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881
E29e.g Classiques Grecs
wwwww
MANUEL
D'ÉPICTÈTE
(Texte Grec )
par
M. GUYAU
Librairie Ch . Delagrave
15 , rue Soufflot, 15
PARIS
THE UNIVERSITY
OF ILLNIOIS
LIBRARY
881
E296
.
CLASSICS
MANUEL
D'ÉPICTÈTE
DU MÊME AUTEUR :
D'ÉPICTETE
TEXTE GREC
PAR
M. GUYAU
PROFESSEUR DE PHILOSOPHIE
PARIS
LIBRAIRIE CH . DELAGRAVE
58, RUE DES ÉCOLES , 58
1876
Tout exemplaire de cet ouvrage non revêtu de ma
griffe sera réputé contrefait.
Condel
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881
Eage.§
319988
VI NOTICE SUR ÉPICTÈTE .
1. Entretiens, I, IX.
2. Cels. ap. Origen. , Contra Cels. , 1. VII , p . 368 : Toυ dεGпóTOV
στρεβλοῦντος αὐτοῦ τὸ σκέλος, ὑπομειδιῶν ἀνεκπλήκτως ἔλεγε, « Κατάστ
σεις· » καὶ κατάξαντος, « Οὐκ ἔλεγον, » εἶπεν, « ὅτι κατάσσεις ; » Cf.
Greg. Nazianz. , Epist. , LVIII, t. I , p. 822 : Atà touto Aavµálw jèv TOùs
παρ' ἡμῖν ὑπὲρ τοῦ καλοῦ κινδυνεύσαντας, ἢ συμφορὰν διενεγκόντας νεανι
κῶς. Θαυμάζω δὲ καὶ τῶν ἔξωθεν τοὺς τούτοις παραπλησίους. Οἷον , τὸν
Αναξαγόραν ἐκεῖνον , τὸν Ἐπίκτητον, τὸν Σωκράτην, ἵνα μὴ λέγω πολλούς·
ὧν ὁ Ἐπίκτητος, τὸ σκέλος κατατεινόμενος καὶ στρεβλούμενος , ἐφιλο-
σόφει ὥσπερ ἐν ἀλλοτρίῳ τῷ σώματι , καὶ θᾶττον κατεαγῆναι τὸ σκέλος ἢ
ἐπαισθάνεσθαι τῆς βίας ἔδοξε .
3. Manuel, I, II .
NOTICE SUR ÉPICTÈTE . VII
τινος τῶν αὐτοῦ φίλων διὰ πενίαν , αὐτὸς λαβὼν ἀνετρέψατο ' . »
Se donner à la philosophie, puis la donner, la commu-
niquer aux autres, tel fut l'unique but de sa vie . Il se
peint lui-même, dans les Entretiens, s'adressant aux
premiers personnages de Rome , et leur montrant, à la
façon de Socrate, leur ignorance des vrais biens et des
vrais maux ; les Romains , plus grossiers que les contem-
porains de Socrate, reçurent ces vérités avec des injures
et des coups. « Disons tout . Des interrogations comme
celles de Socrate ne seraient pas aujourd'hui sans péril , et
surtout à Rome . Celui qui les fera , en effet, ne devra évi-
demment pas les faire dans un coin ; il devra aborder un
personnage consulaire , si l'occasion s'en présente , ou bien
un richard , et lui poser cette question : « Peux- tu me
dire à qui tu as confié tes chevaux ? Moi ! - Au pre-
mier venu, sans connaissance de l'équitation ? - Nulle-
ment . Eh bien ! à qui as-tu confié ton argent, ton or,
tes vêtements ? - Je ne les ai pas non plus confiés au
premier venu. - Et ton corps , as- tu bien examiné à qui
tu en confierais le soin ? - Comment non ? - Évidem-
ment encore à quelqu'un qui se connût aux exercices du
gymnase et à la médecine ? - Parfaitement. Est- ce
donc là ce que tu as de meilleur ? Ou n'as-tu pas quelque
chose qui vaille mieux encore? ― De quoi parles-tu ? -
De ce qui use de tout cela , par Jupiter ! de ce qui juge
chacune de ces choses et qui en délibère . -- Tu veux par-
1. Entret., ib.
XII NOTICE SUR ÉPICTÈTE .
1. "Eypayɛ лoλλά, dit Suidas, mais par suite d'une confusion évi-
dente.
2. Né à Nicomédie, en Bithynie, général romain , gouverneur de
Cappadoce, auteur d'une grande Histoire d'Alexandre .
XIV NOTICE SUR ÉPICTETE .
ΕΓΧΕΙΡΙΔΙΟΝ
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Α (Ι) .
1. To ' est le terme consacré par Aristote et les philosophes grecs pour
désigner le pouvoir sur soi, la liberté morale.
Ici tà èợ' ýµïv désigne les objets extérieurs sur lesquels s'exerce librement ce
pouvoir intérieur. Selon Épictète, toutes les choses existantes se divisent pour
nous en deux classes : les unes (τà ¿q ' µiv) dépendent étroitement de notre volon-
té, ou plutôt ne sont que des formes diverses de notre volonté même par exem-
ple, le désir et l'aversion ; les autres ( tà oùx èq'uiv) ne dépendent point de notre
volonté, et par cela même la feraient dépendre d'elles et la rendraient esclave si
la volonté s'y attachait. Diviser ainsi les choses (Siaipeiv) et faire en quelque sorte
deux parts dans le monde mettre d'un côté notre liberté et ce qui dépend d'elle,
de l'autre ce qui ne dépend pas d'elle et ne doit être que la matière indifférente
de ses actes ( àdiáçopos, Entret., II, 5 , init. ) , c'est là le point essentiel de la
philosophie pratique, ce doit être le premier soin du philosophe (Entret. , I, 16 ,
4; I, 22, 10 ; II, 2, 14 ; II, 5 , 4. Voir plus loin, ch. 18).
Maintenant, une question se pose de quelle manière Épictète, déterminist-
comme tous les stoïciens, concevait-il cette liberté qu'il plaçait seule en face du
monde entier soumis au destin, et comment pouvait-il affranchir l'homme des
lois de la nécessité universelle ?
L'idée qu'Épictète se fait de la liberté humaine est digne de remarque : il le
conçoit surtout comme une liberté pratique. Avoir conscience, quoi que nous voua
G. ÉPICTÈTE. 1
2 ΕΓΧΕΙΡΙΔΙΟΝ.
ἡμῖν. 'Eq
Ἐφ᾿' ἡμῖν μὲν ὑπόληψις, ὁρμή, ὄρεξις , ἔκκλισις ,
lions, de le vouloir sans entraves, et dans quelque direction que nous nous tour-
nions , de pouvoir y marcher sans obstacle, c'est être absolument libre. La né-
cessité, au contraire, ne peut consister que dans la contrainte exercée sur la
volonté le seul esclave véritable, c'est celui qu'on force à vouloir . Pour mon-
trer l'existence de la liberté ainsi entendue, toute preuve est inutile : la liberté
se prouve en s'affirmant elle-même dans le fait. La volonté, pour s'affranchir, n'a
besoin que d'elle-même ; car, en définitive, on ne nécessite, on ne contraint du
dehors la volonté que si elle le veut bien, et du moment où elle ne veut plus être
esclave, elle est libre. On ne subit que la contrainte qu'on accepte . Par là,
l'homme se trouve, selon Épictète, dégagé de la nécessité universelle ; ni les
dieux ni les hommes ne peuvent lui imposer une seule action (oudè ï», Manuel,
I, 2). Bien plus, la prédétermination universelle admise par les stoïciens peut bien,
selon Épictète, porter sur la suite des événements extérieurs, mais elle ne peut
porter sur notre propre conduite en face de ces événements ; qu'ils soient agréa-
bles ou désagréables, notre volonté restera bonne , si elle le veut ; sur ce point
Épictète semble rejeter, comme Épicure, toute divination : « Quel que soit l'évé-
nement, dit-il, il sera en ton pouvoir d'en faire un bon usage, et cela, nul ne
pourra t'en empêcher (XXXII, 2 : tout' ovdeìs xwhúσet). » Et ailleurs : « Εἰ γὰρ τὸ
ἴδιον μέρος , ὃ ἡμῖν ἔδωκεν ἀποσπάσας ὁ θεός, ὑπ᾿ αὐτοῦ ἢ ὑπ᾽ ἄλλου τινὸς κωλυτὸν ἢ
ἀναγκαστὸν κατεσκευάκει , οὐκέτι ἂν ἦν θεός, οὔτ᾽ ἐπεμελεῖτο ἡμῶν, ὃν δεῖ τρόπον » (En-
tret., I, 17).
Épictète va jusqu'à soutenir que, la liberté ne serait-elle point le bien réel de
l'homme, il voudrait encore le croire pour son compte, et que cette croyance
en la liberté, à défaut de la liberté même, produirait encore chez lui des effets
analogues, et suffirait à lui donner le bonheur, qui ne peut exister pour
l'homme que s'il se croit libre. « Εἰ δὲ ἐξαπατηθέντα τινὰ ἔδει μαθεῖν , ὅτι τῶν ἐκτὸς
ἀπροαιρέτων οὐδέν ἐστι πρὸς ἡμᾶς, ἐγὼ μὲν ἤθελον τὴν ἀπάτην ταύτην, ἐξ ἧς ἤμελλον εὐρόως
καὶ ἀταράχως βιώσεσθαι. Ὑμεῖς δ᾽ ὄψεσθε αὐτοί , τί θέλετε » (Entret. , I, 4 , 27).
Si la croyance à la liberté suffit au point de vue pratique, comment, dans la
théorie, la défendre contre le déterminisme universel ? Épictète, dans le Manuel et
les quatre livres des Entretiens qui nous restent , ne semble point s'être préoccupé
de ce problème métaphysique. Toutefois nous trouvons chez les stoïciens un essai
curieux de solution : selon Chrysippe, la nécessité nous donne notre nature, nos
penchants, nos instincts, et nous imprime ainsi en quelque sorte la direction dans
laquelle nous devons aller ; mais nous, par notre propre spontanéité, sans pouvoir
lutter contre l'impulsion reçue, nous pouvons du moins y ajouter la volonté
peut aider la nature, la liberté peut s'affirmer même en suivant la direction que
lui imprime la nécessité. Telle une pierre lancée du haut d'une montagne, reçoit
il est vrai d'une main étrangère son premier mouvement, mais, y ajoutant de son
propre poids, accroît ainsi sa vitesse, et descend avec une force irrésistible :
« Sicut, inquit (sc. Chrysippus), lapidem cylindrum si per spatia terræ prona
atque dirutajacias, causam quidem ei et initiumpræcipitantiæ feceris, mox tamen
ille præceps volvitur, non quia tu idjam facis, sed quoniam ita sese modus ejus et
formæ volubilitas habet ; sic ordo et ratio et necessitas fati genera ipsa et principia
causarum movet, impetus vero consiliorum mentiumque nostrarum actiones ipsas
voluntas cujusque propria et animorum ingenia moderantur » (Aulu-Gelle, VI, 2).
Ainsi coopèrent et se mêlent, pour arriver au même but, la nécessité, œuvre
de la raison présente au tout, et la liberté, œuvre de la raison présente à
l'homme. L'homme, dit Sénèque, s'offre au destin (præbet se fato) ; et Épictète
s'écrie à son tour : « J'ai offert à Dieu et réglé sur lui mon vouloir ( poσxα-
τατέταχα μου τὴν ὁρμὴν τῷ θεῷ). Veut-il que je me porte vers quelque chose ? moi
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Α (1) . 3
aussi, je le veux. Veut-il que je désire quelque chose ? moi aussi , je le veux . »
. (Entret., IV, 1, 89. ) La raison universelle ayant fixé à chaque espèce animale les
objets vers lesquels il est convenable qu'elle se porte (tà xałńxovta), l'individu n'a
plus qu'à comprendre et à suivre spontanément l'impulsion que lui imprime la
nature, et le moment où sa liberté est le plus grande, c'est celui où elle se
confond le plus avec la nécessité. Ainsi s'explique cette doctrine d'Épictète :
« L'homme est le simple spectateur de Dieu et de ses œuvres » (Acathy aútoũ te
xai tŵv épywv tõv autou. Entret. , I , 6. Voir notre Étude sur la philosophie d'Épic-
tète). Et Épictète ajoute): « Non- seulement il en est le spectateur, mais l'inter-
prète » (οὐ μόνον θεατήν, ἀλλὰ καὶ ἐξηγητὴν αὐτῶν) ; on peut dire plus encore, d'a-
près le passage de Chrysippe qui précède : Non-seulement l'homme est l'inter-
prète des œuvres de la nécessité, mais il en est le coopérateur.
Par cette doctrine stoïcienne, la liberté, affirmée avec force dans l'ordre de la
pratique, semble encore sauvegardée dans l'ordre métaphysique ; en sera-t-il de
même dans l'ordre moral ? Cette volonté qui ne peut se détacher de la nécessité
et ne semble faire qu'un avec elle, conservera-t-elle un mérite vraiment moral ?
Puis-je réellement m'attribuer à moi-même les actions dont je ne puis trouver le
véritable principe en moi, les mouvements dont je ne suis point la cause et que
j'ai contribué à propager sans pouvoir les produire ? Il ne suffit pas de concevoir
la liberté comme une simple condition de nos actes ; elle doit en être le principe
même, et ce n'est pas d'ailleurs, mais de soi, qu'elle doit recevoir sa primitive
impulsion.
Ici est le point faible de la théorie d'Épictète. Les premiers stoïciens admet-
taient que celui qui fait bien, mérite ; que celui qui fait mal, démérite. Mais, dit
Épictète, comment celui qui fait mal, pourrait-il volontairement faire mal et dé-
mériter ? Le vouloir est fait pour le bien, comme le désir pour l'utile, comme la
pensée pour le vrai ( I, 18) . Celui qui veut le mal le prend donc pour un bien ;
par là il se contredit lui-même, et toute faute renferme une contradiction (II, 26).
Or, l'âme humaine est naturellement ennemie de la contradiction. Qu'on lui
montre donc qu'elle se trompe ; qu'on lui montre que, là où elle croit voir le bien,
1 y a le mal : elle renoncera à son erreur. « Mais si vous ne le lui montrez pas,
c'est à vous que vous devez faire des reproches, et non à autrui »> (II, 26). Le
vice, selon Épictète, appelle la « pitié » , jamais « l'indignation » (I, 18 ) . Mais,
d'autre part, que devient alors la vertu ? Le démérite de la faute supprimé, il
semble que le mérite de l'action bonne soit supprimé ; que le bien , comme le mal,
soit une affaire de logique ; que tout s'explique par les lois nécessaires du raison-
nement, et que la liberté , déjà reléguée au second rang dans l'ordre métaphy-
sique, devienne inutile dans l'ordre moral. Sur ce point, la doctrine d'Épictète
reste implicite.
