemples. Le Roi Phi-
lippe de Valois faifant Robert Frétart Chevalier , en ré-
compenfe de fes fervices , lui donna deux cens livres Pa-
rifis par an , à prendre fur la Prevôté de Loudun. Les Let-
tres en furent expediées le 12. Juin 1328.
Le jour de la Pentecôte de l'an 1237. le Roi S. Loüis
donna la Chevalerie à Robert de France fon frere avec

vingt livres Parifis de rente chaque jour de fa vie , en fa-


veur de ce titre , à prendre à die Militia. Il lui donna
auffi la Comté d'Artois & la Ville d'Arras.
L'an 1240. ce faint Roi étant à Saumur , fit Chevalier

Alphonfe fon frere , & lui accorda les terres d'Auvergne &
de Poitou Anno 1240. Ludovicus Excellentiffimus Rex
Francorum....apud Salmanum.... tunc inibi Dominum Adel-
phonfum fratrem fuum , novumfaciens Militem , conceffit ei-
dem terram Averniæ & Pilłaviæ , &c. ( a )

(a) Guillelm. de Nangis.


fur la Chevalerie. Liv. II. Differt. VI . 417

X I.

Ils for-
Il y avoit en Angleterre une Loi , par laquelle il étoit toient de
ordonné , qu'un homme fortoit de minorité quand il étoit minorité.
fait Chevalier , parce que la Chevalerie étoit une efpece
d'émancipation. Les Chevaliers de ce Royaume avoient
plufieurs autres privileges qu'un Auteur Italien ( a ) rap-
porte en ces termes : Privilegi dé Cavalieri fono dufcir di
tutela , quando fon dechiarati Cavalieri. Di piu fono difpen-
fati di fervire in una corte Feudale ; di dare cautione per il
vifus Franci Plegii , & di fornire nel Delmere Gart. In ol-
tre li figlivoli , & fratelli d'un Cavaliere , fono giudicati ca-
paci da gliftatuti di tenere piu d'un Beneficio , con cura d'ani
me: e per un' Ordinanza del Ré Giacomo , fi permette à fi-
gliouli de Cavalieri , non oftante che non hanno trecento fcudi
di Capitale di poter tenere mute di cani , & andar nella cac-
tia di fagiani e pernici .

XII.

Les enfans des Chevaliers pouvoient recevoir la Che- Autres pri-


valerie en leur enfance , particulierement lorsqu'un Prin- vileges.
ce la donnoit , ou quand ils la recevoient aux funerailles
de leurs peres. Hors ces temps , il falloit attendre l'âge de
21. ans pour fe faire armer Chevalier,
C Dans tous les jugemens
, la qualité de Chevalier étoit
d'une confideration particuliere. La taxe des dépens étoit
plus confiderable pour eux. Dans la Coûtume de Hai-
naut , touchant les taxes , il eft dit : Commis pour enqueste
fi certain eft un Pair dix livres , Chevalier non Pair fept li-
vres dix fols , noble homme non Chevalier cinq livres.
Dans la Coûtume de Brabant un Païfan qui frappoit
de la main un Chevalier , devoit perdre la main. S'il frap
poit un Ecuyer , Valet de Chevalier de Race de Cheva-
ferie , il pouvoit racheter ſa main par une amende
pecu-
(b ) Gregorio Leci , Theatro Bri- | tannico 2. parte, lib. 3 cap . 113 .
Gggij
420 Differtations Hiftoriques Critiques
niaire. Ce ne font pas encore tous les privileges attachez
à la Chevalerie , en voici quelques autres.

XIII.

André Favin (a) fait mention de quelques privileges


affez extraordinaires accordez aux Ordres de Chevalerie ,
fondez par les Souverains Pontifes. Les Chevaliers de ces
Ordres reçoivent avec la Chevalerie le droit de faire des
Docteurs en toutes les Facultez , de créer des Notaires

publics , de legitimer les bâtards. Cependant il n'appar-


tient qu'aux Souverains d'accorder ces fortes de privileges.
Autrefois en Allemagne il n'y avoit que les feuls Che-
valiers , les Nobles & ceux qui faifoient profeffion des ar-
mes qui pouvoient ceindre l'épée. L'Empereur Frideric
permit aux Marchands qui voyageoient d'attacher à la
felle de leurs chevaux une épée pour le défendre , com-
me on y attache aujourd'hui les piftolets , & il leur défen-
dit de la porter à leur côté , parce qu'elle étoit la marque
de la Nobleffe , de la profeffion Militaire , & un privilege
attaché à la Chevalerie. ( b )

Enfin on peut mettre parmi les privileges de quelques


Ordres Militaires , de donner un éclat particulier à la fa-
mille de ceux qui y font aggregez. Ainfi les Chevaliers
de l'Ordre du Saint Efprit en France , de la Toifon d'Or
en Eſpagne & en Allemagne , de la Jarretiere en Angle-
terre , de l'Annonciade en Savoye , & quelques autres ,
font des perfonnes diftinguées ; & les Maiſons où ces hon-
neurs font entrez , paffent ordinairement pour grandes &
illuftres. (c)

(a) Favin , Theatre d'honneur , tom. (c ) Meneftrier, Traité des preuves


2. Liv . 8. p. 1447. de nobleffe , chap. s.
(b ) Melchior, Hairanis Feldius Gol-
daftus.
fur la Chevalerie. Liv . II . Diſſert . VI . 421

ARTICLE II.

Privileges des Ordres Militaires de ce Royaume.

Ly a quatre Articles dans les Statuts de l'Ordre du Privileges


I
'Saint Efprit , où font énoncez les privileges de ceux des Cheva-
qui ont l'honneur d'y être reçûs , & qui ont été confirmez liers du S.
Elprit.
plufieurs fois par les Edits de nos Rois. Le premier de ces
Articles eft le XXXVIII . qui eft conçû en ces termes :
Pour entretenir cet Ordre , & donner moyen aux Car- "
dinaux , Prélats & Commandeurs de fe maintenir en "
l'état honorable qu'il convient , & nous fervir és occa- "
fions qui fe prefenteront , a été fait un fonds de la fom- "
me de fix vingt mille écus , lefquels leur feront départis "
pour en être payez par chacun an en plein Chapitre. ""
Il eft fait mention de ce fonds établi par Henri III. On leur
dans l'Edit de Louis XIII . du mois d'Aouſt 1628. où il donne des
CC penfions.
s'explique ainsi. Et prévoyant dès- lors ( Henri III . ) «
que pour les grandes dépenfes qu'il convenoit faire ledit "

Ordre ne fe pouvoit maintenir , s'il ne lui étoit pourvû


d'un fonds certain & affûré , & non ſujet à divertiffe- "
ment ; il ordonna ètre pris & levé fur tous les Offices dont les

Lettres de provifions s'expedieroient en la Grande Chancelerie,


un certain droit appellé le Marc d'or.
Dans le LXIV. Article il eft dit , que les penfions def- Ne peu-
dits Cardinaux , Prélats & Commandeurs , & les gagez vent être
faifies.
des Officiers de l'Ordre , ne pourront être hipothequez ni
faifis , pour quelque caufe que ce foit , fi ce n'eft pour achat
d'armes & de chevaux , encore par permiffion fignée de
la main du Grand-Maître , & fcellée du fceau de l'Or-
dre.
Voulons & ordonnons , ce font les termes du Roi Hen- " Ils ont
ri III. dans l'Article LX V. que lesdits Cardinaux , << plufieurs
exemp-
Prélats , Commandeurs & Officiers dudit Ordre foient " tions.
Ggg iij
422 Differtations Hiftoriques & Critiques
,, ci - après exempts de contribuer au Ban & Arriere- Ban
,, de nôtre Royaume , & de nous payer aucuns rachats ,
‫ دو‬lots , ventes , quints, & requints , tant des terres qu'ils
,, vendront , que de celles qu'ils pourront acheter , rele-
,, vant de Nous , fans que à l'occafion des Coûtumes de
,, nôtre Royaume , portant , que l'acheteur foit tenu payer
" le quint denier du prix de la vendition du Fief, il puiffe
"" être en aucune chofe querellée ou demandée aufdits
" Cardinaux , Prélats , Commandeurs & Officiers dudit
" Ordre , ni pareillement à ceux defquels ils auront fait
,, lefdites acquifitions.
Leurs cau- Enfin dans l'Article LXVI. on ajoûte un autre privi-
Les vont lege aux précedens : « Davantage nous voulons que lesdits
Reque-
ites du Pa- ,, Cardinaux , Prélats , Commandeurs & Officiers dudit
aux
lais. ,, Ordre ayent leurs caufes commiſes aux Requeftes de
" nôtre Palais à Paris , & joüiffent de tous & ſemblables
" privileges que font nos Officiers, Domeſtiques & Com-
,, mençaux , defquels privileges nous ferons expedier nos
" Letttres & Declarations.
Au mois de Mars de l'an 1580. le Roi Henri III . don-
na un Edit , par lequel il confirme les privileges énoncez
dans ces trois derniers Articles , & accordez aux Car-
dinaux , Prélats , Commandeurs & Officiers de l'Ordre du
Saint Efprit.
Louis le Louis le Grand , pour donner un nouveau luftre à l'Or.
Grand
confirme dre du Saint Efprit , fit une Déclaration , portant confir
ces privi- mation des privileges des Chevaliers , Commandeurs &
leges.
Officiers de l'Ordre du Saint Efprit. Cette Déclaration eſt
du 14. Octobre 1711. Après avoir rappellé en peu de
mots ce que Henri III. Henri IV. & Louis XIII. fes
prédeceffeurs ont fait en faveur de cet Ordre , & avoir con-
firmé de nouveau les privileges des Chevaliers , contenus
dans les Articles 64. 65. & 66. dont nous avons parlé ,
par une grace fpeciale il ordonne que les veuves des Che
valiers jouiront des mêmes privileges qui ont été accordez
aux Chevaliers , tant qu'elles demeureront en viduité.
Voici les termes de cette Déclaration,
fur la Chevalerie. Liv . II . Differt . VI . 423
Déclarons & ordonnons , voulons & nous plaît , que " Il les étend
les femmes des Chevaliers , Commandeurs & Officiers " aux veuves
des Cheva-
dudit Ordre , & leurs veuves , tant qu'elles demeureront " liers.
en viduité , joüiffent de tous les privileges , exemptions "
& immunitez qui ont été accordez aufdits Chevaliers , “
Commandeurs & Officiers, & notamment de ceux portez
par les Articles 65. & 66. du Statut dudit Ordre , fans "
qu'il puifle y être fait aucune difference ni diftinction "
entre elles & lefdits Chevaliers , Commandeurs & Offi- "
<
ciers leurs maris. Donné à Marly le 14. Octobre , l'an “
de grace 1711. & de nôtre Regne le 69 . ,,
La magnificence & la liberalité de Loüis le Grand n'é- Privileges
clatent pas moins envers les Chevaliers de l'Ordre de S. des Cheva-
liers de S.
Loüis , dont il eſt le Fondateur. Il a deſtiné pour entre- Louis.
tenir les Chevaliers de cet illuftre Corps la fomme de trois
cens mille livres de rente par an , en biens purement tem-
porels qui doivent être payez & diftribuez en cette forte.
Quarante-huit mille livres aux huit Grands-Croix , à rai- «
fon de fix mille livres chacun ; Trente-deux mille livres "

à huit Commandeurs , à raiſon de quatre mille livres "


chacun ; Quarante - huit mille livres aux feize autres
Commandeurs , à raifon de trois mille livres chacun ; "
¢
Pareille forme de quarante- huit mille livres à vingt-
quatre Chevaliers , à raifon de deux mille livres chacun ;
Trente-fix mille livres à vingt- quatre autres Chevaliers , “
à raifon de quinze cens livres chacun ; Quarante mille "
livres à quarante autres Chevaliers , à raifon de mille li- "
vres chacun. "" ( a)

Mais afin que les Chevaliers puiffent jouir de ces fom-


mes fans être troublez , il eſt ordonné dans l'Article fui-
vant , ( 6 ) que les fommes accordées par le Roi aux Grands-
Croix , Commandeurs & Chevaliers dudit Ordre , ne pour-
ront être faifies pour quelque caufe que ce foit.
Des quatre Ordres de Chevalerie que nous avons en De Nôtre-
France , il n'y a que celui de Saint Lazare & de Nôtre- Dame du
Mont-Car-
mel.
(a ) Statuts de l'Ordre de S. Louis , 1 ( b ) Ibidem , Art . 29.
Art. 28.
424 Dißertations Hiftoriques & Critiques
Dame du Mont- Carmel dont les Chevaliers puiffent ob-
tenir des penſions fur des Benefices. " Les Chevaliers &
‫ رو‬les Freres , eft- il dit dans les Statuts de cet Ordre ,
,, quoique mariez , peuvent avoir & tenir des penfions fur
,, toute forte de Benefices , à l'exception des Cures , juf-
», qu'à mille ducats d'or de la Chambre Apoſtolique , éva-
99 luez environ à fix mille livres, monnoye de France.
Je ne parle pas des privileges des autres Ordres de Che-
valerie , les Rois & les Princes qui les ont inftituez n'ont
pas oublié de leur en accorder de très- grands. Nous avons
fait mention de la plupart de ces privileges , en traitant
de ces Ordres en particulier. Les Religions Militaires en
ont auffi reçû de très-grands. Si les Rois & les Princes
leur ont accordé des droits , des exemptions & des biens
temporels , les Souverains Pontifes n'ont pas fait paroître
moins de liberalité. Outre les biens fpirituels , comme des
Indulgences , ils leur ont donné la permiffion de joüir
des biens d'Eglife , & d'avoir des penfions fur des Bene-
fices , d'être exempts de la Jurifdiction des Ordinaires ,
& de relever immediatement du Saint Siege , comme la

Religion de Malte , qui a reçû tant d'autres privileges &


des Papes & des Princes , qu'on en a fait un juſte volume.
En Italie , en Eſpagne & Allemagne , il y a plufieurs Or-
dres Militaires qui ont le privilege de poffeder des biens
Ecclefiaftiques. Mon deffein ne me permet pas d'entrer
dans un plus grand détail fur cec Article,

ARTICLE III.

Si c'eft un privilege de la Chevalerie d'annoblir.

Vant de finir cette matiere , je ne puis pas me


que
Adifpender d'examiner un des plus grands privileges
que l'on attribue à la Chevalerie , qui eft celui d'annoblir,
Les fentimens ſont partagez fur ce fujet. Il y a des Au-
teurs
fur la Chevalerie. Liv. II . Diſſert . VI . 425
teurs qui prétendent , que c'eft proceder contre l'Ordre
des chofes d'être annobli par Chevalerie fans avoir pris
des Lettres d'Ecuyer , qui eft le premier dégré de nobleſſe.
Cependant d'autres veulent , que ceux à qui les Rois con-
ferent la Chevalerie font annoblis , & que cette grace les
éleve même au -deffus de la fimple nobleffe , d'où vient ,
dit-on , que la Chevalerie eft comparée au Patriciat des
Romains : Qui omnem natalium maculam eluebat , comme
parle le Code.
Quand le Roi donne l'Ordre de Chevalerie à un non
noble , dont il veut recompenfer le merite , il eft cenfé
l'annoblir par cet acte : car comme la Chevalerie ne ſe
peut exercer que par les nobles , le Prince eſt eſtimé avoir
donné tout ce qui eft neceflaire pour rendre accomplie la
chofe qu'il donne.
C'eft la commune opinion des Auteurs qui ont écrit
fur ce fujet , qu'on peut voir citez dans le Traité de la
Nobleffe de M, de la Roque. (a ) Il rapporte auffi les preu-
ves de ces annobliffemens par Chevalerie extraites de la
Chambre des Comptes , 1& des Lettres de plufieurs de nos
Rois & des Empereurs.
Hoftienfis & Joannes Andreas in cap . de Libertinis , di-
fent , que la Chevalerie annoblit , & que celui qui eſt fait
Chevalier devient noble en même temps. Militia nobili-
tat , ut quifquis eft Miles continuo fit nobilis. Ce qui eft con-
firmé par Tiraqueau , de nobil. cap . 8. num. 13. Illud au-

tem non prætermittendum , eos quos noftra Francorum Lin-


gua , Chevaliers appellamus , quam primum eam dignita-
tem affecuti funt , fieri nobiles , &fi antea non fuiffent. An-
dreas Alciatus , in Libro de fingulari certamine , cap. 30. &

Jean du Tillet Greffier du Parlement dans fes Memoires ,


conviennent auffi , que le Roi faiſant un Roturier Cheva-
lier , il l'annoblit. Charles Loiſeau en fon Traité des Or-
dres de Nobleſſe , Liv. 1. chap. 6. nomb. 37. & chap. 9.
nom. 8. foûtient , que quiconque eft fait Chevalier par le
Roi , eft abfolument noble avec toute fa pofterité , vû que
(a ) De la Roque , Traité de la No- | bleſſe, chap. -22,
Hhh
426 Differtations Hiftoriques & Critiques
la Chevalerie eft un dégré au - deffus de la fimple No-
bleffe.

M. de la Roque cite encore plufieurs autres Ecrivains


qui prouvent la même choſe. Sçavoir , René Chopin fur
le 93. Article de la Coûtume d'Anjou ; Florentien de
Therriat , de la Nobleffe civile păr. 2. nombre 151. Al-
bert Guillem , de nupt. Lib. 4. cap. 13. Noldem , de Stati
Nobilitatis civilis , cap . 6. Moreno de Vargas , de nobilit.
Hifpan. L'Auteur du Livre intitulé : Jurisprudentia He-
roica de Nobilitate ; Bartole , Otthon de Frefingue , An-
dré Favin , &c. On peut voir les paffages de ces Auteurs
dans M. de la Roque.
Il rapporte encore des preuves de ces annobliffemens

par Chevaleries extraites des Regiftres de la Chambre des


Comptes. Les plus anciennes Lettres font celles du Roi
Louis X. dit Hutin , données à la Tour de Groigny au
mois de Juin 1315. par lefquelles Sa Majeflé veut , que
Pierre de Muffy fait Chevalier , & toute la pofterité def-
cenduë en droite ligne , foient reconnus pour nobles. Par
les Lettres du Roi Philippe le Long , données au Bois de
Vincennes en Avril 1317. Raoul Macart fut annobli par
Chevalerie. Il annoblit auffi Jacques de Noa , en le faiſant
Chevalier. Les Lettres qui furent expediées à Saint Ger-
main en Laye l'an 1317. déclarent auffi fa pofterité an-
noblie. Plufieurs autres de nos Rois ont prétendu anno-
blir des non nobles en les faiſant Chevaliers. On en trou-

ve des exemples du Roi Charles le Bel , du Roi Philippe


de Valois , du Roi Jean , & de plufieurs autres , & des
Empereurs d'Allemagne qui fe font clairement expliquez
fur cela.

" C'eſt donc une maxime certaine , conclut M. de la Ro-


» que , qu'un homme recommandable par fa vertu peut
», être annobli par la Chevalerie , puifque la Nobleffe eſt
"" premierement dans les intentions du Prince , & la Che-
valerie la fuit .

Il faut bien remarquer que les Rois prétendent , que le


privilege d'annoblir de cette maniere leur appartient à
fur la Chevalerie. Liv. II . Differt, VI. 427
l'exclufion des Souverains Feudataires, fi ce n'eft avec leur

permifion expreffe . Dès que le Roi fait un Chevalier ,


Tuivant le fentiment de plufieurs Ecrivains , ( a ) il le faic
Gentilhomme , quand il ne le feroit pas ; mais il n'eft pas
de même d'un Prince qui n'est pas Souverain , ou d'un
General d'armée , qui ne peuvent donner la qualité de
Chevalier qu'à des Gentilshommes. Il y avoit en Italie
plufieurs Ordres de Chevalerie qui annobliffoient les Che-
valiers qui y étoient reçûs , quoiqu'ils ne fuffent pas Gen-
tils-hommes auparavant. C'étoit le privilege des Cheva-
liers Pies.

DISSERTATION VII.

De la dégradation des Chevaliers , de la renonciation


à la Chevalerie.

ARTICLE I.

Des fautes qui meritent qu'on dégrade un Chevalier.

A Chevalerie étant fondée fur la foi inviolable du


LAPrince qui l'a conferée ; & laiffant un caractere en
quelque forte ineffaçable dans l'ame du Chevalier qui y a
été imprimé par le vou & le ferment qu'il a fait , il ne
fçauroit perdre cette noble qualité , s'il ne s'en rend indi-
gne par quelque faute énorme.
Si la vertu eft le fondement de la Chevalerie , fi elle ſe
foûtient par la fidelité qu'on doit à fon Souverain , & fi

elle éleve au plus haut point de la gloire par le courage

[ a ] Jean du Tillet, Recueil des rangs teur du Traité de la Nobleſſe imprimé à


des Grands de France , page 320. L'Au- Orleans en 1682.
Hhh ij
ations ques ues
428 Dissert Hiftori & Critiq
qu'on fait paroître dans les occafions par de hauts faits de
Guerre , & par la pratique des autres vertus Militaires :
auffi la déloyauté , la perfidie , la lâcheté , & ſemblables
crimes , caufent une fletriffure qui ne peut être affez pu-
nie , que par une honteufe dégradation.
Pourquoi C'étoit une Loi inviolable parmi les Romains , qu'un
on dégra- Chevalier qui n'avoit pas fait fon devoir , ou qui avoir
doit les
Chevaliers manqué de courage à la vûë de l'ennemi , étoit ignomi-
Romains. nieufement dégradé. (a) Jean Chifflet Chancelier de l'Or-
Dans l'Ordre de la Toifon d'Or , ( b ) remarque que les Statuts de
dre de la cette noble Societé portent , qu'un Chevalier atteint d'he-
Toifon
d'Or. refie , de trahifon & de fuite fera puni & privé du Collier.
Suivant l'ufage obfervé de tout temps en Angleterre , un
En Angle-
terre. Chevalier convaincu d'herefie , d'avoir quitté l'armée , &
d'être forti du combat lorfque le Roi y affiftoit en per-
fonne , & enfin de s'être revolté contre fon Prince , étoit
dégradé. Ce fut pour un femblable crime , comme le rap-
porte Nicolas Upton , qu'André de Barclé , Comte de Car-
lile , fut dépouillé de la ceinture Militaire , difcinctus fuit
Baltheo Militari. Ce Seigneur en effet avoit pris les ar-
mes contre Edouard II . fon legitime Souverain .
Dans l'Or- L'Article XV . des Statuts de l'Ordre de Saint Michel

dre de S. eft remarquable fur ce fujet. Voici les propres termes du


Michel.
Roi Louis XI. qui l'a inſtitué : « Au refte les Freres &
" Chevaliers reçûs , comme dit eft , & de la condition ſuſ-
,, dite,en feront & y demeureront durant le cours de leurs
" vies , s'ils ne forfaifoient & commettoient crimes repro-
,, chables , par quci ils en duffent être privez & déboutez :
,, lefquels , car nous déclarons tels que ci-après font écrits.
" C'eſt à fçavoir fi aucun Chevalier ( ce que ja n'advien-
,, ne étoit convaincu ou atteint d'herefie ou erreur
" contre la foi Catholique , on avoit pour ce aucune pu-
,, nition ou peine publique : S'il étoit atteint ou convain-
», cu de trahifon : S'il fe départ , ou fuit d'aucune journée
», ou bataille , foit étant avec fon Seigneur , ou avec autre ,

( a ) André Favin , Theatre d'bon- (6) Joan. Chif. in Breviario Hiflor.


neur, tom. 2. Liv. 10. chap. 4. Ordin. velleris aurei cap. 1.
fur la Chevalerie. Liv. II . Differt. VII . 429
où les Enfeignes fuffent déployées , & qu'on fut déja
aux mains : pour lefquels trois cas fufnommez afin cr
que
l'Ordre demeure net & fans diffame , ainfi qu'il appar-

tient , ordonnons que le Chevalier qui feroit trouvé char-


gé , atteint ou convaincu , ou de tous , ou de deux , ou “
de l'un d'iceux , fera par le jugement du Souverain & "
Compagnons de l'Ordre ôté , privé & débouté de l'Or- "
dre après qu'il aura été oüi fur ce cas en fes défenfes..."
& fi auffi il commettoit quelque vilain , énorme & vi- “
tuperable cas il y fera procedé par le Souverain & Fre- "
res de l'Ordre , qui en jugeront comme deffus ; & cc
pour
autre cas , n'en pourra être privé ni debouté. ,,
René Roi de Sicile avoit ordonné qu'on chafferoit des
Tournois un Chevalier qui auroit menti en des chofes qui
concernoient l'honneur & la réputation , qui auroit don-
né de l'argent à ufure , ou qui fe feroit mefallié.
Il eft ordonné dans l'Article IX. des Statuts qui furent Dans l'Or
dreffez pour les Chevaliers de l'Ordre de Sainte Madelai- dre de fain
te Made-
ne , que s'ils ne gardent pas inviolablement leurs vœux , laine.
ils feront caffez& dégradez dudit Ordre , s'ils recidivent pour
la troifiéme fois.
On peut juger de l'excellence de l'Ordre de S. Louis Dans l'Or.
par la fidelité inviolable que doivent garder les Cheva- dre de S.
Louis.
liers qui ont l'honneur d'y être reçûs , & par les devoirs
qu'ils contractent quand ils reçoivent cette Croix. Voici
ce qui eftporté dans l'Article XVIII . des Statuts de cette
augufte Societé. " Les Grands- Croix , Commandeurs “
& Chevaliers qui auront contrevenu à quelqu'une des "
obligations de leur ferment , ou autrement forfait en cc
leur honneur , & commis acte indigne de leur profeſſion
& de leur devoir , ou crime emportant peine afflictive "
ou infamie , feront privez & dégradez dudit Ordre , ainſi “
qu'il fera par Nous ordonné. ,,
Ce n'eft pas feulement pour des crimes énormes que les Dans l'Or-
Chevaliers de l'Ordre du Saint Eſprit font dépouillez de dre du S,
cette noble qualité ; mais auffi pour des fautes qui concer- Efprit.
nent le fervice divin. Henri III. ayant ordonné à tous
Hhh iij
430 Differtations Hiftoriques & Critiques
ceux qui font honorez du Collier de cet Ordre de fe con-
feffer & de communier deux fois l'an.
Il ajoûte, (a) " ceux qui défaudront en une même année
à communier efdits deux jours , perdront le revenu de
" leur commande durant ladite année : & où il advien-
" droit qu'aucun defdits Commandeurs ou Officiers per-
,, feveraffent trois années confecutives à ne communier
" efdits jours , en ce cas-là la Croix & l'habit dudit Or-
"" dre leur feront ôtez , & pour telle volonté endurcie fe-
,, ront privez de l'Ordre. ,, Les fautes pour lesquelles on
dégrade les Chevaliers dans les autres Societez Militaires ,
reviennent à celles dont nous avons fait mention.
Dans l'Or. Les Statuts des Chevaliers de Saint Jean de Jeruſalem
font très- rigoureux fur ce fujet. " Nous condamnons ,
te. deMal
dre
eft - il dit dans le Titre XVIII. à perdre l'habit à
" perpetuité ceux qui feront convaincus d'être Hereti-
» ques , affaffins , voleurs , & de s'être jettez dans le
" parti des Infideles ; ceux qui lâchent nôtre Enfeigne
,, ou nôtre Etendart quand il eft déployé à la Guerre con-
,, tre lefdics Infideles ; ceux qui abandonnent leurs Freres
" dans le combat ; ceux qui donnent quelque place aux
>> Infideles ou autre lieu de retraite ; celui qui fortira
d'ailleurs que par la porte d'une place , qui fera fituée
"
,, aux confins des terres des Infideles ; les falfificateurs de
‫ دو‬Lettres , tant de nôtre Ordre qu'autres ; ceux qu'on au
,, ra convaincu d'être parjures ; ceux qui auront fait quel-
,, que meurtre ; celui qui aura tué un autre Frere ou Se-
‫ رو‬culier , foit par trahiſon , ou autrement par la violence
" des armes , ou bien d'avoir tramé fa mort en cachette ;
>> fi un Frere provoque un autre Frere en duel , ou s'il le
défie , foit de parole , par écrit , par un fecond , ou de
quelque autre maniere , & que celui qui eft appellé n'ac-
,, cepte le duel , ordonnons qu'outre les peines portées par
>> le facré Concile , & par la Conftitution de Gregoire
XIII . l'appellant foit privé de l'habit à perpetuite fans

[ a ] Stat. de l'Ordre du S. Efprit , art,


87 .
fur la Chevalerie. Liv. II . Differt. VI . 431
aucune remiffion , que s'il l'accepte , bien que tous deux "
ne fe portent fur le pré , qu'ils foient condamnez à per-
dre l'habit , fans efperance d'aucun pardon. ,, Voilà les
principales fautes pour lefquelles on prive de l'habit les
Chevaliers de Malte. Il y en a plufieurs autres , dans lef-
quelles il faut tomber plufieurs fois afin qu'on foit dé-
gradé.
Mais il faut bien remarquer que la dégradation dépoüil Remarque
lant le Chevalier d'une éminente dignité , on ne doit ja fur
jet. ce fu-
mais infliger cette peine que pour des crimes confidera-
bles & clairement prouvez. On doit même affembler un
Chapitre , comme il eſt expreſſement ordonné par les Sta-
tuts des Chevaliers de Malte ; & comme cela fut obfervé
à Fontainebleau l'an 1633. au fujet de deux Chevaliers
du Saint Efprit qui s'étoient retirez en Flandre. Il eſt de
l'équité d'en agir de la forte , tant pour recevoir l'accuſé
en fes faits juftificatifs , que pour oüir des témoins irre-
prochables fur fon accufation.

ARTICLE II.

Comment on dégradoit autrefois les Chevaliers , & des

Cérémonies qui ont été en ufage dans ces derniers… -


temps.

I.

A dégradation des Officiers & des Gens de Guer- Dégrada-


LA re , mais fur tout des Chevaliers , fe faifoit parmi les les parmi
tion Ro-
Romains > en ôtant l'épée & le baudrier comme il eft mains.

marqué dans la Loi feconde , au §. ignominiæ , verf. fed &


fi de his qui not. infam, au digeſte. Un Auteur ( a ) re-
marque , que pour dépouiller un Chevalier Romain de fa
dignité , on brifoit fes armes , on le privoit de l'honneur
[ a ] André Favin , Theat, d'honneur , | tom. 2. Ljv, 10. chap 4.
432 Dißertations Hifloriques & Critiques
de la fepulture , & on jettoit fon corps dans un foffé ou
dans un cloacle.
Sous nos Sous nos Rois de la premiere Race on dégradoit auffi
Rois de la les Chevaliers en leur ôtant le baudrier , fuivant Saint
premiere
Race. Gregoire de Tours. (a) Cet Hiftorien raconte qu'un
Gentilhomme appellé Leonard , que le Roi Chilperic avoit
créé Chevalier , ayant fait une faute confiderable , fut pri-
vé folemnellement de la Chevalerie dans l'Eglife de Pa-
ris , où on lui ôta le baudrier. Jullit eum in Ecclefia Pa-
rifiacafpoliari , nudatumque veftimentis , ac Baltheo quod ex
munere Chilperici Regis habebat , difcedere à fua præfentia ,
jubet.
Chez les Chez les Indiens on dégradoit les Chevaliers en leur
Indiens.
ôtant leur écharpe , c'eſt-à-dire , un cordon tiffu de trois
filets de coton , qui étoit la marque de la Chevalerie par-
mi ces peuples. Enfuite on les chaffoit de la Compagnie
des autres Chevaliers , & on déclaroit roturier celui qui
avoit été dégradé.

Les Cérémonies qu'on a mis en ufage dans les fiecles


fuivans pour dégrader les Chevaliers , ont été très-diffe-
rentes fuivant les Ordres Militaires , les païs & les temps.
Comme il feroit ennuyeux de rapporter toutes les formu-
les de ces fortes de deftitutions , il fuffira de mettre ici

celles qui s'obfervent parmi les Chevaliers de Malte , en


France , & en Angleterre,

I I.

