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Résumé
La recherche en management public a fréquemment mis l'accent sur les spécificités de celui-ci. Doit-on en déduire qu'il y a
aussi un contrôle de gestion spécifique au secteur public ? En fait, il apparaît que, face à une grande diversité de situations, le
contrôle de gestion propose des démarches et des outils ayant un caractère général ; il n'y a pas deux contrôles de gestion, l'un
public, l'autre privé ; dans chaque situation particulière, il s'agit, à partir d'un diagnostic de cette situation, d'effectuer un choix
dans la gamme d'outils et de démarches disponibles, d'adapter "sur mesure" cette solution aux spécificités du problème qui est
posé.
Demeestère René. Y-a-t-il une spécificité du contrôle de gestion dans le secteur public ?. In: Politiques et management public,
vol. 7, n° 4, 1989. Numéro spécial - Formation au management public. pp. 33-45;
doi : https://doi.org/10.3406/pomap.1989.2920
https://www.persee.fr/doc/pomap_0758-1726_1989_num_7_4_2920
René DEMEESTERE
* ESSEC.
Dans Le contrôle de gestion dans les organisations publiques, Ed. d'Organisation, 1980.
Sur la difficulté de l'application du concept d'objectif dans les administrations publiques," cf. la thèse de
Ph. HUSSENOT "Finalisation et contrôle de gestion des administrations publiques" Université de Paris
Dauphine, 1982.
L. LYNN, Managing The Public Business, Basic Books, 1981.
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Mais si l'on reprend chacun de ces critères, il en ressort également une très grande
diversité de situations au sein même du secteur public ; la demande de
management porte
"prêts-à-porter" ; il convient
sur des donc
démarches
d'accorder
"sur mesure"
une importance
et non pas
essentielle
sur desàsystèmes
la phase
de diagnostic de chaque situation spécifique avant d'élaborer actions de
changement et systèmes de management adaptés aux caractéristiques propres de
l'organisation considérée et de sa situation. A cet égard, la prise en compte des
critères que nous venons d'évoquer peut déjà fournir de premiers éléments
d'analyse, évitant ainsi de préconiser des transpositions trop hâtives de démarches
d'une entité à une autre.
Les méthodes de L'offre de contrôle de gestion porte sur un nombre limité d'outils, de concepts et
contrôle de de démarches : la comptabilité analytique, budgétaire, les tableaux de bord... Mais
gestion dans le ces outils généraux ont de nombreuses variantes St ne prennent leur sens que
secteur public lorsqu'ils sont conçus et adaptés à une utlisation bien précise, dans un contexte
donné.
Les méthodes d'analyse des coûts n'ont rien de spécifiquement public ou privé.
Par contre, elles se caractérisent par une grande diversité de finalités possibles
amenant à classer l'information comptable et économique selon un degré de détail,
une périodicité d'élaboration et des dimensions d'analyses très variées dans
l'espace (produit, service, fonction, client, projet, décision...) et dans le temps
(passé ou futur, annuel ou pluriannuel).
Parmi ces finalités, on peut distinguer :
1 Cf. A. WILDAVSKY, Rescuing policy analysis front PPBS, Public Administration Review, 29 March-April
1969, et J.C. THOENIG, L'analyse des politiques publiques, Chap. 2 du volume IV du Traité de Sciences
Politiques, PUF, et aussi J.C. THOENIG, Le management public et les exigences du réalisme, 1986.
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L'analyse des coûts des produits et prestations peut également être poursuivie
afin de contribuer à l'élaboration des politiques tarifaires ; ainsi, par exemple,
l'établissement de comptes d'exploitation par activité peut être conduit en liaison
avec la révision de la politique tarifaire de cette activité (par exemple, une
municipalité estimant qu'une activité industrielle ou commerciale à vocation à
équilibrer ses comptes, et s'attachant en conséquence à accroître ses tarifs et à
réduire ses coûts).
De même, le remboursement par une partie externe des coûts encourus par
l'organisation ou le souci de mettre en valeur les prestations effectuées (exemple :
travaux effectués par des ateliers municipaux pour des associations) peut amener à
en calculer le coût.
Afin de mieux cerner à un niveau central l'utilisation qui est faite des moyens, on
peut établir des comptes d'exploitation, regrouper les coûts par activité, service,
fonction, de façon à déceler les priorités implicites, simuler différentes évolutions
possibles, aider à la fixation de nouvelles priorités. Pour cela, il s'agit d'abord de
savoir "où va l'argent ?", d'où viennent les évolutions constatées ?".
