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La route est diablement longue.

Non pas que Gustav soit un mauvais compagnon de route mais


ce chemin de terre caillouteux manque de charme. Du fait d’arbres non taillés, il manque aussi de
lumière naturelle et c’est sans doutes la pauvreté du Nordland qui parle quant à l’état pitoyable du
chemin en lui-même. Le silence n’est brisé que par le bruit de nos bottes.

Une vérité s’impose. Nous sommes seuls dans un pays de bouseux.

Quand le ciel commence à s’assombrir, je regrette cette dernière pensée puisque nous voilà
accompagnés de pluie et de vent. J’essaye de refermer tant que ce peut ma chemise légère
tandis que messire Von Merkel ne semble pas sentir l’étreinte glaciale dans son pourpoint brodé.
Quelque soit le temps et la situation Gustav Von Merkel fait toujours bonne gure. C’est une
question de rang et il a tout à fait raison. La rapière au coté, l’oeil vif, la chevalière clinquante au
doigt, il fait tout du noble de bonne famille.

Sauf que nous sommes seuls dans un pays de bouseux, sans cheval, avec peu de ressources et
quelques projets instables en tête.

Trempés, nous arrivons en n dans une bourgade. Ça sent le poisson et les mauvais payeurs.
C’est en suivant la première et pas les seconds que nous arrivons devant l’auberge. Un homme
du commun au visage sombre essaye de réparer une fenêtre en luttant contre les éléments.
Surement un serviteur.

À peine rentrés, je m’adresse donc à lui pour commander de quoi se réchau er. Curieusement je
ne le sens pas aimable, il nous ignore royalement. C’est alors qu’un hal ing a able aux doigts
noueux se t connaître, sa petite taille l’ayant dissimulé jusqu’à alors derrière le comptoir. C’est
alors que je commande nos bières que le réparateur de vitre daigne en n nous adresser la
parole :

“On voit bien que vous êtes pas d’ici, les vrais hommes prennent du rhum.”

Ni une, ni deux, Gustav change notre commande, suivi par le troisième larron. Messire m’enjoint
d’un regard de ne pas plaindre, ce sera du rhum au sucre de betterave, n de l’histoire. C’est
délicieux mais si ça continue ma bourse ne pourra pas suivre les excentricités Merkel.

Tandis que je commence à parler météorologie et de la forme des nuages, mon sujet préféré en
ce moment au plus grand désespoir de mon “élève” qui doit subir mes discours pompeux, nous
sommes en n rejoint par l’homme qui a ni sa réparation. L’alcool a du lui réchau er la langue et
les entrailles, il se présente comme Berent, une sorte de moine de Manann, dans tous les cas il
faut l’appeler frère, je me sermonne intérieurement, j’aurai du faire attention à sa tenue et aux
signes de son Dieu.

“Je me présente, Franz Russelhorf, précepteur de Gustav Von Merkel”.

Il semble lever un sourcil douteux sur mon rôle de précepteur mais il me su t de le bercer de
quelques noms de nuage pour le convaincre de mon bagage scienti que. Gustav me fait
l’honneur de n’être que modérément méprisant envers notre camarade de boisson, tout semble
donc se passer pour le mieux.

Nous étions retourné dans nos chambres quand une nouvelle arrivée bouscule le programme, un
étranger méprisant au léger accent ainsi qu’un vieux au regard fuyant. Ça s’engueule, ça parle de
chasse, mon maître ne prend donc pas le temps de la ré exion et tandis que je reste dans
l’ombre de l’escalier, il va une fois de trop se faire remarquer. Son assurance et sa bague font le
reste, la situation semble claire : l’étranger est un bretonnien, bretonnant au ton supérieur,
Pasquin, il avait chargé l’homme mûr d’organiser une chasse. La tache aurait du être aisée, c’est
la charge traditionnelle de la famille Jäger dont il est à la tête mais il manque des rabatteurs et
Pasquin n’est pas satisfait.

Gustav Von Merkel n’est pas un idiot. C’est un homme formidable dont l’assurance lui causera
toujours moult problèmes.

