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Dossier

actualité et
dossier en
santé publique

19
juin 1997

Géographie de la santé
Sommaire
II Un bilan XXI De l’observation
contrasté à la décision
II La santé observée : XXI La régulation régionale du
un premier bilan système de santé
VI Disparités départementales XXIII Politiques régionales et
de la mortalité prématurée systèmes d’information
X La santé dans XXVI Les petits hôpitaux et les
le Nord–Pas-de-Calais enjeux de restructuration
XII Santé, société, XXVIII Les inégalités de santé en
inégalités géographiques Grande-Bretagne et en
en France France
XVI Les indicateurs de santé XXXI Tribune
en milieux urbains et zones
XL Bibliographie
rurales aujourd’hui
Adresses utiles
XVIII Climat et santé

a publication du rapport de la Fnors sur À l’origine, la géographie de la santé s’est dé-

L « la santé observée dans les régions de


France », la large place faite aux don-
nées géographiques dans les rapports du Haut
veloppée dans deux directions. D’une part la
géographie des maladies qui étudie les inéga-
lités géographiques de répartition, d’incidence
Comité de la santé publique, comme la création et de prévalence des maladies ainsi que les fac-
d’institutions régionales, fournissent un contexte teurs de risque associés. Cette branche est très
favorable à la publication de ce dossier sur la proche par ses méthodes de l’épidémiologie et
géographie de la santé. s’est longtemps attachée à l’étude de la morta-
Qu’est ce que la géographie de la santé ? C’est lité en raison des données disponibles avec les
« l’analyse spatiale des disparités de santé des registres d’état-civil. D’autre part, la géographie
populations, de leurs comportements sanitaires des soins médicaux qui est l’étude de la répar-
et des facteurs de l’environnement (physique, tition dans l’espace des équipements et person-
biologique, social, économique, culturel) qui nels médicaux, des inégalités spatiales d’accès
concourent à expliquer ces inégalités » aux soins et de consommation médicale. La
(H. Picheral 1984). Ainsi exprimée, la géogra- synthèse de ces deux courants forme la géogra-
phie de la santé se rattache très clairement à la phie de la santé, qui cherche les spécificités de
géographie sociale, car l’un des objectifs est l’espace en rapprochant les indicateurs de
d’évaluer la justice sociale dans son aspect spa- santé, l’utilisation et la disponibilité des soins, le
tial : la justice territoriale. La démarche géogra- contexte social et économique, l’environnement
phique a été bien résumée par Fernand Brau- physique et climatique afin de caractériser ou
del « D’abord décrire, voir, faire voir… et dans de comparer des espaces ou zones géographi-
la mesure du possible, expliquer le divers » ques.
(L’identité de la France, Espace et Histoire) De l’observation des inégalités à la décision, telle

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est la ligne directrice qui a guidé ce dossier. Une
première partie s’attache à dresser un état des
lieux et permet de présenter la démarche géo-
graphique de façon concrète, avec un zoom sur
une région (le Nord–Pas-de-Calais) et sur les
inégalités urbain/rural. La question de l’échelle
d’analyse est en effet centrale et l’observation
Un bilan
ne peut pas se limiter au traditionnel découpage
administratif des régions et des départements.
Le géographe doit changer d’échelle en fonc-
contrasté
tion du problème posé, comme un photographe
change d’objectif. Ce premier volet aborde en-
fin un aspect de la relation entre santé et envi-
ronnement avec une contribution concernant le
climat et la santé. Le paysage sanitaire français est très
La deuxième partie du présent dossier montre
l’implication de la géographie dans les décisions
contrasté, tant en ce qui concerne l’état
locales. Planification régionale, schémas régio- de santé des populations que le
naux d’organisation sanitaire et sociale, ferme- dispositif d’offre de soins. La diversité
ture de petits hôpitaux : le paysage local change de ces situations s’explique par
dans ce domaine, et doit encore changer avec
les réformes en cours. Le rôle de la géographie
l’intervention simultanée de plusieurs
de la santé, et de la recherche en général est facteurs : caractéristiques socio-
d’apporter sur ces sujets un éclairage objectif démographiques, comportements,
qui puisse aider les décisions. Enfin quelques environnement physique…
tribunes apportent des réflexions complémen-
taires avec les points de vue de géographes
étrangers, ce qui permet de sortir d’un cadre
La santé observée dans
trop hexagonal. les régions de France :
Beaucoup de domaines sont abordés ici, mais
il n’est évidemment pas possible de couvrir l’en- un premier bilan
semble des travaux et développements d’une
discipline très riche. Nous n’avons pas voulu non
plus insister sur les méthodes qui se sont per- Un vaste travail a été mené par les 26 observatoi-
fectionnées tant sur le plan quantitatif (statisti- res régionaux de la santé (ORS) de France mé-
que) que cartographique, et qui sont promises tropolitaine et d’outre-mer, visant à produire dans
à un bel avenir avec la constitution de bases de chaque région un tableau de bord sur la santé, qui
fut partout publié en 1994 ou 1995. Ces docu-
données exhaustives par les principales admi-
ments, élaborés selon une méthode commune, ras-
nistrations. On peut simplement avant de con-
semblent un très grand nombre d’indicateurs de
clure parler des systèmes d’information géogra- santé, ce qui a tout naturellement conduit les ORS
phique (SIG) qui devraient bouleverser les et leur fédération nationale (Fnors) à entrepren-
techniques géographiques, comme cela a été dre des comparaisons entre régions.
le cas pour l’urbanisme ou même le marketing. C’est ainsi qu’est née « La santé observée
La géographie de la santé a une vocation pluri- dans les régions de France », synthèse nationale
disciplinaire, et apporte sa contribution avec des 26 tableaux de bord régionaux, publiée par
celles des économistes, épidémiologistes, so- la Fnors en 1997, et qui propose un premier
ciologues pour observer et analyser le système bilan des disparités régionales de santé.
de santé, et arriver finalement à connaître la so- Cette synthèse traite non seulement de nom-
breux aspects de l’état de santé de la popula-
ciété par l’espace.
François Tonnellier tion, mais aussi de certaines caractéristiques du

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contexte démographique et socio-économique rée montrent le même phénomène Nord-Sud,
ainsi que des principales caractéristiques de traduisant ainsi que la mortalité élevée dans la
l’offre de soins. partie nord du pays est en large partie due à des
Ici même, l’accent sera davantage mis sur décès avant 65 ans, dont une partie est évitable,
quelques exemples concernant les disparités en grâce à une modification des comportements ou
matière d’état de santé, pathologies les plus fré- à une meilleure prise en charge du système de
quentes ou facteurs de risque les plus importants, soins (voir l’article sur la mortalité prématurée
mais un bref rappel sera fait des disparités les et les cartes page VII).
plus marquées en matière d’offre de soins. Le schéma général observé de plus forte
mortalité au Nord qu’au Sud résulte de plu-
sieurs causes de décès qui suivent ce modèle.
Un schéma général connu pour la Cependant, d’autres causes de décès ou d’autres
mortalité, mais avec des différences situations à risque s’éloignent de ce schéma, et
pour certaines causes des disparités complètement différentes appa-
raissent très nettement.
Ce sont les données de mortalité qui sont le plus Si les maladies cardio-vasculaires, dans leur
souvent utilisées pour rendre compte des dis- ensemble, suivent le schéma général, des diver-
parités régionales de santé, faute de données sur gences s’observent entre les cardiopathies
la morbidité utilisables actuellement de façon ischémiques (infarctus pour la plupart) et les
identique et homogène dans toutes les régions. maladies cérébro-vasculaires. Les premières
Les résultats présentés ici sont faits en ter- font apparaître une opposition Nord-Sud (sur-
mes d’indices comparatifs de mortalité (ICM). mortalité de 27 % chez les hommes du Nord–
Le phénomène le plus connu en matière de Pas-de-Calais et sous-mortalité de 14 % chez
géographie de la mortalité, et qui ressort très ceux de Midi-Pyrénées) ; mais les secondes se
fortement au travers du rapport de la Fnors, est caractérisent par un quart sud-ouest du pays
ancien mais perdure : surmortalité dans les ré- plus touché, la surmortalité maximale restant néan-
gions du Nord de la France et sous-mortalité moins toujours le fait du Nord–Pas-de-Calais.
dans le Sud, aussi bien chez les hommes que Les départements d’outre-mer sont beaucoup
chez les femmes. moins touchés par les cardiopathies ischémi-
Ainsi, toutes causes de décès confondues, on ques (ils sont tous en sous-mortalité nette, sauf
observe par exemple que le Nord–Pas-de-Ca- la Réunion) que par les maladies cérébro-vas-
lais a une mortalité masculine supérieure de culaires pour lesquelles la sur-mortalité dépasse
25 % à la moyenne nationale de France métro- très largement celle du Nord–Pas-de-Calais.
politaine, alors qu’à l’opposé la région Midi-
Pyrénées présente une sous-mortalité de 11 %.
Il faut cependant ajouter que deux départements
Mortalité générale
d’outre-mer, la Guyane et la Réunion, présen-
tent une surmortalité supérieure à celle du Indices comparatifs de mortalité, 1988-1990 (France = 100)
Nord–Pas-de-Calais. Hommes
125 Femmes
117
La mortalité générale est de plus en plus le 111
108 102 111
reflet de la mortalité aux grands âges puisque la 103 102
moitié des décès surviennent après 80 ans. C’est 93 106 109 95 103
109
111 105
111 113
pourquoi, on utilise souvent la notion de « mor- 95 93 101 96 DOM 94 94 102
DOM
98
talité prématurée », qui ne prend en compte que 104
88 97
90 93 110
les décès survenant entre 1 et 64 ans. En effet, 99 106 129 137 99 102
95 96 144 128
hormis les décès avant un an, liés à des causes
96 97
bien spécifiques, les décès entre 1 et 64 ans peu-
89 92 95 95 97
vent être considérés comme prématurés puisque 97
101 105
l’espérance de vie (à la naissance) atteint 74 ans
chez les hommes et 82 ans chez les femmes en Sous-mortalité Surmortalité
1995. Les décès prématurés s’élèvent, en France, ICM significativement ICM non significativement ICM significativement
à environ 120 000 par an pendant la période inférieur à 100 différent de 100 supérieur à 100
1988-1990, soit 23 % des décès. Sources : Inserm, Insee. Exploitation : Fnors
Les cartes régionales de mortalité prématu-

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page III


Un bilan
contrasté

Les tumeurs, toutes localisations confon-


dues, suivent également le schéma général
Nord-Sud. Ces pathologies, ainsi que les fac-
Indices comparatifs de mortalité
teurs de risque associés (alcool, tabac) sont Les indices comparatifs de mortalité (ICM) permettent
abordés dans l’article d’Éric Jougla qui étudie de comparer la situation des régions en éliminant les
les données au niveau départemental. effets dus aux différences de la structure par âge des
D’autres causes de décès ne suivent pas la populations. L’ICM est le rapport, en pourcentage, du
répartition définie par une surmortalité au Nord nombre de décès observés au nombre de décès
et une sous-mortalité au Sud. attendus si les taux de mortalité pour chaque tranche
Un exemple frappant en est les décès par ac- d’âge avaient été identiques, dans chaque région, aux
cident de la circulation. En effet, les régions taux nationaux. La base est 100 en France pour les
Nord–Pas-de-Calais et Île-de-France sont très hommes et 100 pour les femmes. Un ICM égal à 100
épargnées dans ce domaine, avec une sous-mor- correspond à une mortalité globalement équivalente à
talité de –40 % par rapport à la moyenne na- celle de la France. Une valeur inférieure traduit une
tionale, suivies des régions Alsace et Lorraine sous-mortalité et une valeur supérieure une surmortalité,
(–10 %). En revanche, le Centre et la Bourgo- sous réserve des tests de significativité. Les ICM des
gne, ainsi que les régions du Sud sont en sur- hommes et des femmes ne peuvent pas être comparés
mortalité (+ 10 à + 30 %). La densité urbaine, les uns aux autres.
qui ralentit la circulation, explique une grande
part de la sous-mortalité. Une autre hypothèse
est avancée pour expliquer la situation du
Nord–Pas-de-Calais : le contexte national qui qu’en terme de mortalité : deux régions, Île-de-
entraîne un moindre équipement des habitants France et Provence–Alpes–Côte-d’Azur, sont
en automobiles ou deux-roues et un moindre de très loin les plus touchées, alors que les ré-
nombre de kilomètres parcourus par véhicule gions de la moitié nord sont plus épargnées, et
et par jour. notamment le Nord–Pas-de-Calais.
Les départements d’outre-mer présentent Il faut souligner le cas, parmi les départe-
une surmortalité par accident de la circulation, ments d’outre-mer, de la Guyane très touchée
à l’exception de la Martinique, en nette sous- par l’épidémie : le nombre de cas par million
mortalité. d’habitants est 2,6 fois plus élevé que celui
Le sida se caractérise également par une ré- d’Île-de-France. De même, en Guadeloupe et
partition géographique différente, aussi bien en Martinique, le taux atteint celui des régions
ce qui concerne le nombre de cas diagnostiqués métropolitaine les plus touchées.

Cardiopathies ischémiques (infarctus) Maladies cérébro-vasculaires


Indices comparatifs de mortalité, 1988-1990 (France = 100) Indices comparatifs de mortalité, 1988-1990 (France = 100)
Hommes Femmes Hommes Femmes
127 125 125 126
112 117 114
111 108 94 111 91
115 120 122 121 96 111 89 120
93 104 93 109 79 95 82 98
106 116 120 110
126 131 128 132
91 94 DOM 98 101 DOM 94 86 DOM 87 86 DOM
104 103 103 101 100 102 93 110 152
35 56 36 160
88 40 174 175
93 99 96
99 99 101 63 114 109 230 223 105 260 198
107 94 41 100 91 109 92 104 92
92 91 106 103
86 93 86 83 92 80 109 98 113 102 104
98
95 89 118 119

Sous-mortalité Surmortalité Sous-mortalité Surmortalité


ICM significativement ICM non significativement ICM significativement ICM significativement ICM non significativement ICM significativement
inférieur à 100 différent de 100 supérieur à 100 inférieur à 100 différent de 100 supérieur à 100
Sources : Inserm, Insee. Exploitation : Fnors Sources : Inserm, Insee. Exploitation : Fnors

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Pour l’offre de soins : des disparités graphique va dans le même sens, que ce soit les
différentes selon les types infirmiers, les kinésithérapeutes, les chirur-
d’équipements giens-dentistes, les orthophonistes ou les phar-
maciens.
Dans le domaine social et médico-social,
En matière d’offre de soins, les disparités géo- d’autres phénomènes apparaissent. Ainsi, les
graphiques observées varient beaucoup selon structures d’hébergement collectif pour person-
les types d’équipements, comme l’illustrent les nes âgées sont concentrées dans le Nord-Ouest
quelques exemples ci-après. et en Alsace, alors que tout le Sud-Est est net-
Dans le domaine strictement hospitalier, six tement moins équipé.
régions (Provence–Alpes–Côte-d’Azur, Corse, Outre-mer, les taux d’équipement sont beau-
Alsace, Lorraine, Île-de-France, Limousin) sont coup plus faibles (sauf en Guyane) en raison
plus équipées que les autres en lits d’hospitali- d’une tradition de solidarité encore très présente
sation de courte durée (médecine, chirurgie, gy- et un maintien à domicile, dans la famille, de
nécologie-obstétrique). Pour les soins de suite beaucoup de personnes âgées.
(rééducation, convalescence), ce sont d’autres La situation est très différente en ce qui con-
régions qui offrent un équipement en lits plus cerne les structures d’accueil pour personnes
élevé : le quart sud-ouest de la France, la Bre- handicapés enfants et adultes. Certaines régions
tagne et la Franche-Comté. disposent d’une capacité relativement impor-
Pour la médecine libérale, on connaît la ré- tante d’équipements spécialisés dans l’accueil
partition « centenaire » : fortes densités au Sud, des jeunes handicapés (établissement d’éduca-
faibles densités au Nord (exception faite de tion spéciale ou services à domicile) : 10 pla-
l’Île-de-France), aussi bien pour les médecins ces ou plus (pour 1 000 jeunes de moins de 20
généralistes que spécialistes. Ainsi, par exem- ans) en Midi-Pyrénées et dans le Limousin,
ple, les écarts vont du simple au triple pour les contre 5 places dans les régions les moins équi-
spécialistes libéraux : 46 en Picardie contre 136 pées (Île-de-France et Corse).
en Provence–Alpes–Côte-d’Azur. Les densités La répartition des structures d’accueil pour
dans les départements d’outre-mer sont faibles, les adultes handicapés présente une certaine
souvent inférieures aux plus basses densités de analogie. La carte des centres d’aide par le
métropole. travail fait apparaître des taux d’équipement
Cette situation déséquilibrée se trouve ren- maximum dans le Limousin et en Haute-Nor-
forcée par celle de tous les autres profession- mandie (400 places pour 100 000 personnes de
nels de santé libéraux dont la répartition géo- 20-59 ans), et des minimums en Île-de-France

Accidents de la circulation Cas de sida diagnostiqués Médecins libéraux généralistes


Indices comparatifs de mortalité, 1988-1990 (France = 100) Jusqu'au 31 décembre 1995 Au 1er janvier 1995
Hommes Femmes
64 66 162 114
98 123 95 129 289 231 99 94
102 89 106 103 299 216 99
60 116 68 121 1831 251 117 100 103
102 97 262 107
87 70 260 DOM 115
109 128 DOM 102 132 DOM 284 278 106 98 DOM
124 111 113 112 257 212 103 104
160
75 100 45 France 1828 1037 France 61
68
122 119 333 115
100 104
100 171 120 92 93 94 129 100 métropoli- 319
264
métropoli- 124 114
107 97 84
taine : 695 403 4798 273 taine : 115
120 129 711 124
113 141 111 123 122 92 578 654 137 144 150
1301
112 109 846
126
Sous-mortalité Surmortalité Nombre de cas par million d’habitants Nombre de médecins pour 100 000 habitants
ICM significativement ICM non significativement ICM significativement
Moins de 265 265 à 499 500 et plus Moins de 100 100 à 129 130 et plus
inférieur à 100 différent de 100 supérieur à 100
Sources : RNSP (données 1994 et 1995 redressées), Insee.
Sources : Inserm, Insee. Exploitation : Fnors Sources : Sesi, Insee. Exploitation : Fnors
Exploitation : Fnors

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page V


Un bilan
contrasté

et Corse. La situation est semblable pour les


structures d’accueil destinées aux adultes lour- Disparités
dement handicapés.
départementales de la
Vers des analyses infra-régionales et mortalité prématurée
transversales
• E. Michel, A. Le Toullec, en France (1992-1994)
L’hétérogénéité des disparités géographiques E. Jougla, F. Hatton. Les
en matière d’état de santé et d’offre de soins disparités régionales de la
ne permet pas de tracer des relations simples mortalité en France en 1990. Différentes études ont mis en évidence des dis-
entre les phénomènes observés. De nombreux Solidarité santé, 1993 ; 1. parités importantes dans la répartition géogra-
• Fnors. La santé observée dans
facteurs interviennent dans l’explication de phique des risques de décès en France. Ces
les régions de France. 1997.
cette diversité de situations : histoire locale, • La santé en France. Haut
analyses portent le plus souvent sur les écarts
environnement physique, comportements tra- Comité de la santé publique, observés au niveau régional. Pour illustrer sur
ditionnels ou nouveaux, caractéristiques socio- 1994. une période récente les caractéristiques de la
démographiques… • La santé en France 96. Haut distribution des causes de décès en France, nous
La poursuite des travaux passe par deux ty- Comité de la santé publique, présentons dans cet article des cartes de mor-
pes de développements : d’une part des analy- 1997. talité départementales concernant un certain
ses reposant sur des découpages géographiques nombre de pathologies importantes. Cette étude
infra-régionaux permettant d’éviter les décou- est menée en terme de risques de décès « pré-
pages prédéfinis, arbitraires en termes d’indi- maturés » (taux de décès avant 65 ans), indica-
cateurs sanitaires et sociaux comme dans teurs très opérationnels en terme de santé pu-
d’autres secteurs, et, d’autre part, des analyses blique. Les comparaisons avec les pays voisins
transversales permettant de faire ressortir les E. Jougla, A. Le Toullec mettent en évidence un net retard de la France
indicateurs les plus discriminants. Ces différen- Causes de la surmortalité en ce qui concerne le niveau général de cette
tes orientations devraient permettre d’affiner la prématurée en mortalité prématurée. Les disparités géographi-
connaissance de l’état de santé des populations France. Comparaison avec la ques sont présentées à sexe séparé car la distri-
situation en Angleterre-Pays
régionales pour mieux adapter les politiques de bution peut varier sensiblement pour un même
de Galles. Actualité et
santé aux besoins locaux, à l’heure où la région dossier en santé publique,
type de pathologies. Ont été sélectionnées des
devient l’unité géographique de référence pour 1996 ; 17 : 19-24. affections particulièrement sensibles en terme
les décisions en matière de santé. de santé publique (affections évitables soit par
Danièle Fontaine et le réseau des ORS des mesures de prévention, soit par l’amélio-

