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LES OUTILS DU CONTRÔLE DE GESTION : DES VECTEURS DE VALEURS

POUR L’ORGANISATION PUBLIQUE ?

Benjamin Dreveton

Association Francophone de Comptabilité | « Comptabilité Contrôle Audit »

2017/3 Tome 23 | pages 9 à 28


ISSN 1262-2788
ISBN 9791093449111
DOI 10.3917/cca.233.0009
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Benjamin Dreveton
LES OUTILS DU CONTRÔLE DE GESTION :
DES VECTEURS DE VALEURS POUR L’ORGANISATION PUBLIQUE ? 9
reçu en octobre 2014 / accepté en novembre 2016 par Aude Deville

Les outils du contrôle


de gestion : des vecteurs
de valeurs pour
l’organisation publique ?
Management Control Tools:
Value Drivers for the Public
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Sector?
Benjamin DREVETON*

Résumé Abstract
Cette recherche analyse le rôle des outils This study analyzes the role of management
du contrôle de gestion dans le déploiement control tools in the deployment of new values for
de nouvelles valeurs pour l’action publique. the public sector. For proponents of New Public
Pour les tenants du New Public Management, Management, management control devices are
l’implantation des outils de contrôle vise à implemented with the aim of transplanting
transplanter des valeurs privées dans l’organi- private values into public organizations. Our
sation publique. Notre recherche explore ce research explores this transfer process by studying
processus de transfert en étudiant le projet de the creation of a Balanced Scorecard in a pub-
construction d’un Balanced Scorecard dans une lic agency. We use secondary analysis of inter-
agence publique. Fondée sur l’analyse secon- ventionist research to define the role played by
daire d’une recherche-intervention, cette étude management control devices during this public
caractérise le rôle des outils de gestion au cours sector instrumentation process. Our research

*  Professeur des Universités, IAE de Poitiers, CEREGE (EA 1722)

Comptabilité – Contrôle – Audit / Tome 23 – Volume 3 – Décembre 2017 (p. 9 à 28)


Benjamin Dreveton
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des processus d’instrumentation de l’action emphasizes that the tension between public and
publique. La recherche montre que le main- private values is a success factor for creating and
tien d’une tension entre des valeurs opposées utilizing management control tools in this type of
dans l’outil est un facteur du succès de son organization.
implantation.
Mots-clés: outils de gestion – Keywords : management control device
management public – théorie de la – public management – actor network
traduction – recherche-intervention theory – interventionnist research

Correspondance : Benjamin Dreveton


IAE de Poitiers, CEREGE (EA 1722)
20 rue Guillaume VII le Troubadour, Bât.E1
TSA 61116 - 86073 Poitiers Cedex 9
bdreveton@poitiers.iae-france.fr
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« À l’heure où la modernisation des services publics est une condition de leur survie,
l’affirmation d’un socle partagé de valeurs qui redonnerait son sens au travail
des agents publics doit constituer la base des réformes à venir.
La définition de valeurs communes sera le meilleur instrument
de ce réarmement intellectuel dont le service public
et la fonction publique ont aujourd’hui tant besoin. »
Livre Blanc sur l’avenir de la fonction publique, 2008.

Comme le souligne cet extrait du Livre Blanc sur l’avenir de la fonction publique (2008), la notion de
valeur est fortement ancrée dans l’organisation publique. Pour s’en convaincre, il suffit de revenir sur
la définition du service public, une définition qui fait appel à trois valeurs : la continuité du service,
sa neutralité et sa mutabilité. Pourtant, si ces valeurs ont traversé le temps, l’analyse des évolutions
récentes des organisations publiques, et notamment les différentes vagues de réforme, aboutissent à
mettre en évidence un véritable « paradoxe culturel » (Emery et Giauque, 2005). Ainsi, pour les tenants
du New Public Management (Hood 1991, 1995, Pollitt 1998), la mise en œuvre des réformes vise à
implanter au sein de l’organisation de nouvelles valeurs, comme, par exemple, celle de transparence
ou encore celles d’efficacité et d’efficience. Dans sa vision instrumentale, le New Public Management se

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traduit par l’implantation d’outils de gestion qui placent au centre de leur fonctionnement la notion
de performance (Modell 2001, Lapsley 2009). L’organisation publique se trouve contrainte d’intégrer
au cœur de son management des outils de gestion qui véhiculent des valeurs initialement associées à
la gestion des organisations privées. Comme le constatent Ittner et Larcker (1998), cette dynamique
pose directement la question de la transférabilité des outils de gestion du secteur privé dans la sphère
publique. Notre recherche s’inscrit dans ce débat. Plus précisément, notre étude analyse le rôle joué
par les outils de contrôle de gestion dans la rencontre entre deux valeurs : une valeur initialement
associée à l’organisation publique, la responsabilité sociétale, et une valeur généralement liée à l’orga-
nisation privée, la performance.
Pour analyser ce rôle, la théorie de la traduction est mobilisée (Latour et Woolgar 1979 ; Latour
1984, 1987 ; Callon, 1988). L’originalité de notre recherche est d’emprunter à ce cadre la notion
« d’inscription » essentiellement développée dans les travaux de Madeleine Akrich (1987, 1991,
1993). Cette notion décrit le mécanisme à partir duquel les acteurs vont « inscrire » dans l’outil leur
vision, leur représentation de l’organisation, dans notre cas, leur représentation de ses valeurs. La pro-
blématique de recherche abordée par cet article est donc la suivante : quel rôle joue l’outil de gestion
dans l’inscription de nouvelles valeurs ? Pour répondre à cette question, l’étude s’appuie sur l’analyse
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secondaire d’une recherche-intervention (Thorne 2004, Heaton 2004). Menée sur une période de
trois ans en partenariat avec une agence publique, cette recherche explore le processus d’implantation
d’un outil de contrôle de gestion, un Balanced Scorecard.
Cinq parties structurent cet article. La première présente une revue de littérature liant la notion
de valeur et le processus d’instrumentation de l’organisation publique. La deuxième partie décrit
l’ancrage théorique de la recherche, la théorie de la traduction, et la suivante la méthodologie de la
recherche. La quatrième partie explore un processus d’instrumentation en analysant l’influence des
valeurs sur la trajectoire suivie par l’outil de contrôle de gestion. Enfin, la dernière partie expose les
apports de la recherche en engageant une discussion sur le rôle des outils du contrôle de gestion dans
le processus d’instrumentation de l’activité publique.

