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http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=RHU&ID_NUMPUBLIE=RHU_001&ID_ARTICLE=RHU_001_0145
2000/1 - n° 1
ISSN 0703-0428 | pages 145 à 162
A n t o i n e Le B a s
1 . Maurice Agulhon, « La ville de l’âge industriel », Histoire de la France urbaine, 2e éd., Paris,
Le Seuil, 1998, vol. IV, p. 456.
2. François Rabelais, La vie très horrificque du grand Gargantua, père de Pantagruel, Repr. de
l’éd. de 1534, Paris, Le Livre de poche.
3. Que l’on songe, seulement, que la rue de la Ferronnerie, tenue pour la plus large de l’époque,
connaissait des embarras qui furent fatals à Henri IV !
4. Julia Csergo, « Extension et mutation du loisir citadin, xixe-début xxe siècle », Alain Corbin,
L’Avènement des loisirs : 1850-1960, Paris, Aubier, 1995, p. 121-170.
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humain, ce dogme du xixe siècle qui a ses exigences. Ainsi, des activités
jusqu’alors pratiquées dans la nature et sans cadre réglementaire requiè-
rent, pour gagner en efficacité, éducation et méthode ; surtout, ces exer-
cices exigent un cadre spécifique garant de la continuité de l’effort, de
l’équité des compétitions et de la mesure de la performance : les bâtis-
seurs de la ville moderne vont ainsi engendrer piscines, gymnases, hippo-
dromes et stades qui s’ajouteront aux lieux, plus ou moins nouveaux, du
loisir urbain (cabarets, guinguettes, cirques, théâtres...). C’est, toutefois,
aux seules piscines que nous nous intéresserons dans ces pages, pour
observer combien cet équipement sportif doit son invention et ses méta-
morphoses aux progrès de la civilisation urbaine.
5. Alain Corbin, « Le Secret de l’individu », Histoire de la vie privée, 2e éd., Paris, Le Seuil, 1999
vol. IV, p. 389-41 8.
6. « École flottante de natation réalisée à Bordeaux : projet de l’architecte J. Lafargue, 1 844 »,
Revue générale de l’architecture et des travaux publics, vol. 5, pl. 25-26.
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Laisné et le colonel Louis d’Argy, créent l’École normale militaire de gymnastique de Joinville où
l’on pratique la natation dans la Marne à partir d’un ponton.
13. De l’aveu même du proviseur, la « question d’un établissement de natation » était envisagée
depuis longtemps et l’installation d’un tel équipement à l’institution voisine et privée d’Issy, qui a
explicitement servi de modèle, a pu favoriser la décision (A. N., A J 1 6/474, Lettre du proviseur au
recteur de l’Académie de Paris, 7 avril 1 876).
14. Antoine Le Bas, Architectures du sport, 1 870-1940, Hauts-de-Seine, Val-de-Marne, Paris,
A.P.P.I.F., Connivences, 1991 (Cahiers de l’Inventaire 23).
15. Rappelons que, créé par un décret de 1 864, le lycée de Vanves s’appela, d’abord, « lycée du
Prince impérial ».
16. Selon Dupont-Ferrier, l’empereur voulut créer « le lycée de l’enfance où serait recueillie la
jeune garde de l’armée universitaire... Les hauts fonctionnaires de l’Empire y placèrent, d’enthou-
siasme, leurs enfants. Chaque semaine, une longue file d’équipages s’attardait dans les allées du
parc. » (dans Les Richesses d’art de la Ville de Paris : écoles, lycées, collèges et bibliothèques, Paris,
191 3).
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17. Encyclopédie d’architecture, vol. 1 0 (1881 ), p. 94, pl. 759, 767 et 768.
18. Gabriel Davioud architecte, 1 824-1 881 , Paris, Délégation à l’Action artistique de la Ville de
Paris, 1981 .
19. Jacques Lacroux, La Brique ordinaire, Paris, Ducher, 1878.
20. Pierre Chabat, La Brique et la Terre cuite, Paris, Vve Morel, 1 881 .
21 . Sur les pentes de Fleury, à Meudon, Prosper-Étienne Bobin, qui élève l’orphelinat Saint-
Philippe – œuvre charitable de la duchesse de Galliera –, y prévoit gymnase intérieur et piscine de
plein air. Alimentée en eau de source, cette dernière doit à ses abords rocaillés de ressembler
autant à une pièce d’eau du vaste parc qu’à un équipement de sport.
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22. On connaı̂t le rôle éminent du banquier Jacques Laffitte dans la vocation hippique de
Maisons-Laffitte (Sophie Cueille, Maisons-Laffitte, parc, paysage et villégiature, 1 630-1930, Paris,
A.P.P.I.F., 1999 ; Cahiers du Patrimoine 53). Mais la carrière de Joseph Oller se révèle aussi
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exemplaire de ce qui nous apparaı̂t aujourd’hui comme une confusion des genres étrangement
moderne : fondateur en 1 867 du Pari mutuel qui permet au grand public de parier sur des courses,
il acquiert des terrains à Maisons-Laffitte pour y établir un hippodrome. Le même crée le Nouveau
Cirque (1 886), les Montagnes russes (1 887), le Moulin rouge (1889) et l’Olympia (1883). Après les
courses, il s’intéresse aux sports et spectacles aquatiques, transformant l’ancienne Salle Valentine
en Arènes nautiques où alternent, l’hiver, revues équestres et acrobaties gymniques, l’été, piscine
de natation.
