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PÉDAGOGIE

Travailler
« Jésus, que ma
joie demeure… »
Il s’agit d’une transcription pour piano du célèbre choral de la cantate de Bach
BWV 147 pour chœur et orchestre. « Jésus, que ma joie demeure » est sans doute,
malgré sa brièveté, l’une des pièces les plus belles, les plus ferventes et les plus
célèbres de toute la musique occidentale. Cette mélodie fut l’objet, du temps même
de Bach, de reprises et de transcriptions. Alexandre Sorel nous propose ici de
travailler la version réalisée par la pianiste britannique Myra Hess.
DR
DR

C
omment parler de ce chef-d’œuvre qui Histoire de ce choral
évoque la faiblesse fondamentale de
l’homme face à la vie, la fragilité de son Ce choral est extrait de la cantate BWV147 intitulée
bonheur et, pour les croyants comme “Herz und Mund und Tat und Leben” (Le cœur, et la
Jean-Sébastien Bach, la consolation qu’il bouche, et les actes, et la vie), l’une de ces cantates que
peut chercher dans la foi ? La version pour piano Bach composait chaque dimanche pour le culte protes-
qu’en réalisa la pianiste britannique Dame Myra tant. Il l’écrivit à Weimar pour le quatrième dimanche
Hess est particulièrement émouvante. Si elle a séduit de l’Avent, en 1716. Elle devint ensuite une cantate
nombre de concertistes qui aiment à la jouer en bis, pour célébrer la Visitation de la Vierge et fut exécutée
elle reste accessible au pianiste amateur. pour la première fois à Leipzig le 2 juillet 1723.

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Exemple 1a : mélodie de « Jésus que ma joie demeure », deuxième motif (Cantando il tenore, mesure 9)

Exemple 1b : main droite du Prélude n° 3 du Clavier bien tempéré de Bach (éd. Gilles Cantagrel)

Exemple 1c : choral « Jésu meiner Seelen Wonne » de Jahn (éd. Gilles Cantagrel)

1. Gilles Cantagrel, La mélodie existait déjà, sous forme d’un hymne à piano n’est-il pas là pour tenter d’imiter l’orchestre,
Le Moulin et la Rivière, quatre temps : « Werde munter, mein Gemüthe », écrit et même la voix ? De nombreuses versions sont dispo-
Paris, Fayard, 1999,
p. 221 vers 1642 par un certain Johann Schop, violoniste de nibles. J’avoue personnellement avoir une passion
2. Avec Dietrich Fischer- son état. Bach en avait eu très probablement connais- pour les enregistrements des cantates de Bach par
Dieskau, Edith Mathis, sance et, en un sens, il en fit déjà lui-même une trans- Karl Richter2.
Anna Reynols, Hertha
Töpper, Peter
cription : il transforma la mesure à quatre temps en Le thème du choral revient deux fois dans cette can-
Schreier…, Münchener mesure à trois temps, puis il l’harmonisa pour chœur. tate. Il intervient tout d’abord à la sixième place dans
Bach Orchester Enfin, il doubla la mélodie à la trompette. la succession des morceaux, succédant à une sublime
(Archiv Production).
Karl Richter fut
Pour nous, pianistes, il est encore intéressant de aria de soprano. Voici ce que chante alors le chœur :
organiste à la remarquer, comme le souligne Gilles Cantagrel dans « Wohl mir, dass ich Jesum habe » :
Thomaskirche de son grand ouvrage sur Bach, Le Moulin et la Rivière1, Dieu soit loué, Jésus est à moi /
Leipzig, là où Bach
la similitude entre le deuxième thème mélodique de O, comme je vais le garder bien à moi /
lui-même avait travaillé
pendant près « Jésus, que ma joie demeure » et le Prélude en ut pour qu’il désaltère mon cœur /
d’un quart de siècle. dièse majeur, n° 3, du premier livre du Clavier bien lorsque je suis triste et malade. / …
Sans doute est-ce tempéré. (exemples 1a et 1b)
cela qui confère à cet
interprète une grande On peut encore rapprocher ce prélude lui-même Ce même choral réapparaît une deuxième fois tout à
authenticité et fait de d’une autre mélodie chorale, plus ancienne, compo- la fin de la cantate, avec des paroles un peu diffé-
ses enregistrements sée cette fois par un certain Martin Jahn (1661) : rentes. De celles-ci provient le titre qui a rendu si
des chefs-d’œuvre.
« Jesu meiner Seelen Wonne ». (exemple 1c) célèbre ce choral : « Jesus bleibet meine Freude » :
Comme on le voit, la transcription ou retranscription Jésus, que ma joie demeure, /
d’une mélodie déjà existante a toujours été une pra- Consolation et vigueur dans mon cœur /
tique courante. Bach a notamment transcrit pour Jésus protège-moi contre toutes les misères /
orgue maints concertos de Vivaldi pour lesquels il se Tu es la force de ma vie /
passionnait. De mes yeux, tu es le plaisir et le soleil /
Même si notre propos est principalement dirigé vers Le trésor et les délices de mon âme /
la transcription pour piano de ce choral, il importe Jamais, Jésus, je ne te délaisserai /
avant toute chose d’écouter la cantate elle-même. Le Ni ne te chasserai de mon cœur et de mes yeux.

