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VERS LA SOBRIÉTÉ HEUREUSE

“J’avais alors vingt ans, et la modernité m’est apparue comme une


immense imposture.”
À la fin des années 1950, Pierre Rabhi décide de se soustraire,
par un retour à la terre, à la civilisation hors sol qu’a commencé à
dessiner sous ses yeux ce que l’on nommera plus tard les Trente Glo-
rieuses. En France, il contemple un triste spectacle  : aux champs
comme à l’usine, l’homme est invité à accepter une forme d’anéantis-
sement personnel à seule fin que tourne la machine économique.
L’économie ? Au lieu de gérer et répartir les ressources communes à
l’humanité en déployant une vision à long terme, elle s’est contentée,
dans sa recherche de croissance illimitée, d’élever la prédation au
rang de science. Le lien viscéral avec la nature est rompu  ; cette
dernière n’est plus qu’un gisement de ressources à exploiter – et à
épuiser. Au fil des expériences, une évidence s’impose : seul le choix
de la modération de nos besoins et désirs, le choix d’une sobriété li-
bératrice et volontairement consentie, permettra de rompre avec cet
ordre anthropophage appelé “mondialisation”. Ainsi pourrons-nous
remettre l’humain et la nature au cœur de nos préoccupations, et re-
donner enfin au monde légèreté, joie et saveur.
Ce texte fondateur paru pour la première fois en 2010 est ici ac-
compagné de deux nouvelles préfaces, une de l’auteur qui revient sur
la décennie écoulée depuis et l’autre de son ami Matthieu Ricard
pour qui ce livre est “lumineux, élégant et profondément libérateur”.

Paysan, écrivain et penseur français, Pierre Rabhi est l’auteur d’une œuvre
importante publiée essentiellement chez Actes Sud.

Photographie de couverture : © Corine Brisbois, 2021

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DOMAINE DU POSSIBLE
La crise profonde que connaissent nos sociétés est patente. Dérèglement écolo-
gique, exclusion sociale, exploitation sans limites des ressources naturelles,
recherche acharnée et déshumanisante du profit, creusement des inégalités
sont au cœur des problématiques contemporaines.
Or, partout dans le monde, des hommes et des femmes s’organisent autour
d’initiatives originales et innovantes, en vue d’apporter des perspectives nou-
velles pour l’avenir. Des solutions existent, des propositions inédites voient le
jour aux quatre coins de la planète, souvent à une petite échelle, mais toujours
dans le but d’initier un véritable mouvement de transformation des sociétés.
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VERS LA SOBRIÉTÉ HEUREUSE


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Collection créée par Cyril Dion en 2011.

© Actes Sud, 2010, 2021


978-2-330-15659-6
ISBN 978-2-330-00363-0
www.actes-sud.fr
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PIERRE RABHI

VERS LA
SOBRIÉTÉ HEUREUSE
PRÉFACE DE MATTHIEU RICARD

DOMAINE DU POSSIBLE
| COLIBRIS
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Désormais, la plus haute, la plus belle performance que


devra réaliser l’humanité sera de répondre à ses besoins
vitaux avec les moyens les plus simples et les plus sains.
Cultiver son jardin ou s’adonner à n’importe quelle acti-
vité créatrice d’autonomie sera considéré comme un acte
politique, un acte de légitime résistance à la dépendance et
à l’asservissement de la personne humaine.
P. R.
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PRÉFACE
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C omme le montre Pierre Rabhi de manière lumineuse, élégante


