Ebook - Bouddhisme - Faites de Votre Esprit Un Ocean

Faites de votre esprit
un océan
Aspects de la Psychologie
Bouddhique
Lama Thoubten Yéshé
Traduit de l’anglais par Dominique Régibo

avec la participation de Michelle Le Dimna et Eléa Redel
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Ouvrages déjà publiés par LIBRE SAGESSE :
Devenir son Propre Thérapeute, par Lama Thoubten Yéshé

Vertu et Réalité, par Lama Thoubten Zopa Rinpoché.
L’édition originale a été publiée en 1999 par « Lama Yeshe Wisdom

Archive » (PO Box 356 - Weston MA 02493 – USA) sous le
titre : Make Your Mind an Ocean – Aspects of Buddhist
Psychology.
© Lama Thubten Zopa Rinpoche 1999.
© Editions Vajra Yogini 2004 pour les pays francophones.

81 500 Marzens (France)
Tel. 05 63 42 00 Télécopie 05 63 58 03 48
ISBN : 2-911 582-46-2
Ce texte vous est offert et ne peut être vendu.
Photo de couverture : Jacqueline Keeley

Photos intérieures : Institut Vajra Yogini
Mise en page : Roger Witschard
Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage, pour un usage

autre que strictement privé, par tous moyens y compris la photocopie
et sur tous supports, doit être soumise à l’autorisation préalable de
l’éditeur.
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Table des matières
Introduction de l’Edition Originale
Votre Esprit est votre Religion
La Maladie Mentale dans une Perspective

Bouddhique
Tout Vient de l’Esprit
Faites de votre Esprit un Océan
Prenez Soin des Textes du Dharma
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REMERCIEMENTS
Nous remercions tout d’abord tous ceux qui soutiennent et ont

permis à Lama Yeshe Wisdom Archive d’exister, de fonctionner
et de diffuser la version anglaise des divers ouvrages. Nous
remercions Lama Yéshé et Lama Zopa Rinpoché dont la bonté
est impossible à rendre ; Peter et Nicole Kedge ainsi que la
Vénérable Ailsa Cameroun pour leur aide grâce à laquelle les
Archives sont arrivées à leur développement actuel, et Nick
Ribush pour son inépuisable énergie. N’oublions pas non plus le
Vén. Roger Kunsang, l’infatigable assistant de Lama Zopa
Rinpoché pour sa bienveillance et sa considération.
Pour ce qui est de la version française, cet ouvrage est le

troisième de notre « Collection Libre Sagesse » et c’est grâce à
votre soutien et à votre générosité que nous sommes à même de
continuer à publier et diffuser gratuitement ces enseignements si
percutants, source du bonheur durable.
Nous avons d’autres projets et si vous désirez y participer et

créer ainsi de l’énergie positive dédiée au bonheur de tous,
n’hésitez pas à nous contacter.
Du fond du cœur, nous remercions tout particulièrement Roger

Witschard qui, pour l’impression de ce livret, a mis à la
disposition de Libre Sagesse, son savoir-faire, son temps et son
atelier d’imprimerie, ainsi que Michel Combet pour sa
généreuse participation aux frais, qui nous a permis
d’augmenter le nombre d’exemplaires de cette édition. Nous
5
remercions également Guy Bassan et les frères Kevin et Jason
Baumann qui ont offert le papier.
Enfin que soient également remerciées Dominique Régibo pour

son travail de traduction ainsi que Michelle Le Dimna et Eléa
Redel pour leur collaboration assidue à cette traduction
française.
6
INTRODUCTION DE L’ÉDITION
ORIGINALE
Dans la première brochure du Lama Yeshe Wisdom

Archive intitulée « Devenir son Propre Thérapeute », j’avais
évoqué les caractéristiques uniques des enseignements de Lama
Yéshé. « Faites de votre Esprit un Océan » vient apporter une
nouvelle preuve évidente de cet aspect si particulier des
enseignements donnés par Lama.
Les colloques repris dans cette brochure traitent de l’esprit en

général. Ils eurent lieu au cours de la seconde tournée mondiale
de Lama Yéshé et Lama Zopa Rinpoché en 1975. J’ai eu le
grand honneur de les accompagner dans cette tournée et ai
assisté à toutes ces conférences. La plupart des personnes de
l’assistance découvraient tout juste le bouddhisme et n’avaient
jamais vu un lama tibétain auparavant, situation bien différente
de ce que nous connaissons aujourd’hui. Comme toujours, la
sagesse intemporelle de Lama rayonne avec le même éclat et ses
enseignements sont aussi percutants aujourd’hui qu’ils l’ont été
alors.
Deux de ces colloques furent donnés sous forme de causeries à

l’heure du déjeuner à l’Université de Melbourne et à celle de
Latrobe. La dernière ayant commencé un peu en retard, il n’y
eut pas assez de temps pour la session de questions-réponses qui
tenait tant à coeur à Lama. Le chapitre « Faites de votre Esprit
7
un Océan » reprend une conférence du soir ouverte à tous et à
laquelle plusieurs centaines de personnes assistèrent.
Le chapitre intitulé « La Maladie Mentale dans une Perspective

Bouddhique » présente peut-être le plus grand intérêt. Ici Lama
rencontrait un groupe de psychiatres à l’hôpital du Prince Henry
qui, à l’époque, était un hôpital où se formaient des étudiants en
liaison avec l’Ecole de Médecine Universitaire Monash.
Auparavant, cet hôpital avait été affilié à l’Université de
Melbourne et c’est là que j’avais fait mes études de médecine
clinique et travaillé pendant les quelques années qui suivirent
mon doctorat. Si bien qu’un certain nombre des psychiatres que
Lama rencontra cette après-midi-là avaient été mes professeurs
ou mes collègues. En plus de tout le reste, j’étais curieux
d’observer leur réaction devant la transformation de mon
apparence extérieure (je portais l’habit monastique à l’époque).
Il y a quelques années, l’hôpital a été démoli ; la dernière fois
que j’y suis passé, il n’y avait plus à son emplacement qu’un
trou dans le sol, symbole de tout ce qui a changé depuis ces
jours de pionniers. Quoi qu’il en soit, ces docteurs avaient été
ravis de rencontrer et de poser leurs questions à Lama et cet
échange historique souligne la différence entre les conceptions
occidentale et bouddhique sur le sujet de la santé mentale.
Dr Nick Ribush
8
Examinez vos propres attitudes mentales.
Devenez votre propre thérapeute.
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10
Votre esprit est votre religion .
VOTRE ESPRIT EST VOTRE

RELIGION
Quand je parle de « l’esprit », ce n’est pas juste à « mon esprit,

mon trip » que je fais référence. Quand je parle de « l’esprit »,
je parle de l’esprit de tous les êtres vivants dans l’univers.
La manière dont nous vivons, dont nous pensons... tout est

consacré aux plaisirs matériels. Nous considérons les objets des
sens comme étant de la plus haute importance et – en bons
matérialistes – nous nous dévouons à tout ce qui est en mesure
de nous apporter bonheur, gloire ou popularité. Notre esprit est
bien sûr à l’origine de tout ce processus, mais nous sommes si
totalement préoccupés par les objets extérieurs que nous ne
prenons jamais la peine de tourner notre regard vers l’intérieur,
nous ne nous demandons jamais par quelle sorte de pouvoir ces
objets nous fascinent tant.
Pendant toute la durée de notre existence, notre esprit constitue

une part inséparable de nous-mêmes. Le résultat, c’est que notre
vie est une douche écossaise continuelle. Ce n’est pas notre
corps qui passe par ces hauts et ces bas, c’est bien notre esprit –
cet esprit dont nous ne comprenons pas comment il fonctionne.
Il nous faut donc, parfois, prendre la peine de nous examiner
nous-mêmes – pas seulement notre corps, mais notre esprit.
Après tout, c’est lui qui, toujours, dicte nos actes. Il nous faut
connaître notre psychologie ou, si l’on préfère utiliser une
11
Faites de votre esprit un océan .
terminologie religieuse, notre nature intérieure. Bref, quels que

soient les mots utilisés, il nous faut connaître notre propre
esprit.
N’allez pas penser que cette démarche – examiner la nature de

son esprit, chercher à la connaître – soit juste un trait culturel
oriental, ce serait une conception erronée. Je parle de quelque
chose qui VOUS concerne. Comment peut-on dissocier le corps,
ou l’image de soi, de l’esprit ? C’est impossible. Vous croyez
que vous êtes une personne indépendante, libre de voyager à
travers le monde, de profiter de tout. Mais vous n’êtes pas libre
du tout, quoi que vous en pensiez. Je ne dis pas que vous êtes
sous le contrôle de quelqu’un d’autre. C’est votre propre esprit
incontrôlé, votre propre attachement qui vous tyrannise. Si vous
découvrez comment vous vous opprimez vous-mêmes, votre
esprit incontrôlé disparaîtra. Connaître votre esprit est la
solution à tous vos problèmes.
Aujourd’hui le monde vous paraît magnifique, demain tout vous

paraîtra sordide. Comment peut-on dire cela ? D’un point de vue
scientifique, il est impossible que le monde puisse changer
d’une façon si radicale. C’est votre esprit qui fait que les choses
vous apparaissent ainsi. Il ne s’agit pas ici d’un dogme
religieux ; ces hauts et ces bas dans votre vie n’ont rien à voir
avec une croyance religieuse quelconque. Je ne parle pas de
religion, mais de la façon dont vous conduisez votre vie
quotidienne, qui est précisément responsable de ces extrêmes
d’euphorie et de dépression. Ce ne sont pas les autres ou votre
environnement qui changent radicalement, c’est votre esprit.
J’espère que vous comprenez cela.
De la même manière, un tel va trouver que le monde et ses
habitants sont merveilleux tandis que tel autre pensera que tout
et tout le monde sont horribles. Qui a raison ? Comment peut-on
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expliquer cela scientifiquement ? Il ne s’agit que de la

projection de l’esprit de chacun sur le monde sensoriel. En
effet, on pense ainsi : « Aujourd’hui c’est comme ci ; demain
comme cela ; cet homme est comme ceci ; cette femme comme
cela. » Mais où se trouve cette femme belle-à-tout-jamais
absolument figée ? Qui est cet homme séduisant à-tout-jamais ?
Ils n’existent pas, ce sont simplement des créations de votre
propre esprit.
N’espérez pas que les objets matériels puissent vous satisfaire
ou rendre votre vie parfaite, c’est impossible. Comment
pourriez-vous être satisfaits par des objets matériels même en
grande quantité ? Est-ce que coucher avec des centaines de
personnes différentes pourrait vous satisfaire ? Jamais. La
satisfaction vient de l’esprit.
Si vous n’avez pas la moindre idée de votre propre

fonctionnement psychologique, vous pouvez ignorer ce qui se
passe dans votre esprit jusqu’au moment où vous craquez et
devenez complètement fou. Les gens deviennent fous par
manque de sagesse intérieure, par incapacité à examiner leur
propre esprit. Ils n’arrivent pas à comprendre ce qui se passe en
eux, ils ne savent pas comment se parler à eux-mêmes. Alors ils
sont constamment préoccupés par tous ces objets extérieurs,
tandis qu’à l’intérieur, leur esprit se dégrade, ce qui finalement
les amène à la dépression. Ils ignorent leur monde intérieur ;
leur esprit est totalement immergé dans l’ignorance, au lieu
d’être en alerte et occupé à s’analyser soi-même. Examinez vos
propres attitudes mentales. Devenez votre propre thérapeute.
Vous êtes intelligents ; vous savez bien que les objets matériels
seuls ne peuvent pas vous apporter satisfaction. Pour autant, il
n’est pas nécessaire de vous engager dans une aventure d’ordre
religieux ou émotionnel pour vous adonner à l’examen de votre
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esprit. Certains le croient cependant. Ils s’imaginent que cette

sorte d’auto-analyse est quelque chose de religieux ou de
spirituel. Non, il n’est pas nécessaire de vous positionner vous-
mêmes en tant qu’adepte de telle ou telle religion ou
philosophie, de vous ranger dans une catégorie religieuse. Mais
si vous voulez être heureux, ce qui est absolument nécessaire,
c’est de vérifier comment vous conduisez votre vie. Votre esprit,
c’est là votre religion.
Quand vous examinez votre esprit, ne rationalisez pas, ne forcez

rien non plus. Relax... Détendez-vous. Ne soyez pas contrariés
quand surgissent les problèmes. Prenez-les en compte et voyez
d’où ils viennent ; découvrez leur racine. Représentez-vous le
problème : « Voici le type de problème. Comment est-il devenu
un problème ? Quelle sorte d’état d’esprit en a fait un
problème ? Quelle sorte d’état d’esprit le considère comme
tel ? » Un examen approfondi, complet, le fera automatiquement
disparaître. C’est si simple, n’est-ce pas ? Vous n’avez pas
besoin d’avoir foi en quoi que ce soit. N’ayez foi en rien ! Vous
ne pouvez quand même pas aller jusqu’à prétendre : « Je ne
crois pas à l’existence de mon esprit. » Vous ne pouvez pas
rejeter l’existence de l’esprit. Mais vous pouvez dire : « Je
rejette les trucs orientaux », je suis d’accord. Mais pouvez-vous
vous rejeter vous-mêmes ? Pouvez-vous nier avoir une tête, un
nez ? Non, vous ne pouvez pas renier votre esprit. Alors, usez de
sagesse avec vous-mêmes et essayez de découvrir la véritable
source de satisfaction.
Quand vous étiez un enfant, vous adoriez les glaces, le chocolat

et les gâteaux et vous n’en aviez jamais assez. Vous pensiez
alors : « Quand je serai grand, j’aurai toutes les glaces, le
chocolat et les gâteaux dont j’aurai envie et là, je serai
heureux. » Et en effet, vous pouvez maintenant avoir toutes les
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glaces, le chocolat et les gâteaux dont vous avez envie... mais

vous êtes blasés. Vous décidez donc que, puisque ces objets-là
ne vous rendent pas heureux, vous allez vous procurer une
voiture, une maison, une télévision, un mari ou une femme et
que, là, vous serez heureux. Maintenant vous avez toutes ces
choses, mais voilà que la voiture est un problème, que la maison
est un problème, que le mari ou la femme est un problème, que
vos enfants sont un problème. Et là vous comprenez : « Ceci n’a
rien à voir avec la satisfaction ! »
Alors, qu’est-ce donc que la satisfaction ? Examinez tout cela

mentalement et analysez bien ; c’est très important. Examinez
votre vie depuis l’enfance jusqu’à présent. C’est cela la
méditation analytique : « A cette époque, mon esprit était
comme ceci ; à présent, il est comme cela. Il a changé de telle et
telle façon. » Votre esprit a certes changé souvent, mais ces
divers changements vous ont-ils amenés à comprendre ce qui
réellement avait le pouvoir de vous rendre heureux ?
Personnellement, je crois que vous êtes perdus. Vous savez
comment vous y retrouver dans la ville, comment rentrer à la
maison, où acheter du chocolat, et pourtant vous êtes perdus –
votre véritable but, vous n’arrivez pas à le trouver. Vérifiez
honnêtement, n’en est-il pas ainsi ?
Pour le Seigneur Bouddha, tout ce que nous avons à savoir est

ce que nous sommes, comment nous existons. Nul besoin de
croire en quoi que ce soit. Comprenez votre esprit, c’est tout :
comment l’attachement et le désir s’élèvent, comment
l’ignorance apparaît et d’où proviennent les émotions. Il suffit
de connaître la nature de tout cela ; car cela seul peut vous
apporter bonheur et paix. A partir de là, votre vie peut être
complètement transformée, tout peut être mis sens dessus
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dessous. Ce qui vous semblait horrible hier peut désormais vous

apparaître splendide...
Supposons que je vous dise que vous ne vivez que pour les
glaces et le chocolat, vous penseriez que je suis fou. Votre esprit
arrogant se braquerait et dirait : « Non ! non ! » Et pourtant...
Considérez avec plus d’attention quel est le but de votre vie.
Pourquoi êtes-vous ici ? Pour que l’on vous aime bien ? Pour
devenir célèbre ? Pour accumuler des richesses ? Pour plaire
aux autres ? Je n’exagère en rien ; vérifiez vous-mêmes et
voyez... Une réflexion approfondie vous conduira à la
conclusion que passer toute sa vie à chercher le bonheur en
suçant des glaces et en mangeant du chocolat enlève tout son
sens au fait que vous soyez nés en tant qu’êtres humains. Les
oiseaux et les chiens fonctionnent ainsi. Ne croyez-vous pas que
vous devriez avoir plus d’ambition dans la vie que les chiens et
les poulets ?
Je ne suis pas en train d’essayer de décider de votre vie à votre