En somme, Épictete á eu pour rôle principal, dans l'histoire de la philosophie,
d'établir l'indépendance de la volonté au point de vue pratique ; en fait il l'a
dégagée de toute contrainte extérieure , il l'a rendue, comme il le dit lui-même,
ȧvaváɣxaσtov ; ce n'était pas assez, car l'absence de contrainte extérieure n'est
pas encore la véritable liberté, qu'Épictète lui-même a si bien définie en disant :
ἐλευθερία , αὐτεξούσιόν τι καὶ αὐτόνομον. Il eut fallu, dans la théorie même, maintenir
notre volonté moralement libre et responsable de ses actes. En cette dernière
tâche le stoïcisme a échoué.
1. Épictète cite d'abord l'úñóhŋfis ou opinion, qui est l'œuvre de l'intelligence ;
puis l'opun ou élan vers les objets, qui est l'œuvre de l'activité volontaire ; enfin
le désir et l'aversion , öpt§ıç , ëxxhots , qui sont l'œuvre de la sensibilité. L'homme
se forme d'abord une opinion (¿ñoλaµ¤ávv) des objets qui l'entourent ; puis, d'après
4 ΕΓΧΕΙΡΙΔΙΟΝ .
σῶμα , ἡ κτῆσις , δόξαι ' , ἀρχαί , καὶ ἑνὶ λόγῳ ὅσα οὐχ
l'opinion qu'il s'en est formée, il les veut et se porte vers eux (opp ), ou au
contraire ne les veut pas et s'éloigne d'eux ( popuv) ; enfin, à ce mouvement ·
d'élan ou de recul s'ajoute un sentiment de désir dans le premier cas (ópéycota ),
d'aversion dans le second cas (èxxλivev).
Sur l'imón (susceptio in mentem), qui se ramène, suivant les stoïciens, à un
jugement volontaire, voir Saumaise, in Epictet. (Lugd . Batav . , 1640 , in-4), p. 29 .
- L'opinion fausse consiste à affirmer plus qu'on ne voit, à ajouter par conjecture
quelque chose à la réalité poσendožάev ; par exemple, étant donnée l'idée de
la mort, c'est-à-dire de la dissolution des organes , on ajoute que la mort est
une chose terrible : là est l'erreur. Il dépend de nous de n'avoir jamais d'opi-
nion fausse ; car nous pouvons suspendre notre jugement partout où nous ne
possédons pas la certitude ; «< nul ne peut nous forcer à avoir les opinions que nous
ne voulons pas avoir » (Entret., II , vi , 21 ; voir II , xx1 ; III, xxiv).
L'ópu ou l'apopu servent, dans la langue stoïcienne, à désigner le mouvement
par lequel la volonté s'approche ou se retire des objets extérieurs, et qui n'a pas
sa source en ces objets, mais dans la raison. Tandis que le désir a pour fin
l'agréable ou l'utile tò ovµpípov, l'élan volontaire a pour fin le convenable, rò xu-
Oñxov (Entret., I , 18 , 2 ). Celui qui a apaisé en lui les désirs et les aversions s'est
par là même arraché au trouble et au malheur qu'ils causent ; celui qui se sert
selon la raison de l'activité volontaire fait davantage : il remplit son devoir et sa
fonction d'homme. « La seconde partie de la philosophie, dit Épictète dans un
« passage jusqu'à présent peu compris, concerne l'ópur et l'àçopu , ou en un seul
« mot le convenable : elle a pour but de régler l'ógu selon l'ordre et la raison,
« avec le secours de l'attention » (Entret., III , 11 : " 0 repì tàs ópµàs xai àpopµàs, xai
ἁπλῶς óὁ περὶ τὸ καθῆκον, ἵνα τάξει , ἵνα εὐλογίστως, ἵνα μὴ ἀμελῶς) .
Le vrai sens du mot opp dans Épictète n'a pas toujours été saisi. Les anciens
traducteurs d'Épictète rendent opp par penchant, inclination. Ritter (Hist.
de la phil. anc., t. IV) et M. Ravaisson ( Essai sur la Mét. d'Arist., t. II, p. 268 )
traduisent également ce terme par celui de penchant. C'est là, semble-t-il, con-
fondre l'opun ahoyos, qui est le propre des animaux, avec l'ópµǹ coλoyos, qui est le
propre de l'homme. Stobée ne va-t-il pas jusqu'à dire nácas dè vás ógµàs ouɣxa-
Tabéoeis eivaι (II, p . 160) . L'idée de penchant et d'inclination implique l'idée de
fatalité or, Épictète place précisément l'opu au nombre des choses qui dépen-
dent uniquement de notre volonté ; sans cesse il répète qu'elle est absolument
libre, et que rien ne peut triompher d'elle si ce n'est elle-même (IV, 1). Enfin,
il la confond si peu avec le penchant et l'instinct, qu'il va jusqu'à l'attribuer à
Dieu tas ópµàs toũ bɛoũ (Entret. , IV, 1, 100) . - Par un excès tout contraire,
semble-t-il, à celui dont nous venons de parler, M. Fr. Thurot, dans sa savante
traduction du Manuel, rend épp par détermination. - En réalité, l'ópu n'est
ni un penchant de la sensibilité, ni une détermination de l'intelligence, c'est un
acte de la volonté, c'est un vouloir ; ce vouloir a pour objet le convenable, comme
l'öpeği a pour objet l'utile, comme la σvyzatábeis a pour objet le vrai ou le ra-
tionnel (Entret., III , 11) . V. notre trad. franç. du Manuel, p. ix.
Comme nous aurons souvent lieu de le remarquer, Épictète simplifie la langue
complexe familière aux stoïciens. Stobée subdivise l'ópu en huit espèces : Пpóleos,
ἐπιβολή, παρασκευή, ἐγχείρησις, αἵρεσις, προαίρεσις , βούλησις, θέλησις (ΙΙ, 162) . Epictete,
lui, ne se sert qu'assez rarement de ces subdivisions scolastiques, et ne conserve
que la distinction fondamentale entre l'ópu et l'opes. D'autre part, öpets est
synonyme pour lui de désir passionné, initvµía : de là ce précepte (11) : Thu öpečiv
παντελῶς ἄνελε.
1. Δόξαι (αἱ περὶ ἡμῶν) , les opinions des autres sur notre compte. - Δόξα, au sin-
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Α ( 1) . 5
ἡμέτερα ἔργα 1 .
2. Καὶ τὰ μὲν ἐφ' ἡμῖν ἔστι φύσει ἐλεύθερα , ἀκώλυτα ,
ἀπαραπόδιστα 2 , τὰ δὲ οὐκ ἐφ ' ἡμῖν ἀσθενῆ 3 , δοῦλα,
κωλυτά , ἀλλότρια .
3. Μέμνησο οὖν ὅτι , ἐὰν τὰ φύσει δοῦλα ἐλεύθερα οἰηθῆς ,
καὶ τὰ ἀλλότρια ἴδια 4 , ἐμποδισθήσῃ , πενθήσεις , ταραχθήση ,
μέμψῃ καὶ θεοὺς καὶ ἀνθρώπους · ἐὰν δὲ τὸ σὸν μόνον
οἰηθῆς σὸν εἶναι , τὸ δὲ ἀλλότριον , ὥσπερ ἐστίν , ἀλλότριον ,
οὐδείς σε αναγκάσει οὐδέποτε , οὐδείς σε κωλύσει , οὐ μέμψη
οὐδένα , οὐκ ἐγκαλέσεις τινί , ἄκων πράξεις οὐδὲ ἕν 5 , οὐδείς
σε βλάψει · ἐχθρὸν οὐχ ἕξεις · οὐδὲ γὰρ βλαβερόν τι πείσῃ
gulier, se prend dans le bon sens (εὐδοξία) ; au pluriel, il peut se prendre dans les
deux sens (εὐδοξία , ἀδοξία) , et c'est ainsi, semble-t-il, qu'il faut Pinterpréter ici.
(V. Simplicius, Comment. , 55 ). Il ne dépend du sage ni de paraître sage ni de
paraître fou, et il ne doit rien faire en vue des opinions d'autrui , quelles qu'elles
soient : οὐδὲν ποιεῖν τοῦ δόξαι ἕνεκα (Entret. d'Epict., III, χχιν, 50) . Φήμη, συνήθεις
τόποι, διατριβή , πάντα ταῦτα ἀλλότρια (Ib. 68) . Cf. Manuel, XIII, XXIII, XXIV, etc.
1. Οσα οὐχ ἡμέτερα ἔργα, tout ce qui n'est pas notre œuvre. En d'autres termes, la
distinction de ce qui dépend de nous et de ce qui ne dépend pas de nous , se réduit
à la distinction de ce que nous faisons et produisons nous-mêmes et de ce que nous
ne faisons pas nous-mêmes. Partout où nous agissons, nous sommes libres et in-
dépendants. La liberté, τὸ ἐφ᾽ ἡμῖν, se ramène à l'action, τὸ ἔργον. --- Cf. Entret.
d'Épictete, I, 22, 10. « Τί οὖν ἐστι τὸ παιδεύεσθαι ; διελεῖν , ὅτι τῶν ὄντων τὰ μέν εἰσιν
ἐφ' ἡμῖν, τὰ δὲ οὐκ ἐφ᾽ ἡμῖν · ἐφ' ἡμῖν μὲν προαίρεσις καὶ πάντα τὰ προαιρετικὰ ἔργα· οὐκ ἐφ᾽
ἡμῖν δὲ τὸ σῶμα, τὰ μέρη του σώματος , κτήσεις, γονεῖς , ἀδελφοί, τέκνα, πατρίς, ἁπλῶς
οἱ κοινωνοί. » Cf. Manuel, 1 , 5 ; II , 1 , 2 ; xiv, 1 , 2 ; xvIII ; xix, 1 , 2 ; xxiv, 1 , 2 ;
ΧΧν, 1 ; ΧΧΧΙΙ, 1 .
2. Ακώλυτα, désigne l'entrave apportée à la volonté par les hommes ; άπαρα
πόδιστα, l'empêchement apporté par les choses.
3. Ασθενῆ, faibles, impuissantes, misérables : la seule puissance véritable ré-
side dans la volonté. On trouve chez Épicure un emploi analogue de ce mot
par opposition aux idées de bonheur et d'éternité : τὸ μακάριον καὶ ἄφθαρτον...
οὔτ᾽ ὀργαῖς οὔτε χάρισι συνέχεται · ἐν ἀσθενεῖ γὰρ πᾶν τὸ τοιοῦτον (Κύριαι δόξαι ap. Diog .
Laër., X, 139). Ailleurs, en parlant de la division à l'infini, Épicure s'écrie qu'il
faut s'arrêter, μὴ πάντα ἀσθενῆ ποιῶμεν (Diog. L. , Χ , 56).
4. Ιδια, propres à toi. - La seule chose qui soit propre à l'homme, c'est, selon
Épictète, sa volonté raisonnable et libre : c'est là la partie maîtresse de l'homme
(τὸ ἡγεμονικόν) , c'est l'homme même ; au contraire, tout ce qui n'est pas notre
libre arbitre ou l'œuvre de notre libre arbitre (τὰ ἀπροαιρετικά) , nous est étranger
(ἀλλότρια), par la même indifférent (ἀδιάφορα) . V. plus loin, ch. xxxΙΙ,la 2.force de ces
5. Οὐδείς σε αναγκάσει οὐδέποτε ... ἄκων πράξεις οὐδὲ ἕν. - Remarquer
expressions. Épictète élève la liberté au-dessus de toute espèce de nécessité exté-
rieure.
6. « Car tu ne pourras pas même souffrir rien de nuisible. »> -- En effet, selon les
6 ΕΓΧΕΙΡΙΔΙΟΝ .
stoïciens, le mal et le nuisible ne résident pas dans ce qu'on souffre, mais dans
ce qu'on pense et veut. La plus vive douleur, par exemple, n'a rien de nuisible ;
les opinions fausses, les intentions dépravées, voilà ce qui est nuisible : ce sont
là les ennemis que le sage porte en lui ; mais le sage, en dehors de soi, n'a per-
sonne qui puisse lui nuire, personne à qui il puisse ou veuille nuire lui-même.
Voir Stobée, II, 202 , éd . Heeren : « Τῶν τε ἀγαθῶν μηδενὸς μετέχειν τοὺς φαύλους,
ἐπειδὴ τὸ ἀγαθὸν ἀρετή ἐστιν, ἢ τὸ μετέχον ἀρετῆς, τά τε παρακείμενα τοῖς ἀγαθοῖς, ἅπερ
ἐστὶν ὧν χρή, ὠφελήματα ὄντα, μόνοις τοῖς σπουδαίοις συμβαίνειν , καθάπερ καὶ τὰ παρακει
μενα τοῖς κακοῖς , ἁπερ ἐστὶν ὧν οὐ χρή, μόνοις τοῖς κακοῖς · βλάμματα γὰρ εἶναι· καὶ διὰ τοῦτο
τοὺς μὲν ἀγαθοὺς ἀβλαβεῖς πάντως εἶναι κατ᾽ ἀμφότερα, οὔτε βλάπτειν οἵους τε ὄντας οὔτε
βλάπτεσθαι, τοὺς δὲ φαύλους κατὰ τοὐναντίον. » Cf. Diogène, 103-104 : « Ως . ἴδιον
θερμοῦ τὸ θερμαίνειν, οὐ τὸ ψύχειν, οὕτω καὶ ἀγαθοῦ τὸ ὠφελεῖν, οὐ τὸ βλάπτειν ... Ωφελεῖν
δέ ἐστι κινεῖν ἢ ἴσχειν κατ᾿ ἀρετήν, βλάπτειν δὲ κινεῖν ἢ ἴσχειν κατὰ κακίαν. »
1. Τηλικούτων, de si grandes choses, un tel état de tranquillité et de liberté.
2. Μετρίως κεκινημένον , médiocrement remué, excité, avec une médiocre ardeur.
— Kvety est une expression importante dans la langue philosophique d'Épictète :
il l'emploie une seule fois dans le Manuel ; mais elle revient souvent dans les
Entretiens .