2 Cf. P. GIBERT, op. cit. p. 102 et Ph. HUSSENOT, op. cit. p. 57 à 61.
3 Et des questions analogues se posent dans le secteur privé : l'analyse des pratiques budgétaires dans de grandes
"bureaucraties privées" (assurance, banque par exemple) montre l'existence d'analogies avec les pratiques du secteur
public ; la notion de centre de responsabilité dans la pleine acception du terme (cf. plus haut) n'y est pas toujours
très répandue.
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L'exemple des budgets de service des hôpitaux est également très caractéiristique
de cette démarche : création de centres de responsabilité découpés eux-mêmes
en unités d'activité ayant leurs unités d'oeuvre, mise en place parallèlement de
mesures d'activité qui seront complétées avec la mise en oeuvre des PMSI
(Programmes de Médicalisation des Systèmes d'Information), et de procédures
permettant les virements de crédits, souci de modifier les comportements, en
particulier par la diffusion de l'information sur les coûts et l'activité des services...
En matière de gestion budgétaire, on peut constater qu'il existe de nombreux
écarts entre les pratiques et le schéma supposé idéal de la gestion budgétaire
décentralisée par centres de responsabilité ; il n'en reste pas moins que les
démarches budgétaires évoluent de façon pragmatique. De tels changements
impliquent que l'on mène de pair :
1 Cf. par exemple, l'enquête de Ph. HUSSENOT et E. HACHMANIAN, Les contrôleurs de gestion des
organisations publiques. Institut de Management Public-FNEGE, 1985.
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Dans le cadre d'une gestion par centre de responsabilité, elle peut être affinée au
niveau de chaque centre et complétée par des imputations internes
s(comptabilisation de la paye, cessions internes) pour fournir un outil de maîtrise
des coûts.
Pour effectuer un diagnostic des coûts, une solution possible est de recourir à des
comparaisons ; ces comparaisons peuvent être menées vis-à-vis d'organismes
extérieurs ou entre entités comparables d'une même organisation (exemples : coût
des repas dans les cantines scolaires, coût des crèches familiales et des crèches
traditionnelles, coûts d'activités utilisant des locaux loués ou des locaux
construits...).
Soit par leurs coûts, ou plus simplement par une mesure des temps passés (comptabilité des heures).
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Ces analyses peuvent être menées à bien par une collecte spéciale d'information
ou par la mise en place d'une comptabilité analytique qui garantira une plus grande
rigueur dans la collecte de l'information. Cette dernière peut aussi avoir un coût de
mise en place non négligeable et ne justifiera son existence, en plus de la
comptabilité budgétaire destinée à suivre les coûts globalement par centre, que si
son intérêt est suffisamment prouvé tant pour le diagnostic des coûts, que pour
d'autres finalités : tarifications, suivi fin des coûts (gestion de projets, par exemple).
C'est une autre utilisation de l'analyse des coûts ; elle nécessite de raisonner sur
des coûts futurs, différentiels ; l'existence d'une comptabilité analytique peut
contribuer à faciliter ces évaluations en fournissant des éléments qui aideront à
chiffrer les solutions envisagées ; mais le calcul économique d'aide à la décision
nécessite que l'on apprécie l'ensemble des changements liés à cette décision.
Dans l'idéal, il s'appuie sur une modélisation des coûts, dont l'analyse en coûts
fixes-coûts variables est un exemple simple.
• L'aide à la planification
L'analyse des coûts peut là aussi contribuer à une meilleure planification : certaines
actions sont pluriannuelles (projets) ou ont des conséquences pluriannuelles
(coûts de fonctionnement induits par la réalisation d'un équipement). Leur
appréciation correcte est un élément important d'une planification financière à
moyen terme.
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L'analyse des coûts offre donc toute une gamme d'outils qui ne se limite pas à la
seule comptabilité analytique des prix de revient. Certains auteurs ont décelé une
tendance à mettre l'accent trop exclusivement sur celle-ci dans le secteur public 1;
notons qu'un débat, qui n'est pas sans analogie avec celui-ci, existe à l'heure
actuelle dans le secteur privé, où différents auteurs2 reprochent à la comptabilité
analytique traditionnelle de servir trop exclusivement le reporting financier (mesure
du résultat comptable) aux dépens des finalités d'aide à la prise de décision et de
suivi des performances des responsables, d'être trop orientée sur le passé et
insuffisamment sur le futur.
L'analyse des coûts n'est qu'un des aspects du contrôle de gestion ; celui-ci vise
essentiellement à faciliter la réalisation des objectifs de l'organisation et s'attache
pour cela à développer des indicateurs de gestion permettant de suivre les
réalisations effectuées et pas seulement les moyens utilisés.
2 Cf. en particulier, H. JOHNSON, R. KAPLAN, Relevance Lost, The Rise and Fail of Management Accounting,
Harvard Business School Press, 1987.
