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my

Observations

Ex bibliotheca

Steph. Quatremeri .
COMMERCE

DE LA

MER NOIRE.

<36625267340016

<36625267340016

Bayer. Staatsbibliothek
E
Noms des Libraires Affociés.

A AMSTERDAM.

D. J. CHANGUION.
B. VLAM.

J. A. CRAYENSCHOT,
J. VAN GULIK.
C. N. GUERIN.

T. VAN HARREVELT.

A LEIDE.

les Freres MURRAY.

4 ROTTERDAM..

L. BENNET.

A UTRECHT

B. WILD.

1 #%

Bayerische
Staatsbibliothek
München
OBSERVATIONS

SUR LE

COMMERCE

DE LA

MER NOIRE ,

ET DES PAYS QUI LA BORDENT ;


AUXQUELLES ON A JOINT
DEUX MÉMOIRES SUR LE COM
MERCE DE SMYRNE ET DE
L'ISLE DE CANDIE .

Ouvrages Composés fur les lieux mêmes , &


dans lesquels on trouvera amplement dé
taillées toutes les efpeces de marchandises
d'importation & d'exportation , avec leurs
qualités , leurs quantités & leurs prix ,
ainfi que l'évaluation de tous les poids , me
Jures & monnoyes , fur le pied de ceux de
France , d'après lefquels on pourra ferégler.

A AMSTERDAM , LEIDE , ROTTERDAM


& UTRECHT.
CHEZ LES LIBRAIRES ASSOCIES,
MDCCLXXXVII.
PIRI
AVANT- PROPOS.

LA CZARINE CATHERINE II , par droit de con


venance , s'étant enfin emparée en 1783 de la CRI
MEE & de tous les Etats du Khan des Tartares , &
defirant , ainfi que l'Empereur JOSEPH II , tirer parti
des avantages que pourrait procurer le Commerce
de la Mer Noire , lequel était toujours reflé con.
centré entre les mains des Turcs qui ne permettaient à
aucune Puiffance Européenne d'y naviguer, & les
Papiers publics annorçant de toutes parts les dé
marches de différents Miniftres Etrangers , princi
palement de ceux de France & de Hollande , aus
près du Divan , pour obtenir , en vertu de leurs
Capitulations avec la Porte , la navigation du Pont
Euxin , avec la même liberté que les Ruffes & les
Impériaux , l'on croit que le Public verra avec intérêt
les OBSERVATIONS fuivantes qui ont été faites pen
dant les années 1759 & 1762 , fur le Commerce
immenfe & lucratif que l'on pourrait ouvrir dans
les pays qui bordent cette Mer , par laquelle on
pourrait communiquer à la Georgie, à la Mer
Cafpienne, à la Perfe & même jusqu'au Mogol &
à la Chine ; fans parler de l'avantage très effentiel
que retireraient les Négocians Européens établis à
Conftantinople, qui trouveraient alors de quoi for
mer leurs retours avec les produits de la Mer-Noire,
pour leurs bâtimens qui preſque tous s'en revien
nent en Chrétieneté fur leur Left , ou font obligés
d'aller faire Echelle à Smyrne , à Alep, ou dans
l'Archipel pour y faire des chargemens ; ce qui les
confittue en frais & ne leur réuffit pas toujours.
UN Français, nommé LOUIS ANTOINE DUVALZ
avait , il y a environ quinze à feize ans , projetté
à Paris une Société , afin de former avec des MM.
MORACIN & autres un établiſſement pour faire le
3
VI AVANT- PROP O S.

Commerce de la Mer-Noire ; mais , malgré des


Lettres Patentes du Roi , que l'on avait obtenues
cette Société fut réfiliée , & le projet manqua faute
de connaiJances & de renfeignemens; deforte que
le Sr. DUVALZ fut obligé de tout abandonner , après
des dépenses affez confiderables qui l'écraferent. Il
erut qu'avec le peu de fortune qui lui restait , il
pourrait réuffir en RUSSIE , mais il y échoua pa
reillement : forcé de quitter encore ce pays - là, il
vint à Amfterdam en 1783 , dans l'espérance de
trouver des perfonnes qui adopteraient fon plan , fans
autre examen & jur fa parole. Plein de fon idée,
il préfenta fon projet à plufieurs Négocians de cette
ville , ainfi qu'à quelques - uns des premiers Magi
frats , qui l'accueillirent très favorablement fous les
aufpices de M. l'Avocat. . dont je lui avais
fait procurer la connaissance ; mais comme il n'a
vait qu'une teinture très imparfaite du Commerce
& que faute de pratique il ignorait totalement la
marche du Négoce , de même que la quantité & la
qualité des marchandifes d'importation & d'expor
tation des pays qui bordent la Mer- Noire , ainfi que
les prix, les mesures , les poids & les monnoyes
courantes , fon projet tout beau & tout bon qu'il
était , ne pouvait gueres avoir lieu faute de ren.
feignemens fur tous ces objets.
AYANT appris par le Sr CÉRISIER , alors Ré
dateur de la Gazette Française d'Amfterdam , que
j'étais poffefeur d'un manufcrit relatif au Commerce
de cette Mer , il l'engagea à me prier de lui en pro
curer la lecture ; il ne l'eût pas plutôt faite, qu'il
fentit que cet ouvrage lui devenait abfolument né
cefaire, afin de faire réuffir fon PLAN & il me
fit pendant longtems les inftances les plus fortes
pour lui préter mon manufcrit; ce que je fis fur fa
reconnaissance en date du premier Avril 1784.
AVANT - PROPOS. VIL

MUNI de mon ouvrage , il travailla vigoureuse


ment à faire réuffir fon projet & fit de nouvelles
démarches auprès des Magiftrats & des Negocians
chez lefquels il s'était déjà introluit; mais Jes pré
tentions fe trouvant peut - être trop fortes pour un
ESSAI en petit, ou pour d'autres raisons quej'ignore,
il a pris le parti au mois de Juillet 1785 de
quitter furtiveinent Amfterdam , après avoir tenté
de vendre à un Négociant Français de cette ville,
mon manuferit dont il fe difait l'auteur.
C'EST déjà le fecond ouvrage que l'on m'enleve
& dont je fuis la victime , fans pouvoir en tirer
raifon ; le premier a paffé à Paris , à mm infçu ,
& a été attribué à un Magiftrat très connu ;
l'établi Jement qui a été fait d'après mon travail a
pris depuis 1777 une confiftance très brillante &
très folide : fi ce premier ouvrage que l'on n'a fait
que copier mot à mot d'après moi , comme il m'eft
facile de le prouver , n'a pas été fuivi dans tout
Son contenu , il a toujours fervi à l'établiſſement
dont j'avais donné le Plan & dreffé tous les arti
cles ; il embraffait un plus grand nombre d'objets
qui lui auraient donnéplus d'extenfion , ilferait devenu
plus utile à toutes les claffes des Citoyens , même
les plus élevées , ainfi qu'à beaucoup de Débiteurs
malheureux que l'on ruine en pure perte fans les
foulager , & l'Etat en aurait retiré un très grand
avantage.
JALOUX d'être utile à ce pays , où depuis neuf
ans je trouve un repos que le mien me refufe ;
flatté de lui donner cette marque de mon attache
ment, je n'hésite pas un inftant de lui faire part
de mon travail , afin que ceux d'entre les Négo
cians Hollandais qui voudront entreprendre de cou
rir cette carriere pour former un établi Jement "
puiffent profiter de mes lumieres & l'affeoir fur
* 4
VIII A V AN T - PROPOS.

des fondemens folides , fans donner à l'aventure :


je me ferai toujours un plaifir de donner tous les
enfeignemens que l'en defirera & qui feront en
mon pouvoir.
Ce que je peux dire au fujet de ces OBSERVA
TIONS , c'eft que plufieurs perfonnes très inftruites
à qui j'en ai parlé & qui les me lues, m'ont dit
qu'il n'avait encore paru aucun Ouvrage auſſiſuivi ni
auffi détaillé fur le Commerce de la Mer-Noire ; que
le peu de Notions qui fe trouvent jusqu'à préfent
éparfes dans différens livres que beaucoup de gens
font hors d'état de fe procurer , font trop vagues pour
en tirer le moindre avantage ; que la plupart méme
de ces Notions font très informes & très erronnées
& qu'ainfi je rendrais un très grand fervice aus
Commerce de publier mes OBSERVATIONS.
D'AILLEURS , voici la Czarine & l'Empereur
qui font naviguer leurs tatimens fur cette Mer ;
les Français, les Anglais , les Hollandais , principa
lement par le canal de leurs Ambaſſadeurs à Con
ftantinople, MM. de Choifeul - Gouffier , Ainflie
& Dedem , follicitent aujourd'hui très vivement la
permiffion d'y trafiquer , en vertu de leurs Capitu
lations avec la Porte : les Danois , les Hambour
geois , les Suédois, les Polonais , les Pruffiens ,
les Venitiens , les Espagnols , les Napolitains qui
commercent avec la Capitale de l'Empire Ottoman
viendront enfuite. Toutes ces Nations & princi
palement les Français , & les Hollandais leurs
Alliés , font charmés d'avoir des éclairciffemens fur
le Commerce très étendu , mais encore peu connu ,
que l'on peut faire dans cette Partie du monde , dont
le Turc interdifait la navigation à toutes les Puis
fances Européennes , qui , comme je l'ai dit ci deſſus ,
pourraient, par cette voye , faire avec plus d'ai
fance & de profit le Commerec d'Aftrasan , de la
AVANT- PROPOS. 12

Georgie , de la Perfe & même jusqu'au Mogol


& à la Chine , d'où l'on pourrait tirer dans l'in
térieu des terres , diverfes fortes de marchandiſes ,.
avec ien moins de frais , de dangers & de tems.
Ainfic et ouvrage , que l'on peut appeller effentiel
& abfolument nécefaire pour toutes les Nations
sommerçantes de l'Europe , ne peut manquer d'étre
bien accueilli par rapport aux détails intéreſſans
dans lefquels je fuis entré.
EN livrant cet ouvrage au Public , je ne prétends
pas le donner comme un Projet infaillible ; cepen
dant je le crois bon , praticable & avantageux
pour ceux qui le voudront exécuter , pourvu qu'il
Joit dirigé avec prudence & économie : j'ai expofe
les avantages qui en peuvent refulter, mais oui
j'ai préfenté les écueils que l'on devait éviter , &
les difficultés qui fe rencontreraient , afin de n'in
duire perfonne en erreur: c'est à ceux qui voudront
entreprendre cet établiſſement , à bien prendre leurs
mefures : au refte , je laille à des gens plus in
ftruits que moi à pefer les raisons que l'on peut
alléguer pour ou contre cet Etabliſement.
MON deffein n'était nullement de rendre publi
ques ces OBSERVATIONS , qui depuis plus de vingt
ans repofaient avec d'autres papiers : je ne les avais
rédigées que pour ma fatisfaction , afin de m'en
rendre compte à moi - même ; mais je m'y trouve
forcé par les procédés du Sr. DUVALZ , fur le
compte duquel je ne m'étendrai point , fachant en
core avoir des égards pour les malheureux. D'ail
leurs la copie qu'il tient de moi n'eſt point com .
plette, il manque beaucoup d'articles que j'ai reta
blis d'après mon original , frincipalement fur la
partie de la NATOLIE qu'il ne connalt point , oùs
il n'a jamais été & fur laquelle il n'avait aucune
notion , ainfi qu'il en convient lui - même par une
X AVANT - PROPOS.

de fes Lettres , que je conferve avec toute fa cor


refpondance , qui prouve qu'il n'a fait que traver
fer le Budziac , la Valachie & la Moldavie, où il
n'a fait aucun fejour.

Amfterdam.
I Juillet 1786.

ERRAT A.

Page 3 , ligne 13 , ainfi que de l'Encyclopédie , 躡


Lifez ainfi que de celui de l'Encyclopédie.
Page 10, ligne 14 , Orbcy , lifez Or - Bey.
Page 23 , ligne 18 , ufage , lifez triage.
Page 26, lig. 2 & 3 , pieds , lifez pics.
Page 32 , ligne 11 , du Khan , lifez d'un Khan.
Page 33, ligne 2 , on a porté , lifez on apporte.
Page 34 , ligne 5 , dits , lifez dites.
Page 46 , ligne 4 , elles , lifez ils.
Page 49 , ligne 15,27 piaftres , lifez 24 piaftres.
Page 51 , ligne 9 , d'or plan , lifez d'oripeau.
Page 59 , ligne 9 , cerner , lifez cernir.
Page 59 & 60, lig. 29 & 1. fupprimez de Con
ftantinople.
Page 82 , ligne 24 , après abfurde , ajoutez ce.
Page 82 , ligne 25 , qu'il , lifez fans qu'il.
Page 116 , ligne 8 , coutins , lifez coutnis.
Page 119, ligne 7 , avec du, lifez autant de.

OBSER
MER NOIRE. 5

pays renfermée entre le Danube , le


Niefter , la Mer Noire & la Moldavie ;
c'eft-là que fe trouve l'Horde des Nogais
du Budziak , tout l'efpace qui eft entre
le Nieſter , le Boryfthêne , le Bog & les
limites de la Pologne , où eft l'Horde des
Nogais du Zedzan , les plaines qui font
entre le Boryfthêne , le Don , & les limi
tes de Ruffie , dont une petite partie eſt
cultivée par l'Horde des Nogais de Djan
bouilouk , la Presqu'ifle de Crimée , toute
la Circaffie , depuis le Détroit de Yénikalé
ou Bosphore Cymmérien , jufqu'au Ca
barda , où eft fituée l'Horde des Nogais
du Couban.
..La Crimée , autrefois la Cherfonefe Tau
ride , eft une Prefqu'ifle d'environ 750
miles de circonférence : la partie méridio
nale eſt extrêmement montagneufe ; une
chaîne de montagnes entrecoupées de
magnifiques vallées , s'étend depuis la
pointe de Felenk - bournou , au midi de
Ghuflevé , jufqu'à Caffa : la partie fepten .
trionale eft un pays de plaines , où l'on
ne trouve abfolument point de pierres.
La partie montagneufe eft arrofée d'un
grand nombre de petites Rivieres , qui font
le grand & le petit Carafou , l'Indal, le Sa
rifou , le Salghir, l'Elma , le Katchi, le Ca
A.3. *
6 COMMERCE DE LA

barda , le Kazikli- Euzem , & les Ruiffeaux


Boulganak, Bala- Salghir , Dair , Fondouklir ,
Afis & Bouroultche , qui ne méritent au
cune attention , parce qu'ils font à fec pen
dant l'été les plaines manquent d'eau
courante , mais on y fupplée par des
puits extrêmement profonds.
L'air y eft bon partout ; les pâturages y
font excellens & nourriffent une quantité
innombrable de Beftiaux , dont on tire de
la laine , des cuirs & du beurre , qui font les
principaux articles du commerce de ce
pays. Les Haras y font affez nombreux pour
fournir aux habitans tous les chevaux dont
ils ont befoin : ces chevaux font petits ,
très forts , & réfiftent beaucoup mieux
que les nôtres aux fatigues de la guerre.
La Crimée eſt divifée en 48 Kadiliks ,
ou Bailliages , dont 29 font dans la plaine
& 19 dans les montagnes. Ils compren
nent en tout 9 Villes & 1399 Bourgs ou
Villages. Les Villes , qui font des places où
il fe fait du commerce,font, Batcheferai, qui
eft la Capitale & la Réfidence du Khan ;
Caffa, Karafou , Ghuflevé , Orcapi ou Précop,
Baliklava, Soudag, Kerche & Ténikalé.
Battcheferai eft la Capitale de toute la
Petite Tartarie & où réfident les Khans.
Cette Ville, qui n'a gueres plus de 200
ans d'ancienneté, n'eft point fortifiée ; elle
OBSERVATIONS

SUR LE

COMMERCE

DE LA

MER NOIRE.

INTRODUCTION.

LES Nations Européennes n'ayant jamais


pu obtenir du Grand - Seigneur la permis
fion de faire le Commerce de la Mer
Noire , il leur eft conféquemment resté in
connu. On peut cependant affurer que le
commerce y eft fufceptible d'une grande
étendue & que les établiſſemens que l'on
y formerait , feraient dans le cas de deve
air fort avantageux .
Les Jéfuites qui ont été pendant quel
que tems établis en Crimée , mais d'où ils
int été chaffés , & les autres moines éta
lis en Géorgie & en Arménie , la plu
art très ignorans , ne nous ont donné que
es relations très imparfaites des pays qui
ordent cette mer. Quelques perfonnes
A
2 COMMERCE DE LA

qui ont ofé y tenter le trafic , n'en ont


donné également que des notions très
obfcures & très fautives.
Me trouvant à Conftantinople , je me
liai étroitement avec M. Broffard , Mé
decin qui poffédoit plufieurs langues , &
ayant cherché par fon aide à me procurer
des renfeignemens fürs touchant le Com
merce de la Mer Noire , je pus y parvenir
en m'adreffant à un Juif habitant de
- Caffa , lequel avait voyagé dans toute la
Crimée , dans la Pologne , chez les No
gais , dans la Ruffie , & j'eus en outre le
bonheur à force de recherches , de faire
la connoiffance d'un Arménien qui avait
parcouru le Couban , ainfi que le pays des
Abazes , chez lefquels il avoit été efclave;
également d'un Grec , qui avoit demeuré
longtems à Trebifonde , à Rizé & à
Sinope ; ainfi que d'un Géorgien qui
avait voyagé en Perfe , & de quelques
Particuliers & Patrons Grecs qui avaient
parcouru les côtes du Pont Euxin.
Je paffai enfuite à la Canée dans
l'ifle de Candie avec M. P*** Conful de
France , homme fort inftruit , lequel avait
demeuré cinq à fix ans en Crimée en
qualité de Réfident de France auprès du
Khan des Tartares , & ce fut d'après fes

!
MER NOIR E. 5

inftructions queje mis en ordre les diffé


rens matériaux que je m'étais procuré.
De retour à Paris je les vérifiai avec
quelques perfonnes qui avaient parcouru
la Crimée , la Moldavie , la Valachie &
partie de la Pologne ; enforte que je puis
fans préfomption dire , qu'aucun auteur
avant moi n'eft entré dans un détail auffi
inftructif, auffi certain , ni auffi lumineux
que celui que je donne fur le Commerce
de la Mer Noire , & je puis en dire tout
autant du Grand Dictionnaire de Com
merce , ainfi que de l'Encyclopédie, où l'on
chercherait en vain la majeure partie des
articles dont je fais mention.
Le terrein de la Crimée ferait extrê
mement fertile , s'il était cultivé & ce
ferait un pays abondant en toutes fortes
de choſes ; mais la plupart des habitans
font trop peu foucians pour chercher à
fe procurer par le labourage une fubfiftan
ce affurée , & ils préferent d'être valets
chez les Mirzas , Gentilshommes Tartares ,
qui font très orgueilleux & font confi
fter leur fafte dans une fuite fort nom
breufe. D'ailleurs l'indolence des Tartares ,
ainfi que l'efprit de fainéantife & de pil
lage qui les domine , met obſtacle à la cul
ture , de même qu'à la Population. On fait
A 2
COMMERCE DE LA

paffer ces peuples pour des brigands


mais ils ne font pas tels en tems de paix ,
car ils font alors fort hofpitaliers , foit
dans leurs villages , foit dans les campe
mens des Hordes , où celui qui eft le plus
à fon aife , fournit la nourriture ainfi que
le coucher aux voyageurs , fans en exiger
le moindre payement. It eft même arrivé
qu'un voyageur ayant oublié chez eux
quelqu'effet , ces Tartares ont fait courie
après lui pour le lui rendre.
Les Pays dont le Commerce eft du res
fort direct de la Mer Noire , font , au
Nord , la Crimée , les Nogais & la Circaffie;
à l'Orient , les Abazes , la Côte des Lazes &
la Province de Trebifonde , la Géorgie Tur
que , à laquelle on joindra la Perfanne qui y
commerce indirectement ; au Midi , toute
la Côte de l'Afie Mineure , qui contenait
autrefois la Paphlagonie , la Bithynie ,
le Royaume de Pont : & enfin au Couchant
la Romélie , la Bulgarie , le Dobrogé , la Va
lachie , la Moldavie , la Befarabie ou le
Budziak.
Les Etats du Khan des Tartares com
prennent aujourd'hui tous les pays qui s'é
tendent au Nord de la Mer Noire , depuis
le Danube jufqu'au Couban , c'eſt- à- dire ,
la Beffarabie ou le Budziak ; étendue de
MER NOIRE. ร์

pays renfermée entre le Danube le


Niefter , la Mer Noire & la Moldavie ;
c'eft -là que je trouve l'Horde des Nogais
du Budziak , tout l'efpace qui eft entre
le Niefter , le Boryfthene , le Don , &
les limites de Ruffe ,, dont une petite
partie eft cultivée par l'Horde des Nogais
de Djanboilouk , la Presqu'ile de Cri
mée , toute la Circaffie , depuis le Détroit
de Yénikalé du Bosphore Cymmérien ,
jufqu'au Cabarda , où eft fituée l'Horde
des Nogais du Couban:
La Crimée , autrefois la Cherfonefe Tau
ride , eft une Prefqu'ifle d'environ 750
miles de circonférence : la partie méridio
nale eft extrêmement montagneufe ; une
chaîne de montagnes , entrecoupées de
magnifiques vallées , s'étend depuis la
pointe de Felenk -bournou , au midi de
Ghulevé , jufqu'à Caffa: la partie fepten
trionale eft un pays de plaines , où l'on ne
trouve abfolument point de pierres .
La partie montagneufe eft arrofée d'un
grand nombre de petites Rivieres , qui font
le grand & le petit Carafou , l'Indal , le Sa
rifu , le Salghir , l'Uma , le Katchi , le Ca
barda , le Kazikli Euzem , & les Ruiffeaux
Boulganak , Bala Salghir , Dair , Fondouklir
Afis & Bouroultche , qui ne méritent au
A 3

1
6 COMMERCE DE LA

cune attention , parce qu'ils font à fec pen


dant l'été les plaines manquent d'eu
courante , mais on y fupplée par des
puits extrêmement profonds.
L'air y eft bon partout ; les pâturages
font excellens & nourriffent une quan
ité innombrable de Beftiaux , dont on tire
la laine , les cuirs & le beurre , qui font les
principaux articles du commerce de ce
pays. Les Haras y font affez nombreux
pour fournir aux habitans tous les chevaux
dont ils ont befom : ces chevaux font pe
tits , très forts , & réfiftent beaucoup
mieux que les nôtres aux fatigues de la
guerre.
La Crimée eft divifée en 43 Kadiliks ,
ou Bailliages , dont 29 font dans la plaine
& 19 dans les montagnes. Ils compren
nent en tout 9 Villes & 1399 Bourgs où
Villages. Les Villes , qui font des places où
il fe fait du commerce,font, Bactcheferai, qui
eft la Capitale & la Réfidence du Khan ;
Coffa , Karafou , Ghuflevé , Orcapi ou
Précop , Baliklava , Soudag , Kerche &
Ténikálé.
Baccheferai eft la Capitale de toute la
Petite Tartarie & où réfident les Khans :
Cette Ville , qui n'a gueres plus de 200
ans d'ancienneté , n'eft point fortifiée ; elle
MER NOIR E. 7

contient 25000 habitans environ , parmi


lefquels il y a beaucoup de Grecs , d'Ar
méniens & quelques Catholiques. Les
Juifs n'y demeurent point ; ils habitent
un vieux château à l'Occident du vallon
où Baltcheferai eft fitué : le Commerce y
eft affez confidérable & l'on peut y débi
ter une fuffifante quantité de marchandifes.
Caffa eft la place de Commerce la plus
confidérable de tous les Etats du Khan ;
c'eft l'ancienne Theodofie , que les Génois
conquirent fur les Empereurs Grecs &
qui leur fut enlevée par Mahomet II , en
1475. Cette Ville , qui eft fortifiée , dé
pend du Grand Seigneur , comme toutes
celles de guerre fituées dans les Etats du
Khan : elle eft entourée de murailles &
de foffés ; la citadelle qui eft dans la ville
eft affez grande , mais elle ne pourrait
pas réfifter longtems , étant dominée par
une 1 éminence: elle eft moins faible du
côté de la mer. Trois mille Janiffaires
en forment la garnifon avec d'autres mili
ces. C'eſt le Pacha de Yénikalé qui com
mande cette place. 11 y tient un Muffe
leim , ou Lieutenant. Le Khan , cepen
dant , y a une entiere liberté & le Pacha
même lui eft fubordonné. Cette Ville
eft bien bâtie & fort peuplée ; les habi
A 4
COMMERCE DE LA

tans y font au nombre de plus de quatre


vingts mille , y comprenant cinq à fix
mille Raïas Grecs , Arméni.ns , Catholi
ques & Juifs. Les Jefuites y avaient
autrefois une Miffion , mais leur mau.
vaiſe conduite les en a fait chaffer.
La Rade de Caffa eft profonde , mais
peu fûre; le fond en eft de roche & elle
eft extrémement découverte du côté du
Nord. On y voit aborder beaucoup de
bâtimens d'Afie & d'Europe , quelque .
fois même des caravelles d'Alexandrie.
On y débite une grande quantité de
marchandifes d'entrée , & l'on peut s'y
pourvoir abondamment de celles defortie ,
qui y font cheres les unes & les autres ,
y ayant un grand concours de marchands.
Karafou eft fitué au centre de la Cri
mée; il n'eft pas bien bâti & il eft mal
propre : c'est la premiere place de Com
merce après Caffa : on y compte envi
ron quarante mille habitans : il y a beau
coup d'Arméniens & de Grecs , avec
quelques familles Juives de la fecte des
Rabbiniftes. Le Commerce y est très
floriffant par rapport à fa fituation . On y
porte des laines , des cuirs , des beurres ,
des bleds & du falpêtre , qui y eft en très
grande abondance...
Ghufleve
MER NO - IR. E...

Ghulevé est une Ville maritime à l'Oc


cident de la Crimée : elle était autrefois
entourée de murailles , qui la garantillaient
des incurfions des Cofaques , qui defcen
dajent dans la Mer Noire par le Borythene.
Les Ruffes l'ont entiérement détruite : on y
compte 15000 habitans. Il y a un très
grand nombre de Chrétiens & de Juifs
Caraïtes. Son Commércé eft confidérable
par l'abord des bâtimens de Ramélie , de
Natolie & de Conftantinople , & par le
concours des marchands. Ruffes qui vien
nent en tems de paix y apporter leurs
marchandiſes. La Rade de cette ville n'eft
pas fûre , étant expofée au Sud - Oueſt &
découverte de tous côtés...
Baliklava , au Midi , eft un Bourg d'en
viron deux cens maifons , défendu par
une vieille fortereffe bâtie par les Génois
& qui tombe en ruine. Les habitans y
font prefque tous Chrétiens , Arméniens &
Grecs : le Port en eft très beau & bon ,
étant à l'abri de tous les vents ; fon cm
bouchure eft au Midi , & fi étroite que
deux navires ne fauraient y paffer enfem
ble fans courir rifque de fe choquer ; mais
il y a affez de largeur & de fond dans
'le Port pour les vaiffeaux du premier
rang. C'eft dans fon territoire que l'on
AS
ΤΟ COMMERCE DE LA

recueille une affez grande quantité de


laine , la plus belle de toute la Crimée.
Orcapi , que nous ne connoiffons en
France que fous le nom de Précop , eſt une
petite Ville de cinq à fix cens maifons ,
placéefur l'Ifthme qui joint la Crimée à la
Terre ferme & lui fert comme de porte.

L'Ifthme eft coupé par un foflé d'environ


cinquante pieds de large , défendu par une
fortereffe en affez bon état & une garni
fon d'environ mille Janiffaires , comman
dée par un Aga à la nomination de la
Porte. Le Gouverneur de la place eft
l'Orbcy , nommé par le Khan , choifi pres
que toujours parmi les premiers de fa
maifon. Cette ville & fa citadelle furent
prifes deux fois & détruites de fond en
comble par les Ruffes dans la derniere
guerre. Cette place eft l'entrepôt de toutes
les marchandifes qui entrent en Crimée &
en fortent par terre. Tous les marchands
y tiennent des facteurs pour l'expédition
des marchandifes de fortie & pour l'achat .
de celles d'entrée.
Soudag eft un des Kadiliks de la Cri
mée , dont le Grand - Seigneur fe réſerve
konomination Ce n'eft plus à préfent
qu'un petit Bourg. Il n'y a que le com
merce de vin , lequel y eft abondant &
MER NOIR E. 11

bon , qui le rende remarquable. Les


Ruffes viennent l'acheter fur le lieu , pour
le tranſporter chez eux. Son Port est très
bon , extrêmement profond & affez
vafte; l'entrée en eft exposée au Midi.
Kerche eft une petite Ville fituée fur le
bord de la mer , entre Caffa & Ténikale.
L'on y compte environ dix mille habi
tans : il n'y a point de Juifs , ce ne font
que des Mahométans , des Grecs & quel
que peu d'Arméniens qui l'occupent. Son
Port eft extrêmement vafte , profond ,
& peut contenir des vaiffeaux de toute
portée : le fond en eft fablonneux. Les
bâtimens d'Adja , de Taman & de réni
kalé y vont hiverner. Cette place eft affez
commerçante ; les habitans des villages.
voifins y portent leur beurre , leurs laines
& leurs cuirs , & trouvent à les vendre
avec avantage.
Ténikale, petite Ville fur la rive occiden
tale du Bofphore Cymmérien , eft encore
un des Kadiliks du Grand - Seigneur. Les
Turcs y ont bâti au commencement de ce
fiecle , (en 1705 ) une fortereffe pour dé
fendre aux Ruffes l'entrée de la Mer Noi
"
re, qu'ils venoient infefter par la mer de
Zabache, dans le tems qu'ils étoient mag
tres d'Afoph. Le poiffon falé eft le feul
A 6
12 . COMMERCE DE LA

article de commerce de cette place ; il


n'y a point de Port : c'et - là que le Pacha
réfide avec une garnifon de Janiflaires .
La ville eft habitée par des Mahométans ;
il n'y a point de Grecs , très peu d'Ar- -
méniens , & l'entrée en eft abſolument
défendue aux Juifs.
Outre ces places , il y a encore en
Crimée Eskikrim & Marko p , qui peuvent
être mises au rang des villes ci- deffus.
Eskikrim étoit autrefois une ville très
confidérable ; c'eft l'ancienne Cimme
rium , qui a donné fon nom au Bofphore ,
dont les Turcs ont tiré par corruption
le nom de Krim , & nous celui de Crimée ,
que nous donnons à la Presqu'ile.
Mankoup eft une vieille fortereffe , dont
la jurisdiction s'étend fur foixante - qua
torze villages : l'on en tire de la laine pé
lade en petite quantité.
Ily a encore d'autres Ports moins fré
quentés que ceux ci - deffus Kofrouf à
l'Ouest de Soudag ; le Port, eft affez pras
ticable , mais peu fréquenté.
La Rade de Talita à l'Ouest de Kofrout
eft affez fare...
Aplita , très bon Port fitué à l'embou
chure de la riviere Kafikli-Euzem , au Nord,
Queft de Balikliva.
MER NOIRE. 13

Le Golphe de Felenk - bournou contient


cinq Ports , où les navires ne peuvent
gueres aborder que dans le cas d'une né
ceffité abfolue...
Les Ports d'Akmefchid & de Tcherterlik
au Nord de Ghulevé ne font pas fürs , &
l'on n'y doit aller que forcé par la tempête.

COMMERCE D'ENTRÉE. -

Draps:

L'on peut vendre environ 35 à 40


Balles de Draps de France dans toute la
Crimée: les Londrins feconds de Lan
guedoc font ceux dont on débite le plus.
Caffa en confomme 25 à 30 Balles ;
Bactcheferai 4 à 5 , & lerefte de la Crimée
le furplus. L'on en débiterait davan,
tage , fans la modicité du prix des Bocas
fins ,qui portent coup à la confommation
de nos Draps. Le prix des Londrins fe
conds eft de 2à 3 piaftres le Pic de Tur
quie & on les a vu quelquefois vendre jus
qu'à 3 piaftres. On ne rifquerait rien
d'envoyer indifféremment des deux qua
lités de Londrins. En obfervant que
l'aunage des Draps de France donne en
core un bénéfice de 5 à 6 pour Cent , de
forte qu'il conviendrait plutôt de vendre
A 7 .
14 COMMERCE DE LA

les Draps au Pic , fans s'en rapporter à l'au


nage de France , qui fouvent eft bien
plus fort.
Caffa eft la place où l'on vend le mieux
les Draps , & avec un terme moins long
qu'ailleurs. Il faut obferver qu'il ne con
viendrait pas d'avoir des facteurs ni des
négocians Français établis à Batcheferai,
vu qu'ils y feraient très mal leurs affaires
& s'y ruineraient. Il leur conviendrait
plutôt d'avoir des gens du pays , Armé
niens ou Grecs , qui fe chargeaffent pu
rement & fimplement de la vente des
Draps , pour en remettre le montant , &
leur faire effuyer tous les rifques de la
mauvaiſe foi des débiteurs & principale
ment des Taraphanadjis , ou Intendans de
la maifon du Khan , qui font chargés de
tout le détail de l'habillement de fa mai
fon. Il y a deux grands inconvéniens
à faire des crédits de conféquence à ces
Tarapbanadjis : le premier , la difficulté
de fe faire payer de ces débiteurs , que
l'on a beaucoup de peine à traduire en
Juftice ; le fecond , le rifque de tout per
dre fi le Khan eft dépofé. Ainfi il con
vient donc d'engager les marchands du
Tchrachi , ou Marché , de fe charger de la
quantité de Draps que l'on fe propofe de
MER NOIRE. 15

vendre à Bactcheferai , en les leur donnant


au plus bas prix & à un plus long terme
& de leur laiffer courir le rifque de les re
vendre aux Taraphanadjis , pour s'en procu
rerle payement. Une autre raifon , c'eſt que
s'il y avait quelque Français établi à Bact
cheferai ; le Conful , l'Envoyé ou le Ré
fident ne pourrait pas fuffire aux de
mandes des Princes , des Grands de la
Cour , des fimples Mirzas & même des
Tchouadars , dont on aurait befoin pour fai
re réuffir quelqu'affaire ; tous ces gens -là
n'ayant pas honte de demander.
L'affortiment des Draps pour la Crimée
doit être le même à peu près que pour
la Turquie. Les gens du bas état donnent
dans les couleurs vives , telles que le verd,
le bleu , le jaune , le rofe clair & foncé ;
ceux de qualité aiment mieux les couleurs
bizarres : il faut que dans chaque Balle de
Drap il y ait toujours plufieurs pieces de
Draps rouges , pour les culottes : cette
Couleur fe vend toujours à plus haut prix :
on doit fupprimer les pieces blanches.
La confommation des Mahouts Hol
landois & des Draps de Leipfik eſt un
très petits objet , parce qu'ils font trop
chers : ceux de Pologne fe vendent en
grande quantité : ces Draps font très gros
16 COMMERCE DE LA

fiers. Il y en a de diverfes qualités ; les


plus fins reflemblent à nos Londrins lar
ges: on les vend depuis 1 piaftre juſqu'à
60 paras le Pic. Les couleurs les plus
communes font , le verd , le bleu clair &
foncé , le rouge de brique , le caffé
brûlé &c:
- Il ferait très facile aux Français de s'em
parer entiérement du Commerce des Draps
de France dans ce pays - là , pouvant les
donner à bien plus bas prix queles mar
chands du pays , qui vont s'en fournir à
Conftantinople de nos marchands Fran
çais , & plus fouvent chez les Sciotes du
Bezestein , ou les acheter en gros de la
feconde main de gens qui les apportent en
Crimée , pour les revendre en détail.

Serges Impériales.

On en débite quelque peu en Crimée ,


pour faire les fourreaux des couffins & les
deffus des fophas : mais c'eft un très
petit objet.
7
Camelots de France , Calmandes &
Etamines.

Le Camelot de France prendrait fa


MER NOIK E. 27

veur en Crimée , fi les Bours de Magné


fie & les Bocaffins n'étaient pas à très vil
prix ; néanmoins on pourrait en faire
une affez grande confommation : ceux
qui en ont apporté, y ont trouvé leur comp
te. Les Camelots unis font recherchés
en couleur écarlate pour les culottes ; ce
pendant les rayés réuffiffent mieux: on
en fait plufieurs pieces del'habillement des
hommes & des femmes. Les plus efti
més font les jaunes & verds , rouges &
bleus , rouges & noirs , bleus célefte &
violets: on les vendrait indiftinctement de
35 à 40 paras le Pic , fuivant la qualité.
L'article donnerait un bénéfice confidéra
ble, même fur le prix de Conftantinople ,
où l'on fe les procuré à 25 paras. Cet
objet n'eft pas à négliger : il faudrait les
faire paffer à Caffa.
Peut -être que nos Calmandes & nos
Etamines pourraient y réuffir: onpourrait
toujours en faire un effai des rouges pour
les culottes & ils s'y vendraient bien , atterr
du que ces dernieres étoffes font à meilleur
marché que les Camelots.
18 COMMERCE DE LA

Camelots d'Angora , de Toffa &


du Caire.

Les Féredjés, efpece de manteau que


les femmes mettent , lorfqu'elles fortent de
leurs maifons , confomment une grande
quantité de ces Camelots : ceux d'Angora
font les plus beaux ; il y en a de moirés
& d'unis: ceux - ci font peu en ufage.
On les vend de 60 paras à 2 piaftres.
Ceux de Toffia forment la feconde
qualité ils ne font point moirés ; leur
prix eft de 35 à 50 paras.
Ceux du Caire font extrêmement gros
fiers & reffemblent au Baracan : les fem
mes du bas étage en font feules ufage.
La confommation annuelle de ces trois
qualités , forme une valeur de 30 à 35,000
piaſtres par année. Les deux feules cou
leurs pour les Féredjés font le noir & le
violet de diverfes nuances.

Etoffes de Soie de France .

Pour pouvoir introduire ce Commerce


en Crimée avec quelque folidité & détruire ·
abfolument celui des Dibas & des Damas
quettes de Venife & de Scio , il faudrait
que les négocians qui entreprendraient
MER NOIR E. 19

ee trafic , fiffent fabriquer à Lyon des


étoffes très légeres , que l'on pût donner
à peu près au même prix que les Dibas de
Venife : ce ferait un article de très gran
de importance en Crimée , parce que
ceux que la cherté du prix éloigne , ou
qui ne les trouvent pas fous la main , fa
vent s'en paffer ; au lieu qu'ayant chez
eux ces étoffes plus belles & a meilleur
marché que les étrangeres , ils s'en pour
voiraient plus facilement .

Etoffes de Scio , de Venise & de Melfine.

Le Commerce des Etoffes de Scio eft


très confidérable en Crimée. Il confifteen
Damafquettes fimples & en Damafquettes
avec or & argent , en Beldaris , en Etoffes
rayées en foie pure & enfoie & coton , en
Sandals unis & rayés , en Satins légers , unis
& rayés , & en Ceintures de foie de toute

efpece .
Les Damafquettes fimples & celles en
or & en argent font un objet de 50 à 60
mille piaftres par an.
La confommation des Sandals peut aller
à environ 50 mille piaftres :
Et celle des Beldaris , Satins & Ceintu
res de 15 à 20 mille.
20 COMMERCE DE LA

On débite en Crimée des Brocards on


Dibas de Venife , depuis 6 jufqu'à 10
piaftres le Pic , & beaucoup de ces mê
mes étoffes en or & argent faux pour
environ 10 mille piaftres. Les Damas
quettes de Scio , dites Tellu- Hetaïs , leur
ont porté coup.
П ferait très facile d'enlever aux Veni
tiens & aux Sciotes le commerce , des
Etoffes de foie ; lorfque je paffai à Lyon
à mon retour , un fabricant me promit de
s'engager de faire fabriquer tant chez lui
qu'à Nifmes des étoffes affez légeres pour
entrer en concurrence avec les autres. Les
gens du pays donneraient la préférence aux
nôtres , i la modicité du prix y était. Alors
les Venitiens & les Sciotes ne feraient
plus rien...
Les Sciotes portent leurs marchandi
fes en Crimée & les vendent avec un ter
me de 18 mois & quelquefois deux ans :
malgré ces longs crédits , la lenteur des
payemens , les rifques de la Mer Noire ,
le peuA de folidité des débiteurs qui font
courir les marchands après leur argent
ceux- ci trouvent toujours du bénéfice à
faire ce commerce , puisqu'ils le conti

nuent. Les détailleurs qui les achetent
d'eux , y gagnent en outre 20 à 25 pour
MER NOIRE 21

sent ,tous frais déduits ; & quelquefois da


vantage , quand ils peuvent payer comp
tant en prélevant l'escompte.
Voici trois Factures des couleurs les
plus recherchées :
No.. I. 1 Piece Verd, clair.
1 Caiffe de Bro dito Violet.
cardsde Venife. I dito Jaune.
I dito Rouge charge
I dito Bleu - célefte.
I dito Ecarlate.
‫܀܀‬
No. 2. 1 Piece Violet.
Caiffe de Damaf 1 dito Rouge cramois.
quettes de Scio. I dito Bleu céleſte.
I dito Verd d'Emeraude;
I dito Jaune.
I dito Verd foncé.
* + *
No. 3. 1 Piece couleur de feu.
1 Caiſſe de Sen I dito Bleu céleste.
dals fimples. "
I dito Jaune clair.
I dito Cramoifi.
1 dito Verd- clair.
I dito Verd de Perroquef
1 dito Verd foncé.
22 COMMERCE DE LA

Pour les Satins on doit choisir à peu


près les mêmes affortimens. Quant aux
rayés & façonnés , le goût & la fantaiſie
en décident : au refte , fi fans fe donner la
peine d'imiter les étoffes de Scio , l'on
voulait tout uniment en faire le commer
ce , il faudrait les faire acheter à Scio
même & les payer argent comp : ant : alors
on les aurait à très grand marché & l'on
y trouverait beaucoup de bénéfice.

1
Harès ou Tabis de Meffine & de Scio.
1
Quand les femmes Mahométancs for
tent de leurs maifons, elles mettent par des
fus leur habillement un féredjé ou manteau ,
qui ordinairement eft de laine blanche.
Ces féredjés font étroits & taillés comme
ceux des femmes de Turquie ; mais les
Chrétiennes en portent de fort amples à
larges manches de Camelots d'Angora &c.
noirs , ou violets : les femmes riches
font faire les leurs de Tabis de Meffine
ou de Scio , dont la confommation eſt un
objet de 30 à 35 mille piaftres. La cou
leur la plus en ufage eft le violet de di
verfes nuances. On les vend de 2 à 3
piaftres le Pic ; de forte que l'on y trou
ye 20 piaftres de profit. L'on pourrait
MER NOIRE. 23

fabriquer en France des Moires légeres ,


que l'on pourrait fubftituer aux Tabis de
Meffine & de Scio : alors on y gagne
rait davantage , en les ayant de la premiere
main.
Velours.

Les femmes Chrétiennes , quand elles


fortent de chez elles , chauffent des botti
nes de velours cramoifi pour cacher les
culottes ; de forte qu'il ne faut pas d'au
tre couleur. Le velours à 2 poils fuffit :
on en vend chaque année de 10 à 12
mille Pieces , à raiſon de 7 piaſtres le Pic,

Coutnis de Brouffle & de Conftantinople.

Efpece d'étoffes de foie ; c'eſt un ob


jet de 30 à 40 mille piaftres par an & il
donne 20 à 25 pour Cent de profit. Ceux
du petit ufage fe vendent de 10 à 12
piaftres la Piece , & ceux du grand , de
14 à 15. Les couleurs les plus gaies &
les plus apparentes réuffiffent le mieux.

Bours de Magnefie .

Connus en France fous le nom deBours


He Marfeille; ce font des étoffes de co
$4 COMMERCE DE LA

ton rayés de différentes couleurs. La


confommation en eft immenfe. On en
vend année commune 5cooo Pieces par
an, depuis 70 juſqu'à 100 paras la Piece;
ce qui peut faire un objet de 120 mille
piaftres. Nos Camelots de France &
furtout nos Etoffes de coton à fleurs en
laine de la manufacture de Rouen , leur
porteraient coup. En 1756 cn en fit
venir une Piece de Conftantinople , le
fut enlevée à 45 paras le Pic. Tout le
monde en demandait , & l'on pourrait
regarder cet article comme le feul en
état de rivalifer les Bours & peut - être
les anéantir.

Indiennes ou Toiles peintes.

On en apporte tous les ans une pro


digieufe quantité de Tokat & de Kaftam
bol: les femmes s'en fervent pour faire des
culottes , des couvertures de lit & des
fourreaux d'oreiller : elles fe vendent en
détail au quarré , depuis 6 jufqu'à 15 pa
ras , fuivant les qualités , & en grosla piece
à raifon de 8 à 9 piaftres. La confomma
tion annuelle forme une valeur de plus
de 200,000 piaftres.

Toile's
MER NOIRE. 35

Toiles de Kédis.

Ce font des toiles de lin blanches que


l'on tire de Conftantinople ; il en vient par
an 5 à 6000 balles , qui portent 56 à 58
pieces , lesquelles font de 14 pieds de
Crimée, qui font environ 20 Halebis de
Conftantinople ou aunes d'Hollande : le
prix eft de 50 à 65 paras la piece.

Bocaffins.

Le commerce de ces toiles eft im


menfe & peut monter par an à plus de
400,000 piaftres. Ce font des toiles de
coton teintes & gommées , comme les
Bours. On les employe à plufieurs pieces
de l'habillement & elles font grand tort
à la confommation de nos draps. Ces
Bocaflins fe vendent par pieces de dix
pics de Conftantinople , de 2 à 5 piaftres,
fuivant la qualité. Les couleurs foncées
font les plus recherchées.

Aftars ou Toiles de Coton.

C'eſt une toile de coton extrêmemenë


groffe & claire , qui fert de doublure.
On en débite chaque année pour la va
B
CE DE LA
26 COMMER

leur de 250,000 piaftres avec beaucoup


de profit. Les pieces font de 14 pieds
de Crimée ou 20 pieds de Conftantinople ,
& fe vendent de 40 à 80 paras fuivant
la qualité.

Dulbents ou Mouffeline.

Les Tachemeks ou voiles dont les fem


mes fe couvrent le vifage , quand elles
fortent de chez elles , font une mouffeline
appellée Dulbest : il y en a de diverfes
qualités , ornées de grandes bordures
d'or , & d'autres fans bordure : la co:
fommation de cet article forme par an une
valeur de 10 à 12 mille piaftres.

Tchemberts.

Toutes les femmes généralement quel


conques en Crimée & dans prefque tout
de Levant ,fe coëffent avec de longs mou
choirs de mouffeline imprimés , appellés
Tchemberts , dont le fond eft pour l'ordi
naire.bran , rouge ou jaune. On les vend au
quarré. Il y en a de douze différentes
qualités qui fe vendent à divers prix. Cet
objet peut aller par an à 250,0co piaftres
& donne toujours , tous frais faits ,
20 pour cent de bénéfice.
MER NOIRE. 27

Chemifes de Soie.

C'eſt un article peu effentiel en Crimée


& peut aller par an de 4 à 5000 piaftres :
il y en a de plufieurs prix & qualités , de
puis jufqu'à piaftres & donne 20
pour cent de profit.

Chemifes de Coton pour le Bain.

Les femmes après s'être lavées au bain


ont des chemifes de toile de coton fai
tes exprès , qu'elles mettent fur le corps
& qui s'imbibent de toute l'eau qui y eſt
demeurée : ces chemiſes ont un affez grand
débit ; on en vend par an 4000. La
qualité en détermine le prix : il y en a
depuis 2 jufqu'à 10 piatres , qui donnent
20 à 25 pour cent de bénéfice.

Fez ou Bonnets..
1
Ce font ces calottes rouges que les
hommes portent par deffous leurs grands
bonnets. Ils viennent de France & de
Tunis: il n'en faut porter que de petits :
ceux de France valent de 40 à 45 paras
& ceux de Tunis de 60 à 75 paras. On
peut en débiter T ajfément chaque année
B 2
28 COMMERCE DE LA

8 à 10,000 , qui donnent un bénéfice affez


honnête.

Tarpoches.

Ceft un grand bonnet de drap , fur le


quel les femmes lient leurs mouchoirs
appellés Tchemberts ; ils viennent tout
faits de Conftantinople : on les vend de
10 à 30 paras & la confommation en eſt
de 150 à 200,000 .

Beilik.

Eft un Drap extrêmement groffier de


Salonique. On le débite en pieces de 18
pics , qui fe vendent 2 ; à 3 piaftres ; ce
qui revient de 6 à 7 paras le pic. Ce
drap dans fon principe eft deftiné à faire
le Dolama , ou habit d'ordonnance des
Janiffaires mais ils le revendent pour
s'en faire d'un drap plus fin : ce iont ces
18 pics qui conſtituent la piece fuffifante
pour former ce Dolama.

Dorures.

C'eſt un article de très peu d'impor


ance, dont le débit ne va gueres au- delà
MER NOIRE. 29

de 8 à 10,000 piaftres par an. Les nôtres


font d'un prix trop exceffif pour pouvoir
efpérer de les vendre :fi l'on pouvait par
venir à en faire fabriquer de très légeres
& que l'on pût les donner à peu près au
même prix de celles de Conftantinople &
de Pologne , alors on pourrait rifquer d'y
en envoyer. Le prix des Dentelles de ces
deux endroits fans foie , eft de 20 paras
la dragme , & les autres efpeces de 15 à
16: tous les galons fabriqués à Conftanti
nople & en Pologne font de très mauvaiſe
qualité: l'or en eft fort pâle & extrême
ment chargé de foie.
Le fil d'or & d'argent eft un article
de plus d'importance que le précédent :
il y en a de deux efpeces ; le trait pur &
fans foie , & le trait mêlé de foie : il fert
à plufieurs ouvrages de broderie. Cette
marchandiſe vient de Conftantinople &
vaut en or de 20 à 22 paras la dragme ou
le gros , & en argent de 18 à 20. La valeur
de la confommation annuelle eſt d'en
viron 1000 tchéquis (*) : ce qui monte

(*) Le tchéquis eft de 150 dragmes ou gros ,


ou 2 marcs 2 onces & 6 gros • poids de
France. Voyez ci - après à l'Article' des Poids
& Mefures.
B 3
༢༠ COMMERCE DE LA

à près de 60000 piaftres. La feconde qua


lité vient de Conftantinople & de Polo
gne ; elle vaut en or de 18 à 20 paras la
dragme & en argent de 16 à 18. On en
confomme environ 400 tchéquis. Le fil
d'or eft de très mauvaife qualité : il ferait
facile d'effayer fi notre fil d'or & d'argent
ne pourrait pas prendre le deffus. Un petit
effai ne coûterait pas beaucoup & au cas
que la fupériorité de la qualité empéchat
de la donner au même prix , on pourrait
en fabriquer d'une qualité à pouvoir le
donner à meilleur marché.

Soies teintes en laine , filées , &


Cordonnets de foie..

Les Soies teintes en laine ou plattes


pour la broderie , fe vendent en Crimée
avec avantage ; on peut en débiter 200
ocques , chaque année , à Caffa feule
ment ; & 50 à 60 dans le refte de la
Crimée : il faut tâcher d'avoir dans les
affortiments le plus de couleurs qu'il eft
poffible.
Les Soies filées pour la couture font
plus cheres ; on les vend de 27 à 28
piaftres l'ocque , & la confommation peut
aller à environ 60 ocques.
MER NOIRE. 31

Il y a une troifieme efpece de foie en


laine blanche & luftrée , pour former les
rayes des chemiſes ; on en débite envi
ron 100 ocques de 29 à 30 piattres
l'ocque.
Il fe confomme environ 250 ocques
de cordonnet de foie , dit Gaétan , pour
border tous les habillements de drap &
de foie , pour les boutonnieres & autres
cordons plats. Ce cordonnet vaut 29 à
30 piaftres l'ocque.

Coton en Laine.

Les Kalpaks ou bonnets à la Tartare


en emploient beaucoup , ainfi que les
Caftans : il en vient environ fept à huit
cens balles tant à Caffa que dans les au
tres villes de Crimée. On n'y porte que
de celui de Gallipoli , ou tout au plus de
celui de Caffaba , bien net & fin , épuré
de fa graine : ce font les deux qualités
fur lesquelles il y a le plus à gagner. Le
prix courant du coton à Conftantinople
regle ordinairement celui de Crimée ,
parce que les marchands vont s'en pour.
voir dans cette capitale. Cet article donne
20 à 25 pour cent de profit.

B 4
32 COMMERCE DE LA

Coton filé de diverfes couleurs.

Il y en a de rouges , de bleus , de vio


lets & de blancs . Ils fe vendent depuis
2 jufqu'à 3 piaftres l'ocque. La Cri
mée confomme environ 6000 ocques de
coton filé teint , & 1500 de blanc pour
les rayes des chemiſes.

Couffins de Broue.

C'eft un article de très peu d'impor


tance : ils fe vendent bien dans le tems
de la dépofition du Khan , foit pour la
maifon , foit pour les principaux Officiers
de fon fucceffeur. On en peut vendre
auffi quelques- uns dans le cours de l'année.
Il y en a de trois fortes : de velours fim
ple avec les bordures chinées de plufieurs
couleurs : de velours cifelé , dont les fleurs
font en velours & le fond uni ; c'eſt ce
que l'on appelle velours fatiné ; & à fond
d'or & d'argent , avec les fleurs en velours
cifelé de différentes couleurs. Le prix
eft depuis 5 jufqu'à 15 piaftres , fuivant
les qualités..

Four
MER NOIRE

Fournimens de Sopha , dits Chiaak.

On aporté de Pologne en Crimée des


affortimens de Sopha avec des deffins
appropriés en ferge de laine de toutes cou
leurs & de toutes grandeurs. Les Cous
fins fe vendent de 20 à 60 paras , fuivant
la grandeur & la qualité ; on les vend
par pieces & par paires . Les Makats ,
ou couvertures de fopha , viennent en
grandes pieces: on les vend au pic de
Conftantinople de 30 à 60 paras. Le dé
bit en eft de 1500 à 2000 paires de
couffins & les Makats à proportion .

Tapis de Salonique & de Ruffie.

Ceux de Salonique viennent en petite


quantité & fe vendent avec profit.
Ceux de Smyrne y font inconnus , étant
trop chers ; & ceux de Ruffie font extrê
mement groffiers , rayés de diverfes cou
leurs , longs & étroits. Il en vient envi
ron un millier. Il y en a de trois gran
deurs différentes , du prix de 35 paras
jufqu'à 100. Il vient de petits Tapis de
la Natolie , fabriqués à Gucurdès , Ouchak &
Koula ; ils fervent aux Mahometans pour
faire leurs prieres , pour s'affeoir & fe re
B 5
34 COMMERCE DE LA

pofer après le bain : ils font du prix de 6


à 12 plaftres l'un. On en peut vendre de
12 à 1500 par an , avec un bénéfice de
20 à 25 pour cent.

Couvertures de Tamboli , dits Kebès.

Ces Couvertures viennent de Yamboli &


font de laine teinte en diverfes couleurs ;
il y en a avec la pluche & fans pluche ,
de cinq à fix grandeurs différentes : il
en vient environ 10 à 12000 chaque
année. Celles fans pluche fe vendent de
60 paras à 6 piaftres , & celles à pluche
de 2 à 8 piaftres.

Pechtmals ou Serviettes de toutes efpeces.

L'on comprend fous ce nom diverfes


fortes de ferviettes , propres à divers ufa
ges. On en porte en Crimée de plufieurs
qualités.
Ceux appellés Fota, font tous de foie
cramoifie avec les bordures bleues , & de
petits filets de diverfes couleurs : la con
fomm tion annuelle eft de 5 à 600 , & ils
fe vendent les grands de 8 à 10 piaftres &
les petits de 5 à 6 piaftres. Ils fervent
pour le bain. Cet article peut aller de 4 à
$900 piaftres
MER NOIRE. 35

Ceux du Caire font de lin blanc , avec


les bordures & les rayes de foie ; ils fer
vent pour la barbe & l'ablution avant la
priere : il y en a de tant de fortes & de
différentes grandeurs , que l'on ne peut
gueres en évaluer la fomme , qui peut
monter à environ 10000 piaftres.
Les Kerkkalem viennent de Salonique &
de Conftantinople ; on en débite 5 à
6000 par an. Ils font de coton bleu avec.
les bordures & quelques petites rayes de
foie cramoifie: les petits fe vendent de
70 paras à 2 piaftres : les moyens de 21
à 2 piaftres ; & les grands de 3 à 3
piaftres : ils fervent pour le bain.
Les Kalaboura font fort groffiers , mais
très en ufage parmi les gens du commun
il y en a de lin & de coton : ils font
prefque tous bleus , fans foie , avec des
bordures & des filets de coton rouge:
leur prix eft de 40 à 50 paras & la con
fommation annuelle d'environ 10000.
Les Abaches font d'un bleu plus clair ,
avec des filets de coton blanc , & valent
de 20 à 25 paras. La plus baffe qualité fert I
de ferviettes aux domestiques ; & chez
les gens riches pour frotter, dans les
cuifines. Ils valent de 15 à 16 paras. On
débite année commune environ 20000
B 6
E DE L'A
36 COMMERC

Pechtmals de ces deux dernieres qualités .


Outre ceux que l'on vient de détail
ler, il y a encore les Pechtmals que l'on
appelle Hawlis. Ils fervent pour le bain
& fe vendent avec avantage. Les pre
miers font ornés de bordures de foie &
fe vendent de 70 à 100 paras ; les fc
conds font unis & fans bordure & fe ven
dent de 40 à 50 paras ; les troifiemes
font petits & fervent pour effuyer le vi
fage: il y en a avec les bordures de foie
du prix de 30 à 40 paras , & les derniers
fans bordure depuis 18 jufqu'à 25 paras.
La Crimée confomme pour environ 8 à
10000 piaftres de ces Hawlis , que l'on
fabrique à Cerès & que l'on débite à Sa
lonique.

Bourfes pour le bain.

L'ufage eft de fe faire frotter dans le


bain avec des bourfes , efpece de facs
extrêmement groffiers , faits de poil de
chameau, ou de laine : ces bourfes vien->
nent toutes faites de Conftantinople , au
nombre de plus de cent mille chaque ·
année , & fe vendent de 3 à 4 paras la
piece.
MER NOIRE. 37

Fil pour la couture.

Le fil de couture eft de trois différen


tes qualités ; le fil blanc pour le linge , le
fil teint pour les tailleurs , & le gros fil
pour les cordonniers & les felliers. On
vend les deux premieres qualités par
groffes, appellées Touras, & par écheveaux,
dont 60 font une groffe , qui vaut de 30 à
35 paras , & les écheveaux à proportion.
Le gros fil eft de deux différentes qualités :
il en vient chaque année cinq à fix cens
ocques , que l'on vend de so à 60 paras
l'ocque : les Ruffes en apportent en outre
1500 à 2000 ocques , dont le prix eft de
3༠ à 40 paras. La confommation du fil
des deux premieres qualités, blanc & teint;
eft de 16 à 18000 groffes..

Lin Gris.

Malgré le Lin qui croft en Crimée , il


en vient encore d'Egypte par Conftanti
nople 250 à 300 balles de' 350 à 400
ocques l'une fon prix eft de 17 à 18
paras l'ocque. Celui du pays eft eftimé
meilleur, & fe vend quelquefois jufqu'à
22 - paras.

B.7
ERCE
98 COMM DE LA

Teintures.

L'on ne peut rien affurer de pofitif


fur la confommation des drogues & bois
de teinture que l'on peut employer en
Crimée : la guerre qui regne parmi les
Chrétiens ( 1761 ) empêche d'en favoir la
quantité. Néanmoins elles s'y vendent
avec avantage , & il faut attendre que la
paix foit parfaitement rétablie pour fa
voir à peu près quelle peut en être la
confommation .

Caffe.

Ilfe débite en Crimée environ 20000


ecques de Caffé Moka & d'Amérique :
le prix en eft avantageux le premier
vaut jufqu'à deux piaftres & demie la livre ,
& celui d'Amérique 70 à 80 paras. On
peut le frauder facilement dans le maga
fin , en mêlant moitié l'un , moitié l'au
tre le Tartare n'eft pas trop connais
feur ; mais il faut pour cela choifir le
Caffé d'Amérique qui a le plus petit
grain.
On trouve difficilement à vendre en
Crimée de groffes parties de Caffé : il
faut néceffairement le détailler & avec
MER NOIRE. 39

an long terme ; obfervant de n'avoir rien


à démêler avec le Douanier de Ghus
levé, qui a le détail des provifions de
bouche de la maifon du Khan. Hi eft le
feul acheteur qui peut fe charger tout à la
fois d'une très grande quantité , & l'on
court avec lui le même rifque qu'avec les
Taraphanadjis , dont nous avons parlé à
l'Article des Draps , page 13 & fuiv.

Sucres.

C'est un très petit article ; à peine va


t-il à 2000 ocques par an ; on l'employe
pour des conferves de fleurs. Il ne faut
que du fucre en pains , la caffonnade me
s'y vend pas. On choifit ordinairement
les plus petits pains , parce qu'ils fe dé
bitent plus facilement : fon prix ordinaire
en tems de paix eft de 35 à 40 paras ,
& en tems de guerre quelquefois on le
vend jufqu'à 2 piaftres l'ocque , & encore
a-t-on de la peine à en trouver. Si la
Ruffie n'avait pas fait un nouveau tarif
fur les marchandifes qui entrent dans fes
Etats par la voye de Crimée , peut -être
les Ruffes viendraient ils fe pourvoir de
caffé & de fucre. Refte à favoir s'ils Y
trouveraient leur compte.
40 COMMERCE DE LA

Epices & Droguerics.

C'eſt encore un affez petit article en


Crimée. Le poivre eft le feul objet qui'
mérite attention. La confommation peut
aller à 1000 ocques , dont le prix eft de
2 à 2 piaftres l'ocque. Le débit du
gingembre eft beaucoup moindre ; à peine
va - t- il au- delà de 500 ocques : les
Ruffes en achetent quelquefois en troc :
on le vend de 20 à 22 paras l'ocque.
Le Tartare emploie très peu de dro
gues & pour mieux dire point du tour; il
n'a ni Médecins , ni Chirurgiens , ni Apo
thicaires. Le Tartare eft d'une conftitu
tion robuſte , jamais en repos , toujours
en mouvement ; il n'a pas le tems d'étre
malade : quelques herbes , quelques plan
tes , qu'il connaît par routine de pere en
fils , font leurs drogues & leurs médica
mens. Ils vivent longtems & jouiffent de
même d'une parfaite fanté.

Cuivre.

Il vient tous les ans de Trébifonde


environ 2500 quintaux de cuivre non
travaillé & 5 à 600 quintaux de cuivre
mis en œuvre. Le premier fe vend de 39
MER NOIRE. 4T

40 paras l'ocque , & le fecond de 60


à 65 paras , excepté les petits ouvrages
qui fe vendent à piece. On trouve en
Crimée une centaine de boutiques de
chauderonniers , où l'on fait des ouvrages
de cuivre de toute efpece.

Etain & Sel Ammoniac.

Ces deux articles ne vont jamais l'un


fans l'autre ; ils fervent pour l'étamage
de tous les uftenfiles de cuifine & de ta
ble des Tartares, qui n'ont pas d'autre
vaiffelle que du cuivre. On peut en dé
biter aifément 5 à 6000 ocques par an.
On vend toujours l'étain avec le fel am
.moniac , à raifon de 100 dragmes de fel
par chaque ocque d'étain , c'est - à - dire
un quart. Son prix ordinaire avec le fel
eft de 2 à 2 piaftres , & féparément de
65 à 70 paras. On trouve difficilement à
vendre le fel ammoniac à part ; cepen
dant lorfque l'on le vend de la forte , fon
prix eft de 2 à 2 ; piaftres ; alors il a à peu
près la même valeur de l'étain.

Mercure.

Il en vient environ 500 ocques pour


42 COMMERCE DE LA

la dorure & pour la vermine : on le


vend 2 afpres de Turquie la dragme.

Plomb.

Il en vient environ 10000 quintaux ,


y compris 3000 qui paffent en Circaffie :
il fe vend de 13 à 14 paras l'ocque.

Acier.

La confommation de l'Acier eft très


confidérable en Crimée. On peut aifé.
ment en vendre chaque année 25 à 30
Caiffes , qu'il vaut mieux détailler que de
vendre en gros ; on y trouve plus de
profit. Celui de Venife , qui vient de
Fiume , eft le plus eftimé & le feul qui ait
cours ; fon prix eft de 20 à 22 paras
l'ocque.
Fer.

Il vient de la Romélie par Varna &


par Bourgaz. La confommation annuelle
eft d'environ 20000 quintaux . On le
vend 13
à 14 paras l'ocqu e. Les Cofaq ues
en apportent auffi , mais de très mau
vaife qualité, & il ne vaut que 6 à 7 paras
l'ocque.
MER NOIRE. 43

Chauderons de Fer.

On en apporte 15 à 20000 , extrême


ment groffiers & fragiles , qui fe caffent
comme le verre. Ils viennent de chez
les Kalmouks : il y en a de différentes
grandeurs & de divers prix , depuis une
piaftre jufqu'à onze. Caffa eft la place
où il s'en vend le plus, & de- là ils fe
répandent dans toute la Crimée , chez les
Nogais , dans le Budziac , la Moldavie ,
la Valaquie , & paffent encore plus loin.

