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Canaan (Région) - Wikipédia
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org/wiki/Canaan_(région)#Étymologie
Canaan (région)
Canaan /kanaɑ̃/ (phénicien : ou ����, KNˁN
(Kanaʿn) ; hébreu : כנעןKənáʿan ; arabe : ﻛﻨﻌﺎﻥKanʿān) désigne
une région et une civilisation du Proche-Orient ancien située le
long de la rive orientale de la mer Méditerranée. Cette région
correspond plus ou moins aujourd'hui aux territoires réunissant
l’État d'Israël, la Palestine, l'ouest de la Jordanie, le Liban et
l'ouest de la Syrie. On appelle Cananéens les habitants de ce
territoire à l'Âge du bronze, parfois appelé pour cette région
« période cananéenne », plus spécifiquement au IIe millénaire
av. J.-C.
Dans le récit biblique, Canaan désigne la Terre promise aux Hébreux, par Dieu (Yahweh) à Abraham.
Elle désigne la région comprise entre la mer Méditerranée et le Jourdain, avant sa conquête par Josué
et les tribus d'Israël sorties d'Égypte. Le terme proviendrait selon ce texte du nom de Canaan, petit-
fils de Noé. Les Cananéens sont présentés de façon négative : ce sont des idolâtres habitant la Terre
promise, que les Hébreux doivent anéantir afin d'en prendre la possession, suivant la volonté divine,
sans jamais y arriver.
Sommaire
Canaan et les Cananéens : définitions et contours
Étymologie
Dans la Bible
Dans les sources cunéiformes et égyptiennes
Dans les études historiques et archéologiques
Évolutions sociales et politiques
Origines
Âge du Bronze moyen (v. 2000-1500 av. J.-C.)
Organisation politique et composition ethnique
Une période d'urbanisation
Relations avec l'extérieur
Âge du Bronze récent (v. 1500-1200 av. J.-C.)
La domination égyptienne
Réorganisation du peuplement et des lieux de pouvoir
Échanges avec l'extérieur
Fin de l'âge du Bronze et début de l'âge du Fer (v. 1200-900 av. J.-C.)
La fin de la domination égyptienne et la crise de la fin du Bronze récent
Une période de recompositions sociales et ethniques
La constitution des royaumes de l'âge du Fer
Aspects culturels
Les dieux de Canaan
Langues et écritures
Les écritures employées à Canaan et leurs usages
L'alphabet : invention cananéenne ?
Les langues cananéennes
Canaan et Cananéens dans les textes postérieurs
Cananéisme
Notes et références
Bibliographie
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
Étymologie
L'étymologie de Canaan est discutée. Le mot est généralement considéré comme formé sur une racine
sémitique, même si une origine hourrite a aussi pu être proposée. Dans les alphabets nord-ouest
sémitiques (hébreu, ougaritique, phénicien), Canaan est écrit knʕn. Dans le texte massorétique de la
Bible, il est vocalisé ( ְכַּנַﬠןkĕnaʕan). En cunéiforme akkadien, il peut être écrit ki-na-aḫ-nu(m) (Mari,
Byblos, Tyr), māt ki-na-ḫi (Assyrie, Ugarit) ou māt ki-in-na-aḫ-ḫi (Égypte, Mittani, Hattusa,
Babylone). On trouve aussi la forme ki-in-a-nim (Alalakh) où la consonne pharyngale /ḫ/ est absente.
Le terme dérive probablement de la racine sémitique knʕ qui signifie courber, soumettre. Appliqué au
soleil, le terme désignerait l'« occident », le « pays du soleil couchant ». L'étymologie hourrite relie
Canaan à kinaḫḫu qui désigne un tissu bleu dans les textes cunéiformes de Nuzi, mais cette
étymologie est moins probable. Dans la Bible hébraïque, Canaan prend parfois la signification de
1, 2
« marchand » à cause de la réputation de marchands des Phéniciens .
Dans la Bible
De ce fait, dans le livre de Josué, le pays de Canaan est l'objet de la conquête par les Hébreux, Dieu
ordonnant à plusieurs reprises la destruction des Cananéens (Nombres 21:2-3, Deutéronome 20:17).
Mais elle n'est pas conduite à sa fin quoique de nombreuses destructions se produisent lors de la
conquête, et cet échec est vu dans le Livre des Juges comme une incapacité à accomplir le
commandement de Dieu. Ce n'est qu'à l'époque du règne de David que les Cananéens passent sous la
domination des Israélites. Canaan et les Cananéens apparaissent donc plutôt dans les livres bibliques
comme l'opposé des Israélites, un obstacle à la reconquête de la terre promise et des adorateurs
6, 5
d'idoles .