Médecins libéraux spécialistes Hébergement collectif pour personnes âgées Enfants handicapés en établissements ou
Au 1er janvier 1995 Au 31 décembre 1992 suivis à domicile (En 1993)

58 164 7,7

63 46 184 7,8 7,8


241
55 214 185 9,6 8,7 9,0
128 59 59 144 174 5,3
67 203 196 7,6
81 DOM DOM 8,4
60 67 229 165 8,3 8,3 DOM
65 55 183 147 7,4 9,9
40 45 76 France
France 41 France 0,3 9,8
62 163 9,3
métropoli- 68 métropoli- 143 métropoli- 10,0
64 69 42 173 186 164 72 9,1 1,4 4,9
taine : 87 81 taine : 167 taine : 7,8 7,6
100 161 9,8
104 106 136 147 129 121 12,9 7,8 6,5
67
90 5,1

Nombre de médecins pour 100 000 habitants Nombre de places pour 1000 personnes de 75 ans ou plus Nombre de jeunes en établissements ou suivis à domicile
pour 1000 jeunes de moins de 20 ans
Moins de 75 75 à 99 100 et plus Moins de 148 148 à 186 187 et plus Moins de 6,8 6,8 à 8,8 8,9 et plus
Sources : Sesi, Insee. Exploitation : Fnors Sources : Sesi, Insee. Exploitation : Fnors Sources : Sesi, Insee. Exploitation : Fnors

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page VI


ration du système de soins) : alcoolisme (psy- forte mortalité se situent dans la moitié nord du
choses alcooliques et cirrhoses), cancers des pays. Quel que soit le sexe, deux départements
voies aérodigestives supérieures (cancers des ressortent avec des taux particulièrement éle-
lèvres, de la cavité buccale, du pharynx, du la- vés : le Pas-de-Calais et le Nord auxquels
rynx et de l’oesophage), cancer du poumon, s’ajoutent pour les hommes le Finistère et pour
cardiopathies ischémiques, maladies cérébro- les femmes la Corse du Sud.
vasculaires, accidents de la circulation, sida et Un des déterminants importants des dispa-
suicide. rités géographiques du niveau général de la
Les données sont basées sur la statistique mortalité en France est la consommation d’al-
nationale des causes de décès élaborée annuel- cool. Malgré une tendance à la diminution dans
lement par le SC8 de l’Inserm. Les taux de dé- le temps, les taux de décès liés directement à
cès par département (domicile du décédé) ont l’alcoolisme (psychoses alcooliques et cirrho-
été calculés sur la base des populations moyen- ses du foie) restent particulièrement élevés.
nes annuelles départementales obtenues par C’est pour ce type de pathologies que la cou-
l’Insee. Pour disposer d’effectifs de décès suf- pure du pays en deux moitiés est la plus nette.
fisants, trois années ont été regroupées (1992, Ressortent avec des risques de décès extrême-
1993, 1994). Pour prendre en compte les diffé- ment élevés pour les hommes l’ensemble des
rences de structure d’âge par département, départements du nord de la France et de la Bre-
l’analyse est basée sur des taux de décès com- tagne (Pas-de-Calais, Nord, Finistère, Morbi-
paratifs (taux standardisés selon la structure han en particulier). Chez les femmes, les taux
d’âge type de la France entière en 1990). Les sont nettement moins élevés mais ce sont à
départements ont été classés selon cinq grou- nouveau le Pas-de Calais et le Nord qui ressor-
pes en fonction de l’écart de leurs taux compa- tent (suivis de l’Aisne et des Côtes d’Armor).
ratifs avec celui de la moyenne de la France La carte de la répartition géographique des
entière (taux supérieur de plus de 20 %, supé- cancers des voies aérodigestives supérieures
rieur de +10 à +20 %, entre +10 % et –10 %, met en évidence chez les hommes une forte cor-
inférieur de –10 à –20 %, inférieur à –20 %). rélation avec la distribution de l’alcoolisme.
Malgré une diminution avec le temps, les taux
restent très importants chez les hommes. Les
L’alcool : un déterminant important zones les plus touchées sont le Nord et la Bre-
tagne avec des taux particulièrement élevés
La carte des disparités de mortalité prématurée dans le Pas-de-Calais et le Nord. Pour les fem-
toutes causes indique que les départements de mes, la distribution géographique est sensible-

Centres d'aide par le travail pour Mortalité prématurée générale


adultes handicapés (au 31 décembre 1993) Personnes de moins de 65 ans, 1992-1994
Hommes Femmes
336

223 318
398
140 278 289
315
262 237
246 DOM
262 318
France 53 80
292
métropoli- 400
322 262 50 79
taine : 254
296
308 324 198
160

Nombre de présents pour 100 000 personnes de 20-59 ans Écart du taux de décès comparatif avec la moyenne de la France

Moins de 6,8 6,8 à 8,8 8,9 et plus < –20 % –20 % à –10 % –10 % à 10 % 10 % à 20 % > 20 %

Sources : Sesi, Insee. Exploitation : Fnors Sources : Inserm

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page VII


Un bilan
contrasté

ment différente : au département du Nord le et Aquitaine. Les départements les plus touchés
plus exposé, s’ajoutent la Moselle mais égale- sont, pour les hommes, Paris et les Alpes-Ma-
ment certains départements de la région pari- ritimes et pour les femmes, les Alpes-Mariti-
sienne (Seine–Saint-Denis) ainsi que le Terri- mes, la Seine–Saint-Denis et Paris.
toire de Belfort. Les disparités géographiques concernant le
La mortalité prématurée par cancer du pou- suicide doivent être considérées avec prudence
mon est également particulièrement élevée en du fait du manque d’information provenant des
France. De plus, l’évolution par rapport à instituts médico-légaux dans certaines régions, en
d’autres pays voisins n’est pas favorable et on particulier, la région parisienne, l’Alsace et Midi-
observe actuellement une forte augmentation de Pyrénées (c’est pourquoi les cartes ne figurent
ce type de cancer chez la femme. Pour le sexe pas). À partir des données existantes, on peut
masculin, les zones les plus touchées sont l’en- cependant confirmer certaines tendances : taux
semble des départements du nord (Nord et Pas- de suicide élevé en France, tendance actuelle à
de-Calais) et du nord-est (Meurthe-et-Moselle, l’augmentation chez les jeunes (après une di-
Vosges, Ardennes, Moselle, Haute-Marne, minution à la fin des années quatre-vingt-dix),
Marne) auxquelles s’ajoute le Finistère. Pour taux particulièrement élevés dans les régions du
les femmes la distribution diffère : les dépar- nord-ouest. Les départements les plus touchés
tements les plus atteints sont la Corse du Sud, sont chez les hommes : le Finistère, le Morbi-
les Alpes-de-Haute-Provence, Paris et la Meur- han, les Côtes d’Armor et chez les femmes les
the-et-Moselle. Côtes d’Armor, les Hautes-Alpes et la Sarthe.
Les causes de mortalité prématurée concer-
nant l’appareil circulatoire (cardiopathies
ischémiques, maladies cérébro-vasculaires) L’importance du recensement des
ainsi que les accidents de la circulation sont informations
abordés dans l’article de la Fnors sur la santé
observée dans les régions françaises. On peut Le but de cet article est essentiellement descrip-
juste souligner que pour l’appareil circulatoire, tif et permet de mettre à disposition certaines
la situation de la France est privilégiée et les informations concernant la distribution géogra-
risques en diminution constante. phique des risques de décès prématurés pour
La mortalité par sida particulièrement éle- des pathologies importantes. La fiabilité des
vée en France a une répartition extrêmement comparaisons géographiques effectuées dépend
spécifique avec quatre régions essentiellement de l’homogénéité et de la qualité des pratiques
atteintes : l’Île-de-France, Paca, Rhône-Alpes de certification et de codification des causes

Mortalité prématurée due à l’alcoolisme Mortalité prématurée due au cancer du poumon


Personnes de moins de 65 ans, 1992-1994 Personnes de moins de 65 ans, 1992-1994
Hommes Femmes Hommes Femmes

Écart du taux de décès comparatif avec la moyenne de la France Écart du taux de décès comparatif avec la moyenne de la France

< –20 % –20 % à –10 % –10 % à 10 % 10 % à 20 % > 20 % < –20 % –20 % à –10 % –10 % à 10 % 10 % à 20 % > 20 %

Sources : Inserm Sources : Inserm

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page VIII


médicales de décès entre zones. L’homogénéité tème de soins, caractéristiques socio-démogra-
de la certification est difficile à évaluer préci- phiques des populations, environnement, géné-
sément (expériences de certifications multiples tique… Ces déterminants sont eux-mêmes sou-
de cas cliniques types qui restent très « théori- • E. Jougla, P. Ducimetière, vent autocorrélés et l’évaluation du poids
M.-H. Bouvier-Colle,
ques »). L’amélioration de la qualité de la cer- F. Hatton. Relation entre le
spécifique d’un facteur particulier est très dif-
tification repose surtout sur les pratiques ré- niveau de développement du ficile à établir. Les études multivariées effec-
gulières de demandes de renseignements système de soins et le niveau tuées précédemment ont généralement été ba-
complémentaires en cas de certification problé- de la mortalité évitable selon sées sur des analyses « écologiques » portant
matique ainsi que sur les efforts d’informations les départements français. sur des données agrégées par zone. Elles con-
menés auprès des médecins sur l’importance, Rev Epidémiol Santé Publ cluent essentiellement au poids massif explica-
1987 ; 35 : 365-377.
d’un point de vue épidémiologique, de la qua- tif des caractéristiques socio-économiques des
• J.-P. Mackenbach,
lité de leurs déclarations. Notons que le support M.-H. Bouvier-Colle,
zones géographiques. Cependant ce type d’ana-
de cette certification est uniforme en France E. Jougla. Avoidable lyses reste encore très global, en particulier en
(certificat de décès conforme aux recomman- mortality and health services. ce qui concerne les variables prises en compte
dations internationales). Les biais les plus im- A review of aggregate data pour caractériser le système de soins (densités
portants résident sans doute dans le niveau de studies. J. Epidémiol. Com. médicales…). Il est intéressant à cet égard de
connaissances des morts violentes dans certai- Health 1990 ; 44 : 106-111. noter que, même si le poids des variables socio-
nes régions en raison du manque de données économiques est prépondérant, la hiérarchie des
obtenues des instituts médico-légaux (comme zones géographiques en fonction du niveau de
nous l’avons indiqué pour le suicide). Les dif- santé reste stable même après contrôle de ces
férences géographiques concernant la codifica- variables socio-économiques. Des études plus
tion peuvent être considérées comme négli- précises sont donc nécessaires et les analyses
geables dans la mesure où le processus de multivariates devraient pouvoir maintenant
codification est centralisé en France. prendre en compte des variables plus spécifi-
L’analyse des déterminants des disparités ques disponibles. Les découpages géographi-
géographiques n’est pas simple. Une première ques considérés doivent être également discu-
approche descriptive apporte un certain nom- S. Rican. La localisation de tés. A cet égard, il paraît important de distinguer
bre d’informations (par exemple, forte corré- problèmes sanitaires, entre le contexte « décisionnel », pour lequel les
quelques réflexions à partir
lation entre distribution de l’alcoolisme et mor- analyses départementales et régionales gardent
de l’étude des taux de
talité générale). Mais les déterminants possibles mortalité par tumeurs des tout leur intérêt, et l’approche « étiologique »
sont nombreux : pratiques de santé (alcoolisme, voies respiratoires où d’autres types de découpages peuvent être
tabagisme, nutrition, exercice physique…), (à paraître) envisagés.
fonctionnement et modalité de recours au sys- Éric Jougla, Évelyne Millereau, Alain Le Toullec

Mortalité prématurée due au cancer VADS Mortalité prématurée due au sida


Personnes de moins de 65 ans, 1992-1994 Personnes de moins de 65 ans, 1992-1994
Hommes Femmes Hommes Femmes

Écart du taux de décès comparatif avec la moyenne de la France Écart du taux de décès comparatif avec la moyenne de la France

< –20 % –20 % à –10 % –10 % à 10 % 10 % à 20 % > 20 % < –20 % –20 % à –10 % –10 % à 10 % 10 % à 20 % > 20 %

Sources : Inserm Sources : Inserm

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page IX


La santé dans le Nord–Pas-
Une approche géographique
Il pourrait sembler curieux, à aujourd’hui un grand enjeu de tres d’hygiène alimentaire et aujourd’hui encore difficile-
première vue de traiter, en ter- santé publique (38,5 % de d’alcoloogie (CHAA) reste ment expliquées comme l’ex-
mes géographiques, de la moins de 25 ans contre 34 % très en deçà de la moyenne trême surmortalité par can-
santé dans une région telle que en moyenne nationale et 28 % nationale, ou encore que les cers des voies aérodigestives
le Nord–Pas-de-Calais. Ce ter- dans le Limousin par exem- densités de pédiatres, gy- et de l’œsophage constatée
ritoire n’est-il pas surtout connu ple). Il n’y a toujours aucune nécologues obstétriciens dans la zone littorale.
des méridionaux ou des fran- « anormalité régionale » à ce sont nettement en deçà des Enfin, le « Bassin houiller »
ciliens au travers de ses carac- que la nature de la consom- moyennes françaises. apparaît comme l’un des sec-
téristiques sociales, écono- mation de boissons alcoo- La normalité et l’anormalité teurs où la crise sanitaire se
miques et démographiques liques soit, probablement, sont aussi, pour le géographe, manifeste avec le plus de
(forte population ouvrière, moins exceptionnelle qu’il n’y affaires d’échelles (c’est- force, tant en intensité (Icm
vieille tradition industrielle, crise paraît (30 litres de bière par an à-dire de dimensions d’espa- toutes causes de 122 et 135)
économique, familles nom- et par personne contre 15 li- ces pris comme référence). qu’au travers d’une remarqua-
breuses…) ? L’incompréhen- tres pour un Français) si, au Elles mettent en question les ble diversité (le tableau pré-
sion pourrait s’installer plus lieu de replacer cet ensemble différents échelons de la dé- senté ici ne rapportant qu’une
solidement si on limitait l’ana- territorial parmi les autres ré- cision collective. partie des causes de décès
lyse à la mise en relation de la gions françaises on s’aperçoit, donnant lieu au constat de
géographie à la notion de en regardant une autre carte, franches surmortalités locali-
distance. Dans un espace que le Nord–Pas-de-Calais re- Quels espaces dans une sées dans ce périmètre)1. Or,
aussi « plein », où les densités présente la terminaison occi- région ? ce secteur minier correspond
de population sont de trois fois dentale de l’Europe du nord- très précisément aux territoi-
supérieures à la moyenne na- ouest. Dans ce contexte, il est Les difficultés sanitaires que res les plus fortement affectés
tionale, l’éloignement spatial compréhensible que la nata- rencontre le Nord–Pas-de-Ca- par une déstabilisation sociale
des personnes vis-à-vis des lité y soit si élevée et que la lais sont tout à la fois multiples de grande ampleur et ce,
éléments du système de soins, bière prenne le pas sur le vin et bien connus. Toutefois, ces depuis le plus longtemps,
reste minime voire exception- dans les habitudes alimen- handicaps ne se localisent c’est-à-dire dès le début des
nel. Ici, le raisonnement géo- taires de la population. pas uniformément dans le ter- années soixante et que la sur-
graphique peut contribuer à À l’inverse, on saisit l’anoma- ritoire régional. En procédant mortalité affecte surtout les
dresser un état des lieux ; il est lie de la situation régionale à une partition simpliste de adultes en âge de travailler
en mesure de développer une lorsque l’on constate que la l’espace en quatre grandes (entre 25 et 64 ans).
synthèse et d’accompagner la consommation d’alcool y est zones (métropole, bassin Cette corrélation territoriale,
compréhension d’une région très anormalement élevée houiller, littoral, « reste » de la jointe à une « enquête de ter-
en pleine crise sanitaire. (alors même que la région région), les écarts que l’on rain »2 mettant en œuvre des
n’en produit quasiment pas), constate mettent en lumière techniques que le géographe
que la mortalité par cirrhose certains comportements con- est censé maîtriser, permet
Une région parmi du foie est presque deux fois formes aux processus identi- d’étayer la thèse d’une crise
d’autres espaces supérieure à la moyenne fran- fiés en France (surmortalité sanitaire régionale consécu-
çaise, et que, contrairement par suicide dans la zone tive à la profonde déstabilisa-
Une des particularités du rai- aux autres régions du nord de « reste » la plus rurale), mais tion sociale collective installée
sonnement géographique est la France, le nombre de cen- aussi des localisations depuis 35 ans. On comprend
de replacer l’espace en ques-
tion, ici le Nord–Pas-de-Calais,
par rapport à d’autres espa- Toutes causes Cardiopathies Cirrhoses Cancers Suicides
ces, de mêmes dimensions ou ischémiques alcooliques VADS
de tailles inégales, vis-à-vis Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes
desquels certaines relations, Métropole 109 117 118 127 217 149 146 169 104 112
nécessaires à une bonne Bassin Houiler 122 135 135 134 285 200 149 187 111 134
compréhension de la situation Littoral 114 126 117 127 195 183 158 204 106 117
régionale, peuvent apparaître. « Reste » 118 119 126 129 176 155 119 159 134 139
Ainsi on comprendra aisément Nord–Pas-de-Calais 117 125 126 130 171 225 141 177 115 127
qu’il n’y a aucune « anormalité
France 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100
régionale » à ce que les « jeu-
nes » représentent encore Source : Inserm, service commun n° 8, traitement ORS

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page X


-de-Calais

ment et plus encore collective-


La mortalité masculine Littoral
1988/1992
ICM non-significatifs ment, les populations ont pu
110
vivre et subir, semble être la
Indices comparatifs
de mortalité
Métropole 125 voie d’une meilleure apprécia-
(France =100) 140 tion des phénomènes locaux,
200 quelle que soit l’échelle rete-
nue.
Pour cela, il convient, en ex-
Bassin houiller ploitant les possibilités du rai-
sonnement géographique
d’analyser les caractéristiques
de l’environnement suscepti-
bles d’influencer les compor-
tements locaux, de suivre, sur
« Reste » le terrain, les évolutions en
cours et enfin, d’adapter sys-
Source : Inserm, Insee
tématiquement méthodes et
problématiques non seule-
Le chômage au ment au terrain mais aussi aux
Littoral
moment du 9,7 % attentes des instances
Moyenne
recensement de1990 11,9 % décisionnaires.
nationale
Métropole 14,1 % L’approche géographique,
Nombre de accompagnée, associée à
chômeurs d’autres méthodologies, peut
par rapport à la
population active
permettre d’adapter les ac-
tions, la politique de santé, au
Bassin houiller terrain local et régional.
Olivier Lacoste

1
O. Lacoste, L. Spinosi, L’état de la
« Reste » santé dans le Bassin houiller du Nord -
Pas-de-Calais. ORS Nord–Pas-de-Ca-
lais, Lille, 1996, 191 p.
O. Lacoste, Géopolitique de la santé, le
Source : Insee cas du Nord–Pas-de-Calais. Paris, La
Découverte, 1994, 395 p.
2
le poids de cette thèse qui a c’est-à-dire depuis 35 ans fectifs ouvriers demeurent On appelle « enquête de terrain », tous
les procédés d’entretiens directifs, semi-
de plus le mérite de ne pas synchroniquement à l’appari- surreprésentés comme elles directifs ou ouverts, la consultation de
laisser de place à un fatalisme tion du surchômage régional3. le sont aussi ailleurs, en Picar- multiples professionnels locaux (pro-
démotivant, en laissant penser Ce surchômage a affecté de- die, Haute-Normandie ou fessions médicales, élus, travailleurs
qu’il pourrait être « normal » puis lors préférentiellement le Franche-Comté. Mais la pré- sociaux, enseignants…) permettant de
recueillir sur place diverses pistes que
que l’état de santé soit aussi Bassin houiller. sence de cette population ne
l’on pourra éventuellement valider ou
régionalement dégradé. Il semble de plus en plus diffi- peut suffire si l’on entend com- réfuter totalement ou en partie à l’aide
Ainsi, lorsque l’on observe cile de rendre compte de l’état prendre les situations locales. d’indicateurs ou de la littérature dispo-
l’évolution de l’espérance de de santé régional en ne pré- Les familles ouvrières sont nibles.
vie il apparaît clairement, sentant exclusivement que aujourd’hui très minoritaires, 3
P. J. Thumerelle. La mortalité dans le
d’une part, que le Nord–Pas- quelques caractéristiques ré- mais il est certain que les com- Nord–Pas-de-Calais : un exemple de
la stabilité des modèles régionaux de
de-Calais a connu avant 1930 gionales statiques. Certes, le portements des personnes,
mortalité.In : Espaces, Populations,
des indicateurs bien plus favo- Nord–Pas-de-Calais reste un issues de milieu ouvrier en Sociétés, 1911-1, p. 55-72.
rables, et que, d’autre part, la espace où les professions et portent encore, pour combien 4
O. Schwartz. Le monde privé des
surmortalité des âges actifs catégories socioprofession- de temps (?), la marque4. ouvriers, hommes et femmes du Nord,
s’est installée depuis 1962, nelles défavorisées, où les ef- Retracer ce que, individuelle- Paris, PUF, 1990, 531 p.

