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Alain, Propos
Table des matières
Introduction ...................................................................................1
Errances..........................................................................................25
Cœurs et crânes..............................................................................27
Mémorisation et répétition.............................................................40
Le professeur et la péripatéticienne...............................................73
Les consultants...............................................................................77
Université-industrie .......................................................................83
Produire… et penser.....................................................................121
Maintenir ......................................................................................122
Vérifier .........................................................................................128
Diriger .........................................................................................133
x
Table des matières
Exploiter .......................................................................................143
Choses de la vie............................................................................146
LE DÉCOR ......................................................................................159
Épilogue ......................................................................................173
xi
Introduction
Une telle force ne se développe pas par hasard. Cela est certain.
Mais devons-nous en favoriser le développement? D’aucuns pensent
que non. Ils affirment que cette force émerge toujours dans le sillage
des besoins, et qu’il suffit que des gens, quelque part, désirent et de-
mandent, pour qu’ailleurs d’autres personnes fassent et satisfassent.
Réalité incontestable, mais qui ne saurait nous contenter. Modèle
statistiquement correct (parmi dix produits qui sont «bons», il en est
toujours un « meilleur »), mais socialement difficile à accepter, car
c’est ici, chez nous, et non «quelque part dans le monde», que nous
voulons voir se développer et triompher l’excellence.
2
L’échec fertile
1. L’Échec fertile est le titre d’un très beau livre de Georges Haldas, Éditions Paroles
d’Aube,1996.
La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Un jour, après bien des analyses, nous pourrons enfin établir une
véritable carte routière du succès technologique. Nous pourrons
définir de nouvelles méthodes de pensée et de travail. Nous pour-
rons les rendre accessibles au grand public, les diffuser dans les
milieux professionnels, les intégrer à la formation des étudiants.
Ajoutons que c’est en 1938 que Gaston Bachelard a publié ce livre
merveilleux intitulé La Formation de l’esprit scientifique: contribution
4
L’échec fertile
Épilogue :
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
6
L’échec fertile
Nous devons nous résigner à échouer en bien des choses pour réussir en
quelques-unes. Mais ces échecs ne doivent pas nous déprimer; […] ils sont
la matière première de la gaieté et de la diversité, de l’humour et de
l’aventure.
Positifs ? Positivés ?
On considère qu’un honnête homme doit posséder une vision équili-
brée des êtres et des choses, qu’il doit percevoir, à la fois, l’avers et
l’envers, le bien et le mal, le positif et le négatif. Pourquoi alors
demande-t-on si souvent au professionnel de « positiver » ?
7
La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Avec, comme toile de fond, les grilles de l’usine fermées par une
lourde chaîne, ornée d’un gros cadenas, la télévision nous présente
des personnes qui ont perdu leur emploi. La mise en scène est bien
conçue. Chaque personne se présente devant la caméra qui montre
son visage en gros plan, puis, pendant deux secondes, pendant deux
longues secondes, la personne se tait, nous regarde. Ensuite, elle
décline son nom, et la fonction qu’elle occupait. L’un après l’autre,
des dizaines de visages et de regards se suivent, certains révoltés,
d’autres résignés, d’autres abattus. Aucun ne laisse indifférent. Mais,
plus que les visages, ce sont les voix qui émeuvent. Rocailleuses,
contenues, hésitantes, tremblantes ou éraillées, elles composent, par
leur succession, d’étranges nénies pour la dignité perdue.
8
L’exil intellectuel
Dans les trois chapitres qui suivent, nous allons rencontrer des
personnes qui partageront avec nous à la fois leurs visions de ce
problème et les stratégies qu’elles ont développées pour y apporter
une solution.
Dès le début du vol, nous avions lié connaissance avec Igor, jeune
homme de 26 ans, ingénieur de procédé dans une grande usine de
l’industrie papetière.
10
L’exil intellectuel
Ce que d’autres refusent, c’est une position (ou, en tout cas, une
« première » position) trop éloignée des sphères lumineuses du
pouvoir. C’est une ligne de promotions (toujours « potentielles »
d’ailleurs !) si longue qu’elle devient proprement inconcevable. C’est
une tâche qui ne s’exerce que dans la mouvance des grandes
décisions financières ou managériales. C’est une profession dont
l’exercice est incompatible avec tous ces mouvements, ces revi-
rements, cette fluidité dans l’action, cette souplesse dans la
11
La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
1. La culture sociale ;
2. La culture d’entreprise ;
3. La psychologie du développement ;
4. Le choix d’une orientation .
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L’exil intellectuel
La culture sociale
La culture d’entreprise
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
La psychologie du développement
Vous nous croyez loin de notre propos, mais voyez bien comme
nous y sommes. Vous nous accorderez que les jeunes évoluent plus
rapidement de nos jours que nous le faisions jadis. Ils acquièrent
plus rapidement certains goûts, se débarrassent plus vite de certains
autres. Ils « passent outre » (suivant en cela le conseil de Gide) avec
une déconcertante facilité. N’est-il donc pas normal que plusieurs
ingénieurs s’orientent (ou se réorientent) vers des études de MBA,
qui leur permettent de mieux comprendre le fonctionnement de nos
sociétés et d’y participer de façon plus « visible » ?
14
L’exil intellectuel
De toutes les passions humaines, la plus fière dans ses pensées et la plus
emportée dans ses désirs, mais la plus souple dans sa conduite et la plus
cachée dans ses desseins, c’est l’ambition.
J.-B. Bossuet, Panégyrique de saint François de Sales
La table d’orientation
Au fil des années, nous avons rencontré bien des étudiants qui
s’interrogeaient sur leur avenir, et sur l’orientation qu’ils devaient
donner à leurs études.
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Soit que l’on travaille avec des hommes, soit que l’on travaille
avec des choses.
Vous nous direz que, quoi que l’on fasse, on travaille toujours
avec des hommes, et vous aurez raison. Ne vous arrêtez pourtant
pas à cette trop simple objection et suivez-nous en notre pensée.
Quand nous disons «travailler avec des hommes», nous voulons dire
par là travailler sur ces étranges matériaux que sont les sentiments,
les émotions, les motivations, les peurs et les désirs, les joies et les
craintes. Pour travailler avec les hommes, il faut tout d’abord les
aimer, il faut chercher à les comprendre, il faut vouloir les aider.
Pour travailler avec les hommes, il faut devenir psychologue, éduca-
teur, infirmier, médecin, avocat, manager ou représentant syndical.
Il faut croire que le style est plus important que la connaissance, et
que la façon de faire une chose est souvent plus importante que la
chose elle-même.
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L’exil intellectuel
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Tout cela est bien ! Mais vous aimeriez maintenant savoir ce que
vous devrez faire pour découvrir de quel bord, « hommes » ou
« choses », penche votre personnalité ?
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L’exil intellectuel
Si vous aimez les choses, alors vous aimez toutes les choses, et
l’univers entier, de la molécule à la galaxie. Que vous deveniez alors
géologue, astronome, ingénieur, mécanicien ou microbiologiste est
quelque peu secondaire; dans tous ces métiers, vous serez heureux!
Voilà ce que nous disions alors, voici ce que nous disons encore,
à ceux et celles qui nous interrogent sur les orientations possibles.
