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Hydro et aéroélasticité HelIer propose ensuite un diagramme équivalent appli.

cable au domaine de l'hydrodynamique navale. C'est celui


que nous reproduisons en figure 2 où les sigles nouveaux
La plupart des auteurs qui traitent d'aéra ou d'hydroélas- par rapport aux précédents ont les définitions suivantes:
ticité définissent ces disciplines comme concernant les phé-
H: désigne les forces hydrodynamiques;
nomènes impliquant des interactions mutuelles entre forces
DR: signifie « réponse dynamique », l'auteur voulant
d'inertie, forces hydrodynamiques et forces élastiques. dire par là réponse dynamique aux fluctuations de
S.R. Heller Jr C') décrit le domaine de l'hydroélasticité pression ayant pour origine la cavitation, la tur-
en présentant tout d'abord les « diagrammes triangulaires» bulence ou les instabilités de sillage;
proposés en 1937 et 1946 par Cailar (**) comme descrip- XR: signifie la réponse dynamique aux explosions sous
tion synthétique de l'aéroélasticité. marines.
Ce sont ces triangles que nous reproduisons à la figure 1 Heller présente enfin le « triangle 1980 » où figurent,
où les lettres ont les significations suivantes: en plus des précédentes:
IR: les « interactions de surface » c'est-à-dire: chocs
A: Forces aérodynamiques; sur les vagues, réentrée dans l'eau (hydroptères),
E: Forces élastiques; slamming, etc.;
1: Forces d'inertie; TM: les questions d'ancrage et de remorquage où inter-
B' Buffeting; vient l'hydroélasticité (forces hydrodynamiques,
C: Influence de l'élasticité sur l'efficacité des com- élastiques, d'inertie) des câbles.
mandes;
D: Divergence; L'idée directrice de ces diagrammes est intéressante, car
F: Flutter; elle illustre les effets des interactions entre deux de ces
G: Rafales; forces ou entre les trois. Nous craignons cependant que
L: Distribution de la charge aérodynamique; cette image présente une vue trop simplifiée des choses.
S: Stabilité; En particulier, on ne voit pas figurer parmi les forces,
V: Vibration mécanique; les forces de champ (gravité en particulier) et cette lacune
Z: Impulsion mécanique (extérieure). serait gênante si l'on voulait utiliser ces diagrammes pour
une analyse des problèmes de similitude.
Le classement des problèmes hydroélastiques par Heller
e) « Hydroelasticity » dans Advanees in Hydroscience, vol. ne concerne d'ailleurs que « l'hydrodynamique navale »
1-1964, Academie Press, New York et Londres. qui est en quelque sorte le domaine de « l'hydrodynami-
(**) CollaI' A.R., Jou mal Royal Aeron. Sc, nO 428, 1946. que extérieure ». Pour compléter le tableau de l'hydro-
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élasticité, il faudrait y ajouter tout ce qui concerne « l'hydro- Il Y a enfin un autre domaine propre à l'hydroélasticité
dynamique interne» c'est-à-dire celle des circuits en et qui ne peut être traité par une simple extension des
charae et des machines, et enfin un troisième domaine (qui modèles de l'aéroélasticité: c'est celui des écoulements
n'a ;as son correspondant en aérodynamique): celui des cavitants. Nous avons en vue ici non seulement la prise en
écoulements à surface libre qui se distingue de l'hydrodyna- compte du phénomène de cavitation dans le modèle d'écou-
mique extérieure à surface 1ibre par le fait de sections trans- lement, mais aussi l'interaction assez fréquente entre les
versales limitées. déformations élastiques et le processus de cavitation.
Les considérations qui précèdent mettent en lumière
certains des caractères qui distinguent les problèmes d'hydro-
élasticité des problèmes d'aéroélasticité. Cette distinction
est certainement d'une assez grande importance pratique, ne
Essai de classement
serait-ce que pour bien saisir en quoi les résultats et les des problèmes hydroélastiques
méthodes de l'aéroélasticité (développée bien avant l'hydro-
élasticité) doivent être amendés où complétés pour être Forces affectant les structures.
appliqués à l'hydroélasticité.