1. Les outils de contrôle de gestion


dans l’organisation publique : un confit de valeurs ?
La première partie de cet article est consacrée à une revue de littérature sur la notion de valeur dans le
contexte de l’organisation publique. Après avoir défini la notion de valeur publique, nous mettrons en
évidence ses évolutions au regard des réformes portées par le New Public Management.
Le dictionnaire définit la notion de valeur comme : « ce qui est posé comme vrai, beau, bien, d’un
point de vue personnel ou selon les critères d’une société et qui est donné comme un idéal à atteindre, comme
quelque chose à défendre » (Dictionnaire Larousse). Si les travaux de Moore (1995) sont considérés
comme fondateurs, ce sont surtout les travaux de recherche menés par Bozeman qui vont permettre
d’esquisser les contours de cette notion dans la sphère publique. En 2007, Bozeman propose de défi-
nir les valeurs publiques comme « un consensus normatif à propos (1) des droits, avantages et prérogatives
auxquels les citoyens devraient (ou ne devraient pas) avoir droit ; (2) les obligations des citoyens envers la

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société, l’État et autrui ; (3) et les principes sur lesquels les administrations et les politiques devraient être
fondées ». Traditionnellement, les valeurs associées à l’organisation publique sont : l’équité, l’impartia-
lité, le respect, la dignité, l’intégrité, la responsabilité et la justice. Cette liste reprend les trois valeurs
fondamentales de la République, la liberté, l’égalité et la fraternité, auxquelles les développements du
droit public ont ajouté de grands principes, celui de continuité du service public, de sa neutralité, et
de sa mutabilité (systématisés par le juriste Rolland au début du XXe siècle, sous l’appellation de « lois
du service public »). Au cours des dernières années, les travaux menés sur la notion de valeur publique
par les chercheurs en sciences de gestion se multiplient. Le concept s’est particulièrement développé
dans les travaux anglo-saxons. Le terme de Publicness a fait son apparition (Moulton, 2009). Il désigne
l’ensemble des valeurs portées par les organisations publiques. Pour l’essentiel, les travaux qui s’inté-
ressent à cette notion se focalisent sur la définition des valeurs publiques et proposent ainsi une liste
de valeurs propres aux organisations appartenant au secteur public1. S’il ne s’agit pas de recenser
l’ensemble des valeurs publiques, l’étude de ces travaux de recherche met en exergue l’importance de
la notion de responsabilité sociétale au sein des valeurs attribuées à ces organisations. Cette dernière
est généralement envisagée comme une des valeurs qui fonde l’action publique. De par sa vocation
d’intérêt général et l’application des principes de continuité, d’égalité et de mutabilité de ses acti-
vités, l’organisation publique est redevable de ses activités envers de nombreuses parties prenantes
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(usagers, citoyens, état, associations, fédérations, entreprises, etc.). Par exemple, Van Der Wal et al.
(2008) définissent un ensemble de valeurs portant sur le management public. Parmi les valeurs recen-
sées, celle de responsabilité s’avère prépondérante. De la même façon, Hondeghem et Vandenabeele
(2005) insistent aussi sur le caractère collectif de l’action publique et donc sur la nécessité d’intégrer
la dimension sociétale au centre du management de ces organisations : « la motivation à l’égard du
service public, définie comme une conviction, des valeurs et des attitudes qui dépassent l’intérêt personnel ou
celui d’une organisation pour prendre en compte l’intérêt d’une entité politique plus vaste et qui induisent,
dans une interaction publique, une motivation pour tenir une conduite définie » (2005, p. 466). Politt
et Bouckaert partagent ce résultat : « Le management public n’est pas une technique neutre mais une
activité indissolublement liée à la politique, aux politiques publiques, aux droits et aux enjeux de la société
civile » (2004, p. 14). Plus récemment, Boisvert (2011) réaffirme ce constat : la responsabilité sociétale
constitue l’ambition première des organisations évoluant dans le secteur public. Elle se place au cœur
de leur existence.
À la fin du XXe siècle, le déploiement du New Public Management (NPM) est appréhendé comme
un vecteur d’évolution, mais aussi de fragilisation voire d’abandon des valeurs publiques. Les réformes
qui accompagnent les transformations de l’action publique remettent en cause la spécificité des orga-
nisations publiques en tentant d’imposer des valeurs initialement liées au fonctionnement des orga-
nisations privées. Le NPM trouve ses origines dans les idées néolibérales des années 1970 et décrit le
mouvement de managérialisation des organisations publiques (Kurunmakï 2009). Il est appréhendé
comme « l’ensemble des doctrines administratives sensiblement similaires qui a dominé le programme de
réforme bureaucratique dans de nombreux pays membres de l’OCDE depuis les années 1970 » (Hood,
1991). Ce mouvement met en avant des valeurs traditionnellement identifiées dans le secteur privé.
Pour Mathiasen (1996), il se fonde sur la mise en œuvre de stratégies de régulation, de décentralisa-
tion et de privatisation. De façon caricaturale, il devient alors possible de qualifier des valeurs privées
en opposition aux valeurs portées par les organisations publiques. Ainsi, si ces dernières s’avèrent

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collectives, intangibles et abstraites, celles des organisations privées seraient individuelles, concrètes et
notamment liées à la nécessité du profit comme condition de leur pérennité (en reprenant le caractère
économique de la valeur privée mis en évidence par Bozeman (2007)). Pourtant, cette frontière est
de plus en plus perméable (Linhart, 2009). Ainsi, des organisations privées adoptent des valeurs tra-
ditionnellement liées aux organisations publiques comme le sens du collectif ou l’exemplarité. De la
même façon, les organisations publiques s’approprient des valeurs issues des organisations du secteur
privé. Dès 1991, Hood définit trois types de valeurs : les valeurs Lambda fondée sur la continuité et
l’adaptabilité du secteur public, les valeurs Thêta visant à préserver l’honnêteté et la probité de l’action
publique et enfin les valeurs Sigma cherchant à optimiser les ressources au regard des objectifs fixés.
Pour Hood, les réformes relevant du NPM cherchent principalement à satisfaire les valeurs de type
Sigma. Or, il souligne que la compatibilité entre les valeurs Sigma d’une part et les valeurs Thêta et
Lambda reste encore à analyser. En 2006, Osborne approfondit ce constat. En montrant les ruptures
opérées par l’application des principes du NPM, il souligne ainsi que le passage du modèle de l’admi-
nistration publique à celui du New Public Management est principalement fondé sur une remise en
cause de la frontière publique/privée.
Au sein de cette dynamique, les outils de gestion, et particulièrement ceux du contrôle de ges-
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tion, jouent un rôle essentiel. Comme l’indique Lapsley (2009), les travaux s’appuyant sur le NPM
véhiculent une approche instrumentale du management des organisations publiques dans laquelle
l’organisation privée est érigée en référence. L’implantation des outils de gestion devient un vecteur
de changement, une manière d’introduire des valeurs historiquement portées par les organisations
privées dans le fonctionnement des organisations publiques2. Au cœur de cette trajectoire, la notion
de performance prend une place conséquente. Les récentes réformes de l’action publique visent à
introduire cette valeur en favorisant une instrumentalisation de leur management (Lapsley 2009).
Ainsi, Wood (1991) constate que le NPM est avant tout un moyen de développer des outils de coûts
et ainsi contrôler les résultats financiers. De la même façon, Grueninq (2001) associe le NPM à la
création de nouveaux outils comptables. Modell (2001) insiste sur la nécessité d’élargir les indicateurs
de performance dans le secteur public. Plus récemment, Bouckaert et Halligan (2008) signalent
l’importance de définir une véritable politique de la mesure de performance. Au final, cette quête
de la performance se concrétise par une prolifération d’instruments de gestion et particulièrement
d’outils du contrôle de gestion (Laplsey et Wright, 2003). À titre d’exemple, de récents travaux
analysent comment le Balanced Scorecard, outil symbole du pilotage de la performance dans les
organisations privées, franchit les frontières des organisations publiques (Quinlivan 2000, Radnor et
Lowell 2003, Benzerafa 2007, Naro et Travaillé 2011, Nobre et Haouet 2011, Dreveton 2014). En
synthèse, cette évolution ne traduit pas seulement une volonté d’instrumentaliser plus fortement la
gestion publique. Elle vise aussi à importer dans l’organisation publique des valeurs traditionnelle-
ment associées à l’organisation privée. Parmi ces valeurs, celle de performance semble avoir fortement
guidé les réformes publiques.
Pour conclure, cette revue de littérature souligne que la quête de performance portée par l’envi-
ronnement institutionnel du secteur public peut entrer en contradiction avec l’ambition première de
responsabilité sociétale de ces organisations. Afin d’étudier cette situation, notre recherche explore la
rencontre entre ces deux valeurs. Le questionnement que nous poursuivons est donc le suivant : quel
rôle joue les outils du contrôle de gestion dans l’inscription d’une nouvelle valeur ?