Est-ce que ce chemin a un cœur ? S’il en possède un, il est bon ; s’il n’en a
pas, il n’est d’aucune utilité. […] L’un rend votre voyage joyeux, et, aussi
longtemps que vous le suivez, vous ne faites qu’un avec lui. L’autre vous
fait maudire votre vie. L’un vous rend fort, l’autre vous affaiblit.
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Does this path have a heart? If it does, the path is good; if it doesn’t, it is
of no use. […] One makes for a joyful journey; as long as you follow it, you
are one with it. The other will make you curse your life. One makes you
strong; the other weakens you.
Inversions…
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L’exil intellectuel
Revenir sur ses pas, cela veut dire, quand on est étudiant,
changer de programme d’études ; et cela est facile. Par contre, lors-
que l’on travaille déjà, revenir sur ses pas est beaucoup plus difficile.
On peut parfois changer de poste, mais il peut être nécessaire
d’abandonner son emploi, puis de retourner aux études.
Changer de regard, cela veut dire que l’on choisit de regarder les
hommes comme s’ils étaient des choses, et les choses comme si elles
étaient des hommes. C’est une étrange « inversion », c’est presque
une perversion. On retrouve ici le médecin qui ne voit que des
symptômes et des causes, le directeur d’usine pour qui n’existent
réellement que les machines et les chiffres, l’enseignant tout entier
concentré sur sa « matière », le scientifique qui ne cherche plus que
les honneurs et l’admiration de ses pairs, et tant d’autres qui
cherchent désespérément à changer les choses, en changeant le
regard qu’ils portent sur ces choses… Cela est d’ailleurs terriblement
efficace !
21
La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Fusion…
Nous avons affirmé ci-dessus que les deux routes que nous avons
distinguées se fondaient en des horizons différents.
22
L’exil intellectuel
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Il y a des hommes n’ayant pour mission parmi les autres que de servir
d’intermédiaires; on les franchit comme des ponts, et l’on va plus loin.
L’Éducation sentimentale
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L’exil intellectuel
Errances
Un jeune ingénieur, un jour, réfléchit sur le verbe FAIRE.
Imbu de logique, il se demanda alors: «Quel est celui qui FAIT FAIRE
FAIRE ? »
« L’ouvrier FAIT
Le patron FAIT FAIRE
Le stratège FAIT FAIRE FAIRE
Et puis…
Celui qui pourrait FAIRE FAIRE FAIRE… FAIRE… FAIRE ?
In vitam æternam
Ne serait-il pas un Dieu ? »
Et puis un jour…
Lorsque son patron lui demanda ce qu’il avait voulu qu’il lui
demandât.
– « Quelle preuve ai-je donc que, lorsque j’ai FAIT FAIRE FAIRE,
quelqu’un ne réussissait pas à me FAIRE FAIRE FAIRE FAIRE ? »
25
La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Il se contente de FAIRE
Stratège et « stratégiste »
Dans un monde industriel dominé par les concepts de compétition
et de compétitivité, la stratégie est une fonction indispensable à la
survie des entreprises. Aucun gestionnaire n’en conteste l’utilité et,
même s’il existe de nombreuses écoles de pensée, tout le monde
s’entend sur les principes de base. Ce n’est donc pas quand on parle
de stratégie, mais bien quand on parle de stratège que des difficultés
surviennent.
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L’exil intellectuel
Cœurs et crânes
Jadis, écoles, maîtres, parents traçaient aux jeunes gens une voie
dont bien peu songeaient à s’écarter. On entrait alors dans un métier,
dans une profession, comme on entrait en religion. Pour la vie. De
nos jours, les jeunes n’hésitent pas à s’éloigner de leurs compétences
de base, à étendre leur sphère d’influence, à changer de domaine.
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Nous semblons avoir oublié que la redondance est, pour les êtres
humains, nécessaire à l’acquisition de l’information. Devrons-nous
donc, un jour, ajouter une année d’études au programme des
sciences appliquées ? Sans doute…
Qui décidera de ce qui est plus horrible à voir, ou des cœurs desséchés, ou
des crânes vides?
Balzac, Le Père Goriot
28
Une culture de l’exil ?
Le triomphe du génie
Vous venez de vous réveiller au beau milieu d’un rêve. Tête lourde,
idées confuses… Vous étiez en train d’oublier quelque chose…
quelque chose de très important ! Quelque chose dont vous deviez
absolument vous souvenir…
Vous avez insisté sur le mot encore. Est-ce à cause de cela que
le visage de l’homme s’illumine d’un grand sourire.
Clovis (c’est le nom qui est brodé en lettres rouges sur la poche
de sa blouse blanche) semble content de sa réponse. Vous l’intéres-
sez ! Il se penche vers vous et, avec gentillesse, vous murmure à
l’oreille :
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Une culture de l’exil
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
32
Une culture de l’exil
– Et pourquoi donc ?
33
La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Vous ouvrez les yeux sur un beau visage aux yeux inquisiteurs.
Votre épouse !
L’œuf et la poule
Réunis autour d’une bonne table, trois chercheurs s’indignaient de ce
qu’en leur pays aucune entreprise ne fabriquât les produits dont ils
cherchaient à comprendre et à améliorer les performances.
34
Une culture de l’exil
– « Fort bien !, dit le second, mais vous oubliez que nos insti-
tutions d’enseignement dispensent une formation qui est
adaptée à la société telle qu’elle est aujourd’hui, et non telle
qu’elle pourrait être demain. Qui acceptera de soutenir et de
financer, pendant des années, un programme qui ne sera pas
étroitement arrimé aux besoins immédiats du milieu industriel?
Qui embauchera les finissantes et les finissants de votre
programme ? Non ! voyez-vous, ce n’est pas par la formation
qu’il faut commencer, mais par le transfert technologique. Il
suffit d’attirer chez nous quelque entreprise étrangère qui
fabrique déjà ces produits. Nous avons ici de l’électricité à bon
marché, de l’eau, de grands espaces, une main-d’œuvre
diligente et, ce qui ne gâte rien, une monnaie plutôt faible. »
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
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Une culture de l’exil
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Celui qui avait proposé le modèle partit d’un grand éclat de rire.
Scientifiques et sportifs
Imaginez la scène…
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Une culture de l’exil
Cette scène, qui sort tout droit de notre imagination, n’est pas
vraiment ridicule; elle est même concevable. Pourtant, nous n’avons
jamais entendu parler d’une telle rencontre, d’un tel échange.
Pourquoi alors faut-il donc qu’à l’inverse tant de gestionnaires
invitent des sportifs de haut niveau à les stimuler, à les motiver et
à insuffler une énergie nouvelle à tout leur personnel ? Par quelle
étrange perversion d’une parité sociale, par quelle mystérieuse
rupture d’une symétrie humaine, en sommes-nous arrivés à une telle
situation ?
La seconde raison, c’est que les sportifs ont été, de tous les
temps, considérés comme des demi-dieux alors que le savant a
souvent été regardé avec méfiance et suspicion. À eux le jour et la
lumière éblouissante des stades ; à lui la nuit et la pénombre des
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Mémorisation et répétition
Lors d’une compétition sportive, les commentateurs ne manquent
jamais d’attirer l’attention du public sur la persévérance de l’athlète.
