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l’expertise technique et scientifique de référence
br1014
Guide méthodologique pour l'étude
acoustique d'une salle - Approche
linéarisée
Date de publication : 10/04/2010
Par :
Jacques JOUHANEAU
Professeur, ancien titulaire de la chaire d'Acoustique du CNAM
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Editions T.I.
Ce document a été délivré pour le compte de 7200092269 - cerist // 193.194.76.5
locaux, il n’en est pas de même pour les salles complexes qui demandent une
vision globale beaucoup plus conséquente. Nous avons vu dans les articles
[BR1010] et [BR1012] deux aspects d’une stratégie d’approche cohérente pour
l’optimisation de certains paramètres de l’acoustique des ensembles complexes.
L’exemple proposé dans cet article [BR1014] illustre parfaitement toutes les
phases d’une approche méthodologique et la conclusion fait ressortir le fait
qu’un paramètre essentiel au départ (ici le prix) peut tout à fait être négligé
dans la modélisation et entrer malgré tout de plain-pied dans le processus de
mise en application et le respect du cahier des charges.
Linéariser le schéma de sonorisation d’une salle est une opération très
complexe du fait qu’elle met en jeu un nombre incalculable de paramètres.
Les principaux sont :
– tous les paramètres relatifs à l’acoustique de la salle ;
– les paramètres relatifs aux caractéristiques des sources (caractéristiques
de puissance, de rendement, de spectre, de directivité…) ;
– les paramètres relatifs à leur disposition (nombre, position, orientation,
niveaux relatifs) ;
– les paramètres relatifs au couplage électroacoustique (réverbération,
effet Larsen, annulations…) ;
– les paramètres relatifs à la psychoacoustique des salles. (réverbération,
clarté, spatialisation) ;
– les paramètres relatifs à la répartition de l’énergie sonore (équilibre et
homogénéité) ;
– les paramètres relatifs aux coûts d’investissement, de fonctionnement et
de maintenance.
Pour comprendre l’intérêt de la linéarisation, il suffit de rappeler que la sono-
risation d’une petite salle implique la mise en jeu de plus de 100 paramètres,
ce qui, dans l’hypothèse d’un traitement expérimental, représenterait 3100
(5.1047) configurations à tester !
etc.) ; irréaliste, n’a pour but que de faciliter la résolution d’un ensemble
2/ qu’il permet une évaluation du rapport entre le champ direct et d’équations complexes, non homogènes, voire incompatibles.
le champ réverbéré en tout point de la salle. C’est pour contourner une difficulté majeure que l’on part d’une
situation théorique idéale sur le plan auditif (couverture claire et
La réduction à un seul paramètre nécessite un « asservissement » homogène pour tout l’auditoire) et que l’on cherche, à partir de la
de tous les autres. Cet asservissement est possible si l’on se fixe quel- valeur souhaitable de certaines variables et des relations qui les
ques règles simplificatrices permettant l’optimisation du modèle. Une lient, à déterminer la valeur optimale d’une seule d’entre elles
fois l’optimisation effectuée, on en déduit le nombre idéal de sources, comme, par exemple, le nombre de sources. Une fois le problème
ce qui permet de résoudre le problème en abandonnant les restric- théorique résolu, rien n’empêche de ne conserver que la finalité
tions induites par les règles simplificatrices. (couverture idéale) et la solution trouvée (nombre de sources) pour
On est donc tout à fait dans le schéma : optimisation virtuelle ne prendre que les éléments intermédiaires et les adapter à la
situation réelle.
application réelle.
Les règles simplificatrices peuvent être énoncées à travers six C’est ainsi que le nombre de sources étant fixé, on en déduit
immédiatement la nature de la sonorisation : monophonique, sté-
propositions (§ 1.1 à 1.6).