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2. Ancrage théorique : la théorie de la traduction


et la notion d’inscription
Pour étudier la rencontre entre ces deux valeurs, la recherche s’appuie sur la notion d’inscription déve-
loppée par les tenants de la sociologie de la traduction. Après avoir succinctement rappelé les éléments
centraux de cette théorie, cette seconde partie décrit et justifie le recours à la notion d’inscription.
Le processus de traduction est défini par Callon et Latour (1981, p. 279) comme « l’ensemble des
négociations, des intrigues, des actes de persuasion, des calculs, des violences grâce à quoi un acteur ou une
force se permet ou se fait attribuer l’autorité de parler ou d’agir au nom d’un autre acteur ou d’une autre
force ». Ainsi, l’acceptation d’un outil de gestion est liée à la constitution d’un réseau d’acteurs qui
portent l’outil, le diffusent, tout en le façonnant et le transformant, afin de « traduire » leurs intérêts
dans cet outil. Ces transformations, ou « traductions », sont nécessaires au déploiement de l’innova-
tion. Le processus de traduction est décrit comme l’enchaînement de quatre phases (Callon, 1986). La
phase de problématisation constitue le point de départ. Elle est définie comme l’ensemble des efforts
réalisés par une personne pour souligner la nécessité d’un projet. Elle fait émerger la formulation d’un
problème et identifie les acteurs qui seront amenés à la résoudre. Elle constitue les prémices d’un col-
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lectif. La seconde phase est une phase d’intéressement. Elle consiste à démontrer l’utilité du projet aux
acteurs en ayant recours à des intermédiaires. La phase d’enrôlement se matérialise par la construction
de réseaux reposant sur des accords entre des acteurs possédant des intérêts divers et divergents. Les
rôles des acteurs dans le déploiement de l’innovation sont définis et stabilisés. L’enrôlement est un pro-
cessus d’intéressement réussi. Enfin, la phase de mobilisation vise à maintenir impliqués les acteurs. Elle
renvoie aux mécanismes mis en place pour contrôler le réseau. Une fois le projet accepté, il faut mainte-
nir les différents intérêts afin de mener le projet sur le long terme. En résumé, la traduction s’explique à
travers la convergence d’un réseau d’acteurs (humains et non-humains). Plus le nombre de traductions,
inscrites dans des intermédiaires, augmente, plus les acteurs sont alignés et le réseau convergent.
Cette recherche convoque une notion développée par la sociologie de la traduction : la notion
d’inscription. Dans sa présentation du processus de traduction, Callon souligne l’importance de l’ins-
cription dans la compréhension du réseau d’acteurs qui se compose autour de l’innovation : « les
réseaux mélangent humains et non humains, inscriptions de toutes sortes (…) leur dynamique ne se com-
prend que rapportée à l’opération de traduction qui inscrit l’entre-définition des acteurs dans les intermé-
diaires qui sont mis en circulation : la connaissance de ces réseaux passe par la lecture de ces inscriptions »
(1991, p. 225). Cette notion a déjà été mobilisée par les chercheurs en Comptabilité Contrôle Audit.
Ainsi, dès 1992, Robson est un des premiers chercheurs à étudier l’interaction entre la notion d’ins-
cription et les outils de comptabilité. Plus précisément, il montre que les inscriptions, consignées
dans l’outil, rendent possible une action à distance tout en soulignant la fragilité d’un processus qui
reste fortement soumis aux interprétations des acteurs. Plus récemment, Dambrin et Robson (2011)
réaffirment la nécessité d’étudier les inscriptions. Ils soulignent que le déploiement de l’outil se trouve
dans la richesse des inscriptions qui permettent de réunir des acteurs possédant des intérêts divergents.
Au sein de cet ensemble de travaux, le contexte des organisations publiques a lui aussi été investigué.
Ainsi, Chua (1995) étudie le déploiement de la tarification à l’activité dans trois hôpitaux pour mettre
en évidence le rôle des inscriptions dans l’implantation de cet outil. De la même manière, Busco et

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Quattrone (2014) montrent comment les inscriptions visuelles d’un Balanced Scorecard permettent de
générer de nouvelles représentations et donc des utilisations différentes de celles initialement pensées
par les concepteurs de l’outil. Pourtant, au sein de ces recherches ce sont essentiellement les travaux
de Callon et Latour qui sont mobilisés. Or, les travaux d’Akrich (1987, 1991, 1993) vont donner une
place significative à la notion d’inscription dans la construction théorique proposée par les membres
du Centre de Sociologie de l’Innovation.
Akrich (1993) commence par décrire précisément le rôle de l’inscription au cours du processus
de déploiement des innovations. Elle constate qu’une grande partie du processus de construction
d’une innovation consiste à inscrire la vision des acteurs de l’organisation dans le contenu technique
des innovations. Ces inscriptions permettent aux concepteurs d’une innovation de guider les futurs
utilisateurs du dispositif (Akrich, 1993). Elle définit la notion d’inscription comme l’opération qui
consiste à « incorporer, dans le contenu même de l’objet, une définition des relations entre l’objet et son
environnement » (Akrich 1991). Pour créer une coopération efficace entre l’objet et son environne-
ment social, des schémas cognitifs sont incorporés dans la technique. Ils sont inscrits au sein du dis-
positif afin de suggérer les conditions de son utilisation, d’orienter la pratique future des acteurs. La
notion d’inscription permet donc d’explorer les mécanismes d’ajustement entre un objet technique et
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son environnement social.
Par définition, une innovation managériale repose, à l’origine, sur la vision de son concepteur. Ce
dernier transcrit au sein de l’innovation sa représentation de l’environnement et de l’organisation dans
lequel l’outil doit s’insérer. Les décisions prises par le concepteur sont traduites par une inscription
particulière dans l’outil. Comme le décrit Akrich (1987), ce dernier produit et propose aux acteurs un
« script » : « une prédétermination des mises en scène que les utilisateurs sont appelés à imaginer à partir du
dispositif ». Le script représente le contenu technique de l’outil. Les acteurs qui vont mobiliser la tech-
nique sont invités à imaginer une mise en scène particulière qui qualifiera leur interaction personnelle
avec l’objet. Pour autant, cette inscription n’est pas statique. Sa formulation n’est pas seule et unique.
En effet, l’inscription proposée par le concepteur peut se heurter aux visions des acteurs. Ces derniers
peuvent alors tenter d’imposer leurs représentations et donc de proposer de nouvelles inscriptions au
sein du dispositif technique. Dès lors, une dynamique apparaît : progressivement, en se confrontant
aux acteurs, le dispositif technique évolue et intègre de nouvelles inscriptions, relatives aux initiatives
de ces acteurs sur le dispositif, ses finalités, son utilisation, son environnement, etc. Au sein de ce
processus, Akrich identifie trois mouvements (1993) : l’In-script-ion qui consiste pour le concepteur
de l’innovation à cristalliser des rôles au cœur de la technique3, la pré-script-ion qui permet à l’utili-
sateur de l’innovation de suivre les attentes du concepteur et enfin la dé-script-ion qui révèle le méca-
nisme d’adaptation du script créer par le concepteur par l’utilisateur. Ces dynamiques effectuent une
médiation entre le dispositif technique (l’outil) et son environnement social (les acteurs, concepteurs
et utilisateurs de l’outil). La notion d’inscription permet ainsi de mettre en évidence les mécanismes
élémentaires d’ajustement réciproque de l’objet technique et de son environnement. En ce sens, l’ins-
cription est très proche de la notion d’affordance4. Le script s’appréhende comme un dispositif qui
permet un certain nombre d’utilisation à l’usager de l’outil (Bardini, 1996). Ses affordances ne sont
pas directement issues des qualités intrinsèques de l’outil mais elles dépendent des propriétés émer-
gentes de la perception de l’utilisation de l’outil par l’acteur. Dit autrement, l’influence des acteurs
utilisateurs sur l’outil ne dépend pas uniquement de ses qualités premières. Elle est aussi étroitement