Ils insistent sur le caractère répétitif des entraînements ; ils sou-
lignent le nombre incroyable de fois que le geste, l’enchaînement, la
figure ont dû être, au fil des années, exécutés, repris, répétés, avant
qu’il soit possible d’atteindre un tel degré d’automatisme, d’aisance
et de perfection. Combien de milliers de fois a-t-il fallu recommencer
ce plongeon, cette figure de patinage, cette feinte à l’épée, ce départ
de course, cette passe du ballon ? Acceptée, codifiée, admirée, une
telle discipline nous semble aujourd’hui « naturelle ». Elle s’impose
40
Une culture de l’exil
à nous avec une telle évidence que l’on blâmerait sans retenue celui
ou celle qui prétendrait atteindre les plus hauts niveaux sans s’y
soumettre.
41
La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Instituez des concours dont les prix supposent la mémoire des paroles de
chansons à la mode, des noms des capitales d’État ou le nombre de quintaux
de maïs récoltés dans l’Iowa l’année précédente. Gavez les hommes de
données inoffensives, incombustibles, qu’ils se sentent bourrés de «faits»
à éclater, renseignés sur tout. Ensuite, ils s’imagineront qu’ils pensent, ils
auront le sentiment du mouvement, tout en piétinant. Et ils seront heureux,
parce que les connaissances de ce genre sont immuables. Ne les engagez
pas sur des terrains glissants comme la philosophie ou la sociologie à quoi
confronter leur expérience. C’est la source de tous les tourments.
Pourtant… Pourtant, lorsque nous assistons à la performance
d’un musicien, d’un sportif, d’un acteur, d’un acrobate ou d’un calcu-
lateur prodige, nous sentons que la mémoire y prend quelque part,
et que cette part est digne d’éloges, d’envie même ! Aurions-nous
donc, comme on le dit si plaisamment, « jeté le bébé avec l’eau du
bain » ? Peut-être ! Devrions-nous revenir quelque peu en arrière ?
Sûrement! Les «dictées» de Bernard Pivot et quelques nouveaux jeux
télévisés sont-ils, d’une nouvelle orientation, prémisses et prémices?
Regrets… ou agrès ?
√ Approximation
Avant l’avènement des calculatrices électroniques (les «calculettes»
des dictionnaires), savoir faire un calcul approximatif était un art en
lequel brillaient de nombreux ingénieurs. Cela n’était pas facile, mais
il semblait alors tout naturel d’apprendre par cœur des tas de
nombres, des constantes physico-chimiques et des astuces de calcul
dont les fondements arithmétiques étaient parfois fort complexes.
C’était le temps où les méthodes de calcul mental faisaient florès, et
où des poètes s’échinaient à versifier le nombre pi.
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Une culture de l’exil
√ Brouillon
Quand on doit diriger des enfants ou des hommes, il faut de temps en temps
commettre une belle injustice, bien nette, bien criante: c’est ça qui leur en
impose le plus!
Marcel Pagnol, Topaze
√ Buvard
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
√ « Cerdoristique »
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Une culture de l’exil
√ Corvées
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
√ Didactique
Sans l’avoir jamais vu, nous croyons que le vortex (tourbillon) créé
par un évier ou une baignoire qui se vide tourne en des sens opposés
dans les hémisphères nord et sud, et cela est faux !
Sans l’avoir jamais vu, nous ne croyons pas qu’il puisse exister,
en Amazonie, un petit poisson1 qui pénètre parfois dans l’urètre des
baigneurs imprudents (et incontinents), et cela est vrai !
√ Écran
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Une culture de l’exil
√ Érudition
√ Image
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
√ Mémoire
√ Observation
Est-ce à cause de la télévision que les jeunes sont si peu portés vers
l’observation des phénomènes? Est-ce à cause de la disponibilité des
moyens audiovisuels que l’école développe si peu le sens de
l’observation chez les écoliers ?
Si cet animal s’accoûtume à la terre, sa queuë, qui est sans poil, & écailleuse
comme celle d’un poisson, est si dépendante de l’eau, qu’elle ne peut s’en
passer. C’est pourquoi, lorsqu’il se cache sous terre, il choisit toûjours des
lieux où sa queuë puisse tremper dans l’eau, tandis que le reste du corps est
à sec, sans quoi elle devient immobile et comme morte; ce qui ôte à l’animal
le pouvoir de se vuider. Aussi, lorsqu’on élève des castors dans les maisons,
on a soin d’en arroser de tems en tems la queuë avec de l’eau.
Traité des Alimens de Caresme
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Une culture de l’exil
J’ai pensé toujours […] que l’homme n’est qu’un sténographe des faits
brutaux, qu’un secrétaire de la nature palpable ; que la vérité […] n’est
abordable partiellement qu’aux gratteurs, rogneurs, fureteurs, commis-
sionnaires et emmagasineurs de faits réels, constatables, indéniables ; en
un mot qu’il faut être fourmi, qu’il faut être ciron, rotifère, vibrion, qu’il
faut n’être rien ! pour apporter son atome dans l’infinité des atomes qui
composent la majestueuse pyramide des vérités scientifiques.
Le Collier de griffes
√ Passage
√ Réductionnisme
Est-ce parce que le premier groupe est vital pour la survie de nos
sociétés que nous pensons ainsi ? Est-ce parce que le second est,
souvent, plus instruit que le premier ?
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
√ Surveillance
√ Visibilité
Un moment, Excellence !
Pour être efficace, une société doit tirer et pousser, récompenser et
punir, exalter le bien, stigmatiser le mal. Et puisque tout commence
par des mots, examinons les mots dont dispose la société pour
exalter le bien agir. Immédiatement, le mot « excellence » s’impose.
Quel beau mot ! et comme nous l’utilisons souvent, proclamant bien
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Une culture de l’exil
• Que dit-on pour qualifier tous ceux qui ne veulent jamais rien
apprendre par cœur; qui se contentent de l’à-peu-près; qui ont
oublié que la mémoire est une qualité, et que l’érudition est
toujours précieuse ?
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Si notre culture ne dispose pas d’un seul mot pour recouvrir tous
ces comportements, c’est sans doute parce qu’ils ne sont pas, dans
notre esprit, associés à un seul mal. Bien plus. C’est sans doute parce
que nous ne désirons pas vraiment les vilipender, les stigmatiser,
que nous refusons de les définir par un mot dont l’évocation serait
facile, et dont la force irait grandissant. Notre génération a choisi.
Elle est davantage portée à la compréhension, au compromis, à la
mansuétude, à l’indulgence, à l’excuse et au pardon.
52
Une culture de l’exil
Notre société hait toutes les formes du fanatisme. Elle les traque,
elle les discrédite, elle les élimine. Se pourrait-il toutefois que, parmi
tous ces fanatismes, il en soit d’utiles, il en soit de généreux ?
Relisons Octave Mirbeau :
Gâteux ou « gratteux » ?
Elle est belle, elle est fière, elle ne se laisse pas gagner facilement. Le
peuple l’implore; les élites l’adorent. Elle aime les jeux, tous les jeux.
Protégée par des grilles, cachée derrière des voiles métallisés,
dissimulée dans une forêt de symboles, elle annonce sa venue par
le tournoiement des grandes sphères translucides et la danse
aléatoire des boules chatoyantes.