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Extraits de la partition
d’orchestre
reproduits avec
l’aimable autorisation
des éditions
Breitkopf & Härtel,
Wiesbaden.

Exemple 2a : partition d’orchestre : le premier thème exposé au premier violon

La transcription de Myra Hess


Voyons maintenant comme étudier cette pièce, qui l’assemblée humaine. Il est entonné par tout le chœur 3. Johann Sebastian
est loin d’être facile, dans sa transcription pour piano et doublé à la trompette. Ce contraste d’instrumenta- Bach für Klavier
übertragen
seul effectuée par Myra Hess en 1926. C’est de cette tion contribue à nous donner un sentiment de pléni- von Wilhelm Kempff,
transcription que le grand pianiste roumain Dinu tude. Musicalement, tout se passe comme si, au 1938/Bote & Bock,
Lipatti avait fait son bis favori, et l’on dit même qu’il début, une voix descendait du ciel ; nous sommes ber- 1996, Berlin B & B
20437 (93).
n’a jamais cessé d’y travailler toute sa vie. cés par la mélodie des violons, puis nous voilà saisis
Notons au passage que Wilhelm Kempf a réalisé lui-
même une transcription un peu différente du même
choral3 ; cependant, cette dernière est à mon avis MYRA HESS (1890-1965)
beaucoup plus compliquée et moins pianistique, sans
pour autant rendre un meilleur effet. Née à Londres, elle commence le piano à l’âge de
Bien sûr, l’idéal serait de se procurer la partition com- 5 ans, avant d’entrer à la Guildhall School deux ans
plète pour chœur et orchestre. En effet, ce “conduc- plus tard, puis de rejoindre l’Académie royale de
teur” en main, on distingue aisément comment Bach musique. Elle débute en 1907 dans le Concerto n° 4
a orchestré les parties et chacun des thèmes. Outre la de Beethoven, sous la direction de Thomas Beecham,
jouissance musicale, cela permet d’imaginer les avec un succès qui lui ouvre la porte des grands
diverses sonorités, les couleurs et les timbres qu’il orchestres européens. A partir de 1922, elle fera de
faut rechercher en jouant cette pièce au piano. nombreuses tournées aux Etats-Unis et au Canada.
Pendant la guerre, pour soutenir le moral des Londo-
Dans l’instrumentation même de la cantate, les deux niens, elle organisera quelque 1 700 “lunchtime
thèmes de ce choral sont bien contrastés : concerts” à la National Gallery (les salles de specta-
Le premier thème est exprimé par les premiers violons et cle étaient fermées). Cela lui vaudra d’être faite Dame
le hautbois (Oboi col Violino 1), accompagné par les Commandeur de l’Empire britannique. Son vaste
deuxièmes violons et les altos. Ce thème représente, répertoire comptait aussi bien des œuvres de Scarlatti,
à mon sens, la voix divine. Elle n’est que douceur, Bach, Mozart, Beethoven, Schumann que des compo-
presque immatérielle. (exemple 2a) siteurs britanniques de son temps.
Le deuxième thème, bien séparé du premier, représente

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| Deuxième thème

Exemple 2b : partition d’orchestre : mesures nos 8 à 12, 2e thème entonné par le chœur

quand le chœur intervient : l’homme confie ses peines C’est précisément parce que la forme de cette musique
au Très-Haut. Celui-ci le console et répond à nouveau est absolument parfaite, que le sens s'impose, que notre
par la suavité des cordes. Voilà l’effet orchestral dont “joie” peut “demeurer”. En vérité, l’esprit et la forme,
s’efforce de rendre compte la transcription. (exemple ce sont là deux orientations majeures pour comprendre
2b) une œuvre d’art, quelle qu’elle soit.