réophonique, en clusters, en distribution répartie, etc. Il ne reste
Le lecteur soucieux d’avoir les détails mathématiques du pro- plus alors qu’à recalculer les autres variables (puissance, angle
cessus les trouvera intégralement dans l’article « Sonorisation d’ouverture, position et orientation…) de telle façon que le mode
classique » …. d’accrochage des enceintes soit compatible avec les impératifs
pratiques et esthétiques du site. Un exemple de cette méthode que l’énergie du champ direct ne doit jamais être inférieure au
sera donné sur la figure 1. dixième de celle du champ réverbéré, on aboutit aux critères
Le plan d’écoute peut être développé suivant une représentation suivants :
bidimensionnelle et découpé en trois zones :
– une zone inutile, qui correspond, le plus souvent, aux passa- – 9 dB < C H < – 6 dB : tolérable
ges inaccessibles au public, aux places encombrées ou à celles qui – 6 dB < C H < – 3 dB : correct
ne nécessitent pas de sonorisation ; – 3 dB < C H : satisfaisant
– une zone peu fréquentée pouvant accepter une sonorisation
moins poussée ;
– une zone critique qui doit répondre à toutes les exigences
On a donc réduit le problème multidimensionnel à un seul cri-
d’une sonorisation de qualité.
tère qui est une fonction de deux variables : N, le nombre de sour-
ces et θ, l’angle d’ouverture de ces sources.
1.2 Définition de la clarté locale Le problème peut donc maintenant être abordé :
– soit en fixant l’angle d’ouverture et en cherchant le nombre
Pour évaluer la qualité d’une sonorisation, il est nécessaire de se optimal de sources permettant l’obtention du CH recherché ;
donner un certain nombre de critères et de comparer leurs valeurs – soit en fixant le nombre de sources et en adaptant l’angle
en différents points de la salle. Pour donner un sens à ces compa- d’ouverture.
raisons, il faut définir une position de référence. Cette position doit
être éloignée des parois et des encombrements afin que les Comme l’angle d’ouverture varie avec la fréquence, il est néces-
valeurs mesurées en ce point ne prennent en compte que les effets saire de pousser la linéarisation plus loin en réduisant l’étude à
dus aux sources les plus proches, indépendamment des premières une seule fréquence. C’est l’objet du paragraphe 1.4.
réflexions sur les murs.
Le point de référence sera donc la position occupée par un audi-
teur situé dans l’axe de l’une des sources centrales. 1.4 Choix d’une bande de fréquence
Toutes les grandeurs évaluées au point de référence seront Le problème majeur de la sonorisation étant lié à la directivité
appelées grandeurs locales. des sources, il en résulte qu’aucune modélisation n’est possible
On conçoit aisément que le niveau sonore local ou le spectre sans l’apport de relations descriptives de leur rayonnement.
local soient des notions importantes mais on admettra que la gran- Les sources sonores classiques ont pour caractéristique commune
deur locale la plus pertinente est la clarté. une très large variation de la directivité dans la bande audible.
La clarté locale est, par définition, le rapport du champ direct sur Pour simplifier, on peut admettre que les sources électroacousti-
l’axe d’une seule source au champ réverbéré total induit par toutes ques ont un rayonnement :
les sources, soit : – totalement omnidirectif aux très basses fréquences ;
C(r,n) = Lpax (r) – LpR (N) – unidirectif aux fréquences moyennes (la majeure partie de
l’énergie est contenue dans un lobe principal) ;
avec Lpax (r) niveau de pression directe à une distance r dans – multidirectif aux fréquences élevées où les sources rayonnent
l’axe de la source, en faisceaux dus à l’apparition de lobes secondaires qui génèrent
LpR (N) niveau de pression réverbérée induit par les N d’importantes variations d’amplitude dont les maximums varient
sources. avec la fréquence.
La source idéale étant une source dont toute l’énergie serait
contenue dans un seul lobe d’angle d’ouverture constant, on
1.3 Recherche d’un compromis conçoit que les grandes variations « naturelles » de la directivité
clarté-homogénéité soient à l’origine des principaux problèmes d’homogénéité.
En dehors des systèmes en réseau qui permettent de main-
Pour prendre en compte l’importance de l’uniformité de la cou- tenir la largeur de l’angle d’ouverture à peu près constante sur
verture, il est raisonnable de définir également un critère d’homo- plusieurs octaves, les sources traditionnelles se caractérisent
généité à partir d’une évaluation des écarts maximaux de niveaux par un facteur de directivité qui croît av ec la fréquence suivant
du champ direct. une loi grossièrement exponentielle. Sachant que, pour une
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Sachant que seuls les haut-parleurs les plus proches de la posi- bande de fréquence donnée, l’optimisation d’un système réparti
tion de référence jouent un rôle déterminant dans l’évaluation du est toujours délicate, il est hors de question de chercher à
champ direct, il est possible de prévoir les positions pour lesquel- réaliser celle-ci simultanément sur plusieurs fréquences. Un
les celui-ci est extremum. compromis est donc nécessaire. Il doit prendre en compte les
L’homogénéité est alors définie par la différence : principaux critères : clarté, intelligibilité, répartition spectrale et
homogénéité.