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XI


Un bilan
contrasté

des inégalités régionales, quelque critère que


Santé, société, l’on retienne et à quelque échelle qu’on se si-
tue. Ainsi, à l’échelle départementale, les iné-
inégalités galités sont la règle et sont le plus souvent très
corrélées : l’agglomération parisienne et le
géographiques en Midi sont « surmédicalisés », le Nord et le
Nord-Est industriels mais aussi plusieurs dépar-
France tements ruraux du Centre et de l’Ouest appa-
raissent « sous-médicalisés ».
Il faut souligner que les inégalités départe-
Comme l’ont montrées les synthèses précé- mentales sont d’autant plus accusées que la
dentes, les inégalités géographiques de la mor- spécialité est rare. Les médecins généralistes
talité sont importantes, anciennes et relative- libéraux dont la densité pour 100 000 habitants
ment stables. À quoi attribuer ces écarts varie pourtant entre 63 et 132 sont les moins
considérables ? D’abord à l’inégale répartition mal répartis. En regard, la densité de spécialis-
des causes médicales de décès. La plupart des tes libéraux est comprise entre 50 et 380 mé-
grandes causes de décès offrent cependant des decins pour 100 000 habitants. Parmi eux les
contours géographiques proches de la morta- plus mal répartis sont les neuro-psychiatres (0
lité globale, notamment pour les principales à 13), les psychiatres (1,5 à 45), les stomatolo-
(ce qui arithmétiquement est assez logique) et gues (0 à 14). À l’inverse les moins mal répartis
il faut donc se demander ce qui pourrait agir sont les ophtalmologistes, les gastro-enté-
localement pour expliquer le niveau des états rologues, les ORL, les gynécologues-obstétri-
de santé au-delà des déterminants strictement ciens. Les professions paramédicales suivent le
médicaux. même schéma. Les dentistes et les masseurs-
Depuis une dizaine d’années on a cherché kinésithérapeutes sont moins concentrés que les
quelles pouvaient être ces raisons. Il n’est pas sages-femmes, les orthophonistes et les orthop-
possible, sur la base de données d’observation tistes ou même que les infirmiers et les labora-
comme des données géographiques, d’associer toires d’analyse.
corrélation et causalité. Toutefois, un certain En matière d’offre hospitalière on note éga-
nombre de facteurs peuvent être discernés et D. Noin, Y. Chauviré. La lement d’importants écarts en dépit d’indices
suspectés pour leur rôle probable de détermi- population de la France. pourtant applicables partout.
nants des états de santé. Ce sont : Paris : A. Colin, Masson, • La consommation médicale qui varie dans
• l’offre de soins qui présente de très gran- 1996 une large proportion et qui est peut-être à re-

Indice comparatif de mortalité Densités de médecins spécialisés libéraux Densités de chirurgiens-dentistes libéraux
Les deux sexes, zones d’emploi, 1990 Nombre pour 100 000 habitants, zones d’em- Nombre pour 100 000 habitants, zones
ploi, 1990 d’emploi, 1990

25,21 %
25,21 % 25,21%

Quartiles Quartiles Quartiles


95,37[ [95,37 ; 101,08[ [0 ; 36,93[ [36,93 ; 55,29[ 41,48[ [41,48 ; 49,88[
[101,08 ; 107,72[ [107,72 ; 133,52] [55,29 ; 74,07[ [74,07 ; 257,52] [49,88 ; 61,54[ [61,54 ; 129,95]

Source : Insee, Inserm, Geos/Credes Source : Credes, Cnamts Source : Credes, Cnamts

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XII


lier à des différences sociales et culturelles difficile à mesurer à l’échelle agrégée, le niveau
autant qu’avec la morbidité, présente de ma- d’études et de formation initiale semble déter-
nière fort originale des contours particuliers miner une attitude vis-à-vis de sa propre santé
selon le type de consommation que l’on ob- d’autant plus bienfaisante qu’il est élevé. En
serve. La consommation de soins de ville est témoignent, parmi les cadres, des consomma-
la plus élevée dans la région parisienne et dans tions beaucoup plus élevées que la moyenne de
le Midi, les soins de spécialistes apparaissent soins dentaires et de psychiatrie.
comme l’apanage des départements les plus • Les conditions de vie domestique et fami-
urbanisés. À l’inverse les populations du Nord liale enfin jouent évidemment dans le même
ont plus qu’ailleurs recours aux visites à domi- sens que les conditions économiques et socia-
cile, consomment en moyenne plus de médica- les à l’échelle des ménages. Mais au-delà, à
ments et ont plus largement recours à l’hospi- catégorie sociale comparable, le milieu et les
talisation publique. Globalement cependant il paysages géographiques où l’on vit méritent
est légitime, en raison de l’ampleur des écarts une attention particulière.
observés, d’opposer une France parisienne et Le rôle de ces différents déterminants peut
méridionale qui consomme beaucoup à une être globalement apprécié au travers des statis-
France septentrionale. tiques disponibles en provenance des services
• Parmi les déterminants non médicaux de du ministère de la Santé, des organismes d’as-
l’état de santé le niveau social et, plus encore, surance-maladie et de l’Insee qui permettent de
le niveau d’études et de formation initiale décrire ces domaines à l’aide de plusieurs cen-
apparaîssent comme des facteurs essentiels et taines de critères. Mais on peut regretter l’ab-
insuffisamment pris en compte par les politi- sence de données a priori déterminantes
ques de santé. Les plus favorisés et les plus di- comme les habitudes alimentaires par exemple.
plômés se déplacent plus volontiers chez le Les méthodes de l’analyse des données, ana-
médecin, généraliste et spécialiste, ainsi que lyse factorielle et classification automatique,
chez le dentiste. Les ouvriers appellent plutôt sont bien adaptées à la reconnaissance globale
le médecin en visite, consomment davantage de de ces associations. Toutefois il faut souligner
soins infirmiers et vont plutôt à l’hôpital public. que ces techniques, fondées sur des comparai-
Ceci est notamment à relier à l’intensité de la sons entre groupes (ici les populations dépar-
protection complémentaire d’autant plus élevée tementales) ne peuvent déboucher directement
que l’on est en moyenne plus favorisé, ce qui sur la reconnaissance de facteurs de risque.
concerne aussi de plus en plus les personnes Telle n’est pas leur prétention. En revanche,
âgées. Plus généralement, quoique ceci soit plus toujours dans une perspective médicale, ces

Dépenses de prescriptions généralistes de Proportion des « bac+2 » dans la population Part des demandeurs d'emploi non qualifiés
pharmacie (Francs par habitant et par an, zones de 15 ans ou plus (Zones d’emploi, 1990) dans les DEFM (Zones d’emploi, 31 décembre
d’emploi, 1990) 1992)

25,21 % 25,50 % 24,64 %

Quartiles Quartiles Quartiles


871,23[ [871,23 ; 1 017,21[ [0 % ; 5,35[ [5,35 ; 6,51[ 30,1 %[ [30,1 ; 37,0[
[1 017,21 ; 1 145,30[ [1 145,30 ; 1 702,24] [6,51 ; 8,09[ [8,09 ; 26,10 %] [37,0 ; 43,2[ [43,2 ; 58,8 %]

Source : Credes, Cnamts Source : Insee, Geos/Credes Source : Insee, Geos/Credes

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XIII


Un bilan
contrasté

études peuvent susciter des idées ou des hypo- • L. Lebart, S. Sandier, échelles — régions, départements, zones d’em-
thèses nouvelles : ainsi, l’étiologie des cancers F. Tonnellier. Aspects ploi, cantons — portent sur plus de 200 varia-
géographiques du système
doit beaucoup, à l’origine, à ce genre d’études bles soit 20 000 corrélations estimées. De nom-
de soins médicaux. Analyse
que ce soit pour le cancer de l’oesophage (avec des données breuses associations peuvent être soulignées
la consommation moyenne d’alcool par habi- départementales. entre critères et déterminants possibles des états
tant) ou pour celui du poumon (avec la consom- Consommation, n° 4,1974 de santé.
mation moyenne de cigarettes par habitant). • V. Lucas, F. Tonnellier,
Qui plus est, et cette fois dans une perspec- E. Vigneron. Structures
sociales, emploi et santé. Les corrélations d’ensemble
tive de santé publique, il est utile de distinguer
Credes/ GEOS, Univ.
des zones où se retrouvent associés de mauvais Montpellier III, 1997 (à
indicateurs de santé et telles ou telles variables paraître) À l’échelle nationale, l’espérance de vie fémi-
du contexte économique et social ; des zones nine est d’autant plus élevée que les personnes
qui se signalent par des besoins importants en âgées sont nombreuses, que les densités médi-
tel ou tel domaine de l’offre de soins, des zo- cales sont fortes, particulièrement en matière de
nes où tel problème de santé apparaît plus pres- soins spécialisés et paramédicaux, comme no-
sant qu’ailleurs : c’est ce que Henri Picheral a tamment les soins dentaires, de même que la
appelé des complexes socio-pathogènes. Il consommation de soins hospitaliers est élevée.
n’y a là aucune prétention de découverte On note aussi une forte association avec les
étiologique mais plus simplement volonté de proportions d’artisans-commercants et agricul-
servir à l’aménagement sanitaire du territoire. teurs et de forts niveaux de chômage féminin.
On peut à ce titre estimer que les procédures On retrouve ces mêmes associations en ce qui
régionalisées d’allocation des ressources de- concerne l’espérance de vie masculine, aug-
vront, pour avoir quelque chance de réussir, mentées de corrélations significatives avec les
prendre en compte ces complexes socio-patho- actes de laboratoire et de chirurgie. À l’inverse
gènes ou profils sanitaires régionaux. l’espérance de vie est d’autant plus faible que
Dans tous les cas, ces analyses statistiques les densités et la consommation médicales et
d’association de caractères donnent des résul- paramédicales sont faibles, à l’exception des vi-
tats qui n’ont de sens qu’en regard des données sites à domicile et du nombre d’actes généra-
disponibles (or toutes ne le sont pas, loin de là, listes. Au plan social on retrouve, associés à de
qui permettraient de couvrir la question), de faibles niveaux d’espérance de vie, l’impor-
l’échelle d’observation, de la métrique retenue tance relative des chômeurs masculins, des
pour mesurer les associations. Plus encore, il inactifs, des ouvriers et des personnes bénéfi-
faut toujours rappeller que les résultats de ces ciaires des aides sociales ou de l’aide médicale
études n’ont qu’un caractère probabiliste. gratuite, mais aussi des logements de cinq piè-
Plaide cependant en faveur de ces études un cer- ces et plus. On voit ainsi qu’il serait trop mani-
tain nombre de faits : les types régionaux re- chéen d’associer uniquement le monde ouvrier
connus, formés d’association de caractères for- à la forte mortalité.
ment de grand ensembles régionaux contigus, S’agissant de la mortalité infantile, on note
les études réalisées à d’autres échelles — par peu d’associations significatives sinon avec les
région ou par canton — révèlent des contours visites médicales à domicile, les actes généra-
comparables, ce qui est le signe de la solidité listes, les prescriptions pharmaceutiques, les
des associations observées, les analyses effec- décès féminins liés à l’alcoolisme et les entrées
tuées avec d’autres techniques mathématiques en moyen séjour.
montrent des structures comparables, autre si- Parmi les grandes causes de décès, à partir
gne de la réalité des associations observées. des indicateurs retenus, les associations suivan-
Enfin, dans de nombreux cas, le niveau des tes sont, par exemple, retrouvées :
corrélations traduit bien l’intensité des associa- • maladies liées à l’alcoolisme, chez les
tions, positives ou négatives. femmes : femmes et hommes jeunes, taux de
Quelles sont donc les associations de critè- natalité élevé, grands logements, revenu des
res que l’analyse retrouve entre l’état de santé, généralistes, nombres d’actes, pas de voiture ou
les indicateurs d’offre et de consommation de deux voitures et plus, ouvriers, logements très
soins et les données de contexte socio-écono- anciens ou très récents, aide sociale. Chez les
mique ? Ces questions ne sont cependant pas hommes, mêmes associations augmentées
nouvelles. Les études réalisées à différentes d’une distance élevée au pneumologue.

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XIV


• cancers du sein : natalité, logements loca-
tifs petits, PIB par ménage élevé, cadres, den-
Types sanitaires et sociaux régionaux

;;
;;;
sité de la population, secteur II, densités de spé-
cialistes.
• cancers de la trachée, des bronches et du

;;;
;;
poumon : chez les femmes, employés, petits
logements, cadres, locataires, sans voiture ou
deux voitures et plus, densités élevées de spé-
cialistes, PIB par ménage élevé. En revanche,
les mêmes cancers chez les hommes ne sont
significativement associés à aucune variable de
contexte, signe d’un fléau véritablement natio-
nal partagé partout… type
I
II
Les types régionaux
III
IV
Au plan géographique, les associations de cri-
tères sont suffisamment fortes pour révéler des V

;;
structures régionales distinctes. La carte ci-con- VI
tre témoigne de ces types originaux — huit au VIIa
total qui s’individualisent bien — par ordre de

;;
VIIb
problèmes croissant :
VIII
• type I, Paris. Dans toutes les classifica-
tions réalisées, Paris est toujours à part, signe
de la spécificité de la capitale par rapport au
« désert français » : de très fortes densités mé-
dicales et hospitalières, un niveau social élevé
mais pas de mortalité particulière s’agissant des
grandes causes de décès. • type VI, la France médiane : une popula-
• type II, le Midi urbanisé : une forte con- tion moins typée, plus jeune en moyenne, plus
sommation médicale et paramédicale, de for- composite, rurale ou ouvrière, avec une espé-
tes densités de spécialistes et de paramédicaux, rance de vie féminine mais aussi masculine éle-
peu d’ouvriers, peu de ruraux, des logements vée mais assez mal desservie médicalement.
récents, pas de mortalité particulière. • type VII, la France septentrionale de la
• type III, le Midi traditionnel et vieillis- surmortalité, souvent hospitalisée, pour partie
sant : une forte consommation médicale et in- urbaine et ouvrière au sein d’un monde rural
firmière, un population âgée, beaucoup de re- (sous-type VIIa), pour partie plus rurale et agri-
traités, beaucoup d’artisans et de chômeurs cole assez mal desservie par l’offre médicale
masculins, pas de mortalité particulière. (sous-type VIIb)
• type IV, la banlieue parisienne, « Bor- • type VIII, plus encore que les deux sous-
deaux », « Lyon-Grenoble », « Avignon » : types précédents cette classe — celle du Nord
beaucoup de cadres, de professions intermédiai- et du Pas-de-Calais — est d’abord caractérisée
res, d’employés, de locataires, un PIB par mé- par de mauvais niveaux de mortalité mais aussi
nage relativement élevé, de fortes densités de d’inactivité, de chômage et d’aide sociale. On
spécialistes, une mortalité marquée par l’impor- note également une forte proportion d’ouvriers.
tance des cancers féminins du poumon et du On retrouve là aussi des proportions plus éle-
sein. vées qu’ailleurs de grands logements et de
• type V, le monde rural des Centre et Sud- ménages possédant deux voitures et plus, une
Ouest : beaucoup de personnes âgées, un accès préférence pour les visites à domicile, l’impor-
aux soins difficile et des durées moyennes de E. Vigneron. Géographie et
tance des actes de généralistes et des prescrip-
séjours élevées, plus d’hospitalisation en statistique. Paris : Puf, tions pharmaceutiques.
moyen et en long séjour mais aussi une espé- collection Que sais-je ?,
rance de vie masculine élevée. n° 3177, 1997

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XV


Un bilan
contrasté

Conclusions
Les indicateurs de
La typologie obtenue met en évidence des « ré-
gions » sanitaires connaissant des problèmes santé en milieux
spécifiques. Ces contours géographiques pour-
raient constituer la trame d’un découpage in- urbains et zones
termédiaire entre le local et le national aux pro-
blèmes identiques. Ce découpage dans la rurales aujourd’hui
perspective affichée de promotion de la santé
sur tout le territoire national aurait surtout pour
avantage de créer des communautés d’intérêt Existe-t-il des différences d’état de santé et
sanitaire où se discuteraient des problèmes et d’accès aux soins entre milieu urbain et zones
s’échangeraient des expériences plus que ne rurales ? Avant de répondre à cette question, il
pourraient se définir des politiques. La connais- est nécessaire de préciser quelles définitions
sance et la prise en compte de ces profils ré- recouvrent ces formulations.
gionaux spécifiques dans le cours de
l’irremplacable relation médecin-malade serait
également bénéfique à tous, dans l’esprit des Le continuum urbain-rural
« topographies médicales » jadis enseignées à
la Faculté. La distinction urbain/rural est une division très
Il apparaît aussi clairement que les inégali- traditionnelle de la géographie. Elle peut sem-
tés géographiques sont au moins pour une large bler naturelle parce qu’elle oppose le vieux
part des inégalités sociales : de toute évidence monde « agricole » à la « jungle » des villes.
c’est à la résorption de celles-ci qu’il convient Cette séparation avait un sens dans une société
de s’attaquer en ciblant auprès des populations où l’activité agricole était importante et où le
concernées les actions de promotion et d’édu- périmètre des villes et de leurs banlieues était
cation pour la santé. Il apparaît également que restreint en raison des moyens de communica-
l’intensité de l’offre de soins compte peut-être tion. Aujourd’hui la rapidité des transports et
moins que la qualité de l’environnement le développement des infrastructures ont pro-
comme le montre la situation des régions rura- fondément changé le paysage. En suivant les
les du centre-ouest et des Midis. mots d’un humoriste, les villes se sont dévelop-
Il reste toutefois que les inégalités départe- pées à la campagne…
mentales ici présentées sont probablement par- En France, comme dans d’autres pays, une
tielles car envisagées sous l’angle de quelques commune rurale est par définition une com-
unes des seules grandes causes de décès seule- mune qui compte moins de 2 000 habitants. Au-
ment. De même, elles recouvrent d’autres iné- dessus de ce seuil, une commune appartient à
galités géographiques plus fines et peut-être en- V. Lucas, F. Tonnellier, une unité urbaine. En 1990, les unités urbaines
core plus criantes qu’une allocation régionale E. Vigneron. Structures représentaient 74 % de la population pour 15 %
des ressources ne peut négliger au profit d’une sociales, emploi et santé. du territoire, et les communes rurales comp-
dangereuse conception globalisante de l’espace Credes/ GEOS, Univ. taient 26 % de la population pour 85 % de la
Montpellier III, 1997 (à
régional. surface du territoire, ce qui donne donc une
paraître)
Emmanuel Vigneron première idée de la concentration urbaine à
partir d’une définition assez simple de « l’ur-
bain » . Notons que rural et agricole ne sont pas
synonymes : la définition donnée plus haut pour
les communes rurales ne fait aucune référence
à l’activité : dans les communes rurales, l’acti-
vité dominante était, en 1990, l’industrie !
Un seuil de population (quel qu’il soit) fixe
une limite arbitraire entre le milieu urbain et
l’espace rural. En réalité, il n’y a pas de rup-
ture franche mais un « continuum » avec des
zones intermédiaires entre les grandes agglo-
mérations urbaines et les communes à basses

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XVI


densités de population : les communes qui pré- deux ordres, les indicateurs d’accès aux soins
cisément s’urbanisent. L’Insee a appelé et les indicateurs de santé (plus précisément de
« rurbanisation » le phénomène qui fait que des mortalité).
communes anciennement rurales, situées à T. C. Rickets, L. A. Savitz,
proximité d’une grande ville, deviennent urbai- W. M. Gesler, D. N. Osborne.
Geographic methods for
nes dans leur composition de population. Dans les zones urbaines : les
Health services research. A
Notons enfin que le terme « la ville » est focus on the Rural-Urban généralistes sont concentrés au
aussi porteur de valeurs positives (la ville lu- Continuum. University Press centre des villes
mière, la cité radieuse) ou négatives (la cité of America, 1994
d’urgence, le bidonville, la ville dortoir). Jean- Les généralistes sont beaucoup plus nombreux
Paul Sartre a résumé cette ambivalence : « les au centre des villes (proportionnellement à la
cités ouvrières ne seront jamais de vraies vil- population) alors qu’ils représentent l’accès de
les ». Les espaces ruraux ont également un premier recours qui devrait être le plus égali-
mélange de valeurs positives (écologie, vie V. Lucas, F. Tonnellier. taire (voir la carte). Ceci contredit une idée re-
naturelle, tranquillité) et négatives (monotonie, Géographie de l’offre de çue selon laquelle les généralistes seraient équi-
soins : tendances et
manque de modernité et de culture). C’est tablement répartis dans l’espace. On peut
inégalités. Données sociales
d’ailleurs en référence à ces valeurs qui con- 1996, Insee objecter que cette répartition est fonctionnelle :
cernent la qualité de la vie que l’on sollicite les les généralistes sont installés dans les zones de
indicateurs de santé. Ces indicateurs sont de chalandise (comme beaucoup de services et
grands magasins) où les migrations quotidien-
nes sont nombreuses. Mais on constate de plus
que l’activité moyenne par généraliste est plus
Densités de généralistes en 1990 forte en banlieue qu’au centre (relation inverse
Paris et sa banlieue (villes de plus de 10 000 habitants) avec la densité). On observe aussi que la pro-
Nombre de généralistes pour 1 000 habitants duction est en moyenne plus élevée dans les
banlieues où il y a une forte proportion
10 000 h. 100 000 h. 200 000 h. d’ouvriers. Le fait que l’activité soit nettement
plus élevée dans les banlieues montre qu’il y a
un manque de médecins dans la périphérie des
grandes villes, en particulier dans les banlieues
ouvrières.
Tout ceci conduit à la conclusion que les
inégalités urbaines se manifestent aussi dans le
domaine de la santé, pour des indicateurs par-
ticulièrement simples. En outre, dans les zones
très urbanisées, les inégalités sont aussi impor-
tantes qu’au niveau national entre le Nord et le
Sud. On y rencontre les situations les plus fa-
vorisées comme les plus défavorisées (ceci est
également vrai pour les indicateurs de morta-
lité).