Selon le Ménon de Platon, le propre de la dialectique socratique était d'im-
primer aux âmes des secousses violentes, toutes semblables à celles que la torpille
imprime aux corps, secousses salulaires, qui n'engourdissaient d'abord que
pour réveiller ensuite. Les stoïciens s'efforcent d'imiter cette sorte de violence
que Socrate exerçait sur les hommes. Ils veulent, eux aussi, mais avec toute la
dureté stoïcienne, piquer, aiguillonner leurs auditeurs : pungunt enim quasi aculeis,
interrogatiunculis angustis (Cicéron, de Finibus, IV, 3, 7). C'est là, selon Épi-
ctète, la partie la plus difficile de la dialectique. Épictete blâme ses prédéces-
seurs d'avoir subtilement expliqué tout ce qui a rapport à l'art de la dialectique,
mais d'avoir négligé d'enseigner l'usage même de cet art : on sait, dit-il, le sens
de termes techniques et ennuyeux, mais on ne sait pas faire passer dans l'âme
des hommes non philosophes (ιδιῶται) les idées mêmes que ces termes expriment,
on ne sait pas remuer les âmes. « Α μὲν δεῖ μαθόντα εἰδέναι χρῆσθαι λόγῳ, ἠκρίβωται
ὑπὸ τῶν ἡμετέρων· περὶ δὲ τὴν χρῆσιν αὐτῶν τὴν προσήκουσαν, τελέως ἀγύμναστοί ἐσμεν. » Εt
il ajoute Donnez un homme non philosophe à qui vous voudrez d'entre nous , à
peine l'aura-t-il un peu remué, que , si celui-ci répond à contre-temps, il l'aban-
donnera en se moquant de lui. « Δὸς γοῦν ᾧ θέλεις ἡμῶν ἰδιώτην τινὰ τὸν προσδιαλεγόμενον,
καὶ οὐχ εὑρίσκει χρήσασθαι αὐτῷ · ἀλλὰ μικρὰ κινήσας τὸν ἄνθρωπον , ἂν παρὰ μέλος
ἀπαντᾶ ἐκεῖνος, οὐκέτι δύναται μεταχειρίσασθαι· ἀλλ᾽ ἢ λοιδορεῖ λοιπόν , ἢ καταγελᾷ, καὶ
λέγει, Ιδιώτης ἐστίν, οὐκ ἔστιν αὐτῷ χρήσασθαι... Ῥήματα τεχνικά, καὶ διὰ τοῦτο τοῖς ἰδιώ-
ταις φορτικὰ καὶ δυσπαρακολούθητα , ὧν ἡμεῖς ἀποστῆναι οὐ δυνάμεθα. Εξ ὧν δ᾽ αὐτὸς ὁ ἰδιώ
της, ἐπακολουθῶν ταῖς αὑτοῦ φαντασίαις, παραχωρῆσαι δύναιτ᾽ ἄν τι, ἢ ἀθετῆσαι, οὐδαμῶς
διὰ τούτων αὐτὸν κινῆσαι δυνάμεθα » (Entret. , II, 12) .
Au contraire, selon Épictète , ce serait la vraie tâche du philosophe que d'arracher
les âmes à cette torpeur, à cette « mort » prématurée où elles languissent, et,
par une révolution intérieure, de les exciter à la philosophie : κινεῖν πρὸς φιλοσο
φίαν (Entret. , III,24, 15) . Il faut que celui qui entend un philosophe éprouve sur soi-
même une inquiétude soudaine : « περὶ αὑτοῦ ἠγωνίασεν » ; que, des choses extérieures
ou il égarait ses regards, il ramène les yeux vers soi : « ἐπεστράφη εἰς αὑτόν » ; qu'il
se sente touché à son point faible ; qu'il s'écrie : « Καλῶς μου ήψατο ὁ φιλόσοφος » , et
se promette de se guérir (Entret., III, 24, 37) . « Καὶ μὴν , ἂν μὴ ταῦτα ἐμποιῇ ὁ τοῦ φιλο
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Α (1).
tions qui lui sont fournies par eux . Cf. Entret. , III, 16 : Επιλέγω τοῖς ἀπροαιρέτοις,
οὐδὲν πρὸς ἐμέ.V. plus loin, III , IV, 1x, XII, 2, L. - Rapprocher ἐπιλέγειν de προσεπιδοξάζειν.
1. Τὸ φαινόμενον, l'objet que tu parais être. Distinction entre le phénomène sub-
jectif (sentiment de crainte) et la réalité objective. D'après les stoiciens, les
objets extérieurs nous sont indifférents ; mais les représentations ou φαντασίαι
que nous avons de ces objets, nous font apparaître les uns comme bons, les
autres comme mauvais. Il ne nous faut donc pas accepter au hasard toutes nos re-
présentations, il faut rejeter celles qui pourraient porter obstacle à notre libre
arbitre : notre liberté devient ainsi, dans une certaine mesure, le criterium de la
vérité. Cf. Cic. , Acad . , II, 11 , 33. Id . , I, 11 : « Assensionem esse in nobis posi-
tam et voluntariam. » De Fato, XIX, 43 : « Visum objectum imprimet illud qui-
dem et quasi signabit in animo suam speciem, sed assensio nostra erit in potes-
tate. » Aulu-Gelle, Noct. Attic. XIX, 1 , 15 : « Visa animi, quas φαντασίας philom
sophi appellant... non voluntatis sunt neque arbitrariæ, sed vi quadam sua inferunt
sese hominibus noscitandæ ; probationes autem, quas συγκαταθέσεις vocant, quibus
eadem visa noscuntur ac dijudicantur, voluntariæ sunt fiuntque hominum arbi-
tratu. Propterea cum sonus aliquis formidabilis aut cœlo aut ex ruina, aut repentinus
nescio cujus pericli nuntius, vel quid aliud est ejusmodi factum, sapientis quoque
animum paulisper moveri et contrahi et (vultum) pallescere necessum est, non opi-
nione alicujus mali percepta, sed quibusdam motibus rapidis et inconsultis officium
mentis atque rationis prævertentibus... Insipiens qualia sibi esse primo animi sui
ulsu visa sunt sæva et aspera, talia esse vero putat et... sua quoque assensione
approbat, καὶ προσεπιδοξάζει... Sapiens autem, cum breviter et strictim colore at-
que vultu motus est, οὐ συγκατατίθεται, sed statum vigoremque sententiæ suæ reti-
net, quam de hujuscemodi visis semper habuit, ut de minime metuendis, sed
fronte falsa et formidine inani territantibus. » Sextus Empiricus, Adv. mathemati-
cos, VIII, 397 : Ἡ ἀπόδειξις, ὡς ἔστι παρ᾽ αὐτῶν ἀκούειν, καταληπτικῆς φαντασίας συγκ
κατάθεσις, ἥτις διπλοῦν ἔοικεν εἶναι πράγμα, καὶ τὸ μέν τι ἔχειν ἀκούσιον, τὸ δὲ ἑκούσιον
καὶ ἐπὶ τῇ ἡμετέρᾳ κρίσει κείμενον . Τὸ μὲν γὰρ φαντασιωθῆναι ἀβούλητον ἦν καὶ οὐκ ἐπὶ τῷ
πάσχοντι ἔκειτο, ἀλλ᾽ ἐπὶ τῷ φαντασιοῦντι τὸ ούτωσί διατεθῆναι... τὸ δὲ συγκαταθέσθαι τού
τῳ τῷ κινήματι ἔκειτο ἐπὶ τῷ παραδεχομένῳ τὴν φαντασίαν .
2. Κανόσιν, « règles » , mot qui de la langue épicurienne passa dans la langue stoi-
cienne. On sait que la canonique formait une des trois parties de la philosophie
épicurienne. Elle n'était chez les stoïciens qu'une simple division de la logique.
V. Diogène, 42 : Τὸ μὲν οὖν περὶ κανόνων καὶ κριτηρίων παραλαμβάνουσι πρὸς τὸ τὴν ἀλήθειαν
εὑρεῖν· ἐν αὐτῷ γὰρ τὰς τῶν φαντασιῶν διαφορὰς ἀπευθύνουσι .
1 3. Οἷς ἔχεις. Il ne faut pas oublier que le Manuel s'adresse à ceux qui ont déjà
reçu au moins les premiers principes de la philosophie stoïcienne.
4. Πρώτῳ. Épictèle ne cite pas ensuite de seconde règle . Il faut donc entendre
première non au point de vue de la quantité, mais au point de vue de la qualité ;
c'est la principale règle morale pour Épictète.
5. Πότερον. La règle consiste à savoir si... On trouve des exemples d'ellipses
analogues dans les auteurs français du dix-septième siècle.
6. Πρόχειρον ἔστω τό, ad manum ou promptum hoc esto : aie présente à l'esprit
cette pensée.
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Α ( 1) .
Appendice 1. - Où donc est le bien ? Dis-nous-le, philosophe. - Il est
où vous ne croyez pas qu'il soit, et où vous ne voulez pas le chercher.
Car, si vous vouliez, vous le trouveriez en vous , sans errer au dehors,
à chercher comine vous appartenant des choses qui ne sont pas à
vous. Rentrez en vous-mêmes ; étudiez-y vos notions naturelles .
Que vous représentez-vous comme le bien? La tranquillité, la féli-
cité, la liberté . Ne vous le représentez- vous pas aussi comme une
grande chose par sa nature, comme une chose d'un prix très-
élevé, et qui est au-dessus de toute atteinte ? Cela dit, où vous
faut-il chercher la tranquillité et la liberté ? Dans ce qui est assu-
jetti, ou dans ce qui est indépendant ? Dans ce qui est indé-
pendant . - Eh bien ! votre corps est-il indépendant ou assujetti ?
Nous n'en savons rien. - - Vous ne savez pas qu'il est assujetti à
la fièvre, à la goutte, à la cécité, à la dyssenterie, aux tyrans, au
féu, au fer, et à tout ce qui est plus fort que lui? - Oui, il leur est
assujetti. - Comment donc alors une partie quelconque du corps
pourrait-elle être libre ? Comment pourrait être d'importance et de
prix ce qui n'est de sa nature qu'un cadavre, de la terre, de la
boue ? Mais quoi ! n'avez- vous rien en vous qui soit indépendant ? -
Rien . -- Et qui peut vous forcer à adhérer à une erreur manifeste ?
- Personne. - Qui peut vous contraindre à ne pas adhérer à la
vérité qui se montre à vous ? -- Personne. - - Vous voyez donc bien
par là qu'il y a en vous quelque chose qui est naturellement indé-
pendant. Et qui de vous peut désirer ou craindre, vouloir une chose
ou la repousser, préparer ou entreprendre quoi que ce soit, s'il ne
se l'est pas représenté d'abord comme un profit ou comme un de-
voir? -- Personne. - - Vous avez donc là encore quelque chose d'in-
dépendant et de libre. Malheureux ! c'est là ce qu'il vous faut tra-
vailler et soigner, c'est là qu'il vous faut chercher le bien.
- Et comment peut - on vivre heureux, quand on ne possède rien,
quand on est nu , sans maison, sans foyer, négligé, sans esclave, sans
patrie? - Eh bien ! Dieu vous a envoyé quelqu'un pour vous mon-
trer par des faits que cela est possible . Regardez-moi : je suis sans
patrie, sans maison, sans fortune, sans esclave ; je couche sur la
terre ; je n'ai ni femme, ni enfant , ni tente de général ; je n'ai que
la terre, le ciel et un manteau. Et que me manque-t- il ? Ne suis-je
pas sans chagrin et sans crainte ? Ne suis-je pas indépendant ? Qui
de vous m'a jamais vu frustré dans mes désirs, ou tombant dans ce
que je voulais éviter ? Quand ai-je accusé les dieux ou les hommes ?
A qui ai -je fait des reproches ? Quelqu'un de vous m'a- t- il jamais
vu triste ? De quel air vais-je au-devant de ces gens qui vous effraient
et vous en imposent ? N'est-ce pas comme au-devant d'esclaves ?
1. Cet appendice et les suivants contiennent les passages des Entretiens où
Épictète a repris avec plus de développements les questions traitées dans chaque
chapitre du Manuel. Ces rapprochements entre le Manuel et les Entretiens,
souvent nécessaires pour comprendre la pensée d'Épictète, n'avaient pas encore
été faits. Dans ce travail, les indications fournies par les notes de Schweighæuser
1.
10 ΕΓΧΕΙΡΙΔΙΟΝ.
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Β (ΙΙ) .
1
1. Μέμνησο ὅτι ορέξεως ἐπαγγελία ἐπιτυχία οὗ
ὀρέγῃ , ἐκκλίσεως ἐπαγγελία τὸ μὴ περιπεσεῖν ἐκείνῳ ἢ
ἐκκλίνεται , καὶ ὁ μὲν ἐν ὀρέξει ἀποτυγχάνων ἀτυχής , ὁ δὲ
ἐν ἐκκλίσει περιπίπτων δυστυχής 2. Αν μὲν οὖν μόνα
ἐκκλίνης τὰ παρὰ φύσιν τῶν ἐπὶ σοί 3 , οὐδενί , ὧν ἐκκλίνεις ,
αν ἐκκλίνης ἢ θάνατον ἢ πενίαν , δυστυ
περιπεσῇ · νόσον δ᾽ ἂν
χήσεις.
5
2. Αρον οὖν τὴν ἔκκλισιν ἀπὸ πάντων τῶν οὐκ ἐφ᾿
ἡμῖν , καὶ μετάθες ἐπὶ τὰ παρὰ φύσιν τῶν ἐφ ' ἡμῖν 4. Τὴν
nous ont été fort utiles, quoiqu'elles soient incomplètes. Nous nous sommes servi,
pour transcrire les passages des Entretiens, de l'excellente traduction de M. Cour-
daveaux. Quelques fragments empruntés à Stobée sont cités en grec.
1. Ορέξεως ἐπαγγελία, ce que le désir annonce et promet, ce qu'il déclare etre
son objet. - Le désir, au fond, est une sorte de promesse intérieure que nous
nous faisons à nous-mêmes, et dont la réalisation ne dépend précisément pas de
nous.
2. Remarquer la progression : ἀτυχής, δυστυχής.
3. Τὰ παρὰ φύσιν τῶν ἐπὶ σοί , les choses qui , dépendant de toi , sont contraires à
la nature . - - D'après Épictete, comme d'après les successeurs de Zenon, la règle
supreme en morale, c'est de se conformer à la nature : sequi naturam. Mais,
pour Épictète, la nature, l'essence de l'homme, c'est d'être libre. L'antique pré-
cepte : Fais ce que te prescrit ta nature, devient alors : Fais ce que te prescrit ta
liberté propre. C'était d'ailleurs par une corruption de son sens primitif que le
précepte de Zénon : ὁμολογουμένως ζῇν, vivre d'accord avec soi-même, était devenu
chez Cléanthe et Chrysippe : όμολογουμένως τῇ φύσει ζῇν, et après avoir servi à af-
firmer, comme dirait Kant, l'autonomie de la volonté, semblait en devoir consa-
crer l'hétéronomie par rapport à la nature extérieure. V. Stobée, Ecl. II , 7 :
« Τὸ τέλος μὲν Ζήνων οὕτως ἀπέδωκε, τὸ ὁμολογουμένως ζῇν, τοῦτο δ' ἐστὶ καθ᾿ ἕνα λόγον
καὶ σύμφωνον ζῆν, ὡς τῶν μαχομένων ζώων κακοδαιμονούντων. Οἱ δὲ μετὰ τοῦτον προσδιαρ-
θροῦντες οὕτως ἐξέφερον, ὁμολογουμένως τῇ φύσει ζῇν. » Cf. Diogène, 88 : « Τέλος γίνεται τὸ
ἀκολούθως τῇ φύσει ζῇν, ὅπερ ἐστί κατά τε τὴν αὑτοῦ καὶ κατὰ τὴν τῶν ὅλων, οὐδὲν ἐνεργοῦντας
ὧν ἀπαγορεύειν εἴωθεν ὁ νόμος ὁ κοινός, ὅσπερ ἐστὶν ὁ ὀρθός λόγος διὰ πάντων ἐρχόμενος, ὁ
αὐτὸς ὢν τῷ Διὶ καθηγεμόνι τούτῳ τῆς τῶν ὅλων διοικήσεως ὄντι. » Ih. 100, sqq. :
« Φύσιν Χρύσιππος ἐξακούει τήν τε κοίνων καὶ ἰδίως τὴν ἀνθρωπίνην, ὁ δὲ Κλεάνθης τὴν
κοίνην μόνον ἐνδέχεται φύσιν, οὐκέτι δὲ καὶ τὴν ἐπὶ μέρους. »
- 4. Ἆρον τὴν ἔκκλισιν... καὶ μετάθες... Expressions energiques, qui peignent bien
le travail intérieur que le stoïcien accomplit sur lui-même.