place, mais vérifiez vous-mêmes. Il est préférable de vivre une
vie qui a un sens plutôt que de vivre dans le désordre mental.
Une vie désordonnée n’a pas de valeur ; elle n’est bénéfique ni
pour celui qui la vit, ni pour autrui. Quel EST votre but dans la
vie ? Le chocolat ? Un bon steak ?... Vous pensez peut-être :
« Bien sûr que je ne vis pas pour la nourriture. J’ai reçu une
bonne éducation. » Mais l’éducation aussi passe par l’esprit.
Sans l’esprit, que deviennent l’éducation, la philosophie ? Une
philosophie n’est autre que la création mentale d’un individu,
quelques pensées reliées les unes aux autres d’une certaine
façon. Sans l’esprit, il n’y aurait ni philosophie, ni doctrine, ni
sujet d’études universitaires. Toutes ces choses sont des
fabrications de l’esprit.
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Comment s’y prendre pour examiner son esprit ? Simplement,

observer comment il perçoit et interprète chacun des objets qu’il
rencontre. Observer quels sentiments – confortables, incon-
fortables – surgissent. Puis réfléchir : « Quand je perçois tel ou
tel objet, ce sentiment, cette émotion surgissent. Je porte telle
sorte de jugement. Pourquoi ? » Voilà la manière d’examiner
son esprit, c’est tout. C’est très simple.
Quand vous effectuez cet examen de l’esprit correctement, vous

arrêtez de rendre les autres responsables de vos problèmes. Vous
reconnaissez que vos erreurs sont le fruit de votre propre esprit
pollué et trompé. Habituellement, quand vous êtes préoccupés
par des objets extérieurs, matériels, vous attribuez à ces objets et
à autrui la responsabilité de vos problèmes. Le fait de
projeter cette conception erronée sur des phénomènes extérieurs
vous rend malheureux. Quand vous commencez à prendre
conscience de vos projections erronées, alors vous commencez à
réaliser la nature de votre esprit et à mettre fin à vos problèmes
pour toujours.
Est-ce que tout cela est totalement nouveau pour vous ? Je ne le

pense pas. Quand vous êtes sur le point d’entreprendre quoi que
ce soit, vous examinez d’abord la situation, puis vous prenez
votre décision. C’est déjà ce que vous faites, je ne vous suggère
donc rien de bien nouveau. Ce qui diffère, c’est que vous
n’insistez pas assez : il faut examiner davantage. Cela ne veut
pas dire rester assis seul dans un coin à contempler son nombril
– on peut observer son esprit en toutes circonstances, même en
parlant ou en travaillant avec d’autres. Vous pensiez peut-être
que l’examen de l’esprit était réservé aux personnes qui
s’intéressent aux philosophies orientales ? Détrompez-vous.
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Prenez conscience que la nature de votre esprit est différente de

celle de la chair et des os de votre corps physique. Votre esprit
est semblable à un miroir, il reflète toutes choses sans la
moindre discrimination. Si vous possédez la « sagesse-
compréhension », vous pouvez exercer un contrôle sur le type
d’objets que vous acceptez dans le miroir de votre esprit. Si
vous n’accordez pas la moindre attention à ce qui se passe dans
votre esprit, celui-ci reflétera toutes les « ordures » ou
absurdités qu’il trouvera sur son chemin – objets qui peuvent
vous rendre malades psychologiquement. C’est à votre sagesse
d’examen qu’il revient de faire le distinguo entre les reflets
bénéfiques et ceux qui sont source de problèmes
psychologiques. En fin de compte, quand vous réalisez la
véritable nature du sujet et de l’objet, tous vos problèmes
s’évanouissent.
Certaines personnes se croient religieuses, mais qu’est-ce que

cela signifie ? Si vous n’examinez pas votre propre nature, si
vous n’acquérez pas la sagesse-connaissance, où est votre
« religion » ? Cette simple idée que l’on est religieux parce que
l’on pense « Je suis bouddhiste, je suis juif, ou autre chose... »
n’est d’aucun secours. Cela ne vient en aide à personne, ni à soi-
même, ni aux autres. Afin de réellement pouvoir aider autrui,
vous devez obtenir la sagesse-connaissance.
Les plus grands problèmes de l’humanité ne sont pas d’ordre

matériel, ils sont d’ordre psychologique. De la naissance à la
mort, les gens sont continuellement sous le contrôle de leurs
souffrances mentales. Certains ne s’inquiètent jamais de ce qui
se passe dans leur esprit quand tout va bien, mais quand les
choses tournent mal – quand arrive l’accident, ou n’importe
quel autre événement terrible – leur réaction immédiate, c’est :
« Mon Dieu, viens à mon aide ! » Ils s’octroient le qualificatif
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de « religieux », mais c’est une plaisanterie. Dans le bonheur

comme dans le malheur, un pratiquant sérieux garde sans faillir
la conscience de Dieu et de sa propre nature. Se laisser aller
quand on prend du bon temps, que l’on baigne dans le chocolat
et que les plaisirs sensoriels du monde sont notre seule
préoccupation, et ne se souvenir de Dieu qu’au moment où
survient quelque chose d’affreux, c’est manquer totalement du
sens des réalités, c’est être bien loin de tout esprit « religieux ».
Parmi les nombreuses religions de par le monde, quelle que soit

la religion considérée, pour appréhender Dieu, ou Bouddha, etc.,
il n’y a que les mots et l’esprit, rien de plus. Aussi les mots
n’ont pas tellement d’importance. Ce qu’il vous faut vraiment
comprendre, c’est que tout – le bon et le mauvais, chaque
philosophie et chaque doctrine – provient de l’esprit. L’esprit est
très puissant. C’est pourquoi il lui faut un guide sûr. Un avion
supersonique puissant a besoin d’un pilote confirmé ; le pilote
de votre esprit doit être la sagesse qui comprend sa nature. De
cette manière, vous pouvez orienter le pouvoir de votre énergie
mentale afin qu’elle soit bénéfique pour votre vie au lieu de la
laisser battre la campagne sans contrôle comme un éléphant
sauvage, au risque de vous détruire vous-mêmes et les autres.
Je n’ai pas besoin d’en dire beaucoup plus. Je pense que vous
comprenez de quoi je parle. A présent, il me semble qu’un petit
dialogue serait plus utile. Posez des questions, j’essaierai d’y
répondre. Souvenez-vous que rien ne vous oblige à être
d’accord avec ce que je vous dis. Je vous demande de
comprendre mon attitude, ma pensée. Si ce dont je viens de
parler ne vous plaît pas, ne craignez pas de me contredire.
J’aime que les gens débattent avec moi. Je ne suis pas un
dictateur dictant sa loi : « Vous devez faire ceci ; vous devez
faire cela. » Non, je ne peux pas vous dire ce que vous avez à
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faire. Je ne fais que suggérer ; je souhaite que vous mettiez mes

propos à l’épreuve. Si vous agissez ainsi, alors je serai satisfait.
Alors, allez-y, dites-moi si vous n’êtes pas d’accord avec ce que
j’ai dit.
Comment vous y prenez-vous pour examiner votre propre

esprit ? Comment faites-vous cela ?
Une manière simple d’examiner votre esprit est d’observer en
détail la manière dont vous percevez les choses, comment vous
interprétez vos expériences. Pourquoi, en l’espace d’une seule
journée, éprouvez-vous tant de sentiments différents envers
votre compagnon ou compagne ? Le matin, tout va bien, et
l’après-midi, vous ne savez plus trop ; pourquoi ? Est-ce qu’il
(ou elle) a changé si radicalement en quelques heures ? Non,
bien sûr, il n’y a eu aucun changement radical, mais alors
pourquoi vos sentiments ne sont-ils plus les mêmes ? C’est ainsi
que l’on procède.
Si l’on ne peut pas faire confiance à son esprit pour prendre une
décision, peut-on s’en remettre à quelque chose d’extérieur ?
Comme lorsque l’on se dit : « Si ceci ou cela arrive, j’irai ici ;
mais si autre chose arrive, alors j’irai là-bas. »
Avant de faire quoi que ce soit, demandez-vous pourquoi vous
le faites, quel est votre but ; dans quel type d’action vous vous
engagez. Si le chemin devant vous apparaît confus, il vaut peut-
être mieux ne pas le prendre ; s’il vous semble valoir la peine,
vous pouvez probablement poursuivre. Mais d’abord analysez la
situation. N’agissez pas sans savoir vers quoi vous serez
entraînés.
Qu’est-ce qu’un lama ?

Bonne question. Pour les tibétains, un lama est quelqu’un qui a
reçu une éducation très complète dans le domaine de l’esprit et
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qui connaît non seulement l’esprit présent, mais aussi le passé et

l’avenir. D’un point de vue psychologique, un lama peut voir
d’où il vient et où il va. De plus, il a la totale maîtrise de lui-
même et la capacité de conseiller psychologiquement les autres.
Les tibétains considèrent ce type de personne comme étant un
lama.
Quel est l’équivalent occidental d’un « lama » ?

Je ne pense pas qu’il y ait d’équivalent à proprement parler.
Cela pourrait être une combinaison de prêtre, de psychologue et
de médecin. Mais, comme je viens de le dire, un lama a réalisé
la véritable nature de son esprit et de celui des autres et il est à
même de proposer des solutions parfaites aux problèmes
mentaux d’autrui. Sans vouloir les critiquer, je doute que la
plupart des psychologues occidentaux aient le même degré de
compréhension de l’esprit ou des problèmes émotionnels
auxquels les gens sont confrontés. Parfois ils donnent des
explications plutôt superficielles aux problèmes rencontrés par
les gens, comme par exemple : « Quand vous étiez petit, votre
mère a fait ceci, votre père a fait cela... » Je ne suis pas
d’accord. Ce n’est pas vrai. On ne peut pas rendre ses parents
responsables de ses propres problèmes comme cela.
Bien sûr, les facteurs extérieurs peuvent contribuer à
l’émergence de difficultés, mais la cause principale est toujours
en nous ; le problème fondamental n’est jamais à l’extérieur. Je
ne sais pas... les médecins occidentaux ont peut-être peur de
regarder les choses de cette manière.
J’ai aussi rencontré de nombreux prêtres, dont certains sont
même devenus des amis, et ils ont plutôt tendance à éviter l’ici
et maintenant. Au lieu de se concentrer sur des moyens
pratiques de gérer le quotidien dans ses incertitudes, ils mettent
l’accent sur des considérations religieuses telles que Dieu, la foi,
21
etc. Mais les gens aujourd’hui sont plutôt sceptiques et rejettent

souvent l’aide que certains prêtres pourraient leur apporter.
Comment la méditation peut-elle nous aider à prendre des

décisions ?
La méditation est une méthode qui marche parce qu’on ne vous
demande pas d’avoir foi en quelque chose ; c’est une méthode
que l’on peut tester par soi-même. On analyse, on observe son
esprit. Si vous avez de gros problèmes avec une personne et que
votre ego se sent blessé, au lieu de réagir, regardez ce qui se
passe, c’est tout. Pensez simplement à la manière dont les sons
sortent de la bouche de l’autre personne, comment ils pénètrent
dans votre oreille et comment ils vous font mal au niveau du
coeur. Si vous savez vous y prendre dans cette analyse, la
situation vous prêtera à rire : vous réaliserez à quel point il est
ridicule de se laisser bouleverser par quelque chose de tellement
insignifiant. Et alors votre problème s’évanouira – pouf !... aussi
simplement que cela. En pratiquant ainsi, vous découvrirez par
votre propre expérience comment la méditation vous aide et de
quelle manière elle apporte des solutions satisfaisantes à tous
vos problèmes. Car la méditation ce n’est pas des mots, c’est de
la sagesse.
Lama, pourriez-vous nous parler un peu du karma ?

Bien sûr : vous êtes karma, c’est aussi simple que cela. En fait,
karma est un mot sanskrit qui veut dire en gros « cause et
effet ». Qu’est-ce que cela signifie ? Hier, quelque chose s’est
passé dans votre esprit ; aujourd’hui, vous faites l’expérience du
résultat. Ou bien, au niveau de votre environnement : vous avez
tels parents, vous vivez tel type de situation, tout cela a un effet
sur vous. Tout au long de votre vie, jour après jour, action après
action, tout le temps, dans votre esprit il y a cet enchaînement
ininterrompu de cause et réaction, cause et réaction ; c’est cela
22
le karma. Tant que vous êtes dans votre corps, en interaction

avec le monde sensoriel, à discriminer entre le bon et le
mauvais, automatiquement votre esprit crée du karma, cause et
effet. Le karma n’est pas une simple philosophie théorique, c’est
de la science, de la science bouddhique. Le karma explique le
processus d’évolution de la vie : forme, sentiment, couleur,
sensation, discrimination. Il explique votre vie tout entière : ce
que vous êtes, d’où vous venez, pourquoi tout cela continue,
votre relation avec votre esprit. Le karma est l’explication
scientifique de l’évolution selon le bouddhisme. C’est pourquoi,
même si le mot karma est un terme sanskrit, en fait, vous êtes
karma, toute votre vie est sous le contrôle du karma, vous vivez
au sein même du champ énergétique du karma. Votre énergie
entre en contact avec une autre énergie, puis une autre, et encore
une autre, et réagit ; c’est ainsi que se déroule votre vie entière.
Physiquement, mentalement, tout est du karma. Le karma n’est
donc pas un objet de croyance ou de foi. Vous errez sans fin
dans les six royaumes de l’existence cyclique à cause de la
nature spécifique de votre corps et de votre esprit, c’est un fait,
que vous croyiez au karma ou pas. Au sein de l’univers
physique, quand toutes les causes sont réunies – la terre, la mer,
les quatre éléments, la chaleur, etc.. – certains résultats en
découlent automatiquement. Il n’est pas nécessaire d’avoir la foi
pour savoir que cela arrive. La même chose se passe au sein de
l’univers intérieur, en particulier quand on entre en contact avec
le monde sensoriel ; on réagit constamment. Par exemple,
l’année dernière vous vous êtes régalés d’un chocolat délicieux
avec beaucoup d’avidité et depuis, comme vous n’avez plus eu
l’occasion d’en manger, cela vous manque beaucoup. Vous
pensez : « Oh, j’aimerais vraiment manger du chocolat ! » Le
souvenir de votre expérience passée avec le chocolat induit désir
et obsession de renouveler l’expérience. Cette réaction à la
23
première expérience, c’est le karma : l’expérience étant la cause

et le manque, le résultat. C’est en fait très simple.
Quel est votre but dans la vie ?