Si l'on convient de définir l'hydroélasticité comme la dis-
Une première différence, importante, tient aux proprié-
cipline traitant des interactions mutuelles entre les forces
tés mécaniques des fluides concernés: masse v01umique et
hydrodynamiques, les réactions élastiques et les forces
comp ressibilité.
d'inertie, il faut reconnaître alors qu'elle ne recouvre pas
La différence de densité entre les liquides et les gaz
l'ensemble des problèmes qui résultent de l'inévitable élas-
« usuels » se traduit par des ordres de grandeur très
ticité des structures solides soumises à l'action des écou-
différents du « rapport de masse » en hydro et en aéro- lements.
élasticité. Cela est suffisamment connu pour qu'il soit inu- Les forces extérieures appliquées au solide, et qui y font
tile d'y insister. mûtre réactions élastiques et déformations, ne se limitent
La densité beaucoup plus élevée des liquides est égale- pas, en effet, aux seules forces hydrodynamiques de pres-
ment à l'origine du gradient de pression hydrostatique sion et! ou de frottement fluide ayant pour origine l'écou-
dont l'incidence sur les déformations (et éventuellement lement.
la stabilité) élastiques peut être appréciable, ce qui n'est Les structures sont également sollicitées par le liquide
évidemment pas le cas en aéroélasticité. par l'intermédiaire:
La faible compressibilité des 1iquides a pour effet que la de la pression statique (stationnaire, résultant par exem-
célérité des ondes de pression y est notablement plus ple de la pressurisation des écoulements clos);
élevée que dans les gaz et cette différence est encore des gradients cie pression dus aux forces de champs
accentuée par le fait que les vitesses les plus élevées aux- (gravité, forces de champs en écoulement relatif) C);
quelles s'intéressent l'hydrodynamique sont beaucoup moins des fluctuations de pression d'origine indépendante de
élevées qu'en aérodynamique (les avions les plus rapides l'écoulement (par exemple du fait d'une source acous-
ont une vitesse plus de 10 fois supérieure à celle des tique).
véhicules nautiques les plus rapides). Les déformations nées de ces forces autres qu'hydrody-
Il en résulte que l'hydrodynamique ne s'intéresse pra- namiques sont à prendre en compte, au même titre que
tiquement - en régime permanent - qu'au domaine les forces hydrodynamiques, dans l'analyse et la prévision
subsonique et même incompressible (il existe des exemples, du comportement des systèmes comportant des structures
à notre connaissance fort peu nombreux, de problèmes solides partiellement ou totalement immergées dans un
d' « hydrodynamique supersonique » : entrée dans l'eau de liquide.
projectiles ultra-rapides, jets d'eau supersoniques). Citons par exemple le problème de l'instabilité d'immer-
En régime instationnaire - et la plupart des problèmes sion des corps totalement immergés, instabilité qui s'expli-
d'hydroélasticité ont un caractère instationnaire - la com- que par le seul jeu des forces hydrostatiques et des forces
pressibilité du fluide peut cesser d'être négligeable. Il en élastiques en l'absence de toutes force hydrodynamique.
est évidemment de même en aéroélasticité. Cependant la Les effets des forces hydrauliques autres qu'hydrodynami-
compressibilité plus faible des liquides a pour consé- ques peuvent en général être étudiés séparément du pro-
quence que l'hypothèse du fluide incompressible a un champ blème proprement hydroélastique. Il ne faut cependant
d'application plus étendu qu'en aéroélasticité. pas perdre de vue que les déformations et déplacements
U ne seconde distinction entre hydro et aéroélasticité élastiques résultent de l'ensemble de ces forces et pas seu-
résulte de la présence de surfaces libres dans un grand lement d'une partie d'entre elles. Cette séparation peut n'être
nombre de problèmes hydrodynamiques, ce qui n'a évidem- pas licite, par exemple en ce qui concerne les pressions
ment pas d'équivalent en aérodynamique. sonores: dans certains cas, il y a réaction de la perturbation
La surface libre est susceptible d'affecter de façon sonore sur l'écoulement: par exemple par le développe-
déterminante l'interaction entre les déformations élasti- ment de zônes cavitantes, et peut-être même par une
ques des parois et le fluide; on peut citer par exemple à ce influence sur la transition laminaire/turbulent.
sujet l'émission d'un système de vagues sous l'effet de vibra-
tions.