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Gustav se présente comme un chasseur compétent et annonce qu’il est un lointain cousin
d’Hildegunde Drossler, l’intendante locale du comte électeur. Pasquin semble interrogatif, je sors
de mon silence pour soutenir Gustav, j’explique que nous venons de Middenheim et que des
missives sont arrivées pour prévenir de notre arrivée. Mon blu a l’air de passer et Pasquin qui
aimerait que cette chasse pour “jeunes nobles prometteurs” se passe pour le mieux con e à
Gustav le poste de maître des rabatteurs. De fait, moi et Berent sommes recrutés comme
rabatteurs pour compléter les e ectifs, lui contre une donation à son Dieu, moi pour l’amour de la
patrie et assister Gustav.

Dame Chance et Sigmar semblent paver notre route de leurs bénédictions, nous voilà déjà avec
un pied dans la porte de la noblesse locale. Un pied recouvert de merde si jamais on commençait
à s’intéresser aux détails qui nous entourent mais ce sera un problème pour Franz et Gustav du
futur.

Tandis qu’un Jäger évincé et peu amène nous quitte, nous suivons donc Pasquin vers le lieu de la
chasse qui aura lieu au matin, à quelques heures d’Heiligdorf. À notre arrivée, un campement est
en train de se mettre en place mais aucun signe de Drossler, la “cousine” de mon maître, tout est
donc pour le mieux. Six nobles familles sont censées avoir envoyé leur progéniture et déjà Gustav
semblent reconnaitre certains blasons parmi eux. Tandis que le soleil avance dans sa course
céleste nous nissons par les rencontrer tous :

- Beorn Von Stavern est le premier à venir nous parler. Contrairement aux autres, il est seul, sans
serviteur mais le regard er, son habit est immaculé et sa broche métallique a du être lustré
avec soin pour briller autant en cette n d’après midi, il tente tant bien que mal de conserver
son rang. Il manque de richesses mais il m’est sympathique, quelqu’un à garder dans son
carnet d’adresse puisqu’il y a sans doutes des leviers à faire jouer. Il s’entend bien avec Gustav
mais attend son départ pour demander à Berent et moi un service, il aimerait que nous
rabattions les animaux vers lui pour qu’il ait de meilleurs prises demain, nous lui assurons que
nous resterons discret et ferons notre possible.

- Marina Von Arnin serait quali ée par de vieux idiots de garçon manqué. Ce serait faire de son
charme en ne retenant d’elle qu’une poignée de main ferme et un caractère droit, elle inspire
con ance tout en ayant cette rudesse nordique. Dame Von Arnin est avant tout là pour chasser
le gibier et pas pour faire connaissance, elle est accompagnée d’un épéiste calme et séreux
d’une vingtaine d’année.

- Goerg von Weibrunn semble penser qu’il est fait du même métal que le marteau de Sigmar.
C’est à peine si il a posé un regard sur les autres personnes présentes et j’ai cru qu’il allait me
cracher dessus. Il est accompagné d’un soldat retors au visage déformé par une balafre mal
cicatrisée, un vétéran qu’on ne veut surement pas avoir en face de soi dans une vraie bataille. Il
a l’air aussi mauvais que son maître et c’est pour ça qu’on mon fort intérieur je le surnomme
déjà “Face de pet”.

- Hilda Knigge est sans doutes ici pour assurer son devoir familial et passer un bon moment en
compagnie d’autres jeunes nobles. Ses grands yeux de biches semblent s’attarder sur les
jeunes hommes qui l’entourent, elle est accompagnée d’une duègne, Isabella dont l’inquiétude
apparente laisse présager de son quotidien en compagnie d’Hilda.

- Martin von Näbel me fait penser à un chien agressif. Le nez aquilin, peu aimable, il semble prêt
à vous mordre à la moindre occasion, vous scrutant, attendant la faute.

- Jorgen Rattel semble à part, un tricorne sur le crâne, on croirait d’avantage a un capitaine de
navire plutôt qu’un jeune noble. Il parle peu, accompagné d’un serviteur qui dispose aussi de
l’uniforme de marin, ce duo qui détonne semble plaire énormément à Berent qui cherchera à
les approcher pendant le reste de la journée.