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liée à la manière dont les acteurs interprètent ces qualités. En refusant le déterminisme technique, ce
constat rejoint les travaux de Léonardi (2011) qui déterminent la visée relationnelle des affordances.
La relation entre l’outil et les acteurs est source d’apprentissages liés à cette interaction.
En synthèse, la notion d’inscription est donc mobilisée pour explorer les mécanismes d’inscription
des valeurs de l’organisation et de l’environnement institutionnel dans un outil du contrôle de gestion.
Le recours la théorie de la traduction, et plus particulièrement à cette notion, permet ainsi de porter
un nouveau regard sur le rôle des outils de contrôle de gestion dans la sphère publique. Il ne s’agit
pas simplement de refuser le déterminisme technique. En intégrant la notion d’inscription, l’objet de
l’analyse se déplace de l’outil à son interaction avec le contexte organisationnel de son implantation.
La notion d’inscription qualifie la manière dont les acteurs vont agir au cours du processus de traduc-
tion afin d’intégrer leur vision dans l’outil mais aussi la manière dont celui-ci va influer sur les acteurs
concepteurs et utilisateurs. Indirectement, la notion d’inscription permet d’entrevoir la manière dont
les outils du contrôle de gestion participent aux dynamiques organisationnelles et notamment, com-
ment ils véhiculent les principes des réformes qui affectent actuellement les organisations appartenant
à la sphère publique.
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3. Design de la recherche
Afin d’explorer cette problématique de recherche, notre étude emprunte à l’analyse secondaire. Après
avoir décrit cette méthodologie, la recherche-intervention sur laquelle s’appuie notre analyse est pré-
sentée.

3.1. Méthodologie de la recherche : l’analyse secondaire


Cette recherche repose sur une analyse secondaire. Cette méthodologie « consiste dans le réexamen
d’un ou plusieurs ensemble de données qualitatives dans l’optique de poursuivre des questions de recherche
qui sont distinctes de celles de l’enquête initiale » (Thorne 2004, p. 1006). Une typologie des recherches
mobilisant l’analyse secondaire de données qualitatives a été développée par Heaton (2004). Ce der-
nier distingue cinq types d’analyse secondaire :
1. La supra-analyse : l’étude se consacre à de nouvelles questions non abordées lors de l’analyse pri-
maire.
2. L’analyse supplémentaire : cette analyse aborde une question qui a émergé lors de l’analyse primaire
mais qui n’a pas pu être considérée.
3. La ré-analyse : les données sont remobilisées pour vérifier les analyses primaires.
4. L’analyse amplifiée : cette analyse secondaire regroupe plusieurs recherches afin de mener des com-
paraisons entre ces travaux.
5. L’analyse assortie : cette étude combine des données issues de recherches secondaires avec une étude
reposant sur des données primaires.
Dans notre cas, notre recherche s’appuie sur une « analyse assortie ». En effet, la question de
recherche traitée au sein de cet article n’a pas émergé au cours de la recherche-intervention initiale.

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DES VECTEURS DE VALEURS POUR L’ORGANISATION PUBLIQUE ? 17

Néanmoins, nous avons pu réinvestir ce terrain de recherche une année après une première recherche-
intervention. Au cours de cette nouvelle collaboration, la problématique de recherche sur l’inscription
des valeurs dans l’outil est apparue. La recherche qui est restituée est donc composée de deux temps
distincts au cours desquels le chercheur a été fortement impliqué. Dans un premier temps, elle revisite
une recherche-intervention à la lumière d’une nouvelle problématique et, dans un second temps, elle
est complétée par une nouvelle recherche.
Chaubaud et Germain (2004) soulignent que si ces pratiques de recherche restent encore peu
mobilisées, elles peuvent pourtant s’avérer fructueuses. Pour notre étude, cette méthodologie apparaît
comme un moyen de « revisiter » un terrain de recherche de proposer un nouvel éclairage sur le pro-
cessus d’instrumentation de l’activité publique.

3.2. Contexte de la recherche intervention : un projet d’instrumentation


de l’activité publique
Cette étude est fondée sur une recherche-intervention (Jönsson et Lukka 2007, Suomala et al. 2014)
réalisée au sein d’un organisme public. L’organisation publique partenaire de la recherche a été créée
au milieu du XXe siècle. Considéré comme une agence de l’État français, cet établissement est juri-
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diquement qualifié d’Etablissement Public Administratif. En 2014, son budget s’élève à plus de
140 millions d’euros pour 230 000 usagers du service5.
Au cours de la dernière décennie, cette organisation éprouve des difficultés financières. Le mon-
tant des subventions octroyées par l’État diminue fortement et, dans le même temps, elle peine à
dégager des ressources propres. Face à cette situation, l’établissement engage différentes actions dont
le recrutement d’un nouveau contrôleur de gestion. Dans un contexte financier difficile, le contrô-
leur de gestion initie, progressivement, des projets visant à faire évoluer les pratiques managériales de
l’établissement.
Dans un premier temps, cette recherche s’appuie sur un des projets portés par le contrôleur de
gestion de cette organisation : la création d’un système de pilotage de la performance. Ce projet fait
l’objet d’une recherche-intervention6. Concrètement, le chercheur est impliqué au sein du service
contrôle de gestion et il prend une part active au sein du groupe de travail ayant comme objectif de
construire les tableaux de bord. Ce premier temps de la recherche se concrétise par l’implantation
d’un système de tableaux de bord qui rassemble 10 tableaux de bord prospectifs, regroupant, au total,
88 indicateurs de pilotage. Au cours des deux années de collaboration, les données ont été collectées
via 68 entretiens individuels, 15 réunions de groupe de travail et 3 réunions du comité de direction.
Un an après l’implantation de l’outil, le chercheur a pu réinvestir ce terrain de recherche. Ce second
temps de la recherche se matérialise par 45 entretiens semi-directifs réalisés auprès des principaux
cadres de l’établissement. Ces entretiens se donnent comme objectif de réaliser un état des lieux sur la
mise en place du système de pilotage de la performance créé par le contrôleur de gestion un an plus tôt.
Pour conclure, le dispositif méthodologique sur lequel s’appuie la recherche est double. La pre-
mière partie de l’étude a permis au chercheur de participer activement au processus de construction
de l’outil et, via une analyse secondaire, d’explorer le processus d’inscription des valeurs portées par
l’outil. La seconde partie de l’étude explore la manière dont les acteurs ont perçu l’évolution des
valeurs à la suite de l’implantation de l’outil, à expliciter les liens unissant les valeurs portées par

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LES OUTILS DU CONTRÔLE DE GESTION :
18 DES VECTEURS DE VALEURS POUR L’ORGANISATION PUBLIQUE ?

l’instrumentation de gestion et celle véhiculées par son contexte d’introduction. Comme l’indique
Akrich (1993), l’objectif de ce dispositif de recherche est de « décrire les opérations par lesquelles le
scénario de départ, qui se présente essentiellement sous une forme discursive, va progressivement par une
série d’opérations de traduction qui le transforment lui-même être approprié, porté par un nombre toujours
croissant d’entités, acteurs humains et dispositifs techniques. Chaque décision technique (…) peut être lue
comme l’inscription dans le dispositif technique d’une certaine forme d’environnement » (p. 91).