Par ailleurs, les phénomènes de houle qui affectent la Effets hydroélastiques.
surface libre donnent lieu à toute une classe de problèmes Revenant maintenant au domaine propre de l'hydro-
proprement hydroélastiques (réponse des structures aux élasticité (où sont présentes les forces élastiques et les forces
sollicitations dues à la houle). hyclroclynamiques), la première question qui se pose pour
Enfin la surface libre représente une discontinuité de chaque problème particulier, n'est-elle pas de savoir si
densité qui peut être à l'origine de brusques variations des l'on doit recourir à un modèle hydroélastique et auquel.
forces hydrodynamiques affectant les structures (choc à
l'émersion et surtout à l'immersion) et par suite de pro-
blèmes hydroélastiques qui n'ont évidemment pas d'équi- C) Il ne faut pas oublier que les forces de champ agissent
valents en aéroélasticité. également directement sur les masses propres des structures.

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1/ Aéroélasticité. D'après CollaI' cité par S.R. HelIer

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2/ Hydroélasticité. D'après S.R. HelIer

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En fait, aucun corps n'étant infiniment rigide, la pres- décollement (on sait qu'une très faible déformation ou
sion hydrodynamique engendre nécessairement toujours aspérité peut dans certains cas déclencher un décolle-
déformation et! ou déplacement des parois en contact avec ment dans un écoulement retardé);
le liquide, ces déformations géométriques réagissant à leur seuil de cavitation.
tour sur l'écoulement, mais leur effet peut ne pas dépas- Les exemples qui précèdent montrent bien que les pro-
ser un seuil tel que l'analyse de l'écoulement faite dans blèmes « d'hydroélasticité stationnaire » ne se limitent pas
l'hypothèse de la parfaite rigidité reste valable. On conçoit à ceux de la divergence dont nous allons parler mainte-
bien que ce seuil peut différer suivant la grandeur en cause nant.
et suivant le but de l'analyse. 3. Par des déformations stationnaires Inais non limitées
(divergence).
ECOULEMENTS STATIONNAIRES. On peut dire, en simplifiant un peu, que la divergence
Pour préciser cette notion des « effets hydroélastiques », résulte du fait que l'équilibre entre forces hydrodynamiques
examinons tout d'abord le cas d'écoulements stationnaires et forces élastiques n'est pas stable en raison du fait que
par rapport à un référentiel lié à la structure solide. Par la déformation engendre une croissance des forces hydro-
stationnaires, nous entendons que les conditions aux limi- dynamiques plus rapide que la croissance de la force
tes sont stationnaires - y compris la position de la struc- élastique antagoniste.
ture si elle était rigide - les seules instationnarités étant Il est bien évident que la divergence affecte de façon
celles de la turbulence. notable l'écoulement et toutes les grandeurs qui y sont liées.
L'élasticité (et éventuellement la plasticité) des structures La nature de l'écoulement (couches laminaires ou tur-
peut se manifester: bulentes, décollements, cavitation, etc.) peut s'en trouver
entièrement modifiée, et il y a lieu d'en tenir compte sur-
1. Par des déformations et déplacements stationnaires tout si l'on s'intéresse à l'effet de la divergence et non pas
et limités des structures, n'entraînant que des modifications seulement aux conditions limites de SOn apparition.
relativement faibles des pressions et des forces, et sans
effet sur la nature de l'écoulement. (Par nature de l'écou- 4. Par des déformations instationnaires (vibrations).
lement, nous entendons par exemple: cavitant ou subca- Puisque nous examinons ici le cas des écoulements sta-
vitant, laminaire ou turbulent, décollé ou sain, etc.). tionnaires (c'est-à-dire dont le seul défaut éventuel de sta-
Ce cas est celui où l'hypothèse de rigidité est applicable tionnarité est la présence de turbulence), les vibrations dont
(sous réserve tout au plus de la prise en compte d'éventuelles il est question ici proviennent:
corrections marginales si l'on recherche une extrême pré- soit de la réponse des parois à la turbulence (bruit
cision). d'écoulement);
soit d'une « auto-excitation ».