Encens

Il en vient environ cent cinquante far


des de quatre cens ocques l'une , & vaut
de 50 à 55 paras l'ocque : c'eft un arti
cle d'un affez facile débit : fi l'on voulait
le détailler , on le vendrait jufqu'à 60 бо
paras.

Savon.

Celui qui fe fait dans le pays , eft dé


teftable : il eft compofé de graiffe de
mouton & de boeuf, au lieu d'huile : il
· blanchit cependant affez bien , mais il
laiffe au linge une odeur infupportable,
44 COMMERCE DE LA

On en porte de Smyrne environ 3000


quintaux : il vaut de 13 à 14 paras l'oc
que : celui de Candie ne va pas au - delà
de 2 à 300 quintaux , & vaut de 17 à 18
paras.

Huile.

L'huile que l'on vend en Crimée


vient presque toute de Mételin par Con
ftantinople. Le débit en eft d'environ
2000 outres de 40 à 50 ocques chaque
on la vend à 12 paras l'ocque : le pays
n'en produit point.

Vinaigre:

Il vient de Moudania par Conftantino


ple 40 à 50 tonneaux de vinaigre , de
450 ocques l'un , & il fe vend en Crimée
de 4 à 5 paras l'ocque. -

Fromages.

Malgré la quantité de fromages qui fe


font en Crimée , il en vient encore du de
hors : favoir de chez les Cofaques , envi
ron 30 tonneaux de 4 à 500 ocques , &
il ſe vend en détail à 3 paras l'ocque. D
MER NOIRE 45

eft d'affez mauvaife qualité. Il en vient


auffi de la Romélie en barriques de 80 à
Joo ocques , & en outres de 35 à 40.
Ceux -ci font meilleurs que ceux des Co
faques & fe vendent de 8 à 10 paras
l'ocque. Le débit annuel de ces der
niers eft d'environ 500 barriques , & au
tant d'outres.

Riz.

L'on y en porte environ 1000 gouffes


du poids de 10 ocques chaque , tant de
celui du Caire que de celui de Philippopoli.
On le vend au quilot de 10 ocques. L'a
bondance ou la rareté en déterminent le
prix. Celui du Caire fe vend communé
ment 2 piaftres le quilot , & ce'ui de
Philippopoli à piaftre. Il eft à o fer
ver de ne point faire aborder le Riz à
P'Echelle de Ghuflevé , parce que le dou
anier qui eft chargé du détail des provi
fions de la maifon du Khan , s'en empare
pour l'ordinaire , le taxe à bas prix &
paye quand il veut.

Légumes.

Il n'y a que les pois chiches qui man


46 . COMMERCE DE LA

quent en Crimée : le refte des légumes y


vient en très grande abondance. Il vient 12
à 15000 ocques de ces pois chaque année ,
& elles fe vendent 4 à 5 paras l'ocque .

Sacs.

Il vient de Ruffie 18 à 20,000 facs


de groffe toile d'emballage , tout faits ,
qui fervent pour mettre toutes fortes de
grains. Ils font de deux grandeurs ; les
premiers valent de 16 à 17 paras & les
petits de 7 à 8 paras la piece.

Fruits Secs.

La confommation en eft immenfe en


Crimée : les raifins Razaki- uzum viennent
de Smyrne ; le débit en eft de 800 à
1000 quintaux , du prix de 11 à 12
piaftres le quintal . La feconde efpece de
ces raifins Ismir - fiahi , ett fort inférieure
& vaut de 9 à 10 piaftres le quintal ; on
en apporte 7 à 800 quintaux : la troifieme
efpece , dite Mangalia -uzumi , n'eft pas
mangeable ; mais elle fert pour faire une
efpece d'eau de- vie qui eft beaucoup du
goût des Tartares : il en vient 2500 à
3000 quintaux , dont le prix eft de 7 à 8
piaftres.
1
MER NOIRE. 47

Les figues , Torba - Indjiri , valent de


11 à 12 piaftres le quintal : celles dites
·
Sapet Indjiri , font de 8 à 9 piaftres ; &
les Taban - Indjiri , vont de 6 à 7 piaftres.
La confommation de toutes ces figues eft
de 15 à 20,000 quintaux.
Les châtaignes feches fe vendent 2 å
2 piaftres le quintal. Il en vient 7 à 800
quintaux.
Les poires feches , 900 à rooo quin
taux , & valent 2 à 2 plaftres le quintal.
Les noix feches , 7 à 8000 quilots ,
de 10 à 12 paras. *
Les noifettes de Trébifonde 5 à 600
quintaux , de 2 à 2 le quintal.
Kara- Khourma de Natolie , ou Dattes
noires , 3 à 4000 quintaux , de 50 à 60
paras le quintal.
Olives noires de Metelin , 1000 à 1200
barriques du poids de 300 à 350 ocques ,
de 8 à 9 paras l'ocque.
Limons & oranges de Scio : quand on
peut les préferver de la pourriture , ils
valent de demi à un para le limon , & I
à 3 paras l'orange.
Nardenk de Trébifonde , fait avec tou
tes fortes de fruits , 7 à 8000 quintaux
de 1 34 à 2 piaftres le quintal.
Petmès , fe fait dans le pays avec des
COMMERCE DE LA
48

railins & des poires. C'eft une espece de


Raifinet ; il fe vend de 2 à 3 paras l'oc
que.
Peftil de prunes , 7 à 800 quintaux , &
vaut de 2 à 3 paras l'ocque.
Jus de limon , 150 barriques de 450 à
500 ocques , & fe vend de 9 à 10 paras
l'ocque , mais bien fraudé.
En général , le commerce des fruits eft
très lucratif , on y gagne communément
100 pour 100. Ils viennent prefque tous
à Caffa , parce que c'eft la plus grande
ville de Crimée & la plus commerçante.

Vins & Eaux de vie.

Le pays produit beaucoup de Vin ,


néanmoins il en vient encore de dehors ,
de Tripoli , de Mifevria , que l'on vend avec
avantage , parce qu'il eft rouge & très
fort Le Tartare , quoique Mahometan ,
n'eſt point auffi fcrupuleux que le Turc
fur cet article , & il préfere ces vins
étrangers à celui de fon pays , qui eft blanc
& léger.. Ces vins étrangers fe vendent
de 4 à 5 paras l'ocque , ou deux pintes
environ de France . Voyez ci-après à l'ar
ticle de Sortie.
Outre l'eau de vie qui fe fait en Crimée ,
les
MER NOIR E. •
49

les Cofaques apportent 60 à 80 barriques


de 5oco ocques d'eau de vie de bled
brûlée , extrêmement violente ; elle fe vend
de 6 à 7 paras l'ocque. Ils apportent en
core 30 à 40 barriques de ratafia de ceri
fes & de griottes affez mauvais , que l'on
vend de 13 à 14 paras l'ocque.

Tabac.

Le Tartare ainfi que le Turc fument


beaucoup plus que le Hollandais & le
Venitien. Il vient en Crimée plus de
150,000 ocques de tabacs , de toutes for
tes d'efpeces différentes & de tout prix :
il en y a depuis S à 6 paras jufqu'à 2 &
27 piaftres : c'eſt un objet de 50 à 60,000
piaftres.
Kénas.

Eft une drogue dont les femmes fe


fervent au bain pour fe décraffer & dé
graiffer les cheveux , les teindre en rouge ,
ainfi que leurs ongles des pieds & des
mains. La confommation annuelle eft
d'environ 1500 facs de 150 ocques cha
cun , & vaut de 10 à 12 paras locque.

с
50 COMMERCE DE LA

Fard.

Toutes les Mahométanes & les Juïves


fe fardent. La confommation du rouge
& du blanc va par an de 5 à 600 ocques ,
qui fe vendent indifféremment , 2 paras
la dragme , dont 400 font l'ocque ; ce qui
revient à 20 piaftres l'ocque. Les fem
mes Chrétiennes n'en font point uſage.

Pierreries, Perles & Bijoux.

C'eſt un article de très peu d'impor


tance. On débite année commune 2 à
300 mifcals , d'une dragme & demie , de
perles. Il y en a de diverfes grandeurs de
puis dix jufqu'à quarante piaftres le mifcal.
Ceux qui veulent fe pourvoir de bijoux ,
les commandent à Conftantinople.

Armes & Quincailleries.

La Quincaillerie réuffit aſſez bien en


Crimée : elle vient d'Allemagne , de Po
logne & de Conftantinople . L'on apporte
environ 100 paires de piftolets , qui fe
vendent de 6 à 15 piaftres la paire ; &
toutes les autres fortes de Quincailleries
en uſage en Turquie ; de petits miroirs ,
MER NOIR L 5%

petits couteaux ployans , tabatieres de


carton , de bois & de corne ; cifeaux ,
boîtes de laiton , anneaux de laiton
braffelets & colliers d'or faux , perles
fauffes blanches , perles & grains de verre
de diverfes couleurs , boutons de laiton
pour les habits à la Turque , livrets d'or
& d'argent fin pour la dorure , livrets d'or
& d'argent faux , feuilles d'or plan ,
feuilles de fer- blanc & de tôle , fil de
laiton de toutes groffeurs , fil de fer idem ,
clous de cuivre dorés & non pour mettre
autour des felles à chevaux , chapelets d'am
bre & de corail de différentes grandeurs ,
limes de toute efpece : l'on peut évaluer
le débit de ces quincailleries à 30 caiffes
environ par an. Outre cela il y a les ca
denats grands & petits , & les peignes
de buis , de corne , d'ivoire & d'écaille
Il vient 2000 cadenats de Conftantinople ,
de Ruffie & de Pologne , depuis cinq
jufqu'à foixante paras. Le débit des
peignes de buis eft immenfe en Crimée ;
ils fe vendent de deux afpres à para,
ceux de corne de 3 à 4 paras , & ceux
d'ivoire de 20 jufqu'à 50 , fuivant la gran
deur.

14
C &
52 COMMERCE DE LA

Aiguilles.

Le débit en eft immenfe : elles vien


nent de Hollande & de France par Con
ftantinople i en vient chaque année
trois à quatre cens mille paquets de 250
aiguilles l'un. Les aiguilles pour le linge
à 30 paras le paquet , celles pour les
cailleurs de 45 à 50 , & celles pour les
cordonniers & les felliers de 60 paras.
Les paquets de celles - ci font de 100.
:

Vitres & Verreries.

C'est un très petit objet à l'égard des


vitres pour les fenêtres : il n'en vient
gueres plus de 50 caiffes par an. Il y en
a de blanches , de colorées & à facettes.
Elles fe vendent à peine de 5 à 6 paras.
Outre 5 à 6 caiffes de vitres à cabochon ,
comme les cloches de nos couches de
jardin',, pour les • bains : on vend celles
ci de 1 à 13 paras .
Le débit des Verreries eft plus confidé
rable: il en vient tous les ans de Polo
gne , d'Allemagne & de Hongrie environ
50 à 60 caiffes de différens vafes de
criftal & de verre colorés , comme pots ,
gobelets &c. Mais il faut les détailler ; on
MER NOIRE. 53

ne peut gueres trouver à les vendre en


gros. Les Ruffes amenent chaque année
cinq à fix chariots de verreries groffieres,
bouteilles , pots , taffes &c. Il vient auffi
de Venife des canevettes de plufieurs,
bouteilles de verre peintes ; on apporte ,
outre cela 250 à 300 paniers d'autres
verreries groffieres , comme lampes , bou
teilles & c. Tous ces articles fe vendent
avec grand avantage.

Tuyaux de Pipes.

On ne porte en Crimée que de deux


fortes de tuyaux de pipes ; la premiere ,
Tabta-Tchibouk , vient de Conftantinople ,
avec les bouquins de corne ou d'ivoire,
façonnés & vont de 5 à 30 paras ; on en
débite 20,000 chaque année. La feconde
efpece , Guermechek , Guenghem , Cérifier
Rofier, vient de Moldavie : il s'en vend
plus de 20,000 tuyaux , depuis un para
jufqu'à 10. Les pipes de prix , comme le
Jasmin , le Moulja , avec les bouquins
d'ambre & autres , ne viennent que par
commiffion ou pour des préfents.

C 3
54 COMMERCE DE LA

Porcelaine , Fayence & Terraille.

Le débit de la Porcelaine eft très mo.


dique & fe borne à 8 ou 10 paniers de
taffes à caffé , de vafes pour leforbec &
d'autres plus grands pour divers u'ages ;
mais il vient 200 paniers de fayence de
toute espece. Tout cela fe vend bien en
détail: on y trouve au moins 100 pour
cent de profit . Il vient encore 2500
gouffes de noix de pipes de toutes efpeces
& de tout prix.

Faulx d'Allemagne.

C'eſt un des plus confidérables articles


de commerce de Crimée : il en vient plus
de 200,000. Les Nogais en achetent beau
coup: elles valent 15 à 20 paras. L'on
pourrait fort bien en fabriquer dans notre
Province du Forèts , dans le pays de
Liege , de Luxembourg & de Namur ;
que l'on pourrait donner au même prix ,
& enlever cette branche de commerce
aux Allemands.

Papier.

Les Chaffis de prefque toutes les mai


M- E-R NOIKE. 55

fons ne font qu'en papier & la confom


mation de celui de 24 eft affez confidéra
ble : on l'évalue année commune de 5 à
600 balles. Le papier en gros eft de 28
piaftres le ballon , & en détail on peut le
vendre jufqu'à 50 paras la rame , c'eſt - à
dire 30 piaftres le ballon. Il vient 200
rames de papier coupé pour écrire ; il
fe vend de 4 à 5 piaftres la rame en dé
tail. Le papier liffé pour l'écriture à la
Turque fe débite en beaucoup plus gran
de quantité avec le même avantage : c'eft
la grandeur de la feuille qui en détermine
le prix. Le papier doré s'y vend avec un
bénéfice énorme ; mais c'eft un très pe
tit objet.

Bois de conftruction , de batiſſe &


autres.

La partie méridionale de la Crimée a


beaucoup de bois de conftruction & de
batiffe: cependant il en vient encore de
la côte de la Natolie fept à huit charge
ments de bois de conftruction & beau
coup de vafes & d'uftenfiles de bois ,
comme fceaux , auges , barrils , bouteil
les ; des ouvrages tournés , mortiers , pi
lons , métiers pour la broderie; toutes
6.7.2 C 4
56 COMMERCE DE LA

fortes de merrains pour les tonneaux en


chêne , hetre , fapin , &c. Il vient auffi
des croffes de fufils , de Moldavie , pour
les fameux fufils de Bactcheferai . Tous
ces articles peuvent bien aller de 12 à
13000 piaftres par an.

Goudron. 1

On tire le goudron du pays. Cepen


dant les Ruffes en apportent 5 à 600
quintaux , que l'on prépare pour graiffer
les roues des voitures : il fe vend à l'oc
que , de 5 à 6 paras. Celui du pays cft
inférieur & fe vend à meilleur marché.

COMMERCE DE SORTIE

Soyes.

Si la Crimée était bien cultivée , elle


ferait très propre à produire de la Soie;
mais l'indolence & la pareffe des habitans
y mettent un affez grand obftacle. Le
pays n'en produit gueres plus de 150
ocques , qui restent fur les lieux & fervent
pour les chemifes à l'ufage des Tartares.
Le prix en eft de 5 à 6 piaſtres.

Lains
MER NOIRE. 57

Laine furge , lavée & pélade.

11 y a en Crimée trois fortes de laines ;


furge, lavée & pélade. La premiere eft
celle qui fe leve de deffus l'animal lors
de fa toifon. La' feconde eft celle qui a
été nettoyée & lavée ; & la troifieme
qui eft la moindre , eft celle qui eft enlevée
de deffus les peaux des animaux après
qu'ils ont été écorchés . Ces trois qualités
font extrêmement groffieres : il y en a
quelquefois d'affez fine. La laine de Cri
mée eft d'ailleurs fort mélangée de noire :
dans une partie , on en trouve rarement
un tiers de blanche.
La laine lavée fe recueille dans le ter
ritoire de Baliklava : il en fort année com
mune 10 à 12000 quintaux ; on la vend
fur le lieu de 9 à ro Becheliks l'ocque ;
c'est-à-dire 3 paras à 3 paras & un afpre
de Conftantinople.
Lalaine furge vient à Précop , de chez
les Nogais du Yamboilouk , à Caffa & à
Ghuflevé , de toute la partie feptentrio
nale de la Crimée. Elle ne vaut que 7 à
8 Becheliks , qui reviennent à 2 paras &
2 afpres: c'est un objet de 9 à 100,000
quintaux ; ces deux qualités de laines
paffent à Conftantinople & en Romé
C 5
58 COMMERCE DE LA

lie , par les bâtiments de Varna & de


Bourgaz
Outre la laine pélade de toutes les vil
les où l'on prépare les peaux pour les
manufactures de maroquins & autres ,
Mankoup & le diftrict des Tats font les
endroits d'où il en fort le plus. C'eſt ce
pendant un petit article , qui peut aller par
an de 5 à 6ooo quintaux ; elle eft au
même prix de lafurge.
Comme il y a un très grand concours
de marchands pour l'achat des laines , il
faut être extrêmement diligent pour s'en
affurer de fortes parties. Pour cet effet il
eft néceffaire d'avoir des facteurs fur les
lieux ; à Baliklava pour la laine lavée ; à
Précop & à Ghuflevé pour la laine furge.
Ces facteurs font des traités avec les Kir
djis , qui font ceux qui vont ramaffer la laine
de la premiere main. On traite de deux fa
Consavec eux . On fixe le prix de la laine ,
ou bien l'on convient de fe faire rendre
compte de Turc - à- More : cette derniere
maniere eft la plus mauvaife. La pre
miere eft meilleure , parce que fi l'on
n'eft pas content de la laine on la laiffe;
au lieu que l'on eft obligé , dans le fecond
cas , de courir tous les inconvéniens de
Ja mauvaiſe foi de ces Kindjis , qui ne font
MERNOIR L 59

pas, des plus, honnêtes gens. Il faut auffi


saflurer des voitures , pour tranfporter
les laines dans les ports de mer. La pre
miere toifon qui fe fait au printems eft la
plus eftimée , parce qu'elle eft toujours
plus longue que celle qui fe fait en au
tomne. Comme il eft impoffible de
choifir la laine lavée à Baliklava & de la
faire cerner , parce qu'il y a un trop grand
* nombre de concurrens on pourrait
effayer en offrant un prix convenable de
la faire trier : mais pour cet effet il fau
drait être établi fur les lieux & y avoir
l'œil pour la réuffite,
On emballe la laine dans des Ketches
ou feutres , dont on fait des facs qui con
tiennent environ 500 ocques, Ces facs
coûtent ordinairement 10 piaftres de
Crimée ; ce qui revient environ à 66 pa
ras de Conftantinople , où on les revend ,
ainfi qu'en Romélie, fans perte.. Outre
cela , la piece Sérkapan , qui couvre l'ou
verture du fac, coûte 3. 3 piaftres de Cri
mée , ou 20 paras ; le fil pour les coudre
piaftre de Crimée ; la corde 1 piaftre
le rempliffage du Ketché, y compris la
nourriture de l'ouvrier , 5 piaftres : deforte
que l'emballage d'un fac de laine monte
à 20 piaftres de Crimée , qui font de
C6
бо COMMERCE DE LA

Conftantinople 3 piaftres 13 paras &


1 afpre de Turquie , ou 10 livres de Fran
ce; la piaftre de Crimée évaluée to fols
de notre monnoye .
Il y a encore un inconvénient qu'il ne
ferait pas bien difficile de lever. A Conſtan .
tinople , les Torgandjis ou fabricans de
Couvertures , ont le privilege exclufif de
s'emparer de toute la laine , & l'on ne
peut en vendre ni en expéd er ailleurs
que lorfqu'ils font fournis & qu'ils n'en
veulent plus. Ils ne manqueraient point ,
en vertu de leur privilege , de, s'emparer
par jaloufie de la laine ; mais on leverait
cet obftacle , en s'accordant avec quelque
marchand Turc qui prêtât fon nom à la
réception de la laine & fe chargeât de
lever toutes les difficultés , moyennant un
petit bénéfice.

Teftik ou Laine de chevron.

Il y a en Crimée du Teftik , que nous


appellons laine de chevron & poil de
chameau. Il eft d'une qualité fort mé
diocre. C'est un article bien ingrat &
qu'il faut connaître à fond. Comme on
l'achete brut , on doit favoir évaluer le
déchet qu'il peut y avoir en le nettoyant.
MER NOIRE. 61

Le poil de chameau fe vend brutde 6


à 7 paras l'ocque. L'on trouve la laine de
chevron travaillée & nette pour 14 à 15
paras l'ocque,

Crins de Chevaux & de Bœufs.

Les crins de chevaux & de bœufs


font un article de commerce en Crimée;
ceux de chevaux font les plus eſtimés.
Les vagabonds de Bohémiens établis
en Crimée , achetent beaucoup de ces
crins pour faire des tamis , des facs & plu
fieurs autres fortes d'ouvrages qui fortent
de leurs mains. Il en paffe beaucoup à
Conftantinople. On les vend de 30 à 40
paras l'ocque : peu de gens veulent ceux
de bœufs , qui ne fervent qu'à frauder les
autres.

Cuirs de Boeufs , de Buffles & de


Chevaux.

La Crimée fournit environ chaque


année 250,000 cuirs de bœufs & de va
ches , tant de fon crû que de ceux qui y
viennent de chez les Nogais & les Cir
cafiens.

C 7
COMMERCE DE LA

Savoir.

80 à 100,000 beaux cuirs mâles de


Bonne qualité : 150,000 petits environ
mâles & femelles.
Ces cuirs font de différens poids & de
diverfes qualités. Les mâles pefent ordi
Dairement de 18 à 22 ocques ; on en
trouve même de 28 à 30 , mais ils font
rares.
Les petits pefent communément de
12 à 14 ocques. Tous les cuirs ont le
poil plus ou moins long & fourni : on
doit s'attacher à ceux dont le poil eft le
plus court & le plus luifant ; ils font plus
nourris , plus nerveux & plus pefans que
les autres.
Les cuirs fe vendent en troc ou au
comptant , à piece ou à ocque. On les
achete toujours plus cher en troc & la
facilité que l'échange peut donner de
débiter quelque marchandife d'entrée
eft le feul motif qui doit déterminer le
marchand à faire de pareils traités : indé
pendamment du desavantage du prix ,
on eft obligé de prendre la partie offerte
en troc telle qu'elle eft , fans pouvoir
choifir , & l'on n'a ordinairement que de
la marchandiſe commune. La meilleure
MEK NOIRE.. 63

façon d'acheter les cuirs eft d'avoir à


Caffa , à Ghulevé & à Précop des fac
teurs entendus , qui aillent dans la faifon
où l'on tue les bœufs , depuis Décembre
jufques en Mars , ramaffer les cuirs l'ar
gent à la main , dans les villages de la
Crimée & chez les Nogais : on les a par ce
moyen à meilleur compte qu'au marché
de la feconde main , & l'on a l'avantage
de pouvoir choifir & de rebuter ceux
dont on n'eft pas content.
Les beaux cuirs mâles de 18 à 22
ocques fe vendent communément en troc
de 2 à 3 piastres & au comptant de 2 à
24 , fuivant la qualité ; mais en les ache
tant , comme on vient de le dire , de la
premiere main , on peut les avoir de 1
à 2 piaftres.
Les petits cuirs mâles & femelles au
deffous de 16 ocques valent 25 à 39
pour cent moins que les autres.
Il fort de la Crimée 3 à 4000 cuirs de
buffles de différentes grandeurs , du poids
de 25 à 50 ocques : Caffa eft la place où
l'on trouve plus communément à les
acheter : on les vend de 4 à 74 piastres.
L'on trouve encore 10 à 15000 cuirs
-de chevaux , dont le prix dans le pays eft
de 15 à 30 paras le cuir. Les Nogais en
64 COMMERCE DE LA

font des pelliffes avec le poil en dehors


& la criniere pendante le long du dos ;
ce qui fait un habillement fingulier &
leur donne une figure épouvantable.

Maroquins , Peaux & Bazanes.

Il y a p'ufieurs Manufactures de cuirs


en Crimée , mais les principales font à
Ghuflevé & à Karafou : le débit en eft
prodigieux. Il en fort ordinairement :
10000 touras de maroquins Jahtiams.
5000 touras dits rouges , teints avec
le bois de Fernambouc , ou de Sainte
Marthe. On ne les fait qu'à Karafou.
500 touras teints en cochenille.
500 touras teints en noir.
300 touras blancs , que l'on fait à Caffa.
Le toura de maroquins teints en co
chenille eft de 5 pieces ; & celui des autres
eft de 10. Ceux - ci coûtent de 50 à 60
paras la piece , & les autres de 2 à 21
piaftres.
20000 touras de peaux de mouton ap
pellées Mechin & en français Bazanes ,
teintes en jaune.
10000 touras de rouges.
5000 touras de noires.
20000 touras de blanches.
MER NOIRE. 65

Ces touras font tous de 10 pieces , qui


coûtent de 20 à 25 paras la piece.
35 à 40000 cuirs fecs pour les femel
les de fouliers , bottes &c. de différentes
grandeurs , depuis 8 jufqu'à 32 paires de
femelles. Les petits fe vendent de 50 à
55 paras , les moyens à proportion & les
grands de 5 à 5 piaftres.
45 à 50000 cuirs , Keuffelés , en fran
çais vaches liffées ; ils fervent pour les
harnois des felles & valent de 50 paras à
3 piaftres.
10 à 12000 peaux de chagrin appel
lées Saghir , qui ne font faites qu'à Ghus
levé , pour les gaines des couteaux &
fourreaux de fabres , Kantjiars , Yata
gans &c.
5 à 600,000 Courroyes blanches de
cuirs de bœuf & de buffle , pour les fan
gles des felles & les rennes des brides. Il
y en a de différentes grandeurs , lon
gueurs & largeurs , depuis 2 paras jus
qu'à 1 piaftre.

Pelleteries.

Elles font de huit fortes : le Renard ou


Tilki ; le Loup ou Kourd ; l'Ecureuil ou
Gueudjen; le Licore ou Tawchan; le Obat
65 COMMERCE DE LA

ou Kedi; le Teflon ou Bourfouk ; Agnear


ou Kouzi ; le Mouton on Kojous.
- Lest Renards de Crimée font infé
rieurs à ceux de Ruffie & de Pologne, On
divife cette peau en fix efpeces de four
rures : du gofier on tire le Bogaz , qui
fert . pour les parements & les bordures ;
du deffus du col , on forme le Djilgava ,
qui eft une fourrure fort eftimée ; des
flancs & du ventre on tire le Nafé , qui
fert pour l'intérieur des pelliffes ; du dos ,
on compofe le Sirt , qui eft très commun
& à vil prix. On tire même parti des pieds
& de la tête , dont on fait les pelliffes les
plus viles. Les peaux entieres de renard.
non travaillées fe vendent au marché de
30 paras à 2 piaftres. Les Bogaz fe ven
dent à piece d'un pan de longueur fur 3
de large , de 30 à 40 paras la paire. Si
l'on en forme des tables entieres , c'eſt la
perfection de l'affortiment qui en déter
mine le prix , qui va de 60 à 200 piaftres.
Le Djilgava fe vend en pieces & en
tables ; la pelliffe entiere vaut de 50 à 500
piaſtres.
Le Nafé ne fe vend qu'en tables : il y
en a depuis 16 jufqu'à 200 piaftres.
Le Sirt eft une fourrure commune , que
Yon paye de 10 à 20 piaftres.
MER NOIRE. 67.

Les Patcbas & le Caffa , qui font les


pieds & la tête , font les plus viles ; les
premieres fe vendent de 6 à 10 piaſtres ,
& les fecondes de 5 à 8 piaftres.
Les queues ne fervent que pour rem.
bourrer les couffins & les matelas.
Les peaux de loup fe vendent au mar
ché , telles que l'on les atirées de l'animal
& fe vendent de 1 à 2 piatres. Les
peaux d'hiver peuvent feules fervir pour
les fourrures: celles d'été ne valent rien,
le poil tombe & les peaux ne font pas.
affez fournies. Alors elles ne fe vendent que,
10 à 15 paras. Il faut douze peaux pour
une pelliffe: on en ôte la tête , le dos & les
pieds , dont on fait les fourrures les plus
communes.
Les Ecureuils ou Gueudjens ſe vendent
préparés de 2 à 8 paras la piece. La four
rure entiere eft de 60 pieces environ &
coûte de 3 à 12 piaftres.
Les peaux de lievre font en très gran
de abondance ; on les vend à piece de 5
afpres à 2 paras ; on en fait des fourrures
appellées Korel- Kas , dont le prix eft de
50 paras à 2 piaftres : celles d'hiver font
les plus eftimées.
Les fourrures de Chat font de cinq
68 COMMERCE DE LA

efpeces différentes ; les blancs , les noirs ,


les gris , les roux & les pies.
Les blancs & les noirs fe vendent à
piece de 20 à 25 paras & la fourrure en
tiere coûte de 8 à 9 piaftres.
Les Chats gris , les roux & les pies va
lent 10 à 12 paras la piece & le prix de
la fourrure eft de 4 à 4 piaſtres.
Les peaux de Teflon fe vendent de 15
à 20 paras la piece : il n'y a que les No
gais qui en faffent des peliffes. Les Tar
tares s'en fervent pour faire des étuis
de fufil.
Les Peliffes de peaux d'agneaux ap
pellées Beden , font fort en ufage en Cri
mée. Il en paffe beaucoup à Conftanti
nople & dans la Natolie : il y en a de
blanches , de noires , de grifes & de
rouffes ; les grifes font les plus eftimées
& valent de 10 à 13 piaftres la fourrure ;
enfuite viennent les noires & les rouffes
qui coûtent de 8 à 10 piaftres : les blan
ches font la plus baffe qualité ; on les
vend de 4 à 5 piaftres. Il faut 14 à 16
peaux pour faire une fourrure entiere.
Les Peliffes de peaux de mouton font
d'un ufage général : il y en a auffi de
noires , de grifes , de rouffes & de blan
MER NOIR E.

ches : leur prix eft de 30 paras à 2


piaftres la peliffe entiere. Le pays en
confomme un nombre prodigieux. Il n'y
a point de Tartare riche ou pauvre , de
Nogais ou étranger en Crimée , grand
& petit , qui n'ait au moins fa peliffe
de mouton.

Peaux d'Agneaux pour les Bonnets.

La Crimée produit une quantité im


menfe de peaux d'agneaux , dont l'on
borde les bonnets à la Tartare : outre la
prodigieufe confommation qui s'en fait
dans le pays , il en paffe annuellement
pour la valeur de 250 à 300,000 piaftres
en Ruffie , en Pologne, à Conftantino
ple , en Moldavie , en Valachie , en
Romélie , en Natolie & chez toutes les
nations où l'on trouve des gens coìffés à
la Tartare. Ces peaux font tirées des
agneaux morts dans le ventre de la mere ,
ou qui ont vécu peu de jours. Il y en a
de trois couleurs , noires , grifes & blan
ches. Les grifes font les plus ettimées &
font de deux efpeces ; l'une appellée
Baklatin , a le poil applati par maffes &
très court; l'autre nommée Kivridji- tin ,
a le poil plus long & extrêmement frifé :
70 COMMERCE DE LA

la qualité & la beauté en déterminent le


prix ; il y en a de 10 paras jufqu'à 12 &
15 piaftres. Ghuflevé eft la place où s'en
fait le plus grand débit. Les plus belles
peaux grifes paffent en Pologne pour les
bonnets à la Polonaife. Les Gentilshom
mes Sarmates en font des ameublemens
& y dépenfent des fommes énormes : les
Valaques & les Moldaves en confomment
auffi beaucoup pour leurs bonnets. Les
peaux noires ont plus de débit à Con
ftantinople pour les Kalpaks des Grecs &
des Arméniens .
Il vient auffi d'Aftrakan de ces peaux
en mêmes couleurs , mais plus cheres ,
parce qu'elles font mieux préparées ; mais
la quantité n'en eft pas confidérable.
L'article des Feaux eft le plus folide &
Je plus lucratif du commerce de Sortie de
la Crimée.

Salpêtre.

On en exporte environ 40 à 50,000


ocques par an, malgré la confommation
confidérable qui s'en fait dans le pays :
on le vend au marché à 1 piaftre de
Crimée l'ocque , qui font 10 paras de
Turquie , ! ou 15 fols de France. En
MERNOIRE. 71

l'achetant du villageois de la premiere


main , on peut l'avoir à 7 paras.
On l'embarque dans des tonneaux ou
des barriques , que l'on remplit le plus
exactement qu'il eft poffible : on a foin
de n'y point laiffer de vuide ; le cahotage
de la voiture & les fecouffes de l'embar
quement & du débarquement le mettent
en pouffiere & le font décheoir. La vente
aux étrangers en eft prohibée & il ne
peut entrer à Conftantinople qu'en con
trebande ; quand il eft découvert , le Ter
mier des poudres s'en faifit & le pave
après l'avoir fait rafiner . 12 paras , prix
fixé par la Porte. Ce prix eft très ruineux
pour le vendeur , parce que le déchet
que le falpêtre éprouve à la rafinerie eſt
très conſidérable ; mais on peut parer à
cet inconvénient , en gagnant le Commis
du Fermier des poudres , qui fe tient ordi
nairement à l'un des châteaux du Canal
de Conftantinople & qui , moyennant
quelques fequins , ferme les yeux & fa
vorife même l'entrée de la marchandiſe.
Tous les marchands de Crimée qui por
tent du falpêtre dans cette capitale , ne
font pas autrement.
Il y a un ufage dans le Levant , c'eſt
que , quand on eft pris en fraude fur mar
72 COMMERCE DE LA

chandifes permifes , ou que l'on veut en


faire entrer de prohibées ; dans le pre
mier cas on fait payer double douane ,
& dans le fecond , ceux qui ont le privi
lege exclufif de la marchandife , s'en em
parent en payant le prix fixé , ou le prix
courant de cette marchandiſe ; de forte
que l'on ne perd jamais le tout.

Poudre à tirer.

Quoique l'on fabrique beaucoup de


poudre à tirer en Crimée & qu'il en paſſe
beaucoup chez l'étranger , les Tartares
font fort curieux de la poudre fine de
France & encore plus de celle d'Angle
terre , parce que celle que l'on fait dans
le pays , eft affez inférieure.

Couteaux..

La renommée des couteaux Tartares


s'eft répandue par un préjugé affez or
dinaire dans tout l'univers , parce qu'ils
viennent d'un pays très éloigné & tel que
la Tartarie , dont le nom feul impoſe :
quoiqu'à Paris & à Londres on travaille
mieux & avec plus de perfection qu'à
Bactcheferai , où fe tiennent les meilleurs
ouvriers ,

[3
MER NOIRÈ. 73

ouvriers , la Crimée fournit année com


mune environ 400,000 couteaux de tou
tes grandeurs , de tout prix & avec
toutes fortes de manches , en argent , en
cuivre , en corne de bœufs , de buffles ,
de moutons fauvages , d'ivoire , de dents
de poiffon , garnis & non garnis , à la
mode , fimples , ou damafquinés. On n'en
peut déterminer le prix.

Cornes de moutons Sauvages , &c.

Il y a dans la partie méridionale de la


Crimée & dans les plaines d'Oczakow &
de Précop des moutons fauvages dont
la chair eft beaucoup meilleure & plus
délicate que celle des m utons domefti
ques. Ils font extremement légers à la
courfe & courent auffi vite que le che
vreuil ; ils vont par troupeaux : on les
chaffe au fufil & à la fleche ; on les prend
avec des trappes & des lacqs Les cornes
de ces animaux font un article de com
merce : on en fait des manches & des
gaines de couteaux , qui font d'une feule
piece , ainfi que d'autres ouvrages d'une
grande beauté & fort tranfparens. On
les vend à Précop 3 à 4 paras la paire ;
mais à Bactcheferai , elles valent jufqu'à
D
74 COMMERCE DE LA

20. L'on débite auffi ane grande quan


tité de cornes de buffles & de bœufs : les
premieres de 50 à 60 paras la paire , &
les autres de 9 à 10.

Fufils.

Les fufils de Crimée font fort recher


chés dans tout l'Empire Ottoman : on ne
les travaille qu'à Bactcheferai : il en fort
5 à 600 fufils montés & environ 2000
canons de fufils. Ces canons font fimples
ou carabinés. Ces derniers réuffiffent
mieux que les autres. Il eft impoffible
d'en déterminer le prix : il y en a depuis
15 juſqu'à 200 piaftres. L'on en fait de
communs pour le peuple.

Selles de Chevaux.

Ces felles font affez commodes pour


ceux qui y font faits : elles font extrê
mement légeres , dégagées & à très bon
marché. Il y en a à tout prix. L'on peut
avoir un équipage de cheval complet , neuf
& bien conditionné, pour 3 piaftres :
elles feraient fort avantageufes pour notre
cavalerie légere , & les chevaux n'en fe
raient pas bleffés , non plus que les hom
mes.
MER NOIRE. 75

Ketches ou Feutres.

Il s'en fabrique une prodigieufe quan


tité en Crimée; l'emballage des laines ,
les maifons ambulantes des Nogais , les
tentes des Tartares , les couvertures des
voitures de voyage & de tranfport , les
deffous des felles des chevaux en con
fomment une énorme quantité. Les feu
tres fimples , noirs , gris , coûtent com
munément i piaftre de Crimée l'ocque ;
ce qui revient à 6 paras 2 afpres de Tur
quie. Les feutres colorés en forme de
tapis valent 120 afpres l'ocque , qui font
8 paras : il en paffe beaucoup au dehors.

Ouvrages groffiers de Poil de Chevre..

Il y en a de plufieurs efpeces : les facs


dits Torbas pour donner à manger l'orge
aux chevaux , valent de 6 à 7 paras la
piece: les facs pour mettre le bled , dits
Seklem , fervent auffi pour tous les autres
grains & légumes , & coûtent depuis 7
12 paras jufqu'à 2 piaftres. Ces deux
articles font un objet confidérable. L'on
fait auffi beaucoup de fangles de cordes
pour les Keuftets ou liens de chevaux ,
des bourfes pour les décraffer. Les fan
D 2
26 COMMERCE DE LA

gles coûtent de 3 à 4 paras , les cordes


fuivant la longueur & les bourſes d'un
para & demi à 2 paras la piece.

Cire.

Le pays n'en produit pas une grande


quantité. La récolte annuelle fe borne
à 7 ou 8000 ocques : mais il en vient
tous les ans de Circaffie à Caffa par Ta
man de 50 à 60,000 ocques. C'eſt le
fermier des chandelles qui achete & re
vend celle du pays ; chacun étant obligé
de la lui porter , if la paye fuivant le tarif.
Celle de Circaffie eft libre. Le prix en
eft de 38 à 40 paras l'ocque , tant l'une
que l'autre: il y a des années où elle va

jufqu'à 42 .

Miel.

Le Miel de Crimée eft réputé le meil


leur de tout l'Empire Ottoman ; on le
vend dans les marchés en gros de 13
14 paras l'ocque , pur: mais quand on
le fait ramaffer dans les villages & que
l'on l'achete à la ruche , on peut l'avoir
avec la cire à raifon de II paras : on y
trouve mieux fon compte. On transvare
MER NOIRE. `77

le miel dans des cruches & des tonneaux


de différentes grandeurs ; mais il faut ob
ferver toujours de laiffer un peu de vuide
dans la cruche ou dans le tonneau , & d'y
pratiquer un petit foupirail pour lui
donner de l'air , fans quoi il fermente &
rompt tous les vafes & tous les vaiffeaux.

Beurre.

La Crimée produit environ 3000 quin


raux de beurre ; il en vient à peu près
autant de chez les Nogais de Tamboilouk ,
par Précop , & de ceux du Couban , par
Taman. Ce beurre eft de deux qualités
différentes : le premier s'appelle Tchitchif
laghi , extrêmement eftimé ; on le vend de
13 à 14 paras l'òcque : l'autre eft ce que
l'on appelle Mantegue en Provence ; il eft
mêlé de graiffe de mouton , de bœuf &
même de chameau ; fon prix ordinaire eſt
de 10 à 11 paras. Pour l'avoir à bon
marché, tant l'un que l'autre , il faut le
faire ramaſſer dans les villages. Les vil
lageois vendent ce beurre dans des tripes :
de mouton , & les Nogais dans des
boyaux de chevaux : il faut le faire fon-
dre pour le bien épurer. Le déchet peute
D. 3
78 COMMERCE DE LA

aller de 5 à 6 pour cent , quand on l'a


chete brut de la premiere main.

Suif.

La Crimée en produit beaucoup : il en


vient auffi une grande quantité de chez
les Nogais & les Cofaques. C'eft une mar
chandife de contrebande pour la fortie
qui en eft défendue : néanmoins il en
fort année commune environ 1000 quin
taux , & 5 à 600 quintaux de chan
delles. Le fermier feul , à qui l'exporta
tion en eft permife , n'ofe le faire qu'avec
- certaines précautions pour éviter les
de la populace. Le prix de la 1
murmures
}

chandelle eſt toujours fixé, mais il dif


fére dans chaque ville : le prix du fuif
n'eft jamais taxé ; on le vend communé
ment de 7 à 8 paras l'ocque.

Viandes falées & Pafturmas.

Ce commerce eft affez confidérable en


Crimée ; c'eft ordinairement des moutons
que l'on fend en deux ou en quatre , &
que l'on met dans des tonneaux avec une
Laumure. L'on vend cette viande à raiſon
de 4 paras l'ocque : il en fort environ
MER NOIR E. 79

2000 quintaux. On prépare auffi de la


viande de bœuf falée & fumée , que l'on
appelle Pafturmas ; mais il n'en fort pas
du pays. L'on vend auffi des moutons
entiers , fendus feulement par le milieu &
féchés au foleil.

Poiffon fec & falé.

C'est un objet fort confidérable du


commerce de Crimée : il eft impoffible
d'en déterminer la quantité qui s'exporte ,
parce que cela dépend de l'abondance ou
de la rareté de la pêche : il fe vend à rai
fon de 3 à 4 piaftres le millier. La pêche
du gros poiffon fe fait à Yenikalé & à
Kerche. Les principaux poiffons font la
Moronne , l'Eflurgeon & le Suruk. Les deux
derniers fe coupent en aiguillettes que l'on
fale & qu'enfuite on fait fumer : ils font fort
recherchés dans tout l'Empire Ottoman
& en Chrétienté. La pêche la plus abon
dante eft celle de la Moronne. Les
aiguillettes de ce dernier poiffon fe ven
dent fur les lieux de 10 à 12 paras la
paire ; ceux d'Efturgeon à 6 paras ; les
Suruks fe vendent entiers fuivant la gran
deur , depuis 6 jufqu'à 12 paras. Le
commerce de ces Tchilims , ou aiguillet
D 4
$0 COMMERCE DE LA

tes , eft un objet de 7 à 800 quintaux,.


chaque année . Outre ces Tchilims , on
fale encore environ 2000 quintaux de
Moronne & d'Efturgeon , que l'on coupe
par tranches & que l'on met enfuite dans
fa fumure La Moronne falée fe vend . 3
paras locque ; l'Efturgeon eft un peu
plus cher.

Caviar , Boutargue , Huile & Colle de


Poiffon.

Le Caviar n'eft autre chofe que les œufs


des gros poiffons dont on vient de parler ,
que l'on fale & que l'on met dans des barri
ques ou dans des boîtes , après les avoir
préparés & falés. Les deux places de
Kerche & de Tenikalé en fourniffent 1500
quintaux par an. Le Caviar noir eft le
meilleur & .vaut fur les lieux 10 paras ,
l'ocque ; la feconde qualité vaut 8 paras
& le Caviar rouge eft à très vil prix &
ne vaut que 4 à 5 afpres l'ocque.
On trouve à Caffa de la Boutargue
excellente , mais en petite quantité. Ce
font auffi des œufs de poiffons moyens que
l'on fale & que l'on fait fécher & fumer.
Son prix eft de 4 à 5 piaftres l'ocque.
I fort de Kerche & de Tenikale 5 . à 600 .
quin
MER NOIRE SE

1
quintaux d'huile de poiffon , que l'on vend
fur les lieux de 5 à 6 paras l'ocque & 40'
à so quin aux de colle de poiffon , dont le
prix eft de 20 à 25 paras l'ocque. Voyezz
au refte , le Commerce d'Atchou , ci-après..

Vins.

La Crimée produit d'excellent vin en


abondance , mais feulement du blanc , qui
eft fort léger & très diurétique : il n'y
a que celui de Soudag qui foit fort & on '
peut le mettre au rang des vins de liqueurs..
Les meilleurs cantons font Soudag, Bel
bek , Katchi & Elma. Les Cofaques
d'Ukraine & les : Zaporowiens en enle-
vent chaque année 100 000 ocques , qu'ils
tranſportent par chariots de 1000 à 1500 ›
ocques de portée. Le vin de Soudag vaut
de 5 à 6 paras l'ocque ; celui de Belbek
de 3 à 4 paras , & celui des autres de
2 à 2 paras : on pourrait aisément in
troduire nos vins de Provence & de Lan
guedoc par la Mer Noire dans les pro
vinces méridionales de la Ruffie & de la
Pologne. Cette branche de commerce :
donnerait à coup für un bénéfice immen❤
fe. Un Français nommé Vivier & un!
Genevois appellé Latour , en firent l'effaɔ
D- 5
82 COMMERCE DE LA

il y a 20 à 25 ans. (Ceci a été écrit en


1760) Ils firent à Conftantinople un char
gement de vin : ma'gré leur inexpérien
ce , les frais accumulés , les pertes qu'ils
firent fur les marchandifes de retour qu'ils
prirent en troc & plufieurs autres fa
cheux événements , ils triplerent & qua
druplerent leur capital . Les gens du pays
& les Ruffes furtout les leur enleverent à
leur arrivée. Cet article n'eft pas à né
gliger.
La voye de Crimée pourrait réuffir ;
mais il ferait plus à propos de débarquer
le vin à Tcherkerkoi ou à Tangarock par la
mer d'Afoph. Tous ceux qui y portent des
1
vins des iles de l'Archipel , y font un
profit immenſe.

Grains.

Si ce Commerce était libre , ce ferait


le plus important de ceux de la Crimée
& de la Mér Noire ; mais il eft de con
trebande & on ne peut l'acheter que pour
le transporter à Conftantinople , où il eſt
fixé par une politique abfurde , qui fait
que cette ville en manque fouvent qu'il
puiffe aller autre part , fous peine de la
tête. Pour en porter dans la Natolie , il
MER NOIRE. 83

faut des Firmans du Khan , qui n'en ac


corde que dans des tems où l'abondance
eft extrême dans la Capitale de l'Empire
Ottoman. En 1745 , Selim - Guerat - Khan
fit couper la tête à fon Douanier de
Ghuflevé , pour en avoir fait tranſporter
à Trebifonde , où la famine était extrême ,
ainfi qu'à Conftantinople ; ce qui arrive
affez fouvent , parce que la Porte ne fe
défifte pas de l'abfurde fyftême de fixer
le prix du bled. En 1757 , la mauvaiſe
récolte & la prodigieufe extraction des
bleds pour Conftantinople , cauferent une
famine générale en Crimée. Le Khan fit
ouvrir les puits appellés Ourous , où les
Tartares confervent les grains : cela ne
fuffit pas & occafionna la révolte des
Nogais , qui a placé en 1758 fur le trône
Kerim - Guerai - Khan , lequel a abdiqué en
1783 en faveur de Catherine II , Souve
raine de Ruffie.
Outre beaucoup d'orge & de feigle qui
viennent en Crimée , il y croît encore une
prodigieufe quantité de millet : c'eft la
nourriture principale du Tartare & furtout
des Nogais , qui ne vivent que de ce
grain , qui eft pour eux d'une reffource in
finie : ils le préparent de huit à dix façons
différentes . Ils en font plufieurs boiffons ,
D 6
84 COMMERCE DE LA

qui enivrent plus que le vin. Le prix :


ordinaire du bled en Crimée eft de 10 à
12 piaftres du pays , c'est - à - dire de 1
à 2 piaftres le Befferé ou Quilot du lieu ,
qui vaut quatre Quilots de Turquie , &
pefent de 88 à 90 ocques. L'orge & le
feigle fe vendent autant l'un que l'autre ,
de 6 à 7 piaftres le Bré; ce qui re
vient de 40 à 43 paras. Le millet vaut .
un peu plus que l'orge & le feigle.
Le Bifferé des Nogais & celui de Pré
cop eft beaucoup plus fort que celui de
l'intérieur de la Prefqu'ifle , & va de 112 .
à 120 ocques.
On peut néanmoins fpéculer fur cette
marchandiſe par la comparaifon du prix *
courant du pays à celui de Conftantino
ple & y faire des envois en droiture , &
non ailleurs , comme on vient de le dire.
On trouve rarement à freter ou nolifer
des bâtimens pour le tranfport des grains;
ces fortes de fpéculation fur cette mar
chandife fe font ordinairement à la part.
Lorfque le grain eft vendu , on préleve
toutes les dépenfes de l'entreprife , & ce
qui refte fe partage par égale portion en
tre celui qui fait les fonds , le propriétaire
du navire & l'équipage. On verra cet
arrangement plus en détail au Commerce
MER NOIRE 85

des Abazes , qui fe fait de la même ma


niere. Mais fi l'on voulait faire de fortes
fpéculations fur cet article , on pourrait
trouver à nolifer des bâtimens à Conftan
tinople & les expédier avec des efpeces.

Sel.

Il y a trois Salines dans la Prefqu'ifle.


Celle de Ghulevé , qui appartient au
Khan , ainfi que celle de Précop , & celle
de Kerche qui appartient au Kalga- Sultan.
Celle de Ghuflevé est toujours réunie à la
Douane , & celle de Précop à la Mon
noye.
Le Sel de Ghuflevé n'eft pas fi eftimé
que celui de Précop , ni fi abondant : on
en forme des monceaux appellés Kebes.
Le Kebé eft de 100 faps , le fap de 80
quilots & le quilot de 17 à 18 ocques.
Le douanier le vend en gros pour les
chargements à fap , de 4 à 5 & même
6 piaftres. On le vend auffi dans le pays
à 1 Battman de 6 ocques , & il vaut ordi
nairement 20 afpres de Crimée , qui font
I para & I afpre de Turquie.
La Saline de Précop eft immenfe ; elle
eft formée par deux lacs , qui ont cha
cun environ trois lieues de circonférence,.
D. 7.
86 COMMERCE DE LA

On ne tire le fel que de celui qui eft vers


le Couchant & qui feul fuffit : ces lacs
ne fe deffechent jamais ; le fel s'y forme
naturellement comme une croûte , de l'é
paiffeur de deux pouces entre deux eaux :
il commence à fe coaguler au mois de
Mai , & dès qu'il a pris une certaine
confiftance , la pluie l'engraiffe , au lieu
de le diffoudre. Mais s'il furvient de for
tes pluies en Mars & en Avril , avant
qu'il foit formé , il n'y a point de récolte
pour l'année.
Les Ruffes & les Cofaques viennent
acheter ce fel depuis Mai jufqu'en Juillet ,
que le fel alors ceffe de croître dans les
lacs & fe diffout entierement. Dans le
cours de l'année , on en vend aux habi.
tans de Crimée & aux Nogais ; les mou
tons en confomment une prodigieuſe
quantité qu'on leur donne tous les foirs ,
avant de les faire rentrer du paturage
dans leurs parcs . Les Ruffes & les Cofa
ques ont un prix fixe pour le fel depuis
ún tems immémorial. Ils payent quatre
roubles pour un chariot d'environ 1500
ocques de portée , & un rouble de
douane à la porte de Précop , qui ferme
'Ifthme. Ils conduifent leurs chariots
aux bords du lac & les chargent eux- mê
MER NOIRE. 87

mes ; enfuite pour payer moins de dou


ane , ils transvafent le contenu de ces
chariots dans d'autres voitures énormes
de la portée de 8 à 10,000 ocques , aux
quelles ils attelent 15 à 16 paires de
bœufs : mais fi la voiture rompt ou s'af
faiffe avant que d'avoir paffé la porte ,
tous les droits font payés double.
La Saline de Kerche appartient au
Kalga - Sultan , qui en donne ordinaire
ment la ferme à l'entrepreneur des four
nitures de fa maifon.

Kile ou Argile pour le bain.

L'on trouve dans le territoire de Bali


klava , auprès d'une montagne appellée
Tcherkès- Kirman , une quantité inépuisable
d'une terre ou argile grifâtre , de la cou
leur de nos pierres à ôter les taches : elle
fert aux femmes dans le bain pour ſe dé
craffer les cheveux. Tous les bâtimens
qui chargent à Baliklava pour Conftanti
nople , en forment leur left. L'on pourrait
de cette argile faire de la porcelaine. Le
prix de cette terre en détail eft de deux
ocques pour un para.
$8 COMMERCE DE LA

Efclaves.

Le Commerce des Efclaves eft con


fidérable en Crimée : ceux que l'on y
mene, font de quatre nations différentes:
les Circaffiens , les Géorgiens , les Kal
mouks & les Abazes.
Les Circaffiens font les plus eftimés &
les plus recherchés : les femmes de ce
pays -là font les plus belles & les plus fé
duifantes qu'il y ait peut- être au monde ;
elles ont les charmes de la figure & des
graces naturelles qui enchantent ; les·
hommes font auffi prefque tous grands &
bien faits. Les femmes Circaffiennes font .
les feules qui partagent la couche des Em
pereurs Turcs , & des Princes Tartares,
Les Gentilshommes de la Crimée n'ont
que des Circaffiennes pour concubines.
Les Géorgiens font la feconde claffe :
les femmes en font belles , mais groffieres
& fans graces ; elles n'ont pas la délica
teffe des Circaffiennes: les hommes font
robuftes & fains.
Les Kalmouks font extrêmement laids
& reffemblent aux Nogais , la face plat
te , les os des joues extrêmement faillans ,
les yeux petits & ronds , le nez écrasé &
épaté : ils reffemblent beaucoup aux Chi
pois , leurs ancêtres.
MER NOIRE. 89

Les- Abazes reffemblent beaucoup aux


Géorgiens pour la taille & la figure.
Les Circaffiens payent au Khan des
Tartares , un tribut d'un certain nombre
d'Efclaves , que ce Prince envove à Con
ftantinople au Grand - Seigneur & aux
Officiers de la Porte , & dont il gratifie
auffi les perfonnes qui l'environnent , ainfi
que les officiers Turcs qui viennent à fa
cour avec des commiffions du Miniſtere
Ottoman .
Les Efclaves font une marchandife
dont il eft impoffible de déterminer le
prix. Il y en a de tout âge , depuis l'en
fance jufqu'à la décrépitude. Les divers
ufages auxquels on les deftine , le fexe,
la beauté , l'âge , les graces , les talens,
la force , la fanté , la convenance , en re
glent la valeur : il y en a depuis Co juf
qu'à 5 & 6000 piaftres.
L'on doit obferver qu'il eft défendu
aux Chrétiens & aux Juifs de quelque
nation qu'ils foient , d'acheter des Efclaves
Circaffiens ou Abazes , parce qu'ils font
/cenfés Mahometans.

Chevaux & Chameaux.

Les chevaux , Tartares ne font pas

==
90 COMMERCE DE LA

beaux : ils font ordinairement fort petits ,


comme nos bidets , mais d'une force
extraordinaire ; ils réfiftent parfaitement
à la faim , à la foif & à la fatigue : on ne
les couvre, on ne les étrille jamais ; ils
demeurent indifféremment dans l'écurie ou
en pleine campagne , & font accoutumés
à toutes les injures de l'air ; ils n'ont point
de répas réglés , ils mangent & boivent à
toute heure indifféremment : ils s'accom
modent de toutes fortes de fourrages :
quand ils n'ont abfolument rien & qu'ils
ne trouvent pas même de l'herbe à man
ger , ils creufent la terre avec le pied &
fe nourriffent des racines qu'ils peuvent
arracher. L'on trouve fort peu de che
vaux entiers , vu que l'on n'en garde que
quelques-uns pour étalons.
Les chameaux de Crimée font auffi fort
bons & élevés dans leur efpece auffi du.
rement que les chevaux. Ils font prefque
tous à deux boffes.
La fortie de ces animaux eft rigoureu
fement défendue en Crimée : cependant ,
moyennant des Firmans du Khan , très
difficiles à obtenir , l'on en tire chaque
année environ 300 chevaux étalons , &
200 chameaux , qui paffent à Trébifonde ,
dans la Natolie , en Circaffie & chez les
MER NOIRE. 91

Kalmouks. Les Circaffiens ne recherchent


que les jumens.
Le prix ordinaire des chevaux en Cri
mée eft de 15 à 20 piaftres & celui des
chameaux de 40 à 50 piaftres.

MARDHANDISES DE RUSSIE QUE L'ON


TROUVE À ACHETER EN CRIMÉE.

Pelleteries.

Les Ruffes apportent en Crimée pour


environ 150,000 piaftres de Pelleteries de
leur pays , qu'ils vendent avec avantage
en troc ou au comptant. Ces Pelleteries
font le Samour, ou Martre - Zibeline ; le
Vachak , ou Loup- Cervier ; le Karfak ,
efpece de Renard ; le Sou- Samour , ou
Martre aquatique ; le Zerdawa , ou Mar
tre ordinaire ; le Kakoum , ou Hermine ;
le Tilki , ou Renard , de toute efpece ; le
Sind-jab , ou Petit - gris ; le Satraudje , ou
Petit - gris vairé ; l'Ala - karin , qui eft à
peu près la même chofe que le Gueudjen,
ou Ecureuil ; le Kedi , ou Chat ; le Babak ,
ou Chien ; le Kondouz , ou Loutre , ou
Caftor ; le Tawchan , ou Lievre ; le Kourd ,
ou Loup.
Les Peliffes de Samour font les plus
92 COMMERCE DE LA

eftimées après le Renard noir , dont le prix

Lam
eft exorbitant & qui ne peuvent être por f
sées que par des gens extrêmement riches.
La nuance , la longueur & la foupleffe du
poil du Samour en déterminent le prix. Il
y en a depuis 400 jufqu'à 2000 piaftres.
Le Vachak , ou Loup - cervier , eft très
eftimé: les peliffes font de 300 à 1000
piaſtres.
Le Karfak eft une espece de Renard fort
eftimé , dont le poil eft blanc & long.
Les fourrures font de 100 à 500 piaftres.
Le Sou- Samour vaut de 60 à 200
piaſtres .
Le Zerdawa : il faut que la couleur foit
foncée & le poil long & touffu : il vaut
de 50 à 150 piaftres..
Le Kakoum fe vend de 60 à 100 piaftres
la fourrure.
L'on a donné ci - deffus , page 66 ,
l'article du Tilki , ou Renard , en parlant
de la Crimée ; les fourrures de cet ani
mal , qui viennent de Ruffie , font plus
eftimées.
Les Sind jabs: il y en a de diverfes
qualités ; les peliffes coûtent de 8 à 40
piaftres , fuivant les qualités. Il y a de ces
dernieres fourrures qui font parfaitement
bien travaillées , & qui coûtent jufqu'à
300 piaftres.
MER NOIRE. 93

Le Satraudje vaut de 8 à 9 piaftres la


fourrure.
L'Ala -Karin: les tables font de 3 à 4
piaftres ; il en faut deux & quelquefois
trois pour une fourrure.
Le Gueudjen eft de différens prix , de
puis 4 jufqu'à 15 piaftres.
Les fourrures de Kedi font de même
qualité que celles de Crimée & ſe ven
dent au même prix. Voyez page 68.
Les Babaks , ou Chiens. On teint les
peaux en noir pour les pauvres gens , qui
en font des fourrures.
Les Kondouz fervent pour border les
fourrures des Tartares en forme de ga
lón : le prix en eft de 3 à 15 piaftres.
Les Tawchans viennent en tables ; on
les vend de 60 paras à 2 piaftres .
Toutes les fourrures viennent en ta
bles ou en peaux ; les peaux fe vendent
à proportion du prix des tables . Ce com
merce donnerait beaucoup de benefice ;
mais il faudrait le faire diriger par gene
du métier , parce qu'il eft impoffible
d'en déterminer la valeur : il en eft com
me des diamans , qu'il faut connoître
pour en régler le prix.
94 COMMERCE DE LA

Toiles.

Il en vient de Ruffie en Crimée une


prodigieufe quantité qui paffe prefque.
toute à Conftantinople ; elles font toutes
étroites ; les plus larges n'ont pas un pic
de largeur : il y en a de toutes qualités ,
dont le prix eft de 5 à 10 paras. " Il en
peut venir environ 5 à 600,000 pics.
Outre cela les Ruffes en apportent de
teintes en jaune , en bleu , de différentes
nuances , au nombre de 5 à 600 pieces
en rouleaux de 9 à 10 pics , qui fe ven-,
dent de 50 à 60 paras la piece. Il y a
encore les toiles d'emballage que les
Ruffes apportent au nombre d'environ
100,000 pics de 2 à 3 paras le pic , fui
vant la qualité.

Laines d'Ukraine.

Les Cofaques en apportaient autrefois


beaucoup en Crimée , de lavée & de très
bonne qualité , mais la cour de Peters
bourg en a défendu l'exportation fous les
peines les plus rigoureuſes.
MER NOIRE. 95

Cordages & Chanyre.

Il vient de Ruffie en Crimée 2 à 500


quintaux de cordages de mauvaiſe qua
lité & dont les plus gros font d'un pouce
& demi à 2 pouces de diametre : ils fe
vendent à Caffa & à Ghuflevé. Leur
prix eft de 5 à 5 piaftres le quintal, Les
Ruffes ne donnent cours à ces cordages
que par le moyen des trocs , & trouvent
peu à les vendre au comptant , cette
marchandiſe n'étant pas trop recherchée.
Il vient à peu près la même quantité de
chanvre non travaillé , que l'on vend en
détail de 50 à 60 afpres de Crimée l'oc
que ; ce qui revient de 4 piaftres à quatre
piaftres & demie de Turquie le quintal.
La fortie de cette marchandiſe eft libre
en Ruffie , & l'on en pourrait tirer une
quantité immenfe , la partie méridionale
de cet Empire en produifant beaucoup .
Rendu franc de tous droits dans un des
Ports de Crimée dépendants du Khan ,
comme Ghuflevé ou Baliklava , & non à
Caffa , on pourrait l'avoir à 4 piaſtres le
quintal de Conftantinople de 44 ocques ,
qui font 137 livres de France à 16 on
ces: en y ajoutant les frais de douane de
Crimée à 3 pour cent ; le nolis de Cri
ERCE
95 COMM DE LA

mée à Conftantinople , à raifon d'une


d
piaftre le quintal ; le nolis fur le pied de
fa
2 piaftres le quintal , de Conftantinople
à Marſeille ; les droits en France , la P
commiffion , l'affurance & autres menus P
C
frais ; il reviendrait dans les arfénaux du
Roi à bien meilleur marché que celui que
l'on tire du Nord & du Piemont. te
Le tranfit du chanvre de Ruffie à Con ď
Ta
ftantinople ne rencontrerait aucune diffi
culté en Crimée , parce que le Khan fe
rait toujours difpofé à le favorifer pour
le profit de fes douanes , pourvu que ce
fut par un de fes Ports, comme Ghuflevé ou
Baliklava , ainfi que l'on vient de le dire &
dont il eft le maître , & non pas par Caffa
qui dépend du Grand - Seigneur ; mais on
rencontrerait peut - être des difficultés à
Conftantinople de la part de l'Intendant
de la marine , qui pourrait s'emparer de la
marchandife , ou s'opposer à l embarque
ment & au paffage , fous prétexte que cet
article eft néceffaire aux arfénaux de fon
Souverain ; néanmoins , comme ce n'eſt
point une marchandife du crû de l'Empire
Ottoman , on pourrait peut - être obvier
à cet inconvénient , en faifant fentir l'a
vantage qui en réfulterait pour la Douane
& mettant le Grand - douanier de moitié
dans
MER NOIRE. 97

dans les repréſentations que l'on pourrait


faire à cet égard. Si cela ne réuffiffait
point , on pourrait trouver des Turcs
puiffans , qui moyennant un petit bénéfi
ce prêteraient leur nom au débarquement
& à l'embarquement : mais avant que de
tenter cette opération , il ferait néceffaire
d'examiner préalablement fi l'on trouve
rait de l'avantage à le faire paffer avec
bénéfice en France. Le fait éclairci , les
moyens ne manqueraient pas de l'y
faire parvenir.

Beurre de Ruffie.

Il en vient de Ruffie en Crimée 30 å


40,000 ocques , lequel eft inférieur à la
Mantegue de la Prefqu'ifle : il fe vend
à plus bas prix de 9 à 10 paras , fans être
purifié ; & en troc de 11 à 12 paras
Pocque.

Cuirs Sales & Secs.

Les Cofaques apportaient quelquefois


en Crimée des cuirs falés , plus beaux que
ceux du pays: on apporte auffi de l'inté
rieur de la Ruffie des cuirs fecs & dra
E

Bayerische
Staatsbibliothek
München
93 COMMERCE DE LA

pés .(*) . Il en vient chaque année à Caffa


3 à 4000 d'Aftrakin , de Kirman : on
les vend depuis 3 jufqu'à 7 piaftres de
Turquie , fuivant la grandeur & la qualité.

Pelleteries de Pologne & de Moldavie.