Gustav lance une nouvelle esclandre dès qu’il en a l’occasion, pour la discrétion, comme
toujours, on repassera. Nous n’avons pas de tente individuelle ce qui semble impensable pour le
statut d’un Von Merkel. Pasquin n’a pas l’air de se soucier de ce détail et nous laisse en plan, je
propose de retourner dormir à l’auberge pour échapper à la tente commune avec les roturiers
mais Beorn o re avec générosité sa tente puisque les nobles dormiront dès ce soir dans la forêt
pour être en position à l’aube. Le problème étant résolu, nous voyons alors les vrais maîtres de
ces lieux nous rendre une visite o cielle.

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Emergeant des fourrés sans un bruit avec la grâce naturelle de leur race, les elfes s’approchent
de nous. Leur envoyé a un sourire qui manque de naturelle mais reste poli, il nous délimite notre
chasse à un vallon précis dont nous ne devons sortir sous aucun prétexte. Il o re à chaque noble
un cadeau, des couteaux de chasse el ques sauf pour Goerg von Weibrunn qui reçoit un arc de
très belle facture qui fait déjà des envieux. Gustav se présente, attendant lui aussi un présent qui
correspond à son rang.

À titre personnel je me fais presque dans mes chausses, c’est la première fois que je vois de mes
yeux ces colosses graciles et je doute que la diplomatie soit leur spécialité avec des fortes têtes
comme messire von Merkel.

Cependant, leur envoyé, Talvarion, garde bonne gure et o re alors une ute el que à Gustav qui
remercie avec assez de politesse pour que je puisse reprendre ma respiration. L’équipe des
rabateurs part alors en reconnaissance avant le diner. Alors que Gustav nous distribue des petits
tambourins el ques et nous rappelle de ne pas sortir du vallon lors de la chasse, Face de pet
décide de jouer au plus malin et commence à insulter la famille de mon maitre, refusant d’obéir à
un ostlander à la famille déchue.

Quel petit con, quelle petite ordure de bordel.

Il est temps de limiter les dégâts, face de pet sait trop de choses et a l’air un peu trop libéral dans
la distribution de ces informations. Je me saisis discrètement d’une branche large et me prépare à
faire sonner 37 clochers dans le crâne de ce serviteur qui ne connait pas sa place, il s’agit juste
de ne pas manquer mon coup si je veux vivre un jour de plus.

Mon initiative est repérée par Gustav qui me fait comprendre d’un signe de tête qu’il désapprouve
mon esprit d’initiative et d’entreprise libérale de distributions de coups de massue. À la place il
dé e face de pet en duel. Je suis d’avis qu’un gros coup de bûche eut été plus e cace. Cela se
réglera donc selon les règles locales, au premier sang sur nappe blanche. Cet incident sera donc
réglé après le déjeuner de la chasse. ls sont fous ces nordiques.

Vient alors le moment du banquet où l’alcool permet à chacun d’oublier ses soucis, de marcher
sur la ligne de l’impolitesse et des restrictions sociales. Cinq minutes ne se sont pas écoulées que
j’entends Berent entonner des chants de marin avec la maison Rattel. Pour ma part je me dirige
vers la duègne espérant des informations en usant de mon sourire magistral. Cependant je ne
pensais pas que la pêche serait aussi bonne ! La jeune Knigge embrasserait des jeunes hommes
dans des cimetières et des Nords seraient dans les parages, se rassemblant pour envahir
l’Ostland ! Rien que ça ! Bien sur, elle me fait promettre de ne rien en dire à mon maitre. Elle peut
toujours se frotter le sabot avec une courge molle. Je passe à coté de Berent qui semble avoir été
rattrapé par la quantité d’alcool, gé, comme frappé par la foudre. À moins que cela ne soit autre
chose ? Peu importe, avant que la soirée ne se nisse, j’aimerai essayer de tirer les vers du nez
de face de pet. J’attrape un verre de vin, me décoi e rapidement avant d’adopter une démarche
légèrement hésitante pour l’aborder. Ça passe comme une pièce de cuivre dans un temple
d’Altdorf. Face de pet a l’air de m’apprécier, il m’invite à quitter Gustav, ahaha, ce raté dont la
famille n’est pas glorieuse, on rigole bien. Dont le père serait même un adorateur de Slaanesh,
ahaha. Pardon ? PARDON, UN ADORATEUR DE SLAANESH ?! Je fais mine de ne pas réagir mais
ma boussole intérieure s’agite follement. Face de pet a tout de même du sentir quelque chose
puisqu’il dessoûle brusquement en me disant qu’il a compris que je ne jouais pas franc jeu et que
je n’étais pas qui je prétendais être. Je n’ai même pas le temps de lui répondre d’un air outré qu’il
me dit qu’il y aurait même du travail pour moi chez les Weibrunn si jamais je voulais passer dans
leur camp. Il me laisse alors en plan, perdu avec mes propres pensées. De telles accusations sont
graves et dès la n de la soirée j’en informe Gustav tout en tachant de contenir sa colère.