4. Étude de cas : l’inscription des valeurs dans le processus


d’instrumentation de l’organisation publique
Au cours de cette quatrième partie, la théorie de la traduction et la notion d’inscription sont mobili-
sées pour analyser le processus d’implantation des Balanced Scorecard. Le processus d’instrumentation
est défini par l’enchaînement de trois phases, chacune renvoyant à une inscription spécifique des
valeurs dans l’outil de contrôle de gestion.
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4.1. La problématisation : une phase de « transfert » des valeurs privées
Au cours des premiers instants du déploiement du système de pilotage de la performance, deux acteurs
principaux s’investissent : le directeur général de l’établissement et le contrôleur de gestion. Ces deux
acteurs mènent la phase de problématisation. Ils soulignent l’intérêt d’importer un nouvel outil et
donc, indirectement, d’intégrer au management de leur organisation les valeurs généralement asso-
ciées aux organisations privées.
Pour le directeur général, la finalité du projet est la suivante : « Ce nouveau dispositif devrait per-
mettre à l’établissement de développer une nouvelle vision de la gestion de ses activités. Aujourd’hui, plus
que jamais, nous nous devons d’être performant ». Le contrôleur de gestion reprend et formalise cette
orientation : « ce projet consiste à mettre en œuvre un outil de gestion permettant d’appréhender la per-
formance globale de l’établissement. Cette vision élargie de la performance complétera celle fournie par la
gestion financière en favorisant un pilotage de la stratégie de l’établissement »7. À l’origine du projet, ces
deux acteurs désirent donc transférer la notion de performance par l’intermédiaire d’une nouvelle ins-
trumentation de gestion. Ils justifient l’existence du projet en convoquant l’intérêt des valeurs privées
et notamment celle de performance dans l’évolution du management de leur organisation.
Le directeur général de l’établissement, relayant la vision portée par son environnement insti-
tutionnel, justifie le projet en insistant sur la nécessité de développer une nouvelle vision de la per-
formance des activités : « le pilotage via des indicateurs de performance devrait permettre de juger de
l’efficacité et de l’efficience des activités de l’établissement ». De la même façon, il rappelle qu’il devient
indispensable « de se doter d’outils de pilotage qui permettront d’atteindre les objectifs ». Le contrôleur de
gestion véhicule cette vision dans le groupe de travail mis en œuvre pour le projet8. Plusieurs décisions
prises par le contrôleur révèlent l’ambition d’implanter des valeurs habituellement observées dans les
organisations privées. Lors des premières rencontres avec les membres du groupe de travail, la finalité
instrumentale du projet est définie : implanter un système de Balanced Scorecard. Le contrôleur justifie
le choix de cet outil : le Balanced Scorecard doit « permettre d’introduire la notion de performance au

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cœur du management de notre organisation », « Il s’agit d’un modèle novateur qui permet aux organisations
privées de maîtriser leur développement stratégique »9. Au-delà du choix de l’outil, le contrôleur cite
explicitement l’organisation privée comme un élément justifiant le projet. Les éléments de rhétorique
employés par le contrôleur de gestion se réfèrent aux pratiques de ces organisations. Il diffuse les argu-
ments d’une « modernisation » des organisations publiques fondée sur le transfert de valeurs issues de
l’organisation privée. L’idée d’introduire la performance au cœur du management se retrouve dans le
contenu même de l’outil. L’analyse du guide méthodologique de création des tableaux de bord fait
apparaître cette volonté : « Optimiser les moyens », « Mutualiser les moyens dont dispose l’établissement »,
« Réduire les dépenses », « Améliorer la gestion des ressources humaines », « Améliorer la qualité du ser-
vice », « Simplifier la structure », etc.
En synthèse, au cours de la phase de problématisation, le processus d’instrumentation s’apparente
à un processus de « transfert » de l’outil d’un contexte, celui de l’organisation privée, vers un autre,
celui de l’organisation publique. À ce stade du projet, les valeurs généralement associées à l’organisa-
tion privée sont véhiculées par l’intermédiaire du choix de l’outil et de sa justification. Ce processus de
transfert correspond donc à une phase de « pré-script-ion » : le fait de choisir la finalité instrumentale
du projet (le système de Balanced Scorecard) détermine les caractéristiques de l’outil (la volonté de
pilotage, le recours aux indicateurs de performance) et donc l’implantation de la performance comme
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valeur centrale.

4.2. L’intéressement et l’enrôlement : l’émergence d’un « conflit »


de valeurs
Afin de faire progresser le projet, le contrôleur de gestion décide d’impliquer de nouveaux managers
de l’organisation : les chefs de service. L’intéressement et l’enrôlement de ces acteurs se concrétisent
par l’organisation de réunions qui doivent permettre de créer un système de Balanced Scorecard. Au
cours de ces réunions, le contrôleur propose une première formalisation de l’outil puis cette première
esquisse est discutée. Progressivement, le contrôleur de gestion se voit dans l’obligation de modifier
son script d’une part, en inscrivant la responsabilité sociétale de l’organisation dans l’outil et, d’autre
part, en atténuant l’importance de la notion de performance.

DE L’INSCRIPTION DE LA RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE AU CŒUR DE L’OUTIL


DE CONTRÔLE…
Parmi les transformations réalisées, les chefs de service décident de mobiliser de nouveaux indicateurs
qui marquent leur volonté de réaffirmer la responsabilité sociétale. Les premiers changements opérés
concernent la volonté d’intégrer dans le tableau de bord les conditions de la mise en œuvre du ser-
vice public. Un chef de service demande d’inclure sur le tableau de bord des indicateurs permettant
de juger de la qualité des relations entretenues entre son service et ses partenaires extérieurs : « notre
service public est dépendant de nombreux partenaires, les conséquences de leurs activités dans la mise en
œuvre de notre service public sont centrales et doivent être mesurées ». Concrètement, cet acteur demande
la création d’un nouvel indicateur sur le tableau de bord. Ce dernier (« Fréquences des contacts parte-
naires ») doit permettre de mieux comprendre les attentes de l’environnement institutionnel et de les
intégrer dans le fonctionnement de l’organisation. Les usagers sont aussi identifiés comme une source

