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URL : http://journals.openedition.org/map/642
DOI : 10.4000/map.642
ISSN : 2261-9623
Éditeur
Association française des enseignants et chercheurs en cinéma et audiovisuel
Référence électronique
Alexis Blanchet, « Download… Une courte histoire de la dématérialisation des jeux vidéo », Mise au point
[En ligne], 4 | 2012, mis en ligne le 30 août 2012, consulté le 15 janvier 2020. URL : http://
journals.openedition.org/map/642 ; DOI : 10.4000/map.642
Les contenus de la revue Mise au point sont mis à disposition selon les termes de la Licence Creative
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Download… Une courte histoire de la dématérialisation des jeux vidéo 1
1 Dans les années 2000, la dématérialisation des logiciels de jeux s’est très largement
développée en bouleversant les circuits de distribution de l’industrie vidéoludique et en
modifiant en profondeur les habitudes de consommation et d’achat des joueurs de jeux
vidéo. Accompagnant un mouvement général de distribution numérique des biens
culturels (fichiers musicaux, vidéo à la demande, livre numérique…), la dématérialisation
des jeux vidéo nous invite à nous interroger sur la restructuration du secteur
vidéoludique, les nouveaux modes de consommation et les potentialités en termes de
créativité et d’innovation du côté des studios de développement. Cet article a donc pour
objet de rappeler l’histoire des formes dématérialisées du jeu vidéo faisant appel à la
connectivité des plates-formes de jeu vidéo et montrer la variété des usages et des
modèles commerciaux que couvre le terme de « dématérialisation » des jeux vidéo. Nous
retracerons dans un premier temps l’histoire des inventions techniques imaginées pour
lier les premières machines domestiques aux serveurs en ligne ainsi que les modèles
commerciaux innovants mis en place dès les années 1980 pour rentabiliser cette nouvelle
forme de distribution. Dans un second temps, nous analyserons les enjeux posés par ces
nouvelles formes de consommation du jeu vidéo tant du point de vue des pratiques
commerciales en vigueur que des questions de créativité du côté des studios.
2 La nature informatique des jeux vidéo pose dès l’origine du domaine la question du lien
entre hardware et software, entre matériel informatique et électronique d’un côté et
logiciel de l’autre. Comme le rappelle Patrice Flichy dans Les industries de l’imaginaire :
Un autre élément distingue radicalement les systèmes audiovisuels de la presse :
l’intervention de ‘machines à communiquer’. Contrairement au lecteur, le
consommateur de produits audiovisuels est obligé pour accéder à l’œuvre d’utiliser
la médiation d’une machine. Cette dualité matériel/programme est fondamentale
pour le développement de l’audiovisuel tant au niveau de la production (ces deux
activités industrielles devront trouver un mode d’association pour assurer leur
commun développement) que de la consommation (l’utilisateur devra faire
l’apprentissage d’une pratique de loisir médiatisée)1.
dématérialisé provoque un manque à gagner important du côté des revendeurs qui font
entendre leur mécontentement au constructeur nippon qui délaisse peu à peu ce format
pour se concentrer à nouveau sur la cartouche de jeu. Le Famicom Disk System ne sera
jamais exporté en dehors des frontières de l’archipel nippon.
7 Au milieu des années 1990, SEGA Channel (1994-1998) est un service proposé aux Etats-
Unis par les opérateurs Time Warner Cable et Tele-Communications, Inc. en collaboration
avec le constructeur nippon SEGA. Ce service propose un abonnement mensuel à 14,95 $
donnant accès à une offre de 50 jeux pour la console Genesis. Il nécessite un périphérique
qui se branche sur la console et propose déjà un contrôle parental des contenus qui
permet aux parents de sélectionner les jeux auxquels pourront s’adonner les plus jeunes.
Au Japon, Nintendo commercialise à la même époque le Satellaview (1995-2000), un
périphérique pour sa console Super Famicom. Le Satellaview, qui fait suite au Famicom
Network System (1988), est associé à un service de téléchargement de jeux, de codes et
d’informations via une chaîne satellite (St. GIGA via Broadcast Satellite). Les jeux sont des
remakes de jeux anciens comme le jeu d’aventure BS The Legend of Zelda ou des add-on
(ajouts de quêtes ou de circuit) de jeux plus récents comme la simulation de course BS F-
Zero 2. L’émission de programme pour Satellaview se poursuivra jusqu’en 2000, mais
l’initiative reste un échec en raison du coût d’équipement important compte de tenu de
l’achat des périphériques de jeu et de l’abonnement au satellite. La faible pérennité dans
les années 1990 de ces systèmes de téléchargement de contenus est avant tout liée aux
cycles de vie accélérés des consoles de jeu vidéo. En revanche, ils se révèlent
techniquement très aboutis et préfigurent le mouvement de convergence des contenus
qui marquera les années 2000.