Des distances d’accès élevées dans


les zones rurales traditionnelles

L’Insee a défini comme communes rurales


« traditionnelles » les communes rurales situées
0,37–0,79 0,80–0,95 en dehors de l’attraction de grandes villes. Ces
communes sont caractérisées par de basses den-
0,96–1,13 1,14–1,36 1,37–4,90 sités de population, une activité à dominante
agricole, un déclin démographique qui est le
Sources Credes, Cnamts signe de l’exode rural. Pour ces communes, les
suite page XX

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XVII


Un aspect de l’environnement
Climat et santé
Depuis Hippocrate, l’homme la moyenne des dix années lequel agit moins comme fac-
attribue au climat une bonne précédentes. Quantité de per- teur causal que comme fac- Les rythmes
part de ses ennuis de santé. sonnes ont donc succombé, teur déclenchant.
De telles accusations ont long- non pas directement du froid, Une conséquence est que les
temps reposé sur la seule in- mais d’une pathologie que les infarctus, loin de se distribuer
tuition, mais de multiples tra- basses températures ont favo- au hasard, surviennent en sé- Tendances zonales
vaux confirment aujourd’hui risée. La maladie ne revêt plus ries et que leur incidence se
qu’à travers ses métamorpho- alors, comme précédemment, maintient rarement au même
ses de chaque jour, le temps un caractère inéluctable : seul taux tout au long de l’année :
qu’il fait joue un rôle dans la est affecté un petit nombre • Le monde polaire connaît
survenue de nombreuses ma- d’individus spécialement vul- une énorme culmination d’in-
ladies aiguës et dans l’évolu- nérables. En outre, le risque farctus en saison froide.
tion de diverses affections ne concerne plus une patho- • À mesure que l’on descend
chroniques. logie spécifique, car chacun en latitude, l’écart entre les
Le phénomène n’a guère be- réagit selon son point faible : saisons tend à se combler
soin d’être explicité en pré- lorsque le vent d’autan se dé- mais, si elles se rapprochent
sence de paroxysmes météo- chaîne sur Toulouse, l’asthma- de l’horizontale, les courbes
rologiques de grande ampleur. tique étouffe, le cardiaque fait n’en conservent pas moins un
Un organisme confronté à des une crise d’angine de poitrine, maximum unique, centré sur
conditions très agressives voit le déprimé se suicide. l’hiver. Pour la France entière,
ses défenses naturelles dé- le pic a une probabilité de
bordées et il s’ensuit d’inévita- 95 % de se produire entre le
bles manifestations patho- Infarctus et météo 27 janvier et le 17 mars, la date
logiques : mort de froid de médiane se situant le 23 fé-
l’explorateur polaire, coup de L’infarctus du myocarde cons- vrier.
chaleur du pèlerin à La Mec- titue l’archétype de ces affec- • Sur la rive nord de la Médi-
que, déshydratation aiguë du tions météorosensibles. La terranée, l’écart entre les
méhariste égaré au Sahara, tentation est grande d’en com- saisons redevient sensible,
asphyxie de l’alpiniste respi- parer la répartition spatiale à tandis que les régimes à maxi-
rant un air raréfié en oxy- celle du climat, mais la démar- mum unique reconnus jusque-
gène… che est vouée à l’échec. S’il là font place à des rythmes
Cependant, il s’agit là d’éven- s’avère qu’en France, Pro- dédoublés. Si le pic principal
tualités rares, cantonnées aux vence-Côte-d’Azur et Bas- est toujours localisé sur l’hiver,
marges de l’espace habité. Languedoc souffrent du plus un pic secondaire se dessine
Dans nos régions, la nature grand nombre de maladies en été, de plus en plus accen-
des risques change profondé- coronariennes, il serait ridicule tué vers le sud.
janvier juillet décembre
ment. Certes, chaque année d’incriminer le climat méditer- • Sur l’autre rive de la Méditer-
amène quelques décès par ranéen : le niveau de vieillisse- ranée, le dédoublement du
hypothermie, qui ne diffèrent ment de la population pèse maximum reste la règle, mais
guère de ceux observés au beaucoup plus lourd, au point la pointe estivale accède au
pôle, mais ces accidents ne qu’il suffit de neutraliser l’effet premier rang. ques permettent d’identifier
concernent que des effectifs de l’âge pour voir les deux ré- • Le Maghreb assure ainsi la des régions qui, à une date
infimes et frappent des sujets gions citées passer des 1er et transition avec les déserts donnée, exposent à des ris-
peu représentatifs de l’ensem- 2e aux 18e et 20e rangs des 21 subtropicaux, où l’on observe ques inégaux. Cela se vérifie
ble de la population (SDF). régions françaises, Corse un maximum unique de saison aussi à échelle fine. Dans le
Pour la France entière, on en exclue. Ailleurs jouent l’urba- chaude. Midi méditerranéen, les écarts
compte au plus une centaine nisation, les habitudes alimen- • Enfin le domaine équatorial, d’un jour à l’autre restent mi-
durant un hiver rigoureux. Or, taires, l’alcoolisme et le taba- où les maladies cardiaques nimes sur les riviéras abritées
toutes causes confondues, le gisme. Bref, la géographie ont une incidence réduite du des vents de secteur nord, si
nombre des décès de janvier des maladies cardiaques fait de la jeunesse de la popu- bien que les accidents car-
1985 (mois le plus froid de obéit au déterminisme de lation, réserve des régimes diaques s’y éparpillent sur de
l’actuel demi-siècle) a dé- l’âge et du mode de vie da- peu contrastés. longues périodes et que la
passé de 6 510 (soit 12,7 %) vantage qu’à celui du climat, Ainsi, les rythmes pathologi- courbe des données quoti-

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XVIII


ment des équipes de réani-
de l’infarctus du myocarde mation et des moyens de
transport sanitaire, diminution
Coupe nord–sud de l’Arctique à l’équateur du délai d’intervention qui con-
ditionne la survie des mala-
Variations régionales des). À Hong Kong, depuis
(Europe méditerranéenne) qu’en pneumologie les ta-
bleaux de service du person-
45˚ N
nel sont établis en fonction
du nombre prévu de crises
d’asthme, l’absentéisme des
infirmières a baissé de 16 % :
40-41˚ N
leur effectif étant à tout mo-
ment adapté aux besoins, el-
les sont moins stressées et il
36-37˚ N en résulte une meilleure qua-
lité des soins, doublée d’une
économie de 12, 5 %. En
janvier juillet décembre France, deux expériences
méritent d’être signalées.
L’une concerne le risque de
coup de chaleur chez les per-
Rôle de l’exposition sonnes âgées dans la basse
vallée du Rhône. L’autre
associe le SAMU de Paris et
Équateur
Riviéras Météo-France pour l’infarctus
abritées
du myocarde. Un message
d’alerte est lancé chaque fois
que l’on prévoit l’un des régi-
mes météorologiques recon-
nus à risque majeur. Le bilan
Secteurs établi au terme d’une année
exposés aux
vents forts de fonctionnement fait état de
0 100 km 76, 4 % de prévisions réussies
(calmes détectés ou alertes
justifiées), taux porté à 88 %
janvier juillet décembre
lorsque l’on prend également
en compte la pollution atmos-
phérique.
C’est en effet un trait com-
diennes y semble déjà lissée. température ou de l’humidité. dre pourquoi, à une date don- mun à la plupart des risques
À l’opposé, là où soufflent mis- À Paris, 59 % de tous les in- née, les risques se manifes- météoropathologiques que
tral et tramontane, les risques farctus se concentrent sur les tent en tel endroit plutôt qu’en d’être à la croisée de multiples
majeurs se groupent sur un 15, 5 % de journées où le vent tel autre. Mais, se voulant utile, influences : les répercussions
petit nombre de jours, ce qui souffle de l’Est ou du Sud. il souhaite aller au-delà et tirer de l’état de l’atmosphère sur la
se traduit par des courbes en de la prévision météorologi- santé sont potentialisées par
dents de scie. que classique une prévision l’action humaine, et modulées
À l’origine de ces recrudes- Prévision des risques pathologiques, à l’infini par la situation écono-
cences pathologiques, la va- météorologique et l’objectif étant bien entendu mique comme par les prati-
riabilité du temps sur la courte prévision des risques de contribuer à la prévention ques culturelles.
période et l’origine des mas- et d’optimiser la gestion des Jean-Pierre Besancenot
ses d’air jouent beaucoup plus La mission que s’assigne le services d’urgence (meilleure
que les valeurs absolues de la géographe est de compren- occupation des lits, renforce-

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XIX


Un bilan
contrasté

suite de la page XVII V. Lucas, F. Tonnellier. de l’espace entre groupes sociaux posent les
distances d’accès aux soins (généralistes Géographie de l’offre de questions de l’efficacité et de l’évaluation du
soins : tendances et
comme hôpitaux) sont élevées, alors que la système de soins.
inégalités. Données sociales
population comporte une proportion forte de 1996, Insee
personnes âgées. Ceci pose une question clas-
sique à l’aménagement du territoire qui doit Espérance de vie et urbanisation,
essayer de combattre ce processus de déserti- reflet de la composition sociale.
En utilisant le taux comparatif
fication. Mais pour la santé comme pour les de mortalité, qui est une
autres services, les solutions sont loin d’être moyenne des taux de Il reste la question principale concernant le
simples. mortalité pour chaque milieu urbain/rural : quelle influence sur la
tranche d’âge. santé ? On ne dispose que d’indicateurs de
mortalité pour répondre à cette question.
Inégalités d’accès et inégalités de • M.-H. Bouvier-Colle. Depuis longtemps, de nombreux travaux
La mortalité urbaine en
santé : disponibilité des soins et montrent que la mortalité est, en France, plus
France. Courrier du CNRS,
recours aux soins n° 81, 1994.
élevée en milieu rural qu’en milieu urbain. Plus
• H. Picheral. Géographie précisément, la mortalité épouse la hiérarchie
Dans l’accès aux soins, il est nécessaire de dis- dans l’ouvrage de G. Brucker urbaine car elle diminue lorsque la taille des
tinguer entre la disponibilité (présence du ser- et D. Fassin : Santé publique, agglomérations augmente. On constate que le
vice), l’accès effectif et l’accès efficace (utili- Ellipses 1989 degré d’urbanisation augmente les inégalités de
sation de soins appropriés). Tout ce qui précède mortalité entre classes sociales : les différences
concerne la disponibilité géographique des de mortalité entre manœuvres et cadres supé-
soins — avec l’idée implicite que la distance rieurs sont beaucoup plus marquées dans les
représente un frein ou un obstacle à une utili- H. Picheral. ibidem grandes agglomérations que dans les commu-
sation efficace du système de soins. nes rurales. Globalement, la moindre mortalité
Mais la distance n’a pas le même effet dis- en milieu urbain apparaît en partie comme une
suasif pour tout le monde : la possession d’un conséquence de la composition sociale plus
véhicule diminue le temps d’accès. La distance favorable des grandes agglomérations. Mais la
d’accès réellement parcourue varie fortement composition sociale n’explique pas tout, deux
selon le niveau d’instruction : 33 km pour les V. Lucas, F. Tonnellier. villes au profil identique (Béziers et Cambrai
hospitalisés ayant un niveau d’instruction su- ibidem. par exemple) ont des taux de mortalité (à âge
périeur au bac contre 23 km en moyenne. Ces égal) élevés pour celle qui est au Nord, et bas
différences existent quel que soit le degré d’ur- pour la cité du Midi. Les comportements face
banisation, ce qui est particulièrement remar- à la santé, les modes de vie, l’alimentation, des
quable dans les grandes villes où toutes les dis- différences culturelles sont des hypothèses qui
ciplines sont disponibles et où l’éloignement expliquent en partie ces variations. Mais la re-
n’est plus une difficulté. cherche reste ouverte…
Cette différence de comportement peut si- Pour les communes de plus de 20 000 habi-
gnifier une recherche de qualité des soins : les tants, on sait déjà que les écarts d’espérance de
catégories sociales de statut élevé recherche- vie dans la première couronne de l’Île-de
raient les services les plus spécialisés, les plus France sont aussi importants que pour l’ensem-
adaptés ou les plus renommés sans tenir compte ble de la France. Un autre champ de recherche
du déplacement. À l’opposé, les autres catégo- est aussi très prometteur : celui des inégalités
ries sociales utiliseraient les hôpitaux les plus infra urbaines, à l’échelle des quartiers. Aux
proches (mais peut-être pas la filière la plus États-Unis, pays où la ségrégation sociale de
efficace). l’espace est très marquée, les différences d’es-
Mais ces disparités sont peut-être sans rela- pérance de vie entre quartiers sont considéra-
tion avec l’état de santé et la recherche de spé- bles. C’est dans cette direction que devraient
cialistes de haut niveau, et peuvent résulter sim- se développer maintenant les études, en même
plement de pratiques spatiales différentes selon temps que l’analyse d’un nouveau découpage
les groupes sociaux. Les cadres sont plus mo- du territoire défini par l’Insee : le zonage en
biles, et cette mobilité se retrouve dans le re- aires urbaines. Ce concept apporte une nouvelle
cours aux soins ce qui souligne le rôle des mi- approche de la ville et de son espace périurbain
grations et de la mobilité dans l’accès aux autour de la notion de pôle urbain.
services. Les différences de pratique et d’usage Véronique Lucas, François Tonnellier

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XX


De l’observation
à la décision

Les indicateurs de santé étant fort variables d’une région à l’autre, les politiques
de santé doivent aboutir à une répartition optimale des ressources selon les
besoins de chaque région. Elles se traduisent par des démarches de planification
et de programmation qui nécessitent des besoins spécifiques d’information.

lonté de développer une nouvelle forme de ré-


La régulation régionale gulation. Il est significatif que le terme de pla-
nification ait été banni du langage administra-
du système de santé : tif et politique et remplacé par celui de schéma,
alors que dans le langage courant continue d’ap-
ni plan, ni marché peler planification ce qui devrait être nommé
autrement (schématisation ? régulation ?
conventionnement ?).
Notre système de santé est fragmenté et infla-
tionniste, il n’est donc pas étonnant que le
thème de la régulation apparaisse aussi fré- L’apport de la théorie de la régulation
quemment dans le discours des politiques économique dans la compréhension
comme dans celui des professionnels. La rai- des schémas de planification
son principale n’est pas, contrairement à ce que
l’on entend souvent, qu’il n’y a pas de politi- Dans le domaine économique, la régulation
que de santé en France, mais vient de l’absence consiste à mettre en œuvre les mécanismes qui
d’un mécanisme clair de régulation économi- assurent la compatibilité entre offre et demande
que de l’offre de services de santé. dans le respect des normes imposées par la dy-
Par exemple, la loi de 1970 avait institué un namique globale de croissance définie par la
mécanisme centralisé de maîtrise, la carte sani- collectivité. Trois concepts permettent de com-
taire, chargé de faciliter le développement du prendre la régulation du point de vue économi-
secteur public dans un premier temps et de le que : le marché et la concurrence, la planifica-
contenir dans un second. En revanche, la décen- tion, les conventions et contrats.
nie quatre-vingt est riche de développements sur Dans la régulation par le marché, les acteurs
les méthodes décentralisées de régulation, le plan sont d’une part des entreprises, d’autre part des
gérontologique départemental en 1982, le homo economicus. Une entreprise est une orga-
schéma d’organisation en santé mentale en 1987, nisation dont l’objectif est le profit ou revenu
enfin la loi hospitalière de 1991 qui a instauré maximum ou la conquête d’une part de marché
un schéma d’organisation sanitaire. maximale sur un produit ou un ensemble de pro-
Ce bref rappel historique confirme une vo- duits identifiables et sécables. Le consommateur

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XXI


De l’observation
à la décision

exerce sa demande pour ces produits en arbitrant qui limitera le nombre de nouveaux diplômés.
ses choix en fonction de ses préférences subjec- Parallèlement, la loi définit le service public
tives et d’un classement des utilités ressenties. hospitalier dont les principes sont l’accès pour
Dans le modèle de planification l’offreur est tous à des soins de qualité, le libre choix des
une institution et non une entreprise. Les carac- patients entre hôpital public et privé sur l’en-
téristiques de produit sont les mêmes que pré- semble du territoire. La répartition des ressour-
cédemment, mais le mobile n’est pas le profit ces sur le territoire se fait au moyen de la carte
ou le revenu. La détermination des demandes sanitaire. Des indicateurs de besoins doivent
procède de processus de concertation entre les permettre de réguler la demande de création de
producteurs et l’État, aboutissant à la détermi- services nouveaux en fonction des caractéris-
nation de besoins qualifiés de sociaux. Pour ce tiques de la population (âge, état de santé, re-
faire, il est nécessaire de disposer d’études sta- venu, etc.). Mais cette procédure, trop globale,
tistiques et épidémiologiques, censées révéler sera détournée de son sens pour devenir un outil
les « vrais » besoins et pas seulement la mor- de maîtrise de l’offre de soins.
bidité diagnostiquée. Depuis la loi hospitalière de 1991 jusqu’aux
La seconde différence majeure entre ces ordonnances de 1996, le législateur va s’efforcer
deux modes de régulation tient à l’importance de perfectionner ce dispositif de régulation en in-
accordée aux prix dans la coordination des ac- troduisant un schéma régional d’organisation sa-
tions entre les agents. La valeur accordée au nitaire qui sera la référence pour toute transfor-
produit permet de définir un prix d’équilibre où mation de l’hôpital. Il tentera aussi d’unifier les
les quantités demandées correspondent aux règles du jeu pour le secteur public et le secteur
quantités offertes et donc aux quantités échan- privé. La notion d’établissement de santé assure
gées. Ce prix permet d’atteindre un état où la cette unité, les obligations sont les mêmes pour
satisfaction des acteurs est maximale. Dans le tous : informer les malades, développer une poli-
modèle de la planification, l’ajustement se fait tique d’évaluation, remplir des « conditions tech-
d’abord principalement par le contrôle des niques » de fonctionnement (normes) pour certai-
quantités physiques (nombre de postes de pra- nes activités : procréation médicalement assistée,
ticiens hospitaliers, lits d’hospitalisation, scan- chirurgie cardiaque, suivre la même procédure
ner, etc.), le prix nécessaire pour la gestion et d’autorisation pour les installations en lits et pla-
le recouvrement des coûts est déterminé en ces, les équipements matériels lourds, les activi-
fonction d’objectifs économiques et sociaux tés de soins d’un coût élevé. La décision est prise
prédéfinis (par exemple favoriser le dévelop- par le directeur de l’Agence à partir du schéma
pement d’une hôpital assurant des urgences, régional d’organisation sanitaire (Sros) qui est une
rendre les soins de cancérologie accessibles). véritable étude de marché régionale et son annexe
La situation actuelle est caractérisée par la indique les créations, regroupements, transforma-
coexistence de ces modes de régulation, aux- tions ou suppressions d’installations ou d’activi-
quels viennent se superposer des mécanismes de tés à prévoir dans les établissements.
contractualisation, reposant en amont sur un en- Pendant cette période, le système des envelop-
semble de compromis, d’échanges permettant de pes s’étend progressivement à tous les secteurs.
définir les « conventions » qui permettront aux Depuis les ordonnances de 1996, l’enveloppe ré-
acteurs de fonder une coopération entre eux. gionale limitative est composée de quatre parties
distinctes : hôpital public et participant au service
public, cliniques privées, honoraires des généra-
La régulation régionale listes, honoraires des spécialistes. À l’hôpital pu-
du système de santé blic ce mode de régulation prend un second souf-
fle suite à la généralisation du programme de
Les méthodes de régulation du système de santé médicalisation des systèmes d’information
français se sont construites pendant deux pé- (PMSI) qui donne une statistique détaillée sur le
riodes. diagnostic posé en hôpital et les interventions réa-
Dans les années soixante-dix apparaît un lisées, l’indice synthétique d’activité (ISA) per-
modèle de régulation de la médecine libérale met de relier le budget d’un hôpital avec sa pro-
par une convention médicale qui fixe le mon- duction. L’acheteur public qui détermine les
tant des honoraires remboursés par la sécurité budgets peut comparer les performances des éta-
sociale et introduit l’idée d’un numerus clausus blissements comme sur un marché.