Sept à huit Pelifles de Samour & quel


ques peaux de cet animal non travaillées.
7 à 8 Peliffes de Vachak , plus eftimées
que celles de Ruffie.
4000 peaux environ de Tilki .
4 à 500 Peliffes de Nafé de toutes
efpeces & de tout prix.
5 à 6000 peaux de Gueudjens noirs.
7 à 8000 peaux de Kedi noirs.
6 à 7000 peaux de Kondouz : celles
de Pologne font plus eftimées que celles
de Rullie.
Les mêmes obfervations faites pour les
autres Pelleteries , page 91 & fuivan
tes & leurs divers prix , peuvent fervir ici.

Monnoye de Crimée.

Les Monnoyes les plus courantes en


4

(*) On entend en Turquie par cuirs drapés,


ceux auxquels on laiffe le poil dans leur apprêt.
MER NOIRE. 99

Crimée font celles du Khan & celles du


· Grand Seigneur. Les Khans , depuis
plufieurs années , n'ont fait frapper
qu'une petite monnoye de cuivre , avec
très peu d'argent ; on l'appelle Béchelik ,
ou piece de 5 , parce qu'elle vaut 5 afpres :
20 Bécheliks ou 100 afpres font 1 piaftre
de Crimée , ( 10 fols de France) qui eft
une monnoye idéale , comme la livre
tournois. La monnoye du Khan a tou
jours une valeur relative à la monnoye de
Turquie , dont le taux hauffe & baiffe
fuivant l'abondance des Bécheliks , ou la
rareté des piaftres de Turquie (que l'on
évalue ordinairement à 3 livres de Fran
ce ,) lefquelles tantôt ne valent que fix
piaftres de Crimée , tantôt au deffous &
quelquefois vont jufqu'à 7 , & 8 piaftres'
de Bécheliks. De forte qu'un agioteur
entendu y gagnerait confidérablement en
achetant & revendant à tems les féquins
& les piaftres de Turquie. Le Khan.
d'aujourd'hui , Kerim Guerai Khan , a fait
"
battre une monnoye d'argent appellée
auffi Béchelik . mais qui vaut 2 paras
effectifs. (3 fols de France) Le cours de
ces Bécheliks ne varie point & 20 font
"
une piaftre de Turquie. Outre ces mon
noyes du Khan & du Grand - Seigneur ,
E 2
100 COMMERCE DE LA

plufieurs autres monnoyes dont on va


donner l'évaluation en argent de France
au pair, ont auffi cours en Crimée.
Le Sequin Venitien vaut en Crimée ,
comme à Conftantinople , 3 piaftres & 35
paras. . 11 livres 12 fols 6 deniers..
La Sevillianne s'y vend fur le pied du
titre de l'argent , qui eft plus fin qu'en
Turquie.
Le Sequin ou Ducat d'or de Hollande y
vaut 3 piaftres 26 paras & 2 afpres
11 livres. --
Les Ecus de Pologne 1 piaftre & 20
paras. 4 livres 10 fols.
Les quarts de ces Ecus , appellés Tinfs,
valent is paras. - - 1 liv. 2 fols 6 den.
Les Roubles de Ruffie n'y font pas
monnoye courante ; leur prix augmente
ou diminue fuivant la demande ; néan
moins au pair elle vaut 10 pieces de
Bécheliks, 5 livres.
On y trouve encore quelques Ecus de
P'Empire , mais ils n'y ont pas cours &
font regardés comme marchandiſe (*),

(*) Voyez ci - après les Monnoyes de Tur


quie, à l'article du Commerce de Smyrne.
MER NOIR E, 101

Poids & Mefures , & leur évaluation


avec ceux de France.

Les Poids & les Mefures font en Cri


mée les mêmes qu'en Turquie.
LeQuintal eft de 44 ocques-- 137 liv.
Le Battman de 6 ocques · · 18 liv.
L'ocque 400 dragm. ou gros. 3liv.2 onc.
LeTchéquis 150 dragm. 11. 2 onc. 6 gr.
Les Mefures different fuivant les mar
chandiſes.
Les draps , les étoffes de foie & de
laine de toute efpece fe vendent au Pic
de Turquie, qui eft de deux grandeurs.
Le Pic Halebi fert pour le drap & les
étoffes de laine , & l'Endagé qui eſt un
peu plus court que l'Halébi , eft pour les
étoffes de foie. Le premier a 25 pouces de
France & le fecond 24. Toutes les toile
ries fe vendent au pic de Crimée , qui eft
beaucoup plus long que celui de Turquie :
il eft d'environ 4 pans , & 3 pics de
Crimée font 4 halebis de Conftantinople ,
ou 2 aunes 12 pouces & de France ,
l'aune à 44 pouces environ : ainfi le pic
halébi qui a près de 25 pouces de France ,
équivaut à peu près à l'aune d'Amfterdam
E 3
102 COMMERCE DE LA

& au Braccio de Venife : 4 aunes de Paris


font 7 aunes de Hollande , ou 7 braffes
de Venife , ou 7 pics de Conftantinople.
Les Grains fe vendent au quilot de Cri
mée , excepté le Riz , qui fe débite au
poids & dont le quilot eft idéal & com
prend 10 ocques. Le quilot de Crimée
varie en différentes places : à Bactchefe
rai , il eft de 88 ocques , qui font 4 qui
lots de Conftantinople de 22 ocques l'un ;
à Ghuflevé il eft de 85 ocques ; à Kara
fou de 90 , & à Précop il va juſqu'à
120 Ocques.
Les poids & les mefures viennent de
Conftantinople , avec le contrôle du
Grand - Seigneur : le Khan ne met le fien
que fur les poids & les mesures qui font
propres à fes Etats, comme fur le quilot
& le pic de Crimée.

Douanes.

Il y a quatre Douanes en Crimée ; f


voir à Ghuflevé & à Baliklava qui en
dépend ; à Karafou & à Précop : les
deux premieres appartiennent au Khan ;
celle de Karafou au Kalga- Sultan , & celle
de Précop eft partagée entre le Noura
din - Sultan & L'Or - Bey. On n'y com.
MER NOIRE. 193

prend pas celles de Caffa , de Taman &


de Yenikalé qui dépendent du Grand
Seigneur.
La Douane de Ghuflevé eft de 3 pour
cent pour les Turcs & les Mahometans
& de 5 pour cent pour les Chrétiens &
les Juifs: elle fe regle fur la valeur cou
rante des marchandiſes ſur la place ; ce
qui fait que les Douaniers exercent fou
vent des vexations fur les Chrétiens.
Les Mufulmans & les Ruffes en font à
l'abri. Les Douaniers évaluent fouvent la
marchandiſe au deffus de fa valeur cou .
rante & en monnoye de Turquie , qu'ils
font payer en monnoye de Crimée ; &
comme la valeur de la piaftre de Turquie
variejournellement , ils l'évaluent toujours
un prix plus haut que celui courant.
Par exemple: lorfque le prix courant de
la piaftre de Turquie eft de 6 piaftres de
Crimée , une marchandiſe évaluée 1000
piaftres de Turquie devrait payer la
douane fur le pied de 6000 piaftres de
Becheliks: mais fi le Douanier évalue la
piaftre à 7, il perçoit le droit fur 7000
piaftres de Becheliks , au lieu de le perce
voir fur 6oco ; ce qui fait une différen
ce fenfible.
Outre la Douane de mer , les marchan
E 4
104 COMMERCE DE LA T

difes des Mahométans & des Chrétiens


deſtinées pour une autre place , payent à
Ghuflevé le Kara - Gumruk , ou la douane
de terre qui fe réduit à peu de chofe ,
fi la marchandiſe n'a pas féjourné ; mais
fi elle a été miſe en magafin & qu'elle en
foit tirée pour la tranfporter ailleurs , elle
paye en entier la douane de terre , qui
eft ordinairement de 2 pour cent.
La Douane de Baliklava eft gérée par
un Commis du Douanier de Ghuflevé
qui perçoit les droits fur le même pied ,
avec cette différence que Baliklava n'étant
pas une place de commerce , les mar
chandifes ne payent point de douane de
terre .
La Douane de Karafou eft de 3 pour
cent fur les marchandifes d'entrée &
de fortie.
Le Nouradin - Sultan , qui fe partage
avec L'Or - Bey la douane de Précop
outre le droit d'entrée perçoit 60 afpres
de Crimée par chaque chariot de fel qui
1ort , & L'Or- Bey retire les droits de for
tie des autres marchandifes. Les articles
qui viennent de Ruffie & de chez les Co
faques doivent payer 5 pour cent d'entrée
& celles qui y vont 4 pour cent de for
tie , excepté le vin & le fel. Les grains
font
MER NOIRE. 105

font francs de tous droits ; le vin paye 5


afpres de Crimée par tonneau & le fel
I rouble par chariot.
Les marchandifes qui viennent de la
Moldavie & de la Valachie par la route
d'Oczakow , qui eft auffi celle de Polo
gne , doivent pour cent d'entrée ; & cel
les que l'on y porte 3 pour cent de fortie ,
à l'exception des peaux d'agneaux , qui
payent deux Becheliks la peau. Les
Mufulmans ne payent que 3 pour cent
d'entrée & 2 de fortie fur toutes leurs
marchandifes : l'on n'exige point la
douane à la rigueur & l'on peut s'abon
ner avec les Douaniers pour toute la por.
tée d'un chariot.
Les Ruffes font traités avec plus de
douceur que les gens du pays ; leurs mar
chandifes ne payent une douane com
plette qu'à Précop : à Ghuflevé ils font
francs de douane d'entrée & ne payent
que 2 pour cent de fortie fur les mar
chandifes du crâ du pays. Si les Français
étaient établis en Crimée , ils feraient
traités de même que les Ruffes ; & les
Confuls de France qui réfident auprès du
Khan , jouiffent fans aucune difficulté du
même privilege fur les effets ſujets à la
douane , qu'ils font venir.
E 5
106 COMMERCE DE LA

Les douanes de Caffa , de Taman &


de Yénikalé dépendent du Grand - Sei
gneur & font fur le même pied des places.
de Turquie; on pourrait faire valoir nos
Capitulations , furtout lorfque nos préro
gatives feraient étayées de la protection :
du Khan.

OBSERVATIONS.

Les frais à la réception & à l'expédi


tion des marchandifes en Crimée fe rédui .
fent à très peu de chofe ; ceux du trans :
port par terre d'une place à une autre
ne font pas non plus fort confidérables ;
on en donnera une table ci - après.
Les marchands de Crimée réfident
ordinairement dans des Kans ou hôtels
publics , où l'on trouve des magaſins à
très bon marché. Les plus grands ne
coûtent pas plus de 3 Becheliks , ou 3
afpres de Turquie par jour , (6 liards de
France).
Le nolis ou fret des marchandifes de
Conftantinople en Crimée n'eft pas un
grand objet , parce que les bâtimens par
tent prefque toujours vuides de cette
capitale. Ainfi l'on peut les nolifer en
entier à très bon marché , ou s'accordér
MER NOIR E. 107

avec le Reis à un prix très modéré


pour les effets que l'on veut embarquer.
İl eft impoffible de déterminer au jutte le
nolis des marchandifes des Etats du Khan
à Conftantinople on le regle fur les
lieux , fuivant la faifon , l'abondance ou
la rareté des bâtimens qui font en
charge , le nombre & le concours des
étrangers ; cependant l'on peut réduire les
principaux articles à une évaluation com
mune.
La laine coûte ordinairement de 5 à 6.
piaftres la balle de soo ocques.
Le tiflik de 3 à 4 piaftres la balle de
250 à 300 acques...
Les crins de 2 à 2 ; piaftres le fac.
Les cuirs 1 piaftre la balle de 6 cuirs.
La cire para l'ocque , ce qui revient
de 20 à 22 paras le quintal. 常务
Les autres marchandifes de poids
comme beurre , miel , falpêtre , fuif,
cordages , caviar &c. payent 2 piaftres
par quintal.
Le change courant de Fargent eft de
15 pour cent , même on n'en trouve pas
toujours à emprunter: il eft encore plus
difficile de trouver à tirer des lettres de
change , parce que les marchands qui
veulent faire paffer des fonds à Conftan
E 6
108 COMMERCE DE LA

tinople pour l'achat des marchandiſes ,


préferent d'envoyer des fequins hongres ,
(ducats d'or de l'Empire) qui ne valent
en Crimée que 3 piaftres 26 paras &
2 afpres , & donnent du profit à Conftan
tinople , & l'on ne peut d'ailleurs tirer
qu'avec perte. Il conviendrait donc de
faire venir les fonds dont on a befoin en
efpeces. La voye la plus fûre eft celle des
Tchoadars du Khan , que ce Prince expédie
prefque toutes les femaines & qui ſe
chargeraient de remettre très volontiers
des Groupes au Conful , moyennant une
petite récompenfe. On éviterait par - là
le rifque de la Mer Noire , qui mérite
attention.
Les habitans en Crimée font d'affez
bonne foi , mais les termes des payemens
font très longs ; de forte que pour bien
faire le commerce de ce pays -là , on ne
doit pas compter fur une prompte rentrée
des fonds des marchandifes d'importation.
Pour l'achat de celles de fortie , chaque
article a fa faifon & fon tems fixe , après
lequel on ne trouve plus à fe pourvoir ;
de forte qu'il faut tâcher de fe procurer
au tems de la récolte de chaque mar
chandiſe , les fonds néceffaires pour la
quantité de celles que l'on veut acheter ;
MER NOIRE. 109

fans cela on fe trouve expofé à ne pou


voir pas retirer le produit de la vente de
fes marchandiſes d'entrée , à manquer la
récolte faute d'argent , ou à faire des trocs
ruineux. Il convient , pour tirer tout le
parti poffible de ce commerce d'entrée ,
d'avoir dans chaque ville des magaſins
fournis de toutes les marchandifes qui
exigent le détail & de les faire débiter , non
pas au détail des boutiques , mais par
petites parties pour la commodité des
acheteurs & pour en faciliter le débouché.
Les Français qui voudront aller s'éta
blir en Crimée , y feront toujours très
bien reçus ; le Gouvernement Tartare
verrait même avec plaifir que des mar
chands s'y établiffent avec quelque foli
dité ; cela répandrait l'abondance dans le
pays & ferait valoir les douanes du Khan.
Le peuple y trouverait un grand avan
tage , parce que la France pourrait lui
fournir plufieurs marchandifes à bien
meilleur marché. Les marchands , qui font
en poffeffion du commerce de la Crimée ,
n'aimeraient pas à nous avoir pour con
currens ; mais leur mauvaiſe humeur
ferait un très petit obftacle , la protec
tion du Khan fuffifant pour faire fleurir
nos établiſſemens. Il ferait inutile de fe
E 7
*IIO · COMMERCE DE LA

pourvoir d'aucun commandement de la


Porte, ni d'aucune autre femblable piece.
La demande que l'on en ferait , donne
rait à coup für des foupçons au Miniſtere
Ottoman & l'on n'en retirerait aucun
avantage. La protection du Grand - Sei
gneur ferait fuperflue dans ce pays - là &
l'on peut dire même qu'elle ferait peut
être nuifible. On a vu bien fouvent en
Crimée , des ordres de la Porte gâter
les affaires , au lieu d'en faciliter la réuffi
te. Il faudrait fimplement que le Conful
de France auprès du Khan fût chargé de
protéger les négocians qui iraient y
fixer leur réfidence & qu'il eût un ordre
exprès de la cour de faire auprès de ce
Prince toutes les démarches néceffaires
pour procurer au commerce la fûreté &
la liberté dont il a befoin. Les Comman
demens que le Khan accorderait aux Fran
çais , les mettraient à l'abri de tout dans
les endroits de fes Etats , où ils voudraient
s'établir , même dans les places de la.
Crimée qui font dépendantes du Grand
Seigneur.
Il conviendrait que la principale mai
fon de commerce fixât fon féjour à Caffa ,
parce que cette ville eft la place la plus
confidérable , & il ne conviendrait ja
MER NOIRE, ΤΙΣ

mais d'avoir des magaſins à Bactcheferai ,


à caufe des importunités des Sultans , des
Princes , des gens de la Cour , des Mir
zas , auxquels on ferait obligé de faire des
crédits & dont on aurait beaucoup de
peine à tirer de l'argent. La maifon de
Caffa pourrait tenir des Commis à Ghus
levé , à Bactcheſerai & à Karafou , &
leur fournir des marchandifes à propor
tion de ce qu'ils pourraient débiter. Il
ferait même néceffaire que les perſonnes
auxquelles on confierait ces établiſſemens ,
fçuffent bien la langue Turque & fuffent
habillées à la maniere du pays : il fau
drait encore avoir pour Commis dans les
différentes villes des gens nés fur les
lieux : les Arméniens font ceux que l'on
pourrait employer avec le plus d'utilité
dans ce pays , tant pour la fidélité que
pour l'intelligence. L'on doit en général
exclure les Juifs de tout emploi , parce
qu'ils font dans ce pays -là reputés pour
être de mauvaiſe foi ; cependant on en
pourrait trouver quelques - uns qui méri
teraient quelque confiance & qui ren
draient encore de très grands fervices : il
ne s'agirait que de les favoir choisir , &
afin d'être plus fûr d'eux , il faudroit les
obliger de fe rendre folidaires les uns
112 COMMERCE DE LA

envers les autres , pour être à l'abri de


tout événenient. Il fuffirait que deux ou
trois Français fuffent à la tête de l'établis
fement , pour diriger les opérations , les
écritures , la correfpondance , & ils
devroient fe conduire avec la plus gran
de économie.
MER NOIRE. 113

COMMERCE

DE LA

CIRCASSIE

LA Circaffie eft un Etat de la domina


tion du Khan des Tartares : il eſt borné .
au Nord par le mont Caucafe , à l'Eft par
le Cabarta , au Sud par le fleuve Couban
& à l'Ouest par le Détroit de Yenikale.
La Circaffie eft diviſée en un très grand
nombre de Tribus, qui chacune ont des
Beys à leur tête. Les principales villes
font Taman , Atchou , Agdja , Keinruk,
Sooudjouk & Kaplou.
Taman , petite ville fur le bord orien
tal du Détroit de Yénikalé , contient
environ 20,000 habitans , 12 moſquées ,
un bain & 100 boutiques : il y a 18 à 20
bâtimens dits Tombazes , de 500 juſqu'à
1000 quintaux de portée ; fa Rade n'elt
pas fûre : il y a une petite fortereffe avec
50 à 60 pieces de canon & une faible
garnifon de Janiffaires.
Kemruk, petite place fortifiée à fix lieues
114 COMMERCE DE LA

de Taman , contient 2000 habitans , 2


mofquées , 12 à 15 boutiques , 70 à 80
pieces de canon & une garnifon de Janis
faires. Berber Zemin dans la mer d'Afoph ,
eft l'Echelle de Kemruk, dont le Port ne
vaut rien.
Atchou eft un fort fitué fur une des
Embouchures du Couban : il y a 400 per
fonnes , y compris les Janiffaires de la gar
nifon, Les fortifications font de bois , avec
26 à 30 pieces de canon. Les foffés font
remplis d'eau , & les environs font ma
récageux ; ce qui le rend prefqu'imprena
ble. Il eſt éloigné de 22 lieues de Ta
man : un Bey Tartare nommé par le
Khan y commande.
Agdja , petite fortereffe à 20 lieues de
Taman: il n'y a que 100 à 150 habitans
& 10 à 12 pieces de canon : un Mirza
Tartare qui y commande , eft nommé
par le Seraskier du Couban. Il y a peu
de commerce , & tout ce qui eft néces
faire à la vie vient de Taman.
Sooudjouk , petit fort fur le bord de la
Mer Noire , vers les frontieres des Aba
zes. On y voit 200 maifons , 4 à 500
habitans , 36 à 40 pieces de canon , une
garnifon de Janiffaires commandée par
un Bey Tartare , nommé par le Seras
MER NOIRE 115

kier du Couban : il n'y a point de Com


merce.
Kaplou eft une ville dans les terres , à
22 lieues de Taman & deux du rivage du.
Couban : c'eft la réfidence du Seraskier
ou Commandant de la province : on y
compte environ 10,000 habitans
mofquées , 5 kans ou hôtels publics &
500 boutiques : il n'y a point de douanes
l'on paye feulement fur chaque chariot
de marchandifes un droit au Seraskier,
& à un autre Mirza du pays qui a un
droit de redevance : le tout monte à 69
becheliks , ou 20 paras par chariot.
Cette ville eft la véritable place d'en
trepôt du commerce de la Circaffie ; c'eft,
là que l'on apporte toutes les marchan
difes d'entrée pour les répandre chez les
Circaffiens & les Nogais du Couban : ces
peuples de leur côté viennent vendre
dans cette ville les marchandiſes de fortie
de leur crû.
Taman eft la principale , ou pour
mieux dire la feule place de Tranfit de
tout le commerce d'entrée & de fortie
de la Circaffie ; c'eft - là qu'abordent tou .
tes les marchandifes que l'on y apporte,
& où l'on embarque toutes celles que l'on
en retire; ainfi le commerce d'entrée &
116 COMMERCE DE LA

de fortie dont on va parler , comprendra


celui de toute la Circaffie.

COMMERCE D'ENTRÉE.

4 Ballots de Draps Londrins feconds &


Nifmes , de 2 à 3 piaftres le pic.
25 à 30,000 pieces de Sandals de Scio ,
de 30 à 35 paras.
200 pieces de Coutins de Brouffe , de
17 à 18 paras la piece.
50000 pieces d'Indiennes groffieres de
diverfes qualités , de 60 paras à 3 piaſtres.
50000 pieces de Bocaffins de toutes
couleurs , excepté le noir , de 2 ; à 6
piaftres la piece.
150000 pieces de Toiles d'Aftar de
toute efpece , de 60 à 90 paras la piece.
1000 pieces de Dulbents pour voiles à
l'ufage des femmes , depuis 20 paras juf
qu'à 2 piaſtres.
7 à 8000 pieces de Tchemberts ,
Kaim- Kané , de 18 à 20 paras le quarré.
3 à 4000 Fez ou bonnets de France &
de Tunis ; les premiers de 50 à 60 paras ,
& les autres de 70 à 80.
4 à 500 ocques de foie teinte en laine
pour broderie , à 3 paras la dragme .
4 à 500 ocques de foie filée pour cou
dre , à 4 paras la dragme.
MER NOIRE, 117

100 Ocques de cordonnet de foie.


3 à 400 balles de coton en laine , le
plus groffier. Il fe vend i piaftre l'ocque.
4 à 500 ocques de coton filé , blanc ,
rouge , bleu , violet : il fe vend couram
ment 2 piaftres l'ocque.
4 à 500 Kibès ou Couvertures de laine
de Yamboli , de 2 à 7 piaftres fans pluche,
& avec la pluche de 3 à 9 piaftres.
2 à 300 Pechtmals Kirkalem de Salo
nique , de 2 à 3 piaftres la piece.
1000 à 1500 Pechtmals du Caire , de
20 à 25 paras.
5 à 600 Hawlis ou ferviettes de bain ,
de 50 à 60 paras.
3 à 400 Ceintures de Gerbé blanches
& rouges , de 60 à 70 paras la piece.
2 à 3000 paquets de fil de couture , de
diverfes couleurs , de 50 à 60 paras l'oc
que.
12 à 15 balles de lin gris du Caire ,
de 20 à 25 paras l'ocque.
A Taman , il y a douze boutiques de
teinturiers , qui peuvent confommer en
viron :
500 ocques d'indigo & quelque peu de
bois de teinture : l'un & l'autre article s'y
vendent avec avantage.
30 à 40 fardes de Caffé Moka , dona
118 COMMERCE DE LA

le prix ordinaire eft de trois piaftres &


même quatre l'ocque. Le Caffé d'Amé
rique s'y vend bien & en plus grande
quantité que le Moka.
4 à 500 ocques de Poivre , de 2 à 23
piaftres l'ocque.
2 à 300 ocques de Gingembre , dont
les Tartares compofent une boiffon très
forte avec du miel ; il fe vend de 25 à
30 paras l'ocque.
Quelque peu d'Epiceries fines , furtout
des noix mufcades , qui fe vendent 3 paras
piece , un peu de canelle , & des clous
de girofle.
5 à 600 ocques d'Etain , avec le fel
ammoniac , à 24 piaftres l'ocque.
100 ocques de Mercure , à 1 para la
dragme , ou 20 piaftres l'ocque.
• 3000 quintaux de Plomb pour les bal
les & les filets des pêcheurs , de 14 à 15
paras l'ocque.
2000 ocques d'Acier , de 26 à 28 paras.
l'ocque.
50 à 60 balles d'Encens , à 70 paras :
l'ocque.
2 à 300 quintaux de Fer en barres , de
8 à 10 paras l'ocque.
4 à 500 quintaux de Savon de Smyrne ,
de 20 à 25 paras l'ocque. Il fe confomme
MER NOIRE. 119

sen entier à Taman : les Circaffiens n'en


font point ufage , mais ils fe fervent du
leur, qui fe fait de graiffe de mouton.
5 à 600 couffes de Riz du Caire & de
Philippopoli , à a paras l'ocque.
2 à 300 quintaux de Figues feches de
diverfes qualités , avec du Raifin noir.
Beaucoup de Noix & de Noifettes.
3 à 4000 ocques d'Olives noires , de 7
à 8 paras l'ocque. L'on n'y porte point
d'huile ; ils ont leur beurre , leur mante
gue & l'huile de poiffon.
5 à 600 quintaux de Nardenk.
50 quintaux de Peftmès.
500 quintaux de Peſtil.
4 à 5000 ocques de Tabac Kirdjali ,
•de 25 à 30 paras l'ocque.
.. 10000 ocques de Tabac de Ruffie , de
12 à 15 paras l'ocque.
100 balles de kinas , de 5 à 16 paras
Pocque. I
2 à 300 ocques de Fard , rouge &
blanc , à 2 paras la dragme : toutes les
femmes du pays en ufent.
1000 touras de Marroquins de Crimée ,
rouges & jaunes ; les premiers à 60 paras
& les feconds à 50.
gooo touras de Méchim , ou peaux
teintes en rouge , jaune & noir ; les
120 COMMERCE DE LA

rouges à 25 paras & les autres à 20 paras


la piece.
4 à 5000 paires de Bottes de Crimée :
les rouges à 2 piaftres , les jaunes de 40
à 50 paras & les noires à 60.
5000 paires de Catirs rouges & noirs ,
ceux -ci à 25 paras & les autres à 30.
1000 Cuirs fecs , de 3 à 4 piaſtres la
piece.
2 à 3000 Bois de felle de chevaux , de
Bactcheferai & de Caffa , de 30 à 40
paras la piece.
2 à 3000 paires de Tébenguis de Ka
roufe , (cette piece fert à couvrir les
flancs du cheval) de 30 à 40 paras.
3000 paires d'Etriers de Bactcheſeraï
& d'Akmefchid , de 20 à 30 paras.
ux , de 6 à
3 å 4000 Mords de cheva
10 paras.
1000 Canons de fufil de Batcheſerai ,
dont la qualité détermine le prix.
2000 Arcs de tout prix , depuis 10
piaftres de Becheliks jufqu'à 200.
4000 affortimens de Fers à cheval avec
les clous , à 20 paras.
5 à 6000 Couteaux de Crimée , de 15:
16 paras.
20000 paquets d'Aiguilles , de 30 à 60
paras le paquet , fuivant la qualité.
1000

*
MER NOIRE 121

1000 Peliffes de peaux d'agneau de


Crimée , de 8 à 9`piaſtres.
1000 à 1500 Peaux de Teflon pour
' les étuis de fufil , à 40 paras la piece.
2 à 3 caiffes de Quincaillerie de toute
efpece.
100 à 150,000 Peignes de buis & de
corne; les premiers à 2 paras piece , &
les autres à 4.
1000 couffes de Noix de Pipe de
Conftantinople , de 5 à 600 Noix la
couffe.
Une grande quantité de poudre à tirer ,
la plus mauvaiſe à 20 paras l'ocque ;
celle de France à 60 paras , & celle
d'Angleterre un peu plus chere.
20 Ballons de papier de 24 , qui fe
vend en détail jufqu'à un afpre la feuille.
30 à 35000 Faulx d'Allemagne , de 20
à 25 paras
2 à 300 Chevaux de Crimée.
Les Bois de conſtruction & de bâtiffe
& le bois à brûler viennent à Taman de
Sooudjouk , où il eft à très bon marché.

Commerce de Sortie.

80 à 100,000 quintaux de laine toute


lavée, d'affez belle qualité ; mais il n'y a
F
RCE
122 COMME DE LA

qu'un quart de blanc fur la totalité ; elle


coûte à Taman 3 paras l'ocque : il n'y
a point de pélade.
100,000 pieces de Tchekinen , efpece
de Flanelle ou Moleton : c'eft une espece
d'étoffe de laine extrêmement groffiere ,
fort en ufage dans toute la Tartarie.
L'on en fait quelquefois de très fine ;
mais il faut la commander.
50 à 60,000 pieces de Tchekmens
ou habits de l'étoffe ci - deffus & qui en
portent le nom. La premiere qualité fe
vend de 10 à 11 piaftres la piece , la fe
conde de 4 à 5 , & la troifieme de 60 pa
ras à 2 piaftres. Il y en a de blancs , de
gris & de noirs ; on les vend tout faits
& ils paffent en Crimée , ainfi que dans
le refte de la Tartarie.
50 à 60,000 Chalvars , ou culottes de
Tchekmen de trois qualités , de 20 paras
à 3 piaſtres.
200,000 Manteaux de feutre avec une
longue pluche , appellés Tapendjis : il y
en a de trois qualités depuis 1 piaftre jus
qu'à 3 , outre une quatrieme qualité qui
ne fe vend pas & qu'il faut commander
exprès.
5 à 6000 beaux Cuirs falés de 25 à
36 ocques ; on les vend jufqu'à 3 piaftres.
MER NOIRE 128

5 à 6000 quintaux de Miel excellent


& à fort bon compte. On le vend pur
Atchou & à Taman , à raiſon de 7 paras
l'ocque.
500 quintaux de Miel d'Abaza , qai
ne vaut que 4 paras ; il eſt de mauvaiſe
qualité.
7 à 80,000 ocques de Cire , que l'on
vend brute à Taman à raiſon de 20 pa
ras, & de 30 , quand elle eft bien nette
& bien épurée.
50000 Peaux de Martre - Zerdava , de
40 à 50 paras la piece.
50,000 Peaux de Sangfar ou Fouine ,
de 25 à 30 paras la piece.
100,000 Peaux de Tilki ou Renard
de 25 à 30 paras.
100,000 Peaux de Kourd ou Loup , de
50 à 60 paras.
3000 Peaux d'Ours , de 45 à 50 paras.
500,000 Peaux de Mouton , dont le
prix d'un para la piece..
Toutes ces Peaux viennent brutes à
Taman & telles qu'elles ont été levées de
deffus l'animal : c'eft aux marchands qui
les achetent , à les faire travailler.
200,000 paires de Cornes de moutons
fauvages , pour les manches & gaines
de couteaux , à 2 paras la piece.
F 2

:
24 COMMERCE DE LA

200,000 paires de Cornes de boeufs ,


au même prix.
100,000 groffes de Fleches , de 30
fleches la groffe. Il y en a de plufieurs
qualités: les premieres fe vendent de 3 à
piaftres la groffe , & la derniere qua
lité ne vaut que 60 paras.
Les Efclaves font un des principaux
articles de commerce de la Circaffie.
Les Chevaux Circaffiens font grands,
bien taillés , très forts & propres à la
courfe. Leur valeur eft indéterminée : il y
en a de tout prix & jufqu'à 2000 piaſtres :
il s'en eft trouvé dans le pays , pour les
quels on a troqué jufques à 8 Efclaves.
Il fe fait à Atchou beaucoup de Caviar;
(ceufs d'Efturgeon préparés.) Il en fort en
viron 3000 quintaux chaque année , que
l'on vend fur les liepx 7 paras l'ocque :
il ' en fort auffi beaucoup de Poiffon fec
& des aiguillettes d'Efturgeon , qui s'y
vendent
n à 5 paras la piece : il en paffe
2000 quintaux au dehors , ainfi que du
Suruk , autre forte de poiffon en aiguillet
es plus petites , mais en plus grande
quantité & au même prix : il y a encore
beaucoup d'autres Poiffons falés , dont le
'détail eft inutile , & que l'on vend à très
bon compte. Cet article ne ferait pas à
MER NOIRE. 1255

dédaigner pour le tranfporter en Italie &


en Eſpagne principalement , & en d'au
tres pays Catholiques Romains pour les
provifions de Carême.
Il fort auffi d'Atchou par an 2 à 3000
quintaux d'huile de poiffon , de 5 à 6
paras l'ocque ; avec 100 quintaux de
colle de poiffon , de '10 à 12 paras l'oc
que.
La Monnoye du Grand - Seigneur &
eelle du Khan font les feules qui aient
cours à Taman & à Kaplou : dans l'in
térieur de la Circaffie , l'argent eft peu en
ufage & Fon n'y fait le commerce qu'en
troc.
Les Marchandiſes d'Entrée & de Sor
tie vont & viennent de Taman à Kaplow
fur des chariots tirés par des chameaux ,
des chevaux & des bœufs. Ceux traînés,
par les chameaux ne vont qu'en hiver
ils portent de 6 à 700 ocques & coûtent,
20 piaftres de Becheliks de louage. Ceux
traînés par les chevaux portent de 5 à a
600 ocques & coûtent 18 piaftres : ceux
traînés par les boeufs font de la même
portée & du même prix. Pour tranſpor
ter les marchandifes de Kaplou dans l'in
térieur de la Circaffie , on fe fert de cha
tiots traînés par des boeufs & des che
F 3
126 COMMERCE DE LA

vaux : c'eft l'éloignement de la tribu dans


laquelle on veut aller qui détermine le
prix.

1
COMMERCE DE LA PLACE
D'OCZAKOW.

Oczakow eft une petite ville à l'em


bouchure du Borifthene , aujourd'hui
Dnieper ou Nieper ; elle eft très fortifiée
& le Grand - Seigneur y tient garni
fon. Les Ruffes la prirent dans la
guerre de 1739 , mais elle eft revenue au
Turc. La Rade n'en eft pas füre & les
bâtimens n'y peuvent pas hiverner , par le
défaut d'abri & par rapport aux glaces
confidérables que la riviere charrie & qui
eſt toujours prife depuis Décembre jus
qu'en Avril ; de forte que l'on eft obligé
d'aller chercher un afile' dans le Port de
Codjia- Bey, à 12 lieues d'Oczakow.
Indépendamment du commerce affecté
à cette place , elle eft le lieu de tranfit du
commerce d'entrée & de fortie des Cofa
ques: il y a dans la faifon un très grand
abord de bâtimens de Romélie , du Da
nube , de Conftantinople & de quelques
MER NOIRE 127
"

places de la Natolie : les Cofaques y


defcendent avec leurs bateaux par le Bo
rifthene. Il y a une Douane dépen
dante du Grand - Seigneur ; l'on y paye
3 pour Cent d'Entrée & 3 pour Cent de
Sortie.
Le territoire de cette ville ne produit
abfolument que du bled , de l'orge & du
millet : ainfi le refte de ce qui eft néces
faire à la vie y vient de dehors.
Les marchandifes que l'on confomme
à Oczakow , font à peu près les mêmes
que celles que l'on confomme en Crimée,
& c'eſt même de - là que cette ville en
tire la majeure partie. Les articles que
l'on y porte de Crimée , donnent ordinai
rement 20 á 25 pour cent de profit, &
ceux que l'on y envoye de Bender & de
Conftantinople en donnent davantage ,
parce qu'ils font moins de frais.
Les articles qui viennent par tranfit à
Oczakow pour fe rendre de - là dans les
provinces feptentrionales des Etats du
Khan , ont été compris dans ce que l'on
a dit des marchandifes qui viennent par
terre en Crimée , de Pologne , de Mol
davie , de Valachie & de Romélie.
.
Le Commerce de Sortie de cette place
fe réduit à fort peu de chofe , puifque
3
F 4
128 COMMERCE LA
CE DE L

fon territoire ne produit que des grains


pour la fubfiftance des habitans. Les
laines , les. cuirs , le beurre , le miel &
les autres articles que l'on y embarque
pour Conftantinople & autres endroits.
font du reffort des Nogais du Zedzan &
de Yamboilouk , qui . commercent avec
cette ville.
Les Cofaques d'Ukraine & les Zaporo⚫
viens viennent à Oczakow , porter de là
Mantegue , des Cuirs , du Tabac , des
Cordages , du Chanvre , des Toiles de
Ruffie , du bois à brûler , des pierres å
aiguifer , du Charbon , des Poiffons fecs
& la colle de poiffon ; & ils en retirent
des vins de Triboli , de Mifevria & ďAk
kirman , du fel , des fruits fecs de toute
efpece , de l'huile , du favon , de l'encens ,
des bocaffins , des indiennes , des marro
quins , des bazanes teintes , des felles ,
des étriers , des mords , des feutres , des
tchekmens , des yapendjis , des peliffes
de mouton. Les mêmes détails que l'on a
donnés à l'article du Commerce de Crimée ,
peuvent fervir ici.
L'on pourrait aifément profiter des
avantages du Commerce d'Oczakow en y •
établiffant un facteur qui correfpon
drait avec la maifon de Caffa. Il pourrait
y être
MER NOIRE.- 129

y être à demeure & y commercer en


toute fûreté , moyennant des ordres &
des lettres de recommandation pour le
commerce de cette place , que le Conful
de France auprès du Khan obtiendrait
très facilement de ce Prince.

COMMERCE DE LAPROVINCE DU DUBOSSAR

Le Duboflar , que les Turcs appellent


Tombalar , eft une petite Province des
Etats du Khan fituée dans l'angle que
forme le Niefter , avec les limites de la
Pologne. On y trouve les deux gros
bourgs , de Duboffar qui a donné le nom à
la contrée , & celui de Balta , dont la moi
tié appartient aux Polonais , & environ
quarante villages fous la dépendance du
Khan. Cette Province eft habitée par
des Arméniens & des Moldaves : elle
eft commandée par un Hatman đả
Gouverneur Chrétien , nommé par le
Khan ; c'eft ordinairement un Arménin
ou un Grec. Le Prince lui donne l'in
veftiture de ce gouvernement , moyen
nant une fomme que l'autre paye annuel!
lement au tréfor de celui - ci. Cette Pro
F 5
130 COMMERCE DE LA

vince eft bornée au Nord & à l'Oueft par


la Pologne & le Niefter , au Sud par le
Niefter même & à l'Eft par le Territoire
de Bender.
Le Commerce d'Entrée du Duboffar
fera compris dans celui de Bender & du
Budziac ci - après , d'où les habitans ti
rent tout ce qui leur eft néceſſaire , à
caufe de la proximité. Kawchan eſt la
place avec laquelle ils ont le plus de re
lation.
Les principaux articles du Commerce
de Sortie font :

7 à 8000 quintaux de Tabac : il n'y


en a que d'une feule qualité. On peut
l'acheter fur le pied de 18 ocques pour
I piaftre ; environ un fols de France la
livre.
1000 à 1500 Cuirs du poids de 16 à
25 ocques , de 25 juſqu'à 50 paras piece.
2000 ocques de Beurre appellé Tchit
chek - ïaghi , de 6 à 7 paras l'ocque.
1500 à 2000 ocques de Fromage en
formes , appellé Dil- Peinir , de 3 à 4
afpres l'ocque.
1500 à 2000 ocques d'un autre Fro
mage appellé Prinfa , à 2 ocques pour
I pára.
4000 ocques de Suif, de 3 à 4 paraš
l'ocque.
J
MER NOIRE. 131

2000 ocques de Caviar noir , d'œufs


de morone & d'efturgeon , de 4 à 5
paras l'ocque,
10,000 facs de Froment , de 48 à 50
ocques, & de 12 à 15 paras le fac.
10,000 facs d'Orge de la même por.
tée, & de 4 à 5 paras le fac.
15,000 facs de Millet de la même por
tée , & de 9 à 10 paras le fac.
Toutes ces denrées paffent à Kawchan
& à Bender.
3 à 400 Bœufs , de 5 à 6 piaftres cha
cun.
4 à 5000 Moutons , depuis 30 jufqu'à
бо paras chacun.
60
300 Chevaux , qui reffemblent à ceux
des Tartares , mais auffi forts , quoique
plus petits , depuis 4 jufqu'à 9 piaſtres.

COMMERCE DE LA PROVINCE DU BUDZIAK.

La Beffarabie , aujourd'hui le Budziak ,


eft une grande Province des Etats du
Khan , bornée au Nord par le Niefter , a
PEft par la Mer Noire , au Sud par le
Danube & à l'Oueſt par la Moldavie ; les
principales places de Commerce font
F 6
132 COMMERCE DE LA "

Bender, Kawcban, Akkirman , Kily , I


mail & Kichela.
Bender eft la place la plus importante
de cette Province : elle eft fituée fur la
rive méridionale du Niefter : elle eft
grande , très fortifiée & très peuplée ; on
y compte environ 80,000 habitans : elle
eft gardée par une nombreuſe garnifon ,
commandée par un Pacha à trois queues.
Il y a dans cette ville un très grand nom
bre de Raïas Moldaves , Grecs , Armé
niens & Juifs , dont le nombre égale &
peut être furpaffe celui des Mufulmans.
On y débite une quantité prodigieufe de
marchandiſes d'Entrée & le voiſinage des
Nogais du Zedzan y rend le commerce de
Sortie très conſidérable.
Kawcban eft une ville fituée à 6 lieues
au Sud de Bender : elle eſt habitée par
des Tartares , des Moldaves , des Armé
niens nés dans le pays , des Perfans & des
Juifs. Il y a des mofquées , des églifes
Grecques & Arméniennes & des fynago
gues : elle n'eft point , fortifiée ; on y
Compte 35 à 40,000 habitans: elle eſt
commandée par un Sou- Bachi Tartare ,
nommé par le Khan , auquel il paye une
zedevance de 750 piaftres par mois. Le

C
MER NOIR E. 133

Commerce d'Entrée & de Sortie y eft


également floriffant.
Akkirman eft une place forte , fituée à
l'embouchure du Niefter fur la Mer Noi
re; elle eft gardée par des Janiffaires &
commandée par un Mufulman relevant
du Pacha d'Oczakow & de Babadag.
Ses habitans montent à environ 40,000 ,
favoir 30,000 Mahométans & 10 á
12000 Raïas Arméniens , Grecs & Mol
daves ; les Juifs n'y font point foufferts
auffi n'y en voit - on point. Le Port eft
affeż bon & les navires peuvent y híver
ner. Il y a environ 40 bâtimens de diver
fes grandeurs, affectés à ce Port , & quel
ques Chantiers pour en conftruire.
Kily eft une ville fituée à l'embouchure
du Danube fur une des branches qui porte
fon nom & que l'on appelle Kily- Bogazi ;
elle eft à peu près auffi grande & auffi
peuplée qu'Akkirman : la garnifon de
Janiffaires y eft affez nombreuſe ; le Port
était bon autrefois & les navires y étaient
en fûreté , mais les Turcs le laiffent com
bler fuivant leur coutume ordinaire de ne
penfer qu'au préfent , fans s'embarraffer de
l'avenir: cependant la Porte paraît dis
pofée à le faire nettoyer.
Ismail eſt une ville fur le Danube, à
F.7.
134 COMMERCE DE LA

peu près de la même portée que les deux


précédentes : il y a auffi une garnifon de
Janiffaires, mais les fortifications font en
très mauvais état.
Kichela eft un gros bourg , ou une pe
tite ville , à quatre lieues d'Akkirman &
à une lieue & demie au Midi du Nies
ter : il n'y a aucune fortification , elle
n'eſt pas même ceinte de murailles. Le
Seraskier , Général du Budziak , y réfide
avec toute fa cour, & la demeure de ce
Prince rend le féjour de cette place affez
vivant : il y a un marché bien fourni de
tout ce qui eft néceffaire à la vie.
L'on voit encore dans le Budziak plu
fieurs bourgs & villages le long du Nies
ter , depuis Akkirman jufqu'à Bender :
on les appelle Tali- Kéniler , ou les Villa
ges du Rivage. Ils font préfque tous habi
tés par des Moldaves , fujets du Khan &
commandés par un Vaïvode Tartare , à
la nomination de ce Prince. Les princi
paux villages font Palanka , Pourkar
Sultan - Souvat, Tcbibirtza , Salkoutza , &
Malkoche.

Commerce d'Entrée.

Les marchandifes qui ont cours dans


MER NOIRE. 135

le Budziak ,font à peu près les mêmes que


celles que l'on débite en Crimée & elles
s'y vendent à peu de choſe près au même
prix. L'on peut en voir le détail à l'arti
cle de Crimée. A l'égard de celles qui
méritent quelques obfervations , on va
en parler , ainfi que de leur confomma
tion.
20 Balles de Draps Londrins feconds
& Nismes , à peu près comme en Cri
mée , c'est - à - dire de 100 , 110 à 120
paras le pic.
50 à 60 Balles de Draps de Pologne
de diverfes qualités , de 30 jufqu'à 60
paras le pic.
Quelques peu de Draps Mahouts de
Hollande.
Si l'on pouvait établir une maison de
commerce à Akkirman , à Bender , ou dans
quelqu'autre ville du Budziak , il con
viendrait d'avoir un magafin , où l'on
pût détailler les Draps ; on les vendrait
alors avec un plus grand avantage: on
peut au refte les débiter en gros & à la .
piece avec bénéfice , furtout en faisant
des trocs de cuirs , de cire & d'autres
marchandifes du pays , avec très peu de
comptant pour faciliter les échanges.
Un effai de Camelots de France , fait
COMMERCE DE LA
130

å Bender en 1755 , a très bien réuſſi §


ils y furent vendus jufqu'à 40 paras le
pic , en troc de cuirs , & donnerent un
profit confidérable : cette branche de
commerce s'étendrait infailliblement de
ee côté - là & porterait un grand coup
aux Camelots & aux Chalis de Turquie.
Les Camelots d'Angora , de Tolfia &
du Caire font un objet affez conſidérable
dans le Budziak : on en débite par an
1500 à 2000 Pieces , dont la qualité re
gle le prix : ils font de la même valeur à
peu près qu'en Crimée.
On pourrait aifément étendre le com
merce de nos Etoffes de foie dans cette
Province , où l'on en débite déja une
affez grande quantité. Comme les Fran¹
çais pourraient les donner à meilleur prix
que les marchands du pays qui ne les ont
que de la deuxieme ou troffieme main
tout au moins , non compris les frais de
tranſport & les doubles & triples douanes
qu'ils payent ; on pourrait auffi , en inven
tant des étoffes légeres de bon goût & de
beaucoup d'apparence , ruiner entiére
ment les Damafquettes de Scio & de
Venife qui ont cours à Bender & dans
toutes les autres villes de l'Empire Turc
Le commerce " des Etoffes de foie de
MER NOIR L.. 137

Venife & de Scio eft un objet d'envirou


100,000 piaftres par an , & celui des
Coutnis de Brouffe & de Conftantinople
peut aller à peu près à la moitié, le prix
en eft quafi le même qu'en Crimée.
Les Sendals de Brouffe & de Scio
avaient autrefois beaucoup de débit à
Bender cet article allait à plus de
100,000 piaftres par an; mais aujourd'huf
cette marchandiſe eft bien tombée ; à
peine en vend - t - on pour 15 à 20,000
piaftres. On y trouve beaucoup de profit
furtout en les tirant en droiture de Brouffe
& de Scio & en ne les achetant pas à
Conftantinople.
Les Dorures qui ont cours dans le
Budziak , font celles de Pologne & dé
Venife: on pourrait aifément introduire
celles de France ; mais il n'en faudrait
que de légeres ; les grands galons à la
mes , furdorés font trop chers : l'on pour
rait commencer par un petit effai , & l'on
verrait alors précisément celles qui pour
raient réuffir & le bénéfice qui en réful
terait..
Les Indiennes groffieres font d'une
grande confommation : la piece de 8 ǎ
9 pics fe vend de 60 à 70 paras : celles
de haute qualité ne s'y vendent pas.
138 COMMERCE DE LA

Les Bonnets de France & de Tunis


font un article important du Commerce
du Budziak ; il faut y en porter une plus
grande quantité de ceux de France que
des autres , pour le peuple qui n'en diftin
gue pas la qualité , & réſerver ceux de
Tunis pour les gens riches. Les premiers
s'y vendent de 40 à 45 paras , & les fe
conds de 60 à 65.
Les Soies teintes en laine s'y vendent
de 12 à 13 piaftres l'ocque ; la foie filée
de 19 à 22 piaftres , fuivant la qualité.
La confommation de la premiere eft d'en
viron 1000 ocques , & celle de la filée
y eft moindre. On y débite auffi 2 à 300
ocques de cordonnet de foie de touté
efpece.
La confommation du Coton en laine
eft de 3 à 400 balles , & fi les Polonais
voulaient s'y en fournir , le débit en fe
rait bien plus confidérable. Les Cotons de
Gallipoli & de Caffaba font ceux que l'on
y doit porter : ceux de premiere qualité
n'y donneraient que de la perte. Le coton
vaut de 30 à 33 paras l'ocque en détail.
Trente à 40 Balles de Coton filé , bleu
& rouge: celui - ci eft plus recherché &
donne même jufqu'à 40 pour cent de
profit. La qualité & la fineffe décident
du prix.
MER NOIRE. 139

L'on n'a jamais pu faire comprendre à


la Porte, que plus on facilite le débouché
d'une marchandiſe , plus on en procure
l'abondance : attachée comme elle eſt à
fes vieilles maximes & à fes préjugés ,
elle a défendu , par un fort mauvais rai
fonnement , l'exportation du Caffé fous
des peines très rigoureufes , parce qu'elle
a peur que cette marchandiſe ne manque
dans la capitale. Si la permiffion avait lieu ,
l'on débiterait bien davantage de cette
graine dans toutes les Provinces qui bor
dent la Mer Noire & bien au - delà en.
core dans l'intérieur des terres ; cette
boiffon étant devenue générale chez tous
les peuples. Le Caffé des ifles de l'Amé
rique fe vend dans le Budziak juſqu'à
2 piaftres l'ocque , ce qui revient à 40
fols la livre de France , & donnerait
conféquemment un bénéfice confidérable.
L'avantage du mélange avec le Caffé
Moka peut le pouffer encore à un prix
plus haut. Malgré cette défenfe de la
Porte , il ne ferait cependant pas bien
difficile d'en introduire fur la Mer
Noire , fans paffer par le Bofphore. Il
ne s'agirait que de le tranſporter d'abord
à Smyrne & de - là par les chameaux à
Trébifonde , à Rizé ou à Sinople, d'où
140 COMMERCE DE LA

on le répandrait facilement dans tous les


endroits qui bordent cette Mer , dans la
Géorgie Turque & Perfanne , & jufques
à Aftrakan.
Le Sucre s'y vend avec avantage & en
affez grande quantité : celui en petits
pains d'une livre & de deux eft le plus
facile à débiter: la Caffonnade ou Sucre
en poudre & le Brut n'y ont point
cours , ou très peu. Le prix de cet arti
ele eft ordinairement de 50>> à 60 paras
Pocque , (environ 30 fols la livre de
France.)
Les Epiceries font de peu d'importan
ce , mais donnent beaucoup de profit :
le Girofle s'y vend 4 paras la dragme ;
la Canelle & la Mufcade en proportion ,
& le Poivre 45 à 50 paras l'ocque. On
pourrait même en introduire dans les
provinces méridionales de la Pologne ,
où l'on en fait une grande confommation:
Cet effai pourrait réuffir. Les Turcs ont
une boiffon qu'ils appellent Sórbec & qu'ils
aiment beaucoup. Ce n'eft autre chofe
que des conferves de fruits ou de fleurs
qu'ils délaient dans de l'eau , ou bien des
Laifins fecs qu'ils font tremper , dont ils ex
priment le jus dans l'eau où on les a mis &
qu'ils boivent avec délices , fans enfreindre
AMER NO I ·RĘ 141

leur loi , qui leur défend l'ufage du vin. Il


ferait aifé de leur faire goûter nos liqueurs
fraîches , qui leur feraient confommer
beaucoup de Sucre & de Canelle , prin
cipalement celle de la Chine , qui n'eft
pas fi chere que celle de Ceylan , pour
vu qu'elle foit fine & un peu piquante.
La confommation de l'Etain va de 12
à 15,000 ocques par an : fon prix ordi
naire elt de 60 à 70 paras l'ocque , avec
le fel ammoniac , comme on l'a dit à l'ar
ticle de la Crimée.
L'acier s'y vend de même avec avan
tage. L'on en confomme environ 100
caiffes. Il en vient de la Styrie de fort
mauvais ; on le vend de 12 à 13 paras
l'ocque celui de Fiume eft plus eftimé ,
on l'apporte de Conftantinople , & il fe
vend jufqu'à 20 paras l'ocque.

Commerce de Sortie.

100,000 quintaux de Laine , de même


qualité que celle de Crimée , de 2 à 3
-paras l'ocque.
10,000 quintaux de Teftik, on laine
de chevron .
1000 à 1500 quintaux de Crin , de ze
à 40 paras l'ocque. }
142 COMMERCE DE LA

200,000 Cuirs de bœufs de différentes


grandeurs , de 50 jufqu'à 100 paras la
piece.
10 à 12,000 Cuirs de chevaux , de 20
à 30 paras.
10,000 peaux de Chagrin , de 50 paras
jufqu'à 2 piaſtres.
80 à 100,000 quintaux de Beurre , de
6 à 7 paras l'ocque.
50 à 80,000 quintaux de Miel , de
5 à 6 paras l'ocque.
50,000 quintaux de Suif , de 3 à 4
paras l'ocque.
3000 quintaux de Chandelles , de 7 à
8 paras l'ocque.
La Cire en très grande quantité , de
38 à 40 paras l'ocque.
>
50,000 quintaux de Pafturmas & de
Sauciffes feches , de 3 à 4 paras l'ocque.
5 à 600,000 barriques de vin , de 3 à
4 afpres l'ocque.
Le Commerce de poiffon falé à Kily
eft d'environ 100,000 piaftres par an.
10,000 quintaux de Caviar , inférieur à
celui de Crimée , de 8 à 12 paras l'oc
que; il fe débite en Valachie , en Mol
davie & fur le Danube.
5 à 600 chargemens de Grains par an.
C'eſt l'abondance ou la difette qui en
MER NOIRE. 143

déterminent le prix : on y trouve régu


liérement un grand bénéfice...
Les Douanes font de 3 pour cent
dans les diverfes places du Budziak. ›
Chez les Nogais & dans les villages
Tartares , les poids & les mefures font les
mêmes que ceux de Crimée : mais les
Places de cette Province qui dépendent
du Grand - Seigneur , fe fervent des poids
& des mesures de Turquie.
La monnoye du Khan paffe communé
ment chez tous les Nogais & les Tartares
du Budziak : à Bender & dans les autres
places , elle n'a pas un fi libre cours;
mais cependant on ne fait pas difficulté
de la recevoir pour de petits payemens.
Les autres monnoyes courantes font cel
les de Turquie de toute efpece ; les Se
quins Vénitiens , de Hongrie & de Hol
lande ; les Roubles de Ruffie , les Ecus
& la Monnoye blanche de Pologne y.
paffent. Leur tarif eft à peu près le
même qu'en Crimée. Toutes ces monno
yes étrangeres font cependant fujettes à
une petite variation.
COMMERCE DE LÀ
144

COMMERCE DES NOGAIS.

Les Nogais fous la dépendance da


Khan des Tartares , font divifés en qua
tre Hordes , qui font Budziak , Zedzan ,
Tamboilouk & Couban : ces Peuples font
ambulans ; ils n'ont ni Villes ni Villages ,
& n'habitent que fous des tentes de feu
tre , qu'ils tranſportent fur des chariots.
Chaque Horde eft divifée en Avuls
Campemens , compofés d'un certain nom
bre de familles. Tous ces Nogais des
quatre Hordes ont les mêmes mœurs , les
mêmes coutumes , la même façon de
vivre , & par conféquent les mêmes be
foins , & leur commerce eft univerfelle
ment le même ; mais on n'en peut pas
déterminer la quantité. Voici cependant
un précis des articles qui leur font néces
faires , & de ce que l'on peut tirer de
chez eux .

:
Commerce d'Entrée.

Bocaffins de toutes couleurs ; les cra


moifis font les plus recherchés pour des
deffus
A
MER NOIRE. 145

deffus de peliffes , Caftans & habits à la


Tartare , dits Tchekmens.
Toiles d'Aftar teintes en rouge , pour
chemifes de femmes & d'hommes &
pour doublures d'habits.
Toiles blanches de Kedis pour che
mifes.
Indiennes groffieres pour culottes de
femmes , & des Caftans.
Toiles de Lin de Ruffie pour mou
choirs de femmes , appellés Taftarak, &
pour ceintures d'hommes .
Tchemberts , Khaim - Khané de trois
grandeurs différentes pour mouchoirs de
coëffure.
Betlik , pour chapeaux de cheminée en
dehors la tente , afin d'empêcher que le
vent, ne renvoye la fumée dedans.
Sandals rouges & jaunes ; les rouges
pour chemiſes de femmes ; & toutes les
deux couleurs pour ceintures des grandes
culottes d'hommes dites Chalvar.
Tarpoches pour les coëffures des fem
mes.
Maroquins & peaux de diverfes cou
leurs pour les harnois des chevaux.
Bottes d'hommes , jaunes , rouges &
noires & bottines jaunes pour femmes.
Katirs , ou chauffures en forme de fou.
G
146 COMMERCE DE LA

liers , rouges & noirs , pour hommes &


femmes.
Semelles de cuir toutes coupées.
--Soie en laine pour broderie , foie filée
pour couture , & cordonnets de foie pour
border diverfes pieces de l'habillement.
Fil d'or faux & quelque peu de fin ,
pour broder les chemifes , les couvertu
res des felles & pour plufieurs autres
ufages ..
Coton en daine pour rembourrer les
bonnets & garnir les Caftans. 7
Coton filé blanc & teint , du plus gros
fier.
Fil de couture de toute efpece.
Fer en barres pour fabriquer les inftru
ments de labourage , clouds , fers des cha
riots , boucles de harnois , fers à che
vaux , de bottes & c.
Chaudrons de fer de toutes grandeurs.
Etriers & mords de chevaux. !
Mercure pour la verminé , dont ils
abondent. ***

Kénas pour décraffer les cheveux &


teindre les ongles en rouge,
Fard rouge & blanc , dont les femmes
font un très grand ufage.
Aiguilles à coudre de toutes grandeurs.
K
Beaucoup de peignes de buis & de
corne.
MER NOIRE 147

* Plufieurs efpeces de quincaillerie , dont


on a donné le détail à l'article de la
Crimée.
Clouds de cuivre à cabochon dont nos
tapiffiers fe fervent pour les meubles &
que les Nogais employent pour mettre
autour de leurs felles.
Tabac de Duboffar & de Ruffie : les
autres qualités ne s'y vendent pas.
Un très grand nombre de tuyaux de
pipes , des plus communs & des noix de
terre noire .
Fruits fecs , figues Taban indjiri ,
oignons , dattes noires de Natolie , noix
& noiſettes.
Bois de conftruction dont ils fe fer
vent pour former leurs chariots & leurs
tentes.
:i
Commerce de Sortie.

Le Commerce de Sortie eft très confi


dérable & confifte en
Laines furges , de la même qualité que
celles de Crimée. :
Tchekmens tout faits & en pieces.
Sangles de laine de diverfes couleurs
pour les felles des chevaux,
G. 2 .....
·

148 COMMERCE DE LA

Cuirs de bœufs & de chevaux ; il n'y


a point de buffles.
Courroyes de toutes grandeurs.
Bœufs , moutons & chevaux.
Kakatches , ou moutons fendus par le
milieu & fechés au foleil.
Lait aigre de vache & de brebis , ap
pellé Katik , qui fe répand dans tous les
8
Etats du Khan.
Lait de jument fermenté : l'on fait "
grand cas de cette boiffon dans toute la
Tartarie.
Beurre de la premiere qualité fort
eftimé.
Suif.
Peaux de moutons , Peaux de Gueudjen.
Froment , Orge , Millet: les Nogais
ne mangent point de pain , ils fe nourris
fent de viande & de millet préparé ; ils
vendent le bled & l'orge.
Tuy , Seuk & Tarkan , diverfes pré
parations de millet , fort en ufage chez
les Tartares.
Les Nogais ne commercent point direc
tement avec les étrangers , mais avec les
villes les plus voisines de leurs habitations.
Les marchands ambulants , dits Kirdjis ,
vont dans les Campements des Nogais ,
porter les marchandifes d'entrée & enle

1
MER NOIRE 149

ver celles de fortie. Les Nogais vont


auffi dans les villes porter leurs marchan
difes & fe fournir de celles dont ils ont
befoin. }
Il n'eſt pas poffible de fixer le prix des
marchandiſes d'entrée & de fortie , parce
que le commerce fe fait rarement au
Comptant , mais en troc , & c'et Pavan
tage de l'échange qui détermine le prix
de la marchandife que l'on donne & de
celle que l'on reçoir. Ce que l'on peut
affurer , c'eft que l'on trouve , tous frais
faits , environ 30 pour cent de bénéfice
fur les marchandifes d'entrée & fur celles
de fortie relativement au prix de Crimée
Les Nogais font cependant quelqu'ufage
de la monnoye ; celle du Khan y a plus
de cours que les autres : la monnoye de
Turquie y eft peu connue : il n'y a que
les riches Mirzas qui l'accumulent pour
l'enfouir , leur genre de vie ne pouvant
leur fournir aucune occafion de dépense.
Les maifons françaiſes établies dans les
Etats du Khan , pourraient aifément jouir
des avantages du Commerce des Nogais ,
& fe procurer des facteurs entendus qui
puffent faire le même trafic que les Kir
jis ; l'on trouverait facilement des Armé
niens nés fur les lieux & expérimentés
G 3
150 COMMERCE DE LA

dans ce genre de Commerce , qui s'em .


ployeraient avec zele , intelligence &
fidélité , moyennant quelques précautions
avec eux , afin d'être à l'abri des événe
mens.
On joint ici une Table , dans laquelle
on trouvera les divers prix des voitures
pour le tranfport des marchandifes dans
toutes les villes refpectives des Etats du
Khan. Le taux des voitures eft marqué
en piaftres de Turquie & de deux prix ;
c'est -à -dire du moins au plus. Ainfi à
l'article d'Akmefchid , fous Batcheferai ,
l'on trouve 4-5 : cela veut dire de 4 à 5
piaftres , & ainfi des autres,
M OIRE 151

*
L A СОТЕ

DES

A BAZE S

LES Abazes font des peuples qui ha


bitent entre la Circaffie & la Georgie : ils
font divifés comme les Circaffiens en plu.
fieurs tribus gouvernées . par leurs Beys
particuliers : ils fe font fans ceffe entre eux
la petite guerre pour s'enlever des Efcla
ves. Ils ont une religion mêlée de Chris
tianifme & de Paganifme , & fe préten
dent cependant très bons Chrétiens. La
Porte nomme un Bey que l'on appelle le
Bey des Abazes : il jouit d'un vain titre
fans aucune autorité & fait fa réſidence à
Soboum. Le Pacha de cette Place a aufli
une forte d'inſpection fur cette Province ,
mais les habitans n'obéiffent ni à l'un , ni
à l'autre ; il n'y a que la force qui puiffe
les réduire. Le Seraskier ou Gouverneur
du Couban fait quelquefois des incur
fions fur eux & leur enleve des Beftiaux ,
des Chevaux & des Efclaves. Il y a dans
G4
152 COMMER DELA

cette Contrée deux principa helles ,


qui font Soboum & Kodoche.
Sohoum eft une petite ville fur le bord
de la Mer Noire , dans une Rade où
toutes fortes de bâtimens abordent , mais
ne peuvent pas hiverner: il y a deux
mofquées, un bain , so boutiques & 7
à 8000 habitans : il y a une petite for
tereffe à 4 baftions , gardée par 7 à 8
compagnies de Janiffaires & 50 pieces
de canon: c'eft un Pacha à deux Queues
qui y commande.
Kadache eft une Rade découverte &
peu fare: il n'y a dans fon territoire ni
villes ni villages , mais feulement un très
grand nombre de maifons ifolées & par
femées çà & là à trois ou quatre lieues à
la ronde. C'eft- là qu'eft le fameux arbre
appellé Kodoche , auquel les Abazes ren
dent un culte pareil à celui dont les Cir.
caffiens honorent l'arbre Panjaan. L'éty
mologie du nom de Kodoche , vient du mot
Hébreux Kadoche , qui veut dire Saint ,
comme celui de Panjaffan , eft dérivé du
mot grec Пavayía , (*) nom que les Grecs
don

(*) Toute Sainte.


MER NOIRE.
153
donnent à la Vierge. C'eft à Koloche que
fe tient le plus grand marché des Abazes,
Il y a encore depuis Sooudtouk jufques à
Anakria , où finit la Côte des Abazes ,
plufieurs autres Echelles où les batimens
abordent pour trafiquer avec eux ; com
me Gheundjik , Limani , Bafcolo , Dziébo ,
Bouba Sou bachi , Arviré , Mamaï
Dzioudzi , Khoche , Erdeler , Ketchiler , Ve
zuilé , Betchevend , Séoré , Ardzilanghi
Te, &c.

Commerce d'Entrée .

