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Qu’as-tu à me donner ?

Dans des moments d’incertitude tels que nous les vivons, il est possible à
l’homme de se replier sur lui-même, de ne penser qu’à lui. L’invitation faite
au disciple de Jésus est de se donner, de donner la vie. Largement, à
l’exemple de son Seigneur. Dans un couple, une communauté, un quartier,
tous ne donnent pas au même endroit.

« J’étais allé, mendiant de porte en porte, sur le chemin du village lorsque


ton chariot d’or apparut au loin pareil à un rêve splendide et j’admirais quel
était ce Roi de tous les rois !

Mes espoirs s’exaltèrent et je pensais : c’en est fini des mauvais jours, et
déjà je me tenais prêt dans l’attente d’aumônes spontanées et de richesses
éparpillées partout dans la poussière.

Le chariot s’arrêta là où je me tenais. Ton regard tomba sur moi et tu


descendis avec un sourire. Je sentis que la chance de ma vie était enfin
venue. Soudain, alors, tu tendis ta main droite et dis : « Qu’as-tu à me
donner ? »

Ah! quel jeu royal était-ce là de tendre la main au mendiant pour mendier !
J’étais confus et demeurai perplexe; enfin, de ma besace, je tirai lentement
un tout petit grain de blé et te le donnai.

Mais combien fut grande ma surprise lorsque, à la fin du jour, vidant à terre
mon sac, je trouvais un tout petit grain d’or parmi le tas de pauvres grains.
Je pleurai amèrement alors et pensai : « Que n’ai-je eu le cœur de te
donner mon tout ! » »

Texte de Sagesse

Thérèse de l’Enfant Jésus, Lettre à sœur Marie du Sacré


Cœur, Manuscrits Autobiographiques, p. 226-229

Dans le cœur de l’Église, je serai l’amour

Malgré ma petitesse, je sens le besoin, le désir d’accomplir pour toi, Jésus,


toutes les oeuvres les plus héroïques… Je voudrais parcourir la terre,
prêcher ton nom et planter sur le sol infidèle ta Croix glorieuse, mais ô mon
Bien-Aimé, une seule mission ne me suffirait pas, je voudrais en même
temps annoncer l’Évangile dans les cinq parties du monde et jusque dans
les îles les plus reculées. Je voudrais être missionnaire non seulement
pendant quelques années, mais je voudrais l’avoir été depuis la création du
monde et l’être jusqu’à la consommation des siècles…

Ô mon Jésus ! À toutes mes folies que vas-tu répondre ? Y a-t-il une âme
plus petite, plus impuissante que la mienne ! Cependant à cause même de
ma faiblesse, tu t’es plu, Seigneur, à combler mes petits désirs enfantins, et
tu veux aujourd’hui, combler d’autres désirs plus grands que l’univers.

À l’oraison, mes désirs me faisant souffrir un véritable martyre, j’ouvris les


épîtres de saint Paul afin de chercher quelque réponse. Les chapitres 12 et
13 de la Première Epître aux Corinthiens me tombèrent sous les yeux. J’y
lus, dans le premier que tous ne peuvent être apôtres, prophètes, docteurs,
etc., que l’Eglise est composée de différents membres et que l’oeil ne
saurait être en même temps que la main.

La réponse était claire, mais ne comblait pas mes désirs ; elle ne me


donnait pas la paix. Comme Madeleine se baissant toujours auprès du
tombeau vide finit par trouver ce qu’elle cherchait, ainsi, m’abaissant jusque
dans les profondeurs de mon néant, je m’élevai si haut que je pus atteindre
mon but. Sans me décourager, je continuai ma lecture et cette phrase me
soulagea : “Recherchez avec ardeur les dons les plus parfaits, mais je vais
encore vous montrer une voie plus excellente” (1Co 12,31). Et l’Apôtre
explique comment tous les dons les plus parfaits ne sont rien sans l’amour.
Que la charité est la voie excellente qui conduit sûrement à Dieu.

Enfin j’avais trouvé le repos. Considérant le corps mystique de l’Église, je


ne m’étais reconnue dans aucun des membres décrits par saint Paul, ou
plutôt je voulais me reconnaître en tous. La charité me donna la clef de ma
vocation. Je compris que si l’Église avait un corps composé de différents
membres, le plus nécessaire, le plus noble de tous ne lui manquait pas, je
compris que l’Église avait un cœur, et que ce cœur était brûlant d’amour. Je
compris que l’amour seul faisait agir les membres de l’Église, que si l’amour
venait à s’éteindre, les apôtres n’annonceraient plus l’Évangile, les martyrs
refuseraient de verser leur sang. Je compris que l’amour renfermait toutes
les vocations, que l’amour était tout, qu’il embrassait tous les temps et tous
les lieux ; en un mot, qu’il était éternel.

Alors, dans l’excès de ma joie délirante, je me suis écriée : Ô Jésus, mon


amour ; ma vocation, enfin je l’ai trouvée ; ma vocation, c’est l’amour.

Oui j’ai trouvé ma place dans l’Église et cette place, ô mon Dieu, c’est vous
qui me l’avez donnée. Dans le cœur de l’Église, ma Mère, je serai l’amour ;
ainsi je serai tout, ainsi mon rêve sera réalisé.
Dieu en toutes choses

Cette véritable possession de Dieu se situe dans l’âme dont l’intention


intérieure et spirituelle est dirigée vers Dieu, non pas dans une pensée
continue et toujours semblable, car ce serait impossible ou très difficile à la
nature, et ce ne serait pas non plus le mieux. L’homme ne doit pas se
contenter d’un Dieu qu’il pense, car lorsque la pensée s’évanouit, Dieu
s’évanouit aussi. Bien plutôt on doit posséder un Dieu dans son essence,
loin au-dessus des pensées de l’homme et de toute créature. Ce Dieu ne
s’évanouit pas, à moins que l’homme ne se détourne volontairement de lui.

Qui possède ainsi Dieu dans son essence saisit Dieu selon le mode de
Dieu, et pour lui Dieu resplendit en toutes choses car toutes choses ont
pour lui le goût de Dieu et il voit son image partout… De la même manière
que celui qui ressent violemment une grande soif peut faire bien autre
chose que boire et avoir aussi d’autres pensées, mais qu’il fasse n’importe
quoi ou soit avec n’importe qui, ou quelle que soit son intention, sa pensée
ou son occupation, l’image de la boisson ne le quitte pas tout le temps que
dure sa soif ; et plus la soif est grande, plus l’image de la boisson est
intense, intérieure, présente et continue. Ou encore : celui qui aime une
chose ardemment et de toutes ses forces, en sorte qu’il n’a de goût, ni de
coeur à quoi que ce soit d’autre, ne pense qu’à cet objet et absolument à
rien d’autre ; et certes, n’importe où et avec n’importe qui, quoi qu’il
entreprenne ou quoi qu’il fasse, jamais son amour ne s’éteint en lui ; en
toutes choses, il trouve l’image de ce qu’il aime, et elle lui est d’autant plus
présente que son amour devient plus fort. Cet homme ne recherche pas le
repos, car aucune inquiétude ne le trouble.

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