Le premier espace colonial, constitué à partir du XVIe siècle comprend des
territoires nord-américains, quelques îles des Antilles, les Mascareignes (océan indien) et des établissements en Inde et en Afrique. Suite à la défaite contre l’Angleterre lors de la guerre de sept ans (1756-1763), la France perd le Canada, quelques comptoirs en Inde, mais conserve ses îles des Antilles. Celles-ci constituaient une source de richesse extraordinaire grâce au commerce triangulaire : les bateaux partaient de La Rochelle ou de Bordeaux, par exemple, accostaient sur les côtes africaines pour y échanger des armes ou des vêtements contre des esclaves, qu’on revendait ensuite aux Antilles contre du sucre, du café, etc. Le code noir, sous Louis XIV, institutionalise l’esclavage et l’esclave a presque le même statut juridique qu’un meuble. Venus de différentes régions d’Afrique, les esclaves créèrent des nouvelles langues pour se comprendre entre eux : les créoles. La Révolution française mit fin à l’esclavage en 1794, mais Napoléon le rétablit en 1802. Il faut noter qu’à Saint-Domingue (aujourd’hui Haïti + République dominicaine), a eu lieu à cette époque trouble la première révolte d’esclaves réussie : la révolution haïtienne (1791-1804) qui a établi la première république noire au monde, notamment sous l’impulsion de Toussaint Louverture, mythifié par la suite dans les arts et la culture comme une figure de la lutte contre l’oppression, à l’instar du légendaire Spartacus dans le monde romain antique. II/Le deuxième empire colonial français En 1830, avec la prise d’Alger et la conquête de l’Algérie (qui ne s’achèvera d’ailleurs qu’en 1847 en raison de la résistance d’Abdelkader) s’ouvrait une deuxième phase d’expansion coloniale : le deuxième empire colonial français. Il s’étendait sur tous les continents. En incluant la France métropolitaine, les terres sous souveraineté française atteignaient ainsi la superficie de 12 898 000 km2, soit près d’1/10 de la surface de la Terre, abritant une population de 110 millions d'habitants à la veille de la Seconde Guerre mondiale, soit 5 % de la population mondiale à l'époque. La France est alors le centre d’un immense empire planétaire, dont la glorification trouve son apogée lors de l’exposition coloniale internationale de 1931 à Paris qui a attiré plus de 8 millions de visiteurs et où on expose les richesses de la France coloniale ainsi que des reproductions de certains monuments des pays colonisés. Pour justifier la colonisation sur le plan éthique, on parlait alors de la « mission civilisatrice » de la France, à l’instar des autres nations européennes, c’est-à-dire du ‘’devoir’’ de l’homme blanc d’apporter la religion chrétienne, la civilisation et le progrès aux ‘’indigènes’’, considérés comme inférieurs. Dans la réalité, on a exploité brutalement les populations locales afin d’en tirer un profit économique et d’acheminer les ressources naturelles de ces pays vers la métropole. Cette course à la colonisation se fait dans un contexte de concurrence internationale entre les Etats européens. Les Français ont poussé cette ‘’mission civilisatrice’’ plus loin que les Anglais : dans les colonies on formait des Français, on apprenait aux ‘’indigènes’’ à devenir français, on leur fait apprendre l’histoire de France, on leur fait lire les écrivains classiques français, etc. ; tandis que les Anglais n’ont jamais cherché à assimiler les populations colonisées, considérant celles-ci par essence différentes et inférieures. -----C’est pourquoi le projet colonial français est ambivalent. D’un côté, la colonisation vise à accroître la puissance et la richesse de la France et donc les colonisés sont avant tout considérés comme de la main d’œuvre bon marché. De l’autre, La République cherche à intégrer ces populations dans le projet universaliste issu de la Révolution (Liberté – Egalité – Fraternité) et à répandre les valeurs des Lumières. Ainsi, certains comme Aimé Césaire ou Léopold Sédar Senghor ont pu étudier dans les meilleures écoles à Paris. On peut également citer Blaise Diagne qui fut le premier député africain élu en 1914, ou encore René Maran qui fut le premier écrivain noir à recevoir le prestigieux Prix Goncourt pour son roman Batouala en 1921. L’assimilation suppose que les colonisés doivent peu à peu adopter la culture et les valeurs du colonisateur avant de devenir citoyens à part entière. En clair, cette idéologie paternaliste a pour but d’homogénéiser les populations afin d’effacer les particularismes (c’est-à-dire les traditions et cultures locales). Cependant, sur le plan juridique, le code de l’indigénat, imposé à l’ensemble des colonies en 1887, distingue les citoyens français (les Français) des sujets français (les colonisés). Ces derniers étaient privés de droits politiques et soumis au travail forcé. Si ce code de l’indigénat fut en principe supprimé en 1946, il restera en vigueur en Algérie jusqu’à l’indépendance en 1962. Il faut préciser que ce code de l’indigénat n’était pas en vigueur dans les îles des Antilles, où tous étaient citoyens français. La Belgique, quant à elle, a colonisé le Congo qui fut même la possession personnelle du Roi des Belges de 1885 à 1908. On y pratiquait le travail forcé, par exemple, pour récolter le caoutchouc dans la forêt et une répression féroce s’abattait sur les réfractaires, à qui on coupait les mains. On utilisait aussi les ‘’indigènes’’ pour faire la guerre. Ainsi, les tirailleurs sénégalais ont joué un rôle très important dans l’histoire de France. Quand on s’intéresse aux liens qui unissent la France et l’Afrique, on ne peut pourtant pas oublier le rôle de ces hommes qui ont quitté leur terre pour combattre et libérer la France. Des dizaines de milliers y ont laissé leur vie. Dans Le Chant des Africains, ils disent qu’ils veulent « porter haut et fier le beau drapeau de notre France entière ». Ils chantent aussi qu’ils sont prêts à « mourir à ses pieds » si quelqu’un touche ce drapeau. En 1914-1918, lors de la Première Guerre mondiale, ce sont environ 200 000 « Sénégalais » de l'AOF (Afrique Occidentale Française, donc ils ne sont pas forcément sénégalais mais peuvent-être guinéens, maliens, etc.) qui se battent sous le drapeau français, dont plus de 135 000 en Europe. Environ 15 % d'entre d'eux, soit 30 000 soldats, y ont trouvé la mort et beaucoup sont revenus blessés ou invalides. ----De même, pendant la seconde guerre mondiale, de 1940 à 1943, environ 65 000 personnes ont rejoint les FFL (forces française libres du Général De Gaulle luttant contre l’Allemagne nazie), ce qui comprend 32 000 citoyens français, 30 000 "sujets" coloniaux et 3 000 étrangers et légionnaires. Un fait intéressant est que ces soldats noirs ou arabes ont pu faire l’expérience dans l’armée d’une relative égalité par rapport aux soldats blancs. En fait les colonisés étaient plus égaux lorsqu’ils se trouvaient en France que lorsqu’ils étaient aux colonies. Par exemple, en 1917-18 et en 1944-45 lorsque les Américains arrivent en France pour combattre contre l’Allemagne, les soldats noirs (qui importent entre autres le jazz) étaient ravis de l’accueil que leur réservaient les Français qui les considéraient presque comme des égaux, alors qu’en Amérique c’était encore l’époque de la ségrégation. En combattant pour la France, ces soldats espéraient recevoir en retour la citoyenneté française, mais la France a refusé, ce qui a été une source de rancœur pour beaucoup de colonisés et les a poussr à revendiquer l’indépendance. III/ L’Après-guerre et la décolonisation : A cause de sa défaite en 1940, la puissance, le prestige ainsi que la légitimité de l’entreprise coloniale de la France sont affaiblis après la guerre. En effet, comment un peuple incapable de défendre son propre territoire pourrait-il faire la leçon aux autres peuples ? Il y a d’autres raisons à la décolonisation. Tout d’abord le contexte international : dans le cadre de la guerre froide, aussi bien les Etats-Unis que l’URSS sont opposés à la colonisation par les vieux pays européens et en 1952, l’ONU proclame le droit des colonies à l’indépendance. De plus, des intellectuels non-européens appellent à la libération, à la fois psychologique et politique, économique, sociale, des colonisés et ont préparé le terrain psychologique et idéologique aux indépendances. Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor fondent le courant de la Négritude à la fin des années 1930, rassemblant différents écrivains noirs francophones revendiquant leur identité noire et leur culture. Pour Césaire la Négritude c’est « le rejet de l’assimilation culturelle », tandis que pour Senghor c’est « La Négritude, c’est l’ensemble des valeurs culturelles du monde noir, telles qu’elles s’expriment dans la vie, les institutions et les œuvres des Noirs. Je dis que c’est là une réalité : un nœud de réalités. ». En 1950, Aimé Césaire publie son Discours sur le colonialisme, dans lequel non seulement il condamne le colonialisme mais le compare aux méfaits des nazis pendant la guerre : « L’Europe est indéfendable. Il parait que c’est la constatation que se confient tout bas les stratèges américains. En soi cela n'est pas grave. Le grave est que « l'Europe » est moralement, spirituellement indéfendable. (…) Oui, il vaudrait la peine d'étudier, cliniquement, dans le détail, les démarches d'Hitler et de l'hitlérisme et de révéler au très distingué, très humaniste, très chrétien bourgeois du XXe siècle qu'il porte en lui un Hitler qui s’ignore, qu’Hitler l'habite, qu'Hitler est son démon, que s'il le vitupère, c'est par manque de logique, et qu'au fond, ce qu'il ne pardonne pas à Hitler, ce n'est pas le crime en soi, le crime contre l'homme, ce n'est pas l'humiliation de l'homme en soi, c'est le crime contre l'homme blanc, c'est l'humiliation de l'homme blanc, et d'avoir appliqué à l'Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu'ici que les Arabes d'Algérie, les coolies de l’Inde et les nègres d'Afrique. »