2. Par des modifications géométriques stationnaires fai- L'exemple le plus fréquemment cité d'auto-excitation
bles des structures, mais ayant une incidence apparemment affectant un écoulement « stationnaire » est le fiuuer.
disproportionnée sur les forces hydrodynamiques et/ou sur Il semble bien que, sous les réserves indiquées précédem-
la nature de l'écoulement. ment, les modèles et les méthodes de l'aéroélasticité soient
Un exemple très typique est celui des profils porteurs transposables ici à l'hydroélasticité.
et plus généralement des écoulements à connectivité mul- Nous voudrions citer deux autres exemples de phénomè-
tiple : la portance (et le moment de portance) d'une aile peut nes d'auto-excitation parfois rencontrés en hydraulique (et
être modifiée de façon significative par la variation d'inci- vraisemblablement aussi en aéraulique) :
dence (ou de cambrure) résultant des flèches de l'aile ou de
son support. a) Résonance sur un conduit long. C'est ce qui se pro-
Du fait que les déformations locales sont faibles, les duit par exemple lorsqu'une vanne est placée sur une
modifications des vitesses et pressions locales sont faibles, conduite et que les déformations élastiques de son système
mais la portance résulte non pas des pressions locales mais d'accrochage, ou de son étanchéité peuvent engendrer des
des différences entre les pressions locales sur chaque face. var:iations de débit. Dans certaines circonstances, il peut
Cette différence de pression est elle-même liée à la cir- y avoir résonance entre la vibration de la vanne et la
culation autour du profil qui varie relativement rapide- période propre d'oscillation de pression de la conduite.
ment avec l'incidence (condition de Kutta). b) Effet de clapet battant.
On ne trouve rien d'équivalent si on s'intéresse à l'écou- Le phénomène de clapet battant est provoqué par un
lement confiné dont les parois seraient soumises à des laminage de l'écoulement entre une paroi fixe et un organe
déformations élastiques comparables à celle du profil pré- mobile soumis à une réaction hydraulique qui s'inverse
cédent; d'une part les pressions auxquelles on s'intéresse lorsque le mobile est très rapproché de la paroi. Il s'agit
ici varieront peu, et d'autre part, même les différences de d'un effet hydroélastique lorsque le mobile est lié élastique-
pression entre paroi inférieure et supérieure varieront ment aux structures fixes.
moins, l'écoulement étant beaucoup plus guidé en amont En raison de l'amortissement dû aux frottements fluides
et en aval de la perturbation. et de l'amortissement interne des structures, l'existence
Un autre exemple possible d'influence hydrodynamique d'oscillations entretenues dans les exemples qui précèdent
notable de déformations élastiques limitées peut être apporté ne peut à notre avis s'expliquer que par la présence de non
par l'exaltation des traînées de frottement sous l'effet des linéarités et de relaxations affectant soit le phénomène
ondulations de surface provoquées par la charge hydro- hydraulique (régime de décollement par exemple) soit les
dynamique. frottements des structures. Il y a évidemment à tenir
Il existe également des cas où des déformations station- compte de ces remarques dans le choix des modèles.
naires faibles peuvent engendrer des effets apparemment
peu progressifs; ceci peut apparaître quand, dans ra zone ECOULEMENTS INSTATIONNAIRES.
concernée, les conditions d'écoulement sont proches d'un
seuil de transition: Nous aborderons maintenant le cas des écoulements ins-
transition entre couche limite laminaire et couche tur- tationnaires, et il nous paraît intéressant de distinguer deux
bulente; origines possibles de l'instationnarité: les instationnarités
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« spontanées » des écoulements et celles qui résultent direc- concernent le mouvement de mobiles traversant la sur-
tement du caractère non stationnaire des conditions aux face libre (émersion ou immersion), avec choc possible.
limites. Le développement de modèles propres à l'hydroélasticité est
II est bien connu que des instabilités d'écoulement peu- évidemment nécessaire pour traiter de tels problèmes.