9 En France, depuis une dizaine d’années, le studio bordelais Motion Twin s’est ainsi
constitué en spécialiste de ces jeux Free-to-Play. Hordes, La Brute, Miniville fonctionnent
sous ce modèle invitant à prolonger ou enrichir l’expérience de jeu par des
micropaiements (paiement par carte bancaire ou obtention de codes par appels
téléphoniques surtaxés). A la manière de la production télévisée, le studio développe ses
jeux par saisons, modifiant une partie de l’univers de jeu pour renouveler l’expérience
ludique. La dimension sociale et virale est travaillée afin de favoriser la communication
sur les jeux du studio entre joueurs. Motion Twin développe également ses propres outils
de production qui à terme deviennent des middlewares, des logiciels de création de jeu
vidéo, qu’elle entend distribuer à d’autres studios. Par ailleurs, la société s’est constituée
en Société Coopérative Ouvrière de Production à Responsabilité et à Capital Variable
(SCOP). Ce modèle d’entreprise permet à chaque salarié, quelle que soit son ancienneté,
de posséder une part égale de l’entreprise ainsi qu’un droit de vote sur les choix
stratégiques et les orientations prises par le studio. L’économie du jeu dématérialisé
permet à cette structure de penser des alternatives en termes d’organisation du travail et
d’implication du salarié dans l’entreprise.
qui n’auraient pas forcément l’occasion de travailler ensemble sur un même projet
donné. Ils travaillent donc avec nous en freelance de manière ponctuelle et sont
rémunérés comme auteurs par royalties en fonction des ventes que font les jeux. Si
le titre fonctionne, alors tout le monde doit y trouver son compte. Notre manière de
fonctionner est donc très à contre-courant des schémas classiques des studios qui
engagent des salariés à temps plein ou partiel.
14 Dans son dernier bilan du marché du jeu vidéo publié à l’occasion de la 6ème édition de
l’IDEF (Interactive & Digital Entertainment Festival), le SELL (Syndicat des Editeurs de
Logiciels de Loisirs) estime à 60 milliards de dollars le poids du marché mondial du jeu
vidéo (ventes physiques et dématérialisées), soit 5 % d’augmentation par rapport à
l’année précédente. Avec 31 % du marché et 18 milliards de dollars, les ventes
dématérialisées sont en nette progression sur 2011. Cette progression de la part du
dématérialisé est beaucoup plus forte pour le jeu vidéo que pour les autres biens
culturels : le secteur du jeu vidéo préfigure-t-il les usages à venir des biens culturels ?
Source : Bilan du marché de l’Entertainment 2010, Institut GfK Retail and Technology France, février
2011.
15 En France, 5,7 millions de joueurs jouent à des jeux vidéo en payant sur internet et 12,8
millions jouent sur leur téléphone mobile. Un best-seller dématérialisé comme Angry Birds
revendique ainsi 350 millions de téléchargements dans le monde en 3 ans d’exploitation 4.
Un téléchargement n’équivaut cependant pas à un achat comme le souligne Fabien
Demeulenaere à propos de son jeu Flying Hamster :
Apple ou Sony ne communiquent pas les données des utilisateurs de leur service
auprès des développeurs. Nous ne connaissons que le ratio des ventes en fonction
des pays et c’est sans conteste les États-Unis qui ont été les plus grands acheteurs
de Flying Hamster, viennent ensuite l’Australie, l’Allemagne et la France. A noter que
la Chine est le second pays ayant le plus téléchargé la version gratuite du jeu… sans
passer forcément à l’achat de la version payante.
16 Cette économie du jeu vidéo dématérialisé est très porteuse pour le secteur français du
jeu vidéo qui, comme l’illustrent les chiffres ci-après, choisit majoritairement de
développer pour les plates-formes dématérialisées, iPhone et iPad en tête. Le manque de
moyens financiers d’envergure des studios installés en France explique probablement
cette orientation vers des productions nécessitant des budgets plus modestes.
Tableau 2 : Répartition des plates-formes sur lesquelles les entreprises françaises développent
leurs jeux
iPhone : 54 % Mac : 23 %
iPad : 43 % Wii : 18 %
PlayStation 3 : 26 %
Source : Le jeu vidéo en France en 2011 : éléments clés, Syndicat national du jeu vidéo, octobre 2011.
NOTES
1. Flichy Patrice, Les industries de l’imaginaire (nouvelle édition), Grenoble, Presses Universitaires
de Grenoble, 1991, p. 19.
2. Blanchet Alexis, Des pixels à Hollywood, éd. Pix’n Love, Triel-sur-Seine, 2010, p. 87-91.
3. Propos recueillis lors de la séance du séminaire de recherche du GRECA (Sorbonne Nouvelle
Paris 3) du lundi 28 novembre 2011 à l’Inha, qui avait pour thème « Jeux vidéo dématérialisés et
plateformes de téléchargement : états des lieux et perspectives ».
4. Le jeu vidéo en France en 2011 : éléments clés, Syndicat national du jeu vidéo, octobre 2011.
RÉSUMÉS
Dans les années 2000, la dématérialisation des logiciels de jeux s’est très largement développée en
bouleversant les circuits de distribution de l’industrie vidéoludique et en modifiant en
profondeur les habitudes de consommation et d’achat des joueurs de jeux vidéo. Accompagnant
un mouvement général de distribution numérique des biens culturels (fichiers musicaux, vidéo à
la demande, livre numérique…), la dématérialisation des jeux vidéo nous interroge sur la
restructuration du secteur vidéoludique, les nouveaux modes de consommation et les
potentialités en termes de créativité et d’innovation du côté des studios de développement.
In the 2000s, dematerialization of video game softwares fundamentally changes consumer habits
and games industry’s distribution channels. As an expression of cultural industries digitalization
(music, video on demand, digital book ...), dematerialization gives us the opportunity to analyze
how the game industry is restructuring, producing new consumption patterns and creating new
production spaces of creativity and innovation for game developers.
INDEX
Mots-clés : dématérialisation, jeu vidéo, jeu vidéo indépendant, logiciels, numérique, PSN,
Steam, téléchargement, WiiWare, Xbox Live
Keywords : dematerialization, digitalization, downloading, PSN, software, Steam, videogames,
WiiWare, Xbox Live
AUTEUR
ALEXIS BLANCHET
Maître de conférences à l’université Paris 3 Sorbonne Nouvelle au département Cinéma et
Audiovisuel. Ses thèmes de recherche concernent les relations entre cinéma et jeu vidéo, en