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sportif aux portes de Paris mais extérieur à la ville, la demande des années
quatre-vingt correspond à une pratique collective d’un sport dont on
apprécie personnellement les valeurs hygiénique, physique et ludique : la
réponse, en matière architecturale, passe, désormais, par des bassins
couverts, une eau chauffée et une implantation urbaine de proximité que
la constitution d’une clientèle acquise rend, à présent, rentables.
Joseph Oller l’a bien compris qui, dès 1 885, aménage à Paris (rue de
Rochechouart), dans les anciennes usines Godillot, une piscine alimentée
en eau chauffée par l’industrie, suivant l’exemple de Paul Christmann qui,
l’année précédente, avait ouvert, à Paris (31, rue de Chateau-Landon) le
premier bassin de natation couvert, bénéficiant d’une eau chauffée par les
machines élévatoires de la Villette 23. Ses affaires s’avèrent rentables puis-
qu’il ouvre l’année suivante un autre établissement boulevard de la Gare
(alimenté en eau chaude par les machines municipales du quai d’Auster-
litz). Christmann a bâti sa prospérité sur une concession obtenue de la
Ville de Paris qui lui assure à bas prix l’exclusivité des eaux de condensa-
tion des machines élévatoires de la Ville. Une pratique régulière de la
natation exigeant, sous le ciel d’Ile-de-France, un local clos, l’architecte
Bessières 24, assisté de l’ingénieur Éd. Philippe, conçoit (rue de Chateau-
Landon) un bâtiment de type industriel, en pans de fer hourdés de
briques, couvert d’une charpente métallique à fermes Polonceau, suppor-
tant une verrière qui dispense un éclairage zénithal. L’aération est assurée
par des lanternaux mobiles. L’établissement propose également une salle
de douches et de lavabos accessibles avant le bain, ainsi qu’une salle de
sudation où la température de l’air et de la vapeur ambiante est maintenue
à 60 oC. Les bassins proprement dits (de cinquante mètres sur douze à
Chateau-Landon et de soixante-cinq mètres sur quinze boulevard de la
Gare) offrent grand et petit bains ainsi qu’une eau chauffée à 25o C ; autour
du bassin, se répartissent deux rangs de cabines. À l’étage, un restaurant
doit soulager l’appétit de nageurs qui pratiquent à jeun. Le succès de cette
architecture de sport et de loisir ne doit pas faire oublier que ces établis-
23. L’idée était dans l’air. Françoise Hamon a retrouvé dans les archives de l’École centrale un
concours de projets, organisé en 1 875, sur le thème des immeubles industriels dotés d’une piscine
rentabilisant l’eau de condensation des machines à vapeur. Joseph Oller, de son côté, récupère les
eaux de condensation de l’usine Godillot pour sa piscine de la rue de Rochechouart. La piscine
Hébert, construite en 1 896 par l’architecte Kuffer, bénéficiait d’une eau à 26 oC issue d’un puits
artésien foré pour alimenter le quartier en eau potable (Philippe Artru et Rémi Rivière, Deux
siècles d’architecture sportive à Paris : piscines, gymnases, Paris, Délégation à l’Action artistique de
Paris, 1984, p. 30).
24. L’architecte affiché s’associe à l’ingénieur Éd. Philippe pour construire les deux piscines de
Chateau-Landon et du boulevard de la Gare. De même, la piscine Rochechouart est l’œuvre de
l’ingénieur Solignac ; la fréquente intervention d’ingénieurs montre assez la technicité de ce genre
de bâtiment.
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n’ayant voté que les crédits correspondant aux bains-douches, qui ouvri-
ront en 1909. Il faudra attendre un après-guerre marqué par le triomphe du
sport pour voir le projet aboutir.
28. La France présente alors un retard considérable dans ce domaine. D’après Le Figaro du
1 0 octobre 1922 (cité par P. Artru et R. Rivière, Deux siècles, op. cit., p. 32), elle compte vingt
piscines, dont sept à Paris, quand l’Allemagne en possédait mille trois cent soixante-deux et
l’Angleterre huit cent six.
29. Conscient de l’avance, dans ce domaine, de nos voisins européens, L. Bonnier visita
préalablement quelques établissements étrangers, parmi lesquels la piscine du groupe scolaire
Josaphat à Schaerbeck (Bruxelles) ainsi que le grand établissement des bains de Strasbourg élevé
alors que l’Alsace était terre allemande. Il n’est pas exclu que le complexe balnéaire du « Nancy
Thermal » ait pu fournir une source d’inspiration, même si la documentation laissée par l’archi-
tecte demeure muette sur ce point. L’établissement lorrain, bâti de 191 2 à 1913, présentait alors
deux bassins, l’un, rectangulaire et couvert d’une voûte de béton en berceau, l’autre, circulaire et
couvert d’une coupole. Le voûtement adopté par L. Bonnier offre la synthèse de ces deux partis.