Cette belle, cruelle, c’est la loterie. Loto chérie, loto honnie, loto
protégée, loto décriée, toujours renouvelée, chère loto !
53
La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Les politiciens nous diront que les gens savent faire «la part des
choses ». C’est vrai ! Le problème est justement là : ils font une part,
celle qu’ils perdront !
Est-ce pour cela que nous sommes si peu portés vers la discus-
sion, vers l’argumentation, vers ce dialogue que les philosophes
qualifient d’« agonistique » ?
54
Une culture de l’exil
Les peuples du Nord n’auront pas cette pénétration subite, cette vivacité de
conception, cette facilité de recevoir et de communiquer toutes sortes
d’impressions qu’on a dans d’autres climats. Mais, s’ils n’ont pas l’avantage de
la promptitude, ils auront celui du sang-froid; ils auront plus de constance
dans leurs résolutions, et feront moins de fautes lorsqu’ils exécuteront.
Essai sur les causes qui peuvent affecter les esprits et les caractères
Deux photographies :
La première…
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
CLIC !
La seconde…
– « Médecin ! ».
CLIC !
Dans le fond, ces deux images ne nous mènent pas très loin.
Nous les avons trop vues. Elles sont émoussées. Nous savons tous
que la société ne rémunère pas les gens au mérite. Nous savons qu’il
existe un monde de différence entre le salaire d’un joueur profes-
sionnel de hockey et celui d’un ouvrier d’usine.
Et puis, il n’y a pas que les différences, il n’y a pas que les écarts.
Il y a, en notre société, tant et tant de bas salaires, tant de gens qui
56
Une culture de l’exil
Vous nous direz qu’il ne faut pas penser à toutes ces choses, que
cela met en colère. Bien ! très bien ! c’est un bon début !
Pour bien voir les choses et les gens, à commencer par soi-même, il faut les
regarder avec colère.
Marcel Aymé, Le Chemin des écoliers
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
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Une culture de l’exil
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
épuration, etc., sont bien plus que des actions, des méthodes ou des
procédés ; ce sont des technologies.
√ Technophile
√ Yaka
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Une culture de l’exil
√ Feng shui
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Pôles de compétences
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Pôles de compétences
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
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Pôles de compétences
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
adorons l’image de celui: «Qui plane sur la vie et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes. » (Baudelaire)
Recherche: partir de ce que l’on croit savoir et tirer sur le fil en souhaitant
qu’il se brise…
Jean Rostand, Carnet d’un biologiste
68
Pôles de compétences
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Ils se parent maintenant dans les harnais et tout fiers se gorgiassent sous la
barde.
La Boétie, Discours de la servitude volontaire
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Pôles de compétences
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Mondialistes ou « mondialisés » ?
Voici bien longtemps déjà que les individus les plus dynamiques,
les plus brillants, les plus performants de nos sociétés ne se
satisfont plus d’une reconnaissance locale, provinciale ou nationale.
Ils recherchent désormais une reconnaissance, une consécration
internationale, mondiale. Les prix Nobel et les Jeux olympiques
constituent des témoignages éloquents de cette tendance qui semble
irréversible. Ce n’est pas tant l’être humain qui est en train de
changer – car l’ambition est vieille comme le monde ! – que les
concepts de pays, de patrie, qui évoluent chaque jour.
72
Pôles de compétences
Le professeur et la péripatéticienne
Il était une fois une grande société québécoise qui s’interrogeait sur
les progrès technologiques à venir et sur les orientations à prendre.
Elle avait invité un professeur d’une université reconnue afin que
celui-ci présente, devant son conseil d’administration, ses visions
du futur, ses prévisions et ses prédictions.
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
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Pôles de compétences
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Nos deux jeunes amis savaient déjà qu’il leur faudrait bien du
temps pour digérer toutes les idées qui avaient émaillé ce long
monologue. Ils ne trouvaient donc rien à répondre et c’est
sans doute la raison pour laquelle l’un des deux choisit de
terminer l’entretien par une question plutôt neutre.
76
Pôles de compétences
Les consultants
Lorsque vous longez le terrain d’une grande usine, le grillage con-
tinu, la barrière qui en interdit l’entrée, le poste de contrôle qui y
est juxtaposé, l’éloignement des bâtiments et jusqu’aux murs
extérieurs, hautes murailles de tôle que n’égaie aucune fenêtre, tout
vous donne l’image d’un monde fermé, replié sur lui-même, vivant
en autarcie. Or, rien n’est plus faux !
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
travail, avec la société. Ils assument les risques liés à ce choix, ils en
récoltent les bénéfices, ils en savourent les joies. Quand vous les
rencontrez, écoutez-les! Ils sont si riches de connaissances, d’expé-
riences et de réflexions que vous sortirez toujours enrichi de ces
contacts.
Le guide spirituel
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Pôles de compétences
Le maître
L’ami
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Le psychologue
Il sait que, sans les hommes, la technologie n’est rien ; que tout pro-
blème est vécu, puis résolu par des hommes. Ce sont ces hommes
qu’il a choisi d’aider. Il ne cherche pas, comme le « maître » ou le
« vétéran », un contact direct avec les choses, avec l’appareil qui ne
marche pas, avec la pièce qui n’est pas conforme aux spécifications,
avec l’équipement qui ne donne pas le rendement attendu. Il ne
focalise pas, comme le « guide spirituel », son intervention sur la
haute direction. Il reste avec le groupe, mais en deuxième ligne. Il
est le soutien dont on a souvent besoin, et que l’on apprécie tou-
jours. Il montre aux hommes comment travailler ensemble, comment
résoudre leurs conflits, comment se motiver et motiver les autres,
comment s’accepter et accepter les autres.
Le mage
C’est celui qui est à la dernière mode, dont le nom circule, et que
l’on «essaie», pour apprendre quelque chose, pour s’amuser ou tout
simplement parce que l’on n’a plus rien à perdre, tous les autres
consultants ayant échoué.
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Pôles de compétences
Le vétéran
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
82
Pôles de compétences
en est d’autres qui trouvent pénible le stress généré par une situa-
tion de crise, et qui sont bien aises de voir l’attention de la direction
se tourner vers une personne de l’extérieur.
Université-industrie
A priori les choses sont simples. Un pommier produit des pommes,
une vache produit du lait, l’université produit des diplômés. Progres-
sons davantage. Lorsque nous prenons en compte l’environnement
dans lequel chacun d’entre eux est placé, l’environnement qui met
à leurs dispositions respectives des ressources bien définies, en
quantité limitée, nous jugeons tous que le pommier produit les
meilleures pommes qu’il lui soit possible de produire, que la vache
produit le meilleur lait qu’il lui soit loisible de donner. Il en va de
même pour l’université. Elle produit les meilleurs diplômés qu’il lui
soit possible de produire. Pour aller au-delà, pour parler de
meilleures pommes et de meilleurs laits, il faudrait parler des arts de
la ferme et de ceux du jardin. Il faudrait parler du fermier et du
jardinier. Cela nous mènerait trop loin…
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Oui, mais voilà! un jour (et ce jour a-t-il réellement existé? n’est-
il pas figé dans un éternel aujourd’hui?), les besoins en ressources
humaines ont été dissociés des besoins techniques et technologiques.