H = LpDmin – LpDmax
D’où la proposition de privilégier la bande d’octave centrée sur
avec LpDmin niveau de pression directe minimum, 2 000 Hz. Ce choix se justifie par :
LpDmax niveau de pression directe sur l’axe de la source. – l’existence d’un maximum de contribution à l’intelligibilité à
La linéarisation passe donc par l’évaluation d’un seul critère cette fréquence ;
obtenu par la sommation de C et de H. – la garantie de ne pas trouver de fréquences de réjection avant
4 000 Hz ;
C + H (en abrégé CH) représente alors le rapport champ direct / – la forme du lobe de directivité principal, qui approche une
champ réverbéré aux points d’écoute les plus défavorisés. valeur optimale (les sources peu directives commencent à avoir un
Idée-clé : partant du principe que la clarté décroît avec le lobe principal de faible ouverture et les sources hyperdirectives ne
nombre de sources (N) tandis que l’homogénéité varie en sens rayonnent pas encore en faisceau) ;
inverse, on prend N comme variable et on cherche pour quelles – une modélisation précise et robuste : l’expérience montre que
valeurs de N on obtient le meilleur compromis. Si l’on admet c’est dans la bande de fréquence 1 500-4 000 Hz que les modèles
permet de déterminer les courbes d’égal niveau sonore sur le plan Le champ de liberté est plus important dans cette configuration
d’écoute. que dans la précédente. Il est donc recommandé de faire appel à
En pratique, la règle la plus simple consiste à tracer l’intersec- quelques règles simplificatrices pour éviter de tomber dans une
tion des cônes définis par l’angle d’ouverture avec le plan situation où le calcul perd toute signification physique.
d’écoute et de disposer tangentiellement les cercles ou les ellip- La plupart des simplifications reposent sur les propriétés mathé-
ses obtenus. matiques de la clarté locale.
L’intérêt de découper le plan d’écoute en cercles tangents est
d’assurer une parfaite homogénéité des niveaux prévisionnels
sur les droites orthogonales qui joignent les centres de ces 2.3 Choix des sources
cercles. Ceux-ci étant définis par leur angle d’ouverture à – 3 dB,
un point commun à deux cercles tangents doit avoir un niveau de Les stratégies d’élaboration d’un système de sonorisation déve-
(– 3 dB) + (– 3 dB) = 0 dB, ce qui veut dire, qu’au facteur de dis- loppées dans les paragraphes précédents ont montré l’importance
tance près, on retrouve sur la périphérie le niveau théorique du de bien connaître les caractéristiques électroacoustiques des sour-
centre du cercle. ces. Pour que le modèle puisse mettre en évidence les avantages
Le calcul complet doit prendre en compte l’effet des sources et les inconvénients d’une configuration donnée, il est nécessaire
voisines mais, dans le cas où le lobe principal est bien délimité, de pouvoir disposer de toutes les données relatives au comporte-
la contribution de ces sources est, le plus souvent, négligeable. ment fréquentiel de ces sources.
En conclusion, l’approche méthodologique d’un projet de sono- S2" S3" Vue de profil
risation comprenant au départ plus d’une centaine de paramètres
permet de travailler sur un schéma d’analyse portant sur deux
variables : le nombre de sources et l’angle d’ouverture. Plan d'écoute
dence la possibilité de conserver le résultat d’un calcul tout en s’adap- c restitution identique au cas précédent mais
avec amélioration de l'homogénéité
tant aux contraintes locales.
Toutes ces équivalences reposent sur le principe qu’une source
La figure 1a montre la distribution virtuelle des sources dans un elliptique inclinée peut redonner un cercle dans le plan d’écoute.
plan horizontal.
La figure 1b montre la distribution réelle dans des plans verticaux Figure 1 – Exemple d’adaptation d’une distribution initiale virtuelle
conservant les résultats de l’optimisation linéarisée. à la configuration réelle de la salle
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