Cette situation remonte aux temps primordiaux, à la malédiction par Noé de son petit-fils Cana'an,
qui lui assigne d'être esclave de ses frères, conséquence du fait que son père Cham a vu Noé dans sa
nudité (Genèse 9:25), une faute dont la nature exacte est débattue, qui en tout cas semble se retrouver
dans le fait que les Cananéens soient décrits dans les autres textes bibliques comme lascifs et
débauchés, capables de toutes sortes de perversités sexuelles (ce qui se retrouve par exemple dans
l'histoire de Sodome et Gomorrhe). L'infériorité des Cananéens semble aussi justifiée par la Genèse
avec un jeu sur la racine knʕ, qui implique l'infériorité. À ces abominations pour ainsi dire
congénitales s'ajoutent leur impiété et leur idolâtrie, qui est du reste vue comme une forme d'infidélité
à Dieu. La domination de Canaan et des Cananéens par Israël s'en trouve d'autant plus justifiée, ainsi
que la volonté de séparer les deux groupes en condamnant les unions entre Israélites et Cananéennes,
et l'adoration des dieux des Cananéens, qui faisaient partie des nations qui « servaient leurs dieux en
faisant toutes les abominations qui sont odieuses à l’Éternel » (Deutéronome 12:31). Des mentions
des Cananéens apparaissent également dans des livres prophétiques comme ceux d'Esdras et de
Néhémie, dans lesquels cette dénomination est devenue une signification purement symbolique, d'un
autre qui est un opposé, puisqu'à l'époque de rédaction des textes (vers le �e siècle av. J.-C.) ce terme
n'a plus de sens ethnique. Les histoires concernant les Patriarches les lient à plusieurs lieux de la
région, renforçant la justification de l'ancrage de leurs descendants dans la région, d'autant plus que
la promesse de Dieu, véritable maître de cette terre, de la confier aux descendants d'Abraham pour
7, 8
l'éternité est répétée à plusieurs reprises .
Le nom de Canaan est ancien et apparaît peut-être dans des tablettes du ����e siècle av. J.-C. mises au
jour à Ebla en Syrie centrale. On a retrouvé des mentions plus assurées sur une tablette plus récente
trouvée dans les ruines de Mari, datée de la première moitié du �����e siècle av. J.-C., qui mentionne
9
des Cananéens, aux côtés de voleurs, donc des gens décrits comme hostiles . Le terme apparaît
également dans des tablettes cunéiformes mises au jour à Alalakh, autre site syrien, qui mentionne
des « hommes » ou « fils de Canaan », donc des gens venant de cette région. L'inscription de la statue
d'Idrimi, roi de cette cité au début du ��e siècle av. J.-C., évoque le fait qu'il s'est réfugié dans sa
9
jeunesse dans le pays de Canaan, avant de s'emparer de son royaume . Deux tablettes d'un troisième
site syrien, Ugarit, mentionnent des gens originaires de Canaan, un de ces deux textes les distinguant
10
explicitement des gens d'Ugarit, ce qui indique que cette ville n'en fait pas partie . Il en va de même
pour Alalakh, et de ce fait le pays de Canaan tel qu'il est apparaît dans la documentation de ces deux
11
sites paraît désigner une région située au sud des deux royaumes .
Dans les sources égyptiennes de la même époque, le terme apparaît dans plusieurs des lettres
d'Amarna, correspondance diplomatique datée du ���e siècle av. J.-C., par exemple une lettre du roi
du Mittani adressée aux « rois du pays de Canaan », vassaux de l'Égypte. La stèle de Mérenptah, du
9
����e siècle av. J.-C., mentionne Canaan parmi les pays soumis lors d'une campagne de ce roi . Selon
une reconstruction courante, Canaan désignerait une province égyptienne correspondant aux régions
situées entre la Méditerranée et le Jourdain, dont le gouverneur siège à Gaza, donc au Levant
12
méridional .
La documentation écrite donne des interprétations différentes à Canaan et aux Cananéens selon les
13
auteurs , en général selon le crédit qu'elles accordent au texte biblique quant à sa capacité à délivrer
des vérités historiques :
Pour l'approche traditionnelle, majoritaire, on peut définir Canaan et les Cananéens comme une
entité culturelle distincte, avec une ou des langue(s) cananéenne(s), une culture matérielle
homogène, ayant occupé au IIe millénaire av. J.-C. le territoire correspondant à la province
égyptienne nommée Canaan (et souvent un peu plus étendu puisqu'on y inclut les futures cités
phéniciennes), mais même dans cette acception là le terme est avant tout géographique et n'a
pas forcément un sens ethnique, la région étant probablement pluri-ethnique (le texte biblique
mentionnant du reste plusieurs peuples cananéens). Selon A. Killebrew, qui désigne Canaan
comme une « mosaïque ethnique », « nous pouvons parler des Cananéens comme les
14, 15
habitants indigènes d'ascendance mixte résidant dans le pays appelé Canaan .»
Pour une tendance « minimaliste » et sceptique, les Cananéens n'ont jamais existé en tant que
groupe dans l'Antiquité et sont une construction biblique reprise par des archéologues et
historiens en lui donnant un sens ethnique qu'elle n'a jamais eu ; selon les mots de N. Lemche,
16
« les Cananéens du Proche-Orient ancien ne savaient pas qu'ils étaient des Cananéens » .
En suivant cette deuxième tendance, le terme a une acception essentiellement géographique, et alors
les sites archéologiques mis au jour dans la région concernée pour le IIe millénaire av. J.-C. (ce qui
correspond en termes archéologiques à l'âge du Bronze moyen et à l'âge du Bronze récent) peuvent
recevoir la qualification de « cananéens ». Dans les frontières actuelles, elle couvre au plus large Israël
13
et la Palestine, une partie de la Jordanie, le Liban, et la Syrie du sud , ce qui en pratique exclut
généralement le royaume d'Ugarit, bien qu'il présente de fortes similitudes culturelles avec l'ensemble
17
cananéen . Dans les travaux archéologiques, un usage répandu est d'employer le terme « Canaan »
pour désigner la Cisjordanie/Palestine, donc les terres à l'ouest du Jourdain du Levant méridional,
18
soit un cadre géographique plus restreint que le précédent .
