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LE ROMANTISME (1800-1850)

Le Romantisme est un mouvement intellectuel européen, d’une ampleur et d’une étendue


temporelle et spatiale inconnues jusqu’alors dans l’histoire de la littérature. Il représente une révolution
artistique, un refus de la tradition. Il naît au cours des 30 dernières années du XVIIIe siècle, dans le Nord
de l’Europe, en Allemagne et Angleterre. Le mot «romantique» vient d’Angleterre et caractérise à
l’origine l’émotion du lecteur de romans. Adapté en allemand sous la forme de «romantisch», il désigne,
dans cette langue, les œuvres qui s’inspirent de la chevalerie et du christianisme du Moyen Age, et
s’opposent aux classiques.
Jean-Jacques Rousseau est considéré comme l’ancêtre des romantiques français. C’est lui qui a
employé pour la première fois le terme «romantique», dans les Rêveries du promeneur solitaire. Dans De
l’Allemagne, Mme de Staël précise que l’authenticité du Romantisme tient à son enracinement dans les
traditions d’un peuple. Dans les premiers textes polémiques de Victor Hugo, chef incontesté de l’école
romantique française, le mot «romantisme» a surtout une signification militante, traduisant un
renouvellement général de l’esprit français.

I. Le Romantisme français s’ouvre par une période de préparation, le préromantisme (1800-1820). Les
initiateurs en sont Mme de Staël, qui fait découvrir aux Français le romantisme allemand, et René de
Chateaubriand. Ce courant s’explique par le contexte historique et social. Pour les préromantiques, le
début du siècle se présente comme un paysage de ruines: celles qu’ont laissées les guerres
napoléoniennes, mais surtout l’effondrement d’un ordre ancien parfois regretté. Une sensibilité nouvelle
trouvera son identité dans la nostalgie et dans le repli sur soi. Le refuge dans le passé, la nature, le voyage
deviennent les moyens par lesquels les préromantiques reconstruisent les significations et les valeurs de
leur monde. Paru en 1802, René, roman autobiographique de Chateaubriand, témoigne de l’esprit de la
génération du premier Romantisme : l’affirmation du Moi et le refus de l’existence sociale. Incertitude,
inquiétude, conscience des imperfections de la modernité et de la fracture historique et sociale causée par
la Révolution : tels sont les symptômes du fameux «mal de siècle» éprouvé par la génération de
Chateaubriand. Si les préromantiques se font remarquer par la recherche de l’émotion, la subjectivité, la
sensibilité et l’imagination, il existe parfois chez eux un décalage entre le sentiment et son expression.
Leur lyrisme est encore teinté d’une rhétorique classique et dissimulé par la maîtrise de soi. Le
préromantisme est une période plutôt doctrinaire, pauvre en œuvres originales. Madame de Staël et René
de Chateaubriand offrent les préfaces théoriques du nouveau courant : De la littérature considérée dans
ses rapports avec les institutions sociales, De l’Allemagne, Le Génie du christianisme.

Représentants du préromantisme français :


Madame de Staël (1766-1817) - des romans : Delphine (1802), Corinne (1807)
- des essais : De l’influence des passions (1796), De
la littérature considérée dans ses rapports avec les
institutions sociales (1800), De l’Allemagne (1813),
interdit en 1810 par Napoléon, Considérations sur la
Révolution (1818, posthume), Dix années d’exil
(1821, posthume)
Benjamin Constant (1767-1830) - roman : Adolphe (1816)
- récit autobiographique : Le cahier rouge (publié en
1907)
- journaux intimes
Étienne de Senancour (1770-1846) - l’œuvre maîtresse : le roman épistolaire Oberman
(1804)
François René de Chateaubriand (1768- - texte politique : Essai sur la Révolution (1797)
1848) - récits : Atala (1801), René (1802), Génie du
Christianisme (1802)
- récits de voyage : Itinéraire de Paris à Jérusalem
(1811), Voyage en Amérique (1827)
- récit autobiographique : Mémoire d’outre-tombe
(1848-1850)