et sans concession, la sobriété heureuse, ou encore la simplicité
volontaire, ne consiste pas à se priver de ce qui nous rend heureux
– ce serait absurde –, mais à mieux comprendre ce qui procure une
satisfaction véritable et à ne plus être assoiffé de ce qui engendre
plus de tourment que de bonheur. La simplicité va de pair avec
le contentement. Dans l’esprit de nombre de gens, la “sobriété”,
pire, l’austérité, évoque la privation des plaisirs quotidiens, une vie
morne et des restrictions interdisant de s’épanouir librement dans
l’existence. Mais l’auteur de Vers la sobriété heureuse montre que “la
liste serait longue de tous les superflus qui ont précipité l’histoire
dans les pires convulsions, au détriment du nécessaire”. La crise
écologique et climatique qui est le grand défi du XXIe siècle est
une crise du superflu. Un Américain moyen produit deux cents
fois plus de CO2 qu’un Zambien et un Qatari deux mille cinq cents
fois plus qu’un Afghan.
Il y a quelques années, dans une grande ville américaine, je suis
tombé sur une file, longue d’un demi-kilomètre, de plusieurs cen-
taines de personnes qui attendaient l’ouverture, deux heures plus
tard, d’un magasin où des foulards de marque allaient être vendus
pour 200 dollars au lieu de 600 ! L’image d’une longue file de fem-
mes népalaises qui attendaient immobiles, au petit matin, de pou-
voir acheter quelques litres de kérosène pour faire la cuisine a surgi
en mon esprit.
“Le consommateur, nous dit Pierre Rabhi, est à l’évidence le rouage
d’une machine qui produit toujours plus, afin que l’on consomme
toujours plus.” La société de consommation est fondée sur le culte
du désir. Paul Mazur, banquier à Wall Street dans les années 1930,
expliquait ainsi ses objectifs : “Nous devons faire glisser les Amé-
ricains d’une culture des besoins vers une culture du désir. Les
gens doivent être habitués à désirer, à vouloir de nouvelles choses,
avant même que les précédentes aient été entièrement consommées.
Nous devons former une nouvelle mentalité. Les désirs de l’homme

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doivent l’emporter sur ses besoins1.” Ces paroles me rappellent la


réflexion d’un lama tibétain contemplant les centaines de néons
publicitaires qui illuminaient les façades des immeubles de Times
Square à New York : “Ils essaient de voler mon esprit.”
Le psychologue américain Tim Kasser et ses collègues de l’uni-
versité de Rochester ont mis en évidence le coût élevé des valeurs
matérialistes2. Grâce à des études s’étendant sur une vingtaine d’an-
nées, ils ont démontré qu’au sein d’un échantillon représentatif de
la population, les individus qui concentraient leur existence sur les
biens matériels, l’image, le statut social et autres valeurs matéria-
listes promues par la société de consommation sont moins satisfaits
de leur existence. Centrés sur eux-mêmes, ils préfèrent la compé-
tition à la coopération, contribuent moins à l’intérêt général et se
préoccupent peu des questions écologiques. Leurs liens sociaux sont
affaiblis et, s’ils comptent beaucoup de relations, ils ont moins de
vrais amis. Ils manifestent moins d’empathie et de compassion à
l’égard de ceux qui souffrent et ont tendance à instrumentaliser les
autres selon leurs intérêts. Ce consumérisme immodéré est étroi-
tement lié à un individualisme excessif. En outre, les pays riches,
qui profitent le plus de l’exploitation des ressources naturelles, ne
veulent pas réduire leur train de vie. Ce sont pourtant eux les princi-
paux responsables des changements climatiques et des autres fléaux
(accroissement des maladies sensibles aux changements climatiques),
tandis que la contribution des pays les plus pauvres à ces boulever-
sements est insignifiante.
On entend souvent dire que l’homme se serait “extrait de la nature”.
Mais peut-on s’extraire d’une globalité interdépendante dont on fait
intimement partie ? Puis-je m’extraire de mon propre corps ? Les
nuages peuvent-ils s’extraire de l’atmosphère ? Selon le philosophe

1. Paul Mazur dans un article de 1927 de la Harvard Business Review, cité dans Nor-
bert Häring et Niall Douglas, Economists and the Powerful: Convenient Theories, Dis-
torted Facts, Ample Rewards. Anthem Press, New York, 2012, p. 17.
2. Voir Tim Kasser, The High Price of Materialism, The MIT Press, Cambridge (USA), 2003.