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de préoccupations majeures : « l’objectif de notre travail est de répondre aux attentes des usagers de notre
service ». Ce manager réaffirme la responsabilité sociétale de l’établissement en demandant d’inclure
dans son tableau de bord le pourcentage des usagers qui ont recours aux services de l’établissement
à l’international. De la même façon, un responsable de service demande au contrôleur de gestion
d’ajouter des indicateurs relatifs à sa performance sociétale : « Notre objectif est l’innovation sociale et
pour cela nous devons nous approprier les nouveaux usages sociaux » ; « Si nous ne proposons pas des inno-
vations en phase avec les besoins de la société, quelle est notre utilité ? ». Un autre responsable demande
d’ajouter des indicateurs qui permettent de cerner la pertinence du service public proposé à l’usager :
« Ce tableau de bord devrait nous permettre de juger de la fidélisation de nos usagers mais aussi de nos
capacités à capter leurs nouveaux besoins ». Si ces échanges se traduisent par l’introduction d’indicateurs
évaluant la responsabilité sociétale (comme « le nombre d’usager utilisant les services via internet »
ou encore « le délai moyen de réponse à une demande de l’usager »), ces transformations symbolisent
aussi la volonté d’inscrire les valeurs d’adaptabilité et de mutabilité du service public. Ces indicateurs
visent à mieux définir les demandes provenant de l’environnement afin d’adapter le service public
proposé à l’usager, au citoyen.
Le second changement observé concerne le fonctionnement de l’outil dans l’organisation. La res-
ponsabilité sociale de l’établissement est réaffirmée. Dans ce cadre, l’outil est envisagé comme un outil
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de gestion des conflits : « l’utilisation des indicateurs me permettrait de justifier davantage mes décisions
et ainsi d’éviter des situations de tension avec les agents ». À titre d’exemple, un chef de service demande
d’introduire dans son tableau de bord l’indicateur « Nombre de nouveaux partenariats à l’étranger ».
Pour cet acteur, mettre en évidence cette information est un moyen de justifier sa stratégie au sein de
l’établissement, d’améliorer sa communication avec les membres de son équipe. Le responsable des
ressources humaines demande aussi d’introduire sur le tableau de bord des indicateurs permettant de
montrer aux managers que la promotion interne est effective. Le « pourcentage de promotion interne »
est un indicateur lui permettant d’affirmer la responsabilité sociale de son action dans l’établissement.

…. À UNE REMISE EN CAUSE DES VALEURS PORTÉES PAR LA LOGIQUE


DE TRANSFERT DE L’OUTIL DE CONTRÔLE
Pourtant, si ces changements favorisent l’implication des chefs de service sur le projet, ils vont aussi
fragiliser les valeurs que portait initialement l’outil de pilotage. La première remise en cause concerne
la notion d’objectif. Un responsable de service se déclare « gêné » par la notion d’objectif : « c’est la pre-
mière fois que nous définissons ces indicateurs, il me semble difficile alors de les objectiver. Sans historique,
je suis incapable de vous donner un objectif à atteindre pour l’année prochaine ». À la suite de cette obser-
vation, la discussion engagée avec le contrôleur de gestion conduit à l’abandon de la notion d’objectif
pour les indicateurs de ce tableau de bord. Ce constat est quasiment identique dans un autre service.
Son responsable affirme à propos de la notion d’objectif : « finalement, cela ne me dérange pas que l’on
montre que nous ne savons pas faire ». Il aboutit au constat suivant : « dans le cadre de l’implantation
de l’outil, la fixation des objectifs pose problème … Décision est prise de fixer des objectifs qui devront être
ajustés en cours d’année ». Au final, ces décisions fragilisent la volonté initiale de pilotage de la perfor-
mance portée par le contrôleur de gestion et le directeur général. Le renoncement aux objectifs de
certains services aboutit à affaiblir la valeur « performance ». En effet, comment juger de l’efficience et
de l’efficacité d’une action sans objectifs ou avec des objectifs réactualisés systématiquement ?

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LES OUTILS DU CONTRÔLE DE GESTION :
DES VECTEURS DE VALEURS POUR L’ORGANISATION PUBLIQUE ? 21

La seconde remise en cause est liée à la finalité de l’outil. Initialement, le projet se donne comme
objectif de mettre en œuvre un pilotage actif des activités de l’établissement. Pourtant, plusieurs
services vont proposer au contrôleur de gestion d’insérer sur le tableau de bord des indicateurs de
reporting. L’ajout de ces indicateurs est motivé par la volonté d’engager un dialogue entre acteurs :
« L’outil devrait permettre à la direction générale de mieux connaître nos activités », « notre objectif est de
faire passer des messages à nos supérieurs » ; « en ce qui me concerne je souhaiterais aussi échanger avec les
responsables et je crois que cet outil pourrait constituer la base de ces échanges ». Si l’outil devient un sup-
port au dialogue interne, il est aussi envisagé comme un vecteur de communication externe : « compte
tenu des demandes de nos tutelles, il serait intéressant de créer un outil qui leur permettrait de mesurer les
efforts que nous sommes en train de réaliser ». Le contexte de l’organisation rejaillit sur l’outil. Pour ces
acteurs, l’outil ne doit plus seulement servir à piloter la performance mais à rendre des comptes (à des
acteurs internes et externes) sur l’action mise en place par l’établissement. Les indicateurs de pilotage
se transforment en indicateur d’accountability. Le reporting, envisagé comme une opération de reddi-
tion, se substitue à l’auto-contrôle, à la capacité des acteurs à piloter la performance de leurs actions.
En synthèse, les phases d’enrôlement et d’intéressement aboutissent à un constat déstabilisant :
d’une part, elles impliquent les acteurs et donc elles supportent le projet, d’autre part, elles entraînent
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une remise en cause du processus de transfert. Au cours de ces deux phases, l’outil se confronte à la
diversité des représentations des acteurs. Les modifications apportées par les acteurs sont le reflet
d’inscriptions de nouvelles valeurs dans l’outil. Un double mouvement apparaît. Le premier consiste
à développer de nouvelle « in-script-ion » pour prendre en compte la responsabilité sociétale de l’éta-
blissement. Le second mouvement est lui relié à une « dé-script-ion » des valeurs initialement appor-
tées par le contrôleur dans l’outil de contrôle.

4.3. La phase de mobilisation : la recherche d’un délicat équilibre


des valeurs
Lors de la seconde partie de la recherche, les entretiens réalisés étudient l’utilisation de l’outil par les
chefs de service. Plus précisément, l’analyse des données récoltées se donne comme objectif de com-
prendre comment les valeurs portées initialement par l’outil et celles véhiculées par les acteurs ont
influencé la trajectoire de l’instrument de gestion. Un constat liminaire s’impose : la phase de mobili-
sation n’a pas permis d’asseoir l’outil au sein de l’organisation. En effet, un an après l’introduction des
dix tableaux de bord, seul trois sont utilisés.
Dans un premier temps, les responsables de service soulignent l’influence des valeurs sur la déci-
sion d’abandon de l’outil. Dans ce premier cas, l’outil résout la tension valeurs publiques versus valeurs
privées en imposant une de ces deux valeurs. In fine, cette situation génère des dysfonctionnements
et l’outil est abandonné. Concrètement, deux visions s’opposent : des acteurs soulignent les consé-
quences négatives de l’insertion de la valeur performance au sein de leur activité et d’autres aspirent
à un développement plus important de cette valeur dans l’outil. Les premiers critiquent l’irruption
de valeurs issues du secteur privé. Ils déplorent « un fort changement de culture » en indiquant que « la
multiplication récente des outils de gestion est vécue comme un manque de confiance de la direction géné-
rale à l’égard des managers ». La logique de performance portée par les outils « a fait beaucoup de mal »
et a créé « une mauvaise ambiance ». Ces chefs de service regrettent de voir disparaître les valeurs qui