Par ailleurs, on voit que la basse, dans la version pour Dans un film passionnant tourné par Bruno Monsain-
4. Nadia Boulanger, piano, correspond exactement au continuo de la ver- geon4, Nadia Boulanger, l’une des plus grandes péda-
Mademoiselle de Bruno sion orchestrée. Le fait de consulter cette partition de gogues du 20e siècle, déclare à ses élèves : « Si vous
Monsaingeon, 1977
(DVD Medici Arts). conducteur permet de bien visualiser cette basse. êtes exécutant et que vous jouez en toute honnêteté,
non pas pour vous exprimer vous-même, mais pour
Ainsi, la première chose à faire pour apprendre ce exprimer l’œuvre – non pas pour dire “ma” sonate de
choral est, comme toujours, d’avoir une vision d’en- Beethoven, “mon” scherzo de Chopin, mais : “Le
semble de cette pièce. Commencez par mettre des Scherzo”… (D’ailleurs, il n’est même pas de Chopin,
numéros aux mesures, car la partition de Myra Hess ce scherzo : disons plutôt : “il a été donné à Chopin”
n’en comporte pas. Déchiffrez-la plusieurs fois en d’écrire un morceau qui n’a plus besoin de Chopin
entier et efforcez-vous d’en comprendre le plan géné- pour être un chef-d’œuvre) –… alors, si vous jouez
ral, d’en dégager la forme. ainsi, c’est tellement beau ! Le morceau n’a plus
Identifiez ces deux thèmes que nous venons d’évoquer. besoin de l’exécutant, il n’a plus besoin de l’auditeur.
Il importe en effet de nous demander par quels moyens Il n’a plus besoin de rien, il est dans l’air, comme res-
musicaux concrets Bach exprime sa foi inébranlable et plendissant de lumière. » Voilà une façon magistrale
cette certitude que Dieu va lui répondre. La réponse d’aborder une œuvre. Ce choral est si logique en lui-
me paraît évidente: c’est à travers la perfection absolue même, si beau, qu’il n’a besoin de personne, il existe
de la forme. C’est la logique de ce discours, parfaite- dans l’éternité. A nous d’aller seulement à sa rencon-
ment symétrique avec ses deux motifs distincts (l’un ins- tre, de l’aborder tel qu’il est. La première chose à
trumental, l’autre choral), qui comble notre esprit. faire est donc de décrypter sa logique.

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Partition de “Jesus,
Joy of Man’s
Desiring” de
Jean-Sébastien Bach,
arrangée pour piano
seul par Myra Hess.
© Oxford University
Press, 1926.
Extraits reproduits
avec l’aimable
degré VI
note de (passage) = nouveau autorisation
de l’éditeur
(tous droits réservés)

puis
cadence IV (passage) V I

Exemple 3 : mesures 5 à 8

Première partie dans une phrase qui commence à l’identique, puis qui
bifurque légèrement, comme c’est le cas ici, il consiste
Nous avons souligné qu’il y a deux thèmes principaux à griser au crayon ce qui a déjà été joué précédem-
dans ce choral. ment, et à ne laisser en clair que les notes nouvelles.
C’est une démarche de pure réflexion ; elle est très
utile car nous évitons ainsi, tant que l’image musicale
LE PREMIER THÈME n’est pas parfaite, de prendre de mauvaises habitudes
Le premier thème s’enroule autour de l’accord de sol avec les doigts. (exemple 3)
majeur et monte, marche par marche, jusqu’au sol aigu.
Il se décompose lui-même en deux fragments distincts. Les notes grisées étaient déjà présentes dans le pre-
Le premier fragment, mesures 1 à 4, “ouvre la mier fragment. Seules apparaissent ici en clair les
musique”. Il se suspend sur l’harmonie de dominante, notes et harmonies nouvelles, qui font évoluer la
qui est, comme chacun sait, synonyme de question, de composition. Cela aide à apprendre.
suspension et d’interrogation: «Seigneur, m’entendez-
vous?» ➜ Lorsque vous êtes dans la première phase
Le second fragment, mesures 5 à 8, varie un peu afin d’apprentissage, surtout pour la musique
de nous ramener tout simplement à une “fermeture”, de Bach, qui procède d’une architecture
à la tonique bien assurée. Voilà ce qui, dès ce début, parfaitement logique, repérez d’abord
nous donne déjà un premier sentiment de parcours la construction sans jouer. Lorsque
achevé et de perfection, et donc de joie intérieure. des thèmes se répètent, puis changent,
Il n’y a qu’un seul moyen pour apprendre ce passage grisez au crayon ce qui a déjà été exposé
intelligemment, c’est de repérer exactement les notes et ne laissez en clair que ce qui est nouveau.
qui changent entre la première et la seconde partie de La mémoire de construction devient aussi
ce motif. Il faut ensuite les intégrer dans notre oreille visuelle : ce qui est nouveau vous saute
et dans les réflexes de nos doigts : remarquez bien aux yeux…
que, lorsque le thème s’élance pour la seconde fois, la
mélodie est d’abord identique, mais l’harmonie Comment jouer ce motif ?
devient sensiblement différente : les degrés qui sou-
tiennent la mélodie changent. Par exemple, le sixième A. Apprenez bien la voix médiane
degré de la gamme intervient plus tôt. Cela nous Maintenant, pour jouer cette main droite (et non plus
conduit vers la cadence. simplement pour penser la musique dans la tête), il
Il est indispensable d’analyser tout cela avec soin. est indispensable de savoir chanter parfaitement, non
D’ordinaire, il est bon d’effectuer ce premier travail : seulement le chant principal, mais aussi la voix inter-

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Exemple 4a : la voix médiane