vent prendre naissance alors même que les conditions aux
limites sont stationnaires. (Cette question a été largement
abordée au cours des 8" Journées de l'Hydraulique de la SHF
Quelques réflexions
en 1964 et dont le sujet était précisément: « Les instabi-
lités en hydraulique et en mécanique des fluides ». sur les méthodes d'approche
Certaines de ces instabilités se rencontrent aussi bien de l'hydroélasticité
en aérodynamique qu'en hydrodynamique; citons par exem-
pie: Une premlere sene de remarques s'applique aussi bien
les instabilités de confluences, en particulier les sil- à l'aéroélasticité qu'à l'hyclroélasticité et coneerne les
lages avec tourbillons de Karman; hypothèses que l'on est amené à faire au sujet des pro-
les décollements instablcs (instabilité du point de décol- priétés du fluide et des caraetères de l'écoulement:
lement et lâcher intermittent de tourbillons depuis la
zone décollée); FLUIDE PARFAIT ou FLUIDE RÉEL.
les fluctuations du point de transition entre régime la- Il peut exister des cas où des modèles en fluide parfait
minaire et régime turbulent de la couche limite. conviennent à l'approche au moins approximative d'un
D'autres instabilités n'apparaissent que dans les écoule- problème d'écoulement en parois rigides, mais ne permet-
ments de liquide; par exemple: tent pas d'aborder de façon licite les aspects hydroélas-
celles qui sont provoquées par une aération intermit- tiques de ce même écoulement. C'est ce qui se passe par
tente cie l'écoulement; exemple lorsque des déformations ou des vibrations hydro-
les oscillations des surfaces libres; élastiques et cles évolutions de couches limites (point de tran-
les instabilités propres aux écoulements aflectés par la sition, décollement) s'influencent mutuellement (*). C'est
cavitation: également le cas des écoulements stationnaires, en moyenne
poche de cavitation fluctuante avec jet rentrant sujets à des instabilités qui restent limitées en l'absence de
intermittent; résonance hydroélastique.
collapsus cie cavité, ou encore collapsus « cohérent»
d'une zone émulsionnée par cavitation. FLUIDE COMPRESSIBLE OU INCOMPRESSIBLE.

Ces instablités « spontanées » prennent naissance même Nous avons fait allusion précédemment au fait que des
en présence de parois rigides et on ne peut les assimiler écoulements stationnaires du domaine « incompressible »
aux instabilités par « auto-excitation » dont il est question peuvent être le siège de perturbations hydroélastiques ins-
plus tôt. On peut même dans certains cas séparer l'analyse tationnaires nécessitant le recours à des modèles en fluide
de ces instabilités et la détermination de la réponse des compressible. Des critères simples applicables à un grand
structures. Toutefois, il est souvent difficile de statuer nombre de cas usuels devraient pouvoir être établis à ce
il priori sur l'existence ou l'absence de réaction des vibra- sujet.
tions de structure sur les instabilités de l'écoulement: la
ECOULEMENTS A CONNECTIVITÉ MULTIPLE.
fréquence des lachers de tourbillons, ou des collapsus in-
termittents de cavitation par exemple est certainement fort L'indétermination des solutions en fluide parfait de ce
souvent influencée directement par les vibrations des parois. type d'écoulement est levée, en régime permanent, par l'ap-
Les écoulements proprement instationnaires sont ceux qui plication de la condition de Kutta. L'hyclroélasticité ins-
résultent de conditions aux limites instationnaires; il leur tationnaire (et plus généralement l'hydrodynamique insta-
correspond des problèmes hydroélastiques concernant la ré- tionnaire) pose le problème de l'extension de cette condi-
ponse des struetures aux forces hydrodynamiques instation- tion au domaine instationnaire. A notre connaissance cette
n'lires. question n'a été qu'imparfaitement explorée, tout au moins
Le eas des structures fixes ou mobiles soumises à la dans le domaine propre à l'hydroélasticité.
houle en est un exemple, et nous avons vu qu'il s'agit d'un D'autres remarques concernent spécialement l'hydro-
problème qui ne peut se traiter par des modèles transposés élasticité:
de l'aéroélastieité, en raison, entre autres, de la présenee • Nous avons noté précédemment que la présence de
de la surface libre, de l'incidence du gradient de pression la surface libre implique le recours à des modèles non dis-
hydrostatique et de la possibilité de chocs sur la surface ponibles évidemment en aéroélasticité. La même remarque
libre. s'applique à la présence d'un fort gradient de pression
hydrostatique dans les liquides.
