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Inspection de l’ILS à Saint-Hubert

Par Pierre Gillard


Une des trois pistes de l’aé- NAV Canada, gestionnai- (Tactical Air Navigation) sont
roport de Saint-Hubert au re des aides à la radiona- des systèmes d’aides à la ra-
Canada, la 24 droite, est vigation. dionavigation. Au Canada,
équipée d’un système ILS ces systèmes sont la pro-
ou Instrument Landing Sys- Un système ILS, tout comme priété de NAV Canada qui en
tem (système d’atterrissage des balises ADF (Automatic assure également la gestion
aux instruments). Selon la Direction Finder), DME (Dis- et l’entretien. En fait, ceci ne
catégorie d’ILS, le pilote est tance Measurement Equip- représente qu’un des man-
guidé latéralement par le ment), VOR (VHF-Omnidi- dats de cette société privée
Localizer (LOC) et en pente rectionnal Range) ou TACAN à but non lucratif, car, de
par le Glide Slope (GS) vers manière générale, elle est
la piste jusqu’à un certain en charge de la gestion de
point décisionnel où un choix l’espace aérien canadien, du
sera à faire : ou bien, à par- contrôle du trafic aérien et
tir de ce point, la visibilité du soutien à la planification
permet de continuer l’appro- des vols. Employant actuel-
che et l’atterrissage à vue, lement environ 5000 per-
ou bien, si la piste ne peut sonnes, dont 2000 contrô-
être valablement aperçue, leurs du trafic aérien, elle a
une remise de gaz doit être été fondée en 1996, moment
effectuée et l’atterrissage ne où le gouvernement fédéral
peut avoir lieu. Saint-Hubert a décidé que Transports Ca-
dispose d’un ILS de catégo- nada ne se consacrerait, à
rie I lié à une hauteur de dé- l’avenir, plus qu’aux aspects
cision (DH-Decision Height liés à la réglementation. NAV
affichée par le radioaltimètre Canada, dont le siège social
de l’aéronef) de 200 pieds, est établi à Ottawa, fonction-
la catégorie la moins exi- En titre : l’antenne du Locali- ne uniquement grâce aux
geante, mais suffisante pour zer de la piste 24R. Ci-dessus: fonds récoltés par les utili-
les opérations s’y déroulant le Glide Slope de la même pis- sateurs de l’espace aérien et
habituellement. te (Pierre Gillard). de ses services.

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Qu’est ce qu’un IL
On peut considérer qu’un
système ILS est constitué
de quatre composants dis-
tincts :

• Le Localizer (LOC) per-


mettant le guidage latéral
vers la piste. La déviation
par rapport à l’axe de pis-
te est indiquée au pilote
par une aiguille verticale
sur son CDI (Course De-
viation Indicator), sur son
HSI (Horizontal Situation
Indicator) ou par une re-
présentation de celle-ci
sur un écran EFIS (Elec-
tronic Flight Instrument
System). Les antennes de
l’émetteur LOC sont tou-
jours situées à l’extrémité
de la piste considérée. Le
LOC fonctionne en VHF et
occupe une bande de fré-
quences de 108,10 MHz à
111,95 MHz.

• Le Glide Slope (GS) per-


mettant le guidage en pen-
te vers le seuil de la piste.
La déviation par rapport
à la pente est indiquée
au pilote par une aiguille
horizontale sur son CDI,
une marque mobile se dé- • Le Marker Beacon (MKR ou cifique à la balise résonne
plaçant verticalement sur MB) ou radiobornes est un dans le cockpit afin de si-
son HSI ou par une repré- dispositif de trois balises gnaler à l’équipage que
sentation de cette derniè- émettant directionnelle- l’appareil se situe exacte-
re sur un écran EFIS. L’an- ment vers le haut qui sont ment au-dessus de l’une
tenne de l’émetteur GS situées à des distances d’entre-elles. La balise  la
est toujours située à côté bien déterminées du seuil plus éloignée est nommée
du seuil de la piste consi- de piste. Lorsque l’aéronef Outer Marker et allume un
dérée. Le GS fonctionne passe dans leur faisceau, témoin de couleur bleue et
en UHF de 329,15 MHz à un témoin de couleur s’al- fait entendre une tonalité
335,00 MHZ. lume et une tonalité spé- grave à 400 Hz. La balise