Les bâtimens qui vont chez les Aba


zes , chargent ordinairement du fel qui
eft la marchandiſe la plus recherchée dans
ce pays -là. Ils vont communément ache
ter ce fel en Crimée aux Salines de Ghus
levé & de Kerche , où l'on ne peut char
ger qu'avec un Firman du Khan ; on
charge auffi du vin , dont on va fe pour
voir à Sinople , à Triboli & dans quelques
autres endroits de la Natolie.
Les marchandiſes qui ont le p'us de
cours chez les Abazes & dont le refte du
chargement doit être compofé, font des
maroquins & bazanes teintes en rouge,
jaune & noir de Conftantinople & de
G 5
151 COMMERCE DE LA

Crimée , bocaffins , toiles d'Aftar , quin


cailleries de toute efpece , fufils , pifto
lets , poignards dits Zindzials , & d'au
tres dits Amas , indiennes , toiles peintes ,
couvertures de Yamboli.
La place de Sohoum eft la feule où l'on
confomme quelque peu de draps , d'étof
fes de Scio , de favon & quelques autres.
articles qui s'y vendent avec grand avan
tage , mais en petite quantité.

Commerce de Sortie.

Lé bois de Buis eft l'article le plus


confidérable du Commerce de Sortie: on
le vend toujours en troc du fel , poids
pour po ds ; de forte qu'un chargement
de fel donne toujours un chargement de
buis. C'eſt pour cela que l'on doit fe
procurer pour faire ces voyages de gros
bâtimens afin de pouvoir enlever la plus
grande quantité de Buis qu'il eft poffible.
Lorfque l'on fait le troc pour le vin ,
l'échange ne fe fait plus au poids : l'on
marchande & l'on tâche de faire le mar
ché le plus avantageux poffible.
Il fort de chez les Abazes beaucoup de
cire que l'on obtient à très bas prix &
qui revient brute par l'avantage du troc
MER NOIRE. 155

quelquefois à 20 paras l'ocque : il faut


compter fur 20 pour cent de déchet
pour l'avoir pure. Il y a auffi de diverfes
fortes de pelleteries , comme Vachak , oụ
loup -cervier ; Zerdavas, ou martres ; Sang
far, ou fouine , & Gueudjens , ou écu
reuils.
Le lard & le jambon y font en très
grande abondance : les cochons y font à
très bas prix. Si l'on pouvait y mener
des gens entendus dans l'art de faler cette
chair & qui la préparaffent de façon que
l'on pût la tranfporter en Chrétieneté , l'on
gagnerait confidérablement à y faire des
chargemens.
Le Commerce des Efclaves y eſt très
avantageux ; ce font des fujets que les
Beys fe prennent les uns fur les autres.
Ils ne valent que la moitié du prix des
Circaffiens.

OBSERVATIONS.

Il eft impoffible de déterminer le prix


des marchandifes d'entrée de fortie ,
parce que tout fe fait en troc. On fait
feulement qu'il n'y a peut - être pas au
jourd'hui de Commerce , dans le monde
connu , qui donne plus de profit : L'on
G 6
156 COMMERCE DE LA

peut en juger aifément par l'article du


buis , puifque l'on a un chargement de
ce bois qui vaut trois piaftres le quintal
à Conftantinople , contre un chargement
de fel qui ne revient pas en Crimée à 10
paras le quintal.
Les bâtimens ne peuvent aller chez les
Abazes , qu'avec un commandement de
la Porte, très facile à obtenir. Pour évi
ter les dangers auxquels on eft fou
vent expofé en faifant ce Commerce , il
faut prendre beaucoup de précautions.
Quand on a abordé à une Echelle , on doit
fe mettre fous la protection du Bey qui y
commande , moyennant un petit préſent
que l'on ne doit point manquer de lui
faire accepter , pour ſe captiver fes bonnes
graces : alors on eft à l'abri de toute in
fulte de la part de fes fujets & même des
Beys du voifinage : quand on a terminé
fes affaires & chargé le bâtiment , il faut
avoir grand foin d'attendre pour mettre
à la voile , un vent fait avec lequel on
foit affuré de pouvoir fe tirer au moins
dix à douze milles au large , parce que
les Beys voifins font aux aguets & arment
des bateaux pour donner l'abordage &
piller le bâtiment : c'eft pour cela qu'it
faut choifir pour ce voyage de gros
MER NOIRE. 157

navires bien armés , avec un bon & nom.


breux équipage. D'ailleurs la nature de ce
Commerce exige des forts bâtimens , com
-me on vient de le dire. Quand on a le
malheur d'être pris , on eft dépouillé &
fait efclave. Les Abazes paffent une outre
à la tête de chacun des prifonniers , qu'ils
menent dans les montagnes par différens
détours , afin qu'ils ne puiffent pas re
trouver le chemin par lequel ils font ve
nus : là on leur fait garder les cochons
qui font très nombreux dans le pays. Ce
pendant il est très facile de fe tirer de
cet efclavage. Les Abazes cherchent eux
mêmes à s'en procurer le débouché , &
viennent les offrir aux marchands qui
abordent à leurs Echelles. L'on peut fe
racheter facilement moyennant la valeur
d'une centaine de piaftres en marchandiſes.
L'on ne trouve gueres de bâtimens à
nolifer à fret pour faire ce commerce : les
voyages fe font toujours à la part ; celui
qui fournit les fonds , a une part ; le pro
priétaire du bâtiment une autre , & la troi
fieme fe repartit à l'équipage : c'eſt ainfi
que l'on partage le profit qui en réſul
te, après avoir prélevé tous les frais dont
celui qui fournit les fonds doit faire les
avances. La part de l'équipage eft fub
G 7
E
158 COMMERC DE LA

divifée ; le Reïs ou Patron a trois por


tions , le Nocher ou Pilote deux , l'Ecri
vain deux , le Patron de la Chaloupe ou
fecond Pilote une & demie , chaque Ma
telot une , & le Mouffe une demie.
Les voyages chez les Abazes ne ſe font
gueres qu'une fois l'année ; on part ordi
nairement à l'ouverture de la navigation
de la Mer Noire ; c'est - à - dire vers le
commencement d'Avril , & l'on en re
vient à la fin de l'été ; mais des François
expérimentés fur cette mer & qui l'au
raient parcourue , pourraient au moins
faire trois voyages.
MER NOIRE 156

LA

GEORGIE TURQUE

LA Georgie Turque eft un pays chré


tien , qui comprend le Royaume d'Ime
rette & les Principautés de Mingrelie &
de Guriel. Ce pays eft borné au Nord
par les Abazes , les Alains & le mont Cau
cafe ; à l'Eft, par la Georgie Perfanne ; au
Sud , par l'Arménie Turque & la Province
de Trébifonde , & à l'Oueft , par la Mer
Noire.
Le Grand - Seigneur a dans la Georgie
qui lui appartient , plufieurs fortereffes où
il tient garnifon ; les maritimes font Ana
kria , Rouch, Souhmzir , Fache , Batoum ,
Gheunié: dans les terres font Akalziké ,
Bagdadzik , Cotatis , Souskhet & Choraban.
Les Turcs ont détruit toutes les Places de
la domination des Georgiens , qui n'ont
plus ni Villes ni Bourgs. Toutes les mai
fons font ifolées & féparées les unes des
autres comme des métairies : il n'y a
que les châteaux d'Ifrit où demeure le
Roi d'Imérette , de Guriel où le Prince de
160 COMMERCE DE LA

ce nom fait fa réfidence , & de Ralzia vers


les frontieres des Offes & de la Georgie
Perfanne , où le Dadian de Mingrélie fait
fon féjour. Ces châteaux ne font remar
quables que par la demeure de ces Prin
ces. A l'égard des autres endroits , on
ne parlera que de ceux qui méritent
attention.
Batoum eft la véritable Echelle d'Akal
ziké & de toute la Georgie Turque : fon
Port n'eft gueres für ; les bâtimens qui
s'y trouvent en hiver ,font obligés d'aller
chercher un abri ailleurs : il n'y a pour
toutes fortifications que quelques paliffa
des , cinq à fix pieces de canon & une
compagnie de Janiffaires. On y compte
environ 10,000 habitans ; il y a un kan
public , un marché & une grande mos
quée. Son territoire & celui de Gheunie
produifent une grande quantité de Riz
qui fe confomme dans le pays. On don
nera quelques détails relatifs à cette Echel
le dans l'article ci- après de la Georgie
Perfanne:
Entre Gheunié & Rizé , il y a un en
droit appellé Kopa , où les gens du pays
difent que les poiffons viennent en félé
rinage , vers le mois d'Avril. Il fe ras
femble dans ce lieu une fi grande quan
MER NOIRE 161

tité de poiffons de toutes les efpeces &


de toutes grandeurs , que la mer à perte
de vue en : est couverte : ils ne fe font
aucun mal , ils paffent & repaffent de
vant la roche & viennent s'y frotter. On
ne prend pas de ces poiffons & les gens
du pays fe feraient un très grand fcru
pule d'y toucher.
Akalziké eft la plus grande ville de la
Georgie Turque ; elle eft la réfidence da
Pacha qui commande la Province. Les
habitans , tous Turcs , Georgiens & Ar
méniens y font au nombre de 30,000.
Les fortifications font en très mauvais
état : il y a environ 120 pieces de canon
& une compagnie de Janiffaires. Les
Capucins Italiens des miffions de Georgie
y ont un couvent. Le Commerce y ett
affez confidérable.
Anakria , Rouch , Souhmzir , Fache , Bag
dadzik , Souskhet font très peu ou point de
commerce ; il n'y a que Cotatis & Chora
ban qui en faffent un de quelqu'impor
tance.

Commerce d'Entrée.

Quarante à 50 Ballots de Draps Lon


drins feconds de France, à 3 piaftres le pic.
162 COMMERCE DE LA

Il y va auffi quelque peu de Draps de


Hollande , appellés Châlis Hollandais : ils
s'y vendent à proportion du prix des
autres.
L'on y voit auffi quelques gros draps
de Pologne pour les couvertures des fo
phas & l'habillement des domeftiques , à
60 paras le pic.
Camelots d'Angora & Camelots' en
ferge , mais de baſſe qualité , de 30 à 40
paras le pic.
Une affez grande quantité d'étoffes de
Veniſe & de Scio , que l'on y vend avec
un très grand avantage. Les nôtres au
raient peine à y avoir cours , parce qu'el
les font trop cheres , à moins que l'on n'en
fabriquât de très légeres pour entrer en
concurrence.
Le débit des bocaffins , toiles de coton
& indiennes eft immenſe.
10 à 12 caiffes de bonnets ou fez de
France de 40 paras ; il n'en faut que de
petits. Ceux de Tunis y ont très peu de
cours.
Le fil d'or & d'argent & le trait tout
pur s'y vendent avec bénéfice & en affez
grande quantité. Le prix ordinaire du
premier eft de 19 à 20 paras , & le fe
cond de 25 à 26 paras la dragme.
MER NOIRE. 163

Les Bours de foie de Damas s'y ven


dent très bien.
Les Coutnis de Brouffe & de Con
ftantinople y font en ufage; les bons va
lent de 40 à 45 paras le pic , &les com
muns depuis 12 jufqu'à 15 piaftres la
piece ; l'on n'y porte que de ceux - ci.
1000 à 1500 Couvertures de Yam
boli , avec la pluche & fans pluche , de
puis 4 jufqu'à 10 piaftres.
15 à 20,000 ocques d'Indigo , autant de
Cochenille , & une affez grande quantité
de bois de Campeche , Fernanbouk ,
Brefil , Ste. Marthe. Tous ces divers ar
ticles donnent un très grand profit.
Le Caffé de France réuffirait en Geor
gie , fi la Porte abandonnait fon fyftême
& que l'on pût parvenir à l'introduire
par la Mer Noire. Celui de Moka vient
par les Caravannes de Perfe , de même
que les Epiceries.
Une affez grande quantité de Sucre en
petits pains , que l'on vend en détail jus
ques à 20 paras ; ce qui revient à 2 pias
tres l'ocque.
Beaucoup de Cuivre en lingot & tra
vaillé.
L'Etain eſt un objet affez confidérable :
il vaut de 86 à 90 paras l'ocque , avec
le fel ammoniac.
164 COMMERCE DE LA

30 à 40 caiffes d'acier , que l'on vend


en morceaux, La longueur du morceau
détermine le prix : il ne fe vend pas au
poids.
Le fer y vient en très grande quantité
& vaut 10 paras l'ocque.
Le Kenas dont il fe fait une très gran
de confommation s'y vend de 12 à 13
paras l'ocque.
5 à 6000 quintaux de favon de Smyr
ne & 1000 à 1500 quintaux de celui de
Candie; le premier de 18 à 20 paras , &
l'autre jufqu'à 30 l'ocque.
Le tabac & les fruits fecs y viennent
de Perfe & de la Georgie Perfanne , de
même que le coton.
Les quincailleries de toute efpece s'y
vendent avec beaucoup d'avantage.

Commerce de Sortie.

Les principaux articles du Commerce


de Sortie de la Georgie Turque font , la
Soie qui y eft en très grande quantité ,
mais inférieure à celle de Perfe : elle revient
dans le pays de 3 à 4 piaftres l'ocque par
le moyen du troc & du bénéfice que l'on
trouve fur les marchandifes que l'on don
ne en échange.
MER NOIRE. 165

100,000 ocques de Cire ; elle revient


nette à Cotatis & à Akalziké , à 30 pa
ras, & à 25 brute...
La quantité de Miel y eft immenfe ;
fon prix ordinaire à Cotatis eft de 15 á
16 paras le batman de fix ocques. On
peut l'avoir à meilleur marché , ainſi que
la cire , en le faifant ramaffer dans les
campagnes.
Les Pelleteries du pays font affez efti
mées : les deux principales font le Vachak
qui fe vend de 15 à 20 piaftres la peau ,
& les Zerdava qui ne valent gueres plus
de 15 à 16 paras chacun . On les vend
telles que l'on les a tirées de l'animal : le
bénéfice en eft immenſe.
A Akalziké on trouve à acheter de la
laine , du teftik & du coton,
Le Commerce des Efclaves mâles &
femelles eft très confidérable ; ils font
moins eftimés que les Circaffiens ; leur
prix eft indéterminé. :

OBSERVATIONS.

Les monnoyes Turques d'or & d'argent


de toute efpece ont cours dans la Geor
gie Turque au même taux de Conſtanti
nople. Les fequins Vénitiens n'ont cours
CE
166 COMMER DE LA

qu'à Akalziké & à Cotatis , & même avec


quelque pcine: ils valent le même prix
qu'en Turquie. Quelques monnoyes de
Perfe dont on verra la valeur dans l'arti
cle fuivant, y out cours: toutes les autres
monnoyes étrangeres n'y font point re
çues. Les poids & les mefures font les
mêmes qu'en Turquie.
Le tranſport des marchandifes ſe fait
fur des chevaux ; les chariots n'y font
point en ufage. En hiver les chevaux ne
marchent point : on fe fert des hommes
qui ne portent gueres plus de 8 à 10 bat
mans ( 160 à 180 livres de France). On
parlera du louage des hommes & des
chevaux dans l'article fuivant.
Pour faire le Commerce de la Georgie
Turque , il faudrait établir la maifon &
les magasins à Akalziké, ou à Cotatis ,
pour répandre de- là , les marchandifes
d'entrée dans l'intérieur du 1 pays & y
acheter celles de fortie, dans les marchés
publics , ou par le canal des facteurs am
bulans qui courent la campagne & vont
acheter de la premiere main.
Dans les villes le commerce fe fait in
différemment au compiant ou en troc ;
mais dans la campagne on ne connaît
que le commerce d'échange.
MER NOIRE 167

LA

GEORGIE PERSANNE.

Le rapport de la Georgie Perfanne


avec la Georgie Túrque & la Mer Noire
fait penfer que fon Commerce ne fera
pas étranger à cet Ouvrage , & l'on croit
devoir en donner ici tous les détails qu'il
a été poffible de ramaffer.
Cet Etat eft gouverné de tout tems
par des Princes Chrétiens , qui 1 dépen
daient autrefois des Rois de Perfe , & qui
font devenus indépendants depuis que le
trône des Sophis a été renversé.
La Georgie Perfanne eft bornée au
Nord par le Cabarta & une partie de la
Circaffie ; au Levant par le -V Daghestan ,
les Kalmouks & le Shirvan ; au Midi par
l'Arménie Perfanne , & au Couchant
par le Royaume d'Imerette. Il n'y a à
proprement parler dans ce pays - là que
deux villes , qui font Tiflis & Gori.
Tiflis , eft la capitale , la métropole ,
la principale & même la feule place de
commerce, de tout le pays : le Prince y
fait fa réfidence : elle n'a gueres que
trois milles ou une lieue de circuit & ne
188 COMMERCE DE LA

contient que 40,000 habitans , Geor


giens , Arméniens , Catholiques Latins ,
& Mahométans . Les Georgiens y ont
trois églifes , les Arméniens fix & les
Latins une feule , qui eft deffervie par les
Capucins Italiens avec toute la liberté
d'exercice de rit dont on jouit en Chré
tienté leur églife a un clocher fort
élevé & trois cloches. Les Mahometans
n'y ont point de mofquée publique & y font
en très petit nombre. Cette ville eft fituée
au Couchant du fleuve Kur ; elle eſt en
tourée de murailles & défendue par une
citadelle la plus forte qu'il y ait dans
toute la Georgie : il y a dans la ville un
Gouverneur Arménien appellé le Maliki.
Gori eſt une petite ville fur la frontiere
des Offes , nation idolâtre qui habite
vers les montagnes au Midi de la Cir
caffie , & des Tufces , peuples qui fe pré
tendent defcendus des Tofcans & des
Génois & ont confervé la douceur des
mœurs Européennes & un grand nombre
d'ufages & de coutumes dans la façon de
s'affeoir , de manger , de fe coucher & de
traiter dans le commerce de la vie civile.

Commerce d'Entrée.

L'on peut débiter une affez grande


quantité
MER NOIR E. 169

quantité de Draps de France dans la Geor


gie Perfanne : le Londrin français appellé
Uskuntur , fe vend à 4 ; Nadiris le pic ; le
Londre large 3 Nadiris ; le drap d'Hol
lande dit Pangraft 8 Urubiès le pic , pour
vu qu'il ne foit pas verd ni couleur d'olive ,
& le Londre ordinaire de 3 nadiris.
Les Draps Chalis rouges , verds , vio
lets ou bruns y ont cours auffi : ils vien
nent de Hollande : la piece de 21 pics
ſe vend de 60 à 70 abaffis.
Le Satin de toutes couleurs vaut de
4 à 4 nadiris le pic.
Les Etoffes de foie de Venife & de
Scio , fimples ou brochées , en or & ar
gent , s'y vendent avec avantage : il ne
ferait pas impoffible d'y introd ire même
des Etoffes de Lyon , fi l'on voulait en
faire un effai.
Le Galon & les Dorures de plufieurs
efpeces y donnent beaucoup de profit:
il eft impoffible d'en fixer le prix , parce
que c'eft la qualité qui en décide : il faut
feulement obferver de n'y porter que des
galons légers , à moins que l'on ne par
vienne à étendre cette branche de Com
merce dans la Perfe , où tout ce qu'il y a
de plus beau & de plus cher fe vendrait
également bien.
H
170 COMMERCE DE LA

Le trait pur , & le fil d'or & d'argent


mêlé de foie y ont un grand debit : il en
vient de Hollande. Le trait pur vaut demi
natiri & un chahi le mifcal (36 fols le gros
& demi). Le fil mélé de foie s'y vend
demi nadiri (30 fols).
La Cochenille s'y vend communément
28 nadiris l'ocque de Turquie.
L'Indigo s'y débite fur le pied de 40 à
42 nadiris le batman .
Ces deux articles font affez importans :
on n'indique que le prix courant en tems
de paix , les objets étant renchéris depuis
la guerre .
Le Caffé de France ou plutôt d'Amé
rique s'y débite avec affez de facilité : fon
prix ordinaire eft de 10 à 12 abaflis le
batman.
Le Sucre y valait déja en 1754 , quinze
à feize nadiris le batman : il eſt renchéri
encore bien plus depuis la guerre.
Le Corail eft un article qui réuffit quel
quefois ; les Arméniens y en portent de
Genes & de Livourne.

COMMERCE DE SORTIE.

Marchandifes du cru du Pays.

Les deux Articles qui conftituent prin


MER NOI R E. 171

cipalement le Commerce de Sortie de la


Georgie Perfanne , font la Cire , les Cuirs
de bœufs & ceux de buffles.
La Cire y eft en très grande abondance :
les villages du territoire de Tillis en
produisent une énorme quantité : fon prix
ordinaire eft de nadiri jufqu'à 1 nadiri :
c'eft à - dire de 30 à 40 paras l'ocque de
Turquie.
Les Cuirs de boeufs & de buffles font
auffi fort abondans : on les vend au poids
depuis 1 nadiri jufqu'à 1 le batman .

Marchandifes de Perfe.

On trouve quelquefois à fe pourvoir à


Tiflis de toutes fortes de marchandifes
de Perfe qui y viennent de Guendjé
Chahmaké , Tauris , Erivan & Erzerum .
La foie fine de la plus haute qualité ,
appellée Cherbab & Cherbaffi par nos né
gocians , vaut à Tifflis de 24 à 32 nadi
ris le batman , fuivant la variation du
prix ; celle de Chalmaké coûte toujours
3 ou 4 nadiris de plus que ce le de
Guendjé. La groffe foie écrue de bonne
qualité s'y vend communément de 20 à
26 nadiris le batman , & la foie teinte
vaut 3 urubies & 2 chalis (9 livres 12 fols)
H 2
172 COMMERCE DE LA

les 100 mifcals , ou 150 dragmes.


(2 marcs 2 onces 6 gros).
Le Teftik ou laine de chevron noire
vient de Mafchat. Son prix ordinaire eſt
de 150 à 100 nadiris les go batmans , ou
300 ocques. Le Teftik rouge vaut de
10 à 11 piaftres le batman ; il vient de
Kirman.
La Rhubarbe vient du pays des Usbeks:
fon prix en Georgie eft de 50 à 60
piaftres le batman ; ce qui revient à 9
piaftres & quelques paras l'ocque. "
Le Kazni ou Galbanum y coûte de 10
à II abaffis le batman.
Le Ladzi verd , ou Lapis lazuli fort du
Choraffan ; il vaut communément de foo
à 110 nadiris le batman.
Le Bézoard vient de Shiras , & fe vend
de 18 à 22 abaffis le mifcal.
L'Ala fatida fe vend de 10 à 11 abaffis
le batman.
Le Vichey fe vend le même prix.
Le Tiramina vient du Choraffan & coûte
de 100 à 110 nadiris les 50 batmans.
La Tutie de Kirman vaut de 5 à 6
abaffis le batman.
Le Semen contra , appellé Dermani
turki , vaut 19 à 20 abaffis le batman.
MER NOIRE. 173

Le Semen- contra , appellé Dermani


Shirazi , ne coûte que 4 à 5 abaffis. :
Vi
Monnoyes.

Les Monnoyes les plus communes à


Tiflis , comme dans les autres villes de
Ja domination : Perfanne , font celles du
Mogol & de Perfe. Les Sequins Véni
tiens , les Zermahboubs de Turquie , y ont
cours auffi & les Sevillanes y paffent au
poids & au titre de l'argent.
Le Touman , ou Toman eft une mon
noye de compte , ou idéale , qui vaut 20
piaftres de Turquie , & de France
livres 60.4
Le Sequin Venitien paffe pour 4 na
diris liv. 12.
Le Zermahboub de Turquie , 3 nadi
ris liv. 9 - -
Le Min -altun , eft une valeur idéale de
la valeur de 2 nadiris . liv. 6. -
L'Urubié eft une piece d'argent du
Mogol , qui vaut 1 nadiri ou I piaftre
de Turquie liv. 3.
Le Nadiri , monnoye que Thamas
Kouli -Khan a fait battre , eft de la mê
me valeur que l'Urubié , ou la piaftre de
Turquie liv. 3...
H 3
174 COMMERCE DE LA

L'Abafi vaut précisément 24 fols de


· notre monnoye : 2 abaffis font 1 nadiri.
L'Uzal-tun eft notre piece de 12 fols ;
5 font i nadiri , & 2 un abaffi.
Le Chabi revient à notre piece de 6
fols: c'eft la moitié de l'Uzal - tun & le
quart de l'Abaffi : 10 valent un nadiri.
Le Poul eft une petite monnoye , qui
répond au grand afpre de Turquie : 100
valent un nadiri. Le Poul vaut 7 deniers
& un cinquieme de notre monnoye.

Poids & Mefures.


1
1
Les Poids & les Mefures dont on fe 1
fert dans la Georgie Perfanne pour l'achat
& pour la vente des marchandiſes , font
Le batman de 6 ocques-- 18 liv. 12 onc.
La livre de 2' ocq. , ou 20 flils -- 7-13 .
1
Le tchirek de 5 ftils , ou 250 dragmes,
I. 15. 2 gros.
· 6. 2.
Le fil de 50 dragmes
Le mifcal de 1 dragme - 1. liv. 1. onc.
La feule mefure pour l'aunage dont on
fe fert dans la Georgie & dans toute la
Perfe , s'appelle en Georgien Adli , en
Arménien Gaz , & en Turc Archin : 70
Adlis , font Ico Halebis de Conftantinople.
MER NOIR E. 175

Cependant la meſure de Tauris eft plus


grande , & les 70 Adlis font 106 Halebis.

OBSERVATIONS.

Le Commerce de la Georgie Perfanne


ferait très avantageux par lui - même &
facile à faire , en établiffant à Batoum fur
la Mer Noire , un Comptoir , & fefant
prendre aux marchandifes la route d'Akal
ziké , qui eft la plus belle , la plus courte
& la plus fûre pour aller à Tifflis ; mais
un objet encore plus important a fait
jetter les yeux fur ce pays - là & exige
plufieurs Réflexions.
Les Français établis à Conftantinople ,
à Smyrne , à Alep , font indirectement
le Commerce de Perfe par le moyen des
Caravannes qui apportent dans ces diver
fes Echelles les marchandifes de Perfe &
enlevent celles d'Europe. Nos négocians
en fefant ce trafic feulement de la fe
conde main , ne fauraient jamais profiter
des premiers prix pour l'achat des mar
chandifes du pays , ni pour la vente des
leurs. L'on a cherché inutilement jus
qu'aujourd'hui tous les expédiens imagi
nables & toutes les routes poffibles pour
parvenir à commercer directement avec
H 4
176 COMMERCE DE LA

les Perfans & l'on n'a jamais peut - être


penfé à celle qui ferait la plus praticable.
Si l'on examine l'état de la Georgie Per
fanne , le caractere de fes peuples & la
fituation de la ville de Tifflis , on trou
vera que c'eft peut - être le lieu le plus
propre à établir une maifon de commerce ,
pour faire celui de la Perfe par la Mer
Noire qui offre la voye la plus courte &
la moins difpendieufe.
La Georgie , comme on l'a dit ci
deffus , eft un pays Chrétien , gouverné
par un Prince chrétien , & habité par un
peuple très doux , très poli & le plus ami
des étrangers , qu'il y ait dans toute la
Perfe. Les Européens & furtout les Ca •
tholiques Romains y font vûs de très bon
eil & y jouiffent d'une pleine & entiere
liberté. Dans le cours des guerres intefti
nes qui ont ravagé la Perfe depuis tant
d'années , la Georgie s'eft toujours fou
tenue à peu près dans le même état &
s'eft moins reffentie qu'aucune autre pro
vince de cet Empire , de la calamité des
tems : elle eft en effet moins exposée
que toute autre aux incurfions des en
nemis.
Tiflis eft une ville bien policée , où
l'air eft excellent ; qualité qui en rend le
féjour
MER NOIRE. 177

féjour préférable à beaucoup d'autres : on


peut y tranfporter par la Mer Noire , en
prenant la route d'Akalziké , les marchan
difes d'Europe & les répandre de- là dans
toute la Perfe avec une extrême facilité ,
& l'on eft également à même de s'y
pourvoir des marchandifes de Perfe &
des Indes & de leur donner cours par le
Pont - Euxin , en fuivant la même route :
fa pofition la met à portée de toutes les
villes de Perfe , où le Commerce s'eft
encore foutenu , malgré le malheur des
tems.
Guendjé n'eft éloigné que de fix jour
pées de Tifflis : le territoire de cette
ville produit une très grande quantité de
foie ; on pourrait en acheter aisément
chaque année pour la valeur de 150,000
piaftres: en tems de paix , le débouché
des marchandifes d'Europe y eft affez
confidérable.
Chabmaké n'eft qu'à huit journées : la
foie de cette ville eft de meilleure qualité
& en plus grande abondance que celle de
Guendjé , & l'on trouve à y débiter une
plus forte quantité de marchandifes
d'entrée.
Erivan qui fe trouve à la même diftan
ce, offre en tems de paix des reffources
H 5
178 COMMERCE DE LA

immenfes pour le commerce d'entrée &


de fortie; mais la guerre a réduit cette
place dans l'état le plus déplorable.
En dix - huit journées , on fe rend à
Tauris , une des plus importantes villes
de Perfe , où l'on trouve à acheter abon
damment toutes fortes de marchandifes
de Perfe & des Indes & à débiter une
quantité prodigieufe de celles d'Europe
de toute efpece , comme draps , étoffes
d'or & d'argent , fatins , velours , or
trait , fil d'or & galons , cochenille , in
digo , bois de teinture & quincailleries.
La route d'Erzerum enfin n'eft que de
douze journées : chacun fait que cette
place eft l'entrepôt de toutes les mar
chandifes que les Caravannes portent de
Perfe à Conftantinople , à Smyrne &
à Alep , & de celles qu'elles en rappor
tent.
L'on jugera aifément par ce qui vient
d'être dit , que Tifflis eft en effet lelieu
Je plus propre que l'on puiffe choifir pour y
faire le Commerce de Perfe : le caractere
du Prince Héraclius qui regne aujourd'hui
dans la Georgie doit faire efpérer toutes
les facilités poffibles pour le fuccès de
cette entreprife. Si quelque Puiffance en
Europe adoptait le projet qui vient d'être
(
MER NOIRE. 179

propofé , elle pourrait envoyer à ce Prince


des perfonnes entendues & capables de
traiter cette négociation , qui obtien
draient aisément de lui la permiffion
d'établir le principal comptoir dans la
Capitale.
Le Prince de Georgie eft aidé dans
le gouvernement par douze à quinze
Sénateurs , choifis entre les plus nobles ,
les plus riches & les plus favans perfon
nages du pays , & dont l'Envoyé Européen
chargé de traiter avec ce Prince pourrait
facilement captiver les bonnes graces.
Les Georgiens aujourd'hui très dépour
vus d'argent , verraient avec un plaifir
extrême l'établiffement d'un Commerce
qui en ferait circuler dans le pays une
très grande quantité , & les marchands de
toutes les villes voisines dont on a parlé ,
apprendraient à peine la venue des Eu
ropéens à Tifflis , que l'appât du gain ,
& la nouveauté les engageraient à leur
porter avec empreffement toutes les mar
chandifes du pays & à venir acheter cel
les des Européens .
Quand on aurait obtenu du Prince la
permiffion de réfider à Tiflis & que l'on
aurait pris avec lui toutes les mefures
néceffaires pour la fûreté , la liberté &
H 6
180 COMMERCE DE LA

la protection de ce commerce , on pour


rait établir le chef- lieu dans cette Capi.
tale : le Directeur y réfiderait avec le
titre d'Envoyé ou de Conful & y ferait
une figure convenable à fon état : il au
rait fous lui des Négocians entendus pour
gérer les affaires , & ceux - ci pourraient
entretenir dans les diverfes villes , où
l'on voudrait étendre le commerce , des
Facteurs pour y vendre les marchan
difes d'Europe , acheter les retours &
avoir foin de les faire transporter à Ba
toum qui eft l'échelle la plus convenable.
Il faudrait que le Facteur établi à Batoum ,
für muni de quelque commandement de
la Porte , qui le mît à l'abri des infultes
& des avanies des Officiers Tures , & à
la faveur duquel il pût veiller librement
à l'embarquement & au débarquement
des marchandiſes , fans être inquiété. Il
ferait auffi à propos que ces Facteurs fus
fent des gens du pays , ou des Européens
qui poffedaffent parfaitement la langue
& qui puffent tenir lieu des gens du pays.
Les Nations qui trafiquent à Tifflis, font.
les Georgiens , les Arméniens & les Per
fans. La maniere de traiter avec ces der
niers eft à peu près la même qu'avec les
Tures. Les Arméniens & les Georgiens
MER NOIRE. 181

font d'un commerce un peu difficile ; ils


font fcrupuleux , fuperftitieax & fe fcan
dalifent très facilement. On ne doit pas
oublier de dire que pour bien débuter
dans ce pay-là & commencer d'accrédi
ter la nation , il faudrait que les négo
cians que l'on mettrait à la tête de ce
Commerce , fuffent des gens d'une pro
bité reconnue , riches & en outre coulans
dans les affaires , qu'ils euffent de bonnes
mœurs & rempliffent avec la plus fcrup .
leuſe exactitude les devoirs de la religion
romaine : ce dernier article furtout eft in
difpenfable pour réuffir auprès d'un peuple
religieux , extrêmement attaché à la reli
gion chrétienne , méprifant fouveraine
ment tous ceux qui paraillent en négliger
tant foit peu l'obfervance & les traitant
de Luthériens & de Calviniftes , fans
comprendre le fens de ce qu'ils difent ,
mais uniquement parce que leurs prêtres
& les moines Italiens ne leur en parlent
qu'avec horreur.
Pour donner des idées encore plus pré
cifes & mettre le Miniftere à même de
calculer ce projet avec plus de folidité ,
on finira cet article par un détail des
Douanes , & autres droits & des frais de
tranfport.
H 7
182 COMMERCE DE LA

A Batoum , il n'y a point de Douanes


d'entrée ni de fortie par mer , mais feu
lement un Droit de 2 piaftres par chaque
charge de cheval fur toutes les marchan
difes qui entrent & qui fortent par terre :
à Akalziké la Douane d'entrée & de fortie
eft de 5 pour cent & de 6 à Trébifonde :
à Erzerum les Arméniens & tous les Raïas
payent également 6 pour cent : mais on
croit que dans toutes ces places qui appar
tiennent aux Turcs , on pourrait fe pré
valoir des privileges accordés aux Fran
çois & aux autres nations Européennes
par le Grand-Seigneur & réduire la doua
ne à 3 pour cent en vertu des Capitula
tions. A Tauris , à Erivan , à Guendjé , à
Chabmaké & dans toutes les places de la
domination des Perfans , on paye la
douane fur le pied de 5 abaffis (6 livres)
par charge de cheval : à Tifflis, il n'y a
que le droit de Badge , à raiſon de 2 pour
cent.
Lorſque l'on achete de la foie des Per
fans & autres fujets de Perfe , on paye le
droit de Mizan ; favoir , à Guendjé 3
abaffis (3 liv. 12 fols ) par livre (7 t
13 onc. ) ; à Chahmaké 2 abaffis (3 livres)
& à Tiflis 5 chahis , ( 1 liv. 10 fols) par
batman de 6 ocques ( 18 12 onc.).
MER NOIR E. 183

Lorfque la foie fort du pays , elle n'eft


plus fujette au droit de Badge ; mais celle
qui y entre , paye ce droit fur le pied de
3 nadiris (9 livres) par chaque 24 bat
mans , (450 .) L'on peut éviter cette
dépenfe en faifant paffer la foie directe
ment de Guendjé & de Chabinaké où on l'a
chette , en droiture à Akalziké , & de- là à
Batoum , fans la faire paffer à Tifflis. Mais
lorfque ce plan ferait bien digéré & que
l'on voudrait le mettre à exécution , la
perfonne chargée de cette négociation
pourrait traiter pour tous ces Droits , &
prendre les arrangemens néceffaires pour
régler les dépenfes de négoce & diminuer
les frais autant qu'il ferait poffible.
De Batoum à Akalziké , on tranfporte les
marchandiſes fur des chevaux : la charge
de chaque cheval eft de 20 batmins
(375 ft) & coûte ro ifelottes , qui font
7 piaftres de Turquie ( 22 livr. 1o fols).
On en trouve fouvent de retour à meil
leur marché. D'Akalziké à Tifflis , le
chemin étant beaucoup plus beau , le
cheval porte 24 batinans (450 ft) &
coûte - là 7 ifelotres , fefant 54 piastres
( 15 livres 15 fols) & même beaucoup
moins , lorfque l'on peut profiter des
chevaux de retour. A Tifflis l'on voit
184 COMMERCE DE LA

journellement arriver des Caravannës de


Guendjé , de Chahmaké , d'Erivan , de Tau
ris & d'Erzerum : on y trouve beaucoup
de chevaux & de chariots à très bon
compte , & tous les mois il part 150 à 200
bonnes voitures pour Erivan , Tauris &
Erzerum , que l'on peut louer pour très
peu de chofe.
z

LA PROVINCE DE TREBISONDE ,

OU

LA CÔTE DES LAZES.

LA Côte des Lazes s'étend le long de la


Mer Noire , depuis Rizé jufqu'à Kirri
foun , anciennement Cérifonte , inclufive
ment, •
1
Ses Places maritimes font Trébifonde , I

Rizé , Hafpié , Triboli & Kirrifoun.


Dans les terres font les villes d'Of,
Surminé , Gumuche - Khana , & le bourg
de Khuré , auprès duquel on trouve les
mines inépuifables de cuivre , qui four
niffent de ce métal à tout l'Empire Otto
man.
Les troubles continuels qui regnent à
MER NOIR E. 185

Trébifonde depois tant d'années, ont ren


du infenfiblement Rizé , la plus floriffante
ville de commerce de cette province ;
ainfi c'cft par elle que l'on commencera
cet article.
RIZ É.

Cette ville eft fituée à trois milles d'un


Port forain , dont l'entrée eft exposée au
Nord- Eft; il eft large & profond &
peut contenir de très gros navires &
méme des vaiffeaux de guerre : les bâti
mens y fouffrent un peu , lorfque le vent
d'Eft regne , parceque le Port eft décou
vert du côté du Levant : le fonds en eft
de fable: la ville n'eft pas grande , mais
contient au moins 30,000 habitans ,
parmi lefquels 3 à 4000 Raïas : il n'y
a point de Juifs.
Le Commerce maritime de Trébifonde
fe fait fouvent par Rizé , lorfque la guerre
inteftine qui ravage la premiere de ces
villes , empêche les bâtimens d'y abor
der; alors ils apportent leurs marchan
difes à Rizé : celles qui ont payé la douane
dans celle - ci ne payent rien à Trébi
Jonde , de même que celles qui ont ac
quitté les droits à Trébifonde en font
affranchies à Rizé
186 COMMERCE DE LA

Commerce d'Entrée.

20 Ballots de Draps Londrins feconds


de 2 à 3 piaftres le pic : quelque peu de
Nifmes. Les Draps Anglais & Hollandais
y ont peu de cours,
10 à 12000 pics de Serges impériales ,
de 30 paras le pic.
8 à 10,000 pieces de Bours de Magné
fie, de 60 à 90 paras la piece.
1000 à 1200 pieces de Coutnis de
Brouffe , de 14 à 15 piaftres la piece ; &
autant de ceux de Conftantinople , de 10
à 11 piaftres.
500 pieces de Dulbents ou Mouffelines
appellées Dévé - taban , de 18 à 19 piaftres
la piece .
Le commerce des Toileries, comme Bo
caffins , Aftars , Indiennes eft immenſe.
1000 à 1200 Turbans noirs , appellés
Poches ; ils viennent de Brouffe & fe ven
dent de 20 à 22 piaftres .
1000 Bonnets de Tunis ; 500 de
grands , de 80 à 90 paras , & autant de
petits , de 55 à 60 paras.
15 à 20000 Bonnets de France ; il
faut en porter plus de grands que de pe
tits: les premiers de 50 à 60 paras , &
les autres de 35 à 40.
MER NOIRE. 187

3 à 4000 Ceintures de laine rouge de


Gerbé , de 55 à 60 paras.
1000 Chals blancs de ferge de laine de
Gerbé , pour envelopper la tête , de 65 à
70 paras.
5 à 6000 Chals rouges pour le même
ufage , qui viennent du Caire , de 45 à
50 paras.
1500 Cabans de laine , de Salonique ,
dont 500 grands de 11 à 12 piaftres &
même de 14 , avec la pluche ; 500 Saute
en-barque , à 6 piaftres & autant de pe
tits , fans manche , en forme de camifolle ,
de 2 à 2 piaftres la piece.
2000 paires de Babouches jaunes , avec
les chauffons appellés mefis , de 70 à 80
paras ; un pareil nombre avec d'autres
chauffons appellés Terlik , de 60 à 65
paras l'affortiment ; & 5 à 6000 paires
de Bottes noires de 2 à 3 piaftres la
paire.
1000 Couvertures de Yamboli , de 4
piaftres la piece .
20 Balles de Pechtmals ou ferviettes
bleues du Caire : la balle de 500 de 15
à 20 paras la piece , fuivant la qualité.
5 à 6coo quintaux de Lin d'Egypte , de
23 à 24 pialtres le quintal : il fert à la
"
fabrication de ces fameufes toiles de Tré
Iss COMMERCE DE LA

bifonde , dont nous parlerons à l'article


de Sortie. 3
7 à 8000 quilots de graine de Lin , de
22 ocques l'un , de 80 à 90 paras le
quilot.
Quelque peu d'Indigo & d'autres tein
tures.
25 à 30 quintaux de Poivre , de 80 a
90 paras l'ocque.
5 à 600 quintaux de Gingembre , dé
go à 5 paras l'ocque.
Les Epiceries fines y ont peu de
dobit.
50 à 60 fardes de Caffé Moka , il n'y
én vient point de celui de France ; tout
le Caffé paffe en contrebande. Il vaut de
2 à 3 piaftres l'ocque.
30 à 40 quintaux de Sucre en petits
pains : cet article donne un bénéfice de
25 à 30 pour cent fur le prix de Con
ftantinople.
200 à 250 quintaux d'Etain , de 2 à
2 piaftres l'ocque : le Sel ammoniac pour
l'étamage s'y vend en proportion -comme
en Crimée.
3 à 400 quintaux de Plomb , de 10 à
12 piaftres le quintal .
10 à 12 barrils de Mercure , pour
plufieurs ufages & furtout pour la dorure.
MER NOIRE. 189

50 à 60 caifles d'Acier , qui s'y vend


avec un très grand avantage.
1500 à 2000 quintaux de Fer en barre
de Romelie , de 13 à 14 paras l'ocque.
8 a 10,000 fers de cheval avec les clouds:
ils viennent de Romelie en gros à 35
paras , & en détail 45 l'affortiment : ceux
du pays ne valent rien.
La Poudre à tirer vient en contrebande
de Conftantinople. Si l'on pouvait y en
porter , le débit irait à 200 quintaux : la
bonne poudre de France s'y vendrait 2
piaftres l'ocque.
100 à 150 quintaux d'Encens , de 60
à 65 paras l'ocque.

5 à 600 caiffes de Savon de Candie , de
18 à 20 paras , & autant de celui de
Smyrne de 12 à 13 paras l'ocque.
1500 à 2000 quintaux d'huile de Me
telin , de 12 à 13 paras l'ocque.
25 à 30,000 ocques de Tabac de Salo
nique , de 20 à 22 paras & jufqu'à 24
l'ocque.
5 à 6000 ocques de Tabac de Ruffie ,
de 1 à 12 paras & jufqu'à 15.
5 à 600 couffes de Riz du poids de
110 à 120 ocques ; 200 du Caire & 400
de Philippopoli ; le premier de 60 paras
190 COMMERCE DE LA

le quilot de 10 ocques , & le fecond de


40 à 42 .
150 facs de Kenas , de 120 ocques
l'un , de 10 à 12 paras l'ocque.
50 à 60 ballons de Papier de 24 pour
les fenêtres. Cet article donne un grand
bénéfice ; il fe vend en détail jufqu'à 5
paras la main.
Les Pelleteries font un article aſſez
confidérable ; on y débite chaque année
environ Icco pelliffes de Nafé , de 30 à
40 piaftres ; autant de Gueudjen de diver
fes qualités , de 16 à 22 piaftres ; 7 à
800 Pelliffes de chat , de 8 à 9 piaftres , &
environ 1500 Pelliffes de moutons , de
6 à 7 piaftres. La plupart de cet Pellete
ries viennent de Crimée. Les maiſons
Européennes établies à Caffa pourraient
fpéculer fur cet article.
4 à 500 quintaux de Pafturmas , ou
viande falée , qui vient de Caffa & de
Kily , de 6 à 7 paras l'ocque , en gros ;
& de 10 en détail,
Le Commerce des fruits fecs , figues
& raifins y eft très conſidérable : il en
vient 7 à 8 chargemens de Confantino

ple & fe vendent comme en Crimée.


Des Olives noires , dont le débit eft
MER NOIR E. 191

d'environ 1000 quintaux , de 4 à 5 pa


ras l'ocque.
100 à 150 barrils d'Olives vertes , con
fervées dans l'huile , de 13 à 14 paras
l'ocque.
2 à 300 quintaux d'Eau ou Jus de li
mon cet article donne un profit im
menſe.
Quelques chargemens de limons &
d'oranges ; les premiers fe vendent de
12 à 13 piaftres le millier & les oran
ges de 2 à 3 paras la piece.
8 à 10,000 ocques de Beurre de deux
qualités , la premiere de 20 à 22 paras ,
& la feconde de 15 à 16.
5 à 6coo ocques de Miel , de 10 à
12 paras l'ocque.
Ces deux derniers articles viennent
des Etats du Khan .
Le pays ne produit point fuffifamment
de Grains pour la fubfiftance des habitans ;
il vient de dehors chaque année 12 à 15
chargemens de bled , d'orge & de millet ;
les deux premiers articles viennent des
environs du Danube & le millet de Cri
mée , d'où il s'expédie auffi quelques
chargemens de bled en contrebar de.
(Voyez à l'article de Crimée , pag. 82
& fuivantes).
192 COMMERCE DE LA

Le dernier voyage que font les bâti


mens de Rizé avant la clôture de la navi
gation , c'est -à - dire en Octobre & No
vembre , eft pour l'achat des denrées &
des provifions d'hiver. On peut y com
prendre trois ou quatre chargemens de fel
de Crimée & de Valachie.

Commerce de Sortie.

Les Toiles font le principal article de


fortie de Rize : c'eft un objet de plus de
500,000 piaftres : elles font connues
fous le nom de Toiles de Trébifonde & fe
répandent dans tout l'Empire Ottoman.
Elles font de trois qualités différentes ; la
plus haute paffe en Egypte pour les voiles
des femmes ; la feconde paffe à Conftan
tinople & à Alep , & la derniere fe dé
bite à Bagdad , dans la Syrie & au Caire
pour les chemiſes groffieres des Arabes.
$ Le prix de ces toiles fur le lieu eft de
10 à 30 paras le pic : à Conftantinople
elles valent de 18 à 50 paras fuivant la
qualité ; elles fe vendent à proportion
dans les pays plus éloignés.
Il fort de Rizé une quantité prodi
gieufe de Cuivre ouvré & en lingots ,
dont
MER NOIRE. 193
- dont toute la Province de Trébifonde eft
une fource intariffable.
40 à 50,000 ocques de cire, moins belle
& moins nette que celle de Crimée : on
l'achete brute fur le lieu de 28 à 30 paras
l'ocque ; mais le déchet eft confidérable :
elle paye 20 paras de Nolis par quintal
pour Conftantinople , où elle paffe.
5 à 6000 beaux cuirs de bœufs & 1000
à 1500 cuirs de buffles , dont la qualité
& le poids déterminent le prix , qui eſt à
peu près le même qu'en Crimée,
Le chanvre eft un article confidérable :
jl en paffe chaque année 12000 quintaux
de non travaillé à Conftantinople , de
4 piaftres le quintal , & 3 à 4000 quintaux
en filaffe , de 6 piaftres le quintal.
10 à 12 chargemens de noifettes & de
noix ; les noifettes de 90 à 100 paras le
quintal & les noix de 10 à 12 paras le
millier.
30 à 40,000 quintaux de Nardenk de
deux fortes , de 6 à 7 paras l'ocque.

O F.

C'eft une ville dans les terres à 6 lieues


de Rizé & à 3 ou 4 de Trébifonde : elle
1.3 torI J
304 COMMERCE DE LA

contient 50,000 habitans , parmi lesquels


il y a beaucoup de gens de Loi.

SURMINÉ.

Petite ville affez éloignée de la mer , à


lieues de Rizé : on y compte io à 12000
habitans. T
Ces deux villes tirent tous les articles
dont ils ont befoin de Rizé , où elles
envoient les marchandiſes de leur crû,
La confommation de celles d'entrée dans
ces deux places double à peu près la quan
tité que l'on a déterminée en parlant du
Commerce de Rizé.
Entre Rizé & Surminé, il y a un petit
Port appellé Efpet , qui ne peut contenir
que des petits bâtimens. Les gros ne peu
vent pas y demeurer en hiver: ils n'y
entrent pas même en été fans une néces
fité abfolue : le fond eft de roche.

TREBI S O N D E.

C'est la ville la plus confidérable qu'ily


ait fur les bords de la Mer Noire : on y
Compte environ 100,000 habitans , par
mi lefquels près de 10000 Raïas. Il n'y
a point de Juifs : elle eft fituée dans une
ye
MER NOIRE. 195

' Rade qui n'eft pas du tout fare : aux en


virons font trois petits Ports dont le meil
leur eft celui que l'on appelle Platana.
Cette ville était autrefois plus floris
fante qu'elle ne l'eft aujourd'hui : les guer
res inteftines que l'ancienne querelle de la
XXVe & de la LXIVe Compagnie des
Janiffaires a occafionnées , ont réduit
cette ville dans l'état le plus déplorable.
Utchendji- Oglou - Omer -Pacha & He
kim -Oglou - Ali- Pacha étaient fucceffive
ment parvenus à appaifer les troubles par
les exemples les plus effrayans des exé
cutions fanguinaires & la difcipline la plus
févere ; mais en 1758 & 1759 , le des
ordre s'eft renouvellé plus que jamais , au
point que le Commerce de cette Place a
été totalement interrompu. Les habitana
n'ofaient fortir de leurs maifons ; l'herbe
croiffait dans les rues , dans les marchés,
& un très grand nombre d'habitans , fur
tout les Raïas , ont été forcés d'abandon
ner la ville & d'aller chercher leur repos
& leur fûreté à Caffa , à Rizé & dane
d'autres places.

Commerce d'Entrée.

Trébifonde eft de toutes les villes de


Iz
196 COMMERCE DE LA

la Mer Noire celle dont le Commerce eft


le plus étendu & le plus avantageux dans
les tems de tranquilité. Il n'y a aucune
forte de marchandiſe que l'on ne trouve
à y vendre avec bénéfice : fon Commer
ee eſt le même que celui de Rizé , avec
cette différence que Trébifonde confom
me une plus grande quantité de tous les
articles que l'on a indiqués : on peut donc
s'en rapporter à ce qui a été dit ci - des
fus. On fe borne à ajouter ici un détail 1
des marchandiſes propres à Trébifonde &
qui n'ont que peu ou point de cours à
Rizé.
Les Etoffes de foie de Scio & de Ve
nife y ont un débit très confidérable ;
elles s'y vendent avec bénéfice & don
nent le même profit qu'en Crimée : on
pourrait y introduire nos étoffes & nos
dorures de Lyon ; la ville eft affez riche
pour eſpérer d'en débiter une affez grande
quantité. On fe contente d'exhorter
ceux qui entreprendront le Commerce de
la Mer Noire à en faire au moins un
petit effai.
Les Epiceries fines , comme Canelle ,
Geroffles , Mufcade y ont un grand débit ;
il ferait plus avantageux de les vendre en
détail qu'en gros. On pourrait avoir des
MER NOIRE. 197

facteurs en boutique pour vendre à peti


tes parties toutes les marchandifes qui
exigent du détail.
Comme la Porte Ottomanne a défendu
l'exportation du Caffé dans la Mer
Noire; on pourrait le faire venir à Tré
bifonde & à Rizé en tems de tranquilité
` par les Caravannes de Smyrne , & une
de ces deux villes fervirait de place d'en
trepôt pour le répandre de-là dans toute
l'étendue de la Mer Noire , & en verfer
une grande quantité à Batoum pour l'ex
pédier dans la Mingrelie , les deux Geor.
gies & de-là en Perfe. L'on pourrait en
core le mettre dans des tonneaux à deux
fonds , qui feraient remplis d'autres mar
chandiſes aux extrémités.
Il s'y vend auffi une grande quantité
d'Indigo , de Cochenille & de Bois de
teinture , qui y viennent de Smyrne , ainfi
que les Epiceries par les Caravannes , &
que l'on pourrait y porter directement de
Conftantinople par la Mer Noire avec
moins de frais & plus d'avantage.
Les Quincailleries y réuffiffent affez
bien: on ne rifquerait rien d'y en porter
tous les ans 7 à 8 caiffes , compofées
des mêmes articles indiqués pour la
Crimée.
I 3
198 COMMERCE DE LA

L'horlogerie pourrait y prendre faveur;


on y vendrait aifément & avec bénéfice
5 à 600 montres d'argent de 45 à 50
piaftres , & 100 à 150 montres d'or de
100 à 120 piaftres fuivant les occafions :
mais il faudrait obferver de n'y en porter
qu'un petit nombre à la fois , avec les
cadrans d'émail , dont les heures foiene
en chiffres arabes , & quelques autres.
avec les caracteres Arméniens.
On ne comprend dans cet article du
Commerce d'Entrée de Trébifonde que
ce qui vient par la Mer Noire. Le trafic
de cette Place avec la Natolie & la Perfe
eft immenſe. Les Caravannes de Smyr
ne , d'Alep , de Damas , de Diarbekir ,
de Tokat , d'Erzerum , de Van , de Kars ,
de Tauris & de Tifflis y portent une quan
tité prodigieufe de toutes fortes de mar
chandifes , que l'on ne regarde point
comme du reffort de la Mer Noire , mais
qui feraient pour nous des articles de for
tie dont on pourrait faire des retours.

Commerce de Sortie.

Le Cuivre eft le principal article de


fortie de Trébifonde : les marchands de
cette ville fe le procurent aux Mines à
NER NOIRE 199

raifon de 24 piaſtres le batman de 6 oc


ques. Ils le raffinent & le vendent 3 pias
tres , ce qui revient à 11 fols 8 deniers de
France la livre de notre poids. On en
fait des envois dans l'étranger. Le cuivre
ouvré dont on débite auffi une quantité
énorme , fe vend à raifon de 30 paras
l'ocque , ou 15 fols de France la livre ,
pour les grands ouvrages comme chaudie
res, chauderons , marmites , cafferoles ,
poëlons , baffins , cuvettes &c. Les pe
tits - fe vendent à piece. Tous les ans un
vaiffeau de guerre du Grand - Seigneur
vient à Trébifonde charger du Cuivre en
lingots ou en pains ; il en enleve pour
le Beilik 12000 quintaux , qui font le pro;
duit de la dixme des Mines. Le refte da
chargement n fe fait pour le * compte des
particuliers.
Il fort de Trébifonde & de fon terri
toire une prodigieufe quantité de ces toi
les dont on a parlé à l'article de ་ Rize:
elles font du même prix.
Une plus grande quantité de cire qu'
Rizé, le prix en eſt le même.
L'article des cuirs de boeufs & de buf
fles eft très conſidérable .
2
11 fort encore de cette ville 15 à 26
1 :4My J
9
200 COMMERCE DE LA

chargements de noix & de noifettes,


poires feches, dattes noires & nardenk.

GUMUCHE - KHANA

Eft une petite ville à 18 lieues de Tré


bifonde , qui s'eft formée peu à peu par
le concours des gens qui font venus tra
vailler aux Mines du voifinage. Toutes
les montagnes qui font autour de cette
ville renferment des Mines d'or & d'ar.
gent. Il y en a trois d'or pur , & plu
fieurs autres qui donnent de l'argent mélé
de quelque peu d'or. Tout homme arri
vant-là , peut travailler à ces Mines , & en
obtient facilement la permiffion de l'offi
cier de la Porte qui en a la direction ;.
mais on ne peut vendre qu'au Miri ou au
Fifc : toute la matiere que l'on retire , doit
être portée chez le Directeur , qui ne paye
l'argent coupelé fur le lieu qu'à raifon de
19 afpres , ou 6 paras i afpre la dragme
(9 fols 6 den. le gros,ou 3 liv. 10 fols l'once)
& l'or pur en poudre fur le pied de 3 pias
tres le miſcal d'une dragme & demie: ce
qui revient à 6 livres de France le gros.
C'eft-là le droit que le Grand- Seigneur fe
réferve ; il monte à environ 30 pour cent
en évaluant ces métaux à leur prix ordi
naire.

·
I
MER NOIRE 201

naire. Cependant il paffe beaucoup d'or &


d'argent en contrebande , & le Directeur
lui -même ferme les yeux , moyennant
une petite retribution . Tous les trois
mois il y a une Caravanne pour Conftan
tinople , qui part pour porter au Grand
Seigneur le produit des Mines qui entre
dans le tréfor & n'en fort que pour aller
à la monnoye, Ces Mines commencent
à s'épuifer ; il n'y a plus aujourd'hui que
18 fourneaux qui travaillent . La petite
ville de Gumuche - Khana fituée à la fource
de toutes ces richeffes , s'agrandit tous
les jours & devient floriffante. L'opulence
des mineurs en a fait un féjour agréable : à
mefure qu'ils s'enrichiffent , ils cherchent à
fe procurer toutes fortes de commodités
& de plaifirs ; le luxe même a commencé
de s'y introduire : plufieurs mineurs mê
me s'y établiffent après avoir fait for
tune & d'autres y diffipent tout le profit
qu'ils y ont fait.
L'on peut débiter à Gumuche - Khana
une certaine quantité de marchandifes
d'entrée dont on a parlé à l'article de
Rize , & qui s'y vendent avec avantage.
Le territoire de cette ville produit
beaucoup de cire & de miel , que l'on
porte à Trébifonde 244 J
1 5
202 COMMERCE DE LA

KHURÉ

Eft un bourg de 4 à 500 maifons,


éloigné de quatre journées de Trébifonde.
C'eſt dans fon territoire que font les Mines
inépuifables dont on tire tout le cuivre
qui va à Trébifonde , à Rizé , à Hafpié & à
Triboli. Il eft de même permis à chacun
de travailler à ces Mines , moyennant la
dixme des métaux en nature que l'on
paye au Grand- Seigneur. On trouve fou
vent avec le cuivre de l'or & de l'argent
dont on fait la ſéparation à l'ordinaire :
on eft obligé de vendre les métaux pré
cieux au Miri , au taux ci - deffus ; c'eft
le Directeur de Gumuche- Khara qui a l'ad
miniſtration générale de toutes les Mines
de la province. Il n'y a à Khuré aucune
efpece de commerce.

HASPIE

Eft un petit village habité par les plus


méchants habitans de toute la Côte : auffi
les Capitaines l'évitent - ils autant qu'il
leur eft poffible , d'autant que la rade
n'eft pas fure. C'eſt pendant l'été le lieu
d'entrepôt du cuivre de Khuré , parce
qu'on le tranfporte de - là à Hafpié, qui
MER NOIRE 203.

n'en eſt éloigné que de deux journées, &


de -là par mer à Trébifonde ; les fraiss
font peu de chofe. Il y a très peu de
commerce. y 64.
TRIBOLI

Que l'on appelle auffi Tripoli , eft un


bourg à 8 lieues Sud- Eft de Trébifonde ,
dans une rade pea fare , où les bâtimens
ne peuvent pas hiverner. On y débite
quelques marchandifes d'entrée.
Le principal Commerce de fortie eft le
vin rouge que produit fon territoire : it
a du corps & de la force & vaut fur les
lieux de 3 à 4 paras l'ocque (4 fols la
pinte), v. ‫اری‬ HI
Le cuivre y eft en très grande abon
dance.
3 à 400 ocques de cire affez bonne , de
38 à 40 paras l'ocque. 1. 2
Quelque peu de foie fine de 5 à
piaftres l'ocque .
Plufieurs chargemens de fruits fecs

KIRRISO UN J
91 9 Care
Autrefois Cerifonte , ville du Royaume
de Pont, d'où Lucullus apporta les pre
miers cerifiers en Italie , qui de - là fe font
16
204 COMMERCE DE LA

répandus dans toute l'Europe , comme


les abricots qui viennent d'Armenie , &
les pêches de Perfe. C'eſt une ville
affez grande à 8 lieues à l'Oueft de Tri
boli. Son Port eft bon pour les petits bâti
mens ; mais les gros ne peuvent gueres
y aborder. Cette ville contient 25,000
habitans.
Les marchandifes d'entrée dont on a
parlé à l'article de Rizé , y ont cours ; le
débouché en eft affez confidérable & le
prix à peu près le même.
Le territoire de cette ville fournit une
grande quantité de foie de la même qua
lité & du même prix que celle de Triboli.
Le Commerce des fruits fecs y eft im
menfe ; les cerifes croiffent en grande
abondance dans les environs : on croit que
le nom de ce fruit tire fon origine de
celui de cette ville , fi même il ne lui a
pas donné fon nom.

OBSER VA TIONS.

Les Poids & les Mefures font les mê


mes dans cette province que dans le
refte de la Turquie.
La Monnoye la plus commune eft celle
du Grand Seigneur , de toute efpece & au
MER NOIR E. 205

même prix que dans la Capitale de l'Empire


Ottoman ; la monnoye de Perfe y a cours .
auffi , mais elle y eft plus rare. Les fe
quins Venitiens y paffent affez couram
ment & la fevillanne s'y vend au poids de
la matiere . Toutes les autres monnoyes
n'y font point connues.
Il y a environ 30 ou 35 ans , en 1725
ou 1730 , que l'on avait imaginé d'établir
des Français à Trébifonde & d'y faire
venir des marchandifes de Perfe par Er
zerum , pour les tranfporter de - là par la
Mer Noire à Conftantinople. On aurait
par ce moyen épargné des grands frais ,
lefquels font inévitables , quand ce Com
merce fe fait par Smyrne & par Alep.
Plufieurs difficultés empêcherent alors
'exécution de ce projet & la difcorde
civile qui regne dans cette ville depuis tant
d'années le rend aujourd'hui abfolument
impraticable ; les Négocians n'y trouve
raient ni fûreté , ni liberté , ni protec
tion ,trois points fans lefquels aucune forte
de Commerce ne peut fe foutenir. L'ex
pédient propofé de faire le Commerce de
Perfe par la Georgie , leve tous les obfta
cles & paraît préférable à tous égards : il
ferait imprudent de tenter le moindre
trafic à Trébifonde avant que la tranquil
17
208 COMMERCE DE LA

life y. foit parfaitement rétablie. Il y a


deux ans , en 1760 , les troubles duraient
encore ; la guerre s'y était rallumée avec
plus de fureur que jamais & le Commerce
y était prefqu'entièrement anéanti . Il eft
par conféquent impoffible dans ces tems de
calamité , d'avoir des avis certains du
prix actuel de marchandifes ni de la quan
tité que l'on doit y emporter, Ce que
l'on vient de dire du Commerce de Tré
bifonde fuppofe des tems plus heureux &
des circonſtances plus favorables ; on a
voulu feulement donner une idée de ce
que l'on pourrait entreprendre fi le Mi
niftére Ottoman parvenait quelque jour
à y rétablir le bon ordre. C'est pour cela
que l'on s'eft beaucoup plus étendu fur
Rizé , qui eft aujourd'hui l'échelle la plu's
fréquentée de cette Côte, dont le com
merce eft de la même nature que celui
de Trébifonde , & la feule où l'on pour
rait former , un établiffement Européen
avec quelque folidité .
-Les bâtimens affectés à la Côte deb
Läzes font trois gros navires à trois mâts
appellés Sambéquins de 10 à 12000 quilots
de portée de 22 ocques chaque. (Envi
ron 400 tonneaux) ; 22 Saïques , de 5 à
6000 quilots , & à peu près 40 petits
bâtimens appellés Melexès.
MER NOIRE. 207

Le Nolis des diverfes marchandiſes eft


à peu près le même qu'en Criméc & fe
foutient prefque toujours au même taux.
Quand on nolife un bâtiment en entier ,
c'eft la rareté ou l'abondance de ces bâti
mens qui détermine le prix du fret.

CÔTE DE NATOLIE

JUSQUES À

CONSTANTINOPLE.