Origines
Le Bronze moyen du Levant sud est divisé en trois phases archéologiques, datées suivant une
19
chronologie moyenne (dominante) ou basse :
L'hypothèse amorrite a depuis lors été nuancée et contestée. Pour certains, l'influence du Levant nord
sur le Levant sud est plutôt de nature culturelle, et due aux relations commerciales, donc l'explication
par les invasions est infondée. D'autres durant ces dernières années ont mis en avant les éléments de
continuité avec le Bronze ancien qui existent sur les sites du Levant sud, pour remettre en question
l'idée d'une culture du Bronze moyen façonnée avant tout par des éléments extérieurs, et pour étudier
22
plus avant les réactions locales aux influences extérieures .
L'origine des populations cananéennes est discutée, certains les voyant surtout comme les
descendants de populations locales déjà établies au Levant méridional avant l'âge du Bronze, d'autres
comme les descendants de populations ayant migré dans la région, notamment les Amorrites, ou
23
éventuellement comme un mélange des deux . Le caractère pluriethnique de la région est souvent
24
mis en avant .
Une étude génétique a porté sur les ossements crâniens de cinq « Cananéens » qui ont vécu à Sidon
durant l'âge du bronze moyen, vers 1700 av. J.-C. Elle montre que ces habitants sont issus d'un
mélange génétique entre les populations locales néolithiques du Levant et les anciennes populations
iraniennes du Chalcolithique. Les chercheurs ont estimé l'époque de l'arrivée de la branche iranienne
25
entre 6 600 ans et 3 500 ans, ce qui pourrait correspondre à l'Empire d'Akkad . Cette ascendance
chalcolithique iranienne et du Caucase de l'âge du bronze semble augmenter dans le temps dans la
population cananéenne. Ainsi, concluent-ils, « les Cananéens, définis selon les critères archéologiques
26
et historiques, constituent un groupe cohérent sur le plan démographique » .
Quant à l'interprétation de cette période comme étant celle des Patriarches bibliques (Abraham, Isaac,
Jacob), proposée par William Albright, elle n'est désormais plus admise par la majorité des
archéologues et historiens. Ils renvoient les textes bibliques qui les mentionnent au contexte de leur
rédaction, plus d'un millénaire plus tard, comme le prouvent divers anachronismes : par exemple, le
fait que certains sites mentionnés dans ces versets n'étaient pas occupés au Bronze moyen (comme
Tel Beer Sheva) alors que bien d'autres sites plus importants ne sont pas mentionnés, ou encore la
mention de peuples qui n'existaient pas à cette époque (Araméens, Arabes, Chaldéens). Ils n'utilisent
27
donc pas cette source pour expliquer la situation politique ou ethnique de l'âge du Bronze .
palais, temples) dénotent une influence syro-mésopotamienne. Des spécificités liées au milieu du
Levant méridional ont pu être mises en avant, comme le fait que les arrière-pays des villes ne
semblent pas en mesure de soutenir une croissance de celle-ci équivalente à celle des villes syriennes
et mésopotamiennes contemporaines. Néanmoins, mettre l'accent sur la taille des sites urbains n'est
pas suffisant, leurs fonctions devant être prises en compte afin de mieux saisir les spécificités du
32
phénomène urbain en Canaan .
L'organisation des villes cananéennes du Bronze moyen est manifestement inspirée de l'expérience
syrienne, connue notamment par les fouilles d'Ebla et de Qatna. Les sites sont délimités par des
fortifications massives, qui assurent sa défense, et plus largement intimident les ennemis en même
temps qu'elles marquent symboliquement la présence d'une communauté, et du pouvoir de son
33
dirigeant. L'architecture monumentale, les palais et les temples, participent d'une même logique .
C'est sans doute à Hazor que l'influence syrienne se ressent le plus : la cité est dominée par une
acropole fortifiée, où se trouvent un palais et des temples, donc l'emplacement semble déterminé de
manière planifiée au Bronze moyen II, alors qu'avant ne devait s'y trouver qu'un village. C'est le
secteur officiel de la ville, son centre de commandement. À ses pieds s'étend la ville basse. Les
principaux éléments urbanistiques y sont préservés durant plusieurs périodes, signe de la capacité du
pouvoir local à maintenir durablement son emprise sur l'urbanisme. À Megiddo la transition vers le
stade urbain semble se faire de façon plus graduelle : un système de fortification apparaît dans le
courant du Bronze moyen I, puis un palais est érigé par la suite, et au moment du passage au Bronze
moyen II le site fait l'objet d'un réaménagement plus important, avec une extension du système
défensif. Le lieu de culte principal conserve la même position durant la période, en revanche le palais
34
est déplacé plus au nord, localisation qu'il conserve durant le reste de l'âge du Bronze . Les plus
petits sites ne sont pas forcément dépourvus d'architecture officielle. Pella, dans la vallée du Jourdain,
dispose d'une muraille en briques de terre crue, et un temple de type migdol ; le petit site voisin de
Tell al-Hayyat dispose également d'un sanctuaire, qui pourrait avoir été à l'origine de sa fondation,
tandis que quelques kilomètres au sud Tell Abu Kharaz est au Bronze moyen III un petit site fortifié
35
servant sans doute à contrôler la région .
Au Liban, l'architecture urbaine de l'époque est connue surtout à Byblos. La ville est protégée par une
enceinte massive disposant de tours de garde et de portes défensives monumentales. Beyrouth, Sidon
et Kamid el-Loz étaient aussi fortifiées à cette période. Le « temple aux obélisques » de Byblos est
l'édifice religieux le mieux préservé du Bronze moyen : comme son nom l'indique il est caractérisé par
sa douzaine d'obélisques disposées dans sa cour ; le temple lui-même est érigé sur un podium et de
plan tripartite, avec une cella dans laquelle est disposée une pierre symbolisant la présence divine. Un
atelier voisin devait servir pour réaliser des objets que les fidèles vouaient dans l'édifice. Pour ce qui
est de l'architecture profane, Tell el-Burak a livré un bâtiment administratif voire palatial du Bronze
moyen I, et une partie d'un édifice officiel (temple ou palais ?) avec cour a été dégagée à Beyrouth.