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LS ?
À l’aéroport de Saint-Hubert,
NAV Canada gère le trafic aé-
rien de la zone depuis la tour
de contrôle et met en œuvre
un système DME ainsi que
intermédiaire, Middle Mar- l’ILS de la piste 24 droite et
ker, allume un témoin de la balise NDB « Hauts-Bois ».
couleur ambre et génère Elle est aussi en charge de la
une tonalité à 1300 Hz. La gestion et de la maintenan-
balise la plus rapprochée, ce de ces systèmes d’aide à
l’Inner Marker, allume un la radionavigation ainsi que
témoin de couleur blanche des différents systèmes de
et fait entendre une tona- radiocommunications VHF et
lité aiguë à 3 KHz. Leur UHF de la tour. Depuis quel-
fréquence d’émission est ques années, c’est aussi NAV Installation de l’antenne du
Canada qui opère la station TPRU sur le bâtiment du Lo-
75 MHz. Actuellement, les
calizer (Pierre Gillard).
Marker Beacons ne sont météo automatisée dont les
plus requis pour les sys- informations recueillies ser- inspectés à intervalles régu-
tèmes ILS car avantageu- vent au système d’informa- liers afin de contrôler l’exac-
sement remplacés par le tions ATIS (Automatic Ter- titude des signaux transmis.
système DME. C’est ainsi minal Information Service). En effet, ceux-ci sont cru-
qu’il n’en existe plus au ciaux pour assurer des ap-
Canada. Inspection régulière de proches en toute sécurité. Un
l’ILS. simple dysfonctionnement,
• L’éclairage de la piste et surtout du Glide Slope, peut
de son approche finale. Les deux composants prin- entraîner des conséquences
Celui-ci sera dépendant cipaux de l’ILS, le Localizer tragiques.
de la catégorie d’ILS. et le Glide Slope doivent être

Il existe trois catégories


d’ILS  : I, II et III, et cette
dernière est elle-même sub-
divisée en trois sous-caté-
gories IIIa, IIIb et IIIc. Un
ILS CAT I permet d’effectuer
des approches automatiques
jusqu’à une hauteur de dé-
cision de 200 pieds tandis
qu’un ILS CAT IIIc est conçu
pour effectuer des atterris-
sages automatiques com-
plets. Évidemment, il y a un
coût croissant lié à la caté-
gorie d’ILS et les exploitants
d’aéroports sélectionneront
une catégorie en fonction
des conditions climatiques
régnant à l’endroit où ils se Le TPRU est un système de GPS différentiel qui est transporté
situent. dans une valise et installé sur chaque site à inspecter (Pierre
Gillard).

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En ce qui concerne l’ILS de
Saint-Hubert, celui-ci est
contrôlé deux fois par année
par le service de l’Inspection
en vol de NAV Canada. Une
de ces deux inspections est
considérée comme «  l’an-
nuelle » et se déroule durant
l’été, tandis que l’autre, « la
routine  », a lieu l’hiver. En
effet, de grosses accumula-
tions de neige ou du verglas
peuvent avoir une influence
sur les signaux émis par le
Glide Slope; en général, il
s’agira d’une légère modifi-
cation de l’angle de la pente.
Il faut donc s’assurer que
le système fonctionne cor-
rectement même dans des
conditions hivernales et que,
par exemple, le gestionnaire
de l’aéroport veille à ce que
la couche de neige présente
devant les antennes du Glide
Slope ne dépasse jamais 40
centimètres d’épaisseur.

Inspections en vol.

Afin de vérifier l’exactitude


des signaux transmis par les
Localizers et les Glide Slo-
pes, il est nécessaire d’uti-
liser un avion équipé d’ins-
trument permettant d’effec-
tuer des relevés précis de
ces signaux en fonction de
la position tridimensionnelle

En haut : le Bombardier CRJ-


200 C-GNVC de NAV Canada
photographié devant l’École
nationale d’aérotechnique.
Au centre : la console desti-
née à l’inspection des aides à
la radionavigation.
Ci-contre : poste de pilotage
du CRJ-200 (Pierre Gillard).