Les machines tournantes constituent un domaine impor-
Dans les cas où la nature des problèmes conduit à recourir
tant de l'hydroélasticité, dans lequel il existe une instation-
à des « modèles hydroélastiques concrets » combinant mo-
narité cyclique liée au défilement des rotors et des stators;
dèle hydraulique à surface libre et modèle de structure,
la même remarque s'applique aux hélices de navires en
l'application de la similitude de Froude engendre souvent
raison de l'effet cie sillage de la carène et cie l'intéraction
des difficultés pratiques pour le modèle de structure. A
hydrodynamique de la carène et de l'hélice. Certains modè-
cette difliculté s'ajoute, par exemple dans le cas de chocs
les de l'aéroélasticité sont, sous les réserves formulées au
de réentrée, le problème de la compressibilité de l'eau (et
début, en grande partie transposables à cette classe de
également de l'air entraîné). Ces difficultés ne peuvent être
problèmes hydroélastiques.
levées que par une étude préalable de qualification de si·
La même remarque s'applique à l'étude hydroélastique
de transitoires résultant du mouvement commandé d'orga-
nes de circuit (vanne par exemple). (':') On pourrait également remarquer que les modèles en fluide
parfait négligent l'amortissement visqueux et turbulent des vibrations
Enfin nous avons déjà signalé l'existence de transitoires
élastiques, mais cet efTet peut souvent être introduit comme terme
propres au domaine de l'hydrodynamique: ceux qui correctif à partir d'un modèle en fluide parfait.

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militude qui ne nous semble pas pouvoir, dans l'état actuel hydroélasticité. On peut escompter du progrès de l'hydro-
des connaissances, procéder de l'application de critères élasticité une réduction des coûts et des durées des opéra-
généraux préétablis. tions de développement dans un vaste domaine de la tech-
• On ne saurait trop insister à notre avis sur le risque nique.
de couplage entre le phénomène de cavitation et les vi- Les domaines où l'hydroélasticité joue déjà et jouera de
brations hydroélastiques: plus en plus un rôle important sont principalement ceux
d'une part la cavitation est par elle-même une source où les progrès de la technique et les nécessités de l'éco-
d'instabilité hydrodynamique pouvant se coupler avec nomie conduisent aux réalisations géantes et ceux qui im-
les structures; pliquent des écoulements très rapides. On peut citer par
d'autre part, elle engendre des discontinuités ou des non- exemple (mais cette liste est évidemment très incomplète) :
linéarités des forces hydrodynamiques, pouvant être à les conduites forcées et surtout les grandes vannes (qui
l'origine de flutter non prévisible en écoulement non à notre connaissance ont été, il y a déjà bien des années,
cavitant. (Analogie avec le stall-flutter.) l'objet des premières études hydroélastiques);
les machines hydrauliques géantes (turbines et turbines
pompes) et les hélices de navire;
les réacteurs nucléaires rapides refroidis en sodium;
Conclusion les navires géants;
les grandes plateformes flottantes ou fixes mises en
Le bref survol des problèmes de l'hydroélasticité n'a pas œuvre en océanologie et plus spécialement dans l'exploi-
d'autre ambition que de proposer un classement des pro- tation pétrolière off-shore;
blèmes en fonction des circonstances hydrodynamiques. les navires et engins nautiques rapides où l'acuité des
Nous pensions également utile d'insister sur les domaines problèmes hydroélastiques est accentuée par l'incidence
de l'hydroélasticité qui ne paraissent pas pouvoir être abor- des impératifs de légèreté. On peut rapprocher de cette
dés par une simple extension des méthodes de l'aéroélasti- catégorie de « sujets d'hydroélasticité » le problème de
cité. l'amerrissage des avions.
Enfin nous voudrions terminer en insistant sur l'intérêt L'importance de ces sujets justifierait à elle seule l'intérêt
qui s'attache à développer des méthodes d'approche de qui se manifeste actuellement pour l'hydroélasticité et pour
plus en plus représentatives et de plus en plus sûres en le développement de ses méthodes d'approche.