36
Quelques résidences ont été mises au jour sur plusieurs sites .
Si on tient le début du Bronze moyen comme une période d'importantes influences venues du Levant
nord, les sites cananéens de cette phase n'ont pas livré de matériel particulièrement abondant
provenant de cette région. Il n'est certes par inexistant et constitué de céramiques peintes, d'armes et
de sceaux-cylindres. Cela tend à relativiser l'impact septentrional. On trouve aussi des objets
chypriotes sur les sites côtiers. Les relations avec l'Égypte ont laissé plus de témoignages, quoique là
encore ils soient plutôt rares pour le Bronze moyen I. Il s'agit surtout de céramiques et de scarabées.
Les différents témoignages matériels de relations avec la vallée du Nil et avec l'espace syro-
Les relations entre le Levant méridional et l'Égypte à la fin du Bronze moyen sont marquées par
l'intrusion chez la seconde de chefs militaires venus du premier, qui ont reçu l'appellation de Hyksos
dans leur région d'arrivée, heka khasout en démotique, littéralement « chefs des pays étrangers », ou
parfois aussi Amou, « Asiatiques ». Selon la tradition historiographique égyptienne, leurs rois ont
fondé les XVe et XVIe dynastie égyptiennes. Leurs noms sont manifestement ouest-sémitiques. Cela a
été interprété comme la conséquence d'une invasion hyksos, placée dans la continuité de l'invasion
amorrite supposée du Levant méridional. En fait, des populations venues de Canaan se sont installées
dans le delta du Nil dès les XIIe et XIIIe dynasties, ce qui est en accord avec l'essor des contacts entre
les deux régions durant cette période, et avec la plus grande présence de matériel de type cananéen
sur le sol égyptien. La prise de pouvoir des rois hyksos pourrait donc être un phénomène plus
progressif que soudain, initié par des populations installées en Égypte depuis plusieurs générations.
Les habitants de Canaan ont eu des contacts réguliers avec ceux des royaumes hyksos, mais il ne faut
40, 30
pas pour autant envisager d'État allant du Levant méridional jusqu'au delta du Nil .
Du point de vue archéologique, cette période est découpée en plusieurs séquences, reposant en grande
41
partie sur la périodisation du Nouvel Empire égyptien :
Bronze tardif IA, v. 1550-1479 av. J.-C. (ou transition Bronze moyen-Bronze tardif v.
1550-1500) ;
Bronze tardif IB, v. 1479-1375 av. J.-C. ;
Bronze tardif IIA, v. 1375-1300 av. J.-C. ;
Bronze tardif IIB, v. 1300-1190 av. J.-C.
Bronze tardif III/Fer IA, v. 1190-1140 av. J.-C.
La domination égyptienne
La situation politique de la région par la suite est documentée par les Lettres d'Amarna,
correspondance diplomatique d'Amenhotep III et Akhénaton, qui comprend des missives échangées
entre grands rois, mais aussi avec les vassaux cananéens : on y trouve les rois de Gath, Shechem,
46
Jérusalem, les cités de Gaza, Ashkelon, Gezer, Lakish . Selon la reconstitution courante de la
domination égyptienne au Levant, trois provinces ont été établies à l'époque d'Amarna : Canaan au
sud, Amurru au nord-ouest, Apu à l'est, chacune ayant une capitale où est établi un gouverneur avec
une garnison, pour tenir sous son contrôle les rois vassaux, et prélever le tribut, ce qui suppose donc
une présence administrative complémentaire. Pour D. Redford cependant on aurait quatre provinces,
Après les destructions des villes de la fin du Bronze moyen, le nombre de site occupé décroît, leur
taille moyenne aussi, la plupart des grands sites urbains n'étant pas reconstitués. Hazor reste le site le
plus vaste, avec environ 80 hectares avec sa ville basse, les autres villes étant bien plus modestes,
entre 25 et 60 hectares. Les traces de murailles érigées à cette période sont très limitées, ce qui ne
veut pas forcément dire que les villes ne sont plus fortifiées, car elles ont pu utiliser les murailles du
55
Bronze moyen . Au Levant central, la situation est moins bien connue, mais le réseau semble dominé
par des villes (Arqa, Beyrouth, Kamid el-Loz, Tyr, Sidon, Byblos), assurément dotées de puissantes
murailles, dominant un ensemble de villages, avec des occupations surtout fortes dans les plaines
56
côtières de Tyr et d'Akkar, et la plaine intérieure de la Beqaa . Au sud, s'observe une plus forte
concentration que par le passé autour de la plaine côtière et des vallées intérieures, tandis que les
hautes terres centrales et la plaine de Beer-Sheva ont une densité d'occupation bien moindre que par
le passé. La phase II du Bronze récent voit un essor de certains sites, peut-être le signe d'une reprise,
ou alors simplement la conséquence de l'augmentation des implantations du pouvoir égyptien, donc
un phénomène initié de l'extérieur. Il en résulte que le réseau urbain du Bronze récent est dominé par
des sites plus petits que durant la phase précédente, ce qui semble indiquer que les entités politiques
sont moins vastes et intégrées, sans doute aussi plus nombreuses et fragmentées, même si les
spécialistes ne s'accordent pas sur le nombre, avec des estimations qui oscillent pour le seul Levant
sud entre 13-14 et 22-27, donc en gros autour de la vingtaine à l'époque des lettres d'Amarna. Il y a
également des divergences quant à savoir s'il s'agit d'États territoriaux frontaliers les uns des autres,
ou bien s'il y a des zones inoccupées ou parcourues par des Nomades entre eux, en sachant qu'il faut
également prendre en compte la présence de lieux de pouvoir égyptiens (garnisons, résidences de