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XXII


L’analyse des deux décennies qui viennent d’un mécanisme de contractualisation généra-
de s’écouler ne permet donc pas de trancher sur lisé, les contrats reposant sur des conventions
le modèle économique de régulation du système de qualité, ou de rapport coût-qualité, ou d’ac-
de soins en France. Si l’on met de côté la régu- cessibilité sur un arrière fond régional d’orga-
lation du secteur libéral qui peut s’interpréter nisation des soins.
principalement par la théorie de l’agence, le Michel Frossard, Alain Jourdain
secteur de l’hôpital oscille entre une approche
par la concurrence et une approche par la pla-
nification.
Les Sros ne sont pas l’expression pure de la
concurrence ni la réalisation du projet parfaite- Politiques régionales et
ment rationnel d’une institution. D’où les désil-
lusions de ceux qui adoptent l’une ou l’autre de systèmes d’information
ces rationalités : les stratèges purs et les
épidémiologistes durs sont les déçus du système.
La planification par schémas doit être défi- Avec la réforme de l’État s’est engagé un mou-
nie comme une recherche d’optimalité résultant vement de déconcentration qui renforce consi-
de l’ensemble des contrats formalisés ou impli- dérablement le rôle de l’échelon régional dans
cites que passent les acteurs entre eux au plan la conception et la mise en œuvre des politiques
régional. Dans ce cadre, les critères d’effica- de santé. Ce mouvement s’est amplifié avec les
cité sont d’un autre ordre que ceux de l’analyse ordonnances relatives à la réforme hospitalière,
standard coût-efficacité. On peut en énoncer à la médecine ambulatoire et à la sécurité sociale
quelques-uns, sans prétendre à l’exhaustivité. d’avril 1996, qui instaurent dans chaque région :
Ils peuvent se rattacher aux travaux sur l’éco- • une agence régionale d’hospitalisation,
nomie des conventions. Ainsi, dans la lignée de associant étroitement l’État et l’assurance ma-
ce courant de pensée, le Sros peut être conçu ladie, chargée de « mettre en œuvre la politi-
comme un apprentissage collectif, reposant sur que régionale d’offre de soins hospitaliers »,
une meilleure connaissance réciproque des ac- • une conférence régionale de santé, rassem-
teurs, de leur activité, de leurs logiques, de leurs blant des représentants du monde sanitaire et
objectifs, qui se concrétise par le développe- social, administratifs, professionnels, usagers,
ment d’une communauté de pensée dans l’ap- chargée « d’établir les priorités de santé publi-
proche des questions. Les Sros de première que de la région qui peuvent faire l’objet de pro-
génération ont principalement joué ce rôle, leur grammes dont l’élaboration et la mise en œuvre
contenu en terme d’action stratégique concrète sont coordonnées par le préfet de région ».
s’avérant finalement restreint.
Cet apprentissage collectif des acteurs régio-
naux contribue à la régulation économique par
le développement de consensus sur : Statistique annuelle des établisse-
• la définition de filières ou de réseaux ; ments de santé (SAE)
• les prévisions d’allocation des ressources,
c’est-à-dire la diminution de la part des filiè- SAE concerne l’ensemble des établissements de santé, pu-
res de soins inadaptées ; blics et privés et structures gestionnaires d’équipements sou-
• les critères de qualité ; mis à autorisation. C’est une enquête nationale exhaustive,
• les progrès de productivité attendus au ni- annuelle, gérée au niveau régional. Elle comporte des infor-
veau individuel des professionnels résultant de mations sur l’équipement et l’activité, les personnels médicaux
l’activité de réseaux. et non médicaux et des données financières pour les établis-
Les expériences étrangères, elles aussi, in- sements conventionnés avec la Cram, ou à tarif d’autorité.
citent à retenir une approche composite de la Ces informations, à l’exception des données financières, sont
régulation : une allocation administrative des disponibles sous forme d’une fiche de synthèse éditable par
moyens, conciliable avec une seconde appro- établissement ou entité juridique, et au niveau du secteur sa-
che, incitative, privilégiant les mécanismes nitaire, du département, de la région, apportant au plan local
concurrentiels. L’Angleterre a introduit un une aide pour la planification, l’organisation des soins, l’allo-
mécanisme dit d’« internal market ». Malgré cation de ressources.
son nom, il ne s’agit pas d’un marché pur, mais

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XXIII


De l’observation
à la décision

Ainsi la mise en œuvre d’une politique de tion de longue durée — bénéficiaires d’alloca-
santé au niveau d’une région se traduit princi- tion pour les personnes handicapées.
palement par deux types de démarche engen- Ainsi, c’est un ensemble très diversifié de
drant des besoins spécifiques d’information : sources de données qui est sollicité : diversité
• schéma régional de l’organisation sani- par les objectifs allant de l’observation à l’aide
taire (Sros), créé par la loi hospitalière de 1991, à la décision, ou l’évaluation, par la méthodo-
principalement centré sur l’offre de soins hos- logie, recueil permanent ou enquêtes spécifi-
pitalière qu’il analyse dans son ensemble et vise ques, par l’hétérogénéité des classifications et
à restructurer ; il constitue un acte juridique, nomenclatures utilisées, enfin par la multipli-
opposable, et utilise un outil normatif, la carte cité des organismes producteurs : Inserm, Ined,
sanitaire, basée sur des indices de besoins. Il Sesi, observatoires régionaux de la santé, as-
nécessite des données précises concernant les surance maladie, Réseau national de santé pu-
caractéristiques de l’offre de soins tant pour le blique, collectivités locales, services de santé
public que pour le privé, mais aussi des don- scolaire, Creai, etc.
nées démographiques ; En matière d’offre :
• la programmation stratégique d’actions de • les systèmes nationaux de recueil des don-
santé (Psas) : prioritairement axée sur l’amélio- nées gérés par le Sesi, dont la plupart sont per-
ration de la santé de la population, généralement manents et exhaustifs, fournissent des données
centrée sur un seul thème (conduites d’alcoolisa- disponibles au plan régional sur l’offre ; ils ne
tion à risque, santé et précarité, périnatalité, can- reflètent qu’indirectement les besoins, notam-
cers, etc.) dans une dynamique préventive ; c’est ment dans le secteur médico-social et social car
une démarche contractuelle entre des partenaires les personnes accueillies en établissement pro-
d’horizons variés, impulsée et coordonnée par les viennent pour partie d’autres régions. Ils four-
services déconcentrés de l’État. nissent des données selon trois principaux axes :
Elle s’appuie sur une connaissance régionale – les moyens : le répertoire des établisse-
des problèmes de santé, mais aussi des déter- ments, équipements sanitaires et sociaux Finess
minants sociaux, environnementaux, sociologi- et le répertoire des professionnels de santé,
ques, économiques, en regard des ressources du Adeli, assurent l’identification des établisse-
dispositif de soins, notamment dans le secteur ments et professionnels pour l’ensemble des
ambulatoire. partenaires du secteur,
Dans ces deux démarches, Sros et Psas, des – la production, l’activité : la statistique an-
indicateurs du recours à l’offre tels que la con- nuelle des établissements de santé, SAE (voir
sommation de soins, de services, l’ouverture de encadré), et le PMSI en complément, l’enquête
droits à des prestations particulières, sont éga- Samu-Smur, l’enquête psychiatrie recensent
lement utiles pour une appréciation de la situa- l’activité et les personnels des établissements
tion régionale. de santé ; dans le secteur social et médico-so-
cial, l’enquête auprès des établissements d’hé-
bergement pour personnes âgées (EHPA) et
Des sources de données déjà l’enquête auprès des établissements pour en-
disponibles fants et adultes handicapés (ES) sont les prin-
cipales sources d’information,
En matière socio-démographique et d’état de – les ressources financières : le PMSI, l’en-
santé : quête sur les dotations globales hospitalières
• les statistiques nationales disponibles au apportent des informations au plan local, sur les
plan régional : données socio-démographiques établissements publics et participant au service
— mortalité — déclarations obligatoires de ma- public hospitalier (PSPH) ; sur les établisse-
ladies transmissibles — état de santé des en- ments publics, on dispose de plus de données
fants de deux ans, etc. Certaines enquêtes na- concernant les dépenses et les recettes par ré-
tionales apportent des données de cadrage, sans gion pour les opérations d’exploitation et d’in-
sorties régionales telles l’enquête décennale de vestissement ; les comptes de la santé fournis-
santé et l’enquête de morbidité hospitalière. sant des données nationales de cadrage ;
• des enquêtes ou sources de données régio- • les études et enquêtes menées ponctuelle-
nales : données du PMSI (voir encadré) sur la ment, principalement par les Drass pour les Sros,
morbidité hospitalière — admissions en affec- approfondissent des thèmes jugés prioritaires

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XXIV


localement, par exemple sur l’attractivité, les
urgences, l’offre spécialisée pour une patholo- Programme de médicalisation des
gie, etc. Certaines peuvent fournir des indications systèmes d’information (PMSI)
de portée générale sur la compréhension des
mécanismes explicatifs mais dans l’ensemble, Le PMSI repose sur le recueil systématique et le traitement
leurs résultats restent à caractère local. automatisé d’une information médico-administrative minimale
et standardisée ; les données collectées sont ensuite classées
en un nombre limité de groupes de séjours présentant une
Perspectives et évolutions similitude médicale et un coût voisin. Traitées et valorisées fi-
nancièrement au niveau de la Drass, elles constituent un ins-
En résumé, les acteurs locaux, ARH, conféren- trument pour fonder la réallocation des ressources affectées
ces régionales de santé, Drass et Ddass, Cram, aux établissements ; par ailleurs, des études complémentai-
collectivités territoriales, chacun pour ce qui les res peuvent être menées au plan régional à partir des don-
concerne, ont besoin : nées du PMSI : morbidité hospitalière, adéquation de l’offre et
• d’une vision synthétique des problèmes de de la demande à partir des caractéristiques des établissements
santé, intégrant des éléments de compréhension et de la clientèle.
sur les facteurs socio-démographiques et éco-
nomiques (bassin d’emploi, aménagement du
territoire, environnement) ;
• de critères pour repérer et analyser écarts, de la carte sanitaire, et base d’une remontée
adéquation, qualité, afin d’orienter et mettre en nationale standardisée ;
œuvre la politique régionale. • améliore le suivi des aspects financiers.
Simultanément au plan national, il est néces- Un projet d’information sur les données finan-
saire de disposer de données standardisées pour cières au niveau régional (et national) est en
procéder à des analyses comparatives entre ré- cours d’élaboration qui concerne tant les éta-
gions, dont dépendent les attributions d’enve- blissements publics et participants au service
loppes, dans une perspective de réduction des public hospitalier que les établissements privés
inégalités, d’optimisation du dispositif et déve- et le système ambulatoire.
loppement d’objectifs de santé. Par ailleurs, des outils nationaux rénovés
sont utilisés :
• la création d’une nomenclature commune
Mieux répondre aux besoins d’analyse des actes médicaux est à l’ordre du jour : réfé-
régionale rence commune entre secteur hospitalier et
ambulatoire, public et privé, elle apportera une
La création de nouveaux outils spécifiquement cohérence aux systèmes d’information et sim-
conçus au regard des nécessités d’information plifiera le travail des professionnels. Ultérieu-
en région : rement des objectifs d’épidémiologie pourront
• permet une synthèse régionale des don- éventuellement être adjoints lorsque se géné-
nées sanitaires et sociales. Les observatoires ré- ralisera le codage des actes ;
gionaux de la santé ont déjà, en publiant sur • l’harmonisation des fichiers de l’assurance
support papier des tableaux de bord régionaux, maladie avec ceux de l’État (Adeli) respectant
apporté une contribution importante notamment les identifiants Adeli, notamment afin de doter
sur la connaissance de l’état de santé. Afin de d’ici fin 1998 tout professionnel prescripteur
poursuivre dans le même sens, des banques de d’une carte de professionnel de santé, permet
données régionales sur support informatique une amélioration de la qualité de l’information
sont en voie de constitution, l’une en santé pu- sur les professionnels de santé.
blique, l’autre rassemblant des données socia-
les localisées, qui mettront à disposition des
acteurs locaux les données nécessaires à l’ana- L’affirmation des missions de l’État en
lyse des besoins ; matière de système d’information
• facilite le suivi de la carte sanitaire. Un
module utilisant les informations du répertoire Si l’État n’a pas vocation à produire toutes les
Finess est en cours de réalisation, qui permet- données en santé, il se doit de veiller à la cohé-
tra de connaître par région excédent et déficit rence des systèmes d’information en santé, à

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XXV


De l’observation
à la décision

leur accessibilité et à la qualité, la neutralité et analyse menée de 1994 à 1997 par trois cher-
l’homogénéité des informations. cheurs américain (sociologue de formation) et
De récentes dispositions confirment ces français (spécialistes de santé publique). Nous
orientations : partirons du cas concernant un petit centre hos-
• l’ordonnance du 24 avril 1996 instaure pitalier desservant une ville de 6 000 habitants
(art. L. 710.7) un système d’informations com- (Clamecy) située en milieu rural de la Nièvre,
mun à l’État et aux organismes d’assurance dont la maternité était menacée de fermeture.
maladie, sous le contrôle de l’État au plan na- Le devenir particulier de cette situation de crise
tional et des agences au plan régional ; va permettre d’éclairer la nature des politiques
• le nouveau schéma directeur du ministère de rationalisation du secteur sanitaire et leurs
chargé de la Santé et des Affaires sociales sou- liens avec l’amélioration de l’accès et de l’ef-
tient l’émergence du concept de systèmes d’in- ficacité des dispositifs sanitaires sous contrainte
formation en santé et leur développement en les financière. Nous en tirerons quelques pistes de
déclinant à deux niveaux complémentaires, un réflexion utiles pour penser le devenir des pe-
niveau local et régional, et un niveau national ; tites structures isolées.
• la circulaire du 27 janvier 1997 relative voir la rubrique législation &
aux missions des Drass et des Ddass insiste sur réglementation p. 28
le rôle pivot des Drass pour assurer un rôle Le cadre des événements
d’animateur et de fédérateur des systèmes d’in-
formation. En 1994, le centre hospitalier de Clamecy em-
Mission capitale pour les Drass, à l’heure où ployait 200 agents et comptait 240 lits tous sec-
se multiplient les acteurs dans le dispositif sa- teurs confondus, dont 60 de court séjour et 7
nitaire et social, et où s’ouvrent de nouvelles d’obstétrique. L’enveloppe budgétaire se mon-
perspectives à travers le réseau santé social, tait à 56,3 millions de francs dont 38,8 pour les
réseau fédérateur, véritable plateforme pour secteurs de court et moyen séjour, 3,6 millions
l’ensemble des applications du secteur sani- pour le long séjour et 13,9 millions pour la
taire, s’appuyant sur les standards Internet, et maison médicalisée. L’établissement ayant été
qui permettra l’accueil de partenaires indus- rénové en 1989, le plateau technique opératoire,
triels et de prestataires de services : à l’avenir, les salles d’accueil d’urgence ainsi que la ma-
un paysage considérablement modifié par les ternité étaient fonctionnels. Le centre hospita-
nouvelles technologies, et des mutations cultu- lier offrait une gamme de services de base pour
relles à anticiper. Direction régionale des la population de la ville (6 000 habitants) et de
Claudine Parayre affaires sanitaires et sociales son bassin d’attraction (25 000 habitants).
de Bourgogne. Carte
Sanitaire, Schéma Régional :
L’histoire débute en novembre 1993 avec
Urgences Chirurgie l’apparition de l’avant-projet du schéma de res-
Naissance, Drass, tructuration des services hospitaliers de la
Dijon, 10 novembre 1993. Bourgogne proposé par la Drass. La logique du
Les petits hôpitaux et schéma est fondée sur deux principes de base :
• l’existence et la proximité d’un établisse-
les enjeux de ment n’en garantissent pas la sécurité ;
• la population acceptera de se déplacer pour
restructuration se faire soigner ou accoucher. Il est donc pro-
posé la fermeture de la maternité et des urgen-
ces. Dès l’annonce de ces propositions, une
La nécessité de restructurer le parc hospitalier série de réactions se déclenchent en réponse à
et notamment les petits hôpitaux en milieu ru- ce qui est interprété comme présageant la fer-
ral s’impose à tous les pays développés. Cette meture de l’hôpital. Le point culminant est at-
restructuration entraîne parfois des réactions teint en février 1994 : un cortège de 1 500 ha-
d’incompréhension de la part du public, des S. Mick. Un Américain à bitants défile dans une « ville morte ». Le
notables et des élus sur le plan local, gênant les Clamecy : la fermeture des directeur nouvellement nommé, entame une
petits hôpitaux en France.
décideurs dans leur politique de rationalisation Cahiers de Sociologie et de
concertation avec les médecins de ville et de-
de l’offre. Pour mieux préciser les enjeux, en Démographie Médicales, mande une première étude qui conclut à la né-
termes de santé publique et d’aménagement du 36 (2) : 105-140, avril-juin cessité du maintien de l’hôpital mais selon un
territoire, nous résumerons les résultats d’une 1996. dispositif rénové. Il est proposé aux tutelles ré-