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Β (11) . 11
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Γ (ΙΙΙ) .
1. Τῶν ψυχαγωγούντων, des objets qui attirent, qui séduisent l'âme. Platon,
dans le Phèdre, appelle la rhetorique une ψυγαγωγία.
2. Χύτραν, pot de terre. Sous cette image triviale à dessein, Epictete veut figurer
tous les objets matériels qui nous entourent, et notre corps lui-même, ce vase
d'argile (ἀγγεῖον οὐ notre âme est enfermée. - Sur la confusion entre les choses
et les personnes que ces passages renferment, V. notre édit. franç. du Manuel.
3. Ανθρωπον, être humain, conséquemment mortel,
4. L'indifférence du stoïcien à l'égard d'autrui, quoiqu'elle ressemblât par le
dehors à un égoïsme révoltant, trouvait pourtant sa source dans un principe..
moral : c'est que, pour autrui pas plus que pour nous, un mal extérieur,
comme la souffrance ou la mort, ne constitue un mal véritable : il faut donc
affirmer en face de ces prétendus maux, partout ou on les rencontre, fit-ce dans
14 ΕΓΧΕΙΡΙΔΙΟΝ.
Appendice. La nature a fait les hommes les uns pour les autres .
Il faut tantôt qu'ils vivent ensemble, tantôt qu'ils se séparent ; mais,
ensemble, il faut qu'ils soient heureux les uns par les autres ; et
quand ils se séparent, il faut qu'ils n'en soient pas tristes .
- Mais comment alors aimer mes amis ? - Comme aime
une âme élevée, comme aime un homme heureux . Jamais la
raison ne nous commande de nous abaisser, de pleurer, de nous
mettre dans la dépendance des autres... Aime tes amis en te
gardant de tout cela... Et qui t'empêche de les aimer comme on aime
des gens qui doivent mourir, qui doivent s'éloigner ? Est- ce que
Socrate n'aimait pas ses enfants ? Si ; mais il les aimait en homme
libre... Nous, tous les prétextes nous sont bons pour être lâches :
à l'un, c'est son enfant ; à l'autre , c'est sa mère ; à l'autre, ce sont
ses frères .
Comment donc se préparer à ce que je demande ? Le premier
moyen, le moyen le meilleur, le moyen souverain , celui qui est la
clef de tout, pour ainsi dire , c'est de ne s'attacher à personne que
comme à une chose qui peut nous être enlevée, comme à une chose
qui est de la même nature que les vases d'argile et les coupes de
verre. Que le vase se brise, et, nous rappelant ce qu'il était, nous ne
nous troublerons pas . De même ici , quand tu embrasses ton enfant,
ton frère, ton ami, ne te livre jamais tout entier à ton impression , ne
laisse jamais ton bonheur aller aussi loin qu'il le voudrait ; mais tire
en arrière, et modère-le ; fais comme ceux qui marchent derrière le
triomphateur, et qui l'avertissent qu'il est homme.
Donne-toi à toi- même cet avertissement : « Tu embrasses quelque
<< chose de périssable ; tu embrasses quelque chose qui n'est pas à
<< toi, quelque chose qui t'a été donné pour un moment, et non pour
« ne t'être jamais enlevé et pour t'appartenir sans réserve. Il en
« est de cet être comme des figues et des raisins, qui te sont donnés
« à un moment précis de l'année, et que tu serais fou de désirer
<< pendant l'hiver. »
un être aimé, la supériorité de notre volonté morale (V. notre Étude sur la
philosophie d'Épictète).- On trouve dans Platon l'origine de ces idées stoïciennes :
<< Retranchons aussi ces lamentations et ces regrets qu'on met quelquefois dans
la bouche des grands hommes. ― C'est la suite nécessaire de ce que nous venons
de dire. - Voyons auparavant si la raison autorise ou non ce retranchement.
N'est-il pas vrai que le sage ne regardera pas la mort comme un mal pour un
autre sage son ami ? - Cela est vrai. Il ne pleurera donc pas sur lui, comme
s'il lui était arrivé quelque chose de funeste ? - Non. - Nous disons ' aussi que,
s'il est un homme qui puisse se suffire à lui-même et se passer des autres hommes
pour être heureux, c'est le sage. Rien n'est plus certain. Ce ne sera donc
pas un malheur pour lui de- perdre un fils, un frère, des richesses ou quelque
autre bien de cette nature? Non. -- Lorsqu'un pareil accident lui arrivera, il
ne se lamentera pas, et le supportera avec toute la patience possible. - Sans
doute. Nous avons donc raison d'ôter aux hommes illustres les pleurs et les
gémissements , de les renvoyer aux femmes, et encore aux plus faibles d'entre
elles, aussi bien qu'aux hommes d'un caractère efféminé, puisque nous voulons
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Δ ( IV ) . 15
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Δ ( IV)
que ceux que nous destinons à la garde de notre État rougissent de pareilles fai-
blesses. - Nous faisons bien. »> (Platon, République, 1. III.)
1. Comparer plus loin, ch. xxix.
16 ΕΓΧΕΙΡΙΛΙΟΝ .
2
σεαυτῷ τὰ γινόμενα ἐν βαλανείῳ 1 , τοὺς ἀποῤῥαίνοντας
τοὺς ἐγκρουομένους , τοὺς λοιδοροῦντας , τοὺς κλέπτοντας 3 .
καὶ οὕτως ἀσφαλέστερον ἅψη τοῦ ἔργου , ἐὰν ἐπιλέγης εὐθὺς
ὅτι « Λούσασθαι θέλω , καὶ τὴν ἐμαυτοῦ προαίρεσιν κατὰ
φύσιν ἔχουσαν τηρῆσαι 4. » Καὶ ὡσαύτως ἐφ᾽ ἑκάστου
ἔργου . Οὕτω γὰρ ἄν τι πρὸς τὸ λούσασθαι γένηται ἐμπό
διον 5, πρόχειρον ἔσται διότι « Ἀλλ᾿ οὐ τοῦτο 6 ἤθελον
μόνον , ἀλλὰ καὶ τὴν ἐμαυτοῦ προαίρεσιν κατὰ φύσιν ἔχου
σαν τηρῆσαι · οὐ τηρήσω δέ , ἐὰν ἀγανακτῶ πρὸς τὰ γινό-
μενα. »
1. On sait l'importance du bain chez les anciens ; aussi leurs moralistes re-
viennent-ils souvent sur ce sujet, comme sur l'un des actes les plus fréquents de
la vie le bain était, dit Martial, une occupation de tout instant : « nam thermis
iterum cunctis iterumque lavatur. » On se baignait le matin, le soir, avant le
principal repas, avant de prendre quelque résolution importante, quelquefois avant
de se décider à vivre ou à mourir. Le bain fortifiant les membres et allégeant
l'esprit, la plupart des sources étaient consacrées à Hercule, le dieu de la force.
Aux bains, les diverses classes de la société antique se trouvaient un instant
mélangées riches et pauvres, patriciens et plébéiens se coudoyaient. Les em-
pereurs mêmes ne dédaignaient pas d'aller parfois aux thermes publics.
2. Τοὺς ἀποῤῥαίνοντας, les gens qui jettent de l'eau aux autres.
3. Τοὺς κλέπτοντας, ceux qui volent les vêtements déposés dans l'Apodyterium
ou vestiaire des bains. Ce genre de vol, très-fréquent, était puni des peines les
plus sévères (V. Arist. Probl. XIV).
4. « Je veux me baigner, et en outre (je veux conserver mon (libre) arbitre
conforme à la nature. » -C'est-à-dire, qu'il faut subordonner d'avance toutes nos
actions particulières à cette volonté générale qui doit dominer et régler notre
vie faire ce qui est conforme à notre nature et à notre liberté. — Même théorie
dans Kant.
5. Εμπόδιον. Les manuscrits portent, les uns εμποδίζων, - ce qui est une faute
évidente, les autres ἐμπόδιζον , d'autres ἐμποδών , d'autres enfin ἐμπόδιον. Schweig-
hæuser et les éditeurs qui l'ont suivi ont choisi tuodóv. Nous avons préféré
avec M. Ch. Thurot próstov, terme employé continuellement par Épictète dans
les Entret. V. aussi plus loin : Νόσος σώματός ἐστιν ἐμπόδιον.
6. Τοῦτο, me baigner.
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Ε (V). 17
« failli ? Pars de là, et continue. Puis, si tu as fait du mal, reproche-
« le-toi ; si tu as fait du bien, sois- en content 1. »
Voilà des vers qu'il faut retenir pour les mettre en pratique, et
non pas pour les débiter à haute voix , comme on débite le Péan
Apollon !
Dans la fièvre à son tour, ayons présents les principes qui sont faits
pour elle, bien loin de les laisser de côté tous en masse et de les
oublier, parce que nous avons la fièvre . Que doit dire le philosophe,
à chaque chose pénible qui lui arrive ? « Voilà ce à quoi je me suis
« préparé, ce en vue de quoi je me suis exercé . » Dieu te dit :
<< Donne-moi une preuve que tu t'es préparé à la lutte suivant toutes
« les règles, que tu t'es nourri comme on doit le faire, que tu as
<< fréquenté le gymnase, que tu as écouté les leçons du maître. >>
Vas-tu maintenant mollir à l'instant décisif ?
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Ε (V)
1. Εφ' οἷς αὐτὸς πράσσει κακῶς , au sujet des maux qu'il éprouve. Les vrais
maux, selon les stoïciens, ne sont pas ceux qu'on éprouve ( páσoty xax ) , mais
ceux qu'on fait (motiv xaxis).
2. Hoyμévou naιdevota , celui qui commence à s'instruire dans la philosophie.
Synonyme de : προκόπτοντος .
3. Пenaιdevμévou, celui qui est tout à fait instruit, le philosophe accompli.
- A chaque degré de science correspond ainsi, suivant les stoïciens, un degré
de tranquillité et de liberté.
4. Máte λ μýte avto. Il n'accuse personne parce qu'il comprend tout et
Supporte tout.
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Ε ( V) . 19
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ς (VI)
CE QUI SEUL DOIT NOUS RENDRE FIERS, C'EST LE BON USAGE
QUE NOUS FAISONS DE NOS OPINIONS.
qu'ils ne doivent point voir, et les dirige sur d'autres objets ? Est- ce
la vue ? Non ; mais notre faculté de juger et de vouloir. Quelle est
celle qui bouche nos oreilles ou les ouvre toutes grandes ? Quelle est
celle qui nous fait empressés de savoir et questionneurs , ou indiffé-
rents à ce qu'on dit ? Est-ce l'ouïe ? Non ; mais notre faculté de juger
et de vouloir. Eh bien ! cette faculté, quand elle reconnaît qu'elle
intervient dans toutes les autres , et que celles-ci , sourdes et aveu-
gles, ne peuvent s'entendre à autre chose qu'aux actes mêmes dans
lesquels elles sont destinées à être ses subordonnées et ses servantes,
tandis que seule elle voit clair, et sait apprécier la valeur de cha-
cune des autres, pourrait-elle nous dire que ce qu'il y a de meilleur
en nous ce n'est pas elle ?
Qu'est-ce que sait faire l'œil tout grand ouvert, si ce n'est de
regarder ? Mais qu'est-ce qui nous dit ce qu'il faut regarder ? Notre
faculté de juger et de vouloir . Qu'est- ce qui nous dit s'il faut croire
ou rejeter ce qu'on nous débite, et, quand nous le croyons, nous en
émouvoir ou non ? N'est-ce pas notre faculté de juger et de vouloir ?
Et cet art de la parole, qui sait si bien arranger les mots (en suppo-
sant qu'il y ait là un art spécial) , que fait-il , quand nous avons à
parler de quelque chose ? Il arrange et dispose les mots, comme les
coiffeurs les cheveux . Mais, vaut-il mieux parler que de se taire ;
vaut-il mieux parler dans ce sens ou dans cet autre ; ceci est-il
séant ou ne l'est-il pas ; quel est le moment de placer chaque mot ;
quel est son emploi légitime : qui nous dit tout cela, si ce n'est notre
faculté de juger et de vouloir ? Voudrais-tu donc qu'elle vînt pronon-
cer contre elle-même ?
Eh bien ! si les choses sont telles , ce qui sert peut-il être supé-
rieur à celui qui s'en sert ? le cheval , supérieur au cavalier ? le
chien , au chasseur ? l'instrument, au joueur de lyre ? les servi-
teurs, au roi ? Or, en nous, qu'est-ce qui se sert du reste ? Notre
faculté de juger et de vouloir. Qu'est-ce qui veille sur tout le reste ?
Cette même faculté . Qu'est- ce qui fait périr l'homme tout entier,
par inanition , lacet ou précipice ? Elle encore . Qu'y a-t- il alors
de plus fort qu'elle dans l'homme ? Et comment ce qui peut être
entravé pourrait-il être plus fort que ce qui ne connaît point d'en-
traves ? Or, y a-t-il des choses dans la nature qui puissent faire
obstacle à notre faculté de voir ? Oui notre faculté de juger et de
vouloir, et plus d'une chose en dehors d'elle. De même pour notre
faculté d'entendre ; de même pour l'art de parler. Mais est-il quel-
que chose dans la nature qui puisse faire obstacle à notre faculté de
juger et de vouloir ? Riep en dehors d'elle ; elle seule se fait obsta-
cle à elle-même, quand elle cesse d'être droite . Aussi c'est elle seule
qui est le vice, elle seule la vertu...