gouverneurs, aussi des sanctuaires). Peut-être que la plus grande division politique résulte de la
domination égyptienne, d'une volonté de diviser pour mieux régner, et aussi de l'appropriation des
points de contrôle principaux des grands axes de communication et de nombreuses terres et autres
richesses. Cette nouvelle situation pourrait avoir bénéficié aux populations rurales, renforcées par
l'affaiblissement des élites urbaines locales, et aussi aux groupes nomades, comme les Bédouins
appelés Shasou dans les textes égyptiens. Dans les textes de l'époque apparaissent aussi à plusieurs
reprises des groupes de populations apparemment en situation marginale voire dissidentes, les
57
Apirou . Sur le plan matériel, la société cananéenne du Bronze récent semble plutôt cohérente,
même si des divergences dans les pratiques funéraires et lieux de culte pourraient indiquer une
diversité ethnique. De plus on peut aussi distinguer une séparation entre la partie méridionale de
Canaan où l'influence égyptienne est plus forte, et celle du nord qui est plus proche culturellement de
58
la Syrie .
Fin de l'âge du Bronze et début de l'âge du Fer (v. 1200-900 av. J.-C.)
62
Du point de vue chronologique, cette période est divisée en plusieurs phases :
Les causes de cet effondrement ont fait couler beaucoup d'encre : les « invasions » comme celles des
Peuples de la Mer ont dominé dans les scénarios catastrophistes, même si elles peuvent aussi être
vues comme une conséquence de la crise, des désastres naturels (séismes) ou climatiques (sécheresses
prolongées) ont aussi été invoqués ; d'autres interprètent le fait que la crise soit aussi généralisée
comme un témoignage de sa nature « systémique », donc une crise avant tout interne, liée à une
pluralité de facteurs (crise sociale, épidémies, manque de terre, fin des échanges à longue distance,
etc.). Dans une même veine, l'aspect cyclique des civilisations antiques a pu aussi être mis en avant, et
dans ce cadre l'ordre de l'âge du Bronze aurait en quelque sorte atteint sa date limite. D'une manière
générale on s'oriente vers des interprétations moins catastrophistes de cette période, les destructions
n'étant pas généralisées, et certaines régions semblant profiter des évolutions économiques et
politiques (comme les cités de la côte libanaise) alors que d'autres moins (la côte syrienne) : il n'y a
donc pas que des perdants. D'une manière générale l'effondrement concerne avant tout les élites des
grands royaumes du Bronze récent, qui dirigeaient ceux-ci et animaient les réseaux d'échanges à
longue distance pour des besoins essentiellement somptuaires. Avec la restructuration des sociétés et
économies qui en résulte, les entités politiques sont moins importantes, les échanges internationaux
moins intenses (mais pas inexistants), le monde est plus fragmenté que par le passé. C'est cette
situation qui fait le lit de l'émergence de nouvelles ethnies et entités politiques qui caractérisent le
65
Levant de l'âge du Fer .
Les trouvailles archéologiques, combinées aux sources textuelles (essentiellement datées des périodes
postérieures), ont depuis longtemps mis en avant l'importance des bouleversements ayant lieu au
Levant durant la fin de l'âge du Bronze et le début de l'âge du Fer. Du point de vue politique et social,
c'est une ère qui voit des transformations et recompositions complexes, avec des phénomènes très
fluides : décentralisation maintenant qu'il n'y a plus de grande puissance pour dominer la région,
Pour ce qui concerne l'intérieur, le phénomène le plus mis en avant est celui de l'émergence des
Israélites dans les hautes terres. Comme vu plus haut, les archéologues et historiens ont abandonné
l'idée de considérer l'Exode et la conquête de Canaan par les Hébreux tels que racontés dans la Bible
comme des faits historiques. Mais divers éléments, en premier lieu la mention d'une entité
couramment identifiée comme Israël dans une inscription sur une stèle du roi égyptien Mérenptah (v.
1200 av. J.-C.) font que l'existence de celui-ci à la fin du Bronze récent est jugée probable. Mais c'est
une « autre sorte d'Israël (qui) est manifestement en train de se développer, que l'archéologie est en
68
train de révéler » (L. Grabbe) . La manière dont se sont constituées les premières communautés
Israélites (ou « proto-Israélites »), dans les hautes terres du Levant méridional, sont très discutées,
notamment la question de savoir dans quelle mesure elles sont descendantes des Cananéens de l'âge
du Bronze. Ce qu'observe l'archéologie, c'est une augmentation des sites sédentaires dans cette région
durant la période de transition entre le Bronze récent et le Fer I, même avant selon certains. Les
reconstitutions ont longtemps opposé deux approches reposant sur l'idée d'une infiltration depuis
l'extérieur : de manière conquérante selon Albright, pacifique selon Alt et Noth. Sauf exceptions, on
n'attribue plus d'événements violents à la formation des groupes proto-Israélites. Israël aurait émergé
69
à partir d'un ensemble bigarré de populations, une « multitude mixte » selon A. Killebrew ,
comprenant en bonne partie des groupes ruraux cananéens, des pasteurs, des groupes marginaux du
Bronze récent (Apirou, Shasou), aussi des populations venues de l'extérieur. Néanmoins des modèles
comme celui d'I. Finkelstein proposent que les premiers Israélites soient avant tout formés à
l'initiative de groupes nomades non-cananéens installés dans les hautes terres, qui s'y sédentarisent.