Exemple 4b : version orchestre : la partie de 2e violon mesures 1 à 5

médiaire. Ce n’est pas si facile, car cette ligne inter- B. Rythme des harmonies
médiaire est bien dissimulée au sein de la main Cependant, lorsque l’on fait coïncider cette voix
droite, enchevêtrée sous le thème principal. Autre- médiane avec le thème principal, que constatons-
ment dit, chantez ce contrepoint. Non seulement c’est nous ? Cela produit des rencontres de lignes, des ren-
indispensable à la mémorisation, mais de plus, pour- contres verticales de notes. C’est le principe du
quoi s’en priver, c’est tellement beau ! Chantez et contrepoint. Réfléchissez à ces notes qui tombent
chantez encore sans vous lasser toutes les voix tour à ensemble, et même à ces harmonies, et écoutez-les
tour, et en particulier cette voix médiane, sinon vous bien. Sont-elles consonantes ? Dissonantes ? Vous
ne pourrez jamais jouer ce morceau sans vous trom- verrez en tout cas que cela forme des accords, des
per. Ecoutez aussi le disque de la cantate pour l’en- harmonies, qui surviennent selon un rythme très
tendre. (exemple 4a) régulier et infiniment tendre : une harmonie qui dure
Si vous disposez de la partition pour orchestre, vous une noire, suivie d’une harmonie qui ne dure qu’une
remarquerez que cette partie interne de la main croche… et de nouveau une harmonie pendant une
droite de la version pour piano correspond note pour noire, suivie d’une harmonie pendant une croche.
note à la partie de second violon. Cela vous aidera Mettez-vous dans l’oreille la succession de ces harmo-
beaucoup. Voici cette partie de second violon, telle nies avec son doux balancement. N’hésitez pas à répé-
qu’elle apparaît dans le conducteur. (exemple 4b) ter plusieurs fois de suite verticalement ces rencontres
Repérez aussi et apprenez bien les doigtés de cette de notes. Jouez-les de haut en bas, en écoutant la par-
voix du milieu. Comme on le constate, ce n’est pas faite synchronisation, et en pensant que vous tombez
facile de la jouer legato, puisque des notes différentes dans les notes bien perpendiculairement au clavier.
sont jouées successivement par le 2e doigt, plusieurs Tout cela vous permettra de vous “mettre dans les
fois de suite. La solution, encore une fois, est dans la doigts” les harmonies et vous aidera beaucoup pour
pratique du chant, qui permet d’imaginer, puis de apprendre.
bien dessiner la courbe de la phrase.
Enfin, analysez et écoutez cette partie médiane de la C. La synthèse
main droite pour voir exactement où elle change. Com- Nous voici amenés tout naturellement à ce principe
parez la dernière croche de la mesure 2 et la dernière dont j’ai parlé souvent, et qui me paraît constituer un
croche de la mesure “homologue”, la mesure 6 : on principe général de technique du piano : l’une des
constate que cette partie médiane change elle aussi ; grandes difficultés de notre art musical est qu’il faut
elle contribue à faire avancer la musique (voir dans savoir maîtriser notre jeu horizontalement autant que
l’exemple 3). Anticiper la musique s’apprend de cette verticalement. Cela est d’ailleurs particulièrement
façon, en décryptant la logique. Enfin, jouez la main nécessaire dans la musique de Bach, qui allie harmo-
droite toute seule, tout en chantant cette voix du milieu. nie et contrepoint.
En résumé, ne brûlez surtout pas l’étape qui consiste Cette mélodie de « Jésus, que ma joie demeure » est
à bien apprendre la voix de l’alto. très célèbre ; c’est donc tout naturellement que nous