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XXVI


gionales de tester une organisation des prises Santé : accès et qualité
en charge de la grossesse, associant médecins L’accès aux soins peut s’analyser selon cinq
généralistes, la protection maternelle et infan- critères : accessibilité géographique (access),
tile, l’intersecteur de pédopsychiatrie et deux disponibilité des soins (availability), capacités
hôpitaux de référence, départemental (Nevers) financières individuelles (affordability),
et régional (Dijon). Le but affiché est d’expé- compatibilité avec l’attente des patients
Y. Bourgueil, M. Naiditch,
rimenter un dispositif favorisant l’adaptation du (acceptability), environnement adapté (accom-
Comment peuvent naître et
centre hospitalier aux besoins de sa population se développer de nouvelles
modation).
en s’appuyant sur des dispositifs innovants et pratiques coopératives en La fermeture des services hospitaliers en
impliquant une forte coopération entre l’ensem- périnatalité : le cas du milieu rural rend difficile l’obtention d’un équi-
ble des intervenants. réseau de santé du Haut- libre satisfaisant : si l’accès géographique est
Le réseau de suivi de grossesses centré sur Nivernais. La lettre d’Image, compromis, on sacrifie la disponibilité de soins,
l’arrondissement de Clamecy est le premier n° 9 ; juin 1996 surtout pour des personnes ne disposant pas des
élément du Réseau du Haut-Nivernais. Il com- moyens d’accès aux services éloignés. Inver-
prend deux sages-femmes de la PMI, dont l’une T. S. Nesbitt, E. H. Larson, sement les soins délivrés par les grands centres
est la « sage-femme réseau », vingt médecins R. A. Rosenblatt, L. G. Hart ne correspondent pas toujours ni aux attentes
généralistes, le personnel de la maternité, Access to Maternity Care in des patients et ni à un environnement conve-
l’équipe de l’intersecteur de pédopsychiatrie et Rural Washington : Its effect nable. Une restructuration défavorisant les pe-
les services de réanimation néonatale et de gy- on Neonatal Outcomes and tites structures n’est donc pas synonyme
Resource Use. American
nécologie obstétrique du centre hospitalier uni- Journal of Public Health,
d’avantages en terme d’accessibilité. Aux
versitaire de Dijon. Ces acteurs ont défini un January États-Unis, la fermeture des petites maternités
ensemble de règles communes de fonctionne- 1997, vol. 87, n° 1 dans les années quatre-vingt commencent à
ment (14 au total) constituant le « mode d’em- apporter leur cortège de mauvais résultats.
ploi du réseau », référence que peuvent s’op- Y. Charpak, I. Nicoulet, D. Broclain. En ce qui concerne la qualité des soins, la
poser les membres. L’objectif principal est La notion de masse critique en notion de « masse critique » est invoquée pour
« d’améliorer la qualité du suivi des grosses- rélation avec le système justifier certaines fermetures. Les recherches
ses en permettant à l’ensemble des femmes de d’organisation sanitaire. Gestions ont montré que lorsque ce type de seuil exis-
Hospitalières, 321 : 780-783, 1992
l’arrondissement d’avoir accès à un dispositif tait, il concernait surtout des procédures rare-
de proximité assurant un dépistage précoce des R. E. Schlenker, D. F. Hittle, ment réalisées aux sein des petits hôpitaux.
risques médicaux, sociaux et psychologiques, M. A. Hrincevich, M. M. Quant au chiffre de 300 accouchements par an,
et une prise en charge de la grossesse, de l’ac- Kaehny. Volume/Outcome il n’existe aucune étude permettant de l’étayer
couchement et de la période postnatale, pour la relationships in small rural scientifiquement. À l’inverse, de nombreux tra-
hospitals. Journal of Rural
mère et son enfant, adaptée aux risques qu’ils vaux montrent qu’un suivi de grossesse permet-
Health, 12 (5) : 295-409,
peuvent présenter ». Le dépistage précoce est 1996.
tant le repérage des femmes à haut risque et leur
assuré conjointement par le médecin traitant et transfert anténatal vers les centres bien équipés,
la sage-femme réseau. Cette dernière prend permet d’assurer aux femmes accouchant dans
contact avec la femme après la consultation de les petites structures, une qualité de soins au
déclaration de grossesse pour lui proposer de J. Wise. Routine prenancies moins égale à celle des grandes structures.
la rencontrer à domicile pour un bilan précoce do not need obstetrician
care. BMJ 314 (22) : 845
et l’orientation. Un dossier de suivi de grossesse 22 mars 1997
Financement
a été élaboré, détenu par la femme, il favorise Concernant les économies escomptées de la
la coordination entre les différents intervenants restructuration des établissements à faible ca-
et constitue l’un des supports permettant l’éva- pacité, aux États-Unis il a été montré que les
luation du réseau. économies d’échelle commençaient à partir de
75 lits pour les établissements de court séjour.
J. B. Christianson. Economic Comme bien des établissements, dits de petite
Les enjeux issues in the reduction of taille en France, dépassent ce seuil, si les ré-
rural hospital capacity : a
sultats de ces recherches s’appliquent aux éta-
research summary. Report to
Le cas du centre hospitalier de Clamecy sou- the National Center for blissements français, les gains à attendre de leur
lève des questions touchant aux logiques de Health Services Research. fermeture sont faibles ; d’autant que les coûts
restructuration du parc hospitalier en milieu Washington, DC : DHEW par lit des petits établissements ne semblent pas
rural, en regard de leur efficacité en termes de (Grant No. 1f R03-H5- plus élevés que ceux des grandes structures, no-
santé, de financement et du développement 033745-01) tamment les centres hospitaliers régionaux où
économique des espaces ruraux. suite page XXX

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XXVII


Les inégalités de santé en
Des approches géographiques
La géographie de la santé ques exemples concer- disponibles pour les cher- la propension à déclarer
en Grande-Bretagne, com- nant : les études statisti- cheurs à plusieurs niveaux une maladie chronique
me en France, concerne ques sur la mortalité et la et beaucoup d’études sont qu’au risque de décès.
l’étude de la variation dans morbidité et les études effectuées à l’échelle des Ceci souligne le fait que
l’espace des indicateurs de qualitatives sur l’effet du circonscriptions électorales des indices divers appor-
santé des populations, de milieu sur la perception de (population d’environ 5 000 tent des perspectives com-
l’accès aux services, de la la santé. personnes en moyenne). plémentaires à l’étude des
consommation de soins et Les indices comparatifs de inégalités de santé.
également des politiques mortalité les plus élevés se Cette variabilité de morta-
sanitaires 1 . Ces études Les études statistiques trouvent dans les zones ur- lité et morbidité en Grande-
sont effectuées à plusieurs sur la mortalité et la baines démunies avec une Bretagne, de même qu’en
échelles (régionales, loca- morbidité forte concentration de po- France, témoigne de la
les, à un niveau fin comme pulations pauvres. La plus complexité des facteurs ex-
les quartiers, mais aussi au L’étude des inégalités de faible mortalité se mani- plicatifs. L’environnement
moyen de comparaisons santé de la population se- feste chez les populations social et physique, les con-
internationales). Une ques- lon les zones géographi- des zones périurbaines et ditions de vie et le compor-
tion fondamentale concer- ques est très révélatrice rurales où les conditions de tement des individus dans
ne l’effet du milieu sur les des facteurs significatifs vie sont confortables. Il la population, comme le re-
processus socio-économi- pour la santé publique. En semble que dans des zo- cours aux soins intervien-
ques et environnementaux Grande-Bretagne et en nes rurales très isolées, la nent avec des poids divers.
qui produisent les inégali- France les chercheurs mortalité est plus élevée Une question qui se pose
tés de santé. s’appuient sur les données que dans les zones péri- pour les géographes con-
Les études en géographie de mortalité et morbidité urbaines privilégiées. cerne l’importance relative
de la santé sont souvent des populations des zones Des études diverses sont pour la santé des inégalités
conçues pour aider les dé- géographiques. Il est diffi- également faites sur la mor- socio-économiques au ni-
cisions de politique socio- cile de faire des comparai- bidité. Pour la plupart, ces veau individuel, par rapport
sanitaire. En Grande-Bre- sons directes des résultats données proviennent de à l’effet du milieu (qui con-
tagne, par exemple, les des études britanniques et l’enregistrement adminis- cerne toute la population
données géographiques françaises à cause, par tratif des maladies, ou d’en- d’une zone géographique).
sont utilisées pour l’allo- exemple, du fait que les in- quêtes auprès de la popu- La recherche s’appuyant
cation de ressources, la dices comparatifs de mor- lation. Depuis 1991, une sur le ‘multi-level modelling’
planification des services, talité sont calculés diffé- question est posée sur (l’analyse statistique multi
ou pour étudier l’évolution remment et qu’il y a des l’existence de maladies échelle de la variabilité de
des indicateurs de santé en différences de méthodes chroniques dans le recen- la santé) nous laisse penser
fonction des objectifs natio- pour classer les groupes sement de la population, et que les effets majeurs opè-
naux d’amélioration de la sociaux et les zones géo- il est donc possible d’étu- rent au niveau de la per-
santé. En France aussi, des graphiques2. dier la géographie de la sonne, mais que le milieu
recherches en géographie Néanmoins, les grandes li- morbidité pour tout le pays joue un rôle indépendant.
de la santé se préoccupent gnes de variabilité témoi- à une échelle fine. Les Pour les personnes défa-
de questions d’allocation gnent d’effets parallèles grandes lignes de la géo- vorisées par exemple, le
de ressources au niveau dans les deux pays. En graphie de la morbidité dé- risque pour la santé qui
régional et d’accès aux Grande-Bretagne, au ni- clarée de cette façon sui- résulte de la situation pré-
soins. Cette recherche est veau régional, la zone au vent celles de la mortalité, caire de l’individu est exa-
alimentée par des théories nord-ouest du pays est dé- mais on constate quelques cerbé par les conditions de
et des méthodes diverses. favorisée pour les indices différences. Par exemple, pauvreté dans sa zone ré-
Pour illustrer brièvement la comparatifs de mortalité. À les conditions socio-écono- sidentielle.
diversité des approches, la une échelle plus fine, les miques défavorables sont L’évolution de l’état de
discussion abordera quel- données de mortalité sont associées plus fortement à santé des populations au

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XXVIII


Grande-Bretagne et en France
diverses
cours du temps est le sujet facilité des transports mo- sance des risques pour la phiques sur les maladies
d’études effectuées par les dernes. Ceci est une bonne santé posés par l’environ- chroniques, et non plus
géographes en Grande- illustration de l’effet sur la nement et les interventions seulement sur la mortalité
Bretagne comme en France. santé de l’organisation so- en santé publique qui sont comme cela était le cas
Ces études sont également ciale de l’espace. nécessaires est aussi varia- auparavant.
effectuées à des échelles ble. De telles informations L’intérêt de la collaboration
diverses. Les analyses in- sont très utiles pour assurer franco-britannique paraît
ternationales de l’évolution Les études qualitatives une participation active de considérable pour élargir le
de la mortalité dans diffé- de la géographie de la la population dans les inter- champ de la recherche et
rents pays ont mis en cause santé ventions en santé publique. pour promouvoir l’échange
le modèle classique de la d’expertise aussi bien sur
transition épidémiologique. Les méthodes qualitatives les théories que sur les mé-
Ceci nous laisse penser sont aussi appliquées à la L’intérêt de la thodes dans le domaine de
que l’évolution de la santé recherche géographique. collaboration franco- la géographie de la santé.
des pays du monde est L’objet des telles études est britannique Sarah Curtis
plus complexe que ce que d’améliorer la compréhen-
l’on croyait auparavant. Les sion de la perception de la La discussion ci-dessus
différents pays suivent des santé et de l’accès aux s’appuie davantage sur
voies diverses dans l’évolu- soins des personnes ainsi la recherche britannique,
tion de santé de la popula- que l’effet du milieu sur la mais plusieurs exemples Références
tion en fonction du dévelop- santé vécue. La recherche de recherches françaises 1. Par exemple :
pement socio-économique, qualitative se fait, typique- en géographie de la santé • S. Curtis, A. Taket. Health and Socie-
ties : Changing Perspectives. Londres :
et il est difficile de prédire ment, par entretiens ou in- sont présentées dans d’au- Arnold, 1996
cette évolution à partir d’un terviews, avec des effectifs tres chapitres de cette pu- • V. Carstairs, R. Morris. Deprivation
seul modèle. peu nombreux. L’étude blication, ce qui témoigne and Health in Scotland. Aberdeen :
Aberdeen University Press, 1991
La diffusion des maladies peut porter soit sur le point de préoccupations similai- • K. Jones, G. Moon. Health, disease
infectieuses est aussi un de vue des patients, soit res en France. La question and society. Londres : Routledge, 1987
sujet de recherche géogra- sur celui des personnels des inégalités de santé et • A. Joseph, D. Phillips. Accessibility
and Utilization : Perspectives on Health
phique commun aux deux des services. Les méde- de l’allocation de ressour- Care Delivery. Londres : Harper and
pays. Les études classi- cins, les infirmières et les ces pour les services sani- Row, 1984
ques concernent les épidé- planificateurs ont parfois taires, par exemple, fait • M. Smallman-Raynor, A. Cliff, P.
Haggett. London International Atlas of
mies des maladies telles une connaissance partielle l’objet de travaux et de dé- AIDS. Oxford : Oxford University Press,
que la grippe et la rou- des conditions de vie dans bats pour les géographes 1992
geole. Plus récemment, un quartier, comme des be- des deux pays. Les systè- • J. Cornwell. Hard earned lives : ac-
counts of health and illness from East
une analyse a porté sur soins de la population. L’in- mes d’information disponi- London. Londres : Tavistock, 1984
l’évolution et la diffusion de térêt est une connaissance bles en Grande-Bretagne • J. Donovan. We don’t buy sickness, it
l’infection par HIV et du approfondie des percep- ont développé les analyses just comes. Aldershot : Gower, 1986
sida. Un élément significa- tions et du comportement, à une échelle plus fine 2. P. Aiach, R. Carr-Hill, S. Curtis, R.
Illsley. Les inégalités sociales de santé
tif qui ressort de ces études ce qui est nécessaire pour qu’en France. Cette recher- en France et en Grande-Bretagne. Pa-
est l’effet de la hiérarchie expliquer les inégalités de che a amélioré notre con- ris : Inserm, La Documentation Fran-
urbaine et des axes princi- santé. Par exemple, l’effica- naissance des différences çaise, 1988
paux de transport. Les ma- cité et l’accessibilité des intra-urbaines de santé de 3. par exemple :
• J. Cornwell. Hard earned lives : ac-
ladies infectieuses se pro- services ne sont pas per- la population. La question counts of health and illness from East
pagent rapidement entre çues de la même façon par concernant la morbidité qui London. Londres : Tavistock, 1984
les grandes villes, même les personnes appartenant figure7 maintenant dans le • J. Donovan. We don’t buy sickness, it
just comes. Aldershot : Gower, 1986
celles qui se trouvent éloi- aux différentes couches so- recensement de la popula-
• J. Eyles. The Geography of the Natio-
gnées, à cause des migra- ciales ou communautés tion britannique ouvre le nal Health. Londres : Croom Helm,
tions interurbaines et de la culturelles 3 . La connais- champ aux études géogra- 1987

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XXIX


De l’observation
à la décision

suite de la page XXVII modelant sa politique d’aménagement du ter-


se trouvent les services équipés des technolo- ritoire et sous contrainte budgétaire forte. Sup-
gies les plus coûteuses et où se posent des pro- primer les hôpitaux peut freiner une politique
blèmes d’efficience que les fermetures envisa- de développement des espaces ruraux ou semi-
gées ne résoudront pas. O. H. Davidson. Broken ruraux ; le risque pour certaines zones de de-
heartland : The rise of
On doit donc s’interroger sur les coûts d’un venir ce qu’on nomme aux États-Unis « des
America’s rural ghetto. New
système concentrant les ressources dans de très York : The Free Press, 1990 ghettos ruraux », désertés par les services pu-
grands établissements en comparaison avec un blics et les entreprises privées n’est pas négli-
système intégrant les petites structures à celles geable.
de plus grande taille. Il n’est pas utopique de croire que certaines
démarches utiles au système puisse naître d’ex-
Solidarité périmentations locales, et en particulier, pour
L’une des leçons les plus surprenantes du cas ce qui concerne la santé et le soin, de démar-
Clamecy se trouve dans la position centrale ches innovantes issues de petites structures. Des
qu’occupe le centre hospitalier comme symbole systèmes organisationnels d’un haut niveau de
d’une solidarité désirée par les citoyens. Les coordination peuvent s’y développer plus faci-
gens interrogés ont esquissé une sorte de théo- lement que dans de grands ensembles : les ré-
rie de la solidarité dont l’hôpital serait l’insti- seaux de soins, invoqués en France dans le do-
tution clé. Beaucoup craignaient que si l’hôpi- maine de la périnatalité peuvent s’y épanouir
tal était amputé de ses services d’urgences et avec succès, comme le démontre l’expérience
d’obstétrique, il finirait par ne rester que des de Clamecy. Son réseau peut être vu comme un
services de long séjour. Cela signifiait à leurs ensemble de personnes ayant développé des
yeux que la base technique de l’établissement liens plus étroits et des échanges plus nombreux
se dégradant, un processus irréversible menant notamment sous forme de textes et d’outils de
à une perte de la valeur symbolique de l’hôpi- coordination comme le dossier de suivi et les
tal s’engagerait. Une telle dégradation condui- réunions (en moyenne une par mois) où sont
rait à l’affaiblissement des autres institutions débattus les problèmes rencontrés. S’y construit
locales, par exemple le lycée et le centre cultu- une culture commune : ce maillage plus dense
rel. Le sentiment de sécurité s’affaiblirait : les guidé par la volonté d’anticiper et de mieux
familles avec des enfants, ou susceptibles d’en prévenir les situations à risque, est fondé sur
avoir, quitteraient la ville, suivis par ceux do- l’hypothèse que la sécurité offerte par les « ci-
tés d’une bonne formation. Peu à peu, la ville tadelles hospitalières » protégeant les femmes
se viderait de sa substance, n’y demeurant que (uniquement pour celles qui y accèdent !) peut
des gens âgés et/ou sans ressources. être « externalisée » de façon plus efficace.
C’est l’augmentation de l’interaction sociale
Emploi et économie du développement engendrée par le réseau qui permet l’action pré-
L’importance économique d’un petit hôpital ne coce, le dépistage et l’orientation en fonction
peut être sous-estimée : le centre hospitalier est M. Naiditch. C. Weill. du risque dont les premières évaluations ont
le premier employeur de la ville et son effet Transferts maternels et montré qu’ils étaient correctement gérés. Le
d’entraînement sur d’autres entreprises et le transferts d’enfants en dispositif étant conçu prioritairement pour gé-
France : pourquoi les
petit commerce est considérable. Les entrepri- pratiques évoluent-elles si
rer le risque majeur mais de fréquence faible
ses cherchant à s’implanter considèrent que la lentement. In 26es journées (5 %), le maintien de la maternité de Clamecy,
présence d’un établissement sanitaire est un de médecine périnatale, dans des conditions « hors normes », apparaît
atout et surtout la présence de la maternité et Arnette Blackwelle, 1996. justifié. À sa manière, le réseau contribue ainsi
d’un service d’urgence. Planifications sanitaire à une transformation des représentations pro-
et économique devraient être pensées simulta- fessionnelles et sociales touchant au champ de
nément. la périnatalité.
Plutôt que de considérer les petites structu-
res comme des éléments coûteux, vouées à dis-
Un triple défi paraître, mieux vaudrait les traiter comme des
atouts essentiels à la reconstruction d’un sys-
La France affronte trois exigences : restructu- tème de santé plus efficace.
rer un parc hospitalier pléthorique, en préser- Stephen S. Mick, Michel Naiditch et Yann Bourgueil
vant un accès à des soins de qualité tout en re-

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XXX


t ribune

Contrôle,
ambiocontrôle et santé

a relation entre la santé, le milieu auxquelles elles sont soumises2. Les per- sente la « complexité socioculturelle »
L et le mode de vie, qui est l’idée au
centre de la géographie de la santé, est
sonnes se trouvant au bas de l’échelle
socio-économique feraient face en
du milieu ; il correspond à des milieux
où on trouve une population d’origine
connue depuis fort longtemps : au VIe siè- général à de plus grandes exigences et de langue diverses, une proportion
cle avant notre ère, Alcméon de Crotonne environnementales (physiques et socia- relativement élevée de familles mono-
disait que la maladie « peut apparaître les) tout en disposant de moins de res- parentales, une population instruite,
dans certaines parties, comme le sang, la sources (matérielles, sociales, psycholo- une faible pratique religieuse… Ce type
moelle ou le cerveau ; mais ces parties giques). Citons quelques études dont les de milieu se retrouve dans les grandes
sont aussi parfois affectées par des cau- résultats pourraient trouver leur explica- villes, et particulièrement (suivant le
ses externes, comme certaines eaux, ou tion dans cette perspective. modèle urbain nord-américain) au cen-
un lieu particulier, de la fatigue, une con- À Porto-Rico, une étude regroupant tre de celles-ci. L’autre indice, plus
trainte ou une autre raison semblable. La les 100 municipios en trois grandes zo- classique, est lié au revenu, à l’emploi,
santé, c’est le mélange harmonieux des nes socio-économiques montre que la à la scolarisation ; il représente le « sta-
qualités »1. Plus spécifiquement, la rela- zone rurale traditionnelle, située dans tut socio-économique ». Le niveau de
tion entre la santé et le niveau socio- le centre montagneux et agricole de santé et de bien-être, tel qu’exprimé par
économique est reconnue depuis le XIIe l’île, qui est la plus pauvre, la moins une série d’indicateurs (santé physique
siècle2 ; elle a été confirmée par de nom- scolarisée, la moins équipée en infra- et santé mentale) est apparu comme
breuses études depuis, dans des milieux structures publiques, où la natalité est bien plus lié à la « complexité sociocul-
très divers et pour des maladies variées, la plus élevée, connaît une mortalité gé- turelle » (qui affecte négativement la
pour la morbidité comme pour la morta- nérale plus élevée que la partie très santé et s’accompagne d’un faible sup-
lité. aisée de la capitale San-Juan, mais net- port social, d’un taux élevé de consom-
tement plus faible que la zone de la mation de drogues) qu’au statut socio-
périphérie de l’île, pourtant mieux équi- économique4.
Relation entre santé et pée (égouts, aqueduc, économie diver- Une analyse des données de l’enquête
niveau socio-économique sifiée, population plus scolarisée, Santé-Québec suivante5 a conduit à des
meilleurs revenus, zone qui peut être résultats comparables ; en particulier, on
On observe le phénomène, mais on ne qualifiée, en un mot, de « en voie de a pu établir que les classes défavorisées
l’explique pas très bien, et il n’offre pas modernisation »3. des grandes villes (Montréal et Québec)
non plus une plateforme d’action bien Au Québec, dans une analyse des avaient un niveau de santé nettement in-
claire (comment, où agir dans le champ données de l’enquête générale de santé férieur à celui des classes urbaines plus
socio-économique, pour obtenir un ef- de 1987 menée par l’organisme « Santé aisées, mais aussi inférieur à celui de
fet sur la santé publique ?). Développant Québec », on a mis en rapport une sé- groupes de niveau socio-économique
la réflexion, on a fait l’hypothèse que rie d’indicateurs de santé avec deux également faible habitant les zones ru-
dans la relation entre la santé et le niveau grands indices (obtenus par analyse rales. Ces derniers se trouvaient dans
socio-économique, le facteur clef, sous- factorielle) mesurés dans les 32 dépar- une bien meilleure situation, tout en
jacent, serait le rapport entre les res- tements de santé communautaire (DSC) ayant moins recours au système de
sources des personnes et les exigences du Québec. Un premier indice repré- santé6.