N. Na'aman insiste plus sur l'arrivée de populations extérieures à Canaan dans le contexte de la fin de
l'âge du Bronze récent, venues se mêler aux populations en place puis se mélangeant progressivement
aux groupes marginaux et nomades avant de finalement s'établir dans les hautes terres. Pour W.
Dever en revanche, les populations qui s'établissent dans les hautes terres sont avant tout des paysans
cananéens déracinés venues des campagnes des régions basses. À l'opposé A. Faust a pu faire des
premiers Israélites avant tout les descendants des Shasou. La culture matérielle n'est pas vraiment en
mesure d'apporter une conclusion à ces débats sur l'ethnicité, puisqu'elle peut être similaire pour
70
plusieurs populations . Du point de vue linguistique, les langues du Levant méridional de l'âge du
Fer sont en tout cas manifestement les descendantes des langues cananéennes parlées dans la région
durant le Bronze récent (voir plus bas), donc la continuité est claire, ce qui veut dire que les éléments
71
extérieurs, quelle que soit leur importance, ont rapidement été intégrés .
C'est finalement au nord, sur la côte libanaise, que les éléments de continuité avec la civilisation
cananéenne de l'âge du Bronze sont les plus évidents, à commencer par la langue qui dérive là aussi
72
de celles attestées pour la période précédente . Les cités de la région forment à cette période un
ensemble que les Grecs devaient nommer « Phéniciens ». On ne sait pas vraiment si elles ont jamais
eu l'impression de former une culture commune, même s'il a été avancé que les populations de ces
régions avaient pu se considérer comme Cananéennes aux périodes plus tardives de l'Antiquité. Quoi
qu'il en soit la majeure partie des spécialistes les voit comme des descendants des Cananéens de l'âge
du Bronze, même s'il faut ici aussi envisager l'impact des migrations de la fin du Bronze récent, qui
semblent perceptibles dans certaines évolutions de la culture matérielle. Avec la disparition d'Ugarit à
la fin du Bronze récent, les cités de la région, Byblos, Tyr, Sidon, etc. devinrent les principaux ports de
la côte levantine, même s'ils durent un temps faire face au déclin des réseaux d'échanges à longue
distance. D'après les quelques données glanées sur des sites archéologiques de la région, les cités de la
côte libanaise ont été remarquablement résilientes après les événements de la fin du Bronze récent,
ont maintenu leurs traditions tout en intégrant quelques éléments étrangers. Moins dépendantes de la
mainmise égyptienne, elles paraissent avoir été mieux armées que les cités de la côte méridionale du
73
Levant pour résister aux bouleversements de l'époque .
Durant la dernière phase du premier âge du Fer, au �e siècle av. J.-C., les cités phéniciennes et
philistines se consolident et étendent leur emprise sur les terres basses de Canaan, semble-t-il sans
74
guerre particulièrement violente . Des royaumes puissants émergent, comme celui de Tyr qui
devient la cité phénicienne la plus dynamique, initie l'expansion phénicienne dans la Méditerranée,
qui débouche rapidement sur des implantations coloniales qui atteignent la partie occidentale de cette
75
mer, et s'étend territorialement en direction du sud . Dans les hautes terres, c'est de cette phase
qu'est traditionnellement datée l'émergence du royaume d'Israël, forgé dans la lutte contre les
Philistins, par le roi David, qui aurait alors étendu son autorité en direction des cités basses
cananéennes (comme Gezer). La recherche historique récente rejette l'idée que ce royaume soit une
entité politique puissante, en mesure de dominer le Levant sous Salomon comme le prétend la Bible,
76
et donc la prise de contrôle des cités de Canaan à cette période est mise en question . Ces différentes
ethnies et entités politiques intègrent toutes des éléments cananéens, qui constituent sans doute une
bonne partie de leurs racines comme vu plus haut. Coincées entre elles, les cités cananéennes des
basses terres préservent un temps leur indépendance et reprennent de la vigueur durant cette
période, à l'exemple de Megiddo. Cette dynamique s'éteint néanmoins à la fin du premier âge du Fer.
Cette fin a pu être imputée à une campagne conduite par le pharaon Sheshonq Ier (v. 926 av. J.-C.),
dont la Bible mentionne qu'il a épargné Jérusalem contre un tribut, et qui a laissé une inscription
mentionnant la soumission d'environ 150 villes et villages au Levant méridional. On peut lui attribuer
les destructions attestées à Beth Shean, Rehov, Megiddo, quoi que certains relativisent les dégâts
causés par cette campagne, qui serait pour eux plutôt de l'ordre de l'intimidation. En tout cas elle ne
77, 78, 79
se solde pas par un retour de la domination égyptienne . Le royaume d'Israël semble le
principal bénéficiaire de la situation, les souverains de la dynastie omride prenant le contrôle de
diverses cités des basses terres (Hazor, Megiddo, Gezer), sans bouleverser l'ordre social puisque le
peuplement n'est pas modifié, au contraire cela se traduit par une plus forte influence de la culture
80
matérielle et architecturale des villes cananéennes sur cet État .