Comme intellectuels anticolonialistes de l’époque, on peut aussi citer Frantz
Fanon, psychiatre martiniquais, auteur de Peaux noires, masques blancs,1952 et les Damnés de la terre,1961 et engagé dans les mouvements indépendantistes, ou encore Albert Memmi, auteur du Portrait du colonisé, 1957. Ces auteurs auront par la suite une grande influence sur les philosophes africains comme le philosophe camerounais Achille Mbembe et sur les mouvements postcolonialistes qui émergeront dans le monde anglo-saxon dans les années 1980 et travaillent sur les notions d’identité, de cultures, etc., par exemple l’auteur américano-palestinien Edward Saïd célèbre pour sa recherche L’Orientalisme, 1978. Les colonisés favorables à l’indépendance vont profiter de ce contexte. Ainsi, Hô-Chi-Minh lance en 1946 la guerre de libération d’Indochine (actuels Vietnam, Cambodge et Laos). Suite à la défaite de Diên Biên Phu en 1954, la France se retire et accorde l’indépendance au Vietnam. En cette même année 1954 débute la guerre d’Algérie. L’Algérie était française depuis 1830 et de nombreux pieds-noirs (européens vivant en Algérie) y vivaient. Cependant, leur obstination à refuser l’égalité politique aux Algériens a conduit à la guerre. Elle commence par une vague d’attentats commis lors de la « Toussaint rouge » le 1er novembre par le FLN (Front de libération algérien, indépendantistes). Au départ, celui-ci n’avait pas forcément le soutien de la population algérienne/musulmane. En France, on les considère alors simplement comme des terroristes et la réponse à l’insurrection est militaire. Mais devant l’explosion de la violence, le gouvernement décide d’envoyer en Algérie le contingent, c’est-à-dire tous les hommes qui font leur service militaire, en 1956. C’est à partir de cette date que la France rentre véritablement en guerre contre le FLN, puisque celle-ci touche toutes les familles françaises ; même si le gouvernement n’a jamais voulu reconnaître qu’il s’agissait d’une guerre, puisque « l’Algérie c’est la France », c’est pourquoi on parlait de maintien de l’ordre ou des « évènements d’Algérie ». La violence et la torture des deux côtés va forcer la population à choisir son camp et à se radicaliser. De plus, le régime de la IVe république se trouve incapable de gérer la crise, ce qui provoque de l’instabilité politique. C’est pourquoi en 1958, le Général de Gaulle arrive au pouvoir car on pense qu’il est le seul à pouvoir trouver une solution. Cependant, en 1962, les accords d’Evian qui accordent l’indépendance à l’Algérie sont signés : les pieds-noirs ‘’rentrent’’/ s’exilent en France, et les harkis (Algériens ayant combattu pour la France pendant la guerre) qui le peuvent fuient en France, ceux restés sur place sont massacrés. Aujourd’hui, les relations entre les deux gouvernements restent complexes à cause d’une difficile réconciliation des mémoires de la guerre, bien que les deux pays et leurs populations soient intimement liées. Les dernières colonies africaines de la France obtiennent leur indépendance dans les années 1960. Mais ces nouveaux pays restent encore énormément influencés par la France, qui y maintient une influence culturelle, économique (franc CFA), politique et militaire. On peut citer, à titre d’exemple, l’intervention de la France au Mali dans une guerre contre des milices djihadistes depuis 2014 dans le cadre de l’opération Barkhane. IV/Annexes : 1)Carte de l’empire colonial français (les possessions du 1er empire colonial sont en bleu clair) 2) Tirailleurs sénégalais en 1914 : 3)Carte des décolonisations 4)Pays utilisant le franc CFA
5)Présence militaire française en Afrique
Questions : 1) Quelles sont les différences (au moins deux) entre le premier empire colonial et le deuxième ? 2) En quoi le projet colonial français était-il ambivalent ? 3) Au nom de quoi Aimé Césaire s’opposait-il à la colonisation ? 4) Qu’est-ce que le postcolonialisme ? 5) Expliquez avec vos propres mots pourquoi la guerre d’Algérie fut une véritable tragédie ? 6) De quelle manière la France maintient-elle un lien avec ses colonies de nos jours ? 7) Selon vous, quel peut être le(s) lien(s) entre l’histoire coloniale de la France et la Francophonie aujourd’hui ?