Vous me demandez quel est le but de ma vie ? Voilà une
question que je dois d’abord et avant tout me poser à moi-
même ; mais, s’il faut que j’y réponde, je dirais que mon but est
de me consacrer autant que je le peux au bien-être d’autrui, tout
en essayant d’être également bénéfique à moi-même. Je ne peux
pas dire si j’y réussis, mais ce sont les objectifs que je me suis
fixés.
L’esprit est-il différent de l’âme ? Quand vous parlez de

résoudre les problèmes de l’esprit, est-ce que vous voulez dire
que l’esprit est le problème et non pas l’âme ?
D’un point de vue philosophique, on peut considérer l’âme de
nombreuses façons différentes. Dans le christianisme et
l’hindouisme, l’âme est différente de l’esprit, elle est vue
comme quelque chose de permanent avec une existence propre.
Pour moi, il n’existe rien de tel. Dans la terminologie
bouddhique, l’âme, l’esprit ou quel que soit le terme employé,
change, évolue constamment. En fait, je ne fais pas vraiment de
distinction entre l’âme et l’esprit, mais en chacun de vous, il est
impossible de trouver quoi que ce soit de permanent ou qui ait
une existence propre. Dans le cas de problèmes mentaux, il ne
faut pas penser que l’esprit est totalement négatif ; c’est l’esprit
incontrôlé qui est à l’origine des problèmes. Si l’on développe
la sagesse adéquate et si, par là même, on reconnaît la nature de
l’esprit incontrôlé, ce dernier disparaîtra automatiquement.
Mais, d’ici là, l’esprit incontrôlé reste le maître absolu.
J’ai souvent entendu dire que beaucoup d’occidentaux sont

capables d’appréhender la philosophie du bouddhisme tibétain
24
intellectuellement mais qu’il leur est difficile de la mettre en

pratique. Ils la comprennent et y adhérent mais ils n’arrivent
pas à l’intégrer à leur vie. A quoi est dû ce blocage, d’après
vous ?
Voilà une question très intéressante, merci. Le bouddhisme
tibétain vous enseigne comment triompher de l’esprit insatisfait,
mais pour ce faire, vous devez fournir un effort. Pour que nos
techniques deviennent partie intégrante de votre propre
expérience, il faut avancer lentement, graduellement. Vous ne
pouvez pas sauter d’un bond au but ultime. Cela prend du temps
et nous sommes conscients qu’au début vous aurez de la peine.
Mais si vous prenez les choses en douceur, les difficultés iront
en diminuant avec le temps.
Quelle est la véritable nature de notre esprit et comment faire

pour la reconnaître ?
La nature de l’esprit a deux aspects : l’aspect relatif et l’aspect
absolu. L’aspect relatif se rapporte à l’esprit qui perçoit et
fonctionne au sein du monde sensoriel. Cet esprit est aussi
appelé dualiste et, à cause de ce que, dans mon langage, je
décris comme étant sa perception « ceci-cela », il est par nature
en constante agitation. Cependant, en transcendant l’esprit
dualiste, on peut parvenir à une vue unifiée. A ce moment-là, on
réalise la véritable nature absolue de l’esprit, qui est au-delà de
toute dualité. Dans nos rapports avec le monde sensoriel, dans
notre vie normale, quotidienne, ordinaire, il y a toujours deux
choses qui apparaissent et l’apparition de ces deux choses est
toujours source de problèmes. C’est un peu comme avec les
enfants : tout va bien tant qu’il n’y en a qu’un, mais dès qu’ils
sont deux, ils font des bêtises... Ainsi, quand nos cinq sens
interprètent le monde et apportent des informations d’ordre
dualiste à notre esprit, ce dernier s’empare de cette manière de
voir et cette saisie provoque automatiquement conflit et
25
agitation. Nous sommes ici aux antipodes de toute expérience

de paix et de liberté intérieure. Voilà pourquoi en parvenant au-
delà de cette saisie dualiste, vous ferez l’expérience de la paix
parfaite. Ceci dit, nous touchons ici à une vaste question à
laquelle je n’ai fait qu’apporter une réponse rapide, sans doute
insatisfaisante. En fait, je ne vous ai donné qu’une simple
introduction à un sujet d’une grande profondeur. Cependant,
pour ceux qui ont déjà quelques notions de base sur le sujet, ma
réponse aura pu apporter quelque satisfaction.
Quand on examine son esprit, celui-ci nous dit-il toujours la
vérité ?
Non, pas nécessairement. Parfois ce sont vos conceptions
erronées qui répondent. Il ne faut pas les écouter, mais se dire au
contraire : « ce que cet esprit me dit ne me satisfait pas, je veux
une meilleure réponse. » Continuez à examiner votre esprit de
plus en plus en profondeur jusqu’à ce que ce soit votre sagesse
qui vous réponde. Il est positif de se poser des questions, si on
ne le fait pas on n’obtient jamais de réponse. Mais la manière de
vous questionner ne doit pas être émotionnelle : « mais qu’est-
ce que c’est que ça, qu’est-ce que c’est, qu’est-ce que c’est ? Je
veux trouver, je veux savoir… » Si une question vous
préoccupe, mettez-la plutôt par écrit. Pensez-y attentivement.
C’est graduellement que la réponse va émerger. Cela prend du
temps. Si vous n’obtenez pas de réponse aujourd’hui, collez
donc la question sur la porte de votre réfrigérateur. Quand les
questions sont posées avec force, les réponses viennent, parfois
même dans les rêves. Pourquoi cela ? Parce que votre nature
fondamentale c’est la sagesse. Ne vous croyez pas
désespérément ignorant. La nature humaine possède les deux
aspects, positif et négatif.
Quelle est votre définition d’un maître spirituel ?
26
Un maître spirituel (skt. gourou) est une personne qui est

véritablement capable de vous faire découvrir la vraie nature de
votre esprit et qui connaît les remèdes infaillibles à vos
problèmes psychologiques. Quelqu’un qui ne connaît pas son
propre esprit ne pourra jamais connaître celui d’autrui et ne peut
donc pas prétendre à être un maître. Pareille personne ne pourra
jamais résoudre les problèmes d’autrui. Il convient d’être
extrêmement prudent avant de prendre telle ou telle personne
pour Maître ; les imposteurs ne manquent pas autour de nous.
Les occidentaux sont parfois trop crédules. Il suffit que
quelqu’un arrive en disant : « Je suis un lama, je suis un yogi ;
je peux vous apporter la connaissance », et de jeunes
occidentaux se disent dans leur enthousiasme : « Je suis certain
que cette personne-là a quelque chose à m’apprendre. Je vais la
suivre. » On risque gros en se comportant ainsi. On m’a
rapporté de nombreux cas de personnes qui se sont fait tromper
par des charlatans. Les occidentaux ont tendance à croire trop
facilement. Les orientaux, eux, sont beaucoup plus circonspects.
Prenez votre temps, soyez détendus, analysez soigneusement.
Est-ce que l’humilité accompagne toujours la sagesse ?

Oui, c’est une bonne chose d’être aussi humble que possible. Si
dans vos actions, vous parvenez à allier constamment humilité
et sagesse, alors votre vie sera merveilleuse. Vous respecterez
tout le monde.
Y a-t-il des exceptions à cette règle ? J’ai vu des affiches à

propos d’un guide spirituel où l’on peut lire : « Moi, aux pieds
de qui tout le monde se prosterne... » Est-ce qu’une personne
qui fait ce type de déclaration peut être un sage ?
Eh bien, c’est difficile à dire juste comme cela. Le point sur
lequel j’insiste c’est qu’il faut être aussi précautionneux que
possible. Nos esprits sont bizarres. Parfois, nous sommes
27
sceptiques à propos de sujets qui ne font aucun doute mais nous

acceptons sans la moindre hésitation ce dont il faudrait
justement se tenir éloigné. Où que vous alliez, examinez toutes
choses à l’aide de la sagesse en vous efforçant d’éviter les
extrêmes et de suivre la voie du milieu. C’est le plus important.
Pourquoi cette différence dont vous parlez entre les occidentaux

et les orientaux ?
Cette différence n’est peut-être pas si grande finalement. Les
occidentaux sont peut-être un peu plus compliqués sur le plan
intellectuel, mais fondamentalement les êtres humains se
ressemblent tous : la plupart du temps, nous recherchons tous le
plaisir et les plaisirs des sens sont notre préoccupation
principale. C’est au niveau intellectuel que nos caractères
peuvent différer. La différence en ce qui concerne le rapport au
maître spirituel est probablement due au fait qu’en Asie les gens
ont une plus grande expérience dans ce domaine.
Est-il plus difficile de réaliser la sagesse ici en Occident qu’en

Orient parce qu’ici nous sommes entourés de trop de
distractions, nos esprits sont trop préoccupés du passé ou de
l’avenir et qu’apparemment nous sommes tellement sous
pression ? Est-ce qu’il faut que nous nous isolions de tout
complètement, ou quoi ?
Je ne peux pas dire qu’il est plus difficile de réaliser la sagesse-
connaissance en Occident qu’en Orient. En fait, la réalisation de
la sagesse, la compréhension de notre propre nature, est une
entreprise individuelle. On ne peut pas dire que ce soit plus
facile ici que là ; ni dire que pour développer cette sagesse-
connaissance, il faille renoncer à une vie matérielle à
l’occidentale. Il n’est pas nécessaire de tout abandonner. Au lieu
de tout abandonner radicalement, essayez plutôt d’adopter un
point de vue différent : « Certes, j’ai besoin de ces objets, mais
28
il me faut admettre qu’ils ne suffisent pas à me satisfaire. » Les

problèmes surgissent quand la saisie et l’attachement dominent
votre esprit et que vous placez toutes vos attentes dans les
personnes qui vous entourent et les biens matériels. Les objets
matériels en eux-mêmes ne sont pas le problème ; le problème,
c’est l’esprit de saisie, qui dit : « Je ne peux pas vivre sans ceci
ou cela. » En fait, on peut vivre dans un luxe incroyable et en
même temps être complètement détaché de toutes ces
possessions. Le plaisir procuré par les biens matériels sera
d’ailleurs bien plus grand si vous les utilisez sans attachement.
Si vous y parvenez, votre vie sera parfaite. Vous les occidentaux
avez la chance de pouvoir obtenir toutes ces choses sans
beaucoup d’efforts. En Orient, pour gagner un minimum de
confort matériel, nous devons vraiment beaucoup batailler. Le
résultat, c’est que nous avons tendance à nous accrocher aux
possessions avec beaucoup plus de force, ce qui engendre
encore plus de souffrance. Au bout du compte, pour vous
comme pour nous, c’est toujours l’attachement qui est la source
des problèmes. Alors, essayons de nous en libérer tout en
gardant nos possessions.
J’espère que j’ai répondu à vos questions. Merci beaucoup à

tous.
Melbourne University
Melbourne, Australie
25 mars 1975
29
30
Les problèmes humains sont autre chose
que de simples bouleversements émotionnels
ou des dérèglements relationnels.
En fait, ce sont là des problèmes mineurs.
C’est un peu comme si nous avions un océan immense
de problèmes là-dessous et tout ce que nous voyons
ce sont les petites vagues à la surface.
31
32
La maladie mentale dans une perspective bouddhique .
LA MALADIE MENTALE
DANS UNE PERSPECTIVE
BOUDDHIQUE
Je suis né près de Lhassa, la capitale du Tibet, et j’ai fait mes

études à l’Université Monastique de Séra, l’un des trois grands
monastères de Lhassa. On y enseignait comment mettre un
terme aux problèmes humains – non pas tant les problèmes que
les gens rencontrent dans leur relation avec l’environnement
extérieur, mais plutôt les problèmes mentaux, ceux qui
proviennent de l’intérieur, auxquels nous sommes tous
confrontés. C’est cela que j’ai étudié, la psychologie
bouddhique, ou comment traiter la « maladie mentale ».
Ces dix dernières années, j’ai travaillé avec des occidentaux afin
de vérifier par l’expérience si la psychologie bouddhique peut
s’appliquer aussi à l’esprit occidental. D’après ce que j’ai pu
constater, cette expérience s’est avérée très efficace. Tout
récemment, certains de ces étudiants m’ont invité à venir en
Occident pour donner une série de conférences et de cours de
méditation. Voilà pourquoi vous me voyez ici aujourd’hui.
Pour nous, bouddhistes tibétains, les problèmes humains ont leur

origine principale dans l’esprit, et non pas dans l’environnement
extérieur ; c’est le point le plus important. Mais en fait, plutôt
que de m’embarquer dans des explications qui pourraient ne pas
vous concerner, il vaudrait sans doute mieux que vous me posiez
33
des questions spécifiques afin que je puisse traiter sans détour de

sujets vraiment pertinents pour vous.
Dr. Stan Gold : Lama, merci beaucoup d’être venu. Puis-je
lancer le débat en vous demandant ce que vous entendez par
« maladie mentale » ?
Je qualifie de « maladie mentale » un état d’esprit qui ne perçoit
pas la réalité, un esprit qui a tendance soit à exagérer soit à
sous-estimer les qualités de la personne ou de l’objet qu’il
perçoit, ce qui engendre problème après problème. En Occident,
on ne considérerait pas ce travers comme étant une maladie
mentale mais l’interprétation de la psychologie occidentale est
trop restreinte en la matière. Si une personne est manifestement
déstabilisée par ses émotions, vous voyez là un problème ; par
contre si quelqu’un est dans l’incapacité fondamentale de voir
la réalité, de comprendre sa propre nature véritable, cela ne
vous en pose pas. Et pourtant, méconnaître sa propre attitude
mentale de base est un énorme problème.
Les problèmes humains sont autre chose que de simples
bouleversements émotionnels ou des dérèglements relationnels.
En fait, ce sont là des problèmes mineurs. C’est un peu comme
si nous avions un océan immense de problèmes là-dessous et
tout ce que nous voyons ce sont les petites vagues à la surface.
Nous nous focalisons sur elles : « Oh, oui, vraiment, voilà un
gros problème », sans nous préoccuper de la véritable cause, à
savoir la nature insatisfaite de l’esprit humain. Il n’est pas facile
de s’en rendre compte, mais nous considérons comme malades
mentaux les gens qui n’ont pas conscience de la nature de leur
esprit insatisfait car, de fait, leur esprit n’est pas en bonne santé.
Lama Yéshé, comment vous y prenez-vous pour traiter cette

maladie ? Comment aidez-vous les gens qui souffrent de
maladie mentale ?
34
Oui, bonne question, excellente. Voilà comment je m’y prends :

j’essaie d’amener la personne à analyser la nature fondamentale
de son problème. J’essaie de lui montrer la vraie nature de son
esprit afin qu’avec son propre esprit, elle puisse acquérir une
compréhension de sa confusion. Si elle peut faire cela, alors elle
est à même de résoudre ses problèmes elle-même. Je ne crois
pas pouvoir résoudre les problèmes de quelqu’un juste en
parlant un peu avec lui. Il s’en trouvera peut-être un peu mieux
mais le soulagement sera de très courte durée. Les racines du
problème plongent dans les profondeurs de son esprit ; tant
qu’elles n’en auront pas été extirpées, les péripéties mouvantes
de la vie susciteront l’émergence de nouveaux problèmes.
Ma méthode consiste à demander à la personne d’analyser son
esprit afin d’en percevoir graduellement la véritable nature. Il
m’est arrivé de donner un petit conseil à quelqu’un qui s’est dit
aussitôt : « Super, mon problème a disparu, Lama l’a résolu en
quelques mots », mais en fait c’est de l’invention pure et simple,
cette personne se raconte des histoires. Il n’y a aucun moyen de
comprendre ses problèmes mentaux si l’on ne devient pas son
propre psychologue. C’est impossible autrement.
Comment aidez-vous les gens à comprendre leurs problèmes ?

Comment vous y prenez-vous ?
J’essaie de les ouvrir à leur nature dans son aspect
psychologique, de leur montrer comment analyser leur esprit.
Une fois cela acquis, ils sont en mesure d’analyser et de
résoudre eux-mêmes leurs problèmes. J’essaie de leur apporter
une méthode.
Quelle est précisément la méthode que vous enseignez

permettant d’appréhender la véritable nature de l’esprit ?
Au fond, il s’agit d’une sorte de sagesse-connaissance qui
analyse, ou examine.
35
Est-ce une forme de méditation ?

C’est en effet une méditation analytique, une méditation qui
examine.
Comment vous y prenez-vous ? Comment apprenez-vous à

quelqu’un à analyser ?
Je vais vous donner un exemple. Disons que j’ai une bonne
impression à propos d’une personne. Je dois me demander :
« Pourquoi ai-je cette impression favorable à propos de cette
personne ? Qu’est-ce qui me fait ressentir cela ? » En procédant
à cet examen, il se peut que je découvre qu’en fait j’ai cet a
priori favorable parce qu’à un moment donné cette personne a
été gentille avec moi, ou pour toute autre raison futile ou
illogique de ce genre. « Je l’aime parce qu’elle a fait ceci ou
cela ». C’est la même chose quand j’ai une impression négative
à propos d’une personne ; je ne l’aime pas parce qu’elle a fait
ceci ou cela. Mais si l’on regarde plus en profondeur afin de
découvrir si ces qualités bonnes ou mauvaises existent
réellement dans telle ou telle personne, on a toutes les chances
de s’apercevoir que ce qui distingue « l’ami » de « l’ennemi »
ne repose que sur des raisonnements très superficiels et sans
grande logique. Notre jugement s’appuie sur des qualités sans
grande valeur, et non sur la totalité de l’être de l’autre personne.
Nous constatons telle ou telle caractéristique que nous baptisons
qualité ou défaut – ce peut être quelque chose que la personne a
faite ou dite – et nous l’exagérons de façon complètement
disproportionnée. Puis ce que nous percevons nous met dans
tous nos états. L’analyse permet de voir qu’il n’y a aucune
raison de mettre en place ce type de discrimination dont le seul
effet est de nous maintenir enchaînés, irrités et dans la
souffrance. Dans ce genre d’analyse, on n’examine pas l’autre
personne mais notre propre esprit car le but est de voir ce que
nous ressentons et de découvrir quel type d’esprit discriminant
36
est à l’origine de ces impressions. Voilà une approche

fondamentalement différente de l’approche occidentale, qui se
focalise exagérément sur les facteurs extérieurs au détriment du
rôle que joue l’esprit dans la vie des gens.
En fait, vous nous dites que le problème réside en la personne

même et vous n’acceptez pas l’idée que c’est la société qui rend
les gens malades ?
C’est exact. Par exemple, j’ai rencontré de nombreux
occidentaux qui ont eu des problèmes avec la société. Ils sont en
colère contre la société, contre leurs parents, contre tout. Quand
ils ont assimilé mon enseignement sur la psychologie, ils
réalisent : « Tout cela était ridicule ! J’ai toujours accusé la
société alors qu’en réalité le vrai problème a toujours été en
moi-même. » Ils deviennent alors des êtres humains courtois,
respectueux de la société, de leurs parents, de leurs professeurs
et de tout le monde. On ne peut pas accuser la société de nos
problèmes.
Pourquoi les gens font-ils de telles confusions ?