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cide portées par sept arcs en plein cintre dégageant des lanternaux néces-
saires à l’aération et à l’éclairage oblique.
Parallèlement aux usagers des proches bains-douches indépendants,
deux circuits intérieurs mènent, d’une part, le public aux tribunes,
d’autre part, les baigneurs vers le bassin selon un cheminement hygié-
nique qui les contraint à passer par d’incontournables vestiaires,
douches et pédiluves. La commodité de cette piscine (solidité du
matériau et des structures, homologation des installations, distribution
ingénieuse) ainsi que sa réussite esthétique érigent bientôt le bassin de la
Butte-aux-Cailles en chef de file d’une série de constructions tant pari-
siennes que régionales, et lui valent aussitôt un considérable succès
critique. Dans la foulée, Paris réalise la piscine Blomet (1929) 30 ; les
communes limitrophes de Saint-Denis (1933, Gaston Dollat arch.) et de
Pantin (1937, Charles Auray arch.) s’en dotent également.
En région, des édiles convaincus des bienfaits du sport en construisent
aussi, comme à Rennes (piscine Saint-Georges, 1925, E. Leray arch.) ou à
Lyon (piscine Garibaldi, 1934, M. Chalumeau, ingénieur). Faute de
moyens, la Ville de Paris poursuit une politique concessionnaire, prati-
quée avant-guerre, au bénéfice de la société Les Bains de France qui
construit quatre piscines commerciales ouvertes au public : la piscine
Molitor (1929, 1 6e arrondissement), la piscine Pontoise (1933, 5e), la
piscine Pailleron (1933, 19e), la piscine de la Jonquière (1933, 1 8e), toutes
quatre œuvres de l’architecte Lucien Pollet.
Le stade nautique des Tourelles (Paris 20e, M. Bévières architecte),
également construit en 1923 pour les VIIIe olympiades, inaugure un
genre architectural mixte, alliant sport et spectacle. Si le bassin, demeuré
découvert malgré les projets initiaux 31 , possède les acquis de la Butte-aux-
Cailles (cuve de béton sur piles, revêtement céramique, circuit hygiénique),
sa vocation spectaculaire justifie un parti délibérément théâtral : le bassin
est entièrement cerné de gradins capables d’accueillir 1 5 000 spectateurs
(sans compter la tribune du jury) desservis par huit escaliers monumen-
taux à doubles volées. Leur saillie régulière rythme l’austérité des façades
percées de larges portes donnant accès aux gradins du public, d’une part,
aux vestiaires des athlètes ménagés sous les gradins, d’autre part. Sans
reprendre l’ample monumentalité du stade olympique, d’autres équipe-
ments résolvent la concurrence permanente que se livrent ces deux types
architecturaux (piscine couverte/bassin découvert) en les associant
32. Henri Sauvage avait déjà manifesté ses préoccupations sociales en construisant pour la
Société des logements hygiéniques à bon marché (1904) un ensemble d’HBM (7, rue Trétaigne,
Paris 1 8e) ouvertement nourri d’idéal socialiste, et appliqué ses convictions hygiénistes à l’archi-
tecture avec son premier immeuble à gradins (24, rue Vavin, Paris 6e, 191 3).
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33. À Toulouse, l’implantation de l’usine d’incinération des ordures ménagères sur l’ı̂le du
Ramier permit également de chauffer l’eau de la piscine (Annie Noé-Dufour, L’Ile du Ramier,
Toulouse, Accord éd., 1998 ; Itinéraires du Patrimoine no 1 76). L’architecte Morice Leroux, qui
remodèle le centre-ville de Villeurbanne à la demande de son maire (Maurice Goujon), systéma-
tise le procédé à l’échelle urbaine : l’incinération des déchets domestiques permet à une centrale
thermique d’alimenter un réseau de distribution de chaleur à usages domestique et industriel. Ce
chauffage urbain assurait, en particulier, celui de tous les équipements municipaux (piscine,
mairie, écoles...) ainsi que de tous les logements sociaux (J. L. Margerand, « Le Nouveau Centre
de Villeurbanne », La Construction moderne, 8 juillet 1934, p. 714-740).
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Paris, piscine Molitor : vue générale du bassin d’été (cliché Christian Décamps).
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34. Comme architecte de la ville, Emmanuel Leray s’occupera essentiellement des crèches, des
bains publics et des équipements sportifs pour une municipalité socialiste dirigée par un entre-
preneur passionné d’architecture, Jean Janvier (Hélène Guénée, Odorico mosaı̈ste art-déco, Bru-
xelles, Archives d’Architecture moderne, 1991 , p. 86-114).
35. Claude Laroche, « Un biathlon patrimonial : les piscines de la rue Judaı̈que et du parc
Lescure », Le Festin, no 25, p. 83-95.
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39. Marc Gaillard, Architectures des sports, Paris, Éd. du Moniteur, 1982.