TOUTES les villes qui bordent cette Côte


depuis Kirrifoun jufqu'à Conftantinople ,
à l'exception de quelques - unes , font
affez peu de Commerce d'Entrée , lequel
eft le même que celui de Rizé,
Celui de Sortie ne confifte qu'en fruits
fecs & frais , en bois de conftruction &
de batiffe.
Nous ne ferons ici mention que des
villes qui méritent quelque attention .
Ounia, Cette place eft la principale
Echelle du Commerce de tranfit de To
cat; on y embarque la majeure partie
des Bocaffins qui s'y fabriquent.
Il en fort 35 à 40,000 quintaux de
208 COMMERCE DE LA

chanvre dont le prix eft de 4 à 44


piaftres le quintal non travaillé , & de 6
piaftres en filaffe.
Une affez grande quantité de foie, la
qualité en eft bonne , depuis 5 à 6 pias
tres l'ocque.
Une grande quantité de cuirs de bœufs
& de buffles de très bonne qualité , dont
la grandeur regle le prix.
Samfoum; cette place n'a rien de re
marquable qu'une tour célebre qui eft or
dinairement le tombeau de ceux que l'on
veut faire périr fans les condamner à
mort. I n'y a d'autre Commerce d'En
trée que quelque peu de denrées , & ce
Jui de Sortie eft le même que celui d'Ounia.
C'eft la place d'entrepôt des toileries
d'Amafia.
-
Keupru Aghzi. Son principal com
merce eft avec Sinople : on y porte quel
que peu de denrées.
Il en fort une trentaine de chargemens
de fruits frais & fecs , comme pommes ,
poires , châtaignes , noix , cerifes & pru
nes feches.
5 à 6 chargemens d'ouvrages de bois
de toute efpece.
Cette place eft l'entrepôt d'une partie
des toileries de Kaftambol. Il n'y a point
de Douane..
MER NOIRE. 209

Guerzé eſt une petite ville de 5 à 6000


habitans: on y peut débiter avec avan
tage une petite quantité de marchandifes
d'entrée : favoir ;
2 Balles de Draps.
1 Caiffe de Fez ou Bonnets.
500 Ceintures de laine de Gerbé.
500 Chals.
Quelques Turbans de foie , appellés
Poches.
150 à 200 Pelliffes de Gueudjen.
4 à 500 ocques de Caffé.
Ces marchandifes viennent de Sinople.
4 à 5 chargemens de millet.
2 chargemens de Pafturmas.
2 chargemens de fel.
1 à 2 chargemens de tabac groffier de
Romelie & de Ruffie.
I chargement de noifettes , olives noi
res , figues & raifins fecs des plus baffes
qualités.
Ces marchandiſes y valent comme à Rizé.
Le Commerce de Sortie de cette place
font les fruits & les bois de conftruction
& de batiffe , qui y font à bon prix.

SINOPLE

Eft une grande ville bien peuplée d'en.


210 COMMERCE DE LA

viron 60,000 habitans , parmi lesquels


on compte 3 à 4000 Raïas Chrétiens :
il n'y a point de Juifs. Son port eft für
& fpacieux , & les vaiffeaux de guerre
du premier rang peuvent y entrer &
hiverner. Son commerce eft confidé
rable.
Commerce d'Entrée.

20 Ballots de Draps Londrins feconds ,


de 2 à 3 piaſtres le pic..
50 à 60 pieces de Camelots de France
unis & rayés , de 35 à 36 paras le pic.
12 à 15000 piaftres d'Etoffes de foie
de Veniſe & de Scio de diverſes efpeces.
4 à 5000 piaſtres de Satin de Venife.
La même obfervation pour nos Etoffes
de France.
19 2 à 3000 pics de Serges impériales , de
31 à 35 paras le pic.
1000 Bours de Damas , de 81 à
piaſtres la piece.
1000 Coutnis de Brouffe , de 14 à 15
piaſtres la piece.
4, a 5000 Anterists ou Veſtes de deffous ,
de Magnéfie très groffieres , tout fil ,
rembourrées de coton , longues & cour
tes , de 90 à 100 & de 55 à 60 paras la
piece.
MEX NOIRE 218

1000 pieces de Haffe-Dulbents , de 14


à 15 piaftres la piece de 24 pics.
2 à 3 caiffes de Bonnets de Tunis dè
baffe qualité ; les grands de 70 à 75 pa
ras , les petits de 45 à 50 paras.
4 caiffes de Bonnets de France , les
grands de 60 à 65 , les petits de 35 à 40
paras.
4 à 5000 Ceintures de Gerbé rouges &
vertes de 50 à 55 paras l'une.
30 Balles de Pechtmals bleus du Caire ,
de 500 pieces chaque balle , & de 15 à 20 ›
paras la piece.
5 à 5000 Chals rouges du Caire , de 45 ;
à 50 paras.
8 à 10000 piaftres de galons légers &
de dentelles d'or. La même obfervation
pour nos dorures de France.
5 à 6000 piaftres de fil d'or & d'ar
gent ; le premier de 24 à 25 paras le :
miſcal d'une dragme & demie.
2000 Couvertures de laine de Yamboli,
des plus communes , depuis 3 jufqu'à 5
piaftres.
2 à 300 Cabans ou Capotes de Salo
nique , de 10 à 11 piaftres les fimples ,.
& ceux avec la pluche jufqu'à 13.
Autant de Saut - en - barques , à 6
piaftres.
212 COMMERCE DE LA

Autant de petits fans manches , à 2


piaftres.
1500 à 2000 Culottes d'Abas de Salo
nique , depuis 51 jufqu'à 60 paras , fui .
vant la qualité.
4 à 5000 pieces de toiles des Darda
nelles , dont on fait des voiles & que les
payfans emploient pour faire des culot
tes , de 70 à 75 paras la piece.
5 à 600 Couvertures d'indienne , de
Smyrne , rembourrées de coton , des plus
communes , à 4 pialtres la piece.
1000 Feutres de Crimée appellés Ket
chès , de baffe qualité , de 55 à 60 pa
ras l'un.
2000 paires de Babouches , dont 1000
avec les Mests de 70 à 80 paras , & icoo
avec les Terliks , de 55 à 60 paras la
paire.
2000 paires de Bottines noires avec les
fers, à 3 piaftres.
1000 paires de Bottines jaunes fans
fers , de i10 paras à 3 piaftres.
2500 à 3000 piaftres de foye teinte en
laine de diverfes couleurs pour la brode .
rie & autant de blanche pour les rayes
des chemiſes , de 8 à 9 afpres la dragme
en détail
Autant de foye filée de toutes couleurs
MER NOIR E. 213

pour la couture , de 9 à 1o afpres la


dragme.
Cordonnets de foie pour border les ha
billemens , de 22 à 23 paras le paquet.
150 à 200 balles de coton de Smyrne.'
100 à 150 quintaux de Lin gris du
Caire , de 9 à 10 paras l'ocque.
2 à 3 petits chargemens de graine de
Lin , de 80 à 90 paras le quilt.
Les Teintures font un petit objet : fi
l'on pouvait fournir par Sinople les villes
de Kaſtambol , Amafia & Tokat qui en
emploient beaucoup , cet objet devien
drait important.
5 à 6000 piaftres d'Epiceries de toute
efpece qui s'y vendent avec bénéfice.
30 à 40 fardes de Caffé- Moka ,
de 90 à 100 paras l'ocque.
50 à 60 quintaux de Sucre de France
en petits pains.
Beaucoup de Sucre d'Egypte : il eft
d'un jaune doré & vaut de 40 à 45 paras
T'ocque.
3 à 400 quintaux d'Etain , de 80 à 90
paras l'ocque.
5 à 6 caiffes d'Acier.
5 à 6000 quintaux de Fer , de 10 à 11
paras l'ocque.
1000 allortimens de Fers à cheval , à
814 COMMERCE DE LA

85 paras l'affortiment de 4 fers avec les


clouds , & jufqu'à 45 paras en détail.
1500 facs de favon de Smyrne , à 12
paras l'ocque.
5 à 600 facs de favon de Candie , de
15 à 26 paras l'ocque.
1500 à 2000 quintaux d'huile de Me
telin , depuis 11 jufqu'à 13 paras l'ocque.
70 à 80 balles de Tabac de Kirdjali ,
de 22 paras l'ocque .
4 à 5000 quilots de Riz d'Egypte , de
55 à 60 paras le quilot & 2 à 3000 qui
Jots de celui de Philippopoli , de 38 à 40
paras le quilot de 10 ocques.
5 à 600 facs de fromages dits Kache
Kaval , de Romélie , de 9 à 10 paras
l'ocque.
50 à 60 gouffes de lentilles , de 16 à
47 paras l'ocque ; autant de feves blanches,
à 4 paras l'ocque.
1000 quilots de pois chiches , à 3
paras l'ocque.
100 à 150 facs de Kénas , à 10 paras
L'ocque.
8 à 10 chargemens de fruits fecs ,
comme raifins , figues , de la même qua
lité de ceux que l'on porte en Crimée &
au même prix.
5 chargemens de noifettes , à 4 pias
très le quintal.
MER NOIRE. 215

4
3 à 4 chargemens de Limons & d'O.
ranges ; les premiers de 6 à 7 piaftres le
4 millier , & les autres de 9 à 10 piastres.
25 à 30,000 ocques d'olives noires , de
to à 12 paras l'ocque.
2 à 3 chargemens de fuif de Moldavie
& de Romélie , de 15 à 16 paras l'oc
que. Cet article eft prefqu'employé pour
les bâtimens.
10 chargemens de Millet , à 50 paras
le quilot de Conſtantinople.
4 à 5 chargemens de feigle , de 55 à
бо paras le quilot.
60
2 à 300 montres d'argent & 40 à 50
montres d'or, au même prix qu'à Tré
bifonde.
5 à 6 caiffes de quincailleries de toute
efpece.
7 à 8 caiffes de vîtres de Venife , de
4 à 5 paras la piece.
4 à 5 caiffes de vitres à cabochon de
Conftantinople pour les bains.
C 100 à 150 ballons de papier de 24 ,
de 4 à 5 paras la main en détail , & un
peu moins en gros.
200 Peliffes de Renard de baffe qualité,
de 25 à 26 piaſtres.
100 Peliffes de Renard de médiocre
qualité , de 35 à 40 piaftres.
216 COMMERCE DE LA

50 à 60 Peliffes de petit gris com


mun , de 22 à 24 piaftres.
20 à 25 Peliffes de Sou -Jamour , de
100 à 120 piaftres.
3 à 400 Peliffes de Gueudjen , de 16
à 22 piaftres fuivant la qualité.
50 à 60 Peliffes de mouton noir , de
6 à 10 piaſtres.
Toutes ces Pelleteries viennent de Cri
mée & dé Moldavie.

Commerce de Sortie.

Le fil de Lin gris eft un des principaux


articles de Commerce de Sortie de Sinople.
C'eſt de ce fil que l'on fabrique les toiles
crues d'Aftar , pour les turbans d'ordon
nance des Janiffaires : la quantité qui en
fort , eft immenfe. Ce fil fe vend fur les
lieux en maffes d'un pied de longueur. La
maffe eft compofée de 13 écheveaux &
coûte 4 paras. On le revend à Conftan
tinople de 65 à 70 paras l'ocque : il faut
environ 11 à 12 maffes pour une ocque.
5 à 6000 ocques de cire affez nette.
Elle eſt toute blanche : il n'y en a point
de jaune. Elle vaut de 39 à 40 paras &
paffe toute à Conftantinople.
Beau
1
MER NOIRE. 217

Beaucoup de bois de conftruction &


de batiffe.
Le territoire de Sinople fournit tout
le goudron néceffaire pour les bâtimens
qui s'y conftruifent : il en paffe encore
outre cela 3 à 4000 quintaux à Conftan
tinople pour l'arfenal du Grand- Seigneur.
150 chargemens de fruits frais & fecs,
dont le détail eft inutile.
Les Perfans font un grand commerce à
Sinople en Etoffes de foie , Indiennes
Cambrefines , Lizats , Tapis & autres ar
ticles qui paffent de -là à Conftantinople
& ailleurs. On y trouve auffi des toiles
de Trébifonde , Aftars , Bocaffins , In
diennes ou Toiles peintes de Tokat , d'A
mafia , de Kaftambol & beaucoup de mar
chandifes de Natolie qui peuvent être
compriſes dans le Commerce de Sortie
de cette place.

OBSERVATION S.

Les Monnoyes de Turquie font celles


qui ont le plus de cours à Sinople : ce
pendant les Sequins Vénitiens , les Cara
grouchs & les Sevillanes y paffent avec
affez de facilité & donnent même quel
K
218 COMMERCE DE LA

quefois du bénéfice fur le prix de Con


ſtantinople.
C'eſt à Sinople que l'on conftruit la
majeure partie des vaiffeaux de guerre du
Grand- Seigneur. Il y a douze Chantiers
où l'on peut travailler douze vailleaux
à la fois: on peut y conſtruire en même
Jems jufqu'à 50 bâtimens marchands de
diverfes portées , pour la navigation de
la Mer Noire.
Les douze Chantiers des vaiffeaux de
guerre appartiennent au Miri : cependant
quand ils font vuides , les particuliers
peuvent les louer & y faire conftruire
pour leur compte. Les Chantiers des bâ
timens marchands appartiennent à divers
particuliers.
La fortie de tous les bois qui peuvent
fervir à la conftruction des vaiffeaux de
guerre eft prohibée fous des peines très
rigoureufes : il y a un Officier de la Porte
préposé pour faire couper & travailler
ces bois. Les frais de la coupe & du
tranſport font réglés par un Tarif qui ne
varie point.
Il refte à parler du prix de la conftruc-,
tion des divers bâtimens que l'on fabrique
à Sinople. Un vaiffeau de guerre de deux
ponts percé pour 70 pieces de canon ne
MER NOIR E. 219

coûte au Grand - Seigneur , lancé à l'eau ,


avec fa mâture , fans cordages , voiles
ni batterie , que 15 à 16000 piaftres.
Les bâtimens marchands à trois mâts
avec l'entrepont de 23 à 24 pics de lon
gueur, reviennent de 17 à 1800 pias
tres , & les Saïques à caiffe de 22 pics
de longueur coûtent de 12 à 1300
piaftres.
Quel avantage ne feroit - ce pas pour
nous , s'il était poffible d'obtenir de la
Porte la permiffion de conftruire des
vaiffeaux de guerre dans ce Port ! Il naît
quelquefois des circonftances ) dáns les
quelles on pourrait peut - être faire accep
ter une pareille propofition au Miniſtere
Ottoman , & l'exécution d'un femblable
projet ne ferait peut-être pas impoffible
à un Ambaffadeur habile qui faurait choi
fir.& profiter de certains momens heu
reux & préfenter adroitement les objets
du côté le plus favorable.
*
Akliman eft un village fitué fur le bord
de la Mer Noire: Son Port eft petit &
excellent pour les petits bâtimens ; les
gros ne peuvent pas y aborder : il n'y a
aucun Commerce d'entrée : il en fort feu
lement 5 à 6 chargemens de divers fruits ,
comme poires , pommes , châtaignes ,
K 2
220 COMMERCE DE LA

&c. & 15 à 20 Chargemens des mêmes


bois de conftruction & de batiffe qu'à Si
nople & du même prix.
Enéboli ou Néapolis eft un bourg de 5 å
600 maiſons , fitué fur le bord de la mer;
il y a une Douane ; 4 à 5000 habitans ,
parmi lefquels 200 Chrétiens & point de
Juifs. La Rade n'eft pas füre : il y a
4 chantiers où l'on conftruit des Saïques de
16 à 18 pics de longueur , qui reviennent
lancées à l'eau de 1000 à 1100 piastres.
On y débite:

Commerce d'Entrée.

2000 Saut - en - barques d'Abas de Sa,


lonique , de 45 à 50 paras.
2000 Culottes de la même étoffe , de
60 à 65 paras. :
2 à 3000 paires de Bottines noires avec
les fers , de 110 paras à 3 piaftres.
8 à 10,000 pieces de toiles d'Aftar pour
les Turbans des Janiffaires , (cet article
eft de tranfit) du prix de 40 à 50 parás
la piece.
5 à 6000 quintaux de fer pour les
clouds , chevilles , crampons , & autres
pieces néceffaires pour la conſtruction
des bâtimens que l'on fabrique dans cette
MER NOIRE. 221

place & dans fon voifinage , du prix de


io à paras l'ocque.
120 à 150 quintaux de lin gris , du
Caire , de 9 à 10 paras l'ocque.
2 chargemens de Noifettes de Rizé,
de 4 à 5 piaftres le quintal.
"
50 balles de Tabac de Kirdjali , à 22
paras l'ocque.
15 chargemens de fruits fecs de Smyr
ne, comme raifins & figues , de 16 à 29
afpres l'ocque.
5 chargemens de graine de Lin , de
80 à 90 paras le quilot.
5 à 6 chargemens de millet , à 50
paras le quilot de Conftantinople.
5 chargemens de feigle , de 55 à Co,
paras le quilot.

Commerce de Sortie.

20,000 quintaux de chanvre pour le


Grand - Seigneur & environ 10,000 pour
les particuliers , de 4 à 4 non travaillé ,
& de 6 piaftres en filaffe.
Quand ily a des vaiffeaux de guerre fur
le chantier à Sinople , on fait faire les
cables & les cordages à Enéboli: outre cela
on en fait fabriquer auffi pour les bâti
mens marchands & pour le compte de
K 3 36 32 6
222 COMMERCE DE LA

divers particuliers : & il en fort en com


merce de 7 à 800 quintaux de différentes
groffeurs , de 7 àir piaftres le quintal.
40 chargemens de bois desconftruc
tion , au même prix qu'à Sinople , ex
cepté le fapin , qui eft plus eftimé : on
prétend que les vers & les punaifes ne
s'y mettent point.
5à 6 chargemens de poires & pom
mes fraiches & feches , noix , châtaignes ,
peftil , &c.
Enéboli eft l'Entrepôt de Kaftanbol , &
l'on y embarque ordinairement les mar
chandifes de tranfit de cette place..
Abana eft un village à cinq lieues d'E
néboli , fitué dans une Rade découverte où
il n'y a aucun abri : on y conftruit 3 à4
Sarques de 18 à 20 pics de longueur pour
le compte de divers particuliers ; le prix
de conſtruction eft le même qu'à Eneboli:
il n'y a point de Douane.
Ce Canton tire de Sinople tout fon né
ceffaire , lequel confifte en 1 ::
2 chargemens de millet , å 50 paras le
quilot. BYELO
I chargement de feigle , à 60 paras le
quilot.
4
2 chargemens de fel , à 3 paras le
tchini, meſure de 4 ocques.
Il en fort tous les ans 5 chargemens
MER NOIRE. 223

de fruits de la même efpece que ceux d'E


néboli & au même prix.
20 à 25 chargemens de bois de con
ftruction des trois efpeces différentes.
Katran eſt un village à cinq lieues
d'Abana. Il y a fur le bord de la mer
des magaſins pour les marchandifes & les
attirails des vaiffeaux. La Rade n'eft pas
füre & les bâtimens ne peuvent pas y
hiverner: on n'y porte que quelques den
rées , confiftant en
2 chargemens de millet , 1 de feigle ,
1 de fel & quelque peu de pafturmas.
I en fort 1500 ocques de foie très
groffiere, qui n'eft bonne que pour faire
des cordonnets : elle coûte 5 piaftres
l'ocque.
12 chargemens de bois de conftruc
tion des trois mêmes qualités qu'à Abana
& au même prix.
25 chargemens de fruits.
Fakas eft un village fitué à une demi
lieue d'éloignement d'une Rade qui n'eft
pas fûre , où l'on a bâti quelques maga
fins. Il y vient I chargement de millet ,
I de feigle & 1 de fel.
Il en fort 12 chargemens de mêmes
bois de conſtruction qu'à Abana , & trois
chargemens de fruits & aux mêmes prix.
K 4
224 COMMERCE DE LA

Kara - Agadje

eft un grand village fitué dans un Port


paffable en été pour les petits bâtimens ,
mais peu für en hiver : il y a trois chan
tiers pour les vaiffeaux de guerre , fur
lefquels on conftruit ordinairement de
gros vaiffeaux percés pour foixante ca
nons , appellés Alexandrins , qui font les
voyages d'Egypte : outre cela , il y a
encore de la place pour conftruire 55 tâ .
timens marchands à la fois : cependant l'on
n'y en conftruit que 15 ou 20 chaque
année: ce font de gros Voliks , de 15 à
18 pics de longueur , & des bâtimens à
trois mâts , de 22 à 24 pics.
Les cordages & les voiles pour les bâti
mens que l'on conſtruit à Kara- Agadje , y
viennent d'Enéboli.
Il n'y a point de Douane.

Commerce d'Entrée.

2000 faut - en - barques d'Abas de Salo


nique , de 65 à 70 paras.
2000 culottes de la même étoffe , de
45 à 50 paras.
4000 Antérists de Bours de Magnéfie,
tour
MER NOIRE 225

tout faits, de 60 à 90 paras fuivant la


qualité.
4000 paires de bottines noires avec
les fers , à 3 piaftres au comptant : on peut
les vendre jufqu'à 5 en troc des bois de
conftruction .
1000 quintaux de fer , au même prix
qu'à Enéboli.
1000 balles de tabac de Kirdjali , à 22
paras l'oque.
50 couffes de riz de Damiette , de
60 à 65 paras le quilot de 10 ocques.
50 couffes de lentilles , à 60 paras le
quilot de 24 ocques.
50 couffes de haricots blancs d'Egyp
te, à 50 paras le quilot de 24 ocques.
10 chargemens de millet , 5 de feigle,
2 de fel , aux prix indiqués ci - deffus.
3 chargemens de melexès , de noifet
tes, de 4 à 5 piaftres le quintal.

Commerce de Sortie

5 à 6000 ocques de bon vin rouge


de 3 à 4 afpres l'ocque.
100 chargemens de bois de conftruc
tion en commerce pour Conftantinople.
Outre cela le Grand - Seigneur fait en
lever continuellement pour fes arfenaux
K5
226 COMMERCE DE LA

une quantité immenfe de mâtures pour


fes vaiffeaux de guerre , des grandes pou
tres de chantier & d'autres grandes pie
ces de conftruction qui ne font pas en
commerce , & dont la vente eft prohi
bée aux particuliers , qui ne peuvent en
acheter qu'en vertu d'un Commandement
du Grand- Seigneur.
Il fort de Kara - Agadje une quantité
prodigieufe d'ouvrages de bois très gros
fiers: 5 gros navires à trois mâts vien
nent tous les ans charger de ces bagatel
les pour Alexandrie ; 3 autres pour Da
miette & un autre pour les Echelles de
Barbarie : ces 9 bâtimens prennent ordi
nairement pour left , des Chevats , dont
als enlevent plus de 100,000 pieces. Ils
ne peuvent venir fe fournir de cette mar
chandiſe qu'avec une permiffion de la
Porte.
Les environs de Kara - Agadje fournis
fent tout le goudron néceffaire pour les
bâtimens que l'on y conftruit & que l'on
y radoube ; on en exporte encore 3 à
4000 quintaux à Conftantinople pour l'ar
fenal du Grand - Seigneur : la vente en eft
prohibée aux particuliers.
Guidoros eft un village à une lieue de
Kara-Agadje : il n'y entre rien ; mais il
MER NOIRE. 227

en fort 12 à 13 chargemens de bois de


chauffage pour les maifons & les bains
publics de Conftantinople. La charge de
cheval de 90 ocques coûte 3 paras , &
celle d'âne de 70 ocques revient à 2 paras.
Amasra eft une petite ville bâtie en
pierres & entourée de murailles ; on y
compte 3000 habitans . Il y a deux pe
tits Ports , où les bâtimens de médiocre
grandeur peuvent entrer ; mais non pas les
vaiffeaux de guerre. Il n'eft pas poffible
aux navires d'y demeurer en hiver , ils
n'y font à l'abri que pendant l'été. Il n'y
a point de Douane.
On y porte chaque année :.
2 chargemens de millet , I de féigle ,
1 de fel & quelque peu de pafturmas , aux
prix ci deffus indiqués.
200 quintaux de beurre , appellé Ke
uricbe - taghi, fait de moëlle d'os de bœuf,
à 16 paras l'ocque.
Les ouvrages & colifichets de bois
font le principal article du Commerce de
-Sortie: il en paffe 20 chargemens à Con
ftantinople & deux à Trébifonde.
...8 à io chargemens de chanvre pour
les cordages , à 4 piaftres non travaillé
& à 6 piaftres en filaffe."
Entre Amasra & Bartin , à 3 lieues du
K 6
228 COMMERCE DE LA

premier & à 5 de l'autre , il y a un


petit Marché appellé Weik- Bazari , où
fe fait le Commerce entre ces deux pla
ces , qui fe fourniffent reciproquement ce
dont elles ont befoin.

Bartin

eft une affez grande ville bâtie en pier


res & ceinte de murailles en très mauvais
état. Il y a 18 à 20,000 habitans , 12
mofquées, 5 kans & 4 bains publics ; elle
eft éloignée de cinq lieues de la mer &
fituée fur une riviere qui porte des me
lexès , des tombazes & des faïques. Son
Port de mer a environ une lieue de pro
fondeur ; les bâtimens s'enfournent de-là
dans la riviere , pour venir à la ville. Les
vaiffeaux de guerre ni même les navires
à trois mâts ne peuvent entrer ni dans
l'un ni dans l'autre.

Commerce Entrée.

à 3 ballots de Draps Londrins


feconds 9 de 110 paras à 3 piaftres
le pic.
5 à 6000 Cabans de Zagora de laine
moire fans capuchon , de 11 à 12 piaſtres.
MER NOIR E. 229

3 à 4000 demi - cabans fans man


ches , en forme de Djubbès , de 85 à 90
paras.
6000 Abas de Salonique d'une qualité
fupérieure , de go à 110 paras.
5 à 6000 Chals du Caire , de 50 à
55 paras.
5 à 6000 grandes ceintures de laine de
Gerbé , de diverfes couleurs & de 3
braffes de longueur , de 100 à 110
paras.
3000 petites ceintures de laine de Ger
bé, colorées , d'une braffe & demie de
long , de 30 à 35 paras.
7 à 8000 Pechtmals ou ferviettes du
Caire , de 1 à 12 paras.
2000 pieces de toiles des Dardanelles
de 60 à 65 paras la piece.
C
3 caifles de bonnets de Tunis appel
lés Orta -fez , de 60 à 65 paras. 11 A
5 à 6000 paires de bottines noires
avec les fers , de 110 paras à 3 piaftres.
6 à 700 couvertures de laine des plus
communes , de 100 à 110 paras.
3 à 400 feutres, ou Ketchès de Crimée,
de 55 à 60 paras.
LOO quintaux de lin gris d'Egypte,
de 9 à 10 paras l'ocque.
K 7
230 COMMERCE DE LA

3. chargemens de graine de Lin , de 80


à 90 paras le quilot.
Quelque peu de bois de teinture de
diverfes qualités.
1000 ocques de caffé de Moka , de
100 à 110 paras l'ocque.
10 quintaux de fucre de France en
pains.
1000 à 1500 ocques d'étain , de 90 å
100 paras l'ocque.
1000 quintaux de fer, de 10 à 11 pa
ras l'ocque.
3 à 400 quintaux de favon de Smyrne ,
de 11 à 12 paras l'ocque.
1: 200 balles de tabac de Kirdjali , à 22
paras l'ocque.
30 quintaux de Kénas , à 10 paras
Pocque.
50 ballons de papier de 24 , à 4 paras
la main..
3 à 400 ocques de beurre appellé Tedik
tagbi , de 18 à 20 paras.
1.2006 ocques de fromages dits Kashe
Kaval, de 9 à 10 paras l'ocque.
200 quintaux de miel , de 邀 12 à 14
paras l'ocque.
5 à 6coa ocques de pafturmas, de ro
á 11 paras l'ocque.
6 à 7 chargemens de fruits fecs , com
MER NOIRE. 231

me figues & raifins , au même prix qu'à


Enéboli & de la même qualité.
4 3 à 4000 ocqués d'olives noires , de
11 à 12 paras.
1000 couffes de riz de Damiette , de
55 à 60 paras le quilot de ro ocques.
500 couffes de lentilles d'Egypte , de
16 à 17 paras l'ocque.
7 à 8 chargemens de bled , de 65 à70
paras le quilot de Conftantinople.
i chargement de millet , à 50 paras le
quilot.
7 2 Tombazes de fel , à 7 afpres le tchini
de 4 ocques. : . "I
: 600 peliffes de Guendjen , de bonne
qualité , de 25 à 30 piaftres. "
1000 peliffes de mouton , de 6 pias-
tres l'une.

Commerce de Sortie.

1500 à 2000 acques de cire jaune de


très bonne qualité , de 42 à 43 paras
l'ocque.
7 à 8000 ocques de foie groffiere , de 5
à 5 piaftres l'ocque.
40 chargemens de buis , inférieur à
celui des Abazes , dont les buches font
de diverfes groffeurs , depuis 5 jufqu'à
232 COMMERCE DE LA

11 piaftres le millier pefant , fuivant la


qualité.
60 chargemens de bois de conftruction
& de batiffe.
mens
40 á 50 charge de bois de chauf
fage , du mêm p e rix qu'à Kara- Agadje.
g e m ens ons
15 cha r d'oign , de 45 à 50 1
s
para les 100 ocqu . e s
150 chargemens de fruits frais , com
me poires , pommes , noix, châtaignes
1
& peſtik.
Les mêmes Monnoyes qui paffent
Conftantinople, ont cours à Bartin : les
écus de Ragufe qui valent 60 paras à
Conftantinople , ne paffent à Bartin que
pour 55. Les autres Monnoyes étran
geres y font à peu près au même taux.
Tchaouche - aghzi eft un petit village à
demi -lieue de la mer , vers une plage de
fable : il en fort une affez grande quan
tité de bonne foie & de cuirs de bœufs :
on porte ces marchandiſes à Héraclée , par
ce qu'il n'y a aucune forte de commerce
en cet endroit.
Au Nord-Eft de Tchaouche - aghzi à 5
Heues d'Héraclée , il y a un Cap appellé
Baba- Bouroun , où l'on trouve un nom
bre prodigieux de ftatues de pierres ran
gées fur le bord de la mer: la fuperftition
MER NOIR E. 233

des gens du pays leur a fait imaginer &


croire que ce font des Géans que Dieu
a pétrifiés pour les punir des défordres
qu'ils commettaient dans toute l'étendue
de la Mer Noire.
Héraclée eft une petite ville ceinte de
murailles à demi- ruinées : il y a 5 mos
quées , 2 kans , 2 bains , 200 boutiques
& environ 6000 habitans ; elle eſt ſituée
dans une très bonne Rade , couverte du
côté de l'Eft , & dans laquelle les bâti
mens de toute portée , même les vais
feaux de guerre , peuvent hiverner. Il y
a une Douane.
Le Commerce d'Entrée eft le même que
celui de Bartin , & les marchandifes s'y
vendent au même prix.
Le Commerce de Sortie confifte en
1500 à 2000 ocques de foie , de 5 à
5 piaftres l'ocque.
2 à 3000 ocques de cire , de 42 à 45
paras l'ocque.
1000 quintaux de fin lin gris , à 4 pa
ras le paquet de 13 écheveaux d'un pic
de longueur : il fert pour faire les toiles
des Turbans d'ordonnance des Janis
faires.
80 chargemens de fruits , poires ,
pommes , noix, peftil &c.
234 COMMERCE DE LA

: Les bois de construction d'Héraclée


viennent d'Alaplu.
Alaplu eft un Bourg auprès d'Héraclée ,
dans le fond du même Golphe : les bâti
mens de toute portée peuvent y aborder
& y féjourner dans toutes les faifons: il
tire d'Héraclée toutes les marchandifes qui
lui font néceffaires.
Le bois eft le feul article de fortie ; il
en fort année commune 50 chargemens.
Melen eftun village à 5 lieues d'Héraclée :
i fournit à Conftantinople & à la Mer
Noire environ 150,000 quintaux d'oi
gnons , de 45 à 50 paras les 100 ocques.
Aktchechar est un village à une lieue &
demie de Melen : il fort de ce village
plus de 100 chargemens des mêmes bois
de conftruction qu'à Alaplu & au même
prix.
Sakaria eft un village à 6 lieues d'Ak
tchechar fur une très mauvaiſe Rade. Ce
canton fournit Conftantinople d'une quan
tité prodigieufe de charbon de chêne :
vingt gros Sambéquins viennent y char
ger tous les ans & en enlevent environ
400,000 quintaux : on le vend de 45 à 50
paras la charge de chariot que l'on
nomme Kanks - araba & qui porte un peu
plus de 4 quintaux. Outre ce charbon
MER NOIRE, 235

qui eft en commerce , dix Sambèquins y


chargent chaque année 200 à 250,000
quintaux de charbon de pin , pour la
Monnoye du Grand - Seigneur.
Tebile eft un gros Bourg à 12 lieues
de Scutari: il y a 4 à 5000 habitans , 2
mofquées , 30 à 40 boutiques : il n'y a
qu'un très petit nombre de Mahometans :
il n'y a point de Port , mais une Rade
très découverte. Il fort de cet endroit
30 à 40 chargemens d'oignons de 45 à
50 paras les 100 ocques , & environ 50
chargemens de charbon de chêne , aù
même prix qu'à Sakaria.

OBSERVATIONS.

L'on a indiqué , en parlant des prin


cipales places de la Côte de Natolie , les
diverfes Monnoyes qui y ont cours. Dans
les petits endroits , on ne connaît gueres
que celles de Turquie : il convient même
d'y porter de la monnoye , plutôt que
de l'or.
Les Foids & les Mefures fur toute
cette Côte font les mêmes qu'à Conftan
tinople. TRAN **
On n'a point donné le détail des fruits
qui fortent en abondance de toute cette
236 COMMERCE DE LA

Côte , & qui donnent un bénéfice énorme


à Conftantinople , où l'on gagne au
moins 200 pour cent.
Pour faire voir d'un coup d'œil la
quantité & le prix des bois que l'on en
leve de cette Côte , on les a renvoyés
ici pour la commodité & l'on indiquera
les endroits d'où les qualités fortent ; ob
fervant que le pic avec lequel on les
mefure , eft de 25 pouces de France , 23
pouces de Hollande , ou 27 pouces d'An
gleterre environ.

De Gueurze ,

5à 6 chargemens de Mâts de vaiffeaux


de bois de pin , depuis 8 jufqu'à 25 pics
de longueur , dont le prix eft de 12 jus
qu'à 110 paras.
Ces chargemens fe font de la maniere
fuivante ; on forme avec ces Mâts b'en
fiés les uns aux autres , des Radeaux , qui
font ordinairement de 800 pieces : on
met à ce Radeau une grande voile ; on
y embarque 4 ou 5 hommes d'équipage
pour le conduire à Conftantinople : ils
partent au commencement de la belle fai
fon. Ceux qui font ce commerce , ont
foin de ne pas mettre dans leurs Radeaux
MER NOIRE 237

des Mâts qui puiffent fervir pour les vais


feaux de guerre du Grand - Seigneur , de
peur que les Officiers de l'arfenal ne s'en
emparent pour le Sultan. Ces mâts fer
vent quelquefois de poutres pour les
édifices ; on les fcie auffi pour en faire
des planches .
2 à 3000 Djevifi- tahtaff , ou planches
de Noyer , de 7 à 8 pieds de long for 2 ;
de large & de 6 pouces d'épaiffeur , de
25 à 30 paras piece.
3 à 4000 Kara - agadji - tahtaffi , ou
planches de Plane ou Platane , à peu près
de la même grandeur , de 15 à 16 paras.
10 chargemens de Tcham - tahtaffi , ou
planches de Sapin , de 8 à 10 pics de
longueur & de 14 pouce d'épaiffeur , de
6 à 7 paras la piece.
5 à 6 chargemens de Teni- tchapou , ou
folives de Chêne , de 8 pics de longueur
& de 3 pouces de diametre , de 3 à 4
paras la piece.
14 à 15 chargemens de Canaux de
gouttiere , de bois de fapin , depuis 8
jufqu'à 12 pics de longueur , de 8 à 12
paras la piece .
11 à 12 chargemens de Tavan-tahtaffi
ou planches minces & étroites pour les
plafonds des maifons , de 50 à 55 paraş
le 100 .
238 COMMERCE DE LA

On peut aifément juger par le prix de


ces bois , du bénéfice immenfe qu'ils don
'nent.
De Sinople. "
:
Le Bois de conftruction eft le plus im
portant article du Commerce de Sinople
Indépendamment du bois qui eft employé
fur le licu pour la conftruction des bâti
mens , il fort chaque année ..
20 chargemens de grands mâts de fa
pin de 20 pics de longueur , à 8 piaftres
da piece. Ces mâts font le rebut des mâ
tures deftinées pour les vaiffeaux du
Grand Seigneur. L'officier de l'arfenal
qui eft chargé de l'achat de ces bois ,
permet la vente du rebut aux particuliers ,
moyennant une petite rétribution.
20 chargemens de Tcham - ferem , ou
mâts de pin , de 8 à 9 pics de longueur ,
25 paras la piece.
25 chargemens de Saraï- monaffi , ou
grandes poutres de chêne , de 8 pics de
long , à 25 paras la piece.
20 chargemens de Bitcheki - Direghi , ou
grandes poutres de 14 pics de long , à 40
paras l'une.
30 chargemens de Yeni- tchapou , ou
petites folives de chêne , à 5 afpres la
piece.
MER NOIRE. 232

12 à 15 chargemens de Toulomba-tchi
boughi , ou tuyaux de pompes , de 3 à 16
pics de long , de 5 à 6 paras l'un.
40 à 50 chargemens d'Alga - tabtaffi ,
ou planches de chêne , à 7 afpres la piece.
20 chargemens de Koouche - tahtaffi , ou
grandes planches de fapin de 12 pics de
long, à 8 paras l'une.
50 chargemens de Pedrava , ou petites
planches de châtaignier minces , dont on
forme le toît des maifons en deffous des
tuiles.
d'Akliman

15 à 20 chargemens des mêmes bois


de conftruction que ceux de Sinople & à
peu près aux mêmes prix.

d'Eneboli

40 chargemens de bois de conftruction


de toute efpece , au même prix qu'à Sino
ple , excepté le fapin qui y eft plus cher
& plus eftimé.

d'Abana !

20 à 25 chargemens de bois de con


ftruction de trois efpeces feulement ;
favoir:


240 COMMERCE DE LA

Koouche-tabtaffi de 8 pics de longueur ,


à 7 paras la piece.
Tabans ou petits foliveaux de 8 pics ,
à 3 paras la piece.
Tabans - tabtali , à 55 paras le cent.

De Kairan

12 chargemens de bois de conſtruction


des trois qualités mentionnées à l'article
d'Abana & au même prix.

De Fakas

12 chargemens des mêmes bois de


conftruction , des mêmes qualités & aux
mêmes prix qu'à Abana.

De Kara-agadje

100 chargemens de bois de conſtruc


tion en Commerce pour Conftantino
ple; favoir:
·
Sarat manafi de 8 pics , de 24 à 25
paras la piece.
Koouche - tabtalfi , de 7 à 8 paras la
piece.
Tabans , à 3 paras l'un .
Cheval ou poutres de chêne de 5 pics
de long & de 6 pouces de diametre , à 9
paras la piece
MER NOIRE
241

de Bartin.

60 chargemens de Poutres & de Plan


ches de Phlamour ou Tilleul ; les poutres
de 5 à 15 paras la piece & les planches
de 5 à 11 paras fuivant la grandeur.

d'Heraclée.

Le bois de conftruction d'Héraclée


vient d'Alaplu.

' Alaplu.
d

Le bois eft le feul article de Sortie: il


en fort année commune so chargemens
de diverſes efpeces ; favoir:
Sarat Manaffi , de 6 pics de long , å
20 paras.
Tabans , de 12 pics de long , mais très
minces , à 11 paras.
Tabans de 12 pics de long , mais très
épais , à 50 paras.
Omourgas , la même chofe que les pe
tits tabans , à 9 paras.
Chevat de 5 pics de long, à 8 paras.
Tchif- té-Sekis , grandes poutres de chêne
de 8 pieds de long & de 2 pieds de dia
metre , à 5 piaftres la piece.
Samaulet , petits bois de Charme équar
L
24.2 COMMERCE DE LA

ris , de 4 pieds de long & de 2 pouces


de diametre , à un para la piece,

TARIF

du Nolis des Bois de Construction.

Les frais du tranfport des bois de


conſtruction ne font pas fort conſidéra
bles;l'on donnera ici le Tarif du Nolis de.
Sinople & d'Enéboli , fur lequel on pourra
ſe régler pour les places les plus voifines,
Les grands mâts de 24 pics en radeaux
coûtent demi piaftre chaque,
Les mâts médiocres forment des ra
deaux de 5 rangs : le radeau coûte autant
de piaftres qu'il y a de mâts au premier
rang dans l'eau.
Les petits mâts appellés Sérem vont de
même en radeaux , à raiſon de 10 à la
piaſtre.
Les Sarai- Manafi 3 à la piaftre,
Les Tabans , 70 paras les 100 .
Les Koouche tahtaffi de 8 pics , de 10
à la piaſtre.
Les mêmes de 12 pics , de 8 à la
piaftre.
Les Aga - tabtali 60 paras les 10Q.
Les Pedravas 5 paras les 100g.
MER NOIRE. 243

Les Djevis - tahtaffi , 40 afpres piece,


Les Kara- agadje , 40 afpres piece.
Les Tlu - taktafi de 14 pics , de 4 à la
piaſtre.
Après avoir parcouru toute la Crimée ,
ainfi que la partie orientale & méridio
nale de la Mer Noire , paffons le Bos
phore , vers la partie occidentale , pour
finir le refte de cette Mer.
24
BA LA BULGARIE.`
995 SA
La Bulgarie , dans laquelle on com
prend auffi le Dobrogé , était autrefois
un grand Royaume devenu une des
grandes Provinces de l'Empire Ottoman
en Europe: elle fait partie de ce que les
Turcs appellent aujourd'hui la Romé
lie, Pour plus de clarté , nous la divife
rons en Maritime , en Danubienne & en
Méditerranée.
La Bulgarie maritime étant la plus rela
tive à l'objet que nous traitons , : nous
donnerons pour la connaiffance de cette
Côte & l'avantage de la navigation quel
ques détails particuliers fur les villes &
villages de cette province qui bordent la
Mer Noire, & nous citerons tous ces
divers endroits. On parlera légérement de
L 2
244 COMMERCE DE LA

ceax où le commerce eft nul ou de peu


.
de conféquence , mais on s'arrêtera fur
ceux qui font de quelque confidération ,
foit pour leurs Ports , foit pour la nature.
de leur Commerce. -
- Niškos , Aya - bolu , petits villages dont
les Ports ne font bons que pour de petits
Bâtimens : ils fourniffent quelques char
gemens de bois de chauffage.
Eynéada , petite ifle à 25 ou 30 lieues
de Conftantinople éloignée d'environ
4 milles de la terre -ferme: il y a une
Rade au Couchant , où les bâtimens de
toutes portées peuvent trouver un abri !
il n'y a qu'un feul village & environ
trente à quarante habitans. Dans fon
diftrict en terre- ferme , il y a 12 à 15
villages & plufieurs fours à charbon : on
n'y porte aucune marchandife ; mais on
én tire chaque année 15 chargemens de
"
bois de chauffage que l'on tranfporte
dans des faïques de la portée de 350
Poids: le Poids eft de 180 ocques. On
débite ce bois à raifon de 7 afpres la
charge de cheval qui eft de cent dix
seques & de 5 afpres la charge d'âne de
80 ocques: il en fort auffi chaque année
20 chargemens de charbon que l'on vend
372
50 paras la charge de chariot...
AMER NOIRE 2.15

Il y a dans cette ifle un Officier de la


Porte appellé Audji- Bachi , préposé au re
couvrement des , effets des bâtimens nau .
fragés dans les environs : il y a huit ma
galins dans lefquels on met en dépôt les
debris que l'on peut ramaffer, & les pro
priétaires qui viennent les réclamer avec
les ti res néceffaires , en reprennent polles
fion , moyennant un certain droit de Sau
vetage qu'ils font obligés de payer au Miri.
Roure Abtapalu , Dourdé, Vife , Adali
man , Zeitun - bournou , font de très petits
villages fans Ports , où il ne peut aborder
que de petits bateaux , qui vont v cher
cher du charbon & du bois de chauffa
ge, les feuls articles que l'on en retire.
Seuzébolu , ou l'ancienne Syfopolis , eft
un grand bourg très peuplé ; le Port en
eft très bon, & le fond de fable; toutes
les fortes de bâtimens de la Mer Noire
peuvent y aborder & y féjourner en hi
ver: on y fait un peu de commerce.
Les marchandifes que l'on y porte
fons du Riz , du Caffé , quelque peu de
Sucre , quelques Bonnets de France , des
Cháls , des Petchmals du Caire , des Ca
bans , des Saut en barques & des Culottes
de Salonique..
Le Commerce de Sortie ne confifte qu'en
.... L 3 hold k
r

240 COMMERCE DE LA

Grains ; & l'on en tire chaque année envi


Ton 30 chargemens de bled , autant
d'orge & quelque peu de feigle que l'on
F
porte à Conftantinople.
Tchinkiané- Iskeleffi eft un grand bourg,
commandé par un Vaivode Ture ; il y a
un Douanier & un Karachtchit il y a très
peu de Commerce & fon Port eft fort
mauvais ; mais tout auprès , il y en a un
très bon appellé Foros; toutes fortes de
bâtimens peuvent y aborder & y font
tranquilles. ..t

Koudouz eft un petit village entre le


bourg ci- deffus & Bourgaz ; il ne mérite
aucune attention.
Bourgaz , eft une des principales Echel
les de la Bulgarie pour le Commerce de
*
la Mer Noire : c'eft là où abondent
toutes les marchandifes de la Tartarie &
'des autres cantons de la Mer Noire
deftinées pour la Romélie : c'eft un grand
bourg, où il y a beaucoup de marchands :
le Port en eft fort bon , le fonds en eft
de fable & toutes fortes de bâtimens peu
vent y trouver un abri en hiver.
Indépendamment du Commerce de
Tranfit qui eft très confidérable à Bour
gaz , tant pour l'entrée que pour la for
tie ; on y porte plufieurs marchandifes
pour les befoins des habitans.
MER NOIRE. 247

Les Articles d'Entrée font le Riz , le


Caffé , les Bonnets de France , les Cein
tures de laine de Gerbé , l'Huile , les
Olives noires , le Savon de Smyrne , les
Cabans , les Sauten - barques , les Culot
tes de Salonique , le Lin gris , les Petch
mals du Caire , la Poudre à tirer , la
Grenaille , quelque peu de bois de tein
ture , du Coton en laine , des Toiles de
Natolie, du Sel de Crimée , des Coutnis
de Brouffe & de Conftantinople , quel
que peu d'Etoffes de Scio & de Venife:
le débit des Draps de France s'y borne à
peu de choſe. Le prix de tous ces arti
cles eft le même que celui indiqué dans
les places de Natolie.
Le territoire de Bourgaz ne produit
gueres que des grains , dont on peut ex
porter tous les ans 30 à 40 chargemens
pour Conftantinople & quelque peu de
fromages.
Abtolu , petit village de très peu d'im
portance , dont on ne tire que du char
bon: il y a quelques chantiers, où l'on
ne conftruit que de petits bâtimens ; on
pourrait cependant y bâtir de gros navi
res & l'on y trouverait pour cela à affez
bon compte tous les bois de conftruction
néceffaires , mais la vente en eft prohibée ,
L 4.
248 COMMERCE DE LA

parce qu'ils font réfervés pour le Grand


Seigneur.
Mifévria , anciennement Méfembrie ,
eft un petit village Grec , dont le Port
eft très mauvais : cet endroit eſt remar
quable par la quantité de vin qu'il pro
duit , & qui fe répand dans plufieurs en
droits de la Mer Noire : il eft rouge &
d'une affez mauvaiſe qualité.
Emini eft un endroit déſert , mais où
il y a un affez bon Port , dont le fonds
eft de fable ; toutes fortes de bâtimens y
abordent ; mais ils y fouffrent un peu
en hiver. Il y a dans les environs plu
fieurs villages Turcs & Grecs , dont on
tire une grande quantité de charbon &
de bois de chauffage.
Galata eft auffi un endroit défert , où
l'on trouve un Port affez bon en été , mais
où les bâtimens ne peuvent pas hiverner
fans rifques.

Varna

Eft la plus grande Echelle de la Bul


garie: c'eſt le lieu de Tranfit de toutes
les marchandiſes de la Province & de la
Valachie deſtinées pour Conftantinople &
de celles que l'on tranfporte de cette Ca
pitale
MER NOIRE 249

pitale dans ces deux Provinces. La ville


de Varna eft petite , mais bien peuplée.
On y compte 15 à 16000 habitans &
200 boutiques ; cette ville eft fituée au
* fond d'un golphe de 8 à 10 miles de
profondeur , entouré de hautes monta
gnes ; les bâtimens de toute portée peu
vent y entrer & y hiverner en toute fa
reté. Les habitans font prefque tous
Janiffaires , mais fort adonnés au Com
merce. T
L'on peut débiter à Varna une affez
grande quantité de marchandifes pour la
coafommation de la ville , indépendam
ment de celles de Tranfit.
¿ b:
Commerce d'Entrée.
.)
40.67
5 balles de Draps de France , de 110
paras à 3 piaftres le pic.
20 fardes de Caffé Moka , de 90 à 100
paras l'acque, ‫ ܐ‬luod ok ‫ܕ‬
10 quintaux de Sucre de France.
2000 pics de Chalis d'Angora,
Pour 5000 piaftres environ de " atins
de Venife . a • inc
6 caiffes de Quincaillerie de toute
efpece,
Pour 5000 piaftres environ de fil d'or
LS
250 COMMERCE DE LA

& d'argent , à raifon de 24 à 25 paras le


*>
mifcal d'une dragme & demie.
2
Pour 2000 piaftres environ de Galons.
: 2000 ocques d'Etain , à raifon de 80
à 90 paras l'ocque.
Pour 4000 piaftres environ d'Epice
ries , comme poivre , canelle , muscade
& géroffles.
1000 ocques d'Acier.
20 balles de Coton.
4 caiffes de Bonnets de France & de
Tunis , grands & petits.
! 2000 Ceintures de Gerbé de différen
tes couleurs , mais de médiocre gran
deur , de 30 à 40 paras.
2000 Châls du Caire de 45 à 50 so
paras.
10 balles de Pechtmals du Caire , de 12
à 15 parás l'un.
500 facs de Savon de Smyrne , de 12
paras l'ocque.
1000 paires de Bottines noires avec
les fers , de 110 paras à 3 piaftres. >
1000 Turbans de toile , de 100 à 130
paras.
50 à 60 quintaux de Lin gris du Caire ,
à 20 paras l'ocque.
60 quintaux de Lin gris , à 10 paras
l'ocque.
MER NOIRE 251

go quintaux de Kenas , à ro paras


Focque.
50 couffes de Riz de Damiette , de
55 à 60 paras le quilot.
10 caiffes de Vitres , de 4 à 5 paras
la piece.
Isoo Abas ou Culottes de Salonique ,
de 54 à 60 paras l'une.
30 à 40 balles de Papier de 24 ,
4 paras la main.
4 chargemens de Sel.
Quelques chargemens de fruits fecs ,
comme raiſins , figues, &c. à 7 afpres
l'ocque.
5 chargemens de Noifettes , de 5 à
5 piaftres le quintal.
Un chargement de noix & de peftil :
celui - ci à 6 paras l'ocque , & les noix
20 paras le millier.

Commerce de Sortie.

Le / Commerce de Sortie propre à


Varna ne confifte qu'en grains & en bois
de conftruction : fon territoire en pro
duit une grande quantité;
Bata- Ora entre Varna & Balifik eft
un petit village dont le port eft très
mauvais..
I 6
252 COMMERCE DE LA

Baltfik, eft un grand bourg : il y a un


Douanier. Le Port eft excellent , le fond
en eſt de vaſe & toutes fortes de bâti
mens peuvent y féjourner en tout tems.
Il fe fait dans ce bourg quelque Com
merce ; on y porte à peu près les mê
mes articles qu'à Varna , mais en plus
petite quantité.
Les articles du Commerce de Sortie ,
font le bled , l'orge , le feigle , le millet ,
le pafturma , les fromages & les chan
delles.
Kavarna eft un gros bourg à peu près
de la même étendue que Balifik & dont
le Commerce d'entrée & de fortie eft
le même.
* Ghélégra eft un endroit défert où il y
a cependant un très bon Port , dont le
fonds eft de fable & où toutes fortes de
bâtimens peuvent aborder & y féjourner.
Chanlar eft un endroit qui n'eft point ha
bité. On ytrouve un Port affez bon , propre
à recevoir toutes fortes de bâtimens.
Mangalia eft un grand bourg , dont
le Port eft affez fpacieux , & peut rece .
voir des bâtimens de toure portée , mais
il n'eft pas abfolument für en hiver. On
apporte à Mangalia une petite quantité
des articles d'Entrée qui fe débitent à
Varna.
MER NOIRE. 253

Les Marchandifes de fortie , font le


bled , l'orge , le feigle , le millet , le fro.
mage & les raifins fecs qui y font en
affez grande abondance .
Toufta- Bournou , entre Mangalia &
Keuftengé , eft un endroit défert , où ily a
une Rade découverte & peu fôre.
Keuftengé eft un gros bourg , com
mandé par un Aga qui eft préposé pour
faire paffer à Conftantinople le bled que
l'on y recueille en très grande abondance.
Le Port n'en eft pas für , & quand le
vent eſt un peu fort , les bâtimens ont
beaucoup de peine à y demeurer. Le
Commerce d'Entrée & de Sortie eft à peu
près le même que celui des endroits dont
on vient de parler.
Sud- Gbeulu eft un lieu défert & une
mauvaife Rade , où les bâtimens vont
quelquefois mouiller en été , mais ne
peuvent pas aborder en hiver.
Kara -Kirman eft un affez grand vil
lage , où il y a plufieurs magafins pour le
bled. On y fait beaucoup de chargemens
de grains .
Les principales Places du Dobrogé ,
font Siliftrie , Babadag , Toultcha , Jack
tcha, & Timar - ova.
Les Places les plus confidérables de la
L7
254 COMMERCE DE LA

Bulgarie Danubienne font Viddin , Ciftow ,


Nicopoli , Rousdjiouk , Orfova , Toutvaka.
L'on trouve dans la Bulgarie Méditerra
nécne , Sophie , Philippopoli , Ternova ,
Tamboli , Bajardzik , Prevat , Aidos , Kar
nabat , Choumla , Rasgrad , Plevie , Ple
ona , Kizanlik , Tchirpan , Niéboli , Sama
kow, Keuftendil & Selimna.
La defcription de toutes ces villes fe
rait fuperflue , on s'eft borné à parler en
détail des places maritimes à caufe de l'u
tilité que l'on peut en tirer pour la Navi
gation.

COMMERCE GENERAL

D'ENTRÉE

DE LA BULGARIE

Le Commerce d'Entrée eft immenſe


dans la Bulgarie : il n'y a point de mar
chandifes des Pays étrangers que l'on ne
trouve à y débiter avec avantage : mais
comme tous les marchands des villes vont
fe fournir à Conftantinople & aux céle
bres foires de Selimna & d'Ouzoundjora , ont
neparlera pas de ce Commerce d'Entrée ,
!
MER NOIR E. 255

vu que cela nous écarterait de notre ſu


jet principal & d'ailleurs nous entraîne
nait dans de trop grands détails.
Le Commerce d'Andrinople & celui
qui fe fait dans ces deux foires eft fi
connu , qu'il ferait inutile d'en parler.
On fe bornerà donc au Commerce de
Sortie , parce que le principal débouché
' s'en fait par la Mer Noire, i.
↑ AJUS

COMMERCE GENERAL

DE SORTIE

DE LA BULGARIE

IL fort de la Romélie une quantité


immenfe de Cire , d'excellente qualité ,
que l'on vend pure & fans tare de 38
à 42 paras l'ocque.
La Sole eft extrêmement abondante
en Romélie , d'affez belle qualité & pref
que toute blanche ; elle approche beau
coup de celle de Broue en Natolie , &
fe vend de 8 à 10 piaftres fuivant la
qualité.
Une quantité immenfe de Laine furge
COMMERCE DE LA
256

de deux qualités : la laine frifée eft de 8 å


10 paras l'ocque & la platte de 5 à 6. Il
y a peu de noire ; à peine en trouve - t
on un quart fur la totalité : les marchands
qui la vendent , la féparent volontiers. Ces
laines fervent à la fabrique de toutes for
tes d'ouvrages & peuvent même fervir
aux manufactures de Draps. Ceux qui
ont fuivi cet article avec attention , pré
tendent qu'en faifant un fcrupuleux Cer
nillage on pourrait en tirer une qualité
fupérieure , capable de fuppléer à la laine
d'Espagne. C'eft un objet qui mérite
attention. Il ne ferait pas difficile de
faire venir à peu de frais ces laines à
Conftantinople par le Danube & la Mer
Noire , en prenant les précautions indi
quées à l'article de la Crimée; (page 60).
On pourrait par la même voie tirer des
laines de Bosnie qui font d'une très belle
qualité & en très grande abondance. On
prétend qu'elles approchent de celles
d'Espagne.
Une quantité confidérable de Cuirs de "
IN
bœufs & de buffles de diverfes qualités ;
ceux -ci pefent depuis 18 jufqu'à 70
ocques & fe vendent de 2 à 13 piaftres la
piece fuivant la grandeur ; les autres pefent
de 12 à 25 ocques & coûtent de 1 à
31 piaftres.
MER NOIRE. 257

Le Miel qui fort de la Romélie eft de


meilleure qualité que celui que l'on tire
de la Valachie & de la Moldavie : il eſt
très abondant ; fon prix eft de 7 à 8 paras
l'ocque.
Le Beurre eft affez abondant en Romélie,
il fe ramaffe en grande partie fur les
bords du Danube & vaut de 13 à 14 pa
ras l'ocque.
La quantité de Suif qui fe recueille , eft
im menfe; il vaut de 8 à 9 paras l'ocque.
Cet article & le précédent font de con
trebande.
Il y a plusieurs fortes de Tabacs ; & cet
article et extrêmement abondant ; il !
y en a depuis 8 paras jufqu'à une piaſtre
Ï'ocque.
Les principales manufactures de Maro
quins , font à Rousdjiouk fur le Danube &
dans plufieurs autres endroits de la Ro
mélie , & il en fort une quantité im.
menfe.
Il y a des Mines de Fer , en Bulgarie ,
à Samakow & à Keuftendil, qui en fournis
fent une très grande quantité ; il ſe vend
de 4 à 5 piaftres l'ocque.
Le Salpêtre que l'on recueille à Philip
popoli , eft tout deſtiné pour le Miri; les
particuliers ne peuvent en acheter qu'en
contrebande.
258 COMMERCE DE LA

Le Commerce des Viandes falées , eft


très conſidérable ; il y en a un debouché
immenfe par la Mer Noire.
Les Chevaux Bulgares , furtout ceux du
Dobrogé , font fort eftimés ; ils font petits
& forts , comme les chevaux Tartares ,
mais mieux taillés & fins ; la beauté & la
bonté en déterminent le prix.
La Bulgarie eft une fource inépuisable
de Grains: la fortie en eft défendue fous
des peines très rigoureufes : ils ne peu
vent paffer qu'à Conftantinople. Le Bled
fe vend ordinairement 35 à 36 paras le
quilot de 48 ocques , dans la Bulgarie
Méridionale ; mais dans la partie Septen
trionale le quilot eft de 120 ocques &
vaut 60 paras : le prix de l'Orge eft de
18 à 20 paras le petit quilot , & le grand
à proportion ; le Millet eft au même prix.
Le Séfame , de la graine duquel on tire
une huile bonne à brûler , vaut 65 à 70
paras le quilot.
Le territoire de Philippopoli produit
ane quantité immenfe de Riz de bonne
qualité; il fe vend fur les lieux de 35 à
36 paras le quilot de 10 ocques.
La Bulgarie & le Dobrogé produiſent
une affez grande quantité de Vin rouge ,
mais médiocre: il vient tous les ans à
MER NOIRE 259

6000 chariots de Ruffie & de Pologne ,


charger de ces vins qui coûtent fur les
lieux 50 paras le quintal.

OBSERVATION S...

La Monnoye de Turquie , les fequins


Vénitiens , ceux de Hollande & d'Em.
pire; les écus d'Allemagne , ceux de Ra
gufe , les pieces d'Espagne appellées Pla
tines & en général toutes les monnoyes
qui paffent à Conftantinople , ont cours
en Bulgarie , au même taux que dans la
*
capitale. Ces monnoyes ont quelques
variations dans les foires pour favorifer
le commerce. La Sevillane n'y eft gueres
connue.
L'on trouve dans toutes les Places fi
tuées fur le bord du Danube des bâtimens
conftruits exprès pour la navigation de
ce fleuve , depuis 150 jufqu'à 4000 quin.
taux de portée. On peut les nolifer en
entier , ou fimplement payer le nolis des
marchandifes que l'on y charge. Les pe
tits bâtimens conviennent mieux que les
grands & font plus & leftes : ils marchent
nuit & jour avec toutes fortes de tems
& abordent partout. Les gros bâtimens ne
marchent que le jour , craignent extrême
260 COMMERCE DE LA

ment la tempête , parce qu'ils ne peuvent


pas aborder dans toutes fortes d'endroits:
on ne les employe gueres que pour le
commerce des grains. Les nolis font plus
chers en remontant , qu'en defcendant
le fleuve , parce que lorfque le vent eft
contraire les équipages fouffrent beaucoup
& font obligés de tirer le bâtiment à la
remorque.
De Viddin à Rousdjiouk , les bâtimens
de 200 quintaux de portée que l'on nolife
exprès , coûtent de 14 à 15 piaftres;
ceux de retour qui cherchent à fe nolifer
pour redefcendre de Viddin à Roudsjouk
ne coûtent que 6 à 7 piaftres. Si l'on
nolife exprès ces mêmes bâtimens , lors
que l'on veut remonter de Rousdjiouk à
Viddin , alors ils coûtent de 12 à 15
piafires & l'on peut avoir ceux de retour
pour 9 à 10 piaftres. De Viddin à Galaz
il faut prendre des bâtimens exprès ; les
nolis font ordinairement de 28 à 30 pias
tres & de Rousdjiouk à Galaz de 15 à 20.
De Viddin à Sunié qui eft une des bouches
du Danube , l'on paye 50 à 55 piaftres.
De Galaz à la Mer Noire , on ne trouve
pas communément des bâtimens d'eau
douce , fi ce n'eſt ceux de retour de Rous
djiouk ou de Viddin , que l'on peut avoir
MER NOIR E. 261

à meilleur marché. On ne parle que des


bâtimens d'environ 200 quintaux de por
tée ;les autres Nolis font en proportion de
la groffeur des bâtimens & de l'éloignement
des divers lieux.
Les marchandifes de la Bulgarie Danu
biene & même de la Méditerranéene
prennent ordinairement la route de Varna
par terre & on les embarque de - là fur
la Mer Noire pour Conftantinople , &
pour les divers endroits de leur defti
nation.
Les tranfports fe font fur des chariots
tirés par des bœufs , des buffles ou des che
vaux. Les chariots de bœufs & de buffles
portent communément de 7 à 800 ocques ;
ceux de chevaux de 6 à 1500 ocques fui
vant le nombre de chevaux que l'on y
attele. De Rousdjiouk à Varna , on paye
les chariots de chevaux de 34 à 35 paras
les cent ocquès & jufques à une piaftre en
hiver. Ceux de boeufs & de buffles font à
meilleur marché , parce qu'ils vont plus
lentement. Le louage pour les autres
endroits eft en proportion de l'éloigne
ment.
Les Ragufais ont jouï pendant long
tems préfque feuls du commerce de la
Bulgarie : ils avaient fondé des établiſſe
262 COMMERCE DE LA
2
mens confidérables à Rousdjiouk , à Sophie
& dans divers autres endroits ; mais ces
établiffemens font aujourd'hui entiere
ment tombés: il n'y a plus perſonne à
Sophie, & il ne refte plus que trois ou
quatre maifons Ragufaifes à Rousdiiouk,
qui vivent affez mefquinement & ne pa
raiffent plus faire un grand commerce.
Comme les Turcs regardent les Ragufais
comme des fujets & des Rayas , les Pa
chas & les Commandans des lieux leur.
ont fait effuyer nombre de vexations qui
les ont écrafé & obligé de quitter la
partie. Il en ferait tout autrement des
Français , qui en vertu de leurs Capitu
lations & des Firmans du Grand - Sei
gneur fe trouveraient à l'abri des avanies
que les Officiers Turcs pourraient être
tentés de leur faire..

LA VALACHIE

Eft une Province Chrétienne gouver


née par un Hospodar ou Vaïvode Chré
tien , auquel on donne le titre de Prince.
Ce Pays eft borné au Nord par la Mol
davie , à l'Eft par la Beffarabie , au Sud
par le Danube & au Couchant par la
Hongrie & la Tranſylvanie.

...
MER NOIRE. 263

Les principales Places de la Valachie


font Bukurest , Fokchian , dont la moitié
eft du reffort de la Moldavie ; Kraiva , chef.
lieu du diſtrict de ce nom , où le Vaïvode
de Valachie tient un Gouverneur avec le
titre de BAN ; Reinnik , Bouzew , Zemit
che, Chorefche , Guirghitza , Coullé , Hocha ,
Kimen, Kalafat , Gunghow & Laun.
Bukureft eft la Capitale de la Valachie
& la réfidence du Vaïvode ; c'eſt une
grande & belle ville , extrêmement peu
plée : on y compte plus de 120,000 ha
bitans: il y a de très beaux édifices pu
blics & furtout de magnifiques Kans , ou
Hôtels publics habités par de riches mar
chands , chez lefquels on trouve toutes
fortes de marchandifes de tous les pays
du monde commerçant.
Gungbow eft la principale Echelle de
la Valachie ; c'eft une affez grande ville
fituée fur le Danube à 12 lieues au Midi
de Bukureft , & prefque vis - à - vis de
Rousdjiouk ; c'eft - là où l'on embarque
toutes les marchandiſes de la Valachie qui
vont dans la Mer Noire par le Danube
ou en Allemagne en remontant le fleuve:
on y apporte auffi toutes celles qui doi .
vent pafler à Varna , pour y être de - là
tranfportées à Conftantinople.
264 COMMERCE DE LA

Comme toutes les marchandifes de


Turquie & des pays étrangers qui vien
nent de Conftantinople , d'Andrinople &
des foires de Selimna & d'Ouzoundjova par
Rousdjiouk & toutes celles qui viennent
d'Allemagne par le Danube abordent
pour la majeure partie à Gunghow , la
defcription des autres places de la Va
lachie ferait affez fuperflue & nous allons
donner fommairement une notice des
articles d'importation & d'exportation de
cette Province.