Cérémo- Quand un Chevalier de Malte eft accufé de quelque


nies de la crime , qu'il en a été convaincu après un examen juri-
dégrada-
tion dans dique , qu'il a été condamné à être dépouillé de l'habit ,
l'Ordre de & qu'on lui a lû fa fentence , le Grand-Maître ou ſon
Malte.
Lieutenant s'adreffant au criminel , lui dit ces paroles : ( b )
‫ دو‬Parce que par tes méchancetez & tes démerites tu t'es
rendu indigne du figne de la Croix vivifiante & de l'ha-

(a) Greg. Turonenf. Lib . 1o. cap. 15. I rufalem , titre II.
(a) Stat. de l'Ordre de S fean defe- s
bit
fur la Chevalerie. Liv . II . Differt. VII . 433
bit de nôtre Ordre , à la Profeffion duquel nous t'avions “
ci-devant reçûs , y étant induis par tes bonnes actions , “
qui font maintenant toutes perverties : c'eft pour cela "
que fuivant nos Statuts & nos Coûtumes à la plus gran-
de gloire des gens de bien, & à l'effroi des méchans, com
me auffi pour te faire fervir d'exemple aux autres , nous "
te privons & feparons , tant de l'habit de nôtre Ordre , “
que de la Compagnie de nos Freres , dont nous te chaf- “
fons & rejettons , t'en retranchant comme un membre "
puant & pourri. , pa
Après ces paroles le Maître Ecuyer , par le Comman-
dement du Grand -Maître ou de fon Lieutenant , ôte l'ha-

bit au coupable , & y procede en cette forte. " Au pre-


mier commandement il lui met feulement la main fur "
lè manteau ; au fecond il défait le noeud des manches "

à bec ou à pointe , & jette fur le devant ce qu'il y a de “


détaché , & finalement au troifiéme commandement il "
détache tout-à-fait le manteau , & lui ôte l'habit de def. "
fus les épaules , difant ,, : Par l'autorité de mon Superieur je
t'ote & t'arrache ce lien , qui eft le joug vraiement doux du
Seigneur , & te prive de l'habit de notre Ordre pour t'en être
rendu indigne. Enfuite on conduit le criminel en priſon
pour être puni felon les Loix,
to dim do

1979 STIL. 92 !
C
-1000. 31 2

La dégradation des Chevaliers fe fait en France dans Comme


ces derniers temps avec de grandes cérémonies. On af- elle fe fai-
foit en
femble vingt ou trente Chevaliers fans reproche , devant France
lefquels le Chevalier eft accufé de trahifon , & foi mentie
par un Heraut d'armes. L'Arreft de mort étant pronon-
cé, on dégrade le Chevalier en cette forte. On dreffe
deux échaffauts dans la place publique , l'un pour les Ju-
ges affiftez des Rois , Herauts & pourfuivans d'armes ;
l'autre pour le Chevalier condamné , qui fe tient de bout
armé de toutes pieces , & fon écu planté fur un pieu de-
Iii
434 Dissertations Hiftoriques & Critiques:
vant lui , renverfé & la pointe en haut. ( a ) A côté affi-
ftent douze Prêtres en furplis. Le Roi d'armes ayant lû
à haute voix la Sentence de mort du Chevalier , les Pre-
tres commencent de chanter les Vigiles des morts , depuis
le placebo jufqu'à la fin du Miferere mei Deus. A la fin du
Requiem de chaque Pfeaume ils font une paufe , pendant
laquelle les Officiers d'armes dépouillent le condamné de
quelque piece de fes armes , en commençant par le Heau-
jufqu'à ce qu'ils l'ayent dépouillé tout- à - fait , & puis
ils brifent l'écu en trois pieces avec un marteau.
Après le dernier Pfeaume les Prêtres fe levent de leurs
fieges , & étant affemblez au tour du Chevalier condam-
né , lui mettent la main fur la tête , chantant le Pfeaume
109. qui commence par ces mots : Deus laudem meam ne

tacueris , où font exprimées les maledictions & les impré-


A
cations contre les traîtres. Le Pfeaume étant fini , le Roi
d'armes verfe un baffin d'eau tiede fur la tête du dégra-
dé. Après ces cérémonies les Juges prennent l'habit de
deüil & s'en vont à l'Eglife. Le Chevalier condamné eſt
defcendu de l'échaffaur par une corde attachée fous les
aiffelles , & mis fur une civiere , & couvert d'un drap mor
tuaire. Il eft conduit à l'Eglife où les Chevaliers l'atten-
dent , les Prêtres achevent l'Office des Trépaffez fur le
Chevalier dégradé , qui eft mis entre les mains du Mi-
niftre de la haute-juftice pour être executé. Si le Roi don-
ne la grace à ce malheureux , on le bannit du Royaume.
Le Roi d'armes déclare enfuite publiquement , que les en-

(a) Le renverfement des armes Ont pendue laidement , ainfi come


d'un Chevalier étoit la plus grande trahiteur ,
ignominie qu'il pouvoit recevoir. In-
ter probra , dit Thomas Vvalfingha- Et trainée auffi au long d'un quarrel
• 1J
mus , pag. 192. quæ illi intulerat , arma fort . T
ejusinforofunt publicè renverfata. Et les ont enverfée , en monftrant par
Dans la Chronique MS . de Ber-
trand de Guefclin : frenour ,
Que Bertrand de Glaiequin a ceur de
Oy, dit l'Ecuyer , regardez la douleur,
-Les armes de Bertrand , où à tant de boifcour.
vigueur
fur la Chevalerie. Liv. II. Differt. VII. 435
fans & les defcendans du Chevalier dégradé font déchûs
de leur nobleffe , & incapables de porter les armes , & de
ſe trouver aux Joûtes , aux Tournois , ni aux Affemblées
des Rois , des Princes & des Gentils-hommes , fur peine
d'être battus de verges comme infames.
Ce font les cérémonies qui furent obfervées fous Fran-
çois I. en 1523. lorfque le Capitaine Franget fut dégradé.
Če Gentil-homme Gafcon avoit lâchement rendu Fonta-
rabie , & n'avoit pas arrêté Peralto Maréchal de Navarre ,

qui avoit pris l'écharpe rouge dans le Camp des Caftil-


lans. Après la dégradation de Franget dans la Ville de
Lyon , par le Connetable & les Maréchaux de France , on
lui fauva la vie à cauſe de ſa grande vieilleſſe.

IV.

Chamberlaine dans fon Etat prefent d'Angleterre dit , Maniere


que quand un Chevalier eft condamné à la mort pour un de dégra-
der les
crime énorme , on le dégrade en cette forte. Premiere- Chevaliers
ment on lui ôte ſa ceinture & fon épée ; enfuite on cou- en Angle
pe fes éperons avec une hache , puis on lui arrache fon terre.
gantelet , & on biffe ſes armes.
Gregorio Leti (a ) parle de la dégradation des Cheva-
liers d'Angleterre en ces termes. Quando un Cavaliere è
condannato alla morte , per qualche delitto enorme fi fanno le
fequenti infaufte Cerimonie. Per primo fe gli fcioglie la cin-
tura ; fe gli leva via con difprezzo la fpada ; fe gli togliono
gli fpironi con una picciola mannaja ; fe gli tira à forza il
fuo Gantelet , ò fia guanto di ferro , e finalmente fe gli fcan
cellano le armi : e questa è la degradatione .

( a ) Gregorio Leti , Theatro Bri- I tannico , part. 2. Lib 3. pag 112.

Iii ij
ons s
436 Differtati Hiftorique & Critiques

ARTICLE III.

Un Chevalier condamné à mort pour fes crimes , doit être

dégradé avant d'être conduit aufupplice.

L n'y a rien qui donne une fi haute idée de la Che-


valerie , que de confiderer qu'on ne fait jamais mou-
rir un Chevalier , fans obſerver à peu près les mêmes cé-
rémonies qui ſe pratiquent dans l'Eglife avant que de li-
vrer au bras féculier les Ecclefiaftiques qui ont merité la
mort. Afin de ne pas profaner le Sacerdoce , on dépouille
exterieurement les Prêtres des ornemens de cette haute di-

gnité par la dégradation.


Cette peine Ecclefiaftique eft impofée par l'Eglife , &
executée folemnellement avec les cérémonies marquées
dans les Canons , & le Droit ancien , & moderées par le
Concile de Trente. ( a ) La dégradation ne prive pas feu-
lement le condamné de tout dégré , honneur , préémi-
nence & dignité des Ordres grands & petits ; mais auffi
de tous les privileges dont jouiffent les Ecclefiaftiques.
La principale cérémonie de la dégradation confifte à
dépouiller le criminel de toutes les marques clericales , &
à lui ôter la chafuble , l'étole , le manipule , la ceinture ,
l'aube , l'amit , & la tonfure ou la couronne clericale.
La Chevalerie eft une qualité fi augufte , que les Sou-
verains n'ont jamais voulu permettre que ceux qui s'étoient
rendus indignes par leurs crimes d'une fi haute dignité ,
fuffent mis à mort avec les marques refpectables de la Che-
valerie , & fans être auparavant dépouillez du Collier ,
de la Ceinture & de l'Epée , qui en font les fignes écla-
tans.

Cet uſage eft fi ancien , qu'un Auteur Grec ( 6 ) remar-

(a ) Conc. Trid. feff. 13. cap. 4. (b) Joan. Curopal. de offic. Cox-
de Reformat. 1 fant.
Jur la Chevalerie. Liv. II . Differt. VII. 437

que que les Chevaliers Chrétiens qui mouroient pour la


foi étoient dépouillez du Collier d'or & privez du bau-
drier avant que d'être livrez entre les mains des Bour-
reaux. Les Hiſtoriens ( a ) qui ont parlé de l'Angleterre
nous apprennent qu'on ne faifoit point mourir les Che-
valiers dans ce Royaume , qu'après avoir été dégradez &
privez des marques de la Chevalerie. C'eft fuivant cet
ufage , que Barclé Comte de Calile fut honteufement dé-
pouillé de la ceinture Militaire avant de perdre la tête fur
un échaffaut.
.
En France on ne fait point mourir un Chevalier con-
damné par la juſtice , fans auparavant lui ôter le Collier
& les ornemens de la Chevalerie , afin que ce dèshonneur
ne retombe pas fur fa dignité , & qu'on ne puiffe pas dire
qu'il a été executé en qualité de Chevalier. C'eft ainfi
qu'on en ufa l'an 1475. lorfque Louis de Luxembourg ,
Čomte de Saint Paul , Connetable de France , fut con-
damné à perdre la tête. Car il fut ordonné qu'avant l'exe-
cution il rendroit à Pierre Doriole , Chancelier de Fran-
ce , le Collier de l'Ordre de S. Michel , qu'il avoit reçû le
1. Aouft de l'an 1469 .
L'Arreft de mort qui fut donné le 3. Aouft de l'an
1551. contre Oudart de Riez Maréchal de France , à cau-
fe que le Seigneur de Vervins fon gendre avoit rendu
Bologne aux Anglois , portoit qu'avant d'être executé il
rendroit le Collier & la Croix au Heraut d'armes. Ce
Seigneur s'étant juftifié il eut la liberté. Cette formalité
fut pareillement obſervée à la condamnation de mort pro-
noncée le 31. Juillet 1602. contre Charles Gontaut Duc
de Biron , Pair & Maréchal de France. Cela eft expreffe-
ment ordonné dans l'Article 41. des Statuts de l'Ordre de
Saint Michel , & dans le 87. des Reglemens de l'Ordre du
Saint Efprit.
La maniere de revoquer la Chevalerie eft exprimée
dans l'Arreft du Grand- Confeil , donné à Paris le fixiéme
jour d'Aouſt 1579. où il eft enjoint au Chevalier dégradé
(a ) Chamberlaine , Nicolas Upton.
Iii iij
-438 ions iftoriques s
Dißertat H & Critique
de rendre le Collier & le petit Ordre de Saint Michel ,
pour être mis entre les mains du Tréforier de l'Ordre.

ARTICLE IV .

De la renonciation à la Chevalerie.

Omme il y a une dégradation de la Chevalerie ,


C qui eft forcée & violente , il y en a auffi une autre

qui eft libre & volontaire. Cette forte de renonciation


peut arriver en deux ou trois manieres.
Premierement , lorfqu'un Chevalier quitte l'Ordre &
le ſervice d'un Prince pour recevoir le Collier , & ſe ran-
ger du parti d'un autre Souverain. C'eſt ainſi que l'an
1521. Frideric de Gonzague , Marquis de Mantoüe , re-
nonça à l'engagement qu'il avoit pris avec la France , qui
l'avoit honoré de fes Ordres , prenant le parti du Pape
Leon X. qui le fit General de l'armée Ecclefiaftique. De
même Flavio Urfini , Duc de Bracciano , fut créé Che
valier de l'Ordre du Saint Efprit le 29. Septembre 1675 .
Mais le Roi étant brouillé avec le Pape Innocent XI.
dont celui ci avoit pris le parti , M. le Marquis de Lavar-
din , Ambaffadeur extraordinaire à Rome , envoya de-
mander à ce Duc , de la part de Sa Majeſté , le Collier
de l'Ordre du Saint Efprit au mois d'Aouft 1688.
Honoré Grimaldi , Prince de Monaco , Premier Duc
de Valentinois , Pair de France , en ufa de la même ma-
niere à l'égard de l'Eſpagne ; car il quitta volontairement
le Collier de la Toifon d'Or , pour prendre celui du S.
Elprit , qui lui fut envoyé par le Roi Louis XIII . avec
l'inveftiture du Duché de Valentinois , le 22. Mai 1642.

En fecond lieu ; il y a plufieurs perfonnes illuftres qui


ont renoncé volontairement aux Ordres de Chevalerie
Militaire pour porter le joug de Jefus- Chrift , & quitter
le monde , Saint Hubert Evêque de Mastricht & de Liege
fur la Chevalerie. Liv . II . Diſſert . VII . 439
nous én fournit un bel exemple. Ce Saint , qu'on fait
defcendre de Clotaire I. Roi de France , ayant formé le

deffein de quitter la Cour pour ſe retirer dans une foli-


tude , il alla à Paris , & remit entre les mains du Roi Thier-
ry toutes les charges qu'il lui avoit données , enfuite il
lui rendit fon baudrier & fa ceinture , déclarant par cette
cérémonie qu'il renonçoit à la Chevalerie & à tous les
emplois de la Guerre , Saint Hubert vivoit dans le VII.
& dans le VIII . fiecle. ( a )
Voici deux autres exemples de ces fortes de renoncia-
tions volontaires qui ne font pas moins édifiantes ; l'une
eft arrivée fous le regne de Henri IV. & l'autre du temps
de Louis XIII. Henri Duc de Joyeufe , Comte de Bou-
chage , Pair & Maréchal de France , Grand - Maître de la
Garderobe du Roi , Gouverneur & Lieutenant General
des païs d'Anjou , de Touraine , &c. fut fait Chevalier
des Ordres du Roi le 31. Decembre 1583.
Après s'être diftingué dans les armées , il remit le Col-
lier de l'Ordre du Saint Efprit , & fe fit Capucin le 4. Sep-
tembre 1587 vingt- huit jours après la mort de fa femme ,
& fit Profeffion fous le nom du P. Ange. Il demeura
dans cet Ordre juſqu'en 1592. que les Seigneurs de Lan-
guedoc l'obligerent de fe mettre à la tête de leurs troupes
pendant les troubles de la ligue. Le Cardinal de Joyeuſe
fon frere lui obtint les Difpenfes du Pape . Le Roi Hen-
ri le Grand en 1596. le fit Maréchal de France. Enfin
preffé par fa propre confcience , il rentra chez les Capu-
cins à Paris. Le P. Ange vécut le refte de fes jours chez
les Capucins dans une grande eftime de vertu , & mou-
rut à Tivoli , près de Turin , le 17. Septembre de l'an
1608.

Le Roi Louis XIII . fit Philippe- Emmanuel de Gon-


di , Comte de Joigni , Chevalier de fes Ordres le 31. De-
cembre de l'an 1619. & puis General des Galeres. Ce Sei-
gneur s'étant démis de fa Charge en faveur de fon fils ,

(a ) Roberti , vie de S. Hubert. Do- | Monarchie fainte , tom . 1. vie de S. Hu-


minique de Jefus Carme Déchauffé , I bert , pag. 475.
440 Differtations Historiques & Critiques
& ayant remis le Collier de l'Ordre , il fe retira chez les
Peres de l'Oratoire , s'y fit Prêtre , & mourut en répura-
tion d'une grande piété le 29. Juin de l'an 1662. âgé de
81.ans. Son corps fut enterré dans le Choeur de l'Eglife .
de Saint Magloire.
L'exemple le plus remarquable que nous ayons de ces
renonciations yolontaires à la Chevalerie, eft celui de Char-
les-Quint , Empereur & Roi d'Efpagne. Ce Prince étant
à Bruxelles avant fa retraite le 25. Octobre de l'an 1555.
ceda fes Etats d'Allemagne à Ferdinand fon frere , & laiffa
les autres à Philippe fon fils. Il prit enfuite fon Collier de
la Toifon d'Or , pour marquer fon parfait renoncement
au monde & à la Chevalerie , & le donna au Roi Philip-
pe fon fils , lui difant : Recevez , mon cher fils , ce Collier de
la Toifon d'Or , que Philippe Duc de Bourgogne , furnommé
le Bon , notre ayeul voulut être un monument éternel de fa foi,
& de fa veneration pour l'Eglife Romaine . Souvenez-
yous toûjours des Loix établies dans cette Inftitution.

Après avoir ainfi difpofé les chofes , il alla en Espagne , &


fe retira dans le Convent de Saint Juft de l'Ordre des Je
ronimites , qui eft dans la Province d'Eftramadoure. Ily
mourut trois ans après , fçavoir le 21 , Septembre de l'an
1558. âgé de 58. ans,

ADDITIONS
441

ADDITIONS

E T

CORRECTIONS

Qu'on a crû devoir faire dans cé Volume durant le cours

de l'Impreffion.

Age 126. après ces paroles , qui ont précedé les Croi-
Pfades , ajoutez Jean de Heu Seigneur d'Ennery , de
Malroy , de Crefpi , de Parthe , de Mont , de Beu , de
Xieulle , & de plufieurs autres terres dans le païs Meffein ,
eft qualifié Chevalier de fainte Catherine dans une an-
cienne Genealogie de la maifon de Heu , faite en 1494.
Il fit le voyage de la Paleſtine en 1463. comme il est mar-
qué dans l'Hiftoire des Evêques de Mets , page 582. où il
eft dit , que Jean de Heu étant allé à Jerufalem en 1463 .
à fon retour il paffa par Rome , où il follicita le Pape en
faveur de ceux de Mets , qui lui avoient envoyé des Dé-
putez .
Page 147. après ces mots : Traité de la fcience Heroï-

que , ajoutez. M. Miffon dans le 1. volume de ſes voya-


ges , Lettre IX. page 95 , de la derniere édition , parle des
ornemens qui fervent au facre des Empereurs qui fe con-
fervent dans l'Eglife de l'Hôpital de là Ville de Nurem-
berg , entre lefquels il met la Couronne qu'il appelle In-
fula, qui eft d'or & prefque toute couverte de pierres pré-
cieuſes. Cet Auteur prétend que c'eſt la Couronne de
Charlemagne , & qu'elle pefe quatorze livres.
On voit par la relation de cet Ecrivain , que la Cou-
ronne de Charlemagne , qui eft à Nuremberg , eft d'une
Kkk
442 Additions & Corrections.

figure affez differente de celle qui fe conferve dans le


Tréfor de Saint Denis , comme on peut voir par la re
preſentation de ces deux Couronnes que j'ai données. Il
fe peut faire que ce grand Empereur fe foit fervi de l'une
& de l'autre. Cependant on en peut conclure , que les Em-
pereurs & les Rois ne portoient point en ces temps de Cou-
ronnes fermées. Ainfi il n'y a pas d'apparence que Char-
lemagne ait donné aux Friſons une Couronne telle que la
dépeint M. Hermant .
Page 148. ligne 28. après , mais il eft plus vrai-fem-
blable que Charles VIII ajoûtez. Cependant il eft cer-

tain que ce Prince n'eft pas le premier Roi de France qui


a porté la Couronne fermée , s'il en faut juger par un Ma-
nufcrit de Tite- Live traduit en François , qui fe conferve
dans la Bibliotheque de la Sorbonnne. Ce Manufcrit eft
trés-beau , & on y trouve un grand nombre de Mignatu-
res. Dans la premiere , le Roi Jean , furnommé le Bon ,
fils de Philippe de Valois , & pere de Charles V. qui com-
mença à regner l'an 1350. eft repreſenté affis fur fon Trô-
ne en habit Royal , ayant fur fa tête une Couronne fer-
mée , & le Prieur de Saint Eloy à genoux en habit de Be-
nedictin , qui prefente au Roi la traduction de Tite Live.
Voici le titre de ce Manufcrit. Cy commence le Prologue , ou
Livre de Tite- Live de l'Hiftoire Romaine , lequel Livre , Fre-
re Pierre Bertourt , Prieur de Saint Eloy de Paris , a tranfla
té de Latin en François .

Pour la page 163. avanArticle vi . ajoûtez, Autre preu-


ve qu'il y a eu des Ordres Militaires avant le XII . fecle.
Pour en être convaincu il n'y a qu'à jetter les yeux fur
l'Hiftoire de la Guerre fainte , dont l'Auteur , quoiqu'in-
connu , a été témoin oculaire de tout ce qu'il rapporte :
Rerum teftis oculatus fuit , quifquis eft hic Author , comme
le remarque le P. Mabillon , ( a ) qui eft le premier qui
nous a donné cette Hiftoire , dont le Manuferit fe con-
ferve dans la Bibliotheque du Mont- Caffin.
Dans cet Ecrit , qui eft intitulé : Belli Sacri Hißoria ,
[ a ] Mabil, tom. 2. Mufæi Italic.
Additions & Corrections. 443
le Duc Godefroi de Bouillon , Balduin , ou Baudouin fon
frere , & le Comte Baudouin de Monte , font qualifiez du
titre de Chevaliers très-prudens , prudentiffimi Milites . (a)
On y donne la même qualité à Tancrede , prudentiffimus ,
banorabilis Miles. Un certain Ponce, homme de très-gran-
de naiffance , qui fut tué dans un combat , eft appellé un
brave Chevalier , egregius Miles.
On remarque ( 6 ) que dans une action deux Cheva-
liers , honorabiles Milites , dont l'un s'appelloit Gofride de
Monte Scabiofa , & l'autre Guillaume fils de Marchuſe ,
frere de Tancrede , refterent morts fur la place , outre un
grand nombre de Cavaliers & de Fantaffins : Præter alios
Equites & Pedites . On voit par ces paroles que l'Auteur
diftingue très- bien les Chevaliers d'avec les Cavaliers. Il
ajoûte , que Boamundus ( 4 ) témoigna beaucoup de re-
gret de la mort de ces deux honorables Chevaliers.
On donne auffi ( d ) le nom de Miles acerrimus & belli-
cofus à Roger de Bernavilla ; & pour le diftinguer des Ca-
valiers , nôtre Hiftorien remarque qu'il prit avec foi vingt
Cavaliers : Exivit folummodo cum vigenti Equitibus, Il dit
encore , (e ) que dans une expedition il y avoit un cer-
tain jeune Chevalier , François de nation , forti d'une très-
noble famille de Chartres , nommé Raymbaldus ; & ( f)
qu'un Bernard de Saint Valeric , homme d'une très- haute
naiffance , portoit le titre de Miles ftrenuiffimus.
Pour mettre cette preuve dans tout fon jour , il faut
fe fouvenir , 1 °. Que tout ce que l'Auteur de la Guerre
fainte vient de raconter fe paffa l'an 1097. c'est- à- dire ,
deux ans avant que les Croifez fe rendiffent Maîtres de
la Ville de Jerufalem , & quelques années avant l'établiſſe-

[a ] Belli Sacri , Hift . initio, Conquête de la Terre- Sainte. Il fur


[b ] Ibidem , num 28. accompagné dans cette expedition
(c) Boamandus étoit le fils aîné par Tancrede fon neveu.
de Robert Guifcardi, Duc de la Poüil- [ d ] Ibid. num . 66.
le. Il a paffé pour un des plus vail- [ e ] Ibid. num 115.
lans Capitaines de fon temps. Il fe [f] Ibidem , num, 122,
joignit aux François pour aller à la

Kkkij
Additions & Corrections.
444
ment des Religions Militaires , qui ne commença qu'au
XII. fiecle , vers l'an 1104.
20. Quoique l'Auteur faffe mention de plufieurs Grands
Seigneurs qui fe croiferent , il ne leur donne pas la quali-
té de Chevaliers , pour nous faire connoître que le titre

de Chevalier étoit un titre d'honneur qui ne venoit pas de


la nobleffe du fang , mais qui s'acqueroit par les vertus Mi-
litaires.
30. Tous les Croiſez portoient une Croix , mais ils n'é-
toient pas pour cela Chevaliers , ni perfonne n'a donné
aux Croifades la qualité d'Ordres Militaires , autrement
tous les Croifez auroient été Chevaliers. Ainfi l'Auteur
de l'Hiftoire de la Guerre fainte n'artribuant la qualité
de Chevaliers qu'à quelques-uns des Seigneurs Croifez ,
& non pas aux autres. Il falloit qu'avant que d'entreprendre
le voyage de la Terre- Sainte , ils fuffent déja Chevaliers
de quelqu'un des Ordres Militaires qui étoient établis en
France , en Espagne , en Angleterre , & en d'autres

païs.
Pour la page 192. après la ligne 32. ajoûtez. Les exer-
cices de l'Arquebufe ayant été interrompus pendant les
Guerres , ils fe renouvellerent l'année derniere avec la
permiffion du Roi. Le 28. du mois d'Aouſt l'ouverture
du prix de l'Arquebufe fe fit à Meaux , Capitale de
Brie. Monfieur de la Noüe de Rutel , Gentil- homme &

Maire de la Ville , étoit Capitaine de la Compagnie de


Meaux , autrement la Colonelle ; elle étoit compofée d'en-
viron 120. Chevaliers avec les Officiers. Ils étoient tous

en habits uniformes d'un gris blanc bordé d'argent , & les


boutonnieres de même , & leurs chapeaux relevez de plu-
mets blancs. Il s'y trouva 20. autres Compagnies de Che-
valiers des Villes circonvoifines en habit d'Ordonnance ,
chacune étant diftinguée par une couleur differente.
Meffieurs de Meaux envoyoient des Députez au-devant
de chaque Compagnie pour les complimenter , leur mar-
quer les logemens qui leur étoient deſtinez , & leur pre-
fenter toutes fortes de rafraichiffemens .
Additions & Corrections.
445
- Le 29. toutes les Compagnies fe trouverent fous les ar-
mes pour aller en cérémonie entendre la Meffe , où M.
le Cardinal de Biffy officia folemnellement. M. le Prince
de Soubife étoit à leur tête ; le fils de M. Bignon Inten-
dant de Paris commandoit la Colonelle , & M. le Cheva-
lier de Baviere devoit commander celle de Compiegne .
En fortant de la Metropole ils firent un tour de Ville , &
ſe rendirent au Jeu de l'Arquebufe. Il y avoit quantité
de prix deſtinez pour les victorieux. C'étoient des Baffins ,
des Chandeliers , des Eguieres , & d'autres pieces d'Or-
fevrerie jufqu'à la valeur de 3000. livres. Les conditions
fous lefquelles on a tiré les prix contiennent 24. arti-
cles.

La Compagnie de Compiegne , qui doit rendre le prix


l'année qui vient , a paru dans cette occafion avec beau-
coup d'éclat elle eft compofée d'un grand nombre de
Chevaliers de diftinction & d'Officiers d'Epée & de Ro
be , tous habillez fort leftement & d'une maniere unifor-
me , en forte qu'elle a eu l'applaudiffement de tout le
monde. Les Rois , les Princes , & les Grands du Royau-
me ont toûjours affectionné cette Compagnie. En 1714 .
elle eut l'honneur de voir l'Electeur de Baviere tirer &
abbattre l'Oyfeau. Depuis ce temps-là S. A. E. a voulu
que le Chevalier de Baviere fut mis au nombre des Che-
valiers de cette Compagnie ; ce qui n'a pas peu contribué
à l'honneur qu'elle vient de recevoir.
.
On voit par ce petit détail que je viens de faire , que
les exercices de l'Arquebufe font bien differens des Tou-
pineures. Quoique dans ceux-là il s'y trouve plufieurs per-
fonnes nobles & de diftinction , ils ne fe fervent pas de
ces occafions pour fe faire créer Chevaliers , quoiqu'on
leur donne cette qualité , parce que les Jeux de l'Arque-
bufe ont quelque chofe qui approche beaucoup des diver-
tiffemens des anciens Chevaliers. D'autant plus que ceux

qui compofent ces Compagnies ne prennent le titre de


Chevaliers qu'avec cette limitation : Chevaliers de l'Ar-
quebufe ; c'eſt ainfi que fe qualifient Meffieurs les Cheva-
Kkk iij
s s
Addition & Correction ,
446
liers de Meaux dans la Lettre circulaire qu'ils envoye-
rent dans les Provinces , pour inviter les Compagnies des
Chevaliers des autres Provinces de fe trouver à Meaux au

temps marqué.
Page 225. après ces mots de la derniere ligne , portent
une Croix blanche patée , ajoûtez. Alexandre VI . fous
fon Pontificat donna une Bulle , par laquelle il permit aux
Chevaliers de Chrift de fe marier. Le Roi Denis leur
donna les terres qui avoient appartenu aux Templiers.
Au commencement de leur établiſſement ils faifoient leur
féjour à Caftro- Marin , Port de mer & Place forte par fa

fituation , à caufe des rochers qui en défendent l'appro-


che, fur les frontieres de la Province d'Algarve. Enfuite
pour être plus à portée de combattre les Maures , ils furent
établis à Tomar, gros Bourg de la Province d'Eſtrama-
doure , fur la grande route de Conimbre à Liſbonne , &
au milieu d'une forêt d'oliviers. On y voit encore au
jourd'hui l'ancien Château des Templiers : les Chevaliers
dont je parle y ont une grande & riche maiſon , où le
Grand-Maître de l'Ordre fait ordinairement fon féjour ,
& jouit du quart du revenu de toutes les Commanderies
de l'Ordre , qui font au nombre de 45.
Dans cette maifon il y a douze cloîtres , une très-belle
Eglife , dont le Choeur eft foûtenu par huit colomnes do-
rées ; une grande fale eft occupée par la Bibliotheque , qui
eft très-nombreufe , & où l'on conferve de curieux Ma-
nufcrits , qui font comme autant de talens enfoüis , à cau-
fe que peu de gens en font ufage, Lorfque le Roi , com
me Grand-Maître , convoque le Chapitre , les Chevaliers
ont le privilege d'être affis & couverts devant Sa Ma-
jeſté. 4
Page 231. après ces mots , & de l'autre elle portoit un
Rofaire , ajoutez. Il y a encore un autre Ordre qui a fui-
vi la Règle de Saint Dominique . C'eſt la milice des Che-
valiers de la Mere de Dieu. Elle eut pour Inftituteur un
Evêque de Vicence nommé Barthelemy de l'Ordre de
Saint Dominique. Les Chevaliers portoient une foutane
Additions & Corrections.
447
blanche , & deſſus l'eftomach une Croix patée, rouge, can-
tonnée aux deux premiers cantons de deux étoiles de mê-
me , & par-deffus le manteau gris cendré. Chacun de-
meuroit en fon particulier vivant en fa maiſon avec la
femme & fa famille. Leur emploi étoit le foin particu-
lier des veuves & des orphelins ; de reconcilier ceux qui
étoient en querelle , & de réunir les maris & les femmes
qui vivoient en mauvais menage. Cet Ordre qui fut in-
ftitué en 1233. ne fut confirmé qu'en 1263. par le Pape Ur-
bain IV.

Pour la page 243. après la 15. ligne , ajoûtez . Des


Commanderies ou Chambres Magiftrales. Il y a eu d'un
temps immemorial certaines Commanderies appellées Ma-
giftrales , deftinées pour l'entretien du Grand- Maître. Il
y a une de ces Commanderies dans chaque Prieuré , qui
font les fuivantes.
Dans le Prieuré de Saint Gilles , la Commanderie de
Pefenas.

Dans le Prieuré de Tolofe , la Commanderie de Puy-


Soubran.

Dans le Prieuré d'Auvergne , la Commanderie de Sa-


lins.
Dans le Prieuré de France , la Commanderie de He-
nault.