Parce qu’ils ne connaissent pas leur nature véritable.
L’environnement, les idées et les systèmes philosophiques
peuvent contribuer aux problèmes mais leur origine principale
c’est notre esprit. Bien sûr, la manière dont fonctionne la société
peut en contrarier certains, mais souvent les enjeux sont plutôt
minimes. Le malheur c’est que les gens ont cette tendance à
exagérer les problèmes, ce qui provoque leur mal-être. La
société est comme elle est, mais c’est rêver que de croire que le
monde peut exister sans elle.
Lama, que trouve-t-on dans l’océan de la nature d’un individu ?

Quand j’utilise cette expression, je veux dire que les problèmes
des gens sont semblables à un océan, dont nous ne percevons
37
que les vagues superficielles. Nous ne voyons pas ce qu’il y a

sous la surface. « Oh, j’ai un problème avec un tel. En me
débarrassant de lui, je résoudrai mes problèmes. » C’est un peu
comme si on considérait les appareils électriques sans
comprendre qu’en fait c’est l’énergie électrique qui les fait
fonctionner.
Quelle sorte de problèmes trouvons-nous sous les vagues ?

L’insatisfaction. L’esprit insatisfait est l’élément fondamental de
la nature humaine. Nous sommes insatisfaits de nous-mêmes ;
nous sommes insatisfaits du monde extérieur. Cette insatis-
faction est semblable à un océan.
Posez-vous à votre interlocuteur des questions sur lui-même ou

sur ses ressentis, afin de l’aider à se comprendre lui-même ?
Parfois oui, mais la plupart du temps, non. Certaines personnes
ont des problèmes très spécifiques ; dans ce cas, il peut être utile
d’avoir une idée précise de ce que sont ces problèmes afin de
proposer des solutions adaptées. Mais cette démarche est
rarement nécessaire parce que fondamentalement les problèmes
de chacun d’entre nous sont identiques.
Combien de temps consacrez-vous à cette personne pour mettre

à jour son problème et l’aider à le traiter ? Comme vous le
savez, en psychiatrie occidentale, nous accordons énormément
de temps aux malades afin de les aider à découvrir par eux-
mêmes la nature de leurs problèmes. Pratiquez-vous de même
ou différemment ?
Nos méthodes n’exigent pas que nous passions beaucoup de
temps avec les gens individuellement. Nous expliquons la
nature fondamentale des problèmes et la possibilité de les
dépasser ; puis nous donnons des techniques de base qui
permettent de traiter les problèmes. Les étudiants mettent ces
38
techniques en pratique ; et au bout d’un certain temps nous

vérifions ce qu’a été leur expérience.
Ce que vous dites c’est qu’au fond, nous rencontrons tous les
mêmes problèmes ?
Oui, absolument. D’un bout à l’autre de la planète, de l’est à
l’ouest, c’est toujours la même chose. La différence c’est qu’en
Occident, on attend que les gens soient cliniquement malades
pour décréter qu’ils ont un problème. Pour nous, c’est une
attitude trop superficielle. Selon la psychologie enseignée par le
Bouddha et l’expérience des lamas, le mal est bien plus profond
que la manifestation patente de symptômes cliniques. Tant que
l’océan d’insatisfaction demeure en nous, le moindre chan-
gement dans l’environnement peut suffire à faire surgir un
problème. Pour nous, le simple fait d’être la proie éventuelle
d’un problème dans l’avenir est le signe que notre esprit n’est
pas totalement sain. Tous autant que nous sommes ici, nous
avons un point commun : notre esprit est insatisfait. Du coup, la
moindre fluctuation dans notre environnement extérieur a le
pouvoir de nous rendre malades. Pourquoi ? Parce que le
problème fondamental réside dans notre esprit. Il vaut donc bien
mieux extirper le problème de fond que dépenser toute notre
énergie à essayer de traiter des problèmes émotionnels
superficiels. Ce faisant, on ne met pas un terme à la succession
continuelle des problèmes ; nous croyons avoir résolu un
problème alors que nous avons simplement remplacé un
problème par un autre.
Est-ce que mon problème de fond est le même que son problème
de fond ?
Oui, le problème de fond de chacun d’entre nous est ce que nous
appelons l’ignorance – le fait de ne pas comprendre la nature de
l’esprit insatisfait. Tant que l’on est soumis à ce type d’esprit, on
39
est dans le même bateau que tous les autres. Cette incapacité à
percevoir la réalité n’est pas une exclusivité occidentale ou
orientale. C’est un problème à l’échelle de l’humanité.
Donc, le problème de fond c’est de ne pas connaître la nature

de son esprit ?
C’est bien cela.
Et l’esprit de chacun est de même nature ?

Oui, de même nature.
Et chaque personne a le même problème de base ?

Oui, mais il y a des différences. Par exemple, il y a cent ans, les
gens vivant en Occident étaient confrontés à certains types de
problèmes. Le développement technologique a permis d’en
résoudre une grande partie ; mais aujourd’hui des problèmes
différents ont surgi à leur place. C’est cela que je veux dire. De
nouveaux problèmes remplacent les anciens, mais ce sont
toujours des problèmes, parce qu’en fait le problème de fond est
toujours là. Le problème de fond est comme un océan et ceux
que nous essayons de résoudre ne sont que les vagues. C’est la
même chose en Orient. En Inde, les problèmes rencontrés par
les villageois sont différents des problèmes des personnes qui
vivent dans la capitale, à New Delhi, mais ce sont toujours des
problèmes. A l’est comme à l’ouest, le problème de base est
partout le même.
Lama, tel que je l’entends, vous dites que le problème de base

c’est que les gens ont perdu le contact avec leur propre nature.
Comment perdons-nous le contact avec notre propre nature ?
Pourquoi en est-il ainsi ?
L’une des raisons c’est notre préoccupation pour ce qui se passe
en dehors de nous. Ce qui se passe dans le monde des sens nous
40
intéresse à un point tel que nous ne prenons pas le temps

d’examiner ce qui se passe dans notre esprit. Nous ne nous
posons jamais la question de savoir pourquoi ce monde des sens
est tellement intéressant, pourquoi les choses apparaissent
comme elles le font, pourquoi nous y réagissons comme nous le
faisons. Je ne prétends pas que l’on doive ignorer le monde
extérieur mais je dis que l’on devrait consacrer au moins autant
d’énergie à analyser notre relation avec celui-ci. Si nous
sommes capables de comprendre à la fois la nature du sujet et
celle de l’objet, nous pouvons réellement mettre un terme à nos
problèmes. Peut-être avez-vous le sentiment que sur le plan
matériel, votre vie est parfaite ; posez-vous pourtant la
question : « Est-ce que cela me satisfait vraiment ? N’y a-t-il
rien de plus ? » Regardez-y de plus près : « D’où vient la
véritable satisfaction ? » Si vous comprenez que la satisfaction
ne dépend pas uniquement des objets extérieurs, vous pourrez
jouir tout à la fois des biens matériels et de la paix de l’esprit.
La satisfaction est-elle d’une nature différente pour chacun ou

est-elle identique pour tous en général ?
Sur le plan relatif, chaque individu a sa propre manière de
penser, de sentir et de faire ses choix ; chaque individu a donc sa
manière unique de jouir des objets. Sur le plan relatif. Mais si
l’on va plus loin, si l’on considère des niveaux de sentiments, de
bonheur et de joie plus profonds, immuables et stables, on voit
que chacun a le potentiel d’atteindre des niveaux de satisfaction
identique. Sur le plan relatif, mondain, nous pensons : « Voilà ce
qui m’intéresse, voilà ce qui m’apporte du plaisir ; c’est donc
ceci et cela qu’il me faut. Par contre si je me retrouve dans telle
ou telle situation, je suis malheureux. » Sur le plan relatif, les
expériences que nous faisons nous sont personnelles et chacun
fait ses propres choix selon ses goûts propres. Mais sur le plan
41
absolu, nous pouvons tous accéder à un niveau de bonheur

identique.
Lama, est-ce que votre méthode pour résoudre les problèmes

des gens est de les mettre en situation de retraite méditative ou
de les couper du monde extérieur ? Est-ce de cette manière que
vous soignez les gens ?
Non, pas nécessairement. Chacun doit être totalement conscient
à la fois de ce qui se passe à l’intérieur de son esprit et de la
manière dont ce dernier entre en relation avec le monde
extérieur ainsi que de l’impact de l’environnement sur l’esprit.
Il n’est donc pas possible de mettre sa vie sous cloche à l’abri
du monde, il faut y faire face, il faut être ouvert à tout.
Votre traitement réussit-il à coup sûr ?

Non, pas nécessairement.
Pourquoi rencontrez-vous des échecs parfois ?

Parfois, c’est un problème de communication ; les gens
interprètent mal mes paroles. Il peut arriver que certains n’aient
pas la patience de mettre en œuvre les méthodes que je
recommande. Cela prend du temps pour guérir l’esprit
insatisfait. Changer son esprit, ce n’est pas comme repeindre sa
maison. On peut changer la couleur d’une maison en une heure
mais il faut bien plus de temps pour transformer une attitude
mentale.
De quel ordre de temps parlez-vous ? Des mois ? Des années ?

Cela dépend de l’individu et du type de problème. Si vous avez
un problème avec vos parents, cela pourra peut-être se résoudre
en un mois. Mais changer et dépasser l’esprit insatisfait, cela
peut prendre des années et des années. Avec les vagues, c’est
42
facile ; avec l’océan, c’est plus difficile. Merci, c’était une très
bonne question.
Utilisez-vous un processus de sélection des personnes à qui

vous proposez votre aide ?
Non, aucun.
Les gens viennent simplement à vous ?

Oui. Tout le monde peut venir. Quels que soient leur couleur,
leur race, leur classe sociale ou leur sexe, tous les êtres humains
ont le même potentiel pour résoudre leurs problèmes. Il n’existe
pas un seul problème qui ne puisse être résolu par la sagesse
humaine. Si vous avez de la sagesse, vous pouvez les
solutionner tous.
Que faites-vous des personnes qui ne sont pas si sages ?

Dans ce cas, il vous faut leur apprendre à devenir sages. La
sagesse n’est pas spontanée ; il vous faut ouvrir leur esprit à la
sagesse.
Peut-on aider les enfants à résoudre pareillement leurs

problèmes ?
Je suis persuadé que c’est possible. Mais avec les enfants il faut
éviter de trop intellectualiser. Il faut parfois utiliser le biais
d’une pratique artistique ou l’exemple de nos propres actions
pour leur montrer les choses. Il n’est pas toujours avisé de leur
dire directement d’agir comme ceci ou comme cela.
Lama, quel conseil donneriez-vous aux parents pour qu’ils
puissent aider leurs enfants à découvrir leur nature intérieure ?
Tout d’abord, je dirais probablement qu’il est préférable de ne
pas faire de grands discours intellectuels. Les chances de succès
sont bien meilleures si l’on montre l’exemple d’une conduite
juste et si l’on parvient à créer un environnement paisible. Ainsi,
43
les enfants apprennent automatiquement. Même les tout petits

enfants sont sensibles aux vibrations. Je me souviens, quand
j’étais moi-même un petit enfant et que mes parents se
disputaient, je me sentais très mal ; cela me faisait souffrir. Ce
n’est pas la peine de trop parler aux enfants, il vaut mieux avoir
une attitude correcte, paisible et douce, et faire en sorte que
l’environnement soit bénéfique. C’est tout, surtout quand ils
sont trop petits pour comprendre le sens des mots.
Quelle est l’importance du corps dans le bonheur humain ?

Si vous voulez être heureux, il est très important que votre corps
soit en bonne santé à cause des liens étroits qui existent entre
votre système nerveux physique et votre esprit. Le moindre
dérèglement dans votre système nerveux causera un trouble
dans votre esprit ; tout changement au niveau du corps engendre
un changement au niveau de l’esprit. Il existe un lien très fort
entre les deux.
Que conseilleriez-vous dans les domaines de l’alimentation et

de la sexualité, afin de garder le corps en bonne santé ?
Les deux ont leur importance. Bien sûr, nous sommes tous
différents, aussi ne peut-on dire qu’un seul régime alimentaire
conviendrait à tout le monde. Individuellement, notre corps est
habitué à un certain type d’alimentation, et un changement trop
radical pourrait choquer notre organisme. Par ailleurs, une trop
grande activité sexuelle peut être la cause d’un affaiblissement
physique, ce qui peut à son tour affaiblir notre esprit, notre
pouvoir de concentration ou notre sagesse profonde.
Qu’est-ce que vous appelez “ trop grande ” activité sexuelle ?

Là encore, tout dépend de l’individu. Il n’y a pas une règle
valable pour tous. La puissance physique de chacun est
variable ; à vous de tirer les leçons de votre propre expérience.
44
Pourquoi sommes-nous sur terre ? Pour quelle raison vivons-

nous ?
Tant que nous sommes liés au monde des sens, nous sommes
liés à notre corps et il nous faut vivre dans ce corps.
Mais où allons-nous ? Faut-il que nous allions quelque part ?

Oui, bien sûr, vous n’avez pas le choix. Vous êtes
impermanents, il vous faudra donc bien quitter ce monde. Votre
corps est constitué des quatre éléments fluctuants qui sont l’air,
la terre, le feu et l’eau. Tant que ces éléments sont en équilibre,
vous grandissez normalement et restez en bonne santé. Mais si
l’un d’entre eux se trouve en déséquilibre par rapport aux autres,
cela peut provoquer le chaos dans votre corps et la fin de votre
vie.
Que se passe-t-il alors ? Est-ce que nous nous réincarnons ?

En effet. Votre esprit, ou conscience, diffère de votre corps
physique, fait de chair et sang. Quand vous mourez, vous
abandonnez votre corps et votre esprit entre dans un corps neuf.
Depuis des temps sans commencement, nous mourons et
renaissons successivement dans des corps différents. C’est ainsi
que nous voyons le déroulement des choses. La psychologie
selon le Seigneur Bouddha nous enseigne qu’au niveau relatif,
la caractéristique de l’esprit est, par nature, très différente de
celle du corps physique.
Vivons-nous afin de nous améliorer continuellement ? Quand

nous serons vieux, serons-nous meilleurs que nous ne sommes
maintenant ?
On ne peut jamais être sûr de cela ! Parfois les vieillards sont
pires que des enfants. Cela dépend de votre sagesse. Il est des
45
enfants plus sages que les adultes. Pour progresser de la sorte

tout au long de votre vie, la sagesse est indispensable.
Si l’on progresse dans la connaissance de soi au cours de cette

vie, la vie suivante est-elle meilleure ?
Oui, c’est sûr. Mieux vous comprenez la nature de votre esprit
dans cette vie, meilleure sera votre prochaine vie. Dans cette vie
même, si aujourd’hui vous avez une bonne compréhension de
votre propre nature, le mois prochain vos expériences en seront
améliorées.
Lama, que signifie nirvana ?