Commerce d'Entrée.

On peut débiter en Valachie toutes


fortes de marchandiſes avec bénéfice ;
mais les marchands Européens ne s'y font
jamais établis par les raifons que nous dé
duirons ci - après. Les marchands de
Rousdjiouk fe font prefqu'emparés de tout
le commerce de ce pays : ils vont fe
pourvoir à Conftantinople , à Andrinople &
aux foires de Selimna & d'Ouzoundjova de
tous les articles qui y ont cours. Quel
ques marchands du pays vont auffi ache
ter des marchandifes d'Europe à la foire
de Leypfik , à Dántzik & à Vienne.
Nos Draps Londrins feconds ont cours
en
MER NOIR E. 265

en Valachie , mais le débit n'y cft pas


confidérable ; les Draps de Leypfik & de
Pologne & ceux que l'on fabrique dans le
pays même leur portent coup : ils s'y
vendent communément de 100 à 110
paras le pic. Les Draps les plus cftimés
font ceux que l'on appelle Draps de Leyp
fik , qui y viennent de la foire de cette
ville & qui ne font autre chofe que des
Mahouts de Hollande : il y en a de diverfes
qualités & de divers prix , depuis 3 jus
qu'à 5 & même 6 piaftres le pic , pour
les couleurs en Cochenille. Les Draps de
Pologne font de trois qualités différentes ,
de 30 à 80 paras le pic. On fabrique auffi
en Valachie une grande quantité de
Draps de très mauvaiſe qualité , à peu
près femblables à nos Pinchinats ; ils font
fort étroits & n'ont pas un pic de lar
geur ; le prix en eft de 20 à 26 paras le
pic. On pourrait introduire en Valachie
nos Draps d'Elbeuf, de Sedan & ďabbe
ville: il y a tout lieu de croire qu'ils y
réulliraient & qu'ils y ruineraient peur
être entierement les Draps de Leypfik , fi
l'on parvenait à établir folidement des
Français dans ce pays - là. Nos Etoffes de
Lyon fe vendent en Valachie avec beau
coup de bénéfice & en affez grande
M
266 COMMERCE DE LA

quantité: il y en a de fuperbes & de très


riches à Bukureft dans les kans publics &
dans plufieurs boutiques : les prix en font
exorbitans , parce qu'ils viennent par
Leypfik & que les frais de Tranſport ,
d'Entrée & de Sortie qu'ils doivent payer
dans l'Allemagne , avant que d'arriver à
Bukureft , font immenfes. Des Français
établis dans cette Capitale de la Valachie
pourraient s'emparer abfolument de cette
branche de Commerce : en faifant venir ces
étoffes par Conftantinople & par la Mer
Noire en droiture de Marfeille , ils pour
raient les donner à des prix bien infé
rieurs ; ce qui en augmenterait peut - être
la confommation. On débite en Valachie
une quantité d'étoffes de Venife appellées
dans le pays Bella Cofès ; ce font des
étoffes de foie à fleurs nuancées avec
quelque peu d'or & d'argent. Les Damas
quettes y ont cours auffi & l'on y vend
beaucoup d'étoffes de Scio de toute
efpece.
Les Galons qui ont le plus de cours en
Valachie , font ceux de Pologne , à caufe
de la douceur du prix : la plupart de ces
galons font unis , fans chevrons , ni fes
tons , en forme de moufquetaires travail
lés ; ils font légers & de mauvaiſe qua
MER NOIR E. 267

lité. On vend communément en gros


ceux d'argent 180 piaftres l'ocque , ce
qui revient à 3 piaftres & 24 paras ( 10
liv. 16 fols) l'once ; & en or , 200 pias
tres , c'est - à - dire 4 piaftres ( 12 liv.)
l'once. Nos Dorures y viennent auffi ,
mais par la foire de Leypfik & confé
quemment elles y font d'une cherté ex
trême auffi n'y en débite - t - on qu'une
très petite quantité : on en reconnaît ce
pendant la fupériorité par l'éclat & l'ufa
ge. Elles y feraient préférées , fi les Fran
çais pouvaient les y porter eux - mêmes ;
ils y trouveraient encore leur compte en
les donnant même au prix des Galons de
Pologne & ils feraient infailliblement
tomber tout à fait le Commerce de ceux
ci. L'on y vend auffi une grande quantité
de Fil d'or & d'argent de Pologne , de 12
à 13 paras la dragme.
Nos Camelots y ont affez de faveur ,
on y vend indifféremment les unis & les
rayés de 30 à 35 paras le pic : on les y
porte de Conftantinople.
Les Teintures viennent en Valachie ,
de Conftantinople , d'Andrinople & des
foires de Romélie , quelquefois auffi de
Dantzik. La confommation n'en eft pas
M 2
268 COMMERCE DE LA

fort confidérable , mais elles s'y vendent


avec avantage.
Les Epiceries , comme Canelle , Ge
roflles , Mufcades , Poivre , Gingembre ,
viennent par Dantzik & s'y vendent avec
un grand benefice. Les Epiceries fines
dans les tems de rareté font pouffées à
des prix exceffifs. Le prix courant du
Poivre eft de to paras & celui du Gin
gembre de 40 paras l'ocque.
On porte en Valachie l'Etain & le
Plomb de Conftantinople , d'Andrinople
& de la foire de Selimna ; le prix ordi
naire de l'Etain eft de 90 paras l'ocque
avec le fel ammoniac; celui du Plomb
de 13 à 14 paras. Le Mercure & l'Acier
viennent d'Allemagne par le Danube ; le
premier s'y vend 15 piaftres l'ocque &
l'autre 20 piaftres le quintal.
Les Faulx d'Allemagne font auffi un
article d'Entrée très confidérable en ce
pays - là .

Commerce de Sortie.

La Cire eft le plus confidérable article


de Sortie de la Valachie ; elle eſt d'une
belle qualité & la quantité y eft immen
MER NOIR E. 269

fe ; on la vend purgée & parfaitement


nette de 40 à 45 paras l'ocque.
On tire de la Valachie un grand nombre
de Cuirs de boeufs & de buffles , qui font
plus petits & moins eftimés que ceux de
Moldavie. Ceux de bœufs pefent com
munément de 25 á 30 ocques & fe ven
dent de 2 à 4 piaftres la piece ; ceux de
buffles fe vendent en proportion.
La Laine dela Valachie eft affez recher
chée ; elle eft à peu près de la même
qualité que celle de la Bulgarie Danu
biene , & elle eft préférée à celle de Mol
davie ; fon prix eft de 9 à 10 paras l'oc
que. La plus grande partie paffe en Alle
magne: la noire que l'on en fépare ordi
nairement , fe vend en Romélie.
Le Miel de la Valachie eft d'une qua
lité inférieure à celui de la Moldavie ; la
couleur en eft plus chargée & il eft plus
difficile à travailler ; fon prix ordinaire
eft de 5 piaftres le quintal.
Le Beurre y eft extrêmement abon
dant ; il eft d'une qualité inférieure à
celui de la Moldavie ; on le vend dans
les villages à 8 paras l'ocque & à 10 dans
les marchés publics.
Le Suif y eft un objet très important ;
on en tire de la Valachie une prodigieufe
M 3
270 , COMMERCE DE LA

quantité; la graiffe de chevre en fait la


bafe , on y ajoute auffi de la graiffe de !
bœuf & de mouton : on le vend commu
nément de 7 à 8 paras l'ocque.
La Valachie produit une grande quan
tité de Lin , de plus baffe qualité que
celui de la Moldavie , & il ne devient
jamais fi blanc : le brin en eft extrême
ment court. On le vend de 7 à 8 paras
Focque & il fe débite prefque tout en
Romélie.
Le Chanore y eft auffi fort abondant &
propre à faire toutes fortes de cordages ;
fon prix eft de 4 à 5 paras l'ocque.
Il fort de la Valachie quelque peu de
Pelleteries, à peu près de la même efpece
4
que celles que l'on tire de la Moldavie ,
mais fort inférieures en qualité : l'on en
parlera dans l'article fuivant.
La Valachie eft une fource inépuisable
de Grains ; le bled , l'orge & le feigle y
abondent. Le quilot & le prix font les
mêmes qu'en Bulgarie. La fortie en eſt
défendue & on les fait tous paffer à Con
ftantinople.
La Valachie produit une quantité
énorme de Tabac de très mauvaiſe qua
lité , que l'on vend à 8 afpres l'ocque.
Il y a en Valachie des Mines de Sel
MER NOIRE. 271

extrêmement abondantes , fituées dans


l'endroit que l'on appelle Hocna : ce fel
fe vend, fur les lieux , à raifon de 40
afpres le Monceau de 100 à 110 ocques.
Dans les Echelles du Danube , où on le
tranſporte de la Mine , fon prix ordinaire
eſt de 40 à 45 paras les 100 ocques. On
en tire une prodigieufe quantité , qui
paffe à Conftantinople & dans divers lieux
de l'Empire Ottoman.

OBSERVATIONS PARTICULIERES.

La Monnoye de Turquie eft celle qui


a le plus de cours en Valachie & même
la feule en ufage dans le même détail
néanmoins les Sequins Venitiens &
Hollandais , les Ecus de l'Empire , ceux
de Pologne , les Roubles de Ruffie & les
Réales de deux d'Efpagne , les Ecus de
Ragufe y paffent dans le Commerce &
font fujets à des variations dans le cours
du Négoce.
Le tranfport des marchandifes n'eft
pas fort cher en Valachie : on fe fert de
chariots attelés de bœufs , de buffles & de
chevaux , qui portent jufqu'à 2000 ocques :
ils coûtent ordinairement de Bukureft à
Gunghoto de 3 à 3 piaftres , & on les
M 4
272 COMMERCE DE LA

paye dans la même proportion fuivant


l'éloignement des divers lieux.
Il y a en Valachie deux Douanes ; une
à Gunghow & l'autre à Laun , qui eft une
petite ville fituée à l'Orient de la premiere
fur le Danube , vis - à - vis de Siliftrie.
Il y a dans chacune de ces Douanes 9
deux Douaniers , l'an Turc & l'autre
Valaque. Les Douaniers Turcs dépen
dent de celui de Rousdjiouk , où l'on paye
ordinairement ; & comme l'on prend un
palavant pour Gungbow & Laun , la
Douane de Valachie fe réduit à très peu
de chofe & l'on s'accommode à fort bon
marché avec le Douanier. La Douane
Turque eft de 3 pour cent pour les Turcs
& de 4 pour cent pour les Rajas : les
Francs payent fur le pied réglé par les
Capitulations.
Il y a en Valachie des Mines d'or
qui ne font pas ouvertes & auxquelles le
gouvernement ne permet pas que l'on
ravaille , de peur des avanies du Turc.
La Riviere de Bouzew & quelques autres
charrient des paillettes d'or en affez gran
de abondance ; on les ramaffe publique
ment. C'eſt une Ferme qui fait partie des
Revenus du Vaïvode ; & de laquelle les
Bohé
MER NOIR E. 273

Bohémiens de la Valachie font en pos


feffion depuis un tems immémorial.
On trouve auffi en Valachie des Perles
que l'on pêche dans un petit lac , qui eft à
quelqu'éloignement de Bakureft vers le
diftrict de Campo Longo; mais ces Perles
font très inférieures à celles qui nous
viennent des Indes Orientales.

LA MOLDAVIE..

LA Moldavie , ainfi que la Valachie ,


eft une Province Chrétienne de l'Empire
Turc : elle eft bornée au Nord par le
Niefter , à l'Eft par la Beffirabie , ou le
Budziak , au Midi par la Valachie & a
J'Ouest par la Tranfylvanie & la Hon
grie. C'eft un Vaïvode Chrétien à la
nomination de la Porte qui y commande ,
& fon gouvernement eft le même qu'en
Valachie. La Moldavie a moins d'éten
due & rend beaucoup moins que l'autre
fon Vaïvode , mais le pays eft beaucoup
plus fertile ; & le Vaivode de Moldavie a
le pas à la Porte fur celui de Valachie.
Les principales places de la Moldavie
font Tui, Capitale ; Chotzim , Kichenow
MC 5
274 COMMERCE DE LA

Targowitz , Thès , Falkchim , Kamanka ,


Orhei , Bakowo , Sokzow , Bourlat , Pout
chen , Ibraïl , Galaz , &c .
Taffi eft la Capitale de la Moldavie ; le
Vaïvode y fixe fon féjour : cette ville eſt
affez grande & bien peuplée ; on y compte
environ 50,000 habitans. Il n'y a
point de kans publics comme à Bukureft :
les marchands font établis dans des bouti
ques particulieres & le commerce y eft
beaucoup moins floriffant.
Galaz eft la principale Echelle de la
Moldavie ; elle eft fituée fur la rive fepten
trionale du Danube à 40 , ou 45 lieues de
fon embouchure. Cette ville eft comman
dée par un Officier Moldave établi par
le Vaïvode fous le titre de Procalamo: il
y a auffi comme dans toutes les villes de
Moldavie un Officier Turc appellé Be
chelu -Agaffi , qui commande aux Muſul
mans qui y font établis ou qui y viennent
pour leurs affaires. La plupart des mar
chandifes deſtinées pour la Moldavie
abordent à Galaz & l'on y embarque
également celles qui en viennent. Les
vaiffeaux n'hivernent gueres à Galaz ,
mais ils vont à Sunié , l'une des bouches
du Danube , où il y a un bon Port.
MER NOIRE. 275

Commerce d'Entrée..

Le Commerce d'Entrée de la Moldavie


eft le même que celui de la Valachie : les
marchandifes y viennent par les mêmes
voyes , mais en beaucoup moindre quan
tité ; ainfi il eft inutile d'entrer dans des
répétitions qui ne feraient d'aucune utilité.

Commerce de Sortie.

La Laine eft fort inférieure à celle de


la Valachie ; elle eft plus groffiere & plus
chargée de noire : elle ne paffe point en
Allemagne ; on l'employe dans le pays &
dans la Romélie pour les manufactures

d'Abas de Salonique , de Cabans & de
Couvertures.
Les Cuirs de bœufs & de buffles font
plus recherchés que ceux de la Valachie ;
les premiers pefent jufqu'à 40 ocques &
fe vendent de 3 à 4 piaftres ; ceux de
buffles en proportion.
La Cire eft l'article le plus important
du Commerce de la Moldavie ; elle eſt de
très belle qualité , & plus belle encore
que celle de la Valachie: on la vend au
même prix , c'est - à -dire de 40 à 45
paras l'ocque.
M 6
COMMERCE DE LA
276

Le Miel eft plus eftimé que celui de la


Valachie ; il eft d'une couleur plus claire ,
plus net & plus facile à travailler ; il eft
auffi plus cher & fe vend de 5 à 6
piaftres le quintal.
Le Beurre de la Moldavie paffe pour le
plus délicat de tout l'Empire Ottoman.:
i eft cependant à meilleur marché que
celui de la Valachie dont la qualité eft:
inférieure : on le vend dans les villages de
18 à 20 afpres l'ocque & jufqu'à 8 paras
dans les marchés.
Le Suif eft de la même efpece que
celui de la Valachie & fe vend au même
prix. 3
{
Le Lin de Moldavie eſt préférable à
celu de Valachie , il blanchit plus aifé
ment & le brin en eft plus long : ils font
cependant l'un & l'autre fort au deffous:
de celui d'Egypte : fon prix ordinaire eft
de 7 à 8 paras l'ocque.
Le Chanore eft auffi de meilleure qua
lité & fe vend communément à 4 paras
l'ocque.
Les Bœufs font un article très confide
rable du Commerce de Moldavie ; il en
paffe un nombre prodigieux en Pologne ,
en Pruffe, en Allemagne , dans les Etats .
de Venife & en Turquie : ils font ordi
MER NOIRE. 277

nairement du poids de 200 à 250 ocques:


on les vend de 10 à 13 piaftres , & les
Vaches de 8 à 11.
Il fort auffi de la Moldavie un nombre
infini de Moutons du poids de 18 à 22
ocques ; leur prix fur les lieux eft de 50
à 60 paras l'un : ils paffent en Romélie
& à Conftantinople.
Le Commerce des Viandes Salées de
bouf, de mouton & de chevre eft auffi
un très grand objet : cette denrée fe ré
pand dans toute l'étendue de la Mer
Noire. Les Sieurs Linchou , Négocians
Français établis en Moldavie , avaient
calculé que la Viande de bœuf falée avec
I préparation ufitée dans les pays chré
tiens , pourrait devenir une branche de
commerce très importante & qu'elle don
nerait un très grand bénéfice , même en
la vendant à bien meilleur marché que
celle que nous tirons d'Irlande, de Hollande
& du Nord: ils obtinrent la permiffion de
faire venir de France des faleurs exprès
& ils avaient déjà pris des mesures &
donné les ordres pour leur embarquement ,
lorfque la mort du Sr. Linchou l'aîné ,
qui a été décapité à Conftantinople en
1760 pour avoir cabalé contre le Grand
Vifir en faveur du Prince de Moldavie
M 7
1
278 COMMERCE DE LA

Rakowitza qui avait été deftitué , fit


tomber entierement cette entrepriſe. On
a cru devoir dire quelque chofe de cette
fpéculation , dont on pourrait peut - être
tirer quelque profit dans d'autres circon
flances.
Les Pelloteries de la Moldavie font
affez eftimées; elles confiftent en Renards ,
beaucoup plus beaux que ceux de la Va
lachie ; on en apporte les peaux non pré
parées au marché & on les vend de 45
à 50 paras la piece fuivant la qualité ; en
Zerdavas affez beaux , dont la fourrure en
tiere coûte de 50 à 60 piaftres ; en Sang
fars , dont la peliffe eft de 35 à 40 pias
tres ; en Alakarens de 5 à 5 piaftres la
peliffe ; en Guendjens de toute efpece , les
noirs & les Aladjas de 17 à 18 piaftres la
peliffe , & les blancs de 5 à 6.
I1 y a en Moldavie les forêts de Rézi
na , d'Iskenté , de Waskoï & plufieurs autres
qui produifent une quantité immenfe de
Bois de conftruction & de Mâture de
toutes fortes , que l'on peut avoir à très
bon marché. Galaz eft l'échelle où on les
tranfporte : il y a même dans cette ville
plufieurs Chantiers où l'on conftruit à très
bon compte des bâtimens marchands de
toute portée , pour la navigation de la
MER NOIR` E. 279

Mer Noire & du Danube. Les Matures


de Moldavie font prefqu'auffi bonnes que
celles que nous tirons du Nord.
On tire de Moldavie une quantité im
menfe de Goudron , qui fort de la terre &
dont on a découvert plufieurs fources ex
trêmement abondantes : on le vend fur
les lieux de 100 à 110 paras le quintal .
La Moldavie eft auffi fertile en Grains
que la Valachie ; le bled y eft même plus
beau. Le quilot eft de 275 ocques &
coûte 2 piaftres. Les autres grains s'y
vendent à proportion & avec le même
quilot. La Sortie en eft pareillement dé
fendue. Les Polonais avaient fait , il y a
quelques années , la propofition au Mi
niftere Ottoman d'introduire leurs bleds
dans la Mer Noire par le Niefter & de
les faire paffer à Conftantinople : ils de
mandaient pour cela quelques privileges
que la Porte n'a pas voulu leur accorder.
Le vulgaire ignore encore ce qui a pu
mettre obftacle à l'exécution d'un projet
dans la réuffite duquel les deux Puiffances
auraient trouvé un égal avantage ; mais
ceux qui font inftruits fe réuniffent pour
dire que le Miniftere Turc qui eft extrê
mement ombrageux , ne voulant accorder
à aucune Puiffance Européenne la liberté
280 COMMERCE DE LA

de la navigation fur la Mer Noire , elle a


refufé la propofition des Polonais , pour
n'être pas obligée d'octroyer la méme
permiflion à la Ruffie & à l'Empereur
qui auraient follicité la même faveur.
Les Ruffes tirent chaque année quel
que peu de Vin de Moldavie. Ce vin eſt
affez bon & eft préférable à celui de Bul
garie : il coûte communément un para
l'ocque

OBSERVATIONS PARTICULIERES.

Les mêmes Monnoyes qui ont cours


en Valachie paffent de même en Molda
vie , fans aucune diftinction : celles de
Pologne y font plus abondantes dans le
Commerce qu'en Valachie à caufe du
voifinage.
Le tranſport des marchandifes & celui
des voitures font à peu près au même prix:
on s'y fert pareillement de chariots , attelés
de bœufs , de buffles & de chevaux de la
même portée de 2000 ocques : les cha
riots coûtent indifféremment les uns & les
autres de Taffi à Galaz 5 à 5: piaftres:
on les paye dans la même proportion -
fuivant l'éloignement des divers endroits
où l'on veut faire tranfporter les mar
chandifes.
MER NOIRE. 281

Il y a à Galaz deux Douaniers , l'un


Turc & l'autre Moldave ; le Turc prend
la douane des Mufulmans à raison de 3
pour cent , & le Moldave exige ce droit
des Chrétiens fur le pied de 4 pour cent;
mais on s'accommode aifément avec ce
dernier & l'évaluation que l'on fait des
marchandiſes réduit le droit à beaucoup
moins.
Les Lazes de la Province de Trébifonde,
ont toujours fait un grand trafic en
Moldavie & en Valachie : ils étaient
parvenus , il y a quelques années ,à s'empa
rer entierement de tout le Commerce , &
à s'ériger en tyrans , furtout dans la
Moldavie. Ils s'y mariaient & y fi .
xaient leur réfidence ; ils exerçaient fur les
peuples les plus énormes vexations
ruinaient les payfans & les villageois en
les obligeant de fe charger de leur argent
à un change ufuraire & leur enlevant
enfuite leurs denrées & leurs marchan
difes en payement de ce prêt forcé & y
fixant le prix qu'ils jugeaient à propos
d'y mettre ; ils pouffaient fouvent l'excès
de la barbarie , jufqu'à fe permettre les
viols & les affaffinats : il y a environ
vingt ans que le Vaïvode Conftantin Mavro
cordato voulant fecouer le joug que ces
282 COMMERCE DE LA

nouveaux Colons , ou pour mieux dire ces


conquérans avaient impofé aux malheu
reux Moldaves ; il s'entendit avec le cé
lebre Ali - Pacha Hechim - Oglou , qui était
alors Pacha de Widdin ou de Babadag :
ils firent de concert des repréfentations
au Miniftere Ottoman & obtinrent des
ordres de poursuivre les Lazes , de faire
mourir les coupables & de s'emparer de
leurs biens. Ces ordres, furent exécutés
& même outrepaffés. Cette perfécu
tion fut une image des Vêpres Siciliennes ;
on les maffacra de tous les côtés & l'on
confifqua leurs biens pour le Miri. On
affure qu'en Moldavie l'on en fit périr
plus de dix mille. Ce terrible châtiment
les a depuis ce tems contenus dans les
termes du devoir. Ceux qui étaient éta
blis dans le pays & qui ont échappé au
carnage font devenus fouples & fou
mis , & les autres ont continué de com
mercer honnêtement , fans s'écarter
des regles qui leur ont été prefcrites.

C...
MER NOIRE. 283.

OBSERVATIONS ,

Relatives à la Valachie & à la Mol


davie en général.

DES Marchands Français ne pourront


jamais s'établir folidement en Moldavie
ni en Valachie , tant qu'il n'y aura point
de Confuls pour les protéger : ils y de
meureront toujours à la difcrétion du
Vaïvode qui abufe de la néceffité où ils
font de le ménager , & les force fouvent
de lui vendre des marchandiſes à crédit
dont ils courent grand rifque de perdre
la valeur dans le cas de fa dépofition.
Si ces marchands parviennent à captiver
fes bonnes graces & qu'ils lui paraiffent
attachés , ils deviennent fufpects à toutes
les autres familles qui vifent à la même
Principauté, & lorfque le Vaïvode dont
ils s'étaient attiré l'amitié , eft changé ,
celui qui le remplace , regarde ces Négo
cians comme des gens qui peuvent lui
nuire , & cherche à s'en débarraffer par
toutes les voies imaginables. D'ailleurs
pour s'affurer d'une forte partie des mar
chandifes de Sortie , comme Cire , Cuirs ,
284 COMMERCE DE LA

Laines , &c. les Négocians font obligés


de donner de l'argent en avance aux Sta.
Toftes des villages & à certains Boyards
qui reçoivent des dixmes & d'autres droits
en narchindifes. Quelquefois ils font
de femblables avances au Vaïvode : ils
lui fourniffent des Lettres de change fur
Conftantinople , dont il a fouvent befoin ,
à condition d'en recevoir le montant en
certaines marchandifes au- tems de la ré
colte. Ce genre de Commerce eft très
avantageux , parce qu'outre le change de
l'argent de 18 & 20 pour cent qu'ils re
tirent , ils obtiennent toujours les mar
chandifes à meilleur marché , ayant foin
d'en fixer le prix.par anticipation ; mais
fi le Vaïvode vient à être dépofé , ils ſe
trouvent expofés à perdre les avances
qu'ils lui ont faites & tout au moins à
attendre longtems leur payement jufqu'à
ce qu'il foit remis en place. Tous les
Boyards qui lui étaient attachés , fuivent
fon fort , perdent leurs places & ne payent
plus , quand même ils en auraient la
faculté : on les pourfuit inutilement , &
l'on n'obtient point de juftice , parce que
l'on n'a point de protection . Les Sieurs
Linchou ont fait une funefte expérience
de ce que l'on vient de dire. L'aîné des.
MER NOIR E. 285

freres jouiffait de la confiance entiere du


Vaïvode Conftantin Rakowitza ; il le fui
vit en Moldavie en qualité de fon Ka
marache , ou Tréforier privé , & établit à
Galaz une maifon de Commerce , dont il
donna la direction à fon pere & à fes
freres. Cet établiffement fleurit tant que
Conftantin fut en place : Alexandre Gika
qui lui fuccéda , regarda les Sieurs Lin
chou , comme des gens fufpects & des
quels il avait tout à craindre , à caufe
de leur attachement à fon prédéceffeur ;
il exerça contre eux toutes fortes de ve
xations , les obligea d'abandonner leur
maifon de Commerce & les força de
partir fans leur donner le tems de liqui
der leurs affaires ; il pouffa même les
chofesjufques à l'inhumanité par les mau
vais traitemens qu'il fit endurer au Sr.
Linchou pere , vieillard , dont l'âge mé
ritait an moins quelque compaffion . Ces
Négocians furent obligés de vendre à tout
prix les marchandifes qui leur reftaient
pour fe débarraffer ; ils perdirent beaucoup
d'effets , dans l'abandon fubit qu'ils firent
de leur maifon ; ils laifferent fur le pays
plufieurs créances & effuyerent , tout
" compte fait, une perte de plus de 15c00
piaftres dont ils n'ont jamais pu obtenir
286 COMMERCE DE LA

le moindre dédommagement . Les fuites


de toutes ces affaires plongerent enfin
le Sr. Linchou l'aîné dans un labyrinthe
d'intrigues qui ont abouti à lui faire cou
per la tête en 1760.
L'on peut juger aifément par ce que
l'on vient d'expofer combien il ferait né
ceffaire d'avoir en Moldavie & en Va
lachie des Confuls ou des Réfidents pour
protéger le Commerce que l'on voudrait
y introduire. Mais l'établiffement de ces
Confuls rencontrerait de grands obfta
cles vis - à -vis des Vaïvodes , quoique la
Porte n'eût peut - être pas une répugnance
extrême à s'y prêter. Ces deux Prin
cipautés font la proye de trois ou quatre
familles Grecques , dont les membres font
fans ceffe occupés à fe les arracher mu
tuellement. Ces familles fe portent réci
proquement une haine irréconciliable , &
les individus de chacune en particulier
font toujours divifés entre eux. Leur ja
loufie eft extrême ; ils verraient tous avec
beaucoup de peine dans leur pays , le féjour
d'un Officier d'une Puiffance étrangere ,
lequel ferait un honorable efpion capable
d'éclaircir leur conduite & d'en rendre
compte à fa Cour. Comme ces Vaïvodes
font quelquefois mêlés dans les affaires po
MER NOIRE. 287

fitiques de l'Europe & qu'ils prennent


fouvent à cœur les intérêts d'une Puiffance
au préjudice des autres , ils craindraient
la vigilance d'un Conful qui venant à
découvrir des menées contraires aux in
térêts de fon Souverain , pourrait les ma
nifefter & faire jouer des refforts puif
fants , pour faire déplacer le Vaïvode
dont il auroit lieu de fe plaindre &
le faire remplacer par quelqu'autre ,
auquel on connût des difpofitions plus
favorables . Toutes ces familles fe réu
niraient infailliblem ent & employeraient
tous les moyens imaginables pour détour
ner le Gouvernement Turc de permettre un
pareil établiffement. Il conviendrait de pro.
fiter du regne de quelques Vaïvodes atta
chés au parti de la France pour jetter les
fondemens d'un Confulat , & fices Vaïvo
des venaient à être remplacés par d'autres
mal -intentionnés , il faudrait protéger &
étayer fortement les Confuls contre tou
tes les tentatives que ces petits Princes
pourraient faire pour les expulfer ; &
dès que ces Confuls auroient pris racine
dans ces Pays - là , & s'y feraient fait
craindre , de même que refpecter , on
pourrait alors y établir un commerce flo
riffant & lucratif, en fixant les maiſons de
288 . COMMERCE DE LA

Commerce à Yaffi , & à Bukureft , &


plaçant dans les Echelles de Galaz , de
Gunghow & de Varna des Facteurs pour
recevoir les marchandifes d'Entrée &
expédier celles de Sortie.

CONCLUSIO N.

Obfervations Générales fur le Com


merce & la Navigation de la
Mer Noire.

L'on peut juger par tous les détails


que l'on vient de donner fur le Commerce
de la Mer Noire , de l'avantage que
l'on pourrait trouver à l'entreprendre
& à le fuivre. Ce Commerce fait avec
prudence , économie & intelligence , doit
procurer d'immenfes profits ; puifque les
Turcs & les Grecs qui le font très mal ,
y gagnent encore beaucoup , malgré le
change exorbitant qu'ils payent fur l'ar
gent , qu'ils empruntent ordinairement à
la groffe aventure pour fe procurer des
fonds.
Le moyen qui paraîtrait le plus conve
nable
MER NOIRE. 289

nable pour tirer le meilleur parti poffible


du Commerce de la Mer Noire , & de
lui donner toute l'étendue , dont il eſt
fufceptible , ferait de former une Com
pagnie par Actions , dont le Comptoir
principal ferait à Conftantinople , & à
laquelle tous les Négocians du Levant ,
& même de France , pourraient prendre
part.
Avant que d'établir cette Compagnie
& d'envoyer dans les diverfes Echelles
de la Mer Noire les Facteurs néces
faires ; il conviendrait de choisir une
perfonne entendue , accompagnée d'un
Ingénieur Géographe pour lever les
Plans , rectifier les Cartes & la poſition
des Lieux ; d'un ou de deux Négocians
au fait du Commerce & ayant connais
fance des marchandifes ; avec deux
Drogmans qui poffédaffent bien les Lan
gues Françaife , Italienne , Grecque
Turque , Perfanne & Arabe ; auxquels on
joindrait deux Janiffaires fideles de la
fuite de l'Ambaffadeur pour eſcorte ,
afin de faire le tour de cette Mer dans
la belle faifon , examiner encore plus à
fond les diverfes Echelles , la nature du
Commerce en général , le Commerce
N
290 COMMERCE DE LA

refpectif des Echelles entre elles ; celui


qu'y font les diverfes Nations voisines ;
les Marchandifes que l'on peut y vendre
& acheter avec avantage ; les prix des
unes & des autres qui peuvent varier ;
les différens frais de Commerce &

autres dépenfes y relatives ; les facilités


& les obftacles que l'on pourrait trou
ver dans les Etabliffemens; pour s'affurer
en un mot , plus parfaitement que l'on
n'a pu faire jufqu'à préfent , de tout ce
qui peut être relatif à cet objet, & fe
convaincre par l'expérience de la vérité
des choſes.
La perfonne choifie pour cette com
miffion devrait nolifer à Conftantino
ple un gros bâtiment Turc de 5 à 6000
quintaux ou 300 tonneaux , qui coûte
rait 300 piaftres par mois ; l'Equipage
de ce bâtiment devrait être compofé
de trois ou quatre Matelots français ,
capables & gens déterminés , ainfi que
d'un Pilote expert & d'un Ecrivain en état
de tenir un Journal exact ; indépendam .
ment d'un Reïs ou Patron Turc & d'un
nombre néceffaire de Matelots Turcs &
Grecs , dont on ferait fûr. Ce bâtiment
porterait quelques pieces de canon & des
pierriers , avec d'autres armes.
MER NOIR E. 291

L'on porterait dans chaque Echelle


un effai de toutes fortes de marchan
difes d'Entrée , & on acheterait un peu
de toutes celles de Sortie : l'on pourrait
également dans le cours de ce voyage
faire l'épreuve néceffaire du Commerce
d'une Echelle à l'autre; Peut - être même
les profits que l'on ferait dans cette
tournée en payeraient - ils toutes les dé
penfes , ainfi que les Préfents qu'il fau
drait faire aux Pachas , Cadis , Muffeleims ,
Gouverneurs , Commandans dans les di
vers lieux où l'on pafferait.
Le Commiffaire chargé de cette Ex
pédition devrait être muni de Fermans
ou Commandemens du Grand- Seigneur ,
enjoignant à tous les Gouverneurs &
Officiers de Juſtice de lui donner toute
la protection néceffaire pour l'établiffe
ment de ce Commerce. On pourrait
même pour plus grande fûreté le faire
accompagner par un Chiaoux , ou tout
autre Officier de la Porte , qui ferait exé .
cuter les ordres de fon Souverain , en
cas de refus & de défobéiffance. Une
pareille grace ne ferait peut - être pas
difficile à obtenir du Miniftere Ottoman
& un Ambaſſadeur habile pourrait lui
N 2
292 COMMERCE DE LA

faire envifager plufieurs avantages capa


bles de le déterminer à l'accorder. Ce
Commiffaire aidé de ces Négocians , d'un
Ingénieur Géographe & d'un Pilote ex
périmenté , muni de bonnes Cartes ma
rines de la Mer Noire , de Bouffoles
éprouvées & d'inftrumens , ferait en état
en faifant un pareil voyage , de donner
fur le Commerce de la Mer Noire des
lumieres plus étendues , & des connais
fances encore plus précifes que celles que
l'on a pu fournir ici. Alors , avec de pa
reilles Inftructions , on pourrait procéder
à l'établiſſement des Facteurs & travail
ler à leur procurer la protection & la
liberté qui font le fondement & la baſe
de tout Commerce ; & l'on ne ferait
pas dans le cas de fe laiffer abufer par
les difcours de quelques avanturiers "
dont les rapports inexacts ne peuvent
qu'in duire en erreur d'après leurs faibles
lumieres.
Dans les Echelles où l'on ne pourrait
pas établir des Facteurs à demeure
comme chez les Abazes , & ailleurs ;
on ſe contenterait de faire naviguer des
Facteurs ambulans & des Subrecargues..
Si ce Commiffaire était obligé fuivant

412
MER NOIRE, 293

les occurrences de paffer en Georgie


conjointement avec les Négocians dont
il ferait accompagné & d'aller jufqu'à
Tifflis auprès du Prince Héraclius , ain i
qu'auprès du Khan & des Vaïvodes de
Valachie & de Moldavie , il faudrait
qu'il foit muni de Lettres de Créance &
de recommandation du Roi auprès de
ces Princes , dont il ferait ufage fui
vant les circonstances & avec toute la
prudence poffible ; il conviendrait de
plus qu'il ait un ordre du Grand
Seigneur aux deux Vaïvodes afin de
lui faciliter l'objet de fa miffion .
Les périls de la navigation de la Mer
Noire ont toujours épouvanté , avec
quelque raifon , la plupart de nos Né
t
gocians : il eft vrai que cette Mer eft
fort orageufe , que les Ports y font ra
res & que ne trouvant pas à fe faire
affurer , on eft obligé de courir tous
les rifques mais l'on peut en même
tems avancer que les plus grands dan
gers font caufés par l'ignorance & l'in
expérience des navigateurs & leur mal
adreffe dans la maniere de charger
les navires. Les Patrons des vaiffeaux
n'ont point de Cartes marines & n'ont
N 3
294 COMMERCE DE LA

que de très mauvaiſes Bouffoles ; ils ne


favent ni louvoyer ni fe tenir à la ca
pe: de quelque côté que le vent tour.
ne, ils mettent tout de fuite en poupe
& vont où le vent les conduit : dès
qu'ils perdent la terre de vue , ils ne
favent plus calculer leur route , con
naître le chemin que peut faire le bâ
timent , ni trouver le Port , à moins 1
que le hazard ou leur routine ne les y
conduife ; fans cela ils vont échouer in
failliblement. Lorsqu'ils partent d'un en
droit pour aller à un autre , ils ont
coutume d'attendre un vent fait , qu'ils
jugent d'une maniere fort incertaine ,
devoir leur faire faire tant de lieues
par heure : ils calculent de façon à pou
voir fe trouver de jour devant le Port
qu'ils veulent aborder ; fi par hazard
le vent renforce ou diminue & que la
nuit les furprenne à l'attérage , ils vont
à coup für naufrager à la Côte, L'en
trée du Canal de Conftantinople ou du
Bofphore de Thrace eft furtout pour
eux un écueil dangereux , où il en périt
un grand nombre.
La façon de charger les navires eft
de même un grand inconvénient qui
MER NOIR E. 295

fait périr plufiears bâtimens & caufe de


grandes pertes. Quand le Navire eſt en
charge , alors faute de connaître l'efti
vage des marchandifes de volume , ils
accumulent fans ordre & fans ménage
ment tout ce que les chargeurs appor
tent , & pour gagner un fort Nolis ,
on charge fouvent le bâtiment outre
mefure & même prefque jufqu'au milieu
du mât des marchandifes légeres ; de
forte que le vaiffeau fcurchargé perd
fon affiette & fon équilibre & par con
féquent fe trouve fouvent exposé à fe
renverfer & à périr au milieu de la
Mer , mais très communément furtout
à faire Jet. Dans le dernier cas , ii
n'y a ni avarie ni répartition à eſpérer
& les propriétaires des marchandifes
qui fe font trouvées à portée d'être
jettées à la mer , effuyent toute la perte
fans aucun
aucun espoir de dédommage
ment.
L'on pourrait remédier aux inconvé
niens qui procedent de l'ignorance des
navigateurs , en donnant aux Reïs ou
Patrons des bâtimens que l'on nolife
rait , des Filotes Français , que ces Pa
N4
296 COMMERCE DE LA

trons accepteraient avec grand plaifir ;


alors ces Pilotes prendraient bientôt une
connaiffance exacte de la Mer Noire ,
découvriraient certainement bien des
Ports , des Plages ou des Rades qui
font peut - être excellens & inconnus aux
gens du pays ; ils éviteraient par de
meilleures manoeuvres un nombre infini
de dangers ; ils prendraient auffi pour
charger les bâtimens , les précautions
& les mefures convenables , & il ne
ferait peut - être pas impoffible d'en
feigner aux Patrons Turcs la maniere de
bien arrimer les marcha ndifes.
L'on s'eft donné des mouvemens in
finis dans différens tems pour obtenir
de la Porte la liberté de la navigation
dans la Mer Noire . M. le Marquis de
Villeneuve avait eu la permiffion d'y
faire naviguer deux tartanes ; permis
fion dont on n'a jamais pu profiter , par
ce qu'elle fut immédiatement révoquée.
·
Pendant qu'Ali Pacha - Hekim - Oglou
était Gouverneur à Trébifonde , les 1
Ragufais engagerent ce Pacha , par le
canal de fon Médecin , à demander
pour eux ce privilege au " Miniſtere Ot
toman , qui était fur le point de le
leur
MER NOIR E. 297

leur accorder ; mais ils furent décou


verts & croisés par des Miniftres Etran
gers , qui firent bientôt échouer leus
négociation.
On ne voudrait pas affurer que nous
trouvaffions grand avantage à introduire
nos bâtimens dans la Mer Noire. C'eſt
un point qui paraît mériter d'être bien
réfléchi. On ofe croire qu'il vaudrait
mieux fe fervir des bâtimens du pays ,
tant , parce qu'ils navigueraient à meil
leur marché que les nôtres , que parce
que cela ne ferait pas un trop grand
éclat. L'apparition d'un Pavillon Chré
tien dans cette mer & la concurrence:
des autres Etrangers qui ne manque
raient pas de folliciter , & même s'il le
fallait , d'acheter à grands frais le même
privilege , ferait augmenter tout d'un
coup le prix des marchandifes de Sortie
& tomber celui des marchandifes d'En
trée ; & l'on ferait bientôt privé de
tous les profits de ce Commerce.
D'après tout ceci l'on doit préfu
mer que la France , pour conferver fom
Commerce du Levant & pour l'augmen
ter par celui de la Mer Noire , ne per
mettra jamais que l'Empire Turc tot oi
N 5
298 COMMERCE DE LA & c.

envahi ni démembré , ni que l'on


chaffe les Princes Ottomans de leur
trône , parce qu'alors notre Commerce
du Levant ferait entierement ruiné , ou
tout au moins réduit à très peu de
choſe.

FIN.

$ 1
MER NOIRE. 303

Sucre , &c. dont nous allons donner le


détail. Les Retours font en Soyes , Co.
tons , Laines , Cire , Huiles , &c.
Les Hollandais y font fort occupés : ils y
font paffer tous les ans 10 à 12 bâtimens ,
qui y portent environ 500 balles de Draps
affez reffemblants à ceux d'Abbeville.
Les Anglais y font paffer environ 5 à
600 balles de Draps .
Les Venitiens y portent à peu peu près
150 ballots de Draps , dont une forte de
Londrins feconds qu'ils ont imité des nôtres ,
& des Sayes , efpece de Draps extrême
ment forts , dont les Turcs fe font des
manteaux & les payfans des Robes.

COMMERCE D'ENTRÉE.

Draps.

L'article des Draps eft comme l'on


voit affez confidérable à Smyrne : mais
il s'eft élevé parmi nos Français plufieurs
difficultés à ce fujet : on les réduit à quatre
Queſtions.

Premiere Question .

S'il convient de rétablir la liberté


304 COMMERCE DE LA

ou maintenir les arrangemens ? Les


,, Négocians Français de Conftantinople
parlent en faveur des arrangemens , &
22 ceux de Smyrne pour la liberté du
"2 Commerce. "
L'on a repréſenté qu'il fallait plutôt
s'attacher au maintien du prix de la Dra
perie qu'à la conſommation ; que l'Etat
trouve plus d'avantage à vendre le Drap
à un prix modéré , que d'en vendre moins:
à un prix exorbitant ; qu'il ne fallait pas
accorder une abfolue liberté , & qu'il fal
lait affigner aux deux Echelles de Con
ftantinople & de Smyrne la qualité des
Draps qui leur font propres ; c'eft- à-dire
les Draps des Manufactures Royales à
Conftantinople , lefquels ne pourraient
aller à Smyrne que par tranfit , & àt
Smyrne les Londrins feconds & les
Londres larges des baffes Manufactures "
parce que ces qualités ne peuvent paffer
à Conftantinople avec avantage ; que l'on
pourrait remédier à Smyrne aux incon
véniens que produit la liberté & à l'ac
cumulation des Draps & l'inégalité du
travail entre les Négocians par la réparti
tion générale des adreffes , à laquelle on
pourrait joindre une Caiffe folidaire
d'Emprunt pour rendre les Négocians
MER NOIR E. 305 .

moins dépendans des Juifs dans les trocs


par anticipation ; qu'il fallait permettre
de fabriquer en France un tiers en fus de
la confommation annuelle , ce qui modé
rerait le concours des marchands dont les
envois étant réglés influeraient néceffaire
ment fur le prix des Draps en France &
empêcheraient le monopole des fabricans
du Languedoc qui ne font paraître que la
quantité de Draps qu'ils veulent , pour
en faire augmenter le prix.
Il faut obferver qu'à Conftantinople les
Draps de haute qualité fe vendent mieux ,
parce que c'est une ville riche , & que
ceux de baffe qualité y ont peu de débit ;
au lieu que Smyrne ne peut vendre que
dans les petits endroits à des gens pauvres
& accablés de vexations ; ainfi il n'y faut
que les Draps de baffes qualités. On peut
au refte fixer à l'une & à l'autre Echelle
une quantité de certains Draps de haute
& de baffe qualité , dont elles puiffent fe
procurer une conformation directe fans
fe nuire , & empêcher les Négocians de
Conftantinople de forcer les Marchands
Drapiers du Bézeftein d'acheter les Draps
*
de baffes qualités mêlés avec les hautes
par forme d'affortiment.
On joint à cet effet un Etat de la con
306 COMMERCE DE LA

fommation des Londrins premiers &


Londrins feconds des hautes, manufactu
res , que l'Echelle de Smyrne peut vendre
directement fans faire tort à Conftanti
nople :

à Smyrne · Ballots 60 à 80.


à Scio 15 à 20. 150 Ballots.
à Broufje . 40 à 50..
1
Deuxieme Queſtion .

S'il convient de vendre les Draps en


troc par anticipation , & s'il ferait poffi.
,, ble de fe paffer de cette méthode ?"
La confommation des Draps qui vien
nent à Smyrne fe fait dans la ville même
par le Bézeftein , ou dans les villes de
l'Afie Mineure, ou en Perfe par les Cara
vanes. Les ventes s'y font par l'entre
mife des Juifs qui ont impofé un joug
extrêmement dur aux Français , de forte
que l'on ne peut plus rien faire fans eux.
Les acheteurs font de trois fortes ; ceux
du Bézeftein ou du marché public , qui
vendent & qui font quelquefois des en
vois au dehors ; les étrangers qui vien
nent avec les Caravanes ; & les tro
queurs qui font tous Juifs.
Les trocs fe font de deux manieres ; de
MER NOIRE 307

la main à la main , & par anticipation:


ces derniers n'étaient pas fi fréquens au
trefois qu'à préfent , parce qu'il y avait
des Négocians dont la Caiffe était forte
& qui faifaient circuler plus de 300,000
piaftres : mais la difette d'argent qui regne
depuis longtems dans le pays a réduit les
Négocians à la dure néceffité d'avoir re
cours à cette façon de vendre , laquelle
les a rendu efclaves des Juifs.
Chaque Maiſon Françaiſe a fon Cenfal,
ou Courtier , quelquefois deux ou trois ,
tous Juifs ; & l'on peut faire compte fur
une centaine d'Israélites au fervice feul
des Français . Ces Juifs uniquement , en cal
culant fur 300 piaftres par an qu'ils reti
rent de bénéfice qu'ils font pour leur cour.
tage , forment une trentaine de mille
piaftres prifes fur le profit des Négocians :
on ne parle pas d'une centaine d'autres
Juifs qui n'étant attachés à aucune Mai
fon en particulier , retire encore fes 300
piaftres ; cela fait en total une fomme de
60,000 piaftres que les François payent
pour fe faire voler.
Tous ces Courtiers attachés aux Mai
fons , font en fociété avec les troqueurs
qui revendent en détail les effets qu'ils
achetent en gros du Négociant , qui
308 COMMERCE DE LA

tranquile dans fa maifon ne vend de cette


maniere que par l'entremiſe de ces Juifs:
le Négociant ignorant ordinairement la
langue du pays , ne reçoit d'avis que par
fon Courtier , ne fait , ne voit , n'agit &
ne fait rien que par lui , ne profite que
des occafions que celui - ci fait naître &
n'en profite encore qu'aux conditions qu'il
plaît au Courtier de déterminer ; au lieu
que les marchands du pays établis dans
les Kans , les Bézefteins , ou les Bazards,
font à portée de faifir les bonnes occafions ,
de favoir toutes les nouvelles & de profi
ter des hauffes & des baiffes des mar
chandifes. Enfin ces Juifs tyranniſent fr
fort le Négociant , & proportionnent la
dureté de leurs conditions dans les trocs
& les ventes au befoin plus ou moins
Fréquent dans lequel il fe trouve , parce
que ces Juifs ont les fecrets de toutes les
Maifons , font dépofitaires des Fonds du
Négociant & favent tout l'intérieur de fes
affaires , qu'ils fe communiquent les uns
aux autres ; & fouvent le Négociant
ne peut vendre fes Draps qui lui reftent
en magafin , qu'après que les Juifs ont
vendu ceux qu'ils ont pris en troc , foit de
la main à la main , foit par anticipation :
de forte que les Juifs étant maîtres de
MER NOIRE. 309

tout , on vend les Draps à bon marché


& l'on achete les marchandiſes de retour
très cher , encore les a-t- on de mauvaiſe
qualité ; & pour comble de difgrace , fi
quelqu'un des Juifs maître de la caiffe du
Négociant vient à faire banqueroute , il
entraîne néceffairement celle du Négo
ciant (*).
La fuppreffion des trocs anticipés pa
raît impoffible ; elle ferait même dange
reufe à l'Etat & nuirait peut - être à la
confommation.
Le Commerce des Echelles de Con
ftantinople & de Smyrne eft différent
l'un de l'autre : dans la premiere , la con

(*) Voyez ce que je dis ci - après au fujet des


Juifs dans mes Obfervations fur le Commerce de
TI : de Candie , pour fe mettre à l'abri des Ve
xations & des Banqueroutes des Juifs , & pour les
tenir en refpect . On pourrait , quoiqu'en dife l'au
teur de ce Memoire , avec lequel je ne fuis pas
d'accord fur ce point , leur oppofer les Armé
niens établis à Smyrne , qui font aufli enten
dus , aufli intelligens & auffi actifs que les Juifs ,
mais moins fattueux , plus tobres , plus écono
mes , & pallent pour plus honnêtes gens. C'eft
ce que j'obfervai à MM . P, M , A , R , & autres
Négocians de Smyrne , lors de mon féjour en
cette ville , & ils convinrent de la jufteffe de
mes obfervations.
310 COMMERCE DE LA

fommation eft fixe & réglée ; dans la fe.


conde , elle dépend de la faveur & de
l'induftrie des Juifs & le troc feul les met
à portée de la faire valoir. Smyrne eft
dans une difette perpétuelle d'argent , foit
le Négociant , foit même le Juif. Celui
ei reçoit la marchandiſe d'entrée en anti
cipation ; il fe fait des fonds à l'avance
avec un art dont le Négociant n'eft pas
capable , & il fe met en état de fournir
au tems de la récolte , les marchandifes
de retour , dont il eft convenu avec le
Négociant , fuivant le prix fixé par le
confentement unanime des Nations : ainfi
il n'eft gueres poffible de fe paffer des
Juifs à Smyrne , ils ont l'art d'endormir
leur Chalands & de leur faire acheter ou
vendre la marchandiſe dans le tems même
que l'on en a le moins d'envie. Si l'on
veut fe foustraire au Defpotiſme des
Juifs : vers qui fe tournera -t - on ? Vers
les Grecs , tout auffi fripons qu'eux ; ou
vers les Arméniens , qui font très ombra.
geux & moins coulans. Les Juifs fe
voyant privés de faire notre Commerce
& étant les maîtres de celui de Smyrne ,
fe vengeraient , en fe tournant vers les
Etrangers dont ils faciliteraient la vente
des Draps à notre préjudice & en faisant
tomber abfolument les nôtres.
MER NOIRE. 314

Peut -être que fi l'on faifait une répar


tition générale des adreffes , diminuerait
on en quelque maniere l'inconvénient des
trocs ? Alors les maifons n'ayant plus que
le même nombre de ballots à vendre , &
l'émulation ceffant , les Négocians réfi
dans agiraient de concert & ne feraient
plus dins le cas d'appréhender que les
Draps des trocs revendus à meilleur mar
ché ne retinffent les leurs en magafin : ils
s'entendraient même pour n'en faire venir
qu'à mefure de la confommation , & pren
draient par la même raifon des mefures pour
l'arrivée fucceffive des bâtimens. Par ce
moyen & par le Coupement du prix ils
priveraient les Juifs de l'avantage , que leur
donne la néceffité d'expédier des bâti
mens envoyés fouvent hors de propos.
Mais il ne fera jamais poffible de voir cela
à Smyrne ; la jaloufie & la diffention y
regnent trop entre les Négocians pour
efpérer qu'ils veuillent fe réunir pour cet
effet , & certains Confuls pour fe faire va
loir davantage à la Cour , fomentent fous
main ces diffentions , afin de fe rendre
néceffaires parmi les Négocians & même
pour s'en faire craindre.
Si l'on pouvait rendre les Courtiers pu
blics & obliger les Négocians de n'en
312 COMMERCE DE LA

point avoir de particuliers , on pourrait


alors abaiffer la prépotence des Juifs , la
quelle eft montée à un affez haut dégré ;
comme auffi de propoſer aux Courtiers de
ferendre folidaires les uns envers les autres ,
pour mettre la Nation Françoiſe à l'abri
des banqueroutes qui furviennent quelque
fois chez eux. Mais tant que la Nation aura
toujours fes fonds qui font affez confidéra
bles entre les mains des Juifs , on ne pour
ra jamais párvenir à les réduire , parce
que ceux - ci n'étant plus maîtres de la
Caiffe , feront obligés de venir prier le
Négociant ; ce qui eft le contraire à
préfent.
A l'égard de l'établiffement d'une Caiffe
folidaire d'Emprunt , telle qu'elle eſt à
Conftantinople ; elle pourrait produire
de très bons effets , fi les Négocians de
Smyrne étaient auffi unis qu'à Conftanti
nople. Il faut rendre juſtice à la généro
fité des Négocians de cette Capitale , &
on leur doit même des éloges pour avoir
offert à ceux de Smyrne de les faire par
ticiper au Crédit de la leur . Un pareil
projet rabattrait encore beaucoup la fierté
des Juifs.

Troi
MER NOIRE. 313

Troisieme Question.

99 Les Etrangers pourraient - ils imiter


,, nos Draps , & comment pourrait -on
,, empêcher leurs fuccès à cet égard ?"
Les Anglais & les Venitiens font les
-feuls qui ont pris fur notre Commerce de
Draps : les Anglais par fubftitution & les
Venitiens par imita ion. Les Anglais
n'ont pas réuffi ; les Venitiens , au con
traire , fe font foutenus par la médiocrité
du prix & la parfaite imitation des nô
tres , foit dans la qualité , la couleur , la
lifiere , la toilette ou enveloppe de cha
que piece , &c. Ces Draps font vendus à
Venife à très bon marché , & ils peuvent
convenir aux gens du pays pour les re
tours des marchandifes qu'ils ont la liberté
d'y envoyer. Ainfi , en jugeant des effets
des Anglais & des Venitiens pour la
vente de leurs Draps par fubftitution &
⚫ par imitation , on doit conclure qu'il n'y a
pas d'autre moyen que de diminuer le
plus qu'il fera poffible le prix de notre
Draperie , en faifant fabriquer un tiers en
fus de ce qui fe fait dans les Manufac
tures.

1 0
314 COMMERCE DE LA

Quatrieme Question.

99 Si nous ne pourrions pas imiter les


99 Draps des Etrangers , & quels feraient
99 les moyens que l'on pourrait employer
" pour furpaffer leur Draperie ?"
La Draperie moyenne du Languedoc
eft l'article le plus important pour la Na
tion Françaiſe : cette Draperie a fon
caractere particulier , procédant du fyftê .
me de fabrication , établi par les Régle
mens & notamment par celui de 1708.
Les Anglais ont leur attribution particu
liere , confiftant en Mahouts & en Londres :
envain tenterions - nous d'imiter ces der
niers Draps qui font forts & groffiers ,
n'ayant pas les matériaux que les Anglais
trouvent chez eux & qui leur donnent un
avantage auquel il ne nous eft pas permis
d'afpirer. Si nous pouvions tenter de
furpaffer la Draperie Anglaife , ou venir
à l'imiter , ce ferait à l'égard des Ma
houts : ces Draps font de la plus belle qua
lité & ne fe vendent point à Smyrne , ou
du moins y en débite t -on une trop petite
quantité: ainfi le projet de les imiter ne
regarde gueres que Conftantinople , aùs
s'en fait la plus grande confommation. Il
vaudrait mieux auffi fuivre le fyftême de
MER NOIRE. 315

la Nation Françaiſe de Conftantinople ,


qui eft de perfectionner les Draps de
Languedoc au point de pouvoir les don-,
ner pour Anglais , en imitant pour cela
leur lifiere , leur toilette & généralement
tout ce qui eft capable de donner le
change aux acheteurs. Cependant il con-.
viendrait davantage de fe contenter de la
fubftitution de nos Draps de Picardie &
de Normandie , qui ont beaucoup plus,
d'analogie avec ceux d'Angleterre que
ceux de Languedoc qui font d'une qua
lité toute différente.
Quant aux Draps Hollandais on a repré
fenté que ce qui procurait aux Amfterda
mois la plus grande confommation de leurs
Draps , était la néceffité où fe trouvaient
les gens du pays qui ont la liberté du
Commerce direct en Hollande , de com
pofer les retours des marchandifes qu'ils
y envoyent pour leur compte ; puifqu'ils
achetentices Draps de la premiere main ,
& qu'ils y font de très grands profits ; au
lieu que nos Draps Français ( outre le gain
que le Négociant de Smyrne veut faire fur
l'homme du pays) fupportent encore celui
que le Fabriquant de Languedoc a déja
fait fur le Négociant de Marfeille. Peut
être porterait- on un terrible coup à la Dra .
O 2
3.1.6 COMMERCE DE LA

perie Hollandaife , fi l'on fefait trouver


au moins pendant quelques années , aux
gens du pays , ces deux avantages , en
leur permettant de fe pourvoir en France
de nos Draps de Rouffeau , de Sedan &
d'Elbeuf, qui font ceux que l'on peut à
peu près oppofer à ceux des Hollandais
en retours de leurs marchandiſes d'envoi
en Hollande , dont ils feraient paffer le
produit en France en lettres de change ,
ou par telle autre circulation de fonds
qu'ils jugeraient à propos. Il paraît que
dans l'exécution de ce projet , fi les habi
tans de Picardie donnaient aux Smyrniotes
les Draps de la premiere main à un prix
modéré, & que l'on en permît le tran
fport en droiture du Ponent , notre Dra
perie prendrait peu à peu une entiere
préférence fur celle des Hollandais ; l'Etat
y gagnerait un furcroît d'induftrie & la
Navigation une augmentation confidéra
ble de fret, & en diminuant ainfi à pro- .
portion la Draperie des Etrangers , ceux
ci auraient moins de marchandifes de
retour à demander au Levant , & leur
concurrence nous y deviendrait à cet
égard moins préjudiciable,

LA Askarit t

MER NOIRE. 317

Serges Impériales.

Cette marchandiſe eft prefque tombée


à Smyrne: les Anglais & les Livournais
nous ont porté coup , en faifant fabriquer
de pareilles étoffes bien meilleures & plus
belles ; elles font à la vérité plus cheres ,
mais bien plus fines , plus ferrées & de
bien plus de durée que les nôtres. Les
ferges fe vendent à piece , dont chacune
eft de 32 à 34 pics : le nombre des pie
ces qui compofent la balle , eft arbitraire
mais la quantité de celles qui compofent
l'affortiment eft fixé.

L'Aortiment de celles de France eft de 40


Pieces.

Savoir :

Ecarlate 7 Pieces
Piſtache 6
⚫ Citron 6
Ecarlate foncée ou Incarnat · 6
Verd Clair .
.. Bleu Clair . 5
Bleu de Roi · 4
Noir I
40 Prces.

37 .
03
318 COMMERCE DE LA

L'Alfortiment de celles de Livourne eft de 30


Pieces.
f Ecarlate
lyrio Pieces.
Piftache .3
Bleu Clair 4
Verd Clair
Bleu de Roi
Citron on
Bl 415
Ecarlate foncée -- 5
• Bond 21
130 Pieces.
10 949 9370

L'Affortimentde celles d'Angleterre eft


de 25 Pieces , & compofé comme celui
de Livourne , à l'exception des cinq der
nieres pieces , d'Incarnat , parce qu'ils ne
réuffiffent point dans cette couleur. Les
rouges font cheres à caufe de la Coche
fille que l'on y employe , & dans la vente
en détail , elles différent des autres d'en
viron 3 piaftres par piece : les couleurs bi
zarres ne réuffiffent point.
Le prix de celles de France eft de 12
piaftres la -piece, celles de Livourne de
16 à 17 & celles d'Angleterre de 20 à
22 : les Français en débitent de 15 à 20
balles ; les Livournais de 10 à 15 & les
Anglais autant.

# Camelots de France.

Les Camelots de France réuffiffent


ε
AMER NOIRE. 319

affez bien ; il y en a d'anis & de rayés :


ces derniers fe vendent mieux que les
autres. On en peut vendre 2 à 300 Pie
ces : l'Affortiment des unis eft composé
de rouge , écarlate , blanc , bleu de Roi ,
bleu de ciel , rofe - clair , & foncé , vio
let , jaune , canarie , canelle & caffé.
Les autres couleurs s'y vendent peu. Les
rayés font les blancs & bleu- clairs , rouges
& violets , piſtaches & verds , jaunes & une
petite raye noire ; celles - ci réuffiffent
mieux que toute autre.

Fez ou Bonnets.

Il en vient beaucoup de France & de


Tunis : on a même contrefait en France
ces derniers qui réellement font les meil
leurs : ils fe vendent communément de
8 à 9 piaftres la douzaine.
Ceux de Tunis les plus fins & les
grands fe vendent depuis 6 jufqu'à 20
piaftres; les petits de 3 à 10 piaftres.
Les Bonnets qui viennent de Tunis
font plus eftimés que ceux de France , où
l'on n'a jamais pu atteindre au même dé
gré de perfection. La Laine de ceux de
Tunis eft mieux préparée ; ils font
mieux travaillés , plus fins & plus ferrés :
04
320 COMMERCE DE LA

d'ailleurs nous n'avons jamais pu en attra


per la forme.
Papier.

Il en vient beaucoup plus de France


que d'ailleurs. Celui de France eft de trois
fortes : celui de 24 ; Papier- raiſin ; &
Papier de 14. Le premier fe vend de 15
à 17 piaftres la balle ; le fecond vient en
caiffe , on le vend par Rames de 100 à
105 paras ; & le troifieme fert pour les
enveloppes & pour les épiceries &fe vend
de 13 à 15 piaftres la balle.

Amandes.

Il ne vient des Amandes que de France


en facs & en barils ; il s'en conſomme
une très grande quantité.

Quincailleries.

On apporte à Smyrne des Quincaille


ries de France , d'Angleterre , mais prin
cipalement de Venife qui les tire d'Alle
magne : il eft inutile d'en faire ici le dé
tail qui eft affez connu.
Celles de Venife font les plus impar
faites & à affez bon compte ; celles de
France
MER NOIRE. 321

France font plus cheres , parce qu'elles


font plus fines , & celles d'Angleterre qui
font d'une extrême perfection , fe ven
dent hors de prix : il n'y a que les gens
qui veulent avoir du bon & du parfait ,
fans s'embarraffer du prix , qui en ache
tent.
Dorures & Etoffes.

Il ferait à fouhaiter que l'on permit à


tel marchand Français que la Cour juge
rait à propos de nommer pour venir s'é
tablir à Smyrne , d'avoir une boutique ou
un magafin , dans lequel il pût vendre pu
bliquement & en détail & en gros les
Dorures , Galons & Etuffes de fois, d'ar
& d'argent avec privilege exclufif , &
qui retirerait tout le profit que font for
nos Négocians , les Juifs , les Grecs , les
Arméniens & autres ; auxquels nos Fran
çais s'adreffent pour vendre leurs dorures
& leurs étoffes. Un homme du métier
qui travaillerait pour fon compte , pourrait
faire ce que ne peut pas le Négociant.
Le Commiffionnaire qui vend pour le
compte d'autres n'a pas le même intérêt
à fe donner la peine de bien vendre ; e
Jui qui ferait feul chargé de ce détail ap
profondirait ce commerce & recherche
05
1322 COMMERCE DE LA

rait foigneufement tous les moyens d'en


augmenter la confommation & les profits ,
& alors tout le bénéfice qui en réfulterait ,
reviendrait à l'Etat.
Les Dorures viennent à Smyrne , de
France , de Conftantinople & de Venife :
ces deux dernieres font très imparfaites ;
mais le bon marché fait que bien des
gens en achetent & elles nuifent beau
coup à la confommation des nôtres.
On apporte de France , en Dorures ,
la valeur d'environ 10000 piaftres &
prefqu'autant de Venife . Il ne faut que
des dentelles , de petits agrémens , & des
franges de toute efpece. Les grands ga
Hons ne réuffiffent point. Il vient de Con
ftantinople une quantité confidérable de
galons de très baffe qualité en façon de
Systême , ou plutôt de rubans d'or &
d'argent , qui fervent aux gens du bas peu
ple pour garnir de petites veftes extrê
mement courtes , & aux femmes qui
n'ont pas le moyen de fe fournir de
beaux galons.
Quant aux Etoffes de France , la con
fommation en ! eft très peu de choſe ; à
peine en débite -t- on 30 à 40 pieces dans
le cours de l'année : il ne faut que des
Etoffes extrêmement légeres. Il ferait
MER NOIR E, 323

à defirer que l'on pût venir à bout de


fabriquer des Etoffes pour les fubftituer à
celles de Venife , dont la confommation
eft très confidérable à Smyrne. Ces Etof
fes font de trois fortes , des Damafquettes
en foie & or, Dibans & Draps d'or. Le
débit des premiers eft un petit objet , on
n'en vend gueres chaque année que 18 à
20 pieces ; mais la confommation des
autres eft de 1000 pieces dans le cours
de l'année. On les vend au pic depuis
jufqu'à 9 piaftres & celles en foie de 3 å
7: la ville n'en confomme qu'environ un
fixieme , le refte paffe dans les autres
villes de Natolie.
Florence & Meffine font un commerce
confidérable en étoffes de foie , tabis
unis , à fleurs , & fatins. Les tabis à
fleurs font un article de peu d'importan
ce , mais les unis en revanche font un
objet effentiel : il en vient de Florence
environ 2 à 300 pieces par an & 3009
de Meffine ; ces tabis viennent en cais
fes. Les Affortiments les plus recherchés
font:

0 6
324 COMMERCE DE LA

De Florence.
Incarnat 3 Pieces.
Bleu de Roi 2
Couleur de feu
Bleu de ciel
Citron 2
Cramoifi 2
12 Pieces .