Dans le Prieuré d'Aquitaine,la Commanderie du Tem-


ple de la Rochelle.
Dans le Prieuré de Champagne , la Commanderie de
Mets.
Dans le Prieuré de Lombardie , la Commanderie d'In-
verno.
Dans le Prieuré de Rome , la Commanderie de Ma-
gnano.
Dans le Prieuré de Venife , la Commanderie de Tre-
vizo.
Dans le Prieuré de Pife , la Commanderie de Prato.
Dans le Prieuré de Capoüe , la Commanderie de Si
ciano.
448 Additions & Corrections

Dans le Prieuré de Barlette , la Commanderie de Brin-


dizi & Morruggio .
Dans le Prieuré de Meffine , la Commanderie de Po-
lezzi.

Dans le Prieuré de Catalogne , la Commanderie de


Mafdeù.
Dans le Prieuré de Navarre , la Commanderie de Cal-
chetas.

Dans la Châtelenie d'Empoſte , la Commanderie d'A-


liaga.
Dans le Prieuré de Caftille , la Commanderie d'Olmos
& de Vifo.
Dans le Prieuré de Portugal , la Commanderie de Vil-
lacona.

Dans le Prieuré d'Angleterre , la Commanderie de


Pofcens.

Dans le Prieuré d'Allemagne , la Commanderie de


Buez.
Dans le Prieuré de Boëme , la Commanderie de Vu-
ladiflavia.

On met auffi parmi les Commanderies Magiftrales celle


de la Finica , établie de tout temps au Royaume de Cy-
pre.
Pour la page 278. après ces paroles fept Dames , ajoû-
tez. Regles de la celebre Compagnie des Dames de la
Croix.

I. Les Regles de cette augufte Societé n'obligent à


aucun peché ni mortel ni veniel ; mais elles doivent s'ob-
ferver par un motif de dévotion envers la fainte Croix.
Les Dames aggregées doivent offrir tous les jours à Dieu
de ferventes prieres pour la gloire & l'exaltation de la
fainte Croix , par le moyen de la fainte Vierge leur Pro-
tectrice , & de faint Jofeph leur Protecteur ; elles doivent
avoir la même intention dans toutes leurs prieres & dans
toutes les œuvres de pieté qui leur font prefcrites. C'eſt
ce qu'elles doivent faire au moins deux fois le jour , le
matin & le foir , demandant la benediction de Jefus , de
Marie
Additions & Corrections. 449

Marie & de Jofeph , avec cette priere : Nos cum prole pia
benedicat Jofeph, & Virgo Maria. On y ajoûtera cette
Oraifon à la fainte Croix.

Ave Crux benedicta , fanguine plena , Dominus tecum :


Benedicta tu inter arbores , & benedictus fructus , qui in te
pependit Dominus meus Jefus ; fanita Crux , efto mihi adju-
trix, nunc & in hora mortis mea , Amen.
II. La Protectrice & la Prefidente de ce noble Inſti-

tut fera toûjours une Princeffe de l'Auguſte Maiſon'd' Au-


triche , fous l'autorité de laquelle l'on efpere que cette no-
ble Societé fe confervera & s'augmentera toûjours. Cet
te charge durera toute la vie.
III. L'Imperatrice Eleonore , qui a fondé & établi
cette Societé, en eft à prefent la Protectrice & la Prefi-
dente : c'eft pour cela qu'il faut avoir recours à Sa Ma-
jefté Imperiale dans toutes les occafions. C'eft à elle que
l'on prefentera les Suppliques des Dames qui veulent en-
trer dans cette celebre Compagnie ; c'eft auffi elle qui
fignera les Lettres Patentes de celles qui feront reçûës.
Toutes ces chofes appartiendront dans la fuite à la Prin-
ceffe qui lui fuccedera dans la charge de Protectrice.
IV . On choifira deux Dames , qui s'appelleront Dé
putées , lefquelles auront foin de faire avertir les Dames
de la Croix pour s'affembler aux Fêtes folemnelles , &
pour d'autres fonctions. Il appartiendra encore à ces Dé
putées de faire fçavoir à toutes les Dames aggregées la
mort de celles qui font décedées , donnant ordre qu'on
en faffe les fuffrages accoûtumez. C'eft auffi à ces Da
mes Députées de faire la cérémonie le jour de la fainte
Croix , & d'accompagner pendant la fonction qu'on donne
la Croix , celles qui doivent être aggregées.
V. On élira encore quatre Confultrices , qui s'affemble-
ront quatre fois tous les ans en prefence de la Prefiden,
te , lefquelles avec les deux Députées propoferont ce qui
leur paroîtra de plus convenable pour le maintien & le
progrès de l'Ordre.
VI , La Prefidente , de deux en deux ans , la veille de
" LII
Additions & Corrections .
450
l'exaltation de la fainte Croix , élira les Dames Députées
& les Confultrices , de l'avis des douze plus anciennes de la
Compagnie.
VII. Il appartient encore à la Prefidente de choiſir
deux Dames pour avoir foin de la Chapelle , & veiller
afin qu'elle foit tenue avec décence , & ornée magnifi-
quement , comme il convient à une fi grande & miracu
leufe 'Relique. 9.1.
8 VIII. La même Preſidente choifira un Chapelain , au-

quel on donnera la retribution d'une Meffe qu'il celebre-


ra tous les jours , & qui a été fondée par l'Imperatrice
Eleonor. Ce Chapelain aura foin de tenir les Livres , &
d'y écrire ce qui concerne la Compagnie . Il écrira auffi
& mettra le fceau aux Lettres Patentes de celles qui feront
reçûës de nouveau. Il s'appellera le Secretaire de la So-
cieté.

IX. Les Dames qui feront infpirées de Dieu d'entrer


dans cette augufte Compagnie , prefenteront une Suppli-
que , & demanderont à la Dame Preſidente d'y être re-
çûës , laquelle , de l'avis des Confultrices , leur accordera
la grace qu'elles demandent , & leur fera expedier les Let-

tres Patentes , pourvû qu'elles n'ayent aucun défaut qui les


en rende indignes.
X. Enfuite elles recevront la Croix avec les cérémonies

accoûtumées. Les Dames porteront la Croix fur la poi-


trine du côté gauche , attachée à un ruban noir. Lorf-
qu'elles confidereront cette marque mêlée de couleur
blanche , les quatre aigles , les quatre étoiles , & les deux
lignes de couleur de bois , avec ces paroles : Salus & Glo-
ria , elles rappelleront dans leur efprit , que les Dames de
la Croix ne doivent avoir d'autre fin que la gloire de la
Croix & leur propre falut. Regardant le ciel & les étoiles,
elles doivent efperer que par la protection de ce faint bois ,
& par la fainteté de leurs actions , elles pourront un jour
aller au ciel & joüir du Soleil de juftice.
XI . Les Dames aggregées diront tous les jours l'Offi
ce de la fainte Croix , la couronne des cinq playes , &
Additions & Corrections. 455
entendront la fainte Meffe. Une fois la femaine elles re-
et &
citeront un Nocturne de l'Office des Morts, & feront d'au-
d'au
tres prieres à la fainte Vierge & à faine Jofeph. Enfin elles
feront le figne de la Croix plufieurs fois pendant le jour , &
principalement au commencement & à la fin de chaque
action. 2. of

XII. Le fixiéme jour de Février , auquel arriva le miễ


racle de la fainte Relique , qui demeura fans atteinte au
milieu des flâmes , on chantera dans la Chapelle un Office
des Morts , & on celebrera une Meffe folemnelle pour les
Dames qui font mortes. Et chacune des Dames enpar
ticulier fera dire deux Meffes , & recitera un Office des
Morts.

XIII. Dès que les Dames députées auront appris la


mort de quelque Dame aggregée , elles en avertiront tou
te la Compagnie , & marqueront le jour pour faire fes ob-
feques. On chantera une Meffe folemnelle, & chaque Das
me fera dire deux Meffes.

XIV. Le jour du Vendredi faint toutes les Dames


s'aflembleront pour aller vifiter la fainte Croix de Hiet-

zing : Aucune ne pourra s'en difpenfer fans caufe legi-


time. Celles qui n'y affifteront pas fuppléeront à cette bon-
ne œuvre par d'autres dévotions qu'elles feront le même
jour.
XV . On recommande à toutes les Dames aggregées la
.
frequentation des Sacremens , la modeftie dans leurs ha-
bits ; & de donner bon exemple dans toutes leurs actions.
& particulierement un grand amour pour la fainte Croix
& pour Jesus-Chrift , & elles doivent lire au moins une
fois par jour un Chapitre des quatre Maximes , qui font
tirées de la confideration de l'éternité , & qui fe trouvent
à la fin des Statuts.
XVI. Elles doivent lire lfouvent les vies des Saints

pour les imiter , & deux fois l'année , c'eft-à -dire , avant
'Invention de la fainte Croix , & avant l'Exaltation de
ce bois facré , elles liront ces Regles afin de les mieux ob-
ferver , & elles fe confefferont & communieront ces deux
jours. LII ij
Additions & Corrections.
452
XVII. Elles s'employeront encore à diverfes bonnes
œuvres de charité ſpirituelle & corporelle , chacune felon
fon état. Sur tout elles vifiteront les Hôpitaux , & fervi-
ront quelquefois les malades , leur donnant à manger ;
elles travailleront auffi à la converfion des pecheurs ; à
mettre à couvert les filles qui font en danger ; à fecourir
les pauvres honteux , & feront femblables actes de vertu
quand elles les pourront, & que Dieu leur en donnera l'inſ-

piration.
Enfin elles s'efforceront de regler leurs actions & tou-
te la conduite de leur vie , de maniere qu'elles foient
une difpofition continuelle à une bonne & fainte mort ,
fuppliant tous les jours Nôtre- Seigneur Jeſus - Chrift cru-
cifié de les affifter dans ce moment , afin qu'elles puiffent
joüir de la vie éternelle , Ainfi ſoit-il.
Toutes ces Regles , les céromonies qui s'obfervent à la
reception des Dames de la Croix , & les Indulgences que
le Pape a accordées à cette celebre Compagnie fe trou-
vent recueillies dans un Livre imprimé à Vienne , intitulé :
La Radinanza nobile e pia della Cruciata.

Autres Ordres de Chevalerie établis pour les Dames.

Ilvius -Nimrod Duc de wurtemberg , inſtitua en


Silefie l'an 1652. l'Ordre de la Chevalerie de la Tête
S
Morte , tant pour les hommes , que pour les Dames. Le
Duc s'en déclara le premier Grand-Maître , & Sophie-
Madelaine, Ducheffe de Lignitz & de Brieg fa mere fut
établie Grande- Prieure. Cet Ordre étant prefque tombé
au commencement de ce fiecle , Loüife- Elizabeth , veuve

du Duc Philippe de Saxe Mefbourg , & petite fille du


Fondateur , le rétablit en 1709. Il fut regle que ce feroit
toûjours une Princeffe de la Maiſon de wurtemberg qui
auroit la qualité de Grande-Prieure ; que les femmes de
toute condition y feroient admifes , & qu'on regarderoit
Additions & Corrections. 453
moins la naiſſance que la vie exemplaire , & que les hom-
mes n'y feroient point reçûs comme ils l'avoient été dans
la premiere Inftitution.
Les Statuts de cet Ordre défendent aux Dames les

jeux , les fpectacles , les habits ou équipages magnifiques ,


& tout ce qui s'appelle amufement ou apparence de galante-
rie. Elles font obligées de s'affembler tous les ans chez
la Grande-Prieure , où chacune lui communique par écrit
ce qu'elle a remarqué au fujet de la mort de quelques-
unes des Dames de l'Ordre , & ce qu'elle aura compofé
fur cette matiere , dont on fait un recueil. Les Dames

qui font convaincuës d'avoir fait quelque faute contre les


Reglemens , payent une amende que l'on dépofe dans une
caiffe , & tout l'argent qui s'y trouve le Vendredi faint
eft diftribué aux pauvres.
La marque de cet Ordre eft une tête de mort dans un
nœud ou lacet noir , attaché à un ruban blanc avec ces
mots , memento mori , écrits au tour de la tête. Si une Da-
me de l'Ordre vient à mourir , toutes les autres font obli-
gées de porter pendant une année un ruban noir fur celui
de l'Ordre , avec le nom de la défunte .
L'Ordre de Chevalerie de l'amour du prochain , fut in-

ftitué par l'Imperatrice Elizabeth- Chriftine , un peu avant


qu'elle partit de Vienne en 1708. pour aller joindre l'Em-
Charles VI . à Barcelonne , où ce Prince , alors
pereur
encore Archiduc d'Autriche , étoit occupé à faire la
Guerre au fujet de la fucceffion à la Couronne d'Efpa-
gne. La marque de dignité de l'Ordre eft un ruban rou
pend une Croix
ge attaché fur la poitrine , au bout duquel
d'or où font ces mots : Amor proximi.
Le Czar en 1715. inftitua un Ordre de Chevalerie
fous le titre de Sainte Catherine. Les Seigneurs de fa
Cour , auffi-bien que les Dames s , y font reçus. Ce Prin-
ce confe ra d'abo rd cet Ordr e à la Czarine , avec pouvoir
de le donner aux Dames de fon fexe qu'elle jugeroit dignes
de cet honneur.
La marque de cette Chevalerie eſt un grand ruban
LII iij
454 Additions & Corrections.

blanc fur l'épaule droite en écharpe , au bout duquel pend


une medaille enrichie de diamans , chargée d'un côté de
l'Image de Sainte Catherine , & de l'autre d'une Croix
patée , & fur le côté gauche de l'eftomac une étoile en
broderie , au milieu de laquelle eft une Croix avec cette
devife : Par l'amour & la fidelité. J'ai vu un tableau de
la Czarine ; où elle eſt dépeinte ayant le Collier de la
maniere que je viens de dire.
T
Page 455
II III
· I

IV

VI

Q
455

EXPLICATION

Des Armes & des Colliers des Ordres & des

Religions Militaires qui font ici gravez .

Les chiffres ordinaires marquent la page du Livre où il eſt


parlé dudit Ordre.

I. ' Ordre du PORC ESPIC . Le Collier des Cheva-


L liers de cette Milice étoit compof d'un tortis de
é
trois chaînes d'or , au bout duquel étoit attaché un Porc-
Efpic auffi d'or , fur ,une terraffe émaillée de verd & de
fleurs , avec cette devife , Cominus & eminus , de près &
de loin. 59.
II. L'Ordre de l'ELEPHANT. La marque de cette
Chevalerie étoit compofée de Croix Patriarchales , ou fe-
lon d'autres , ancrées & d'Elephans , au bout de laquelle
étoit fufpenduë par trois chaînes une Image de la Vierge
à demi corps , tenant le petit Jefus , foûtenuë d'un croif-
fant , & entourée de rayons de Soleil faits en pointe & en
ondes. Depuis que ce Royaume eft devenu Lutherien ,
on a ôté du Collier de cet Ordre l'Image de la fainte Vier-
ge & les Croix , & on n'a confervé que l'Elephant. 59
III. L'Ordre de Sainte BRIGITTE avoit pour mar-

que une Croix d'azur à huit pointes ; il avoit au bas une


langue de feu , pour fignifier que les Chevaliers devoient
avoir une grande charité pour le prochain. 60.
IV . L'Ordre de CONSTANTIN. Le grand Collier

de cette Milice eft compofé du Monogramme X & P , &


d'un A & d'un 2. dans quinze ovales d'or émaillées de
bleu Celui du milieu , auquel pend un Saint Geor-
ge d'or à cheval , & terraffant un Dragon , eft plus grand
que les autres , & eft entouré d'une guirlande , dont la
456 Explication
moitié eft de feuilles de chêne , & l'autre moitié de feuil-
les d'olivier. La Croix des Chevaliers eft de velours cra-
moifi , bordée d'or , & dont les extrêmitez font en forme
de lys , fur lefquelles on voit ces quatre lettres I. H. S. v .
qui fignifient , In hoc figno vinces. La Croix eft entrecou-
pée par un X qui embraffe un P , & au côté de ces deux
lettres il y a un A & un 2. 71.
V. L'Ordre de la Sainte AMPOULE . Les Chevaliers

qui font qualifiez Barons de la Sainte Ampoule , portent


au col un ruban de foye noire , qui foûtient une Croix
coupée d'or , émaillée de blanc , garnie aux quatre angles
de quatre fleurs de lys d'or , & chargée d'une colombe
tenant de fon bec la Sainte Ampoule reçûë par une
main. 122.
VI. L'Ordre de l'ETOILE avoit un Collier fait d'un
tortis de chaînes d'or à trois rangs , entrelaffez de roſes
d'or , alternativement émaillées de blanc & de rouge , au
bas duquel pendoit une étoile d'or à cinq rais. Les Che-
valiers portoient un manteau de damas blanc , le mantelet
& les doublures de damas incarnat , & la cotte de même ,
fur laquelle au côté gauche étoit une étoile en broderie
.
d'or à cinq rais. Le Roi Jean rétabliſſant cet Ordre , ajoû-
ta au-deffus de l'étoile une couronne avec cette devife :

Monftrant Regibus aftra viam,

VII.
Page 457
VII VIII OD IX

X XII

XI

XIII

XIV
des Armes des Colliers. 417
VII. L'Ordre de Saint Cofme & de Saint Damien
avoit pour marque une Croix rouge chargée d'un cercle
en ovale , où étoient les Images de Saint Coſme & de Saint
Damien. 125.
VIII. L'Ordre de Nôtre- Dame du Lys. Le Col
lier des Chevaliers de cette Milice étoit compofé de
deux chaînes d'or entrelaffées de plufieurs M M Gotti-
ques, d'où pendoit dans une ovale clechée un lys d'or
émaillé de blanc. fortant d'une terraffe de Sinople , & fur-
monté d'une grande M. couronnée. Les Chevaliers ne pcr-
toient ce Collier qu'aux Fêtes folemnelles ; les autres jours
ils avoientfur l'eftomach un lys en broderie d'argent. 125.
IX. L'Ordre de Sainte CATHERINE au Mont Sinaï.
Les Auteurs ne conviennent pas touchant la marque des
Chevaliers. Les uns prétendent que c'étoit une roïe à
demi rompue avec une épée teinte de fang ; les autres leur
donnent une roüe à fix rais , traversée d'une épée qu'ils
portoient fur des manteaux blancs , telle qu'on la voit ici
dépeinte. Nous donnerons dans la fuite la figure d'une au-
tre marque de la dignité des Chevaliers de Sainte Cathe-
rine , parce qu'elle eſt mieux autoriſée. 126.
X. L'Ordre du NAVIRE , ou du double CROISSANT .

La marque de cette Milice étoit faite de doubles coquil-


les entrelaffées , & de doubles croiflans auffi entrelaffez ,
& paffez en fautoir ; au bas du Collier pendoit un Na-
vire. 128.
XI. L'Ordre du CROISSANT. Les Chevaliers avoient
un manteau de velours cramoifi doublé de fatin blanc
le mantelet de velours blanc , & la foutane de même cou-
leur. Ils portoient fur le côté droit un croiffant d'or , fur
lequel étoit gravé ce mot Zoz, qui fignifioit Loz en croif-
fant. Ce croiffant étoit fufpendu par trois chaînettes au
Collier, fait d'une chaîne d'or à trois rangs. .. 129.
XII. L'Ordre de Saint MICHEL . Le Collier qui pe-
foit deux cens écus d'or,étoit de coquilles entrelaffées l'une
avec l'autre d'un double lacs , affifes fur des mailles d'or, au

milieu duquel pendoit fur la poitrine l'Image de Saint Mi-


Mmm
on
icati
458 Expl
chel. Aux jours folemnels les Chevaliers étoient vétus d'un
grand manteau de damas blanc fourré d'hermine , bordé
d'or & de coquilles d'or femées en lacets. 129.
XIII. L'Ordre du SAINT- ESPRIT . Le Collier fut
d'abord compofé de fleurs de lys d'or , cantonnées de flâ-
mes de même , émaillées de rouge , entrelaffées de trois
chiffres ou monagrammes auffi d'or, émaillez de blanc. Les
chiffres étoient un H. & un Lambda doubles. Le Collier
eft à prefent compofé de fleurs de lys , cantonnées de flâmes
& de trophées d'armes , & au bout pend une Croix à huit
pointes toute d'or , émaillée de blanc par les bords , avec
une fleur de lys aux quatre angles , & au milieu une co-
lombe ; de l'autre côté de la Croix eft une ovale , où eſt
reprefenté l'Image de Saint Michel foulant aux pieds le
dragon. Les Chevaliers portent toûjours la Croix de l'Or-
dre pendue au côté gauche , attachée à un cordon bleu
celefte , mis en façon de baudrier , & fur les habits &
manteaux ordinaires la même Croix en broderie d'ar-

gent. 131 .
XIV . L'Ordre de la ToISON D'OR . Le Collier de
cette Chevalerie eft d'or , compofé de double fufils entre-
laffez en forme de B , avec des calioux étincelans de rais
de flâmes. Au bout de ce Collier eft un Mouton ou Toi-

fon d'Or , avec cette devife : Ante ferit quam flamma mi-
cet. Les Chevaliers , qui étoient trente , devoient être ha-
billez le jour de Saint André leur Patron de trois fortes
d'habits : Le premier d'écarlatte, pour leur donner à con-
noître que le Ciel s'acquiert par l'effufion du fang , pour

le maintien de l'Eglife Catholique. Le fecond noir , re-


prefentant les morts pour lefquels ils devoient prier ; & le
troifiéme de damas blanc , pour marque de la pureté en
laquelle ils devoient vivre. 133.
XV. L'Ordre de la JARA , ou du VASE DE LA
VIERGE MARIE. Le Collier de cette Milice étoit com-

pofé de pots à bouquets pleins de lys , entrelaffez de grifons.


Au bout pendoit une ovale , où étoit l'Image de la Sainte
Vierge avec l'Enfant Jeſus. 134.
Page 459
XVI XVII
XVIII
S
TROI EN UN

XXI
XIX XX

XXIII HS

XXII

XXIV
des Armes des Colliers.
459
XVI. L'Ordre du DRAGON RENVERSE ' . Le Col-
lier eft fait de deux tortis à doubles mailles d'or avec des
Croix Patriarchales , au bout pendoit un Dragon renversé
avec aîles abbatuës , émaillées de diverfes couleurs. Les

Chevaliers portoient tous les jours une Croix fleurdelifée


de verd ; & aux jours de Fête , ils fe paroient d'un manteau
d'écarlatte , & d'un mantelet de foye verte. 134.
XVII. L'Ordre de CHYPRE ou de l'EPE'E . Les Che-
valiers portoient un Collier compofé de cordons ronds de
foye blanche , liez en lacs d'amour , entrelaffez des lettres
R & S formées dor. Au bout du Collier pendoit une ovale
où étoit une épée ayant la lame émaillée d'argent , la garde
croifetée & fleurdelifée d'or , & pour devife : Securitas

regni. 135.
XVIII. L'Ordre du BAIN avoit pour marque un écu
de foye bleüe celefte en broderie , chargé de trois couron-
nes d'or avec ces mots : Trois en un. 136.
XIX. L'Ordre de l'OURS ou de SAINT GAL . Le

Collier de cette Chevalerie étoit compofé d'une chaîne


d'or , & d'une autre chaîne faite de feuilles de chêne , qui
entouroit la premiere , au bout defquelles pendoit un
Ours émaillé de noir fur une terraffe émaillée de fino-

ple. 137.
XX. L'Ordre de la MILICE CHRETIENNE . Il
avoit pour marque une Croix d'azur à la bordure d'or ,
femblable à celle des Chevaliers de Malte , dans le milieu

de laquelle étoit l'Image de la Sainte Vierge , environnée


de douze étoiles & de rayons , portant Nôtre- Seigneur en-
tre ſes bras , & ayant un croiffant fous fes pieds. Au tour de
cette Croix il y avoit un cordon de Saint François. 138.
XXI . L'Ordre du NOM DE JESUS , ou des SERA-
PHINS. Les Chevaliers avoient pour marque de leur di-
gnité un Collier compofé de Seraphins émaillez de rou-
ge & de Croix Patriarchales d'or , attachées par deux rangs
de chaînons. Au bout du Collier étoit fufpenduë une ovale
à un Nom de Jefus , repreſenté par ces lettres IHS , &
une Croix fupportée d'un traverfant de l'H d'or fur un
Mmm ij
460 Explication
champ émaillé d'azur , au deffous quatre cloux émaillez
de noir & de blanc . 138.
XXII , L'Ordre de SAINT GEORGE en Italie avoit
pour marque une Croix d'or entourée d'un cercle fait en.
couronne , auffi d'or. 139.
XXIII. L'Ordre de Saint PIERRE & de Saint PAUL.

Les Chevaliers portoient une ovale d'or où étoit l'Image


de Saint Pierre , au bout d'un tortis de chaînes d'or.
XXIV. L'Ordre de JESUS MARIA avoit pour mar-
que une Croix d'azur ſemblable à celle des Chevaliers de
Malte à la bordure d'or : Au milieu il y avoit ces trois let-
tres IHS , qui marquent le nom de Jefus-Chrift , & au
deffus une figure , qui eft le fymbole de la fainte Vier-
ge. 140.
Page 461
XXV XXVI XXVII
PARSOTBI
NEм
Фо !

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PROB
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PROB
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C
XIXX
XXVIII

XXX

XIXX

XXXI

XXXIII

VIGILES

XXXII
des Armes des Colliers. 461
XXV. L'Ordre de la VIERGE, La marque des Che-
valiers étoit une Croix de fatin bleu celefte toute couver-
te & recamée d'argent , les branches faites de fleurs de
lys ; chaque bout de branche étoit chargée d'une étoile .
heriffée & entourée de rayons qui reprefentoient les qua-
tre Evangeliftes , & au milieu un rond qui enfermoir un
chiffre compofé d'une M & d'une S entrelaffées , cou-
ronné d'un chapeau d'étoiles d'or. Ce chiffre fignifie
Sanita Marias , siano susunod ,la dio of CaseD140.
: XXVI. L'Ordre de Saint GEORGE à Genes, Les
Chevaliers avoient pour marque une Croix émaillée de
rouge penduë à une chaîne d'or. 141 .
XXVII . L'Ordre de JESUS- CHRIST. Le Collier
étoit compofé d'ovales d'or , les unes en long , dans lesquels
les alternativement font ces mots : Domine probafti , émail-
lez de blanc , les autres en large , dans lefquelles eft un
creufet émaillé de gris , fur un tripier émaillé de noir ,
deffous font des flâmes de feu émaillées de rouge , & le
creufet rempli de verges d'or. Ces ovales font attachées
par des annelets clechez , au bout du Collier pend une
ovale , dans laquelle font reprefentez deux Anges tenant
un Ciboire couronné , fur la table il y a trois goûtes de
fang émaillées de rouge. 5421
XXVII L'Ordre de la GENETTE . Le Collier des
Chevaliers étoit compofé de trois chaînes entrelaſſées de
rofes émaillées de rouge Au bout du Collier pendoit une
Geneue émaillée de noir & de ronge , affife fur une terraſſe
émaillée de fleurs. Slive 144,
XXIX. L'Ordre de la COURONNE ROYALE . Cet
Ordre eft ainfi nommé , parce que les Chevaliers portoient
une Couronne Royale en broderie d'or , avec cette de-
vife: Coronabitur legitimè certans . L'on ne fçait pas de

quelle figure étoit cette Couronne , mais il y a bien de l'ap-


parence qu'elle étoit formée comme celle que portoit alors
Charlemagne. L'on a confervé juſqu'à prefent deux Cou-
ronnes differentes qu'on croit avoir fervi à ce Prince , &
que je repreſente ici. Dans la page 147. j'ai parlé de la
Mmm iij
462 Explication
premiere que l'on garde à Saint Denis ; voici la deſcri-
ce
ption de l'autre qui eft à Nuremberg « Cette Couronne ,
dit M. Millon , dans le premier tome de fes voyages , let-
e comme les Couron-
‫و‬‫ نو‬tre IX. page 94. n'eſt pas fermé
nes ? Imperiales qu'on nous dépeint ordinairement ; au
lieu de fleurons de Couronnes Ducales , ce font des la-
le joignent par les côtez ,
,, mes arondies par le haut , qui ſe
, & qui font le tour du bonnet ; il y en a fept , & celle
" de devant eft la plus richement ornée , elle eft furmon-
,, tée d'uneCroix & d'un demi cercle appuyéentreles deux
plaques de derriere , s'éleve par-deffus le bonnet , & fe
" joint au haut de la Croix. 144
XXX . L'Ordre de Saint ANDRE' ou du CHARDON
& de la RUB en Ecoffe. Le Collier des Chevaliers eft

compofé d'un Cordon d'or repris par divers nœuds qui


tiennent les feuilles , entre lefquelles font entées des fleurs
de chardons ; au bas eſt ſuſpenduë une medaille en ovale
fur laquelle eft repreſenté Saint André tenant devant lui
la Croix de fon martyre. 149.
XXXI. L'Ordre du CIGNE. On dit que les Cheva-
liers avoient pour Collier une chaîne d'or à trois rangs ?

qui tenoit fufpendu par trois chaînons un Cigne d'argent


fur une terraffe émaillée de fleurs. 8 131500

XXXII, L'Ordre du CHIEN & du Coo, Le Col-


lier de cette Chevalerie étoit compofé d'une chaîne d'or
faite en façon de têtes de cerf, à laquelle pendoit une me-
daille avec l'effigie d'un Chien & d'un Coq. Elle portoit
pour devife : Vigiles. 1507
XXXIII. L'Ordre de Saint MARC. Ila pour mar-
que un Lion aîlé de gueules , avec cette devife ; Pax tibi

Marce Evangelifta meus. ISTI


........

trola tomos
f
Page 463.
XXXIV.
XXXV.

XXXVI

XXXVII .
XXXVIII . XXXIX

XLI .
PE

I MAL
QV OY
ON
T
OI

SE

XL
N
ey

XLII .
O
H
N
&
des Armes des Colliers.
14.63
XXXIV . L'Ordre de la Coffe de GENESTE H
avoit pour Collier des Coffes de Genefte émaillées au na-
turel , entrelaffées de fleurs de lys d'or enfermées dans
des lozanges clechées émaillées de blanc , le tout attaché
à une feule chaîne , au bas de laquelle pendoir une Croix
florencée d'or , fufpendue de deux chaînons. 152.
XXXV. L'Ordre du CHARDON & de NÔTRE-
DAME. Cette Chevalerie avoit un Collier fait de lozan-
ges entieres & de demies à double orle , émaillées de verd ,
clechées , remplies de fleurs de lys d'or & de lettres capi
tales en chaque lozange , faifant le mot ESPERANCE .
Au bout du Collier pendoit fur l'estomach , une ovale , le
cercle émaillé de verd & de rouge , & dans cette ovale

une Image de la fainte Vierge entourée d'un Soleil d'or ,


couronnée de douze étoiles , & un croiffant d'or fous les

pieds , & au bout de l'ovale une tête de Chardon , émailléé


de verd & barbillonnée de blanc.
1936
XXXVI. L'Ordre de Saint Louis. Il a pour mar
que une Croix d'or cantonnée de fleurs de lys d'or , char.
gée d'un côté de l'Image de Saint Louis , & de l'au-
tre d'une épée flamboyante , dont la pointe eft paffée dans
une Couronne de laurier.. 155.
XXXVII. L'Ordre de l'AIGLE blanc. Ce Collier

étoit compofé d'une chaîne d'or à trois rangs , au bout


de laquelle étoit deux chaînons qui foûtenoient une Ai-
gle d'argent couronnée. 1156
XXXVIII. L'Ordre de la BANDE ou de l'ECHAR

PE. La marque des Chevaliers de cette Milicé n'étoit au-


tre qu'un ruban de foye rouge , large de quatre doigts ,
en forme d'Echarpe , prenant de l'épaule au deffous du
bras droit. Les Armoiries de cette Chevalerie étoient

d'or à une bande de gueules , engoulée de deux têtes de


dragon de finople. 156.
XXXIX. L'Ordre de l'ANNONCIA DE en Savoye.
Le Collier des Chevaliers étoit compofé de roſes d'or ,
émaillée de blanc & de rouge , & jointes enſemble par des
lacs d'amour , dans lesquelles étoient entrelaffées cès qua-
464 - Explication

tre lettres, F. E. R. T. qui fignifient fortitudo ejus Rho-


dum tenuit. En 1518. on mit l'Image de l'Annonciation
dans un anneau attaché à trois chaînes. Il y a eu en divers
temps plufieurs changemens dans le Collier de cet Ordre.
Voyez la vraiefcience des Armoiries écrite par Gelliot , &
augmentée par Pierre Palliot , page 496. & 497.
XL. L'Ordre de Saint ANDRE' en Mofcovie. Le

Collier eft compofé d'une chaîne d'or , chargée de roſes


émaillées de blanc & de rouge , au bout il y a une Croix
d'argent en fautoir , & environnée de rayons , tel qu'il
eft ici reprefenté. Les Chevaliers portent une Croix de
Saint André , ayant d'un côté l'Image de ce Saint pen-
dante au bout d'une autre petite Croix avec ces deux
lettres , S. A. de l'autre eft le titre du Prince en ces ter-
mes : Le CzarPierre , Confervateur de toute la Ruffie. Dans
l'angle fuperieur de la Croix fe voit une couronne fufpen-
due à un anneau d'or , au bout d'un grand cordon blanc ,
& dans les trois autres angles de l'Aigle de Ruffie à deux
têtes , & chargée en cœur d'un Cavalier armé. 1591
XLI. L'Ordre de la JARRETIERE . Le Collier a été
changé plufieurs fois. Henri IV . le chargea de roſes
rouges & blanches , & Jacques VI . y mit des chardóns au
lieu de rofes. Il y avoit autrefois une Croix , mais on y a

mis un Soleil. La marque des Chevaliers eſt une Jarre-


tiére bleüe brodée d'or & de pierreries , à boucle & ar-

dillon de fin or. La devife eft : Honni foit qui mal y


penfe. LE ∙156.
XLII. L'Ordre des Chevaliers PIE'S. Leur marque

étoit une medaille d'or avec l'Image de Saint Ambroife


d'un côté , & les armes du Pape regnant de l'autre avec la
Thiare & deux clefs d'or paffées en fautoir, 172.