La grande tente que je partage avec les autres serviteurs est réveillée avant le lever du soleil par
Gustav et après une toilette sommaire, nous nous dirigeons vers le vallon pour commencer la
battue. Nous nous plaçons en n en formation, nos petits tambourins el ques à la main. On joue
de notre instrument en gueulant un peu, le tout en étant espacé de cinq mètres dans la légère
brume matinale. J’aurai bien fait une blague sur la météo mais je sens que Gustav est pas
d’humeur. Le cor de chasse a lancé la battue depuis un moment déjà quand Berent, Gustav et
moi sommes séparés du reste du groupe par un obstacle naturel. J’ai peur qu’avec la brume et
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cet obstacle nous sortions des limites strictes imposées par les elfes mais mes récriminations
intérieures sont alors stoppées par un grognement un peu plus loin dans la brume. Berent ne l’a
sans doutes pas remarqué, continuant à joueur de son tambourin innocemment. Surgit alors
depuis le talus, un sanglier d’au moins deux mètres, écumant et chargeant le dèle de Manann
qui se jette sur le coté pour éviter une mort certaine, je l’imite tandis que ce monstre continue sa
course. Depuis les feuilles mortes où j’ai atterri, je crois entendre des marcassins, expliquant la
rage de la mère protectrice. Gustav a sorti sa rapière et commence à transpercer la bête. Berent
commence à prier, ce qui me parait inapproprié en plein combat, une odeur d’algues pourries
nous prend alors à la gorge et Berent s’écroule à terre. Étant derrière ce pourceau, je lui enfonce
ma dague dans la croupe mais c’est bien la rapière qui nit par trouver l’oeil et transpercer la
boite crânienne de cette reine des sous bois.

Alertés par nos cris, nos compagnons courent alors pour nous secourir mais n’arrivent donc que
pour admirer le résultat de notre combat.

Bien que l’arc el que de Goerg ait fait des merveilles, c’est surtout Gustav qui est le centre de
l’attention pour avoir abattu le sanglier. Le vin coule à ots, les félicitations aussi, chacun replonge
ses mains grasses pour reprendre du lapin rôti et du perdreau. Je rappelle à Gustav qu’il a un
combat avec face de pet, il va falloir se préparer et éviter l’alcool.

Nous en sommes là de nos ré exions quand on entend un hoquet suivi d’un cri. Georg von
Weibrunn vient de s’e ondrer sur la table en crachant du sang. Un vent de panique se jette sur
l’assemblée avant que Pasquin ne décide à imposer son autorité pour commencer une enquête
dans laquelle les trois intrus que nous sommes seraient les premiers soupçonnés. Cela ne
manque pas, après examen de la scène du crime, Pasquin nous convoque, il est désormais
accompagné de Hildegunde Drossler, régente locale du comte électeur. Je pousse Gustav vers la
voie de l’honnêteté tout en prétextant un pigeon qui a du se perdre pour expliquer que personne
n’ait été prévenu de notre arrivée. Gustav cependant émet l’hypothèse que les elfes sont
responsables de cette mort, l’arc ayant pu être recouvert de runes maudites ou de poison. Dame
Drossler et Pasquin accepte de véri er notre hypothèse en présentant l’arc à un elfe qui loge à
l’auberge de Heiligdorf.

Après un trajet pétrie de silence et d’inquiétudes l’examen de l’elfe est sans appel, cet arc est
décoré de runes appelant à la résolution d’une dette et il est fait d’un bois toxique dont la sève
sur les mains de Georg a provoqué la mort lors du repas.

Dans quelle roncier nous sommes nous fourrés ?


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