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XXXI


tribune

La « complexité du milieu » : vie de la personne 7, 8. Les travaux de récentes le montrent, le système immu-
facteur interférant Rotter s’inscrivent dans la même veine. nitaire13) où ont lieu les phénomènes dé-
Rotter a créé le concept de locus du con- crits dans le paragraphe précédent), le
Qu’ont en commun les études citées ? trôle et une échelle permettant de l’éva- milieu, le groupe, la culture. Au plan de
Elles ne contredisent pas la relation éta- luer chez les individus ; cette échelle (I- l’action, ce modèle suggère quelques
blie entre le statut socio-économique et E scale) permet de classer les individus pistes ; les mots-clefs en seraient intégra-
le niveau de santé, mais elles font appa- selon qu’ils ont un locus du contrôle plus tion et support social, (auto-)contrôle,
raître un autre facteur, qui peut se conju- ou moins interne ou externe. Les indivi- ambiocontrôle et aussi responsabilisation
guer avec le statut socio-économique, dus dont le locus est interne ont tendance des personnes face à leur santé. Voilà
mais n’y est pas corrélé, déterminant le à croire qu’ils peuvent orienter leur des- peut-être des jalons incontournables.
niveau de santé observé dans les zones à tinée, que leurs actions ont un effet déci-
l’étude. Nous avançons le concept de sif sur le cours de leur vie, alors qu’un Références
« complexité » du milieu, qui s’oppose- locus externe caractérise les personnes 1. R. Dubos. Man Adapting. New Haven : Yale Uni-
rait à l’intégration sociale et au sentiment qui ont plutôt le sentiment que d’autres versity Press, 1965.
2. G. A. Kaplan, M. N. Haan, S. L. Syme, M. Minkler,
de support social des individus, ainsi qu’à personnes ou des événements détermi- M. Winkleby. Socioeconomic Status and Health. In :
la santé. Notons, par ailleurs, que le mo- nent le cours de leur vie. Or de nombreu- R. W. Amler, H.B. Dull. Closing the Gap. The Burden
dèle duel de Kaplan et col., mettant en ses études ont montré qu’il y a un rapport of Unnecessary Illness. New-York, Oxford : Oxford
rapport exigences et ressources, apparaît entre le locus du contrôle et la santé, par- University Press, 1987.
aussi confirmé : ainsi, dans le dernier ticulièrement la santé mentale (anxiété, 3. L. Loslier. Disparités socio-spatiales de mortalité à
Porto-Rico. Revue canadienne d’études du développe-
exemple donné, si on limite l’observation dépression)11, 12. L’absence de contrôle ment, vol. VIII, n° 1, 1987, p. 117-132.
au milieu métropolitain, une corrélation mène à la confusion et à l’impossibilité 4. L. Loslier. Ambiocontrol as a Primary Factor of
simple apparaît entre les niveaux socio- d’action. Ce genre d’observation est éga- Health. Social Science and Medicine, vol. 37, n° 6,
économique et de santé. Si on étend l’ob- lement à la base de la théorie du learned 1993, p. 735-743.
5. L. Loslier. Ambiostasie, ambiocontrôle, ambiosys-
servation à d’autres milieux, cependant helplessness de Seligman9 et du LHS tème : un modèle pour l’analyse de la relation santé /
(rural, moins « complexe », donc où (learned helplessness syndrome)10 — ce environnement. Application au Québec. Le géographe
change le rapport « exigence environ- que l’on pourrait traduire par « syndrome canadien, 39, n° 3, 1995, p. 235-251.
nementale / ressources »), la corrélation d’incapacité acquise » (SIA). Ces études 6. R. Pampalon, L. Loslier, G. Raymond, P. Proven-
simple disparaît… On voit le relatif de la montrent que les personnes qui sont gé- cher. Variations géographiques de la santé, Rapport de
l’Enquête sociale et de santé 1992-1993, volume 3,
relation entre la santé et le milieu. néralement pessimistes et sentent qu’el- Montréal : ministère de la Santé et des Services so-
Plusieurs théories ou modèles récents les ont peu de prise sur leur vie ont da- ciaux, Gouvernement du Québec, 1995.
convergent vers une explication du rap- vantage tendance à négliger leur santé et 7. A. Antonovsky. Health, Stress and Coping, San-
port d’opposition « complexité / santé. » sont de moins en moins aptes à avoir des Francisco : Jossey-Bass, 1979.
8. A. Antonovsky. The Sense of Coherence as a Deter-
Dans des travaux ayant porté entre autres comportements salutaires. Plus elles ont minant of Health. In : J. D. Matarazzo et al. Behavioral
sur des survivantes de camps de concen- de responsabilités face à elles-mêmes, Health. New York : John Wiley, 1987.
tration nazis, sur des groupes de femmes plus elles deviennent anxieuses et inca- 9. M. E. P. Seligman et al. The alleviation of learned
de différentes origines ethniques en Is- pables d’agir. L’idée qui se dégage, fina- helplessness in the dog. Journal of Abnormal Psycho-
raël, Aaron Antovowsky a étudié l’effet lement, c’est celle de la relation entre le logy, 1968, 78 (16) : 256-262.
10. M. L. Laudenslager et al. Coping and Immunode-
de différents stresseurs sur la santé des degré de contrôle des individus sur le pression : Inescapable Not Escapable Schock Suppres-
sujets. Il a observé que cet effet variait cours et le milieu de leur vie et leur santé, ses Lymphocyte Proliferation. Sciences. 1983, 221, p.
d’abord suivant la représentation du d’où la proposition que nous avons faite 568-570.
monde que se faisait le sujet, suivant sa des concepts d’ambiocontrôle et d’am- 11. B. Lowery et al. Relationship of Locus of Control
to Preoperative Anxiety. Psychological Reports, 1975,
manière de percevoir stimuli et exigen- biostasie comme déterminant et condition 37, p. 1115-1121.
ces lui parvenant du milieu. Ces obser- de la santé5. 12. V. A. Benassi et al. Is there a Relation Between
vations sont à la base de ce qu’il a appelé Locus of Control Orientation and Depression ? Journal
le « sentiment de cohérence » (Sense of of Abnormal Psychology, 1988, 97 (3) : 357-367.
Coherence, SOC), qui se définit essen- Un modèle intégrant l’individu, le 13. M. Anspach, F. Varela. Le système immunitaire :
un « soi » cognitif autonome. In : D. Andler. Introduc-
tiellement par la conviction du sujet que milieu, le groupe et la culture tion aux sciences cognitives. Paris : Gallimard, 514 p.
ses « environnements interne et externe »
ont un sens et une évolution prévisible. Le modèle exposé tente de dépasser l’ob-
Si le SOC est rompu, le monde apparaît servation du rapport entre le statut socio-
inorganisé, les actions à entreprendre ne économique et la santé en proposant une
sont plus claires, finalement, on arrive au hypothèse qui intègre l’individu (et sa Luc Loslier
conflit et à la confusion, ce qui peut avoir partie la plus centrale : le système ner- Professeur, Université du Québec,
des effets majeurs sur la santé et sur la veux, ainsi que, comme les recherches Montréal

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XXXII


Allocation régionale des
ressources et réduction des
inégalités en santé
es ordonnances de 1996 prévoient • dès lors, ne peut-on établir un lien il convient de repérer l’ensemble des
L que l’objectif national d’évolution
des dépenses d’assurance maladie, voté
étroit entre état de santé et offre de soins
et préconiser une répartition régionale qui
moyens et des activités dont la fonction
est la production de la santé, c’est-à-dire
chaque année par le Parlement, doit être rétablisse peu à peu l’égalité de la répar- la promotion, la prévention, la réparation,
décliné régionalement. Reste à déterminer tition des dotations des ressources entre la rééducation et la réinsertion, ce qui
comment répartir cet objectif national en- régions, ce qui devrait entraîner une ré- déborde largement les seules ressources
tre les régions. À cette occasion, ne peut- duction des inégalités des états de santé ? de l’État et de l’assurance maladie con-
on se donner comme objectif de réduire les À la réflexion, les choses sont beaucoup sacrées au système de soins, qu’il soit
inégalités de santé par le biais de cette ré- moins simples que ne pourrait le laisser pen- hospitalier ou ambulatoire.
partition régionale des ressources consa- ser l’enchaînement qui vient d’être présenté. Or, dans les dispositions d’allocation
crées à la santé ? À première vue, la réponse régionale des ressources telles qu’elles
à cette dernière question peut paraître as- sont prévues dans les ordonnances de
sez simple pour un public non averti. La santé déborde largement les 1996, il s’agit uniquement des envelop-
soins de santé pes dévolues au système de soins, c’est-
à-dire celles relatives au fonctionnement
Un enchaînement causal simpliste Si l’on identifie la santé à l’état de com- du système hospitalier public et privé
plet bien-être physique, psychique et so- participant au service public pour le
En effet, il est tentant de réunir dans un cial, la bonne santé n’est pas seulement court, le moyen et le long séjour, la psy-
schéma causal les énoncés suivants : l’absence de maladie et les déterminants chiatrie, les dépenses d’assurance mala-
• il existe de grandes inégalités de de la santé ne s’épuisent pas dans la dis- die relatives au secteur hospitalier privé
santé entre les régions françaises, inégali- position d’un bon système de soins puis- commercial, les dépenses de médecine de
tés largement illustrées dans le présent qu’interviennent également les détermi- ville, des infirmières libérales, des kiné-
dossier, que ce soit en termes de mortalité nants d’environnement (d’ordre culturel, sithérapeutes, des transports sanitaires,
générale, de mortalité prématurée, de mor- économique et social) et les déterminants les arrêts de travail, les médicaments, les
talité liée à certaines causes ; à cet égard, liés aux comportements et aux modes de appareils et prothèses.
on constate une opposition marquée entre vie. Dès lors, deux distinctions essentiel- Dès lors, la question devient : com-
les régions du Nord et celles du Sud ; les doivent être posées. En premier lieu, ment réduire les inégalités de santé en
• il existe de grandes inégalités d’of- puisque l’on veut réduire les inégalités agissant sur les allocations de soins ?
fre de soins entre les régions : de ce point interrégionales en santé, il convient de
de vue, on observe à nouveau une oppo- s’entendre sur la conception de la santé
sition bien dessinée entre des régions que l’on retient : s’attache-t-on à une con- L’impact du système de soins sur
moins bien dotées, au nord, tout au moins ception de nature très étroite ou à une la réduction des inégalités
pour l’offre hospitalière et la médecine acception beaucoup plus large ? En se-
libérale et des régions mieux dotées, au cond lieu, s’intéresse-t-on à la répartition Plusieurs facteurs tendent à montrer que
sud, même si l’opposition est moins bien des ressources dévolues au système de cet impact est moins élevé qu’on ne le
tranchée pour d’autres éléments d’offre santé ou à celles consacrées au système croit généralement. La première raison en
(par exemple le médico-social) ; de soins ? S’il s’agit du système de santé, est que les déterminants évoqués plus

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XXXIII


tribune

haut, autres que le système de soins, ont peut nier l’existence de fortes inégalités die : ceci devrait conduire à une réinter-
un poids sans doute au moins aussi im- interrégionales devant la maladie et la rogation sur la distribution géographique
portant, si ce n’est plus1. Une seconde mort, on est moins affirmatif sur le rôle des ressources, à une meilleure réparti-
raison tient au degré de pertinence des que peut jouer le système de soins dans tion de ces dernières, au plus près des
réponses apportées par le système de la réduction de ces inégalités : comme on réalités du terrain en vue d’une meilleure
soins aux problèmes de santé auxquels il ne connaît pas les liaisons entre état de efficience du système et d’une réponse
est censé répondre : si les réponses appor- santé, offre de soins et recours aux soins, plus adaptée aux besoins de la popula-
tées ne sont pas pertinentes, il n’est pas il n’existe pas de formule indiscutable tion.
sûr qu’une dotation plus importante des permettant de calculer les besoins de vo- Pour intéressants qu’ils soient, les dis-
régions sous-dotées par rapport à la lume de soins et il faut être très prudent positifs d’allocation régionale actuelle-
moyenne nationale apporte une amélio- sur la possibilité de réduire les écarts de ment adoptés souffrent de quelques lacu-
ration de la santé dans les régions consi- santé entre régions par des allocations nes. La critique principale qui peut leur
dérées. En troisième lieu, même si les différentielles de ressources financières. être faite réside dans le caractère frac-
réponses apportées sont appropriées, il À tout le moins peut-on souhaiter que tionné des allocations effectuées : le dis-
convient de considérer l’accès effectif des ledit système n’aggrave pas les inégali- positif prévoit le calcul d’enveloppes
populations aux services offerts, ce qui tés de santé liées aux autres détermi- pour cinq secteurs : l’hospitalisation pu-
suppose d’examiner plusieurs types d’ac- nants : en effet, si une région pâtit d’un blique, l’hospitalisation privée, la méde-
cessibilité : accessibilité géographique mauvais état de santé, ceci donne lieu à cine de ville généraliste, la médecine de
(distance d’accès par rapport aux servi- un surcroît de maladies et de handicaps, ville spécialisée et les institutions
ces ou aux établissements) ; accessibilité qui exigent à leur tour une prise en charge médico-sociales. Ceci ne permet pas la
financière, notamment pour les personnes adéquate, quantitativement et qualitative- détermination d’une enveloppe régionale
à faibles ressources ; accessibilité cultu- ment, par le système de soins. C’est à ce calculée en fonction des besoins, ce qui
relle. Au regard de ce troisième critère, niveau que se pose la question de l’équité risque de rigidifier l’offre et de freiner les
il est possible que dans une région don- dans l’allocation des ressources entre ré- redéploiements souhaitables. Par ailleurs,
née, l’offre de soins soit suffisante mais gions. les critères pris en compte pour détermi-
que l’accès de certaines catégories de ner les montants alloués ne retiennent
population à cette offre soit insuffisante : pas, pour le moment, les éléments liés à
rien ne prouve qu’un surcroît d’offre se- Comment avancer dans la voie la mortalité ; les montants ainsi calculés
rait susceptible de réduire les inégalités de l’allocation régionale des concernent, non pas la population rési-
de santé par un recours plus important de ressources ? dente, mais les services de soins domici-
ces catégories aux soins. liés dans la région, ce qui pose la ques-
Enfin, une quatrième raison peut ren- La plupart des pays qui, après la Grande- tion des flux interrégionaux de patients.
dre compte du lien lâche entre le volume Bretagne, se sont lancés dans cette voie Au total, s’il importe d’être prudent
de l’offre de soins et la santé d’une po- ont tenté de répartir les enveloppes régio- quant aux conséquences possibles, sur la
pulation : c’est le degré d’efficience nales en fonction des besoins de soins réduction des inégalités de santé, d’une
(c’est-à-dire la performance en terme de d’une région, ces derniers étant estimés allocation interrégionale de l’offre de soins
santé rapportée au volume de ressources sur la base d’un volume moyen de con- fondée sur les besoins en soins, sans doute
consommées) de cette offre. Si une ré- sommation par tête pondéré en fonction convient-il d’avancer dans cette voie mais
gion est mal située au regard de l’état de de la structure d’âge et de la mortalité en apportant des améliorations par rapport
santé et, simultanément, sous-dotée en spécifiques de la région. aux dispositions actuellement entrevues,
matière d’une offre de soins, par ailleurs La France, qui avait initié en 1991 un notamment par une prise en compte plus
peu efficiente, il n’est pas impossible mouvement en ce sens avec une modu- importante des indicateurs d’état de santé
qu’une dotation supplémentaire d’offre lation de la marge de manœuvre régionale et par une évolution vers la possibilité de
de soins se traduise par une élévation de des seules dotations dévolues au secteur fongibilité des enveloppes.
la rémunération des producteurs de soins hospitalier public, va l’étendre à d’autres
plutôt que par une amélioration de l’état secteurs, suite à la mise en place des or- Référence
de santé de la population. donnances de 1996. Cette perspective 1. Le rapport du HCSP (La Santé en France, rapport
s’inscrit, de façon heureuse, dans un général. La Documentation Française, 1994) évoque
un chiffre de 10 à 20 % comme mesurant la part du
mouvement de régionalisation progres- système de soins dans la réduction de la mortalité dans
Faut-il néanmoins prôner sive de la gestion du système de soins les pays développés depuis 1950.
le statu quo ? avec le jeu combiné des conférences ré-
gionales de santé, des agences régiona- Jean-Claude Sailly
Les développements précédents ont mis les de l’hospitalisation et des unions Membre du Haut Comité de la santé
en lumière les points suivants : si on ne régionales des caisses d’assurance mala- publique

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XXXIV


La valeur stratégique
de l’espace
dans les politiques sanitaires
a santé est mal partagée, ne cesse- tions de leur réussite et de leur pérennité ? piration néo-hippocratique, avec une réfé-
L t-on de répéter. Pire encore, elle
varie selon les lieux au défi de la plus élé-
Il s’agissait bien de faire l’inventaire des
caractéristiques délétères d’un lieu, d’une
rence maniaque aux « vertus » du lieu3.
Les dernières de ces « topographies mé-
mentaire justice. Et chacun de brandir, région à conquérir, d’éviter ce que l’on dicales » s’inscrivent dans le grand cou-
chiffres et cartes en mains, les arguments appellerait aujourd’hui des aires pathogè- rant hygiéniste du XIXe siècle mais aussi
d’une situation inacceptable que l’État se nes ou des espaces à risque. Il suffit d’évo- dans l’essor de la statistique. Leur détermi-
doit de corriger. L’actualité bruisse de quer les guerres de l’Antiquité ou les cam- nisme naturel se teinte de couleurs sociales.
débats passionnés sur les inégalités de pagnes italiennes et libyennes de l’armée Au tournant de la grande vague d’in-
santé et déborde de plans, de program- allemande dotée des planches de l’atlas dustrialisation et d’urbanisation, la croi-
mes, de lois pour les réduire. C’est dire des maladies publié en 1942-19452. sade contre l’insalubrité menée au nom
d’une certaine manière la dimension géo- Très tôt le pouvoir s’est soucié de l’état de la guerre au paupérisme s’appuie alors
politique de toute politique de santé. Mais de santé des populations. Les édiles ont de sur une véritable écologie urbaine avant
n’est-ce pas dire aussi combien lui sont tout temps protégé leur ville, leur port des la lettre4. La qualité de l’eau et de l’air,
associés, implicitement ou non, des con- ravages des épidémies (quarantaine, laza- l’évacuation des eaux usées, l’entasse-
cepts géographiques : le lieu, l’échelle, la ret). Et l’on n’oubliera pas que les premiè- ment, la promiscuité et le surpeuplement
distance, l’espace, le territoire… ? N’est- res coopérations internationales, bien des logements sont désormais les cibles
ce pas enfin oublier un peu vite que le dé- avant l’OMS, concernaient la surveillance d’une police sanitaire, à la fois objet et
bat n’est pas vraiment neuf ? Montes- sanitaire des frontières. De même de nom- instrument d’une politique préventive,
quieu et Mirabeau avaient déjà montré breux travaux de génie civil visaient à volontariste et opérationnelle. Telle que
que la santé était affaire, « fonction maîtriser des conditions délétères et à éli- la prônaient les « sanitarians », les Chad-
d’État » et, bien avant eux, on savait les miner les « miasmes ». Transposons de wick, Virchow, Farr et autre Richardson
rapports de la santé aux lieux, jetant ainsi façon quelque peu hardie les préoccupa- (Hygeia, a city of Health) dans leur ba-
les bases d’une « géographie » de la tions actuelles, « écologiques », sur les taille obsessionnelle contre la « saleté »,
santé, au sens propre du terme1. nuisances de tous ordres ne relèvent pas îlôt par îlot, rue par rue, maison par mai-
d’une autre optique. Un sentiment pré- son… John Snow ne dresse-t-il pas avec
vaut : c’est à la puissance publique (le roi, précision la carte des bornes fontaines
Le lieu comme enjeu sanitaire le prince, bientôt l’État) et à son adminis- responsables de la diffusion du choléra à
tration que revient le soin d’assurer la sa- Londres en 1849 ? Ne met-on pas en
Voilà bien longtemps en effet que l’on lubrité du territoire. N’est-ce pas dans cet œuvre en 1893 le « casier sanitaire des
s’interroge sur les inégalités spatiales des esprit déjà que Turgot et Louis XV lan- maisons de Paris », relevé systématique
faits de santé et sur la valeur des lieux qui çaient leur projet, novateur pour l’époque, des caractéristiques des logements et de
dicterait toute stratégie sanitaire, voire d’une topographie médicinale de la l’état de santé de leurs occupants ? Les
toute politique. Car avant même de se France, véritable inventaire systématique secousses de la révolution pastorienne
soucier de la santé des populations civi- des conditions sanitaires des villages et des mettent un terme provisoire à l’hégémo-
les, combien d’opérations militaires et villes. Cette vaste enquête donnera lieu de nie de l’ingénieur sanitaire et de l’urba-
coloniales n’ont-elles pas été menées en 1776 à 1893 à des milliers de mémoires, niste jusqu’aux interrogations actuelles
fonction des risques de maladies, condi- tous bâtis selon le même protocole d’ins- sur la santé des villes et des banlieues,

