ÉDITORIAL

Alain Thomasset

Éditions du Cerf | « Revue d'éthique et de théologie morale »

2019/2 n° 302 | pages 7 à 9

ISSN 1266-0078
ISBN 9782204132459
DOI 10.3917/retm.303.0007
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-d-ethique-et-de-theologie-morale-2019-2-page-7.htm
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 Éditorial
Le transhumanisme,
une religion ?
Quelle anthropologie ?

Dans nos sociétés pluralistes, les désaccords éthiques

trouvent le plus souvent leurs racines dans les visions de
l’homme que véhiculent les diverses positions en présence.
Les récentes ­discussions des états généraux de la bioéthique
ont mis au jour les anthropologies sous-jacentes aux arguments
­avancés. Le corps humain est-il manipulable à souhait (cf.  les
­transformations du génome) ? Peut-il être mis à disposition
d’un tiers (cf. la ­gestation pour autrui) ? Quelle est la place de
la dimension biologique dans la procréation (cf. les techniques
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médicales d’assistance à la procréation) ? Quel est le statut
éthique de l’embryon humain (cf.  les recherches médicales le
concernant) ? Quel est le rôle du corps dans la personnalisation
et son lien avec l’esprit (cf.  les techniques d’implants céré-
braux) ? A-t‑il une destinée dans l’au-delà (cf. les interrogations
sur le sens de la vie et de la mort) ? Comme on le voit, ces
réflexions touchent rapidement des questions métaphysiques
fondamentales sur la définition de l’humanité, son origine et
sa finalité.
Dans ce contexte, le transhumanisme, dans sa diversité, appa-
raît comme un courant culturel et intellectuel significatif. Par
son désir d’améliorer la condition humaine, voire de la trans-
former, notamment par l’augmentation des capacités physiques
et mentales des humains à l’aide des nouvelles possibilités
techniques (human enhancement), ces projets d’« homme aug-
menté » posent de nombreuses questions éthiques. Rappelons
qu’au plan international, d’importants programmes de recherche
ont été créés et financés en vue de ces évolutions aux pro-
messes alléchantes. Le numéro hors-série de la revue de 2015
(Homme perfectible, homme augmenté ?) avait déjà abordé ces
questions sous l’angle d’une réflexion à la fois scientifique,

Revue d’éthique et de théologie morale | 302 | juin 2019 | 7-9 7

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 Revue d’éthique et de théologie morale | 302

philosophique et théologique pour savoir dans quelle mesure

l’homme peut dominer sa propre nature, voire procéder à son
perfectionnement.
Le présent dossier aborde la question du transhumanisme
sous l’aspect plus spécifiquement religieux de ce courant de
pensée. En effet, le transhumanisme investit pour sa cause
de nombreuses notions religieuses, voire se considère par-
fois comme une ­nouvelle religion. Le christianisme, religion
de l’incarnation et de la résurrection des corps, ne peut res-
ter indifférent à ces recherches. Il se sent concerné par la
manière de penser le ­chemin de ­perfectionnement de l’homme,
ou la façon d’envisager son destin. Or cette dimension reli-
gieuse du ­transhumanisme est encore trop peu étudiée. La
première ­réaction  fut de traiter le transhumanisme de loin,
comme une gnose ou une forme de New Age. Plus récemment,
les lectures se sont affinées. Le ­rapport du transhumanisme au
religieux  s’est avéré plus complexe que prévu, de même que
les questions posées au christianisme, auquel il prétend parfois
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se substituer.
Ce dossier trouve son origine dans un panel d’interventions,
qui ont eu lieu lors d’un colloque organisé en juin  2018 par la
chaire « Éthique et Transhumanisme » de l’université catholique
de Lille, coordonné par Stanislas Deprez et Franck Damour.
Après un article qui fait l’état de la question sur le rapport
entre transhumanisme et religion et examine les différentes
hypothèses (F.  Damour), la question est de savoir si le trans-
humanisme peut être assimilé à une gnose, notamment par le
rejet du corps et la perspective de la « singularité » qui avec
le projet d’une superintelligence envisage une rupture dans la
nature de l’homme (S.  Deprez). Un autre aspect important de
ce courant concerne la capacité de l’activité technoscientifique
à produire des croyances métaphysiques et des attentes eschato-
logiques, notamment en termes d’immortalité (C. Calheiros). De
ce point de vue, l’espérance chrétienne et la notion paulinienne
de « corps spirituel » permet-elle de repenser l’idée de « corps
augmenté » ? (J.-M. Moschetta). Finalement peut-on assimiler le
transhumanisme à une religion avec ses dimensions idéologiques,
symboliques et pratiques ? (D.  Foyer).

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 Éditorial

Quant aux articles varia, ils abordent respectivement la

difficile pluralité des engagements politiques des chrétiens
(A. ­Gaillard) et l’originalité de la pensée morale du pape
­François avec son insistance sur l’éthique des vertus en ­dialogue
(H.  Noisette).
Alain Thomasset, s.j.
Rédacteur en chef
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