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fondent l’action de leur établissement. A contrario, les seconds sont orientés vers une multiplication
des outils de pilotage et donc un renforcement des valeurs privées. Pour un responsable de service : « il
est nécessaire pour l’établissement de disposer d’outils de gestion cohérents qui permettent de faire le lien entre
les moyens et les résultats obtenus, de raisonner en prévisionnel ». Certains vont même jusqu’à remettre
en cause l’utilité des valeurs publiques : « la valeur de service public est un levier qui fonctionne de moins
en moins dans le travail quotidien du personnel ». Ces deux visions, bien qu’opposées, aboutissent au
même résultat : elles entraînent de fortes résistances qui aboutissent à l’abandon de l’outil. Les acteurs
s’opposent fortement à l’effacement d’une valeur au profit d’une autre. Ils envisagent les tableaux de
bord comme un vecteur de renoncement à une valeur publique (la responsabilité sociétale) ou comme
un moyen d’imposer une valeur (la performance) dans laquelle ils ne se reconnaissent pas.
Dans un second temps, l’analyse des entretiens menés avec les chefs de service qui continuent
d’utiliser l’outil révèle une des raisons au déploiement de l’outil dans ces services. La majorité de ces
acteurs indique que l’implantation des outils de contrôle de gestion peut s’appuyer sur la notion de
performance sans remettre en cause les valeurs publiques. Ils signalent ainsi la possibilité d’associer
des valeurs traditionnellement identifiées au sein des organisations publiques aux nouvelles valeurs
apportées par l’outil. Ainsi, pour un responsable de service : « Les valeurs publiques ne sont pas réel-
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lement contradictoires avec les notions de rentabilité. Quelques tiraillements peuvent avoir lieu lorsqu’il
faut fermer un service non rentable mais cet équilibre des comptes (voire ce bénéfice) est quand même
considéré comme légitime ». De la même façon, une responsable affirme : « Je suis convaincue que sans
sacrifier la qualité de notre service public, nous pouvons aussi viser la rentabilité ». Enfin, pour un autre
responsable : « Le contrat d’objectifs entre les membres des services semble être une bonne solution ». Pour
ces acteurs, les tableaux de bord permettent de faire une synthèse entre les valeurs publiques qui
orientent l’action de l’établissement et les valeurs privées nourries par l’outil de pilotage de la per-
formance. Loin d’imposer une valeur (publique ou privée), les tableaux de bord intègrent les spécifi-
cités de leur contexte d’introduction sans renier les finalités premières de leur fonctionnement dans
l’organisation.
En synthèse, le succès de l’outil se retrouve dans l’intégration de deux logiques divergentes et non
dans l’imposition d’une valeur au profit d’une autre. Comme le soulignent ces analyses, l’implanta-
tion est effective lorsque les deux valeurs cohabitent, sont inscrites, dans le fonctionnement de l’outil.
L’outil n’impose pas la valeur de performance et, de façon symétrique, cette valeur n’est pas exclue
par l’inscription de la responsabilité sociétale de l’organisation publique. L’outil se trouve au centre
d’une double inscription, d’une tension dialogique. Il structure l’échange entre des valeurs différentes
et, indirectement, favorise la création d’un contexte sur lequel l’outil de gestion peut se développer.

5. Discussion
Cette recherche explore le rôle joué par l’outil dans le processus d’inscription de nouvelles valeurs. À
la suite de l’analyse de l’implantation d’un système de Balanced Scorecard, deux apports sont identifiés.
Dans un premier temps, cette recherche qualifie les situations de gestion théoriques auxquelles pour-
rait se confronter l’introduction des outils de gestion dans la sphère publique puis, dans un second
temps, elle détermine quatre rôles joués par l’instrumentation de gestion au cours de ces processus.

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La recherche réaffirme la diversité des contextes d’implantation des outils du contrôle de gestion.
Afin de qualifier plus précisément ces situations, et conformément au cadre théorique mobilisé, les
deux valeurs étudiées (performance/responsabilité sociétale) sont confrontées à leurs inscriptions. Le
tableau suivant résume les quatre situations théoriques possibles.

Tableau 1
Inscription des valeurs et situation de gestion

Responsabilité sociétale
Non-Inscription Inscription
Situation de désintérêt Situation d’acculturation
Non-Inscription
(cas 1) (cas 2)
Performance
Situation de managérialisation Situation de cohabitation
Inscription
(cas 3) (cas 4)

La situation n° 1 reflète une situation de désintérêt. L’outil de gestion est dénaturé (il ne peut pas
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atteindre son ambition initiale de performance) et inadapté à l’ambition première de l’organisation
(sa responsabilité sociétale). Dans le cadre de la recherche, l’outil confronté à cette situation a été créé.
Toutefois, la non-inscription des valeurs de performance et de responsabilité sociétale a engendré un
abandon de l’outil. Pour les uns, ce dernier ne répond pas à leurs attentes en matière de performance,
pour d’autres, il ne s’adapte pas suffisamment aux caractéristiques de l’organisation. Les acteurs ne
s’emparent pas des scripts proposés par l’outil. Ils ne sont ni intéressés ni enrôlés. Aucun réseau ne
porte l’outil. Et finalement, l’outil est perdu de vue.
La situation n° 2 correspond à un processus d’acculturation. L’adaptation de l’outil se réalise par
une inscription de la valeur de responsabilité sociétale. Les acteurs de l’organisation, et notamment les
chefs de service, ancrent cette valeur au cœur de l’outil. Ils associent l’outil à un moyen de réaffirmer
la mission sociétale de leurs activités. Ils se le représentent comme un vecteur des missions premières
de l’organisation. Néanmoins, cette volonté dénature l’outil. En effet, cette intégration se réalise au
détriment de la valeur de performance portée par l’outil de gestion. L’outil est donc désincarné. Il ne
peut assurer l’objectif qui lui avait été assigné à l’origine du projet : celui du pilotage de la performance
de l’établissement.
Au sein de la situation n° 3, l’outil s’impose en ignorant les caractéristiques premières des orga-
nisations publiques. Contrairement à la situation n° 2, l’outil ne s’adapte pas, il s’impose et inscrit
la valeur performance comme sa caractéristique unique. Cette transposition de l’outil emprunte à
la logique instrumentale portée par les tenants du New Public Management. Les acteurs du projet,
dans le cas étudié le contrôleur de gestion et le directeur, n’intègrent pas le contexte organisationnel
de l’implantation. Ils transportent l’outil dans la structure en pariant sur ses qualités intrinsèques.
Ces dernières devant naturellement s’imposer et assurer l’enrôlement et la mobilisation d’un réseau
d’acteurs autour de l’outil.
La situation n° 4 combine les logiques d’adaptation et de transposition. L’outil du contrôle
de gestion se retrouve au centre de tensions émergeant de logiques antagonistes. L’outil intègre la

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24 DES VECTEURS DE VALEURS POUR L’ORGANISATION PUBLIQUE ?