Nirvana est un mot sanskrit qui veut dire liberté, ou libération.
Libération intérieure. Cela signifie que votre cœur n’est plus
ligoté par l’esprit incontrôlé, non maîtrisé, insatisfait, qu’il n’est
plus entravé par l’attachement. Quand on réalise la nature
absolue de son esprit, on se libère de l’asservissement et l’on
devient capable de trouver le bonheur en-dehors de la
dépendance aux objets sensoriels. Notre esprit est asservi à
cause de la notion d’ego. Pour délier ces chaînes, il nous faut
perdre notre ego. Cela peut vous sembler étrange, qu’il faille
perdre son ego. C’est une notion qui n’est pas courante en
Occident où au contraire on vous apprend qu’il faut construire
son ego, que sans un ego fort, on est perdu, on n’est plus
humain, on est faible. C’est bien le point de vue de la société,
n’est-ce pas ? Pourtant, la psychologie bouddhique fait de la
notion d’ego notre problème majeur, le roi des problèmes. Les
autres émotions sont comme les ministres, l’ego est le roi.
Quand on parvient au-delà de l’ego, le cabinet ministériel des
autres perturbations disparaît, l’esprit agité, enchaîné, s’évanouit
et l’on atteint un état de béatitude éternelle. Voilà ce que nous
appelons nirvana, liberté intérieure. L’esprit n’est plus
conditionné, lié à quelque chose d’autre, comme c’est le cas
46
actuellement. Pour l’instant, notre esprit est dépendant de

phénomènes extérieurs, alors quand ces phénomènes extérieurs
fluctuent, ils entraînent notre esprit avec eux. Nous n’avons
aucun contrôle : notre esprit est mené tel un animal à qui l’on a
glissé une corde dans les naseaux. Nous n’avons pas de liberté ;
nous n’avons aucune indépendance.
Bien sûr, nous sommes persuadés du contraire, mais non, nous
ne sommes ni libres, ni indépendants, nous n’avons aucune
liberté intérieure. Chaque fois que l’esprit incontrôlé se
manifeste, nous souffrons. Donc libération signifie être libre de
cette dépendance aux conditions extérieures et faire l’expérience
d’une béatitude stable et éternelle au lieu de nos hauts et bas
habituels. C’est cela le nirvana. Bien sûr, ceci n’est qu’une
courte explication ; on pourrait en parler des heures durant, mais
pas maintenant. Toujours est-il qu’en comprenant la nature de la
liberté intérieure, on réalise que les plaisirs sensoriels
éphémères sont largement insuffisants, qu’ils sont bien loin
d’être l’essentiel. On réalise qu’en tant qu’être humain, nous
disposons de la capacité et des méthodes permettant d’atteindre
un état permanent de joie sans fin et sans entraves. Voilà qui
donne une vision de la vie radicalement neuve !
Qu’est-ce qui vous fait croire que les méthodes proposées par la
psychologie bouddhique pour atteindre un bonheur sans fin ont
de plus grandes chances de succès, tandis que pour d’autres
méthodes cela pourra être très difficile voire impossible à
réaliser ?
Ce n’est pas parce que les méthodes bouddhiques sont efficaces
qu’aucune autre n’est utile. Nous sommes tous différents ; des
problèmes individuels requièrent des solutions individuelles.
Une seule et unique méthode ne peut pas être efficace pour tous.
En Occident par exemple, on ne peut pas prétendre que le
christianisme apporte la solution à tous les problèmes humains,
47
et que donc la psychologie ou l’hindouisme ou tout autre

philosophie soient sans intérêt. C’est une erreur de penser ainsi.
Une grande variété de méthodes est nécessaire face à la
diversité des individus qui présentent des personnalités et des
problèmes émotionnels différents. Mais la vraie question qu’il
faut poser à chacune de ces méthodes concerne leur capacité à
mettre un terme total et définitif aux problèmes humains.
En fait, le Seigneur Bouddha lui-même a proposé dans ses
enseignements des remèdes psychologiques d’une variété
étonnante répondant à une gamme très vaste de problèmes
divers. Certains s’imaginent que le bouddhisme est un domaine
sans grande envergure. Alors qu’en réalité le Seigneur Bouddha
a proposé des milliards de solutions aux problèmes
innombrables auxquels nous sommes confrontés. On pourrait
presque dire qu’il a apporté une solution sur mesure pour
chaque individu. Le bouddhisme ne dit jamais qu’il n’existe
qu’une seule solution à un problème, que : « Ceci est la seule et
unique voie. » Le Seigneur Bouddha a donné une variété
incroyable de solutions pour couvrir l’ensemble des problèmes
humains imaginables. Cela ne veut pas dire que chaque
problème particulier trouve nécessairement sa solution du
premier coup. Certains problèmes doivent être surmontés
graduellement, pas à pas. Les méthodes bouddhiques tiennent
compte de cet aspect-là aussi. C’est pour cela que nous avons
besoin de nombreuses approches.
Parfois nous voyons des malades avec des troubles si

profonds qu’ils ont besoin de doses très importantes de toutes
sortes de drogues ou simplement d’une période très longue
avant que l’on puisse ne serait-ce qu’entrer en communication
avec eux. Comment aborder quelqu’un avec qui il n’est même
pas possible de communiquer intellectuellement ?
48
D’abord, très, très lentement, il faut essayer d’établir une

relation amicale afin que s’installe la confiance. Puis, quand la
personne se sent mieux, on peut commencer à communiquer.
Bien sûr, cela ne marche pas à tous les coups.
L’environnement aussi est important : une maison tranquille
dans la campagne, un endroit paisible, des photos appropriées,
des couleurs thérapeutiques, ce genre de choses. Ce n’est pas
facile.
Certains psychologues occidentaux pensent que l’agressivité est

une part importante et nécessaire de la nature humaine, que la
colère est une sorte de dynamique positive, même si elle
entraîne parfois des problèmes. Quel est votre point de vue sur
la colère et l’agressivité ?
J’encourage les gens à ne pas exprimer leur colère, à ne pas la
laisser s’extérioriser. Par contre, je leur demande d’essayer de
comprendre pourquoi ils se mettent en colère, ce qui cause cette
colère et comment elle apparaît. Quand on a analysé et compris
ces processus, la colère se dissout d’elle-même, au lieu de se
manifester à l’extérieur. En Occident en effet, certains pensent
qu’on se débarrasse de la colère en l’exprimant, que c’est en la
laissant s’extérioriser qu’on l’épuise. En fait, ce qui se passe
alors, c’est que l’on crée une empreinte dans l’esprit qui prépare
le terrain pour de nouvelles colères. Le résultat est l’exact
opposé de celui qu’ils imaginent. On pourrait croire sa colère
évacuée alors qu’on en a simplement accumulé davantage dans
son esprit. Les empreintes laissées par la colère sur la
conscience renforcent tout bonnement la tendance à répondre
aux situations par encore plus de colère. Mais ne pas lui
permettre de se manifester ne signifie pas qu’on la réprime,
qu’on l’étouffe. Cela aussi est dangereux. Il faut apprendre à
examiner la nature profonde de la colère, de l’agressivité, de
l’anxiété, de tout ce qui vous déstabilise. Lorsque l’on observe
49
la nature profonde de l’énergie négative, on s’aperçoit qu’en fait

elle n’a aucune réalité solide, qu’elle n’est que mentale. Au fur
et à mesure que l’attitude mentale change, l’énergie négative
disparaît, dissoute par la sagesse qui comprend la nature de la
colère, de la haine, de l’agressivité, etc.
D’où venait le tout premier moment de colère ? Cette colère qui

a laissé une empreinte, qui a entraîné une autre empreinte, puis
une autre, puis une autre ?
La colère vient de l’attachement aux plaisirs des sens. Regardez
bien cela. Cet aspect de la psychologie est magnifique mais il
peut être difficile à comprendre. Quand quelqu’un touche à
quelque chose à quoi vous tenez vraiment, vous perdez tout
contrôle. C’est l’attachement qui est la source de la colère.
Dr. Gold : Lama, merci beaucoup d’être venu et d’avoir passé

un moment avec nous. Cette discussion a été très, très
intéressante.
Merci beaucoup. Je suis très heureux de vous avoir tous
rencontrés.
Prince Henry’s Hospital

25 mars 1975
50
Tout ce dont vous faites l’expérience :
sentiments, sensations, formes et couleurs,
tout cela vient de votre esprit.
51
52
Tout vient de l’esprit .
TOUT VIENT DE L’ESPRIT
Le bouddhisme peut être compris à de multiples niveaux. Les

personnes qui mettent en pratique la voie bouddhique le font par
paliers. Tout comme l’on traverse tranquillement les années
d’école, de collège, de lycée puis d’université, le niveau
précédent préparant le passage au niveau suivant, les pratiquants
bouddhistes avancent pas à pas le long de la voie vers l’Eveil.
Dans le bouddhisme cependant, les différents niveaux dont il est
question se rapportent au développement de l’esprit ; lorsque
l’on parle de niveau supérieur ou inférieur, on se réfère ici au
progrès spirituel.
En Occident, on rencontre cette tendance à considérer le

bouddhisme comme une religion au sens occidental du terme.
Cette conception est erronée. Dans le bouddhisme, tout est
ouvert ; on peut tout aborder. Certes, le bouddhisme a sa propre
doctrine et sa philosophie, mais il nous encourage également à
une expérimentation scientifique aussi bien intérieure
qu’extérieure. Ne considérez pas le bouddhisme comme une
espèce de système de croyances fermé et étroit. Il n’en est pas
ainsi. La doctrine bouddhique n’est pas une fabrication
historique, fruit de spéculations mentales ou imaginatives, mais
c’est une présentation psychologique précise de la nature de
l’esprit telle qu’elle est.
Quand vous regardez le monde extérieur, vous avez une

impression très forte de sa réalité concrète. Vous ne vous rendez
53
probablement pas compte que cette impression si forte n’est

jamais que la manière dont votre propre esprit interprète ce qu’il
voit. Vous pensez que la réalité solide, concrète existe
réellement là, à l’extérieur, et il se peut que, tournant le regard
vers l’intérieur, vous vous sentiez vide. Voilà encore une idée
fausse : l’impression puissante selon laquelle le monde semble
exister vraiment à l’extérieur de vous est, en fait, une projection
de votre esprit. Tout ce dont vous faites l’expérience :
sentiments, sensations, formes et couleurs, tout cela vient de
votre esprit.
Si vous vous levez le matin l’esprit embrumé, le monde autour

de vous apparaît, lui aussi, sombre et embrumé ; ou bien, si vous
vous réveillez l’esprit clair, votre monde apparaît beau et léger.
Quelle que soit votre expérience, il vous faut comprendre que
ces impressions différentes proviennent de votre esprit plutôt
que de changements dans l’environnement extérieur. Au lieu
d’interpréter incorrectement vos différentes expériences dans la
vie sur la base de conceptions erronées, prenez conscience qu’il
ne s’agit pas d’une réalité extérieure, mais seulement de
projections mentales.
Par exemple, pour vous tous dans cet auditorium qui regardez
un objet particulier – en l’occurrence moi, Lama Yéshé –,
l’expérience de chacun de vous est particulière et distincte, bien
que vous soyez tous en train de regarder au même moment la
même chose. Ce n’est pas moi qui crée cette diversité
d’expériences mais votre esprit individuellement. Vous pensez
peut-être : « Mais comment peut-il dire cela ? Nous voyons tous
le même visage, le même corps, les mêmes vêtements. »
Approfondissez votre réflexion, vous verrez que ce n’est qu’une
interprétation superficielle. Vous verrez que la manière dont
vous me percevez est personnelle ainsi que ce que vous
54
ressentez, et qu’à cet égard, vous êtes tous différents. Cette

diversité de perceptions ne m’est pas imputable mais elle l’est à
votre esprit. Voilà ce que j’essaie de vous faire comprendre.
Maintenant vous pouvez penser : « Oh, mais il n’est qu’un lama

après tout ; il ne connaît que ce qui a rapport à l’esprit. Il ne sait
sûrement rien des avancées scientifiques fulgurantes comme les
satellites et autres technologies de pointe. Je ne vois pas
comment il pourrait prétendre que ces inventions relèvent de
l’esprit. » Eh bien, regardons-y de plus près. Quand je prononce
le mot « satellite », cela provoque en vous une image mentale
de l’objet que l’on vous a dit être un satellite. Quand le premier
satellite a été fabriqué, son inventeur a déclaré : « J’ai fabriqué
cet engin pour qu’il tourne autour de la terre ; ça s’appelle un
satellite. » Par la suite, quand tout le monde l’a vu, chacun a
pensé : « Ah, ça, c’est un satellite. » Mais « satellite » n’est rien
d’autre qu’un nom, n’est-ce pas ?
Avant de réaliser concrètement le satellite, son inventeur y a

tout d’abord réfléchi puis il a imaginé l’objet dans son esprit.
Sur la base de cette image mentale, il est passé à l’acte pour
matérialiser sa création. Puis il a déclaré à tout le monde :
« Ceci est un satellite. » Et alors tout le monde a pensé : « Ouah,
un satellite ! C’est génial, c’est magnifique ! », ce qui montre
bien à quel point nous sommes ridicules. Nous donnons un nom
aux choses et nous agrippons à ce nom, persuadés qu’il s’agit de
la chose réelle. Il en est de même avec toutes les formes ou
toutes les couleurs que nous tentons de saisir. Vérifiez par vous-
mêmes.
Si vous arrivez à comprendre ce que je vous explique ici, vous

découvrirez qu’en fait, les satellites et tout le reste viennent
vraiment de l’esprit et que, sans l’esprit, il n’y a pas une seule
55
existence matérielle manifeste dans tout le monde sensoriel.

Qu’est-ce qui existe en dehors de l’esprit ? Considérez tout ce
que l’on trouve dans les supermarchés : tant de noms, tant de
nourriture, tant de choses différentes. Au départ, il y a des gens
qui ont tout inventé : tel nom pour telle chose, et tel autre nom
pour telle autre chose, et ceci, et cela, et encore ceci... de telle
sorte que ceci, cela, etc., tout vous apparaît. S’il est vrai que
tous ces milliers d’articles de supermarchés, de même que les
avions, les fusées et les satellites sont des manifestations de
l’esprit, alors qu’est-ce qui ne vient pas de l’esprit ?
Si vous examinez les moyens d’expression de votre esprit, vos

idées et sentiments divers, votre imagination, vous comprendrez
que toutes vos émotions, votre façon de vivre, de gérer vos
relations avec les autres, tout cela vient de votre esprit. Si vous
ne comprenez pas comment votre esprit fonctionne, vous allez
continuer à vivre des expériences négatives comme la colère ou
la dépression. Pourquoi un esprit déprimé est-il pour moi
négatif ? Parce qu’un esprit déprimé ne comprend pas son
propre fonctionnement. Un esprit sans compréhension est
négatif. Un esprit négatif vous tire vers le bas parce que toutes
ses réactions sont polluées. Tandis qu’un esprit qui se comprend
lui-même fonctionne clairement. Un esprit clair est un esprit
positif.
Tout problème émotionnel rencontré, quel qu’il soit, résulte de

la manière dont votre esprit fonctionne ; votre problème de fond
réside dans le processus d’identification erronée de vous-
mêmes. Avez-vous habituellement une piètre opinion de vous-
mêmes, vous considérant comme un être humain sans grande
valeur, alors qu’au fond vous aspirez à ce que votre vie soit
supérieure en qualité, à ce qu’elle soit parfaite ? Vous ne voulez
pas être une personne sans grande valeur, n’est–ce pas ? Pour
56
rectifier cette vision et devenir meilleur, la solution n’est pas de

se faire violence ou de sauter d’une culture à une autre. Tout ce
que vous avez à faire, c’est de comprendre votre véritable
nature, ce qui est déjà là. C’est tout. C’est tellement simple.
Ce dont je parle ici ne relève pas de la culture tibétaine ni de

quoi que ce soit d’oriental. Je parle de vous. Peu importe
d’ailleurs de qui je parle, au fond nous sommes tous les mêmes.
En quoi différons-nous ? Nous avons tous un esprit, nous
percevons tous les objets par l’intermédiaire de nos sens, nous
désirons tous pareillement jouir du monde sensoriel, et
pareillement nous nous en emparons, sans connaître la réalité de
notre monde intérieur ni celle du monde extérieur.
Il n’y a pas de différence, que nos cheveux soient longs ou
courts, notre couleur de peau noire, blanche ou rouge et quels
que soient les vêtements que nous portons ; nous sommes tous
les mêmes. Pourquoi ? Parce que l’esprit humain est comme un
océan et nous nous ressemblons par la manière dont nous avons
évolué sur cette terre.
Si l’on se contente d’une observation superficielle du monde
sensoriel, on pourrait être amené à croire qu’il y a des
différences dans les problèmes rencontrés par les êtres, mais une
analyse plus profonde révèle que, fondamentalement, il n’en est
rien. Si les problèmes de chacun semblent être uniques, c’est
parce que chacun donne à son vécu une interprétation différente.
Cette façon d’analyser la réalité n’est pas forcément de l’ordre