Les choses en elles-mêmes sont indifférentes, mais l'usage que nous
en faisons n'est pas indifférent. Comment donc tout à la fois maintenir
son âme dans la tranquillité et dans le calme, et faire avec soin ce que
l'on fait, sans précipitation comme sans lenteur ? On n'a qu'à imiter
22 ΕΓΧΕΙΡΙΔΙΟΝ.
ceux qui jouent aux dés. Indifférents sont les points ; indifférents les
dés. Comment savoir, en effet, le dé qui va venir ? Mais jouer avec
attention et habileté le dé qui est venu, voilà ce qui est mon affaire.
De même dans la vie ce qu'il y a d'essentiel, c'est de distinguer,
c'est de diviser, c'est de se dire : « Les choses extérieures ne sont pas
«< à moi , mais ma faculté de juger et de vouloir est à moi . Où donc
«< chercherai-je le bien et le mal? Au dedans de moi , dans ce qui est
<< à moi. » Ne dis jamais des choses extérieures qu'elles sont bonnes
ou mauvaises , utiles ou nuisibles, ni quoi que ce soit en ce genre.
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Ζ (VII).
TOUT CE QUI N'EST PAS NOUS, NE DOIT ÊTRE pour nous qu'un ACCESSOIRE .
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Η (VIII) .
SAVOIR CÉDER A LA NÉCESSITÉ POUR ÊTRE LIBRE 1 .
est ; d'où il suit que Socrate n'était pas en prison, car il y était vo-
lontairement...
Jamais je n'ai été empêché ni contraint. Et comment y ai - je pu
arriver ? J'ai disposé ma volonté selon celle de Dieu . Veut- il que
j'aie la fièvre ? Moi aussi , je le veux. Veut- il que j'entreprenne quel-
que chose ? Moi aussi , je le veux. Veut-il que je désire ? Moi aussi ,
je le veux. Veut-il que quelque chose m'arrive ? Moi aussi , je le
veux. Ne le veut-il pas ? Je ne le veux pas . Veut- il que je meure ?
Veut-il que je sois torturé ? Je veux mourir ; je veux être torturé.
Qu'est-ce qui peut alors m'entraver ou me forcer contrairement à ce
qui me semble bon ? On ne le peut pas plus pour moi que pour
Jupiter.
Homme, renonce à tout, suivant le proverbe, pour être heureux,
pour être libre, pour avoir l'âme grande. Porte haut la tête ; tu es
délivré de la servitude. Ose lever les yeux vers Dieu , et lui dire :
Fais de moi désormais ce que tu voudras ; je me soumets à toi :
<< je t'appartiens . Je ne refuse rien de ce que tu jugeras convenable ;
<< conduis-moi où il te plaira ; revêts-moi du costume que tu vou-
« dras. Veux-tu que je sois magistrat ou simple particulier ? Que je
<< demeure ici ou que j'aille en exil ? Que je sois pauvre ou que je
<< sois riche ? Je te justifierai de tout devant les hommes ; je leur
<< montrerai ce qu'est en elle- même chacune de ces choses. >>>
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Θ (ΙΧ) .
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Ι (Χ) .
A CHAQUE IDÉE OU REPRÉSENTATION QUI NOUS VIENT DU DEHORS
CORRESPOND EN NOUS UNE FACULTÉ CAPABLE D'EN FAIRE USAGE.
Pour le cas présent aussi ne t'a -t-il rien donné ? Ne t'a - t-il pas
donné la patience ? Ne t'a-t- il pas donné l'élévation de l'âme ? Ne
t'a-t-il pas donné le courage ? Voilà des doigts ! ... Mais nous ne
songeons pas à ces ressources : nous n'en tenons point compte ! Car
présentez -moi quelqu'un qui songe à la façon dont il fera quelque
chose ; qui se préoccupe, non point d'un objet à obtenir, mais de la
conduite qu'il tiendra. Qui donc, en se promenant, se préoccupe de
sa manière de se promener ? Qui donc , quand il délibère avec lui-
même, se préoccupe de sa délibération même, et non pas des moyens
de réussir dans ce sur quoi il délibère ? S'il réussit , le voilà fier, et
il dit : « Comme nous avons su prendre le bon parti ! Ne te disais-je
« pas, frère, qu'il n'est pas possible, quand nous avons réfléchi à une
« affaire, qu'elle ne tourne pas comme cela ? » Mais , s'il ne réussit
point, voilà notre malheureux à bas, et qui ne trouve plus un mot
à dire sur ce qui est arrivé. Quel est celui qui ne s'endort tranquil-
lement sur ses actes ? Quel est-il ? Présentez-m'en un seul, pour que
je voie l'homme que je cherche depuis si longtemps , l'homme qui
est vraiment de noble race et d'une nature d'élite . Qu'il soit jeune
ou vieux, présentez-le-moi .
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΙΑ (ΧΙ).
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΙΒ (ΧΙΙ).
ves. Mais Eurysthée était ce qu'il était, et ne régnait pas plus réelle-
ment sur Argos et sur Mycènes qu'il ne régnait sur lui -même : tan-
dis qu'Hercule , par toute la terre et par toute la mer , était
véritablement roi, véritablement chef, réparant les iniquités et les
injustices, amenant avec lui la justice et la piété ; et tout cela il le
faisait nu et seul.
Qu'est-ce qui faisait donc sa confiance ? Ce n'était ni la réputation,
ni la richesse, ni le pouvoir ; c'était sa force intérieure, c'est-à-dire ,
ses convictions sur ce qui dépend de nous et sur ce qui n'en dépend
pas . Ce sont elles seules, en effet, qui nous font libres et indépen-
dants , qui font relever la tête à celui qu'on humilie, qui nous font
regarder en face et d'un œil fixe les riches et les puissants . Voilà la
part du philosophe.
§ 2. Lorsque tu demandes de l'eau chaude et que ton esclave ne
t'a pas entendu, ou bien t'a entendu, mais t'en apporte de trop tiède,
ou bien même ne se trouve pas dans la maison , n'est-ce point faire
une chose agréable aux dieux que de ne pas t'emporter et ne pas
crever de colère ? Mais comment supporter de pareils êtres ? --
Esclave, ne peux-tu supporter ton frère, qui a Jupiter pour premier
père, qui est un autre fils né de la même semence que toi , et qui a
la même origine céleste ? Parce que tu as été mis à une place plus
élevée que les autres, vas-tu te hâter de faire le tyran ? Ne te rap-
pelles-tu pas qui tu es , et à qui tu commandes ? Ne te rappelles-tu
pas que c'est à des parents, à des frères par la nature, à des descen-
dants de Jupiter ? - Mais je les ai achetés, et ils ne m'ont pas
acheté, eux ! - Vois-tu vers quoi tu tournes tes regards ? Vers la
terre, vers l'abîme, vers les misérables lois des morts ! Tu ne les
tournes pas vers les lois des dieux.
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΙΓ (ΧΠΙ) .
PARAÎTRE ET ÊTRE.
1
Εἰ προκόψαι θέλεις , ὑπόμεινον ἕνεκα τῶν ἐκτὸς ἡ ἀνόητος
δόξας 2 καὶ ἠλίθιος , μηδὲν βούλου δοκεῖν ἐπίστασθαι · κἂν
yàp ὅτι οὐ
δόξης τις εἶναί 3 τισιν , ἀπίστει σεαυτῷ 4. Ἴσθι γὰρ
1. "Evexa tűv éxtós, au sujet des choses du dehors (que le philosophe doit dé-
daigner).
2. Tróμeivov Sóžas, souffre de paraître. Le participe s'emploie ainsi , au lieu de
l'infinitif, dans les verbes qui expriment, non tel ou tel acte distinct, mais la
continuation d'un même acte, ou au contraire sa cessation éµµévely, яaveola:.
3. Tis siva . On connaît le sens de cet idiotisme.
4. 'Aniorel oeauto, défie-toi de toi-même. Le stoïcien, selon Épictète, doit être
à la fois plein de confiance et de défiance, d'assurance (0άpros) et de circonspection
34 ΕΓΧΕΙΡΙΔΙΟΝ .
KEPAAAION IA (XIV) .
ON PEUT DEVENIR INDÉPENDANT DE TOUT HOMME EN DEVENANT MAÎTRE
DE SES DÉSIRS SUR TOUTES CHOSES .
KEPAAAION IE (XV) .
COMMENT ON PEUT DEVENIR, DANS LE BANQUET DE LA VIE,
UN CONVIVE DIGNE DES DIEUX.
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Ις (XVI).
1. ' Ev Tévoet, (parce qu'il est) dans le deuil. - Épictète passe en revue trois hy-
pothèses l'homme s'afflige lorsqu'il perd des personnes aimées, ou lorsqu'il en
est éloigné, ou lorsqu'il perd des choses précieuses. Dans les trois cas, selon
Épictete, et qu'il s'agisse de personnes ou de choses, l'affliction est égale-
ment blâmable.
2. Ὡς ἐν κακοῖς ... τοῖς ἐκτός : comme si cet homme était en butte à des maux
placés en dehors de sa volonté.
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ 15 (χνι) . 39
1. Αλλον γὰρ οὐ θλίβει, car l'accident) n'en accable point d'autre (que lui) .
- Réflexion qui semble étrange et qui est pourtant conforme à l'esprit du stoï
cisme. D'après les stoiciens en effet, un mal, pour être réel, doit frapper, non
l'imagination, mais la raison ; or, la raison est universelle : ce qui semble un mal
à la raison d'un individu doit donc sembler tel à la raison de tous les autres indi-
vidus. Supposons, au contraire, qu'un événement regardé comme un mal arrive
à un individu, et que cet individu seul en soit accablé : ce prétendu mal n'atteint
pas la raison, done ce n'est pas vraiment un mal. Rapprocher de cette pensée
le ch. xxvi.
2. Μέχρι ... λόγου , m. a m. jusqu'à la parole, c. -a-d. en paroles seulement.
3. Συμπεριφέρεσθαι αὐτῷ, illi te ipsum accommodare, se conformer, se plier, con-
descendre à sa douleur.
4. Κἂν οὕτω τύχῃ, et si la chose le comporte ainsi , et au besoin...
5. Εσωθεν στενάξης. Le stoicien ne doit pas plus • gemir intérieurement » quand
il s'agit des malheurs d'autrui que de ses propres malheurs quoi qu'il arrive,
il est sur de trouver toujours en sa vertu sa joie. Voy. Fragm . Epict. 159 : Αλυπος
ἴσθι, μὴ τὴν ἀπάθειαν , ὡς τὰ ἄλογα τῶν ζώων · μηδὲ τὴν ἀλογίαν , ὡς οἱ ἄφρονες· ἀλλ᾽ , ὡς
ἐνάρετος, τὸν λόγον τῆς λύπης ἔχων παραμύθιον. Fragm . 160 : Ὅσοι τινὲς πρὸς τὰς
συμφορὰς γνώμῃ μὲν ἥκιστα λυποῦνται, ἔργῳ δὲ μάλιστα ἀντέχουσιν, οὗτοι τῶν πόλεων καὶ
ἰδιωτῶν κράτιστοί εἰσιν. - Fragm. 161 : Οἱ πεπαιδευμένοι , καθάπερ οἱ ἐκ παλαίστρας,
καν πέσωσι, ταχέως καὶ ἐπιδεξίως ἐκ τῆς ἀτυχίας ἐξανίστανται . Fragm. 162 : Τὸν
λογισμνό, ὥσπερ ἰατρὸν ἀγαθόν, ἐπικαλεῖσθαι δεῖ ἐν ἀτυχίᾳ βοηθόν.. -- Fragm . 163 : Εὐα
τυχίας, ὥσπερ μέθης , ἄφρων ἐπὶ πλεῖον ἀπολαύσας, ἀνοητότερος γίνεται.
40 . ΕΓΧΕΙΡΙΔΙΟΝ.
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΙΖ (XVII).
LA COMÉDIE HUMAINE .
moin appelé par Dieu même : « Viens, t'a-t-il dit, et dépose en ma faveur .
<< Car tu es digne que je te présente en témoignage. De tout ce qui
« est en dehors de ton libre arbitre, est-il quelque chose qui soit un
<< bien ou un mal ? Est- il quelqu'un à qui je nuise ? Ce qui est utile
<< à chacun , l'ai-je mis aux mains d'un autre ou en ses mains à
« lui ? >» - Mais toi , quel témoignage rends- tu à Dieu ? « Je suis dans
« une position critique, maître ; je suis dans le malheur . Personne
<< ne s'intéresse à moi ; personne ne me donne ; tout le monde me
<< blâme ; tout le monde m'injurie . » Est-ce donc ainsi que tu dois
déposer ? Et dois-tu déshonorer celui qui t'a appelé, parce qu'il t'a
assez estimé pour cela, et qu'il t'a cru digne d'être ainsi présenté
par lui comme témoin ?
--- Mais celui qui est au pouvoir m'a dit : « Je te déclare impie et
«< criminel ! » - Que t'est- il donc arrivé ? J'ai été déclaré impie
et criminel. Pas autre chose ? - Non. - Est- ce donc que cet indi-
vidu, qui a le pouvoir de prononcer sur toi , sait ce que c'est que la
piété ou l'impiété ? Est-ce qu'il y a jamais réfléchi ? Un musicien s'in-
quiéterait fort peu que cet individu déclarât que la note la plus basse est
la plus haute ; un géomètre, qu'il prononçât que toutes les lignes menées
de la circonférence au centre ne sont pas égales ; et l'homme vraiment
instruit s'occupera des jugements d'un ignorant sur ce qui est hon-
nête et sur ce qui ne l'est pas , sur ce qui est juste et sur ce qui est
injuste ! Quel tort pour des gens instruits ! Est-ce là ce que tu as
appris ici ?...
Avec ces idées, qu'est- ce qui nous empêche d'avoir une vie douce
et légère à porter, attendant tranquillement tout ce qui peut arriver,
et nous résignant à ce qui est arrivé déjà ? Veux - tu que la pauvreté
soit mon lot? Apporte ; et tu sauras ce qu'est le rôle de pauvre avec
un bon acteur . Veux-tu que j'aie pour lot les magistratures ? Ap-
porte, et les fatigues avec. Veux -tu que j'aie l'exil ? En quelque lieu
que je m'en aille, j'y serai bien . Car, si je suis bien ici, ce n'est pas
à cause du lieu, mais à cause de mes manières de voir, et je les em-
porterai partout avec moi. Nul ne peut me les enlever . Seules elles
sont bien à moi, sans qu'on puisse me les prendre ; et il me suffit
de les avoir, quelque part que je sois, quelque chose que je fasse. --
Mais voici le moment de mourir ! - Que dis-tu ? De mourir? Ne
grossis pas les choses d'une façon théâtrale : dis que voici le moment
où ma substance va se décomposer dans les éléments dont elle est
composée. Et qu'y a-t-il là de terrible ? Est-il donc rien qui ne doive
périr dans ce monde ? Et que peut-il arriver qui doive surprendre
et qui n'ait sa raison d'être ? Serait- ce donc pour cela que le tyran
est à craindre ? Serait-ce pour cela que ses gardes se montrent avec
leurs épées longues et pointues ? A d'autres ces erreurs ! Moi , j'ai
tout examiné, et je sais que personne n'a prise sur moi. Dieu m'a
donné la liberté ; je connais ses commandements ; personne ne peut
aujourd'hui me faire esclave ; j'ai pour garantir ma liberté un ma-
gistrat tel qu'il le faut, des juges tels qu'il les faut.
