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Arthur Rimbaud, Le Bateau ivre (extrait) (Poésies)

Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides
Et les ressacs et les courants : je sais le soir, Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux
L'Aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes, D'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir ! Sous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux !

J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques, J'ai vu fermenter les marais énormes, nasses
Illuminant de longs figements violets, Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan !
Pareils à des acteurs de drames très antiques Des écroulements d'eaux au milieu des bonaces,
Les flots roulant au loin leurs frissons de volets ! Et des lointains vers les gouffres cataractant !

J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies, Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises !
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs, Échouages hideux au fond des golfes bruns
La circulation des sèves inouïes, Où les serpents géants dévorés des punaises
Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs ! Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !

J'ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries


Hystériques, la houle à l'assaut des récifs,
Sans songer que les pieds lumineux des Maries
Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs !

Lecture méthodique
 En étudiant les champs lexicaux, les associations insolites, les figures de style et la structure
syntaxique des phrases, montrez que le poème décrit un voyage fabuleux qui symbolise aussi
l’itinéraire poétique de son auteur.
 En vous appuyant sur vos observations relatives au texte ci-dessus, expliquez quels sont les
étapes et les éléments définitoires de l’«alchimie verbale» imaginée par Rimbaud.

Arthur Rimbaud, Aube


(Illuminations)

J’ai embrassé l’aube d’été.


Rien ne bougeait encore au front des palais. L’eau était morte. Les camps d’ombres ne quittaient
pas la route du bois. J’ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les
ailes se levèrent sans bruit.
La première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me
dit son nom.
Je ris au wasserfall blond qui s’échevela à travers les sapins  : à la cime argentée je reconnus la
déesse.
Alors je levai un à un les voiles. Dans l’allée, en agitant les bras. Par la plaine, où je l’ai dénoncée
au coq. A la grand’ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les
quais de marbre, je la chassais.
En haut de la route, près d’un bois de lauriers, je l’ai entourée avec ses voiles amassés, et j’ai
senti un peu son immense corps. L’aube et l’enfant tombèrent au bas du bois.
Au réveil il était midi.

Lecture méthodique
 Étudiez les champs lexicaux, les temps verbaux, les pronoms personnels et dégagez le
thème du poème ci-dessus.
 Par rapport aux poèmes en prose de Baudelaire, quelles nouveautés apporte ici
Rimbaud ?

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