de l’exercice spirituel. Il ne vous est pas demandé de croire ou
de nier que vous avez un esprit ; tout ce que vous avez à faire
est d’observer comment il fonctionne et de quelle manière vous
agissez, sans être trop obsédé par le monde qui vous entoure.
57
Le Seigneur Bouddha n’a jamais tellement mis l’accent sur la

foi. Au lieu de cela, il nous a incité à creuser pour essayer de
comprendre la réalité de notre être propre. Il n’a jamais insisté
pour que nous sachions ce que lui était, ce qu’est un Bouddha.
Ce qui lui importait c’était que nous comprenions notre propre
nature. Il n’y a pas plus simple, n’est-ce pas ? Nous n’avons pas
à croire en quoi que ce soit. En faisant tout simplement l’effort
approprié, nous comprenons les choses grâce à notre expérience
personnelle, et graduellement nous développons toutes les
réalisations.
Ceci dit, une question vous taraude peut-être : qu’en est-il des
montagnes, des arbres et des océans ? Comment peuvent-ils
provenir de l’esprit ? A mon tour de vous demander : Quelle est
la nature d’une montagne ? Quelle est la nature d’un océan ?
Les choses existent-elles nécessairement telles que vous les
voyez ? Quand vous regardez montagnes et océans, ils
apparaissent à votre vue superficielle en tant que montagnes et
océans. Mais en fait, leur nature est bien différente. Si une
centaine de personnes contemplent une montagne en même
temps, chacune d’elles voit des aspects différents, des couleurs
différentes, des détails différents. A partir de là, qui détient la
vue correcte de cette montagne ? Si vous pouvez répondre à
cela, vous pouvez aussi répondre à votre propre question.
En conclusion, j’affirme que votre manière habituelle et

superficielle de voir le monde des sens n’est pas le reflet exact
de ce qu’il est vraiment. La manière dont vous interprétez
Melbourne, votre idée personnelle sur son mode d’existence,
n’a rien à voir avec la réalité de Melbourne. Et ceci même si
vous y êtes né, même si vous y avez passé votre vie tout entière,
avec ses hauts et ses bas. Regardez-y de plus près.
58
Mon propos, en vous parlant ainsi, n’est pas de vous asséner des
vérités irrévocables, mais plutôt de vous suggérer un moyen de
porter un regard neuf sur les choses. Je ne cherche pas à vous
imposer mes idées. Ce que je vous propose c’est de mettre de
côté votre esprit endormi, celui de tous les jours, qui se contente
de prendre ce qu’il voit pour argent comptant, et d’analyser les
choses avec un esprit différent, un esprit neuf.
Depuis le jour de votre naissance, la plus grande partie des

décisions prises par votre esprit : « Ceci est vrai, cela est faux,
ceci n’est pas la réalité... » ont été des erreurs de jugement. Un
esprit en proie aux jugements erronés est un esprit incertain, qui
doute de tout. Le moindre changement dans son environnement
extérieur et le voilà qui panique ; même de toutes petites choses
suffisent à l’affoler. Si seulement vous pouviez voir la situation
dans son ensemble, vous verriez comme tout cela est stupide.
Mais nous ne voyons pas la totalité, la totalité est trop grande
pour nous.
L’esprit sage – autrement dit la sagesse-connaissance, ou la

conscience universelle – n’est jamais déstabilisé par les petites
choses. Voyant la totalité, il ne prête pas attention aux menus
détails. Le fait qu’une énergie « A » venant d’ici entre en conflit
avec une énergie « B » venant de là ne bouleverse pas le sage ;
il s’attend à ce genre de choses : c’est dans leur nature. Si par
contre vous nourrissez l’idée fausse que votre vie sera parfaite,
vous serez toujours choqués par sa nature fluctuante. Attendez-
vous à ce que votre vie soit faite de hauts et de bas, votre esprit
y gagnera en sérénité. Qu’y a-t-il de parfait dans le monde
extérieur ? Rien du tout. Puisque l’énergie de votre corps et de
votre esprit sont inextricablement liés au monde extérieur,
comment pouvez-vous donc vous attendre à ce que votre vie se
déroule dans la perfection ? C’est impossible.
59
Je vous remercie beaucoup. J’espère que vous avez compris ce

que j’ai voulu dire et que par mes propos je n’ai pas suscité
davantage de conceptions erronées. Nous devons nous arrêter là.
Merci.
Latrobe University
27 mars 1975
60
L’esprit humain a le potentiel de se développer à l’infini.
Si vous êtes capables de découvrir,
ne serait-ce qu’un tout petit peu,
que la véritable satisfaction vient de l’esprit,
vous comprendrez que vous pouvez étendre
cette expérience à l’infini et qu’il est possible
de découvrir une satisfaction sans fin.
61
62
FAITES DE VOTRE ESPRIT UN

OCEAN
Plongez à l’intérieur de votre esprit. Si vous avez la conviction

profonde que tous vos plaisirs dépendent d’objets matériels et
consacrez votre vie tout entière à les rechercher, vous êtes sous
l’emprise d’une grave erreur d’appréciation. Cette attitude ne se
situe pas seulement au niveau intellectuel.
La première fois que vous entendez cela, vous pensez sans

doute : « Oh, mais je ne fonctionne pas du tout comme cela ; je
n’ai pas cette foi absolue dans la capacité des objets extérieurs à
m’apporter le bonheur. » Alors, scrutez plus profond le miroir
de votre esprit. Au-delà de vos schémas intellectuels, vous
verrez que cette attitude est bel et bien là et que toutes vos
actions quotidiennes révèlent que dans la profondeur de votre
être vous adhérez à cette conception fallacieuse. Arrêtez-vous
un instant pour aller vérifier en vous-mêmes si, oui ou non, vous
êtes vraiment sous l’influence de cet état d’esprit inférieur.
Un esprit qui a une foi aussi forte dans le monde matériel est un
esprit étroit, limité, sans espace. Sa nature est maladive,
malsaine ou, pour utiliser la terminologie bouddhique, dualiste.
Dans de nombreux pays, on craint les gens qui par leur

comportement sortent des sentiers battus, ceux qui prennent des
drogues par exemple. Des lois sont donc créées contre l’usage
des drogues et des contrôles douaniers sévères sont mis en place
63
afin d’attraper les trafiquants qui font pénétrer les drogues dans
ces pays. Regardons-y de plus près. La consommation de
drogue n’est pas le fait du produit stupéfiant en lui-même, mais
bien plutôt celui de l’état d’esprit de la personne concernée. Il
serait plus sensé de s’inquiéter de l’attitude psychologique –
l’état d’esprit pollué – qui pousse certains à s’adonner aux
drogues ou à adopter toute autre forme de comportement
autodestructeur. Au lieu de cela, nous faisons un tas d’histoires
au sujet des drogues elles-mêmes, en passant totalement sous
silence le rôle de l’esprit. Voilà encore une erreur d’appréciation
très grave, bien plus grave que les drogues absorbées par
quelques-uns.
Les idées fausses sont bien plus dangereuses que quelques

drogues. Les drogues en elles-mêmes ne se répandent pas tant
mais les idées fausses peuvent s’infiltrer partout et engendrer
des problèmes et des troubles à travers un pays tout entier. Tout
cela vient de l’esprit. Mais, et c’est là tout le problème, nous ne
comprenons pas l’aspect psychologique de l’esprit. Nous nous
focalisons uniquement sur les substances physiques absorbées
par certains sans nous rendre compte des idées stupides et des
pollutions mentales qui passent les frontières à chaque instant.
Tous les problèmes mentaux viennent de l’esprit. Il faut soigner

l’esprit au lieu de dire aux gens : « Oh, vous n’êtes pas heureux
parce que vous avez un sentiment d’infériorité. Ce qu’il vous
faut c’est une voiture neuve et puissante... » ou n’importe quel
autre objet matériel. Dire à quelqu’un d’aller s’acheter
n’importe quoi afin d’être heureux, ce n’est vraiment pas un bon
conseil. Le problème de fond de la personne n’est pas le
manque de richesses matérielles, c’est l’insatisfaction mentale.
En ce qui concerne la manière d’aborder les problèmes mentaux
64
et de soigner les patients, il y a une énorme différence entre les

méthodes pratiquées en Occident et la psychologie bouddhique.
Reprenons notre exemple. Le patient revient vers son docteur et
lui dit : « Voilà, j’ai acheté la voiture que vous m’avez
conseillée mais je ne suis toujours pas heureux. » Il se peut que
le docteur lui dise : « Vous auriez dû en prendre une plus chère »
ou « Vous auriez dû choisir une autre couleur plus jolie. » A
supposer que notre malade suive ces conseils, il sera toujours
aussi malheureux quand il reviendra le voir. Car en dépit de
toutes les modifications de surface apportées aux conditions de
vie d’une personne – aussi diverses et nombreuses soient-elles –
ses problèmes ne cesseront pas. Voilà le conseil donné par la
psychologie bouddhique : au lieu de passer son temps à
remplacer un état d’agitation par un autre état d’agitation – donc
de se contenter de substituer un problème à un autre, puis à un
autre et ainsi de suite éternellement – renoncez totalement aux
voitures pour un moment et voyez ce qui se passe. Dépasser un
problème pour le transformer en un autre ne résout rien ; ce
n’est qu’un simple changement. Le changement peut certes
suffire à donner aux gens l’illusion qu’ils se sentent mieux, mais
il n’en est rien. Fondamentalement, c’est toujours de la même
chose qu’ils font l’expérience. Il ne faut pas, bien sûr, prendre
ce que je dis au pied de la lettre. Tout mon propos est d’essayer
de vous faire comprendre par des exemples de quelle manière
les gens cherchent à résoudre leurs problèmes mentaux par des
moyens matériels.
Reconnaissez la nature de votre esprit. Nous, humains, nous

cherchons constamment à être satisfaits. Connaître la nature de
notre esprit peut nous apporter cette satisfaction intérieure ;
peut-être même à jamais. Mais pour cela, vous devez réaliser la
nature de votre esprit. Le monde des sens nous apparaît si
clairement, alors que nous demeurons totalement aveugles à
65
notre monde intérieur qui est le lieu où les conceptions erronées

fonctionnent sans discontinuer et nous maintiennent sous le joug
du malheur et de l’insatisfaction. C’est cela qu’il nous faut
découvrir.
Il est donc essentiel de vous assurer que vous n’êtes pas

victimes de cette conception erronée selon laquelle seuls les
objets extérieurs ont la capacité de vous satisfaire ou de donner
un sens à votre vie. Je l’ai déjà dit, cette croyance n’est pas
simplement intellectuelle ; c’est une perturbation mentale dont
la racine plonge très loin dans les profondeurs de votre esprit.
Nombre de vos désirs les plus puissants sont enfouis bien en
deçà de l’intellect ; et ces forces qui agissent par dessous
l’intellect sont généralement bien plus puissantes que l’intellect
lui-même.
Certains se disent peut-être : « Psychologiquement, je suis sain.

Je n’ai aucune foi dans les biens matériels. Et j’étudie la
religion. » Le simple fait d’avoir étudié quelques points de
philosophie ou de doctrine ne fait pas de vous un être spirituel.
Il existe de nombreux professeurs d’université qui sont capables
de donner des explications intellectuelles brillantes sur le
bouddhisme, l’hindouisme et le christianisme mais cela seul ne
fait pas d’eux des êtres spirituels. Ils ressemblent plutôt à des
guides touristiques pour amateurs de spiritualité. Si vos paroles
ne s’incarnent pas dans votre vie, tout votre savoir est stérile
pour vous-mêmes comme pour autrui. Il y a une différence
énorme entre être capable d’expliquer intellectuellement ce
qu’est une religion et transformer cette connaissance en
expérience spirituelle.
Il vous faut intégrer ce que vous apprenez à votre propre

expérience et comprendre les résultats qui découlent des
66
diverses actions. Une simple tasse de thé présente probablement

plus d’intérêt pour vous que la connaissance érudite d’une
philosophie qui n’est d’aucun secours pour votre esprit parce
que vous n’en détenez pas la clé – au moins la tasse de thé a le
pouvoir de vous désaltérer ! Etudier une philosophie sans la
mettre en pratique est une perte de temps et d’énergie.
J’espère que vous comprenez bien la signification du mot
“ spirituel ”. Ce mot se rapporte à la recherche, à l’analyse, de la
véritable nature de l’esprit. Il n’y a rien de spirituel à l’extérieur.
Mon rosaire (skt. mala) n’a rien de spirituel ; mes robes de
moine n’ont rien de spirituel. Spirituel se réfère à l’esprit et les
personnes spirituelles sont celles qui sont en quête de sa nature.
Ce faisant, elles en arrivent à comprendre les conséquences de
leur comportement et de leurs actes, ceux du corps, de la parole
et de l’esprit. Sans cette compréhension des résultats karmiques
de ce que vous pensez et faites, il vous est impossible de devenir
une personne spirituelle. Avoir accumulé quelques connais-
sances philosophiques ou religieuses ne suffit pas à faire de
vous une personne spirituelle.
Pour vous engager sur la voie spirituelle, vous devez

commencer par comprendre votre attitude mentale et de quelle
manière votre esprit perçoit les choses. Si vous êtes
complètement pris au piège de l’attachement aux détails les plus
infimes, votre esprit étriqué et avide vous empêchera de profiter
des plaisirs de la vie. L’énergie extérieure est si incroyablement
limitée que si vous vous laissez dominer par elle, c’est votre
esprit lui-même qui s’en trouvera pareillement limité.
Quand l’esprit est étriqué, on perd très facilement son sang-froid
pour un rien. Faites de votre esprit un océan.
On entend souvent les personnes religieuses parler de moralité.

Qu’est-ce que la moralité ? La moralité c’est la sagesse qui
67
comprend la nature de l’esprit. L’esprit qui comprend sa propre

nature devient automatiquement positif et donc respectueux de
la moralité ; par conséquent, les actions motivées par un tel
esprit deviennent également positives. C’est cela que nous
appelons moralité. La nature fondamentale de l’esprit étriqué est
l’ignorance ; c’est pourquoi l’esprit étriqué est négatif.
Quand vous avez découvert la nature psychologique de votre

esprit, toute tendance à la dépression est spontanément
éliminée ; au lieu d’être des ennemis ou des étrangers, tous
deviennent vos amis. L’esprit étriqué rejette ; la sagesse accepte.
Vérifiez en vous-mêmes si c’est vrai ou faux. Même si vous
aviez accès à tous les plaisirs sensoriels possibles et imaginables
que puisse vous offrir l’univers, vous ne seriez toujours pas
satisfaits. Cela montre bien que toute satisfaction vient de
l’intérieur et non de quoi que ce soit d’extérieur.
Il nous arrive de nous émerveiller du monde moderne :

« Quelles avancées fantastiques la technologie scientifique a
permis ! N’est-ce pas merveilleux ? Nous n’avions rien vu de tel
auparavant ! » Mais prenons un peu de recul et regardons-y à
deux fois. Nombre de ces objets que nous avions trouvés si
fantastiques il n’y a pas si longtemps sont en train de se
retourner contre nous. Des objets conçus pour rendre nos vies
plus faciles nous nuisent aujourd’hui. Ne limitez pas votre
observation à votre environnement immédiat, élargissez-la le
plus possible ; vous constaterez la véracité de ce que je vous dis.
Au départ, quand on invente un objet matériel, on pense :
« Voilà quelque chose d’utile. » Mais cette énergie matérielle se
retourne progressivement contre elle-même et se détruit de
l’intérieur. Telle est la nature des quatre éléments : l’eau, la
terre, le feu et l’air. C’est ce que nous enseigne la science
bouddhique.
68
Votre corps ne fait pas exception à cette règle. Aussi longtemps

que les éléments qui le composent coopèrent les uns avec les
autres, votre corps se développe harmonieusement. Mais au
bout d’un certain temps, ces éléments se retournent contre eux-
mêmes et finissent par détruire votre vie. Pourquoi ? A cause de
la nature limitée de tout phénomène matériel : quand leur
pouvoir s’épuise, ils s’écroulent, exactement comme les
immeubles vétustes que nous pouvons voir tomber en ruines
autour de nous. Quand nos corps deviennent malades et
décrépits, c’est le signe que nos énergies internes sont entrées en
conflit, qu’elles sont déséquilibrées. C’est la nature du monde
matériel ; cela n’a rien à voir avec la foi. Tant que nous
continuons à prendre naissance dans un corps humain fait de
chair, de sang et d’os, il nous faudra faire l’expérience de
conditions difficiles, que nous y croyions ou non. C’est
l’évolution naturelle de tout corps en ce monde.
L’esprit humain en revanche est complètement différent.