42 ΕΓΧΕΙΡΙΔΙΟΝ.
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΙΗ (XVIII) .
LES PRÉSAGES.
1. Διαίρει (s.-e. : ὅτι τῶν ὄντων τὰ μέν εἰσιν ἐφ' ἡμῖν, τὰ δὲ οὐκ ἐφ᾽ ἡμῖν). V. Epict.
Entret., I, xxII , 10.
2. Εμοί, comme πρὸς ἐμέ. V. plus haut, I , 5 .
3. Ωφεληθῆναι ἀπ᾿ αὐτοῦ, ex hoc fructum capere. Le sage peut tirer du bien
de tout, en faisant de tout un bon usage, un usage conforme à sa raison et à sa
liberté.
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ 10 (XIX ). 43
pas vrai ? Et, tandis que celui qui me saisit par le cou, qui place
comme il convient mes hanches et mes épaules, m'est utile ; tandis
que mon maître de gymnastique fait bien de me dire : « Enlève
ce pilon des deux mains ; » tandis que, plus ce pilon est lourd , mieux
il vaut pour moi , faudrait- il dire que celui qui m'exerce à être calme
ne m'est pas utile ? Ce serait ne pas savoir tirer parti des hommes .
Mon voisin est-il méchant ? C'est pour lui qu'il l'est ; pour moi il est
bon : il m'exerce à la modération , à la douceur. Mon père est-il mé-
chant ? Il l'est pour lui ; pour moi il est bon .
C'est là la baguette de Mercure. « Touche ce que tu voudras , me
« dit-il , et ce sera de l'or . » Non pas ; mais apporte ce que tu veux,
et j'en ferai un bien . Apporte la maladie, apporte la mort, apporte
l'indigence, apporte les insultes et la condamnation au dernier sup-
plice ; grâce à la baguette de Mercure, tout cela tournera à notre
profit. Que feras-tu de la mort ? - Eh ! qu'en ferai-je, sinon un
moyen de te faire honneur, un moyen pour toi de montrer par des
actes ce que c'est que l'homme qui sait se conformer à la volonté
de la nature ? Que feras-tu de la maladie? - Je montrerai ce
qu'elle est réellement ; je me parerai d'elle ; je serai résigné, tran-
quille ; je ne flagornerai pas le médecin ; je ne ferai point de vœux
pour ne pas mourir. Que cherches-tu encore ? Quoi que tu me pré-
sentes, j'en ferai une chose utile, avantageuse, honorable, digne d'être
désirée .
Toi, au contraire , tu dis : « Prends garde à la maladie ; car elle est
<< un mal. » C'est comme si tu me disais : « Prends garde qu'il te
<< vienne jamais l'idée que trois font quatre, car c'est un mal. »
O homme, comment serait - ce un mal ? Si je pense de cette idée ce
que j'en dois penser, quel mal y aura-t-il encore là pour moi ? N'y
aura-t-il pas là plutôt un bien ?
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΙΘ (ΧΙΧ) .
COMMENT ON PEUT ÊTRE INVINCIBLE. PLACER LE BIEN EN NOUS SEULS,
EST LE SEUL MOYEN DE SUPPRIMER EN NOUS L'ENVIE .
1. 'Exì ooi vizňoat. Le combat où il dépend de nous de vaincre, c'est celui que
nous devons livrer au dedans de nous, contre les désirs mauvais et les opinions
fausses.
2. Maxapions, tu estimes heureux.
44 ΕΓΧΕΙΡΙΔΙΟΝ .
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Κ (ΧΧ) .
- NUL OUTRAGE NE PEUT NOUS VENIR D'AUTRUI, MAIS DE NOUS-MEMES ,
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΚΑ (ΧΧΙ) .
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΚΒ (ΧΧΙΙ) .
S'ATTACHER AU BIEN SANS CRAINDRE LA RAillerie.
1. Pascal cite cette pensée dans l'Entretien avec de Saci, ainsi que la xre et la
la xvii . Il la comprend sans doute à la manière chrétienne, comme si Épictète
avait voulu, par cette image de la mort sans cesse présente à nos yeux, nous ra-
baisser nous-mêmes, nous faire sentir notre impuissance et nous plier devant
Dieu. Loin de là, Épictete veut nous élever au-dessus de la mort même et de
ces maux imaginaires que notre raison prévoit et accepte ; il veut nous faire con-
naître notre puissance, nous faire sentir le dieu qui est en nous, et nous faire
monter vers le Dieu qui est au-dessus de nous.
2. Επανελήλυθε, il nous est revenu soudain philosophe. - On conseillait à ceux
qui voulaient devenir philosophes de quitter pour quelque temps leur pays et
leur famille, afin de mieux rompre d'un seul coup le pli des anciennes habi-
tudes. V. Entret. , III, 16, 11 : Τῶν πατρίδων συμβουλεύουσιν ἀποχωρεῖν οἱ φιλόσοφοι , ὅτι τὰ
παλαιὰ ἔθη περισπᾷ, καὶ οὐκ ἐᾷ ἀρχὴν γενέσθαι τινὰ ἄλλου ἐθισμοῦ, οὐδὲ φέρομεν τοὺς ἀπαν
τῶντας καὶ λέγοντας « Ιδ᾽ ὁ δεῖνα φιλοσοφεῖ, ὁ τοῖος καὶ τοῖος. »
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΚΓ (XXIII). 47
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΚΓ (ΧΧΙΙΙ).
S'ATTACHER AU BIEN SANS DÉSIRER LA LOUANGE.
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΚΔ (ΧΧΙV) .
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΚΕ (XXV)
LA DIGNITÉ HUMAINE. - DE QUEL PRIX ON ACHÈTE
LES BIENS EXtérieurs .
KEPAAAION Ks (XXVI) .
COMMENT ON PEUT CONNAÎTRE LA LOI DE LA NATURE ET APPLIQUER
NOS NOTIONS NATURelles.
2
Τὸ βούλημα τῆς φύσεως καταμαθεῖν ἔστιν ἐξ ὧν οὐ
1. To Bobanua, la volonté, l'intention de la nature.
2. Εξ ὧν, pour ἐκ τούτων περὶ ἦν...
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Κς ( χχνι) . 57
KEPAAAION KZ (XXVII).
DE L'EXISTENCE DU MAL .
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΚΗ (XXVIII)
LA PROSTITUTION DE L'AME.
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΚΘ (ΧΧΙΧ) .
COMMENT IL FAUT EXAMINER UNE ACTION AVANT DE L'ENTREPRENDRE .
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Λ (ΧΧΧ).
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΛΑ (ΧΧΧΙ).
au même endroit, il cite cette phrase des Entretiens ( III , 1 , 18) : Eis taútny thy
χώραν ἑαυτὸν κατατέταχε, il (Apollon) s'établit en ce lieu (À Delphes) . Schweighæuser
n'a pas vu que rien n'empêche de comprendre de la même manière σαυτόν ... και
τατεταχέναι dans la phrase du Manuel, et de traduire avec M. Dübner ita te com-
parare, ut, etc. - Ce qui rendrait ce dernier sens préférable, c'est que le Dieu
des Stoïciens ne peut pas imposer à l'homme le rôle de l'obéissance ; selon les
Stoïciens, c'est l'homme qui librement prend ce rôle et librement obéit à Dieu :
ἀκολουθεῖν ἑκόντα .
1. Ὑπὸ τῆς ἐπιτελουμένοις, produites par la pensée la meilleure. -- C'est l'affir-
mation de l'optimisme.
2. Αλλως... ἐὰν μὴ ἄρης, autrement... si tu n'otes ; tourner : autrement... que si
tu otes.
3. Τοὺς αἰτίους, les causes de ces choses, les dieux.
4. Ce passage renferme une conception originale et féconde en conséquences.
(V. notre édition française du Manuel.)
5. Le fils qui accable son père de reproches, c'est l'homme blasphémant Dieu ;
Polynice et Étéocle, ce sont les hommes qui, tous frères, sont trop souvent des
frères ennemis. Épictète revient plus d'une fois sur cette comparaison des
frères ennemi .
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΛΑ (ΧΧΧΙ). 69
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΛΒ (ΧΧΧΙΙ).
COMMENT IL FAUT CONSULTER LES ORACLES .
1. Ὁποῖον... τι ἐστίν, quel il est, c'est-à-dire s'il est au nombre des choses
bonnes ou mauvaises, ou des choses indifférentes.
2. Ὁποῖον n'a plus le sens philosophique qu'il avait tout à l'heure.
3. Cf. plus haut (xvi ) : Επ' ἐμοί ὠφεληθῆναι ἀπ' αὐτοῦ.
4. Epictete, contrairement aux doctrines déterministes des Stoiciens, affirme
ici la liberté du sage, pour lequel les dieux sont des conseillers, non des maîtres,
et qui, lui-même et lui seul, fait son avenir.
5. Socrate trouvait ridicule d'aller consulter les oracles sur des questions
« que les dieux nous ont mis à portée de résoudre par nos propres lumières :
«< comme si on leur demandait si l'on doit confier son char à un cocher habile
« ou maladroit, son vaisseau à un bon ou à un mauvais pilote. Il taxait d'impiété
« la manie d'interroger les dieux sur ce qu'on peut aisément connaitre, soit par
« le calcul, soit en employant la mesure ou le poids. Apprenons, disait-il, ce
« que les dieux nous ont accordé de savoir ; mais recourons à l'art divinatoire
« pour nous instruire de ce qu'ils nous ont caché ; ils se communiquent à ceux
qu'ils favorisent. » (Mémorables, I, 1.)
6. Τὸ προκείμενον, ce qu'on se propose de connaitre. - Par exemple, dans la
science, dans la philosophie, dans la morale, dans la religion naturelle, on peut
se servir de la raison ; il sera donc inutile d'aller consulter les prêtres et les
devins pour savoir comment penser, comment agir, comment connaître et adorer
Dieu, etc. En tout cela, la raison seule sera la règle. - Au contraire, dans les
arts empiriques , dans le commerce par exemple, quand on a tout calculé, un
événement soudain peut déranger tous nos calculs pour prévoir cet événement,
il est permis de s'adresser aux dieux. - L'art de la divination, ainsi délimité ,
ainsi rabaissé, devait nécessairement disparaître. On ne devait pas tarder à s'a-
percevoir que, non-seulement dans les sciences, mais même dans les affaires de
la vie, la meilleure divination est encore celle de la raison. La philosophie arra-
chait ainsi à la théologie tous ses priviléges le philosophe, l'homme de bien
devenait le véritable prêtre, le vrai et seul ministre de la Divinité. (V. les Entre-
tiens et les Pensées de Marc - Aurèle.)
72 ΕΓΧΕΙΡΙΔΙΟΝ.
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΑΓ (ΧΧΧΙΙΙ)
D'UN TYPE IDÉAL DE CONDUITE.
1. Τῶν ἑκασταχοῦ, dont on parle partout, qui sont dans toutes les bouches .
2. Συγκρίνων, faisant des comparaisons (entre les hommes).
3. Cf. Epict. Fragm. , XI. Εἰ βούλει αταράχως καὶ εὐαρέστως ζήν, πειρῶ τοὺς συν
οικοῦντάς σοι σύμπαντας ἀγαθοὺς ἔχειν. Ἕξεις δὲ ἀγαθούς, εἰ τοὺς μὲν ἑκόντας παιδεύοις,
τοὺς δὲ ἄκοντας ἀπολύοις. Συμφεύξεται γὰρ τοῖς φυγοῦσιν ἡ μοχθηρία ἅμα καὶ ἡ δούλεις .
Συνυπολειφθήσεται δὲ τοῖς συμμένουσί σοι ἡ χρηστότης καὶ ἡ ἐλευθερία .
4. ᾿Αλλοφύλοις , des gens qui sont pour toi des étrangers, qui ne sont pas phi
losophes.
5. On sait que les anciens, surtout les Romains, attachaient beaucoup plus
d'importance que nous à ce qu'ils appelaient le decorum, la majesté et la gravité
du maintien. Il n'est donc pas étonnant qu'Épictète ordonne au philosophe de ne
point rire ; défense qui du reste n'a rien d'absolu : Le sage, dit Sénèque, sous
sa gravité, doit conserver une sorte de gaieté intérieure qui emplit sa poitrine
sans dérider son visage. « Animus debet esse alacer et fidens, et super omnia
erectus. Res severa est verum gaudium ; cæteræ hilaritates non implent pectus,
sed frontem remittunt ; leves sunt » ( Sénèque, Epist. xxit) .
6. Εκ τῶν ἐνόντων, autant que possible. -— Parce que c'est une sorte de sacrilege
d'invoquer le nom de Dieu dans les choses de peu d'importance. · Ο γὰρ ὅρκος,
dit Simplicius commentant Épictète, « μάρτυρα τὸν θεὸν καλεῖ, καὶ μεσίτην αὐτὸν καὶ
ἐγγυητὴν ἐφ' οἷς λέγει προϊσχεται. Τὸ γοῦν ἐπὶ ἀνθρωπίνοις πράγμασι ( ταὐτὸν δὲ εἰπεῖν, μικροῖς
καὶ εὐτελέσι) τὸν θεὸν παράγειν, καταφρόνησίν τινα πρὸς αὐτὸν ὑπογράφει (Simpl. Comment.
in Enchir., 423). ·- Mêmes scrupules dans le christianisme à l'égard du serment.
7. Εστιάσεις... ἰδιωτικάς, les banquets avec les gens du dehors et du commun.
· Οἱ ἔξω, comme οἱ ἀλλόφυλοι , désigne simplement pour Épictete ceux qui sont
comme en dehors du cercle philosophique. 'Αλλόφυλος est synonyme d'ιδιώτης .
Pour le philosophe, les étrangers, ce sont ceux dont la pensée n'est point en ac-
cord avec la sienne et n'a point en quelque sorte la même patrie. V. Jamblique,
Vie de Pythagore, XX, 95 : Εἰ δὲ ἀνάρμοστον κατίδοι τινά, ὥσπερ ἀλλόφυλόν τινα και
ὀθνεῖον ἀπήλαυνε . - 86 : Αἱ δὲ προστιθέμεναι εικοτολογίαι... οὐκ εἰσὶ Πυθαγορικαί, ἀλλὰ
ἐνέων ἔξωθεν.
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΛΓ (ΧΧΧΙ ) . 75
1. On sait le role des lectures publiques dans l'antiquité : les anciens , n'ayant
point l'imprimerie, la remplaçaient comme ils pouvaient ; du reste, les lectures
publiques de l'antiquité ont leur analogue dans nos conférences .