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exacte de celui-ci. C’est ain-
si que NAV Canada dispose
d’une flotte de trois appa-
reils Bombardier spéciale-
ment aménagés pour effec-
tuer ces inspections en vol :
deux CRJ-200 immatriculés
C-GFIO (MSN 7526, indica-
tif NVC1) et C-GNVC (MSN
7519, indicatif NVC2) ainsi
qu’un DHC-8-102 immatri-
culé C-GCFK (MSN 028, in-
dicatif NVC3). Ceux-ci effec-
tuent les inspections en vol
pour l’ensemble du territoi-
re canadien ainsi que pour
la possession française de
Saint-Pierre et Miquelon. Le CRJ-200 survolant la piste 24 droite lors de sa première
approche. Au premier plan, un élément du réseau d’antennes
L’équipage d’un avion d’ins- du Localizer (Pierre Gillard).
pection en vol est constitué
de deux commandants de qu’un mécanicien en charge Le principe du GPS différen-
bord, ce contrairement aux de la maintenance de l’avion tiel employé par NAV Cana-
compagnies aériennes où un lors des déplacements loin da est assez simple à com-
pilote assume le rôle com- de la base d’Ottawa-Macdo- prendre. Un des inspecteurs
mandant de bord et l’autre nald-Cartier. en vol installe au sol un
de premier officier. En effet, TPRU ou Transportable Posi-
les vols effectués par NAV Ca- Comment vérifie-t-on un tion Reference Unit contenu
nada requièrent une grande ILS ? dans une valise à un endroit
précision de pilotage peu im- dont la position en longitude
porte les conditions de vent, Le principe de l’inspection et latitude est connue avec
notamment. Par ailleurs, les d’un système ILS est de vé- précision. Dans le cas Saint-
avions étant amenés à évo- rifier sur une console, spé- Hubert, il s’agit du petit bâti-
luer près du sol dans des cialement aménagée à cet ment dans lequel se trouvent
zones de trafic aérien par- effet à bord de l’avion, les si- les deux émetteurs du Loca-
fois fort achalandées, la plus gnaux provenant des émet- lizer situé non loin du seuil
grande prudence est requise teurs Localizer et Glide Slo- de la piste 06 gauche. Un
de la part de l’équipage de pe pour chaque position au GPS inclus au TPRU effectue
conduite. C’est pour cette cours de l’approche. Tout au en permanence un relevé de
raison que tous les pilotes long du processus, les indi- position qui est comparé aux
de NAV Canada disposent cations transmises doivent valeurs de référence. Une er-
d’une expérience préalable rester dans les limites per- reur en est déduite et la va-
de pilote de ligne ou de pilo- mises. Pour cela, elles sont leur de celle-ci est transmise
te militaire. À bord de l’avion comparées avec des valeurs à l’avion par liaison UHF. À
se trouvent également deux de référence déduites de la bord de ce dernier, un récep-
inspecteurs en vol qui vé- position exacte de l’avion. Et teur GPS effectue également
rifient les signaux reçus en pour déterminer cette der- la mesure de la position de
provenance des systèmes nière avec précision, un sys- l’aéronef. Il est évident que
d’aides à la radionavigation tème de GPS différentiel est cette mesure est entachée
en cours d’évaluation ainsi utilisé. d’une erreur très voisine de

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Exemples de paramètres s’affichant sur la console de l’inspecteur en vol à bord de l’avion. Il
s’agit ici du relevé effectué lors de la dernière approche de l’inspection du 23 février 2015 à
l’aéroport de Saint-Hubert (NAV Canada).
celle déterminée au sol par une dégradation du signal GPS de bord avec la valeur
le TPRU, car les deux récep- semblable. À bord de l’avion, de l’erreur transmise par le
teurs se trouvent dans la un calculateur corrige ensui- TPRU pour donner une po-
même région et subissent te le relevé de la position du sition tridimensionnelle pré-

L’équipage du CRJ-200 NVC202 qui est venu effectuer l’inspection de l’ILS de l’aéroport de
Saint-Hubert le 23 février 2015. De gauche à droite : les capitaines Dave Lindal et Rod Krei-
ger, les inspecteurs en vol Sean McMahon et Richard Danielewski (Pierre Gillard).

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cise. C’est cette dernière qui
sert de référence pour éva-
luer l’exactitude des signaux
transmis par l’ILS en cours
d’inspection.

Inspection à Saint-Hu-
bert.