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Patrice Rouget, “l’humanisme métaphysique doit arracher réelle-


ment l’homme à la nature. Bien entendu, il y a toutes les chances
pour que l’issue de cet arrachement soit catastrophique, aussi bien
pour lui que pour ce qui n’est pas lui1.” Pourquoi ne pas suivre le
bon conseil de Gandhi : “La civilisation dans le vrai sens du terme
ne consiste pas à multiplier les désirs, mais à les réduire volontai-
rement. Cela seul instaure le vrai bonheur et le contentement tout
en accroissant notre capacité de servir.”
“Simplifiez, simplifiez, simplifiez !” écrivait Henry David Thoreau.
Simplifier ainsi ses actes, ses paroles et ses pensées, c’est ne pas se
laisser accaparer par des activités et des ambitions qui dévorent le
temps et n’apportent que des satisfactions mineures, et se contenter
matériellement de ce qui est utile et nécessaire à une vie saine et
décente sans désirer le superflu. La simplicité volontaire peut être
ressentie comme un acte libérateur. Elle n’implique donc pas de
vivre dans la pauvreté, mais dans la sobriété. Elle n’est pas la solu-
tion à tous les problèmes, mais elle peut certainement y contribuer.
Pour Pierre Rabhi, la sobriété “peut être considérée comme une
posture délibérée pour protester contre la société de surconsommation ;
c’est, dans ce cas, une forme de résistance déclarée à la consomma-
tion outrancière. Elle peut être justifiée par le besoin de contribuer
à l’équité, dans un monde où surabondance et misère cohabitent.”
Pionnier de l’agroécologie, Pierre Rabhi estime que le temps est
venu d’instaurer une politique et une culture fondées sur la puis-
sance d’une sobriété heureuse à laquelle on a librement consenti,
en décidant de modérer ses besoins, de rompre avec les tensions
anthropophages de la société de consommation et de remettre l’hu-
main au cœur des préoccupations. Un tel choix s’avère alors être
profondément libérateur.
MATTHIEU RICARD,
juin 2021

1. Patrice Rouget, La Violence de l’humanisme. Pourquoi nous faut-il persécuter les ani-
maux ?, Calmann-Lévy, Paris, 2014.

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AVANT-PROPOS À L’ÉDITION DE 2021


D epuis la publication au printemps 2010 de mon ouvrage Vers la
sobriété heureuse, de l’eau a coulé sous les ponts. Je ne sais pas si
cette expression est appropriée quand la sécheresse ne cesse de sévir
en divers biotopes de la planète ! Des communautés humaines de
plus en plus nombreuses sont en sous-alimentation ou en famine1.
Le climat ne cesse d’être déconcertant et imprévisible avec des consé-
quences et des effets tout aussi imprédictibles. L’enseignement qu’il
faudrait tirer de ces aléas devrait augmenter notre clairvoyance. Il
devrait nous prémunir des gigantesques erreurs incluses dans le
mode d’existence dominant occidental qui s’impose sur toute la pla-
nète, au détriment des traditions avec lesquelles tous les peuples ont
construit leur destinée. Le virus auquel nous sommes confrontés en
cette année 2021 peut être le signe avant-coureur d’autres calami-
tés encore plus sévères et plus imprévisibles. Comment ne pas être
inquiets quand nous constatons et mesurons notre impuissance ?
Ces commentaires sont probablement sans signification aux yeux
des gens qui s’estiment être éclairés. La formule de Pierre Fournier
qui est d’une telle vérité que je ne cesse de la ressasser, “Nous ne
savons pas où nous allons mais nous y allons”, est toujours malheu-
reusement et tristement d’actualité, voire de plus en plus pertinente
à mesure que le temps passe. Certes, la science et la connaissance
nous ont rendu intelligibles des réalités qui nourrissaient les supers-
titions de nos prédécesseurs. Un hommage particulier doit être
rendu au microscope révélateur de ce monde parallèle d’un invisible
biologique et des entités agissant à notre insu. Les innovations du
progrès technique comme l’informatique, en même temps qu’elles
génèrent de la complexité au sein de la société humaine contem-
poraine, nous font entrer dans un univers dont la virtualité réduit

1. Selon  L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde, un rapport


de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), près de
690 millions de personnes sont touchées par la faim, soit 8,9  % de la population
mondiale en 2019. Les chiffres sont en augmentation de 10 millions de personnes
par rapport à 2018, et de 60  millions par rapport à 2014.

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