2. Το σεμνόν, la gravité.
3. Τὸ εὐσταθές, la tranquillité. - Ce terme appartient aussi au vocabulaire des
Épicuriens ; mais il a chez eux un sens plutôt physique que moral : τὸ σαρκὸς
εὐσταθὲς κατάστημα (Clem . Alex . Strom. , II, 22, § 131) . - Καὶ ἅμα ἀνεπαχθές (un
air grave, tranquille) et en même temps point désagréable. Le Stoïcien doit
rester digne sans devenir importun.
4. Συμβαλείν, αavoir un entretien avec.... et non pas, comme on traduit par-
fois, conclure une affaire de commerce.
5. Πρόβαλε σαυτῷ, représente-toi.
6. Le même conseil, chose curieuse, est donné à ses disciples par Épicure.
V. Sénèque, Ep. , xr : « Jam clausulam epistola porcit. Accipe equidem utilem
et salutarem, quam te affigere animo volo : « Aliquis vir bonus nobis eligendus
est, ac semper ante oculos habendus, ut sic tanquam illo vidente faciamus. >>
Hoc, mi Lucili , Epicurus præcepit : custodem nobis et pædagogum dedit ; nec
immerito. Magna pars peccatorum tollitur, si peccatori testis assistit. Aliquem
habeat auimus, quem vereatur, cujus auctoritate etiam secretum suum sanctius
faciat . O felicem illum, qui non praesens tantum , sed etiam cogitatus emendat !
O felicem, qui sic aliquem vereri potest, ut ad memoriam quoque ejus se com-
ponat, atque ordinet! »
7. Εντιναχθήσονται, m. a m. te seront fermées au nez.
8. Σὺν τούτοις. Voyez plus haut, p. 72, n. 3.
9. Οὐκ ἦν τοσούτου, non erat tanti, cela n'en valait pas la peine. Ce n'est
pas d'après la peine qu'elle coûte que le Stoïcien doit juger une action et dire :
<< Elle vaut ou clle ne vaut pas la peine d'être faite. » Il doit la considérer en
elle-même ; et si cette action est convenable (καν... καθήκη) , si l'accomplir est un
devoir, quoi qu'il puisse lui en coûter, il l'accomplira.
10. Διαβεβλημένον est donné par tous les manuscrits, sauf un seul, qui porte :
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΛΓ (ΧΧΧΙΙ). 77
διαβεβλημένου. Cependant c'est cette dernière version que Coray a adoptée : dans
ce cas, il semble qu'il faudrait ιδιώτου, et non ἰδιωτικόν. D'ailleurs, ne peut-on
comprendre διαβεβλημένον en le prenant au neutre et en sous-entendant le mot etat.
On aurait alors le contraire de l'etat de tranquillité désigné tout à l'heure par vò
εὐσταθές. 1 Cf. plus haut, IV : ἀγανακτῷ πρὸς τὰ γινόμενα.
1. Εν ταῖς ὁμιλίαις, dans la conversation.
2. Μεμνήσθαι, raconter.
3. Καί, meme. En cette circonstance, le Stoïcien doit aller jusqu'à enfreindre
le précepte qui lui recommande de ne point se montrer un censeur importun :
μὴ ἐπαχθής... μηδὲ ἐλεγκτικός.
78 ΕΓΧΕΙΡΊΔΙΟΝ .
<<< chez lui ; ils ne vont pas bien ; ils sont en feu . » Il n'y a jamais que
cela en effet qui nous fasse changer de couleur, trembler, claquer
des dents ; il n'y a que cela
« Qui fasse que les genoux nous manquent, et que nous nous af-
« faissions sur nos deux jambes. >>
Aussi Zénon était-il tranquille, au moment de se trouver en pré-
sence d'Antigone , parce que pas une des choses dont il faisait cas ne
dépendait de ce dernier , et que tout ce qui dépendait de ce dernier
lui était indifférent.
<< Comment, dit-on , cet homme va-t-il m'accueillir ? Comment va-
« t-il m'écouter ? » Comme il le voudra, esclave ! Que t'occupes-tu
des affaires des autres ? N'est-ce pas à lui que sera la faute, s'il ac-
cueille mal ce qui viendra de toi ?
Mais ce qui m'inquiète, c'est la façon dont je lui parlerai. - Eh
bien ! n'es-tu pas le maître de lui parler comme tu le voudras ?
Oui, mais je crains de ne pas m'en tirer.
N'as-tu donc pas appris à parler ? Et quelle autre chose as-tu
apprise dans les écoles ? J'ai appris les syllogismes et les sophismes.
A quelle fin, si ce n'est de discuter en homme exercé ?
Socrate avait vraiment appris à parler, lui qui tenait aux tyrans ,
aux juges et dans la prison , ce langage que vous savez. Diogène avait
appris à parler, lui qui disait ce que vous savez à Alexandre , à Phi-
lippe, aux pirates, à celui qui l'avait acheté. Leur assurance venait
de leur savoir .
Appendice au § 13. ― « Quel est ton avis ? Veux-tu que je fasse
«< la cour à un tel, et que je me présente à sa porte ? » - Si la raison
le demande, pour ta patrie, pour ta famille, pour l'humanité, pourquoi
ne le ferais-tu pas ? Tu ne rougis pas de te présenter à la porte d'un
cordonnier, lorsque tu as besoin de chaussures, ni à celle d'un jardi-
nier, lorsque tu as besoin de laitues, pourquoi rougirais-tu de te pré-
senter à celle des riches, lorsque tu as quelque besoin analogue ?
« Oui, mais je ne m'extasie pas devant le cordonnier . » Eh bien !
ne t'extasie pas devant le riche non plus. ― « Je ne vais pas pour
« flatter le jardinier. »> - Ne flatte pas le riche non plus. - <<< Mais
« comment obtiendrai -je de lui ce que je désire ? » - T'ai-je dit d'y aller
pour l'obtenir à tout prix ? Ne t'ai-je pas dit simplement d'y aller pour
faire ce que tu dois faire ? - << Pourquoi donc m'y présenterai-je
<< alors ? » - Pour y aller ; pour faire ton devoir de citoyen , ton devoir
de frère, ton devoir d'ami . Souviens-toi seulement que c'est chez un
cordonnier que tu vas , chez un vendeur de légumes, qui n'a à sa
disposition rien de grand ni de respectable, si cher qu'il vende sa
marchandise . Tu vas là comme on va vers des laitues . Elles valent
une obole et non pas un talent. Qu'il en soit de même vis-à-vis du
riche . Dis-toi : « La chose vaut la peine de se présenter à sa porte.
Soit! J'irai. Elle vaut la peine de lui parler . Soit ! Je lui parlerai .
Mais il faudrait lui baiser la main et le flatter par quelques com-
pliments ! Écartons cela : ça vaudrait un talent . Il n'est utile, ni à
5.
82 ΕΓΧΕΙΡΙΔΙΟΝ.
moi, ni à la ville, ni à mes amis, que le citoyen et l'ami honnêtes
périssent en moi . »
- << Mais si je ne réussis pas , je semblerai n'y avoir pas mis tous
mes soins! » — As-tu donc oublié de nouveau pourquoi tu y allais ?
Ne sais-tu pas que le sage n'agit jamais en vue de paraître, mais en
vue de bien faire ?
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΛΔ (XXXIV) .
COMMENT ON PEUT LUTTER CONTRE LE PLAISIR.
c'est à force de s'y reprendre que son oreille arrive à juger. C'est
ainsi que, lorsque nous croyons qu'il est pour nous de grande con-
séquence de nous tromper ou de pas nous tromper, nous apportons
la plus grande attention à l'examen des choses qui peuvent nous
tromper. Mais , bâillant et endormis pour tout ce qui regarde notre
faculté maîtresse , nous acceptons au hasard toutes les représenta-
tions, parce qu'ici nous ne sentons pas nos pertes...
Toute habitude, tout talent, se forment et se fortifient par les ac-
tions qui leur sont analogues : Marchez, pour être marcheur ; courez,
pour être coureur. Voulez-vous savoir lire ? Lisez . Savoir écrire?
Ecrivez. Restez couché dix jours, puis levez- vous , et essayez de faire
une longue route, et vous verrez comme vos jambes seront fortes.
Une fois pour toutes, si vous voulez prendre l'habitude d'une chose,
faites cette chose ; si vous n'en voulez pas prendre l'habitude, ne la
faites pas, et habituez vous à faire quoi que ce soit plutôt qu'elle .
Il en est de même pour l'âme : lorsque vous vous emportez, sachez
que ce n'est pas là le seul mal qui vous arrive , mais que vous aug-
mentez en même temps votre disposition à la colère : c'est du bois
que vous mettez dans le feu .
C'est certainement ainsi , au dire des philosophes , que se forment
jour à jour nos maladies morales .....
Celui qui a eu la fièvre, et qui a cessé de l'avoir, n'est pas dans
le même état qu'avant de l'avoir eue, à moins qu'il n'ait été guéri
complétement. La même chose arrive pour les maladies de l'âme .
Elles y laissent des traces, des meurtrissures, qu'il faut faire dispa-
raître complétement ; sinon , pour peu qu'on reçoive encore quelque
coup à la même place , ce ne sont plus des meurtrissures, ce sont
des plaies qui se produisent . Si donc tu ne veux pas être enclin à la
colère, n'en entretiens pas chez toi l'habitude ; ne lui donne rien
pour l'alimenter. Calme ta première fureur , puis compte les jours
où tu ne te seras pas emporté . « J'avais l'habitude de m'empor-
<< ter tous les jours , diras-tu ; maintenant c'est un jour sur
<< deux, puis ce sera un sur trois , et après cela un sur quatre. >> Si
tu passes ainsi trente jours , fais un sacrifice à Dieu . L'habitude , en
effet, commence par s'affaiblir, puis elle disparaît entièrement . Si
tu peux te dire « Voici un jour que je ne me suis pas affligé ; en
<<< voici deux ; puis voici deux mois , voici trois mois ; j'ai veillé sur
<< moi , quand il s'est présenté des choses qui pouvaient me contra-
«< rier, » sache que tout va bien chez toi...
Mais comment en arriver là ? Commence par résister à l'impres-
sion trop vive de tes représentations et dis : « Attends -moi un peu ,
«< idée laisse- moi voir qui tu es et sur quoi tu portes. Laisse- moi te
« juger. » Puis ne la laisse pas faire de progrès, et retrace à ton
imagination tout ce qui la suit ; sinon , elle va t'entraîner partout
où elle voudra . Appelle bien plutôt à sa place quelque autre idée
honnête et noble, et chasse ainsi l'image impure . Si tu t'habitues à
ce genre de lutte, tu verras ce que deviendront tes épaules, tes ten-
84 ΕΓΧΕΙΡΙΔΙΟΝ .
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΛΕ (XXXV) .
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Ας (XXXVI) .
UN RAPPROCHEMENT ENTRE LES PRÉCEPTES DE LA LOGIQUE ET CEUX DE
LA MORALE .
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΑΖ (XXXVII) .
NE PAS CHANGER NOTRE RÔLE .
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΛΗ (ΧΧΧΥΙΙ) .
LE FAUX PAS.
1. Nous écrivons avec Schweighæuser οἷον δεῖ, au lieu de ὅ δεῖ que porte l'édi-
tion Coray, et de aisoi que porte l'édition Didot.
2. ᾿Απαξίαν ἔχει· « διασπῇ γὰρ καὶ τοῦτο τὴν κοινωνίαν, ὡς τὸ συμπεπλεγμένον ἐκεῖνο...
Δῆλον δὲ ὅτι, κἂν ἐπὶ ἑστιάσεως ἐποιήσατο τὸν λόγον, κοινῶς ἐπὶ πάσης κοινωνίας τείνειν
αὐτὸν χρὴ καὶ συναναστροφῆς κ ( Commentaire de Simplicius au ch. xxxvi) . Voir
aussi Schweighæuser, p. 131. Ainsi, selon Épictète, la conduite qui semble
bonne si l'on considère à part notre corps, - comme on énonce à part chaque
terme de la proposition disjonctive , - est incompatible avec la vie en commun,
dans laquelle nous nous trouvons unis aux autres hommes, comme sont unis les
deux termes de la proposition copulative . Dans la société, l'intérêt de notre corps
se trouve aussi opposé à nos devoirs de « sociabilité et de « pudeur » que le
jour et la nuit. Il faudra done, en notre conduite, ne jamais oublier autrui, ne ja-
mais nous affirmer nous-mêmes sans unir à cette affirmation celle des autres
êtres, ne jamais considérer l'intérêt de notre corps sans tenir compte des devoirs
que nous impose notre raison : ainsi se trouveront d'accord la logique et la mo-
rale, ces deux sciences si fortement unies par les Stoïciens.
3. « Αμείνων γὰρ ὑποκριτής, dit Simplicius commentant cette pensée, « ἐν τρα-
γῳδίᾳ καὶ κωμῳδίᾳ ὁ δοῦλον καλῶς ὑποκρινόμενος, τοῦ ἐν προσωπείῳ δεσπότου ἢ βασιλέως μὴ
κατορθώσαντος. - Cf. plus haut, ch. xvii.
4. Cette comparaison, par sa trivialité meme, fait mieux ressortir la faute de
celui qui prend garde à son pied quand il marche, et ne prend pas garde à son
âme quand il agit ,
86 ΕΓΧΕΙΡΙΔΙΟΝ,
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΑΘ (ΧΧΧΙΧ).
LA MESURE DE LA PROPRIÉTÉ.
Appendice . -
— Μέτρον ἔστω σοι παντὸς σίτου καὶ ποτοῦ ἡ πρώτη τῆς
ὀρέξεως ἔμπλησις · ὄψον δὲ καὶ ἡδονή , αὐτὴ ἡ ὄρεξις · καὶ οὔτε πλείονα
τῶν δεόντων προσοίσῃ , οὔτε ὀψοποιῶν δεήσῃ, ποτῷ τε τῷ παραπεσόντι
ἀρκεσθήσῃ 8.
Φρόντιζε, ὅπως σε μὴ τὰ ἐν τῇ γαστρὶ σιτία πιαίνῃ , ἀλλ' ἡ ἐν τῇ ψυχῇ
εὐφρασία. Επεὶ τὰ μὲν ἀποσκυβαλίζεται , καὶ συνεκρεῖ ὁ ἔπαινος · ἡ δέ,
κἂν ἡ ψυχὴ χωρισθῇ, διαπαντὸς ἀκήρατος μένει 4.
Ἐν ταῖς ἑστιάσεσι μέμνησο , ὅτι δύο ὑποδέχῃ , σῶμα, καὶ ψυχήν · καὶ
ὅ τι ἂν τῷ σώματι δῷς, τοῦτο εὐθὺς ἐξέχεας · ὅ τι δ᾽ ἂν τῇ ψυχῇ , διαπαντὸς
τηρεῖς 5 .