De Melfine.
Verd 7 Pieces.
Bleu de Roi 2
Citron 3
Verd clair 2
Piſtache
Cramoifi 3
Noir I
Bleu de ciel I
Violet 2
22 Pieces.

Le nombre des pieces qui compofent


la caiffe n'eft pas fixé : il y en a dans les
quelles les affortimens fint doubles &
triples: ils fe vendent à tant la veſte de
cinq pics : ceux de Florence font plus
eftimés , le prix en eft de 15 piaftres
la vefte , & de ceux de Meffine de 10
piaftres.
Quant aux farins il en vient 2 à 300
pieces de Florence , que l'on vend preſque
Soutes dans la ville : les couleurs les plus
MER NOIRE
. 325

recherchées font le blanc , le bleu , le


rofe clair , le cramoifi , le jaune & le
violet.
Il paſſe encore à Smyrne de ces petites
étoffes de Scio , que l'on fabrique dans
cette ille.
Indigo.

L'Indigo vient à Smyrne , de France ,


d'Angleterre , de Hollande & de Livour
ne. Les Français font ceux qui en reçoi
vent le plus. C'eft une marchandiſe bien
fujette à la fraude. Les envois de cette
marchandiſe ne font pas fixés & ne fe
font que fuivant les fpéculations des Né
gocians. Il eft des tems où il en vien
dra 4 à 500 barriques par an ; d'autres
fois à peine en viendra - t - il 20 & quel
quefois point du tout. Le prix en baiffe
& hauffe fuivant la rareté où l'abondance
& fuivant les révolutions qui arrivent en
Perfe où il en paffe une très grande quan.
tité , quand cet Empire et en paix.
La confommation de cet article qui fe
vend de 5 à 8 piaftres l'ocque fuivant la
qualité , ferait affez abondante , fi nos
Négocians n'avaient pas l'efprit de ja
loufie & de diffention qui les defunit
car fouvent lorsqu'ils ont fait un acte
07
*
· 326 COMMERCE DE LA

d'affemblée , où ils auront juré de main


tenir tel ou tel arrangement , ils y man
quent fur le champ au préjudice des au
tres , fi cela leur convient.
Cette marchandiſe devrait être vendue
au comptant , comme elle l'était autre
fois ; mais la rareté de l'argent oblige les
Négocians de la donner en troc contre
des marchandifes dont ils ont befoin pour
faire leurs retours.
Il n'eft gueres poffible de prendre des
arrangemens fixes pour cette marchan
dife , fi les contrevenans reftent impunis ,
& tant que l'union ne regnera pas entre
Jes Négocians de Smyrne , comme à
Conftantinople , où la préfence de l'Am
baffadeur contient le monde dans le de
voir ; cela provient de ce qu'à Smyrne
un Conful eft, fouvent baffoué , ou
méprifé , ou partial , & foutient les uns
contre les autres pour fe faire valoir , de
forte que les Négocians agiffent comme
ils l'entendent.
Pour éviter tous les abus il faudrait que
la Cour ordonnât que la vente de l'In
digo ſe faffe par une répartition en com
mun fuivant l'ordre des envois : c'eſt-à
dire que l'on ne puiffe vendre l'Indigo
venu par un bâtiment , qu'après que celui
MER NOIRE. 327

du navire qui aurait précédé , aurait été


entierement débité , & qu'à chaque ven
te on donnât à chacun fon contingent
au pro rata de ce qu'il avait dans le char
gement , & qu'en cas que quelque Capi
taine Pacolilleur eût de l'Indigo ,les Dé
putés de la Nation à Smyrne s'en charge .
raient & le leur payeraient au prix courant
de la Place : que s'il n'y avait qu'une
feule forte d'Indigo reftante en magafin ,
l'on entamerait l'envoi ultérieur , pour pou
voir contenter les acheteurs & l'on ne
pourrait vendre de l'Indigo femblable du
nouveau chargement à celui qui ferait
refté ; ou que l'on vendrait les deux princi
pales qualités d'Indigo bleu & violet in
dépendamment l'un de l'autre : & pour
empêcher les contraventions, des Négo
cians de France qui voudraient faire pas
fer par main tierce de l'Indige à Smyrne ,
afin d'empêcher qu'il n'entre en contri
bution , il faudrait leur infliger une
amende & confifquer la marchandiſe au
profit de la Chambre ; enfin fuivant les
occurrences on haufferait & l'on baifferait
le prix de l'Indigo pour empêcher que
lés Etrangers ne profitent de l'occafion de
vendre le leur à un plus bas prix que le
nôtre pour le faire tomber ; ou l'on
CE
328 COMMER DE LA

acheterait le leur , lorfqu'ils en mettraient


le prix au - deffous de fa valeur afin de fe
rendre maître de cette marchandife , &
que le profit de cette vente retourne en
commun au profit des Négocians qui au
raient de l'Indigo en magasin.

Caffe.

Il en vient de deux fortes ; celui de


Moka , & celui des Colonies.
Le Moka eft de trois efpeces différen
tes , dont la premiere eft réfervée pour
le Grand - Seigneur , & des deux autres
l'on fait un Commerce confidérable. Ce
Caffé vient d'Alexandrie , & il eft difficile
de l'avoir pur : on le fraude au Caire & à
Alexandrie , en le mêlant avec celui des
Colonies dont les Marfeillois font paffer
une très grande quantité en Egypte. Ce
lui d'Amérique fe vend parfai ement bien
dans les Etats du Grand Seigneur , où
cette branche de commerce eft très con
fidérable.
Sucre.

Le Sucre qui vient à Smyrne eft de


deux fortes , la Caffonade & le Sucre en
pains : l'on en porte beaucoup en Perfe
MER NOIR E. 329

quand le Commerce eft libre : il ne vient


de la Caffonade que celle de la premiere
qualité , que l'on appellé Mofcovade. H
faut obferver de ne porter du fucre en pains
que de ceux qui font petits ; les gens du
pays les préferent aux gros , parce quand
ils en achetent pour faire des Préfents , ils
aiment à préfenter un plus grand nombre
de pains & les donner plus petits , afin
que le Préfent ait plus d'apparence.
La majeure partie du Sucre vient de
Marſeille: il en vient auffi de Livourne
& de Venife , peu d'Angleterre & point
d'Hollande : il en vient auffi d'Egypte ,
qui ne laiffe pas que de faire tort au
nôtre.
Si l'on pouvait faire pour le Sucre ce
que l'on a dit pour l'Indigo , c'eft - à dire
de le vendre en commun , on y trouve
rait un bénéfice fenfible ; cela empêche.
rait la difette & la trop grande abon
dance , qui nuifent toujours au débit d'un
article.
Cochenille.

Il y en a de deux fortes à Smyrne ;


une de couleur foncée , ou de lie de vin
& l'autre couverte de paillettes blanchâ
tres , ou couleur de chaux.
630 COMMERCE DE LA

La premiere eft plus eftimée : elle fe


vend bien quand elle eft parfaitement
criblée & nettoyée , & vaut de 14 à 15
piaftres l'ocque. Les Français , les Hol
landais & les Anglais en font des envois
confidérables ; les premiers font ceux qui
y en portent le plus ; les feconds environ
4000 ocques & les derniers beaucoup
moins: il en vient auffi de Livourne &
de Genes en affez grande quantité. La
Cochenille a toujours été vendue fans
être affujettie à aucun arrangement.

Bois de Teintures. "

Il en vient de cinq fortes , le Fernan


buck , le Campêche , le Sainte Marthe ,
le Brafillet & le Sapan. Toutes les Na
tions en reçoivent , mais les Hollandais
font ceux qui en font le plus grand
Commerce.
Verdet.

L'on n'en apporte que d'une espece


dans des facs de peau que l'on met enfuite
dans des barils : il faut qu'il foit extrême
ment fec pour être bon : il est encore'
humide quand on le met dans les barils ;
mais cette humidité ne s'évapore point ,
tant que le baril demeure fermé & les
MER NOIRE. 331

facs bien ferrés & entaffés les uns für les


autres. Il ne vient du Verdet que de Mar
feille & de Venife, mais de ce dernier
endroit en très petite quantité. Il fert
pour les peintures des maiſons des Turcs ;
les Chrétiens ne pouvant employer cette
couleur qui eft réfervée pour les feuls
Mufulmans.
Cinabre.

Il vient ordinairement de Hollande &


de Venife environ 7 à 8000 ocques de
Cinabre , que l'on vend communément de
44 à 4 piaftres l'ocque. T

( Cérufe.

Il en vient beaucoup de Hollande &


de Venife ; celle - ci eft plus eftimée que
l'autre la quantité que l'on y en porte va
ordinairement à 1000 quintaux chaque
année & fe vend de 8 à 10 piaftres le
quintal , & quelquefois plus.
Tartre.

La majeure partie du Tartre & la meil


leure qualité vient de France , on en
apporte auffi de Hollande & de Venife .
mais fort peu & de mauvaiſe qualité :
332 COMMERCE DE LA

le débit en peut monter de 100 à 150


quintaux.

Huile d'Afpic.

Cette marchandiſe venait autrefois de


France en affez grande quantité & cela
pouvait aller à environ 3000 ocques :
on la vendait de 20 à 30 paras l'ocque ;
mais il y a longtems qu'il n'en vient plus ;
les Turcs la tirent de Negrepont & elle ne
yaut que 6 paras l'ocque.

Camphre.

La plus grande partie du Camphre


vient de Hollande & quelque peu de
Venife ; le débit en eft de 1000 à 1500
ocques , & fe vend ordinairement de 3.
à 4 piaftres l'ocque.

Sublime.

f en vient de Hollande , de Venife


& de Conftantinople ; celui de Venife
eft le plus eftimé : fa quantité eft d'envi
ron 4 à 500 ocques : celui de Conftan
tinople eft vendu ordinairement un quart
moins que celui de Venife & de Hol
lande.
J.
MER NOIRE. 334

Arfenic.

Il en vient plus de Hollande que de


tout autre endroit ; on en apporte environ
4 à 500 quintaux par an : il y en a de
blanc & de jaune ; le prix en eft le même;
mais la confommation du blanc et
prefque le double du jaune.

Acier.

On en apporte de Suede , de Hollan


de , de Venife , de Trieſte & d'Ancone :
il en vient de 2 à 300 barils . Celui de
Venife , d'Ancone & de Trieſte eft de
la même espece & beaucoup plus recher
ché ; il vient en caiffes de 4 à 5 quintaux ,
en faisceaux. On en apporte année
commune de ces trois places de 2 à 3000
quintaux.
Etain.

Celui d'Angleterre eft plus eftimé


que tout autre ; il en vient auffi
de Hollande , de France & de Livour .
ne. Chaque vaiffeau Anglais en apporte
80 à 100 barils ; les Hollandais jufqu'à
600 barils par an ; les Français peu ;
quant à celui de Livourne il eſt tiré
d'Angleterre.
COMMERCE DE LA
334

Plomb

Les Anglais & les Hollandais en font


un grand commerce; c'eſt un de leurs .
principaux articles : il en yient quelquefois
8 à 10000 pains de Hollande feulement ;
& 4 à 500 d'Angleterre : les Français .
en 'apportent rarement & il n'en vient
de Livourne qu'une très petite quantité.

Fer - blanc.

Il en vient d'Angleterre , de Hollande


& de Livourne & quelquefois de Fran
ce, mais très rarement : cette marchan
dife eft en barils de 459 à 600 feuilles.

Poivre.

Tout le Poivre qui vient à Smyrne eſt


noir ; quand les Turcs en veulent du
blanc pour leurs confitures & opiats cor
roboratifs , ils font obligés d'aller chez
l'Epicier choifir fur une certaine, quan
tité de noir , les grains blancs que le ha
zard y a mêlés.
Les Français en apportent fort peu ;
cette marchandiſe eft un des principaux
articles du commerce de Hollande &
d'Angleterre , qui en débitent tous les ans
environ 5 à 600 balles qui font de diffé
MER NOIRE. 335

rentes grandeurs. Les grands peſent 335


livres , ce qui revient à peu près à 3 quin
taux de Smyrne : les petits font de 90
à 100 ocques.

Gingembre.

Le Gingembre eft un affez petit objet ;


on n'en fait venir que par fpéculation :
toutes les Nations en reçoivent , & les
gens du pays qui ont la liberté du com .
merce en Hollande & en Italie , vont
eux - mêmes s'en pourvoir. Le prix en
varie beaucoup. La confommation peut
monter à environ 300 quintaux. Les
Hollandais ne font venir que du Gingem
bre confit , environ 40 petits barils.

Giroffle.

Les Hollandais en apportent environ


4 à 5000 ocques. Il en vient peu des
autres pays qui le tirent de la Hollande.
On le fraude ordinairement en mêlant
le bon avec le mauvais , qui a déja paffé
par Palembic & qui n'a plus de fub
tance.

Mufcade.

. Cette marchandiſe vient auffi de Hol


E
330 COMMERC DE LA

lande , & l'on en apporte environ 3000


ocques chaque année.

Canelle.

Elle vient prefque toute de Hollande ,


s'entend la véritable de Ceylan. Les
Hollandais l'apportent en buftes ou far
des d'environ 30 ocques , & à peu près
2500 à 3000 ocques par an. Il vient
auffi de la Canelle de la Chine & de la
Caffia lignea dont on mêle quelques par
ties avec celle de Ceylan.

Salfepareille.

Il en vient de France , d'Angleterre ,


de Hollande , de Veniſe & de Livourne ,
mais beaucoup plus de Hollande que
d'ailleurs.
Pierreries.

La confommation en eft de très peu


de conféquence à Smyrne , qui eft plutôt
le lieu de tranfit pour la Perfe , le Mogol
& les Indes. Alep eft à préfent l'Echelle
où elles viennent en plus grande quantité.
Ce commerce eft entre les mains des
Juifs & de quelques Genevois établis à
Smyrne , fous la protection de différentes
Puillances. La confommation peut aller
dans
MER NOIR E. 337

dans cette ville à environ 3 ou 40co


piaftres. On n'y débite gueres des pierres
de 6à7 au karat & par hazard quelques
pierres d'une certaine valeur.

Sevillanes.

C'eſt une monnoye d'Espagne qui eft


marchandiſe ; leur poids doit être de
147 Dragmes ou Gres , les dix fept ,
c'est -à- dire 2 Marcs , 2 Onces & 3 Gros,
On les vend à tant le Cent. Le prix en
hauffe & baiffe fuivant la demande ; elles
viennent en entieres , en demies , en
quart & en demi - quart. Plus il y en a
de menues , moins elles font recherchées :
fi dans un fac de 500 Sevillanes , il y a
la moitié de menue monnoye , le prix
diminue de 1 & 2 pour cent, & fur on
fac tout de menues pieces , la perte irait
à 5 pour cent.
Toutes les fevillanes paffent à Alexan .
drie ; les Turcs les achètent des Francs
& les envoyent en Eg pe pour acheter
le Caffé , le Riz , le Saffranum , le Lin .
le Quina , &c. La faifon dans laquelle on
les vend le mieux , eft l'été. Les Pé'erins
de la Mecque en apportent quelquefois à
Alexandrie , qu'ils chargent avec bénéfice.
P
338 COMMERCE DE LA

Sequins Vénitiens .

C'eſt encore une marchandiſe leur


poids doit être de 110 Dragmes , ou
Gros , le Cent , c'est - à - dire 13 onces &
6 gros , ou I mare 5 onces & 6 gros ; &
chacun en particulier , I dragme ou gros
& 6 grains. Ces fequins circulent dans
tout l'Empire Ottoman ; partout ils pas
fent fur le pied de 3 piaftres & 35 paras.
A Smyrne, les Francs qui les reçoivent
en payement de leurs marchandiſes , les

prennent pour 3 piaftres & 38 paras . &
dans la ville ils paffent à 4 piaftres. A
la Mecque ils font évalués à 5 piaftres ;
mais il n'y a pas pour cela de bénéfice
pour ceux qui y en portent , parce que
toutes les autres monnoyes y ont à pro 4
portion la même évaluation.

COMMERCE DE SORTIE.

Soyes.

Ily a plufieurs fortes de Soyes qui vien


nent à Smyrne de différens pays. La
premiere eft le Scherbaffi ou Bourme ,
que l'on recueille dans la Province de
Guilan ; c'eft la plus belle & la plus res
MER NOIRE. 339

cherchée : fon prix ordinaire était autre


fois de 50 piaftres le Batman de 6 oc
ques ; mais depuis la guerre de Perfe ,
elle eft montée à 64 & 65 piaftres. Si
la Perfe recouvrait fa premiere tranquil
lité, on pourrait efpérer de la voir bailer.
La Soye Ardaffine vient de la Province
de Guendjé ; elle équivaut à peu près à la
Bourme , mais elle eft plus fraudée & le
brin en eft plus lâche : fon prix était autre
fois de 35 à 40 piaftres le batman &
aujourd'hui de 50 à 55 piaftres.
L'Ardaffe vient de la même Province ,
que celle ci - deffus , mais elle eſt bien
inférieure ; on la vendait de 20 à 25
piaftres , & à préfent de 30 à 32.
La Soye de Brouffe eft affez belle , mais
inférieure au Scherbaffi. Depuis l'inter
ruption du commerce de Perfe , toutes les
nations fe font jettées fur la foye de
Brouffe , & l'ont fait augmenter de 9 juf
qu'à 22 piaftres le Teffé , qui eft un poids
d'une ocque & 210 dragmes. (4 B 12
onces).
Il vient auffi des foyes des Ifles
de l'Archipel , mais elles font peu
recherchées ; on les vend de 8 à ro pias
très le Batman.
Les Français & les Anglais fe rivali
P 2
340 COMMERCE DE LA

fent pour l'achat des foyes , & font ceux


qui en achetent le plus. Le Français.
achete toutes fortes de foyes , mais il
préfere le Scherbaffi & à fon défaut l'Ar
daffine , & ne pouvant avoir ni l'une ni
l'autre , il prend celle de Brouffe.
Les Anglais n'achetent que le Scherbaffi
& la Brouffe; ils ne veulent point d'Ar
daffine.
Les Tunifiens & les Algériens ache
tent beaucoup de foyes pour leurs manu
factures ; ils apportent des fequins & pa
yent comptant : ils préferent l'Ardaffine ;
mais depuis qu'il n'en vient plus , ils fe
font jettes fur la Broue.

Coton. *

On le diftingue en deux fortes ; celui


de terre & celui de mer : celui de terre
fe recueille en plufieurs endroits de la
Natolie; mais celui de Kirkagadje eſt le
plus eftimé de tous.
Celui de mer vient de Salonique , des
Inles de l'Archipel , des Dardanelles , de
Gallipoli , d'Enos & de divers autres en I
I
droits , mais il n'eft pas fi eftimé que ce
lui de terre. Le coton pour être bon doit
être bien blanc, bien net & dépouillé de
fa coque & de fes noyaux .
MER NOIRE. 341

Toutes les Nations Européennes ache


tent du coton ; les Français en enlevent
le plus ; mais ils le veulent bien blanc &
bien net : les Hollandais le veulent au fi
bien blanc , mais non battu : les Anglais
en achetent de toutes les qualités , mais
beaucoup moins que les Français : les
Vénitiens le recherchent à peu près de la
même qualité que les Hollandais : il en
paffe auffi beaucoup à Livourne , à Genes ,
à Ancone & à Trieſte.
Les Manufactures de coton filé de pla
fieurs places de Turquie en font auffi une
grande confommation : il eft vrai qu'une
partie de ce coton filé paffe en Chré
tieneté.
On évalue la récolte du coton à
100,000 balles , dont la Chrétieneté en en
leve 12000 ; favoir , les Français 4000 , les
Hollandais 4000 , les Anglais 2000 , &
les Italiens 2000 : les 88000 balles de
furplus font confommées tant par les
Manufactures de Turquie , que pour les
couffins & matelas à la Turque , de même
que pour les habillemens & pour d'autres
ufages : le coton valait , il y a quelques an
nées , de 16 à 18 piaftres le quintal ; à
préfent il est monté jufqu'à 40 & au
delà. La concurrence des étrangers , des
P 3
342 COMMERCE DE LA

gens du pays & des manufactures a été


la caufe de cette révolution de prix : l'im
prudence de plufieurs de nos Négocians
qui laiffaient accumuler les bâtimens fur
l'Echelle & la néceffité où ils étaient de
faire leurs chargemens à tout prix , a
beaucoup gâté cette branche de Com
merce. La France feule confomme 25 å
30000 quintaux de Coton; elle en tire
12000 de Smyrne , 12000 de Salonique
& le refte de la Syrie. Il femble que
cette quantité ne ferait pas difficile à
trouver à un prix raifonnable , fi ce n'é
Lait la concurrence des étrangers & la
rivalité qui regne entre nos propres Né
gocians qui , s'ils voulaient agir de con
cert & fans émulation , trouveraient au
delà de leur néceffaire en ne faiſant venir
Beurs bâtimens que dans des tems oppor
tuns. Ce qui nous nuit encore beaucoup
dans le Commerce , ce font les Juifs qui
fe font abfolument emparés du Commerce.
des Cotons de la premieremain , lefquels
ils ne lâchent qu'au prix qu'ils veulent.
Ce ne fera donc jamais que par un concert
unanime de tous les membres de la na
tion françaiſe , (projet bien difficile à exé
cuter, pour ne pas dire impoffible) que
l'on pourra faire la loi aux Juifs. Si l'é
MER NOIRE. -343

mulation ceffait entre les Français , &


qu'ils la fiffent naître au contraire chez
les Juifs , les premiers rendraient ceux - ci
leurs efclaves & les réduiraient à des
profits plus bornés. Si l'on pouvait en.
core faire une répartition générale des
adreffes ,. l'on établirait peut - être parmi
les Négocians le concert qui eft abfolu
ment néceffaire.

Coton filé.

Il en vient beaucoup de différens en


droits: on le divife en Coton de Monta
gne & celui des Iles de l'Archipel. Celui
de Maxli eft réputé le meilleur , & fe
vend de 65 à 70 piaftres le quintal ; celui
de Guzel-biffar eft inférieur , mais fin &
plus blanc & vaut fuivant l'affortiment
de 58 à 70 piaftres : celui de Montagne
eft inférieur aux deux premiers , mais
fupérieur à celui des les & vaut de 42
à 50 piaftres ; celui des Ifles eft de diffé
rentes qualités : il trompe beaucoup , fi
l'on n'y fait attention. Il vaut de 16 à
20 piaftres. Ce Coton filé paffe en
Hollande, à Venife , à Livourne , & à
Ancone.
2 J
P 4
·544 COMMERCE DE LA

Coton filé Rouge.

Cet article a eu un tems affez favora


ble , mais il est tombé abfolument en
France & il n'en eft plus queftion. Ce
pendant il a fon mérite ; fa couleur eft
tenace & ne fe déteint jamais.

Laines.

La Laine eft un des principaux articles


de Sortie de l'Echelle de Smyrne : il en eft
de trois efpeces : la furge eft celle qui
eft tondue fur l'animal vivant ; la pélade
eft celle que l'on fépare de la peau de
l'animal après qu'il a été écorché , &
la bâtarde eft celle qui tombe d'elle - même
de l'animal vivant . La furge eſt la plus
belle & la meilleure , étant la plus fine ;
la pelade eft ordinairement chargée de
chaux , & la bâtarde eft trop grais .
feufe , mal propre & eft la moins
eftimée .
La Laine eft blanche ou noire ; la blan .
che et beaucoup plus fine & plus chere
que l'autre & la nouvelle eſt toujours
préférée , parce que plus elle vieillit ,
plus elle jaunit & devient huileufe. Les
Français achetent la Laine furge , & quel.
quefois
MER NOIRE 315

quefois les Livournais: on en expédie


beaucoup pour France de blanche & en
viron 10 à 12 pour cent de noire ,fuivant
les traités que l'on fait en l'achetant. Les
Hollandais en achetent aufli , mais n'en
font point de commerce réglé. Les An
glais n'en achetent point du tout : les
Vénitiens en emportent quelques balles.
La laine pélade refte en Turquie pour
la fabrication des tapis , des ferges , &c.
Les Français n'en veulent point , parce
qu'elle eft très chere à Smrne & que la
fortie d'une grande quantité ne ferait pas
permife: les Turcs la confervent pour
leurs manufactures ; mais il en va beau.
coup en France de Conftantinople , où
les Français font leurs traités avec les
Courtiers qui vont la ramaffer dans les
villages.
La bâtarde eft achetée tant par les
Français que par les gens du pays qui
négocient en Italie , pour l'envoyer à Li
vourne : il en va très peu en France.
La noire eſt achetée par les Barbares
ques pour leurs manufactures ; les Fran
çais en achetent autli pour faciliter la
traite de la blanche. L'ufage eft d'em
ace pter 5 pour cent.
Ce font toujours les Juifs qui l'achetent
PS
1
340 COMMERCE DE LA

de la premiere main & en revendent en


fuite aux marchands francs en troc ou
par traités à l'avance avec un bénéfice
confidérable , parce que les Courtiers des
Maiſons s'en fourniffent de ces Juifs bro
canteurs , & que le Négociant penfe avoir
meilleur marché & être mieux fervi de
fon Courtier que des autres Juifs.
Cette marchandiſe ainfi que beaucoup
d'autres fouffre fon inconvénient dans
l'achat on y a voulu pourvoir par des
Réglemens qui font tous tombés & aux
quels l'on n'a eu aucun égard au bout
d'un certain tems ; certaines circonftances
feules pourraient décider s'il eft avanta.
geux de l'acheter en commun , où de
faiffer liberté entiere à ce sujet.

Laine de Chevron.

T
La meilleure vient de Mefchat en Perfe :
il en vient auffi de plufieurs endroits de
la Natolie & de l'Afie. Elle fe divife en
Touge , en noire , & en grife : la noire
eft la plus recherchée , la rouge vaut
un tiers de moins que la noire , & la
grife ne vaut que la moitié de la rouge.
La noire fert à faire des chapeaux &
MER NOIRE. 347

conferve toujours la couleur , au lieu que


l'on eft obligé de teindre la rouge & la
grife , quelqu'emploi que l'on veuille en
faire. La rouge prend beaucoup mieux
la couleur que la grife , c'eft pourquoi on
la préferé. Toutes ces laines valent de
puis 2 jufqu'à 5 piaftres le Tchéquis de
2 ocques: à l'égard de celle de Perfe ,
elle vaut de 5 à 8 piaftres. Toutes les
nations Européennes en achetent ; la
françaiſe plus que toute autre , elle recher
che la noire & n'eft point fi délicate fur
la perfection du travail. L'Anglais ne
prend abfolument que de la noire & la
veut nettoyée : il en enleve par année 5
à 6000 Tchéquis. Le Hollandais prend de
toutes les qualités , mais en achete peu ;
cependant il en paffe beaucoup en Hol
lande par le moyen des gens du pays qui
y ont la liberté du commerce. Le Véni
tien ne s'y attache gueres ; mais il en paffe
autant à Vénife qu'en Hollande par les
envois que les Smyrniotes y font. Il en
paffe à Livourne une grande quantité ,
plus de rouge que des autres : Anconé
en confomme environ 1000 Tchéquis.
Cette marchandiſe vient en facs de
50 à 55 ocques par les caravannes de
mulets ; & par celles de chameaux , en
P 6
348 COMMERCE DE LA

facs de 90 à 100 ocques , dont deux


font la charge.

Poil de Chevre.

Il y en a de deux fortes ; celui d'An


gora & celui de Bet- Bazar. C'eſt de tou.
tes les marchandifes la plus difficile à
connaître & la plus fufceptible de frau
de: celui d'Angora , en général , eft plus
eftimé que celui de Bet- Bazar : la laine
en eft plus fine & plus facile à travailler ;
cependant l'autre eft plus blanc , parce
qu'avant de le filer , on le lave au favon
pour le dépouiller de fa craffe : il y en a
de toutes fortes & les différentes qualités
font en grand nombre.
On avait propofé pour couper court
anx malverfations & aux concuffions qui
fe commettaient , que les Facteurs établis
à Angora fe pouvoiraient de poils de
chevre au meilleur marché poffible
moyennant une bonne Commiffion de 6
pour cent, & qu'ils les enverraient tels
qu'ils les auraient achetés en maffe ; que
le cerniffage fe ferait à Smyrne pour le
compte de la Nation , ainfi que le partage ;
ou ce qui ferait moins fujet aux inconvé
niens que l'on ferait paffer pour le

1.
MER NOIR E. 349

compte commun , ces diverfes qualités à


Marieille , felon la demande : mais ce
projet qui avait paru d'abord plaire à nos
Négocians , s'évanouit bientôt par cet
efprit particulier & ifolé qui regne depuis
fi longtems à Smyrne , chacun defirant ,
à l'inftigation des Courtiers Juifs qui fo
mentent fous main la divifion , prendre
pour Marſeille ce qui paraît leur conve
nir le mieux.
Les Négocians de Smyrne fe plaignent
de ceux de Conftantinople , parce que
ceux -ci ont fait des établiffemens à An
gora , auxquels ils ne participent point &
leur enlevent leurs profits. Ils difent en
core que c'était les Arméniens qui ache.
taient ces poils à Angora , qu'ils appor
taient enfuite à Smyrne , & que les Francs
les tenaient comme fubjugués , parce que la
néceffité où se trouvaient ces Arméniens
de finir leurs affaires pour retourner dans
leur pays , les forçait de vendre à tout
prix , de confentir à des traités en troc
dans lefquels le Négociant de Smyrne
trouvait le moyen de s'avantager en ſe
débarraffant de tous les Cabas de fes ma
galins , dont il n'avait pu fe défaire ail
leurs. L'on voit dans un pareil difcours
une jaloufie extrême envers l'Echelle de
P7
E
350 COMMERC DE LA

Conftantinople , & un penchant exceffif


pour la liberté & le fyfteme des trocs.
Le mal général eft dans l'artifice des
Facteurs qui , après le cerniffage des
poils & des qualités , font fouvent au
gmenter le prix courant de celles qui
font demandées , afin de gagner fur celles
qu'ils ont en magafin. On remédierait à cet
inconvénient par le fyftême de l'achat en
commun , qui ferait avoir à l'Etat les
poils de chevre au prix le plus modéré
qu'il ferait poffible , en bornant le gain
des Facteurs à une honnête Commiffion.

Peaux de Buffles en Poil.

Les Peaux de Buffles font un fort bon


article de Sortie ; elles viennent de plu
fieurs endroits de la Natolie & de la Ro
mélie ; elles font de diverfes grandeurs.
Celles des mâles font plus eftimées ; elles
peſent de 45 à 60 ocques & leur prix eſt
de 8 à 12 piaftres fuivant les différentes
qualités. On les apporte à Smyrne telles
qu'elles ont été tirées de l'animal avec le
poil : on les fale feulement pour les con
ferver & les préferyer de la pourriture.
MER NOIRE. 351

Maroquins.

11 y en a de diverfes couleurs qui fe


confomment dans le pays ; il en paffe en
France 1500 à 2000 de jaunes ; prefqu'au
tant en Angleterre : en Hollande il n'y
en va que des bleus , & peu à Venife &
à Ancone. Les Maroquins font de fix
qualités différentes. Six peaux font un
affortiment ; on les vend l'une dans l'au
tre de 40 à 50 paras la peau.

Cire.

Plufieurs endroits de la Natolie four


niffent de la Cire ; elle eft fort fujette à
la fraude , de forte qu'il faut caffer les
pains , pour voir s'il n'y a pas dedans
des corps étrangers. Il en paffe à Li
vourne environ 1500 quintaux , à Mar
feille de 7 à 800 , à Veniſe de 3 à 400 ,
à Genes de 6 à 700 , en Angleterre &
en Hollande 100 à 200 , année commune.
Le prix de la Cire eft ordinairement de
57 piaftres le quintal.

Fruits Secs.

C'eſt un article affez effentiel du Com


merce de Sortie de Smyrne; il confifte
352 COMMERCE DE LA

en figues & en raifins ; il en paſſe beau


coup en France , mais bien davantage en
Angleterre qui prend plus de raifins que
de figues. Les Hollandais prennent in
différement des uns & des autres : il en
va auffi à Livourne , à Ancone , à Veniſe
& à Trieſte.

Noix de Galle.

Les Anglais font ceux qui en achetent


plus que les autres Nations : il en paffe
en France environ 1oco quintaux , en
Hollande 2 à 300 , à Livourne 150 à
200 , & à Venife autant. Il y en a de
deux fortes ; la blanche & la noire ; celle
ci vaut ordinairement 25 piaftres le quin
tal & l'autre de 18 à 19.

Rhubarbe

Elle vient de l'intérieur de la Perfe :


pour être bonne , elle doit être fraîche &
de couleur de rofe en dedans : les mor
ceaux percés font les meilleurs , mais il
y faut faire beaucoup d'attention , parce
qu'on la fraude très aifément. Autrefois
il en paffait en France 3 à 4000 ocques ;
à Venife 1000 à 1500 ; en Hollande , à
Livourne & en Angleterre à peu près
MER NOIR E. 353

autant : elle ne valait alors que 4 à 5


piaftres l'ocque , mais elle et montée de
puis la Révolution de la Perfe de 8 jus
qu'à 16 piaftres & quelquefois plus haute.
Les Français l'achetaient directement des
Perfans , qui l'apportaient en troc de
Draps , de Sucre ; &c. mais les troubles
de ce Royaume ont détruit ce com
merce.
Sémencine.

C'eſt une Drogue que l'on employe


contre les vers qui incommodent les en
fans ; elle vient de Perſe ſeulement. Avant
les troubles , cette marchandife avait beau
coup de débit : il en paffait à Marseille
4 à 5000 ocques , en Hollande 2000 ;
à Venife 3 à 4000 ; en Angleterre 1000
à 1500. Elle fe vendait de 30 à 40 paras
l'oc que ; mais à préfent à peine en peut
on trouver à 4 piaftres.

Tutie.

Cette Drogue eft bonne , dit - on ,


pour les maladies des yeux ; elle vient
encore de Perfe ; elle était à peu près au
même prix que celle ci deffus. La bonne
vient en très petite quantité & fe vend par
354 COMMERCE DE LA

Dragmes , à raifon de 10 à 20 paras la


Dragme ; encore eft- ce avec beaucoup
de peine.
i Maftic.

Cette Gomme n'eft recueillie abfolu


ment qu'à Scio , ifle fituée à l'embou
chure du Golphe de Smyrne. La récolte
eft à peu près de 300 caiffes dont le
Grand Seigneur s'empare totalement, Le
fuperfin paffe à Conftantinople pour la
confommation du Serrail : il en paffe 70 à
100 caiffes pour le befoin de la Capitale ,
autant à Smyrne & l'on vend le refte à
Scio. Outre cela il y en a toujours de
contrebande que les gens vendent en ca
chette. Le Maftic eft de trois qualités.
Les caiffes font formées de ces trois qua
lités , elles pefent 70 ocques environ &
valent 160 piaftres. Il en paffe en France
de 15 à 20 caifles, en Hollande de 30 à
40 , à Livourne & à Venife autant , & en
Angleterre 15 à 20 caiffes. Cette Gomme
fert à plufieurs ufages ; les femmes du
pays en machent perpétuellement pour
rendre leur haleine plus douce.

Thérébentine.

Elle croît à Scio : on l'apporte dans


MER NOIRE. 355

des pots de terre du poids de 20 ocques ;


on la vend 20 paras l'ocque. Les Fran
çais envoient en France 2 à 300 ocques.

Storax.

C'eſt une Gomme aromatique qui coule


de l'arbre de ce nom , dans la Natolie &
les Ifles de l'Archipel. Celui des Ifles eft
plus eftimé & vaut environ 50 paras
l'ocque: celui de Natolie fe vend 35.

Scamonée.

C'eſt une autre Gomme qui diftille d'un


arbriffeau & fert à purger les chevaux ;
les Français en enlevent environ 2 à 300
ocques , les Anglais autant , les Vénitiens
200 & les Hollandais 100 à 150. Elle
valait autrefois 7 à 8 piaftres l'ocque de la
premiere qualité; à préfent elle eft de 10 à
11 : la feconde qualité de 6 à 6 ; eft mon
tée de 7 à 8 , & la troifieme qui ne coûtait
que 21 à 3 , eft depuis de 4 à 4 .

Galbanum.

Cette Gomme découle d'un arbre &


-vient de Perfe : autrefois on en envoyait
en France 2 à 3000 ocques ; à Venife
1500 à 2000 ; en Hollande 2 à 300) ;
356 COMMERCE DE LA

en Angleterre 100 à 150 : mais les trou


bles empêchent la circulation & le tran
fport de cette marchandiſe qui eſt affez
rare; elle vaut de 2 à 2 piaftres l'ocque.

Gomme Adragant.

Cette Drogue fert dans la médecine ,


dans l'apprêt des étoffes de foie & pour
d'autres ufages : les Français en impor
tent de 1000 à 1500 ocques ; Venife 5 à
600 ; Livourne de même ; les Anglais de
1000 à 1500. On la vendait autrefois 13
à 14 paras l'ocque ; elle monta enfuite à
20, & aujourd'hui elle eft à 25.

Gomme Ammoniaque.

Cette Drogue vient encore de Perfe ,


elle a peu de débit ; elle vaut de 40 à 45
paras l'ocque ; les Français en achetaient
avant les révolutions 800 à 1000 ocques ;
les Hollandais 5 à 600 ; les Vénitiens
200 ; les Livournais 150 à 200 ; les An
glais 200 : mais à préfent il n'en eft pres
que plus queftion .

Opium.

On recueille le meilleur Opium à quatre


eu cinq journées de Smyrne dans le terri
MER NOIRE. 357

toire d'un village appellé Thchal ; c'eſt le


feul que l'on achete pour la Chrétieneté ; il
en paffe en France environ 1000 à 1500
Tchéquis de 250 dragmes l'un ; au ant en
Angleterre & en Hollande ; à Venife &
à Livourne 2 à 300 : les places de Trieſte
& d'Ancone en confomment auffi. Le
prix en eft de 3 piaftres à 3 ; l'ocque.

Indiennes de Perfe.
Le Commerce de ces toiles était autre
fois affez confidérable : les Français en
achetaient 1500 à 2000 pieces par an ;
lés Vénitiens 4 à 500 : mais les révolu
tions furvenues dans ce Royaume ont fait
entierement tomber ce Commerce & il
n'en vient plus que très peu & rarement.

Cambréfine & Mouffeline.


Il en venait autrefois de Perfe environ
15 à 20,000 pieces : les Français en en
levaient 6 à 7000 ; mais notre Com
pagnie des Indes qui les tire en droiture
les a fait tomber , & d'ailleurs les trou
bles de Perfe en font une ſeconde caufe.
Il y a auffi des Mouffelines peintes & des
mouchoirs de Mouffeline peints qui font
très jolis que l'on tire d'Alep & de
Smyrne.
ERCE
35 & COMM DE LA

Camelots de 56 pics.

On fabriquait autrefois ces Camelots


qui étaient un peu groffiers , à Angora ,
& ils étaient achetés à Smyrne par tous.
les Européens , excepté les Anglais : ils
fe vendaient de 22 à 25 piaftres la piece
de 56 pics ; mais depuis longtems il n'en
paraît plus à Smyrne , parce que l'on en
fabrique par toute l'Europe , de meil
leurs.
Bours de Magnéfie.

Ce font ces étoffes connues en France


fous le nom de Bours de Marfeille que l'on
fabrique à Magnéfie: elles font de coton,
rayées de différentes couleurs & affez
groffieres. Leur prix en eft depuis une
piaftre jufqu'à 2 , la piece de 7 pics de
long fur un de large. Les Français en
envoyent à Marſeille de 8 à 10000 pie
ces ; les Anglais & les Hollandais , autant
& plus ; car quelquefois il en paffe feule
ment en Hollande de 20 à 30,000 pieces :
à Venife & à Livourne de 4 à 5000.

Demittes & Efcamittés.

Ce font des étoffes de coton que nous


appellons Futaine à Paris. La différence
MER NOIRE.. 359

de ces deux étoffes eft que l'Efcamitte eft


fimple & la Demitte eft , croifée. Ces
étoffes font fabriquées à Ménémen & à
Scio ; mais les premieres ont le plus
grand débit , bien que celles de Scio
foient plus belles. Celles de Ménémen.
coûtent environ 1 piaftre la piece d'en.)
viron 20 pics far de large. Toutes les
Nations franques , furtout les Hollandais ,
en achetent une affez grande quantité.

C Tapis de Turquie & de Perfe..

Lorfque la Perfe était tranquille , il


en venait de magnifiques dont les Anglaise
& les Hollandais achetaient un très
grand nombre ; mais les révolutions de
ce pays - là en empêchent la fabrication .
& le tranfport. Il y en a d'autres que l'on
fait dans plufieurs villes de Turquie & prin
cipalement à Salonique. Les Anglais &
les Hollandais font ceux qui en achetent
le plus , les Français fort peu & ils ne le
font que quand ils font commandés par
quelques particuliers riches.

Bled.

Le Commerce du Bled était autrefois


bien plus confidérable qu'à préfent ; les
COMMERCE DE LA
300

Français en enlevaient jufqu'à 300 char


gemens dans le cours de l'année ; mais
à préfent il diminue beaucoup : en voici
les raiſons.
1º. Avant le regne du Sultan Mahmout
mort en 1754 & fous Achmet fon prédé
ceffeur , & furtout pendant le Miniſtere
du fameux Vifir Ibrahim- Pacha , quoique
la Porte eût défendu de tout tems l'ex
portation du bled hors de fes Etats , les
contraventions étaient fréquentes & les
Français pouvaient aisément faire des
chargemens , parce que le Capitan - Pacha
qui avait une jurisdiction fouveraine dans
tout l'Archipel & fur toutes les Côtes ma
ritimes de l'Empire Ottoman , ne fortait
que très rarement de Conftantinople avec
la flotte. Tous les Agas & Vaivodes per
mettaient en conféquence l'exportation
du bled , malgré les punitions de quelques
uns d'entre eux qui étaient vendus &
trahis : mais à préfent que le Capitan
Pacha fort chaque année , il n'eft plus fi
facile de faire ce manege, & les Officiers
Turcs font plus fur leurs gardes , de peur
de s'expofer aux avanies que cet Amiral
recherche avec empreffement les occa
fions de leur faire endurer , afin de pouvoir
fournir aux Préſents immenfes qu'il eft
obligé

i
MER NOIR E. 361

obligé de faire pour fe foutenir dans fon


poſte.
2. Les forties fréquentes du Capitan
Pacha , ont ruiné la plupart des la
Boureurs qui cultivaient les Ifles , ainfi
que les Côtes Maritimes ; ce qui a obligé
plufieurs de ces cultivateurs de fe retirer ,
& en a fait diminuer le nombre , de même
que la quantité de grains.
3. Le Grand - Seigneur a entrepris le
commerce de bled pour le compte du
tréfor impérial , & fait faire un nombre
infini de chargemens pour être vendus
à Conftantinople , à Scio , à Smyrne &
dans les lieux principaux de fa domination.
4°. Le peu de numéraire qu'il y a fur la
place de Smyrne , eft encore une raifon
que l'on peut alléguer de la diminution
du commerce de bled que l'on ne peut
plus acheter qu'au comptant.
Néanmoins cela n'empêche pas que
l'on ne faffe encore quelques chargemens,
mais ils font à préfent bien moindres que
par le paffé. Il y a trois endroits auprès
de Smyrne où l'on va faire des charge
mens de bled : le principal eft Tchandauli
les deux autres font Menemen & Guzel
biffar ; outre d'autres petits endroits dont
on tire le bled par le moyen des bateaux
du pays qui le portent où on le défire. 1

L
1
:
COMMERCE DE LA
362

Quand un bâtiment part de Smyrné


pour aller charger dans quelqu'un des en
droits ci - deffus , le Capitaine traite dụ
chargement avec un de ces Agas qui a
du bled en magafin , & qui envoye à
Smyrne pour chercher à le vendre. Le
marché fe conclud à Smyrne & le Capi
taine n'a que la peine d'aller l'embarquer.
Le prix du bled eft ordinairement de 14
piaftre le quilot de Conftantinople , de 22
ocques.
Huile.

C'eft de Mételin que l'on tire l'huile


qui paffe en France : il y a dans cette
ille un Négociant établi qui y fait les
fonctions de Vice-Conful pour les intérêts
de la Nation & eft en même tems Com
miffionnaire & Facteur de la plupart des
Négocians de Smyrne. La bonne huile
fe confomme dans la Turquie. L'huile à
favon paffe à Marfeille & fait un des
principaux articles du Commerce de Sor
tie de Smyrne. L'Ifle de Mételin peut
fournir aujourd'hui 55 à 60,000 quintaux
d'huile commune. C'eſt l'abondance , ou
la difette d'huile à Gênes , en Candie &
en Morée , qui détermine la quantité que
Tes fabricants de Marfeille tirent de
Mételin ; & la variation du prix de cette
MER NOIRE. 368

denrée dans cette ifle dépend de la ré


colte qui eft alternativement bonne &
mauvaiſe d'une année à l'autre , & encore
du plus ou du moins de beurre & de man
tégue que les Côtes de la Mer Noire four
niffent à Conftantinople. Cette Capitale , à
défaut de la mantégue eft obligée d'y fubfti
tuer l'huile de Mételin qui renchérit alors.
On vend à Mételin la bonne huile à
manger à la meſure : ce qui refte au des
fous de cette huile , eft deſtiné pour les
manufactures de favon & fe vend au
quintal de 45 ocques de Turquie , évalué à
peu près à la mefure que l'on nomme à
Marfeille , Millerolle. Il faut cependant
106 quintaux de bonne huile lampante à
manger pour produire 100 Millerolles. Il
faut être bien attentif à Mételin pour
n'être pas trompé par les gens du pays ,
qui mêlent dans l'huile des corps étrangers
qui en augmentent le poids.
Pour empêcher que les marchands
d'huile de Mételin ne profitent de la con
currence de plufieurs bâtimens qui viennent
de France pour charger des huiles , &
pour les mettre hors d'état de porter
cette denrée à un prix exceffif, ce ferait
de réunir toutes les Maifons de Smyrne
pour faire par indivis le commerce de
Mételin par des Régiffeurs qui feraient
Q 2
COMMERCE DE LA
364

auffi unis d'intérêts & employeraient les


fonds qui leur feraient confiés , à l'achat
des parties d'huile à favon qui leur fe
raient offertes , au prix courant du pays,
·lequel fe regle fur celui de l'huile à man
ger qui paffe à Conftantinople ; & fuivant
cette méthode , l'on pourrait charger tous
les ans au deffus de 25000 quintaux , au
prix le plus modéré ; mais tant qu'à
Smyrne on ne voudra pas obliger les
Négocians à de certains arrangemens , on
ne fera jamais rien de bon. C'eſt une
chofe étonnante que dans cette Echelle ,
les Négocians ne veuillent point prendre
des arrangemens en commun & que
chacun s'obſtine à demeurer ifolé.
On pourrait encore obvier à l'incon
vénient du monopole des Grecs de
Mételin : ce ferait que les Commiffion
naires euffent des fonds à l'avance d'un
ou de deux chargemens , afin de les
employer à leur aife pour l'achat des hui
les par petites ou fortes parties , fuivant
qu'elles fe préfenteraient & au prix cou
rant , afin que lorfque les Négocians de
Smyrne voudraient avoir de l'huile , ils
puffent la trouver toute prête entre
les mains des Commiffionnaires , fans
que ceux -ci foient dans le cas de faire
enchérir l'huile par leur empreffement ;
MER NOIRE. 365

& à mesure que ces Commiffionnaires


auraient exécuté leur traité , ce ferait à leur
induſtrie de remplacer petit à petit leurs
fonds en attendant quelque nouvelle Com❤
miffion : alors on pourrait toujours avoir
de l'huile à un prix modéré.
Outre ces 25000 quintaux d'huile que
cette ifle peut fournir à la France & les
1000 quintaux de velonnée qu'elle fournit
annuellement à l'Italie, on peut en tirer
encore quelques laines groffieres , du.
fromage , des figues feches & de la poix.
On y porte du lin , du fer , du tabac ,
du fel , du riz, de la mantegue , du bled ,
de l'orge , des légumes & autres denrées
pour fuppléer aux befoins de l'Ifle.
Il fe confomme quelques marchandifes
d'Europe à Mételin ; mais les habitans,
font dans l'ufage d'aller les acheter en
détail à Smyrne. Pour les defabufer
de ce voyage , il faudrait fe réfoudre
à perdre pendant quelque tems , en
leur offrant chez eux les mêmes mar
chandifes , au même prix qu'ils les
pavent à Smyrne ; à quoi ils trouve
raient à épargner deux Douanes . le
nolis , le rifque de la Mer , la com
miffion & le tems perdu. Le débit
ferait tous les ans de 60 pieces de
Draps. Londrins feconds , 20 pieces
Q. 3
.
306 COMMERCE DE LA

Londrins larges , 5 pieces de Draps


d'Abbeville & 5 pieces d'Elbeuf ; le
tout en couleurs bizarres mornes : une
caiffe d'étoffes de foie fleuret , en or
& argent ; une caiffe d'étoffes fimples
fans dorure , moirées & unies ; 30 marcs
de crepines & galons légers en or &
*
en argent de médiocre prix ; 3 ou 4 1
quintaux d'indigo , une barrique de fu
cre en pains , une de caffonnade , 6
de caffé de France , une balle de
poivre , 10 quintaux de clouds , d'un
pouce jufqu'à quatre de longueur , mais
d'un fer doux & mou , 2 caiffes d'étain ,
& du refte , fi peu de chofe que ce n'eſb
*
pas la peine d'en parler.
On voit par ce détail & furtout par
celui des Draps qui en fait partie ,
que la confommation de Mételin n'eft
pas affez confidérable 9 pour que les
Régiffeurs ou Commiffionnaires qui y
font établis , puiffent par des trocs épar
gner aux Négocians de Smyrne la né
ceffité de débourfer du comptant pour
l'achat des huiles ; mais fi l'union pro
pofée avait lieu dans l'Echelle de Smyr
ne, les intéreffés pourraient bien , pour
faire paffer une partie de leurs fonds
avec quelque profit , ou du moins fans des
avantage, prendre le parti d'y établie
MER NOIRE, 867

an commerce de marchandifes d'Europe


fuivant la Note que l'on vient de donner.
Nous allons placer une Table des
Droits du Grand Seigneur , ceux de
la Chambre du Commerce de Marſeille
& ceux de l'Echelle de Smyrne , tant fur
les bâtimens que fur les marchandifes,
d'Entrée & de Sortie; ceux du Commiffion
naire fur le Commettant , & enfin un
éclairciffement fur les Monnoyes , les Poids
& les Mefures dont on fe fert à Smyrne

Douanes.

Les Droits que perçoivent les Officiers


du Grand - Seigneur , confiftent dans les
feuls Droits de Douane qui fe payent à
raifon de 3 pour cent fur le pied d'un Ta
rif réglé avec le grand Douanier de Con
ftantinople , duquel dépendent la Douane
de Smyrne , ainfi que celle de Salonique .
Outre le Droit de Douane , on paye un
Agio de 2 pour cent fur le montant des
Droits de Douane que l'on acquitte ,
c'est -à- dire que l'on donne 102 pour
chaque 100 piaftres que l'on paye de
Douane.
Le Douanier de l'Echelle de Smyrne
exige les Droits fur les marchandiſes d'En .
trée & de Sortie , fuivant l'évaluation da
Tarif réglé ci - après.
Q 4
368 COMMERCE DE LA

TARIF DES DROITS DE DOUANE.

Marchandifes d'Entrée.

Acier eftimé , 14 piaftr. le quintal?


Amandes , 10 piaftres Id.
Ambre travaillé , 80 piaftres Id.
3P
Ambre brut , 5 piaftres l'ocque.
Argent- Vif, 2 piaftres Id.
Arfenic , 15 piaftres le quintal.
· ·
Baril de fer -blanc paye I pre.
Bonnets de France de toutes fortes
la Douzaine - 5 aſpr .
Bonnets de Tunis , évalué 10 pias
tres le quintal.
Brefil , Fernanbouk, 20 piaſtres Id.
dito de route autre qualité , 10pias
tres Id.
Canelle , 5 piaftres l'ocque.

Caffonnade , 15 piaftres le quintal. 3 p


Cinabre , 1 piaſtre Id .
Camphre , 3 piaftres l'ocque.
Corail groffier , 80 piaftre Id.'
dito Miffami , 50 piaftres Id.
dito Millani , 40 piaftres Id.
dito Azaria, 30 piaftres Id.
1
dito Brut fans être travaillé ,
5 piaftres Id.
Cochenille estimée , 20 piaftres
l'ocque . 2P
Clouds ,
MER NOIRE. 369

TARIF DES DROITS DE DOUANE.

Marchandifes de Sortie.

Alun en pierre , évalué 2 ; piaftres


le quintal .
dito en pouffière, piaſtre Id.
Anis , 4 piaftres Id.
> 3 PO.
Aloyas de coton , I piaftre la piece.
Bocaffins bleus de Magnéfie ,
piaſtre Id.
Buis , 2 piaftres le quintal.
Buffles (peaux de) les 10 payent I pre..
Cambrefine eftimée, 5 piaftres la
piece.
3 Pi
dito Manneri , & piaftres Id.
dito groffiere , 2 piaſtres Id.
Camelots obfcurs de 32 pics
payent la table 4 p"
Caffé d'Alexandrie , de 6 afpres
l'ocque , de 80 · I pr
Cire jaune le quintal 30par
Coton en laine , la balle 30pari
Coton filé de toutes fortes , le quin
tal 20par
Cordouan & Maroquins eftimés ,
piaftre la piece · 3 påi
Cuirs falés , 5 afpres la piece de
80 afpres I pre
Q5
COMMERCE DE LA
370

Tarif: Marchandifes d'Entrée.

Clouds , évalués 10 piaſtres le


quintal
Cotonine de France , 25 piaftres 3 P
la piece
Draps Londrins feconds & Lon-
dres larges , 3 piaftres la piece ,
c'eft 15 piaftres le ballot de
10, pieces. La piece paye 3p
Draps de toutes qualités façon 12
· 3.p™³..
d'Angleterre , la piece
Draps de Carcaffonne , St. Pons ,
& Paris , la piece a pre
Draps Pinchinats , la piece pr
Etain en verge , évalué 1 piaſtre
le quintal.
Geroffles , 5 piaftres l'ocque.
Gingembre , 12 piaſtres le quintal.
Gomme laque , 75 afpres l'ocque,
dito Carachatis , 4 piaftres Id.
dito Gumbut , 24 piaſtres Id.
Huile d'afpic , 33 afpres l'ocque. 3 P
Indigo de St. Domingue , 24 pias
tres l'ocque.
dito de Guatimala , 3 piaſtres Id.
Noix mufcades , 3 piaftres Id.
Papier de 14 & de 24 , 10piaftres
le ballon.
MER NOIRE. 37

Tarif: Marchandifes de Sortie.


Demites de Menemen , piaftre
la piece ⚫ 3 på
Encens, évalué 22 piaftres le quint.Y
Efcamite , 1 piaftre la piece.
3p
dito de 20 pics , 30 paras la piece.
Eponges , 20 piaftres le millier.
Fil de chevre , 5 afpres l'ocque,
c'eft-à-dire 20 ocques payent Iple..
Galbanum , I piaftre l'ocque · 3 På
Galles de toute efpece , 15 afpres le
quintal de 80 afpres à la piaftre
Gommes de toutes fortes ; piaſtre
l'ocque.
Indiennes & Bocaffins piaftre la 3 pt.
piece.
dito de Perfe 3 piaftres Id.
Laine de mouton tant fine que
groffiere , 12 afpres le quintal
de roo afpres à la piaftre.
Laine de chevron , 25 paras le
quintal.
dito rouffes , piaſtre Id.
Maftic , 3 piaftres la caiffe.
3P.
Moncayats , 4 piaftres la table de
40 pics.
dito bleus, 4 piaftres la table de
20 pics.
Q 6
372 COMMERCE DE LA

Tarif: Marchandifes d'Entrée.

Perpetuanes , piaftre la piece.


Plomb , 4 piaftres le quintal. } 3 P
Poivre , 3 piaftres le fac gros &)
petit.
Quina, I piaftre l'ocque.
Soufre , 5 piaftres le quintal.
Sublimé , 3 piaftres Id.
Salfepareille , 3 piaftres Id.
Sucre en pain , 25 piaftres Id.
3p .
Tartre , 5 piaftres Id.
Toile de trois , 10 piaftres la piece.
Verdet, I piaftre l'ocque.
Vitriol , 7 piaftres le quintal.
Caffé d'Amérique , 3 piaftres les
100 ocques.
Manne , 2 piaftres l'ocque.

Outre ces Droits , le Douanier exige


encore comme on l'a dit ci - deffus , un
Agio de 2 pour cent au - delà la douane
que l'on a payée,
MER NOIRE.
373

Tarif: Marchandifes de Sortie.

dito de Terfin, 4 piaſtres la table)


de 60 pics.
3 p .
Opium , 60 paras l'ocque.
Rhubarbe , 4 piaftres Id.
Scamonée , 3 piaftres l'ocque.
Saffran , 5 piaftres Id.
Salpetre , piaftre Id.
Storax liquide , 10 paras Id.
Sémencine , piastre Id. 3 på.
Sené , 1 piaftre Id.
Tutie , 1 piaftre Id.
Turbit , I piaftre Id.
Thérébentine , I piaftre Id.
Les Vaquettes payent 1 afpre de 80 å
la piaftre. Les Soyes quelconques ne
payent point de douane de Sortie,

Q7
374 COMMERCE DE LA

ETAT

Des Droits qui feperçoivent à Smyrne


tant pour la Chambre de Commerce
de Marfeille , que pour l'Echelle.
LA CHAMBRE.

Les bâtimens qui chargent des mar


chandifes pour Marſeille , ne payent rien
à Smyrne; la Chambre exige fes Droits
à Marſeille..

Les bâtimens qui chargent des mar


chandifes pour l'Italie à Smyrne , pour le
droit de la Chambre de Marfeille ; favoir :
Le Droit de Confulat à 2 pour cent
1-uivant l'eſtimation du Tarif ci - deffus.
Le Droit de Cottimo.
Les Vaiffeaux · · Ps. 183 : 33.
Les Corvettes & Polacres - 128 : 33.
Les Keichs , Barques ou Pinq. 91 : 67.
Les Brigantins ou Tartan. 45 : 83.

Les bâtimens qui vont charger des


denrées dans l'étendue du Confulat , ne
MER NOIRE 375

ETA T

Des Droits qui feperçoivent à Smyrne


tant pour la Chambre de Commerce
de Marfeille , que pour l'Echelle.
L'ECHELLE.

Les bâtimens qui chargen pour Mar


feille , payent à Smyrne l'avarie de
P'Echelle à 1 , pour cent fur l'eftimation
d'un Tarif que l'on a exprès pour cela ,
dans lequel l'eftimation eft beaucoup
moindre que ce que les marchandifes
coûtent réellement , afin de favorifer le
Commerce.

Les bâtimens qui chargent des mar


chandifes pour l'Italie , payent l'avarie de
FEchelle comme ci - deffus.

&

Les bâtimens qui vont charger des


denrées dans les dépendances du Confu
CE
576 COMMER DE LA

LA CHAMBRE.

payent rien à Smyrne pour la Chambre ,


qui en exige les Droits à Marſeille,

Les bâtimens en Caravane payent à


Smyrne pour la Chambre 2 pour cent de
Confulat fur le Nolis qu'ils font, & ".lors
qu'ils font nolifés d'entrée & de fortie ,
#
l'on n'exige que 1 pour cent à cette
Echelle , & à celle pour laquelle ils font
deſtinés , on leur fait payer l'autre.

Autrefois le Vice- Conful à Scio rendait


compte des 2 pour cent de Confulat qu'il
exigeait fur les Nolifemens qui s'y fai
faient : mais depuis quelque tems il jouit
de ce Droit : les autres lui ont toujours
appartenus en propre.
NB. Les chofes font changées , il n'a
plus rien que 1500 livres de fixe.
MER NOIRE. 377

L'E CHELLE.

lat de Smyrne , payent à l'Echelle 1 pour


cent de Droits fur le fonds , eftimé beau
coup moins afin de favorifer ce Com
merce & lorfqu'ils vont charger hors
des dépendances de ce Confulat , ils ne
payent que la demi-taxe du bâtiment ,
comme il fera expliqué ci - deffous à l'ar
ticle de la Caravane.

Les bâtimens en Caravane payent à


l'Echelle le Droit que l'on appelle la de
mi taxe ; favoir :
Les Vaiffeaux Ps. 25 .
Les Corvettes , Polacres & Keichs 20 .
Les Barques , Pinques , Brigant.
& Tartanes 15,

L'Echelle n'a jamais exigé de Droits ä


Scio , à moins que l'on ait impofé des
avaries extraordinaires : en ce cas le Vice
Conful en rend compte aux Députés de
la Nation à Smyrne.
378 COMMERCE DE LA

Droits que le
le Commiffionnaire de
Smyrne exige du Commettant de
Marſeille.

Le Réfident fur l'Echelle paffe la


Douane fans s'avantager de rien.
Les Droits de Cenferie ou Courtage
font paffés par le Réfident dans les
comptes qu'il envoye de même qu'il les
paye ; favoir:
Sur la vente de toutes les marchandiſes
d'entrée I pour cent .
Sur les achats de celles de Sortie
pour cent.
Sur les achats de celles qui viennent
de Perfe I pour cent.
६ Quand il fait en troc , marchandifes
contre marchandifes , 14 pour cent fur cel
les qu'il donne & 2 pour cent fur celles
qu'il reçoit.
Sur l'argent qu'il emprunte pour cent.
Le Réfident ne profite de rien ; il donne
au propriétaire le bon poids qui fe trouve ,
& lui bonifie auffi les tares d'ufage.
Les tares d'ufage fur les marchandifes
d'Entrée & de Sortie n'ont lieu que fur
les articles fuivans ; favoir:
MER NOIR E. 379,

Sur les Soyes, le vendeur bonifie pour


les ligatures des maffes , 20 dragmes
par chaque batman , qui eft compofe de
2400 dragmes ; la tare de la chemiſe du
ballot de 12 batmans , 1200 dragmes
fuivant l'ufage , quoiqu'elle n'aille qu'à
1050 ou 1100 dragmes , ce qui eſt un
profit. S'il fe trouve dans les foyes des
fourrures , ou des foyes tachées , il y a
une feconde tare réglée par les Experts .
Sur la Sémencine 10 pour cent pour la
tare & la pouffiere.
Sur la Rhubarbe 4 à 6 pour cent pour
la tare , qui va même jufqu'à 8 , quand
elle eft chargée.
Sur la Gomme Ammoniac , on con•:
vient d'une tare qui eft arbitraire fui
vant la qualité..
-Sur le Galbanum , on convient auffi
d'une tare.
: Sur la Tatie de même , pour la pous
fiere . >
Sur la Scammonée 300 à 350 dragmes
de tare pour un pain de 15 à 16.ocques
de 400 dragmes chaque.:.
A
Quant aux autres Drogues , on fait une
tare nette des facs & des caiffes.
A l'égard des Laines de mouton
quoiqu'elles foient cernies , on les paffe
280· COMMERCE DE LA

encore par la main , en les mettant dans


les facs ; il en eft de même des noix de
galle & des poils de chevre : pour ce:
dernier article , quand il n'eft pas bien
travaillé & bien net , on oblige le ven
deur de le faire paffer par la main une
feconde fois.
Pour ce qui regarde les autres articles
qui ne font point fujets à être cernis , il
n'y a point de tare ; on les achete à vue :
fi la qualité eft belle & bonne , on la re
"
çoit ; fi elle ne vaut rien , on la laiffe.
Sur le Poivre , 144 pour cent de tare pour
la pouffiere.
Sur le Sucre en pain , z pour cent de
tare pour le papier & la ficelle.
Sur la Cochenille & l'Indigo , il n'y a
point de tare ; ils viennent grabellés de
Marfeille ; on ne fait de tare que pour
la barrique.
La tare des tonneaux de Sucre blanc
eft réglée à 10 pour cent.
Ily a une forte de bonne mefure far les
Toileries , Indiennes , Demittes , Efca
mittes & Bours : on les achete toutes à
pieces.
Les Draps fe vendent fur les Echan
tillons: la regle fe fait fur l'aunage de la
Facture: fi l'acheteur, enfuite trouve da
MER NOIRE. 381

manque dans l'aunage , le vendeur le lui


bonifie.
Le Réfident prend fes Droits de Com
million tant d'Entrée que de Sortie ;
favoir :
Sur la vente des marchandifes d'Entrée
2 pour cent.
Sur les Lettres de change tirées de
Marſeille & qu'il paye , 2 pour cent.
Sur la vente des piaftres fevillanes
I pour cent.
Sur les Lettres de change tirées de
Conftantinople , de la Cannée & autres
Echelles , d'ordre & pour compte du
Commettant de Marfeille fur les fonds
que le Réfident a en caiffe provenant de
la vente des effets du Commettant
2 pour cent.
Si la Lettre eft tirée de la Cannée ou
autre Echelle pour en prendre le rem
bourfement fur Conftantinople , I pour
cent.
Sur les fonds complets pour les char
gemens de bled 2 pour cent.
Sur les chargemens d'huile 4 pour cent ,
dont le Réfident en donne un à celui qui
eft commis pour les recevoir au lieu du
chargement : il en refte 3 pour lui.
382 COMMERCE DE LA

Sur les achats des marchandiſes de


fortie 4 pour cent.
Au moyen des ufages ci - deffus le Ré
fident eft obligé de ne paffer dans les
comptes de vente & d'achat que les mê
mes frais qu'il a déboursés.