XLIII,
1
Page 465

XLIII .

XLIV. XLV.

TQ

XLVI .
XLVIII .
XLVII .

L.
XLIX . LI .
des Armes des Colliers. 465
XLIII. L'Ordre de Saint GEORGE en Bourgogne.
La marque de cette Confrerie eft une medaille d'or , où

eſt repreſenté l'Image de Saint George foulant aux pieds'


un Dragon. 199.
XLIV . L'Ordre de Saint ANTOINE de Vienne. Sa
marque eft un Tau bleu , ou de couleur celefte fur un
habit noir. 223.
XLV . L'Ordre de Saint ETIENNE de Florence. Il
a pour marque une Croix comme celle de Malte à huit
pointes , de fatin cramoifi bordée d'un galon d'or. Les
Chevaliers portent cette Croix les jours de Fêtes attachée
au col avec un ruban ou une chaîne d'or , & tous les jours
ils doivent l'avoir fur leur manteau , & en temps de Guerre
fur leurs cottes d'armes de damas blanc . 225.
XLVI. L'Ordre de CHRIST en Portugal . La mar-

que eft une Croix patée , hauffée , rouge , chargée d'une


autre Croix pleine & hauffée. Les Chevaliers portent cet-
te Croix au bout de leur Collier , qui eſt une chaîne à
trois rangs.
225.
XLVII . L'Ordre de MONTES E. Les Chevaliers por-

tent un écu d'or à une Croix alaifée de gueules. 226.


XLVIII. L'Ordre de Saint JEAN - BAPTISTE &
de Saint THOMAS. Sa marque étoit une Croix de gueu-
les chargée d'une ovale , où étoient les Images de Saint
Jean- Baptifte & de Saint Thomas . 226.
XLIX. L'Ordre de Saint DOMINIQUE , ou la
Milice des Chevaliers de Jefus - Chriſt. Ils portoient
fur l'eftomach une Croix blanche & noire fleurdeliſée ,
telle qu'elle eft ici repreſentée dans l'Ecu de ce grand
Patriarche. 229.
L. L'Ordre de NÔTRE - DAME DU ROSAIRE . La
marque des Chevaliers étoit une Croix blanche & noire ,
dont les extrémitez étoient en forme de lys. La Croix
étoit chargée d'une ovale où étoit l'Image de la Sainte
Vierge , qui d'une main tenoit fon fils , & de l'autre elle
portoit un Rofaire. 231.
Nnn
466 Explication
LI. L'Ordre de l'AILE DE SAINT MICHEL . La
marque de cette Chevalerie étoit une Aîle de couleur de
pourpre environnée de rayons d'or. 223.
Page 467
LII. LIII .

LIV.

H
LVI .

LVII.

LV.

LVIII .
LIX .
LX.

3
des Armes des Colliers.
467
LII. L'Ordre de Saint GEORGE en Carinthie.

L'Empereur Maximilian , dernier du nom , changea la


Croix rouge à une autre fleur
onnée , le croifillon d'en-
haut accole d'une couronne Ducale , le tout d'or.
233.
LIII. L'Ordre de Saint GEORGE D'ALFAMA . La

marque de cette Milice eft un écu d'argent , chargé d'une


Croix alaifée de gueules. Comme cet Ordre fut incorporé
avec celui de Notre- Dame de Montefe , la marque de ces
deux Ordres eſt peu differente .
233.
LIV . L'Ordre de Saint MAURICE. Ila pour

marque une Croix blanche qui fe termine en Aeu-


rons.
234.
LV. L'Ordre de Sainte MADELAINE . La Croix

que le Sieur Cheſnel avoit dreffée pour cette Milice étoit


Aeurdelifée , & la branche d'embas , commençant par un
croiffant , cantonnée de palmes agencées en rond naiffan-
tes de fleurs de lys , & au milieu de la Croix l'Image de
Sainte Madelaine. Le Collier étoit compofé de doubles
M. de Lambda & d'A , reprefentans les noms de Sainte
Madelaine , du Roi & de la Reine , Loüis & Anne , en-
chaînées & entrelaffées de doubles cœurs clechez & tra-
verfez de dards croiſez ; le tout émaillé d'incarnat, de blanc
& de bleu. La devife de cet Ordre étoit : L'AMOUR DE
DIEU EST PACIFIQUE .
236.
· LVI. L'Ordre de MALTE . Les Chevaliers portent
une Croix blanche à huit pointes , qui reprefentent les
huit Beatitudes .
237.
LVII. L'Ordre des TEMPLIERS. Les Chevaliers
étoient vétus d'un habit blanc , & par- deffus ils portoient
une Croix Patriarchale rouge.
247.
LVIII. L'Ordre du Saint SEPULCHRE . Baudouin

I. Roi de Jerufalem ordonna que l'habit des Chevaliers


feroit blanc , & qu'ils porteroient fur l'eftomach une Croix
potencée , cantonnée de quatre croifettes , attachée à un
ruban noir. Il y en a qui difent , que ces Croix étoient
rouges en memoire des cinq playes de Nôtre - Seigneur.
Nnn ij
468 Explication
Sur leur robe ou manteau blanc ils avoient une Croix
en broderie jaune . 249.
LIX. L'Ordre de Saint LAZARE & de Nôtre - Dame

du MONT-CARMEL. La marque de cette Milice eft


une Croix à huit pointes , femblable à celle des Cheva-
liers de Malte , bordée d'argent , d'un côté émaillée d'ama-
rante , avec l'Image de la Sainte Vierge au milieu ; &
de l'autre côté émaillée de finople, avec l'Image de S. La-
zare, chaque rayon pometé d'or , avec une fleur de lys aufſi
d'or dans chacun des angles de la Croix que les Chevaliers
attachent à un ruban de couleur amarante . 257.
LX. L'Ordre de LIVONIE , ou PORTE- GLAIVES .

Les Chevaliers portoient une robe blanche & une chappe


noire , fur laquelle étoit une épée rouge croifée de noir ,
& fur l'eftomach deux pareilles épées pofées en fautoir ,
les pointes en bas ; & c'eſt de- là qu'ils furent nommez les
Porte- Glaives. 258.
1
Page 469 .

LXI. LXII . LXIII

LXIV . LXV . LXVI .

LXIX .
LXVIII .
LXVII .
des Armes & des Colliers.
4.69
LXI. L'Ordre THEUTONIQUE . La marque des
Chevaliers étoit une Croix potencée noire , fur icelle une
autre Croix doublement potencée ou à dégrez , ſurchargée
d'un Ecuffon de l'Empire, au bout d'un croifilion d'en- haut
de la Grand - Croix , au Chef de France.
259.
LXII . L'Ordre de MONT-JO Y E. Les Chevaliers por.
toient fur un habit blanc une Croix rouge. D'autres di-
fent qu'ils avoient fur leur habit une étoile rouge à cinq
rais. 261
LXIII. L'Ordre de Saint JACQUES DE L'EPE'E '
Les Chevaliers ont pour Collier une chaîne d'or à trois
rangs , au bout de laquelle pend une Epée rouge chargée
d'une coquille d'argent , pour devife : Rubet enfis fanguine
Arabum. Les anciennes armes de cette Milice étoient d'or

à une épée de gueules , chargée en abîme d'une coquille


de même. A prefent c'eft une Croix en forme d'épée , le

pommeau fait en cœur , & le bout de la garde en fleurs


de lys . 262.
LXIV . L'Ordre de CALATRAVA . Sa marque étoit

une Croix rouge fleurdelifée portée fur l'eftomach. L'écu


étoit d'argent à une Croix de gueules , cantonnée aux
deux cantons de la pointe de deux menottes d'azur. 264.
LXV . L'Ordre de Saint JULIEN DU POIRIER

avoit pour armes un écu d'or à la Croix fleurdelifée de


finople , chargée d'un autre écu en ovale d'or , furchargé
d'un Poirier de finople. 264.
LXVI . L'Ordre d'ALCANTARA. Les Chevaliers
de cette Milice quitterent les armes de Saint Julien du
Poirier , & prirent une Croix fleurdelifée de verd qu'ils
portoient fur l'eftomach . 264.
LXVII. L'Ordre d'Avis . Sa marque étoit un écu
d'or à la Croix fleurdeliſée de finople , cantonnée à la poin-
te de deux oifeaux affrontez de fable.
LXVIII. L'Ordre de la CORDELIERE . La mar 265.

que des Dames de cette Chevalerie étoit une Cordeliere


d'argent , dont elles environnoient leurs armes. 274.
Nnn iij
470 Explication
LXIX. L'Ordre des DAMES DE LA CROIX à

Vienne. La marque de cette celebre Societé étoit une


Croix d'or attachée à un ruban noir , qui avoit aux qua-
tre extrémitez quatre étoiles , & à l'entour quatre aigles ,
avec ces mots , Salus & Gloria. 276.
1
Page 471 . LXX LXXI LXXII
O

LXXIV

LXXIII .
LXXV

LXXVI
24

LXXVIII

AMAVIE

LXXVII

LXXIX

LXXX LXXXI
des Armes des Colliers. 471
LXX. L'Ordre des Dames de LA CROIX. La def-

cription de la marque de cette Chevalerie que nous avons


donnée fe trouve dans l'Article X. des Statuts de cette
Societé. Voici la figure d'une autre , telle qu'on me l'a
envoyée de Vienne. Il y a bien de l'apparence que depuis
l'Inftitution de cet Ordre l'on aura jugé à propos de la

porter telle qu'elle eft ici repreſentée. 278. & 448..


LXXI. L'Ordre des Chevaliers de LA MERE DE

DIEU. Ils portoient une foutane blanche , & deffus l'efto-


mach une croix patée rouge , cantonnée aux deux pre-
miers cantons de deux étoiles de même , & par-deffus un
manteau de gris cendré. 446.
LXXII.L'Ordre deSAINTE CATHERINE au Mont-
Sinaï. Dans l'Article IX. j'ai mis la marque des Cheva-
liers de cette Milice , j'en donne ici une autre qui eft for-
mée d'une Croix de Jerufalem , & d'une roue percée à fix
rais de gueules clouée d'argent , parce que les Auteurs qui
ont parlé de cet Ordre ne s'accordent pas fur ce fujet. 126.
LXXIII. L'Ordre de l'HERMINE & de l'EPIC .
Le Collier étoit fait d'Epics de blé d'or paffez en fautoir ,
liez haut & bas par deux baftes & cercles d'or , au bas
duquel,pendoit au bout de trois chaînettes d'or,une Her-
mine blanche courante fur une motte ou gazon d'herbe

diapré de fleurs, & deffous la deviſe A MA VIE. 59.


LXXIV . L'Ordre de NôTRE - DAME DE LO-

RETTE . Les Chevaliers portoient pour marque une Me-


daille , où l'Image de Notre- Dame de Lorette étoit re-
preſentée. I 40.
LXXV. L'Ordre de LA CHARITE' CHRETIEN-

NE. Ceux qui y étoient reçûs portoient fur leurs man-


teaux une Croix ancrée en broderie de fatin ou de taffe-

tas blanc , bordée de foye bleüe , chargée en cœur d'une


lozange de fatin bleu , remplie d'une fleur de lys d'or en
broderie , & au tour de la Croix ces mots : POUR AVOIR
BIEN SERVI. 154.
LXXVI . L'Ordre du SAINT ESPRIT en Italie.
472 Explication
Ceux qui y étoient reçûs portoient une Croix patée blan-
che. 222.
.
LXXVII. L'Ordre de SAINT MAURICE & de
SAINT LAZARE . Les Croix de ces deux Ordres unis

enfemble étoient ; fçavoir , celle de Saint Lazare de taffe-


tas ou de fatin verd à huit pointes , & fur ladite Croix celle
de Saint Maurice de taffetas blanc pommetée, 234.
LXXVIII. L'Ordre de SAINT JEAN D'ACRE .

Les Chevaliers portoient fur leur habit une Croix patée


blanche.
LXXIX . L'Ordre de SAINT THOMAS . Il avoit

pour marque une Croix pleine rouge , chargée en cœur


d'une coquille blanche,
LXXX . L'Ordre de SAINT GERION . La marque

de cette Milice étoit une Croix pleine noire fur un habit


blanc.
LXXXI. L'Ordre de SAINT BLAISE . Les Che-

valiers étoient vétus de bleu celefte , & portoient fur l'efto-


mach une Croix d'or. 472.

MEMOIRES
Page 473

COSTANTINO MASSIMO

Jn Cameo in Niccolo .

NelTesoro diJ.Alt. ilDuca Odescalchi


PAYBA
473

MEMOIRES

Pour fervir d'éclairciẞement à l'Histoire de la Chevalerie


de Conftantin.

Ur la fin de la Differtation V. page 83. je me fuis


engagé de rapporter ici quelques extraits des Bulles

des Papes , des Diplomes des Empereurs , & d'autres pie-


ces fur lefquelles j'ai établi l'antiquité de la Chevalerie
de Conftantin. Outre ces preuves litteraires , il y en a
d'autres que j'appelle extantes , qui peuvent contribuer à
éclaircir ce fait Hiftorique. Commençons par celles- ci.

Preuves Extantes.

La premiere eft fondée fur un portrait de Conftantin ,


qui eft ici gravé , & où cet Empereur eft reprefenté ayant
le Monogramme fur fa poitrine attaché à un petit Col-
lier de perles. On voit par l'infcription qui eft au bas ,
que l'original ou le camayeul, fur lequel il a été tiré , étoit
dans le cabinet du feu Duc Dom Livio Odeſchalchi.

C'eft fur cet original que Pietro di Sancti Bartoli le fit


graver à Rome. L'habileté de ce celebre Antiquaire eft .
une preuve convaincante que cette piece eft non-feule-
ment très-ancienne , mais auffi hors de tout foupçon de
fuppofition ; puifque ce fçavant Romain , de l'aveu de tous
les Gens de Lettres , fe faifoit un point d'honneur de ne
rien donner au public qui ne fût für & original.
D'autres Empereurs Romains , à l'exemple fans doute ,
de Conftantin , ont porté le Monogramme attaché fur la
poitrine. M. Triſtan ( a ) a fait graver une medaille de
l'Empereur Conftans , fils du Grand Conftantin ; & M.

(a ) Tristan Comment. Hiftorique fur les Emper. Tom. III . page 616.
Ooo
474
du Cange ( a ) nous en a donné une autre de l'Empereur
Juftin , dans lesquelles on voit que l'un & l'autre portent
le Monogramme placé dans le même endroit où eft celui
de Conftantin.

Après ces remarques ne pourroit-on pas dire , que Con-


ftantin ayant jetté les fondemens des Ordres Militaires ,
établiffant une Compagnie de cinquante des plus braves
d'entre fes Gardes , pour défendre & porter tour à tour le
Labarum ; & leur ayant donné le Monogramme pour les
diftinguer des Officiers de fa Cour & de fon armée , ne
fe contenta pas , comme Guerrier , de faire graver l'illu-
ftre nom de Jefus- Chrift fur fon cafque & fur fes armes ;
mais auffi en qualité de Chevalier de le porter fur la poi-
trine attaché à un Collier , comme une marque éclatante
de fa pieté & de l'eftime qu'il faifoit de la celebre Societé
qu'il avoit inftituée.
Ce Grand Empereur voulut donc en quelque maniere
fe rendre égal à ceux qu'il avoit choifis pour ce nouvel
emploi , & porter lui- même la marque qu'il leur avoit
peut- être donnée . Il y a bien de l'apparence qu'à l'exem-
ple de Conftantin , Conftans fon fils , l'Empereur Juftin ,
les Rois & les Souverains , qui dans la fuite des temps ont
fondé des Ordres Militaires , ou qui en ont été les Chefs ,
fe font faits un honneur particulier d'en porter les Armes
& le Collier , & d'appeller les Chevaliers leurs Compa-
gnons , & même leurs Freres : Imperatores & Reges non
dedignantur Militum nomen & titulum fibi affumere , cum
cæteros Milites commilitones appellant. ( b )
Quelques foibles que paroiffent ces conjectures établies
fur le portrait de Conftantin , pour maintenir qu'il a fondé
un Ordre Militaire , neanmoins on ne peut pas douter
qu'elles ne laiffent quelque leger préjugé de fon antiqui-
té : car il ne paroît pas que Conftantin ait pu avoir d'au-
tres motifs que ceux que nous avons rapportez , de pen-

( a ) Du Cange , fam. Ryzant.


(b ) Tiraquellus , tract . de nobilit.
c. 8.

Page 475.
475

dre à fon col le Monogramme attaché à un Collier de


perles. Ufage qui a été reçû dans les fiecles fuivans.

REMARQUES

Sur une petite figure de bronze , qui fut déterrée à Rome

ily a quelques années : M. Bianchini , qui l'afait


graver, la conferve dansfon Cabinet.

Il en faut juger par les traits du vilage , & par les


SUornemens du corps , il paroît que cette figure repre-
fente un Soldat , ou un Capitaine barbare. Ses habits font
fortement ferrez contre fa poitrine & fon eftomach , &
felon les apparences ils font faits de bandelettes attachées
enfemble , à la façon des Sarmates. Il a les manches de fa
chemife fort larges par le bas , à la maniere des Hongrois ,
des Esclavons , & fuivant l'ufage des anciens Lombards.
Il tient une maffue dans fa main droite , & dans fa main
gauche une espece d'épée à deux tranchans , qui font des
armes communes parmi les nobles Polonois . it porte fur

fa poitrine une medaille de Conftantin , comme le mot


Conftantinus , qui y eft écrit , le marque clairement.
Il s'agit maintenant de fçavoir ce que fignifie cette me-
daille. Un habile Antiquaire m'a dit que cette medaille
pourroit bien être ce que les anciens appelloient Bulla ,
mais cette conjecture ne paroît pas recevable , foit que l'on
prenne ce mot pour un ornement que portoient les enfans
des Grands Seigneurs , fuivant la remarque de Papias
Bulle ornamenta Regalium puerorum dite quod fint Simi-
les Bullis que in aqua inflantur ; ce qui s'accorde très- bien
avec la fignification que lui donne l'ancien Interprete de
Juvenal : ( a ) Antiquitus nobilium pueri Bullas aureas has
bebant ; foit que l'on entende par Bulle celles qu'on atta-
choit au col des enfans pour les préferver des malefices ,
comme dit Varron , ( b ) & fur lefquelles on gravoit des
( a ) Interp. Juven fat. s. (b) Varron , de lingua Latili , 6,
Ooo ij
476
figures ou malhonnêtes , ou ridicules , & que l'on confa-
croit , pour ainfi parler , avec des cérémonies fuperftitieu
fes ; foit enfin que l'on prenne ces Bulle pour des figures
faites en cœur , que les Gentils portoient fur leur poitrine ,
pour les faire reffouvenir , dit Macrobe , ( a ) qu'ils étoient
hommes : Sic nofcerent fe effe homines , fi corde præftarent.
On voit bien que toutes ces differentes fignifications du
mot Bulla ne fçauroient s'appliquer à la medaille dont
nous parlons.
Ne feroit pas cette medaille , dira-t- on , ce que l'on
nommoit parmi les anciens : Munus aut donum Militare ?
Cela ne paroît pas vraisemblable. Quoique les Empereurs
Romains donnaffent aux Soldats & aux Officiers qui
avoient fait de grandes actions des Couronnes , des Braf-
felets , des Colliers , des Coupes d'or , des Etendards , &
autres femblables chofes : cependant les Ecrivains ne mar-
quent point , que je fçache , que les medailles des Empe-
reurs fuffent du nombre des récompenfes militaires. Je ne
fçai même fi on en trouvera un feul exemple dans l'Hiftoi-
re Romaine.
-
Cette medaille , dira-t- on encore , eft peut être une
marque de la protection que Conftantin le Grand accor

da aux Sarmates après les avoir vaincus. Mais pourra-


1-on fe perfuader , que trois cens mille perfonnes de tout
âge , de tout fexe , & de toute condition , qui implorerent
la clemencé de ce grand Empereur , portaffent une me-
daille fur leur poitrine ? Cela n'a pas la moindre vraiſem-
blance .
Je ne fçai fi on ne pourroit pas hazarder cette con-
jecture , fçavoir , que cette medaille de Conftantin étoit
une marque de diſtinction qu'il avoit donnée à quelques
genereux Sarmates. Pour mettre cette penfée dans tout
fon jour , il faut fe fouvenir que Conftantin étant encore
affez jeune défit entierement ces peuples avec fort peu de
troupes , contre l'attente de Galere Maxime , qui l'avoit
engagé dans ce combat dans le deffein de le perdre. Ce

( ) Macrob. Saturnal. lib. 1. cap, 6.


477
Prince pendant cette grande action prit par les cheveux
l'un des plus déterminez de ces barbares , & l'entraîna
aux pieds de l'Empereur. Nam & in Sarmatia, dit l'Auteur
Anonime des extraits de l'Hiftoire de Conftantin , Juve-
nis ferocem barbarum capillis tentis raptum ante pedes fuppli-
cem Galerii Imperatoris adduxerat. C'eſt ce qui eſt repre-
fenté dans une medaille, où l'on voit Conſtantin marchant

comme un Mars , tirant un captif par les cheveux de la


main droite , & portant de la gauche un trophée fur fon
épaule. ( a )
Zozime fait mention d'un autre combat de Conftan-
tin , dans lequel il défit & tua Raufimodus , Roi des Sar-
mates , & mit fon armée en déroute. Sarmatarum ftrate
Gentes. ( b ) Ces peuples barbares s'étant encore revoltez ,
Conftantin les dompta de nouveau , & leur donna la paix.
Mais peu de temps après , cette paix fut troublée par les

Efclaves qui s'éleverent contre leurs Maîtres , & les for-


cerent de quitter leur païs. Ces infortunez eurent recours
à Conftantin , qui en prit fous fa protection plus de trois
cens mille , & il les établit dans la Thrace , dans la Scy-
thie , dans la Macedoine , & dans l'Italie.

Après le dénouement de ce point d'Hiftoire , ne pour


roit-on pas préfumer que Conftantin donna une medaille ,
où fon nom & fon portrait étoient gravez , aux plus re-
commandables parmi ces Sarmates , qui avoient toû-
jours été attachez à fon fervice parmi tant de revoltez ;
que cette medaille fut une marque de diftinction , fondée
fur leur naiffance , fur leurs vertus militaires , fur leur
fidelité inviolable pour ce grand Empereur ; & enfin que
cette marque de diftinction peut être regardée comme un
crayon de l'Ordre Militaire que l'on attribue à Conftan-
tin , & de toutes les Chevaleries que les Princes ont érigées
dans les fiecles fuivans.
La nobleffe du fang & les vertus militaires , l'agrément
du Souverain , le ferment de fidelité , & une marque de

diſtinction, renferment ce qu'il y a d'effentiel dans la Che-


(a ) Tristan ubi ſuprà paz. $37. ( 6 ) Aurelius Victor.
Ooo iij
478
valerie. Tout cela ſe trouve réüni dans ce Guerrier bar-
bare , ou fi l'on veut dans ce Sarmate. L'ornement de fa

tête , qui eft une espece de bonnet ou de diademe , &


les armes qu'il porte , peuvent marquer fa haute qualité ,
& qu'il s'étoit fignalé par de hauts faits. Trouvera- t- on
parmi les Payens que l'on ait élevé des ftatuës de bronze ,
comme l'on a fait à celui- ci , finon pour conferver la me-
moire des perfonnes qui fe font renduës recommandables
par leur rang , par leur merite perfonnel , ou par de gran-
des actions ?
Un barbare , naturellement ennemi des Romains , &
fur tout de Conftantin , n'avoit garde de porter fon nom
écrit fur la poitrine , fi ce Prince ne l'eut pas approuvé ,
& s'il n'y eut eu quelque liaifon particuliere entre cet
Empereur & ce Sarmate : car portant à la face de tout
le monde le portrait de ce Prince , c'étoit comme une pro-
teftation folemnelle de fon attache à fon ſervice , & de fa
fidelité inviolable. Si toutes ces circonftances jointes en-
femble ne font pas au moins un crayon de ce qui s'appelle
Chevalerie , on peut foûtenir , fans craindre de fe trom-
per , qu'il n'y a jamais eu d'Ordre Militaire dans le
monde..
Je ne prétends pas que ce Sarmate , ou ce Scythe , fut
Chevalier d'un Ordre Militaire érigé par Conftantin , &
auffi développé que l'ont été dans la fuite les Milices &
Seculieres & Regulieres ; mais je ne crois pas que l'on
puiffe contefter que tous les attributs de ce barbare ne
foient au moins un foible modele de tous les Ordres Mi-
litaires. Si l'on ajoûte que Conftantin , après cette legere
ébauche de la Chevalerie , dans la perfonne de ce Sarma-
te , & de quelques autres de fa nation , donna à cette Mi-

lice naiffante un nouvel éclat , & un plus excellent dégré


de perfection , choififfant cinquante de fes Gardes pour
porter le Labarum , ce qu'une foule d'Auteurs regardent
comme l'établiffement d'un Ordre Militaire ; tout cela
dis- je , peut obliger de conclure ce que nous avons tâché
de prouver plus au long, que Conftantin a la gloire d'avoir
479
donné la naiffance à la Chevalerie Honoraire , & Chré-
tienne , & Civile , & que l'Ordre qui porte fon nom eft
comme l'origine & le modele de tous les Ordres de Che-
valerie qui ont fait un des plus beaux ornemens des Etats
des Souverains.

On ne doit pas fe perfuader que je regarde ce que j'ai


avancé dans mon Ouvrage , en faveur de l'Ordre de Con-
ftantin , comme des preuves inconteftables , & qui faffent
une démonſtration Geometrique ; ni que je donne mes
réflexions fur le Monogramme de Conftantin , & fur le
portrait du Sarmate , comme des conjectures qui doivent
faire ceffer tous les fcrupules & les doutes qu'on pourroit
avoir fur le fujet de l'antiquité de la Milice de Con-
ftantin.

Je me fuis affez nettement expliqué dans les Differta-


tions V.VI. & VII du premier Livre, que le fentiment qui
attribue à Conftantin l'honneur d'avoir fondé un Ordre

militaire qui porte fon nom , & qui a fubfifté depuis le IV.
fiecle jufqu'à prefent , pouvoit être foûtenu comme très-
vrai-femblable,s'il en faut juger par les Bulles des Papes,par
les Diplomes des Empereurs , par le témoignage des Ecri-
vains , & par un grand nombre de conjectures. J'ai donc
crû que toutes ces preuves jointes enſemble pouvoient per-

fuader , que fi ce fait hiftorique n'a pas une certitude en-


tiere , il eſt au moins très-probable , & a des marques in-
conteftables d'un évenement très-vraisemblable.

Pour ce qui eft des réflexions que je viens de faire fur


le Monogramme fufpendu au col de Conftantin , & fur
fa medaille attachée fur la poitrine du barbare , je ne les
donne que comme de foibles conjectures que j'ai bazar-
dées , en attendant que ceux qui ont plus de lumieres , que
je n'en ai fur ces fortes de matieres , fe veuillent donner
la peine d'examiner ces deux pieces , nous inftruire , &
nous communiquer leurs découvertes. Je ne doute pas
que leurs réflexions ne foient plus folides & mieux fondées
que les miennes. Cependant ces deux anciens monumens
ne m'ont pas feulement paru affez finguliers , & dignes de
480

la curiofité & de l'application des perfonnes qui aiment


cette forte de litterature ; mais aufli y ayant découvert quel-
que leger rapport à l'Ordre Militaire de Conſtantin , je
n'ai pas crû devoir fupprimer ni negliger ce petit avan-

tage , qui ne feroit pas à méprifer , fi mes réflexions étoient


affez juftes & exactes . Il eft vrai que ces deux pieces font
peut- être très-équivoques pour établir un fait arrivé il y
a près de quinze cens ans ; cependant elles ne laiffent pas
d'être de quelque poids fur un fujet fi ancien , & dont il
nous refte fi peu de fecours pour l'éclaircir entierement ,

& le mettre dans la derniere évidence. Voilà pour ce qui


eft des preuves que j'appelle extantes ; venons maintenant
aux preuves litteraires.

Preuves Litteraires.

Parmi un grand nombre de Bulles , de Brefs , & de


Diplomes très- autentiques , que les Papes & les Empereurs
ont donnez en faveur de l'Ordre des Angeli Comnenes ,
qui en ont été les Grands- Maîtres pendant plufieurs fie-
cles , je n'en rapporterai que fix qui ferviront de preuves
pour établir ce que nous avons dit touchant l'origine , le
progrès , les privileges , & les autres chofes qui concernent
cette Chevalerie .

La premiere qui fe prefente eft un motus proprius du Pa-


pe Paul III. par lequel il accorde une penfion de trente
ducats d'or par mois à André l'Ange , en confideration
de fon illuftre famille & des fervices confiderables qu'elle
a rendus à l'Eglife.
Tranfumptum motus proprii San. Mem . Pauli Papa III.
favore Domini Ducis Andrea Angeli Comitis Dryvaftenfis
defumptum ex copia fervata in Archivio fecreto Vaticano ,
impreffa Romæ anno 1605. per Impreffores Camerales tenoris
fequentis videlicet.
Paulus Papa III. motu proprio , &c. Cum prædeceffores
noftri Romani Pontifices omnibus illis Chrifti fidelibus ,

qui eorum Regni s& Dominiis , ac bonis , per Chriftiani


nominis
481
nominis hoftes contra eos debellando , moxque refiftere
non valentes , privati & expulfi fuerunt de provifione ali-
qua , ex qua fe fuftentare valerent fuper pecuniis alumi-
num feu aliis proventibus Cameræ Apoftolica providere ,
eifque portionem aliquam fuper eifdem pecuniis in ſubfi-
dium affignare confueverint. Nos , qui , ut accepimus ,
dilectus filius nobilis vir Andreas Angelus Dux & Comes
Drivaftenfis , ex Imperatorum Conftantinopolis genere ,

ex utroque parente defcendens , cujus progenitores per


Orthodoxæ fidei inimicos eorum Dominiis , & bonis pri-
vati & expulfi fuerunt , adeo pauper exiftit , ut vix fe , non
juxta nobilitatem fuam , fed longè inferiorem ftatum
fuftentare nequeat , in fignum alicujus gratitudinis , meri-

torumque fuorum intuitu, ipforum prædecefforum noftro-


rum , & præcipuè felicis recordationis Pii II . & Pauli
etiam 11. ac Sixti IV . qui eifdem Chrifti fidelibus & præ-
cipuè re. mem. Catharina Regina Bofnix ipfius Andreæ
confanguinex , Defpotoque miffiæ , de congrua fuftenta-
tione providere refpectivè foliti fuerunt , vel veſtigiis in-
hærentes. Motu fimili , & c. eidem Andreæ ducatorum

centum auri in auro ; & dilecto filio Leca Ducagino ejus


fratri confobrino viginti ducatorum auri fimilium provi-
fionum , fuper dictis pecuniis , feu aliis dicte Cameræ ,
vel Datiaratus noftri proventibus, & juribus fingulo men-
fe per pecuniarum aluminum , aut Cameræ vel Datia-

ratus hujufmodi proventuum , & jurium depofitarium


exactoremque ad ipforum Andreæ & Leca electionem
perfolvendum ad eorum vitam concedimus & affignamus.
Mandantes in virtute fanctæ obedientiæ , &c. Dictas pro-
vifiones quolibet menfe , præfatis Andreæ centum & Lecæ
viginti ducatorum auri in auro, ut præfertur quolibet men-
fe hic in urbe , eis , vel eorum legitimo Procuratori reali-
ter , & cum effectu perfolvant : Quibus Conftitutionibus ,
&c. cæterifque in contrarium , &c. folam præfentem
noftram perfiat, fignaturam fufficiat , & ubique in judicio ,
& extra fidem facere volumus pariter & decernimus.
Fiat. Regiftratum in Camera Apoftolica lib, diverforum
PPP
482

anni 1560. fol. 53. Cæfar Capellanus ejufdem Cameræ


Notarius.