Εἴ τις ὑπερβάλλοι τὸ μέτριον, τὰ ἐπιτερπέστατα ἀτερπέστατα ἂν γί-
γνοιντο 6.
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Μ (XL) .
DE L'ÉDUCATION DES FEMMES,
1. Ὑπὲρ τὸν πόδα ὑπερβῇς, si pedis modum transieris. - On trouve dans les
Fragments d'Épictete la maxime suivante : Καὶ τοῖς σκέλεσι καὶ ταῖς ἐλπίσι τὰ
δυνατὰ δεῖ διαβαίνειν (XC).
2. Des idées analogues se retrouvent dans l'épicurisme, qui allait jusqu'à faire
consister toute la morale dans l'art de mesurer les désirs et les plaisirs, ή μετ
τρητική. V. Epicure , Κύριαι δόξαι, κιν : Ο τῆς φύσεως πλοῦτος καὶ ὥρισται και εὐπόριστός
ἐστιν, ὁ δὲ τῶν κενῶν δοξῶν εἰς ἄπειρον ἐκπίπτει.
3. Fragm. Epict., XXVIII.
4. D'après ce fragment (XXX) , il semblerait qu'Épictète eût enseigné l'immor-
talité de l'âme.
5. Fragm. XXXI. - Rapprocher du chapitre XXXVI du Manuel.
6. Fragm. LV.
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΜΒ (XLII) . 87
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΜΑ (XLI).
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΜΒ ( XLII) .
ÊTRE DOUX ENVERS CEUX QUI FONT MAL , CAR ILS SE TROMPENT.
1. Le stoïcisme, en montrant que nul être raisonnable et libre n'a sa fin et son
prix hors de soi-même, mais en soi , préparait l'affranchissement de tous les êtres
qui semblaient faits non pour eux-mêmes, mais pour l'utilité ou pour le plaisir
d'autrui : c'étaient les esclaves d'abord, puis les femmes, dont souvent la con-
dition ne fut guère supérieure à celle des esclaves.
2. Εν παρέργῳ . V. plus haut, ch. vi .
3. Τὴν γνώμην, l'esprit.
4. Epict. Fragm. ib.
88 ΕΓΧΕΙΡΙΔΙΟΝ .
est vraie ; une seule à leurs négations, la conviction que telle chose
est fausse ; une seule à leurs doutes, la conviction que telle chose
est incertaine ; une seule à leurs vouloirs , la conviction que telle
chose est convenable ; une seule à leurs désirs , la conviction que
telle chose leur est utile ; s'il leur est impossible de désirer autre
chose que ce qu'ils jugent utile, et de vouloir autre chose que ce
qu'ils jugent convenable, pourquoi nous emporter contre la plupart
d'entre eux ? - Ce sont des filous et des voleurs , dis-tu ! ------ Qu'est-ce
donc que les filous et les voleurs ? Des gens qui se trompent sur ce
qui est bon et sur ce qui est mauvais . Par suite, est- ce l'indignation
ou la pitié qu'ils doivent t'inspirer ? Montre-leur qu'ils se trompent,
et tu verras comme ils cesseront de faire mal . S'ils ne voient pas
leur erreur, ils n'ont rien qu'ils puissent préférer à leur opinion.
Quoi donc ! ce voleur et cet adultère ne devraient-ils pas périr?
- Ne parle pas ainsi ; mais dis plutôt : « Cet homme qui s'égare et
<< qui se trompe sur les sujets les plus importants, cet homme aveu-
<< glé, non dans ces yeux du corps qui distinguent le blanc du noir,
<< mais dans ces yeux de l'esprit qui distinguent le bien du mal, ne
<< devrait-il pas périr ? » Et si tu parles ainsi, tu reconnaîtras com-
bien ton dire est inhumain , combien il ressemble à celui-ci : « Cet
<< homme aveugle et sourd ne devrait - il pas périr ? » Car si le plus
grand de tous les dommages est d'être privé des plus grands biens,
et si le plus grand de tous les biens est un jugement droit, pourquoi
t'emporter encore contre celui qui en est privé ?
O homme, il ne faut pas que les torts des autres produisent sur
toi un effet contraire à la nature ; aie pitié d'eux plutôt . Laisse là
ces mots de colère et de haine, ces exclamations de la multitude :
" Quelle canaille ! Quel être odieux ! » Es-tu donc, pour ta part, de-
venu sage en un jour? Te voilà bien sévère !
Pourquoi donc nous emportons-nous ? Parce que nous attachons
du prix à ce qu'on nous enlève . N'attache pas de prix à ton man-
teau, et tu ne t'emporteras pas contre son voleur. Tant que tu atta-
cheras quelque prix à ces choses-là, c'est de toi que tu devras être
mécontent, et non pas des autres.
Vois un peu tu as de beaux vêtements, tandis que ton voisin
n'en a pas ; tu as une fenêtre, veux-tu les y mettre à l'air ? Il ne sait
pas quel est le bien de l'homme, et s'imagine que c'est un bien d'a-
voir de beaux vêtements, ce que tu crois toi-même ; et il ne viendrait
pas te les prendre ! Tu montres un gâteau à des gourmands, et tu le
manges seul ; et tu veux qu'ils ne te l'arrachent pas ! Ne les tente
pas ; n'aie pas de fenêtre ; ne mets pas à l'air tes vêtements. Moi,
avant-hier, j'avais une lampe de fer devant mes dieux pénates ; j'en-
tendis du bruit à ma porte ; je courus , et je trouvai qu'on avait en-
levé ma lampe . Je me dis que celui qui l'avait volée n'avait pas fait
une chose déraisonnable . Qu'arriva-t-il donc? Je dis : « Demain tu
<< en auras une de terre cuite... >>
<< Quoi donc! ne nuirai- je pas à qui m'a nui ? » -- Vois d'abord
90 ΕΓΧΕΙΡΙΔΙΟΝ.
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΜΓ (XLIII) .
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΜΔ ( XLIV).
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΜΕ ( XLV) .
NE PAS JUGER LA CONDUITE D'AUTRUI.
1.
Λούεταί τις ταχέως 1 ; μὴ εἴπης ὅτι « Κακῶς, » ἀλλ'
ὅτι « Ταχέως . » Πίνει τις πολὺν οἶνον ; μὴ εἴπης ὅτι
KEPAAAION Ms (XLVI ) .
laquelle le principe dirigeant, tendu dans tous nos sens, réagit contre l'impulsion
qu'il y reçoit du dehors : « Mens..... quæ sensuum fons est..... naturalem vim
habet, quam intendit ad ea quibus movetur, » dit Cicéron ( Acad. , Il , 10 ).
C'est donc par sa tension que l'intelligence, répondant aux impulsions que
les visions lui impriment, s'en empare, se les approprie, et les transforme ainsi
en des compréhensions ou connaissances. »>
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Μς (XLVI) . 93
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΜΖ (XLVII) .
ÊTRE AUSTÈRE SANS S'EN VANTER.
1. Ὅταν... σῶμα, quand tuf as réglé avec frugalité ce qui concerne le corps ,
2. Ἐκ πάσης ἀφορμῆς, à tout propos.
3. Σεαυτῷ , (que ce soit) pour toi-même. Voy. plus haut, ch. xxΙΙΙ .
4. Τοῖς ἔξω . Voy. plus haut, p. 74, n. 7 .
5. " N'embrasse point les statues. » Tous les commentateurs , sauf Upton, se
sont efforcés en vain de comprendre le sens de cette phrase. Chacun a donné son
explication également fausse. Le sens apparaît pourtant clairement quand on com-
pare ce passage avec un passage analogue des Entretiens : " Τὰς ἀσκήσεις οὐ δεῖ
διὰ τῶν παρὰ φύσιν καὶ παραδόξων ποιεῖσθαι· ἐπεί τοι τῶν θαυματοποιῶν οὐδὲν διοίσομεν
οἱ λέγοντες φιλοσοφεῖν. Δύσκολον γάρ ἐστι καὶ τὸ ἐπὶ σχοινίου περιπατεῖν· καὶ οὐ μόνον δύσε
καλον, ἀλλὰ καὶ ἐπικίνδυνον. Τούτου ἕνεκα δεῖ καὶ ἡμᾶς μελετᾶν ἐπὶ σχοινίου περιπα
τεῖν ἡ φοίνικα ἱστάνειν ἢ ἀνδριάντας περιλαμβάνειν ; οὐδαμῶς » (ΙΙΙ, 11 , 4) .
Évidemment Épictete ne parle ici que d'un exercice de jongleurs, τῶν θαυματοποίῶν.
On a voulu voir dans la phrase du Manuel une allusion à Diogène, qui par le
KEPAAAION MZ (XLVII) . 97
froid tenait embrassées des statues (V. Diog. Laërce, VI, 23) ; mais Épictète, qui a
une sorte de culte pour Diogène, ne l'eût pas ainsi comparé aux funambules. De
plus , lorsqu'il parle « d'embrasser les statues » , ce n'est pas comme d'un exer-
cice où l'on dompterait la douleur et qui , à ce titre, pourrait encore être utile,
c'est comme d'un tour de force difficile et périlleux (Súoxokov xai inixivduvov). Voy.
encore Entretiens, IV, v, 14 : Ὁ μὴ δυνάμενος λέοντας πνίγειν ἢ ἀνδριάντας περιλαμ
Sávetv.
G. ÉPICTÈTE.
98 ΕΓΧΕΙΡΙΔΙΟΝ .
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΜΗ ( XLVIII) .
KEPAAAION MO (XLIX) .
COMMENTER LES PHILOSOPHES N'EST PAS PHILOSOPHer.
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ Ν (L).
ΚΕΦΑΛΑΙΟΝ ΝΑ (LI) .
PRATIQUE ET THÉORIE .
KEPAAAION NB (LII) .
1. Tómos, partie.
2. La morale pratique, qui déduit des théorèmes moraux les règles de la con-
duite.
3. П0 , S.-e. ripusta .
106 ΕΓΧΕΙΡΙΔΙΟΝ.
(logiques), qui ne sont pas faites pour toi ? Elles conviennent à ceux
qui peuvent les acquérir, étant déjà au-dessus de tous les troubles
de l'âme ; à ceux qui peuvent dire : « Je n'ai ni colère , ni chagrin ,
<< ni haine . Que me reste-t-il à faire ? J'ai du loisir , et je suis en
<< repos. Voyons comment on doit se tirer de la conversion des syllo-
" gismes ; comment, après avoir posé une hypothèse, on évitera de
<< tomber dans l'absurde. » Voilà ceux auxquels ces études con-
viennent. Quand on a une navigation heureuse, on a le droit d'allu-
mer du feu, de dîner, et même, à l'occasion , de chanter et de dan-
ser ; mais toi , c'est quand le navire est en danger de sombrer, que
tu viens déployer tes plus hautes voiles .
KEPAAAION NI (LIII).
SENTENCES DIVERSES.
FIN
TABLE DES MATIÈRES
Pages .
Notice sur Épictète .... V
CHAP. I. Distinction entre ce qui dépend de nous et
ce qui ne dépend pas de nous ... 1
- II. Les choses qui ne dépendent pas de nous
ne doivent point être pour nous un objet
de désir ni d'aversion ... 10
III. On doit examiner la nature de tout objet
et de tout être auquel on s'attache .... 13
- IV. On doit examiner la nature de chaque ac-
tion qu'on entreprend ... 15
V. -- Ce qui peut seul nous troubler, ce sont nos
jugements . 17
1
2 22 0
nions.. 20
VII. Tout ce qui n'est pas nous , ne doit être
pour nous qu'un accessoire ...
VIII. Savoir céder à la nécessité pour être libre. 24
IX.
L'homme ne peut rencontrer d'autre obsta-
cle que lui-même ... .... 26
1-
heur..... 31
XIII . -- Paraître et être. 33
-- On peut devenir indépendant de tout
||
XIV .
homme en devenant maître de ses désirs
sur toutes choses .. 35
XV. - Comment on peut devenir, dans le banquet
de la vie, un convive digne des dieux... 36
- XVI. L'examen de nos représentations. - La
pitié du Stoïcien ..
111
38
XVII . - La comédie humaine 40
XVIII. Les présages .... 42
XIX. - Comment on peut être invincible . - Placer
le bien en nous seuls, est le seul moyen
de supprimer en nous l'envie..... 43
112 TABLE DES MATIÈRES .
CHAP. XX . Nul outrage ne peut nous venir d'autrui ,
mais de nous-mêmes ... 45
- XXI. -- Ce que nous devons avoir sans cesse de-
vant les yeux.. 45
- XXII. ― S'attacher au bien sans craindre la rail-
****
lerie ...... 46
XXIII. S'attacher au bien sans désirer la louange .
20000
47
*****
XXIV . S'attacher à ce qui dépend de nous, c'est
535
23
être vraiment utile à nous- mêmes et aux
235
***
autres, à nos amis, à la patrie .....
- XXV . La dignité humaine . - De quel prix on
*
-
achète les biens extérieurs ..
- XXVI. - Comment on peut connaître la loi de la na-
ture et appliquer nos notions naturelles ..
XXVII. De l'existence du mal ...
XXVIII. La prostitution de l'âme ....
XXIX . - Comment il faut examiner une action avant
de l'entreprendre....
XXX. Nos devoirs sont définis par nos relations ..
XXXI. Le vrai culte envers la Divinité 67
XXXII . Comment il faut consulter les oracles . 70
XXXIII. D'un type idéal de conduite .. 73
XXXIV. - Comment on peut lutter contre le plaisir . 82
XXXV. Ne pas craindre d'être vu quand on agit...
-- XXXVI. -- Un rapprochement entre les préceptes de
la logique et ceux de la morale ... 84
XXXVII. - Ne pas changer notre rôle ....
XXXVIII. Le faux pas...
XXXIX . La mesure de la propriété .
XL. De l'éducation des femmes .... 86
- XLI. C'est signe d'un manque d'esprit que de
prendre trop soin de son corps ..
- XLII . - Etre doux envers ceux qui font mal, car ils
se trompent . 87
XLIII. Les deux anses . 90
XLIV. Ne pas confondre soi et ce qui est à soi ..
XLV. Ne pas juger la conduite d'autrui ...
XLVI. Ne pas se dire philosophe, mais l'être.. 92
XLVII . Etre austère sans s'en vanter........ 96
XVLIII. Signes auxquels on reconnaît l'homme or-
dinaire et le philosophe... 98
- XLIX . Commenter les philosophes, n'est pas phi-
losopher... 99
L. - Les lois morales .. 103
LI . Pratique et théorie .. 103
LII. Les trois parties de la philosophie .. 105
LIII. - Sentences diverses .... 108
FIN DE LA TABLE .
3 0112 023782599
INLABORE
DE
ROBUR