Un jour, celui qui avait faim déclara qu’il voulait autre chose que des
pommes; celui qui avait soif exigea autre chose que du lait; celui qui
était aux prises avec des problèmes techniques, technologiques et
scientifiques refusa d’embaucher un diplômé de l’université.
84
Pôles de compétences
tant d’amertumes aussi, qu’il est devenu impossible d’y chercher une
réponse ensemble, dans le calme des esprits et dans la paix des
cœurs.
Tous ces «décideurs» ne sont pas sans savoir qu’il existe d’autres
ressources que l’université. Ils connaissent des entreprises privées,
des organismes de recherche à but non lucratif, des consultants, des
laboratoires spécialisés qui offrent plus ou moins tous les services
qu’ils peuvent désirer. Rien n’y fait ! Ils continuent à penser que
l’université est particulièrement apte à les aider.
85
La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
terme à la mode) ; elle rêve de les voir grandir, de les voir partir, se
tailler une place dans la société, devenir des spin-off compétitifs,
générateurs de richesse et d’emploi. Elle voit des professeurs se
transformer en véritables « patrons », traitant d’égal à égal avec les
plus grosses entreprises, négociant avec aisance des contrats
importants, dirigeant avec dynamisme des équipes de recherche
performantes, des étudiants de maîtrise et de doctorat vers la
résolution de problèmes industriels.
Il eut faim. Il aperçut de loin un figuier feuillu; il alla voir s’il y trouverait
quelque chose. Mais, en arrivant, il n’y trouva que des feuilles : ce n’était
pas encore la saison des figues. Alors il dit au figuier: «Que jamais personne
ne mange de ton fruit!»
Mc. 11:12-14
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Forces et guides
« Poussée » ou « tirage » ?
Vous souvenez-vous de votre enfance et du monde merveilleux des
balançoires ? Comme nous courions alors vers elles avec ardeur !
Comme nous nous y asseyions avec impatience ! Comme nous
demandions, exigions, et souvent avec véhémence, qu’un adulte vînt
nous pousser? Comme nous l’encouragions aussi: «plus fort!… plus
haut !… encore plus fort !… encore plus haut !… »
88
Forces et guides
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
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Forces et guides
Il était une fois, dans un petit royaume, deux familles qui vivaient
côte à côte et qui partageaient le même rêve. Chacune d’elles rêvait
de transformer en un superbe verger le vaste terrain vague qu’elle
avait reçu en héritage. Comment réaliser ce rêve? Ni l’une ni l’autre
ne le savait. Il fallait pourtant commencer quelque part.
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Parmi nous, est-il un seul homme qui sache faire tout cela ? Je
pense que non. Nous n’avons ni la connaissance, ni l’expé-
rience, ni même l’amour de toutes ces choses. Nous devons
donc commencer par engager un homme, un jardinier, un
maître. Il vous servira de guide et vous conduira là où vous
voulez aller. »
– « Vous lui poserez les questions que nous, les anciens, vous
dicterons. Vous écouterez ses réponses avec un esprit libre et
un cœur pur. Alors la vérité illuminera vos âmes. »
– «Savoir que l’on sait est une chose très difficile. Il est une seule
chose que je sache avec certitude: je ne mange que des fruits!»
– «Je crois, je sais qu’il faut gérer un verger comme on gère une
famille. Dans une famille, on ne choisit pas ses enfants, mais,
si on les éduque bien, si on leur fournit une instruction
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Forces et guides
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
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Forces et guides
Bondir ou marcher ?
La zoologie nous apprend qu’il existe, dans l’ordre des mammifères,
deux grandes stratégies de reproduction : celle des marsupiaux
(comme le kangourou) et celle des placentaires (comme l’homme).
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
96
Forces et guides
Investir ou financer ?
Notre ami l’investisseur était d’excellente humeur. Il faisait beau et
le déjeuner que l’on nous servait dans ce grand hôtel était délicieux.
Premier point.
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Deuxième point.
Troisième point.
Vous nous direz que, dans le fond, vous ne cherchez pas « une
idée». Vous êtes plus pragmatique! Vous êtes à la recherche, à la
poursuite d’une invention encore non exploitée, d’une innovation
oubliée dans un cahier de laboratoire. Vous êtes en quête d’une
perle cachée, d’un tableau de grand maître égaré dans un grenier
poussiéreux. Beati… Cela existe sans doute, mais c’est
probablement fort rare. Les chercheurs ne sont ni des archivistes
ni des exégètes. Vous aurez du mal à leur faire accepter une telle
mission. »
La balle nous revenait plus vite que prévu. Il nous fallait laisser
refroidir nos assiettes… Et nous en étions fort marris !
98
Forces et guides
Ensuite… »
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
« La confiance ! »
Il faut être très patient […]. Tu t’assoiras d’abord un peu loin de moi, comme
ça, dans l’herbe. Je te regarderai du coin de l’œil et tu ne diras rien. Le
langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t’asseoir
un peu plus près…»
Saint-Exupéry, Le Petit Prince
Risquer ou tenter ?
Notre ami l’investisseur était, ce jour-là aussi, d’excellente humeur.
Il nous avait invités à déjeuner pour nous remercier, disait-il, de
l’avoir guidé dans l’évaluation d’un dossier. Il avait dû établir la
pertinence d’investir dans une petite entreprise qui développait une
nouvelle technologie. Nous l’avions donc aidé à comprendre les
bases scientifiques de cette nouvelle technologie et à la situer dans
l’ensemble des technologies émergentes du même domaine. Rien de
bien complexe.
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Forces et guides
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Nous avions trouvé le ton qu’il aimait. C’est donc plus sérieu-
sement qu’il continua.
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Forces et guides
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Nous lui fîmes alors parvenir le texte que nous partagerons avec
vous dans le chapitre suivant.
La force motrice
Quand on contemple un grand fleuve qui lentement s’écoule entre
deux rives civilisées, colonisées, on ne peut imaginer la sauvagerie
de ses commencements, la luxuriance de ses attributs, la complexité
du bassin qui l’alimente.
104
Forces et guides
N’oublie pas, ami lecteur, que tous ceux et celles qui sont à l’origine
des documents dont tu vas lire un bref résumé ont investi temps et
argent pour te permettre cette lecture. En lisant la description de
certains produits, tu penseras peut-être que toi, tu ne les achèterais
jamais. C’est possible! Toutefois, n’oublie pas que le monde est vaste,
que «tous les goûts sont dans la nature» et que la réalisation du plus
étrange des produits procure travail, argent et fierté à plusieurs
personnes. Nous avons le droit de sourire, jamais de nous moquer!
Allons-y !
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Exemple no 1
Exemple no 2
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Forces et guides
Exemple no 3
Exemple no 4
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Exemple no 5
Exemple no 6
Exemple no 7
Eh bien, voilà qui est fait! Un petit étui de tissu, maintenu en place par
une bande élastique «large d’au moins un pouce environ», recouvre le
délicat appendice et permet de le conserver bien au chaud.
On ne peut s’empêcher de souhaiter que l’inventeur porte mainte-
nant son attention et son esprit de concision vers la conception d’un
nouveau maillot de bain et d’une gamme complète de lingerie d’été.
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Forces et guides
Exemple no 8
Exemple no 9
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Exemple no 10
Exemple no 11
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Forces et guides
Exemple no 12
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Exemple no 13
Exemple no 14
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Forces et guides
Exemple no 15
Exemple no 16
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Exemple no 17
Et pour finir…
Un mot de plus en plus populaire.