Discussion
Président: M. LEGENDRE

Merci M. DUPORT, dit M. le Président; vous avez manifesté quel- M. WEGNER pose la question suivante:
ques petites différences d'opinion avec M. le Professeur FORTIER.
Celui-ci veut-il intervenir? M. DUPORT a beaucoup parlé du problème de la ré-entrée de
véhicules spatiaux ou marins. A ce sujet, j'aimerais savoir si l'abla-
J'ai longuement développé dans ma communication écrite, répond tion des boucliers thermiques est gouvernée uniquement par des
M. FORTIER, les questions de terminologie. Historiquement, les pre- données thermodynamiques ou si les effets aéroélastiques jouent
miers problèmes du domaine qui nous occupe ont été les problèmes un rôle important?
d'aéroélasticité. Dans ces problèmes, l'écoulement est essentiellement
« instationnaire» c'est pourquoi j'ai conservé ce caractère dans ma Cette question, répond M. le Président, fait encore l'objet de
défi.nition. Toutefois, il est certain que les problèmes d'hydroélasticité recherches. Pour le moment, on se contente de vérifier en souffle-
« stationnaire» sont souvent importants; mais il faudrait, à mon rie à haute température que le bouclier et les produits qui le cons-
avis, introduire, pour les désigner, un terme différent. Par ailleurs, tituent résistent; on ne constate pas de phénomènes instationnaires
je n'ai pas fait figurer dans ma définition le mot «élastique» car très importants.
dans bien des cas les forces correspondantes n'interviennent pas. A ce propos, on peut évoquer l'effet POGO qui résulte du cou-
D'autre part, j'ai bien insisté sur le fait que l'onsqu'on se trouve plage entre les déformations d'une structure extrêmement légère et
dans le domaine du nombre de Reynolds critique, un très petit les mouvements de la masse de liquide avec surface libre qu'elle
mouvement de la structure peut provoquer une grande variation des contient. Les engins spatiaux emportent un poids de liquides qui peut
coefficients de traînée. atteindre 95 % de leur poids total; l'écoulement de ces liquides à
travers les pompes et les canalisations, compte tenu des accéléra-
M. CANAYELtS souligne l'intérêt pratique du problème des vibra-
tions propres du véhicule spatial, posent des problèmes hydroélas-
tions des tuyauteries (comportant souvent des coudes non coplanai-
tiques très difficiles que les méthodes mathématiques de M. DAT
res) parcourues par des écoulements. Peut-on considérer dans un tel
ne suffisent pas à calculer; il faut recourir à l'expérience.
cas qu'il y a interaction entre la paroi et l'écoulement interne? En
tous cas, les phénomènes de résonances amplifient fortement les A la suite d'un échange de vues entre M. DUPORT - qui a étudié
vibrations. l'effet POGO en eryogénie - et M. le Président, M. DAT pré-
II paraît improbable, répond M. DUPORT - sauf s'il s'agit de cise:
tuyaux souples - que l'on se trouve ici en présence d'une inter- L'effet POGO s'explique par le eouplage entre les modes propres
action des déformations élastiques de la paroi sur l'écoulement de vibrations longitudinaux des engins et la propulsion.
local bien que les courants secondaires dans les coudes puissent L'O.N.E.R.A. a entrepris une recherche générale sur ce phéno-
créer des instabilités hydrodynamiques de grande amplitude géné- mène, et la Direction des Structures étudie les méthodes de calcul
ratrices de coups de bélier, phénomène dans lequel existe effecti- des modes de vibrations longitudinaux en présence du combustible
vement une interaction des déformations élastiques et de l'écoule- liquide. II faut prévoir le comportement de ce combustible, et
ment. notamment les fluctuations de la pression dans les fonds de réser-
voirs. On essaie actuellement d'étendre la schématisation par élé-
Par contre, nous avons rencontré dans des essais de coude à ailet- ments finis au fluide compressible.
tes (qui réduisent notablement les instabilités susvisées) des phéno-
mènes de couplage entre l'écoulement et les vibrations mécaniques M. le Président lève la séance en remerciant les eonférenciers,
des ailettes; nous avons constaté que les «Iachers» de tourbillons les auteurs de mémoires et les personnes qui ont bien voulu prendre
sont fortement influencés par les vibrations élastiques des ailettes. part à la discussion.

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