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avons envie de la faire chanter sous nos doigts. Elle D. La basse et les cadences
dessine une belle courbe linéaire qui se déroule La basse a aussi dans ce choral une importance très
comme un paysage, s’élance un peu plus forte vers grande. C’est elle, en effet, qui indique les cadences
l’aigu, se relâche en retombant vers le grave, puis et les degrés de la gamme sur lesquels le thème s’ap-
repart… Tout cela est un déploiement horizontal de la puie. Ecoutons encore Nadia Boulanger : elle disait
musique. Sentir la mélodie est une faculté spontanée que l’essentiel, ce qui, de Bach à Ravel, permet de
chez une personne qui aime et ressent la musique. comprendre la construction de la musique, ce sont les
Cependant, et là est la difficulté, il ne faudrait surtout cadences. Apprenez donc bien par cœur vos
pas que cela se fasse au détriment de l’écoute harmo- cadences, et identifiez l’endroit où change la basse
nique, ni ne nous empêche d’entendre et de synchro- dans les deux fragments de phrase. Chantez-la sans
niser verticalement les harmonies… jamais vous lasser. Ecoutez la cantate spécialement
Pratiquement, malgré votre désir de faire chanter ce pour la partie de basse continue, dans laquelle vous
choral en dessinant une belle courbe mélodique, il faut sentirez les cadences. (On voit bien ici, à la faveur de
que les doigts accomplissent un minuscule mouvement cette réflexion sur une transcription, que ce qui
leur permettant de tomber verticalement sur chaque compte avant tout, c’est d’assimiler la musique elle-
première et troisième croche du temps, d’exécuter un même !)
imperceptible geste perpendiculaire par rapport au Voici la basse du continuo dans la version pour
clavier, cela afin de bien synchroniser les harmonies. orchestre. Elle est évidemment identique aux
octaves de main gauche dans la version pour piano.
➜ Particulièrement en jouant Bach (exemples 5a et 5b)
(mais c’est un principe général),
il faut contrôler la musique tout aussi bien Maintenant, voici quelques conseils musicaux pour
horizontalement (dessiner les mélodies) jouer cette basse :
que verticalement (dosage et – lancez cette basse en considérant que c’est une note
synchronisation des harmonies). longue (plus longue que les croches du chant),
sachant que, au piano, les sons commencent à s’étein-
C’est physiquement une double préoccupation. N’ou- dre aussitôt émis. On doit donc percevoir la réso-
bliez jamais qu’une interprétation est affreuse si elle nance de chaque basse jusqu’à la basse suivante. C’est
n’est pas “chantante”: un jeu trop vertical n’est évidem- la condition pour percevoir cette ligne de basse
ment pas satisfaisant. A l’inverse, un jeu pris en défaut “continue” à l’oreille ;
d’harmonie, désynchronisé verticalement, est tout aussi – il faut aussi, évidemment, phraser cette ligne de
préjudiciable à la richesse sonore, mais aussi à la coor- basse. La basse est en octaves ; or des octaves, ce sont
dination, aux réflexes et à la technique. C’est à cette deux notes qui doivent être jouées bien ensemble,
double exigence que nous devons souscrire. donc avec un soupçon de verticalité ! Et pourtant, il

Exemple 5a : version pour orchestre : basso continuo, mesures 1 à 8

Exemple 5b : basse de la version pour piano

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Exemple 6 : mesures 9 à 12 de la version pour piano

faut évidemment dessiner la courbe de cette basse, la devons le jouer avec le pouce de la main gauche.
nuancer (horizontalement). N’est-ce pas une illustra- Mais il ne suffit pas de le savoir ! Ce n’est pas si facile
tion de ce que nous venons de dire sur la double exi- que cela de le faire sonner ! (exemple 6)
gence de verticalité et d’horizontalité ? Encore une
fois, voilà l’une des difficultés du piano ; Faites-le sonner en mettant le poids sur le pouce, en
atténuant les autres parties, enfin en le faisant émer-
➜ Suivez la prolongation du son ger par contraste avec un début du morceau suffisam-
de vos basses, quand elles sont ment piano. Voyons cela.
des notes longues. Ne les laissez Comment parvenir à faire sonner ce thème au ténor
pas disparaître de votre oreille. pour qu’il ressorte avec évidence ? Comment imiter
La basse doit aussi être nuancée, la cantate, suggérer cette masse des fidèles qui
elle doit dessiner une courbe de chant. entonne d’une seule voix son chant vers Dieu ?
Vous commencerez probablement par écouter cent
– enfin, mettez des doigtés qui permettent de substi- fois Dinu Lipatti pour savoir comment il fait pour
tuer, et donc de lier cette basse au maximum. On ne faire sonner si incroyablement ce passage. Cela paraît
fait jamais assez attention aux doigtés de la main si simple, quand on écoute ce grand pianiste ! Vous
gauche. Fixer et respecter scrupuleusement les vrais poursuivrez sans doute en essayant d’imiter sa sono-
doigtés de main gauche est déterminant pour appren- rité. Après mille essais infructueux, vous en viendriez
dre un morceau. peut-être à maudire votre pouce gauche, votre piano,
la transcription de Myra Hess, Dinu Lipatti… Mais
n’en faites rien !
L’une des premières choses à faire est de prendre
LE DEUXIÈME THÈME conscience du contraste entre ces deux éléments du
Le deuxième thème, à partir de la mesure 9, est l’en- choral. C’est très concret; il faut anticiper la nuance en
droit où, dans la cantate, intervient le chœur. Après jouant vraiment très piano le début du choral, mesures
avoir écouté la voix de Dieu jouée par les violons, l’as- 1 à 8 (joué doucement par les cordes dans la cantate).
semblée des hommes prend la parole. Le chœur des Le présent thème, mesure 9, joué avec le pouce gauche
fidèles entonne sa supplique grandiose, et il demande et noté « cantando il tenore », ressortira alors de lui-
à Dieu que sa joie demeure. même, sans forcer, par contraste avec le début. Jouer
Dans la transcription de Myra Hess, ce deuxième doucement au début, c’est là une condition indispen-
thème apparaît pour la première fois au ténor ; nous sable pour que le présent thème puisse émerger sans

Exemple 7 : mesures 12 et 13, une pause dans le discours : le premier thème, en triolets, continue tout seul.