« CHINDOGU »
Terme japonais pour qualifier un outil (dogu) qui est bizarre (chin).
Un «chindogu» est un objet qui répond à un besoin de la vie
quotidienne, dont on a fabriqué un prototype, mais qui n’a aucun
avenir commercial. On pense ici, par exemple, aux essuie-glaces à
lunettes, au «chapeau hygiénique» (intégrant un rouleau de papier
de toilette – très utile en cas de rhume ou de fièvre des foins), ou au
parapluie inversé (de forme concave, avec tuyau et réservoir pour
recueillir l’eau de pluie). Un bel exercice de créativité, et de pure joie!
Note: On cite souvent, parmi les «chindogu», la fourchette rotative,
pour manger les spaghettis. En fait, le brevet US 2,004,659, décerné
le 11 juin 1935 à R.D. Groch, présente un instrument en tous points
semblable, et destiné au même usage. Comme quoi la créativité
n’est pas l’apanage des temps modernes.
114
Forces et guides
Raisonner ou résonner ?
Pour se développer, une société doit investir. Si cela vous semble
évident, dites-vous bien que vous êtes normal : tout le monde
s’entend sur cette nécessité. Par contre, quand il s’agit de déterminer
dans quel domaine il faut investir, dans quel secteur industriel il
faut prendre des risques, les discussions vont bon train ; les argu-
ments fusent et les esprits s’échauffent.
115
La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Nous vous laissons ici. La rhétorique est une fort belle science
et très utile. Vous l’admettrez avec nous.
Un homme sage a un jour écrit : «Il peut se faire qu’il ne soit pas
utile de savoir une chose, mais ce qui est sûr, c’est qu’il est toujours
inutile de l’ignorer.» (J.C. Milner, De l’école)
116
Les acteurs et leurs rôles
Dans les chapitres qui suivent, nous vous les présenterons. Les
grands acteurs tout d’abord : ceux qui produisent, ceux qui per-
mettent la production, ceux qui en contrôlent la qualité. Les rôles
de soutien ensuite : patrons et dirigeants. Les figurants enfin.
Produire
Quand on visite une usine, ce qui surprend, au premier abord, c’est un
monde étrange de mécanismes, d’appareils, de machinerie. En cet
univers, le mouvement est roi. Il capte notre attention, il dirige notre
regard : ballets gracieux des bras robotisés, progressions lentes et
puissantes des ponts roulants, rondes silencieuses des convoyeurs,
défilés solennels des pièces, jaillissement des flammes, chutes
La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
118
Les acteurs et leurs rôles
Et cet animal, cet être que seul le sommeil terrasse et que seule
la mort arrête, exige que, dans les premières années de leur vie, sa
progéniture, ses enfants obéissent à toutes autres lois.
119
La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
vers les métiers manuels peu rémunérés dont nos économies ont le
plus grand besoin, surtout dans un contexte de mondialisation?
Vous nous direz que cette image est incomplète. Que nous biai-
sons la réalité et que nous ne tenons pas compte de tous ces jeunes
qui s’adaptent très bien au système scolaire et qui y poursuivent
leurs études pendant de nombreuses années. Oh que si ! Que nous
en tenons compte ! Demandez-vous cependant combien, parmi ces
jeunes, retourneront plus tard aux livres et à l’étude ? Combien
demeureront toute leur vie des adeptes de cette approche des choses
dès qu’ils auront terminé leurs études et seront engagés dans le
monde du travail? Combien prendront plaisir à lire, à étudier, à faire
des exercices, à mémoriser ?
120
Les acteurs et leurs rôles
Produire… et penser
En cet âge où la gestion participative est, sinon répandue, du moins
encouragée, il se trouve encore des personnes pour croire que les
actes de produire et de penser sont presque incompatibles. Et ces
personnes ne sont pas nécessairement des cadres ou des patrons. Il
existe aussi des opérateurs qui abritent une telle pensée.
Pour ces personnes, la résolution de problèmes technologiques
ou industriels passe nécessairement par une formation spécialisée,
par des méthodes approuvées, par une éducation poussée au-delà
d’un diplôme d’études secondaires (DES).
Le paradigme auquel obéissent ces personnes est le suivant :
« Pour résoudre un problème technologique, il faut suivre une mé-
thode établie ou reconnue par les professionnels de la technologie.»
Ces personnes ont-elles raison? Nous ne le croyons pas. Est-ce donc
là un mensonge ? Pas du tout !
Nous ne chargerons pas les moulins à vent. Les méthodes sont
bonnes, et les méthodes reconnues par tous sont très bonnes. Il est
recommandé de les connaître ; il est conseillé de les suivre. Cela
étant admis, parlons librement.
Regardez autour de vous. Vous voyez un grand nombre
d’hommes et de femmes qui mènent leur vie avec intelligence,
jugement et sagacité.
121
La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Si vous examinez tout cela, vous conviendrez avec nous que l’être
humain est un champion toutes catégories de la résolution de
problèmes. Un être qui a gagné la bataille de l’évolution, qui a colonisé
toute la surface de la Terre, conquis les mers, exploré l’espace.
Amélioration dessine les voies droites; les chemins tortueux sont l’œuvre du
Génie.
Improvement makes straight roads, but the crooked roads without
Improvement are roads of Genius.
Proverbs of Hell
Maintenir
Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi les usines sont si hautes, si
grandes et si vastes ? La raison en est simple : elles contiennent un
122
Les acteurs et leurs rôles
123
La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Est-ce à dire que les femmes et les hommes qui exercent de telles
fonctions sont dotés d’un terrible désir de puissance ? Pas
nécessairement ! Le pouvoir qui leur est conféré provient de trois
sources, qui sont reliées les unes aux autres par d’ineffables
courants souterrains. La première de ces sources est un mode de
gestion, la seconde est une caractéristique universelle de l’âme
humaine et la troisième est une loi scientifique que l’on appelle la
deuxième loi de la thermodynamique.
124
Les acteurs et leurs rôles
125
La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Alors, c’est être du bon côté qu’être du côté qui lutte contre la
mort et le désordre. Que vous soyez plombier, mécanicien, répara-
teur, déneigeur, juge, médecin, dentiste, chirurgien, ou thanatologue,
vous êtes certain de ne jamais manquer d’emploi. Il y a plus, vous
êtes également certain que cette conscience aiguë que nous avons
de notre vulnérabilité, cette soif d’ordre et de pureté qui nous
obsède, ce rêve d’éternelle jeunesse que nous caressons toujours,
cette peur des accidents et des catastrophes, cette crainte de la mort
qui nous obsède nous inciteront à vous conférer un immense
pouvoir et à vous offrir ce que vous demandez comme rétribution
pour vos services.
126
Les acteurs et leurs rôles
127
La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Vérifier
« Avez-vous déjà visité une usine ?
128
Les acteurs et leurs rôles
Voilà pour les erreurs les plus graves. Quant aux plus légères, on
pourrait penser qu’elles n’ont aucune retombée, mais tel n’est pas
le cas. Aucune erreur n’est sans conséquences et, si elle n’est pas
détectée, si elle n’est pas corrigée, la plus bénigne d’entre elles
provoquera des pertes qui pourront être énormes. Pertes financières,
tout d’abord, pertes de réputation ensuite, pertes de marché enfin.