L’esprit humain a le potentiel de se développer à l’infini. Si
vous êtes capables de découvrir, ne serait-ce qu’un tout petit
peu, que la véritable satisfaction vient de l’esprit, vous
comprendrez que vous pouvez étendre cette expérience à l’infini
et qu’il est possible de découvrir une satisfaction sans fin.
C’est vraiment très simple en fait. Vous pouvez vérifier par

vous-mêmes là, tout de suite. Quand vous vous sentez satisfaits,
où cette expérience a-t-elle son siège ? Dans votre nez ? Dans
vos yeux ? Dans votre tête ?… Dans les poumons ? Le cœur ?
L’estomac ? Où se trouve-t-il, ce sentiment de satisfaction ?
Dans votre jambe ? Votre main ? Votre cerveau ? Non ! C’est
dans votre esprit. Si vous dites qu’il se situe dans votre cerveau,
vous pourriez tout aussi bien dire votre nez ou votre jambe,
non ? Pourquoi faites-vous ces différences ? Si votre jambe vous
69
fait mal, c’est là en bas que vous sentez la douleur, pas à

l’intérieur de votre tête. De toutes façons, quoi que vous
ressentiez, douleur, plaisir ou autre, c’est toujours une
expression de l’esprit.
Quand vous dites : « J’ai passé une bonne journée
aujourd’hui », c’est la preuve que, dans votre conscience, vous
avez conservé le souvenir d’une mauvaise journée. Sans les
étiquettes créées par le mental, il n’y a ni bonnes expériences ni
mauvaises expériences. Quand vous dites que le repas de ce soir
était bon, cela signifie que dans votre conscience se trouve la
référence d’un mauvais repas. Sans cette référence, vous seriez
bien en peine de parler d’un bon repas à propos de celui de ce
soir.
De même, « Je suis un bon mari », « Je suis une mauvaise

épouse » sont aussi de simples expressions mentales. Quelqu’un
qui déclare : « Je suis mauvais » n’est pas nécessairement
mauvais ; même chose si quelqu’un dit : « Je suis bon. » C’est
peut-être l’orgueil, état d’esprit négatif et perturbateur, qui fait
dire à cet homme : « Je suis vraiment un bon mari. » Son esprit
limité, qui adhère à cette croyance concrète et illusoire qu’il est
en effet un bon mari, engendre en réalité de grandes difficultés
pour son épouse. Dans ces conditions, en quoi est-il un bon
mari ? Même s’il s’avère qu’il pourvoit correctement sa femme
en nourriture et vêtements, comment peut-il se prétendre un bon
mari si jour après jour cette dernière est obligée de supporter
son arrogance ?
Si vous arrivez à comprendre les aspects psychologiques des

problèmes humains, il vous est possible de développer
réellement un sentiment d’amour bienveillant authentique
envers les autres. Le simple fait d’en parler ne suffit pas à le
développer ! Certains peuvent avoir lu des textes sur l’amour
70
bienveillant des centaines de fois mais dans leur cœur ils sont
aux antipodes. Il ne s’agit pas que de philosophie, de mots ; il
s’agit de connaître le fonctionnement de l’esprit. C’est le
passage obligé pour développer l’amour bienveillant ; c’est le
passage obligé pour devenir une personne spirituelle. Sinon,
vous pouvez bien être convaincu que vous êtes une personne
spirituelle, c’est un point de vue strictement intellectuel comme
pour l’homme arrogant de tout à l’heure qui se croyait si bon
mari. C’est de la pure fiction, fabriquée par le mental.
Consacrer votre précieuse vie humaine à contrôler l’éléphant

fou de votre esprit et à tenir la barre de votre puissante énergie
mentale est d’une valeur inestimable. Si vous ne jugulez pas
votre énergie mentale, la confusion continuera à se déchaîner
dans votre esprit et votre vie sera complètement gâchée. Traitez
votre esprit avec la plus grande sagesse possible, cela rendra
votre vie digne d’être vécue.
Je n’ai pas grand chose de plus à vous dire. Si vous avez des
questions, je vous écoute.
J’ai bien compris que connaître la nature de son propre esprit

nous apporte le bonheur, mais vous avez utilisé le terme « sans
fin », ce qui implique que si l’on comprend parfaitement son
esprit, on peut transcender la mort du corps physique. Est-ce
exact ?
Oui, c’est vrai. Et ce n’est pas tout. Si l’on sait s’y prendre, au
moment où une énergie physique négative apparaît, il est
possible de la convertir en sagesse. De cette manière, votre
énergie négative se digère elle-même et n’en arrive pas à
bloquer votre système nerveux psychique. C’est possible.
Est-ce que l’esprit est le corps ou est-ce que le corps est
l’esprit ?
71
Que voulez-vous dire par là ?
Parce que je perçois le corps.

Parce que vous le percevez ? Est-ce que vous percevez ce
rosaire ? (Lama montre son rosaire.)
Oui.
Et ce rosaire est-il esprit pour autant ? Parce que vous le
percevez ?
C’est cela que je vous demande.

D’accord, voilà une bonne question. Votre corps et votre esprit
sont intimement liés ; si votre corps est affecté par quelque
chose, votre esprit aussi en est affecté. Mais cela ne veut pas
dire que la nature relative de votre corps physique, fait de chair
et d’os, est esprit. On ne peut pas dire cela.
Quels sont les buts du bouddhisme : l’Eveil, la fraternité,

l’amour universel, la conscience supérieure, la réalisation de la
vérité, le nirvana ?
Tout ce que vous venez d’énumérer : une conscience supérieure,
un état d’Eveil total de l’esprit, l’amour universel, et une
absence de partialité ou de préjugé basée sur la réalisation que
tous les êtres vivants de par l’univers sont égaux en cela qu’ils
souhaitent être heureux et ne souhaitent pas être malheureux. Au
point où nous en sommes, notre esprit dualiste avec ses
conceptions erronées discrimine : « Cette personne est mon
amie très proche, je veux la garder pour moi, je ne veux pas la
partager avec quiconque. » L’un des buts du bouddhisme
consiste à atteindre l’attitude opposée, à savoir l’amour
universel. Mais bien sûr, le but ultime est l’Eveil. En bref, les
enseignements du Seigneur Bouddha sur la nature de l’esprit
72
visent à nous permettre d’obtenir toutes les réalisations que vous

venez de mentionner.
Mais lequel de ces objectifs peut-on considérer comme le plus

élevé ou le plus important ?
Les objectifs les plus élevés sont l’Eveil et le développement de
l’amour universel. Il est difficile à un esprit limité de connaître
ces réalisations.
Dans la peinture tibétaine, de quelle manière les couleurs

correspondent-elles à certains états méditatifs ou à différents
états psychologiques ?
Différents types d’états d’esprit perçoivent des couleurs
différentes. On dit que lorsque nous sommes en colère nous
voyons rouge. C’est un bon exemple. D’autres états mentaux
produisent la vision de leurs couleurs spécifiques. Dans certains
cas, quand on a affaire à des personnes dont les désordres
émotionnels sont si perturbants qu’elles sont incapables de
fonctionner dans la vie quotidienne, créer autour d’elles un
cadre de telle ou telle couleur peut les aider à s’apaiser. Vous
vous apercevrez, à la réflexion, que la couleur provient vraiment
de l’esprit. Quand vous êtes en colère et que vous voyez rouge,
cette couleur est-elle intérieure ou extérieure ? Réfléchissez là-
dessus.
Quelles sont les implications pratiques, dans la vie quotidienne,

quand vous dites que pour concevoir l’idée qu’une chose est
bonne, il est nécessaire d’avoir au préalable dans l’esprit l’idée
de quelque chose de mauvais ?
Je dis que vos interprétations des choses comme bonnes ou
mauvaises est celle de votre propre esprit. Car ce qui est
mauvais pour vous n’est pas forcément mauvais pour moi.
Oui, mais ce qui est mauvais pour moi reste mauvais pour moi.
73
Votre « mauvais » est « mauvais » pour vous parce que votre

esprit en a décidé ainsi.
Peut-on dépasser ce stade ?

Oui, c’est possible. Vous devez vous poser la question : « Pour-
quoi est-ce que je perçois telle chose comme mauvaise ? » et y
répondre. Interrogez à la fois l’objet et le sujet, analysez la
situation à la fois du point de vue externe et du point de vue
interne. De cette manière, vous pourrez arriver à la conclusion
que la réalité se situe quelque part à mi-chemin et que, dans
l’espace entre les deux, il y a un esprit unifié. C’est cela, la
sagesse.
Quel âge aviez-vous quand vous êtes entré au monastère ?

J’avais 6 ans.
Qu’est-ce que le nirvana ?

Quand vous avez transcendé l’esprit agité, aux conceptions
erronées, et que vous vous êtes établi dans une sagesse
pleinement intégrée éternellement satisfaite, vous avez alors
atteint le nirvana.
Toute religion prise individuellement se considère comme la

seule voie vers l’Eveil. Est-ce que le bouddhisme reconnaît les
religions comme émanant toutes de la même source ?
Il y a deux façons de répondre à cette question : du point de vue
absolu et du point de vue relatif. Les religions qui mettent
l’accent sur l’obtention de l’Eveil parlent probablement toutes
de la même chose ; ce qui les différencie, c’est leur approche,
leur méthode. Je pense qu’elles sont bénéfiques. Mais il ne faut
pas perdre de vue que certaines religions peuvent reposer sur
des conceptions erronées. Je ne les rejette pas cependant. Par
exemple, il y a environ deux mille ans, dans certaines traditions
74
hindoues très anciennes, on adorait le soleil et la lune comme

des dieux ; certaines de ces traditions sont encore vivantes. De
mon point de vue, ces conceptions sont fausses, mais je
maintiens pourtant que ces traditions sont bénéfiques.
Pourquoi ? Parce que, bien qu’incorrectes philosophiquement,
elles enseignent malgré tout les principes moraux de base pour
être un homme bon et ne pas nuire à autrui. A partir de là, les
adeptes de ces traditions peuvent arriver au point où ils
découvrent par eux-mêmes : « Oh, j’avais cette croyance que le
soleil était un dieu, mais je m’aperçois maintenant que je me
trompais. » Il peut donc y avoir du bon dans chaque religion et
il faut se garder de juger : « Telle religion est totalement dans le
vrai, telle autre est totalement dans l’erreur. »
D’après ce que vous savez, à quoi ressemble la vie des tibétains

du Tibet aujourd’hui ? Sont-ils libres de pratiquer leur religion
comme avant ?
Ils ne sont pas libres du tout, toute pratique religieuse leur est
interdite. Les autorités chinoises sont absolument contre tout ce
qui touche de près ou de loin à la religion. Les monastères ont
été détruits et les textes sacrés brûlés.
Mais, malgré ces autodafés de textes sacrés, les gens plus âgés
ne gardent-ils pas le Dharma dans leur cœur et leur esprit ou
croyez-vous qu’ils ont tout oublié ?
Cette sagesse si puissante ne peut s’oublier, l’esprit ne peut s’en
séparer. Le Dharma demeure donc dans leur cœur.
Toutes les religions, prenons par exemple l’hindouisme,

exhortent leurs adeptes à éviter les actions nuisibles et à
pratiquer de bonnes actions, pour s’assurer de bons résultats
karmiques par la suite. Selon le bouddhisme, comment cette
75
accumulation de karma positif nous aide-t-elle à atteindre

l’Eveil ?
Le développement spirituel ne s’effectue pas par mutation
radicale. Les souillures sont éliminées, ou purifiées, progres-
sivement, peu à peu, au cours d’une évolution graduelle. Cela
prend du temps. Par exemple, pour certains, il est difficile
d’accepter les enseignements bouddhiques relatifs à l’amour
universel, selon lesquels il faudrait souhaiter pour autrui le
même bonheur que nous souhaitons pour nous-mêmes. Ils se
disent : « Il m’est impossible d’aimer les autres autant que je
m’aime moi-même. » Comme leur esprit est encombré de
conceptions fausses, il ne s’y trouve aucun espace pour la
sagesse, il leur faut donc du temps pour admettre les notions
d’amour universel ou d’Eveil. Pourtant, petit à petit, grâce à la
pratique de leur religion, ils peuvent être amenés à la sagesse
parfaite. C’est pourquoi je dis que l’humanité a besoin de toute
la variété des religions. Le changement physique s’opère
facilement, le développement mental prend du temps. Prenons
l’exemple du docteur qui dit à son malade : « Votre température
est très élevée, évitez donc de consommer de la viande et ne
mangez que des biscuits secs pendant quelques jours. » Plus
tard, quand le malade commence à se sentir mieux, le docteur
lui permet de réintroduire de la nourriture lourde dans son
alimentation. De cette manière, le docteur amène progres-
sivement son malade sur la voie de la guérison totale.
Quand les nonnes et les moines tibétains meurent, leur corps

physique disparaît-il, emmènent-ils en quelque sorte leur corps
avec eux ?
Oui, ils le transportent dans leur jola (sac traditionnel que les
moines portent en bandoulière) jusqu’à leur vie suivante !... Je
plaisante bien sûr. En fait, non, c’est impossible. Encore qu’il
arrive que le corps de certains pratiquants se dissolve dans la
76
sagesse et disparaisse réellement. C’est possible. Mais ils

n’emmènent pas leur corps physique avec eux.
Puisque notre esprit peut nous induire en erreur et que sans

maître spirituel il est impossible de découvrir la vérité, peut-on
dire que les monastères bouddhiques sont organisés de telle
manière que chaque moine amène ses camarades d’études au
niveau de connaissance supérieur, en une sorte de chaîne ?
N’est-ce pas cela que vous êtes en train de faire maintenant, et
est-ce que vous enseignez dans le but d’apprendre ?
Oui, les monastères ressemblent un peu à ce que vous dites et il
est également vrai qu’en enseignant j’apprends. Mais si nous
avons besoin de maîtres, c’est que la connaissance livresque
n’est jamais que de l’information stérile et que, si on s’en tient
là, elle ne présente pas plus d’intérêt que le sifflement du vent
dans les arbres. Nous avons besoin d’une clé qui nous permette
de l’inscrire dans l’expérience, pour unifier cette connaissance
avec notre esprit. Alors seulement, la connaissance devient
sagesse et la solution parfaite aux problèmes. La Bible, par
exemple, est un livre excellent où l’on trouve toutes sortes de
méthodes superbes, mais sans la clé qui permette de la
décrypter, la connaissance qu’elle renferme ne peut pénétrer
votre cœur. Ce n’est pas parce qu’un livre est excellent que vous
deviendrez automatiquement détenteur de la connaissance qu’il
contient par sa simple lecture. La seule manière de rendre une
telle chose possible est de commencer par développer la sagesse
dans votre esprit.
Vous dites que l’on arrive à l’Eveil par une voie graduée,
pourtant il me semble évident qu’on ne peut pas simultanément
être éveillé et non-éveillé. Par conséquent, cela n’implique-t-il
pas que l’Eveil survienne soudainement ?
77
Bien sûr, vous avez raison. On ne peut pas être à la fois ignorant
et éveillé. Avancer vers l’Eveil est un processus progressif mais
une fois l’Eveil atteint, il n’y a plus de retour en arrière
possible ; quand l’esprit atteint l’état d’Eveil complet, dès le
moment où vous en faites l’expérience, vous demeurez éveillé
pour toujours. Ce n’est pas comme certaines expériences vécues
sous l’influence de certaines drogues hallucinogènes – vous
vous sentez magnifiquement bien tant que la substance agit mais
dès que son effet disparaît vous retombez dans la déprime
habituelle.
Et cela, l’Eveil définitif, nous pouvons en faire l’expérience

dans cette vie, alors que nous sommes encore vivants, avant de
mourir ?
Oui, c’est possible, dans cette vie même…, si vous avez assez
de sagesse.
Oh… Si l’on a assez de sagesse ?