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XXXV


tribune

jusqu’aux programmes « Villes/santé » tement, d’un canton, d’une ville, voire moyenne nationale, on a fini par gommer
de l’OMS… cent ans plus tard ! Mais d’un quartier à l’autre, entre citadins et les spécificités locales, régionales des
déjà pointait sous l’hygiénisme une mé- ruraux, devient le préalable de toute po- populations et de leurs besoins de santé
decine sociale (J. Guérin) dans le droit fil litique de santé nationale, régionale, mu- au nom d’une norme prétendument repré-
de Villermé, et s’imposait une médecine nicipale… L’État instaure un système sentative d’une situation idéale. Comme
politique. universel d’assurances sociales et inves- le disait déjà William Farr dans les an-
tit lourdement dans la formation des pro- nées 1840 quand il militait pour la recher-
fessionnels de santé et dans les équipe- che d’une santé « optimale », pourquoi ce
La planification sanitaire ments sanitaires. La localisation et la qui est obtenu ici ne l’est ou ne le serait-
territoriale de la santé répartition géographique du système de il pas ailleurs ? Autrement dit l’objectif
soins, son organisation spatiale apparais- de toute politique de santé serait non de
La question des inégalités de santé prend sent alors comme les clés de son effi- se ranger autour d’une moyenne mais
une nouvelle dimension, plus idéologique cience. S’ouvre le débat inépuisable sur d’atteindre le niveau de la population la
et économique à la fois, avec la diffusion les vertus respectives de la concentration plus « en avance ». Bourgeois-Pichat
des valeurs démocratiques et la mesure et de la décentralisation, du centre et de l’avait d’ailleurs souligné en opposant
des excès du libéralisme et des lois du la périphérie, bref, de la polarisation de des pays en situation d’avant-garde ou
marché. Elle change aussi d’échelle. La l’espace sanitaire. Mais il apparaît que la d’arrière-garde selon leurs niveaux de
prise de conscience d’un double postulat consommation médicale et le recours aux mortalité7. L’égalitarisme n’a jamais ni
amène l’État à réviser et à concevoir soins n’obéissent pas au seul critère de la nulle part contribué à plus d’équité. Dès
autrement son rôle en matière de santé proximité : aux effets dissuasifs de la dis- lors une des voies à suivre ne serait-elle
publique. tance physique s’ajoutent les freins de pas de chercher à comprendre les raisons
Le premier tient à sa volonté de jus- distances sociales et mentales, voire cul- d’une « bonne » santé là où elle se mani-
tice sociale qui implique la nécessité de turelles. N’observe-t-on pas des varia- feste, de cerner les facteurs de santé plu-
garantir une justice spatiale : l’une et tions sensibles de comportements d’une tôt que les facteurs de risque ?
l’autre formant les deux volets de ce que région à l’autre ? La recherche program-
l’on appelle à satiété aujourd’hui l’équité mée d’une équidistribution des ressour- Références
et l’une n’allant pas sans l’autre5. Le mot ces, humaines et matérielles, n’en devient 1. H. Picheral. Le lieu, l’espace et la santé. 1995,
d’ordre « la santé pour tous », perçu dé- que plus utopique. Elle n’en guide pas Espace, Populations, Sociétés, 1 : 19-24
sormais comme un droit, se décline aussi moins les politiques d’aménagement du 2. E. Rodenwaldt, J. Jusa. Seuchen-Atlas. 1942-1945,
Gotha
« partout ». Le second repose sur la ré- territoire qui s’incarnent dans des
vélation des inégalités de santé dans le « cartes sanitaires ». Ce nouvel outil 3. M. F. Rofort. Les topographies médicales. 1987,
Thèse 3e cycle Géographie, Univ. Paris VII
monde et de leurs relations étroites avec règlementaire d’une planification sani-
4. L. Murard, P. Zylberman. L’hygiène dans la Répu-
le niveau de développement. Les diffé- taire, sous des formes différentes, plus ou blique. Paris : 1996, Fayard
rences d’espérance de vie, de causes de moins autoritaires et contraignantes,
5. H. Picheral. Décentralisation des politiques de san-
décès, de ressources sanitaires, de des- aboutit toujours à une territorialisation de té : allocations de ressources, recours aux soins et
serte ou de recours aux soins entre les l’espace : districts et secteurs sanitaires, décision locale. In De l’analyse économique aux poli-
nations dépendent de leur développement zones ou aires d’attraction hospitalière, tiques de santé : la dimension spatiale. Paris : 1993,
autant qu’elles le déterminent. Ce postu- bassins gérontologiques ou autres sché- Credes, p. 19-36
lat, manifeste à l’échelle internationale, mas régionaux d’organisation de la santé 6. C. Meyer, G. de Pouvourville. La répartition régio-
ne vaudrait-il pas alors à l’intérieur du (Sros). La procédure resource allocation nale des dépenses dans les systèmes de soins. Paris :
1996, Sanesco-Mire
territoire national, à des échelles plus fi- working party d’allocation régionale des
7. J. Bourgeois-Pichat. L’évolution de la mortalité
nes, régionales ou locales ? ressources en est l’illustration la plus dans les pays industrialisés. In J. Vallin, A. Lopez. La
Cette vision d’une gestion publique de aboutie6 quand l’État-Providence se sou- lutte contre la mort. Paris : 1985, Ined, p. 489-521
la santé aura été plus ou moins précoce, cie de réguler un système de santé qui
selon les idéologies dominantes et les menace les grands équilibres budgétaires.
systèmes administratifs et politiques
d’organisation du territoire, centralisés ou
non. Mais elle aura été aussi largement L’équité, nouveau mythe de
tributaire des outils de mesure de ces iné- Sisyphe ?
galités et de fait, de la place accordée à
la santé publique. Et l’on sait à cet égard À force, notamment dans des pays de tra- Henri Picheral
le retard accumulé en France… dition centralisatrice comme la France, Vice-président, Université Montpellier III,
La mise en évidence d’inégalités d’étalonner l’état de santé des popula- atelier de Géographie de la santé,
d’états de santé d’une région, d’un dépar- tions et le système de soins à l’aune d’une EA 734

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XXXVI


Le SrosS de Midi-Pyrénées

e schéma régional d’organisation a une…). Un plan régional vise à organi- saient un secteur de tout département de
L sanitaire et sociale de la région
Midi-Pyrénées a été arrêté par le Préfet
ser au moindre coût les prises en charge
adaptées aux besoins à venir de la popu-
moins de 200 000 habitants. Tel était le
cas de quatre départements sur huit :
de région en juillet 1994. C’est un docu- lation. S’il veut être efficace, il doit ba- Ariège, Gers, Lot, Tarn-et-Garonne. Par
ment de 400 pages grand format, dont layer l’ensemble du champ sanitaire et extension, le département des Hautes-
seuls certains chapitres sont « opposa- social, sans trop s’attacher aux critères Pyrénées, dont la population dépassait de
bles », ceux qui traitent au sein de la pre- juridiques de l’opposabilité. peu les 200 000 habitants a été traité de
mière partie « orientations régionales » la même façon. Restaient trois départe-
des domaines sanitaires relevant stricte- ments : Haute-Garonne, Tarn et Aveyron,
ment de la loi de 1991. Les autres chapi- Le découpage de la région en qui ont chacun été divisé en deux, mais
tres de cette première partie portent pour secteurs sanitaires pour des raisons différentes, et sans res-
l’essentiel sur les domaines réputés « so- pecter partout le seuil de 200 000 habi-
ciaux » ou « médico-sociaux » : ils ont, Après examen par les quatorze conféren- tants voulu par l’arrêté ministériel.
tout autant que les chapitres « opposa- ces sanitaires existant dans la région Au total ce découpage, qui comportait
bles », servi de référence pour tous les (qu’il a fallu parfois renommer au seul plusieurs « petits » secteurs n’a pas donné
acteurs et permis d’étayer les décisions effet d’opiner sur leur disparition !), puis lieu à contestation, malgré les craintes de
prises depuis à l’échelon régional. La par le Cross, le découpage de la région la direction des Hôpitaux.
deuxième partie du SrosS donne des pré- en onze secteurs sanitaires a été arrêté dès Un exemple contraire, rencontré ulté-
cisions sur les réseaux à construire dans 1993, sans de trop grands remous sur rieurement lors du découpage de la région
chaque « secteur sanitaire » : ce sont en place. Le résultat ne respecte pas stricte- en secteurs de psychiatrie adulte (à ne pas
fait les « annexes » (non opposables à ment les termes de l’arrêté ministériel confondre avec les secteurs de psychia-
l’époque) prévues par la loi de 1991. publié à peu près à la fin du processus en trie infanto-juvénile qui relèvent d’un
Midi-Pyrénées. Parmi les quatorze sec- troisième découpage !), illustre le bien-
teurs précédents, figurait le plus petit sec- fondé de notre choix initial en faveur des
Un SrosS avec deux S teur de France, regroupant autour de limites administratives. Il s’agissait de
Saint-Girons dans l’Ariège quelque trente rattacher un canton au centre hospitalier
Les distinctions entre les domaines sani- mille — au plus — couzeranais très atta- spécialisé le plus proche, situé dans un
taire, social ou médico-social résultent en chés à leur « autonomie » … La plupart département voisin. A priori tous les ac-
fait des spécificités des financements des des autres secteurs avaient des limites teurs étaient d’accord : maire, directeurs,
prises en charge par les différentes insti- proches des frontières départementales, médecins, préfets… Mais le conseil gé-
tutions : sécurité sociale, collectivités ter- mais la logique sanitaire avait prévalu, en néral du département d’origine y a vu une
ritoriales, État, sans oublier les mutuel- rapprochant certaines communes du pôle amputation et nous avons dû revenir au
les. Quand une personne se présente à sanitaire le plus attractif, fût-il dans un statu quo.
l’une des portes d’entrée d’un établisse- autre département. Pour terminer ce bref aperçu du dé-
ment, par exemple aux urgences, elle ne Nous avons choisi d’emblée de reve- coupage sectoriel, je signalerai une « cu-
sait pas forcément quel est son problème nir par principe aux limites administrati- riosité » géographique qui n’est peut-être
et qui doit financer la solution (s’il y en ves. Les textes nous y invitaient, qui fai- pas propre à la région Midi-Pyrénées. Un

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XXXVII


tribune

des critères retenus par le découpage, et


Densité de population par commune
en tout cas utilisé pour arrêter nos pro-
positions concernant les futurs sites d’ur- Drass Midi-Pyrénées, Orsmip, nombre d’habitants par km2
gence de niveau 2 (SAU), consiste à étu-
dier des courbes isochrones autour des
pôles sanitaires. Dans l’état actuel de nos Moyenne nationale : 104
routes, en circulant à une vitesse « nor- Moyenne régionale : 54
male » selon chaque catégorie, les iso-
chrones à 45 minutes autour des chefs-
lieux de département correspondent
aujourd’hui assez bien aux limites de
chaque département, comme si ces 45 mi-
nutes correspondaient en l’an 2 000 à la
fameuse « journée à cheval » de la Révo-
lution !

Quelques caractéristi-
ques « géographiques »
de la région
Plus de 104
Le document publié, tiré en 4 000 exem- De 54 à 104
plaires et longtemps vendu dans les prin- Moins de 54
cipales librairies toulousaines, comporte
de très nombreuses cartes. Chaque fois Source : Insee RP90 © IGN
que l’information disponible le rendait
pertinent, c’est le découpage le plus fin
qui a été retenu : à l’échelle communale principales villes, chefs-lieux de dépar- L’âge de la population
le plus souvent. tement notamment, ou villes attractives La région a dès maintenant, dans l’en-
Je me bornerai à commenter ici quel- des quelques grands axes de communi- semble, la structure d’âge que la France
ques cartes parmi celles que j’ai le plus cation, Garonne en particulier. entière aura en 2015. Dans sept départe-
souvent projetées au cours des multiples Cette faible densité moyenne est un ments sur huit (Haute-Garonne exceptée),
réunions organisées à tous les niveaux facteur essentiel de notre schéma : on ne c’est même la structure d’âge que la
pour passer de nos premiers balbutie- peut planifier la prise en charge sanitaire France aura vers 2050. Cette caractéris-
ments (avant-avant-projet du schéma) à et sociale pour 2,4 millions d’habitants de tique, que nous partageons avec d’autres
la version finale du document arrêté par la même façon dans la région Midi-Py- régions du Grand Sud, s’explique par
le préfet. rénées que dans le département du Nord. trois causes combinées : malthusianisme
Alors qu’ils peuvent là-bas accéder à tou- ancestral, attraction du climat pour les
La densité de la population tes les machines dans des délais limités, retraités, espérance de vie très sensible-
Le recensement de 1990 compte environ il faut selon les lieux de notre région une ment plus élevée. Les effets de ce vieillis-
2,4 millions d’habitants. La superficie du heure, ou deux, ou plus pour accéder à sement sur la consommation de soins sont,
Midi-Pyrénées — 45 000 km² — en fait une IRM… je crois, sous-estimés : l’effet de généra-
la plus vaste région de France (métropo- La dialectique sécurité/proximité, qui tion est très sensible, les personnes âgées
litaine du moins : la Guyane est plus éten- nécessite partout des arbitrages difficiles, d’aujourd’hui ayant davantage pris l’ha-
due). En divisant la population par la sur- ne peut-être déclinée de la même façon bitude de se soigner lorsqu’elles étaient
face, on obtient une densité moyenne de en milieu dense ou en milieu dispersé. Par plus jeunes que ne le faisaient les person-
54 habitants par km², contre 101 pour la exemple, nous avons proposé comme nes âgées des générations précédentes.
France entière. La carte en couleur des objectif, d’atteindre au cours des prochai- J’ai longtemps plaidé — en vain jus-
densités par commune, où par convention nes années un minimum de 300 accou- qu’ici — ce dossier, mais j’insisterai plu-
le bleu était attribué à toute commune de chements par an dans chaque maternité, tôt sur la combinaison de ces deux fac-
densité inférieure à 54, montre une région alors que des seuils plus élevés ont été teurs, en montrant ici la carte que j’ai le
quasi uniformément bleue. À l’opposé la retenus ailleurs. Nous ne pouvions tout de plus souvent présentée sur place : celle
densité n’est supérieure à la densité même pas prétendre faire venir toute les qui donne la localisation par commune
moyenne française (104) que dans les parturientes à Toulouse ! des 65 000 personnes âgées de 75 ans et

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XXXVIII


Personnes âgées de plus de 75 ans vivant seules par commune et par sexe
Drass Midi-Pyrénées, Orsmip
Femmes Hommes
Nombre par commune
Ariege 3 800 1 300
11 000 Aveyron 6 500 1 800
2 000 Haute-garonne 16 800 4 300
Gers 3 600 1 200
200
Lot 4 100 1 200
Hautes-pyrenees 5 100 1 400
Tarn 7 300 2 000
Tarn et Garonne 4 000 1 200

Région 51 200 14 300

Femmes Hommes

Source : Insee RP90 © IGN

plus qui ont déclaré vivre seules au recen- zones. Reste à inventer les réseaux locaux gnostic (c’est déjà le cas ici en cardiolo-
sement de 1990. qui combineraient ces moyens dans des gie interventionnelle). À tous les points
Il n’y a pas de désert, ni même de zone dispositifs connus de la population. C’est de vue l’échelle régionale est la bonne.
en voie de désertification en Midi-Pyré- une des priorités de notre schéma. Ce n’est pas depuis la capitale que l’on
nées. Un peu partout se trouvent des per- pourrait arriver à des propositions com-
sonnes âgées qui ont envie de vivre — et prises, étant entendu que si elles ne sont
de mourir — le plus tard possible chez La région, une bonne taille pour pas compréhensibles, elles n’auront
elles. Des coordinations locales restent à la planification sanitaire et aucune chance de s’appliquer. La com-
inventer pour mieux organiser leur prise sociale binaison des échelons territoriaux de
en charge globale, dans des conditions l’État (Drass-Ddass et préfets) est indis-
moins coûteuses pour la collectivité, et À l’époque des premières présentations pensable pour être entendu.
plus agréables pour elles que si elles de l’avant-avant-projet du SrosS, j’ai Il me semble que cela a été le cas en
étaient obligées de vivre en institution. trouvé dans La Dêpèche du Midi un Midi-Pyrénées. Le planificateur que j’ai
Ces coordinations gérontologiques ne résumé, simpliste mais fidèle, des orien- toujours été est heureux d’y avoir contri-
surgiront pas toutes seules du réseau exis- tations proposées : « Il ne s’agit pas de bué au cours des cinq ans et demi que j’ai
tant des seuls établissements sanitaires, soigner tous les habitants au centre hos- passé dans ce merveilleux ministère, qui
même si les hôpitaux locaux, lorsqu’il en pitalier universitaire (CHU) ; il s’agit en- aura toujours deux S, comme les futurs
existe par chance, ont un rôle essentiel de core moins de construire un CHU dans SrosS.
proximité. À défaut, on pourrait s’ap- chaque commune ».
puyer sur les maisons de retraite. Pour il- Il est impossible de planifier la prise
lustrer ces propos, j’ai parfois projeté une en charge dans le Gers sans savoir
carte montrant l’implantation des mai- qu’Auch est à environ une heure de Tou-
sons de retraite dans les « zones blan- louse, de son CHU et de ses cliniques spé-
ches » de prise en charge de proximité, à cialisées. Dans l’Aveyron, où Rodez est
plus de vingt minutes de tout pôle sani- à deux heures de Toulouse, il faut renfor- Jean Daney de Marcillac
taire. Il se trouve qu’il y a aussi des mé- cer davantage l’équipement, mais la Inspecteur général de l’Insee en retraite
decins et des infirmiers dans ces mêmes télémédecine peut aider à conforter le dia- ancien Drass de Midi-Pyrénées

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XXXIX


Bibliographie J.-P. Besancenot. Risques pathologi-
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che au Credes • Évelyne Millereau,
géographe, SC 8 Inserm • Stephen S.
Mick, professeur, School of Public Caisse nationale de l’assurance Geos, Atelier de géographie de la
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Arbor, Michigan, États-Unis d’Améri- (Cnamts) Université Paul Valéry
que • Michel Naiditch, chargé de re- Département statistique BP 5043
cherche, Groupe Image, École natio- 66, avenue du Maine Montpellier Cedex
nale de la santé publique • Claudine 75694 Paris cedex 14
Parayre, médecin inspecteur de Inserm
santé publique, chargée de mission Centre de recherche d’étude et de Service d’information sur les
au Sesi • Emmanuel Vigneron, profes- documentation en économie de la causes médicales de décès, SC 8
seur des univeristés, Gos, atelier de santé (Credes) 44, Chemin de Ronde
géographie de la santé (EA 734), 1, rue Paul Cézanne 78110 Le Vésinet
Montpellier III 75008 Paris
Misistère de l’Emploi et de la
Fédération nationale des observa- Solidarité
toires régionaux de la santé Service des statistiques, des études
(Fnors) et des systèmes d’information (Sesi)

Adresses utiles 62, Boulevard Garibaldi


75015 Paris
7, place des 5 Martyrs du Lycée Buffon
75507 Paris Cedex 15

actualité et dossier en santé publique n° 19 juin 1997 page XL

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