Romæ apud impreffores Camerales 1605. Præfens


Tranfumptum ex Archivio Secreto Vaticano , ut fupra de-
promptum , per me collationatum in omnibus concordat , qua-
re in fidem fubfcripfi , ac folito meo figillo obfignari juſſi Ro-
ma die 20. Aprilis 1714. Jacobus Antonius Canonicus de
Pretis Sancti Archivii Secreti Vaticani cuftos.

Comme il ne feroit pas moins inutile qu'ennuyeux : de rapporter


ici tous les privileges que les Souverains Pontifes ont accordé à l'Or-
dre de Conftantin , il fuffira de mettre ici la Bulle du Pape Jules III.
par laquelle il confirme ce que les Papes fes predecefleurs , & les Em-
pereurs Grecs ont fait en faveur de cette Milice , & de la famille des
Angeli de Drivaſto.

Tranfumptum Bulla S. Mem. Julii Papæ 111 defum-


ptum de verbo ad verbum prout jacet ex originali Regiſtro
authentico diverforum ejufdem Pontificis fervato in Archivio
fecreto Vaticano Sedis Apoftolica lib. XIX. fol. 55. videli-
cet.

Julius Epifcopus fervus fervorum Dei : Dilectis filiis


nobilibus viris Andreæ Angelo Duci , ac comiti Dri-
vaftenfis , ac Hieronimo etiam Angelo Principi Theffa-
liæ , Fratribus Germanis, Salutem, & Apoftolicam Bene-
dictionem. Cum à nobis petitur quod juftum eft & ho-
neftum , tam vigore æquitatis quam ordo exigit rationis ,
ut id per follicitudinem officii ad debitum perducat ef

fectum. Ea propter, Dilecti in Domino filii, veftris juſtis


poftulationibus grato concurrentes affenfu , omnes liber-
tates , gratias , conceffiones , immunitates à foelicis recor-
dationis Calixto III . Pio II . Sixto IV . Innocentio VIII .
Paulo III . & aliis Romanis Pontificibus , prædeceffori-
bus noftris , fivè per privilegia , litteras , & alia indulta vo-
bis , ac progenitoribus veftris conceffa ; nec non liberta-
tes & exemptiones ab inclitæ memoriæ Ifaaco Angelo , &
Michaele ultimo , aliifque Imperatoribus , & Regibus , ac
Principibus , aliifque Chrifti fidelibus progenitoribus
483
veftris , & vobis , & fuccefforibus veftris rationabiliter in-

dulta , ficuti ea omnia , & fingula juftè & pacificè hacte-


nus poffediftis , & poffidetis , vobis & per nos eifdem fuc-
cefforibus , ut præfertur auctoritate Apoftolica confirma-
mus , & præfentis fcripti patrocinio communimus. Nulli
ergo hominum liceat hanc paginam noftræ confirmatio-
nis & communitionis infringere , vel ei aufu temerario
contraire , fi quis autem hoc attentare præfumpferit , in-
dignationem omnipotentis Dei , ac Beatorum Petri & Pau-
li Apoftolorum ejus fe noverit incurfurum. Datum Ro-
mæ apud Sanctum Petrum anno Incarnationis Dominica
millefimo quingentefimo quinquagefimo fexto , Kalendas
Aprilis , Pontificatus noftri anno primo.
PrafatumTranfumptum Bullæ S. Mem. Julii Papæ 111.
ut fupra ex fuo originali monumento defumptam , cum eo col-
lationatum in omnibus concordat : Ideo infidem fubfcripfi , ac
folito meo figillo obfignari juffi hac die 17. Februarii 1714 .
Jacobus Antonius Canonicus de Pretis , Archivii Secreti
Vaticani cuftos.

Jean André l'Ange , qui a été le dernier Grand-Maître de l'Ordre


de Conftantin , & le feul qui reftoit de la famille Imperiale des Anges
Comnenes , fe voyant hors d'efperance d'avoir des enfans , transfera la
Grande-Maîtriſe de cette celebre Chevalerie à S. A. S. le Duc de
Parme. L'Acte de cette renonciation fut fait à Venife le fixiéme des
Calendes d'Aouft de l'an 1697. L'Empereur Leopol approuva & con-
firma cette tranfaction ou ceffion par le Diplome qui fuit.

Ppp ij
484

AUGUSTISSIMI

IMPERATORIS

LEOPOLDI

CÆSAREUM DIPLOMA,

AC EDICTUM ,

Super Renunciatione, & Renunciationis approbatione, ac


Ceffione , & Tranflatione M AGNI MAGIS-

TERII Ordinis Equeftris Militaris aureati Ange-


lici Conftantiniani fub Titulo , & aufpiciis Sancti

Martyris GEORGII, adfavores Sereniffimi Do-


mini Ducis FRANCISCI FARNESII

Ducis Parma,&c.Ejufque Defcendentium , ac Sereniffi-

ma Farnefiæ Stirpis.

EOPOLDUS , Divina favente Clementia, ele-


L&
tus Romanorum Imperator femper Auguftus , ac
Germaniæ , Hungariæ , Bohemiæ , Dalmatia , Croatiæ ,
Sclavoniæ Rex , Archidux Auftriæ , & c.

Agnofcimus , & notum facimus tenore præfentium


univerfis quod cum nobis vir illuftris Joannes An-

dreas Angelus Flavius Comnenus , Sacræ Angelicæ Au-


ratæ Conftantinianæ Militiæ , fub titulo Sancti Georgii ,
& Regula Divi Bafilii , Magnus Magifter humiliter ex-
pofuerit , nihil fibi ex per-antiqua , & potentiffima Com-
nenorumFamilia tantummodò fuperftiti magis curæ , &
485
cordi effe , quàm , ut Ordo Militaris Auratus Angelicus,
qui à Divo quondam Conftantino Magno Imperatore ex
oblato divinitùs ipfi pervifum Lemmate : In hoc figno
vinces : inftitutus, ac poftmodum ab Ifaacio Angelo Com-
neno , aliifque deinceps Imperatoribus , nec non & Ro-
manis Pontificibus auctus , & amplificatus fub Regula
Divi Bafilii , & patrocinio , five tutela Sancti Georgii
militat , cujufque fibi tanquam à dicto Ifaacio Angelo
Comneno continua non interrupta ferie Defcendentis
jure fucceffionis , & fanguinis Magnum Magifterium
competat , per injuriam temporum obfcuratus refufcite-
tur , atque ad priftinum decus , & fplendorem reducatur ,
ficque inclyti iftius Ordinis perennitati fecuriùs conſula-
tur. Eumque in finem , cum id , ob fortunæ facultatum-

que anguftias , tùm ob virium imbecillitatem , ac ætatem


in fenium jam vergentem , præftare non poffit , de cla-
riffimi Sanguinis Principe , tùm æftimatione , tùm aucto-
ritate fpectabili , collabenti iftius Ordinis moli fuftinen-
de , idoneo cogitaffe , qui titulos eidem Ordini adfcriptos
re , ac fplendore valeat cumulare , & amplificare , ac obla
tis Deo optimo Maximo precibus , fibi in mentem occur-
riffe multifaria Illuftriffimæ Farnefiorum Familiæ , tàm
in Ecclefiam , & Rempublicam Chriftianam , quàm in
femetipfum , dictumque Ordinem merita , & beneficia ,
nullumque digniorem fibi vifum effe , in quem jura , fa-
cultates , exercitia , reliquæque ad dictum Ordinem fpec-
tantes prerogativæ transferri , dictumque Magifterium
ex jure Sanguinis , & Succeffionis fibi competens , re-
fignari poffet , præterquam Sereniffimum nunc Regnan-
tem Parmæ , & Placentia Difcem FRANCISCUM
PRIMUM ex Illuftriffima Farnefiorum Familia Oriun-

dum , atque in fpem Maximorum facinorum florenti æta-


te crefcentem , non minus ampliffimis facultatibus inftruci
tum , quàm generis Claritate , atque Heroicarum Virtu-
tum Splendore , & generofitate præfulgentem demiffè
Nos rogando, ut non modo perficiendæ hujufmodi tranfla-
tionis , & refignationis facultatem fibi impertiri , Sed , &
Ppp iij
486

prædicto Sereniffimo Parmæ, & Placentiæ Duci Magnum


illius Ordinis Magifterium clementer deferre dignare-
mur.
Etfi igitur tum vetera, tùm recentiora celeberrimæ Far-
nefiorum Gentis , decora , ac in Ecclefiam , & Rempu-
blicam Chriftianam , Divofq; olim Prædeceffores Noftros
Romanorum Imperatores merita Hiftoriarum monumen-
tis luculenter confirmata , ità in oculis hominum reful-
geant , ut fupervacaneum videri poffet eorum feriem hîc
loci recenfere , pro noftro tamen in Nobiliffimam hanc fa-
miliam , tot nominibus nobis colligatam , fingulari affectu
recolere,tantummodò opere pretium duximus. Petrum fe-
cundum , qui anno millefimo nonagefimo nono Militiæ
Præfectus , devictis ab Hoftibus , vindicatas ditiones Ec-
clefiæ reftituit : Ut, & Prudentium de Petro : Qui Mi-
litari fortitudine anno millefimo centefimo fexagefimo
quarto acerrimi Propugnatoris Ecclefiæ libertatis fibi no-
men , & gloriam comparavit.
Tùm præclaros illos Farnefianos Duces , qui anno mil-
lefimo ducentefimo undecimo pro Ecclefia generosè fte-
terunt , Eandemque ab hofticis incurfionibus fortiter de-
fenderunt. Ranutium Petri de Prudentio filium , qui anno
millefimo ducentefimo quadragefimo tertio contumaces
ditiones iterum Romano Pontifici fubjectas reddidit : Sen-
fum Farnefium , qui anno millefimo ducentefimo quin-
quagefimo fecundo Pontificii Imperii fecuritati , & in-
columitati contra Rebelles Tondinos , & Amelinos pro-
prium fanguinem , ac vitam litavit , eidemque anno quin-
quagefimo quarto fupra millefimum ducentefimum Ra-
nutium prædictum , non minoris fortitudinis , fed melio-
ris fortune , Ducem fubrogatum Amelianum Exercitum
fregit Ditione Ecclefiaftica Tudertinâ , ac Fulignatenfi
Pontificiarum partium fautoribus reftitutis.
Deindè Ranutium Ranutii fenioris filium , cujus fidei
credita fuit Urbani hujus nominis IV. Pontificis fecuri-
tas , contra Manfredum Siciliæ Regem armis excidium ,
& ruinam minitantem , cujus bellicam fortitudinem , tan-
487
quam validiffimum aggerem,Pontifex illius temporis Hofti-
bus fuis feliciter oppofuit. Cujus Frater Nicolaus armo-
rum robore abreptas Urbes legitimo Ecclefiæ dominatui
iterùm parere coegit : uterque Ranutius autem , & Nico-
laus opem , & auxilium ad extrema redactis Pontificiis
partibus præftiterunt , atque unà cum aliis hujus familiæ
itrenuiffimis Viris Ecclefiæ Pontificiumq; incolumitati ,

& fecuritati femper militarunt , eo nomine Civitatum Pon-


tificiarum propugnatores , tùm Nuntii , Vicarii , & Com-
miffarii Apoftolici renunciati.
Porrò in pofterorum fama adhuc fuperftites Angelum ,
Aloyfium , & Ferdinandum Farnefios , quorum primus
tumultuantes factioforum contra Ecclefiæ Principatum

conatus penitùs repreffit , alter Pauli Pontificis , hujus no-


minis fecundi , juffu , armorum Imperio compulit Rebel-
les Urbes iterùm in deditionem fe fe recipere : Poftremus
verò in Faventina obfidione urbem aggreffus , mortem
oppetiit , in pofterioritatis fama æternum victurus.
Atque infuper Octavium , Margaretham , & Alexan-
drum Farnefiorum Duces , quorum ille in Italia , fub
Divo quondam Carolo Quinto Prædeceffore Noftro glo-
riofæ memoriæ , ftrenuam , ac proficuam navavit operam :

Ejus lectiffima Conjux Margaretha in Belgio fingularem


fuam prudentiam , & moderationem probavit : Eorum au-
tem Filius Alexander Farnefius parentum gloriæ , & vir-
tutis Nobiliffimus Emulator , ut reliqua ipfius heroica
facinora prætereamus , pofitis in Navali pugna , Beatiffi-
mo Pio V. hortatore , à Chriftianis Principibus contra
Turcas fufcepta , primis militiæ fundamentis , & arrepto ,
cui vibrando adfueverat , prægrandi gladio in Hoftilem
Turcarum Triremem faltu fe projecit , ac circumducto
utraque manu ferro , latam per hoftium ftragem aperuit
militibus fuis viam , præda ingenti , cum victoria , poti-
tus fuit.

Tum denique alios Raynutios , & Odoardos Duces ,


qui laudatiffimo Majorum fuorum exemplo gentis decus ,
tum præclaris facinoribus , tùm affinitatibus etiam Sum-
-488
morum Pontificum , atque Chriftianorum Regum , ut
& Sereniffimum Magnorum Hetruriæ Ducum familiis
contractis , non modo egregiè tutati funt , fed & inter Ma-
jores , & potentiores Italia Principes habiti , deque No-
bis , & Augufta Domo noftra nunquam non optimè me-
riti , acceptos à Majoribus ampliffimos Status , & ditiones
ad pofteros fuos tranfmiferunt.
Primum omnium verò Paulum hujus nominis tertium
in æternam pofterorum memoriam iturum , magnum Ec-
clefiæ Propugnatorem , qui fingulari prudentia , Confilio,
Virtute , fapientia Ecclefiæ navim procellofis hærefum
1
Auctibus jactatam in fecuritatis portum adduxit , præci-
puè cum Sacræ Tridentine Synodi magnum opus Ca-
tholicæ Ecclefiæ maximè falutare promoviffet . Quibus
aliifque tùm laudatorum , tùm aliorum Ducum egregiis
factis , ità hæc Sereniffima familia benè de Ecclefia Ča-
tholica merita fuit , ut Militiæ Ecclefiafticæ Imperator Pe-
trus Aloyfius creatus fuerit , & prædictus Octavius ejus
filius ad Romæ Præfecturam evectus , perpetuique Sanctæ
Ecclefiæ Vexilliferi fplendidiffimum munus Farnefiis
Ducibus collatum , in Sereniffimo Duce Francifco Pri-
mo , nunc Regnante , & Summi Pontificii Innocentii
XII. auctoritate , & clementia tantæ dignitatis præroga-
tiva confirmata , & renovata,
Cumque prætereà , ut nihil dicamus de arcta affinitate,
quam modò dictus Sereniffimus Dux , infignis avitarum
virtutum Sectator , Nobifcum ex Matrimonio cum Sere-
niffima Principe Dorothea Sophia , ex Sereniffimis Pala-
tinis Rheni oriunda , Auguftæ Imperatricis dilectiffimæ
Conjugis noftræ , ut & Sereniffimarum , ac Potentiffima-
rum Hifpaniæ , & Lufitaniæ Reginarum Sorore inito ,
contraxit , non minus conftantiffimum , & hæreditarium ,
quod ipfe Dux Nobis , Auguftaque Domui noftræ in-
definenter probavit , ac etiamnum probare non ceffat ,
fidei , & obfervantiæ ftudium , quàm opes potentia , Pro-
vinciarumque amplitudo , tùm fpectata ipfius prudentia ,
rerumque bene gerendarum ufus fingularem mereantur
reflectionem :
2489
reflectionem : Nos antedi&
tæ refignationis neceffitatem
confiderantes , atq; Imperatorio , & protectorio muneri ,
nec non Juriſdictioni noftræ fupreme convenire exiſti-
mantes ejufdem Inclyti Ordinis inftaurationi , & confer-
vationi quovis modo confulere , non poffumus non laudare
providam fæpe nominati magni Magiſtri electionem , gra-
tumque in Farnefios , & Sereniffimum Parmæ , & Pla-
centiæ Ducem animum perfuafi , quippè ab ipfo , ut potè
oriundo , ex Illuftriffima illa familia , quæ fui genitoris
bellatoribus , ac Ducibus ftrenuè pugnantibus vita , &
fanguine Ecclefiam Catholicam propagavit , collapfum
hunc Ordinem Chrifto Domino Noftro authore , fub auf-
piciis Sancti Martyris Georgii ad Idolatriæ excidium, ad
dictæ Ecclefiæ defenfionem , ad veræ Religionis propaga-
tionem inftitutum reftaurari , & amplificari poffe.
Ac proindè motu proprio , ex certa fcientia , animo be-
nè deliberato , ac fano Noftrorum , & Sacri Imperii fide-
lium dilectorum accedente Confilio , eaque , qua fungi-

mur authoritate Cæfarea , & de ejufdem plenitudine , tùm


de Supremo dicti Ordinis ad nos devoluto , nobifque com-
petente Dominio , invocato Dei Omnipotentis nomine, à
quo Principatus omnes , & dignitates promanant , præ-
dicto Viro Illuftri Joanni Andrex Angelo Flavio Com-
neno , Sacræ Angelicæ aurate Conftantiniane Militiæ ,
fub titulo Sancti Georgii , & Regula Divi Bafilii, Magno
Magiftro facultatem transferendi , & refignandi magnum
iftius Ordinis Magifterium in præfatum Sereniffimum
Francifcum Farnelium Parmæ , & Placentiæ Ducem ,
Principem noftrum Chariffimum non tantum concefferi-
mus , & impertiti fimus , prout hifce clementer concedi-
mus , & impertimur , verùm etiam fi fortè interea tem-
poris ejufmodi tranflatio , & refignatio fubfecuta effet ,
eandem approbaverimus , laudaverimus , & confirmaveri-
mus , prout hifcè approbamus , laudamus , & confirma-
mus , quinimò ex eadem poteftatis noftræ plenitudine.
Magnum Ordinis illius Magifteriam omni quo fieri po-
teft meliori modo , & forma fæpe dicto Sereniffimo Fran-
Q99
490
ciſco Primo , Parma & Placentiæ Duci acceptanti , &
confentientinobifque propterea humillimè fupplicanti ,
ejufdemque legitimis defcendentibus Filiis in infinitum ,
& his deficientibus ( quod abfit :) Sereniffimo Principi
Primogenito Farnefiæ ftirpis , donec Illuftriffimi hujus
Sanguinis gloria vigebit omnem facultatem , Jus , autho-
ritatem , poteftatem , actionem in Magno Magiftratu præ-
fati Ordinis , & Militiæ , omniaque , & fingula privilegia,
prærogativas , exemptiones , & gratias , vel conceffiones
quafcunque , five ab ipfo Ifaacio Angelo Comneno, ejuf-
demque fuccefforibus , fivè à Summis Pontificibus , aliif-
que Romanorum Imperatoribus , & nobis metipfis eidem
datas , factas , confirmata tribuerimus , & tranfcripferi-

mus eademque in omnibus fuis punctis , claufulis , & ar-


ticulis , perinde , ac fi , de verbo , ad verbum omnia , &
fingula hic Loci inferta , & comprehenfa eflent , rata ha-
buerimus , quemadmodum hifce tribuimus , tranfcribi-
mus , rata habemus , approbamus , & confirmamus , icà ut
deinceps à Nobis , Noftrifque in Sacro Imperio Succeffo-
ribus Romanorum Imperatoribus , ac Regibus , aliifque

quibufcunque Ordinis Militaris aurati Angelici Magni


Magiftri perpetuò poft hac prædicentur , appellentur , no-
minentur, & compellentur , non fecus , ac fi Magnum il-
lud Magifterium omniaque , & fingula uti fupra ab ipfo-
met Ifaacio Angelo Comneno in prædictos Farnefios
tranflata effent.
Volentes , & hoc Edicto noftro Cæfareo firmiter ſta-

tuentes quod prædictus Sereniffimus Parme , & Placentia


Dux omnibus , & fingulis ad eundem Ordinem , fivè
Magnum ejufdem Magifterium pertinentibus Terris , bo-
nis , Infulis , ut & privilegiis , juribus , prærogativis , &
Regalibus quocunque etiam nomine vocitentur , eodem
quo hactenus dicti Ordinis Magni Magiſtri ufi , & gavifi
funt modo , tùm ipfe memoratus Ordo Sacer Militia An-
gelicæ Conftantinianæ Sancti Georgii, ejufdemque Equi-
tes omnibus illis prædi&is , & nominatim hac quam pe-
culiariter ipfis confirmamus gratia portandi nimirum om-
491
nis generis arma , tàm offenfioni , quàm defenfioni ido-
nea, perindè, ut alii Religioforum Ordinum Equites fub
omnibus , & fingulis nobis , & Sacro Imperio , mediatè vel
immediatè fubjectis Terris , Provinciis , & Dicionibus uri,
frui , & gaudere debeat , & poffit , pariterque debeant , &
poffint de poteftatis noftræ plenitudine , nemine omninò
contradicente , quod poftremum ità tamen intelligi volu-
mus , fi ipfe Ordo jam ante in poffeffione eorum fit , &
quatenus id nequè in præjudicium fupreme eminentiæ, &
Regalium aliorumvè noftrorum , vel alterius cujufcunque
jurium cedat. Cùm fuperioritatem fummam , confirma-
tionemque de cafu , in cafum nobis , & Noftris Succeffo-
ribus femper refervatam , & infuper velimus , ut Sanctæ
Militia leges , Regulaque Sancti Bafilii in omnibus ritè ,
recteque obfervetur , atque Religioni S. Ecclefiæ Catho-
licæ , nec non Nobis , & Succefforibus Noftris in cafu ne-
ceffitatis ad requifitionem noftram , prompta femper , for-
tique manu contra Infideles fuccurratur , nec ulla magni
momenti expeditio bellica , fine prævia notificatione , &
confenfu Noftro fufcipiatur.

Nulli ergò omninò hominum liceat hoc noftræ confir-


mationis, novæ conceffionis , & gratiæ Decretum , quod
optimo jure fancitum eft , infringere , aut ei quovis aufu
temerario contraire. Si quis autem id attentare præfumpfe-
rit , is præter Noftram , & Sacri Imperii indignationem,
graviffimam mulctam quingentarum Marcarum auri puri
fifco , feu Arario Noftro Imperiali , omni ſpe veniæ ſu-
blata applicandam fe noverit ipfo facto incurriffe.
Harum Teftimonio litterarum , quarum tranfumptis à
Magno dici Ordinis Cancellario , aliavè quavis perfona
Ecclefiaftica dignitate conftituta ritè confignatis , ean-
dem , quam Originalibus , fidem haberi volumus : quæ
manus noftræ fubfcriptione , & Bullæ noftræ aureæ Ty-
pario munita dabantur in Civitate Noftra Vienna die
quinta Augufti Anno millefimo fexcentefimo nonage-
fimo nono , Regnorum noftrorum , Romani quadrage-
Qqq ij
492
fimo fecundo, Hungarici quadragefimo quinto, Boemici
. LEOPOLDUS , &c.
veroquadragefimo tertio. Subf
Vidit Dominicus Andreas Comes à Kaunitz.
Ad mandatum Sacræ Cæfareæ Majeftatis proprium.
Subf. Lutzo Dolberg manu propria.
Regift . & collat. Rab. Herm de Bertram &c . Secr.& Ar.as
Cum Bulla aurea è cordulis ex auro intextis pendente.

La même année le Pape Innocent XII . donna un Bref , par lequel


il confirme la ceffion de la Charge de Grand- Maître faite , par Jean
André l'Ange , en faveur de la Maiſon Farnefe. Voici ce Bref.

SANCTISSIMI

INNOCENTII

PAPE DUODECIMI

BREVE APOSTOLICUM

Super confirmatione ,
· approbatione refignationis , &

conceffione , ac affignatione Officii , feu muneris Magni


Magiftri , feù perpetui Adminiftratoris Militia au-
reate Conftantiniana , ad favores Sereniffimi Domini

'c. Ac ejus
Ducis Francifci Farnefii Ducis Parma , &

Defcendentium , Sereniffimafamilia Farnefia.

INNOCENTIUS PP . XII.

Ilecte Fili , Nobilis Vir , falutem , & Apoftolicam


·D Benedictionem . Sinceræ fidei , & fingularis devo
f
tionis affectus , quem erga Nos , & Sedem Apoftolicam
gerere comprobaris , nec non præclara , & multiplicia il-
493
luftris Familiæ tuæ Farnefiæ in eandem Sedem merita
nos adducunt , ut ea tibi , ac tuis futuris Natis , & Def-
cendentibus , aliifque ejufdem Familiæ tuæ Principibus
libenter concedamus , per quæ honorum vobis fiat accef-
fio , & perenne aliquod Paternæ noftræ in Te , tuamque
Familiam prædictam voluntatis extet monumentum. Cum
itaque ficut dilectus Filius , Nobilis Vir , Joannes An-
dreas Angelus Flavius Comnenus , Princeps Macedonia,
ac Magnus Magifter Militia Aureate Conftantinianæ ,
fub titulo Sancti Georgii, & Regula Sancti Bafilii Magni ,
nobis nuper fignificavit , ipfe qui ( ut afferit ) nobilis , &
antiquæ familiæ fuæ Angela Flavia Comnenæ folus fu-
perftes , ac non tàm Liberis , quàm fpe illos procreandi
deftitutus exiftit , quippè qui in provecta ætate conftitutus
jam reperitur , nec non parum firma , ac bellicis ærum-
nis feffa valetudine utitur , fummoperè cupiens in Officio,
feù munere Magni Magiftri , feù perpetui Adminiftrato-
ris Militiæ prædicta , quod longiffimo tempore ab ejus
Progenitoribus continua , ac non interrupta ferie obten-
tum , & poffeffum fuit , dari fibi Succefforem prævali-
dum , cujus ope , ac virtute Militia præfata relevecur , &
præfervetur à noxiis , nec non lætioribus , benedicente
Domino , proficiat incrementis , ad Nobilitatem tuam
egregiis naturæ , gratiæque Divinæ muneribus præful-
gentem , mentis fuæ oculos providè direxerit , juribufque,
fibi hac in re , quovis modo competentibus , feù quæ fibi
competere exiftimaverat , utens Tibi , ac tuis fucceffive
Natis , Nepotibus , & Defcendentibus , aliifque Familie
tuæ Farnefiæ præfatæ fuccefforibus , Parmæ , & Placen-
tia Ducibus protempore exiftentibus , Officium , feù mu-
nus hujufmodi ( refervato tamen defuper noftro , & dicta
Sedis beneplacito ) refignaverit. Hinc eft , quod nos , fpe-
rantes in Domino , Te , cui , præter generis fplendorem ,
ac domeſtica majorum exempla , Catholicæ Religionis
tuendæ zelus , aliæque eximiæ , ac pio , prudentique Prin
cipe dignæ virtutes abundè fuffragantur , Militiæ præ-
dicta plurimùm utilitatis , adfpirante fuperni favoris au-
Qqq jij
494
xilio , allaturum effe , ac proindè fœlicibus ejufdem Mili-
tiæ progreflibus , quæ ( ut afferitur ) diverfis Privilegiis ,
gratiis , & indultis à quamplurimis Romanis Pontificibus
Prædecefforibus noftris infignita fuit , quantùm Nobis ex
alto conceditur opportunè confulere , Tequè fpecialis fa-
vore gratiæ profequi volentes , tuique ac dicti Joannis
Andreæ Principis , ac Magni Magiftri fingulares perfonas
à quibufvis Excommunicationis , Sufpenfionis , & Inter-
dici , aliifq; Ecclefiafticis fententiis , cenfuris , & poenis
à jure , vel ab homine , quavis occafione , vel caufa latis ,
fi quibus quomodolibet innodatæ exiftunt , ad effectum
præfentium dumtaxat confequendi , harum ferie abfolven-
tes, & abfolutas fore cenfentes , nec non præfati Officii, feù
muneris erectionem, naturam ,ſtatum, qualitates,& circum-
ftantias quafcunque,etiamfi electivum & perfonale exiftat,
aliave qualibet, etiam fpecifica & individua mentione , &
expreffione digna præfentibusvè , pro plenè , & fufficienter
expreffis , ac exactiffimè , & accuratiffimè fpecificatis ha-
bentes , fupplicationibus tàm tuo , quàm ejufdem Joannis
Andreæ Principis , & Magni Magiftri nomine , nobis fu-
per hoc humiliter porrectis , inclinati , eifque benignè an-
nuentes , ac etiam motu proprio , & ex certa fcientia , &
matura deliberatione noftris , deque Apoftolicæ poteftatis
plenitudine refignationem dicti Officii , feù muneris
Magni Magiftri , feù perpetui Adminiftratoris Militia
Aureatæ Conftantiniane Tibi , ac tuis poft te Natis , Ne-
potibus , & Defcendentibus , aliifque Familiæ tuæ Far-
nefiæ fuprafcriptæ fuccefforibus , Parmæ , & Placentia
Ducibus , pro tempore exiftentibus à memorato Joanne
Andrea , Principe , & Magno Magiftro factam , ut peti-
tur , publicumque defuper confectum Inftrumentum, feù
fcripturas , cum omnibus , & fingulis in eis contentis , aliàs
tamen licitis , & honeftis , ac Apoftolicæ Sedi præfatæ ,
illiufque auctoritati , minimè adverfantibus , tenore præ-
fentium , perpetuò confirmamus , & approbamus , illifque
inviolabilis , & irrefragabilis Apoftolicæ firmitatis vim ,
robur , efficaciam , & validitatem adjungimus , & adjici-
495
mus , ac omnes , & fingulos juris , & facti , & folemnita-
tum quarumcumque tàm ex juris communis , & confti-
tutionum , Privilegiorum , & Indultorum Apoftolicorum ,
nec non Militiæ præfatæ , etiam juramento , confirmatio-
ne Apoftolica, vel quavis firmitate alia roboratorum, ſta-
tutorum , feù ftabilimentorum quorumlibet præfcripto ,
quàm de ftylo , ufu , & confuetudine , etiam immemora-
bili , feù alias quomodolibet in fimilibus , etiam de necef-
fitate obfervandarum , & alios quofvis , etiam quantumvis
formales , & fubftantiales , ac incogitatos , & inexcogita
biles defectus , fi qui in præmiffis principaliter , vel acceffo-
riè , feù antecedenter confequenter , vel concomitanter ,
aut aliàs quomodolibet intervenerint , feù interveniffe di-
ci , cenferi , prætendi , vel intelligi quomodocumque , &
quandocumque poffent , etiam fi tales fint , ut non nifi
facta eorum fpecifica , & individua mentione , & expreſ-
fione fanari poffint , pleniffime , & ampliffimè fupplemus ,
& fanamus , ac penitus , & omninò tollimus , abrogamus,
& abolemus . Et nihilominus , ad majorem , & abundan-
tiorem cautelam , & quatenus opus fit , ac etiam omni alio
meliori modo , via , jure , & forma , quibus firmius , &
validius facere poffumus , Tibi , ac præfatis tuis Natis ,
Nepotibus , & Defcendentibus , aliifque Familiæ tuæ hu-
jufmodi Succefforibus Parmæ , & Placentiæ Ducibus ,
pro tempore exiftentibus , fuo ordine refpectivè , fupra-
dictum Officium , feù Munus Magni Magiftri , feù per-
petui Adminiſtratoris Militia Aureate Conftantinianæ
præmiffo , vel aliàs certo , quem præfentibus itidem pro
expreffo haberi volumus , modo vacans , cum omnibus ,
& fingulis illius honoribus , juribus , præeminentiis , &
prærogativis folitis , & confuetis , motu , fcientia , delibe-
ratione , & poteftatis plenitudine paribus , harum ferie ,
perpetuò concedimus , & affignamus. Nec non vobifcum
fuper receptionis in fratres Milites , militiæ prædictæ , ſuf-
ceptionis habitus , per eofdem geftari foliti , ac profeffionis,
per illos emitti confueta , regularium , nec non fervitio-
rum quorumlibet à ſtatutis , feù ſtabilimentis hujufmodi
496
præfcriptorum , ac aliarum quarumvis , per eadem ftatuta,
feù ftabilimenta , ac Privilegia , & Indulta Apoftolica ad
obtinendum Officium , feù munus hujufmodi , illiufque
Jurifdictionem , poteftatem , præeminentias , & præroga-
tivas exercendum , quomodolibet , requifitarum , quali-
tatum defectibus , cæterifque impedimentis , quibufvis ,
hac in re vobis , quomodolibet obftantibus , & quando-
cumque obftituris , fuique vobis obftare , quovis modo
prætendi , cenferi , vel intelligi poffent ad præmifforum
effectum , quatenus opus fit , etiam ex nunc , prout ex
tunc , & è contra , de fpecialis dono gratiæ difpenfamus.
Mandantes proptereà in virtute Sanete Obedientiæ , ac
diftrictè præcipientes omnibus , & fingulis memoratæ Mi-
litiæ Officialibus , & Miniftris quocunque nomine nun-
cupatis Milicibus , Fratribus , & perfonis , cæterifque , ad
quos fpectat , & quandocunque fpectabit in futurum , ut
Te ftatim , poft Te vero , prædictos tuos Natos , Nepotes,
& Defcendentes , aliofque memoratæ Familiæ tuæ Suc-
ceffores Parmæ , & Placentiæ Duces , pro tempore exiſten-
tes , ad Officium , feù munus Magni Magiftri , feù per-
petui Adminiſtrator is hujufmodi , ejufque liberum exer
citium , juxtà tenorem præfentium , recipiant , & admit-
tant , vofq; recognofcant , ac vobis in omnibus , quæ ad
idem officium , feu munus pertinent , pareant , & obediant,
fayeantque , & affiftant refpective. Ac decernentes ipfas
præfentes literas , etiamfi in Cancellaria Militiæ prædictæ
nunquam regiftrentur , nec admittantur , nihilominus fir-
validas , & efficaces exiftere , & fore , fuofque ple-
narios , & integros effectus fortiri , & obtinere , ac vobis
pleniffimè fuffragari in omnibus , & per omnia , perinde ,
ac fi ab iis , ad quos ea res fpectat , unanimiter , nemineque
penitùs difcrepante , vel contradicente , admiffæ , & in
Cancellaria prædicta regiftrata fuiffent , neque ipfas præ-
fentes literas , & in eis contenta quæcunque etiam ex eo,

quod quilibet etiam primores , feù primi cujufcumq; fta..