II. La période comprise entre 1820-1830 est l’étape nommée aussi «le romantisme flamboyant» ou «le
romantisme de combat», une époque de polémiques littéraires, où prend naissance le mythe de l’homme
de lettres, mais aussi une époque où l’on aborde les genres les plus variés et où l’on assiste à la parution
d’une série de chefs-d’œuvre.
En 1820, la publication des Méditations poétiques de Lamartine marque l’avènement du
romantisme français, à une époque où déjà ce courant prend fin en Angleterre et en Allemagne. À
l’inverse de ces deux pays, la France possède une longue tradition classique avec laquelle il lui a fallu
rompre.
En 1827, Victor Hugo publie la Préface de Cromwell, qui traduit les aspirations de tous ceux qui
veulent se libérer du classicisme. Il devient le chef de file de l’école romantique. La représentation de son
drame romantique Hernani (1830) oppose partisans et adversaires de la nouvelle école, et assure le
triomphe du romantisme.

III. Après la victoire de 1830 («la bataille d’Hernani»), commence la troisième étape du romantisme
français (1830-1850). L’individuel cède la place au social et le romantisme côtoie de plus en plus le
réalisme. Hugo, Lamartine et Vigny sont conquis par l’action politique et par l’idée de la mission
civilisatrice du poète. Il y a une volonté des écrivains d’agir dans le sens de l’émancipation sociale.

Les caractères essentiels du romantisme :


Le romantisme renonce à l’imitation des Anciens chère aux classiques, à laquelle il substitue
l’imitation des littératures étrangères, surtout celles du Nord (Angleterre et Allemagne). Shakespeare,
Byron, Walter Scott, Goethe, Schiller jouissent d’un grand prestige. Les écrivains et les artistes
romantiques abandonnent la mythologie et reviennent au merveilleux chrétien et à la Bible. La raison
n’est plus à la mode, c’est l’imagination et la sensibilité qui deviennent les qualités dominantes.
Les thèmes les plus chers aux romantiques sont : la liberté, la nature, l’amour, la vie/la mort,
l’enfance, l’adolescence, le bonheur/la tristesse, la fraternité (la pitié), le voyage, le rêve, Dieu, l’actualité
nationale, la misère sociale, la conception démocratique de la société. La nature, ignorée par les
classiques, devient un des thèmes constants du romantisme. Elle est tantôt refuge contre les duretés de
l’existence, tantôt une invitation à la méditation, tantôt état d’âme, associée aux sentiments de l’écrivain,
confidente en accord avec la sensibilité du poète, tantôt une manifestation de la grandeur divine. Le
lyrisme prend des accents élégiaques. On retrouve souvent une nature sauvage (des tempêtes, des
cataractes, des bois profonds, des forêts mystérieuses).
Le temps est un thème majeur du romantisme. Les écrivains parlent souvent de la douleur du
temps qui passe, de la nostalgie de l’enfance et de l’importance de la mémoire. Le présent et le monde
hostiles qui empêchent l’épanouissement personnel (le mensonge, le règne de l’argent, du préjugé moral
et de la tyrannie, la fuite inexorable du temps et l’incertitude de l’avenir) amènent les écrivains à trouver
des possibilités d’évasion : le voyage dans l’espace, la découverte d’époques oubliées (le voyage dans le
temps), le refuge dans l’univers onirique (l’intérêt pour le rêve, pour le mystère, pour l’irrationnel).
Le mal du siècle est un état d’incertitude et d’insatisfaction des premières générations du siècle,
perceptible d’abord chez Chateaubriand. Il s’agit d’un mal existentiel, d’un trouble venu du décalage
entre les espoirs et la réalité historique. Il prend la forme d’une alternance d’enthousiasme et de chagrin.
On lutte contre toute contrainte formelle, contre les règles, les bienséances, le goût artificiel
d’une certaine tradition classique, contre le style noble. Le style subit des transformations essentielles. Le
vocabulaire poétique est élargi par la suppression de la distinction traditionnelle entre termes nobles et
termes roturiers. On introduit des termes populaires, archaïques, techniques, etc. On découvre d’autres
catégories esthétiques que celle du beau classique: le laid, le grotesque, le bizarre, l’énorme,
l’exceptionnel.
Le lyrisme est un trait définitoire du romantisme : la poésie devient l’expression des sentiments
personnels : désespoir, nostalgie, chagrin, etc.
La littérature devient personnelle et individuelle. L’utilisation constante du je transforme
l’écriture romantique en un miroir dans lequel le poète s’observe et s’analyse. Les genres du journal
intime (Amiel, Benjamin Constant, Stendhal) et de l’autobiographie (Chateaubriand, Stendhal)
connaissent un épanouissement remarquable à l’époque romantique, étant donné le goût de
l’introspection, l’intérêt des lecteurs pour le privé, le penchant pour l’individualisme et la subjectivité.
La poésie est moins un genre et plutôt une manière de sentir, de vivre. Elle s’instaure aussi dans
la prose (la prose poétique de Musset, Hugo, Nerval). La versification est libérée des contraintes
classiques : on brise et on assouplit l’alexandrin, on crée des formes métriques nouvelles.
Un nouveau type de héros apparaît : le héros romantique est un être qui a conscience d’être né
trop tard dans un monde trop vieux : épris d’absolu et de liberté, il a le sentiment de ne pas être maître de
son destin. Il est rêveur et mélancolique. Il refuse l’ordre du monde, ayant en même temps l’intuition du
tragique de la condition humaine.