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Exemple 8 : mesures 14 à 16. La voix divine (croches en triolets) soutient le discours de l’homme (les noires et les blanches).

effort, dans la nuance mf. Tout est contraste! Nous avons vu que le premier thème comprenait
Si l’on commence en jouant trop fort les mesures 1 à deux parties.
8, il devient impossible de faire sonner le second Le deuxième thème, à partir de la mesure 9, cantando
thème sans s’acharner inconsidérément. Certes, nous il tenore, en comprend deux également. Comme le
cherchons à jouer plus fort que le début, mais cela premier thème, cette seconde idée est d’abord suspen-
mène immanquablement à saturer le son, à se crisper, due sur son harmonie dominante : l’homme se plaint
tout cela pour un résultat peu satisfaisant. d’abord de sa voix grave et vibrante : si-do, ré-ré, do-si,
Voilà ce qu’il faut faire : anticiper votre nuance et la… Il semble exposer ses malheurs. La première par-
construire votre interprétation. tie de ce discours de l’homme va jusqu’au la.
L’autre moyen pour faire sonner ce deuxième thème au Puis, tout se passe comme si, avant de reprendre le
pouce gauche, c’est évidemment d’agir sur les strates second fragment de sa phrase, l’homme s’interrom-
verticales, sur les “plans sonores”. Il faut jouer très pait un instant pour écouter la voix de Dieu (la voix
doucement les autres parties et centrer votre poids divine exprimée par les croches) qui le console. Le
sur le pouce gauche. Sentez votre pouce avec la plus thème comprend alors une vraie pause en son milieu.
large surface possible du doigt. N’hésitez pas, même, (exemple 7, page précédente)
à sentir le contact avec la touche de la partie osseuse
du pouce, sur l’os, là où s’articule sa dernière pha- L’homme reprendra ensuite la fin de l’exposé de ses
lange. Mais surtout : écoutez-vous ! Maints essais sont malheurs.
nécessaires pour faire émerger le chant de ce thème Pour faire sentir ce dialogue, il est ici très important
d’une façon évidente et grandiose. Il faut chercher de savoir réaliser ce que l’on pourrait appeler “des
beaucoup : Dinu Lipatti lui-même n’a cessé de tra- plans sonores dans la durée” : jouez fort le chant
vailler ce choral ! jusqu’au la (2e temps de la mesure 12), ensuite, immé-
diatement et jusqu’au premier temps de la mesure 14,
➜ Dans la musique, tout est contraste. atténuez beaucoup le son, afin que les croches appa-
Une note n’est pas toujours forte raissent lointaines, comme venues du ciel. Il ne faut
ou douce en elle-même, pas les mettre sur le même plan sonore, elles doivent
mais elle l’estpar contraste sembler venir du fond des limbes. Il faut réagir très
avec ce qui la suit et ce qui la précède… vite et vraiment “changer de registre”, comme si l’on
Tout est relatif. C’est cela, construire actionnait une tirette à l’orgue.
votre interprétation. Dans la deuxième partie de cette phrase (mesure 14),
les deux thèmes seront exposés ensemble : l’homme

Exemple 9 : mesures 15 et 16. Attention pour la mémoire ! la partie d’alto diffère du début.
Anticiper bien mentalement afin de ne pas vous tromper.

Attention !
sol !

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Exemple 10 : mesures 24 à 27

(les blanches et noires) reprend la parole, mais il “bifurcation” de la musique: au deuxième temps de la
n’est plus seul : Dieu l’accompagne (les croches en mesure 2, la partie médiane de la main droite faisait
triolets) et parle avec lui pour le consoler. La joie de entendre un si, que nous jouions avec le deuxième
l’homme peut demeurer, car le Père céleste marche à doigt.
ses côtés… (exemple 8, page précédente) Ici, mesure 15, lorsque le motif en croches et le motif
en noires jouent ensemble, au deuxième temps, la
➜ Les plans sonores sont une donnée partie médiane va changer. Cette fois, elle redescend
essentielle d’une bonne interprétation. vers le grave : sol-fa-mi, et c’est ce qui va permettre
Mais il n’y a pas que des plans sonores d’effectuer la cadence. Faites très attention à bien
à réaliser pour des notes jouées en même mémoriser le changement !
temps. Parfois, il faut réaliser des plans Si vous ratez cette bifurcation, vous risquez de tourner
sonores dans la durée. Cela consiste en rond, de ne plus savoir où vous en êtes et de vous
à jouer assez fort un passage, puis, tromper ! Il faut faire spécialement attention à ce
à la suite, un passage transitoire changement. On ne le perçoit pas facilement, car il est
beaucoup plus doucement. à une partie secondaire. (exemple 9, page précédente)
Enfin, on reprend la suite de l’idée première
au niveau sonore où elle avait commencé.