3 Cf. par exemple, A. HATCHUEL, J.C. MOISDON, H. MOLET, Les coûts par type de malade : les enjeux
organisationnels d'un nouvel outil de la gestion hospitalière, Colloque AFCET, 1984.
4 Pour des exemples, cf. F. ENGEL, P. GARNIER, Le contrôle de gestion en univers administratif, Politiques et
Management Public, n° 1 Hiver 93, ou D. MEURET, Le tableau de bord des collèges et des lycées : histoire d'un
ajustement, Politiques et Management Public, n° 1 Mars 86.
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Constater des coûts n'est pas suffisant, si l'on ne sait pas remonter aux facteurs qui
sont à l'origine de ces coûts ; en ce sens, effectuer un suivi d'indicateurs
physiques présente de multiples avantages : il est clair pour les responsables
opérationnels, peut être produit rapidement (il n'est pas lié à la périodicité de
production des documents comptables) ; il peut faire apparaître les causes des
coûts.
Une bonne part des gisements de productivité dans les organisations existe aux
interfaces entre les services ; une mauvaise coordination crée des dérives de coût ;
des systèmes de circulation horizontale de l'information peuvent contribuer à
réduire ces dysfonctionnements.
Exemples : - ajustement des prévisions de trésorerie entre gestionnaire de
projet et service financier,
- ajustement quantités produites ou achetées/quantités
consommées.
Dans certains cas, les tableaux de bord peuvent servir à établir des comparaisons
entre centres ayant des activités analogues. Cela implique une normalisation de la
définition des indicateurs qui peut être contradictoire avec la volonté de faire des
tableaux de bord des outils de gestion de chaque responsable de centre, lui
fournissant des indicateurs adaptés aux spécificités de son activité propre.
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Le souci d'appréhender les impacts externes des actions conduites sous forme
d'évaluation de politiques est souvent présenté comme une des caractéristiques
du management public. De telles évaluations peuvent être conduites soit a priori
dans la phase de choix des politiques1, soit en cours de programme pour en suivre
l'exécution, aider les responsables à en améliorer la gestion, soit a posteriori pour
rendre compte des résultats, remettre en cause la politique, enrichir les
connaissances sur les effets des actions menées2.
Ce dernier type d'évaluation adopte une perspective globale, met l'accent sur les
impacts d'ordre social, économique et politique des actions menées ; il s'attache à
comprendre ce qui s'est passé et ce qui se serait passé sans le programme
considéré, à découvrir les effets inattendus de la politique menée ; les objectifs
poursuivis par les différents acteurs sont plutôt des objets de recherche, que des
éléments donnés a priori.
L'analyse des coûts des alternatives envisagées en est alors une des composantes.
Cf. E. CHELIMSKY, L'évaluation de programmes aux Etats-Unis, Politiques et Management Public n° 2, Juin
1985.
Cf. P. GIBERT, M. ANDRAULT, Contrôler la gestion ou évaluer les politiques , Politiques et Management
Public, n° 2, Printemps 1984.
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Conclusion Le secteur public a ses spécificités, comme chaque secteur d'activité a les siennes
propres (exemple : la banque), et chaque organisation également (exemple :
banque universelle ou spécialisée sur certains produits). Le secteur public
présente aussi une très grande diversité qui rend illusoire de vouloir imaginer un
modèle de contrôle de gestion "clé en main" du secteur public (comme le PPBS,
par exemple) ; si chacun a à gagner de la connaissance des démarches conduites
dans d'autres organisations, il ne s'agit pas de transposer purement et simplement
d'un endroit à un autre les solutions adoptées ; s'il y a d'un côté des solutions à la
recherche de problèmes, et de l'autre des problèmes à la recherche de solution, il
est clair que le succès ne peut venir que de la rencontre d'une solution adoptée au
problème posé, de la construction sur mesure de cette solution.
La question-clé est celle du diagnostic. Celui-ci repose sur une analyse du
fonctionnement concret de l'organisation, de ses problèmes, priorités et
contraintes, de ses projets de changement, de sa volonté de clarifer et de
rationaliser tel ou tel aspect (ou l'ensemble) de sa gestion, de sa capacité à réunir
les appuis suffisants pour mener à bien un tel projet. Il repose également sur le
choix et la construction d'outils adaptés aux problèmes posés ; il n'y a pas d'outil à
tout faire ; une réflexion sur l'utilisation attendue des outils et démarches que l'on
envisage de mettre en oeuvre1 s'impose pour éviter la situation bien connue :
pléthore de données inutiles, absence d'information pertinente.
Même si l'on sait qu'une telle tâche sera difficile à réaliser complètement : des utilisateurs ou difficultés
intattenducs apparaîtront souvent.
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