Et puis, au-delà des pertes tangibles, vérifiables et quantifiables, il y
a tous ces légers décrochages de la réalité, ces petits décalages, ces
impalpables dysfonctionnements qui, par leurs effets cumulés,
pourront eux aussi être la source de pertes considérables. C’est qu’il
faut tenir compte du fait que les mesures objectives ne font souvent
que confirmer une perception subjective de la qualité du travail et de
la qualité des produits. Un opérateur sait s’il a suivi ou non la
procédure de travail. Un ingénieur sait si cette procédure est bonne.
Un mécanicien sait si la machine nécessaire à l’exécution de cette
procédure est en bon état de marche. Que pensent-ils lorsqu’ils
apprennent que le produit n’est pas tout à fait semblable à leurs
attentes? Ils ont beau ne pas connaître l’erreur, ils ont beau même ne
pas la soupçonner, ils n’en devinent pas mois que « quelque chose,
quelque part, n’est pas correct ». En introduisant un léger décalage
entre les données objectives et la perception subjective, l’erreur
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
130
Les acteurs et leurs rôles
131
La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
132
Les acteurs et leurs rôles
Diriger
Dans toutes les organisations, grandes ou petites, gouvernementales
ou privées, familiales ou publiques, le sens commun distingue deux
« clans », celui des employés, et celui des patrons. (On oublie facile-
ment que la plupart des patrons sont, eux aussi, des employés.)
133
La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Manager
Leader
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Les acteurs et leurs rôles
Accompagnateur (coach)
Zhan gère, lui aussi, un groupe de personnes. Son but est, comme
pour Bernard et Lisabeth, de les conduire à une meilleure per-
formance. Pour ce faire, il ne ménage pas ses efforts : suivi serré de
la progression des activités, rencontres fréquentes pour orienter les
« joueurs » dans la bonne direction, pour s’assurer qu’ils sont sur la
bonne voie, etc. Mais, parce qu’il veut dépasser la gestion des
contingences, Zhan vise le développement des compétences, tant
professionnelles que transversales. Compétences de chacun des pro-
fessionnels qu’il dirige, mais aussi compétence globale, «organique»,
de l’équipe au sein de laquelle ils sont rassemblés. Et ceci toujours
en vue d’atteindre l’excellence car Zhan ne perd jamais de vue les
objectifs que s’est fixés son entreprise. Pour lui, la compétence est
un moyen, non une fin; elle est une condition, non une cause. Il faut
non seulement la développer et l’entretenir, mais la stimuler et la
valoriser. Zhan est un accompagnateur.
Mentor
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
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Les acteurs et leurs rôles
137
La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Sa journée, à lui, n’a ni début ni fin. Elle commence dès qu’il est
levé, et ne finit pas toujours avec le sommeil. Elle se déroule tout
entière dans un univers parallèle, dans le monde de l’intangible. Si
vous dites qu’il ne « fait » rien, vous avez raison. Il ne « fait » rien, ou
presque. Il écoute, il observe, il motive ; il parle, il discute, il juge ;
il argumente, il négocie, il explique ; il annule et il fait naître, il
concède, il décide, il répète et répète encore. Il partage, il flatte,
il plie; il rencontre, il commence ou parachève, il tranche, il échange,
il suggère ; il se bat, gagne souvent, perd quelquefois ; il s’informe
sans cesse, apprend à chaque instant, et toujours soupèse, et tou-
jours suppute, et juge, et réfléchit… Tout cela dans le désordre,
138
Les acteurs et leurs rôles
139
La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
dont le salaire est le plus bas ; qui ne voient, dans les bénéfices
réalisés, que la promesse de bénéfices encore plus grands, et qui ne
lisent, dans les pertes encourues, qu’une mission de « rationali-
sation ». De tels patrons sont rares, et cela est heureux ! Sont-ils
méchants? Bien sûr que non! Ils sont bons époux, bons pères et bons
amis. Sont-ils donc vertueux ? Qui oserait le prétendre ?
Il est donc des avarices quasi vertueuses. Il faudrait encore leur trouver un
nom et le vieux français employait « avare » dans ce sens-là : on louait
Turenne d’être avare du sang de ses soldats.
J. Guitton, Nouvel Art de penser
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Les acteurs et leurs rôles
Voici une grande misère ! Dans la plupart de nos usines, les patrons
ont une « durée de vie » bien inférieure à celle de leurs employés.
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
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Les acteurs et leurs rôles
Exploiter
Par un beau soir du mois de juillet, réunis autour d’une bonne table,
plusieurs ingénieurs se racontaient des histoires d’usine. Il en était
de drôles, il en était de grivoises ; il en fut une de triste, que nous
n’avons jamais oubliée et que nous avons souvent méditée. Nous
croyons qu’elle mérite une place ici, et c’est pourquoi nous laissons
la parole à Bernard, afin qu’il vous la raconte, à vous aussi :
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
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Les acteurs et leurs rôles
C’est vrai !
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Choses de la vie…
√ Absentéisme
√ Accident
√ Amélioration
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Les acteurs et leurs rôles
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
√ Aubains
Il n’y a plus d’aubains dans nos sociétés civiles, mais en est-il bien
de même dans ces petits royaumes que constituent les entreprises?
Les aubains vivent comme personnes libres, mais décèdent comme esclaves.
Vivunt ut liberi, moriuntur ut servi.
Principes généraux du droit civil et coutumier de la province
de Normandie, M. Charles Routier, 1748
√ Cadre
√ Café
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Les acteurs et leurs rôles
On dit que le café excite. On dit moins qu’il est un des plus
grands facteurs de paix sociale. Autour d’une machine à café, on
parle, on discute, on apprend à se connaître et à se dire des choses
qu’il serait difficile de se dire en d’autres lieux ou en d’autres
circonstances. Dans un monde compétitif et souvent cruel, la
machine à café constitue une oasis de calme et de paix.
√ Cône
√ « Corralito »
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
√ Émigrants
√ Erreur
√ Exclusion
√ « Expat »
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Les acteurs et leurs rôles
√ Exploitation
√ Harcèlement
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
√ « Lunch »
Allez donc vous poster, par un beau matin, à l’entrée d’une usine, et
observez ceux et celles qui en sortent, ou y entrent. Ont-ils quelque
chose en commun ? La réponse est affirmative : ils portent, pour la
plupart, une boîte à lunch.
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Les acteurs et leurs rôles
√ Métiers
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
√ Nuit
√ Peur
√ Prophète
3. Robert Piccamiglio, Chronique des années d’usine, Éditions Albin Michel, 1999.
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Les acteurs et leurs rôles
√ Rendement
Tous ceux qui exigent, de leurs employés ou de leurs collègues, un
rendement de 100 % (minimum !) devraient considérer que les
meilleurs des moteurs atteignent rarement 70 % et qu’ils ne s’en
plaignent point…
√ Saignée
Ceux qui ont choisi le mot « coupure » pour qualifier les réductions
de personnel ont choisi un mot dont la résonance est plutôt positive.