Le lundi 23 février 2015, peu


avant 8 heures du matin,
l’Inspecteur en vol Eric Gar-
neau d’Ottawa et le Tech-
nicien du Département des
opérations techniques de
Montréal, Jérémie Alexan-
der-Brunelle, se retrouvent
à l’entrée de l’aéroport de
Après chaque approche, l’avion effectue un virage serré à
Saint-Hubert. Une fois l’ac- droite pour refaire un nouveau circuit et une nouvelle inter-
cès au bâtiment du Localizer ception de l’ILS (Pierre Gillard).
déneigé par le personnel de
l’aéroport, ils s’y rendent et à Ottawa-Macdonald-Cartier Après environ 20 minutes de
installent le TPRU. Contact pour lui signifier qu’il peut vol, l’avion effectue un pre-
est également pris avec décoller et que tout est prêt mier passage, vers 9h40, en
l’équipage de l’avion de cali- à Saint-Hubert pour débuter remontant la piste 24 droite
bration, le CRJ-200 NVC202, l’inspection. à basse altitude. Le but de
ce premier test est de véri-
fier l’exactitude du signal du
Localizer en éloignement au-
dessus de l’axe de la piste.
Le CRJ effectue ensuite six
autres approches pour ana-
lyser les signaux transmis à
la fois par le Localizer et le
Glide Slope. À chaque fois,
dès la hauteur de décision
atteinte, l’avion effectue un
dégagement serré vers la
droite pour effectuer un cir-
cuit en vue de l’approche
suivante.

« Avant, » déclare Eric Gar-


neau, « nous effectuions 12
approches pour l’inspection
d’un ILS, mais, actuelle-
ment, nous n’en faisons plus
À Saint-Hubert, NAV Canada gère également le trafic aérien que sept car nous avons
dans la zone de l’aéroport à partir de la tour de contrôle constaté que c’est suffisant
(Pierre Gillard). compte tenu de la fiabilité

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nique, une telle opportunité
est très appréciée car étant
en lien direct avec les matiè-
res qui leur sont enseignées.
Voilà donc une bonne ma-
nière pour NAV Canada de
se faire connaître auprès de
la jeune génération, d’autant
plus que l’entreprise engage
régulièrement des finissants
de l’ÉNA.

Il faudra maintenant atten-


dre environ six mois avant
de revoir un avion de NAV
Canada venir effectuer l’ins-
pection en vol de l’ILS de la
piste 24 droite de l’aéroport
de Saint-Hubert.

Les trois avions de l’Inspection en vol de NAV Canada, ainsi


que leurs équipages, jouent un rôle capital en matière de sé-
curité aérienne (Pierre Gillard). Pour leur excellente collaboration,
l’auteur tient à remercier très cha-
des équipements modernes bert, une fois celle-ci ache- leureusement messieurs Eric Gar-
qui sont installés aux aéro- vée vers 10h15, l’avion s’est neau, Inspecteur en vol, Jérémie
Alexander-Brunelle, Technicien
ports  ». Bien évidemment, rendu à l’École nationale
du département des opérations
une telle opération a un coût d’aérotechnique où il s’est techniques, Joseph N. Grubesic,
et, comme toute bonne en- stationné durant deux bon- Gestionnaire des opérations en
treprise, NAV Canada essaie nes heures afin que tous les vol, ainsi que l’équipage du CRJ-
de les contrôler. Ainsi, par étudiants intéressés puis- 200 C-GNVC : les capitaines Dave
Lindal et Rod Kreiger ainsi que les
exemple, une fois l’inspec- sent le visiter et obtenir des
inspecteurs en vol Sean McMa-
tion terminée à Saint-Hu- explications à sont sujet. hon et Richard Danielewski. Merci
bert, l’avion et le technicien Tout particulièrement pour aussi à Michel Beaudoin, Directeur
Jérémie Alexander-Brunelle ceux du programme d’avio- général de l’aéroport.
se sont rendus à l’aéroport
de Dorval pour en effec-
tuer une autre. Souvent,
d’ailleurs, une équipe part
pour plusieurs jours d’affilée
afin de contrôler l’ensemble
des aides à la radionaviga-
tion de toute une région du
Canada sans revenir à Ot-
tawa. Sept-Îles et St Johns
ont ainsi été les destinations
suivantes pour NVC2 après
Montréal.

Particularité de cette inspec- Quelles que soient les conditions atmosphériques, un ILS fia-
tion effectuée à Saint-Hu- ble permettra des approches en toute sécurité (Pierre Gillard).

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