responsabilité sociétale de l’organisation sans pour autant mettre de côté sa volonté de piloter la
performance. Le processus d’instrumentation se confronte alors à un enjeu important : inscrire dans
l’outil et dans le même temps des valeurs qui peuvent apparaître contraires. Au sein de cette situation,
les acteurs du projet s’opposent et l’outil se retrouve confronté à des forces contraires. La phase d’inté-
ressement génère des contestations qui déstabilisent la constitution d’un réseau et donc fragilisent la
création de l’outil.
À la suite de cette analyse, les situations de désintérêt (n° 1) et de conflit (n° 4), où le réseau
d’acteurs est fortement déstabilisé, devraient aboutir à un abandon de l’outil. À l’inverse, les situa-
tions d’acculturation (n° 2) et de managérialisation (n° 3), où un réseau d’acteurs émerge et s’impose,
devraient permettre à l’outil de s’implanter. Le premier apport de cette recherche est de montrer
que si la situation n° 1 a effectivement abouti à une non-utilisation de l’outil, les situations 2 et 3
ont connu la même destiné. Cette recherche souligne ainsi que l’imposition d’une valeur, sans réelle
contestation de la part des acteurs, ne permet pas de constituer un réseau d’acteurs durable, un réseau
qui porte l’outil dans l’organisation. À l’inverse, la situation n° 4, qui peut a priori sembler insoluble,
a pourtant permis de construire et d’implanter l’outil dans les services de cette organisation. Ainsi,
des oppositions entre acteurs peuvent apparaître au cours du processus d’implantation sans toutefois
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remettre en cause l’équilibre général du réseau. L’outil s’appuie sur ces différences pour se développer
au sein de l’organisation.
À la suite de ce constat, les résultats de la recherche qualifient l’action menée par l’outil au sein
de ces situations de gestion. Le tableau suivant présente une typologie des rôles de l’instrument de
gestion issue des analyses réalisées dans la partie précédente.

Tableau 2
Typologie des rôles des outils du contrôle de gestion

Responsabilité sociétale
Non-Inscription Inscription
Outil transparent Outil protecteur
Non-Inscription
(cas 1) (cas 2)
Performance
Outil déstabilisant Outil conciliateur
Inscription
(cas 3) (cas 4)

Les cas n° 1, n° 2 et n° 3 amènent l’organisation à abandonner l’outil. Le rôle joué par l’outil au
cours du processus d’instrumentation explique en partie l’échec de son implantation. Dans le premier
cas l’outil est transparent. Il est créé mais il est amputé d’une de ses qualités centrales et il renie les
caractéristiques de son contexte d’implantation. L’outil de gestion est facteur d’évitement du conflit,
mais il ne crée pas de consensus entre les acteurs. Dans le deuxième et troisième cas, l’outil favorise
une valeur au détriment d’une autre. Lors de la deuxième situation l’outil s’adapte à l’organisation
mais il délaisse son ambition première de performance. Au sein de la troisième situation, l’outil véhi-
cule la valeur performance mais il en oublie les caractéristiques de son contexte d’introduction. L’outil
recherche le consensus en tentant d’imposer une valeur à l’organisation. Cette recherche du consensus

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LES OUTILS DU CONTRÔLE DE GESTION :
DES VECTEURS DE VALEURS POUR L’ORGANISATION PUBLIQUE ? 25

par la déstabilisation ou par la protection aboutit à une conséquence identique pour le processus
d’instrumentation : l’outil apparaît mais il est rapidement exclu de l’activité des managers de l’orga-
nisation.
Au sein du quatrième cas, l’outil endosse le rôle de conciliateur. Il ne cherche pas à imposer une
valeur au détriment d’une autre. Il s’adapte au contexte de l’organisation publique sans perdre de vue
sa finalité de performance. Il compose avec la variété des valeurs. Au sein de cette situation, l’outil
de gestion se retrouve au centre d’une tension « créatrice ». Qu’elles soient privées ou publiques, les
valeurs soutiennent, à des moments distincts, le processus d’instrumentation. À l’origine, la référence
aux valeurs privées porte la légitimité du projet dans l’organisation. Puis, l’intégration des valeurs
publiques devient une condition nécessaire à l’implantation de l’outil dans les services. Pour autant,
ces transformations ne coïncident pas avec une disparition des valeurs privées. Apparaît ainsi le défi
posé à l’instrumentation de gestion : ne pas opposer valeurs publiques et valeurs privées mais tenter
de les inscrire simultanément dans l’outil.
En synthèse, le processus de construction de l’outil est appréhendé comme la gestion d’un défi :
faire perdurer les valeurs du service public tout en introduisant des valeurs nouvelles pour les acteurs
de ces organisations. L’engagement de l’organisation publique dans un processus d’instrumentation
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ouvre un espace de dialogue entre ces valeurs. Toutefois, cette zone d’échange, de discussion n’est pas
source d’anéantissement. La gestion de cette tension, qualifiée de dialogique, supporte la progression
du processus de construction de l’outil de gestion. Si la résolution de cette tension de valeur est envi-
sagée comme un facteur d’échec, le maintien de la tension dans l’outil devient alors un facteur de
succès de son implantation.

Comptabilité – Contrôle – Audit / Tome 23 – Volume 3 – Décembre 2017 (p. 9 à 28)


Benjamin Dreveton
LES OUTILS DU CONTRÔLE DE GESTION :
26 DES VECTEURS DE VALEURS POUR L’ORGANISATION PUBLIQUE ?

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(2007) dressent un inventaire de 70  valeurs
Beck Jørgensen, T.,  Bozeman, B.  (2007). Public
publiques.
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2. Le petit livre blanc sur l’avenir de la fonction 39 : 354-381
publique (2008) identifie des valeurs dites « émer-
Benzerafa, M., (2007). L’introduction de la Balanced
gentes » parmi lesquelles les valeurs de transpa- Scorecard dans les administrations de l’État en
rence ou encore d’efficacité. France. Premières conclusions d’une recherche
3. Pour Akrich, ce processus constitue une véritable empirique. Politiques et Management Public,
mise en scène de l’utilisateur par le concepteur : le 25(4) : 81-97.
mode d’emploi d’un objet est un exemple symbole Boisvert, Y. (2011). Ethique appliquée au management
de cette projection du créateur sur le futur utilisa- public. Principes, enjeux et défis, Liber.
teur.
Bouckaert, G., Halligan, J. (2008). Managing per-
4. Gibson (1977) donne une définition de l’affor- formance. International comparisons. Routledge,
dance : « Affordance of anything is a specific com- Londres.
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Bozeman, B. (2007). Public values and Public
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5. Source : rapport d’activité 2014. Washington, DC Georgetown University Press.
6. La visée transformative permet de qualifier cette Busco, C., Quattrone, P. (2014). Exploring How
étude de recherche-intervention car cette dernière the Balanced Scorecard Engages and Unfolds:
consiste à « aider sur le terrain, à concevoir et à Articulating the Visual Power of Accounting
mettre en place des modèles, outils et procédures de ges- Inscriptions, Contemporary Accounting Research,
tion adéquat, à partir d’un projet de transformation 32 (3): 1236–1262.
plus ou moins complètement défini » (David 2002). Callon, M., Latour, B. (1981). Unscrewing the big
7. Document intitulé « avant projet ». Leviathan: How actors macro-structure reality and
8. Au sein de ce groupe se retrouvent différents how sociologists help them to do so. In Advances
acteurs : le contrôleur de gestion, son assistant, un in Social Theory and Methodology. Toward an
membre du service financier, trois responsables de Integration of Micro and Macro Sociologies (Karin
service. D. Knorr and Aron Cirourel (dir.)). Londres :
9. Extraits de la présentation réalisée par le contrô- Routledge & Kegan Paul, 277-303.
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