Attention, mémoire : Deuxième partie


surveillez la partie médiane !
Mesure 17, nous sommes arrivés au deuxième volet
Je conseille, pour la mémoire, de faire tout spéciale- de ce choral, à sa deuxième grande partie (mesures
ment attention à une note en particulier à la partie 17 à 31). En effet, dans toute la première partie, Bach
médiane de la main droite (alto), qui indique une a exposé ces deux éléments que nous avons donc

Exemple 11: mes.40 à 43:


“Thème de l’homme”, pensez: en la mineur avec sol dièse et fa bécarre. Faites des plans sonores dans la durée.

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appelés la Voix divine et le Thème de l’homme (à la mineur ». Dites-vous : « Il y a le sol dièse, note sensible,
voix de ténor) ; il les a aussi combinés ensemble. et aussi le fa dièse (gamme mélodique ascendante), ou
A partir d’ici, mesure 17, Bach reprend les mêmes le fa bécarre (gamme mélodique descendante). »
éléments et la même construction. C’est le deuxième Ensuite, naturellement, vous ne penserez plus à tout
grand volet de la pièce. cela, vous ne penserez plus aux notes, mais aux sons, à
Dites-vous donc bien, intérieurement : « Deuxième façonner chaque note. Cette étape est cependant
fois » ou : « Deuxième grande partie ». indispensable. (exemple 11, page précédente)
Il est très important de savoir où l’on en est, car ce
choral de Bach est difficile pour la mémoire, pour la Faire chanter cette nouvelle présentation du thème
raison que Bach reprend maintes fois les deux mêmes n’est pas spécialement facile, singulièrement parce
motifs ! Ce qui est génial, c’est la façon dont il déve- que ce thème est ici partagé entre les deux mains.
loppe, retravaille ces deux thèmes, les dispose l’un Comment faire pour le jouer ?
avec l’autre. Pour retenir cette pièce, il faut donc
absolument connaître la construction générale, savoir A. D’abord, faites très attention à vos doigtés.
où recommence chaque partie.
Quant à ce développement du thème, je ne peux B. En deuxième lieu, il ne faut pas hésiter à jouer assez
m’empêcher de citer Nadia Boulanger rapportant ce fort ce thème afin que ses notes ne meurent pas. Faites
propos de Paul Valéry : « Les dieux nous donnent gra- aussi très attention à ne pas écraser la basse, afin
cieusement le premier vers. Ce qui est difficile c’est qu’elle ne vienne pas “dévorer” le chant. C’est un
d’écrire les vers qui seront dignes de leur frère surna- grand travail que de doser cela.
turel »…
Chaque note de Bach, n’en doutons pas, est évidem- C. Ensuite, et cela va de pair, mais c’est le plus impor-
ment « digne de ses frères et sœurs surnaturels… ». tant: mettez en pratique ce que nous avons appris sur
Ici, ce qui change par rapport à la première grande les plans sonores dans la durée. Voici un endroit où
partie apparaît facilement : la voix de l’homme (en c’est particulièrement indispensable. Pour faire sonner
blanches et noires) est jouée maintenant à la partie le chant dans sa continuité, il faut se concentrer beau-
supérieure, la plus aiguë (cantando il soprano). coup (avec l’oreille et avec la sensation), pour dimi-
(exemple 10) nuer les notes qui suivent le do blanche, mesure 41
(voir exemple 11). Si vous jouez ce deuxième temps de
Réfléchissez donc à l’architecture de tout cela et à la la mesure 41 trop fort, tout est perdu. Ce deuxième
symétrie. Avez-vous vu, par exemple, que cette temps est malheureusement bien fourni: il comprend
deuxième grande partie (qui va jusqu’à la mesure 32) trois voix à atténuer : la basse, la partie en triolets et
ne comprend que quinze mesures au lieu de seize ? enfin la partie médiane. Cela fait beaucoup de notes à
Cherchez la mesure qui manque5 ! jouer doucement (voir exemple 11) ! Le même pro- 5. Il manque
blème se pose, bien entendu, mesure 42 : entre le si la mesure en arpège,
qui était juste avant
Rappelons qu’il faut penser aux plans sonores et à noire pointée et les deux doubles croches qui le sui- “cantando il tenore”
la verticalité pour tomber dans les notes de ce vent; il faut beaucoup s’exercer pour arriver à atténuer et qui n’est pas ici avant
chant. Le vrai legato, le vrai cantabile ne peut se ce qui est en dessous. “cantando il soprano”.
faire par un legato réel (ici impossible puisque l’on
doit utiliser plusieurs fois de suite le même doigt, le D. En troisième lieu, réfléchissez et apprenez soigneu-
5e doigt), mais par le dosage de chaque note au sein sement l’utilisation de la pédale. On ne peut pas tou-
de la phrase, par le dessin de la courbe musicale jours tenir avec le doigt ! Voyez mesure 42 : entre le
d’intensité. premier et le deuxième temps, entre la basse ré, puis la
basse si, on ne peut pas garder le doigt. En revanche,
cela fait aussi un peu trop fouillis si l’on garde totale-
ment la pédale. La seule solution est de changer une
Troisième partie demi-pédale ! Voilà un subtil travail d’oreille, mais
c’est ce genre de choses qui fait toute la différence
Modulation entre le jeu d’un vrai pianiste et celui d’un musicien
inexpérimenté.
Le troisième grand volet commence mesure 32. Ce
qui change, c’est que le thème en blanches et noires E. Enfin, un dernier problème : faites attention à votre
(Thème de l’homme, mesure 40) va moduler, nous “4 pour 3” mesure 42. Il est particulièrement délicat
emmener dans un autre ton, une autre couleur de sen- à réaliser par le fait que le deuxième temps du chant
timent. Cette nouvelle confidence à Dieu prend un n’est pas vraiment joué, mais occupé par une note qui
tour plus tragique puisqu’elle s’expose désormais en se prolonge. Il n’est pas facile de savoir quand il faut
la mineur. Pensez bien en vous-même ces mots : « la démarrer le 4 pour 3 !