Oui, tout le problème est là : si vous avez assez de sagesse.
Pourquoi avons-nous besoin d’un professeur ou maître ?

Pourquoi avez-vous besoin d’un professeur d’anglais ? Pour
communiquer. Il en va de même avec l’Eveil. L’Eveil aussi est
une question de communication. Même pour des activités aussi
mondaines que faire des courses, nous avons besoin d’apprendre
la langue pour pouvoir communiquer avec les commerçants. S’il
nous faut des professeurs pour cela, à plus forte raison avons-
nous besoin de quelqu’un qui puisse nous guider sur un chemin
qui comporte tant d’inconnues, comme par exemple les vies
passées et celles à venir ou les niveaux profonds de conscience.
Il s’agit d’expériences entièrement nouvelles ; vous ne savez ni
où vous allez ni ce qui se passe. Il faut que quelqu’un soit là
pour s’assurer que vous êtes bien sur la bonne voie et non pas
78
victime d’hallucinations.
Qui a guidé le premier maître ?

La sagesse. Le premier maître était la sagesse.
Mais alors, si le premier maître n’a pas lui-même eu de maître
de genre humain, pourquoi nous en faudrait-il un à nous ?
Parce qu’il n’y a ni commencement, ni fin. La sagesse est
sagesse universelle, la sagesse est conscience universelle.
Est-ce en développant l’amour universel que l’on atteint l’Eveil

ou faut-il d’abord avoir atteint l’Eveil pour ensuite développer
l’amour universel ?
Tout d’abord, vous développez l’amour universel. Puis votre
esprit atteint la réalisation de l’équilibre, un état où l’accent
n’est plus mis ni sur ceci ni sur cela. Votre esprit s’est établi
dans un état de parfait équilibre. En termes bouddhiques, on dit
que vous avez dépassé l’esprit dualiste.
Est-il exact que sur le chemin spirituel, l’esprit ne peut vous

amener que jusqu’à un certain point, et qu’à partir de ce point,
il faut abandonner l’esprit si l’on veut poursuivre sa route ?
Comment pouvez-vous abandonner votre esprit ? Je plaisante.
Non, il n’est pas possible d’abandonner son esprit. Tant que
vous êtes un être humain, vivant une vie disons ordinaire, vous
avez un esprit ; quand on atteint l’Eveil, l’esprit est encore là.
Votre esprit vous accompagne toujours et partout. Vous ne
pouvez pas vous en débarrasser en déclarant simplement : « Je
ne veux pas avoir d’esprit. » De par le karma votre corps et
votre esprit sont étroitement liés. Il est impossible d’abandonner
son esprit intellectuellement. Si l’esprit était un phénomène
matériel, peut-être, mais ce n’est pas le cas.
79
Arrive-t-il aux lamas de tomber physiquement malades ? Si oui,

quelles méthodes utilisez-vous pour vous soigner ? Avez-vous
recours au pouvoir de guérison ?
Oui, parfois nous recourons au pouvoir de guérison ; d’autres
fois au pouvoir du mantra ; parfois encore nous méditons. Nous
pouvons aussi faire des poujas. Savez-vous ce qu’est une
pouja ? Certains pensent que c’est juste un rituel incluant
psalmodies et tintements de clochettes, mais c’est bien plus que
cela. Pouja est un mot sanskrit qui signifie littéralement
« offrande » ; mais on peut aussi l’interpréter dans le sens de
« sagesse, état d’esprit éveillé. » Donc si votre sagesse tinte à
l’unisson des « diling, diling » des clochettes, c’est parfait ; si
par contre votre sagesse ne tinte pas et que vous n’entendez que
les « diling, diling » extérieurs, on ne peut alors pas parler de
pouja.
Ce que vous dites n’est pas si éloigné de ce que nous appelons

matérialisme en philosophie occidentale. Nos problèmes ne
viennent pas tant des objets extérieurs que de notre attitude à
leur égard.
En parlant d’attitude, faites-vous référence à cette tendance de
l’esprit à se cramponner ou à ne pas se cramponner aux objets
matériels ?
Eh bien, les objets existent de fait, mais ils existent en dehors de

nous et notre conscience les perçoit sur le même plan. Je pense
qu’après notre mort, les objets demeurent mais pas pour nous,
pas pour l’individu.
Je suis d’accord avec vous. Quand nous mourons, les objets
extérieurs sont toujours présents mais notre appréhension de ces
objets, notre projection, disparaît. Oui, vous avez raison.
80
Dans ce cas, en quoi votre pensée diffère-t-elle si radicalement

d’une philosophie matérialiste ? Pourquoi dites-vous que le
monde extérieur est illusoire, si vous admettez que les objets
matériels demeurent après le départ de notre conscience ?
Je dis que le monde matériel est illusoire parce que les objets
que vous percevez n’existent qu’en tant que vision de votre
esprit. Regardez cette table, le problème est le suivant : vous
pensez qu’après votre disparition, votre vision de cette table
demeure, que cette table continue d’exister exactement de la
manière dont vous l’avez vue. C’est faux. Votre vision de la
table disparaît, mais une autre façon de percevoir cette table
continue d’exister.
Comment reconnaître le maître qu’il nous faut ?

Vous pouvez reconnaître votre maître en vous appuyant sur
votre propre sagesse. Ne vous contentez pas de suivre quelqu’un
aveuglément. Examinez avec le plus grand soin possible les
maîtres potentiels. « Ce maître est-il celui qui me convient ou
non ? » Prenez soin de tout vérifier à fond avant de suivre le
conseil d’un maître quel qu’il soit. En tibétain, nous utilisons
une mise en garde imagée : ne prenez pas un maître comme un
chien s’empare d’un morceau de viande. Si vous donnez un
morceau de viande à un chien affamé, il va l’avaler d’un coup
sans la moindre hésitation. Il est d’une importance cruciale
d’examiner avec beaucoup, beaucoup d’attention les éventuels
maîtres spirituels, professeurs, gourous ou quel que soit le nom
que vous leur donnez, avant de les accepter pour guides.
Souvenez-vous de ce que je vous disais à propos des idées
fausses et des doctrines polluées qui sont bien plus dangereuses
que n’importe quelles drogues. Adhérer aux conceptions
erronées d’un prétendu guide spirituel peut avoir des
répercussions désastreuses sur vous. Cela peut vous faire
gaspiller non seulement votre vie actuelle mais aussi de
81
nombreuses autres vies. Au lieu de vous aider, ce mauvais choix

peut vous être très néfaste. Je vous le demande instamment,
faites preuve de beaucoup de sagesse quand vous choisissez
votre maître spirituel.
Comme vous êtes un moine bouddhiste tibétain, je me

demandais si vous aviez entendu parler de Lobsang Rampa qui
a écrit de nombreux livres détaillés sur le Tibet alors qu’il n’y a
jamais mis les pieds ? Il est mort maintenant, mais ce qu’il
disait c’était que l’esprit d’un lama tibétain était entré en lui et
que c’était cela qui lui avait permis d’écrire ainsi. Est-ce
qu’une telle chose est possible et sinon, comment aurait-il pu
écrire ces livres ?
Je ne pense pas que cette sorte de possession soit possible.
D’ailleurs, vous devriez analyser avec plus d’attention ce qu’il a
écrit ; il y a de nombreuses erreurs dans ses livres. Par exemple,
quand il explique que les lamas ouvrent l’œil de la sagesse par
voie chirurgicale. C’est totalement faux. L’œil de la sagesse est
une métaphore de la vue spirituelle pénétrante et il est ouvert
par les lamas qui détiennent cette clé qu’est la sagesse. De plus,
les personnes qui ont des réalisations n’en parlent pas, et celles
qui en parlent n’en ont pas.
Lama, qu’entendez-vous par esprit dualiste ? Qu’entendez-vous

par « check up » (vérifier, examiner…) ?
Depuis le moment de votre naissance jusqu’à maintenant, il y a
toujours eu deux choses pour vous embrouiller l’esprit ; toujours
deux, jamais une seule. C’est cela que nous appelons l’esprit
dualiste. Chaque fois que vous percevez un objet,
automatiquement, instinctivement, votre esprit le compare à un
autre objet : « Qu’en est-il de ceci ? » Ces deux objets
bousculent votre équilibre. C’est ainsi que l’esprit dualiste
fonctionne. Maintenant, votre autre question. Quand je dis
82
« check up » (vérifier, examiner), je veux dire qu’il vous faut

analyser votre esprit dans le but de déceler s’il est « sain » ou
non. Chaque matin, vérifiez l’état de votre esprit pour vous
assurer qu’il n’y aura pas de grosse crise au cours de la journée.
C’est cela que j’entends par « check up » : vérifier, examiner.
Si tout est déterminé par le karma, comment pouvons-nous
savoir si notre motivation est correcte, autrement dit, avons-
nous une possibilité de choix non-conditionné ?
Une motivation pure n’est pas déterminée par le karma. Une
motivation pure vient de la sagesse-connaissance-qui-comprend.
Si votre esprit est dénué de toute compréhension, il vous sera
difficile de faire naître une motivation pure. Par exemple, tant
que je n’ai pas compris ma nature égoïste, je ne peux pas aider
les autres. Tant que je n’ai pas pris conscience de mon propre
comportement égoïste, je rendrai toujours les autres respon-
sables de mes problèmes. Quand je connais mon esprit, ma
motivation devient pure et je peux sincèrement dédier les
actions de mon corps, de ma parole et de mon esprit pour le
bien-être d’autrui.
Merci, cette question était excellente et je pense qu’il est bon de

terminer notre entretien sur la pure motivation. Merci beaucoup.
Quand notre motivation est pure, nous dormons bien, nous
rêvons bien et nous profitons bien de la vie. Merci encore.
Assembly Hall
27 mars 1975
83
Le stoupa de Lama Yéshé à Dharamsala, Inde.
84
Puisse quiconque voit, touche, lit ce texte,
ou s’en souvient, en parle ou y réfléchit,
ne jamais renaître dans des situations
défavorables à la pratique parfaite du
Dharma, mais ne renaître que dans des
situations qui lui sont propices,
ne rencontrer que des guides spirituels
parfaitement qualifiés,
développer rapidement bodhicitta
et atteindre immédiatement l’Eveil
pour le bien de tous les êtres.
85
Principaux titres des Editions Vajra Yogini
(nouveau taux de TVA à 7% - nouveaux prix publics)
Les étapes de la voie vers l’éveil 620 p. 38,54€ Guéshé Sopa

16 attitudes pour mieux vivre 156 p. 15,11€ Alison Murdoch et
Dekyi-Lee Oldershaw
La foi fondée sur la raison 192 p. 15,11€ Le Dalaï Lama
Comment méditer 304 p. 18,46€ Kathleen Mc Donald
L’énergie de la sagesse 184 p. 11,66€ Lama Thoubtèn Yéshé et
Lama Zopa Rinpoché
L’amour universel 176 p. 15,11€ Lama Thoubtèn Yéshé
L’espace du tantra 208 p. 12,27€ Lama Thoubtèn Yéshé
Devenir le Bouddha de la compassion 288 p. 19,77€ Lama
Thoubtèn Yéshé
Ego, attachement et libération 136 p. 14,70€ Lama Thoubtèn
Yéshé
La béatitude du feu intérieur 304 p. 19,77€ Lama Thoubtèn
Yéshé
Le pouvoir de purification du tantra 384 p. 18,46€ Lama
Thoubtèn Yéshé
La guérison ultime 352 p. 19,77€Lama Zopa Rinpoché
Comment être heureux 128 p. 10,04€ Lama Zopa Rinpoché
Conseils du cœur pour la mort et la fin de vie 192 p. 15,11€
Lama Zopa Rinpoché
La roue aux lames acérées 208 p. 14,50€ Guéshé Lobsang
Tengyé
Le daim à la grande sagesse
Suivi de La tortue et les oies sauvages
28 p. 12,07€ Guéshé Lobsang Tengyé
Conseils d’un ami spirituel 155 p. 11,66€ Guéshé Rabtèn et
Guéshé Dhargyey
86
La noble perfection de la sagesse en huit mille versets 480 p.
22,31 Trad. Georges Driessens
Les deux vérités selon les quatre écoles 274 p. 23,23€ Guéshé
Georges Dreyfus
Interdépendance et vacuité 160 p. 18,46€ Steve Carlier
Les quatre vérités des nobles aryas 208 p. 19,77€ Guéshé Tashi
Tsering
Feng-Shui, le voir pour y croire 160 p. 19,77 Jampa Ludrup
Opération “Prix en Baisse”

5,57 € (jusqu’à épuisement des stocks)
Atteindre l’éveil
Cher Lama Zopa
Connaître l’esprit
Dompter son esprit
Dromteunpa, l’humble yogi
Kalachakra
Le Lama de Lawoudo
Suivre l’exemple des bodhisattvas
Transformer ses problèmes
Un autre regard
87

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Faites de votre esprit

Lama Thoubten Yéshé

Traduit de l’anglais par Dominique Régibo

Devenir son Propre Thérapeute, par Lama Thoubten Yéshé

L’édition originale a été publiée en 1999 par « Lama Yeshe Wisdom

© Lama Thubten Zopa Rinpoche 1999.

© Editions Vajra Yogini 2004 pour les pays francophones.

ISBN : 2-911 582-46-2

Ce texte vous est offert et ne peut être vendu.

Photo de couverture : Jacqueline Keeley

Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage, pour un usage

Introduction de l’Edition Originale

Votre Esprit est votre Religion

La Maladie Mentale dans une Perspective

Tout Vient de l’Esprit

Faites de votre Esprit un Océan

Prenez Soin des Textes du Dharma

Nous remercions tout d’abord tous ceux qui soutiennent et ont

Pour ce qui est de la version française, cet ouvrage est le

Nous avons d’autres projets et si vous désirez y participer et

Du fond du cœur, nous remercions tout particulièrement Roger

Enfin que soient également remerciées Dominique Régibo pour

Dans la première brochure du Lama Yeshe Wisdom

Les colloques repris dans cette brochure traitent de l’esprit en

Deux de ces colloques furent donnés sous forme de causeries à

Le chapitre intitulé « La Maladie Mentale dans une Perspective

Devenez votre propre thérapeute.

VOTRE ESPRIT EST VOTRE

Quand je parle de « l’esprit », ce n’est pas juste à « mon esprit,

La manière dont nous vivons, dont nous pensons... tout est

Pendant toute la durée de notre existence, notre esprit constitue

terminologie religieuse, notre nature intérieure. Bref, quels que

N’allez pas penser que cette démarche – examiner la nature de

Aujourd’hui le monde vous paraît magnifique, demain tout vous

expliquer cela scientifiquement ? Il ne s’agit que de la

Si vous n’avez pas la moindre idée de votre propre

esprit. Certains le croient cependant. Ils s’imaginent que cette

Quand vous examinez votre esprit, ne rationalisez pas, ne forcez

Quand vous étiez un enfant, vous adoriez les glaces, le chocolat

glaces, le chocolat et les gâteaux dont vous avez envie... mais

Alors, qu’est-ce donc que la satisfaction ? Examinez tout cela

Pour le Seigneur Bouddha, tout ce que nous avons à savoir est

dessous. Ce qui vous semblait horrible hier peut désormais vous

Je ne suis pas en train d’essayer de décider de votre vie à votre

Comment s’y prendre pour examiner son esprit ? Simplement,

Quand vous effectuez cet examen de l’esprit correctement, vous

Est-ce que tout cela est totalement nouveau pour vous ? Je ne le

Prenez conscience que la nature de votre esprit est différente de

Certaines personnes se croient religieuses, mais qu’est-ce que

Les plus grands problèmes de l’humanité ne sont pas d’ordre

de « religieux », mais c’est une plaisanterie. Dans le bonheur

Parmi les nombreuses religions de par le monde, quelle que soit

faire. Je ne fais que suggérer ; je souhaite que vous mettiez mes

Comment vous y prenez-vous pour examiner votre propre

Qu’est-ce qu’un lama ?

qui connaît non seulement l’esprit présent, mais aussi le passé et

Quel est l’équivalent occidental d’un « lama » ?

etc. Mais les gens aujourd’hui sont plutôt sceptiques et rejettent

Comment la méditation peut-elle nous aider à prendre des

Lama, pourriez-vous nous parler un peu du karma ?

le karma. Tant que vous êtes dans votre corps, en interaction

première expérience, c’est le karma : l’expérience étant la cause

Quel est votre but dans la vie ?