Ne réfléchirions-nous pas davantage avant de mettre en œuvre une
telle politique de réduction, d’attrition, si au lieu du mot «coupure»
il nous fallait employer le mot « saignée » ? Ce dernier mot serait
d’ailleurs plus approprié. À la fois parce que le personnel est vérita-
blement le fluide vital des entreprises, mais aussi parce que la
« saignée », jadis considérée comme un traitement propre à hâter la
guérison d’un malade, finissait par devenir la pratique qui l’achevait.
√ Supplémentaire
Rémunéré ou non, le temps supplémentaire doit-il être considéré
comme un devoir, un droit, un acquis, un avantage, un privilège, un
luxe, un vice, une nécessité, une exigence, une perversion, un style
de vie ? Ou comme tout cela à la fois ?
√ Sweatshop
De l’anglais sweat, sueur, et shop, atelier. Le dictionnaire Harrap’s
donne, pour la traduction française : « Atelier où les ouvriers sont
exploités.» Comment se fait-il donc, en cet âge moderne, que le mot
soit encore dans les dictionnaires ? Parce qu’il est nécessaire ?
Soulignons qu’il y a des gens qui ne suent point mais qui sont,
tout autant, exploités.
155
La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
√ Trombone
√ « Underdog »
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Les acteurs et leurs rôles
√ Usine
Cela est, encore, trop souvent vrai, surtout dans les petites
entreprises. Songeons à celles et ceux qui y travaillent, qui y vivent…
√ Ustensile
√ Voyage d’affaires
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Je n’ai voyagé à pied que dans mes beaux jours, et toujours avec délices.
Bientôt les devoirs, les affaires, un bagage à porter m’ont forcé de faire le
Monsieur et de prendre des voitures, les soucis rongeants, les embarras, la
gêne y sont montés avec moi, et dès lors, au lieu qu’auparavant dans mes
voyages je ne sentois que le plaisir d’aller, je n’ai plus senti que le besoin
d’arriver.
J.-J. Rousseau
√ « Workholic »
Adjectif anglais formé de work : travail, et d’alcoholic : alcoolique.
Utilisé pour qualifier tous ceux pour qui le travail est devenu une
véritable drogue dont ils ne peuvent se passer un seul instant.
Notons que les entreprises investissent bien plus d’argent et
d’efforts dans des campagnes contre le tabagisme que pour prévenir
cette terrible affection, et pour guérir ces (ô combien efficaces !)
« prisonniers du boulot » !
√ Zipf
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Le décor
Si tel est le cas, nous devons admettre que les faits vous donnent
souvent raison. Notre univers capitaliste est soumis aux rigueurs de
la froide raison, de la pure logique, du terrible intérêt, et, si parfois
des passions humaines l’agitent, elles ne sont traitées que comme
d’étranges entraves, de mystérieuses maladies dont il faut au plus
vite se libérer.
Un jour, après avoir aimé bien des hommes et bien des dieux, la
déesse Aphrodite tourna son regard vers les choses. Elle en
contempla des quantités innombrables, et finit par n’admirer que les
objets qui réalisaient parfaitement la fonction pour laquelle ils
avaient été conçus. Elle admira les épées qui conservent leur
tranchant, les javelots qui volent avec le vent, les instruments de
musique aux notes justes et les poteries qui n’altèrent point le goût
de la nourriture. Pleine de ce nouvel amour, elle décida d’engendrer
une fille qui veillerait sur la beauté et sur l’efficacité des choses.
C’est ainsi que la déesse Qualité vit le jour.
Elle règne désormais sur les échoppes et les ateliers, les usines
et les bureaux, les écoles et les hôpitaux, et règne aussi sur le cœur
et l’esprit des hommes. Tous en rêvent, tous l’invoquent et le prix
qu’on lui accorde est très grand. Les objets que l’on fabrique en
pensant à elle atteignent un incroyable degré de perfection et sont
désirés aux quatre coins de la terre. Les actions que l’on pose pour
lui faire plaisir apparaissent à tous comme justes et belles, et sont
suivies par les plus rebelles des technocrates. Il faut dire qu’ils n’ont
guère le choix, car, encore plus qu’Athéna aux yeux de chouette, la
déesse Qualité est l’image même de la vertu ; et qui oserait être
contre la vertu ?
160
Le décor
1. Les 5 S (en japonais : seiri, seiton, seiso, seiketsu, shitsuke) recouvrent des
concepts liés à l’ordre, à la propreté, à la discipline.
Les 5 zéros sont : zéro délai, zéro défaut, zéro panne, zéro stock, zéro
papier.
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
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Le décor
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
Client
Opération
Entretien
Services techniques
Services financiers
et ressources humaines
Direction
Un tel modèle vise à montrer que, dans une entreprise, il n’y a
pas de place pour un pouvoir discrétionnaire et arbitraire. Le
pouvoir ultime est détenu par ceux qui achètent les produits de
l’entreprise, et leurs « chargés de pouvoir » au sein même de cette
entreprise sont les opérateurs, c’est-à-dire ceux qui fabriquent ces
produits.
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Le décor
Politiques et pratiques
√ Anorexie
N’est-il pas quelque peu paradoxal que, pour rendre les entre-
prises grasses à souhait, la production doive être maigre au possible?
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
√ Balisage
166
Le décor
√ Différence
√ Évaluation
En 1995, après 23 années d’existence, l’Office américain d’évaluation
technologique (OTA, Office of Technology Assessment) fermait ses
portes2. Cette même année avait lieu le cinquième anniversaire de la
fondation de l’European Parliamentary Technology Assessment
(EPTA), sous la bannière duquel travaillent aujourd’hui huit organi-
sations de pays membres (le TAB allemand, l’OPECST français, le POST
du Royaume-Uni, etc.) et cinq organisations de pays associés.
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
√ Limites
L’humanité a voulu bâtir des ponts, et elle a bâti des ponts. Elle
a voulu édifier des cathédrales, et elle a édifié des cathédrales. Elle
a voulu construire des avions qui volent plus vite que le son, et elle
a construit de tels avions. Elle a rêvé d’envoyer un homme marcher
sur la Lune, et elle a réussi.
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Le décor
√ Mégalomanie
√ Migrations
Des groupes industriels déménagent leurs usines vers des pays dont
bien des ouvriers rêvent de venir dans les nôtres.
Renversant !
√ Prime
√ Recherche
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
√ Réingénierie
√ Schibboleth
170
Le décor
√ Tableau de bord
√ « Technophilosophie »
Plus joli (à notre avis) que l’expression « philosophie de la tech-
nique » (philosophie der technik) forgée en 1877 par Ernst Kapp, le
mot « technophilosophie » a été créé en 1979 par Mario Bunge,
professeur à l’Université McGill3.
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La technologie: une culture, des pratiques et des acteurs
qui lui sont propres ont-ils raison, ou tort ? S’ils ont raison,
qu’est-ce qui distingue les lois et les théories technologiques
des lois et des théories scientifiques ?
√ Verrou
√ Veille technologique
Savoir où s’arrêter ! Il y a tant de choses à connaître que nous ne
ferons plus de la veille, mais de l’insomnie !
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Épilogue
Le mot « technologisme »…
Quant à nous, nous avons fait notre travail, atteint l’objectif que
nous nous étions fixé. Nous avons pris position, suivant en cela un
conseil d’un vieil ami qui affirmait décider afin que…
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