PIANO n° 25 • 2011-2012 • 57
PÉDAGOGIE

5 4 5 4 5 4 2 5 3
3

Exemple 12 : mesures 46 (dernier temps) à 48. Doigtés proposés.

Personnellement, je trouve que de mettre trois fois le d’un trait, d’un dessin, d’une mélodie. Il ne doit man-
pouce sur do-ré-si (doubles croches, noire) aide à réa- quer aucune note parmi les notes les plus aiguës (que
liser ce rythme et à faire sonner ce chant. ce soit à votre main droite, dont le petit doigt est par-
Appliquez cette façon d’étudier au passage qui suit, ticulièrement sollicité, ou qu’il s’agisse des notes
qui nous conduit en do majeur. Je propose ici les aiguës de votre main gauche, jouées par le pouce).
doigtés (exemple 12). C’est aussi cela qui rend possible de jouer les parties
intermédiaires. Pensez-y : ne jamais laisser échapper
L’apothéose du choral. Dieu et l’homme les notes les plus aiguës à l’oreille, et vous constate-
rez que cela vous fera beaucoup progresser. Pour y
Mesures 52 à 59, nous sommes revenus de façon mer- parvenir, ne vous affaissez jamais sur votre petit
veilleusement rassurante au ton principal. Les deux doigt. Tâchez de conserver toujours un minimum de
thèmes sont superposés depuis le début de ce pas- hauteur de main sous votre cinquième doigt. Cette
sage, exposés en contrepoint. La voix divine et celle hauteur sous le cinquième doigt est en quelque sorte
de l’homme chantent enfin complètement ensemble. la caisse de résonance de votre main au piano.
Un même principe d’écriture, une superposition des
thèmes, sera repris par d’autres compositeurs, par Que dire de plus sur cette musique ? La musique
exemple par César Franck dans Prélude, Choral et n’est-elle pas là justement pour remplacer les mots ?
Fugue – Franck, cet autre grand croyant qui, à n’en La beauté qui est à l’œuvre ici est tout simplement
pas douter, s’est inspiré de Bach. transcendante. Elle s’exprime à travers la forme, ce
matériau en lui-même si parfait. Toutes les notes de
La coda. Les anges ce choral sont parfaitement à leur place, aucune ne
peut être changée.
Quant à la coda, ne pourrait-on dire qu’un troisième Dans cet ordre d’idées, nous ne pouvons que termi-
personnage y intervient ? Cette troisième figure, ce ner par cette phrase de Jean Cocteau : « Les bonnes
seraient les anges avec leurs trompettes, qui, du haut larmes ne sont pas tirées de nos yeux par une image
de l’Ether (tout ce passage doit être nimbé de pédale) triste, mais par le miracle d’un mot parfaitement mis
laissent retomber leur mélodie comme flocons de en place. » Quelle musique répondrait mieux que
neige : sol… fa bécarre… mi… ré… do… si. celle-ci à cette phrase ? Que de bonnes larmes ce
Comme toujours, dans votre travail de piano, veillez “Jésus que ma joie demeure” n’aura-t-il suscitées de
spécialement à doser vos notes aiguës, les plus aiguës par le monde ? Alexandre Sorel

RETROUVEZ LES “CONSEILS”


d’Alexandre Sorel dans les précédents numéros de la revue Piano
“5e Prélude” de Rachmaninov Piano 24 “Sonate n° 59” de Haydn Piano 19
“Suite espagnole” d’Albeniz Piano 23 “Estampes” de Debussy Piano 17
“Impromptu en la bémol” “Carnaval” de Schumann Piano 16
de Schubert Piano 22 “Sonate en la mineur” de Mozart Piano 15
“2e Rhapsodie” de Brahms Piano 21
“Jeux d’eau” de Ravel Piano 20 Pour en savoir plus : www.lalettredumusicien.fr

58 • PIANO n° 25 • 2011-2012

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