tus , ordinis , præeminentiæ , & dignitatis , feù aliàs fpeci
fica , & individua mentione digni exiftant , in præmiffis
intereffe
497
intereffe habentes , feu habere quomodolibet prætenden-
tes , illis non confenferint , nec ad ea vocati , citati , &
auditi , neque caufæ , propter quas , ipfæ præfentes ema-
narint , adductæ , verificatæ , & juftificatæ fuerint , aut
ex alia quacunque quantumvis jufta , pia , & privilegiata
caufa , colore , prætextu , & capite , etiam in corpore juris
claufo , etiam enormis , enormiffimæ , & totalis læfionis ,

ullo unquam tempore , de fubreptionis , vel obreptionis ,


aut nullitatis vitio , feù intentionis noftræ , aut intereffe
habentium confenfus , aliove quolibet , etiam quantumvis
magno , & fubftantiali , ac incogitato , & inexcogitabili ,
individuamque expreffionem requirente defectu notari ;
impugnari , infringi , modificari , retractari , in contro-
verfiam vocari , aut ad terminos juris , feù ftatutorum ,
vel ſtabilimentorum , ac confuetudinum , ufuum , & pri-
vilegiorum dictæ Militiæ reduci , aut adverfus illas ape-
ritionis oris , reftitutionis in integrum , aliudvè quodcun-
que juris , & facti , vel gratiæ remedium intentari , vel
impetrari , feù impetrato , aut etiam motu , fcientia , &
poteftatis plenitudine paribus conceffo, vel emanato.quem-
piam in judicio , vel extra illud , uti , feù fe juvare , ullo
modo , poffe , nec eafdem præfentes literas fub quibufvis
ſimilium , vel diſfimilium gratiaruni revocationibus , fuf-
penfionibus , limitationibus , aliifvè contrariis difpofitio-
nibus , etiam per nos , & Romanos Pontifices Succeffores
noftros , & Sedem prædictam , quovis modo , etiam per
viam legis , & conftitutionis generalis , feù ſtatuti perpe-
tui , quandocumque faciendis , unquam comprehendi , aut
comprehenfas cenferi , fed femper ab illis exceptas , &
quoties illæ emanaverint , toties in priftinum , & validiſ-
fimum ftatum reftitutas , repofitas , & plenariè reintegra-
tas , ac etiam de novo , fub quacumque pofteriori data
per vos , veftrumvè quemliber eligenda , conceffas intel-
ligi , ac ab omnibus , & fingulis , ad quos fpectat , & pro
tempore fpectabit , inviolabiliter , inconcuffè obfervari
& adimpleri , ficque , & non aliter in præmiffis per quof-
cunque Judices ordinarios , & delegatos , etiam caufarum
Rrr
498

Palatii Apoftolici Auditores , ac S. R. E. prædicta Car-


dinales , etiam de latere Legatos , & dicta Sedis Nuncios ,
aliofvè quoflibet quacunque præeminentia , & poteftate
fungentes , & functuros , fublata eis , & eorum cuiliber
quavis aliter judicandi , & interpretandi facultate , &
auctoritate judicari , & definiri debere , ac irritum , &
inane , fi fecus fuper his , à quoquam quavis auctoritate ,
fcienter , vel ignoranter contigerit attentari , Non obftan-
tibus præmiffis , ac quatenus opus fit , noftra , & Cancella-
riæ Apoftolicæ regula , de jure quæfito non tollendo , aliif-
que Conftitutionibus , & Ordinationibus Apoftolicis , nec
non dictæ Militiæ , aliifvè quibufvis etiam juramento ,
confirmatione Apoftolica , vel quavis firmitate alia robo-
ratis ftatutis , & confuetudinibus , ftabilimentis , ufibus ,
& naturis Privilegiis quòque Indultis , & literis Apofto-
licis eidem Militia , illiufque Fratribus , & perfonis qui-
buflibet , etiam primoribus , feù primis fub quibufcunque
yerborum tenoribus , & formis , ac cum quibufvis , etiam
derogatariarum derogatoriis , aliifque efficacioribus , effi-
caciffimis , & infolitis claufulis , irritantibufque , & aliis
Decretis in genere , vel in fpecie , etiam motu , fcien-
tia , & poteftatis plenitudine paribus ; ac conciftorialiter ,
& aliàs quomodolibet in contrarium præmifforum con-
ceffis , & pluries , ac quantifcunque vicibus confirmatis ,
approbatis , iteratis , & innovatis. Quibus omnibus , &
fingulis etiamfi , pro illorum fufficienti derogatione , de
illis , eorumque totis tenoribus fpecialis , fpecifica , ex-
preffa , & individua , ac de verbo , ad verbum , non au-
tem per claufulas generales , idem importantes , mentio ,

feù quævis expreffio habenda , aut aliqua alia exquifita


forma ad hoc fervanda foret , tenores hujufmodi , ac fi
de verbo , ad verbum , nihil penitùs omiffo , & forma in
illis tradita , obfervata , exprimerentur , & infererentur ,
præfentibus pro plenè , & fufficienter expreffis , & infer-
tis habentes , illis aliàs in fuo robore permanfuris , ad præ-
mifforum effectum , hac vice dumtaxat , fpecialiter , &
expreffè derogamus , & derogatum effe volumus , cæte-
499

rifque contrariis quibufcunque . Datum Romæ apud


Sanctam Mariam Majorem , fub Annulo Pifcatoris , die
vigefima quarta Octobris 1699. Pontificatus noftri An-
no nono.

Subf. J. F. Cardinalis Albanus , & c.

A' tergò cum Annulo Pifcatoris , &c.

Quoique la ceffion de Jean- André l'Ange fut fi folemnellement


approuvée par le Bref du Pape & par le Diplome de l'Empereur ,
neanmoins le Prince Guftave Leopol , Duc de Dupont prétendit ,
que la Charge de Grand- Maiftie de l'Ordre de Conftantin lui avoit
été conferée par quelques Chevaliers de cette Milice , & tâcha d'ob-
tenir du Pape l'approbation de fon élection . Mais l'Agent de l'Or-
dre de Conftantin s'étant plaint à Sa Sainteté des prétentions du
Prince Guſtave , & lui ayant prefenté un placer daté du 27. Mai
de l'an 1700. le Pape commit l'examen de cette affaire à une Con-
gregation de Cardinaux , qui firent le Décret fuivant. In dicta Con-
gregatione deputata habita die 30. Augufti 1700. fuit Decretum , ac re-
folutum omnio gefta per Dominum Ducem de Dupont , five ejus procura-
torem , de quibus agitur penitus & omnino effe nulla , invalida , & de
falto prafumpta , nulliufque omnino roboris ac momenti , ac propterea
nullatenus attendenda effe , & c. Ce Décret des Cardinaux Spada, Pan-
ciatici & Albani , députez par le Pape Innocent XI. fut ſuivi d'un
Bref de Clement XI . qui eft à prefent fur la Chaire de Saint Pierre ,
dont voici une copie authentique.

Rrrij
SANCTISSIMI

CLEMENTIS

PAPE UNDECIMI

BREVE MOTUS PROPRII ,

Superconfirmatione Brevis Apoftolici Falicis Recordationis

INNOCENTII Papa duodecimi Editi pro conceffio-

ne , & affignatione Muneris Magni Magiſterii Mi-


litia Aureata Conftantinianæ , ad favorem D. Ducis
FRANCISCI Ducis Parma , &c. & Sereniffima

ejus Familia, acfuper reprobatione, & declarata inva-

lidate geftorum , feu attentatorum per D. Principem


GUSTAVUM LEOPOLDUM DE

DUPONT Intrufum in prætenfam Adminiſtratio-

nem ejufdem Militia Conftantiniana.

CLEMENS P.P. X I.

D futuram rei memoriam. Aliàs foel. rec. INNO-


AD CENTIUS PP. XII . prædeceffor nofter fupplica-
tionibus dilectorum filiorum Nobilium Virorum Francifci
Farnefii Parmæ , & Placentiæ Ducis , ac Joannis- Andreæ

Angeli Flavii Comneni Principis Macedoniæ , & tunc


Magni Magiftri Militia Aureata Conftantinianæ fub ti-
tulo Sancti Georgii , & Regula Sancti Bafilii Magni no-
mine fibi fuper hoc humiliter porrectis inclinatus , ac
Sor
etiam motu proprio , ex certa fcientia , & matura delibe-
ratione fuis , deque Apoftolicæ poteftatis plenitudine re-
fignationem officii , feu muneris Magni Magiftri , feu
perpetui Adminiftratoris dictæ Militia dicto Franciſco
Duci , ac ejus poft ipfum Natis , Nepotibus , & Defcen-
dentibus , aliifq; ejus Familie Farnefiæ Succefforibus
Parmæ , & Placentia Ducibus pro tempore exiftentibus
à prædicto Joanne- Andrea Principe , & Magno Magiftro,
qui ( ut afferebat ) Nobilis , & antiquæ Familiæ fuæ An-
gela Flavia Comnenæ folus fuperftes , ac non tam Libe-
ris , quàm fpe illos procreandi deftitutus exiftebat ( refer-
vato defuper Apoftolica Sedis beneplacito ) factam , pu-
blicumq; defuper confectum Inftrumentum , feu Scriptu-
ras fub certis modo , & forma nunc expreffis perpetuò con-
firmavit , & approbavit , illifque inviolabilis , & irrefraga-
bilis Apoftolicæ firmitatis vim , robur , efficaciam , & va-
liditatem adjunxit , & adjecit , & nihilominus ad majo-
rem , & abundantiorem cautelam , & quatenus opus effet,
ac etiam omni alio meliori modo , via , Jure , & forma ,
quibus firmiùs , & validiùs facere potuit , eifdem Fran-
cifco Duci , ac ejus Natis , Nepotibus , & Defcendenti-
bus , aliifq; ejus Familiæ Farnefiæ Succefforibus Parma,
& Placentia Ducibus pro tempore exiftentibus , fuo or-
dine refpectivè fupradictum officium , feu munus Magni
Magiftri , feu perpetui Adminiftratoris Militia Aurea-
tæ Conftantinianæ præmiffo , vel aliàs certo , quem pro
expreſſo haberi voluit , modo tunc vacans , cum omni-
bus , & fingulis illius honoribus , juribus , præeminen-
tiis , & prærogativis folitis , & confuetis , motu , fcientia ,
deliberatione , & poteftatis plenitudine paribus , perpetuò
conceffit , & affignavit , & aliàs prout in ipfius Innocentii
prædecefforis literis defuper in fimili forma Brevis die
XXIV . Octobris M. DC . XCIX . expeditis , quarum

tenorem præfentibus pro plenè , & fufficienter expreffo ,


& de verbo ad verbum inferto haberi volumus uberius
continetur ; Poftmodum verò cum dilectus etiam filius

Nobilis Vir Gustavus Leopoldus Princeps de Dupont à


Rrr iij
502
dicto Innocentio prædeceffore petiiffet quandam Electio
nem , quam de fui Perfona in Magnum Magiftrum , feu
perpetuum Adminiftratorem dicte Militiæ à nonnullis
illius Fratribus , feu Militibus factam fuiffe afferebat , con-
firmari ; fed prædicta Innocentii prædecefforis literæ ad
ejufdem Francifci Ducis favorem jam expeditæ reperiren-
tur , illarumque exemplum ipfi Guftavo Leopoldo Prin-
cipi , ut earum difpofitioni , & ejufdem Innocentii præde-
cefforis Voluntati acquiefceret exhibitum fuiffet , ac nihi-
lominus dictus Guftavus Leopoldus Princeps die xxv. Mar-
tii anni proximè præteriti per quemdam fuum Procurato-
rem ad id fpecialiter conftitutum prætextu memoratæ
Electionis , licèt invalidæ, & à paucis dicta Militia Fratri-
bus , feu Militibus , abfque ulla legitima auctoritate , ac
folemnitatibus per Sacros Canones ad Electionis celebra-

tionem requifitis factæ , Habitum, & Crucem Militiæ præ-


dictæ duobus Religiofis Hifpanis, nempe Francifco Valen-
tino de Lucca Ordinis Fratrum Sanctiffimæ Trinitatis Re-
demptionis Captivorum profeffori , & Bartholomæo Penf-
pont Monacho , feu Fratri Expreffi profeffo Ordinis San-
i Hieronymi in Hifpania tradere præfumpfiffet , & aliàs
prout in publico Inftrumento fuper traditione hujufmodi
per acta cognominati Orfini Notarii Capitolini confecto
diffufiùs continetur. Idem Innocentius prædeceffor , ad
cujus notitiam id fubinde pervenerat , hoc negotium ad
Congregationem trium S. R. E Cardinalium , de quorum
numero tunc in minoribus conftituti , eramus , à fe fpecia-
liter deputatam , remifit ; Ipfaque Congregatio Cardina-
lium fuum quidem defuper Decretum , & refolutionem
edidit , fed dicti Innocentii prædecefforis infirmitate , &
deinde obitu fuperveniente , literæ Apoftolicæ , quas ea-
dem Gongregatio Cardinalium fuper Decreto , & refolu-
tione prædictis expedire poffe cenfuerat , minimè expedi-
ri potuerunt. Nos proindè Decreto , & refolutioni hujuf
modi inhærentes , ipfiufque Innocentii prædecefforis li-
teras ad dicti Francifci Ducis favorem , ut putatur , ema-

natas perpetuò firmas , & inviolatas permanere volentes ,


*503
ac prædictæ Electionis modum , & formam nec non om-
nium , quæ illius prætextu à prædicto Guftavo Leopol-
do Principe quovis modo acta , & gefta fint , feriem , cau-
fas , & circunftantias univerfas , aliaq; quæcunque , etiam

fpecificam , & individuam mentionem , & expreffionem


requirentia , præfentibus pro plenè , & fufficienter expref-
fis , & exactè fpecificatis habentes , motu proprio , ac ex
certa fcientia , & matura deliberatione noftris , deque A.
di-
poftolicæ poteftatis plenitudine , omnia , & fingula per
&tum Guitavum Leopoldum Principem , & memoratum
ejus Procuratorem dicte Electionis prætextu quomodoli-
bet acta , gefta , & ordinata , cum omnibus inde fecutis , &
forfan quandocunque fecuturis penitus , & omnino nulla ,
inania , invalida , irrita , attentata , ac propterea nullate-
nus attendenda effe , & perpetuò fore ; idque in margine
dicti Inftrumenti , ad hoc ut in eo contenta pro irritis ,

nullis , invalidis , viribufq ; & effectu penitus , & omnino


vacuis femper habeantur , adnotari debere tenore præfen-
tium decernimus , & declaramus ; Ac præterea dilecto
filio noftro in dicta Urbe Vicario in fpiritualibus Gene-
rali , & aliis , ad quos fpectat , harum ferie committimus ,
& mandamus , ut Francifcum Valentinum , & Bartholo-
mæum Religiofos præfatos ad redeundum ad Clauſtra
fuarum Religionum opportunis Juris remediis auctoritate
noftra Apoftolica cogant. Decernentes etiam eafdem præ-
fentes literas , & in eis contenta quæcunque , etiam ex eo
quòd Guftavus Leopoldus Princeps , & Religiofi præfati ,
& alii quicunque in præmiffis intereffe habentes , feu ha-
bere quomodolibet prætendentes , cujufvis ftatus , gradus ,
ordinis , præeminentiæ , & dignitatis exiftant , feu aliàs
fpecifica , & individua mentione , & expreffione digni il-
lis non confenferint , feu ad ea vocari , citari , & audiri ,
caufæque propter quas præfentes emanarint fufficienter
adductæ , verificatæ , & juftificatæ non fuerint , aut ex
alia qualibet , etiam quantumvis juridica , & privilegiata
caufa , colore , prætextu , & capite etiam in corpore Juris
claufo , etiam enormis , enormiffimæ , & totalis læfionis
504
nullo unquam tempore de fubreptionis , vel obreptionis ,
aut nullitatis vitio , feu intentionis noftræ , aut intereſſe
habentium confenfus , aliove quolibet etiam quantùmvis
magno , & fubftantiali , ac incogitato , & inexcogitabili ,
individuamque expreffionem requirente defectu notari ,
impugnari , infringi , retractari , in controverfiam vocari ,
aut ad terminos Juris reduci , feu adversùs illas aperitionis
oris , reftitutionis in integrum , aliudve quodcunque Ju-
ris , Facti , vel Gratiæ remedium intentari , vel impetra-
ri , aut impetrato , feu etiam motu , fcientia , & poteftatis
plenitudine paribus conceffo , vel emanato quempiam in
Judicio , vel extra illud uti , feu fe juvare ullo modo pof-
fe , fed ipfas præfentes literas femper firmas , validas , &
efficaces exiftere , & fore , fuofque plenarios , & integros
effectus fortiri , & obtinere , ac ab illis , ad quos fpectat ,
& pro tempore quandocunque fpectabit inviolabiliter , &
inconcufsè obfervari ; Sicque , & non aliter in præmiffis per
quofcunque judices ordinarios, & delegatos etiam caufarum
Palatii Apoftolici Auditores , ac dicta S. R. E. Cardinales
etiam de Latere Legatos , & Apoftolicæ Sedis Nuntios ,
aliofve quoflibet quacunque præeminentia , & poteftate
fungentes , & functuros fublata eis , & eorum cuilibet qua-
vis aliter judicandi , & interpretandi facultate , & aucto-
ritate judicari , & definiri debere , ac irritum , & inane ,
fi fecus fuper his à quoquam quavis auctoritate fcienter ,
vel ignoranter contigerit attentari , non obftantibus præ-
miffis Conftitutionibus , & Ordinationibus Apoftolicis ,
nec non dicta Militiæ , aliifve quibufvis etiam juramen-
to , confirmatione Apoftolica , vel quavis firmitate alia ro-
boratis Statutis , & confuetudinibus , ftabilimentis , ufibus ,

& naturis , privilegiis quoque , indultis , & Literis Apo-


ftolicis eidem Militia , illiufque Fratribus , & Perfonis
etiam primoribus , feu primis fub quibufcunque verborum
tenoribus , & formis , & cum quibufvis etiam derogato-
riarum derogatoriis , aliifq ; efficacioribus efficaciffimis , &
infolitis claufulis , irritantibufque , & aliis Decretis in ge-
nere , vel in ſpecie etiam motu , fcientia , & poteftatis ple-
nitudine
nitudine paribus , ac Conciftorialiter , & aliàs quomodoli-
bet in contrarium præmifforum conceffis , & pluries , &
quantifcunque vicibus confirmatis , approbatis , iteratis ,
& innovatis. Quibus omnibus , & fingulis etiamfi pro il-
lorum fufficienti derogatione de illis , eorumque totis te-
noribus fpecialis , fpecifica , expreffa , & individua , ac de
verbo ad verbum , non autemper Claufulas generales idem
importantes mentio , feu quævis alia expreffio habenda ,
aut aliqua alia exquifita forma ad hoc fervanda foret ,
tenores hujufmodi , ac fi de verbo ad verbum nihil peni-
tus omiffo , & forma in illis tradita obfervata exprimeren-
fur, & infererentur præfentibus pro plenè , & fufficienter
expreffis , & infertis habentes illis aliàs in fuo robore per-
manfuris ad præmifforum effectum hac vice dumtaxat
fpecialiter , & exprefsè derogamus , & derogatum effe vo-
lumus , cæterifque contrariis quibufcunque. Datum Ro-
mæ apud Sanctum Petrum fub Annulo Pifcatoris die XX.
Aprilis M. DCCI . Pontificatus Noftri Anno Primo.

Subfcript. F. Oliverius.

Le Pape Clement XI . voulant marquer fon zele envers l'Ordre


de Conftantin , à l'exemple des Papes Clement X. Innocent XI.
& Alexandre VIII . fes prédeceffeurs , par un Bref du premier Avril
1701 , députa le Cardinal Pamphile pour être le Protecteur de cetre
illuftre Chevalerie. Le Pape Clement XI . avoit exercé cette Char-
ge pendant qu'il étoit Cardinal , comme il le dit lui-même dans
Ton Bref, qui eft conçû en ces termes.

$ s.s
506

** ******

DILECTO FILIO NOSTRO BENEDICTO

S. R. E. Diacono Cardinali Pamphilio nuncupato.

CLEMENS PAPA X I.

Dllecte fili nofter , falutem , & Apoftolicam Benedi-


&tionem. Cum Religio , feu Militia Angelica , Au-
reata , Conftantiniana fub titulo Sancti Georgii , & Regu-
la Sancti Bafilii , cujus Nos dum Cardinalatus honore fur-
gebamur , Protectores Apoftolica auctoritate deputati era-
mus , per noftram ad Summi Apoftolatus apicem , aſſum-
ptionem Protectore deftituta remanferit . Nos eidem Re-
ligioni , feu Militia de idoneo Protectore hujufmodi pro-
videre volentes , ac de tuæ circonfpectionis fingulari pru-
dentia , doctrina , integritate , & Religionis zelo plurimum
in Domino confifi : Motu proprio , ac ex certa ſcientia , &
matura deliberatione noftris , Te ex cujus protectione , ob
tuas eximias virtutes Religionem feu Militiam hujufmo-
di plurimum commodi , & ornamenti fufcepturam effe
confidimus , prædicte Religionis , feu Militiæ , illiufque
domorum ac Militum , & aliorum Fratrum quomodocun-
que apud Nos , & Sedem Apoftolicam Protectorem cum
omnibus honoribus , & oneribus folitis , & confuetis (fer-
vata tamen forma Conftitutionis Fel . Record. Innocentii

Papæ XII . prædecefforis noftri fuper moderatione Facul-


tatum Protectorum Ordinum Regularium editæ ) ad tui
vitam auctoritate Apoftolica tenore præfentium facimus
& deputamus. Mandantes proptereà dilectis filiis Magno
Magiftro , & aliis Superioribus , nec- non univerfis Fra-
tribus , & perfonis quibufcunque dictæ Religionis , ſeu Mi-
litiæ , in virtute Sanctæ Obedientiæ , ut Te in eorum Pro-

tectorem juxta tenorem præfentium recipientes ea , qua


debent reverentia , profequantur contrariis quibufcun-
que non obftantibus. Cæterum in Domino hortamur >, ut
Page 507.

Grand Maître de l'Ordre

de Constantin
507
hujufmodi Protectoris munus ita obire ftudeas , ut apud
Deum bonorum operum retributorem æternum præmium,
& à Nobis condignam laudem valeas promereri. Datum
Romæ apud Sanctum Petrum fub annulo Pifcatoris die
us noftri anno primo. Sum-
. prima Aprilis 1701. Pontificat
ptum ex minuta originali Brevium Secretorum San& tiſſimi
Domini noftri Clementis Papæ Undecimi.
Loco † figilli F. OLIVERIUS .

REPRESENTATION DU GRAND-

Maître de l'Ordre de Conftantin avec fes Habits


de Cérémonie.

Près avoir recueilli dans cet Ouvrage ce qui m'a


A paru de plus raisonnable en faveur de l'Ordre de
Constantin , & fait la defcription du Collier & des Mar-
ques de cette Chevalerie , le Lecteur fera fans doute bien-
aife que je lui reprefente ici le Grand-Maître de cette ce-
lebre Milice , revêtu de fes Habits de Cérémonie.
L'habillement ( a ) de ce Grand- Maître , quand il pa-
roît en public dans les Cérémonies , ou qu'il affifte au
Confeil de cet Ordre , confifte en un pourpoint & un haut-
de-chauffe rouges , auffi-bien que les bas & les fouliers , &
par-deffus une vefte de toile d'argent defcendant jufqu'aux
genoux , & ayant les manches affez larges. Cette veſte
eft ceinte d'un ceinturon de velours rouge , auquel eft
attachée l'épée , & deffus cette vefte il porte un grand
manteau traînant à terre de velours bleu , doublé de toile
d'argent , & attaché au cou avec deux cordons tiffus d'or

& de foye rouge defcendant jufqu'à terre. A côté du man-


teau eft la Croix de l'Ordre rouge , orlée d'or , terminée
aux quatre coins en fleurs de lys , fur lefquels font ces qua-

( a ) Hiftoire des Ordres Monaftig. 1. p. ch-p. 3 .


Sss ij
508
tre lettres I. H.S. V. qui veulent dire : In hoc figno vin-
ces. Le nom de Jefus- Chrift exprimé par ces deux autres
Lettres Grecques X. & P. eft au milieu , & à côté ces
deux autres Lettres A. & 2. Le grand Collier qu'il porte
fur le manteau eft compofé du même Monogramme X.
& P. dans quinze ovales d'or émaillées de bleu. On peut
voir la figure de ce Collier page 455. Le bonnet de ce
Grand - Maître eft à la Macedoine de la hauteur d'un

palme , & de velours cramoifi , doublé de fatin blanc ; il


eft retrouffé en quatre endroits avec le Monogramme X.
& P. en broderie d'or , & orné d'une plume d'Autruche
noire.

Les Grands - Croix ont un pourpoint & un haut-de-


chauffe bleus , & par-deffus une vefte blanche defcendant
jufqu'aux genoux. Leurs bas & leurs fouliers font blancs
auffi , le ceinturon de velours rouge , & le manteau qui
n'eft pas fi long que celui du Grand- Maître , & à côté du-
quel eft la Croix de l'Ordre , eft de damas bleu doublé
de blanc. Ils ont droit auffi de porter le grand Collier , &
leur bonnet orné de plumes blanches eft de fatin bleu ,
ayant aux quatre côtez le Monogramme X. & P. en bro-
derie d'or.

Les Chevaliers de Juſtice ont le même habillement ,


excepté que le manteau eft d'armoifin bleu ondé , & qu'ils
ne peuvent pas porter le Grand-Collier. Ils ont feulement

au cou une chaîne d'or , d'où pend la Croix de l'Ordre


émaillée de rouge. Les Chevaliers Ecclefiaftiques , qui
font nobles, ont un grand manteau bleu & un bonnet quar-
ré de velours de la même couleur , avec le Monogramme

X. & P. aux quatre côtez . Les Prêtres d'Obedience ou


Chapelains ont dans les Cérémonies un furplis de taffetas
bleu avec des franges tout au tour , & à côté la Croix de
velours rouge ; mais hors les Cérémonies , ils portent au
cou une Croix d'or , & fur le manteau une Croix de laine

rouge orlée d'un cordon de laine jaune. Quant aux Fre-


res Servans , ils ont feulement une écharpe bleue de taffe-
tas , qui paffe depuis l'épaule droite jufqu'à la hanche gau-
509
che , avec une demi Croix au milieu , à laquelle manque
le croifillon d'enhaut. Lorſque les Chevaliers font à la
Guerre , & combattent pour la foi , ils doivent porter
une fupra- vefte en forme de Scapulaire de drap blanc ,
ayant au milieu une Croix 1ouge.

Sss
510.

GGGGRRRGGG

TABLE ALPHABETIQUE , HISTORIQUE

& Chronologique des Ordres & des Religions Militaires ,


dont il eft fait mention dans cet Ouvrage.

Les chiffres marquent la page du Livre où il en eft traité.