Aspects culturels
explicites sur l'univers religieux. Selon ce qui apparaît dans ces sources, une des principales divinités
de ces régions est El, le « Dieu » (ʾilu), chef de l'assemblée divine chargée de trancher les cas les plus
importants, figure paternelle, royale, parfois créatrice. Baal, le « Seigneur » (bʿl), est l'autre figure
royale du panthéon cananéen. Ce nom est en fait un épithète qui peut servir à désigner différents
dieux locaux majeur. À Ugarit et sans doute dans bien d'autres endroits, il désigne Hadad le dieu de
l'Orage (donc des eaux venant du ciel, ce qui lui donne un rôle dans la fertilité), grande figure
souveraine des panthéons sémitiques occidentaux, fils du grand dieu agraire Dagan, et protagoniste
d'un cycle mythologique qui le voit se défaire de plusieurs rivaux (Yam la Mer, Môt la Mort) afin
d'accéder à la souveraineté sur les dieu. La principale divinité féminine de ces régions est Astarté,
déesse de la chasse et de la guerre, sans doute aussi de l'amour et associée à la planète Vénus. Athirat
est la parèdre du dieu El, sous le nom d'Asherah son culte semble avoir été important dans l'Israël
antique. Anat, jeune sœur de Baal, a des aspects guerriers semblables à ceux d'Astarté. Shapash est la
déesse solaire des panthéons sémitiques occidentaux (alors qu'à l'est cette position est celle d'un dieu
82
masculin) .
Langues et écritures
inscriptions sur quelques objets personnels devant appartenir à des élites (vaisselle, bijoux,
ornements). Les objets à finalité votive portant des inscriptions sont rares, par exemple des bols
84
portant une inscription peinte en hiératique .
L'alphabet est manifestement dérivé des écritures égyptiennes (hiéroglyphes, hiératique), puisque
plusieurs des signes des premiers alphabets reprennent la forme de signes égyptiens, tandis qu'ils
suivent le principe des signes phonétiques de l'écriture égyptienne qui ne notent que les consonnes
(alors que les signes phonétiques du cunéiforme sont des syllabes complètes avec consonnes et
voyelles). Mais ils sont adaptés à un contexte linguistique sémitique : ce sont à l'origine des
représentations picturales de choses, et le son qu'ils représentent est la consonne initiale du mot
cananéen désignant cette chose (acrophonie) : par exemple le signe à l'origine de la lettre transcrivant
la consonne [r] représente une « tête », reš en cananéen (alors que ce mot se dit tp en égyptien
ancien). La plus ancienne forme d'écriture alphabétique attestée, qui pourrait dater des alentours de
1900 av. J.-C., a été identifiée au Wadi el-Hol en Égypte, site où on trouve mention d'« Asiatiques »,
donc de Cananéens, et ces inscriptions ont souvent été reliées à cette population. L'autre plus
ancienne forme d'alphabet connue, le protosinaïtique, identifiée comme son nom l'indique au Sinaï
dans les sites miniers de Sarabit al-Khadim, où était extraite durant le Moyen Empire (donc au
Bronze moyen) de la turquoise tant appréciée des Égyptiens. Là encore cette écriture a été reliée à la
présence de travailleurs parlant des langues sémitiques. Mais dans les deux cas le contexte reste celui
de la sphère politique et culturelle égyptienne, donc la possibilité que les premiers alphabets aient été
développés à l'initiative de l'administration égyptienne reste envisagée, même si ce type d'écriture a
forgé son succès au Levant. Des inscriptions dans des alphabets archaïques, « protocananéens »,
datées approximativement de la même période ont été mises au jour au Levant méridional, par
85
exemple sur une poterie et une dague mises au jour à Lakish, mais l'usage de cette forme d'écriture
semble rester très limité par rapport au cunéiforme et aux écritures égyptiennes. Ces premières
formes alphabétiques sont d'aspect linéaire. Mais le premier alphabet dont l'usage soit systématique,
celui d'Ugarit, développé au moins à partir du ��e siècle av. J.-C. et surtout attesté dans les dernières
décennies du ����e siècle av. J.-C., a un aspect cunéiforme. Certains des signes de cet alphabet
semblent inspirés de ceux des alphabets linéaires plus anciens. On trouve en quantité bien moindre
d'autres variantes d'alphabets cunéiformes de la même époque sur d'autres sites de Syrie et aussi à
Chypre, et dans le Levant central (Kamid el-Loz, Sarepta) et méridional (Taanach, Bet Shemesh, mont
86, 87, 88
Thabor) .