Monnoyes d'or , avec leur évaluation au


pair en argent de France.

Séquins Fondouklis valent 440 afpres


qui , à raifon de 120 afpres pour piaftre ,
font 3 piaftres & , lefquelles évaluées
à 3 Livres de France font - L. II. -
NB. Aujourd'hui ils valent
465 afpres.
C Demi -féquins Fondouklis ,
220 , afpres 5. 10.
Séquins Zingerlis de Con
ftantinople valent 420 afpres. · 10.15. ►
* Séquins Zingerlis du Caire
valent 330 afpres. - 8..5..
Séquins Zermabbouts , la
même chofe que ceux du Caire. B 8. • 5.
Demi -féquins Zermabbouts ,
165 afpres 4. 2.6.
Séquins Touralis de
Conftantinople , 390 afpres 9. 15.
Séquins Touralis du Caire ,
315 afpres - 7.17.6.
MER NOIRE. 383

Séquins de Tunis , Tripoli , Alger &


autres lieux de la Barbarie ,
390 afpres. L. 9. 15..
Demi-féquins Barbarefques, ·
195 afpres 4. 17. 6.
Quarts de ces féquins à
97 afpres. 2. 8. 9.

Monnoyes d'Argent. 17

La piaftre de 120 afpres ou


40 paras évaluée L. 3.
Ifelottes 90 afpres . 2. 5
Demi-piaftres , 60 afpres- • I. IO,
Demi -Ifelottes , 45 afpres - I. 2.6
Quarts de piaftre , 30 afpres - 15.
Huitiemês de piaftres ,
15 afpres 7.6.
Paras , 3 afpres 1. 6.
Afpre 6.
Le Thémin eft une petite Monnoye
d'Allemagne & vaut 10 afpres ou 5 fols
de France.

Mefures.

La Meſure de toutes les Etoffes en


Turquie s'appelle Pic; le Pic fe divife
en Archin , & en Endazé ; celui - ci fert
284 COMMERCE DE LA

de mefure à toutes les étoffes de coton ,


& l'autre à celles de laine & des foies. Il
faut à peu de chofe près un pic trois
quarts pour faire l'aune de France : le pic
étant de 25 pouces. Le quilot de grains
peſe 22 ocques.

Poids.

Le Quintal eft de 100 Rottes & la


Rotte de 180 dragmes ; ainfi le quintal
de Turquie pefe 137 de France poids
de marc; la livre de 16 onces & l'once
de 8 dragmes ou gros.
Le Batman , eft le poids dont on fe
fert pour pefer les Soies de Perfe : il eſt
de 6 ocques , ou 2400 dragmes , qui font
de France 18 € 12 onces.
Le Teffé eft le poids pour pafer les
Soies de Brouffe ; il eft de 610 dragmes ,
qui font 4 12 onces.
Les Tchéquis de laines de chevron font
de 300 dragmes chaque , où 2 ocques ,
qui font 12 t 4 onces. I
1
Le Tchéquis d'Opium eft de 250 dra
gmes , qui font 25 onces 2 gros.
Le Tchéquis de Corail eft de 100 dra
gmes , qui font 12 onces 4 gros.
L'ocque
MER NOIRE . 385

L'ocque eft de 400 dragmes , qui font


3 ft 2 onces.
La Rotte eft de 180 dragmes , qui font
Itt 6 onces 4 gros.

FIN

$3
8
8

83

R
ERCE
336 COMM

OBSERVATIONS

SUR LE COMMERCE :

DE

L'ISLE DE CANDIE ,

EN MDCCLXIV.

Si l'on confidere l'état actuel du Com


merce de l'Ifle de Candie, il paraît déſeſpéré
fans aucune apparence de retour : mais eft
ce par des moyens auffi violens que ceux
que l'on a propofés , que l'on prétend le
rétablir? Au lieu de guérir le mal & d'y
appliquer des remedes , on veut l'empirer
totalement par la fuppreffion des deux
Confulats de l'Ifle , des Officiers & la
réduction des Maifons Françaiſes à la
Cannée.
Je ne parlerai point ici du Commerce
de la ville de Candie , où il n'y a gueres
d'apparence pour le préfent de rétablir
les chofes fur l'ancien pied , & je parlerai
DE CANDIE. 387

encore moins de Rétimo , où n'abordent


point depuis très longtems de bâtimens
Français.
Je conviens que la crife où fe trouve
le Commerce de cette Ifle , eft à fon der
nier période ; mais on peut par une con
duite toute différente de celle qu'ont
tenue les Confuls de ce Royaume , par
venir à rétablir un Commerce qui par lui
même eſt aſſez avantageux , & qui pourra
le redevenir confidérablement par la fuite ,
& enfin guérir des playes qui ne font pas
incurables.
Je pense qu'il n'eft pas jufte que pour
une interruption momentanée , comme
l'a très bien obfervé Mr. Berryer (*) en
réponse à la Lettre du Conful à la Cannée
du mois de Mai 1761 , on abandonne fi
facilement cette partie , d'où l'on peut tirer
encore de très grands avantages. Car
tant que l'on voudra toujours fuivre le
• même Systême , je prévois qu'avant qu'il
foit deux ans , tout fera fini pour nous
dans cette Ifle fans jamais pouvoir nous
relever.
Le Commerce d'Entrée & de Sortie

(*) Alors Miniftre de la Marine.


R 2
COMMERCE
388

de ce Royaume cft trop connu pour en


parler ; je n'entrerai point dans des répé
titions inu iles , mais je vais effleurer quel
ques points relatifs à cet objet.
Le Commerce d'Entrée & de Sortie
de cette Inle peut aller en bonnes & mau
vaifes années de 250 à 300,000 Ecus ,
avec un bénéfice courant de 20 pour
cent & même de 40 à 45 fur nos Draps
& le relie à proportion , & peut par
conféquent entretenir cinq à fix Maifons :
mais faute de connaître la valeur du
Commerce & le caractere des gens du
pays , on s'y eft ruiné & l'on s'y ruinera
toujours: c'eft ce dont MM. de la Cham- ·
bre du Commerce de Marfeille fe font
toujours plaints & avec jufte raifon.
.. Plufieurs chofes ont concouru au dé
périffement de notre Commerce dans
cette Ifle: d'un côté la trop grande avi
dité des Négocians Français , l'impru
dence de plufieurs d'entre eux , le faſte
& la mauvaiſe conduite de quelques autres
& la condefcendance trop facile de cer
tains Confuls ; d'un autre côté , les Grecs
& les Turcs de cette Ifle qui ont con
ftruit plufieurs bâtimens appellés Londres
qui vont à voile & à rame , qu'ils font
Conftruire à la Sfachie fur la Côte méri
DE CANDIE. 389

dionale de l'Ifle; & de plus les permis


fions que l'on a accordé à plufieurs Capi
taines Français de vendre leurs bâtimens
aux gens du pays , dont ceux - ci fe fer
vent pour faire la Caravane & même li
courfe contre nous ; d'où il eft à craindre
que les Turcs ayant une fi grande faci
lité pour conftruire des bâtimens , & en
acheter d'affez gros , ne s'en fervent pour
prendre le parti d'être corfaires & s'éri
ger en République , comme à Tunis , à
Alger & à Tripoli ; c'eft à quoi ils vifent :
la facilité de MM . de la Religion de
Malthe à accorder des fauvegardes &
des permiffions de naviguer , moyennant
un certain tribut que les Turcs appellent
publiquement le Droit de St. Jean ; ce qui
Yes met en état de faire en toute fûreté
les voyages à Milthe même , de toute la
Grece , de Conftantinople , de Smyrne ,
de Syrie , d'Egypte , de Barbarie , de
Trieſte , de Venife , d'Ancone & de Li
vourne , & fait qu'ils vont fe pourvoir
eux -mêmes dans ces derniers endroits ,
de draps , de ferges impériales , de tein
tures & d'autres marchandifes de notre
crû & de celui des autres pays , que nous
ne pouvons plus leur fournir , & qu'ils y
portent en retour leurs huiles, leur favon,
R 3
1
COMMERCE +
390

leur cire , leurs foyes ; &c. ce qui nous


porte un préjudice confidérable , foit pour
notre propre commerce , foit pour notre
Caravane qui n'eft plus employée ; tandis
qu'autrefois ils n'ofaient point s'éloigner
de la Côte. A quoi il faut encore joindre
l'abondance extraordinaire des bâtimens
Ragufais qui nous rivalifent & ont gâté la
$
Caravane par le bas prix du Nolis : enfin
ce qui nous fait tort , ainfi qu'à la Ma-
rine du Roi , c'eft la quantité de nos Mate
lots , Pilotes & Capitaines démontés qui
fervent fur les bâtimens étrangers , tels que
les Impériaux , Ragufais & autres ; même
certains Français mariés & établis dans
les Ifles de l'Archipel qui font Patrons de
Barques Grecques , ou Turques , fans
être Rénégats.
Tous ces objets réunis ont abîmé to
talement notre Commerce , & fi l'on ne
prend pas des précautions convenables
pour y porter remede , il eft à craindre
qu'avant deux ans , comme je l'ai dit ci
deffus , nous ne foyons totalement écrasés
& ne puiffions jamais nous relever. Les
moyens pour parvenir au rétabliffement de
notre Commerce ne font pas bien difficiles
à exécuter & ne font nullement onéreux.
Si les Confuls de France avaient tenu
DE CANDIE. 391

fa main pour empêcher nos Négocians de


prêter fi aveuglement leur argent aux
Turcs du pays , qui s'en font fervi à notre
préjudice , pour acheter des biens- fonds ,
élever des favoneries , conftruire des bâti
mens & faire le négoce fur nos brifées ;
il n'en refulteroit pas que cet argent
qui a fervi à nous nuire dans notre com
merce , demeure encore pour la plus
grande partie entre leurs mains , & il eft
prefqu'impoffible de le retirer , même
avec perte des deux tiers du Capital &
quelquefois des trois quarts , malgré les
Fermans & les ordres de la Porte que
l'Ambaffadeur de Sa Majefté a obtenus :
& lorfqu'il s'eft agi d'en faire le recouvre
ment , quelle fermentation cela n'a-t - il
pas occafionné dans le Pays ? Ceux que
l'on a forcé de payer en partie , ont été
nos premiers adverfaires & à nous jetter
la pierre , comme a fait le Muphti de la
Cannée qui eft encore débiteur & qui pro
fita des brouilleries du Conful actuel avec
le Pacha , lors de la malheureuſe affaire
du Brigantin Français , le Canary , & de la
Bombarde Danoife,pour faire foulever tous
les autres débiteurs , en les excitant ainfi
que la populace , à nous malfacrer , ou tout
au moins à nous expulfer ; ce qui a occa
R 4
E
392 COMMERC

fionné à la Nation Françaiſe une avanie


très confidérable qu'il a fallu payer. Mal
gré les ordres du Grand - Seigneur , il ne
paraît gueres poffible de retirer le refte ,
fi l'on ne veut voir renouveller les
fermentations & peut - être des Vêpres
Siciliennes. D'ailleurs je doute très fort que
l'on puiffe jamais parvenir à une liquida.
tion parfaite , qui ne pourra fe faire qu'a
vec une peine infinie. C'eft pourtant une
chofe à laquelle il faudrait donner une
fin , pour recommencer un nouveau Com .
merce & l'établir fur des fondemens plus
folides.
Si les Confuls avaient encore tenu la
main à ce que nos Négocians ne fiſſent
point de monopole & des amas trop con
fidérables d'huiles au préjudice les uns
des autres , en la faifant renchérir ; s'ils
n'avaient pas témoigné de la partialité
pour l'un plutôt que pour l'autre , ce qui
a augmenté la jaloufie de Commerce à la
quelle ils ne font malheureufement que
trop portés ; & enfin qu'ils euffent em
pêché le mariage de certains d'entre eux
avec des filles du pays , qui ne leur appor
tent qu'un grand fonds d'orgueil, de
fafte & beaucoup de mifere , avec toute la
parenté qu'il faut encore entretenir ; ce
qui
DE CANDIE. 393

qui les jette dans des dépenfes au deffus


de leurs facultés ; alors on ne verrait pas
les Français fi écrafés qu'ils le font dans
cette Ifle & ailleurs , & ils feraient plus
respectés.
L'on ne voit que trop de ces mariages
clandeftins & de confcience , furtont à
Smyrne , où prefque tous nos Négocians
font mariés de la forte par l'entremife &
à l'inftigation des RR . PP. Capucins , qui
fe mettent au - deffus des regles. Il ferait
très utile d'agir comme les Hol'andais de
Smyrne , d'ordonner de faire publier les
Bans en Chancellerie pour la validité des
mariages , & d'empêcher que les moines
& les prêtres du Levant qui font tous
fous la protection de la France ne ma
rient les Français fans l'intervention des
Confuls & fans la publication des Bans
en Chancellerie ; que les Ordonnances du
Roi de 1629 , 1639 , Arrêts de Mars
1684 , Juin 1691 , & notamment l'Ordon
nance du mois de Mars 1697 far le fait
des mariages foient en vigueur dans le
Levant , & que ces mariages faits ainfi
clandellinement foient déclarés nuls de
plein droit , foit - là , foit en France.
Je trouverais encore moins d'inconvé
niens à permettre aux Négocians Français
B 5
1

394 COMMERCE

qui feraient mariés en France de mener


leurs femmes avec eux dans le Levant.
que de tolérer qu'ils fe marient avec des
Grecques : les Françaifes font plus écono
mes , plus attachées à leur ménage que
les Grecques , qui aiment beaucoup le luxe
& le fafte , fe ruinent en habillements
fomptueux & en bijoux , & reftent toute
la journée affifes fur leurs fophas , fans
s'embarraffer du foin de leur maison :
par ce moyen on couperait court à beau
coup de libertinage & à des dépenſes
inutiles.
Il faudrait encore pour la bonne regle
& le bon ordre foumettre tous les moi
nes établis dans le Levant à la difcipline
de l'Eglife Gallicane , fans leur permettre
de dépendre de Rome dont ils recon
naiffent plutôt l'autorité que celle du Roi ,
quand ils croient que cela convient à
leurs intérêts , & il conviendrait de les
obliger à prendre leurs Pouvoirs de l'Evê
que de Marfeille.
Enfin il faudrait faire revenir ceux
d'entre les Négocians qui , ayant fini leur
tems , ou ne faifant plus rien fur l'Echelle ,
foit par l'expiration de leurs permis
fions , foit par la diffolution de leur
Société , ou la faillite de leurs Majeurs ou
DE CANDIE. 395

Commanditaires , ne font que de la dé


penfe dans ce pays- là & s'y ruinent de
plus en plus , en faifant tous les jours de
mauvaiſes affaires , ou qui , fous prétexte
de ne pouvoir trouver d'embarquement ,
reftent encore malgré le Conful & le Mi
niftre & continuent le Commerce au pré
judice de ceux qui viennent les rempla
cer ; fauf à prolonger les congés pour
ceux qui fe conduiraient avec plus de
prudence & qui feraient en état de faire
fleurir le Commerce & de le foutenir :
enfin il faudrait abolir entiérement les per
millions que l'on donne à certains Commis
foit- difant fondés de Procurations , d'aller
au Levant fous prétexte de recueillir les
Effets des Négocians décédés ou faillis ,
& dont on devrait charger ceux qui ont
droit de réfidence. Pour cet effet, il ne
ferait pas hors de propos que les Confuls
envoyaffent tous les ans un Mémoire de
taillé des opérations & de la conduite des
Négocians , avec leurs réflexions fur la
nature du Commerce de leur Echelle &
fur tout ce qui fe paffe , afin de mettre
tout d'un coup la Cour en état de déci
der des partis que l'on doit prendre ,
des arrangemens & des mutations qui
devraient s'enfuivre.
R 6 6
ERCE
396 COMM

D'ailleurs , il eft inouï que MM. de la


Religion de Malthe accordent des fauve
gardes & des permiffions aux Grecs &
aux Turcs défignés fous le nom de Grecs
& de Mainottes , foit directement en leur
nom , foit fous celui du Prince de
Monaco & légalifées par le Grand - Maî
tre , moyennant un modique tribut de
cinquante pia tres par bâtiment , payables
en cire ou en argent : on en a envoyé les
preuves à la Cour : tribut bien modique
& bien moindre que celui qu'ils retire
raient de la prife de ces bâtimens qui
font eux - mêmes notre Commerce & le
ruinent , ainfi que notre Caravane. Un feul
mot de la Cour remédierait à cet incon
vénient.
D'un autre côté encore , on eft furpris
que l'on ne faffe point contenir les Ragu
fais dans les bornes de leurs Capitulations
avec la Porte , qui ne leur a permis qu'une
cinquantaine de bâtimens en tout pour
faire le Commerce des Etats du Grand
Seigneur ; tandis que dans un an de tems ,
dans le feul Port de la Cannée j'en ai vu
aborder près de cent. Que ne doit- ce pas
être dans les Echelles plus confidérables ?
De tous les Etrangers qui fe font efforcés
de traverſer notre Commerce & notre
Caravane , les feuls Ragufais y ont plus
DE CANDIE. 397

contribué que tous les autres. On en a vu


l'exemple du tems de Mr. de Villeneuve ,
notre Ambaffadeur à Conftantinople ; ils
empêcherent l'exécution de la permilion
que nous avions obtenue du Miniftere Ot
toman de faire naviguer deux Tartanes
françaifes que nous voulions envoyer dans
la Mer Noire , tandis qu'Hali- Pacha -
Héchim Oglou était Pacha à Trébifon
de, par le canal de fon Médecin qui était
Ragufais.
Il est vrai que le Confulat de Candie
paraît affez inutile : il n'y a plus qu'un
feul Français appellé Jean -Louis Cler
gle , déja fur l'âge , qui s'y eft marié
avec une fille du pays & qui ne fait plus
rien , notre Commerce y étant abfolument
ruiné. Il ne ferait befoin dans cet en
droit que d'un feul Français établi pour
recevoir les Droits des bâtimens , viſer les
Patentes des Capitaines , & qui pourrait
y travailler pour fon compte & être le
Correfpondant des Négocians de la Can
née pour la traite des huiles & autres mar.
chandifes de Sortie & pour la vente de
nos Draps & autres chofes de notre crû ;
fauf à établir deux Maifons fi le cas l'exi
geait : avec ce moyen on épargnerait la
dépense de trois Officiers , qui font le Vi
R 7
308 COMMERCE

ce - Conful , le Chancelier & le Drog


man , tous trois pour le préfent très inu
tiles & très à charge à la Chambre qui
ferait fort aife d'en être débarraffée. S'il
était néceffaire d'établir un Drogman , on
prendrait un homme du pays qui , pour
cent piaftres , remplirait ce pofte. Alors
ce ferait le Conful de la Cannée qui ferait
chargé des affaires de Candie & donne
rait fes ordres au Négociant qui y ferait
la figure de Vice- Conful. Mais fi la Cour
juge plus à propos de laiffer fubfifter le 1
Vice- Confulat de Candie , on pourrait y
envoyer annuellement un des Négocians
de la Cannée , que l'on renouvellerait tous
les ans ; il logerait chez le Conful & y au
rait la table & le logement à la place du
Chancelier que l'on peut abolir fans aucun
inconvénient & dont la place ferait rem
plie par le premier Drogman de cette
Echelle fans honoraires , attendu que les
Polices , les Patentes des Capitaines &
autres menusDroits leur en tiendraient lieu.
Le Négociant qui fera établi à Candie , y
fera les fonctions de Député , de Receveur
& de Commiffionnaire de ceux de la
Cannée.
Quant à Rétimo , c'eft un Juif que le
Contul de la Cannée y a établi fous l'a
DE CANDIE. 399

grément de la Cour , pour y faire la figure


de Vice Conful & y vifer les Patentes
des bâtimens français qui pourraient y
aborder (ce qui eft affez rare) & rece
voir les Droits du Confulat. Il faudrait
en faire autant à la Sfachie , où nos bâ
timens abordent quelquefois.
Il n'en eft pas de même de la Cannée
qui fe trouve fur le paffage de France à
Smyrne & à Conftantinople , à l'entrée
de l'Archipel & voifine du Golphe de la
Sude. Notre Commerce y eft plus confi.
dérable , & il eft abfolument néceffaire
qu'il y ait toujours un Conful pour plu
fieurs raifons très effentielles.
Primo , pour contenir le nombre des
Français qui y demeurent , & qui , s'ils
n'y ontpoint de Supérieur qui les retienne
dans le devoir , s'y ruineront les uns les
autres: 2º. & cette raifon eft affez im,
portante ; les vaiffeaux du Roi qui relâ
chent affez fréquemment à la Sude , ont
befoin d'un Officier établi par Sa Majesté
& reconnu pour tel par le Grand - Sei
gneur & les Puiffances du Pays , tel qu'un
Conful de France , pour leur faire donner
tous les rafrafchiffemens néceffaires ;
chofe que les Négocians ne feront pas

auffi bien , parce que la jaloufie fe met


400 COMMERCE

trait entre ces Négocians & que celui qui


ferait alors le Député actuel & repré
fenterait conféquemment le Conful
voudrait feul retirer le bénéfice qu'il fe
rait fur les provifions deſtinées à l'Efca
dre ; ce qui porterait les autres à le tra
verfer fous main pour les lui faire acheter
plus cher , comme le cas eft quelquefois
arrivé; ce qui caufe un préjudice confi
dérable aux vaiffeaux du Roi & fait fou
vent manquer les approvifionnemens :
les Négocians par une fuite de leur ja
loufie ne voudraient peut - être pas four
nir les fonds néceffaires pour cet effet ,
n'étant pas poffible qu'un feul Négociant
de la Cannée ait les facultés affez fortes ni
peut -être affez de crédit pour fe charger
feul de cette dépenfe : au lieu que le Con
ful par fon autorité retient ces Meffieurs
dans le devoir , les oblige de fe foumettre
pour le fervice de Sa Majefté & peut
obtenir plus facilement un crédit au nom
de la nation : enfin cette jalouſie regnerait
fi fort entre les Négociants qui refteraient
& celui d'entre eux qui ferait la figure
de Conful , qu'il ne leur ferait plus pos
fible de vivre en paix & ils feraient obli→
gés de tout abandonner , parce qu'ordi
nairement les Capitaines français & prine
DE CANDI E. 401

cipalement les Caravaneurs donneront


toujours plus volontiers la préférence à
celui qui fait la figure de Protecteur.
Il n'y a point de comparaifon à faire
du Royaume de Morée à celui de Can
die. Dans celui - là les Français fe font
mieux comportés & y font aimés & re
gardés : dans celui - ci , nos Négociants
ont agi différemment ; ils ont prêté leur
argent & l'on fe moque d'eux . En Mo
rée il n'y a gueres d'Officiers Turcs fu
périeurs dans les villes de Coron , Mo
don , Napoli de Romanie , où réfident
nos Confuls , qui y ont bien plus d'agré
ments , ainsi que les Français , que l'on y
regarde de meilleur œil. Les Turcs fe
tiennent éloignés de ces villes ; au lieu
qu'à la Cannée c'eft un Pacha à trois queu
es qui y gouverne ; c'eft un Officier fu
périeur qui , accoutumé à un Pouvoir def
potique , croit que tout doit plier fous fa
loi, & qui fouvent s'embarraffe fort peu
des ordres de fon Souverain. D'ailleurs le
peuple y eſt très mutin , peu porté pour
nous & vendu aux Anglais , qui dans cette
derniere guerre (terminée en 1764)
nous ont pris beaucoup de bâtimens qu'ils
font venus vendre à la Sfachie & dans
d'autres endroits de l'Ifle , ainfi que les

ï
402 COMMERCE

Cargaifons , à un prix très modique &


fur lesquelles les gens du pays ont fait
des profits immenfes. Combien de tra
cafferies n'a - t - on pas effuyé lorsqu'il
a été queſtion de fournir en 1760 le bis
cuit à l'Eſcadre de M. de Pannat , qui fe
trouvait bloquée par les Anglais dans le
Golphe de la Sude ; on a penfé voir une
rébellion & le peuple criait déjà que
l'on voulait l'affamer. Un Négociant qui
quelquefois eft en compte courant avec
les Puiffances du pays & qui craint de
perdre fes avances , ferait -il en état & en
droit de tenir tête comme un Conful à un
Pacha & à une populace effrénée ?
Il arrive auffi que lorfqu'il n'y a pas de
Conful dans l'Echelle , & que le Député
eft chargé feul de la dépenfe , il enfle fes
Mémoires , qu'un Conful fur les lieux eft
plus en état d'approfondir: mais s'il veut
être honnête homme , les autres Négo
cians qui font chargés de reviſer les
Comptes & qui n'ont pu l'engager à
groffir les dépenfes pour en profiter , par
jaloufie biffent fans miféricorde des arti
cles qui font dans l'exacte vérité , comme
cela eft arrivé au Sr. Reybaud , Négo
ciant , dans l'intervalle du départ de M.
M.... & de l'arrivée de M. P... Les
1
DE CAN DIE. 403

vérificateurs s'étaient récriés fur la dépenfe


& avaient rayé deux articles que le Mi
niftre & la Chambre du Commerce de
Marſeille ont reconnus pour véritables &
qu'ils lui ont alloués.
D'après cela l'on voit que s'il n'y a
point de Supérieur qui maintienne la
fubordination parmi les Nationaux , ceux
ci ne pourront jamais fe foutenir & le
fervice du Roi en fouffrirait. D'ailleurs it "
y a plufieurs gens à la Cannée qui font
fous la protection de France & qui font
corps vis - à - vis des Turcs : ces gens . tà
n'ayant plus de Protecteur en la perfonne
d'un Conful de France , ne voudront
point reconnaître un Négociant qui fe
trouve , ainfi qu'eux , expofé aux ava
nies d'un Pacha & des autres Puiflances;
alors ils iront groffir le parti & fe
mettront fous la protection du Conful
d'Angleterre , qui l'eft en même tems de
l'Empereur , du Roi des Deux Siciles
& des Républiques de Venife & de
Hollande. Je ne parle point du Conful
de Ragufe , Jean - Marie Stuly, fujet de
cette petite République , que les Turcs
regardent comme un Raya ; ni de celui
de Dannemarc , Angelo Sponti , Grec de
Candie; non plus que d'un juif, Conful de
404 COMMERCE

Suede. Le Conful d'Angleterre Manolachi


Michieli eft unGrec des environs de Smyr .
ne ; c'est tout dire : depuis qu'il eft à la
Cannée , il n'a laiffé paffer aucune occafion
fans faire de la peine à nos Confuls & à
nos Nationaux : l'on en a vu des preuves
non équivoques dans la malheureuſe af
faire de la Bombarde Danoife qui ne le
regardait en rien ; affaire que j'ai fuivie
depuis le commencement jufqu'à la fin &
dont certaines circonftances , fi elles eus
fent été connues , auroient mis quelques
·
perfonnes dans l'embarras. Il engageait
fous main le miférable Pulas , Agent des
Anglais d'Alep , Subrecargue de ce bâ
timent, & le Kiaïa du Pacha , fon com.
patriote , à pouffer les chofes à la derniere
extrêmité & à nous faire maffacrer tous
par la populace de la Cannée. Si les Pro
tégés & les Barataires de France venaient
à groffir le cortege du Conful d'Angleterre
qui ne demanderait pas mieux , les Turcs
ne manqueraient pas de nous mépriſer ,
quand ils verraient que nous ne pouvons
plus protéger perfonne : alors il ferait
inutile aux Français de venir s'établir à la
Cannée , parce que fûrement ils n'y fe
raient plus rien. Comme on peut faci
lement en impoſer aux Turcs par le fafte
DE CANDI E. 405

& la hardieffe , il faut que le cortege d'un


Conful foit nombreux , lorfqu'il rend des
vifites de cérémonie.
Le feul moyen que l'on voye pour re
mettre le Commerce fur un bon pied
dans l'Ile de Candie , ferait avant toutes
chofes de faire liquider au plutôt & même
avec perte , (car on ne pourra l'éviter)
toutes les Dettes actives & paffives , &
enfuite de renouvel'er toutes les Mai
fons & de n'en établir d'abord que trois
ou quatre tout au plus de nouvelles
fans laiffer aucune des anciennes à
l'exception du Sr. Couloumb qui eft au
jourd'hui le feul en pied , pour inftruire
les nouveaux venus. Il ne reste plus
avec lui que les Sicurs Dulac & Abeille
qui n'ont point de Mayeurs ; les Srs, Ca
reffe , Sibou ; les freres Reybaud ayant
manqué ; le Sr. Beraud eft mort infolva
ble; le Sr. Ricard eft parti pour St. Jean
d'Acre: s'il relle encore lors de ce re
nouvellement quelque chofe à liquider ,
il en faudra faire charger les nouveaux
employés. Par la fuite on pourra au
gmenter le nombre des Maifons , & plus
il y en aura de bien montées , plus elles
feront en état de fe cottifer pour les be
foins de l'Echelle , du Confulat & des
E
RC
M ME
406 CO ,

Efcadres , fans avoir befoin de recourir à


des Emprunts qui emportent toujours une
ufure très forte , laquelle monte au
jourd'hui à 18 pour cent ; ce qui ruine
I'Echelle.
Quant aux mefures à prendre pour le
Commerce de la Cannée , qui a toujours été
& fera toujours le plus confidérable de
l'ifle , chacun des Négociants le fera en
fon particulier pour fon compte propre
& celui de fes Mayeurs , lorfqu'il s'agira
de la France ; mais à l'égard de celui
avec l'étranger , on penfe qu'il ferait
avantageux pour les Négocians qu'ils le
faffent en commun , afin de fe rendre
maîtres du Commerce de l'lfle , en la
fourniffant de tout ce dont elle aurait
befoin , par le moyen de nos Caravaneurs
qui exporteraient les marchandiſes du crâ
du pays dans les Etats du Grand- Seigneur
& y apporteraient d'autres marchandifes
néceffaires , comme coton , lin , cuivre ,
riz , legumes , poiffons fecs & falés
beurre , grains , bois ; &c. fans parler de
celles de notre crû , furtout les Draps qui
viendraient à chacun de nos Négocians
par envois réglés & repartis : c'eft fur
quoi l'on infifte .
A l'égard des marchandifes du crû du
DE CANDIE.
4.07

pays propres pour nous , l'huile eft le plus


important article. Serait - il à propos
que les Négociants en faffent l'achat en
commun ou chacun en particulier ? Ce
ne feront que les circonftances & le ré
tabliffement de notre Commerce qui
pourront décider cette queftion . Si nos
Négocians l'achetent en commun ,
il n'y
a point de rifque qu'ils en coupent le
prix par anticipation , pour l'enlever aux
marchands Turcs & Grecs , & en faire
de plus grands amas . Si cette huile ne
paffe pas toute en France , elle fera ex
portée pour le général à Livourne , à
Triefe , à Ragufe , &c. dans lesquels
lieux nos Négocians auraient attention
d'entretenir des correfpondances en droi
ture ; mais fi chaque particulier fait l'a
chat pour fon compte propre , il faudra
défendre févérement le monopole , (ce
qui fera bien difficile à empêcher) afin
que chacun puiffe l'avoir au meilleur
marché. Voilà pourquoi l'achat en com
mun ferait préférable. Pour ce qui re
garde les autres marchandifes , comme la
cire , la foye , la laine &c. il faut laiffer
liberté entiere .
. L'on confidere encore une choſe dans
l'achat des huiles en commun. ( Mais il
408 COMMERCE

faudrait que le Conful fût très impartial


entre les Négocians & qu'il procurât
entre eux l'union & la concorde fans y
femer la divifion comme font quelques
uns de ces Officiers , foit pour ſe faire
valoir davantage , foit pour fe rendre re
doutables) C'eft que chaque Négociant
trouverait à point nommé au magaſin
général de quoi remplir fur le champ la
commiffion de fon Mayeur , & il ne fe
trouverait pas expofé à garder longtems
dans le Port un bâtiment qui lui aurait été
expédié , ou à le renvoyer à vuide
comme je l'ai vu arriver ; ce qui fouvent
entraîne la faillite & du Mayeur & du
Correfpondant.
L'union qui regnerait entre tous les
Négociants de l'Echelle , leur procurerait
l'avantage de fe rendre maîtres des hui
les , auxquelles ils mettraient le prix , &
lorfqu'il arriverait que les gens du pays
auraient befoin de cette marchandiſe pour
remplir fur le champ une Commiffion "
ils feraient obligés de recourir aux Fran
çais qui y mettraient le taux le plus avan
tageux pour eux , & ce qui ne manque
rait pas d'arriver , c'eft que nos Négocians
étant les maîtres des huiles , ils devien
draient les correfpondans de tous les étran
gers ,
DE CANDIE. 409

gers , Trieftins , Livournais , Ragufais


& autres , & feraient de très belles af
faires , parce qu'infailliblement on leur
adrefferait tous les bâtimens de ces pays
là pour avoir les huiles à meilleur marché
& pour ainfi dire de la premiere main.
L'abondance des affaires furvenant , les
Maiſons Françaiſes ne manqueraient pas
de fe multiplier & cela influerait fur le
commerce de Candie , qui alors pourrait fe
relever & entretenir fes Officiers & des
Maiſons .
Il eft bon d'obferver que le commerce
des huiles va redevenir très floriffant à la
Cannée ; les manufactures de favon com
mencent à tomber & à diminuer confidé .
rablement , parce qu'à Athenes , dans la
Morée & à Metelin , on fait à préſent
du favon presqu'auffi beau & auffi bon
que celui de l'Ile de Candie & que l'on
donne même à meilleur marché. Ces nou
velles manufactures ne manqueront pas
de ruiner les autres, Cette branche de
Commerce des Turcs & des Grecs qui
nous portait un préjudice notable , va
enfin s'anéantir , & fera par conféquent
tomber le prix des huiles ; alors nos né
gociants pourront fe remettre & fe trou
ver les maîtres abfolus du commerce de
S
410 COMMERCE

cette Ifle , qui n'eft pas à dédaigner , en


prenant , comme on le propofe , les me
fures convenables pour leur en affurer la
poffeffion. L'on obfervera encore que fi
la Porte vient à rompre avec l'Allemagne
& principalement avec la Ruffie ; le com
merce de favon tombera totalement en
Candie, attendu que le plus grand dé
bouché de cet.e marchandiſe fe fait par
Ja Mer Noire.
A l'égard de notre Caravane , elle ne
pourra que gagner & devenir floriffante ,
les gens du
étant für & certain que pays
qui ne pourront plus faire le commerce
du pays par eux - mêmes, nous donneront
toujours la préférence pour nos bâtimens ,
fur les Etrangers , comme il eft conftam
ment arrivé ; on l'a vu encore en 1761 , à
l'occafion du tranſport des munitions de
guerre pour cette ifle: le Capitaine Vail.
lant & deux autres Capitaines français
dont je ne me reffouviens plus du nom ,
ont été préférés à Conftantinople à des
Capitaines Impériaux & Ragufais , bien
que les bâtimens de ceux- ci fuffent francs ,
hors d'infulte de la part des Anglais & d'un
plus grand volume que les nôtres & qu'ils
demandaffent un prix au deffous de celui
de nos Capitaines. Les Turcs étant per
DE CANDIE 411

fuadés & ayant toujours éprouvé que nous


entendons mieux la marine que tous les
autres Etrangers & même mieux que les
Anglais , pour lefquels ils font plus portés
que pour nous , vu qu'ils rifquent trop
alors notre Caravane prendra abfolumenc
le deffus fur toutes les autres , & l'on
pourra par ce moyen acquitter les dettes
du Confulat & celles de la Nation qui
font affez confidérables , & donner enfindu
bénéfice à la Chambre du Commerce de
Marſeille , qui eft fort gênée dans ces tems
malheureux pour l'entretien pur & fimple
des Officiers de cette Echelle.
Je ne parle point des Corfaires de Tri
poli , Dulcigno , Maina & autres qui tra
verfent beaucoup nos navigateurs , en leur
enlevant leurs provifions , cordages ,
bouffoles , &c. & qui quelquefois même
enlevent des Français qui s'embarquent im
prudemment fur des barques du pays ; ces
gens ne refpectant ni paffe - ports , ni pa
tentes , comme il eft arrivé l'année derniere
1762 au pauvre Etienne Tourame de Mar.
tigues, qui paffait fur une barque de la
Cannée pour la Morée , que ces bandits ont
maffacré inhumainement & enfuite jetté
à la mer ; ce dont on doit rejetter la faute
fur le Pacha actuel de la Cannée & fur le
S 2
412 COMME
RCE

Liman . Reis , ou Capitaine de Port , A


gent des Tripolins qui n'en feront jamais
punis. Ces brigands enlevent même des
bâtimens français , comme a fait encore
dernierement le fameux Reïs Sicard de
la Seine en Provence , Rénégat français ,
commandant une frégate de 36 à 40
pieces de canon & d'environ 200 hommes
d'équipage ; lequel a pris un bâtiment
français commandé par le Capitaine Bu
bon , Provençal , venant d'Alexandrette ,
qu'il a envoyé à Tripoli en Barbarie ,
fous prétexte qu'il était Génois , quoi
qu'il eût Patente de France. L'on pour
rait contenir tous ces bandits dans le de
voir , en ne permettant plus que MM. de
Malthe donnent à l'avenir des Patentes &
des Sauvegardes. Mais le plus trifte pour
nous eft,qu'on ne punit pas des Grecs & des
Turcs , qui arment en courfe contre nous
fous Pavillon Anglais , fouvent même fans
aucune Patente , & principalement les
Sfachiotes , reftes de ces anciens Crétais ;
qui font les plus méchants de cette Ifle
i
& qui ne font aimés ni des Grecs (quoi 1
que de la même religion)ni des Turcs , qui
n'ontjamais pu les réduire à l'obéiffance ;
leur Canton eft un pays hériffé de mon
tagnes & de précipices, où cinquante hom
DE CANDIE. 413

mes peuvent facilement en détruire mille ,


& chez lefquels tous les mauvais fujets
de l'Ine , tant Grecs , Turcs qu'étrangers ,
vont fe refugier , lorfqu'ils font pourfuivis
par la Juſtice.
Comme il n'eft gucres poffible de fe
paffer de Cenfaux ou Courtiers , & que
les Juifs font en poffeffion de cet emploi;
on les fait courir pour ramaffer les huiles
de côté & d'autre jufques à Rétimo, &
dans les montagnes ; on eft par confé
quent obligé de leur confier des fonds
pour faire les achats , ainſi que nos mar
chandifes , pour en procurer un plus grand
débouché. Pour être à couvert des banque
routes qu'ils peuvent faire & occafionner , il
faudrait faire en forte lors du renouvelle
ment de toutes les Maifons françaiſes de la
Cannée , que le Corps de la Nation Juïve
s'engageât folidairement les uns pour les
autres à remplir le vuide que quelques uns
d'entre eux pourraient faire vis - à- vis de
nos Négocians ; la chofe ne ferait peut
être pas difficile à exécuter & l'on croit
que les Juifs ne s'y refuferaient point
pour ne pas être fruftrés du gain qu'ils
peuvent faire avec la Nation Françaife qui
feule fait Corps à la Cannée , n'y avanc
point d'autre Nation. Si nos Négociants
S 3.
414 COMMERCE

voulaient s'appliquer à la langue grecque


vulgaire , qui eft fort douce & n'eft pas
abfolument difficile à apprendre & qui eft
la feule en ufage parmi les Turcs & les
gens du pays , alors ils pourraient ſe pas .
fer de Cenfaux , & faire toutes leurs affai
res eux -mêmes : ils ne feraient plus par
conféquent exposés aux fubtilités des
Juifs & ils profiteraient du gain que ces
Cenfaux font fur eux.
Il eſt encore d'autres mefures à pren .
dre vis - à - vis des Tures & des Grecs
du pays . Dans le courant de l'année der
niere 1762 , il s'eft élevé à la Cannée
une queftion affez confidérable. Les
Turcs ne veulent plus payer le droit de
Confulat fur les marchandifes d'Entrée &
de Sortie. Le Conful Anglais & Impérial
à qui le cas eft arrivé , a réclamé inuti
lement l'autorité de la Porte & quoiqu'il
ait même obtenu un Ferman pour faire
payer ces Droits , les Turcs & les Grecs
s'en font moqués & n'ont rien voulu en
tendre pour le payement. Le Conful de
Ragufe actuel , Jean - Marie Stuly , s'eſt
auffi trouvé dans le même cas , & il a
eu la lâcheté de ne point foutenir fes
droits : fi pareille chofe paffe , il eft à
craindre que les Français ne perdent auffi
leurs droits & que la Chambre de Com
DE CANDIE. 415

merce de Marfeille ne s'en trouve privée.


Au refte , l'on pourrait s'accommoder
au tems & fi abfolument on perd ce droit
& que les Turcs ne veuillent plus le payer ,
on peut le reprendre fur les nolifemens &
alors les Capitaines français payeraient ce
droit qu'ils exigeraient en fus des nolis ;
par ce moyen , la Chambre n'en ferait pas
privée ; Mr. le Conful P. a dû écrire pour
cela à la Cour & à Mr. D. V.notre Am
baffadeur à Conftantinople. Il a propofé
qu'on lui envoyât un Ordre du Roi à cet ef
fet , pour empêcher les Capitaines Français
de débarquer les marchandifes d'Entrée ,
& de fortir du Port chargés de celles de
Sortie, fans que ces Droits ne fuffent pa
yés. Ce moyen m'a paru un peu vio'ent &
j'y vois un inconvénient. Les Turcs fe
voyant pris de la forte , ne voudront plus
nolifer nos bâtimens & fe ferviront des
Impériaux & des Ragufais qui ne font
pas fi fermes. Pour obvier à cela , je
crois qu'il n'y aurait pas d'inconvénient ,
(en cela je foumets mes lumieres à celles
de la Cour , ) à faire réunir au Confulat
de France , à la Cannée , tous les Confu
lats étrangers , Livourne , Trieſte , Ra .
gufe , Hollande , Venife , Damnemarc
Suede , Naples ; &c. àl'exception de celui
S 4
ERCE
416 COMM

d'Angleterre , qui ferait incompatible ,


attendu les trop fréquentes ruptures ; cela
ferait un très bon effet : alors il y aurait
une uniformité dans les opérations , & les
Grecs , comme les Turcs , feraient obligés
d'en paffer par - là. On ne ferait aucun
Bort aux Livournais ni aux Impériaux
dont il ne vient fur l'Ifle que dix à douze
navires au plus par an: il n'eft point
queftion de bâtimens Hollandais , Veni
tiens , Suédois , Napolitains & Danois ,
dont à peine it en vient un par an. Je ne
vois plus que les feuls Ragufais qui ,
comme je l'ai dit ci- deffus , nous rivali
fent & nous font un tort infini. S'il paraît
des bâtimens Anglais , ce n'eſt qu'en tems
de rupture que l'on en voit quelquefois
relâcher à la Sude; ce qui nuit beaucoup
à notre Caravane en interceptant & ran
çonnant nos bâtimens qui n'ofent gueres
fe rifquer.
Enfin la fuppreffion du Confulat de la
Cannée , quoiqu'en dife M. P .., fera
toujours un très mauvais effet dans l'efprit
des Turcs & achevera de ruiner totale
ment notre Commerce fans aucune efpé
rance de retour & alors il faudra que nos
Français abandonnent tout à - fait ce
Royaume , parce que n'ayant plus per
DE CANDI E. 417

fonne qui les protege ; les Turcs finiront .


par maffacrer le peu qui reftera . Une
guerre malheureufe que nous avons eue
pendant plufieurs années , nous a fait un
tort confidérable. La retraite trop préci
pitée de quelques Négocians ; la faillite &
la mort de plufieurs autres qui font décé
dés infolvables ; la mauvaife conduite , la
jaloufie & la méchanceté de certains in
dividus que je ne veux pas nommer , &
les autres raifons que je viens d'alléguer , y
ont auffi beaucoup contribué. Si après un
tems auffi orageux le commerce reprenait
faveur , comme il y a lieu de l'efpérer ,
il ferait impoffible d'y rétablir le Corfu
lat , ou très difficilement : ce qui rainerait
ne fe ferait pas fans rumeur ; car , comme
les Turcs prennent facilement ombrage &
qu'ils verraient bien que ce rétabliſſement
les ruinerait & porterait un préjudice
notable à leur Commerce , ils s'y oppofe
raient de toutes leurs forces & nous fe
raient peut- être échouer.
Je finirai ces Réflexions particulieres
par quelques Obfervations générales.
La Cour a fouvent été étourdie des
querelles entre les Confuls & les Capitais
nes de vaiffeaux du Roi , au fujet des Pa
villons. Il ferait à propos qu'elle décidat

by
4x8 COMMERCE

fur cet objet , & fi les Confuls ont droit


de mettre dans les Ports de leurs dépar
temens les Pavillons à la Poupe : ou à la
Proue , lorfqu'il fe trouve des vaiffeaux
de Roi , & fi les Capitaines doivent l'a
voir à la Poupe ou à la Proue. Ces que
relles font indécentes , retardent le fervice
du Roi & font que les Turcs qui en font
témoins , prennent un motif de plus de fe
moquer & d'invectiver contre nous fur
de pareilles difputes.
Souvent il arrive que les Rangs font
1
auffi difputés dans les Echelles entre les
Chanceliers , les Députés & les Drogmans :
je penfe que pour couper court à cela , it
faudrait qu'après le Conful ou à fa droite ,
dût aller le Chancelier qui eft un Officier
bréveté , & après le Chancelier ou à la
gauche du Conful , le Député de la Na
tion ; que les Drogmans duffent marcher
immédiatement devant le Conful , lorſqu'il
fort en cérémonie , & hors ce tems comme
bon leur femblera après le Chancelier & le
Député ; en cas d'abfence ou de maladie
du Conful , le Chancelier en ferait les
fonctions , puifqu'ordinairement il devient
Conful lui- même.
Comme tous les Confuls de France font
Français , ou réputés tels , & qu'ils ont
DE CANDIE 419

Phonneur de leur Nation à foutenir, foit vis


à- vis du Turc , foit vis à- vis des étrangers ,
ils fe trouvent quelquefois compromis vis
à-vis les autres Confuls qui font ſujets du
Grand- Seigneur & reconnus comme tels ,
quoique leur Ferman ou Barat leur donne
la qualité de Gentilshommes Anglais , ou
Allemands &c. Il ferait très à propos que
la Cour empêchât un pareil abus ; & fi les
autres Nations veulent avoir un Conful , il
faudrait qu'il foit leur fujet & non point
Raya du Grand - Seigneur. Ii arrive fort
fouvent que ces fortes de Confuls , qui font
des Grecs , des Arméniens & quelquefois
des Juifs , font d'une impertinence & d'une
infolence extrême vis-à- vis des Confuls.
Nationaux & d'une baffeffe & d'un avilis
fement inconcevable vis-à- vis du Turc ,
auquel ils n'ofent point réfifter dans la
crainte de recevoir des coups de bâton ,
ou tout au moins fans effuyer quelques
avanies. Les Turcs fe font un droit des
mauvais traitemens qu'ils font effuyer à
ceux -ci , pour infulter impunément les
Confuls Français & autres Confuls étran
gers: on éviterait toutes ces algarades en
réuniffant , comme je l'ai dit , les Confulats
étrangers à celui de France.
Il eft vrai que les Confuls étrangers qui
420 COMMERCE .

font Rayas , ne jouiffent point chez les


Turcs de la même eftime ni du même
crédit qu'un Conful Français qui a le pas
fur eux , même fur celui de l'Empereur ;
mais cela n'empêche point queje n'infifte
fur la réunion des Confulats exercés par
les fujets du Grand Seigneur.
Il faut de plus que nos Confuls s'at
tachent invariablement à foutenir leurs
prérogatives & celles de leur Nation &
qu'ils foient foutenus à leur tour avec
efficacité par les Ambaffadeurs de Sa Ma
jeſté à la Porte.
Comme la Cour a limité le nombre
des Drogmans attachés aux Echelles du
Levant ; la quantité fixée dans certains
endroits n'eft pas fuffifante & il arrive
que les Confuls font néceffités d'employer
des Grecs , des Arméniens & fouvent des
Juifs , qui nous trahiffent & nous vendent.
Il vaudrait mieux pour le ſervice du Roi
que tous les Drogmans fuffent Français
ou fils de Français & reconnus pour tels ,
fans employer des gens du pays qui des
honorent la Nation qui les employe par
les baffeffes qu'ils font. Pour encourager
& augmenter le nombre des jeunes gens
deftinés à être Drogmans , il faudrait leur
promettre l'expectative des places de
Chan
DE CANDIE. 421

Chanceliers & de Confuls au bout d'un


certain nombre d'années de fervice & fui
vant leur capacité , nous aurions alors
une pépiniere de gens propres à diriger
les Confulats mieux que ceux que l'on
nomme à ces places , qui ne feront jamais
mieux remplies que par des gens qui au
ront déjà demeuré longtems dans le pays,
étudié le génie & les mœurs des habitans
& principalement qui fauront la langue &
baxt feront conféquemment plus en état de dé
Lin
duire leurs raifons qu'un jeune Drogman
13 wit qui fouvent ne fait pas faifir le fens du dis
L cours qu'il doit répéter.
I
ER LMMA
E Il ferait bon d'augmenter de quelque
and t chofe les appointemens des Confuls &
Do đó có định ng qu'ils ayent un Aumônier feculier chez
✔ N
eux, fans paffer par les mains des moines
qui fe mêlent & fe fourrent partout , éle
Ta vent des difficultés & des querelles , qu'il
fo
eft quelquefois difficile d'appaifer & qui ,
1
quand leur tête fe monte , ne veulent pas
Film &
Bic reconnaître l'autorité du Roi ; en forte
e
hwa a que l'on eft fouvent obligé de les faire
y n
1 embarquer pour les renvoyer en France ,
1)o 4t
T
rue r comme fit M. Defalleurs à un certain
n Pere Jofeph , & comme l'aurait mérité
12.: 19t un Pere Michel qui écrivit mille horreurs
R & mille fauffetés contre M. D. V.....
V
Kut? andana T
品门 听 指挥
P
Dapur
‫ܪܒܐ ܕܐ ܘ ܒܐ‬
423 COMMERCE

au Duc de Choifeul, qui méprifa & le Ca


pucin & la lettre , qu'il renvoya à M.
l'Ambaffadeur.
Il faudrait dans les Echelles où il fe
trouve un certain nombre de nos Natio
naux , entretenir un Chirurgien Français
qui ne manquerait pas de pratiques dans
l'endroit ; ce qui ferait que l'on ne
ferait pas obligé de recourir à des Doc
teurs Grecs & à des Chirurgiens du pays ,
qui font prefque tous de parfaits igno
rants & envoyent leftement leurs malades
en l'autre monde.
Je dois encore repréfenter qu'au lieu de
faire perdre inutilement leur tems dans
l'étude de la langue latine aux jeunes gens
que Sa Majefté entretient pour remplir.
les places de Drogmans , il vaudrait mieux
pour eux & pour le fervice du Roi, leur
faire apprendre la médecine , la chirur
gie , l'anatomie & la botanique , Sciences
plus eftimées des Turcs & plus néceffaires
pour s'introduire en Turquie auprès des
Grands , qu'une langue qui leur eft parfai
tement inutile dans ce pays là : il faudrait
les prendre dès l'âge de fix à fept ans &
nonau deffus , ni au deffous , pour leur bien
apprendre le Français & l'écrire correcte
ment; c'eft en quoi manquent beaucoup
DE CANDIE. 423

de nos Drogmans , & à bien prononcer le


Ture , car quand ils arrivent à Conftanti
nople à l'âge de 17 à 18 ans au fortir du
College de Louis le Grand , perfonne n'en
tend & ne comprend ce qu'ils veulent
dire , & plufieurs Drogmans aujourd'hui
dans le Levant prononcent très mal cette
langue qu'ils ont apprife trop tard & qui
demande beaucoup de pratique. Il faudrait
encore qu'on leur donnât quelque teinture
de Géographie , de Phyfique , de Mathe
matiques , d'Hiftoire Naturelle , de Politi
que ,d'Hiftoire & principalement de celle
des Turcs & des Perfans : qu'on les in
ftruifit des intérêts des Princes , qu'on leur
donnât quelques connaiffances de Com
merce , ainfi que des différentes fortes de
Religions & de Sectes qui font répandues
fur la terre; car la plupart font d'une
ignorance totale fur tous ces objets &
reftent courts vis - à- vis des Turcs , qui ne
font pas fi barbares ni fi ignorans qu'on
veut les faire paffer.
Toutes ces utiles connaiffances réunies
dans un même fujet , pourraient germer
chez quelques uns de cesjeunes Drogmans
& les rendraient recommandables aux
Turcs , qui les rechercheraient avec em
preffement , & leur accorderaient toutes
T 2
424 COMMERCE

les graces qu'ils feraient dans le cas de


demander ; & même il pourrait arriver
que quelques- uns de ces Grands parvenant
au rang de Vifir , de Muphti , de Capi
tan-Pacha , &c. ayant pris en amitié quel
ques-uns de ces heureux génies , le propo
feraient au Grand-Seigneur pour être em
ployé à fon fervice & par ce moyen occa
fionner quelqu'heureuſe révolution qui
tirât le beau pays de la Turquie , de l'abru
tiffement & de la léthargie funefte où il
eft plongé faute d'être éclairé ; ce qui nous
mettrait à portée de nous y faire aimer &
eftimer , & d'en tirer des avantages in
finiment précieux .
Quatre ans de demeure dans le Levant ,
m'ont mis à portée d'obſerver bien des
abus que l'on pourrait corriger par une
meilleure adminiſtration & je fuis intimé
ment perfuadé que fi l'on voulait appro
fondir la nature du Commerce mieux
qu'on ne l'a fait jufqu'à préfent , on ne
perdrait point ſes peines.
L'on a obfervé que la plupart des Con
fuls qui ne connaiffent ni les mœurs ni les
ufages du pays & que l'on envoye dans le
Levant , ont un certain préjugé contre les
Turcs , qu'ils ne veulent pas fréquenter
par une haine qu'ils prennent , ou une peur
DE CANDIE. 425

ridicule contre tout ce qui porte un habit


long. Ils les traitent indifféremment les
uns comme les autres , fans confidérer les
lieux ni les perfonnes. Il arrive de- là que
ces Confuls attrabilaires fe trompent &
prennent des mesures qui pour la plupart
du tems échouent : les uns ont une mor
gue infoutenable , d'autres affectent trop
de politeffe ou trop d'égards , & la plu
part témoignent une peur hors de raifon
qui leur devient d'autant plus nuifible que
les Turcs qui voyent alors leur fupériorité ,
en prennent droit d'être encore plus info
lens & de prendre un ton de hauteur qui
fe rabat quand ils ont affaire à un Conful
ferme , froid & flegmatique , qui fait fe
contenir & ne s'émeut pas du bruit.

FIN.

T 3
TABLE

des Articles contenus dans cet ouvrage.

AVANT -PROPos. Page▾


COMMERCE DE La Mer Noire. Introduction. I
Commerce d'Entrée. Draps. 13
Serges Impériales. 16
Camelots de France , Calemandes & Etamines. ibid.
Camelots d'Angora , de Toffia & du Caire. 18 .
Etoffes de Joie de France. ibid.
Etoffes de Scio, de Venise & de Melfine. 19
Hares ous Tabis de Meffine & de Scio. 22
Velours. 23
Coutnis de Brouffe de Conftantinople. ibid.
Bours de Magnefie. ibid.
Indiennes ou Toiles peintes. 24
Toiles de Kedis. j 25
Bocaffins. ibid.
Aftars ou Toiles de Coton. 25
Dulbents ou Mouffeline. 26 し
Tebemberts pour ceeffure des femmes. ibid .
Chemifes de Joie. 27
Chemifes de coton pour le bain, ibid.
Fez ou Bonnets. ibid.
Tarpoches , ou Bonnets de femmes. 28
Bellik , ou Drap de Salonique. ibid.
Dorures. ibid.
Soyes teintes en laine , filées & cordonnets de
Joie. 30 *
Coton en laine. 31
Coton filé de diverses couleurs. 32
Couffins de Broue. ibid.
Chiaaks, ou fournimens de fopba. 33
Tapis de Salonique & de Ruffie. ibid.
Keles , ou couvertures de Tamboli. 34
Pechtingls , ouferviettes de Luntes efpeces. ibid.
TABLE.
Bourfes pour le bain. 36
Fil pour la Couture. 37
Lin Gris. ibid.
Teintures. 38
Caffe. bid.
Sucre. 39
Epiceries & Drogueries. 40
Cuivre. bid
Etain & Sel Ammoniae. 41
Mercure. bid.
Plomb. 42
Acier. ibid.
Fer. ibid,
Chaudrons de fer. 43
Encens. ibid.
Savon. ibid.
Huile. 44
Vinaigre. ibid.
Fromages. ibid.
Riz. 45
Legumes. ibid.
Sacs de toile pour les grains. 46
Fruits fecs. ibid.
Vins & Eaux de vie. 48
Tabac. 49
Kenas. ibid.
Fard. 50
Pierreries, Perles & Bijoux. ibid.
Armes & Quincailleries. ibid,
Aiguilles. 52
Vitres & Verreries. ibid.
Tuyaux de pipes. 53
Porcelaine , Fayence & Terraille. 54
Faulx d'Allemagne. ibis,
Papier. ibid.
Bois de conftruction, de batiffe & autres 55
Goudron. 56
Commerce de Sartie. Soyes. ibid.
Laine ſurge, lavée & pelade. 57
T 4
TABLE.

Teftik ou laine de chevron. 60


Crins de chevaux & de bœufs. 61
Cuirs de bœufs , de buffles & de chevaux. ibid.
Maroquins , Peaux de Bazanes. 04
Pelleteries. 65
Peaux d'Agneaux pour les Bonnets. 69
Salpêtre. 70
Poudre à tirer. 72
Couteaux. ibid.
Cornes de moutons Sauvages , &c. 73
Fufils. 74
Selles de chevaux. ibid.
Ketches ou Feutres. 75
Ouvrages groffiers de pail de chevre.› ibid.
Cire. 76
Miel. ibid.
Beurre. 77
Suif. 78
Viandes falées & Pafturmas. ibid.
Poiffon Jec & falé. .79
Caviar , Boutargue , Huile & Colle de Poiffon. 80
Vins. 81
Grains. 82
Sel./ 85
Kile, ou argile pour le bain. 87
Esclaves. 88
Chevaux & Chameaux. 89

Marchandiſes de Ruffie que l'on trouve à ache


ter en Crimée.

Pelleteries. 91
Toiles. 94
Laines d'Ukraine. ibid.
Cordages & Chanvre. 95
Beurre de Ruffie. 97
Cuirs falés & Jecs. ibid..
Pelleteries de Pologne & de Moldavie. 98
Monnoyes de Crimée. ibid.
TABLE.

Poids & Mefures , &c. 101


Douanes. 102
OBSERVATIONS. 106
COMMENCE DE LA CIRCASSIE. 113
Commerce d'Entrée. 116
Commerce de Sortie. 121
COMMERCE DE LA PLACE D'OCZAKOW. 126
COMMERCE DE la Province DU DUBOSSAR. 129
COMMERCE DE LA PROVINCE DU BUDZIAK , 016
BESSARABIE 131
Entrée. 134
Sortie. 341
COMMERCE DES NOGAÏS. 144
Entrée. ibid.
Sortie. 147
Loyers des chariots pour divers endroits. 150
LA CÔTE DES ABAZES. 150
Commerce d'Entrée. 153
Commerce de Sortie. 154
OBSERVATIONS. 355
LA GEORGIE TURQUE 159
Commerce d'Entrée. 161
Commerce de Sortie. 164
OBSERVATIONS. 165
LA GEORGIE PERSANNE. 167
Commerce d'Entrée. 168
Commerce de Sortie. Marchandifes du crû
du Pays. 170
Marcbandifes de Perfo 171
Monnoyes. 173
Poids & Mefures. 174
OBSERVATIONS. 175
LA PROVINCE DE TREBISONDE OU LA
CÔTE DES Lazes. 184
RIZE . 185
Commerce d'Entrée. 186
Commerce de Sortie. 192
OF. 193
SURMINÉ. 194
TRÉBISONDE. bid.
TABLE

Commerce d'Entrée. 195


Commerce de Sortie. 198
GUMUCHE - KANA , Kuré , Haspie , Triboli ,
KIRRISOUN. 200
OBSERVATIONS . 204
CÔTE DE NATOLIE JUSQU'À CONSTANTINO
PLE. 207
SINOPLE. 209
Commerce d'Entrée. 210
Commerce de Sortie. 216
OBSERVATIONS. 217
ENÉBOLI 0% NEAPOLIS. 220
Commerce d'Entrée. ibid.
Commerce de Sortie. 221
KARA - AGADJE. 224
Commerce d'Entrée. ibid.
Commerce de Sertie. 225
BARTIN 228
Commerce d'Entrée. ibid.
Commerce de Sortie. 231
OBSERVATIONS. 235
Prix des Bois. 236
Tarif du Nolis du Bois. 242
LA BULGARIE, LE DOBROGÉ. 243
VARNA. 248
Commerce d'Entrée. 249
Commerce de Sortie. 251
Commerce général d'Entrée de la BULGARIE. 254
Commerce général de Sortie de la BULGARIE . 255 .
OBSERVATIONS. 259
La VALACHIE. 262
Commerce d'Entrée. 264
Commerce de Sortie. 268
OBSERVATIONS PARTICULIERES. 271
La MOLDAVIE. 273
Commerce d'Entrée & de Sortie. 275
OBSERVATIONS PARTICULIeres. 280
Obfervations Générales fur ces deux Provinces 283
TABLE.

CONCLUSION: Obfervations Généralesfur le


Commerce &la Navigation de la Mer
Noire. 288
MEMOIRE fur le Commerce de SMYRNE, 299
Commerce d'Entrée. Draps 303
Serges Impériales. 317
Camelots de France. 318
Fez ou Bonnets. 319
Papier. 320
Amandes. ibid.
Quincailleries. ibid.
Dorures & Etoffes. 321
Indigo. 325
Caffe 328
Sucre. ibid.
Cocbenille. 329
Bois de teintures. 330
Verdet. ibid.
Cinabre. 331
Cerufe. ibid.
Tartre. ibid.
Huile d'afpic. 332
Campbre. ibid.
Sublime. ibid.
Arsenic. 333
Acier. ibid.
Etain. ibid.
Plomb. 21334
Fer- blanc. ibid.
Poivre. ibid.
Gingembre. 7596335
Geroffle. ibid.
Mufcade. gibid.
Canelle. $336
Salfepareille. ibid.
Pierreries. ibid.
Sevillanes. 337
Sequins Venitiens. 338
Commerce de Sortie. Soyes. ibid.
TABLE.
Coton,
340
Coton filé. 343
Coton filé roug e. 344
Laines. ibid.
Laine de chevron. 346
Poil de Chevre 348
Peaux de buffles en poil. 350
Maroquins. 351
Cire. ibid.
Fruits fecs. ibid.
Noix de Galle. 352
Rhubarbe. ibid.
Semencine. 353
Tutie , Maftic , Therebentine. ibid.
Storax, Scamonnée , Galbanum . 355
Gomme adragant , Gomme ammoniaque , Opium 356
Indiennes de Perfe. 357
Cambrefine & Mouffeline. ibid.
Camelots de 56 Pics. 358
Bours de Magnefie. ibid.
Demittes & Efcamittes. ibid.
Tapis de Turquie & de Perfe. 359
Bled. ibid.
Huile. 352
Douanes. 367
Tarif des Douanes, 368
Droits de la Chambre & de l'Ecbelle de Smyrne. 374
Droits alloués au Commiſſionnaire. 378
Monnoyes d'Or. 382
Monnoyes d'Argent. 383
Mefures. ibid.
Poids. 384
Obfervations fur le Commerce de l'lfle de.
CANDIE . 386

FIN DE LA TABLE.

Bayerleche
Staatsbibliothek
München

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