Leurs noms. Leursfondateurs. Quelle année. En quel lieu page


|
A
L'Ordre de Le Roi Ula- L'an 1325. En Polo- 155.
l'Aigle Blanc. diflas V. fur- gne.
nommé Lokter.
L'Ordre de Le Roi AI- L'an 1166. En Portu- 233.
l'Aîle de Saint phonfe [. gal.
Michel.
L'Ordre de La Reine Environ l'an En Suede. 278.
l'Amaranthe. Chriftine. 1640 .
L'Ordre de
l'Amour du pro- L'Imperatrice L'an 1708. " A Vienne. 453.
chain Chriftine.
1 L'Ordre de On ne fçait S'il n'eft pas für A Rheims 122.
la fainte Am- pas fi c'eft Clo- qu'il foit du V. en France.
poule. vis. fiécle , au moins
ilest fort ancien .
L'Ordre de On l'attribue Vers le com- En Ecoffe. 149.
S André du au Roi Achajus. mencement du
Chardon & de IX. fiécle.
la Ruë.
L'Ordre de S. Le Czar. L'an 1698. En Mofco- 159.
André. vie.
L'Ordre de Amedée VI. L'an 1355. En Savoye. 156.
l'Annonciade. Comte de Sa-
voye,dit le verd.
L'Ordre de S. Gafton & Gi- Versl'an 1095. AVienne en 225.
Antoine. rard,pere & fils. Dauphiné.
L'Ordre d'A- Le Roi Al- En 1147 . En Portu- 265.
vis. phonse I. de ce gal.
nom.
B
L'Ordre du On l'attribuë Depuis envi- En Angle- 136 .
Bain. à Henry IV. ron 1399. juf terre.
qu'en 1413
L'Ordre de la Alphonse XI. Vers l'an 13,0. Dans la Vil- 156.
Bunde , ou de du nom Roi de le de Palen-
l'Echarpe. Leon & de Caf- ce en Eipa-
tille.
gne.
des Ordres des Religions Militaires. SII

Leurs noms. Leurs fondateurs. En quel lieu page


| Quelle année.
L'Ordre de On ne sçait Vers le com- En Arme- 472.
Saint Blaife. pas fon Fonda- mencement du nie.
teur. XII.fiécle.
L'Ordre de Sainte Brigit- L'an 1366 En Suede. 60.
Sainte Brigitte. te .
C
L'Ordre de Le Roi San- En 1:58. En Caftil 264 .
CALATRAVA. chez III. le.
L'Ordre de Son Fonda- Vers l'an 1963. Sur le 126.
Sainte Catheri- teur eft incon- ou dans le XII. Mont-Sinaï.
ne au Mont -Si- nu. fiécle .
naï.
L'Ordre de Le Czar. L'an 1715. En Mof- 453.
Sainte Catheri- covie.
ne.
L'Ordre du Louis II. Duc En 1370. A Moulins 153.
Chardon & de Bourbon , fur- en France .
Nôtre-Dame. nommé le Bon.
L'Ordre de la Le Roi Henry On ne sçait En France. 154.
Charicé chré- III. pas l'année .
tienne.
L'Ordre du On ne fçait Elle eft incer- En Fran- 150.
Chien & du pas qui l'a éta- taine. ce .
Coq. bli.
L'Ordre de Le Roi Denys L'an 1318. En Portu- 225.
Chriſt. VI. du nom. gal.
L'Ordre de Guy de Lufi- En 1195 . Dans l'Ifle 135.
Chypre ou de gnan , Roi de de Chypre.
l'Epée. Jerufalem & de
Chypre.
L'Ordre du Quelqu'un des L'an 711. mais Dans le 150.
Ducs de Cleves, cela eft incer- Duché de
Cigne.
ou Beatrix fille tain. Cleves.
d'un de ces
Ducs.
L'Ordre de On l'attribuë L'an 317.felon En Grece. 71.
Conftantin . à Conftantin le Baronius , cela
Grand. n'eft pas fûr.
L'Ordre de S. Des perſonnes Environ l'an En Palefti- 125.
Come & de S. riches , qui bảo ne.
1030.
Damien. tirent un Hôpi-
tal en Jerufa-
lem.
L'Ordre de Le Roi Char- Vers le com- En Alle- 144.
la Couronne lemagne. mencement du magne.
Royale. IX . fiécle.
L'Ordre de la Anne de Bre- L'an 1498. En Fran- 274.
Cordeliere. ce.
tagne.
512 Table Alphabetique & Chronologique.

Leurs noms. Beurs fondateurs. En quel lieu.


| Quelle année. page

L'Ordre du René d'Anjou L'an 1448. Dans la Vil- 129.


Croiffant. Roi de Jerufa- le d'Angers
lem, & de Sicile. en France.
L'Ordre des Eleonore de L'an 1668. A Vienne. 276.
Dames de la Gonzague veu-
Croix. ve de l'Empe-
reur Ferdinand
II.

L'Ordre du L'Empereur Si- En 1418. En Alle- 134.
Dragon renver- gifmond . magne.
fé.
L'Ordre de S. Saint Domi- L'année eft in- Dans le Dio- 227.
Dominique , ou nique. certaine. cefe d'Albi
la Milice des en Langue-
Chevaliers de J. doc.
C.
E
L'Ordre de Par le Roi L'an 1478. Dans la Vil- 59.
l'Elephant. Christierne I, le de Lunde
Capitale du
Dannemark,
L'Ordre des L'Imperatrice L'an 1662. A Vienne. 277 .
Efclaves de la Eleonore.
vertu .
L'Ordre du Henry III, L'an 1578. En France. 131.
Saint-Efprit,
L'Ordre du Innocent III. L'an 1198. A Rome. 222,
Saint-Elprit. le renouvella.
L'Ordre de S. Cofme de Me- L'an 1561. En Toſca- 224.
Eftienne. dicis. ne.
L'Ordre de Le Roi Ro- L'an 1022. En France. 123.
l'Etoile. bert,
G
L'Ordre de Le Roi Saint L'an 1234. En France. 125.
la Coffe de Ge- Loüis.
meite.
L'Ordre de S. Le Roi Pierre Environ l'an En Arra- 233.
George d'Alfa- II de ce nom. 1201.
gon .
ma.
L'Ordre de S. Philibert de L'an 1399. En Bour- 199.
George. Molan. gogne.
L'Ordre de S.. L'Empereur Vers l'an 1470. En Carin-
Frederic III. ou ou 1495. 233.
George. thie & en
Maximilien. Autriche.
L'Ordre de S. On ne connoît Le temps eft A Genes . 141 .
George, pas l'Inftituteur. incerrain.

L'ordre
des Ordres des Religions Militaires.

Leurs noms, Leurs fondateurs- Quelle année. En quel lieu page

L'Ordre de S. Le Pape Ale- L'an 1498. A Rome. 139.


George. xandre VI.
L'Ordre de Le Pape Paul On ne fçait A Ravenne. 36.
Saint George. III. pas l'année
L'Ordre de Le Fondateur L'année eft in- En Hon- 472.
Saint Gerion . eft inconnu . certaine. grie.
H
L'Ordre de Raimond Be- A Tortofe 271.
On ignore le
la Hache. ranger I. Comte temps. en Catalo-
de Barcelonae.
gne.
L'Ordre de Le Roi Ferdi- En 1464.
PHermine. A Naples. 59. I
nand V.
L'Ordre de Jean V. dit le Environ 1365. En Breta- 47
l'Hermine. Vaillant.
gne.
i.
L'Ordre de Treize Gen- Vers l'an 1170.
En Eſpa- 261.
Saint Jacques tilshommes . gne.
de l'épée.
L'Ordre de Ferdinand Roi L'an 1310. En Elpa- 134
la Jara ou du deCaftille . gne.
Vafe de la Sain-
te Vierge.
L'Ordre de Un Roi d'An- On ne con- En Angle- 157.
la Jarretiere. gleterre dont on vient pas du terre.
ne fçait pas le temps.
nom .
L'Ordre de On l'attribuë L'année eft in . A Ancone. 226.
S. Jean-Baptifte à un Pape Ale- certaine. en Italie.
& de S. Tho- xandre."
mas.
L'Ordre de Le Pape Paul L'an 1618. En Italie. 140.
Jefus-Maria. V.
L'Ordre du Le Roi Ma- L'an 1334. En Suede. 138
Nom de Jefus gnus IV.
ou des Sera .
phins.
L'Ordre de S. Il eft incon- L'an 1495. En Espagne. 265
Julien du Poi- nu.
rier.
L'
L'Ordre de Des Hôpita- Vers le com- En Palefti- 2520
Saint Lazare & liers , on l'unit mencement du ne , & en
de Nôtre-Dame à d'autres Or- XII. fiécle. France.
du Mont - Car- dres. T
mel.
L'Ordre de Le Pape Sixte L'an 1587. En Italie. 140
Notre-Dame de V.
Lorette.
Ttt
:
514 Table Alphabetique & Chronologique 3

Leurs noms. Leurs fondateurs. Quelle année. En quel lieu page

L'Ordre de S. Louis le Grand L'an 1693. En Fran- 154.


Louis. Roi de France. ce.
L'Ordre de Le Roi Gar- En 1048. Dans la Na- 12f.
Notre-Dame du cias IV.du nom . varre.
Lys.
.M
L'Ordre de Jean Chefnel L'an 1614. En Fran- 236.
Sainte Magde- le propofa à ce.
laine. Louis XIII.
L'Ordre de Le Bien - heu- En 1104. A Jerufa- 237.
Malte. reux Gerard . lem. -
L'Ordre de Les Venitiens . Environ l'an A Venife. 151.
S. Márc. 831.
L'Ordre de Emmanuel Phi- Vers l'an 1572. En Savoye. 234.
Saint Maurice. libert Duc de
Savoye.
L'Ordre de Jacques I:Roi En 1218. En Eſpa- 229.
Nôtre-Dame de d'Arragon. gne.
la Merci.
L'Ordre de Le Roi Louis L'an 1469. Au Château 129.
Michel. XI. d'Amboife.
L'Ordre de Charles de L'an 1618. En la Ville 137.
d'Olmitz.
la Milice Chré- Gonzague Duc
tienne. de Cleves.
L'Ordre de Barthelemi L'an 1237. En Italie. 448.
la Mere de Dieu. Evêque de Vi-
cence.
L'Ordre de Il eft inconnu . Vers l'an 180. En Palefti- 260.
ne.
Montjoye.
L'Ordre de Jacques Roi L'an 1316. ou En Eſpa- 226.
Montefe. d'Arragon & de 1317. gne.
Valence .
L'Ordre de On ne le fçait Vers le XII. En Eſpa- 23
fiécle ou Pan gne.
Montreal, dit de pas.
S. Sauveur. 1315.
N
L'Ordre du Saint Louis L'an 1262. En France. 128.
Navire. Roi de France.
O
L'Ordre de " L'Empereur . L'an 1213 En Suiffe 137:
J'Ours ou de S. Frederic II.
Gal.
P
L'an 1520. A Rome. 139.
L'Ordre de S. Le Pape Leon
Pierre. X. de la Maiſon
de Medicis.
Paul III. de L'an 15.40. A Rome. 139,
Il fut réüni
des Ordres & des Religions Militaires. SIS

Leurs noms. Leursfondateurs. Quelle année. En quellieu. page

avec celuy de S. la Maiſon Far-


Paul. nefe.
L'Ordre des Le Pape Pie L'an 1565. En Italie. 17 .
1
Pies. IV.
L'Ordre du Louis de Fran- L'an 1393 ou En France. $$
Porc - Efpic. ce , Duc d'Or- 1394.
leans.
R
L'Ordre du Frederic Ar- L'année eft in- En Elpa- 23
Rofaire. chevêque deTo- certaine. gne.
lede.
S
L'Ordre du Vincent Duc L'an 1608, A Mantoüe. 141
Sang de Jefus de Gonzague
Christ . IV. Duc de
Mantoüe.
L'Ordre du Baudouin Roi L'an 1110. En Palefti- 245;
de Jerufalem. ne.
Saint Sepulcre.
T
L'Ordre des Neuf Gentils- L'an 1119. En Jerufa- 2478
hommes. lem.
Templiers.
L'Ordre de Silvius -Nim- L'an 1652. En Silefie. 4524
la Tête-morte. red , Duc de
Vvurtemberg.
L'Ordre de la Philippe lur- L'an 1429. A Bruges 35+
nommé le Bon , en Flandres.
Toifon d'Or.
Duc de Bour-
" gogne .
L'Ordre de Le Roi Al- L'an 1257. En Caftil- 230%
• pho nfe dit le Sa- le.
Truxillo.
gc.
V
L'Ordre de la Trois Freres L'an 1618. A Spelle 140
nommez Petri- villed'Italic,
Vierge,
gna.

Πέτ ij
TABLE

DES MATIERES

A de Chevaliers. 233.
Alphonfe XI. Roi de Caftille
fonde l'Ordre de la Bande
Byllin(Baltazar ,) Auteur fa-
buleux . page 127. 156. Statut curieux de cet Or-
Acacius Roi d'Ecoffe établit l'Or- dre. Ibid.
dre de Saint André du Chat- Amaranthe , Ordre de Chevale-
don. 149. rie. 278.
Adoubé , ce que c'eft qu'un Che. Amé VII. eft créé Chevalier par
valier adonbé. 338. Grandfon. 13.
Advouez , ils font très- anciens Amedée VI . Comte de Savoye ,
209. Charlemagne reçoit le fonde l'Ordre des Lacs d'a-
titre d'Advoüé , ou de Prote- mour , 136. Amedée VIII . le
teur
& de l'Eglife . Ibid. A 14 fait appelles l'Ordre de l'An-
l'exemple de l'Eglife de Rome nonciade. 157.
' les autres choifirent des Ad- Ampoule, ( Sainte ) Ordre de Che-
voüez , 210. On les faifoit valerie. 122 .
Chevaliers pour exercer certe André (Saint) du Chardon, Ordre
Charge. Ibid. Ils levoient des Militaire , 149. Collier de cet
Troupes fous les Bannieres des Ordre. 150.
Eglifes. Ibid. La plupart des André(Saint)en Mofcovie , Ordre
Eglifes d'Allemagne avoient de Chevalerie... 159.
des Advoüez , 2 ! 1 .
Amurat Empereur des Turcs
Affranchis ne pouvoient être en- avoit dans fa Bibliotheque
rollez parmi les Romains . 26. 128. Manufcrits , qu'on appel-
Aides , les Chevaliers en pou- loit de Conftantin 108. pour-
voient exiger. 417. quoi ainfi nommez . Ibid.
Aigle blanc , Ordre de Chevale- Angeli de Drivato établiſſent en
rie. Italie l'Ordre de Conftantin ,
155.
Alle de Saint Michel , Ordre Mi- 109. fe difent Grands - Maîtres
1.taire. 253. de cet Ordre , Ibid. Ils jufti-
Alexandre V. Pape fonde l'Ordre fient leur droit par des pieces
de S. George . $39. autentiques , 110. Paul III . les
Aifama , Saint George , Ordre reconnoît comme iffus des

:
·
TABLE DES MATIERES,
317
Empereurs Grecs . Ibid, Autre
preuve qu'ils font fortis de la B
famille des Empereurs de Gre-
ce , III. Plufieurs Papes leur Achelier , ce qu'on entend
accordent de grands privile B par ce mot. 7.
ges , 112. repandent leur Or- Bain , Ordre de Chevalerie. 136.
dre en plufieurs endroits de Bande , Ordre Militaire. 156.
l'Europe , 113. Ils transferent Banneret , titre que l'on donnoit
la qualité de Grand- Maître au aux Grands Seigneurs , 8. Ils
Duc de Parme , 116. Le Pape avoient droit de porter une
& l'Empereur confirment cet- Banniere quarrée . 8. & 9.
te ceffion , 117, Reflexions fur Barbazan enseveli dans le Sepul
ces deux pieces , 117. 118. chre de nos Rois à Saint De
Anne de Bretagne inftitue l'Or- nys. 55.
dre de la Cordeliere , 274. Baron , Seigneur ancien. 11.
Méprife de quelques Auteurs Bataves , très - confiderez parmi
fur cet établiffement. 275 les Allemans ,, 25. Ils font ap-
Annonciade,Ordre Militaire, 156. pellez les freres & les amis des
Saint Antoine de Vienne , Ordre Romains. Ibid.
· Hofpitalier, 225. Autre Ordre Baudouin Empereur de Conftan-
du même nom en Ethiopie , tinople fait des Chevaliers de
127. Conftantin . 99 .
Arbre de Confanguinité, 323. Ex- Beatrix , fille du Duc de Cleves ,
plication de cet Arbre. 324. fonde l'Ordre du Cigne , 150 .
Appertife d'armes combats d'hon- Tout ce qu'on en dit fent la
neur , 188. Celebre Appertife fable. Ibid.
d'armes faite à Bordeaux . 189 . Beauvais , generofité des Dames
Armes , la jeuneffe parmi les an- de cette Ville , 273. Elles font
ciens Germains les recevoient lever le Siege au Duc de Bour-
avec de grandes ceremonies a gogne. Ibid. Honneurs qu'on
23. leur rend. Ibid. Conte agréa-
Artus Roi chimerique. 6. ble fur ce fujet.. Ibid.
Aftur eft fait Chevalier par fon Bierlinch, (Laurent, met David
· pere. 13. ... & les Machabées au nombre
Audouin Roi des Lombards ne des Chevaliers. 21,
veut admettre fon fils à fa ta- Bellin Peintre fameux eft fait Che.
ble , & pourquoi. 182. valier par Mahomet II. 180 .
Avis , Ordre de Chevalerie, 265. Biffipats , Princes Grecs fe reti-
Auteurs qui ont parlé en faveur rent en France , 106. Pourquoi
de l'Ordre de Conftantin. ainfi appellez. Ibid. Leur Ge-
75. &feq. nealogie. Ibid.
Blaife(Saint) , Ordre de Chevaliers
en Armenie. 472.
Tet ij
318 C TABLE DES MATIERES.
Bourbon , furnommé le Bon Duc , Ceremonies obfervées quand on
fe diftingue au fiege de Ver. donne la Chevalerie , 334. &
teüil , 6. Il entre dans la mi- Seq. Elles ont varié fuivant les
ne l'épée à la main , Ibid. fait temps & les Nations , 335. &
Chevalier Renauld dans la feq. Dans les premiers fiecles ,
mine. 57. 336. Dans le XII. fiecle , 346.
Bracelets Augufte en donnoit Dans le XIII , fiecle, 347. Dans
pour recompenfer les Soldats . le XIV. 349. Ceremonies qui
17 . s'obfervent à prefent , 351. El-
Brigitte, ( Sainte,) Ordre de Che- les font toutes rapportées dans
valiers. 60. le Roman de Garin , 339. Dans
Brioude , on y établit un Ordre celui du vieux Renard , 340.
Militaire fous le nom de Saint & dans celui de Girard , 353

Julien , 159. Preuves de ce fait, Ceremonies , leur fignification my-


160. Reflexions fur ces preu- fterieufe , 341. Signification du
ves, 161. Bain, de l'épée, &c. 342. Dans
quelle ceremonie confere-t- on
C la Chevalerie. 355.
Ceremonies quand on fait un Che-
Ajus eft
eft le
le premier qui ait valier de Malte , 343. de Nó-
porté le titre de Prince de tre- Dame du Mont- Carmel , ་
la jeuneſſe , 37. Infcriptions 345.
qui lui donnent cette qualité . Chanceliers de France , voyez Se-
38. cretaires.
Calatrava , Ordre Militaire. 264. Chardon , Ordre Militaire fondé
Candie , on y a fonde des Com à Moulins. 153.
manderies pour Charité , Ordre établi Henri
l'Ordre de par
Conftantin . 99. III. 154.
Cantacuzene Empereur fit plu- Charlemagne. On dit qu'il a inſti-
fieurs Chevaliers le jour de fon ( tué l'Ordre de la Couronne
couronnement. 101. & feq. 144. L'Acte de cette inftitu,
Cap de Bufchs ou Captalat , titre tion eft très- remarquable, 145,
de Principauté . 7. Il y en a eu Ce Prince reçoit le titre d'Ad-
de la maifon de Foix. ibid. voüé de l'Eglife Romaine,
Capitaines , voyez nobleſſe . 209;
Catalans , ferment qu'ils firent fe Charles de Gonzague , Duc de
" choififfant un Roi. 369. Cleves , fonde l'Ordre de la
Catherine, ( Sainte, ) Ordre Mili Milice Chrétienne , 137, Sta-
taire du Mont-Sinaï. 126. tuts de cet Ordre. 138.
Catherine , ( Sainte ) , Chevalerie Charles Martel. On dit qu'il eft
érigée en Mofcovie par le Auteur de l'Ordre de la Ge-
Czar . 453. nette. 143.
Cenfeur, quel étoit cet Office. 43. Châtelains étoient les anciens Ca
TABLE DES MATIERES.
519
les mines.
pitaines des places fortes. 11. $6.0 $7.
Chefnel ,(Jean,)il propofe au Con- Chevalerie Honoraire , il il y en a
feil de Louis XIII , un nouvel deux fortes , l'une Chrêtienne,
Ordre de Chevalerie , 236. Ce & l'autre Civile . 38. On croit
deffein ne réüffit pas. ibid. 11 que Conftantin a donné la naif-
fe retire dans un Hermitage fance à l'une & à l'autre. 71. Le
de la Foreft de Fontainebleau. choix de so. Gardes eft le mo-
. 237. dele de ces deux fortes de Che-
Chevalerie , ce que c'eft en gene- valeries. 173.
ral. . Il y a fept efpeces de Chevalerie Honoraire Chrétienne.
Chevalerie acquife. 3. Elle eft Elle n'a pas commencé avant
differente des titres de Bache- le IV . fiecle . 61. l'Ordre de
lier , de Banneret , de Duc , de Saint Lazare n'a pas précedé
Marquis , &c Voyez leurs ti- cette Chevalerie . 62. Elle eft
tres. De l'ancienne noblefle. z. plus ancienne que les Croifa-
Des recompenfes Militaires. des . 122. On en a fondé plu-
"
15. Elle ne fe perd qu'avec la fieurs Ordres depuis le XII .
vie. 12. Elle n'eft pas heredi- fiecle . 128.
taire. ibid. Elle ajoûte quelque Chevalerie Honoraire Civile. Elle
gloire à la qualité de Roi , "de a été en ufage avant la Guerre
Prince , &c. 13. Elle étoit re- fainte. 142. On en rapporte
quife pour être Roi. 14. plufieurs preuves. 159. & feq.
Chevalerie , fon origine. Elle n'a On en a fondé des Ordres de-
pas commencé après le délu puis le temps des Croifades.
ge. 18. Pharaon n'en eft pas 132. &feq.
Auteur. 20. Ni les peuples du Chevalerie Sociale neceffaire
Nord. 23. Elle doit fon origine pour certaines fonctions. 181.
aux Romains. 45. Pour manger à la table des
Chevalerie Romaine elle avoit Rois. 182. Pour combattre
plufieurs Ordres. 32. & feq. dans les Tournois & dans les
voyez , Chevaliers Romains . Joûtes. 183. & feq. Dans les
Chevalerie Militaire , elle eft en pas d'armes. 187. & feq. Pour
ufage parmi toutes les Nations. les Appertifes d'armes. 188.
Pour les Duels.
So. Elle a précedé les Ordres 195.
Militaires. 51. Pourquoi ainfi Chevalerie Ecclefiaftique. Rapport
nommée. 52. On la conferoit des habits Sacerdotaux avec
avant les batailles au fiege des les armes d'un Chevalier . 201 .
Villes. ibid. Les Generaux Les Evêques & les Abbez qui
d'armée la pouvoient confe- avoient des fiefs devoient être
rer. 53. Des Rois & des Prin- Chevaliers. 202. Cette Che-
ces ont reçû cette Chevale- valerie n'eft pas un Ordre Mi-
rie. 54. Comment on la con- litaire, 207. Les Ecclefiafti-
feroit . 5. On la donnoit dans ques , comme Seigneurs tem-
RES
520 TABLE DES MATIE .
porels , donnoient la Cheva- valieres de Saint Jacques de
lerie à leurs vaffaux, 209. Ils l'Epée . 286. Obligations de ces
la conferoient aux Advoüez Dames. 287. Chevalieres de
de leurs Eglifes . 201. Les Gens Calatrava , 288.
d'Eglife ont fouvent fait des Chevalerie Bourgeoife . Son ori-
Chevaliers . 213. Des Abbez gine. 175. on l'appelle de gra-
& des Reguliers ont eu le mê- ce , & comment on la confe-
me privilege. 214. Chanoines roit. 176. On a conferé la Che-
de Lyon faits Chevaliers . 215. valerie à des perfonnes de tou-
Ecclefiaftiques reçûs dans l'Or- te forte d'états. 176. & feq. à
dre du Saint Elprit . 216. des Peintres , ibid. à des Scul-
Chevalerie Reguliere ; c'eſt une fa- pteurs , & à des Architectes.
ble de rapporter fon origine 177. à des Poëtes & à des Me-
aux premiers fiecles. 217. 218 . decins. 178. à des perfonnes
& feq. voyez Religions Mili- de la lie du peuple , quand el
taires , Ordres de Saint Jean les s'en font renduës dignés.
de Jerufalem , des Templiers , 179. elle a été conferée à des
des Teutoniques , &c, Infideles par des Chrétiens,
Chevalerie des Dames . Elles peu- 180.
vent afpirer à l'honneur de la Chevalerie , elle n'eft pas heredi-
Chevalerie. 166. Elles ont por- taire. 331. Sentimens des Jurif-
ré le titre de Chevalieres. 167. confultes fur ce fujet. Ibid El-
Celles qui tenoient des fiefs le dépend uniquement du Prin-
devoient être Chevalieres. 169. ce. 330. Loix contre les ufur
Dames qui ont fait leurs maris pateurs de la Chevalerie. 332 .
Chevaliers. 268. Les Dames Le Souverain peut donner le
ont conferé la Chevalerie à des pouvoir de la conferer. 333. Il
têtes couronnées. 269, 270. ne faut pas être Chevalier pour
Chevalerie des Dames , Ordres de la donner aux autres. Ibid. Si
Chevalerie érigez pour recom- on peut la prendre foi-même,
penfer leur merite. 271, Elles 334.
en ont érigé pour les perfon- Chevalerie , on la conferoit avec
nes de leur fexe. 274. & feq. des habits magnifiques. 102 ,
voyez Hacha , Palence , Beau. On la donnoit au couronne-
vais , Anne de Bretagne , Eleo- ment des Rois, 373. aux joyeu-
nore de Gonzague , Chriftine fes entrées , 394 aux Nôces ,
Reine de Suede , &c. aux Baptêmes , aux Traitez de
Chevalerie des Dames , on en a paix , 395..à la naillance des
fondé de Regulieres pour el Dauphins de France, 396. Uſa-
les. 279. & feq. Chevalieres ge dans ces derniers temps.
Ibid. On la conferoit en Italie
de l'Ordre de Saint Jean de
Jerufalem ; voyez l'Ordre de fur le tombeau des parens.
196. Deux occafions remar.
Saint Jean de Jerufalem , Che- ¿
quables
TABLE DES MATIERES. 521
quables dans lesquelles on l'a portent ce titre. Ibid Il y a de
conferée. 397 . ces Chevaliers à Dijon , à Ra-
Chevaliers Romains , ils tenoient gufe , &c. 171. Difference des
le fecond rang parmi ces peu- habits des Chevaliers de Robe
ples. 31. Romulus en créa trois & d'épée. Ibid.
cents , Tarquin les augmenta. Chevaliers de Lettres , leur origi-
Ibid. Ils furent confondus avec ne. 164. Les Docteurs aſpirent
les Senateurs. Ibid. Prodigieux à la Chevalerie , & pourquoi.
nombre de Chevaliers Ro- 165. Il y avoit de ces Cheva-
mains. Ibid. Il y en avoit de liers avant le XIII . fiecle. 166.
plufieurs Ordres , les Hono- Il y en avoit en France & en
raires , 31. ceux de Lettres , 32. Elpagne. 167 .
ceux qui étoient fortis de la Chevaliers d'honneur , des Papest
lie du peuple. Ibid. Il n'y avoit 171. des Rois , 172. des Rei-
que les nobles qui fuflent ve- nes , 173. des Ricombres d'EL-
ritablement Chevaliers. 34. pagne , ibid, des Soudans d'E-
Et pourquoi. 35. Ces Cheva- gypte. 174.
liers faifoient plufieurs Ordres. Chevaliers du Guet , il y en avoit
36. D'où vient qu'on appel . en plufieurs Villes de France.
loit les étrangers Chevaliers 174. Charles VIII. n'a pas
Romains. Ibid. Il y en avoit donné le Collier de l'Etoile au
à Narbonne. Ibid. Ils avoient Chevalier du Guet de Paris.
les mêmes privileges que les 175. Pour être Capitaine du
Romains . 37. Les Empereurs Guet , il faut être Chevalier.
& les plus Grands de l'Empire Ibid.
prenoient ce titre. Ibid. Chevaliers Errans & de la table
Chevaliers Romains , Loix & céré- ronde. S.
monies établies pour leur re- Chevaliers du Lievre , pourquoi
ception. 40. 41. Quel devoit ainfi appellez. 530
être leur patrimoine. 42. On Chevaliers , il n'y a prefque point
les armoit Chevaliers à 21. ans. de Nation qui n'en ait eu. 30.
43. Leurs privileges. 46. 47 . Chevaliers , leurs marques , leurs
Comment on les dégradoit. obligations , leurs privileges ,
49. 50. leurs fermens , leur dégrada-
Chevaliers de Robe , 167. & feq. tion , voyez tous ces titres.
Jean Daffis Premier Prefident Chryfoloras , ( Emmanuel,)fon élo-
de Toulouſe n'eft pas le pre-
ge & fon épitaphe. 105.
mier qui a eu le titre de Che Chriftine , Reine de Suede , inſti-
valier. 169. Les Premiers Pre- tue l'Ordre de l'Amaranthe.
fidens du Parlement de Paris 278.
étoient Chevaliers 200. ans Ciaconius fait l'éloge de la Milice
auparavant. 170. Depuis 1331 . de Conftantin, 76.
tous les Prefidens à Mortier Saint Clet n'a pas inftitué le
Vuu
TABLE DES MATIERES.
522 Juftinien lui donnent un nou-
Chevaliers Porte - Croix. 65.
veau luftre. 89. & feq . Cet Or-
Il fonda un Hôpital & non
pas un Ordre Militaire . 66. dre eft approuvé par les Em-
Colliers , leur antiquité. 21. Ne pereurs & par les Papes . 96.
font pas une marque de Che- Il fut très-celebre juſqu'à la
valerie. 22. On ne les peut pas ruïne de Conftantinople. 97.
Perfonnes illuftres qui entrent
prendre d'un Prince étranger.
389. Il faut la permiffion de dans cet Ordre. 97. & feq.
104. & feq. Ceremonies obfer-
fon Souverain . 390. Statut re-
marquable de Henri III . fur vées par l'Empereur Cantacu-
conferant cet Ordre.
ce fujet. 391. Rois qui ont re- " zene en
çû plufieurs Colliers. 392. 103. 104. Il paffe en Italie.
Colliers de differens Ordres 109. Il fe répand en plufieurs
voyez l'Explication des mar- endroits de l'Europe . 112. Il a
à Rome un Cardinal Protec-
ques des Ordres & des Reli-
gions Militaires . teur. 114. Marque des Cheva-
455.
Comtes , ils fervoient de Confeil- liers de cet Ordre. 118. 119. &
455. Reflexions fur la Croix de
lers aux Empereurs . 10. Il y
avoit en France des Comtes cet Ordre. 119. Pourquoi on

Palatins . Ibid . y a ajoûté un A. & un .. 120.


Confreries de Chevaliers , affem- Ses Statuts ont été imprimez
blées de Gentils - hommes pour plufieurs fois. 94.
Couronnes données aux victo-
vaquer aux œuvres de pieté.
196. La plus ancienne fut éri- rieux . 16. Il y en avoit de plu-
fieurs fortes. 17.
gée en Espagne en 1245. Le
Roi Jean en fonda une en Couronnes de nos Rois de la pre-
miere Race. 146. Celle de ceux
France , qu'on appelloit de S.
Ouen. 196. Celle de S. Geor- de la feconde. 147. Figure de
ge en Franche -Comté eſt très- celle de Charlemagne . 461.
Couronne fermée , qui eft le pre-
celebre . 189. Motifs & obli-
gations de cette Inftitution . mier de nos Rois qui l'a ainfi
148. & 442.
199. Statut remarquable , 200 . portée.
Croisades ne font pas de verita-
Conftantin , on le croit l'Inftitu-
bles Chevaleries . 74.
teur de l'Ordre qui porte fon
Cyrus afpiroit à la Chevalerie.
nom. 73. 74. On le prouve
par le témoignage des Auteurs . 90. Qui étoit ce Cyrus . Ibid.
Czar , Pietre Alexiovitz a fondé
75. 76. 77. On répond aux ob .
jections qu'on propofe contre l'Ordre de Saint André, 158.
cette opinion . 78. De l'état de & celui de Sainte Catherine.

cet Ordre jufques vers le mi- 453.


lieu du V. fiecle . 84. & feq. Il
fe perfectionna en ce temps.
88. Loix de Theodofe & de
TABLE DES MATIERES. 523
avec de grandes cérémonies ,
D... défendus par les Loix divines
& humaines. Ibid.