Représentants du romantisme français :


Les romantiques français sont pour la plupart les fils des émigrés nobles après la Révolution de 1789 : les
battus, les exilés, les aristocrates (Chateaubriand, Lamartine, Vigny, Hugo, Musset), généralement des
monarchistes qui s’opposent aux bourgeois modernes. Il y a aussi les plébéiens, ceux de gauche, mais
moins nombreux.

Victor Hugo le chef de l’école romantique


Alphonse de Lamartine (1790-1869) - œuvres poétiques : Méditations poétiques (1820),
Nouvelles méditations poétiques (1893), Harmonies
poétiques et religieuses (1830), Jocelyn (1836)
- œuvres en prose : Les confidences (1849), Les
nouvelles confidences (1851), Histoire de la
Révolution de 1848 (1849), Voyage en Orient (1835)
Alfred de Musset (1810-1857) - œuvres poétiques : Contes d’Espagne et d’Italie
(1829), Les Nuits (1835-1837)
- œuvre en prose : La confession d’un enfant du
siècle (1836)
- œuvres théâtrales : Les caprices de Marianne
(comédie, 1833), On ne badine pas avec l’amour
(comédie, 1834), Lorenzaccio (drame historique,
1834)
Gérard de Nerval (1808-1855) - œuvres poétiques en prose : Les filles du feu (1854)
(recueil de nouvelles), Aurélia (1854-1855)
- œuvres poétiques en vers : Les chimères (1853)
Alfred de Vigny (1797-1863) - œuvres poétiques : Poèmes antiques et modernes
(1826), Les Destinées (1864, posthume)
- œuvre théâtrale : Chatterton (drame en prose, 1835)

Le romantisme a la signification d’une métamorphose profonde de l’histoire des lettres. Il a


restauré la notion d’art, a libéré les genres et a permis le libre essor de la personnalité de l’écrivain. Il a
ébranlé la sensibilité, a élargi l’imagination, la spontanéité et a revendiqué la liberté créatrice, le
libéralisme artistique. Même chez les grands prosateurs du XIXe siècle - Balzac, Stendhal, Mérimée,
Flaubert – on peut observer des éléments romantiques qui coexistent avec ceux réalistes.

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