On s'intéressera ici au premier cas. Ces dialectes sont très mal documentés, donc peu connus. Les
textes cunéiformes écrits à Canaan au IIe millénaire av. J.-C., surtout les lettres d'Amarna, le sont en
akkadien, langue sémitique de Mésopotamie qui sert de lingua franca à cette période, mais ils
contiennent de nombreux termes et formulations ainsi que des gloses en dialectes cananéens, ce qui
donne à leur akkadien un aspect hybride (une sorte de pidgin), cananéen, qui permettent d'approcher
les dialectes de Canaan. On observe des variations entre les textes, ce qui est généralement interprété
comme le reflet des dialectes locaux des différents scribes écrivant ces textes. Mais d'autres objectent
que les différences ne sont pas si marquées que ça, et qu'il pourrait s'agir d'une forme de langue de
contact mise au point par les scribes cananéens et devenue un standard à l'échelle de leur région,
reflétant le fait que leur apprentissage de l'akkadien est moins complet que celui des scribes de Syrie
89
qui pratiquent un akkadien plus classique . Les inscriptions en alphabet protocananéen sont écrites
en dialecte cananéen, mais elles sont bien moins nombreuses, courtes et souvent mal préservées et
encore mal comprises, donc moins utiles que les textes cunéiformes pour approcher les langues
cananéennes. Ce sont les deux sources à notre disposition, ensuite les parallèles avec les autres
langues cananéennes dans la seconde acception (phénicien, hébreu) permettent d'apporter d'autres
éléments de compréhension. Au mieux, il est possible de dégager quelques traits généraux des
dialectes cananéens de l'époque d'Amarna : du point de vue phonétique, s'est effectué le
remplacement du *ā proto-sémitique par le ō (ce qui se retrouve en hébreu), et l'inventaire
consonantique est plus restreint que celui de la langue d'Ugarit et différent de l'araméen ; les cas sont
marqués avant tout par des voyelles suffixées, comme à Ugarit, ce qui disparaît dans les langues du
Ier millénaire av. J.-C. ; de même le système verbal est proche de celui d'Ugarit et différent de ceux
des langues cananéennes postérieures ; le système Š causatif n'est pas attesté, sans doute absent ; la
« loi de Barth-Ginsberg » s'applique (le a initial devient i dans une forme yaqtal, soit yiqtal). Du point
de vue du vocabulaire, un lexique de base est connu, mais il manque tout de même des éléments
cruciaux, comme les verbes de mouvement. Pour complexifier le tableau, plusieurs dialectes existant,
90
il devait y avoir des différences entre eux .
Dans la littérature rabbinique juive, les Cananéens sont mentionnés à plusieurs reprises, en lien avec
leur image négative laissée par le texte biblique. Au Moyen-Âge, le terme Cananéens est couramment
employé dans les familles juives pour qualifier leurs serviteurs et esclaves qui n'ont pas d'ancêtre juif,
là encore un sens dérivé de la Genèse où la condition de serviteur est assignée aux descendants de
Canaan. D'autres textes évoquent le fait que les Cananéens se seraient réfugiés en Afrique après en
93, 94
avoir été chassés par les Israélites . En Afrique du Nord, les Berbères ont souvent été présentés
95
comme des descendants des Cananéens .
Un sens plus positif de Canaan subsiste, en tant que désignation de la Terre promise, par exemple
dans le gospel. Les Puritains américains ont pu employer l'expression de « langues de Canaan »
comme de la langue parlée au Paradis par les personnes sauvées. Dans une acception plus négative,
ceux qui se sont vus comme le « nouvel Israël » ont désigné comme « Cananéens » les Amérindiens
installées dans leur Terre promise. Le mépris et la brutalité avec lesquels sont traités les Cananéens
dans la Bible n'a pas manqué de susciter des discussions dans l'apologétique chrétienne : les
explications sont allées de la vision du massacre comme acte de pitié, à son rejet en tant que pratique
archaïque à amender, l'exemple christique pouvant être vu comme une manière de corriger ce qui est
96
vu comme des excès décrits par l'Ancien Testament .
Cananéisme
Le terme de Cananéen est réemployé par un groupe sioniste nationaliste de droite marginal, actif des
années 1930 aux années 1970 et qui entendait opérer une rupture néo-païenne avec le judaïsme. On
parle de « cananéisme ».
Notes et références
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10. Killebrew 2005, p. 95-96.
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ancestry residing in the land referred to as Canaan » : Killebrew 2005, p. 249
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Canaanites. » : Lemche 1991, p. 152
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50. (en) Shlomo Bunimovitz, « Canaan Is Your Land and Its Kings Are Your Servants: Conceptualizing
the Late Bronze Age Egyptian government in the Southern Levant », dans Yasur-Landau, Cline et
Rowan 2018, p. 268-269. Killebrew 2005, p. 58-80 pour une analyse de la documentation
archéologique concernant la présence égyptienne.
51. Killebrew 2005, p. 53-55.
52. (en) Shlomo Bunimovitz, « Canaan Is Your Land and Its Kings Are Your Servants: Conceptualizing
the Late Bronze Age Egyptian government in the Southern Levant », dans Yasur-Landau, Cline et
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55. Killebrew 2005, p. 100-101.
56. (en) Marlies Heinz et Sabina Kulemann-Ossen, « The Northern Levant (Lebanon) During the Late
Bronze Age », dans Killebrew et Steiner (dir.) 2013, p. 525-527
57. (en) Nava Panitz-Cohen, « The Southern Levant (Cisjordan) During the Late Bronze Age », dans
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58. Killebrew 2005, p. 138.
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Bronze Age », dans Killebrew et Steiner (dir.) 2013, p. 532-535
61. (en) Nava Panitz-Cohen, « The Southern Levant (Cisjordan) During the Late Bronze Age », dans
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to the Sea Peoples », dans Grabbe 2016, p. 93-97 : « another sort of Israel was evidently in the
process of developing, one that archaeology is starting to reveal ».
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roots lay in Canaan but also included the influx of external groups that I refer to as a "mixed
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Voir aussi
Articles connexes
Canaan (fils de Noé)
Canaan (patriarche)
Cananéens (politique)
Israël antique
Phénicie
Knaanique
Malédiction de Canaan
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Pays de Canaan (Bible)
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Liens externes
André Lemaire, « Les Cananéens, le Levant et la mer » (http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/les_
cananeens_le_levant_et_la_mer.asp), sur clio.fr
(en) « Canaan & Ancient Israel » (http://www.penn.museum/sites/Canaan/index.html)