DAffis a eté le premier des


Prefidens de Toulouſe E.
qui a porté le titre de Che .
valier. 169.
Ecclefiaftiq ues obligez au fer-
Damoifeau fignifie un petit Sei- Militaire quand ils
gneur. 7. avoient des fiefs. 202. Les
Dégradation de la Chevalerie. Conciles s'opposent à ces ufa-
427. Fautes qui meritent cet- ges. 203. Charlemagne les
te peine. 4 28. Dans divers Or- exempte d'aller a la Guerre.
dres. 429. Comment fe fai- 204. Charles le Chauve les y
foit cette Dégradation . 431. oblige de nouveau. Ibid. Exem-
Parmi les Romains & les In- ples d'Ecclefiaftiques déposez

diens. 432. Parmi les Cheva- pour avoir refufé de faire le
liers de Malte . 433. Comment fervice Militaire. 205. Ils en
elle fe fait en France. 434. En furent difpenfez dans le XV.
Angleterre. 435. On doit dé- fiecle. 206. Ils ne portoient
grader les Chevaliers avant de pas les armes à la Guerre. 207.
les faire mourir. 436. Il s'efttrouvé des Evêques qui
Devifes , elles font differentes combattoient les armes à la
des marques de la Chevalerie . main. 208. Ecclefiaftiques qui
382. ont conferé la Chevalerie à
Domestique étoit une Charge , ou leurs Advoüez. 211. Ils ont
Ecclefiaftique , ou Militaire fouvent donné la Chevalerie,
ou Civile. 89. Quel étoit fon 213. Ils peuvent la recevoir,
emploi. Ibid. 215.
Druides , deftinez aux facrifices. Ecoles , il y en avoit onze , c'eſt-
24. à-dire , onze fortes d'Ordres
Ducs , leur origine. 9. Ils gou- d'Officiers du Palais de Con-
vernoient les Provinces , & ftant. 89. L'un de ces Ordres
adminiftroient la juftice. 10. étoit celui des Chevaliers.
Plufieurs fortes de Ducs . Ibid. Ibid.
Duc d'Athenes qui vivoit en 1311 . Ecuyers , differens des Bache-
avoit dans ſon armée ſept cens liers & des Bannerets. 8. Leur
Chevaliers. 101. La plupart antiquité. 29. Leur origine,
étoient Grecs. Ibid. 290. Leurs armes . 291. Leurs
Duché , ce qu'il faut avoir pour fonctions. 292. Ils étoient ce-
ériger une terre en Duché. 11. lebres parmi les Romains . 29.
Duels , on armoit les Chevaliers On leur a donné divers noms.
pour les Duels . 195. Deux for- 293. Ecuyers parmi les In-
tes de Duels, 402. Se faifoient diens. 249.
Vuu ij
* 24 TABLE DES MATIERES.
Elizabeth Chriftine , Imperatrice , l'Hermine . 59:
fonde l'Ordre de l'Amour du Ferdinand Roi d'Arragon établic
prochain. 453. l'Ordre de la Jara. 134.
Emmanuel Philibert Duc de Sa- Fiefs , ils obligeoient au fervice
voye fonde l'Ordre de Saint Militaire. 201. Et même les
Maurice. 234. Ecclefiaftiques. 203. On dé-
Epée , ferment fait par l'épée. fendit d'alliener les fiefs aux
401. Le fceau des Chevaliers Ecclefiaftiques . 205. On ne
gravé fur le pommeau de l'é- pouvoit tenir de fief fans être
pée. 402. Pourquoi on don- Chevalier. ibid.
noit un coup d'épée fur l'é. Finance pro pallio , à qui eft-ce
paule du Chevalier, Ibid. qu'on la donnoit. 417.
Eperons , privilege des Cheva- Framea , fignification de ce mot.
liers d'en porter . 416. 23.
Equites fingulares , on appelloit Frederic Barberouffe fait les deux
ainfi certains Chevaliers Ro- enfans Chevaliers. 13.
mains . 38. Il en ett parlé dans Frederic II . établit l'Ordre de
plufieurs infcriptions. 39. Saint Gal ou de l'Ours . 137.
Equites fingulatores , quel étoit Frederic III. il n'eft pas fûr qu'il
l'emploi de ces Chevaliers. ait inftitué l'Ordre de Saint
39. Ils font differens de ceux George à Gênes. 141.
qu'on appelloit Defultores. 40.
Equus veftitus , ce qu'on entendoit G.
par ces mots. 416.
Evocatus Augufti , que
GAlka on Galfa , Ordre Mi-
ces termes. que fignifie
39.nt Ga litaire different de celui
de Saint Marc. isto
F. Garcias IV. Roi de Navarre ,
fonde l'Ordre de Nôtre- Da-
Actions , leur origine. 194. me du Lys . 125. Et pourquoi.
F Ceux qui y entroient le fai- 126.
foient armer Chevaliers. Ibid. Gifton & Girard Freres établiffent
Faltum en faveur de l'Ordre du l'Ordre de Saint Antoine en

Saint Efprit de Montpellier. Dauphiné. 225.


66. Les preuves en font peu Genette , il y en a de deux for-
folides. 67. 68. 69. L'acte d'un tes . 143.
Chapitre de cet Ordre eft fup- Gentils , ils paffoient pour être
pole. 90. Marques des fuppo vaillans. 29. D'où tiroient ils
itions de cette piece. Ibid. leur origine . Ibid.
Ferdinand II. donne un Diplome Geoffroy d'Anjou, des cérén onies
en faveur de l'Ordre de Con- qui furent obfervées quand il
Aansin. 96. fut fait Chevalier. 346.
Ferdinand V. fonde l'Ordre de Geoffroy de Previlli , qui mourut
TABLE DES MATIERES. 327
en 1066. n'eft pas auteur des habit. 272.
Tournois. 183. Il en a feule- Hachette, (Jeanne, ) voyez Beau
vais.
ment dreffé les Regles . 184 .
George Codin Curopalate , on ne Hachi , Abbé de Colbatz a écrit
fçait pas le temps où il a vé- en faveur de l'Ordre de Con

cu. 104. ftantin. 77. Le Journal des


Gerard le B. bâtit deux Hôpi- fçavans a fait l'Extrait de fon
Livre. Ibid.
taux en Jerufalem . 220. Il les
gouverne avec beaucoup de Hafta pura , ce qu'on entend par
fageffe. 221. Il fonde l'Ordre ces mots. 43. Elles étoient une
marque de Chevalerie. Ibid.
de Saint Jean de Jerufalem.
237. Il en fut le premier Heliot , fon fentiment refuté
Grand-Maître. 238. Il fait des fur l'Ordre de la Couronne.
Statuts pour cet Ordre . Ibid. 144. 145.
On dit qu'il étoit natif de Henri III. fonde l'Ordre du
Martigues en Provence . 247. Saint Esprit. 131. Motifs de
Germain , origine de ce mot. 23 . cette Inftitution . 132. Les Au-
Gonzague, (Eleonore,)fonde l'Or- teurs ne s'accordent pas fur
dre des Dames de la Croix. fon origine. Ibid. Ses Statuts
276. Statuts de cet Ordre. & la marque. 132 133
448. Forme de la Croix de Henri IV. Roi d'Angleterre éta-
ces Dames . 277. Création de blit l'Ordre des Bains. 136 .
Chevalieres . 278. Hermant , fon opinion fur l'ori-
Gouverneurs des places, voyez no- gine de la Chevalerie . 19. Re-
bleffe. futée. 20. Sa mépriſe ſur l'Or
Guarin, (André ,)parle de l'Ordre dre de l'Etoile . 124. Sur celui
de Conftantin . 75. de la Genette. 144. Sur la
Couronne des Chevaliers de
Guet , voyez Chevalier du Guet.
Guy de Lufignan fonde en Chy- Frife. 146. Sur la fin de leur
Inftitut. 149. Sur l'établiffe-
pre l'Ordre de l'Epée. 135.
ment de l'Ordre de la Corde-
Guillaume Comte de Hollande ,
de ce qui fe paffa quand il fut liere. 274.
fait Chevalier. 347. Regles Hierax noble Grec eft fait Che-
qu'on lui propofe . 348. For valier,en recevant l'Image de
mule de fa Profeſſion . 349 . Saint George. 103
Serment qu'il fit. 372. Hoftis , fignifie expedition Mili-
taire , ou fervice Militaire.
H. 203.
HuéComte de S. Paul s'oblige en
Acha , Ordre érigé pour loyal Chevalier. 40F
H écompenfer la bravoure
des femmes . 271. Privilege
de ces Chevalieres, Ibid, Leur
Vuu iij
526 TABLE DES MATIERES.

I. L

Ean Baltazar , fon Hiftoire Abarum : Conſtantin fit faire


J de l'Ordre de Saint An- L cet Etendart , 71. D'où
toine eft fabuleuſe . 127 vient ce mot , 72. Le nom de
Jean , Duc de Patras , gagne une J.C. y étoit gravé, ibid. Con-
Bataille avec rrois cens Che- ftaptin choifit cinquante de
valiers. 100 . fes Gardes pour le porter , 76.
Saint Jean de Latran , la qualité Vertu miraculeufe du Laba-
de Chevalier de Saint Jean , rum , 84. Convenances entre
& c, a efté hereditaire , 328. le Labarum , & l'Oriflame de

Jean de Grefly , vouloit paffer Saint Denys , 84. Julien l'A-


pour Chevalier déloyal , s'il poftat fupprime le Labarum ,
manquoit de porole . 401 . & le nom de J. C. qui y étoit
Jean de Bretagne , s'oblige en foi écrit , 86. Cela fe prouve par
de Chevalier. 401 les medailles de cet Empereur,
Jerufalem : revolutions de cette 87. Jovien le rétablit , ibid.
Ville. 219. On y bâtit deux Il a été en veneratiou juſqu'au
Eglifes vers l'an 1048. 220. XIV . fiecle , 91. On le trouve
la Chevalerie Reguliere a pris gravé dans les medailles de
naiffance dans certe Ville. 221. prefque tous les Empereurs
Ingenu : à qui donnoit- on ce ti- Grecs ibid.
tre, 27. Lactance : ce qu'il dit d'une vi-
Ingulfe , dit , qu'on creoit des fion de Conftantin , 85.
Chevaliers en Angleterre Lascaris Empereur d'Andrino-
avant le dixiéme fiecle. 126 ple donne un Diplome en fa-
Jofeph , Patriarche : la Chevale veur du Duc de Brunfvic, 91,
rie qu'on lui attribue eft chi- Laſcaris : trois Chevaliers de ce
merique, 20. nom . 106.
Foutes , voyez Tournois , Latina militia : ce qu'on doit en-
Ifaac l'Ange , cet Empereur re- tendre par ces termes , 104,
nouvelle l'Ordre de Conftan- Lazare, (ordre de Saint , ) il n'a
tin , 92 , Il lui donne un nou- pas été fondé dans le premier
veau luftre , 93. 11 fait des Concile des Apôtres , 62. On
Statuts pour cet Ordre , 94 . le foûtient fans preuve. 63
Plufieurs Auteurs en font Leon X. établit l'Ordre de Saint
mention , 95. Ifaac n'eft que Pierre, 139
le reftaurateur de cette Mili- Licinius Dentatus , jamais Hom-
се , 96. me n'a eu plus de recompen-
Ifaac l'Ange, est détrôné par fon fes Militaires. 17
Frere , 97. Il a recours aux Life Adam, défend Rhodes avec
François qui le rétabliffent beaucoup de gloire , fe retire
28. en Italie , & puis à Malte.239 .
TABLE DES MATIERES. . 527
Lifoyede Montmorenci , on le fait Marques de Chevalerie , parmi
Auteur de l'Ordre du Chien & les Affyriens , les Perfes, & c.
du Coq , 150. Il y en a qui le 377. Parmi les Romains, 378.
nient. 151 Parmi les Chinois, ibid. Par-
Loi facrée › en quoi elle con- mi les peuples du Malabar
fiftoit. 46 379. Parmi ceux du Mexi-
Louis (Saint ) fait Chevalier fon que , ibid. Parmi les Chré-
Frere Robert , 13. Il fonde tiens : fous nos Rois de la pre-
l'Ordre du Croiffant 128. Il eft miere Race , 380. Du temps
different de celui qui fut éri- de Charlemagne , 381. Parmi
gé par René d'Anjou , 129. Il les Chevaliers du Bain , 382.
fonde auffi celui de la Coffe Reflexions fur ces marques de
de Geneſte , 152. Il choifit cent Chevalerie. 383.
Gentils - hommes pour la Gar- Marquis , gouvernoient les Pro-
de. 152 vinces , 11. A qui on donnoit
Louis XI. Inftitue l'Ordre de S. ce titre. ibid.
Michel , 130. Il a été celebre Marthe ( Sainte, ) on dit qu'elle a
fous plufieurs Rois , ibid. Il eſt fondé l'Ordre du Saint Efprit
uni avec celui du Saint- EL- de Montpellier, 66. Cela n'eft
prit. 133 établi que fur des Fables , 67.
Louis XIII. établit une Com- & feq.voyez Factum.
munauté fous le nom de Com- Martial, (Saint, ) il y avoit à Li-
manderie de Saint Louis. 154. moges des Chevaliers fous le
Louis le Grand fonde l'Orde de nom de ce Saint. 161.
Megas Doo , c'eft · à - dire ,
Saint Louis , 154. Serment
des Chevaliers . 155. Grand Duc , il étoit Chef des
Louis II. Duc de Bourbon , Infti- Armées de l'Empereur de
tue l'Ordre du Chardon , 153 . Conftantinople. 98.
On lui attribue auffi l'Ordre Merlin , faux Prophete. 5.
de l'Ecu d'or. 134. Michel , Saint , Ordre fondé fous
fon nom . 129.130.
M Milice Romaine , il y en avoit de
trois fortes. 27.
IV. Roi de Suede , Miles , ce que ce mot fignifie
Magnus eft Auteur de l'Ordre des dans les anciennes Chartres ,
138. 2. & 106. Il fignifie Cheva-
Seraphins.
Maimbourg, confond l'Ordre de lier parmi les Grecs. 107.
Saint Jean de Jerufalem avec Mine : Combats dans les mines,
celui de Saint Lazare , 243. 55. Plufieurs exemples de ces
combats , 56. Loix obfervées
Objections qu'il propo-
fe. 244. dans ces combats , 57. Deux
combats celebres fait dans les
Marches : ce que cela fignifie. 11.
S
E RE
E
BL S TI
528 TA DE MA .
mines , ipid. moins en avoir trois pour être
Mitre: pourquoi en trouve-t-on Chevalier. 303, Ordres qui
fur le Calque des Allemans . exigent la Nobleffe de quatre
211. Les Seigneurs de Parthe- Races. 308.
nai portent une Mitre au lieu Nobleffe de quatre lignes . 308 , En
de Heaume,& pourquoi , ibid. quoi confifte cette Nobleffe,
Mongomeri bleffe à mort Henry 309.
II. dans un Pas-d'Armes . 188. Nobleße de nom & d'Armes. 309.
Monogramme , ou le Chiffre du Pourquoi ainfi nommée. 310.
Nom de Jefus Chrift. 85. Origine de cette Noblefle,
Conftantin le fait graver fur 311. Sentimens des Auteurs
fes Armes. 86. Les Empereurs fur cette Nobleffe . 312. & 326.
Grecs le font mettre dans Comment les Allemands
leurs Médailles. 91. Il fe trou- comptent les dégrez de cette
ve fur une Médaille de Lafca- Nobleffe, 313. 314.
ris , ibid. voyez Labarum. Nobleffe requife pour eftre receu
Monfieur , Monseigneur. A qui dans l'Ordre de Malthe . 315.
donnoit- on ces Noms. 413 Dans la Langue d'Italie . 318.
Myrifterius eft fait Chevalier Nobleffe des Segges de Na-
par l'Empereur de Conftanti- ples. 319. Parmi les Alle-
nople, 100 mands. 313. Dans les autres
MurtZuple. Cet Empereur eft dé- Langues. Voyez Preuves.
fait par les François , 98. Nobleße , doit eftre prouvée par
de bons titres. 327. Il faut en-
N core l'agréement du Prince
pour eftre Chevalier. 330
arbonne , Autel dédié à Au. Notaires , Clercs . Ces Charges
N gufte , trouvé dans cette font auffi anciennes que. les
Ville en 1566 . 36. Etats 306. Qui faifoit cet Of
Nobilis vir. A qui eft- ce que les fice fous nos Rois de la pre-
Papes donnent ce titre. 117. miere Race.
307,
Nobleffe. En quoi confifte la ve-
ritable Nobleffe. 295. Deux
fortes de Nobleffe parmi les
Romains,
faire pour296, Elle
eftr eft
e Ch necef
eval ier. Obligations d'un veritable
Chevalier. 399. il doit
297. Statuts des Souverains eftre d'une foi inviolable.
fur cela, 299. Ces Loix ont eu 400. Ses obligations en qua-
quelque exception . 300. Ufa- lité de Chrétien . 403.Par rap-
ges de quelques Provinces de port à fes Statuts. 405.
France . 301. Obligations des Chevaliers de
Nobleffe . Comment on compte de France . 406 , & feq . des au
les dégrez . 302. Il faut au tres Nations. 408. & feq.
Ordre
TABLE DES MATIERES .
529
Ordres Militaires . Depuis le XII. gaire , à Florence , à Seville ,
fiecle , jufqu'au XVII, on en en France. 283. Ceremonies
a fondé plus de LX . en Eu- qui s'obfervent , quand on re-
rope. 114. L'Italie en a pro- çoit les Dames Chevalieres
duit VIII. ou IX. dans fix- dans cet Ordre. 244. & feq.
vingt ans. 115 Ordre des Chevaliers du Temple.
Ordre de SaintJean de Jerufalem. Neuf Gentilshommes en jet-
Le B. Gerard en eft le Fonda- tent les fondemens . 247. Saint
teur. 237. L'Inftitution eft de Bernard leur donne une Regle,
Tan 1104. fous le Regn de
e Ibid. Il acquiert des biens im-
Baudouin . 138. Raimond Du- menfes. 248. On les accufe
puy fuccede à Gerard , Ibid. de crimes énormes , Ibid. Les
Cet Ordre de la Terre Sainte fentimens font differens fur ce
Sainte paffe en Chypre , à fujet , Ibid. Le Concile de
Rhodes &c. & enfin à Malte.
Vienne fupprime cet Ordre
239 Ibid.
Ordre de Malte. Son Gouverne- Ordre du Saint Sepulchre , L'année
ment eft Monarchique & Arif de fa fondation . 249. On unit
tocratique , Ibid. Le Confeil cet Ordre avec celuy de Rho-
pour les affaires eft ordinaire des . 250. Le Pape Alexandre
ou complet.240.Il eft compofé VI. transfere au Saint Siege
de huit Langues ; chaque Lan- le pouvoir de le conferer , Ibid.
gue a des Prieurez & des Com- Les Cordeliers le donnent à
manderies. 241. & feq . Il y a eu prefent , Ibid. Ceremonies que
jufqu'à prefent foixante- trois l'on obferve en le conferant .
Grands -Maîtres. 240 251. Ces Chevaliers ont de
Ordre de Malte. Il y en a qui le grands Privileges . 252
confondent avec celui de S. Ordre de Saint Lazare : Les Pa-
Lazare. 243. On repond aux pes lui ont donné de grands
objections qu'on fait fur ce fu- Privileges. 252. Louis VII .
.jer 244 amena des Chevaliers en Fran-
Ordre de SaintJean de Jerufalem ce. 253. Il a été uni avec celui
pour les Dames. 279. Agnes " de Nôtre - Dame du Mont-
Dame Romaine en a été la Carmel . 254. M. de Nereftang
premiere Prieure , Ibid. Son en a été le premier Grand-
origine . 280. Fin de cet Infti- Maître .
256. & /eq.
Ibid. Il paffe en Occident Ordres , Teutonique , de Saint
après la ruine de la Terre Jacques , de Calatrava , &c.
Sainte. 281. On en fonde un Voyés la Table Alphabetique
Monaftere à Sifenne en Efpa- & Chronologique des Ordres ,
gne. 281. Qualitez pour être & des Religions' Militaires .
reçû dans ce Monaftere . 282 . Ordre de Chevalerie. Si on en
On en établit d'autres , à Al- peut prendre deux enfemble.
X xx
ES
L E I ER
T AB D ES M AT .
530
383. Cela fe peut quand ils fe ceffion. 117
rapportent aux mêmes fins. Paris, Monumens anciens , trou-
384. Ufage de la France fur vez dans la Cathedrale de cette
cela. Ibid. Ville. 25. On en donne l'expli-
Oft , ou Hot, fignifie expedition cation. Ibid.
Militaire. 203 Pas d'Armes > Combats d'hon-
Oftrevant. ( Comte ) De la ma- neur. 187. Le Roi Henri II.
niere qu'il fut fait Chevalier. fut bleffé à mort dans un pas
349. Regles qu'on lui propofe. d'Armes . 188
350. Serment qu'il fit . 372 Paffion de Nôtre Seigneur repre-
Quation. Voyés Triomphe, fentée dans les Cordons du
Manteau des Chevaliers de
Malte. 345
P
Paul V. établit l'Ordre de Jefus-
Alance. Les femmes font le- Maria, 140
P ver le Siege de devant cette Pedarius. C'eſt le titre que l'on
Ville. 272. On les aggrege à donnoit à quelques Chevaliers
l'Ordre des Chevaliers de la Romains. 47
Binde. Ibid. Marque de cette Penfions. On en donnoit aux
Chevalerie . Ibid. Chevaliers. 418
Paleocaftrite,Saint George.On ex- Pharaon n'a pas établi un Ordre
102. 103 de Chevalerie. 20
plique ce terme.
Paleologue , Michel Empereur Philippe Augufte fait Chevalier ſon
confirme l'Ordre de Conftan- fils Louis VIII . 13
tin . 96. Plufieurs Princes de Philippe II. dit le Bon , établit
cette Famille fe retirent en l'Ordre de la Toifon d'Or. 133 .
France , en 1454 . 109 Pourquoi porta-t- il ce nom.
Pape. Ses Titres. Voyés Titre. Ibid. Collier de cet Ordre. 134
Parlement de Paris. Son origine, Philippe Visconti Duc de Milan ,
167. Il n'y avoit autrefois fait une troifième faction.

qu'une Chambre. 168. On y Voyés , Faction .


ajoûra celle des Enqueftes, Philippe de Dreux Evêque de
Ibid, Il étoit compofé de per- Beauvais , croioit pouvoir af
fonnes confiderables d'Epée fommer les ennemis à coups
& de Robe. 167. En 1345. il de Maffuë , fans être irregu .
il y avoit plufieurs Confeillers lier. 208. Lettre du Pape Če-
Chevaliers . ibid. leftin fur cela, 209
Parlement de Dijon. Il y a deux Philippe de Savoye Evêque , ſe fit
Chevaliers . 170 faire Chevalier en Armes. 217
Parme. ( Duc ) On luy transfere Pie IV. fonde l'Ordre des Che-
la Grande- Maîtrife de l'Ordre liers Pies. 171
de Conftantin. 116. Le Pape Pierre & deux autres , érigent
& l'Empereur confirment cette POrdre de la Vierge, 149
TABLE DES MATIERES.
53x
Pompée eft honoré du triomphe à
l'âge de 16. ans . 16 R.
Pontificat Romain. On y trouve les
Ceremonies pourPour benir
donner la Amir ( Dom ) n'a pas infti

Chevalerie . 351 . tue l'Ordre de Saint Jac


l'Epée . 352 ques de l'Epée. 128
Preuve de Nobleffe . Pour être re- Ravenne. Il y avoit une Flotte
çû dans l'Ordre de Malte : 314 . commandée par les Chevaliers
On n'en faifoit point ancien- Romains . Cela ſe prouve par
nement. 315. La maniere de une infcription гrouvée au
les faire a changé . 316. Preu. Port d'Anfo.
49
ves faites par le feul témoigna Raymond Dupuy , fecond Grand-
ge. ibid. Preuves par écrit & Maître de l'Ordre de Malte.
par titres . 317. Preuves pour 138. I convoque le premier
la Langue de France.ibid . Pour Chapitre General. ibid. & di-
la Langue d'Italie. 318. Pour vife la Religion en trois Or-
les Segges de Naples . 318. Pour dres.
ibid.
les Langues d'Efpagne . ibid. Recompenfes Militaires de plu-
Pour les Portugais . 320. Pour fieurs fortes. 16. A qui eft- ce
la Langue d'Allemagne. 321. qu'on les donnoit. ibid. Elles
Pour les Polonois & les Suif- étoient differentes de la Che-
fes. valerie . 17. Licinius Dentatus
322
Privileges de la Chevalerie . 411. en a reçû un très - grand nom
412. 413. 414. & feq. bre .
ibid.
Privileges des Ordres Militaires Reguliers. L'Abbé de Saint Gal
de ce Royaume. 421.422. donnoit la Chevalerie . ziz .
Privileges. Si c'en eft un de la Che Celui de S. Martial de Limo-
valerie d'annoblir. 424 ges avoit le même droit. 161.
Protecteurs. C'étoient les Gardes Alexandre IV . accorda ce
du Corps. 172. Conſtantin en Privilege aux Cordeliers du
choifit so. pour porter le La- Saint Sepulchte .
barum , ibid.
ibid. Religions Militaires. Le B. Ge-
Prudence. Il n'a pas dit que les rard en a jettě les fondemens.
Soldats de Conftantin portaf- 210. Il s'en fonda quatre en
fent le Monogramme . 86. Jerufalem dans le XII. fiècle,
Publicains. Ciceron en fait l'élo .
221. Après la prife de Saint
ge , & Tite- Live en fait on Jean d'Acre , elles fe repandi-
portrait bien different . 35 rent en Europe. zzz . Elles fe
Pyrrutius. Son Sentiment fur le réduifent toutes à trois Claf
X. & le R. du Monogramme . fes aux Hofpitalieres . 223.
J20 aux Militaires . 224. 225. & à
celles qui font tout à la fois
Hofpitalieres & Militaires.
226. Elles ont embraffé des
Xxx ij
ES
TABLE DES MATIER .
532
Regles très-differentes . 227. l'Epée des Chevaliers. 462.
&feq. C'étoit un de leurs Privileges
d'avoir un Sceau .
Religions Militaires. Des vœux 417
qu'elles font. 232. Celles qui Secretaires de la Maifon & c. Leur
font fous la même Regle ne Charge annoblit. 304. Ce Pri-
font pas les mêmes vœux.234 . vilege leur eft accordé par nos
Toutes lesMilices qui font des Rois. 305. Louis le Grand le
vœux ne font pas Regulieres. confirme. 306. Leurs enfans
236. Milices Regulieres qui fans autres preuves font reçus
font les trois vœux folemnels dans l'Ordre de Malte . 307,
de Religion. 237. De celles Les Enfans des Chanceliers
qui les font avec limitation. ont ce même Privilege. ibid.
261. & feq. Scian prend la qualité de Cheva-
Religion Militaire. Si on peut être lier , & pourquoi . 16

aggregé dans deux tout à la Sepulchre. Ordre du Saint , n'a pas


fois . 385. Elles font incompa- été fondé par Saint Jacques ,
tibles . 386, Ufage de Malte. 64. Ni par Sainte Helene. ibid.
ibid. Un Chevalier peut entrer Ces deux opinions fout infoû-
dans l'Ordre de Malte. 387. tenables.
65
Exemple de cet ufage, 388. Serment : Ce que c'eft qu'un Ser-
Renonciation à la Chevalerie. 438. ment. 360. Serment parmi les
Il y en a de plufieurs fortes. Romains . 361 , Ils le renouvel-
439 loient tous les ans . 362. Ser-
Richard I. Roi d'Angleterre, paffe ment des Lacedemoniens. 361 .
pour auteur de l'Ordre de la Des autres Peuples Barbares .
Jarretiere. 157. Motifs d'éri- 263.
ger cet Ordre. 158 Serment. De la maniere dont ju
Robe virile , on la prenoit à l'âge roient les Payens . 364. Les
de 17. ans . 28 Romains. ibid. Les Peuples du
Robe Pretexte. ibid. Nord & les Arabes . 365, Exem-
Robert ( le Roi ) eft Instituteur ples de la maniere dont ju-
de l'Ordre de l'Etoile, 123 roient les Payens . 366. Ser-
Remains , ont donné la naiffance ment fait à Julien . 3679
à la Chevalerie. 30. Ils ne fi- Serment de fidelité parmi les
rent d'abord que deux Ordres. Chrêtiens . 367. Sur les Corps
ibid. On y en ajoûta un troi- des Saints . 368. Formule du
Géme, 31 Serment de fidelité. ibid. Voyés
S Catalans.
Sermens & Vœux des Religions
Militaires 370. De ceux des
S Anf ni (François ) fait
oviautheur
Dieu de la Cheva . Chevaliers de Malte 371. De
lerie. 21 Nôtre- Dame duMont Carmel .
Scean gravé fur le Pommeau de ibid.
TABLE DES MAT LERES. 533
Sermens des Ordres Militaires la Table Ronde ›, étoient ce-
372. De celuy du Saint Efprit. lebres avant le XLV . fiecle.
733. De celuy de Henri III. 190
ibid. Des Cardinaux & des Pre- Tableau de Saint Jean- Baptifte.
lats. 374. Des Commandeurs . Hiftoire curieule fur ce fujet.
375. Des Chevaliers de Saint 180
Louis. 376. De l'Ordre du Tacite explique comment l'on
Croiflant. 372. De la Milice donnoit les premieres Armes
Chrêtienne. .
373 . à la jeunelle. 23.25.26: 28
Service Militaire. Voyés Eccle- Theutoniques. Leurs preuves de
fiaftiques. Noblele . 322
Sexterfes. Valeur de cette Mon. Titre des Rois de France , d'Ef-
noye. 4. Les fentimens font pagne , des Doges de Venife ,
partagez fur ce fujer. ibid. des Electeurs & c. 414
Sigifmond Empereur , fit un Che- Titre qu'on donnoit aux Papes.
valier dans le Parlement de ibid.
Paris. 397. Ce ne fut pas une Toupineures differentes des
entrepriſe fur l'autorité du Tournois , des Joutes & c. 191.
Roi. 394 Origine de ces Rejoüiffances .
Sigifmond de Luxembourg , Em- 192. Exemples de ces Fêtes.
pereur , fonde l'Ordre du Dra- ibid.
gon renversé. 134 Tournois. Combats d'honneur.
Silvius Nimrod , Duc de Vvur- 183. On attribue leur inftitu-
temberg , fonde l'Ordre de la tion aux Romains . 184. Ils ne
Tête morte. 452 font pas fi anciens. ibid. Ils
Sixte V. inftituë l'Ordre de Nô- doivent leur établiffement aux
tre- Dame de Lorette. 139 François. ibid. Loix des Tour-
Soldats Romains. Comment en- nois établies parmi les Alle-
rollez. 26. Les Ceremonies mands. 185. Chevalerie confe-
étoient differentes des pre- rée , pour avoir droit d'affifter
mieres Armes. 27 aux Tournois . 186. Les Papes
Soufflet. Pourquoi le donne-t- on & les Conciles , ont fulminé
au nouveau Chevalier. 402 contre les Tournois. ibid.
Statues très-communes dans Ro- Treforiers de France. Voyés No-
me. 16. Il y en avoit de plu- bleffe .
fieurs fortes. ibid. On en éri- Triomphe , inftitué par les Ro-
gea une à Clelie , Dame Ro- mains. 15. Deux fortes de
maine. ibid.
Triomphe , le grand & le pe-
Suffolc fit Chevalier un Ecuyer qui tit. ibid. Accordé à Pompée à
l'avoit arrefté Prifonnier. 397 l'âge de 26. ans. 16
T
Able Ronde. Ce qu'on entend
T par ces mots . 189. Fêtes de
Xxx iij
TABLE DES MATIERES.
334
Vifion de Conftantin rapportée par
V Eufebe. 70
Vladislas V. Roi de Pologne , éri-
Alet , Titre honorable > ge l'Ordre de l'Aigle blanc. 155.
V donné aux Enfans des Em- & feq.
pereurs & des Rois. 7 Votum , ou Confultation de trois
Vicomtes de Limoges , faifoient des Auditeurs de Rote , en faveur
Chevaliers.161.Plufieurs exem- de l'Ordre de Conflantin. 96
ples de ce fait. 162. Voyez Re-
guliers. Z
Vicomtes de Turenne. créoient des
Chevaliers . 328 Epeda parle de l'Ordre de
Ville Hardoiün fait mention de Zapar 76
plufieurs Chevaliers de l'Or Zurita raconte que Jacques IV.
dre de Conftantin.97 . & feq. Roi d'Arragon , fit Chevalier
Vincent de Gonzaque fonde l'Or- le fils du Sultan de Babilone.
dre du Sang de Jefus - Chrift 179
241. Marque de cetOrdre. 142.

ERRAT A-

Age 18 ligne 14. peu à près le Déluge , ajoutez peu detems,


Page 23. lig. 11 Civile, fez Vinile,
Page 48. lig. 31. 1990. l.fez. 1690.
Page 129 lig. 6. Guerre, lifez Greve
Jaricle,lifez par tour Jarretiere,
Mores , lifez partout Mauics
6
1
6
1

187-4

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